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JADE/CETATEXT000045916381.xml
Vu la procédure suivante : M. A... B... et Mme D... B... née C... ont demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 17 décembre 2015 par lequel le maire de Bormes-les-Mimosas a délivré à la société à responsabilité limitée La Garriguette un permis de construire une maison individuelle et une piscine, après démolition d'un studio, l'arrêté du 2 mars 2016 le rectifiant, l'arrêté du 12 janvier 2017 par lequel ce maire a délivré un nouveau permis de construire à cette société et l'arrêté du 25 avril 2017 par lequel ce maire lui a délivré un permis de construire modificatif. Par un jugement nos 1600437, 1601331, 1700456, 1701746 du 18 décembre 2018, le tribunal administratif de Toulon a jugé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions des demandes tendant à l'annulation des arrêtés des 17 décembre 2015 et 2 mars 2016 et rejeté le surplus des conclusions des demandes. Par un arrêt n° 19MA00821 du 11 mars 2021, la cour administrative d'appel de Marseille a, sur l'appel de M. et Mme B..., partiellement annulé les permis de construire délivrés les 17 décembre 2015, 2 mars 2016, 12 janvier et 25 avril 2017, imparti un délai de trois mois à la société La Garriguette pour demander la régularisation des vices entachant ses permis, réformé le jugement dans cette mesure et rejeté le surplus des conclusions. Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés les 11 mai et 11 août 2021 et le 10 mars 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. et Mme B... demandent au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler cet arrêt en tant qu'il n'a que partiellement fait droit à leur appel ; 2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit au surplus de leur appel ; 3°) de mettre à la charge de la commune de Bormes-les-Mimosas et de la société La Garriguette la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code de l'urbanisme ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Pierre Boussaroque, conseiller d'Etat, - les conclusions de M. Arnaud Skzryerbak, rapporteur public ; La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, avocat de M. et Mme B..., à la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, avocat de la société La Garriguette et à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de la commune de Bormes-les-Mimosas ; Considérant ce qui suit : 1. Il ressort des pièces des dossiers soumis aux juges du fond que le maire de Bormes-les-Mimosas a délivré à la société La Garriguette un permis de construire portant sur la démolition d'un studio et la réalisation d'une habitation avec piscine par un arrêté du 17 décembre 2015, rectifié le 2 mars 2016, puis, pour le même projet, un nouveau permis de construire, le 12 janvier 2017, et un permis modificatif, le 25 avril 2017. Par un jugement du 18 décembre 2018, le tribunal administratif de Toulon, saisi de demandes de M. et Mme B..., voisins immédiats, tendant à l'annulation de ces permis, a jugé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions tendant à l'annulation des arrêtés des 17 décembre 2015 et 2 mars 2016 et rejeté le surplus des conclusions des demandes. Par un arrêt du 11 mars 2021, la cour administrative d'appel de Marseille a, sur l'appel de M. et Mme B..., annulé le permis de construire délivré le 12 janvier 2017 et le permis modificatif délivré le 25 avril 2017 en tant que le projet est affecté de trois vices relatifs à la toiture, à l'implantation et aux places de stationnement, annulé le permis de construire délivré le 17 décembre 2015 et rectifié le 2 mars 2016 en tant que le projet est affecté des deux premiers de ces vices, imparti un délai de trois mois à la société La Garriguette pour demander la régularisation de ces différents vices, réformé le jugement en ce qu'il avait de contraire et rejeté le surplus des conclusions de M. et Mme B.... Ceux-ci se pourvoient en cassation contre cet arrêt en tant qu'il n'a pas entièrement fait droit à leurs conclusions. Sur l'exception de non-lieu opposée par la société La Garriguette : 2. Il ressort des pièces versées à l'instruction que la société La Garriguette a adressé au maire de Bormes-les-Mimosas, le 4 février 2022, un courrier par lequel elle déclare renoncer au bénéfice du permis de construire et du permis modificatif qui lui ont été accordés par arrêtés des 12 janvier et 25 avril 2017 et en demander, selon ses termes, l'annulation. A la suite de cette demande, le maire a, postérieurement à l'introduction du pourvoi, par un arrêté du 8 février 2022, dont il n'est pas contesté qu'il est devenu définitif, retiré le permis modificatif délivré le 25 avril 2017. La société La Garriguette est par suite fondée à soutenir qu'il en résulte que les conclusions du pourvoi dirigées contre l'arrêt du 11 mars 2021 de la cour administrative d'appel ont perdu leur objet en tant que l'arrêt porte sur le permis modificatif délivré le 25 avril 2017 et qu'il n'y a, dans cette mesure, plus lieu d'y statuer. En revanche, elle n'est pas fondée à soutenir que les conclusions du pourvoi sont dépourvues d'objet en tant que l'arrêt attaqué porte sur l'arrêté du 12 janvier 2017, auquel l'arrêté du 25 avril 2017 ne s'était pas substitué et qui n'a pas été retiré. Par suite, l'exception de non-lieu soulevée par la société La Garriguette doit être, dans cette mesure, écartée. Sur l'arrêt attaqué, en tant qu'il porte sur le permis de construire délivré par l'arrêté du 12 janvier 2017 : 3. Aux termes de l'article L. 442-1 du code de l'urbanisme : " Constitue un lotissement la division en propriété ou en jouissance d'une unité foncière ou de plusieurs unités foncières contiguës ayant pour objet de créer un ou plusieurs lots destinés à être bâtis ". Et aux termes de l'article L. 442-14 du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " Le permis de construire ne peut être refusé ou assortie de prescriptions spéciales sur le fondement de dispositions d'urbanisme nouvelles intervenues dans un délai de cinq ans suivant: / 1° la date de non-opposition à cette déclaration, lorsque le lotissement a fait l'objet d'une déclaration préalable (...) ". 4. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société La Garriguette a adressé au maire de Bormes-les-Mimosas une déclaration préalable de division de la parcelle cadastrée section AD n° 133 en deux lots, en vue de construire sur l'un d'eux, l'autre supportant une villa. Par un arrêté du 28 avril 2015, le maire de cette commune ne s'est pas opposé à cette déclaration préalable. Toutefois, ainsi que l'a relevé la cour, la société La Garriguette, qui entendait conserver la propriété de l'ensemble de la parcelle dont elle avait préalablement déclaré la division et sollicitait le permis litigieux pour son propre compte, en vue de la location saisonnière de la construction projetée, n'avait, à la date du permis de construire, pas procédé à la cession dont aurait résulté la division. Dès lors, en l'absence de tout transfert de propriété ou de jouissance, elle ne pouvait se prévaloir, à l'occasion de cette demande de permis de construire, des droits attachés, en vertu de l'article L. 442-14 du code de l'urbanisme cité ci-dessus, au lotissement autorisé, dont le projet de construction ne pouvait relever. Par suite, en jugeant que la règle posée à l'article L. 442-14 s'appliquait à l'arrêté litigieux, pour en déduire que sa légalité devait être appréciée au regard des règles du plan local d'urbanisme approuvé le 28 mars 2011 et non de celles du plan approuvé le 17 décembre 2015, la cour a commis une erreur de droit. 5. Il suit de là que M. et Mme B... sont fondés, pour ce motif, à demander l'annulation de l'arrêt qu'ils attaquent, dans la mesure de leurs conclusions, en tant qu'il porte sur le permis de construire délivré le 12 janvier 2017, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi dirigés contre cette même partie de l'arrêt. Sur l'arrêt attaqué, en tant qu'il porte sur le permis de construire et sur le permis rectificatif délivrés par les arrêtés des 17 décembre 2015 et 2 mars 2016 : 6. Aux termes de l'article R. 431-5 du code de l'urbanisme : " La demande de permis de construire précise : / c) La localisation et la superficie du ou des terrains (...) ". 7. Il ressort en l'espèce des pièces des dossiers soumis aux juges du fond que la demande de permis de construire mentionnait comme terrain d'assiette du projet le seul lot A, d'une superficie de 900 m², issu de la division de la parcelle cadastrée section AD n° 133 autorisée le 28 avril 2015, et non le lot B, d'une contenance de 1 689 m², sur lequel est déjà implantée une villa. Toutefois, la circonstance que le dossier de demande de permis de construire ne comporterait pas l'ensemble des documents exigés par les dispositions du code de l'urbanisme, ou que les documents produits seraient insuffisants, imprécis ou comporteraient des inexactitudes, n'est susceptible d'entacher d'illégalité le permis de construire qui a été accordé que dans le cas où les omissions, inexactitudes ou insuffisances entachant le dossier ont été de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable. Par suite, la cour n'a pas commis d'erreur de droit en se fondant, pour écarter le moyen tiré de ce que le dossier de demande aurait dû mentionner que le terrain du projet était constitué par l'ensemble de la parcelle avant division, sur la circonstance que cette inexactitude n'avait, dans les circonstances de l'espèce, pas été de nature à fausser l'appréciation des services instructeurs quant au respect par le projet des articles UD 8, UD 9 et UD 12 du règlement du plan local d'urbanisme. 8. Il suit de là que M. et Mme B... ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'arrêt qu'ils attaquent en tant qu'il porte sur les permis de construire délivrés les 17 décembre 2015 et 2 mars 2016. Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : 9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Bormes-les-Mimosas et de la société La Garriguette une somme de 1 500 euros chacune à verser à M. et Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les dispositions de cet article font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées au même titre par la société La Garriguette et par la commune de Bormes-les-Mimosas. D E C I D E : -------------- Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions du pourvoi de M. et Mme B... tendant à l'annulation de l'arrêt du 11 mars 2021 de la cour administrative d'appel de Marseille en tant qu'il porte sur l'arrêté du 25 avril 2017 du maire de Bormes-les-Mimosas. Article 2 : L'arrêt du 11 mars 2021 de la cour administrative d'appel de Marseille est annulé en tant qu'il rejette partiellement les conclusions de M. et Mme B... dirigées contre le permis de construire délivré à la société La Garriguette par le maire de Bormes-les-Mimosas le 12 janvier 2017. Article 3 : L'affaire est renvoyée dans cette mesure à la cour administrative d'appel de Marseille. Article 4 : La commune de Bormes-les-Mimosas et la société La Garriguette verseront chacune à M. et Mme B... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 5 : Le surplus des conclusions du pourvoi de M. et Mme B... est rejeté. Article 6 : Les conclusions de la société La Garriguette et de la commune de Bormes-les-Mimosas présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 7 : La présente décision sera notifiée à M. A... B... et Mme D... B... née C..., à la commune de Bormes-les-Mimosas et à la société à responsabilité limitée La Garriguette. Délibéré à l'issue de la séance du 18 mai 2022 où siégeaient : Mme Christine Maugüé, présidente adjointe de la section du contentieux, présidant ; Mme Maud Vialettes, Mme Gaëlle Dumortier, présidentes de chambre ; Mme Carine Soulay, Mme Fabienne Lambolez, M. Yves Doutriaux, M. Jean-Luc Nevache et M. Damien Botteghi, conseillers d'Etat et M. Pierre Boussaroque, conseiller d'Etat-rapporteur. Rendu le 13 juin 2022. La présidente : Signé : Mme Christine Maugüé Le rapporteur : Signé : M. Pierre Boussaroque Le secrétaire : Signé : M. Hervé Herber
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Vu la procédure suivante : Par un jugement n° 2106975 du 1er juin 2022, enregistré le 3 juin 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le tribunal administratif de Bordeaux, avant de statuer sur la demande de Mme G... R... tendant à l'annulation de l'arrêté du 16 juillet 2021 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour et à ce qu'il soit enjoint à la préfète de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter du jugement, sous astreinte de 200 euros par jour de retard, a décidé, en application des dispositions de l'article L. 113-1 du code de justice administrative, de transmettre le dossier de cette demande au Conseil d'Etat, en soumettant à son examen les questions suivantes : 1°) La seule production d'une décision de justice relative à la contribution à l'entretien et à l'éducation de l'enfant par le parent français permet-elle invariablement de regarder comme remplie la condition posée au premier alinéa de l'article L. 423-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, quelles qu'en soient les mentions, et notamment si cette décision, par ses prescriptions, tire les conséquences du constat de la défaillance éducative ou de l'impécuniosité de ce parent français ' 2°) Convient-il, le cas échéant, pour apprécier le respect par ce parent de la condition de contribution à l'entretien et à l'éducation, de prendre en considération l'exécution effective de la décision de justice fixant les modalités de celle-ci ' Des observations, enregistrées le 19 août 2022, ont été présentées par Mme R.... Des observations, enregistrées le 26 août 2022, ont été présentées par le ministre de l'intérieur et des Outre-mer. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code civil ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code de justice administrative, notamment son article L. 113-1 ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Alexandre Trémolière, maître des requêtes en service extraordinaire, - les conclusions de M. Philippe Ranquet, rapporteur public, La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Thouin-Palat, Boucard, avocat de Mme R... ; REND L'AVIS SUIVANT : 1. Aux termes de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France et qui établit contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil, depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 ". Selon l'article L. 423-8 du même code : " Pour la délivrance de la carte de séjour prévue à l'article L. 423-7, lorsque la filiation est établie à l'égard d'un parent en application de l'article 316 du code civil, le demandeur, s'il n'est pas l'auteur de la reconnaissance de paternité ou de maternité, doit justifier que celui-ci contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant, dans les conditions prévues à l'article 371-2 du code civil, ou produire une décision de justice relative à la contribution à l'éducation et à l'entretien de l'enfant. / Lorsque le lien de filiation est établi mais que la preuve de la contribution n'est pas rapportée ou qu'aucune décision de justice n'est intervenue, le droit au séjour du demandeur s'apprécie au regard du respect de sa vie privée et familiale et au regard de l'intérêt supérieur de l'enfant ". 2. Il résulte de ces dispositions que l'étranger qui sollicite la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " au motif qu'il est parent d'un enfant français doit justifier, outre de sa contribution effective à l'entretien et à l'éducation de l'enfant, de celle de l'autre parent, de nationalité française, lorsque la filiation à l'égard de celui-ci a été établie par reconnaissance en application de l'article 316 du code civil. Le premier alinéa de l'article L. 423-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que cette condition de contribution de l'autre parent doit être regardée comme remplie dès lors qu'est rapportée la preuve de sa contribution effective ou qu'est produite une décision de justice relative à celle-ci. Dans ce dernier cas, il appartient seulement au demandeur de produire la décision de justice intervenue, quelles que soient les mentions de celle-ci, peu important notamment qu'elles constatent l'impécuniosité ou la défaillance du parent français auteur de la reconnaissance. La circonstance que cette décision de justice ne serait pas exécutée est également sans incidence. 3. Le présent avis sera notifié au tribunal administratif de Bordeaux, à Mme G... R... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Il sera publié au Journal officiel de la République française. Délibéré à l'issue de la séance du 12 octobre 2022 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Nicolas Boulouis, M. Olivier Japiot, présidents de chambre ; M. Olivier Rousselle, M. Benoît Bohnert, Mme Anne Courrèges, M. Gilles Pellissier, M. Jean-Yves Ollier, conseillers d'Etat et M. Alexandre Trémolière, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteur. Rendu le 27 octobre 2022. Le président : Signé : M. Rémy Schwartz Le rapporteur Signé : M. Alexandre Trémolière La secrétaire : Signé : Mme Eliane Evrard Pour expédition conforme, Pour la secrétaire du contentieux, par délégation :
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Vu la procédure suivante : Mme A... E... et M. C... E..., agissant en leur nom personnel et en qualité de représentants de leur fils mineur B... E..., ainsi que Mme D... F..., leur fille, ont demandé au tribunal administratif de Poitiers de condamner le centre hospitalier universitaire (CHU) de Poitiers et l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à leur verser des indemnités d'un montant total de 1 546 257,34 euros en réparation des préjudices subis à l'occasion de la prise en charge de Mme E... par cet établissement. La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Charente-Maritime et la Mutuelle générale de l'éducation nationale (MGEN) ont présenté des conclusions tendant au remboursement de leurs débours. Par un jugement n° 1502280 du 25 avril 2017, le tribunal administratif a condamné le CHU de Poitiers à verser aux requérants la somme de 65 377 euros, a mis à la charge de l'ONIAM la somme de 243 109 euros à verser à Mme E... et a rejeté la demande d'indemnisation de MM. E... et Mme F... au titre de leurs préjudices propres. Par un arrêt n° 17BX01989 du 30 juillet 2019, la cour administrative d'appel de Bordeaux a, sur appel de l'ONIAM et appels incidents et provoqués de la CPAM de la Charente-Maritime, de la MGEN et de MM. E... et Mme F..., déclarant reprendre l'instance engagée par Mme E..., décédée, porté à 118 713,26 euros la somme que le CHU de Poitiers a été condamné à versé aux consorts G..., ramené à 98 079,44 euros la somme mise à la charge de l'ONIAM à verser à Mme E... et mis à la charge de l'ONIAM la somme de 4 000 euros à verser à M. E... et la somme de 3 000 euros chacun à verser à ses deux enfants au titre de leurs préjudices propres. Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 30 septembre et 30 décembre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'ONIAM demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler cet arrêt en tant qu'il le condamne à indemniser MM. E... et Mme F... au titre de leurs préjudices propres ; 2°) de mettre à la charge de MM. E... et de Mme F... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code de la santé publique ; - la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 ; - la loi n° 2004-806 du 9 août 2004 ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Joachim Bendavid, auditeur, - les conclusions de M. Maxime Boutron, rapporteur public ; La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Sevaux, Mathonnet, avocat de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de Mme F... et de M. E... et à la SARL Le Prado - Gilbert, avocat du centre hospitalier régional universitaire de Poitiers ; Considérant ce qui suit : 1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme E... a présenté, à la suite de l'intervention chirurgicale qu'elle a subie le 11 avril 2006 au centre hospitalier universitaire (CHU) de Poitiers et des reprises chirurgicales subséquentes, des troubles mécaniques, neurologiques et psychologiques entraînant un déficit fonctionnel permanent évalué à 50 %. Mme E... et son époux, agissant en leur nom personnel et en qualité de représentants de leur fils mineur B..., ainsi que Mme F..., leur fille, ont demandé au tribunal administratif de Poitiers de condamner le CHU de Poitiers et l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à les indemniser des préjudices subis par eux à l'occasion de la prise en charge de Mme E... par cet établissement. Par un jugement du 25 avril 2017, le tribunal administratif, estimant que les séquelles de Mme E... devaient être regardées comme résultant d'un accident médical non fautif ouvrant droit à prise en charge au titre de la solidarité nationale mais que le manquement du centre hospitalier à son obligation d'information avait fait perdre à Mme E... une chance de 20 % d'échapper à cet accident a, d'une part, condamné le CHU de Poitiers à verser aux requérants des indemnités d'un montant total de 65 377 euros et, d'autre part, mis à la charge de l'ONIAM, au titre des dispositions du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, le versement à Mme E... d'indemnités d'un montant de 243 109 euros. Il a, par ailleurs, rejeté la demande d'indemnisation des préjudices propres de MM. E... et Mme F.... Par un arrêt du 30 juillet 2019, la cour administrative d'appel de Bordeaux a, sur appel de l'ONIAM et appels incidents et provoqués de MM. E... et Mme F..., déclarant reprendre l'instance engagée par Mme E..., laquelle est décédée le 4 juin 2019, retenu que le manquement du centre hospitalier à son obligation d'information était à l'origine pour Mme E... d'une perte de chance de 50 % de se soustraire au risque qui s'est réalisé et par conséquent porté à 118 713,26 euros le montant total des indemnités que le CHU de Poitiers a été condamné à verser à Mme E... et à ses ayants droit et ramené à 98 079,44 euros la somme mise à la charge de l'ONIAM à verser à Mme E.... Elle a par ailleurs mis à la charge de l'ONIAM la somme de 4 000 euros à verser M. E... et la somme de 3 000 euros chacun à verser à ses deux enfants au titre de leurs préjudices propres. L'ONIAM se pourvoit en cassation contre cet arrêt en tant qu'il met à sa charge l'indemnisation des ayants droits de Mme E... au titre de leurs préjudices propres. 2. Aux termes du premier alinéa du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, issu de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, dans sa rédaction résultant de la loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique, applicable au litige porté devant les juges du fond : " Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'incapacité permanente ou de la durée de l'incapacité temporaire de travail ". 3. En prévoyant, depuis la loi du 9 août 2004, l'indemnisation au titre de la solidarité nationale des ayants droit d'une personne décédée en raison d'un accident médical, d'une affection iatrogène ou d'une infection nosocomiale, les dispositions précitées ouvrent un droit à réparation aux proches de la victime, qu'ils aient ou non la qualité d'héritiers, qui entretenaient avec elle des liens étroits, dès lors qu'ils subissent du fait de son décès un préjudice direct et certain. Par ailleurs, lorsque la victime a subi avant son décès, en raison de l'accident médical, de l'affection iatrogène ou de l'infection nosocomiale, des préjudices pour lesquels elle n'a pas bénéficié d'une indemnisation, les droits qu'elle tirait des dispositions précitées sont transmis à ses héritiers en application des règles du droit successoral résultant du code civil. 4. En premier lieu, il ressort des termes de l'arrêt attaqué que, pour juger que les dispositions du premier alinéa du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique ouvraient à MM. E... et Mme F..., ayants droit de Mme E..., un droit à réparation de leurs préjudices propres au titre de la solidarité nationale, la cour s'est fondée sur la seule circonstance que Mme E..., victime d'un accident médical ouvrant droit pour elle-même à réparation au titre de la solidarité nationale, était, à la date de son arrêt, décédée. En statuant ainsi, sans rechercher si Mme E... était décédée en raison de l'accident médical dont elle a été victime, alors au surplus que ce point était contesté devant elle par l'ONIAM, la cour a commis une erreur de droit. 5. En second lieu, en mettant à la charge de l'ONIAM la réparation, au titre de la solidarité nationale, non seulement du préjudice d'affection mais également du préjudice sexuel subi par M. E..., avant le décès de son épouse, du fait de l'accident médical dont celle-ci a été victime, alors qu'il résulte de ce qui a été dit au point 3 que les dispositions du premier alinéa du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique n'ouvraient droit à réparation, à ce titre, que des seuls préjudices résultant du décès de Mme E..., à l'exclusion des préjudices nés antérieurement, la cour a commis une erreur de droit. 6. Il résulte de tout ce qui précède que l'ONIAM est fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque en tant qu'il met à sa charge l'indemnisation des ayants droit de Mme E... au titre de leurs préjudices propres. 7. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de MM. E... et Mme F... la somme que demande l'ONIAM au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces mêmes dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'ONIAM, qui n'est pas la partie perdante dans la présence instance, la somme demandée en défense au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative. D E C I D E : -------------- Article 1er : L'article 7 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 30 juillet 2019 est annulé. Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans cette mesure, à la cour administrative d'appel de Bordeaux. Article 3 : Les conclusions présentées par l'ONIAM au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 4 : Les conclusions présentées au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 5 : La présente décision sera notifiée à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, à Mme D... F..., à M. B... E..., à M. C... E..., au centre hospitalier universitaire de Poitiers, à la caisse primaire d'assurance maladie de la Charente-Maritime et à la Mutuelle générale de l'éducation nationale. Délibéré à l'issue de la séance du 7 octobre 2022 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Isabelle de Silva, présidente de chambre ; M. Jean-Philippe Mochon, président de chambre ; Mme Sophie-Caroline de Margerie, M. Olivier Rousselle, Mme Suzanne von Coester, Mme Fabienne Lambolez, M. Cyril Roger-Lacan, conseillers d'Etat et M. Joachim Bendavid, auditeur-rapporteur. Rendu le 28 octobre 2022. Le président : Signé : M. Jacques-Henri Stahl Le rapporteur : Signé : M. Joachim Bendavid La secrétaire : Signé : Mme Anne-Lise Calvaire [RJ1] Cf. CE, Section, 3 juin 2019, Mme Fougère-Derouet et M. Miez, n° 414098, p. 196....[RJ2] Rappr., lorsque la victime n'est pas décédée, CE, 30 mars 2011, Office national d'indemnisation des accidents médicaux c/ M. et Mme Hautreux, n° 327669, p. 148.
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Vu la procédure suivante : La commune d'Auvers-sur-Oise a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 19 décembre 2017 par lequel le préfet du Val-d'Oise a prononcé sa carence en application de l'article L. 302-9-1 du code de la construction et de l'habitation et fixé à 300 % le taux de majoration du prélèvement prévu par l'article L. 302-7 du même code à compter du 1er janvier 2018 pour une durée de trois ans. Par un jugement n° 1801810 du 7 janvier 2020, le tribunal administratif a rejeté sa demande. Par un arrêt n° 20VE00288 du 8 avril 2021, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé par la commune d'Auvers-sur-Oise contre ce jugement. Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 8 juin et 8 septembre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune d'Auvers-sur-Oise demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler cet arrêt ; 2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code de la construction et de l'habitation ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Joachim Bendavid, auditeur, - les conclusions de M. Maxime Boutron, rapporteur public ; La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la commune d'Auvers-sur-Oise ; Considérant ce qui suit : 1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, la commune d'Auvers-sur-Oise n'ayant que partiellement rempli ses objectifs de réalisation de logements locatifs sociaux pour la période triennale 2014-2016, le préfet du Val-d'Oise a, par un arrêté du 19 décembre 2017, prononcé sa carence et fixé à 300 % le taux de majoration du prélèvement prévu par l'article L. 302-7 du code de la construction et de l'habitation à compter du 1er janvier 2018 pour une durée de trois ans. La commune d'Auvers-sur-Oise se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 8 avril 2001 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel qu'elle a formé contre le jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 7 janvier 2020 qui avait rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Sur les règles applicables : 2. Aux termes de l'article L. 302-5 du code de la construction et de l'habitation : " Les dispositions de la présente section s'appliquent aux communes dont la population est au moins égale à 1 500 habitants en Ile-de-France (...) qui sont comprises, au sens du recensement de la population, dans une agglomération ou un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre de plus de 50 000 habitants comprenant au moins une commune de plus de 15 000 habitants, et dans lesquelles le nombre total de logements locatifs sociaux représente, au 1er janvier de l'année précédente, moins de 25 % des résidences principales ". Aux termes de l'article L. 302-7 du même code : " A compter du 1er janvier 2002, il est effectué chaque année un prélèvement sur les ressources fiscales des communes visées à l'article L. 302-5 (...) ". Dans sa rédaction applicable à la période triennale 2014-2016 en litige, le I de l'article L. 302-8 du même code prévoit que, pour atteindre, dans les communes d'Ile-de-France de plus de 1 500 habitants, un nombre de logements locatifs sociaux au moins égal à 25 % du nombre de résidences principales, au plus tard à la fin de l'année 2025, " le conseil municipal définit un objectif de réalisation de logements locatifs sociaux par période triennale " et le II du même article indique que " l'objectif de réalisation de logements locatifs sociaux défini au I précise la typologie des logements à financer (...) ". Enfin, aux termes de l'article L. 302-9-1 du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " Lorsque, dans les communes soumises au prélèvement défini à l'article L. 302-7, au terme de la période triennale échue, les engagements figurant dans le programme local de l'habitat n'ont pas été tenus ou, à défaut de programme local de l'habitat, le nombre de logements locatifs sociaux à réaliser en application du dernier alinéa de l'article L. 302-8 n'a pas été atteint, le préfet informe le maire de la commune de son intention d'engager la procédure de constat de carence. Il lui précise les faits qui motivent l'engagement de la procédure et l'invite à présenter ses observations dans un délai au plus de deux mois./ En tenant compte de l'importance de l'écart entre les objectifs et les réalisations constatées au cours de la période triennale échue, du respect de l'obligation, visée à l'avant-dernier alinéa de l'article L. 302-8, de mettre en chantier, pour chaque période triennale, au moins 30 % de logements locatifs sociaux rapportés au nombre total de logements commencés, du respect de la typologie prévue au II du même article L. 302-8, des difficultés rencontrées le cas échéant par la commune et des projets de logements sociaux en cours de réalisation, le préfet peut, par un arrêté motivé pris après avis du comité régional de l'habitat, prononcer la carence de la commune. Par le même arrêté et en fonction des mêmes critères, il fixe, pour une durée maximale de trois ans à compter du 1er janvier de l'année suivant sa signature, la majoration du prélèvement défini à l'article L. 302-7 et après avis de la commission mentionnée au I de l'article L. 302-9-1-1. Le prélèvement majoré ne peut être supérieur à cinq fois le prélèvement mentionné à l'article L. 302-7. Le prélèvement majoré ne peut excéder 5 % du montant des dépenses réelles de fonctionnement de la commune figurant dans le compte administratif établi au titre du pénultième exercice. (...) / L'arrêté du représentant de l'Etat dans le département peut faire l'objet d'un recours de pleine juridiction. (...) ". 3. Il résulte de ces dispositions que, lorsqu'une commune n'a pas respecté son objectif triennal de réalisation de logements sociaux, il appartient au préfet, après avoir recueilli ses observations et les avis prévus au I de l'article L. 302-9-1 du code de la construction et de l'habitation, d'apprécier si, compte tenu de l'écart existant entre les objectifs et les réalisations constatées au cours de la période triennale, des difficultés rencontrées le cas échéant par la commune et des projets de logements sociaux en cours de réalisation, il y a lieu de prononcer la carence de la commune, et, dans l'affirmative, s'il y a lieu de lui infliger une majoration du prélèvement annuel prévu à l'article L. 302-7 du même code, en en fixant alors le montant dans la limite des plafonds fixés par l'article L. 302-9-1. 4. Lorsqu'une commune demande l'annulation d'un arrêté préfectoral prononçant sa carence et lui infligeant un prélèvement majoré en application de l'article L. 302-9-1 du code de la construction et de l'habitation, il appartient au juge de plein contentieux, saisi de moyens en ce sens, de déterminer si le prononcé de la carence procède d'une erreur d'appréciation des circonstances de l'espèce et, dans la négative, d'apprécier si, compte tenu des circonstances de l'espèce, la sanction retenue est proportionnée à la gravité de la carence et d'en réformer, le cas échéant, le montant. Sur le pourvoi : 5. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la commune d'Auvers-sur-Oise a notamment soutenu devant la cour administrative d'appel de Versailles qu'en fixant à 300 % le taux de majoration de son prélèvement annuel, le préfet du Val-d'Oise lui avait infligé une sanction disproportionnée. Il appartenait dès lors à la cour, ainsi qu'il est dit au point 4, après avoir admis que le prononcé de la carence de la commune ne procédait pas d'une erreur d'appréciation, d'apprécier si la sanction infligée ne revêtait pas un caractère disproportionné. En s'abstenant de se prononcer sur ce point alors qu'elle était saisie d'un moyen en ce sens, la cour a méconnu son office. Par suite, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, la commune d'Auvers-sur-Oise est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque. 6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la commune d'Auvers-sur-Oise, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. D E C I D E : -------------- Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles du 8 avril 2021 est annulé. Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Versailles. Article 3 : L'Etat versera à la commune d'Auvers-sur-Oise une somme de 3 000 euros, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : La présente décision sera notifiée à la commune d'Auvers-sur-Oise et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Délibéré à l'issue de la séance du 7 octobre 2022 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Isabelle de Silva, présidente de chambre ; M. Jean-Philippe Mochon, président de chambre ; Mme Sophie-Caroline de Margerie, M. Olivier Rousselle, Mme Suzanne Von Coester, Mme Fabienne Lambolez, M. Cyril Roger-Lacan, conseillers d'Etat et M. Joachim Bendavid, auditeur-rapporteur. Rendu le 28 octobre 2022. Le président : Signé : M. Jacques-Henri Stahl Le rapporteur : Signé : M. Joachim Bendavid La secrétaire : Signé : Mme Anne-Lise Calvaire
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Vu la procédure suivante : Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 17 février et 5 octobre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... A... demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir : 1°) la délibération de l'assemblée des chaires du Conservatoire national des arts et métiers (CNAM) en date du 8 décembre 2021, proposant de ne retenir aucun candidat en vue de pourvoir la chaire " éducation artistique et culturelle " ; 2°) la décision du conseil d'administration du CNAM de ne pas rendre d'avis à la suite de la délibération de l'assemblée des chaires ; 3°) la " décision " de l'administrateur général du CNAM, en date du 17 décembre 2021, interrompant le processus de recrutement relatif à la chaire " éducation artistique et culturelle ". Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code de l'éducation ; - le décret n° 2019-1122 du 31 octobre 2019 ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Jérôme Marchand-Arvier, conseiller d'Etat, - les conclusions de M. Frédéric Dieu, rapporteur public ; La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, avocat du Conservatoire national des arts et métiers ; Vu la note en délibéré, enregistrée le 11 octobre 2022, présentée par M. A... ; Considérant ce qui suit : 1. Il ressort des pièces du dossier que M. B... A..., professeur des universités au Conservatoire national des arts et métiers (CNAM), a présenté sa candidature sur un poste de professeur des universités destiné à pourvoir la chaire " éducation artistique et culturelle " du CNAM, le titulaire de cette chaire ayant également vocation à diriger l'Institut national supérieur de l'éducation artistique et culturelle. Le 24 novembre 2021, le comité de sélection a émis un avis favorable à sa candidature, qui était l'unique candidature reçue par le CNAM. par une délibération du 8 décembre 2021, l'assemblée des chaires a décidé de ne pas retenir sa candidature. par courrier du 17 décembre 2021, le directeur général des services du CNAM a informé M. A... que, compte tenu de la délibération de l'assemblée des chaires, le processus de recrutement relatif à la chaire " éducation artistique et culturelle " était interrompu. M. A... demande l'annulation pour excès de pouvoir de la délibération de l'assemblée des chaires, de la " décision " de l'administrateur général du CNAM et de la décision du conseil d'administration du CNAM de ne pas rendre d'avis suite à la délibération de l'assemblée des chaires. Sur le cadre juridique : 2. Aux termes de l'article 9 du décret du 31 octobre 2019 portant statut particulier du corps des professeurs du Conservatoire national des arts et métiers : " Le comité de sélection examine les dossiers des candidats au recrutement par voie de concours, d'intégration directe ou de détachement (...) / Après avoir procédé aux auditions, le comité de sélection délibère sur les candidatures et arrête la liste, classée par ordre de préférence, de ceux qu'il retient (...). / L'avis du comité de sélection est transmis à l'assemblée des chaires du Conservatoire national des arts et métiers. / Au vu de l'avis motivé émis par le comité de sélection, l'assemblée des chaires du Conservatoire national des arts et métiers, siégeant en formation restreinte aux professeurs du Conservatoire national des arts et métiers, aux professeurs des universités et personnels assimilés et aux personnalités extérieures, propose le nom du candidat sélectionné ou, le cas échéant, une liste de candidats classés par ordre de préférence. Elle ne peut proposer que les candidats retenus par le comité de sélection. En aucun cas, elle ne peut modifier l'ordre de la liste de classement. Elle peut écarter tout ou partie des candidats classés par le comité de sélection par un avis défavorable motivé. / Le conseil d'administration, siégeant dans la formation mentionnée à l'article 8, prend connaissance du nom du candidat sélectionné ou, le cas échéant, de la liste de candidats proposée par l'assemblée des chaires. / Sauf dans le cas où le conseil d'administration émet un avis défavorable motivé, l'administrateur général du conservatoire communique au ministre chargé de l'enseignement supérieur le nom du candidat sélectionné ou, le cas échéant, une liste de candidats classés par ordre de préférence. En aucun cas, il ne peut modifier l'ordre de la liste de classement ". 3. Il résulte de ces dispositions qu'il incombe à l'assemblée des chaires, siégeant dans une formation restreinte aux professeurs du Conservatoire national des arts et métiers, aux professeurs des universités et personnels assimilés et aux personnalités extérieures, au vu de la délibération du comité de sélection, de prendre une délibération propre par laquelle elle apprécie l'adéquation des candidatures au profil du poste et à la stratégie de l'établissement, sous le contrôle du juge et sans remettre en cause l'appréciation des mérites scientifiques des candidats retenus par le comité de sélection, lequel a la qualité de jury. Sur les conclusions dirigées contre la délibération de l'assemblée des chaires du 8 décembre 2021 : 4. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que l'assemblée des chaires s'est prononcée sur la candidature de M. A... et non, contrairement à ce qu'affirme le requérant, sur la pertinence de l'existence de la chaire " éducation artistique et culturelle " qui n'est pas remise en cause. Ainsi, le moyen tiré de ce que l'assemblée des chaires aurait à ce titre méconnu les dispositions de l'article 9 du décret du 31 octobre 2019 ne peut qu'être écarté. 5. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'assemblée des chaires aurait entaché sa délibération d'erreur d'appréciation en estimant, sans remettre en cause l'appréciation des mérites scientifiques de M. A... par le comité de sélection, que sa candidature n'était pas en adéquation avec la stratégie du CNAM dans la mesure où, d'une part, ses compétences dans le domaine culturel étaient déjà présentes au sein de l'équipe pédagogique nationale concernée, deux professeurs venant d'être recrutés sur de nouvelles chaires dans le domaine culturel, et sa nomination serait par suite de nature à créer des difficultés de coordination au sein de l'établissement sur les thématiques culturelles et où, d'autre part, M. A..., bien que chargé de fonctions rectorales, était déjà professeur au CNAM, de sorte qu'en l'espèce, sa candidature n'était pas susceptible d'apporter à l'établissement les compétences supplémentaires qu'il recherche. par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que l'assemblée des chaires, dont la délibération est suffisamment motivée, aurait fait une inexacte application des dispositions de l'article 9 du décret du 31 octobre 2019 en écartant pour ce motif sa candidature. Sur les autres conclusions : 6. En troisième lieu, à la suite de la délibération du 8 décembre 2021 par laquelle l'assemblée des chaires a décidé de ne pas retenir la candidature de M. A..., et ainsi interrompu le processus de recrutement du professeur titulaire de la chaire " éducation artistique et culturelle ", le conseil d'administration, auquel aucun nom de candidat n'avait dès lors été transmis, n'a pris aucune décision. par suite, le CNAM est fondé à soutenir que les conclusions de M. A... tendant à l'annulation d'une décision du conseil d'administration qui n'existe pas sont irrecevables. 7. En quatrième lieu, le courrier du directeur général des services du CNAM du 17 décembre 2021, qui a pour seul objet d'informer M. A... de l'interruption de la procédure de recrutement, ne constitue pas une décision susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir. par suite, les conclusions de M. A... tendant à son annulation sont également irrecevables. 8. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de M. A... doit être rejetée. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A... la somme que demande le CNAM au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. D E C I D E : -------------- Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Les conclusions présentées par le Conservatoire national des arts et métiers au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. B... A... et au Conservatoire national des arts et métiers. Copie en sera adressée à la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche. [RJ1] Comp., s’agissant des textes applicables antérieurement au décret n° 2019-1122 du 31 octobre 2019, CE, Section, 10 octobre 2012, Rousseaux, n° 347312, p. 349.
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Vu la procédure suivante : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 18 février 2019 de la directrice de la caisse d'allocations familiales d'Ille-et-Vilaine refusant de lui accorder l'aide personnalisée au logement pour l'année 2018. Par un jugement n° 1901205 du 11 février 2020, le tribunal administratif a annulé cette décision et enjoint à la directrice de la caisse de procéder au réexamen de la demande de M. A... dans le délai d'un mois. Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 16 avril et 16 juillet 2020 et le 12 avril 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la caisse d'allocations familiales d'Ille-et-Vilaine demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) de mettre à la charge de M. A... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code de la construction et de l'habitation ; - le code général des impôts ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le décret n° 67-290 du 28 mars 1967 ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de Mme Ségolène Cavaliere, maître des requêtes en service extraordinaire, - les conclusions de M. Maxime Boutron, rapporteur public ; La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Fabiani, Luc-Thaler, Pinatel, avocat de la caisse d'allocations familiales d'Ille-et-Vilaine et à la SCP Zribi et Texier, avocat de M. A... ; Considérant ce qui suit : 1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une décision du 18 février 2019, la directrice de la caisse d'allocations familiales (CAF) d'Ille-et-Vilaine a refusé d'accorder l'aide personnalisée au logement au titre de l'année 2018 à M. A... au motif que ses ressources de l'année 2016 dépassaient le plafond d'octroi de l'allocation. Dans l'appréciation des ressources de l'intéressé, l'administration a tenu compte de l'indemnité de résidence à l'étranger qu'il a perçue en sa qualité d'agent du ministère de la défense alors en service à Djibouti, en application des dispositions du décret du 28 mars 1967 fixant les modalités de calcul des émoluments des personnels de l'Etat en service à l'étranger. Par un jugement du 11 février 2020, le tribunal administratif de Rennes a annulé cette décision et enjoint à la caisse d'allocations familiales de réexaminer la demande de M. A... dans le délai d'un mois. La directrice de la caisse d'allocations familiales d'Ille-et-Vilaine, ayant qualité pour présenter un pourvoi devant le Conseil d'Etat au nom de l'Etat en vertu de l'article R. 825-4 du code de la construction et de l'habitation, se pourvoit en cassation contre ce jugement. 2. En premier lieu, la minute du jugement attaqué comporte la signature de la magistrate statuant seule qui l'a rendu et de la greffière d'audience. Par suite, le moyen tiré de ce que ce jugement méconnaîtrait les dispositions de l'article R. 741-8 du code de justice administrative manque en fait. 3. En second lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 351-3 du code de la construction et de l'habitation, dans sa rédaction applicable au litige, dont les dispositions sont aujourd'hui reprises à l'article L. 823-1 du même code : " Le montant de l'aide personnalisée au logement est calculé en fonction d'un barème défini par voie réglementaire. Ce barème est établi en prenant en considération : 1. La situation de famille du demandeur de l'aide occupant le logement et le nombre de personnes à charge vivant habituellement au foyer ; / 2. Les ressources et la valeur en capital du patrimoine du demandeur, lorsque cette valeur est supérieure à 30 000 €, et, s'il y a lieu, de son conjoint et des personnes vivant habituellement à son foyer (...) ". Aux termes de l'article R. 351-5 du même code, dans sa rédaction applicable au litige, dont les dispositions sont aujourd'hui reprises aux articles R. 822-2 et R. 822-4 du même code : " I.- Les ressources prises en considération pour le calcul de l'aide personnalisée sont celles perçues par le bénéficiaire, son conjoint et les personnes vivant habituellement au foyer (...) Sont retenues les ressources perçues pendant l'année civile de référence. L'année civile de référence est l'avant-dernière année précédant la période de paiement prévue à l'article R. 351-4. (...) / II.- Les ressources prises en considération s'entendent du total des revenus nets catégoriels retenus pour l'établissement de l'impôt sur le revenu d'après le barème, des revenus taxés à un taux proportionnel ou soumis à un prélèvement libératoire de l'impôt sur le revenu, ainsi que des revenus perçus hors de France ou versés par une organisation internationale (...) ". 4. D'autre part, aux termes de l'article 4 B du code général des impôts : " (...) 2. Sont également considérés comme ayant leur domicile fiscal en France les agents de l'Etat qui exercent leurs fonctions ou sont chargés de mission dans un pays étranger et qui ne sont pas soumis dans ce pays à un impôt personnel sur l'ensemble de leurs revenus ". Aux termes de l'article 81 A du même code : " I. - Les personnes domiciliées en France au sens de l'article 4 B qui exercent une activité salariée et sont envoyées par un employeur dans un Etat autre que la France et que celui du lieu d'établissement de cet employeur peuvent bénéficier d'une exonération d'impôt sur le revenu à raison des salaires perçus en rémunération de l'activité exercée dans l'Etat où elles sont envoyées. (...) II. Lorsque les personnes mentionnées au premier alinéa du I ne remplissent pas les conditions définies aux 1° et 2° du même I, les suppléments de rémunération qui leur sont éventuellement versés au titre de leur séjour dans un autre Etat sont exonérés d'impôt sur le revenu en France s'ils réunissent les conditions suivantes : 1° Etre versés en contrepartie de séjours effectués dans l'intérêt direct et exclusif de l'employeur; / 2° Etre justifiés par un déplacement nécessitant une résidence d'une durée effective d'au moins vingt-quatre heures dans un autre Etat ;/ 3° Etre déterminés dans leur montant préalablement aux séjours dans un autre Etat et en rapport, d'une part, avec le nombre, la durée et le lieu de ces séjours et, d'autre part, avec la rémunération versée aux salariés compte non tenu des suppléments mentionnés au premier alinéa. Le montant des suppléments de rémunération ne peut pas excéder 40 % de celui de la rémunération précédemment définie ". 5. Il résulte des dispositions citées au point 4 que l'indemnité de résidence attribuée à un agent public servant à l'étranger en vertu du décret du 28 mars 1967 est exonérée d'impôt sur le revenu. Il s'ensuit que cette indemnité n'est pas incluse dans le total des revenus nets catégoriels retenus pour l'établissement de l'impôt sur le revenu, au sens du II de l'article R. 351-5 du code de la construction et de l'habitation, cité au point 3. Cette indemnité ne pouvant, en outre, être qualifiée de revenu perçu hors de France lorsque l'agent est imposé sur le revenu en France, elle ne peut alors être regardée comme étant au nombre des ressources devant être prises en considération pour le calcul de l'aide personnalisée au logement en application de cet article R. 351-5. 6. Le tribunal administratif de Rennes a, au terme de son appréciation souveraine de la situation de fait de l'espèce, retenu que M. A... avait conservé son domicile fiscal en France et qu'il avait été imposé en France durant sa période de service à Djibouti, notamment au titre de l'année 2016 qui est l'année de référence pour la détermination des ressources prises en considération par la décision en litige. Il résulte de ce qui a été dit au point 5 que c'est sans erreur de droit que le tribunal administratif a jugé que l'indemnité de résidence à l'étranger perçue par M. A..., n'ayant pas le caractère d'un revenu net catégoriel retenu pour l'établissement de l'impôt sur le revenu et ne pouvant être regardée comme un revenu perçu hors de France au sens des dispositions de l'article R. 351-5 du code de la construction et de l'habitation, ne devait pas être prise en considération pour le calcul de l'aide personnalisée au logement et s'est fondé sur ce motif pour annuler la décision du 18 février 2019. 7. Il résulte de ce qui précède que la directrice de la CAF d'Ille-et-Vilaine n'est pas fondée à demander l'annulation du jugement qu'elle attaque. 8. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, représenté par la directrice de la CAF d'Ille-et-Vilaine, la somme de 3 000 euros à verser à la SCP Zribi et Texier, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat. Ces mêmes dispositions font en revanche obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de M. A..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. D E C I D E : -------------- Article 1er : Le pourvoi de la directrice de la caisse d'allocations familiales d'Ille-et-Vilaine est rejeté. Article 2 : L'Etat versera à la SCP Zribi et Texier, avocat de M. A..., la somme de 3 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat. Article 3: La présente décision sera notifiée à la directrice de la caisse d'allocations familiales d'Ille-et Vilaine et à M. B... A.... Copie en sera adressée au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Délibéré à l'issue de la séance du 7 octobre 2022 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Isabelle de Silva, présidente de chambre, M. Jean-Philippe Mochon, président de chambre ; Mme Sophie-Caroline de Margerie, M. Olivier Rousselle, Mme Suzanne von Coester, Mme Fabienne Lambolez, M. Cyril Roger-Lacan, conseillers d'Etat et Mme Ségolène Cavaliere, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteure. Rendu le 28 octobre 2022. Le président : Signé : M. Jacques-Henri Stahl La rapporteure : Signé : Mme Ségolène Cavaliere La secrétaire : Signé : Mme Anne-Lise Calvaire
JADE/CETATEXT000046503026.xml
Vu la procédure suivante : La société Sanef a demandé au tribunal administratif d'Amiens de condamner l'Etat à lui verser la somme de 435 757,45 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait d'un attroupement survenu les 28 et 29 août 2015 sur l'autoroute A1. Par un jugement n° 1700112 du 14 mai 2019, le tribunal administratif a rejeté sa demande. Par un arrêt n° 19DA01790 du 9 février 2021, la cour administrative d'appel de Douai a, sur appel de la société Sanef, annulé le jugement et condamné l'Etat à verser à la société Sanef la somme de 435 757,45 euros. Par un pourvoi enregistré le 13 avril 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'intérieur demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler cet arrêt ; 2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de la société Sanef. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code pénal ; - le code de la sécurité intérieure ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Joachim Bendavid, auditeur, - les conclusions de M. Maxime Boutron, rapporteur public ; La parole ayant été donnée, après les conclusions, à Me Carbonnier, avocat de société Sanef ; Vu la note en délibéré, enregistrée le 10 octobre 2022, présentée par la société Sanef ; Considérant ce qui suit : 1. Aux termes de l'article L. 211-10 du code de la sécurité intérieure : " L'Etat est civilement responsable des dégâts et dommages résultant des crimes et délits commis, à force ouverte ou par violence, par des attroupements ou rassemblements armés ou non armés, soit contre les personnes, soit contre les biens ". 2. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Sanef, concessionnaire de l'autoroute A1, a demandé à l'Etat, sur le fondement de ces dispositions de l'article L. 211-10 du code de la sécurité intérieure, la réparation des dommages qu'elle a subis du fait d'une interruption de la circulation sur cette autoroute dans la nuit du 28 au 29 août 2015, provoquée par une barricade de pneus enflammés et autres objets volés mise en place par des personnes qui cherchaient à obtenir l'extraction temporaire de détention pénitentiaire d'un de leurs proches afin qu'il puisse assister à une cérémonie d'obsèques. 3. Toutefois, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que les dégradations et dommages subis par la société Sanef à cette occasion, du fait du barrage établi sur l'autoroute, s'inscrivent dans un ensemble d'actions délictuelles, concertées et préméditées, notamment des dégradations, vols de matériels et de véhicules commis en ville, en dehors de l'autoroute, et sur l'autoroute, et la menace d'autres actions violentes. En jugeant, pour retenir l'engagement de la responsabilité de l'Etat sur le fondement de l'article L. 211-10 du code de la sécurité intérieure, que les actes délictuels commis sur l'autoroute devaient être regardés comme étant le fait d'un attroupement ou rassemblement au sens des dispositions de cet article, alors qu'ils ne procédaient pas d'une action spontanée dans le cadre ou le prolongement d'un attroupement ou rassemblement mais d'une action préméditée, organisée par un groupe structuré à seule fin de les commettre, la cour administrative d'appel a inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis. 4. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'intérieur est fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque. 5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative. 6. Il résulte de l'instruction que l'interruption de la circulation sur l'autoroute A1 dans la nuit du 28 au 29 août 2015 ayant conduit aux dommages dont la société Sanef demande réparation à l'Etat, doit être regardée, dans les conditions dans lesquelles elle s'est produite, comme procédant d'une action préméditée, organisée par un groupe de personnes à seule fin de commettre un délit et non d'un attroupement ou d'un rassemblement au sens de l'article L. 211-10 du code de la sécurité intérieure. 7. Par suite, la société Sanef n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 14 mai 2019 qu'elle attaque, le tribunal administratif a rejeté sa demande d'indemnisation. 8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à ce titre à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande à ce titre la société Sanef. D E C I D E : -------------- Article 1er : L'arrêt du 9 février 2021 de la cour administrative d'appel de Douai est annulé. Article 2 : La requête présentée par la société Sanef devant la cour administrative d'appel de Douai est rejetée. Article 3 : Les conclusions présentées par la société Sanef sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à la société Sanef. Délibéré à l'issue de la séance du 7 octobre 2022 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Isabelle de Silva, présidente de chambre ; M. Jean-Philippe Mochon, président de chambre ; Mme Sophie-Caroline de Margerie, M. Olivier Rousselle, Mme Suzanne von Coester, Mme Fabienne Lambolez, M. Cyril Roger-Lacan, conseillers d'Etat et M. Joachim Bendavid, auditeur-rapporteur. Rendu le 28 octobre 2022. Le président : Signé : M. Jacques-Henri Stahl Le rapporteur : Signé : M. Joachim Bendavid Le secrétaire : Signé : Mme Anne-Lise Calvaire [RJ1] Rappr., s’agissant de la distinction entre action spontanée et action préméditée et organisée, CE, 11 juillet 2011, Société mutuelle d’assurances des collectivités locales, n° 331669, T. p. 1142.
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Vu la procédure suivante : La société Icare a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Versailles, statuant sur le fondement de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, d'une part, d'annuler la décision du 24 mars 2022 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa candidature à l'attribution du marché relatif à l'acquisition d'heures de vol, sans équipage, sur hélicoptère civil H225, au profit des équipages de l'armée de l'air et de l'espace, et, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint à la ministre de reprendre la procédure au stade de l'examen des candidatures en la réintégrant. Par une ordonnance n° 2203342 du 17 mai 2022, le juge des référés du tribunal administratif de Versailles a enjoint à la ministre des armées de reprendre la procédure de passation litigieuse, si elle entendait la poursuivre, au stade de l'examen des candidatures. Par un pourvoi, enregistré le 30 mai 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre des armées demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler cette ordonnance ; 2°) statuant en référé, de rejeter la demande de la société Icare ; 3°) de mettre à la charge de la société Icare la somme de 2 400 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code de la commande publique ; - le code pénal ; - le code de procédure pénale ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Alexis Goin, auditeur, - les conclusions de M. A... B... de Vendeuil, rapporteur public ; La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la société Icare ; Considérant ce qui suit : 1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que, par un avis d'appel public à la concurrence publié le 25 janvier 2022, la ministre des armées (plate-forme affrètement et transport, base aérienne de Villacoublay) a lancé une consultation pour la passation d'un accord-cadre de défense et de sécurité ayant pour objet l'acquisition d'heures de vol, sans équipage, sur hélicoptère civil H225, au profit des équipages de l'armée de l'air et de l'espace, d'une durée de deux ans reconductible trois fois pour une durée de douze mois. Par un courrier du 24 mars 2022, la ministre des armées a notifié à la société Icare le rejet de sa candidature au motif qu'une peine d'exclusion des marchés publics avait été prononcée à son encontre par un jugement du tribunal correctionnel de Paris du 29 juin 2021. Saisi par la société Icare, le juge des référés du tribunal administratif de Versailles, par l'ordonnance attaquée du 17 mai 2022, a enjoint à la ministre, si elle entendait poursuivre la passation du marché en litige, de reprendre la procédure au stade de l'examen des candidatures. 2. En premier lieu, il ressort des termes du point 8 de l'ordonnance attaquée que, si son auteur a commencé par apprécier le bien-fondé du motif de l'exclusion de la société Icare par le pouvoir adjudicateur au regard des dispositions de l'article L. 2341-1 du code de la commande publique, qui prévoient une exclusion automatique, par l'effet de la loi, en cas de condamnation définitive à certaines infractions, alors que cette exclusion était fondée sur celles du 3° de l'article L. 2141-4 du même code, qui concernent le cas où l'exclusion des marchés publics est prononcée par le juge pénal lui-même, il a ensuite estimé que les dispositions de ce dernier article ne permettaient pas davantage de justifier légalement l'exclusion de la société Icare. Par suite, le ministre des armées ne peut utilement soutenir que le juge des référés a commis une erreur de droit en faisant application des dispositions de l'article L. 2341-1 du code de la commande publique, qui sont inapplicables au litige, ce motif de l'ordonnance attaquée étant surabondant. 3. En second lieu, aux termes de l'article L. 2141-4 du code de la commande publique, rendu applicable aux marchés de défense et de sécurité par l'article L. 2341-2 du même code : " Sont exclues de la procédure de passation des marchés les personnes qui : (...) / 3° Ont été condamnées au titre du 5° de l'article 131-39 du code pénal ou sont des personnes physiques condamnées à une peine d'exclusion des marchés. (...) ". Aux termes de l'article 506 du code de procédure pénale : " Pendant les délais d'appel et durant l'instance d'appel, il est sursis à l'exécution du jugement, sous réserve des dispositions des articles 464 (deuxième et troisième alinéas), 464-1, 464-2, 471, 507, 508 et 708 ". Il résulte de la combinaison de ces dispositions qu'une personne dont le jugement l'ayant condamnée à une peine d'exclusion des marchés n'est pas exécutoire en raison de l'appel formé à son encontre ne peut être exclue, pour ce motif, de la procédure de passation du marché. Par suite, le juge des référés n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que la ministre des armées ne pouvait légalement se fonder sur la condamnation prononcée à l'encontre de la société Icare, qui faisait l'objet d'un appel, pour exclure sa candidature. 4. Il résulte de ce qui précède que le pourvoi du ministre des armées doit être rejeté. 5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la société Icare au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les dispositions de cet article font obstacle à ce qu'une somme soit mise sur le même fondement à la charge de la société Icare, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. D E C I D E : -------------- Article 1er : Le pourvoi du ministre des armées est rejeté. Article 2 : L'Etat versera à la société Icare la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ses conclusions présentées au même titre sont rejetées. Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre des armées et à la société Icare. Délibéré à l'issue de la séance du 17 octobre 2022 où siégeaient : Mme Christine Maugüé, présidente adjointe de la section du contentieux, présidant ; M. Nicolas Boulouis, M. Olivier Japiot, présidents de chambre ; M. Géraud Sajust de Bergues, Mme Anne Courrèges, M. Benoît Bohnert, M. Gilles Pellissier, M. Jean-Yves Ollier, conseillers d'Etat et M. Alexis Goin, auditeur-rapporteur. Rendu le 2 novembre 2022. La présidente : Signé : Mme Christine Maugüé Le rapporteur : Signé : M. Alexis Goin La secrétaire : Signé : Mme Nadine Pelat
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Vu la procédure suivante : La société Quai Sud a demandé au tribunal administratif de Rouen de la décharger du paiement des sommes, d'un montant total de 232 200,46 euros, dont l'Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP) lui a réclamé le paiement par l'émission de titres exécutoires les 1er et 25 juillet 2016, 9 février et 6 juillet 2017. Par un jugement n°s 1703056,1801721 du 16 juillet 2019, le tribunal administratif de Rouen a rejeté ces demandes. Par un arrêt n° 19DA02154 du 4 février 2021, la cour administrative d'appel de Douai a, sur appel de la société Quai Sud, annulé ce jugement, déchargé la société Quai Sud de la moitié du montant des titres exécutoires et rejeté le surplus de sa requête. Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés les 22 mars et 26 mai 2021 et 18 mai et 13 juin 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'INRAP demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler cet arrêt ; 2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de la société Quai Sud ; 3°) de mettre à la charge de la société Quai Sud la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code du patrimoine ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. François Lelièvre, maître des requêtes, - les conclusions de M. A... B... de Vendeuil, rapporteur public ; La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de l'INRAP et à la SARL Didier-Pinet, avocat de la société Quai Sud ; Considérant ce qui suit : 1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que par des arrêtés des 28 juin et 13 octobre 2015, le préfet de la région Haute-Normandie a prescrit à la société Quai Sud la réalisation de fouilles archéologiques préventives sur des terrains situés à Dieppe, préalablement à la construction d'un complexe immobilier. Le 25 novembre 2015, la société Quai Sud a conclu une convention de fouilles archéologiques avec l'INRAP pour un prix fixé, pour la tranche ferme, à 298 730,30 euros H.T. A la suite de la découverte d'une pollution des sols, les services de l'Etat ont prescrit, par un courrier du 14 avril 2016, une modification des conditions de réalisation des fouilles. Après l'achèvement des opérations de fouilles, la société Quai Sud a sollicité, en vain, de l'INRAP, une diminution du prix. La société Quai Sud refusant d'acquitter certaines factures, des titres de perception ont été émis à son encontre. Par un jugement du 16 juillet 2019, le tribunal administratif de Rouen a rejeté la demande de la société Quai Sud tendant à ce qu'elle soit déchargée du paiement de ces sommes. Eu égard aux moyens qu'il invoque, l'INRAP doit être regardé comme se pourvoyant en cassation contre l'arrêt du 4 février 2021 de la cour administrative d'appel de Douai en tant qu'elle a, sur appel de la société Quai Sud, déchargé cette société de la moitié du montant des titres exécutoires. 2. D'une part, aux termes de l'article L. 522-1 du code du patrimoine, dans sa version applicable au contrat en litige : " L'Etat veille à la conciliation des exigences respectives de la recherche scientifique, de la conservation du patrimoine et du développement économique et social. Il prescrit les mesures visant à la détection, à la conservation ou à la sauvegarde par l'étude scientifique du patrimoine archéologique, désigne le responsable scientifique de toute opération d'archéologie préventive et assure les missions de contrôle et d'évaluation de ces opérations. " Aux termes de l'article L. 523-9 du même code : " Le contrat passé entre la personne projetant d'exécuter les travaux et la personne chargée de la réalisation des fouilles fixe, notamment, le prix et les délais de réalisation de ces fouilles ainsi que les indemnités dues en cas de dépassement de ces délais. / L'Etat autorise les fouilles après avoir contrôlé la conformité du contrat mentionné au premier alinéa avec les prescriptions de fouilles édictées en application de l'article L. 522-2 / L'opérateur exécute les fouilles conformément aux décisions prises et aux prescriptions imposées par l'Etat et sous la surveillance de ses représentants, en application des dispositions du présent livre (...) ". 3. D'autre part, aux termes de l'article R. 523-42 du code du patrimoine, dans sa version applicable au contrat en litige : " Les opérations de fouilles peuvent être confiées à l'Institut national de recherches archéologiques préventives, à un service archéologique territorial agréé ou à toute autre personne titulaire de l'agrément prévu à la section 4 du chapitre II du présent titre. " Aux termes de l'article R. 523-44 de ce code : " L'aménageur conclut avec l'opérateur un contrat qui définit le projet scientifique d'intervention et les conditions de sa mise en œuvre. Ce projet détermine les modalités de la réalisation de l'opération archéologique prescrite, notamment les méthodes et techniques employées et les moyens humains et matériels prévus. Il est établi par l'opérateur sur la base du cahier des charges scientifique (...) ". Aux termes de l'article R. 523-47 du même code : " Lorsque le déroulement des opérations fait apparaître la nécessité d'une modification substantielle du projet scientifique d'intervention, un projet révisé est soumis au préfet de région, qui dispose d'un délai de quinze jours pour l'approuver ou en demander la modification. A défaut de notification d'une décision dans ce délai, le projet révisé est réputé refusé. / En cas de découvertes survenues pendant l'opération conduisant à remettre en cause les résultats du diagnostic et les données scientifiques du cahier des charges, le préfet de région peut formuler des prescriptions complémentaires. / Les modifications et prescriptions complémentaires mentionnées aux alinéas précédents ne peuvent conduire à modifier l'économie générale du contrat mentionné à l'article R. 523-44 ". Enfin, selon l'article R. 523-60 : " Les opérations d'archéologie préventive sont exécutées sous le contrôle des services de l'Etat. L'aménageur et l'opérateur de l'intervention archéologique sont tenus de faire connaître aux services intéressés les dates de début et de fin du diagnostic des fouilles, au moins cinq jours ouvrables avant le début de l'opération. / Les observations du représentant de l'Etat formulées à l'issue des visites de contrôle ou réunions de chantier sont communiquées par écrit à l'opérateur et au responsable scientifique, ainsi que, dans le cas des fouilles, à l'aménageur. / L'aménageur, l'opérateur et le responsable scientifique de l'opération assurent, chacun pour ce qui le concerne, la mise en œuvre effective des observations et des instructions du représentant de l'Etat. " 4. En application des dispositions citées aux points précédents, le contrat conclu entre l'aménageur qui projette de réaliser des travaux et l'opérateur chargé de la réalisation des fouilles, qui a pour objet l'exécution des prescriptions édictées par l'Etat, doit être élaboré et exécuté conformément à ces dernières et sous le contrôle des services de l'Etat, y compris lorsque les prescriptions sont modifiées au cours de l'exécution du contrat. En revanche, il ne résulte pas de ces dispositions que la modification de ces prescriptions entraînerait, par elle-même et sans l'intervention des parties, la modification de leur contrat. Par suite, en jugeant que les prescriptions complémentaires émises par le représentant de l'Etat pour réduire le périmètre des opérations de fouilles avait eu pour effet de modifier le contrat dans un sens conforme à ces nouvelles prescriptions, alors qu'elles ouvraient seulement la possibilité pour les parties de modifier les termes du contrat, la cour administrative d'appel de Douai a commis une erreur de droit. L'INRAP est, par suite fondé, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de son pourvoi, à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque en tant qu'il lui fait grief. 5. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'INRAP qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Quai Sud la somme de 3 000 euros à verser à l'INRAP, au titre des mêmes dispositions. D E C I D E : -------------- Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Douai du 4 février 2021 est annulé en tant qu'il a fait partiellement droit à la requête d'appel de la société Quai Sud. Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans cette mesure, à la cour administrative d'appel de Douai. Article 3 : La société Quai Sud versera une somme de 3 000 euros à l'INRAP au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les conclusions présentées au même titre par la société Quai Sud sont rejetées. Article 4 : La présente décision sera notifiée à l'Institut national de recherches archéologiques préventives et à la société Quai Sud. Délibéré à l'issue de la séance du 5 juillet 2022 où siégeaient : Mme Christine Maugüé, présidente adjointe de la section du contentieux, présidant ; M. Nicolas Boulouis, M. Olivier Japiot, présidents de chambre ; M. Olivier Rousselle, Mme Anne Courrèges, M. Benoît Bohnert, M. Gilles Pellissier, M. Jean-Yves Ollier, conseillers d'Etat et M. François Lelièvre, maître des requêtes-rapporteur. Rendu le 2 novembre 2022. La présidente : Signé : Mme Christine Maugüé Le rapporteur : Signé : M. François Lelièvre La secrétaire : Signé : Mme Nadine Pelat
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Vu les procédures suivantes : La société Melrose Mediterranean Limited a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la décision implicite du 11 avril 2012 et l'arrêté du 21 septembre 2015 par lesquels le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie et le ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique ont rejeté sa demande de prolongation du permis exclusif de recherches de mines d'hydrocarbures liquides ou gazeux dit " permis du Rhône-Maritime ", d'enjoindre au ministre chargé des mines de prendre une décision de prolongation de ce permis, pour une durée de cinq ans et pour une surface de 9 375 km², dans un délai d'un mois à compter du jugement à intervenir, sous astreinte de 10 000 euros par jour de retard, et de condamner l'Etat à lui verser la somme de 63 500 000 euros, au titre du préjudice subi du fait de l'illégalité des décisions attaquées, assortie des intérêts capitalisés depuis la date de réception de sa demande préalable, et celle de 1 600 000 euros au titre de l'immobilisation de capitaux à hauteur de 13 500 000 euros. Par un jugement nos 1206793-1601743 du 29 décembre 2016, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté ces demandes. Par un arrêt n° 17VE01397 du 9 janvier 2020, la cour administrative d'appel de Versailles a, sur appel de la société Melrose Mediterranean Limited, annulé ce jugement et l'arrêté du 21 septembre 2015, enjoint au ministre chargé des mines de réexaminer la demande de seconde prolongation de la validité du permis exclusif de recherches dit " permis du Rhône-Maritime " présentée par la société Melrose Mediterranean Limited, dans un délai de quinze mois à compter de la notification de son arrêt, et rejeté les conclusions indemnitaires présentées par la société Melrose Mediterranean Limited. 1° Sous le n° 439376, par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 9 mars et 9 juin 2020 et le 13 décembre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Melrose Mediterranean Limited demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler l'article 4 de l'arrêt du 9 janvier 2020 de la cour administrative d'appel de Versailles en tant qu'il a rejeté ses conclusions indemnitaires ; 2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à ses conclusions d'appel tendant à la condamnation de l'État à lui verser la somme de 63 500 000 euros, assortie des intérêts capitalisés depuis la date de réception de sa demande préalable, et celle de 1 600 000 euros au titre de l'immobilisation de capitaux à hauteur de 13 500 000 euros ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. 2° Sous le n° 439456, par un pourvoi enregistré le 10 mars 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la ministre de la transition écologique et solidaire demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler l'arrêt du 9 janvier 2020 de la cour administrative d'appel de Versailles en tant qu'il a annulé le jugement du 29 décembre 2016 et l'arrêté du 21 septembre 2015 et enjoint au ministre chargé des mines de réexaminer la demande de la société Melrose Mediterranean Limited ; 2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à ses conclusions d'appel. .................................................................................... Vu les autres pièces des dossiers ; Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le code de l'environnement - le code minier ; - la loi n° 76-655 du 16 juillet 1976 ; - la loi n° 2003-346 du 15 avril 2003 ; - la loi n° 2017-1839 du 30 décembre 2017 ; - le décret n° 2004-33 du 8 janvier 2004 ; - le décret n° 2006-648 du 2 juin 2006 ; - le décret n° 2012-1148 du 12 octobre 2012 ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de Mme Cécile Vaullerin, maître des requêtes, - les conclusions de M. Nicolas Agnoux, rapporteur public ; La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société Melrose Mediterranean Limited ; Vu les notes en délibéré, enregistrées le 13 octobre 2022, présentées par la société Melrose Mediterranean Limited ; Considérant ce qui suit : 1. La société Melrose Mediterranean Limited, détentrice du permis exclusif de recherches (PER) de mines d'hydrocarbures liquides ou gazeux, dit " permis du Rhône-Maritime ", portant sur une partie du sous-sol de la mer au large des départements des Bouches-du-Rhône et du Var, initialement délivré le 29 octobre 2002 à la société TGS-NPEC Geophysical Company Limited, a présenté le 15 juillet 2010 une demande tendant à l'obtention d'une seconde prolongation de ce permis exclusif de recherches, qui expirait le 19 novembre 2010. Cette demande a donné lieu à une décision implicite de rejet le 11 avril 2012. Par une ordonnance du 20 février 2014, le juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, suspendu l'exécution de cette décision implicite de rejet et enjoint au ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie de procéder au réexamen de la demande de prolongation dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'ordonnance. Par un arrêté du 21 septembre 2015, le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie et le ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique ont rejeté la demande de seconde prolongation du permis exclusif de recherches présentée par la société Melrose Mediterranean Limited. Sur appel de la société, la cour administrative d'appel de Versailles a, par un arrêt du 9 janvier 2020, annulé le jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 29 décembre 2016 rejetant sa demande d'annulation des décisions implicite et explicite de rejet et l'arrêté du 21 septembre 2015, enjoint au ministre chargé des mines de réexaminer la demande de la société et rejeté les demandes indemnitaires de la société Melrose Mediterranean Limited. La ministre de la transition écologique et solidaire et la société Melrose Mediterranean Limited se pourvoient en cassation contre cet arrêt. Leurs pourvois étant dirigés contre la même décision, il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision. En ce qui concerne le pourvoi de la ministre de la transition écologique et solidaire : 2. D'une part, aux termes de l'article L. 122-2 du code minier, en vigueur au 1er mars 2011, qui reprend les dispositions de l'alinéa 4 de l'article 9 de l'ancien code minier : " Nul ne peut obtenir un permis exclusif de recherches s'il ne possède les capacités techniques et financières nécessaires pour mener à bien les travaux de recherches et pour assumer les obligations mentionnées dans des décrets pris pour préserver les intérêts mentionnés à l'article L. 161-1 et aux articles L. 161-1 et L. 163-1 à L. 163-9. Un décret en Conseil d'Etat définit les critères d'appréciation de ces capacités, les conditions d'attribution de ces titres ainsi que la procédure d'instruction des demandes. " En vertu de l'article L. 142-1 du code minier, qui reprend les dispositions de l'article 10 de l'ancien code minier : " La validité d'un permis exclusif de recherches peut être prolongée à deux reprises, chaque fois de cinq ans au plus, sans nouvelle mise en concurrence. / Chacune de ces prolongations est de droit, soit pour une durée au moins égale à trois ans, soit pour la durée de validité précédente si cette dernière est inférieure à trois ans, lorsque le titulaire a satisfait à ses obligations et souscrit dans la demande de prolongation un engagement financier au moins égal à l'engagement financier souscrit pour la période de validité précédente, au prorata de la durée de validité et de la superficie sollicitées. " Aux termes de l'article L. 142-6 du même code, qui reprend les dispositions du troisième alinéa de l'article 49 du décret du 2 juin 2006 relatif aux titres miniers et aux titres de stockage souterrain : " Au cas où, à la date d'expiration de la période de validité en cours, il n'a pas été statué sur la demande de prolongation, le titulaire du permis reste seul autorisé, jusqu'à l'intervention d'une décision explicite de l'autorité administrative, à poursuivre ses travaux dans les limites du ou des périmètres sur lesquels porte la demande de prolongation. " Enfin, l'article 49 du décret du 2 juin 2006 relatif aux titres miniers et aux titres de stockage souterrain dispose que : " (...). / Le silence gardé pendant plus de deux ans par le ministre chargé des mines sur la demande de prolongation d'une concession et pendant plus de quinze mois sur la demande de prolongation d'un permis de recherches vaut décision de rejet. " 3. D'autre part, aux termes de l'article 1er de la loi du 16 juillet 1976 relative à la zone économique et à la zone de protection écologique au large des côtes du territoire de la République : " La République exerce, dans la zone économique pouvant s'étendre depuis la limite des eaux territoriales jusqu'à 188 milles marins au-delà de cette limite, des droits souverains en ce qui concerne l'exploration et l'exploitation des ressources naturelles, biologiques ou non biologiques, du fond de la mer, de son sous-sol et des eaux surjacentes. Ces droits sont exercés dans les conditions et selon les modalités prévues aux articles ci-après. " Aux termes de l'article L. 218-81 du code de l'environnement, dans sa rédaction issue de la loi du 15 avril 2003 relative à la création d'une zone de protection écologique au large des côtes du territoire de la République : " Ainsi qu'il est dit à l'article 4 de la loi n° 76-655 du 16 juillet 1976 relative à la zone économique et à la zone de protection écologique au large des côtes du territoire de la République, ci-après reproduit : / Art. 4 - Dans la zone économique définie à l'article 1er, les autorités françaises exercent en outre les compétences reconnues par le droit international relatives à la protection et à la préservation du milieu marin, à la recherche scientifique marine, à la mise en place et à l'utilisation d'îles artificielles, d'installations et d'ouvrages. Lorsque, dans une zone délimitée ainsi qu'il est précisé à l'article 1er, les autorités françaises entendent, pour des motifs tenant aux relations internationales, n'exercer que les compétences mentionnées au premier alinéa, cette zone est dénommée zone de protection écologique. (...) " En vertu de l'article R. 218-15 du code de l'environnement, reprenant les dispositions du décret abrogé du 8 janvier 2004 portant création d'une zone de protection écologique au large des côtes du territoire de la République en Méditerranée : " Il est institué au large des côtes du territoire de la République en Méditerranée une zone de protection écologique. Cette zone comprend deux parties que sépare la mer territoriale déclarée autour de la Corse. (...) " . Cet article a lui-même été abrogé par l'article 3 du décret du 12 octobre 2012 portant création d'une zone économique exclusive au large des côtes du territoire de la République en Méditerranée. 4. Il résulte des dispositions mentionnées au point 2 que, lorsque le titulaire d'un permis exclusif de recherches de mines souhaite prolonger la validité de ce permis, il lui appartient de saisir le ministre chargé des mines d'une demande de prolongation de la validité de ce titre dans les conditions précisées aux articles 46 à 50 du décret du 2 juin 2006. A l'expiration d'un délai de quinze mois après la saisine du ministre, le silence gardé par celui-ci fait naître une décision implicite de rejet de la demande de prolongation, susceptible d'être contestée devant la juridiction administrative. Dans le cas où la validité du titre arrive à échéance alors qu'il n'a pas encore été statué sur la demande de prolongation du permis, un régime provisoire est prévu par l'article L. 142-6 du code minier, en vertu duquel le titulaire du permis est autorisé à poursuivre ses travaux dans les limites du ou des périmètres sur lesquels porte la demande de prolongation, nonobstant l'intervention d'une décision implicite de rejet de sa demande, seule l'intervention d'une décision explicite de rejet, confirmant la décision implicite, pouvant alors mettre fin à la possibilité de poursuite des travaux de recherches qui lui est ainsi reconnue. La période maximale pendant laquelle le titulaire d'un permis exclusif de recherches est autorisé à entreprendre des travaux de recherches s'établit, hors circonstances exceptionnelles, à quinze ans. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que les décisions d'octroi d'une prolongation d'un permis exclusif de recherches ont un caractère rétroactif et prennent effet à l'expiration de la période de validité précédente, ce caractère rétroactif permettant d'assurer que le titulaire du permis qui, en vertu de l'article L. 142-6 du code minier, s'est maintenu sur le périmètre ne puisse être regardé comme y ayant effectué des travaux sans disposer d'un permis de recherches, tout en respectant les bornes temporelles fixées par le code minier. Dans ces conditions, la décision prolongeant un titre minier, qui est réputée avoir produit ses effets dès la fin de validité de la période précédente, est nécessairement prise au regard des conditions de fait et de droit existantes à la date à laquelle elle commence à produire ses effets, et non à la date à laquelle l'autorité administrative statue sur la demande de prolongation du titre. Il en va de même d'une décision de refus de prolongation du titre, dont la légalité s'apprécie en fonction des circonstances de droit prévalant à la date à laquelle le précédent permis exclusif de recherches arrive à échéance. 5. Pour juger que la décision explicite de rejet de la demande de prolongation du permis exclusif de recherches " Rhône-Maritime " était illégale, la cour a estimé que le ministre chargé des mines avait à tort fondé son refus sur la circonstance qu'une telle autorisation ne pouvait être délivrée dans le périmètre d'une zone de protection écologique, alors que, ainsi qu'il a été dit au point 3, l'article R. 218-15 du code de l'environnement instituant une telle zone avait été abrogé à la date à laquelle avait été pris l'arrêté litigieux. Il résulte de ce qui précède que la ministre de la transition écologique et solidaire est fondée à soutenir que la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit en se fondant sur les circonstances de droit et de fait prévalant à la date d'édiction de sa décision, et non sur celles qui prévalaient à la date d'expiration de la période de validité du permis, pour apprécier sa légalité et en prononcer l'annulation. 6. Par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen du pourvoi, la ministre de la transition écologique et solidaire est fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué en tant qu'il a annulé le jugement du 29 décembre 2016 et l'arrêté du 21 septembre 2015 et enjoint au ministre chargé des mines de réexaminer la demande de la société Melrose Mediterranean Limited. 7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. En ce qui concerne le pourvoi de la société Melrose Mediterranean Limited : 8. Il résulte des dispositions combinées citées au point 3 qu'à la date à laquelle le précédent permis expirait, un permis exclusif de recherches ne pouvait pas être délivré en application des dispositions du code minier relatives à la recherche de substance minérale ou fossile sur le plateau continental et dans la zone économique exclusive, eu égard à la localisation du périmètre du permis exclusif de recherches de la société Melrose Mediterranean Limited dans le périmètre de la zone de protection écologique au large des côtes de la Méditerranée. Dès lors, le ministre ne pouvait que rejeter la demande de prolongation de permis de la société requérante. Par suite, la cour a commis une erreur de droit en se fondant, pour statuer sur les conclusions indemnitaires de la société requérante, sur l'illégalité du refus de prolongation de ce titre et sur le caractère fautif de cette décision. Il y a lieu pour ce motif, dont les parties ont été informées qu'il était susceptible d'être relevé d'office, d'annuler l'article 4 de l'arrêt attaqué par lequel la cour administrative d'appel a rejeté les demandes indemnitaires de la société Melrose Mediterranean Limited, sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens du pourvoi. 9. Il résulte de ce qui a été dit au point 6 et au point précédent qu'il y a lieu d'annuler entièrement l'arrêt du 9 janvier 2020 de la cour administrative d'appel de Versailles. 10. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par la société à l'appui de son pourvoi. D E C I D E : -------------- Article 1er : L'arrêt du 9 janvier 2020 de la cour administrative d'appel de Versailles est annulé. Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Versailles. Article 3 : Les conclusions de la société Melrose Mediterranean Limited au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administratives sont rejetées. Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société Melrose Mediterranean Limited et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Copie en sera adressée au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Délibéré à l'issue de la séance du 12 octobre 2022 où siégeaient : Mme Christine Maugüé, présidente adjointe de la section du contentieux, présidant ; Mme Isabelle de Silva, M. Jean-Philippe Mochon, présidents de chambre ; Mme Suzanne von Coester, Mme Fabienne Lambolez, M. Cyril Roger-Lacan, M. Laurent Cabrera, conseillers d'Etat ; Mme Catherine Moreau, conseillère d'Etat en service extraordinaire et Mme Cécile Vaullerin, maître des requêtes-rapporteure. Rendu le 31 octobre 2022. La présidente : Signé : Mme Christine Maugüé La rapporteure : Signé : Mme Cécile Vaullerin La secrétaire : Signé : Mme Valérie Peyrisse
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Vu la procédure suivante : Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 21 août 2020 et 22 avril 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association One Voice demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2020-274 du 17 mars 2020 modifiant certaines dispositions relatives à la protection des animaux utilisés à des fins scientifiques ; 2°) à titre subsidiaire, de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle sur le point de savoir si les dispositions du paragraphe 1 de l'article 2 de la directive 2010/63/UE du Parlement européen et du Conseil du 22 septembre 2010 relative à la protection des animaux utilisés à des fins scientifiques font obstacle à ce que les Etats membres adoptent des mesures plus favorables au bien-être animal ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - la Constitution, notamment la Charte de l'environnement ; - la directive 2010/63/UE du Parlement européen et du Conseil du 22 septembre 2010 relative à la protection des animaux utilisés à des fins scientifiques ; - le code de l'environnement ; - le code rural et de la pêche maritime ; - le décret n° 2013-118 du 1er février 2013 ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de Mme Catherine Moreau, conseillère d'Etat en service extraordinaire, - les conclusions de M. Nicolas Agnoux, rapporteur public ; La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de l'association One Voice ; Considérant ce qui suit : 1. Aux termes de l'article 10 de la directive 2010/63/UE du Parlement européen et du Conseil du 22 septembre 2010 relative à la protection des animaux utilisés à des fins scientifiques : " 1. Les Etats membres veillent à ce que les animaux appartenant aux espèces énumérées à l'annexe 1 ne puissent être utilisés dans des procédures que lorsque ces animaux ont été élevés à cette fin. (...) / 3. Les autorités compétentes peuvent accorder des dérogations au paragraphe 1 sur la base d'éléments scientifiques ". Aux termes de son article 12 : " 1. Les Etats membres veillent à ce que les procédures soient menées dans un établissement utilisateur. / L'autorité compétente peut accorder des dérogations au premier alinéa sur la base d'éléments scientifiques. (...) ". 2. A la suite d'échanges entre le Gouvernement et la Commission européenne sur la transposition des dispositions des articles 10 et 12 cités ci-dessus de la directive 2010/63/UE du Parlement européen et du Conseil du 22 septembre 2010, le décret n° 2020-274 du 17 mars 2020 a procédé à plusieurs modifications du décret n° 2013-118 du 1er février 2013 relatif à la protection des animaux utilisés à des fins scientifiques, dont les dispositions ont été codifiées aux articles R. 214-89 à R. 214-129 du code rural et de la pêche maritime. Le 4° de son article 1er a modifié l'article R. 214-90 du code rural et de la pêche maritime, dont le premier alinéa prévoit désormais que les animaux utilisés ou destinés à être utilisés dans des procédures expérimentales appartenant aux espèces dont la liste est fixée par arrêté conjoint des ministres chargés de l'environnement, de l'agriculture et de la recherche doivent avoir été élevés à cette fin et provenir d'éleveurs ou de fournisseurs agréés. Le troisième alinéa de ce même article prévoit que des dérogations peuvent être accordées à cette obligation sur la base d'éléments scientifiques dûment justifiés, la condition tenant à ce que la production des éleveurs agréés soit insuffisante ou ne convienne pas aux besoins spécifiques du projet étant dorénavant supprimée. Le 5° de cet article 1er a ajouté à l'article R. 214-99 du même code, prévoyant que " Tout établissement éleveur, fournisseur ou utilisateur doit être agréé. A cet effet, sous réserve des dispositions de l'article R. 214-127, une demande d'agrément est adressée par le responsable de l'établissement au préfet du département du lieu d'implantation de l'établissement (...) ", deux alinéas aux termes desquels : " Toute procédure expérimentale doit être menée dans un établissement agréé " et " Sur la base d'éléments scientifiques et par dérogation à l'alinéa précédent, l'utilisateur d'un établissement agréé peut être autorisé, dans des conditions définies par arrêté conjoint des ministres chargés de l'agriculture, de la recherche, de l'écologie et de la défense, à réaliser une procédure expérimentale hors d'un établissement agréé ". L'association One Voice demande l'annulation pour excès de pouvoir de l'article 1er du décret du 17 mars 2020 en tant qu'il a procédé à ces modifications des articles R. 214-90 et R. 214-99 du code rural et de la pêche maritime. 3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 123-19-1 du code de l'environnement : " I. - Le présent article définit les conditions et limites dans lesquelles le principe de participation du public, prévu à l'article 7 de la Charte de l'environnement, est applicable aux décisions, autres que les décisions individuelles, des autorités publiques ayant une incidence sur l'environnement lorsque celles-ci ne sont pas soumises, par les dispositions législatives qui leur sont applicables, à une procédure particulière organisant la participation du public à leur élaboration. / (...) / Ne sont pas regardées comme ayant une incidence sur l'environnement les décisions qui ont sur ce dernier un effet indirect ou non significatif. ". 4. L'association requérante soutient qu'en permettant de déroger au principe selon lequel les animaux utilisés à des fins scientifiques sont élevés à cette fin et proviennent d'éleveurs ou fournisseurs agréés, sans que ces dérogations ne soient nécessaires ni encadrées par aucune condition, ainsi qu'au principe selon lequel toute procédure d'expérimentation doit être menée dans un établissement agréé, les dispositions du décret attaqué modifiant les articles R. 214-90 et R. 214-99 du code rural et de la pêche maritime ont une incidence directe sur la protection des animaux et, partant, sur l'environnement et auraient donc dû faire l'objet d'une consultation du public en application de l'article L. 123-19-1 du code de l'environnement. 5. Si le ministre chargé de l'agriculture fait valoir que le Premier ministre n'était pas tenu de soumettre le projet de décret à une procédure de participation du public dès lors qu'il était tenu de procéder à la transposition des dispositions précises et inconditionnelles de la directive 2010/63/UE, cette seule circonstance ne peut conduire à rendre inopérante l'obligation prévue par l'article 7 de la Charte de l'environnement de soumettre les décisions publiques ayant une incidence directe et significative sur l'environnement à la participation du public. 6. Toutefois, d'une part, si l'association requérante soutient que l'élargissement du champ des dérogations à l'obligation de n'utiliser, dans les procédures expérimentales, que des animaux élevés à cette fin et provenant d'éleveurs ou de fournisseurs agréés, résultant de la modification de l'article R. 214-90 du code rural et de la pêche maritime, va permettre le prélèvement dans la nature d'animaux d'espèces non domestiques, les dispositions de l'article R. 214-92 du même code, qui interdisent l'utilisation dans des procédures expérimentales d'animaux qui ne sont pas tenus en captivité, sauf dérogations pouvant être accordées dans des cas précisément déterminés, font obstacle à ce que le recours pour des procédures expérimentales à des animaux qui n'ont pas été élevés à cette fin conduise à augmenter les prélèvements dans la nature. 7. D'autre part, en ajoutant à l'article R. 214-99 du code rural et de la pêche maritime que toute procédure expérimentale doit être menée dans un établissement agréé et en prévoyant, par dérogation et sur la base d'éléments scientifiques, que l'utilisateur d'un établissement agréé puisse être autorisé à réaliser une procédure expérimentale en dehors d'un établissement tel, le décret attaqué n'a pas permis, contrairement à ce que soutient l'association requérante, qu'il soit dérogé au premier alinéa du même article, qui impose que tout établissement éleveur, fournisseur ou utilisateur d'animaux utilisés à des fins scientifiques soit agréé, mais a seulement encadré la possibilité pour des établissements utilisateurs agréés de conduire des expérimentations en dehors de leurs locaux, dans le respect notamment des conditions prévues par les dispositions de l'article R. 214-122 du même code. 8. Ainsi, eu égard à leur finalité et à leur portée, les dispositions contestées du décret attaqué ne peuvent être regardées comme ayant des effets directs et significatifs sur l'environnement. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'obligation de participation du public doit par suite être écarté. 9. En second lieu, aux termes du II de l'article L. 110-1 du code de l'environnement, les autorités s'inspirent, dans le cadre des lois qui en définissent la portée, du " principe de non-régression, selon lequel la protection de l'environnement, assurée par les dispositions législatives et réglementaires relatives à l'environnement, ne peut faire l'objet que d'une amélioration constante, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment ". 10. Dès lors que, ainsi qu'il a été dit au point 8, les dispositions contestées du décret attaqué n'ont pas d'effets directs et significatifs sur l'environnement, elles ne méconnaissent pas le principe de non-régression de la protection de l'environnement. 11. Il résulte de ce qui précède que la requête de l'association One Voice doit être rejetée dans toutes ses conclusions. D E C I D E : -------------- Article 1er : La requête de l'association One Voice est rejetée. Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'association One Voice, à la Première ministre, au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire et à la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche. Copie en sera adressée au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et au ministre des armées, Délibéré à l'issue de la séance du 12 octobre 2022 où siégeaient : Mme Christine Maugüé, présidente adjointe de la section du contentieux, présidant ; Mme Isabelle de Silva, M. Jean-Philippe Mochon, présidents de chambre ; Mme Suzanne von Coester, Mme Fabienne Lambolez, M. Cyril Roger-Lacan, M. Laurent Cabrera, conseillers d'Etat ; Mme Pauline Hot, auditrice et Mme Catherine Moreau, conseillère d'Etat en service extraordinaire-rapporteure. Rendu le 31 octobre 2022. La présidente : Signé : Mme Christine Maugüé La rapporteure : Signé : Mme Catherine Moreau La secrétaire : Signé : Mme Valérie Peyrisse
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Vu la procédure suivante : La société civile immobilière Horizon et Mme B... A... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 20 avril 2020 par lequel le maire de Thonon-Les-Bains a délivré un permis de construire à la société à responsabilité limitée Immo Léman en vue de l'édification d'un immeuble de huit logements, après démolition d'une maison et d'un garage double. Par un jugement n° 2003237 du 14 juin 2021, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande. Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 16 août et 16 novembre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Horizon et Mme A... demandent au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à leur demande ; 3°) de mettre à la charge de la société Immo Léman et de la commune de Thonon-les-Bains la somme de 4 000 euros chacune au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code de l'urbanisme ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de Mme Agnès Pic, maître des requêtes en service extraordinaire, - les conclusions de Mme Marie Sirinelli, rapporteure publique ; La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, Sebagh, avocat de la société Horizon et de Mme A... et à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de la commune de Thonon-les-Bains ; Considérant ce qui suit : 1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 20 avril 2020, le maire de Thonon-les-Bains a délivré à la société Immo Léman un permis de construire un immeuble de huit logements après démolition d'une maison et d'un garage double. La société Horizon et Mme A... se pourvoient en cassation contre le jugement du 14 juin 2021 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de ce permis de construire. 2. En premier lieu, d'une part, le premier alinéa de l'article R. 613-1 du code de justice administrative dispose que, dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel : " Le président de la formation de jugement peut, par une ordonnance, fixer la date à partir de laquelle l'instruction sera close. (...) ". Le premier alinéa de l'article R. 613-2 de ce code prévoit que : " Si le président de la formation de jugement n'a pas pris une ordonnance de clôture, l'instruction est close trois jours francs avant la date de l'audience indiquée dans l'avis d'audience prévu à l'article R. 711-2. Cet avis le mentionne. " 3. D'autre part, aux termes de l'article R. 611-7 du même code : " Lorsque la décision lui paraît susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office, le président de la formation de jugement ou le président de la chambre chargée de l'instruction en informe les parties avant la séance de jugement et fixe le délai dans lequel elles peuvent, sans qu'y fasse obstacle la clôture éventuelle de l'instruction, présenter leurs observations sur le moyen communiqué ". Aux termes de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme : " Sans préjudice de la mise en œuvre de l'article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation, même après l'achèvement des travaux. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations (...) ". 4. Lorsque, postérieurement à la clôture de l'instruction, le juge informe les parties, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que sa décision est susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office, cette information n'a pas par elle-même pour effet de rouvrir l'instruction. La communication par le juge, à l'ensemble des parties, des observations reçues sur ce moyen relevé d'office n'a pas non plus par elle-même pour effet de rouvrir l'instruction, y compris dans le cas où, par l'argumentation qu'elle développe, une partie doit être regardée comme ayant expressément repris le moyen énoncé par le juge et soulevé ainsi un nouveau moyen. La réception d'observations sur un moyen relevé d'office n'impose en effet au juge de rouvrir l'instruction, conformément à la règle applicable à tout mémoire reçu postérieurement à la clôture de l'instruction, que si ces observations contiennent l'exposé d'une circonstance de fait ou d'un élément de droit qui est susceptible d'exercer une influence sur le jugement de l'affaire et dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction. 5. De même, lorsque le juge administratif, alors qu'il envisage de faire usage des pouvoirs qu'il tient de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, invite, ainsi que le prévoit cet article, les parties à produire des observations, ni cette invitation ni la communication par le juge des observations reçues en réponse à cette invitation n'ont, par elles-mêmes, pour effet de rouvrir l'instruction si elle était close. 6. Il ressort en l'espèce des pièces de la procédure qu'en l'absence d'ordonnance de clôture, l'envoi de l'avis d'audience, le 22 avril 2021, emportait clôture de l'instruction, qui avait auparavant été close par ordonnance le 16 décembre 2020 puis partiellement rouverte en application de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative par l'envoi d'une mesure supplémentaire d'instruction le 20 janvier 2021, trois jours francs avant la date de cette audience, fixée au lundi 17 mai 2021 à 9 heures 40. Par un courrier du 6 mai 2021, les parties ont été informées que le tribunal était susceptible de surseoir à statuer sur le fondement de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme pour permettre la régularisation du vice tiré de la méconnaissance par le projet de l'article UB 3 du règlement du plan local d'urbanisme et invitées à présenter leurs éventuelles observations dans un délai de six jours à compter de la notification de ce courrier. Par un courrier du lundi 10 mai 2021, les parties ont été informées que le tribunal était susceptible de recourir aux mêmes dispositions pour la régularisation d'un autre vice, tiré de la méconnaissance par le projet de l'article UB 13 de ce règlement et les parties invitées à faire connaître leurs observations dans un délai de quatre jours à compter de la réception de ce courrier. Par un mémoire enregistré le mercredi 12 mai 2021, la commune de Thonon-les-Bains a fait valoir ses observations en réponse à ces deux courriers. Ce mémoire a été communiqué à la société pétitionnaire et aux requérants par mise à disposition sur l'application Télérecours le lundi 17 mai 2021 à 8h37, en les invitant à y répondre, si elles l'estimaient utile, " aussi rapidement que possible ". Elles en ont pris connaissance, respectivement, le 17 mai 2021 à 16h11 et le 18 mai 2021. 7. Il résulte de ce qui a été dit au point 5 que ni les invitations faites aux parties de faire connaître leurs observations sur le sursis à statuer envisagé en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, ni la communication aux autres parties des observations présentées par la commune de Thonon-les-Bains en réponse à ces invitations n'ont eu pour effet de proroger au-delà du 14 mai 2021 la date de la clôture de l'instruction résultant de l'envoi de l'avis d'audience. Les requérantes ne sont, par suite, pas fondées à soutenir que le jugement serait entaché d'irrégularité faute que l'instruction ait été autrement close ou que les parties en aient été informées. 8. En deuxième lieu, si le juge administratif doit, lorsqu'il invite les parties à produire des observations sur la mise en œuvre des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, leur laisser un délai suffisant à cette fin, le délai dans lequel il communique aux autres parties les observations qui lui sont présentées en réponse à cette invitation est, en revanche, eu égard à l'objet de cette invitation, sans incidence sur la régularité de la procédure. Par suite, les requérantes ne peuvent utilement soutenir que les observations présentées par la commune de Thonon-les-Bains en réponse à l'invitation faite par le tribunal leur auraient été communiquées tardivement. 9. En troisième lieu, l'article UB 3 du règlement du plan local d'urbanisme, relatif à la desserte des terrains et à l'accès aux voies ouvertes au public, prévoit notamment que : " La disposition des accès doit assurer leur fonctionnalité et la sécurité des usagers de la voirie et des personnes utilisant ces accès. Cette sécurité et cette fonctionnalité s'apprécient compte tenu, notamment, de la position des accès, de leur configuration ainsi que de la nature et de l'intensité du trafic de la voie ". 10. Si les requérantes faisaient valoir devant le tribunal administratif qu'il était " très difficile " de connaître quelle serait la configuration de l'accès au bâtiment et, partant, d'apprécier la visibilité offerte pour déboucher sur le boulevard Carnot, compte tenu de la prescription dont est assorti le permis de construire, imposant que l'angle de l'immeuble en rez-de-chaussée, entre l'avenue des Tilleuls et le boulevard Carnot, soit " reconstruit " par l'ajout d'une paroi ajourée le long de l'avenue des Tilleuls pour réduire l'impact visuel des ouvertures nécessaires aux entrées et aux sorties du garage souterrain, il ressort des termes du jugement attaqué que le tribunal a notamment estimé, pour écarter le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article UB 3 du règlement du plan local d'urbanisme, que le débouché du projet sur le boulevard Carnot permettait une bonne visibilité, tant pour les véhicules sortant du garage souterrain du projet que pour ceux empruntant cette voie. Il ne ressort pas des motifs de son jugement, suffisamment motivé sur ce point, qu'il aurait, pour porter cette appréciation, omis de tenir compte de la prescription dont est assorti le permis de construire. 11. En quatrième lieu, l'article UB 13 du règlement du plan local d'urbanisme, relatif aux espaces libres et plantations et aux espaces boisés classés, dispose que : " Les espaces libres n'incluent pas les surfaces occupées par des constructions (...). / La moitié au moins des espaces non bâtis ou de la toiture plate d'une construction de deux niveaux au-dessus du terrain fini devra être traité en espace libre. / En dehors de tout projet de construction, les espaces libres existants devront être conservés (...) ". 12. En jugeant que les espaces libres existants n'avaient pas à être obligatoirement conservés dès lors que le projet litigieux était un projet de construction, le tribunal n'a pas, eu égard aux termes mêmes de l'article UB 13 du règlement du plan local d'urbanisme, commis d'erreur de droit. Il n'a pas davantage commis d'erreur de droit en jugeant que celles de ces dispositions imposant que la moitié au moins d'une toiture plate soit traitée en espace libre n'étaient applicables qu'aux bâtiments en R + 1 et qu'elles n'étaient, par suite, pas opposables au projet, qui porte sur la construction d'un bâtiment en R + 5. 13. Il résulte de tout ce qui précède que les requérantes ne sont pas fondées à demander l'annulation du jugement qu'elles attaquent. 14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la commune de Thonon-les-Bains et de la société Immo Léman, qui ne sont pas les parties perdantes. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Horizon et de Mme A... la somme de 1 000 euros chacune à verser à la commune de Thonon-les-Bains au titre des mêmes dispositions. D E C I D E : -------------- Article 1er : Le pourvoi de la société Horizon et autre est rejeté. Article 2 : La société Horizon et Mme A... verseront, chacune, une somme de 1 000 euros à la commune de Thonon-les-Bains au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société civile immobilière Horizon, première dénommée, pour les deux requérantes, à la commune de Thonon-les-Bains et à la société à responsabilité limitée Immo Léman. Délibéré à l'issue de la séance du 26 septembre 2022 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Maud Vialettes, Mme Gaëlle Dumortier, présidentes de chambre ; M. Yves Doutriaux, M. Jean-Luc Nevache, M. Damien Botteghi, M. Alban de Nervaux, conseillers d'Etat ; M. Eric Buge, maître des requêtes en service extraordinaire et Mme Agnès Pic, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteure. Rendu le 10 octobre 2022. Le président : Signé : M. Jacques-Henri Stahl La rapporteure : Signé : Mme Agnès Pic Le secrétaire : Signé : M. Hervé Herber [RJ1] Rappr., s’agissant des conséquences de la communication d'un moyen relevé d'office en application de l’art. R. 611-7 du code de justice administrative (CJA) après la clôture de l'instruction, CE, Section, 25 janvier 2021, Mme Lebret et autres, n° 425539, p. 1.
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Vu les procédures suivantes : Le Groupement de défense de l'environnement de l'arrondissement de Montreuil-sur-Mer et du Pas-de-Calais a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir, d'une part, l'arrêté du 29 août 2011 par lequel le maire d'Etaples-sur-Mer a délivré à la société Adevia un permis d'aménager pour la création d'un parc d'activités économiques, d'autre part, l'arrêté du 2 juillet 2018 par lequel ce maire a délivré à la société anonyme d'économie mixte Territoires Soixante-Deux, venue aux droits de la société Adevia, un permis d'aménager modificatif, enfin la décision du 8 décembre 2011 par laquelle le préfet du Pas-de-Calais a refusé de déférer au tribunal administratif l'arrêté du 29 août 2011. Par un jugement n°s 1502719, 1808259 du 12 juillet 2019, le tribunal administratif de Lille a annulé les arrêtés des 29 août 2011 et 2 juillet 2018 et a rejeté le surplus des conclusions de la demande. Par un arrêt n°s 19DA01901, 19DA02169 du 9 février 2021, la cour administrative d'appel de Douai a rejeté l'appel formé contre ce jugement par la société Territoires Soixante-Deux et la commune d'Etaples-sur-Mer. 1° Sous le n° 451530, par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 9 avril et 12 juillet 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, la société Territoires Soixante-Deux demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler cet arrêt ; 2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ; 3°) de mettre à la charge du Groupement de défense de l'arrondissement de Montreuil-sur-Mer et du Pas-de-Calais la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. 2° Sous le n° 451531, par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 9 avril et 9 juillet 2021, la commune d'Etaples-sur-Mer demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler l'arrêt du 9 février 2021 de la cour administrative d'appel de Douai ; 2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ; 3°) de mettre à la charge du Groupement de défense de l'arrondissement de Montreuil-sur-Mer et du Pas-de-Calais la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. .................................................................................... Vu les autres pièces des dossiers ; Vu : - le code de l'urbanisme ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de Mme Agnès Pic, maître des requêtes en service extraordinaire, - les conclusions de Mme Marie Sirinelli, rapporteure publique ; La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Buk Lament - Robillot, avocat de la société Territoires Soixante-Deux, à la SCP Zribi et Texier, avocat du Groupement de défense de l'arrondissement de Montreuil-sur-Mer et du Pas-de-Calais et à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, avocat de la commune d'Etaples-sur-Mer ; Considérant ce qui suit : 1. Il ressort des pièces des dossiers soumis aux juges du fond que, par une convention publique d'aménagement du 15 octobre 2003, la communauté de communes Mer et Terres d'Opale, devenue la communauté d'agglomération des deux baies en Montreuillois, a confié à la société Adevia la création d'un parc d'activités dénommé Opalopolis sur le territoire de la commune d'Etaples-sur-Mer. Par un arrêté du 29 août 2011, le maire de cette commune a accordé un permis d'aménager un premier secteur du projet, portant sur une surface de 12 hectares, situé sur un ancien site industriel. A la suite de la réduction du périmètre du projet de 100 à 54 hectares, de la déclaration d'intérêt général par le conseil communautaire et de la mise en conformité en conséquence du schéma de cohérence territoriale et du plan local d'urbanisme, la société Territoires Soixante-Deux, venue aux droits de la société Adevia, a demandé un permis d'aménager modificatif, qui lui a été accordé par arrêté du 2 juillet 2018. Par un jugement du 12 juillet 2019, le tribunal administratif de Lille, saisi par le Groupement de défense de l'environnement de l'arrondissement de Montreuil-sur-Mer et du Pas-de-Calais, a annulé les arrêtés du 29 août 2011 et du 2 juillet 2018. La société Territoires Soixante-Deux et la commune d'Etaples-sur-Mer demandent, par deux pourvois qu'il y a lieu de joindre, l'annulation de l'arrêt de la cour administrative de Douai du 9 février 2021 ayant rejeté leurs appels contre ce jugement. Sur l'intervention : 2. La communauté d'agglomération des deux baies en Montreuillois justifie d'un intérêt suffisant à l'annulation de l'arrêt attaqué. Ainsi, son intervention au soutien des deux pourvois est recevable. Sur les pourvois : 3. Aux termes du I de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme, repris depuis le 1er janvier 2016 à l'article L. 121-8 de ce code : " L'extension de l'urbanisation doit se réaliser soit en continuité avec les agglomérations et villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l'environnement ". Il résulte de ces dispositions que les constructions peuvent être autorisées, dans les communes littorales, en continuité avec les agglomérations et villages existants, c'est-à-dire avec les zones déjà urbanisées caractérisées par un nombre et une densité significatifs de constructions. 4. Lorsqu'une autorisation d'urbanisme a été délivrée en méconnaissance des dispositions législatives ou réglementaires relatives à l'utilisation du sol ou sans que soient respectées des formes ou formalités préalables à la délivrance de l'autorisation, l'illégalité qui en résulte peut être régularisée par la délivrance d'une autorisation modificative dès lors que celle-ci assure le respect des règles de fond applicables au projet en cause, répond aux exigences de forme ou a été précédée de l'exécution régulière de la ou des formalités qui avaient été omises. Elle peut, de même, être régularisée par une autorisation modificative si la règle relative à l'utilisation du sol qui était méconnue par l'autorisation initiale a été entretemps modifiée ou si cette règle ne peut plus être regardée comme méconnue par l'effet d'un changement dans les circonstances de fait de l'espèce. Les irrégularités ainsi régularisées ne peuvent plus être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre l'autorisation initiale. 5. Ainsi, le juge administratif saisi de la contestation de la légalité d'une autorisation d'urbanisme initiale ayant fait l'objet d'une autorisation modificative doit, pour apprécier s'il y a lieu le respect par le projet des dispositions du I de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme ou, depuis le 1er janvier 2016, de l'article L. 121-8 de ce code, rechercher si, à la date de la délivrance de l'autorisation modificative, les constructions projetées se trouvent en continuité avec des zones déjà urbanisées caractérisées par un nombre et une densité significatifs de constructions. 6. Il résulte de ce qui vient d'être dit que la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit en jugeant que la méconnaissance par le projet des dispositions du I de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme ne devait s'apprécier qu'au regard des circonstances prévalant à la date du permis d'aménager initial accordé le 29 août 2011, sans qu'ait d'incidence la délivrance d'un permis modificatif par l'arrêté du 2 juillet 2018. 7. En outre, si la cour a précisé que l'appréciation du respect du I de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme qu'elle a opérée au regard de l'environnement du projet à la date du permis d'aménager initial valait " même à celle du permis modificatif ", il ressort des pièces des dossiers qui lui étaient soumis que le projet litigieux, qui consiste à aménager des parcelles localisées sur une friche industrielle, se trouve aux abords immédiats d'une usine, en continuité de la zone d'aménagement concerté du Domaine du Chemins des Près, elle-même en continuité d'une zone déjà urbanisée située à l'est du territoire de la commune d'Etaples-sur-Mer. En jugeant que, même à la date du permis modificatif, la densité des constructions de la zone d'aménagement concerté n'était pas significative et que le projet ne se trouvait pas en continuité d'une agglomération existante, la cour a dénaturé les faits de l'espèce. 8. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens des pourvois, les requérantes sont fondées à demander l'annulation de l'arrêt qu'elles attaquent. 9. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du Groupement de défense de l'environnement de l'arrondissement de Montreuil-sur-Mer et du Pas-de-Calais les sommes demandées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces dispositions font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées au même titre par le Groupement de défense de l'environnement de l'arrondissement de Montreuil-sur-Mer et du Pas-de-Calais. D E C I D E : -------------- Article 1er : L'intervention de la communauté d'agglomération des deux bais en Montreuillois au soutien des deux pourvois est admise. Article 2 : L'arrêt du 9 février 2021 de la cour administrative d'appel de Douai est annulé. Article 3 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Douai. Article 4 : Les conclusions des parties présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 5 : La présente décision sera notifiée à la société Territoires Soixante-Deux, à la commune d'Etaples-sur-Mer, au Groupement de défense de l'environnement de l'arrondissement de Montreuil-sur-Mer et du Pas-de-Calais et à la communauté d'agglomération des deux baies en Montreuillois. Délibéré à l'issue de la séance du 26 septembre 2022 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Maud Vialettes, Mme Gaëlle Dumortier, présidentes de chambre ; M. Yves Doutriaux, M. Jean-Luc Nevache, M. Damien Botteghi, M. Alban de Nervaux, conseillers d'Etat ; M. Eric Buge, maître des requêtes en service extraordinaire et Mme Agnès Pic, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteure. Rendu le 10 octobre 2022. Le président : Signé : M. Jacques-Henri Stahl La rapporteure : Signé : Mme Agnès Pic Le secrétaire : Signé : M. Hervé Herber [RJ1] CE, 2 février 2004, SCI La Fontaine de Villiers, n° 238315, T. p. 914....[RJ2] Cf. CE, 7 mars 2018, Mme Bloch, n°s 404079 404080, p. 65.
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Vu les procédures suivantes : 1° Sous le n° 444948, par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 28 septembre 2020 et 4 juillet 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association Collectif pour la défense des loisirs verts et M. B... A... demandent au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2020-914 du 28 juillet 2020 portant classement du parc naturel régional du Mont-Ventoux ; 2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. 2° Sous le n° 444988, par une requête, enregistrée le 30 septembre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. D... C... demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler le décret n° 2020-914 du 28 juillet 2020 portant classement du parc naturel régional du Mont-Ventoux ; 2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. .................................................................................... Vu les autres pièces des dossiers ; Vu : - la Constitution ; - le code de l'environnement ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de Mme Catherine Moreau, conseillère d'Etat en service extraordinaire, - les conclusions de M. Nicolas Agnoux, rapporteur public ; Considérant ce qui suit : 1. Par deux requêtes, qu'il y a lieu de joindre pour statuer par une même décision, l'association Collectif pour la défense des loisirs verts et autre et M. C... demandent au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 28 juillet 2020 portant classement du parc naturel régional du Mont-Ventoux. 2. D'une part, aux termes de l'article L. 333-1 du code de l'environnement : " I. - Un parc naturel régional peut être créé sur un territoire dont le patrimoine naturel et culturel ainsi que les paysages présentent un intérêt particulier. / Les parcs naturels régionaux concourent à la politique de protection de l'environnement, d'aménagement du territoire, de développement économique et social et d'éducation et de formation du public. A cette fin, ils ont vocation à être des territoires d'expérimentation locale pour l'innovation au service du développement durable des territoires ruraux. Ils constituent un cadre privilégié des actions menées par les collectivités publiques en faveur de la préservation des paysages et du patrimoine naturel et culturel. /II. - La charte constitue le projet du parc naturel régional. Elle comprend : / 1° Un rapport déterminant les orientations de protection, de mise en valeur et de développement, notamment les objectifs de qualité paysagère définis à l'article L. 350-1 C, ainsi que les mesures permettant de les mettre en œuvre et les engagements correspondants ; / 2° Un plan, élaboré à partir d'un inventaire du patrimoine, indiquant les différentes zones du parc et leur vocation ; /3° Des annexes comprenant notamment le projet des statuts initiaux ou modifiés du syndicat mixte d'aménagement et de gestion du parc. / III. - La région engage le classement ou le renouvellement du classement d'un parc naturel régional par une délibération qui prescrit l'élaboration ou la révision de la charte et définit le périmètre d'étude. (...) / IV. - Le projet de charte initiale est élaboré par la région (...), avec l'ensemble des collectivités territoriales et des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre concernés, en associant l'Etat et en concertation avec les partenaires intéressés, notamment les chambres consulaires. / Le projet de charte est soumis à une enquête publique réalisée en application du chapitre III du titre II du livre Ier, puis il est transmis par la région aux collectivités territoriales et aux établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre concernés, pour approbation. (...) V. - L'Etat et les collectivités territoriales ainsi que les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre ayant approuvé la charte appliquent les orientations et les mesures de la charte dans l'exercice de leurs compétences sur le territoire du parc. Ils assurent, en conséquence, la cohérence de leurs actions et des moyens qu'ils y consacrent, ainsi que, de manière périodique, l'évaluation de la mise en œuvre de la charte et le suivi de l'évolution du territoire (...) ". 3. D'autre part, aux termes de l'article L. 362-1 du même code : " En vue d'assurer la protection des espaces naturels, la circulation des véhicules à moteur est interdite en dehors des voies classées dans le domaine public routier de l'Etat, des départements et des communes, des chemins ruraux et des voies privées ouvertes à la circulation publique des véhicules à moteur. / Les chartes de parc national et les chartes de parc naturel régional définissent des orientations ou prévoient des mesures relatives à la circulation des véhicules à moteur visant à protéger les espaces à enjeux identifiés sur les documents graphiques des chartes de parc national et sur les plans des chartes de parc naturel régional, pour des motifs de préservation des paysages et du patrimoine naturel et culturel. Ces orientations ou ces mesures ne s'appliquent pas aux voies et chemins soumis à une interdiction de circulation en application du premier alinéa du présent article ". Sur la légalité externe du décret attaqué : 4. En premier lieu, en application de l'article 22 de la Constitution, les actes du Premier ministre sont contresignés, le cas échéant, par les ministres chargés de leur exécution. Le décret attaqué portant classement du parc naturel régional du Mont-Ventoux, s'il prévoit notamment que l'Etat " co-construit, met en œuvre et valorise des projets pédagogiques et de découverte du territoire via les services de l'éducation nationale, des sports et de la cohésion sociale " et qu'il conviendra de " mieux gérer les flux sur les axes de circulation majeurs et secondaires par la sécurisation de certaines portions ", n'implique pas nécessairement l'intervention de mesures réglementaires ou individuelles que le ministre chargé de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports et le ministre chargé des transports seraient compétents pour signer ou contresigner. Par suite, le décret attaqué n'avait pas à être contresigné par ces ministres. 5. En deuxième lieu, l'article R. 333-3 du code de l'environnement qui fixe la liste des annexes que la charte d'un parc naturel régional doit comprendre n'interdit pas qu'une charte comporte d'autres annexes que celles énumérées par cet article. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le décret attaqué serait illégal au motif que la charte du parc comprend une annexe 9 intitulée " Maîtrise des loisirs motorisés en espace naturel " qui ne figure pas à l'article R. 333-3. 6. En troisième lieu, le décret attaqué vise, d'une part, la délibération du conseil régional Provence-Alpes-Côte d'Azur du 24 juin 2005 engageant la procédure de classement du parc naturel régional du Mont-Ventoux, ainsi que la délibération de ce conseil régional du 4 avril 2008 modifiant le périmètre d'étude du parc, d'autre part, l'arrêté du président du conseil régional du 19 avril 2019 portant ouverture de l'enquête publique, ainsi que le dossier de l'enquête publique, notamment le rapport et les conclusions de la commission d'enquête publique en date du 17 juillet 2019, enfin, les avis des ministres intéressés. 7. D'une part, il ressort des délibérations du conseil régional mentionnées ci-dessus qu'elles ont prévu les modalités de la concertation avec les partenaires associés. Les requérants ne sont dès lors pas fondés à soutenir que le décret attaqué méconnaîtrait les dispositions de l'article R. 333-5 du code de l'environnement qui prévoient que la délibération motivée par laquelle le conseil régional prescrit l'élaboration de la charte définit les modalités de la concertation avec les partenaires associés. 8. D'autre part, il ressort du courrier du ministre de la transition écologique et solidaire du 16 janvier 2020 que les ministres chargés respectivement de l'agriculture et de l'alimentation, de la culture, de l'intérieur, de l'action et des comptes publics, des armées et de l'économie et des finances ont été consultés sur le projet de charte du parc naturel régional du Mont-Ventoux. Si le ministre de l'éducation nationale n'a pas été destinataire de ce courrier de consultation interministérielle, il ressort des pièces du dossier que le recteur de l'académie d'Aix-Marseille et le directeur des services départementaux de l'éducation nationale du Vaucluse ont été associés à l'élaboration de la charte, si bien que le défaut de consultation du ministre de l'éducation nationale n'a pas exercé d'influence sur le contenu du décret attaqué. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 333-9 du code de l'environnement qui imposent que le projet de charte soit transmis pour avis aux ministres intéressés doit être écarté. 9. Enfin, faute de précisions permettant d'apprécier le bien-fondé de leurs allégations, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le décret attaqué méconnaîtrait les dispositions de l'article R. 333-6-1 du code de l'environnement relatives à la publicité donnée à l'enquête publique, au contenu du dossier et aux conclusions de la commission d'enquête. Sur la légalité interne : 10. En premier lieu, il résulte des dispositions de l'article 2 de la Constitution du 4 octobre 1958 en vertu desquelles " La langue de la République est le français " que l'usage du français s'impose aux personnes morales de droit public et aux personnes de droit privé dans l'exercice d'une mission de service public. Les documents administratifs doivent par suite être rédigés en langue française. 11. Il ressort de la charte du parc naturel régional du Mont-Ventoux approuvée par le décret attaqué que l'ensemble des orientations et des mesures qu'elle définit sont rédigées entièrement et exclusivement en français. Si certains passages, d'ailleurs ponctuels, de cette charte tels que son préambule, des titres et sous-titres, ainsi que les hauts et bas de pages, sont assortis d'une traduction en langue provençale, cette seule circonstance n'entache pas la charte d'illégalité. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le décret attaqué méconnaît l'article 2 de la Constitution. 12. En deuxième lieu, en vertu de l'article L. 75-1 de la Constitution du 4 octobre 1958 les langues régionales appartiennent au patrimoine de la France. Il résulte des dispositions de l'article L. 333-1 du code de l'environnement citées au point 2, aux termes desquelles un parc naturel régional constitue le cadre privilégié des actions menées par les collectivités publiques en faveur notamment du patrimoine culturel, que la charte d'un parc naturel régional peut promouvoir la connaissance et l'apprentissage des langues régionales qui font partie du patrimoine culturel de son territoire. Il s'ensuit que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que la charte du parc naturel régional du Mont-Ventoux ne pouvait, sans méconnaître les dispositions de l'article L. 333-1 du code de l'environnement, prévoir, au titre de la mesure 18 destinée à faire vivre et partager les patrimoines, d'encourager les programmes d'apprentissage et de transmission de la langue provençale, notamment en étudiant la création d'un label " langue provençale ". 13. En troisième lieu, il résulte des dispositions de l'article L. 333-1 du code de l'environnement que la charte d'un parc naturel régional est un acte destiné à orienter l'action des pouvoirs publics dans un souci de protection de l'environnement, d'aménagement du territoire, de développement économique et social et d'éducation et de formation du public sur le territoire du parc et à assurer la cohérence de cette action avec les objectifs qui y sont définis. Il appartient, dès lors, à l'Etat et aux différentes collectivités territoriales concernées de prendre les mesures et de mener les actions propres à assurer la réalisation des objectifs de la charte et de mettre en œuvre les compétences qu'ils tiennent des différentes législations, dès lors qu'elles leur confèrent un pouvoir d'appréciation, de façon cohérente avec les objectifs ainsi définis. Si les orientations de protection, de mise en valeur et de développement que la charte détermine pour le territoire du parc naturel régional sont nécessairement générales, les mesures permettant de les mettre en œuvre peuvent cependant être précises et se traduire par des règles de fond avec lesquelles les décisions prises par l'Etat et les collectivités territoriales adhérant à la charte dans l'exercice de leurs compétences devront être cohérentes, sous réserve que ces mesures ne méconnaissent pas les règles résultant des législations particulières régissant les activités qu'elles concernent. 14. La charte du parc naturel régional du Mont-Ventoux comporte une mesure 13 dont l'objet est la maîtrise des loisirs motorisés dans les espaces naturels du territoire du parc. A cette fin, la charte préconise, dans des espaces naturels identifiés comme zones prioritaires à l'annexe 9, dans lesquels coexistent la circulation de véhicules à moteur et des enjeux de protection de l'environnement, la mise en œuvre de mesures destinées à organiser les conditions de circulation des véhicules terrestres motorisés, à accroître la surveillance dans ces secteurs et à sensibiliser les pratiquants de loisirs motorisés et les professionnels aux enjeux environnementaux de leurs pratiques. Ces orientations relatives à la circulation des véhicules à moteur que la charte du parc naturel régional du Mont-Ventoux était tenue de définir, conformément aux dispositions citées au point 3 de l'article L. 362-1 du code de l'environnement, afin de protéger les espaces dont les enjeux environnementaux sont importants, n'ont ni pour objet ni pour effet de se substituer à la règlementation que les collectivités territoriales sont seules compétentes pour adopter, en cohérence avec ces orientations, afin notamment, s'agissant des communes, d'interdire ou de limiter la circulation des véhicules à moteur et, s'agissant du département, d'établir le plan départemental des itinéraires de randonnée motorisée en application de l'article L. 361-2 du code de l'environnement. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que ces mesures méconnaîtraient les dispositions de la loi du 3 janvier 1991 relative à la circulation des véhicules terrestres dans les espaces naturels, dont les dispositions de l'article 1er sont désormais codifiées à l'article L. 362-1 du code de l'environnement, ni le droit de circuler librement. 15. Il résulte de ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à demander l'annulation du décret attaqué. Leurs conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu'être rejetées. D E C I D E : -------------- Article 1er : Les requêtes de l'association Collectif pour la défense des loisirs verts et autre et de M. C... sont rejetées. Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'association Collectif pour la défense des loisirs verts, à M. B... A..., à M. D... C..., à la Première ministre et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Délibéré à l'issue de la séance du 12 octobre 2022 où siégeaient : Mme Christine Maugüé, présidente adjointe de la section du contentieux, présidant ; Mme Isabelle de Silva, M. Jean-Philippe Mochon, présidents de chambre ; Mme Suzanne von Coester, Mme Fabienne Lambolez, M. Cyril Roger-Lacan, M. Laurent Cabrera, conseillers d'Etat ; Mme Pauline Hot, auditrice et Mme Catherine Moreau, conseillère d'Etat en service extraordinaire-rapporteure. Rendu le 31 octobre 2022. La présidente : Signé : Mme Christine Maugüé La rapporteure : Signé : Mme Catherine Moreau La secrétaire : Signé : Mme Valérie Peyrisse [RJ1] Rappr., s’agissant de l’obligation d’usage du français par les personnes morales de droit public et les personnes de droit privé dans l'exercice d'une mission de service public, Cons. const., 9 avril 1996, Loi organique portant statut d'autonomie de la Polynésie française, n° 96-373 DC....[RJ2] Rappr., sur l’obligation d'usage de la langue française pour la rédaction des jugements, CE, 1er avril 2022, Société Amaya Service Limited, n° 450613, à mentionner aux Tables.
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Vu, enregistrée à son secrétariat le 20 mai 2022, l'expédition du jugement du 18 mai 2022 par lequel le tribunal administratif de Besançon, saisi par la société CE Energy products France et d'autres sociétés d'une demande tendant à l'annulation de la décision du 29 avril 2021 par laquelle l'inspecteur du travail de la direction régionale de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (DREETS) de Bourgogne Franche-Comté a déterminé les modalités de l'élection des délégués du comité des activités sociales et culturelles interentreprises (CASCI) " CIE 3 Chênes " ainsi que la décision par laquelle la ministre chargée du travail a implicitement rejeté son recours gracieux, a renvoyé au Tribunal, par application de l'article 35 du décret du 27 février 2015, le soin de décider sur la question de compétence ; Vu, enregistré à son secrétariat le 29 juin 2022, le mémoire produit par la société Alstom Transport SA tendant à ce que la juridiction administrative soit déclarée compétente, par le motif qu'aucune disposition législative ne prévoit la compétence du juge judiciaire pour connaître des décisions prévues à l'article R. 2312-46 du code du travail ; Vu, enregistré à son secrétariat le 29 juin 2022, le mémoire présenté par la SCP Célice, Texidor, Périer pour les sociétés SNC GE Energy Products France, GE Steam Power Systems, GE Steam Power Service France, GE ISetT et GE Hydro France tendant à ce que la juridiction administrative soit déclarée compétente, par le motif qu'aucune disposition législative ne prévoit la compétence du juge judiciaire pour connaître des décisions prévues à l'article R. 2312-46 du code du travail ; Vu, enregistré le 30 juin 2022, le mémoire produit par le CASCI " CIE 3 Chênes " tendant à ce que la juridiction judiciaire soit déclarée compétente, par le motif de l'existence d'un bloc de compétences relevant du juge judiciaire, symétrique à celui prévu pour les comités sociaux et économiques ; Vu les pièces du dossier desquelles il résulte que la saisine du Tribunal des conflits a été notifiée à la société Logistique globale européenne, à la DREETS de Bourgogne Franche-Comté et au ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion ; Vu les autres pièces du dossier ; Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ; Vu la loi du 24 mai 1872 ; Vu le décret du 26 octobre 1849 modifié ; Vu le décret n° 2015-233 du 27 février 2015 ; Vu le code du travail ; Vu la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 ; Vu la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 ; Vu l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de Mme A... B..., membre du Tribunal, - les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy pour le CASCI " CIE 3 Chênes " ; - les observations du cabinet Rousseau, Tapie pour Alstom Transport SA ; - les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public ; Considérant ce qui suit : 1. Les comités d'entreprise des sociétés GE Electric energy products France, GE Steam power systems, GE Steam power service France, GE Hydro France, GE ISTetT, Alstom transport SA, SAS Logistique globale européenne étaient adhérents du comité interentreprises " CIE 3 Chênes ". Par une résolution du 26 octobre 2018, le " CIE 3 Chênes " a décidé de prendre la forme d'un comité des activités sociales et culturelles interentreprises (CASCI), ce qu'ont contesté les sociétés requérantes. Le CASCI a saisi l'inspecteur du travail d'une demande de répartition des sièges à son assemblée plénière. Par décision du 29 avril 2021, l'inspecteur du travail a réparti les sièges du CASCI en fonction de l'effectif des entreprises et a décidé que l'élection des délégués se fera au scrutin uninominal majoritaire à un tour. Le recours formé devant la ministre du travail a été implicitement rejeté. Les sociétés requérantes ont saisi le tribunal administratif de Besançon d'un recours en annulation contre la décision de l'inspecteur du travail. Par jugement du 18 mai 2022, le tribunal administratif de Besançon, estimant que ce litige posait une difficulté sérieuse, a renvoyé au Tribunal, par application de l'article 35 du décret du 27 février 2015, le soin de décider sur la question de compétence. 2. D'une part, aux termes de l'article L. 2312-78 du code du travail : " Le comité social et économique assure, contrôle ou participe à la gestion de toutes les activités sociales et culturelles établies dans l'entreprise prioritairement au bénéfice des salariés, de leur famille et des stagiaires, quel qu'en soit le mode de financement, dans des conditions déterminées par décret en Conseil d'Etat. / Ce décret détermine notamment les conditions dans lesquelles les pouvoirs du comité peuvent être délégués à des organismes créés par lui et soumis à son contrôle, ainsi que les règles d'octroi et d'étendue de la personnalité civile des comités sociaux et économiques et des organismes créés par eux. Il fixe les conditions de financement des activités sociales et culturelles. " Selon l'article R. 2312-43 du même code, institué par le décret n° 2017-1819 du 29 décembre 2017 relatif au comité social et économique, les comités sociaux et économiques d'entreprises possédant ou envisageant de créer certaines institutions sociales communes constituent un comité des activités sociales et culturelles interentreprises (CASCI). Selon l'article R. 2312-44 du même code, les représentants des salariés du CASCI sont désignés parmi les représentants des salariés de chaque comité social et économique. Ils sont choisis autant que possible de façon à assurer la représentation des diverses catégories de salariés, à raison de deux délégués par comité et sans que leur nombre puisse dépasser douze, sauf accord collectif contraire avec les organisations syndicales ou, à défaut d'accord, sauf dérogation accordée expressément par l'inspecteur du travail. Selon l'article R. 2312-45 du même code, lorsque le nombre des entreprises ne permet pas d'assurer aux salariés de chacune d'elles une représentation distincte, un seul délégué peut représenter les salariés de l'une ou de plusieurs d'entre elles et l'attribution des sièges est faite par les comités sociaux et économiques et les organisations syndicales intéressées. Enfin, aux termes de l'article R. 2312-46 : " Dans les cas prévus aux articles R. 2312-44 et R. 2312-45, si l'accord est impossible, l'inspecteur du travail décide de la répartition des sièges entre les représentants des salariés des entreprises intéressées. Le silence gardé pendant plus de quatre mois par le ministre saisi d'un recours hiérarchique sur une décision prise par l'inspecteur du travail vaut décision de rejet. " 3. Il résulte de ces dispositions que l'inspecteur du travail est compétent, en l'absence d'accord collectif ou d'accord entre les comités sociaux et économiques membres du CASCI, pour déterminer le nombre de sièges de représentants des salariés au CASCI et leur répartition entre les représentants des salariés des entreprises intéressées et que sa décision peut faire l'objet d'un recours hiérarchique devant le ministre du travail. 4. D'autre part, l'article 267 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 a prévu que relèvent du juge judiciaire les recours contre les décisions de l'autorité administrative visées aux articles L. 2314-11, L. 2314-20, L. 2314-31, L. 2324-13, L. 2324-18 et L. 2327-7 du code du travail, alors en vigueur, se rapportant à l'organisation des élections des délégués du personnel et du comité d'entreprise ainsi que du comité central d'entreprise et à la reconnaissance du caractère d'établissement distinct pour l'élection des délégués du personnel. L'article 18 de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 a étendu cette compétence du juge judiciaire à la décision de l'autorité administrative relative à la reconnaissance du caractère d'établissement distinct pour l'élection du comité d'entreprise prévue à l'article L. 2322-5 du code du travail, alors en vigueur. L'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 relative à la nouvelle organisation du dialogue social et économique dans l'entreprise et favorisant l'exercice et la valorisation des responsabilités syndicales a modifié l'organisation des institutions représentatives du personnel et transposé aux nouvelles instances l'attribution de compétence conférée au juge judiciaire par l'article 267 de la loi du 6 août 2015 et l'article 18 de la loi du 8 août 2016. Depuis l'entrée en vigueur de cette ordonnance, le juge judiciaire est ainsi compétent pour connaître des recours contre les décisions administratives relatives à l'organisation des élections des membres du comité social et économique et du comité social et économique central et à la reconnaissance du caractère d'établissement distinct pour l'élection au comité social et économique au niveau de l'entreprise, de l'établissement ou de l'unité économique et sociale, prévues aux articles L. 2313-5, L. 2313-8, L. 2314-13, L. 2314-25 et L. 2316-8 du code du travail. 5. Par ces dispositions, éclairées par les travaux parlementaires préparatoires à leur adoption, le législateur a entendu que l'ensemble des décisions de l'autorité administrative se rapportant à l'organisation des élections des comités sociaux et économiques relève du juge judiciaire. Il doit en aller de même des décisions de l'inspecteur du travail, prises en application de l'article R. 2312-46 du code du travail, comme des décisions du ministre du travail en cas de recours hiérarchique formé devant lui, relatives à l'organisation de la représentation des salariés au sein du comité des activités sociales et culturelles interentreprises, qui est assimilé par la loi au comité social et économique. 6. Il résulte de ce qui précède qu'il appartient à la juridiction judiciaire de connaître de la demande tendant à l'annulation de la décision du 29 avril 2021 par laquelle l'inspecteur du travail a déterminé les modalités de l'élection des délégués du CASCI " CIE 3 Chênes ". D E C I D E : -------------- Article 1er : La juridiction judiciaire est compétente pour connaître de la demande des sociétés GE Electric energy products France, GE Steam power systems, GE Steam power service France, GE Hydro France, GE ISTetT, Alstom transport SA, SAS Logistique globale européenne, tendant à l'annulation de la décision du 29 avril 2021 par laquelle l'inspecteur du travail de la DREETS de Bourgogne Franche-Comté a déterminé les modalités de l'élection des délégués du comité des activités sociales et culturelles interentreprises (CASCI) " CIE 3 Chênes ". Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société Alstom Transport SA, aux sociétés SNC GE Energy Products France, GE Steam Power Systems, GE Steam Power Service France, GE ISetT et GE Hydro France, le CASCI " CIE 3 Chênes ", la DREETS de Bourgogne Franche-Comté et au ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion. [RJ1] Rappr., s’agissant de l’assimilation d’un comité interentreprises à un comité d’entreprise pour l’application des règles relatives à la contestation de leurs élections, Cass. soc., 7 janvier 1982, Société Carnaud Emballage c/ Comité interentreprises des sociétés Carnaud, n° 81-60.879, Bull. civ. 1982 V, n° 7.
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Vu la procédure suivante : Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et trois mémoires en réplique, enregistrés les 8 décembre 2021, 9 mars, 2 juin, 15 juillet et 20 septembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A... C... demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 8 octobre 2021 de la présidente de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) clôturant sa plainte dirigée contre la société ... ; 2°) de mettre à la charge de la société ... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 ; - le code des relations entre le public et l'administration ; - la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 ; - l'arrêt C-534/20 du 22 juin 2022 de la Cour de justice de l'Union européenne ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de Mme Isabelle Lemesle, conseillère d'Etat, - les conclusions de Mme Esther de Moustier, rapporteure publique ; La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Fabiani, Luc-Thaler, Pinatel, avocat de Mme C... ; Considérant ce qui suit : Sur les conclusions tendant à ce que " l'intervention " de la société ... soit déclarée irrecevable : 1. La société ..., responsable du traitement de données à caractère personnel ayant donné lieu à la plainte de Mme C..., a la qualité de défendeur dans la présente instance. Les conclusions de Mme C... tendant à ce que soit déclarée irrecevable " l'intervention " de la société ... ne peuvent donc qu'être rejetées. Sur les conclusions dirigées contre la décision de la Commission nationale de l'informatique et des libertés : 2. Aux termes de l'article 8 de la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés : " I.- La Commission nationale de l'informatique et des libertés est une autorité administrative indépendante. Elle est l'autorité de contrôle nationale au sens et pour l'application du règlement (UE) 2016/679 du 27 avril 2016. Elle exerce les missions suivantes :/ (...) 2° Elle veille à ce que les traitements de données à caractère personnel soient mis en œuvre conformément aux dispositions de la présente loi et aux autres dispositions relatives à la protection des données personnelles prévues par les textes législatifs et réglementaires, le droit de l'Union européenne et les engagements internationaux de la France. A ce titre :/ (...) d) Elle traite les réclamations, pétitions et plaintes introduites par une personne concernée ou par un organisme, une organisation ou une association, examine ou enquête sur l'objet de la réclamation, dans la mesure nécessaire, et informe l'auteur de la réclamation de l'état d'avancement et de l'issue de l'enquête dans un délai raisonnable, notamment si un complément d'enquête ou une coordination avec une autre autorité de contrôle est nécessaire (...) ". 3. Il résulte des dispositions mentionnées au point 2 qu'il appartient à la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) de procéder, lorsqu'elle est saisie d'une plainte ou d'une réclamation tendant à la mise en œuvre de ses pouvoirs, à l'examen des faits qui en sont à l'origine et de décider des suites à leur donner. Elle dispose, à cet effet, d'un large pouvoir d'appréciation et peut tenir compte de la gravité des manquements allégués au regard de la législation ou de la réglementation qu'elle est chargée de faire appliquer, du sérieux des indices relatifs à ces faits, de la date à laquelle ils ont été commis, du contexte dans lequel ils l'ont été et, plus généralement, de l'ensemble des intérêts généraux dont elle a la charge. L'auteur d'une plainte peut déférer au juge de l'excès de pouvoir le refus de la CNIL d'y donner suite. Il appartient au juge de censurer celui-ci, le cas échéant, pour un motif d'illégalité externe et, au titre du bien-fondé de la décision, en cas d'erreur de fait ou de droit, d'erreur manifeste d'appréciation ou de détournement de pouvoir. Toutefois, lorsque l'auteur de la plainte se fonde sur la méconnaissance par un responsable de traitement des droits garantis par la loi à la personne concernée à l'égard des données à caractère personnel la concernant, notamment les droits d'accès, de rectification, d'effacement, de limitation et d'opposition mentionnés aux articles 49, 50, 51, 53 et 56 de la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, le pouvoir d'appréciation de la CNIL pour décider des suites à y donner s'exerce, eu égard à la nature du droit individuel en cause, sous l'entier contrôle du juge de l'excès de pouvoir. 4. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... C..., recrutée par la société ... à compter du ... pour exercer la fonction de déléguée à la protection des données et licenciée le ..., demande l'annulation pour excès de pouvoir de la décision du 8 octobre 2021 par laquelle la présidente de la CNIL a clôturé sa plainte relative aux conditions dans lesquelles elle a exercé ses fonctions de déléguée au sein de cette société et à l'exercice de son droit d'accès à ses données personnelles. Quant à l'exercice du droit d'accès par Mme C... à ses données personnelles : 5. D'une part, en vertu de l'article 15 du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (règlement général sur la protection des données - RGPD), auquel renvoie l'article 49 de la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, la personne concernée a le droit d'obtenir du responsable de traitement la confirmation que des données à caractère personnel la concernant sont ou ne sont pas traitées et, lorsqu'elles le sont, l'accès à ces données à caractère personnel ainsi qu'à une série d'informations limitativement énumérées. 6. D'autre part, le refus de la CNIL de donner suite à une plainte fondée sur la méconnaissance du droit d'accès qu'une personne concernée tient des dispositions de l'article 15 du RGPD est au nombre des décisions administratives individuelles défavorables qui refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir, au sens et pour l'application du 6° de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration, et qui doivent, à ce titre, être motivées. 7. La décision de la présidente de la CNIL de ne pas donner suite à la plainte de Mme C... en ce qui concerne l'exercice du droit d'accès aux données à caractère personnel la concernant comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. La requérante n'est donc pas fondée à soutenir que cette décision serait entachée d'insuffisance de motivation. Quant au respect par la société ... des dispositions relatives au délégué à la protection des données : 8. L'article 39 du RGPD prévoit que : " 1. Les missions du délégué à la protection des données sont au moins les suivantes : / a) informer et conseiller le responsable du traitement ou le sous-traitant ainsi que les employés qui procèdent au traitement sur les obligations qui leur incombent en vertu du présent règlement et d'autres dispositions du droit de l'Union ou du droit des États membres en matière de protection des données ;/ b) contrôler le respect du présent règlement, d'autres dispositions du droit de l'Union ou du droit des États membres en matière de protection des données et des règles internes du responsable du traitement ou du sous-traitant en matière de protection des données à caractère personnel, y compris en ce qui concerne la répartition des responsabilités, la sensibilisation et la formation du personnel participant aux opérations de traitement, et les audits s'y rapportant ;/ c) dispenser des conseils, sur demande, en ce qui concerne l'analyse d'impact relative à la protection des données et vérifier l'exécution de celle-ci en vertu de l'article 35 ;/ d) coopérer avec l'autorité de contrôle ;/ e) faire office de point de contact pour l'autorité de contrôle sur les questions relatives au traitement, y compris la consultation préalable visée à l'article 36, et mener des consultations, le cas échéant, sur tout autre sujet (...) ". Aux termes de l'article 38 du même règlement, relatif à la fonction de délégué à la protection des données : " (...) / 2. Le responsable du traitement et le sous-traitant aident le délégué à la protection des données à exercer les missions visées à l'article 39 en fournissant les ressources nécessaires pour exercer ces missions, ainsi que l'accès aux données à caractère personnel et aux opérations de traitement, et lui permettant d'entretenir ses connaissances spécialisées./ 3. Le responsable du traitement et le sous-traitant veillent à ce que le délégué à la protection des données ne reçoive aucune instruction en ce qui concerne l'exercice des missions. Le délégué à la protection des données ne peut être relevé de ses fonctions ou pénalisé par le responsable du traitement ou le sous-traitant pour l'exercice de ses missions. Le délégué à la protection des données fait directement rapport au niveau le plus élevé de la direction du responsable du traitement ou du sous-traitant. / 4. Les personnes concernées peuvent prendre contact avec le délégué à la protection des données au sujet de toutes les questions relatives au traitement de leurs données à caractère personnel et à l'exercice des droits que leur confère le présent règlement (...) ". Enfin, le considérant 97 du RGPD énonce que le délégué doit être en mesure d'exercer ses fonctions " en toute indépendance ". 9. En premier lieu, la décision de la présidente de la CNIL de ne pas donner suite à la plainte de Mme C... en ce qui concerne les manquements allégués de la société ... aux règles relatives au délégué à la protection des données mentionnées au point 6 n'est pas au nombre des décisions individuelles défavorables énumérées à l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration et, en particulier, ne constitue ni une mesure restreignant l'exercice des libertés publiques, ni le refus d'un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir, eu égard au large pouvoir d'appréciation dont bénéficie la CNIL, saisie d'une plainte qui n'est pas fondée sur l'un des droits individuels reconnus par le RGPD à la personne concernée. Ni les dispositions de ce code, ni aucune autre disposition n'impose la motivation d'une telle décision. Par suite, la requérante ne peut utilement reprocher à la CNIL d'avoir insuffisamment motivé sa décision sur ce point. 10. En deuxième lieu, il résulte des dispositions du paragraphe 3 de l'article 38 du RGPD citées au point 8, éclairées par la Cour de justice de l'Union européenne dans son arrêt du 22 juin 2022 (C-534/20), Leistritz AG c/ LH, qu'en protégeant le délégué à la protection des données contre toute décision qui mettrait fin à ses fonctions, lui ferait subir un désavantage ou qui constituerait une sanction, lorsqu'une telle décision serait en relation avec l'exercice de ses missions, ces dispositions visent essentiellement à préserver l'indépendance fonctionnelle du délégué à la protection des données et, partant, à garantir l'effectivité des dispositions du RGPD. En revanche, elles ne font pas obstacle au licenciement d'un délégué qui ne posséderait plus les qualités professionnelles requises pour exercer ses missions ou qui ne s'acquitterait pas de celles-ci conformément aux dispositions du RGPD. Il ressort également de cet arrêt que ces dispositions n'ont pas pour objet de régir globalement les relations de travail entre un responsable du traitement ou un sous-traitant et des membres de son personnel, lesquelles ne sont susceptibles d'être affectées que de manière accessoire, dans la mesure strictement nécessaire à la réalisation des objectifs du RGPD. Il en résulte clairement que l'article 38 du RGPD ne fait pas obstacle à ce que le salarié exerçant les fonctions de délégué au sein de l'entreprise fasse l'objet d'une sanction ou d'un licenciement à raison de manquements aux règles internes à l'entreprise applicables à tous ses salariés, sous réserve que ces dernières ne soient pas incompatibles avec l'indépendance fonctionnelle qui lui est garantie par le RGPD. 11. Il ressort des pièces du dossier que, pour déterminer s'il y avait lieu de poursuivre la société ... en raison de manquements aux règles garantissant l'indépendance du délégué à la protection des données énoncées au paragraphe 3 de l'article 38 du RGPD, la CNIL a confronté les faits et griefs évoqués dans la plainte de Mme C... avec la réponse de la société. Celle-ci a réfuté avoir donné des instructions à l'intéressée en sa qualité de déléguée à la protection des données et a exposé que son licenciement résultait de défaillances dans l'exercice de ses fonctions, en mentionnant notamment, à ce titre, l'absence de production d'une feuille de route demandée, des alertes répétées de non-conformité non motivées et non documentées, une absence de réponse aux sollicitations des salariés de la société et une absence de disponibilité délibérée, en sus du non-respect de processus internes à la société, consistant notamment à s'affranchir des chaînes hiérarchiques en s'adressant directement aux collaborateurs d'une équipe sans l'aval du chef de celle-ci ou à prendre des congés sans en avertir en temps utile sa hiérarchie. La société ... a, en outre, fait valoir que Mme C... n'avait jamais fait l'objet de sanctions directes ou indirectes, en soutenant que la circonstance qu'elle n'ait pas obtenu le taux maximum de sa prime de performance en mars 2019 tenait à ce qu'elle ne satisfaisait pas pleinement aux exigences liées à sa fonction. La CNIL a pris sa décision après avoir examiné l'ensemble des éléments en sa possession. 12. En estimant que l'exigence de protection de l'indépendance fonctionnelle du délégué à la protection des données ne faisait pas obstacle, par principe, à ce que la société ... puisse reprocher à l'intéressée des carences dans l'exercice de ses fonctions ainsi que le non-respect de règles internes à la société, dont il n'est pas allégué qu'elles étaient incompatibles avec l'indépendance fonctionnelle du délégué, la CNIL n'a pas commis d'erreur de droit. Par ailleurs, eu égard aux justifications avancées par la société ... pour motiver les mesures prises à l'égard de Mme C..., et quand bien même la matérialité de certains des faits reprochés à cette dernière ne serait pas établie avec certitude, il ne ressort pas des pièces du dossier que la CNIL, dans l'exercice du large pouvoir d'appréciation qui est le sien, ait entaché sa décision d'une erreur manifeste en estimant qu'il n'y avait pas lieu, en l'espèce, d'engager des poursuites à l'encontre de la société ... à raison d'un manquement au paragraphe 3 de l'article 38 du RGPD. 13. En troisième et dernier lieu, il ressort des pièces du dossier que d'importantes ressources humaines et opérationnelles ont été octroyées à Mme C..., dont une équipe de trois collaborateurs et un budget d'intervention important dont elle décidait de l'affectation, qu'elle exerçait ses fonctions de délégué à temps complet et à titre exclusif, et animait un comité de pilotage de la protection des données à caractère personnel réunissant des cadres dirigeants. En se fondant sur ces circonstances pour estimer qu'il n'y avait pas lieu de donner suite à la plainte en ce qui concerne un manquement à l'obligation, prévue au paragraphe 2 de l'article 38 du RGPD, de fournir au délégué à la protection des données les ressources nécessaires à l'exercice de ses missions, la CNIL, qui n'a pas commis d'erreur de droit, n'a pas entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation. 14. Il résulte de ce qui précède que la requête de Mme C... doit être rejetée, y compris les conclusions qu'elle présente au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à sa charge la somme de 1 000 euros que la société ... demande au même titre. D E C I D E : -------------- Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée. Article 2 : Mme C... versera à la société ... la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme A... C..., à la Commission nationale de l'informatique et des libertés et à la société ....

JADE

Decisions of the Council of State, administrative courts of appeal, and the Court of Conflicts.
For the Council of State:

  • the "landmark judgments" that established administrative law;
  • decisions published in the Official Collection of Council of State Decisions (Lebon collection) since 1965;
  • a limited selection of unpublished decisions in the collection between 1975 and 1986, with an expanded selection since 1986.

For the Administrative Courts of Appeal (CAA):

  • a selection of judgments, varying for each of the 8 Courts, dating back to the establishment of the respective Court (1989 for the oldest CAAs).

For the administrative tribunals:

  • A very limited selection starting in 1965, consisting of judgments chosen for publication or reference in the Lebon collection.
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