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JADE/CETATEXT000047930912.xml
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 4 octobre 2022 par lequel le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et d'enjoindre à cette autorité de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de réexaminer sa situation et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler. Par un jugement n° 2207006 du 31 janvier 2023, le tribunal a rejeté cette demande. Procédure devant la cour Par une requête enregistrée le 3 avril 2023, M. A..., représenté par Me Huard, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement et cet arrêté ; 2°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans le même délai et, dans l'attente, sous huit jours, de lui octroyer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ; 3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 200 euros au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - le refus de titre de séjour est entaché d'une insuffisance de motivation ; il est également entaché d'un défaut d'examen particulier et complet de sa situation ; il est fondé sur des faits matériellement inexacts s'agissant de sa situation professionnelle ; il méconnaît les dispositions des articles L. 421-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; il méconnaît également les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle ; - l'obligation de quitter le territoire français est illégale par voie de conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour ; elle méconnait également les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle. En application de l'article R. 611-8 du code de justice administrative, l'affaire a été dispensée d'instruction. M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 mars 2023. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative ; Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ; M. A... ayant été régulièrement averti du jour de l'audience ; Le rapport de M. Chassagne, premier conseiller, ayant été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. M. A..., ressortissant la République du Mali né le 30 juillet 2001 à Niarela, déclare être entré sur le territoire français le 8 novembre 2017. Après avoir été confié à l'aide sociale à l'enfance du département de l'Isère entre l'âge de seize et dix-huit ans par jugement du 12 décembre 2017, il a fait l'objet d'un arrêté pris le 24 septembre 2019 portant notamment refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français, aujourd'hui définitif. A la suite d'une demande en ce sens du 18 février 2021, un titre de séjour portant la mention " étudiant " lui a été accordé à titre dérogatoire le 20 mai 2021, valable jusqu'au 19 novembre 2021. M. A... a alors demandé au préfet de l'Isère, le 18 novembre 2021, la délivrance d'un titre de séjour en qualité de salarié et de travailleur temporaire, auquel un refus a été opposé par un arrêté du 4 octobre 2022, avec notamment obligation de quitter le territoire français. M. A... relève appel du jugement du tribunal administratif de Grenoble qui a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté. 2. En premier lieu, M. A... se prévaut de ce que le préfet de l'Isère n'aurait pas examiné l'intégralité de sa situation avant d'adopter le refus de titre de séjour en litige, en ayant seulement tenu compte de ce qu'il justifiait avoir exercé une activité professionnelle intérimaire au sein d'une société pour la période d'avril à juin 2022, alors qu'il a continué à travailler pour cette entreprise après le mois de juin 2022 et qu'il a d'ailleurs bénéficié d'une promesse d'embauche en contrat à durée indéterminée de sa part. Il reste que cette promesse d'embauche a été établie le 19 octobre 2022, soit postérieurement au refus contesté. Par ailleurs, après avoir relevé que l'intéressé avait communiqué un contrat de travail à durée indéterminée avec une société le 1er décembre 2021, le préfet a retenu que cette société, bien qu'invitée à produire des pièces complémentaires, n'avait pas déposé de demande d'autorisation de travail. Il a également noté que l'intéressé n'avait pas transmis de bulletins de paie émanant de cette entreprise après le mois de décembre 2021 ou d'éléments montrant qu'il était toujours employé par cette dernière, et relevé qu'il ne justifiait pas détenir un contrat à durée déterminée d'au moins six mois alors qu'il se prévalait de contrats de missions temporaires pour la période d'avril à juin 2022. Ainsi, le préfet n'a fait que constater la fin de sa relation de travail avec l'entreprise auprès de laquelle il bénéficiait d'un contrat de travail sur lequel s'appuyait sa demande de titre de séjour, et qu'il n'avait produit aucun élément postérieur au mois de juin 2022. Faute de justifier avoir informé le préfet des raisons pour lesquelles sa relation de travail avait cessé ou qu'il avait poursuivi ses missions au-delà de juin 2022, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le préfet de l'Isère, qui a apprécié globalement sa situation personnelle depuis son entrée sur le territoire, aurait entaché le refus de séjour en litige d'une erreur de droit ou d'une erreur sur la matérialité des faits. 3. En deuxième lieu, les moyens, déjà soulevés en première instance, tirés de ce que le refus de titre de séjour serait entaché d'une insuffisance de motivation et méconnaîtrait les dispositions des articles L. 421-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, doivent, en l'absence d'éléments nouveaux et de critique pertinente en appel, être écartés par les motifs retenus par les premiers juges et qu'il y a lieu, pour la cour, d'adopter. 4. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A..., malgré l'obtention d'un diplôme de CAP " conducteur d'installations de production " le 6 juillet 2021, après une scolarité dont plusieurs de ses professeurs ont souligné le sérieux, et l'exercice d'une activité professionnelle sous différents statuts durant la période du mois de juin 2021 à la date de la décision contestée, puisse être regardé comme justifiant d'une insertion personnelle et professionnelle d'une particulière intensité. Par suite et, pour le surplus, en l'absence d'éléments nouveaux et de critique pertinente en appel, par adoption des motifs retenus par le tribunal, les moyens, déjà soulevés en première instance, tirés de ce que le refus de titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire français contestés méconnaîtraient les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et seraient entachés d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de leurs conséquences sur sa situation personnelle, doivent être écartés. 5. En quatrième lieu, il résulte de ce qui précède que la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas illégale par voie de conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour. Le moyen ne peut donc qu'être écarté. 6. En dernier lieu, les moyens dirigés contre l'obligation de quitter le territoire français et tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation commise par le préfet de l'lsère au regard des conséquences de cette décision sur la situation personnelle de l'intéressé, qui sont les mêmes que ceux développés à l'encontre du refus de titre de séjour, doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux précédemment évoqués. 7. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Sa requête doit donc, dans l'ensemble de ses conclusions, être rejetée. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de l'Isère. Délibéré après l'audience du 6 juillet 2023, à laquelle siégeaient : M. Picard, président de chambre ; M. Seillet, président-assesseur ; M. Chassagne, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 juillet 2023. Le rapporteur, J. Chassagne Le président, V.-M. Picard La greffière, A. Le Colleter La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition, La greffière, 2 N° 23LY01165 lc
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Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure M. A... D... et Mme B... C... épouse D... ont demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les arrêtés du 14 mars 2022 par lesquels le préfet du Rhône leur a refusé un titre de séjour, a assorti ces refus d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai de quatre-vingt-dix jours, a fixé la destination d'éloignement en cas de non-respect de ce délai de départ volontaire et leur a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de vingt-quatre mois, ainsi que les décisions implicites de rejet de leur recours gracieux. Par un jugement n° 2202799, 2202800 du 9 août 2022, le tribunal a rejeté leurs demandes. Procédure devant la cour I. Par une requête et des mémoires enregistrés sous le n° 22LY02838 le 23 septembre 2022 ainsi que les 12 mai et 9 juin 2023, M. D..., représenté par Me Petit, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement et les décisions contestées ; 2°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer une carte de séjour temporaire " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois, subsidiairement, de réexaminer sa situation après lui avoir remis une autorisation provisoire de séjour et de travail, dans le délai de quinze jours à compter de l'arrêt ; 3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il soutient que : - le refus de séjour est entaché d'une erreur de droit et d'un défaut d'examen particulier ; il méconnaît les dispositions des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, étant également entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ; il est entaché d'une erreur de fait quant à ses compétences professionnelles ; il méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; il méconnaît les principes de confiance légitime et de sécurité juridique ; - l'obligation de quitter le territoire français doit être annulée en raison de l'illégalité du refus de séjour ; elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; - la fixation du pays de destination doit être annulée en raison de l'illégalité du refus de séjour et de l'obligation de quitter le territoire ; elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle et de celle de ses enfants ; - la décision portant interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de vingt-quatre mois est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour et/ou de la décision portant obligation de quitter le territoire français ; elle est entachée d'un défaut de base légale et est insuffisamment motivée en droit ; elle est entachée d'une erreur de fait ; elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et est entachée d'une " erreur manifeste d'appréciation " de ses conséquences tant sur son principe que sur sa durée. La requête de M. D... a été communiquée au préfet du Rhône qui n'a pas produit d'observations. II. Par une requête et des mémoires enregistrés sous le n° 22LY02840 le 23 septembre 2022 ainsi que les 12 mai et 9 juin 2023, Mme D..., représentée par Me Petit, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement et les décisions contestées ; 2°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer une carte de séjour temporaire " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois, subsidiairement, de réexaminer sa situation après lui avoir remis une autorisation provisoire de séjour et de travail, dans le délai de quinze jours à compter de l'arrêt ; 3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Elle soutient que : - le refus de séjour est entaché d'une erreur de droit et d'un défaut d'examen particulier ; il méconnaît les dispositions des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, étant également entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ; il est entaché d'une erreur de fait quant aux compétences professionnelles de son mari et quant à sa présentation d'un faux récépissé ; il méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; - l'obligation de quitter le territoire français doit être annulée en raison de l'illégalité du refus de séjour ; elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; - la fixation du pays de destination doit être annulée en raison de l'illégalité du refus de séjour et de l'obligation de quitter le territoire ; elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle et de celle de ses enfants ; - la décision portant interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de vingt-quatre mois est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour et/ou de la décision portant obligation de quitter le territoire français ; elle est entachée d'un défaut de base légale et est insuffisamment motivée en droit ; elle est entachée d'une erreur de fait ; elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et est entachée d'une " erreur manifeste d'appréciation " de ses conséquences tant sur son principe que sur sa durée. La requête de Mme D... a été communiquée au préfet du Rhône qui n'a pas produit d'observations. La décision du 26 octobre 2022 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Lyon (section administrative d'appel) refusant le bénéfice de l'aide juridictionnelle à M. et Mme D... a été annulée par une décision du 18 juillet 2023 du président de la cour. M. et Mme D... sont admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Vu les autres pièces des dossiers ; Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ; - le code de justice administrative ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Après avoir entendu au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Djebiri, première conseillère ; - et les observations de Me Petit pour M. et Mme D... ; Considérant ce qui suit : 1. Les requêtes présentées par M. et Mme D..., membres d'une même famille, ont fait l'objet d'une instruction commune. Par suite, il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul jugement. 2. M. et Mme D..., ressortissants arméniens nés respectivement en 1980 et 1982, relèvent appel du jugement du 9 août 2022 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes d'annulation des arrêtés du 14 mars 2022 du préfet du Rhône leur refusant un titre de séjour leur faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours, fixant la destination d'éloignement en cas de non-respect de ce délai de départ volontaire et leur interdisant le retour sur le territoire français pour une durée de vingt-quatre mois, ainsi que leur demande d'annulation des décisions implicites de rejet de leur recours gracieux. 3. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. - 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " 4. Il ressort des pièces du dossier que les requérants, arrivés en France en 2009, y résidaient depuis douze ans à la date des décisions contestées. Ils sont parents d'enfants nés en 2002, 2006 et 2015, scolarisés ou poursuivant des études, leur aîné étant titulaire d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", leur deuxième ayant vocation à bénéficier de la délivrance d'un titre sur le fondement de l'article L. 421-35 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et leur dernier étant né sur le territoire. M. D... bénéficie d'une promesse d'embauche, et son épouse a travaillé comme garde d'enfant rémunérée par chèque emploi service universel. Ils ne présentent aucune menace pour l'ordre public et si, malgré le refus d'asile et les mesures d'éloignement dont ils ont fait l'objet, ils sont restés sur le territoire, il n'apparaît pas que, de son côté, l'administration aurait vainement cherché à les mettre à exécution. Consultée sur leur dernière demande de titre de séjour, la commission du titre de séjour s'est prononcée le 17 février 2022 en faveur de la régularisation de leur séjour, compte tenu en particulier de leur durée de présence en France et des conditions de d'insertion de la famille. Dans ces conditions, et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, les requérants sont fondés à soutenir que les refus de séjour contestés portent une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale qu'ils tiennent des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. 5. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme D... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes d'annulation des arrêtés contestés, dans leurs différentes dispositions, et des décisions implicites de rejet de leur recours gracieux. 6. Eu égard au motif exposé ci-dessus, et dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'un changement dans la situation de droit ou de fait des intéressés y ferait obstacle, le présent arrêt implique que le préfet du Rhône délivre à M. D... et à son épouse, chacun, un titre de séjour valable un an portant la mention " vie privée et familiale ". Par suite, il y a lieu pour la cour d'enjoindre au préfet du Rhône d'y procéder dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt. 7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros à verser à Me Petit, avocat de M. et Mme D..., au titre des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que Me Petit renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée. DÉCIDE : Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lyon n° 2202799, 2202800 du 9 août 2022 est annulé. Article 2 : Il est enjoint au préfet du Rhône de délivrer à M. et Mme D... une carte de séjour dans les conditions prévues au point 6 du présent arrêt. Article 3 : L'État versera à Me Petit la somme globale de 1 500 euros au titre des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que Me Petit renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D..., à Mme B... C... épouse D... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée à la préfète du Rhône. Délibéré après l'audience du 6 juillet 2023 à laquelle siégeaient : M. Picard, président de chambre ; M. Seillet, président assesseur ; Mme Djebiri, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 juillet 2023. La rapporteure, C. DjebiriLe président, V.-M. Picard La greffière, A. Le Colleter La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition, La greffière, N° 22LY02838, 22LY02840 kc
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Vu la procédure suivante : Par une requête et des mémoires enregistrés le 26 octobre 2022 ainsi que les 23 février et 25 mai 2023, les communes de Briffons, de Laqueuille, de Saint Germain près Herment et la région Auvergne Rhône-Alpes, la première nommée ayant la qualité de représentante unique au titre de l'article R. 751-3 du code de justice administrative, représentées par Me Cuzzi, demandent à la cour : 1°) d'annuler l'arrêté du 27 juin 2022 par lequel le préfet du Puy de Dôme a délivré à la société Parc éolien du Briffons une autorisation d'exploiter une installation terrestre de production d'électricité à partir de l'énergie mécanique du vent comprenant cinq aérogénérateurs et un poste de livraison sur le territoire de la commune de Briffons ; 2°) de mettre à la charge de l'État le versement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ils soutiennent que : - l'arrêté est illégal dès lors que le dossier soumis à l'enquête publique ne comprend pas l'avis rendu par l'architecte des bâtiments de France en méconnaissance de l'article R. 181-32 du code de l'environnement ; - l'arrêté est entaché d'une insuffisance de l'évaluation environnementale ; - l'arrêté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation, méconnaît l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme en ce qui concerne l'insertion paysagère et l'impact sur la biodiversité ; - il méconnaît l'article L. 411-1 du code de l'environnement en l'absence de dérogation légalement octroyée dans le cadre de l'article L. 411-2 du même code ; - il méconnaît l'article L. 111-4 du code de l'urbanisme. Par des mémoires enregistrés les 3 décembre 2022 et 12 avril 2023, la société Parc éolien du Briffons, représentée par Me Elfassi, conclut au rejet de la requête et demande de mettre à la charge de la commune de Briffons et autres la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle fait valoir que la requête est irrecevable et qu'à titre subsidiaire aucun moyen de la requête n'est fondé. Par un mémoire enregistré le 12 décembre 2022, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que la requête est irrecevable et qu'aucun moyen de la requête n'est fondé. Par une ordonnance du 9 mai 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 26 mai 2023. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - la directive 85/337/CEE du Conseil du 27 juin 1985 concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics ou privés sur l'environnement ; - le code de l'énergie ; - le code de l'environnement ; - le code du patrimoine ; - le code de l'urbanisme ; - l'arrêté du 26 août 2011 relatif aux installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent ; - le code de justice administrative ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Après avoir entendu au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Djebiri, première conseillère ; - les conclusions de M. Rivière, rapporteur public ; - et les observations de Me Cuzzi pour la commune de Briffons et autres, ainsi que celles de Me Domenech substituant Me Elfassi, pour la société Parc éolien de Briffons ; Considérant ce qui suit : 1. Par un arrêté du 27 juin 2022 portant autorisation unique le préfet du Puy-de-Dôme a, sur sa demande présentée le 8 décembre 2016, autorisé la société Parc éolien de Briffons à réaliser et exploiter sur le territoire de la commune de Briffons un parc éolien d'une puissance totale de 12,5 MW, composé de cinq aérogénérateurs d'une hauteur de 150 mètres en bout de pales, au lieu des neuf prévus initialement, avec un poste de livraison. La commune de Briffons et plusieurs autres collectivités en demandent l'annulation. Sur le cadre juridique : 2. Aux termes de l'article 15 de l'ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 : " Les dispositions de la présente ordonnance entrent en vigueur le 1er mars 2017, sous réserve des dispositions suivantes : / 1° Les autorisations délivrées au titre du chapitre IV du titre Ier du livre II ou du chapitre II du titre Ier du livre V du code de l'environnement dans leur rédaction antérieure à la présente ordonnance, ou au titre de l'ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014 ou de l'ordonnance n° 2014-619 du 12 juin 2014, avant le 1er mars 2017, sont considérées comme des autorisations environnementales relevant du chapitre unique du titre VIII du livre Ier de ce code, avec les autorisations, enregistrements, déclarations, absences d'opposition, approbations et agréments énumérés par le I de l'article L. 181-2 du même code que les projets ainsi autorisés ont le cas échéant nécessités ; les dispositions de ce chapitre leur sont dès lors applicables, notamment lorsque ces autorisations sont contrôlées, modifiées, abrogées, retirées, renouvelées, transférées, contestées ou lorsque le projet autorisé est définitivement arrêté et nécessite une remise en état ; / 2° Les demandes d'autorisation au titre du chapitre IV du titre Ier du livre II ou du chapitre II du titre Ier du livre V du code de l'environnement, ou de l'ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014 ou de l'ordonnance n° 2014-619 du 12 juin 2014 régulièrement déposées avant le 1er mars 2017 sont instruites et délivrées selon les dispositions législatives et réglementaires dans leur rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la présente ordonnance ; après leur délivrance, le régime prévu par le 1° leur est applicable (...) ". Sous réserve des dispositions de son article 15, l'article 16 de la même ordonnance a abrogé les dispositions de l'ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014. 3. Il appartient au juge du plein contentieux des installations classées pour la protection de l'environnement d'apprécier le respect des règles relatives à la forme et la procédure régissant la demande d'autorisation au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date de délivrance de l'autorisation et celui des règles de fond régissant le projet en cause au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date à laquelle il se prononce, sous réserve du respect des règles d'urbanisme qui s'apprécie au regard des circonstances de fait et de droit applicables à la date de l'autorisation, la juridiction statuant comme juge de l'excès de pouvoir contre l'autorisation unique en tant qu'elle vaut permis de construire. Toutefois, en vertu du 2° de l'article 15 de l'ordonnance du 26 janvier 2017, les demandes d'autorisation régulièrement déposées avant le 1er mars 2017 sont instruites et délivrées selon les dispositions législatives et réglementaires dans leur rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 26 janvier 2017. La légalité de telles autorisations doit donc être appréciée, pour ce qui concerne la forme et la procédure, au regard des règles applicables avant l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 26 janvier 2017. Sur le fond du litige : 4. Aux termes de l'article L. 621-30 du code du patrimoine : " En l'absence de périmètre délimité, la protection au titre des abords s'applique à tout immeuble, bâti ou non bâti, visible du monument historique ou visible en même temps que lui et situé à moins de cinq cents mètres de celui-ci. " Aux termes de l'article L. 621-32 du même code : " Les travaux susceptibles de modifier l'aspect extérieur d'un immeuble, bâti ou non bâti, protégé au titre des abords sont soumis à une autorisation préalable. ". Aux termes de l'article L. 632-1 du même code : " Dans le périmètre d'un site patrimonial remarquable, sont soumis à une autorisation préalable les travaux susceptibles de modifier l'état des parties extérieures des immeubles bâtis, y compris du second œuvre, ou des immeubles non bâtis. " 5. Faute d'être situé dans un périmètre de protection défini au titre de la législation sur les monuments historiques, le projet n'était pas soumis à l'accord préalable de l'architecte des bâtiments de France, la production au dossier d'enquête publique de son avis simple, que l'autorité administrative n'était pas tenue de suivre, n'étant pas exigée en vertu des articles R. 181-32 et R. 181-37 du code de l'environnement. Aucune irrégularité n'a ici été commise. 6. Aux termes de l'article R. 512-6 du code de l'environnement, dans sa rédaction alors applicable : " I. - A chaque exemplaire de la demande d'autorisation doivent être jointes les pièces suivantes : (...) / 4° L'étude d'impact prévue à l'article L. 122-1 dont le contenu est défini à l'article R. 122-5 et complété par l'article R. 512-8 ; (...) ". Aux termes de l'article R. 122-5 du même code : " I. - Le contenu de l'étude d'impact est proportionné à la sensibilité environnementale de la zone susceptible d'être affectée par le projet, à l'importance et la nature des travaux, ouvrages et aménagements projetés et à leurs incidences prévisibles sur l'environnement ou la santé humaine. / II. - L'étude d'impact présente : (...) / 2° Une analyse de l'état initial de la zone et des milieux susceptibles d'être affectés par le projet, portant notamment sur la population, la faune et la flore, les habitats naturels, les sites et paysages, les biens matériels, les continuités écologiques telles que définies par l'article L. 371-1, les équilibres biologiques, les facteurs climatiques, le patrimoine culturel et archéologique, le sol, l'eau, l'air, le bruit, les espaces naturels, agricoles, forestiers, maritimes ou de loisirs, ainsi que les interrelations entre ces éléments ; / 3° Une analyse des effets négatifs et positifs, directs et indirects, temporaires (y compris pendant la phase des travaux) et permanents, à court, moyen et long terme, du projet sur l'environnement, en particulier sur les éléments énumérés au 2° et sur la consommation énergétique, la commodité du voisinage (bruits, vibrations, odeurs, émissions lumineuses), l'hygiène, la santé, la sécurité, la salubrité publique, ainsi que l'addition et l'interaction de ces effets entre eux ; / 4° Une analyse des effets cumulés du projet avec d'autres projets connus. Ces projets sont ceux qui, lors du dépôt de l'étude d'impact : / -ont fait l'objet d'un document d'incidences au titre de l'article R. 214-6 et d'une enquête publique ; / -ont fait l'objet d'une étude d'impact au titre du présent code et pour lesquels un avis de l'autorité administrative de l'État compétente en matière d'environnement a été rendu public. / Sont exclus les projets ayant fait l'objet d'un arrêté au titre des articles R. 214-6 à R. 214-31 mentionnant un délai et devenu caduc, ceux dont la décision d'autorisation, d'approbation ou d'exécution est devenue caduque, dont l'enquête publique n'est plus valable ainsi que ceux qui ont été officiellement abandonnés par le pétitionnaire ou le maître d'ouvrage ; / (...) 7° Les mesures prévues par le pétitionnaire ou le maître de l'ouvrage pour : / - éviter les effets négatifs notables du projet sur l'environnement ou la santé humaine et réduire les effets n'ayant pu être évités ; / - compenser, lorsque cela est possible, les effets négatifs notables du projet sur l'environnement ou la santé humaine qui n'ont pu être ni évités ni suffisamment réduits S'il n'est pas possible de compenser ces effets, le pétitionnaire ou le maître d'ouvrage justifie cette impossibilité. (...) ". Aux termes de l'article R. 512-8 de ce code : " I. - Le contenu de l'étude d'impact mentionnée à l'article R. 512-6 doit être en relation avec l'importance de l'installation projetée et avec ses incidences prévisibles sur l'environnement, au regard des intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1. / II. - Le contenu de l'étude d'impact est défini à l'article R. 122-5. Il est complété par les éléments suivants : / 1° L'analyse mentionnée au 3° du II de l'article R. 122-5 précise notamment, en tant que de besoin, l'origine, la nature et la gravité des pollutions de l'air, de l'eau et des sols, les effets sur le climat le volume et le caractère polluant des déchets, le niveau acoustique des appareils qui seront employés ainsi que les vibrations qu'ils peuvent provoquer, le mode et les conditions d'approvisionnement en eau et d'utilisation de l'eau ; (...) ". 7. Les inexactitudes, omissions ou insuffisances d'une étude d'impact ne sont susceptibles de vicier la procédure et donc d'entraîner l'illégalité de la décision prise au vu de cette étude que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative. 8. Comme l'a relevé l'autorité environnementale, l'étude " des impacts paysagers est menée de manière correcte et s'appuie sur de nombreux photomontages regroupés dans une annexe spécifique et dont la qualité est globalement satisfaisante. Ils incluent en particulier une légende permettant de repérer les machines des différents parcs. Ils sont bien présentés et très pédagogiques concernant l'effet de cumul des parcs en projet ". Cette étude présente les incidences du projet sur la chaîne des Puys et le massif de Sancy, qui sont éloignés du parc, et notamment sur le Mont Dore et le col du Ceyssat. Elle comprend également une analyse des effets cumulés des différents projets éoliens dans le secteur, au nombre de cinq, et tient compte, en particulier, des distances entre eux. Les effets du projet sur l'église de Briffons ont fait l'objet d'une étude détaillée bien que, avec la suppression des éoliennes E8 et E9 prévues initialement, toute covisibilité avec ce monument a disparu. Rien ne permet de dire que l'examen de l'impact paysager du projet sur les autres sites et monuments se trouvant à proximité, qui ne sont d'ailleurs pas identifiés, serait insuffisant. Aucune obligation n'existe, à cet égard, de présenter des photomontages depuis tous les points de vue. L'insuffisance de l'étude paysagère, notamment en ce qu'elle n'aurait pas permis d'appréhender correctement l'impact du projet, pris isolément ou avec les effets générés par d'autres installations, sur certains sites ou monuments, n'est pas caractérisée. 9. Le dossier comporte une étude relative à la faune volante, qui identifie onze espèces de chiroptères sur la zone, dont quatre à forte patrimonialité (vulnérables ou quasi menacées), et quatre-vingt-huit espèces d'oiseaux, dont soixante-dix-huit patrimoniales. Elle présente sa méthodologie, le résultat des inventaires, une synthèse des connaissances des effets de l'éolien sur les chiroptères et l'avifaune notamment et une analyse des impacts du projet sur le patrimoine naturel. Dans le cadre de l'étude des effets cumulés avec le projet de Tortebesse, une cartographie des intérêts avifaunistiques est présentée, qui indique en particulier les zones de reproduction du busard Saint Martin, la plupart de ces effets, qu'il s'agisse de " l'effet barrière " ou de l'accentuation de l'encerclement des zones de reproduction, ayant disparu du fait de la suppression des quatre éoliennes situées en continuité de ce projet, notamment l'éolienne E9. Aucune insuffisance de l'étude relative à la faune volante ne saurait être retenue à cet égard. 10. Il ne résulte pas de l'instruction que le diagnostic environnemental sur la base duquel ont été déterminées les mesures d'évitement, de réduction et de compensation (ERC) aurait été sous-évalué. Si la Mrae a émis des réserves relatives à la biodiversité et au paysage, elles concernaient les éoliennes E6, E7, E8 et E9, dont la réalisation et l'exploitation ont finalement été abandonnées. Ainsi, au regard de la méthodologie suivie, et en l'absence de tout élément étayé et de toute critique précise sur les mesures ERC proposées, qui auraient permis de douter de la validité des résultats du diagnostic environnemental et des mesures mises en œuvre pour limiter ou corriger les conséquences du projet sur l'environnement, aucune insuffisance ne saurait davantage être identifiée ici. 11. L'étude d'impact décrit les mesures de défrichement envisagées ainsi que leurs conséquences qui, au demeurant, ont été diminuées compte de la réduction des zones défrichées de 4,7 ha à 2 ha 40 a et 41 ca, en raison de la suppression des éoliennes E6 à E9. Sur ce point, il apparaît que l'exploitant a prévu une mesure compensatoire, dite mesure " MC1 ", qui consiste à verser une indemnité au Fond Stratégique pour la Forêt et le Bois (FSFB) en fonction de la surface défrichée, conformément au code forestier, reprise à l'article 4.2 de l'arrêté contesté. Les mesures compensatoires prévues pour ce défrichement ont ainsi fait l'objet d'une présentation suffisante. 12. Le moyen tiré de l'irrégularité de l'étude d'impact doit être écarté en chacune de ses branches. 13. Aux termes de l'article L. 181-3 du code de l'environnement : " I. - L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles (...) L. 511-1 (...) ". Aux termes de l'article L. 511-1 du même code : " Sont soumis aux dispositions du présent titre (...), les installations (...) qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, (...) soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique (...) ". 14. L'appréciation de l'exigence de protection et de conservation de la nature, des sites, des monuments et paysages énoncée ci-dessus implique une évaluation du lieu d'implantation du projet et puis une prise en compte de la taille des éoliennes projetées, de la configuration des lieux et des enjeux de co-visibilité, au regard, notamment, de la présence éventuelle, à proximité, de plusieurs monuments et sites classés et d'autres parcs éoliens, et des effets d'atténuation de l'impact visuel du projet. 15. Par ailleurs, aux termes de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme,: " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales. " Pour rechercher l'existence d'une atteinte aux paysages naturels avoisinants au sens de cet article, il appartient à l'autorité administrative d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site naturel sur lequel la construction est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette construction, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site. 16. Le projet de parc éolien ici en cause est prévu sur un plateau ondulant à une altitude variant entre 800 et 1 000 mètres, découpé par un réseau hydrographique dense avec des vallées encaissées, en bordure ouest du Mont Dore et de la chaîne des Puys ou monts Dôme, mais en dehors des parcs naturels régionaux des volcans d'Auvergne et de Millevaches, dans une zone rurale assez forestière, au sein de l'unité paysagère des Hautes Combrailles, à proximité de parcelles agricoles situées en fond de vallée, composées principalement de cultures et de prairies, entrecoupées de boisements et de bocages. Le paysage est constitué de prairies bocagères entrecoupées de cultures avec un bocage plus ouvert au sud du site, entre Herment, Briffons et Bourg-Lastic, et plus dense au nord du site (Prondines, Sauvagnat, l'Eclache). Le lieu d'implantation du projet se trouve au nord-ouest du centre-bourg de Briffons, et à proximité du territoire de la commune de Tortebesse, à quarante-cinq kilomètres de Clermont Ferrand, à l'est de l'A89 et à proximité de cinq autres parcs éoliens. L'aire d'implantation, qui n'est pas dénuée d'intérêt, ne fait l'objet, en tant que telle, d'aucune protection particulière. 17. Il résulte de l'instruction que le périmètre intermédiaire ou éloigné du parc est caractérisé par la présence de plusieurs parcs éoliens avec, à proximité, ceux de Cèpe de Bajouve, de Tortebesse, du Sioulet Chavanon, du Bois de Bajouve et de Saint -Sulpice, qui représentent trente-neuf éoliennes. La distance entre les différents parcs comme leur position les uns par rapport aux autres, aussi bien sur un plan horizontal qu'en profondeur, mais également le vallonnement du secteur et la présence régulière d'espaces boisés plus ou moins denses et étendus, permettent de restreindre, par la préservation d'espaces de respiration et de coupures visuelles, leur perception dans le paysage, séparément ou ensemble, et d'éviter, pour l'essentiel, les phénomènes de saturation et d'encerclement, mais également d'écrasement. Eu égard à cette configuration et à leur éloignement du site, le massif du Sancy et la chaîne des Puys en particulier, comme l'intérêt touristique majeur qui s'y attache, ne subissent aucune atteinte significative. Si la commission d'enquête a relevé une atteinte aux points de vue des Roches Tuilière et du Sanadoire, et aux vues sur les remparts (murs) d'Herment ainsi qu'aux panoramas depuis le Puy Saint Gulmier, et la Banne d'Ordanche, la suppression de quatre des neuf éoliennes initialement prévues a permis d'atténuer le phénomène de dispersion que leur nombre et leur disposition généraient et, en introduisant une rupture plus marquée avec les parcs éoliens les plus proches, de réduire l'impression en résultant de concentration d'aérogénérateurs dans le paysage. Eu égard aux caractéristiques du parc mais également à la topographie du terrain, à la configuration de l'environnement et aux distances d'implantation, les atteintes visuelles relevées pour la commune de Briffons et son église n'apparaissent pas excessives. Depuis l'église Notre Dame à Herment, ou le dolmen de Farges à Saint-Germain-près-Herment, situés à l'écart du site, les éoliennes ne sont pas directement ou complètement visibles, compte tenu notamment de denses espaces boisés. Dans ce contexte et même si, dans son avis, la Mrae a pu relever que, à " l'échelle rapprochée, les éoliennes E1 à E5 sont nettement visibles depuis Rozet, Ronzet, l'entrée sud de Briffons et Tortebesse ainsi que depuis la RD 82 au niveau de la carrière ", il n'apparaît pas que, globalement, et pris sous différents angles, le projet serait de nature à affecter de manière excessive la perception du paysage et des lieux environnants. 18. Faisant état de zones de captage d'eau à proximité du projet, de seize ZNIEFF et de six sites Natura 2000 dans l'aire d'étude, de la fréquentation des zones boisées par des chiroptères, et notamment des noctules, d'une zone de reproduction du busard Saint Martin, de la présence d'amphibiens protégés, en particulier le triton palmé, et de risques d'incidences sur la flore patrimoniale, les requérantes soutiennent que le projet porterait atteinte à la biodiversité. Toutefois, dans son avis l'ARS a conclu à l'absence d'impact sur les zones de captage d'eau potable. L'étude d'impact conclut à l'absence d'incidence sur les zones Natura 2000, situées à plus de 9 kilomètres du site, sans que ce constat ne soit sérieusement contesté. Si, malgré la suppression de quatre éoliennes, des risques d'incidences sur la biodiversité demeurent, il apparaît cependant que, après mise en œuvre en particulier des mesures ER dont se trouve assortie l'autorisation litigieuse, telles qu'elles sont pour l'essentiel reprises au point 24 ci-dessous, les risques encourus par les chiroptères comme l'avifaune, et en particulier les rapaces, dont le busard Saint Martin, les mammifères, les reptiles et les amphibiens, ainsi que la flore patrimoniale apparaissent limités, aucun élément susceptible de remettre certainement et réellement cette situation en cause n'étant avéré. 19. Si le projet s'insère dans un réseau hydrographique, il ne résulte pas de l'instruction que le projet serait à l'origine d'un risque démontré de pollution de l'eau et des milieux aquatiques, alors que la suppression des éoliennes E8 et E9 a permis d'éviter tout impact sur le captage de Bessat, situé sur le territoire de la commune de Briffons. 20. Enfin si les requérantes se plaignent d'une atteinte à la commodité du voisinage, elles se fondent sur l'avis de la Mrae à propos des nuisances sonores du projet sur le hameau de Rozet, jugées modérées à fortes, mais avant la mise en place des mesures ER envisagées par l'exploitant, dont les effets bénéfiques ne sont pas remis en cause. 21. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions des articles L. 511-1 du code de l'environnement et R. 111-27 du code de l'urbanisme ne peuvent qu'être écartés. 22. Aux termes de l'article L. 411-1 du code de l'environnement : " I. - Lorsqu'un intérêt scientifique particulier, le rôle essentiel dans l'écosystème ou les nécessités de la préservation du patrimoine naturel justifient la conservation de sites d'intérêt géologique, d'habitats naturels, d'espèces animales non domestiques ou végétales non cultivées et de leurs habitats, sont interdits : / 1° La destruction ou l'enlèvement des œufs ou des nids, la mutilation, la destruction, la capture ou l'enlèvement, la perturbation intentionnelle (...) d'animaux de ces espèces (...) ;/(...) 3° La destruction, l'altération ou la dégradation de ces habitats naturels ou de ces habitats d'espèces (... ) ". Aux termes de l'article L. 411-2 du même code : " I. - Un décret en Conseil d'État détermine les conditions dans lesquelles sont fixées :/ (...)/ 4° La délivrance de dérogations aux interdictions mentionnées aux 1°, 2° et 3° de l'article L. 411-1, à condition qu'il n'existe pas d'autre solution satisfaisante, pouvant être évaluée par une tierce expertise menée, à la demande de l'autorité compétente, par un organisme extérieur choisi en accord avec elle, aux frais du pétitionnaire, et que la dérogation ne nuise pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle :/ (...)/ c) Dans l'intérêt de la santé et de la sécurité publiques ou pour d'autres raisons impératives d'intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique, et pour des motifs qui comporteraient des conséquences bénéfiques primordiales pour l'environnement (...) ". 23. Le pétitionnaire doit obtenir une dérogation " espèces protégées " si le risque que le projet comporte pour les espèces protégées est suffisamment caractérisé. A ce titre, les mesures d'évitement et de réduction des atteintes portées aux espèces protégées proposées par le pétitionnaire doivent être prises en compte. Dans l'hypothèse où les mesures d'évitement et de réduction proposées présentent, sous le contrôle de l'administration, des garanties d'effectivité telles qu'elles permettent de diminuer le risque pour les espèces au point qu'il apparaisse comme n'étant pas suffisamment caractérisé, il n'est pas nécessaire de solliciter une dérogation " espèces protégées ". 24. Outre des mesures d'évitement, qui ont tout spécialement consisté à supprimer quatre éoliennes du projet dans sa conception initiale et à placer les éoliennes restantes hors des micro-voies de migration, l'arrêté contesté comporte plusieurs séries de prescriptions destinées à limiter, en particulier, les atteintes aux espèces protégées d'oiseaux et de chiroptères. En son point 2.3.2, il prévoit ainsi que : " Les plateformes et chemins d'accès sont minéralisés pour ne pas présenter d'intérêt comme zone de chasse pour les rapaces et les chiroptères. L'éclairage mis en place est limité au balisage aérien réglementaire. Dans le cas où des interventions nocturnes devaient avoir lieu, l'éclairage nécessaire à la porte des éoliennes et du poste de livraison ne devra pas être équipé de détecteur de mouvement afin de ne pas créer d'allumages intempestifs. Protection des chiroptères : L'exploitant met en place une régulation des 5 aérogénérateurs, dès la mise en service industrielle du parc éolien. La mise en place de la régulation (selon les critères décris ci-dessous) doit permettre de diminuer fortement la vitesse de rotation des pales des éoliennes (mise en drapeau) lorsque la régulation doit être activée. Le scénario de régulation retenu est le suivant : Pour toutes les machines, et dans la période du 15 avril au 31 octobre, en dessous du seuil minimal de vitesse de vent nécessaire à la production d'électricité. Période du 15 avril au 31 octobre pour les éoliennes situées proches de lisières ou en boisement (E2, E3, E4, E5) dans les conditions suivantes : Vitesses de vents inférieures à 5,5 m/s (à hauteur de nacelle des éoliennes), Températures supérieures à 10° C, o du coucher du soleil au lever du soleil ;°uniquement s'il n'y a pas de précipitation notoire (durée supérieure à 15 minutes et intensité supérieure à 5 mm/h). Les appareils de mesure des paramètres nécessaires à la régulation sont situés à hauteur de la nacelle d'au moins un des aérogénérateurs du parc. Des gîtes artificiels sont mis en place à l'écart du parc éolien, en fonction des résultats de la mesure prospection arboricole avant implantation, au minimum pour remplacer les gîtes naturels bouchés. Le réseau de gîtes artificiels ainsi créé est suivi pendant deux ans par un chiroptérologue. " Le point 2.4.5 de ce même arrêté, propre à la phase de travaux, prescrit des mesures de protection de la faune avec une définition des périodes de travaux et des mesures de suivi pendant leur déroulement. Et le point 2.6.3 de l'arrêté met en place un suivi environnemental, comportant notamment un suivi d'activité et de mortalité des chiroptères et de l'avifaune, l'article 2.7 prévoyant spécialement des actions correctives en cas d'impact avéré sur la faune. Compte tenu des mesures d'évitement et de réduction ainsi ordonnées, les risques pour les passereaux (Chardonneret élégant, Linotte mélodieuse, Bruant jaune, Bouvreuil pivoine et Verdier d'Europe), les rapaces, en particulier en migration prénuptiale (milan noir et milan royal) ou postnuptiale (milan royal) ou en situation de nicheurs (busard Saint Martin), restent très limités. Pour ce qui est des chauve-souris dont la présence, plus ou moins régulière et en nombres variables, a été relevée à proximité du sol (Pipistrelle commune), le long des lisières (Pipistrelle de Kuhl, Sérotine commune, oreillards, Barbastelle d'Europe, Grande noctule, Noctule de Leisler) et dans des secteurs forestiers (Barbastelle d'Europe, murins, Pipistrelle de Nathusius), avec des gites identifiés essentiellement dans la zone d'implantation des éoliennes E6 à E9, aujourd'hui abandonnées, les menaces encourues, compte tenu la aussi des dispositions prises pour les éliminer ou diminuer, en particulier l'absence d'éclairage du parc, le gabarit des machines avec une garde au sol importante (33 mètres) ou un plan de bridage particulièrement strict, demeurent restreintes. Il en est plus généralement de même s'agissant des autres groupes faunistiques et de la flore protégée ainsi que des habitats de l'ensemble des espèces étudiées. D'autres espèces, telles que la Grue cendrée, la Chevêchette d'Europe, l'Engoulevent d'Europe et le Petit Rhinolophe, n'ont pas été observées sur le site ou, comme la cigogne noire, le balbuzard pécheur et le gobemouche noir, ne l'ont été que très épisodiquement. Dans ces circonstances, faute d'éléments contredisant sérieusement cette situation, et sous réserve, notamment, d'une évolution éventuellement défavorable de la situation en phase de travaux comme d'exploitation du parc éolien, aucun risque suffisamment caractérisé susceptible de justifier une dérogation " espèces protégées " n'apparaît en l'état constitué. Le moyen tiré d'une violation du régime de protection résultant des articles L. 411-1 et L. 411-2 du code de l'environnement ne saurait ainsi être retenu. 25. Aux termes de l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme : " En l'absence de plan local d'urbanisme, de tout document d'urbanisme en tenant lieu ou de carte communale, les constructions ne peuvent être autorisées que dans les parties urbanisées de la commune. " Selon l'article L. 111-4 du même code : " Peuvent toutefois être autorisés en dehors des parties urbanisées de la commune : (...) 2° Les constructions et installations nécessaires (...) à des équipements collectifs dès lors qu'elles ne sont pas incompatibles avec l'exercice d'une activité agricole, pastorale ou forestière sur le terrain sur lequel elles sont implantées (...) ; 3° Les constructions et installations incompatibles avec le voisinage des zones habitées et l'extension mesurée des constructions et installations existantes (...) ". Aux termes de l'article R. 111-14 du code de l'urbanisme : " En dehors des parties urbanisées des communes, le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature, par sa localisation ou sa destination : / 1° A favoriser une urbanisation dispersée incompatible avec la vocation des espaces naturels environnants, en particulier lorsque ceux-ci sont peu équipés ; 2° A compromettre les activités agricoles ou forestières, notamment en raison de la valeur agronomique des sols, des structures agricoles, de l'existence de terrains faisant l'objet d'une délimitation au titre d'une appellation d'origine contrôlée ou d'une indication géographique protégée ou comportant des équipements spéciaux importants, ainsi que de périmètres d'aménagements fonciers et hydrauliques (...) ". En vertu du 1° de l'article R. 111-1 de ce code, ces dernières dispositions ne sont pas applicables dans les territoires dotés d'un plan local d'urbanisme ou d'un document d'urbanisme en tenant lieu. 26. La commune de Briffons ne dispose ni de plan local d'urbanisme, ni de carte communale ni de document d'urbanisme en tenant lieu. Il ne ressort pas des pièces du dossier que les éoliennes en cause, compte tenu de la nature particulière de ces constructions et de leur très faible emprise au sol, excluraient le maintien d'activités agricoles ou forestières à proximité ou que, eu égard à leur nombre limité, à leur répartition et à la configuration des lieux, elles entraineraient une dispersion de l'urbanisation, incompatible avec la vocation naturelle des espaces environnants. Par ailleurs ces installations, destinées à produire de l'électricité pour alimenter le réseau public à partir de l'énergie mécanique du vent, entrent dans le champ des exceptions au principe d'interdiction de construire en dehors des parties actuellement urbanisées. L'appréciation à laquelle s'est livré le préfet n'apparaît donc pas, dans ses différentes branches, entachée d'erreur manifeste. 27. Par suite, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non recevoir opposées en défense ni de se prononcer sur le respect des exigences de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme s'agissant des conclusions dirigées contre l'autorisation contestée en tant qu'elle vaut permis de construire, la requête de la commune de Briffons Énergie et autres doit, dans son ensemble, être rejetée. Sur les frais liés au litige : 28. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par la société parc éolien Briffons DÉCIDE : Article 1er : La requête de la commune de Briffons et autres est rejetée. Article 2 : Les conclusions de la société parc éolien Briffons présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Briffons, première dénommée, pour l'ensemble des requérants, à la société Parc éolien Briffons et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Une copie sera transmise, pour information, au préfet du Puy de Dôme et à la ministre de la transition énergétique. Délibéré après l'audience du 6 juillet 2023 à laquelle siégeaient : M. Picard, président de chambre ; M. Seillet, président assesseur ; Mme Djebiri, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 juillet 2023. La rapporteure, C. DjebiriLe président, V.-M. Picard La greffière, A. Le Colleter La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition, La greffière, 2 N° 22LY03167 lc
JADE/CETATEXT000047930915.xml
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 21 février 2023 par lequel la préfète du Rhône a décidé sa remise aux autorités de la République de Finlande en qualité de responsables de l'examen de sa demande d'asile et d'enjoindre à cette autorité d'enregistrer sa demande d'asile en procédure normale et, à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai de cinq jours. Par un jugement n° 2301680 du 21 mars 2023, le magistrat désigné par la présidente du tribunal a annulé cet arrêté (article 2), enjoint à la préfète du Rhône d'enregistrer la demande d'asile de M. C..., de lui remettre le dossier à adresser à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) et de lui délivrer l'attestation de demande d'asile mentionnée à l'article L. 521-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans un délai de quinze jours à compter de la notification de ce jugement (article 3), mis à la charge de l'État au profit du conseil de M. C..., une somme de 1 000 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve de l'admission définitive de l'intéressé à l'aide juridictionnelle et à la renonciation de ce conseil à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État au titre de l'aide juridictionnelle (article 4) et rejeté le surplus de cette demande (article 5). Procédure devant la cour Par une requête enregistrée le 20 avril 2023, sous le n° 23LY01351, la préfète du Rhône, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement en ce qu'il a annulé l'arrêté du 21 février 2023 et lui a enjoint d'enregistrer la demande d'asile de M. C..., de lui remettre le dossier à adresser à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) et de lui délivrer l'attestation de demande d'asile mentionnée à l'article L. 521-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans un délai de quinze jours à compter de la notification de ce jugement ; 2°) de rejeter, dans cette mesure, la demande de première instance de M. C.... Elle soutient que l'arrêté contesté n'est pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, la situation de M. C... ne justifiant pas l'application de la clause discrétionnaire qu'elles prévoient. Par un mémoire enregistré le 30 juin 2023, M. C..., représenté par Me Dachary, conclut : 1°) au rejet de la requête ; 2°) à titre subsidiaire, à l'annulation de l'arrêté du 21 février 2023 ; 3°) à ce qu'il soit enjoint à la préfète du Rhône d'enregistrer sa demande d'asile en procédure normale, ou à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt ; 4°) de mettre à la charge de l'État, au profit de son conseil, une somme de 2 000 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il soutient que : - le moyen soulevé par la préfète du Rhône n'est pas fondé ; - à titre subsidiaire, l'arrêté contesté est entaché d'un défaut d'examen particulier de sa situation ; il méconnaît les dispositions de l'article 5 du règlement UE n°604/2013 du 26 juin 2013, l'entretien individuel n'ayant pas été conduit par un agent qualifié faute de possibilité d'identifier cet agent ; il méconnaît également les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Une ordonnance du 3 juillet 2023, faisant suite à la communication du mémoire de M. C... enregistré le 30 juin 2023, a fixé la date de clôture de l'instruction au mercredi 5 juillet 2023 à 14 heures. M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 juin 2023. Par une requête enregistrée le 20 avril 2023, sous le n° 23LY01352, la préfète du Rhône demande à la cour d'ordonner le sursis à exécution du jugement en ce qu'il a annulé l'arrêté du 21 février 2023 et lui a enjoint d'enregistrer la demande d'asile de M. C..., de lui remettre le dossier à adresser à l'OFPRA et de lui délivrer l'attestation de demande d'asile mentionnée à l'article L. 521-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans un délai de quinze jours à compter de la notification de ce jugement. Elle soutient que : - elle est fondée à obtenir le sursis à exécution du jugement attaqué, et à tout le moins de son article 3, en application des dispositions des articles R. 811-15 et R. 811-17 du code de justice administrative ; - le moyen qu'elle invoque, dans sa requête d'appel dirigée contre le jugement attaqué, parait en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier l'annulation de ce jugement et le rejet des conclusions à fin d'annulation qui ont été accueillies par celui-ci ; l'arrêté contesté n'est pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, la situation de M. C... ne justifiant pas l'application de la clause discrétionnaire qu'elles prévoient ; - le jugement attaqué, en tant qu'il lui a enjoint d'enregistrer la demande d'asile de M. C..., méconnaît les dispositions des articles L. 777-3 du code de justice administrative et l'article L. 572-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'annulation de la décision de transfert en litige ne permettant pas le prononcé d'une telle injonction. En application de l'article R. 611-8 du code de justice administrative l'affaire a été dispensée d'instruction. Un mémoire présenté pour M. C... a été enregistré le 30 juin 2023, qui n'a pas été communiqué. Vu les autres pièces des dossiers ; Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative ; Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Après avoir entendu au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Chassagne, premier conseiller ; - et les observations de Me Dachary pour M. C.... Vu la note en délibéré, enregistrée le 7 juillet 2023, présentée par la préfète du Rhône. Considérant ce qui suit : 1. M. C..., ressortissant de la Fédération de Russie né le 23 avril 1996 à Grozny, est entré irrégulièrement sur le territoire français le 10 novembre 2022, selon ses déclarations. Il a déposé une demande d'asile enregistrée à la préfecture de l'Isère le 29 novembre 2022. La consultation du fichier européen dit " B... " a fait alors apparaître que M. C... avait été identifié successivement en Pologne, en Norvège et en Finlande, où il avait demandé l'asile les 15 septembre et 22 novembre 2015 puis le 28 septembre 2022. Les autorités de la République de Finlande, saisies d'une demande de prise en charge de l'intéressé pour l'examen de sa demande d'asile le 15 décembre 2022, ont fait connaître leur accord explicite pour sa réadmission le 21 décembre 2022. Par un arrêté du 21 février 2023, la préfète du Rhône a ordonné son transfert aux autorités finlandaises en qualité de responsables de sa demande d'asile. La préfète du Rhône, par deux requêtes qu'il convient de joindre pour qu'il y soit statué par un seul arrêt, relève appel du jugement par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon a notamment annulé cet arrêté et demande de surseoir à son exécution. Sur les conclusions à fin d'annulation : En ce qui concerne le motif de censure retenu par le premier juge 2. Aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / (...). " 3. La faculté laissée à chaque État membre, par le 1. de l'article 17 du règlement n° 604/2013 précité, de décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement, est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile. 4. Il ressort des pièces du dossier de première instance que M. C..., pour soutenir que la préfète du Rhône avait commis une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions précitées du 1. de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013, s'est prévalu de la présence en France de deux frères ayant un statut de demandeur d'asile, l'un d'eux étant atteint d'une pathologie et nécessitant de ce fait son aide. Toutefois, si M. C..., lors de l'entretien individuel ayant eu lieu le 29 novembre 2022 à la préfecture du Rhône, a indiqué que ces deux frères résidaient en France et s'est de nouveau prévalu de cette présence lors de la notification de la décision en litige, les éléments nouveaux qu'il a produits, et notamment en appel des actes de naissance, au demeurant rédigés en langue russe, ne permettent pas d'étayer la réalité de cette relation familiale, alors qu'il n'apparaît pas que ceux qu'il présente comme ses frères auraient fait état de celle-ci. D'ailleurs, ces derniers, nés en 1972 et 1975, présentent une différence d'âge notable avec l'intéressé né en 1996. En toute hypothèse, en admettant même que la réalité de liens familiaux avec ces derniers serait suffisamment corroborée, rien ne permet de penser que M. C..., majeur, célibataire et sans enfant sur le territoire français, comme l'indique la préfète du Rhône, aurait entretenu ou entretiendrait avec ceux-ci des liens particulièrement étroits, justifiant que sa demande d'asile soit étudiée en France, alors qu'il ressort des pièces du dossier que M. C... et ceux qu'il présente comme ses frères sont entrés sur le territoire à des dates différentes et par des voies distinctes. En particulier, si l'intéressé se prévaut de l'état de santé de l'un de ces derniers, le compte-rendu d'examen médical qu'il produit à ce sujet n'est pas de nature à laisser penser que sa présence à ses côtés serait impérativement nécessaire. Par suite, contrairement à ce qu'a estimé le premier juge, en considérant que la situation de M. C... ne justifiait pas la mise en œuvre de la clause discrétionnaire prévue par les dispositions précitées de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013, la préfète du Rhône n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation au regard de ces dispositions. C'est donc à tort que le premier juge s'est fondé sur une telle erreur pour annuler cette décision. 5. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'entier litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. C... devant le tribunal administratif et la cour. En ce qui concerne les autres moyens 6. En premier lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. / 6. L'État membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. L'État membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé. " 7. Il ressort des pièces du dossier que M. C... a bénéficié, le 29 novembre 2022, d'un entretien individuel avec un agent du service compétent de la préfecture du Rhône, qui a fait l'objet d'un compte-rendu dont il a obtenu copie et qu'il a signé. Contrairement à ce que soutient M. C..., cet agent, qui a signé ce document, est un agent qualifié au sens du 5 de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 précité, cet article n'exigeant pas que le résumé de l'entretien individuel mentionne l'identité et la qualité de l'agent qui l'a conduit. Le moyen tiré du vice de procédure au regard du 5. de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit donc être écarté. 8. En deuxième lieu, la seule circonstance invoquée par M. C... tirée de ce que la préfète du Rhône n'aurait pas pris en compte la présence en France de ceux qu'il présente comme ses deux frères, alors qu'il résulte de la décision contestée que cette autorité a vérifié si l'intéressé justifiait de l'existence d'un lien de filiation ou de dépendance avec ceux-ci, n'est pas de nature à laisser penser que cette décision serait entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation, qui ne ressort, en toute hypothèse, pas des pièces du dossier. Le moyen, nouveau en appel, ne saurait être admis. 9. En dernier lieu, M. C... soutient de ce que la décision contestée méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en se prévalant des mêmes éléments que ceux qui ont été évoqués au point 4 du présent arrêt. Dès lors, pour les mêmes motifs, et alors que M. C..., célibataire et sans enfant, ne se trouvait sur le territoire français que depuis environ trois mois à la date de la décision contestée et qu'il ne peut être regardé comme justifiant d'une intégration particulièrement intense qui aurait impliqué l'examen de sa demande d'asile par les autorités françaises, la préfète du Rhône, en prenant cette décision, n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale, et n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Le moyen ne peut être retenu. 10. Il résulte de ce qui précède que la préfète du Rhône est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon a annulé son arrêté du 21 février 2023 et lui a enjoint d'enregistrer la demande d'asile de M. C..., de lui remettre le dossier à adresser à l'OFPRA et de lui délivrer l'attestation de demande d'asile mentionnée à l'article L. 521-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans un délai de quinze jours à compter de la notification de ce jugement. La demande correspondante de M. C... présentée devant ce tribunal, dans cette mesure, et l'ensemble de ses conclusions présentées en appel, doivent donc être rejetées. Sur les conclusions à fin de sursis à exécution : 11. Le présent arrêt statuant sur l'appel la préfète du Rhône dirigée contre le jugement n° 2301680 du 21 mars 2023 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon, les conclusions de la requête n° 23LY01352 tendant ce qu'il soit sursis à son exécution ont perdu leur objet et il n'y a donc plus lieu d'y statuer. DÉCIDE : Article 1er : Les articles 2 et 3 du jugement n° 2301680 du 21 mars 2023 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon sont annulés. Article 2 : La demande de M. C... correspondante présentée devant le tribunal administratif de Lyon est rejetée. Article 3 : Les conclusions de M. C... présentées devant la cour dans l'instance n° 23LY01351 sont rejetées. Article 4 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la préfète du Rhône tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du jugement du tribunal administratif de Lyon du 21 mars 2023. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer, et à M. A... C.... Copie en sera adressée à la préfète du Rhône. Délibéré après l'audience du 6 juillet 2023, à laquelle siégeaient : M. Picard, président de chambre ; M. Seillet, président assesseur ; M. Chassagne, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 juillet 2023. Le rapporteur, J. Chassagne Le président, V.-M. Picard La greffière, A. Le Colleter La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition, La greffière, 2 N°s 23LY01351, 23LY01352 lc
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Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 7 février 2022 du préfet de la Haute-Savoie en tant qu'il lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé la destination d'éloignement en cas de non-respect de ce délai de départ volontaire. Par un jugement n° 2202370 du 18 juillet 2022, le tribunal a rejeté sa requête. Procédure devant la cour Par une requête enregistrée le 11 août 2022, M. B..., représenté par Me Dabbaoui, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement et l'arrêté du 7 février 2022 dans la mesure rappelée plus haut ; 2°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Savoie, dans un délai de trente jours à compter de l'arrêt, de lui délivrer une carte de séjour temporaire " vie privée et familiale " et, subsidiairement, de réexaminer sa situation après lui avoir remis une autorisation provisoire de séjour, dans le délai de sept jours à compter de l'arrêt sous astreinte de 50 euros par jour de retard ; 3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il soutient que : - le jugement, qui est insuffisamment motivé, est irrégulier ; il n'a pas été répondu aux arguments tirés de ses liens anciens, intenses et stables sur le territoire français, de son parcours scolaire et de son chômage partiel lié au covid ; - la décision fixant le pays de destination doit être annulée par voie de conséquence. La requête de M. B... a été communiquée au préfet de la Haute-Savoie qui n'a pas produit d'observations. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code de justice administrative ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ; Le rapport de Mme Djebiri, première conseillère, ayant été entendu au cours de l'audience publique ; Considérant ce qui suit : 1. M. B..., ressortissant turc né en 2002 et entré sur le territoire français en novembre 2016 selon ses déclarations, relève appel du jugement du 18 juillet 2022 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande d'annulation présentée à l'encontre de l'arrêté du 7 février 2022 du préfet de la Haute-Savoie en tant qu'il lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Sur la régularité du jugement : 2. En vertu de l'article L. 9 du code de justice administrative, " Les jugements sont motivés ". Il apparaît que, contrairement à ce que soutient l'intéressé, et alors que le juge administratif n'est pas tenu de répondre à chacun des arguments des parties, le tribunal a répondu au moyen soulevé par M. B... tiré de la violation de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment au regard de ses liens sur le territoire français, de son parcours scolaire et de sa situation de chômage partiel. Dans ces conditions, M. B... n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué serait insuffisamment motivé et donc irrégulier. Sur le fond du litige : 3. Le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français, serait illégale en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour qui méconnaîtrait l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, invoqué dans les mêmes termes qu'en première instance sans être assortis d'éléments nouveaux, à l'exception d'attestation de client du restaurant, doit être écarté par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges aux points 4 et 5 de leur décision. 4. M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de destination serait illégale par voie de conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français 5. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Savoie. Délibéré après l'audience du 6 juillet 2023 à laquelle siégeaient : M. Picard, président de chambre ; M. Seillet, président assesseur ; Mme Djebiri, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 juillet 2023. La rapporteure, C. DjebiriLe président, V.-M. Picard La greffière, A. Le Colleter La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition, La greffière, N° 22LY02526 ap
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Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision verbale du préfet de l'Isère du 20 janvier 2021 refusant d'enregistrer son dossier de demande de titre de séjour, d'enjoindre au préfet de l'Isère d'enregistrer sa demande de titre de séjour et de lui délivrer un récépissé avec autorisation de travail. Par un jugement n° 2100549 du 4 août 2022, le tribunal a fait droit à sa demande. Procédure devant la cour Par une requête enregistrée le 1er septembre 2022, le préfet de l'Isère demande à la cour d'annuler ce jugement et de rejeter la demande de Mme B... devant le tribunal. Il soutient que : - Mme B... a fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement assortie d'une mesure d'interdiction de retour sur le territoire, qu'elle n'a pas exécutée ; - elle ne remplit pas les conditions d'abrogation de la mesure d'interdiction de retour. Par un mémoire enregistré le 13 octobre 2022, Mme B..., représentée par Me Huard, conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de l'État la somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Elle soutient que les moyens invoqués par l'administration doivent être écartés. Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 octobre 2022. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ; - le code de justice administrative ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ; Le rapport de Mme Djebiri, première conseillère, ayant été entendu au cours de l'audience publique ; Considérant ce qui suit : 1. Le préfet de l'Isère relève appel du jugement du 4 août 2022 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision du 20 janvier 2021 du préfet de l'Isère refusant d'enregistrer la demande de titre de séjour de Mme B.... 2. Pour annuler la décision en litige, le tribunal, se fondant sur les dispositions de l'article R. 311-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, reprises à l'article R. 431-12 du même code, a retenu que la décision contestée, faute pour le préfet de justifier de l'identité de l'agent du guichet qui l'avait prise et de l'existence de délégation de signature lui donnant compétence pour refuser d'enregistrer la demande de titre de séjour dont Mme B... l'avait saisie, était entachée d'incompétence. Pas plus qu'en première instance, le préfet de l'Isère ne justifie en appel de la compétence de son auteur pour opposer le refus ainsi annulé. Par suite, et alors même que Mme B... avait fait l'objet d'une mesure d'éloignement avec interdiction de retour sur le territoire, qu'elle n'a pas exécutée, et qu'elle ne remplit pas les conditions d'abrogation de cette mesure d'interdiction de retour, le préfet, qui n'était pas en situation de compétence liée pour refuser d'enregistrer la demande de titre présentée par l'intéressée, n'est pas fondé à soutenir que le tribunal aurait à tort annulé la décision litigieuse. Dès lors sa demande doit être rejetée. 3. Il résulte de ce qui précède que le préfet de l'Isère n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé sa décision du 20 janvier 2021 de refus d'enregistrement. 4. Il n'y a pas lieu dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'État la somme demandée par Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. DÉCIDE : Article 1er : La requête du préfet de l'Isère est rejetée. Article 2 : Les conclusions présentées par Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Mme A... B.... Copie en sera adressée au préfet de l'Isère. Délibéré après l'audience du 6 juillet 2023 à laquelle siégeaient : M. Picard, président de chambre ; M. Seillet, président assesseur ; Mme Djebiri, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 juillet 2023. La rapporteure, C. DjebiriLe président, V.-M. Picard La greffière, A. Le Colleter La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition, La greffière, N° 22LY02704 kc
JADE/CETATEXT000047930917.xml
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 15 mars 2023 par lequel la préfète du Rhône lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination, l'a interdit de retour sur le territoire français pour une durée d'un an et l'a assigné à résidence. Par un jugement n° 2302128 du 24 mars 2023, la magistrate désignée par la présidente du tribunal a rejeté cette demande. Procédure devant la cour I - Par une requête et un mémoire enregistrés les 26 avril et 18 mai 2023 sous le n° 23LY01417, M. A..., représenté par Me Firmin, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ainsi que l'arrêté susmentionné et, subsidiairement, uniquement l'interdiction de retour sur le territoire français ; 2°) de mettre à la charge de l'État, au profit de son conseil, la somme de 1 200 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il soutient que : - l'obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ; il n'a pas été mis en mesure de présenter ses observations avant l'édiction de l'obligation de quitter le territoire français ; elle méconnaît le 1° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et méconnaît la présomption de minorité ; l'expertise médicale ne peut être prise en compte dans l'appréciation de son âge dès lors qu'il n'a pas donné son consentement libre et éclairé à la réalisation des examens médicaux au sens de l'article R. 4127-36 du code de la santé publique ; elle méconnaît l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant ainsi que les alinéas 10 et 11 du préambule du 27 octobre 1946 et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le refus de délai de départ volontaire est insuffisamment motivé ; il est entaché d'une erreur d'appréciation et méconnaît les dispositions des articles L. 612-2 et L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la décision fixant le pays de destination est illégale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français sur laquelle elle est fondée ; - l'interdiction de retour sur le territoire français est insuffisamment motivée ; elle méconnaît les dispositions des articles L. 612-6, L. 612-10 et R. 613-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - l'assignation à résidence est illégale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français sur laquelle elle est fondée. La requête de M. A... a été communiquée à la préfète du Rhône qui n'a pas présenté d'observations. M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 14 juin 2023. II - Par une requête et un mémoire enregistrés les 26 avril et le 18 mai 2023 sous le n° 23LY01419, M. A..., représenté par Me Firmin, demande à la cour : 1°) d'ordonner le sursis à exécution du jugement ; 2°) de mettre à la charge de l'État, au profit de son conseil, la somme de 1 200 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il soutient qu'il est fondé à obtenir le sursis à exécution du jugement attaqué en application des dispositions des articles R. 811-17 et R. 811-17-1 du code de justice administrative. La requête de M. A... a été communiquée à la préfète du Rhône qui n'a pas présenté d'observations. M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 14 juin 2023. Vu les autres pièces des dossiers ; Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code civil ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative ; Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Après avoir entendu au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Djebiri, première conseillère ; - et les observations de Me Firmin, pour M. A... ; Considérant ce qui suit : 1. M. A... est un ressortissant guinéen entré en France, selon ses déclarations, en mars 2022. Par un arrêté du 15 mars 2023 la préfète du Rhône lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination, l'a interdit de retour sur le territoire français pour une durée d'un an et l'a assigné à résidence. Par les deux requêtes visées plus haut, qu'il y a lieu de joindre pour qu'il y soit statué par un seul arrêt, M. A..., relève appel du jugement de la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Lyon portant rejet de sa demande d'annulation de l'arrêté du 15 mars 2023 et en demande également le sursis à exécution. Sur la légalité de l'arrêté du 15 mars 2023 : En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français : 2. Le moyen déjà soulevé en première instance, tiré d'une insuffisante motivation de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté par les motifs retenus par le premier juge et qu'il y a lieu, pour la cour, d'adopter. 3. Le droit d'être entendu implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français non prise concomitamment au refus de délivrance d'un titre de séjour, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne. Une violation des droits de la défense, en particulier du droit d'être entendu, n'entraîne l'annulation de la décision prise au terme de la procédure administrative en cause que si, en l'absence de cette irrégularité, cette procédure pouvait aboutir à un résultat différent. 4. Il ressort des pièces du dossier que, à la suite d'une interpellation dans le secteur de la place Mazagran, M. A... a été entendu le 14 mars 2023 au commissariat de police de Lyon 8ème dans le cadre d'une garde à vue dans une procédure relative à des produits stupéfiants. A cette occasion, il a été mis à même d'exercer ses droits. Il ressort du procès-verbal dressé ce même jour par un officier de police judiciaire, qui reprend les échanges avec l'intéressé, que ce dernier a eu la possibilité, lors de son audition, et en réponse aux questions qui lui étaient posées, de faire valoir oralement tout élément susceptible de jouer en faveur d'une reconnaissance éventuelle d'un droit au séjour ou en lien avec la mesure d'éloignement susceptible d'être prise à son encontre. Il a signé un formulaire où il a été amené à présenter des observations écrites et orales après avoir été informé que le préfet pouvait prendre une obligation de quitter le territoire français. Il n'apparaît pas que M. A..., qui a pu renseigner l'administration sur sa situation personnelle et familiale et sur son parcours en particulier, aurait été empêché de présenter utilement ses observations et son point de vue de telle sorte qu'une décision différente de celle ici contestée aurait été prise. Dans ces circonstances, aucune privation du droit d'être entendu, tel qu'il a été exposé plus haut, ne saurait donc être reconnue. 5. Aux termes de l'article L. 611-3 1° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : 1o L'étranger mineur de dix-huit ans ; ". Aux termes de l'article 388 du code civil : " (...) Les examens radiologiques osseux aux fins de détermination de l'âge, en l'absence de documents d'identité valables et lorsque l'âge allégué n'est pas vraisemblable, ne peuvent être réalisés que sur décision de l'autorité judiciaire et après recueil de l'accord de l'intéressé. / Les conclusions de ces examens, qui doivent préciser la marge d'erreur, ne peuvent à elles seules permettre de déterminer si l'intéressé est mineur. Le doute profite à l'intéressé. / En cas de doute sur la minorité de l'intéressé, il ne peut être procédé à une évaluation de son âge à partir d'un examen du développement pubertaire des caractères sexuels primaires et secondaires ". Aux termes de l'article L. 811-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. " Aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ". 6. Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger et rédigé dans les formes usitées dans le pays concerné peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact et notamment par les données à caractère personnel enregistrées dans le traitement automatisé Visabio, qui sont présumées exactes. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. 7. M. A..., qui soutient être né le 20 juillet 2006, se prévaut d'un jugement supplétif du tribunal de première instance de Mamou en Guinée-Conakry, daté du 14 février 2022, tenant lieu d'acte de naissance, dont il résulte qu'il serait né à cette date à Mamou, de la transcription de ce jugement dans les registres de l'état-civil de la commune de Mamou faite le 24 février 2022 ainsi que d'une carte consulaire. A supposer même que les actes d'état civil produits par l'intéressé doivent être regardés comme authentiques, cette authenticité ne saurait faire obstacle à ce que l'administration démontre que les mentions qui y figurent ne sont pas conformes à la réalité. Par un jugement du 6 janvier 2023, qu'il a contesté, sa demande tendant à être confié à l'aide sociale à l'enfance a été rejetée, alors que la métropole avait précédemment refusé sa prise en charge le 15 septembre 2022. Il a fait l'objet d'un examen osseux qui n'a pas permis de déterminer son âge avec précision. De la consultation du fichier Prum il résulte en revanche qu'il s'était identifié en Espagne comme étant né en 1993 et majeur, sans que les dénégations du requérant, qui ne suffisent pas à remettre en cause cette situation, permettent de justifier précisément de l'exactitude des mentions portées sur les actes d'état civil dont il se prévaut, notamment celles relatives à son âge. L'entretien d'évaluation conduit par les services de la métropole de Lyon le 15 septembre 2022 a également conclu que l'intéressé était majeur, aucun élément ne permettant d'affirmer, contrairement à ce que suggère M. A..., qu'elle aurait été conduite dans les conditions non conformes aux exigences de l'article R. 221-11 du code de l'action sociale et des familles et de l'arrêté du 20 novembre 2019 pris pour son application, qui ne fixe aucune durée minimum pour cet entretien. Si une attestation du proviseur de son lycée précise que l'année de naissance à prendre en compte sur le certificat de scolarité est 2006, et qu'une erreur s'est glissée dans le certificat édité précédemment, une telle circonstance ne saurait suffire à établir la minorité de M. A..., qui ne saurait davantage être inférée de sa seule carte consulaire. Dans ces circonstances, c'est sans se livrer à une inexacte application des dispositions citées au point 5 que la préfète du Rhône a estimé, au regard de l'ensemble des circonstances de l'espèce, que M. A... était majeur et pouvait dès lors faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire, aucune erreur manifeste d'appréciation n'étant par ailleurs caractérisée. 8. Il y a lieu d'écarter par adoption des motifs du tribunal le moyen tiré de l'irrégularité des examens médicaux, conduits à la demande du préfet, au motif du défaut de consentement libre et éclairé de l'intéressé à la réalisation de ces examens, ainsi que les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant et des alinéas 10 et 11 du préambule du 27 octobre 1946. En ce qui concerne le refus de délai de départ volontaire : 9. Le moyen déjà soulevé en première instance, tiré d'une insuffisante motivation du refus de délai de départ volontaire doit être écarté par les motifs retenus par le premier juge et qu'il y a lieu, pour la cour, d'adopter. 10. Aux termes de l'article L. 612-1 du même code : " L'étranger faisant l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de cette décision (...) ". Aux termes de l'article L. 612-2 du même code : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : 1° Le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ; / 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet ". Aux termes de l'article L. 612-3 du même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : 1° L'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; 8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu'il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d'empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au 3° de l'article L. 142-1, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 721-6 à L. 721-8, L. 731-1, L. 731-3, L. 733-1 à L. 733-4, L. 733-6, L. 743-13 à L. 743-15 et L. 751-5 ". 11. Il ressort des pièces du dossier que, pour refuser d'accorder un délai de départ volontaire à M. A..., la préfète du Rhône s'est fondée sur les dispositions des 1° et 3° de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que sur les dispositions des 1° et 8° de l'article L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. M. A... soutient qu'il ne constituerait pas une menace pour l'ordre public et qu'il n'existerait pas de risque qu'il se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il a fait l'objet. Même s'il n'est pas une menace pour l'ordre public (L. 612-2, 1°), il n'apparaît pas qu'il aurait pénétré sur le territoire français en situation de mineur ou qu'il y serait entré régulièrement ni qu'il aurait demandé un titre de séjour, son hébergement par une association du 3ème arrondissement de Lyon ne suffisant ainsi pas à le regarder comme présentant des garanties de représentation. Compte tenu du risque de fuite qu'il présentait, la préfète aurait ainsi pris la même décision en se fondant uniquement sur le 1° de l'article L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En ce qui concerne le pays de destination : 12. Les moyens invoqués à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français ayant été écartés, M. A... n'est pas fondé à se prévaloir de l'illégalité de cette décision à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination. En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français : 13. Le moyen déjà soulevé en première instance, tiré d'une insuffisante motivation de la mesure d'interdiction de retour sur le territoire doit être écarté par les motifs retenus par le premier juge et qu'il y a lieu, pour la cour, d'adopter. 14. Aux termes de l'article R. 613-6 du même code : " L'étranger auquel est notifiée une interdiction de retour sur le territoire français est informé du caractère exécutoire de cette décision et de ce que la durée pendant laquelle il lui est interdit de revenir sur le territoire commence à courir à la date à laquelle il satisfait à son obligation de quitter le territoire français. / Il est également informé des conditions d'exécution de la décision portant obligation de quitter le territoire français mentionnées à l'article R. 711-1, ainsi que des conditions dans lesquelles il peut justifier de sa sortie du territoire français conformément aux dispositions de l'article R. 711-2. " Ces dispositions définissent les informations devant être communiquées à un étranger faisant l'objet d'une interdiction de retour sur le territoire français, postérieurement au prononcé de cette interdiction. Dès lors, ces dispositions, qui sont propres aux conditions d'exécution de l'interdiction, sont sans incidence sur sa légalité et ne peuvent être utilement invoquées au soutien de conclusions tendant à son annulation. 15. M. A... réitère en appel, sans y ajouter de nouveaux développements, les moyens tirés de la violation de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'existence de circonstances humanitaires au sens des dispositions de l'article L. 612-6 du même code. Il convient de les écarter par adoption des motifs circonstanciés retenus par le premier juge. 16. M. A... se prévaut de la violation de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que la décision lui interdisant le retour sur le territoire l'empêcherait d'assurer personnellement sa défense devant le tribunal correctionnel de Lyon, où il aurait été convoqué le 9 février 2024. Alors même que la mesure de police en litige fera effectivement obstacle à la délivrance d'un visa temporaire qu'il pourrait obtenir pour pouvoir se rendre à la convocation des autorités judiciaires, le requérant dispose toutefois de la possibilité de se faire représenter par son conseil pour l'ensemble de cette procédure. Dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir que l'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an méconnaîtrait les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. En ce qui concerne l'assignation à résidence : 17. Les moyens invoqués à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français et ceux invoqués à l'encontre de la décision de refus de délai de départ volontaire ayant été écartés, M. A... n'est pas fondé à se prévaloir de l'illégalité de ces décisions à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision l'assignant à résidence. 18. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Sa requête enregistrée sous le n° 23LY01417 doit donc, dans l'ensemble de ses conclusions, être rejetée. Sur les conclusions à fin de sursis à exécution : 19. Le présent arrêt statuant sur l'appel de M. A... dirigé contre le jugement n° 2302128 du tribunal administratif de Lyon, les conclusions de la requête n° 23LY01419 tendant ce qu'il soit sursis à son exécution ont perdu leur objet et il n'y a donc plus lieu d'y statuer. 20. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de rejeter les conclusions présentées par le conseil de M. A..., bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, et tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. DÉCIDE : Article 1er : La requête n° 23LY01417 de M. A... est rejetée. Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin de sursis à exécution présentées par M. A.... Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête n° 23LY01419 de M. A... est rejeté. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée à la préfète du Rhône. Délibéré après l'audience du 6 juillet 2023 à laquelle siégeaient : M. Picard, président de chambre ; M. Seillet, président assesseur ; Mme Djebiri, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 juillet 2023. La rapporteure, C. DjebiriLe président, V.-M. Picard La greffière, A. Le Colleter La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition, La greffière, 2 N°s 23LY01417, 23LY01419 lc
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Vu la procédure suivante : Mme B... A... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Versailles, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, d'ordonner la suspension de la décision du préfet de l'Essonne du 9 décembre 2022 refusant le renouvellement de son titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français et d'enjoindre au préfet de lui délivrer un récépissé de renouvellement de titre de séjour l'autorisant à travailler, dans un délai de deux jours à compter de la notification de l'ordonnance, sous astreinte de 50 euros par jour de retard. Par une ordonnance n° 230014 du 24 janvier 2023, le juge des référés du tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande. Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 28 avril et 12 mai 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A... demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler cette ordonnance ; 2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Alexandre Denieul, auditeur, - les conclusions de M. Nicolas Labrune, rapporteur public ; La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Gouz-Fitoussi, avocat de Mme A... ; Considérant ce qui suit : 1. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ". 2. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif de Versailles que, par une décision du 9 décembre 2022, le préfet de l'Essonne a refusé de renouveler le titre de séjour de Mme A... et lui a fait obligation de quitter le territoire français. Mme A... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Versailles d'ordonner la suspension de cette décision et d'enjoindre au préfet de l'Essonne de lui délivrer un récépissé de sa demande de renouvellement de titre de séjour, dans un délai de deux jours à compter de la notification de sa décision, sous astreinte de 50 euros par jour de retard. Par une ordonnance du 24 janvier 2023, contre laquelle Mme A... se pourvoit en cassation, le juge des référés a rejeté sa demande. Sur le pourvoi de Mme A... : 3. L'urgence justifie que soit prononcée la suspension d'un acte administratif lorsque l'exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés, saisi d'une demande de suspension d'une décision refusant la délivrance d'un titre de séjour, d'apprécier et de motiver l'urgence compte tenu de l'incidence immédiate du retrait de titre de séjour sur la situation concrète de l'intéressé. Cette condition d'urgence sera en principe constatée dans le cas d'un refus de renouvellement du titre de séjour, comme d'ailleurs d'un retrait de celui-ci. Dans les autres cas, il appartient au requérant de justifier de circonstances particulières caractérisant la nécessité pour lui de bénéficier à très bref délai d'une mesure provisoire dans l'attente d'une décision juridictionnelle statuant sur la légalité de la décision litigieuse. 4. Il ressort des énonciations de l'ordonnance attaquée que le juge des référés du tribunal administratif de Versailles a jugé que, dès lors que la décision portant refus de renouvellement du titre de séjour de Mme A... était assortie d'une obligation de quitter le territoire français dont elle demandait l'annulation par le biais de la procédure de recours à caractère suspensif prévue à l'article L. 614-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui implique que le tribunal statue dans un délai de trois mois sur la décision portant refus de titre de séjour, il lui appartenait de justifier de circonstances particulières caractérisant la nécessité pour elle de bénéficier à très bref délai d'une mesure provisoire dans l'attente de cette décision juridictionnelle statuant sur la légalité de la décision litigieuse. En statuant ainsi, alors qu'il devait regarder la condition d'urgence comme en principe remplie dès lors que le litige portait sur un refus de renouvellement d'un titre de séjour, sans qu'ait d'incidence à cet égard la circonstance que Mme A... ait parallèlement contesté l'obligation de quitter le territoire français prononcée à son encontre, le juge des référés a commis une erreur de droit. 5. Mme A... est, par suite, fondée à demander l'annulation de l'ordonnance qu'elle attaque. 6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative. Sur la demande en référé de Mme A... : 7. En premier lieu, par un arrêté du 29 novembre 2022 portant délégation de signature, M. D... C..., sous-préfet de Palaiseau, a reçu délégation à l'effet de signer, au nom du préfet de l'Essonne, tous arrêtés et décisions relevant des attributions de l'Etat dans l'arrondissement de Palaiseau. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte manque en fait. 8. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que, pour prendre la décision contestée, le préfet de l'Essonne s'est notamment fondé sur l'avis rendu le 11 novembre 2022 par un collège de trois médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration sur la base du rapport établi par le 2 novembre 2022 par le docteur E..., médecin ne siégeant pas au sein de ce collège, nommément désignée dans cet avis, qui a été produit par le Préfet de l'Essonne dans ses écritures en défense devant le juge des référés du tribunal administratif de Versailles. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision litigieuse aurait été rendue au terme d'une procédure irrégulière, faute pour le préfet d'avoir produit cet avis et, s'agissant de ce dernier, de comporter la mention du nom du médecin rapporteur, manque en fait. 9. En troisième lieu, si Mme A... soutient que la décision contestée méconnaitrait, d'une part, les stipulations du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation en ce qu'elle ne serait pas en mesure de bénéficier d'un traitement médical approprié en Algérie et, d'autre part, le 5° de l'article 6 de ce même accord et porterait atteinte au droit au respect de la vie privée et familiale en violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, aucun de ces moyens ne peut, en l'état de l'instruction, être regardé comme de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée. 10. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la condition d'urgence, que la demande présentée par Mme A... devant le juge des référés du tribunal administratif de Versailles sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, tendant à la suspension de l'exécution de la décision du préfet de l'Essonne du 9 décembre 2022 refusant le renouvellement de son titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français doit être rejetée, y compris ses conclusions aux fins d'injonction et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. D E C I D E : -------------- Article 1er : L'ordonnance du 24 janvier 2023 du juge des référés du tribunal administratif de Versailles est annulée. Article 2 : La demande présentée par Mme A... devant le juge des référés du tribunal administratif de Versailles et ses conclusions présentées devant le Conseil d'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
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Vu la procédure suivante : M. B... A... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de l'arrêté du 9 mars 2023 par lequel le préfet de la Guadeloupe a refusé de renouveler son titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Par une ordonnance n° 2300516 du 11 mai 2023, le président du tribunal administratif de la Guadeloupe, statuant en référé, a rejeté sa demande. Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 26 mai et 12 juin 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler cette ordonnance ; 2°) statuant en référé, de faire droit à sa demande ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Alexandre Denieul, auditeur, - les conclusions de M. Nicolas Labrune, rapporteur public ; La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Fabiani, Luc-Thaler, Pinatel, avocat de M. A... ; Considérant ce qui suit : 1. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ". 2. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe que, par un arrêté du 9 mars 2023, le préfet de la Guadeloupe a refusé de renouveler le titre de séjour de M. A... et lui a fait obligation de quitter le territoire français. M. A... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, d'ordonner la suspension de cette décision. Par une ordonnance du 11 mai 2023, contre laquelle M. A... se pourvoit en cassation, le juge des référés de première instance a rejeté sa demande. Sur le pourvoi : 3. L'urgence justifie que soit prononcée la suspension d'un acte administratif lorsque l'exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés, saisi d'une demande de suspension d'une décision refusant la délivrance d'un titre de séjour, d'apprécier et de motiver l'urgence compte tenu de l'incidence immédiate du retrait de titre de séjour sur la situation concrète de l'intéressé. Cette condition d'urgence sera en principe constatée dans le cas d'un refus de renouvellement du titre de séjour, comme d'ailleurs d'un retrait de celui-ci. Dans les autres cas, il appartient au requérant de justifier de circonstances particulières caractérisant la nécessité pour lui de bénéficier à très bref délai d'une mesure provisoire dans l'attente d'une décision juridictionnelle statuant sur la légalité de la décision litigieuse. 4. Il ressort des énonciations de l'ordonnance attaquée que, pour rejeter la demande tendant à la suspension de l'arrêté du 9 mars 2023 par lequel le préfet de la Guadeloupe a refusé de faire droit à la demande de renouvellement du titre de séjour de M. A..., le juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe a estimé que l'intéressé s'était lui-même placé dans une situation d'urgence en formant sa demande de suspension de l'arrêté préfectoral le 8 mai 2023, soit près de deux mois après avoir reçu notification de l'arrêté contesté. En statuant ainsi alors que, ainsi qu'il a été dit au point 3, il devait, en l'absence de circonstances particulières, regarder la condition d'urgence comme en principe remplie s'agissant d'un refus de renouvellement de titre de séjour, le juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe a commis une erreur de droit. 5. Par suite, sans qu'il besoin d'examiner l'autre moyen du pourvoi, M. A... est fondé à demander l'annulation de l'ordonnance qu'il attaque. 6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative. Sur la demande en référé : 7. Pour demander la suspension de la décision contestée, M. A... soutient, d'une part, qu'elle porte une atteinte grave à sa vie privée et familiale et, d'autre part, que son maintien sur le territoire français se justifie au regard de son état de santé et de la situation sanitaire en Haïti. Toutefois, en l'état de l'instruction, aucun de ces moyens ne peut être regardé comme de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée. 8. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer ni sur la recevabilité des conclusions tendant à la suspension de l'arrêté en tant qu'il l'a obligé à quitter le territoire français ni sur la condition d'urgence, que la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de la Guadeloupe doit être rejetée, ainsi que ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. D E C I D E : ------------- Article 1er : L'ordonnance du 11 mai 2023 du juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe est annulée. Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe et ses conclusions présentées devant le Conseil d'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. B... A.... Copie en sera adressée au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
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Vu la procédure suivante : M. A... B... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'enjoindre, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-3 du code de justice administrative, au préfet du Puy-de-Dôme de lui délivrer un récépissé de demande de titre de séjour, dans un délai d'une semaine à compter de l'ordonnance du tribunal, sous astreinte de 50 euros par jour de retard. Par une ordonnance n° 2300576 du 21 mars 2023, le juge des référés du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande. Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 17 avril et 2 mai 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler cette ordonnance ; 2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la SCP Thomas-Boullez, son avocat, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - l'arrêté du 27 avril 2021 pris en application de l'article R. 431-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatif aux titres de séjour dont la demande s'effectue au moyen d'un téléservice ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de Mme Marie Lehman, maître des requêtes en service extraordinaire, - les conclusions de M. Nicolas Labrune, rapporteur public ; La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Boullez, avocat de M. B... ; Considérant ce qui suit : 1. Il ressort des énonciations de l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Clermont-Ferrand que M. B..., ressortissant tunisien, titulaire d'une carte de séjour temporaire valable jusqu'au 4 janvier 2023, a déposé le 29 décembre 2022 une demande de renouvellement de sa carte de séjour temporaire sur le site " demarches-simplifiees.fr ". M. B... se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 21 mars 2023 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à ce qu'il soit enjoint, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-3 du code de justice administrative, au préfet du Puy-de-Dôme de lui délivrer un récépissé de sa demande de titre de séjour. 2. Aux termes de l'article L. 521-3 du code de justice administrative : " En cas d'urgence et sur simple requête qui sera recevable même en l'absence de décision administrative préalable, le juge des référés peut ordonner toutes autres mesures utiles sans faire obstacle à l'exécution d'aucune décision administrative ". Il résulte de ces dispositions que le juge des référés, saisi d'une demande sur le fondement de ces dispositions, peut prescrire toutes mesures ayant un caractère provisoire ou conservatoire, à condition que ces mesures soient utiles, justifiées par l'urgence, ne fassent obstacle à l'exécution d'aucune décision administrative et ne se heurtent à aucune contestation sérieuse. 3. D'une part, aux termes de l'article R. 431-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La demande d'un titre de séjour figurant sur une liste fixée par arrêté du ministre chargé de l'immigration s'effectue au moyen d'un téléservice à compter de la date fixée par le même arrêté. Les catégories de titres de séjour désignées par arrêté figurent en annexe 9 du présent code. (...) ". Aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 27 avril 2021 pris en application de l'article R. 431-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatif aux titres de séjour dont la demande s'effectue au moyen d'un téléservice, dans sa version applicable au litige : " Sont effectuées au moyen du téléservice mentionné à l'article R. 431-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à compter du 1er mai 2021, les demandes de cartes de séjour temporaires portant la mention " étudiant " ou " étudiant-programme de mobilité " mentionnées aux articles L. 422-1 et L. 422 -5 du même code, les cartes de séjour pluriannuelles portant les mêmes mentions, délivrées en application des articles L. 433-4 et L. 422-6 du même code, ainsi que les certificats de résidence algériens portant la mention " étudiant " prévus au titre III du protocole annexé à l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ". Aux termes de l'article R. 432-15-1 du même code : " Le dépôt d'une demande présentée au moyen du téléservice mentionné à l'article R. 431-2 donne lieu à la délivrance immédiate d'une attestation dématérialisée de dépôt en ligne. Ce document ne justifie pas de la régularité du séjour de son titulaire. / Lorsque l'instruction d'une demande complète et déposée dans le respect des délais mentionnés à l'article R. 431-5 se poursuit au-delà de la date de validité du document de séjour détenu, le préfet est tenu de mettre à la disposition du demandeur via le téléservice mentionné au premier alinéa une attestation de prolongation de l'instruction de sa demande dont la durée de validité ne peut être supérieure à trois mois. Ce document, accompagné du document de séjour expiré, lui permet de justifier de la régularité de son séjour pendant la durée qu'il précise. Lorsque l'instruction se prolonge, en raison de circonstances particulières, au-delà de la date d'expiration de l'attestation, celle-ci est renouvelée aussi longtemps que le préfet n'a pas statué sur la demande. (...) ". 4. D'autre part, aux termes de l'article R. 431-3 du même code : " La demande de titre de séjour ne figurant pas dans la liste mentionnée à l'article R. 431-2, est effectuée à Paris, à la préfecture de police et, dans les autres départements, à la préfecture ou à la sous-préfecture. / Le préfet peut également prescrire que les demandes de titre de séjour appartenant aux catégories qu'il détermine soient adressées par voie postale ". Aux termes de l'article R. 431-12 du code de de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger admis à souscrire une demande de délivrance ou de renouvellement de titre de séjour se voit remettre un récépissé qui autorise sa présence sur le territoire pour la durée qu'il précise (...) ". 5. Il résulte des dispositions de l'article R. 431-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile citées au point 3 que la demande d'un titre de séjour figurant sur une liste fixée par arrêté du ministre chargé de l'immigration s'effectue au moyen d'un téléservice et qu'elle donne lieu à la délivrance immédiate d'une attestation dématérialisée de dépôt en ligne, qui ne justifie pas de la régularité du séjour de son titulaire, et, le cas échéant, à la délivrance d'une attestation de prolongation de l'instruction de sa demande. Aux termes des dispositions de l'article R. 431-3 du même code citées au point 4, pour les demandes de titres autres que ceux concernés par la procédure définie à l'article R. 431-2, la demande est effectuée par comparution personnelle au guichet de la préfecture ou par voie postale et donne lieu, sous certaines conditions, à la remise d'un récépissé qui autorise la présence sur le territoire de l'étranger pour une durée déterminée. 6. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif de Clermont-Ferrand que la demande formée par M. B... le 29 décembre 2022 tendait au renouvellement de sa carte de séjour temporaire. Par suite, cette demande relevait de la procédure prévue à l'article R. 431-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et devait donner lieu, sous réserve de la complétude du dossier, à la délivrance d'un récépissé dans les conditions prévues à l'article R. 431-12 du même code et non d'une attestation de prolongation de l'instruction de sa demande, au titre de l'article R. 432-15-1 du même code. Dès lors, en se fondant sur la seule circonstance que l'intéressé n'avait pas déposé sa demande sous format papier pour en déduire que la demande de M. B... ne relevait pas des dispositions de l'article R. 431-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mais de celles de l'article R. 432-15-1 du même code, le juge des référés du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a commis une erreur de droit. M. B... est, par suite, fondé à demander, pour ce motif, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, l'annulation de l'ordonnance qu'il attaque. 7. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu pour le Conseil d'Etat de régler l'affaire au titre de la procédure de référé, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative. 8. Eu égard aux conséquences qu'a sur la situation d'un étranger, notamment sur son droit à se maintenir en France et, dans certains cas, à y travailler, la détention du récépissé qui lui est en principe remis après l'enregistrement de sa demande et au droit qu'il a de voir sa situation examinée au regard des dispositions relatives au séjour des étrangers en France, il incombe à l'autorité administrative, après lui avoir fixé un rendez-vous, de le recevoir en préfecture et, si son dossier est complet, de procéder à l'enregistrement de sa demande, dans un délai raisonnable. 9. En se bornant à produire une attestation de dépôt d'un dossier sur le formulaire de contact pour les ressortissants étrangers sur le site " demarches-simplifiees.fr ", M. B... n'établit pas avoir déposé un dossier complet auprès des services préfectoraux. Dans ces conditions, la mesure qu'il demande se heurte à une contestation sérieuse, au sens de l'article L. 521-3 du code de justice administrative. 10. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre, la demande de M. B... doit être rejetée, y compris ses conclusions tendant à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. D E C I D E : -------------- Article 1er : L'ordonnance du 21 mars 2023 du juge des référés du tribunal administratif de Clermont-Ferrand est annulée. Article 2 : La demande présentée par M. B... au juge des référés du tribunal administratif de Clermont-Ferrand est rejetée. Article 3 : Les conclusions de M. B... présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées. Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
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Vu la procédure suivante : La société de travaux publics et industriels a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Besançon, statuant sur le fondement de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, d'ordonner à la communauté de communes de Rahin et Chérimont de suspendre ou, à défaut, d'annuler la procédure de passation du marché public engagée pour des travaux de création de passerelles connexes à la voie verte. Par une ordonnance n° 2300376 du 24 mars 2023, la juge des référés du tribunal administratif de Besançon a annulé cette procédure et a enjoint à la communauté de communes de Rahin et Chérimont de la reprendre au stade de l'analyse des offres. Par une ordonnance n° 23NC01123 du 11 avril 2023, enregistrée le 12 avril 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la présidente de la cour administrative d'appel de Nancy a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, le pourvoi, enregistré le 7 avril 2023 au greffe de cette cour, présenté par la communauté de communes de Rahin et Chérimont. Par ce pourvoi et deux nouveaux mémoires, enregistrés les 2 mai et 29 juin 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la communauté de communes de Rahin et Chérimont demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler cette ordonnance ; 2°) statuant en référé, de rejeter la demande de la société de travaux publics et industriels ; 3°) de mettre à la charge de la société de travaux publics et industriels la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code de la commande publique ; - le code général des collectivités territoriales ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de Mme Marie Lehman, maître des requêtes en service extraordinaire, - les conclusions de M. Nicolas Labrune, rapporteur public ; La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Duhamel - Rameix - Gury - Maître, avocat de la communauté de communes Rahin et Cherimont et à la SCP Spinosi, avocat de la société de travaux publics et industriels ; Considérant ce qui suit : 1. Il ressort des énonciations de l'ordonnance attaquée que la communauté de communes de Rahin et Chérimont a engagé la passation d'un marché public selon la procédure adaptée portant sur des travaux relatifs à la création de passerelles dans le cadre de travaux connexes à la réalisation d'une voie verte. La société de travaux publics et industriels, membre d'un groupement dont l'offre classée troisième a été rejetée, a demandé au juge du référé précontractuel du tribunal administratif de Besançon de suspendre ou, à défaut, d'annuler la procédure de passation de ce marché. Par une ordonnance du 24 mars 2023 contre laquelle la communauté de communes de Rahin et Chérimont se pourvoit en cassation, la juge des référés du tribunal administratif de Besançon a annulé cette procédure et lui a enjoint de la reprendre au stade de l'analyse des offres. 2. En premier lieu, aux termes du premier alinéa de l'article L. 2152-7 du code de la commande publique : " Le marché est attribué au soumissionnaire ou, le cas échéant, aux soumissionnaires qui ont présenté l'offre économiquement la plus avantageuse sur la base d'un ou plusieurs critères objectifs, précis et liés à l'objet du marché ou à ses conditions d'exécution. Les modalités d'application du présent alinéa sont prévues par voie réglementaire ". Aux termes de l'article R. 2152-11 du même code : " Les critères d'attribution ainsi que les modalités de leur mise en œuvre sont indiqués dans les documents de la consultation ". 3. Il résulte des dispositions précitées que, pour assurer le respect des principes de liberté d'accès à la commande publique, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, l'information appropriée des candidats sur les critères d'attribution d'un marché public est nécessaire dès l'engagement de la procédure d'attribution. Le pouvoir adjudicateur est ainsi tenu d'informer dans les documents de consultation les candidats des critères de sélection des offres ainsi que de leur pondération ou hiérarchisation. S'il décide, pour mettre en œuvre ces critères de sélection des offres, de faire usage de sous-critères également pondérés ou hiérarchisés, il doit porter à la connaissance des candidats la pondération ou la hiérarchisation de ces sous-critères dès lors que, eu égard à leur nature et à l'importance de cette pondération ou hiérarchisation, ils sont susceptibles d'exercer une influence sur la présentation des offres par les candidats et doivent, en conséquence, être eux-mêmes regardés comme des critères de sélection. En revanche, il n'est pas tenu d'informer les candidats de la méthode de notation des offres lorsqu'il se borne à mettre en œuvre les critères annoncés. 4. Il ressort des pièces du dossier soumis à la juge des référés que les candidats ont été informés de la pondération des onze sous-critères que le pouvoir adjudicateur a déterminés pour l'appréciation du critère de la valeur technique. Pour juger que la communauté de communes de Rahin et Chérimont avait méconnu le principe de transparence des procédures, la juge des référés a estimé qu'auraient dû également être portés à leur connaissance les éléments d'appréciation associés à un barème de notation que le pouvoir adjudicateur a utilisé pour évaluer trois de ces sous-critères, à savoir, d'une part, pour le sous-critère n° 1 " organisation du chantier " noté sur dix points, la présentation des intervenants et du chantier, notée sur deux points, la prise en compte des contraintes du site et leurs traitements, notée sur quatre points, la préparation du chantier, notée sur deux points, et le phasage général, noté sur deux points, d'autre part, pour le sous-critère n° 6 " fiches techniques ", les fiches techniques notées sur un point et l'adéquation de ces dernières avec le cahier des clauses techniques particulières, notée sur quatre points, et, enfin, pour le sous-critère n° 8 " planning " noté sur dix points, le respect des délais d'exécution et l'adéquation avec le calendrier, notés sur cinq points chacun. En regardant ainsi comme des critères de sélection ce qui n'était, eu égard à leur objet et à leur pondération, que des éléments d'appréciation de ces trois sous-critères, insusceptibles d'exercer une influence sur la présentation des offres par les candidats et relevant par conséquent de la méthode de notation des offres, la juge des référés du tribunal administratif de Besançon a inexactement qualifié les faits de l'espèce. 5. En second lieu, l'ordonnance attaquée a annulé la procédure de mise en concurrence lancée par la communauté de communes de Rahin et Chérimont en se fondant également sur un second motif tiré de ce que cet acheteur n'a pas communiqué au groupement évincé le motif du rejet de sa candidature, en violation des dispositions de l'article R. 2181-2 du code de la commande publique, applicable aux marchés passés selon une procédure adaptée comme en l'espèce, aux termes desquelles : " Tout candidat ou soumissionnaire dont la candidature ou l'offre a été rejetée peut obtenir les motifs de ce rejet dans un délai de quinze jours à compter de la réception de sa demande à l'acheteur. / Lorsque l'offre de ce soumissionnaire n'était ni inappropriée, ni irrégulière, ni inacceptable, l'acheteur lui communique en outre les caractéristiques et avantages de l'offre retenue ainsi que le nom de l'attributaire du marché ". Il ressort toutefois des pièces du dossier soumis à la juge des référés que, par deux courriers datés des 24 janvier et 2 février 2023, la communauté de communes de Rahin et Chérimont a informé le groupement évincé du nom de l'attributaire du marché, du classement de son offre et de celle de l'attributaire, des notes qui lui avaient été attribuées et de celles qu'avait reçues l'offre retenue, inférieure à la sienne pour le critère du prix mais supérieure pour le critère de la valeur technique au titre de laquelle la société attributaire a obtenu la note maximale, ce qui rendait au demeurant inutile de communiquer le détail de sa notation par sous-critères, et de ce que l'offre retenue était la mieux-disante au regard des critères du marché. Par suite, en jugeant que la communauté de communes avait méconnu les dispositions de l'article R. 2181-2 précitées du code de la commande publique faute d'avoir communiqué le rapport d'analyse des offres et les modalités d'application de la méthode de notation, la juge des référés a commis une erreur de droit et dénaturé les pièces du dossier. 6. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, que la communauté de communes de Rahin et Chérimont est fondée à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée du 24 mars 2023. 7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée par la société de travaux publics et industriels, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative. 8. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 5 que le moyen tiré de l'irrégularité de l'information de la société de travaux publics et industriels sur les motifs du rejet de son offre ne peut qu'être écarté. 9. En deuxième lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 4 que la société de travaux publics et industriels n'est pas fondée à soutenir que la communauté de communes de Rahin et Chérimont aurait méconnu le principe de transparence des procédures, en omettant d'informer les candidats sur les modalités de mise en œuvre des critères de sélection des offres, lesquels étaient exprimés de façon suffisamment claire. Pour les mêmes motifs, elle n'est pas plus fondée à soutenir que les éléments d'appréciation des offres, dont aucun ne saurait être regardé comme un sous-critère, entacheraient d'irrégularité la méthode de notation retenue par l'acheteur. 10. En troisième lieu, contrairement à ce que soutient la société requérante, qui se borne à produire un article de presse qui ne mentionne pas le nom de la société attributaire mais celui d'une autre société, il ne résulte pas de l'instruction que la communauté de communes de Rahin et Chérimont aurait désigné la société attributaire avant même l'analyse des offres des candidats. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du principe d'égalité de traitement des candidats ne peut qu'être écarté. 11. En quatrième lieu, il n'appartient pas au juge du référé précontractuel, qui doit seulement se prononcer sur le respect, par le pouvoir adjudicateur, des obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation d'un contrat, de se prononcer sur l'appréciation portée sur la valeur d'une offre ou les mérites respectifs des différentes offres. Il lui appartient, en revanche, lorsqu'il est saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le pouvoir adjudicateur n'a pas dénaturé le contenu d'une offre en en méconnaissant ou en en altérant manifestement les termes et procédé ainsi à la sélection de l'attributaire du contrat en méconnaissance du principe fondamental d'égalité de traitement des candidats. Contrairement à ce qu'allègue la société de travaux publics et industriels, il ne résulte pas de l'instruction que la communauté de communes de Rahin et Chérimont aurait dénaturé le contenu de l'offre du groupement dont elle était membre. 12. En cinquième lieu, aux termes de la première phrase du premier alinéa de l'article L. 1414-2 du code général des collectivités territoriales : " Pour les marchés publics passés selon une procédure formalisée dont la valeur estimée hors taxe prise individuellement est égale ou supérieure aux seuils européens qui figurent en annexe du code de la commande publique, à l'exception des marchés publics passés par les établissements publics sociaux ou médico-sociaux, le titulaire est choisi par une commission d'appel d'offres composée conformément aux dispositions de l'article L. 1411-5 ". Il résulte de l'instruction que le marché en litige a été passé selon la procédure adaptée et non selon une procédure formalisée, et que le choix de la société attributaire a été effectué par le conseil communautaire de la communauté de communes de Rahin et Chérimont, qui n'était pas tenue de réunir une commission d'appel d'offres en application des dispositions précitées, lors de sa séance du 16 décembre 2022. Par suite, d'une part, la société requérante ne peut utilement soutenir que des irrégularités entacheraient la désignation, la convocation et l'information des membres de la commission d'appel d'offres, qui n'a pas été réunie. D'autre part, par sa délibération du 16 décembre 2022, le conseil communautaire a habilité son président à conclure le marché, contrairement à ce qu'allègue la société requérante. 13. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la demande présentée par la société de travaux publics et industriels devant la juge des référés du tribunal administratif de Besançon doit être rejetée. 14. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société de travaux publics et industriels la somme de 4 000 euros à verser à la communauté de communes de Rahin et Chérimont au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces mêmes dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la communauté de communes de Rahin et Chérimont qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. D E C I D E : -------------- Article 1er : L'ordonnance du 24 mars 2023 de la juge des référés du tribunal administratif de Besançon est annulée. Article 2 : La demande de la société de travaux publics et industriels présentée devant le juge des référés du tribunal administratif de Besançon et ses conclusions présentées devant le Conseil d'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : La société de travaux publics et industriels versera à la communauté de communes de Rahin et Chérimont une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : La présente décision sera notifiée à la communauté de communes de Rahin et Chérimont et à la société de travaux publics et industriels. Copie en sera adressée à la société Roger Martin.
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Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure M. C... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler l'arrêté du 10 août 2021 par lequel le préfet de l'Allier lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par un jugement n° 2102114 du 17 mars 2022, le tribunal a rejeté sa demande. Procédure devant la cour Par une requête enregistrée le 3 octobre 2022, M. B..., représenté par Me Habiles, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement et l'arrêté susvisé ; 2°) d'enjoindre au préfet de l'Allier, de réexaminer sa situation et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler dans un délai d'un mois, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ; 3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il soutient que : - le refus de titre de séjour est insuffisamment motivé ; la décision est intervenue en méconnaissance de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 ainsi que de l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et le préfet a méconnu l'étendue de sa compétence ; il méconnaît l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'article L. 423-23 du même code et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ; elle est intervenue en méconnaissance de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 ainsi que de l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et le préfet a méconnu l'étendue de sa compétence ; elle méconnaît l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'article L. 423-23 du même code et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - la décision fixant le pays de destination est insuffisamment motivée. La requête de M. B... a été communiquée au préfet de l'Allier qui n'a pas produit d'observations. M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 31 août 2022. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code des relations entre le public et l'administration ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ; Le rapport de Mme Djebiri, première conseillère, ayant été entendu au cours de l'audience publique ; Considérant ce qui suit : 1. M. C..., ressortissant malien qui déclare être irrégulièrement entré en France en septembre 2019 à l'âge de seize ans, a été placé auprès des services de l'aide sociale à l'enfance (ASE) le 17 septembre 2019, avant de solliciter sa régularisation par une demande du 31 décembre 2020. Il relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du préfet de l'Allier du 10 août 2021 portant refus de cette demande, l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays de destination. Sur la légalité du refus de séjour : 2. En premier lieu, l'arrêté attaqué comporte les éléments de droit et de fait qui en constituent le fondement, en précisant notamment qu'il n'établit pas son âge, qu'il n'est pas dépourvu de liens dans son pays d'origine, de sorte qu'il est suffisamment motivé. 3. En deuxième lieu, et alors que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des décisions par lesquelles l'autorité administrative refuse de délivrer un titre de séjour, l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration ne saurait être utilement invoqué à l'encontre de l'arrêté en litige en tant qu'il refuse la délivrance d'un titre de séjour à M. B.... 4. En troisième lieu, il ressort des termes de la décision attaquée que le préfet de l'Allier a examiné la possibilité de faire usage de son pouvoir de régularisation de la situation administrative de M. B... et ne s'est, dès lors, pas méprise sur l'étendue de sa compétence alors même qu'il n'a pas fait mention des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée des étrangers et du droit d'asile, dont le requérant ne s'était pas prévalu au soutien de sa demande. 5. En quatrième lieu, aux termes des dispositions alors codifiées à l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel, l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance ou du tiers digne de confiance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle peut, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ", sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil ou du tiers digne de confiance sur l'insertion de cet étranger dans la société française.(...). " Aux termes des dispositions alors codifiées à l'article R. 311-2-2 du même code : " L'étranger qui demande la délivrance (...) d'un titre de séjour présente les documents justifiant de son état civil et de sa nationalité (...) ". Aux termes de l'article L. 111-6 du même code : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil ". Aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil (...) des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ". 6. Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis. Ce faisant, il lui appartient d'apprécier les conséquences à tirer de la production par l'étranger d'une carte consulaire ou d'un passeport dont l'authenticité est établie ou n'est pas contestée, sans qu'une force probante particulière puisse être attribuée ou refusée par principe à de tels documents. 7. En l'espèce, pour rejeter la demande de titre de séjour de M. B... présentée sur le fondement des dispositions précitées, le préfet de l'Allier a retenu, un motif tiré de ce qu'en raison de l'usage de faux documents, l'intéressé ne justifiait pas de son état civil. 8. Il ressort des pièces du dossier que les actes présentés par le requérant, en particulier le volet n° 3 de son acte de naissance et sa carte nationale d'identité, ont été transmis à l'unité fraude documentaire et à l'identité de la direction interdépartementale de la police aux frontières (PAF) de Clermont-Ferrand qui, dans un rapport du 7 octobre 2020, a relevé des anomalies et irrégularités et a conclu que l'acte de naissance, qui était entaché de quatre non-conformités, était un faux document. Par ailleurs, l'extrait d'acte de naissance enregistré a été établi au visa d'un jugement supplétif daté du 21 novembre 2018, le jugement supplétif produit en première instance portant quant lui la date du 23 novembre 2018. Enfin, l'attestation du 5 mai 2021 du consul du Mali à Lyon a confirmé l'appréciation de la PAF selon laquelle M. B... ne possédait pas de numéro d'identification nationale (NINA) qui aurait permis d'établir ses documents d'identité. Dans ces conditions, le préfet de l'Allier a pu légalement retenir que l'intéressé ne justifiait pas de son état civil. 9. En cinquième lieu, si M. B... fait état de son insertion scolaire, il n'était présent que depuis un peu moins de deux ans en France à la date de l'arrêté en litige. Il est en outre célibataire, sans charge de famille et ne fait état d'aucun lien familial en France. Dans ces conditions, le refus de titre de séjour ne porte pas au droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été opposé. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de 1'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. 10. En dernier lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour qui est saisie pour avis par l'autorité administrative : 1° Lorsqu'elle envisage de refuser de délivrer ou de renouveler la carte de séjour temporaire prévue aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-13, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21, L. 423-22, L. 423-23, L. 425-9 ou L 426-5 à un étranger qui en remplit effectivement les conditions de délivrance ; ". Il résulte de ce qui a été dit que M. B..., qui n'a pas justifié de son état civil, ne remplit pas les conditions pour obtenir un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Ainsi, le préfet n'était pas tenu de consulter la commission du titre de séjour avant de lui opposer un refus. Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français : 11. La décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation spécifique lorsque, comme en l'espèce, elle est l'accessoire d'un refus de titre de séjour et ne déroge pas au délai de départ volontaire de droit commun de trente jours. Il s'en suit que le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté. 12. Le moyen, soulevé en première instance, tirés de ce que l'obligation de quitter le territoire français contestée méconnaîtrait les dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000, doit, par adoption des motifs retenus par les premiers juges, être écarté. 13. Le moyen tiré du défaut de saisine de la commission du titre de séjour est inopérant à l'encontre de la mesure d'éloignement. 14. Les moyens tirés de ce que M. B... remplirait les conditions de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des articles L. 423-23 et L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et de la méconnaissance par la mesure d'éloignement des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés pour les motifs exposés aux points 10 et 11 du présent arrêt. Sur la légalité de la fixation du pays de renvoi : 15. Cette décision, qui vise les dispositions de droit qui la fondent et mentionne la nationalité malienne du requérant, comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et est, par suite, suffisamment motivée. 16. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et tendant à la mise à la charge de l'État d'une somme au titre des frais liés au litige. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... et au ministre de l'intérieur et des outres mer. Copie sera adressée à la préfète de l'Allier. Délibéré après l'audience du 6 juillet 2023 à laquelle siégeaient : M. Picard, président de chambre ; M. Seillet, président assesseur ; Mme Djebiri, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 juillet 2023. La rapporteure, C. DjebiriLe président, V.-M. Picard La greffière, A. Le Colleter La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outres mer, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition, La greffière, N° 22LY02910 2 kc
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Vu la procédure suivante : M. A... B... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Lyon, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de l'arrêté du 25 août 2022 par lequel la préfète de la Loire a rejeté sa demande de renouvellement de sa carte de résident et de délivrance d'une carte de résident permanent, d'enjoindre à la préfète de la Loire de réexaminer sa situation et de lui délivrer sans délai une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler. Par une ordonnance n° 2207564 du 12 octobre 2022, le juge des référés du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande selon la procédure prévue à l'article L. 522-3 du code de justice administrative. Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés les 28 octobre, 14 novembre et 14 décembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler cette ordonnance ; 2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la décision du 28 février 2023 par laquelle le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a renvoyé au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. B... ; - la décision n° 2023-1048 QPC du Conseil constitutionnel du 4 mai 2023 ; - le code de justice administrative. Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de Mme Marie Lehman, maître des requêtes en service extraordinaire, - les conclusions de M. Nicolas Labrune, rapporteur public ; La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Zribi et Texier, avocat de M. B... ; Considérant ce qui suit : 1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif de Lyon que M. B..., de nationalité marocaine, est entré régulièrement en France en 1977, à l'âge de trois ans dans le cadre d'un regroupement familial. En 1992, à sa majorité, il s'est vu délivrer une carte de résident de 10 ans, qui a été renouvelée en 2002, puis à nouveau en 2012. Le 5 janvier 2022, il a demandé le renouvellement de sa carte de résident de 10 ans, ainsi que la délivrance d'une carte de résident permanent. Un récépissé de demande de carte de séjour lui a été délivré le même jour pour renouvellement de son titre de séjour. Par arrêté du 25 août 2022, la préfète de la Loire a rejeté sa demande de délivrance d'une carte de résident permanent, motif pris de ce qu'il ne remplissait pas les conditions d'intégration républicaine et d'absence de menace pour l'ordre public respectivement prévues par les articles L. 413-7 et L. 426-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Sur le pourvoi : 2. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ". Aux termes de l'article L. 522-3 du même code : " Lorsque la demande ne présente pas un caractère d'urgence ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée, le juge des référés peut la rejeter par une ordonnance motivée sans qu'il y ait lieu d'appliquer les deux premiers alinéas de l'article L. 522-1 ". Enfin, aux termes de l'article L. 511-1 du même code : " Le juge des référés (...) se prononce dans les meilleurs délais ". 3. Il résulte des dispositions citées au point 2, qui imposent au juge des référés de statuer avec diligence sur les demandes dont il est saisi, qu'elles n'ont ni pour objet ni pour effet de faire du délai dans lequel il statue une condition de la régularité de l'ordonnance rendue. Par suite, en ayant statué sur la demande dès le 12 octobre 2022, sans attendre l'expiration du délai de recours contentieux le 25 octobre 2022, le juge des référés de première instance n'a pas entaché son ordonnance d'irrégularité. En ce qui concerne la délivrance d'une carte de résident permanent : 4. En premier lieu, par sa décision n° 2023-1048 QPC du 4 mai 2023, le Conseil constitutionnel a déclaré conforme à la Constitution le renvoi opéré par le deuxième alinéa de l'article L. 426-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2020-1733 du 16 décembre 2020 portant partie législative du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, aux mots " menace pour l'ordre public " figurant au premier alinéa du même article. Par suite, le moyen tiré de ce que l'ordonnance du juge des référés serait entachée d'une erreur de droit en ce qu'il a regardé comme manifestement dépourvu de sérieux le moyen tiré de ce que la décision de refus de délivrance d'une carte de résident permanent ne pouvait pas légalement être fondée sur la condition tenant à l'absence de menace pour l'ordre public mentionnée au deuxième alinéa de l'article L. 426-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ne peut qu'être écarté. 5. En deuxième lieu, le moyen tiré de ce que les dispositions de l'article L. 426-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile porteraient une atteinte disproportionnée aux droits garantis par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'a pas été invoqué devant le juge des référés de première instance. Par suite, dès lors qu'il n'est pas né de l'ordonnance attaquée et n'est pas d'ordre public, M. B... ne peut utilement soulever ce moyen pour contester le bien-fondé de l'ordonnance qu'il attaque. 6. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 40-29 du code de procédure pénale : " I. - Dans le cadre des enquêtes prévues à l'article 17-1 de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995, (...) les données à caractère personnel figurant dans le traitement qui se rapportent à des procédures judiciaires en cours ou closes, à l'exception des cas où sont intervenues des mesures ou décisions de classement sans suite, de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenues définitives, ainsi que des données relatives aux victimes, peuvent être consultées, sans autorisation du ministère public, par : / (...) / 5° Les personnels investis de missions de police administrative individuellement désignés et spécialement habilités par le représentant de l'Etat ". 7. Si le requérant soutient que le juge des référés a commis une erreur de droit en jugeant que le moyen tiré d'une méconnaissance de l'article R. 40-29 du code de procédure pénale n'était manifestement pas de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de l'arrêté attaqué, il ne ressort pas de l'arrêté attaqué que la préfète de la Loire aurait fondé le rejet de sa demande de délivrance d'une carte de résident permanent sur des informations qui seraient seulement issues d'une consultation des données personnelles figurant dans le fichier de traitement des antécédents judiciaires. Par suite, ce moyen ne peut qu'être écarté. 8. En quatrième lieu, il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés de première instance que M. B... a fait l'objet de trois condamnations pénales, dont deux d'entre elles, en 2018 et 2019, ont prononcé des peines d'emprisonnement, et qu'il est connu des services de police pour des faits répétés, récurrents et graves de violences, sur plus d'une dizaine d'années. Par suite, c'est sans erreur de droit que le juge des référés a jugé que les moyens tirés de ce que c'est à tort que la préfète de la Loire a considéré que M. B... ne satisfaisait pas aux conditions d'intégration républicaine de l'étranger dans la société française et d'absence de menace pour l'ordre public prévues aux articles L. 413-7 et L. 426-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'étaient manifestement pas de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de l'arrêté attaqué. 9. En cinquième lieu, M. B... ne peut utilement soutenir que l'arrêté lui refusant la délivrance d'une carte de résident permanent, qui ne le prive pas de tout droit de séjour en France et n'est pas assorti d'une obligation de quitter le territoire français, porterait au droit de mener une vie familiale normale qu'il tient de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris. En ce qui concerne le renouvellement de la carte de résident de 10 ans 10. Aux termes de l'article L. 433-2 de ce même code : " Sous réserve des dispositions des articles L. 411-5 et L. 432-3, une carte de résident est renouvelable de plein droit ". 11. Il résulte des dispositions citées au point 10 qu'aucune restriction n'est prévue au renouvellement d'une carte de résident tenant à l'existence d'une menace à l'ordre public. Par suite, en jugeant que le moyen tiré de ce que le refus de renouvellement de la carte de résident du requérant méconnaissait les dispositions l'article L. 433-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'était manifestement pas de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de cette décision, le juge des référés du tribunal administratif de Lyon a commis une erreur de droit. 12. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, que M. B... est seulement fondé à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée en tant que le juge des référés du tribunal administratif de Lyon a jugé que le moyen tiré de ce que le refus de renouvellement de la carte de résident du requérant méconnaissait l'article L. 433-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'était manifestement pas de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de cette décision. 13. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce et dans la mesure de l'annulation prononcée au point 12, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative. Sur la demande de suspension 14. D'une part, l'urgence à suspendre une décision de refus de renouvellement d'un titre de séjour doit, en principe, être reconnue. 15. D'autre part, il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que, en l'état de l'instruction, le moyen tiré de ce que le refus de renouvellement de la carte de résident du requérant méconnaît l'article L. 433-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée. 16. Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de faire droit à la demande de M. B... et de suspendre l'exécution de la décision par laquelle la préfète de la Loire a refusé de renouveler son titre de séjour. En l'espèce, il y a lieu d'enjoindre à la préfète de la Loire de réexaminer la demande de M. B... dans un délai d'un mois à compter de la notification qui lui sera faite de la présente décision et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour. 17. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au titre des frais qu'il a exposés tant en première instance qu'en cassation. D E C I D E : -------------- Article 1er : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Lyon du 12 octobre 2022 est annulée en tant qu'il a statué sur les conclusions tendant à la suspension de l'exécution de la décision par laquelle la préfète de la Loire a refusé de renouveler le titre de séjour de M. B.... Article 2 : L'exécution de la décision par laquelle la préfète de la Loire a refusé de renouveler le titre de séjour de M. B... est suspendue jusqu'à ce qu'il ait été statué sur la demande présentée par l'intéressé devant le tribunal administratif de Lyon. Article 3 : Il est enjoint à la préfète de la Loire de réexaminer la demande de renouvellement du titre de séjour de M. B... dans un délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour. Article 4 : L'Etat versera à M. B... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 5 : Le surplus des conclusions de la demande de M. B... est rejeté. Article 6 : La présente décision sera notifiée à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
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Vu la procédure suivante : Par un mémoire distinct, enregistré le 8 juin 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, le syndicat des entreprises des services automobiles en LLD (location longue durée) et des mobilités (SESAM LLD) demande au Conseil d'État, en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et à l'appui de sa requête tendant à l'annulation pour excès de pouvoir du décret n° 2021-515 du 29 avril 2021 relatif aux obligations d'achat ou d'utilisation de véhicules de poids total autorisé en charge inférieur ou égal à 3,5 tonnes à faibles ou à très faibles émissions par les entreprises, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article L. 224-10 du code de l'environnement, dans sa rédaction issue de la loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 d'orientation des mobilités. Le syndicat des entreprises des services automobiles en LLD et des mobilités soutient que ces dispositions, applicables au litige, méconnaissent la liberté du commerce et de l'industrie et la liberté d'entreprendre ainsi que le principe d'égalité garantis respectivement par les articles 4 et 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. Par des observations en défense, enregistrées le 28 juin 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut qu'il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ; - le code de l'énergie ; - le code de l'environnement ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de Mme Stéphanie Vera, maître des requêtes, - les conclusions de M. Stéphane Hoynck, rapporteur public ; La parole ayant été donnée, après les conclusions, au cabinet Rousseau, Tapie, avocat du syndicat des entreprises des services automobiles en LLD et des mobilités ; Considérant ce qui suit : 1. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ". Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux. 2. Sur le fondement de ces dispositions, le syndicat des entreprises des services automobiles en LLD (location longue durée) et des mobilités demande, à l'appui du recours pour excès de pouvoir qu'il a formé contre le décret n° 2021-515 du 29 avril 2021 relatif aux obligations d'achat ou d'utilisation de véhicules de poids total autorisé en charge inférieur ou égal à 3,5 tonnes à faibles ou à très faibles émissions par les entreprises, que soit renvoyée au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions de l'article L. 224-10 du code de l'environnement, dans sa rédaction issue de la loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 d'orientation des mobilités. 3. Aux termes de l'article L. 224-10 du code de l'environnement, dans sa rédaction applicable à la date du décret attaqué, " Les entreprises qui gèrent directement ou indirectement, au titre de leurs activités relevant du secteur concurrentiel, un parc de plus de cent véhicules automobiles dont le poids total autorisé en charge est inférieur ou égal à 3,5 tonnes acquièrent ou utilisent, lors du renouvellement annuel de leur parc, des véhicules définis au V de l'article L. 224-7 dans la proportion minimale : / 1° De 10 % de ce renouvellement à partir du 1er janvier 2022 ; / 2° De 20 % de ce renouvellement à partir du 1er janvier 2024 ; / 3° De 35 % de ce renouvellement à partir du 1er janvier 2027 ; / 4° De 50 % de ce renouvellement à partir du 1er janvier 2030. / Les entreprises qui gèrent directement ou indirectement, au titre de leurs activités relevant du secteur concurrentiel, un parc de plus de cent cyclomoteurs et motocyclettes légères, de puissance maximale supérieure ou égale à 1 kilowatt, acquièrent ou utilisent, lors du renouvellement annuel de leur parc, des véhicules définis au troisième alinéa de l'article L. 318-1 du code de la route dans la proportion minimale définie aux 1° à 4° du présent article. / Sont pris en compte dans l'évaluation de la taille du parc géré par une entreprise les véhicules gérés par ses filiales dont le siège est situé en France ainsi que les véhicules gérés par ses établissements situés en France. / Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions d'application du présent article ". 4. Le syndicat des entreprises des services automobiles en LLD et des mobilités soutient que les dispositions de l'article L. 224-10 du code de l'environnement, qui sont applicables au litige et n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, portent atteinte au principe d'égalité et à la liberté du commerce et de l'industrie et à la liberté d'entreprendre. 5. En premier lieu, aux termes de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : " La loi est l'expression de la volonté générale. Tous les citoyens ont droit de concourir personnellement, ou par leurs représentants, à sa formation. Elle doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse (...) ". Le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit. 6. Si le syndicat requérant soutient que la distinction que les dispositions de l'article L. 224-10 du code de l'environnement établissent entre les sociétés de financement auxquelles il peut être fait appel pour l'acquisition de véhicules automobiles et les entreprises ayant pour activité la location de véhicules en longue durée méconnaît l'égalité de traitement entre ces deux catégories d'entreprises, dont les offres sont concurrentes, il ressort des pièces du dossier que les sociétés de financement automobile, dès lors qu'elles ne gèrent pas de parcs de véhicules automobiles, et eu égard au fait qu'elles ne rendent pas à leurs clients des prestations de même nature que les sociétés de location de longue durée, se trouvent, au regard de la législation considérée, dans une situation différente. Par suite, le grief tiré de ce que les dispositions législatives contestées portent atteinte au principe d'égalité ne présente pas un caractère sérieux. 7. En second lieu, l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 dispose que : " La liberté consiste à faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi, l'exercice des droits naturels de chaque homme n'a de bornes que celles qui assurent aux autres Membres de la Société la jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la Loi ". Il est loisible au législateur d'apporter à la liberté d'entreprendre, qui découle de l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l'intérêt général, à la condition qu'il n'en résulte pas d'atteintes disproportionnées par rapport à l'objectif poursuivi. En imposant aux entreprises gestionnaires d'un parc de plus de cent véhicules automobiles l'acquisition ou l'utilisation, à l'occasion du renouvellement de ce parc, d'une proportion croissante de véhicules à faibles niveaux d'émissions de gaz à effet de serre et de polluants atmosphériques, le législateur a entendu réduire les émissions de gaz à effet de serre liées au secteur des transports, notamment pour satisfaire aux engagements de la France exprimés à l'article L. 220-1 du code de l'environnement qui dispose que " L'Etat et ses établissements publics, les collectivités territoriales et leurs établissements publics ainsi que les personnes privées concourent, chacun dans le domaine de sa compétence et dans les limites de sa responsabilité, à une politique dont l'objectif est la mise en œuvre du droit reconnu à chacun à respirer un air qui ne nuise pas à sa santé. / Cette action d'intérêt général consiste à prévenir, à surveiller, à réduire ou à supprimer les pollutions atmosphériques, à préserver la qualité de l'air et, à ces fins, à économiser et à utiliser rationnellement l'énergie. La protection de l'atmosphère intègre la prévention de la pollution de l'air et la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre ". Les taux prévus par les dispositions législatives contestées évoluant progressivement de 10 à 50 % selon un calendrier étalé de 2022 à 2030 ne sont pas manifestement disproportionnés par rapport à l'objectif que s'est assigné le législateur, à l'article L. 100-4 du code de l'énergie, de réduction de 40 % des émissions de gaz à effet de serre en 2030 par rapport aux niveaux de 1990. Par ailleurs, ils ne le sont pas non plus, ainsi que cela ressort notamment des travaux parlementaires, au regard de l'évolution de l'offre de marché de véhicules à faibles émissions présentée par les constructeurs. Il suit de là que le grief tiré de ce que les dispositions de l'article L. 224-10 du code de l'environnement porteraient à la liberté du commerce et de l'industrie et à la liberté d'entreprendre une atteinte disproportionnée au regard de l'objectif qu'elles poursuivent ne présente pas un caractère sérieux. 8. Il résulte de ce qui précède qu'il n'y a pas lieu de renvoyer la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel. D E C I D E : -------------- Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par le syndicat des entreprises des services automobiles en LLD et des mobilités. Article 2 : La présente décision sera notifiée au syndicat des entreprises des services automobiles en LLD et des mobilités et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel, à la Première ministre et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Délibéré à l'issue de la séance du 5 juillet 2023 où siégeaient : M. Christophe Chantepy, président de la section du contentieux, présidant ; Mme Isabelle de Silva, M. Jean-Philippe Mochon, présidents de chambre ; Mme Suzanne von Coester, Mme Fabienne Lambolez, M. Olivier Yeznikian, M. Cyril Roger-Lacan, M. Laurent Cabrera, conseillers d'Etat et Mme Stéphanie Vera, maître des requêtes-rapporteure. Rendu le 2 août 2023. Le président : Signé : M. Christophe Chantepy La rapporteure : Signé : Mme Stéphanie Vera La secrétaire : Signé : Mme Valérie Peyrisse
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Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler l'arrêté du 4 octobre 2021 par lequel le préfet de l'Allier lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retourner sur le territoire français pour une durée de deux ans, et d'enjoindre à cette autorité de lui délivrer un titre de séjour temporaire dans un certain délai ou, à défaut, de réexaminer sa situation en lui délivrant dans l'attente une autorisation provisoire de séjour. Par un jugement n° 2102890 du 12 juillet 2022, le tribunal a rejeté cette demande. Procédure devant la cour Par une requête enregistrée le 9 août 2022, M. A..., représenté par Me Presle, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement et cet arrêté en tant qu'il porte refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, fixation du pays de destination et interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans ; 2°) d'enjoindre au préfet de l'Allier de lui délivrer un titre de séjour temporaire dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt en lui délivrant dans l'attente une autorisation provisoire de séjour dans un délai de deux jours ; 3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 400 euros au profit de son conseil au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991. Il soutient que : - le refus de titre de séjour a été signé par une autorité incompétente pour le faire ; il est entaché d'une insuffisance de motivation ; le motif tiré de ce qu'il a fait usage de faux documents d'état civil est erroné ; le motif tiré de ce qu'il n'a pas exécuté une précédente mesure d'éloignement ne peut lui être opposé ; il méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle; il est fondé à se prévaloir des énonciations de la circulaire du 28 novembre 2012 ; - l'obligation de quitter le territoire français a été signée par une autorité incompétente pour le faire ; elle est entachée d'une insuffisance de motivation ; le motif tiré de ce qu'il a fait usage de faux documents d'état civil est erroné ; le motif tiré de ce qu'il n'a pas exécuté une précédente mesure d'éloignement ne peut lui être opposé ; elle méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle ; il est fondé à se prévaloir des énonciations de la circulaire du 28 novembre 2012 ; - les décisions refusant un délai de départ volontaire, fixant le pays de renvoi et portant interdiction de retour sur le territoire français sont illégales par voie de conséquence de celle du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français. La requête a été communiquée à la préfète de l'Allier qui n'a pas produit d'observations. M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 14 décembre 2022. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le code civil ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative ; Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Le rapport de M. Chassagne, premier conseiller, ayant été entendu au cours de l'audience publique. Vu la note en délibéré, enregistrée le 16 juillet 2023, présentée par M. A... ; Considérant ce qui suit : 1. M. A..., ressortissant de la République de Guinée, déclare être né le 20 septembre 2001 à Conakry, et être entré sur le territoire français en juillet 2017. Après avoir été confié initialement à l'aide sociale à l'enfance de l'Allier en qualité de mineur par jugement du 28 novembre 2017 du juge des enfants du tribunal de grande instance de Moulins et bénéficié de l'ouverture d'une tutelle d'État confiée au président du conseil départemental de l'Allier en vertu d'un jugement du juge des tutelles près le tribunal de grande instance de Cusset, il a fait l'objet d'un arrêté du 9 janvier 2019, aujourd'hui définitif, portant notamment refus de titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français. M. A... a alors demandé au préfet de l'Allier, en février 2021 la délivrance d'un titre de séjour mention " vie privée et familiale ", avec autorisation de travailler, ainsi que sur le fondement des articles alors codifiés L. 313-11 (2° bis), L. 313-14 et L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté pris le 4 octobre 2021, le préfet de l'Allier, tout en explicitant les motifs faisant obstacle à la délivrance d'un titre de séjour, l'a seulement obligé à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire (article 1er) et interdit de retourner sur le territoire français pour une durée de deux ans (article 2). M. A... relève appel du jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand ayant rejeté sa demande dirigée contre cet arrêté, concluant à l'annulation de cet acte en tant qu'il porte notamment refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français. 2. Il apparaît que le préfet a reçu à la fin du mois de février 2021 au plus tard la demande de titre de séjour présentée par M. A.... En application des dispositions combinées des articles R. 311-12 et R. 311-12-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, reprises aux articles R. 432-1 et R. 432-2 du même code, une décision implicite de rejet de cette demande est née quatre mois plus tard, soit antérieurement à l'intervention de l'arrêté ici en cause du 4 octobre 2021. Sur le refus de titre de séjour 3. En premier lieu, et compte tenu de ce qui précède, les moyens tirés de ce que l'arrêté contesté, en tant qu'il porterait refus de titre de séjour, aurait été signé par une autorité incompétente et serait entaché d'une insuffisance de motivation, ne peuvent qu'être écartés comme inopérants. 4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 47 du code civil, dans sa rédaction applicable : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. " Aux termes de l'article R. 431-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente à l'appui de sa demande : / 1° Les documents justifiants de son état civil ; / 2° Les documents justifiants de sa nationalité ;/ (...). La délivrance du premier récépissé et l'intervention de la décision relative au titre de séjour sollicité sont subordonnées à la production de ces documents. / (...). " L'article 47 du code civil pose une présomption de validité des actes d'état civil établis par une autorité étrangère dans les formes usitées dans ce pays. Il incombe à l'administration de renverser cette présomption en apportant la preuve du caractère irrégulier, falsifié ou non conforme à la réalité des actes en question. Il ne résulte en revanche pas de ces dispositions que l'administration française doit nécessairement et systématiquement solliciter les autorités d'un autre État afin d'établir qu'un acte d'état civil présenté comme émanant de cet État est dépourvu d'authenticité, en particulier lorsque l'acte est, compte tenu de sa forme et des informations dont dispose l'administration française sur la forme habituelle du document en question, manifestement falsifié. Il en découle que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis. 5. Dans l'arrêté en litige, le préfet de l'Allier a explicité les raisons du refus de titre de séjour implicitement refusé à M. A... en relevant que les documents que ce dernier avait présentés pour justifier de son état civil lors d'une précédente demande de titre, dont le rejet a été confirmé par le juge administratif, avaient été regardés comme ne pouvant établir son âge, et que les nouvelles pièces relatives à son état civil produites en février 2021, soit un extrait d'un registre d'état civil et un jugement supplétif, avaient été analysés comme des documents illégaux par un service en fraude documentaire de la police aux frontières. Le préfet a également indiqué que, compte tenu de ces nouveaux documents, les deux jugements supplétifs différents dont faisait état M. A... impliquaient une identité similaire, mais avec deux lieux et actes de naissance différents, si bien que ces actes, par ailleurs contraires aux dispositions du code civil guinéen, apparaissaient contrefaits et que l'état civil de l'intéressé comme son âge ne pouvaient donc être tenus pour établis. 6. M. A... a ainsi produit un extrait de registre de l'état civil de la commune de Kaloum du 5 mars 2019, valant transcription d'un jugement supplétif d'acte de naissance n° 2261 du 25 février 2019 du tribunal de première instance de Kaloum, dont la signature a été légalisée, ce jugement, également légalisé, une copie intégrale d'acte de naissance délivrée par l'ambassade de Guinée en France datée du 25 mars 2021, et un passeport accordé le 24 août 2021. Toutefois, il apparait que l'intéressé s'était auparavant prévalu d'autres actes dont, notamment, un extrait du registre d'état civil de la commune de Kindia du 11 avril 2016 et un jugement supplétif n° 887 du 11 avril 2016 rendu par le tribunal de première instance de Kindia. Compte tenu des contrariétés manifeste entre ces derniers documents et ceux produits dans le cadre de la présente instance, qui émanent de juridictions et communes différentes, le préfet de l'Allier était dans ces conditions fondé à estimer que M. A... ne justifiait ni de son état civil ni de son identité, et à lui refuser, pour ce seul motif, la délivrance d'un titre de séjour. Le moyen tiré de ce qu'il n'aurait pas fait usage de faux documents d'état civil doit donc être écarté. 7. En troisième lieu, si M. A... soutient que le motif tiré de ce qu'il n'a pas exécuté une précédente mesure d'éloignement ne pouvait lui être reproché, il n'apparaît toutefois pas que le refus de titre de séjour en litige serait fondé sur un tel motif, uniquement opposé pour justifier l'interdiction de retour sur le territoire français. Le moyen, inopérant, ne saurait donc être admis. 8. En quatrième lieu, si la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière dans le cadre des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile comporte des orientations générales destinées à éclairer les préfets dans l'exercice de leur pouvoir de prendre des mesures de régularisation des étrangers en situation irrégulière, toutefois, les intéressés ne peuvent faire valoir aucun droit au bénéfice de ces mesures de faveur et ne peuvent donc utilement se prévaloir de telles orientations à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir contre une décision préfectorale refusant de régulariser leur situation par la délivrance d'un titre de séjour. Par suite, en toute hypothèse, M. A... ne saurait utilement soutenir qu'il est fondé à se prévaloir des énonciations de la circulaire de 2012 relativement aux dispositions de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le moyen ne peut qu'être écarté. 9. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable : " L'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. " 10. M. A... n'était présent sur le territoire français que depuis environ quatre ans à la date du refus de séjour en litige, alors qu'il avait vécu auparavant toute son existence en Guinée, rien ne permettant de dire qu'il n'y aurait pas conservé des attaches, notamment familiales, qu'elles se seraient éteintes et qu'il ne pourrait pas renouer avec. Il ne justifie pas être en couple depuis près de deux ans, et donc avoir des charges de famille, sa situation de célibat n'étant pas remise en cause par les pièces qu'il a produites. S'il soutient bénéficier d'une promesse d'embauche en contrat à durée indéterminée en qualité d'aide-maçon et être titulaire d'un certificat d'aptitude professionnelle " Maintenance des bâtiments et des Collectivités ", et participer à des activités, il n'en résulte pas pour autant une insertion personnelle ou professionnelle d'une particulière intensité. Par suite, aucune violation des dispositions ci-dessus ni erreur manifeste d'appréciation au regard des conséquences du refus de séjour sur sa situation personnelle ne sauraient être retenues. Sur l'obligation de quitter le territoire français 11. En premier lieu, et comme l'y autorisait un arrêté préfectoral du 2 juillet 2021 portant délégation de signature, régulièrement publié au recueil des actes administratifs du même jour, M. Alexandre Sanz, secrétaire général de la préfecture de l'Allier, a signé l'obligation de quitter le territoire français. Par suite, aucun vice d'incompétence ne saurait être retenu. 12. En deuxième lieu, l'obligation de quitter le territoire français comporte les considérations de droit et de fait qui la fonde et, dès lors, est motivée, conformément aux exigences de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. 13. En troisième lieu, les moyens soulevés par M. A... contre l'obligation de quitter le territoire français, tirés de ce qu'il n'aurait pas fait usage de faux documents d'état civil, de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de l'appréciation manifestement erronée des conséquences de cet acte sur sa situation personnelle et de la violation de la circulaire du 28 novembre 2012, sont les mêmes que ceux précédemment examinés s'agissant du refus de titre de séjour. Par suite, et en l'absence à cet égard de spécificités de l'obligation de quitter le territoire français, ils doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux qui ont été précédemment exposés. 14. En dernier lieu, si M. A... soutient que le motif tiré de ce qu'il n'a pas exécuté une précédente mesure d'éloignement ne pouvait lui être reproché par le préfet de l'Allier, un tel motif ne lui a cependant pas été opposé par cette autorité pour prendre l'obligation de quitter le territoire français, ainsi que cela a été précédemment dit. Ce moyen, inopérant, doit donc être écarté. Sur les autres décisions refusant un délai de départ volontaire, portant fixation du pays de destination et interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans 15. Il résulte de ce qui précède que les décisions refusant un délai de départ volontaire, fixant le pays de renvoi et portant interdiction de retour sur le territoire français ne sont pas illégales par voie de conséquence de celle du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français. Les moyens ne peuvent donc qu'être écartés. 16. Dès lors, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité de ses conclusions dirigées contre le refus de titre de séjour, M. A... n'est pas fondé à se plaindre de ce que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande. Sa requête doit donc, dans l'ensemble de ses conclusions, être rejetée. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée à la préfète de l'Allier. Délibéré après l'audience du 6 juillet 2023 à laquelle siégeaient : M. Picard, président de chambre ; M. Seillet, président-assesseur ; M. Chassagne, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 juillet 2023. Le rapporteur, J. Chassagne Le président, V.-M. Picard La greffière, A. Le Colleter La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition, La greffière, 2 N° 22LY02502 kc
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Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : La société Sogea Martinique, la société industrielle martiniquaise de préfabrication (SIMP), la société GTM génie civil et services et la société compagnie martiniquaise de bâtiment (COMABAT) ont demandé au tribunal administratif de la Martinique : - au titre du marché complémentaire " Hémodialyse ", de condamner le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin à leur verser la somme de 4 417,50 euros TTC ; - au titre du règlement du marché principal de gros-œuvre, de condamner le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin à leur verser les sommes de 14 066,52 euros TTC au titre des travaux supplémentaires, 697 385,68 euros TTC au titre du différentiel de valorisation des prix nouveaux, 8 465 863,93 euros HT, 2 864 972,24 HT euros et 5 000 euros HT au titre de pénalités de retard sur tâches, sur levée de réserves et dans la remise de documents indûment appliquées, 24 955,00 euros TTC indûment retenus pour réfactions, 73 665,71 euros indûment retenus pour " assurance tous risques chantier ", 465 244,84 euros TTC au titre des dépenses communes de chantier, 1 257 799,54 euros TTC au titre du préjudice subi du fait de la durée d'exécution globale du chantier, 319 019,13 euros TTC au titre du différentiel de révision de prix et 269 286,02 euros au titre des intérêts moratoires dus sur les acomptes mensuels, le tout assorti des intérêts moratoires au taux de 8,25 % à compter du 3 octobre 2011 et capitalisation des intérêts (hors intérêts sur acomptes) ; - de condamner le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin à leur verser la somme de 56 000 euros qu'elles ont dû acquitter à titre de provision sur frais et honoraires de l'expertise. Par un jugement n° 1300251 du 10 octobre 2017, le tribunal administratif de la Martinique a condamné le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin à verser au groupement Sogea la somme de 4 417,50 euros TTC au titre du marché complémentaire de construction de l'unité d'hémodialyse et a modifié le solde du marché en inscrivant au débit des demanderesses les sommes de 4 220 062,53 euros au titre des pénalités pour retard global d'exécution, 11 335 836,17 euros au titre des autres pénalités et 24 955 euros TTC pour " réfaction ", et à leur crédit les sommes de 437 378,74 euros TTC au titre des travaux supplémentaires, 73 609,75 euros au titre du surcoût lié à l'allongement du délai d'exécution, 239 589,85 euros au titre des dépenses communes de chantier et 14 144,02 euros au titre des intérêts moratoires dus sur acomptes mensuels. Par une ordonnance du 1er mars 2019 prise sur le fondement de l'article R. 351-8 du code de justice administrative, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué à la cour administrative de Paris le jugement de la requête contre ce jugement enregistrée à la cour administrative d'appel de Bordeaux. Procédure devant la Cour : Par une requête et des mémoires enregistrés les 5 février 2018 et 29 septembre et 24 octobre 2020, les sociétés Sogea Martinique, SIMP, GTM génie civil et services et COMABAT, représentées par Me Bourgine, demandent à la Cour : 1°) de réformer le jugement attaqué en tant qu'il n'a pas fait droit entièrement à leurs demandes et a appliqué des pénalités pour retard d'exécution ; 2°) de condamner le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin à leur verser, au titre du solde du marché principal du lot 2.1A : 375 299,19 euros TTC au titre du différentiel entre la somme due par le maître d'ouvrage et la somme versée, 12 964,63 euros HT soit 14 066,52 euros TTC au titre des travaux supplémentaires, 642 751,78 euros HT soit 697 385,68 euros TTC au titre de la valorisation des prix nouveaux, 428 797,09 euros HT soit 465 244,84 euros TTC au titre des dépenses communes de chantier, 1 159 262,25 euros HT soit 1 257 799,54 euros TTC au titre du préjudice subi du fait de l'allongement de la durée du chantier et 77 952,16 euros soit 84 578,09 euros TTC au titre de la révision de prix sur les ordres de services ayant fait l'objet de réserves, le tout assorti, hors acomptes mensuels, des intérêts moratoires au taux de 8,25 % à compter du 3 octobre 2011, et 294 952,57 euros au titre des intérêts moratoires pour retard de paiement des acomptes mensuels, le tout assorti de la capitalisation des intérêts ; 3°) de les décharger de toute pénalité de retard pour le délai global d'exécution ou, subsidiairement, de moduler à la baisse ces pénalités ; 4°) de rejeter les demandes du groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin et du groupement Michel B... et associés ; 5°) de mettre à la charge du groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin une somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elles soutiennent que : - leur demande est recevable ; - le montant du préjudice subi au titre de l'allongement du délai d'exécution du marché s'élève à la somme de 1 159 262,25 euros HT au titre des frais d'encadrement, de personnel ouvrier et de matériel du 6 août 2008 au 31 mars 2011 ; à tout le moins, le montant de 526 190,87 euros retenu par l'expert devrait être retenu ; - 196 jours de retard doivent être imputés au maître d'ouvrage sur une période de 1 008 jours ; - l'application de pénalités de retard au titre du délai d'exécution du marché méconnaît les principes d'indivisibilité et d'intangibilité du décompte général ; - le délai d'exécution contractuel du lot gros œuvre, qui prenait fin au 31 octobre 2007, a été respecté ; aucun retard ne peut leur être imputé au titre de la période couverte par l'avenant n° 1 ; les stipulations du marché prévoient que les pénalités de retard dans l'exécution du marché peuvent être infligées dans le seul cadre du délai particulier affecté à un lot ; les premiers juges ont suivi un raisonnement contradictoire en reconnaissant que les 342 jours de retard n'étaient pas établis et en leur appliquant des pénalités à ce titre ; les 7,5 jours de retard au titre de la désinfection des travaux ne leur sont pas imputables dès lors qu'elles ne détenaient pas le certificat de désinfection du branchement et le certificat de désinfection du réseau ; - le total des travaux modificatifs sur ordres de service hors avenant est de 344 468,73 euros HT et non de 331 504,20 euros HT ; elles sont également fondées à demander l'indemnisation de la somme de 642 751,78 euros HT au titre de quarante devis ; - la somme due par le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin au titre de sa contribution de 0,5 % à l'appel de fond initial aux dépenses communes est de 13 616,92 euros TTC et non de 11 375,73 TTC euros ; elles sollicitent le paiement de la somme forfaitaire de 120 000 euros HT au titre des dépenses communes de janvier 2010 à mars 2011 prévues par le projet d'avenant n° 5 ; la somme due par le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin au titre du financement des autres entrepreneurs est de 284 980,16 euros TTC et non de 283 214,12 euros TTC et le montant de 55 000 euros payé par le maître d'ouvrage au titre de l'ascenseur n'a pas à en être déduit de sa contribution ; - la révision des prix est due sur les travaux modificatifs ; - elles sont fondées à demander la condamnation du maître d'ouvrage au paiement des intérêts moratoires sur situations mensuelles de travaux à la somme actualisée de 294 952,57 euros ; - c'est à bon droit que les premiers juges ont prononcé la décharge des pénalités appliquées sur le décompte général du lot n° 2.1A notifié par le maître d'ouvrage ; - elles n'ont pas participé à la désorganisation du chantier ; elles ne se sont pas abstenues de réagir durant un délai de six mois au titre de la problématique structure/réseaux ; aucun retard ne peut leur être imputé au titre des voiles coulés en début de chantier, des façades en pierre, de l'altimétrie des sols, de la bâche à eau, de la désinfection des travaux et des travaux d'accès au vide sanitaire ; - le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin n'est pas fondé à demander la modulation à la hausse des pénalités tendant à une meilleure réparation du préjudice dès lors qu'il n'apporte aucun justificatif. Par des mémoires enregistrés les 20 décembre 2018 et 18 avril 2019, la société Artelia bâtiment et industrie, représentée par la SCP Raffin et associés, conclut à sa mise hors de cause et à ce que soit mise à la charge de tout succombant une somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient qu'aucune demande n'est formée à son encontre. Par un mémoire enregistré le 26 février 2019, la société Egis Bâtiments, représentée par la SELARL Molas Riquelme Associés, conclut à sa mise hors de cause et à ce que soit mise à la charge de tout succombant une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - à titre principal, aucune demande n'est formée à son encontre ; - subsidiairement, l'avenant n°1 conclu entre le groupement Sogea et le maître d'ouvrage ne lui est pas opposable. Par des mémoires enregistrés les 21 mai 2019 et 22 septembre 2020, les sociétés Michel B... et associés, Acra architecture, Lorenzo architecture et Asco BTP et M. A..., représentés par la SELARL Lallemand et associés, concluent au rejet de la requête, à ce que soit mise à la charge du groupement Sogea une somme de 1 500 euros à verser aux sociétés Michel B... et associés, Acra architecture, Lorenzo architecture et M. A..., chacun, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et à ce que soit mise à la charge de la société Egis bâtiments une somme de 1 500 euros à verser à la société Asco BTP sur le même fondement. Ils soutiennent que : - la société Asco BTP n'était pas partie à l'instance devant les premiers juges et doit donc être mise hors de cause ; l'appel en garantie formé par la société Egis bâtiments à son encontre est irrecevable et mal fondé ; - les sociétés requérantes ne formulent aucune demande à leur encontre ; - elles ne sont pas fondées à demander l'indemnisation du préjudice qu'elles auraient subi à hauteur de 1 159 262,25 euros HT ; - en tout état de cause leur indemnisation ne saurait excéder la somme de 503 000 euros et celle prononcées contre l'ensemble des parties autres que le maître d'ouvrage ne saurait dépasser 429 390,25 euros et doit être hors taxe ; - la comparaison de la lettre de proposition de pénalités de M. B... en date du 28 mars 2006 avec le décompte général permet de constater que le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin s'est abstenu de notifier à la société Sogea Martinique des pénalités pour retards dans l'allongement du chantier ; - la maîtrise d'œuvre n'a aucune responsabilité dans le problème d'incompatibilité des réseaux avec le gros-œuvre. Par des mémoires enregistrés les 27 mai 2019 et 30 septembre 2020, la société Bureau Veritas Construction, venant aux droits de la société Bureau Veritas, représentée par la SELARL GVB, conclut à sa mise hors de cause et à ce que soit mise à la charge de tout succombant une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - la requête n'est pas dirigée contre elle ; - les appels en garantie formé à son encontre ne sont pas fondés dès lors que ni la preuve de la faute commise ni l'existence d'un lien de causalité entre la faute et le préjudice allégué ne sont rapportées. Par un mémoire enregistré le 31 mai 2019, la société Bouygues énergie et services, représentée par la SELARL Altana, conclut à sa mise hors de cause et à ce que soit mise à la charge des sociétés requérantes une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient qu'aucune demande n'est dirigée contre elle. Par un mémoire enregistré le 7 juin 2019, la société Réalisations Médicales et Industrielles (RMI), représentée par la SCP Logos, conclut à sa mise hors de cause et à ce que soit mise à la charge de tout succombant une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient qu'elle n'est pas concernée par le litige. Par un mémoire enregistré le 14 juin 2019, la société Icade Promotion, venant aux droits de la société Icade G3A, représentée par Me Lecomte, conclut à sa mise hors de cause et à ce que soit mise à la charge de tout succombant une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient qu'aucune demande n'est dirigée contre elle. Par un mémoire enregistré le 14 juin 2019, la société Ion Cindea Ingénieur Conseil et la SCP Thévenot-Perdereau en qualité de commissaire à l'exécution du plan de redressement de la société, représentées par la SCP Derriennic Associés, concluent au rejet de la requête, à titre subsidiaire, à ce que la condamnation prononcée à l'encontre de la société Ion Cindea Ingénieur Conseil corresponde au plus à 47 jours de retard et à ce qu'elle ne soit pas prononcée in solidum, si une condamnation in solidum devait être prononcée à son encontre, de condamner les sociétés Sogea Martinique, SIMP, GTM génie civil et services, COMABAT, Egis bâtiments, Construction modulaire de l'Ouest, Michel B... et associés, Acra architecture, Lorenzo architecture, Asco BTP, Tunzini, Tunzini Antilles, OASIIS, RMI, Icade Promotion, Semavil, Socotec Antilles Guyane, Artelia bâtiment et industrie, Cloison Doublage Ravalement Isolation, Bureau Veritas Construction et Bouygues énergie et services, M. A... et le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin à la garantir et, dans tous les cas, de mettre à la charge des sociétés requérantes une somme de 8 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elles soutiennent que : - aucune demande des appelantes n'est formée à l'encontre de la société Ion Cindea Ingénieur Conseil ; - en tout état de cause elle n'a aucune responsabilité dans l'allongement de la durée du chantier ; - subsidiairement le montant du préjudice subi au titre de l'allongement de la durée globale d'exécution du chantier ne saurait excéder la somme de 526 190,87 euros retenue par l'expert et sa part de responsabilité ne saurait excéder 47 jours de retard soit 4% ; - une condamnation solidaire ne peut être prononcée dès lors que les fautes reprochées à la société Ion Cindea Ingénieur Conseil ont été individualisées par l'expert ; - elle est fondée à demander la garantie des responsables de l'allongement anormal du délai du chantier. Par des mémoires enregistrés les 17 juin 2019 et 29 septembre 2020, la société Semavil, représentée par la SELARL Genesis avocats, conclut à sa mise hors de cause, au rejet de l'appel en garantie formé à son encontre par le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin et à ce que soit mise à la charge du groupement Sogea une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - aucune demande n'est formée à son encontre par la requête d'appel ; - la conduite d'opération a apporté une assistance au maître d'ouvrage ; elle a alerté le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin du caractère fantaisiste des demandes du groupement Sogea ; le maître d'ouvrage a signé le protocole et l'avenant, abstraction faite des mises en garde de la conduite d'opération. Par un mémoire enregistré le 17 juin 2019, les sociétés Tunzini et Tunzini Antilles, représentées par la SCPA Claudon et associés, concluent à leur mise hors de cause et à ce que soit mise à la charge de tout succombant une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elles soutiennent qu'aucune demande n'est dirigée à leur encontre. Par un mémoire enregistré le 18 juin 2019, le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin, venant aux droits du syndicat inter-hospitalier de Mangot-Vulcin, représenté par Me Mbouhou, demande à la Cour : 1°) de rejeter la requête ; 2°) d'annuler le jugement du 17 octobre 2017 du tribunal administratif de la Martinique et de rejeter la demande de première instance ; 3°) à titre subsidiaire, de modifier le montant du décompte du lot gros œuvre en y intégrant la somme de 4,7 millions d'euros HT au titre de la nullité de l'avenant n°1 et la somme de 15 794 967,33 euros correspondant à 17% du préjudice subi par le maître d'ouvrage et d'infliger des pénalités de retard dans l'exécution des travaux au titre de 569,5 jours ; 4°) de condamner les titulaires du lot gros œuvre à le garantir en cas de condamnation à payer aux sociétés Bouygues énergie et services, Tunzini, CMO et CDRI des décomptes présentant un solde positif ; 5°) de condamner les titulaires des lots de prestations intellectuelles et leurs assureurs à le garantir du paiement du solde du décompte général du lot gros œuvre ; 6°) de mettre à la charge du groupement Sogea une somme de 15 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - le jugement attaqué est irrégulier en ce qu'il est entaché d'omission à statuer, d'insuffisance motivation et de dénaturation ; - c'est à tort que les premiers juges ont considéré que la demande de première instance du groupement Sogea était recevable compte tenu du caractère définitif du décompte général ; - le groupement Sogea n'a droit à aucune indemnisation au titre de l'allongement de la durée du chantier dès lors qu'il a participé à son allongement du fait de ses manquements, qu'il a été rémunéré pour les travaux supplémentaires et qu'aucun retard n'est imputable au maître d'ouvrage ; - s'agissant de la demande de 642 751,79 euros au titre de la valorisation des ordres de service, le groupement Sogea ne justifie pas avoir respecté la procédure de contestation prévue par le CCAG, de nombreux devis n'ont donné lieu à aucune exécution, un certain nombre de travaux figuraient au marché, notamment en ce qui concerne la rue logistique, les pierres de façade, le raccordement de carneaux ou la réalisation de mur de béton, l'expert n'a pas justifié du caractère indispensable des travaux et s'est montré bienveillants sur les justificatifs, et le groupement n'a pas droit à indemnité pour des prestations ne dépassant pas 1/20ème de la masse initiale des travaux ; - s'agissant des dépenses communes, la somme de 11 375,73 euros allouée par le tribunal est justifiée dès lors qu'elle devait être calculée sur le montant des marchés hors taxe " ; le groupement Sogea ne peut prétendre à la somme de 120 000 euros HT faute de contrat signé avec le maître d'ouvrage ; dès lors que le groupement Sogea a renoncé à assurer la gestion du compte prorata à la faveur de l'avenant n°1 au marché et utilisait les installations communes, il doit être mis à contribution à hauteur de de 194 749,99 euros TTC ; - les intérêts moratoires courent sur le solde résultant du décompte général, à l'exclusion des intérêts relatifs à des acomptes inclus dans le décompte ; la situation n° 40 n'existe pas ; les intérêts moratoires ne doivent commencer à courir qu'à la date du 27 octobre 2012 et la capitalisation ne peut intervenir qu'un an après cette date ; - la demande tendant à la révision des prix doit être rejetée dès lors que la date à prendre en compte est le 1er novembre 2007 ; - il est fondé à demander la garantie du maître d'œuvre, dont la responsabilité est susceptible de jouer compte tenu des erreurs de conception ayant entraîné d'importants travaux supplémentaires et des manquements dans sa mission de direction des travaux ou dans la clôture financière des marchés des constructeurs ; - il est fondé à demander la garantie de l'OPC compte tenu de ses manquements et notamment de ce qu'il a décidé de ne plus traiter les situations de travaux ; - il est fondé à demander la garantie du groupement conjoint titulaire du lot fluide compte tenu de son rôle dans la mission de synthèse ; - il est fondé à demander la garantie des contrôleurs techniques dès lors qu'ils ont levé leurs avis défavorables alors même que les ouvrages n'étaient pas conformes aux exigences initiales ; - les pénalités de retard prévues par l'article 4.3.1.2. du CCAP n'ont pas à être précédées de retenues ; - le groupement Sogea ne produit aucun procès-verbal de levée de réserves ; - l'absence de distinction entre les pénalités et les dommages-intérêts fait échapper le groupement Sogea à toute forme de sanction et les pénalités de retard doivent être modulées à la hausse afin de tenir compte de son préjudice. Par un mémoire enregistré le 5 septembre 2019, la société Socotec Antilles Guyane, représentée par Me Hode, conclut au rejet de l'appel en garantie formé à son encontre par le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin, à sa mise hors de cause et à ce que soit mise à la charge de tout succombant la somme de 3 000 euros de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - aucune demande n'est dirigée contre elle ; - l'appel en garantie formé à son encontre par le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin n'est pas fondé ; - le retard que lui a imputé l'expert est erroné au regard des circonstances et de la mission du contrôleur technique sur le chantier. Par une ordonnance du 26 octobre 2020, la clôture de l'instruction a été fixée le 9 novembre 2020. Un mémoire présenté pour les sociétés Sogea Martinique, GTM génie civil et services et COMABAT a été enregistré le 7 mars 2023. Un mémoire présenté pour la société Bureau Veritas Construction a été enregistré le 20 mars 2023. Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur des moyens relevés d'office, tirés de l'irrecevabilité des moyens soulevés par le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin contre la régularité du jugement et de l'irrecevabilité de ses conclusions d'appel incident appelant en garantie le groupement Sogea en ce qu'elles concernent un litige distinct. Des observations sur ces moyens d'ordre public ont été présentées pour la société Bouygues énergie et services le 19 mai 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des marchés publics ; - le décret n° 76-87 du 21 janvier 1976 ; - le décret n° 2002-231 du 21 février 2002 ; - le décret n° 2002-232 du 21 février 2002 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Saint-Macary, - les conclusions de Mme Lipsos, rapporteure publique, - et les observations de Me Bonnet-Cerisier, représentant les sociétés Tunzini et Tunzini Antilles, de Me Bourgine et Me Champetier de Ribes, représentants la société Sogea Martinique, la société GTM génie civil et services et la société Compagnie martiniquaise de bâtiment (COMABAT), de Me Vallet, représentant la société Bureau Veritas Construction, de Me des Cours, représentant la société Bouygues énergie et services, de Me Mbouhou, représentant le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin, de Me Benjamin, représentant la société d'économie mixte d'aménagement de la ville du Lamentin, de Me Proffit, représentant la société Artelia bâtiment et industrie, de Me Lallemand, représentant les sociétés Michel B... et associés, ACRA architecture, Lorenzo architecture et Asco BTP, de Me Lecomte, représentant la société Icade Promotion, de Me Boudet, représentant la société Egis bâtiments, de Me Bliek, représentant la société Réalisations médicales industrielles (RMI) et de Me Maerten, substituant Me Griffiths, représentant Me Beuzeboc. Une note en délibéré produite pour les sociétés Sogea Martinique, GTM génie civil et services et COMABAT a été enregistrée le 4 juillet 2023. Une note en délibéré produite pour le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin a été enregistrée le 27 juillet 2023. Considérant ce qui suit : 1. Le syndicat inter-hospitalier de Mangot-Vulcin, auquel a succédé, à compter du 1er janvier 2016, le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin, a conclu un marché public de travaux comprenant 19 lots pour la construction d'une cité hospitalière, constituée d'un établissement public départemental de santé mentale (EDPSM) sur deux niveaux, d'un centre hospitalier MCO (Médecine-Chirurgie-Obstétrique) sur quatre niveaux et d'un pôle unique de gestion technique et administrative commun à l'ensemble du projet. Par un acte d'engagement du 10 décembre 2004, il a confié au groupement solidaire d'entreprises constitué des sociétés Sogea Martinique, SIMP, GTM génie civil et services et COMABAT, dont la société Sogea Martinique est le mandataire, l'exécution du lot n° 2.1A " structure/gros-œuvre " du marché. Il a également conclu avec le groupement un marché complémentaire, notifié le 29 juillet 2005, pour la surélévation d'un étage du bloc 5 pour réaliser l'hémodialyse et le passage en classe D des trois bâtiments d'hébergement MCO. Les travaux correspondant au lot gros-œuvre ont été réceptionnés avec réserves le 13 avril 2011, avec effet au 31 mars 2011. Le groupement Sogea a transmis ses projets de décomptes finaux le 4 juillet 2011. S'il a signé le décompte général du marché complémentaire, il a refusé de signer le décompte général du marché principal qui lui a été adressé le 31 juillet 2012 et a formé une réclamation à son encontre. Les sociétés Sogea Martinique et autres relèvent appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Martinique n'a pas intégralement fait droit à leur demande relative au solde de leur marché. Sur la régularité du jugement : 2. En premier lieu, le jugement attaqué s'est prononcé, en son point 58, sur les conclusions du groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin appelant en garantie les titulaires de marchés de prestations intellectuelles au titre des condamnations prononcées à son encontre au profit de plusieurs entrepreneurs. Il n'est, dès lors, pas entaché d'omission à statuer sur ce point. Les critiques adressées à l'encontre de la motivation du jugement relèvent par ailleurs du bien-fondé de ce jugement et non de sa régularité. 3. En deuxième lieu, le jugement attaqué précise en son point 17 les motifs l'ayant conduit à retenir des fautes du groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin dans l'allongement de la durée du chantier lié à l'unité d'hémodialyse et à la modification de programme, et s'est approprié en son point 19 les conclusions de l'expert. Il est, dans ces conditions, suffisamment motivé. 4. En dernier lieu, si le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin soutient que le jugement attaqué est entaché de dénaturation des faits, ses critiques concernent le bien-fondé du jugement et non sa régularité. Sur le bien-fondé du jugement : En ce qui concerne les demandes des sociétés Sogea Martinique et autres : S'agissant de la recevabilité de la demande de première instance : 5. En vertu des stipulations de l'article 13.44 du cahier des clauses administratives générales des marchés de travaux approuvé par le décret du 21 janvier 1976 (CCAG Travaux), applicable au marché, l'entrepreneur dispose d'un délai de quarante-cinq jours pour faire connaître les raisons pour lesquelles il refuse de signer le décompte général à compter de sa notification, dans le cas où le délai contractuel d'exécution du marché est supérieur à six mois. L'article 5.1. du même document précise que tout délai imparti dans le marché à l'entrepreneur commence à courir le lendemain du jour où s'est produit le fait qui sert de point de départ à ce délai. 6. Il résulte de l'instruction que le décompte général du marché principal a été notifié à la société Sogea Martinique le 3 août 2012. Elle avait, en vertu des stipulations rappelées au point précédent, jusqu'au 18 septembre 2012 pour faire part des motifs pour lesquels elle refusait de le signer. Il résulte de l'instruction que la réclamation de la société a été réceptionnée le 18 septembre 2012 par le maître d'œuvre. Dans ces conditions, en admettant même que le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin ait entendu opposer les stipulations de l'article 13.44 du CCAG Travaux à la réclamation de la société Sogea Martinique, sa fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de cette réclamation doit être écartée. S'agissant de l'indemnisation du groupement Sogea au titre de l'allongement de la durée du chantier : 7. Les difficultés rencontrées dans l'exécution d'un marché à forfait ne peuvent ouvrir droit à indemnité au profit de l'entreprise titulaire du marché que dans la mesure où celle-ci justifie soit que ces difficultés trouvent leur origine dans des sujétions imprévues ayant eu pour effet de bouleverser l'économie du contrat, soit qu'elles sont imputables à une faute de la personne publique commise notamment dans l'exercice de ses pouvoirs de contrôle et de direction du marché, dans l'estimation de ses besoins, dans la conception même du marché ou dans sa mise en œuvre, en particulier dans le cas où plusieurs cocontractants participent à la réalisation de travaux publics. 8. En premier lieu, il résulte de l'instruction que le marché complémentaire passé le 27 juillet 2005 au titre de l'hémodialyse a prévu une prolongation du délai d'exécution du gros-œuvre de trois mois et une rémunération complémentaire. Le groupement Sogea n'est dès lors pas fondé à se prévaloir des 30 jours d'allongement du chantier imputés par l'expert au maître de l'ouvrage, dès lors que cette période correspond à des travaux pour lesquels il a été rémunéré. Cette période ne correspond au demeurant pas à celle au titre de laquelle il prétend être indemnisé. Il résulte également de l'instruction que les travaux induits par la modification de programme décidée par le maître de l'ouvrage au mois de juin 2008 et qui ont été confiés au groupement Sogea ont donné lieu à rémunération. Le groupement Sogea ne saurait dès lors davantage se prévaloir des 135 jours imputés à l'expert au maître d'ouvrage à ce titre. A cet égard, la circonstance que l'avenant du 24 juillet 2008 réserve la question des délais est sans incidence sur la circonstance que le groupement a été rémunéré pour la réalisation de ces travaux. 9. En deuxième lieu, si l'expert a imputé 16 jours de retard au maître de l'ouvrage au titre de la désorganisation du chantier, compte tenu de son incapacité à résoudre le conflit entre la maîtrise d'œuvre et l'OPC, le groupement Sogea n'établit pas que cette carence a eu une incidence sur ses propres travaux. 10. En dernier lieu, si les requérantes soutiennent que les retards dans la notification des décisions de poursuivre peuvent être évalués à trois mois et dix jours, elles n'établissent pas que ces retards seraient imputables à la maîtrise d'ouvrage. En outre, il résulte de l'instruction que le maintien de personnels du groupement Sogea sur le chantier à compter du mois d'août 2008 a en partie été rendu nécessaire par ses propres carences, liées aux malfaçons dont étaient affectés ses ouvrages et à son retard dans les finitions de son lot. Les comptes-rendus mensuels de l'OPC font ainsi par exemple état de " dalles Sogea non conformes, bosses etc... " au mois de janvier 2009, de sujets bloquants à traiter par le groupement tels que le plancher technique du scanner, les regards des changements de directions des drains ou les retards dans la livraison des plats carbones au mois de juin 2009, de la pose du plancher technique du scanner, de la forme de pente et les relevés du local Oxygène, des finitions diverses des dalles en sous face de la rue logistique ou des relevés béton autour des socles des CTA dans les combles au mois de janvier 2010, ou encore de la non-conformité des cages d'escalier en avril 2010. Le retard dans la finition de ses travaux est également mentionné dans les rapports mensuels de l'OPC des mois de novembre 2007 ou mai 2009 ou par un courrier du 8 juillet 2009 de la société Icade promotion. Il résulte également de l'instruction qu'au titre de la gestion des dépenses communes, dont le groupement Sogea était chargé, un avenant n° 3 du 15 décembre 2009 a prévu que le débroussaillage à la sortie du chantier et l'entretien courant du réseau d'eau du chantier seraient assurés par le groupement jusqu'au 31 décembre 2009 au titre des dépenses communes et que le nettoyage des bâtiments consistait en la mise à disposition de deux personnes pendant les heures de travail légal. Ainsi, les requérantes n'établissent pas que le retard dans la notification des décisions de poursuivre, à le supposer même imputable au maître de l'ouvrage, a impliqué la mobilisation sur le chantier, en pure perte, de personnels et de matériels. 11. Il résulte de ce qui précède que les sociétés membres du groupement Sogea n'établissent pas que le maintien sur le chantier d'un effectif très allégé, comme le montre le tableau de suivi des effectifs, et de matériel, à compter du mois d'août 2008 et jusqu'au mois de mars 2011, soit imputable à une faute du maître d'ouvrage. Par suite, elles ne sont pas fondées à demander que la somme de 73 609,75 euros à laquelle le tribunal administratif de la Martinique a condamné le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin à ce titre soit augmentée. Le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin est en revanche fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal l'a condamné à verser cette somme. S'agissant des pénalités pour retard dans l'exécution des travaux : 12. Le cahier des clauses administratives particulières du marché en litige (CCAP) stipule : " 4.3.1.2. Pénalités pour retard dans l'exécution dans le cadre du délai particulier affecté à un lot : Ces pénalités sont appliquées, sans mise en demeure, sur simple confrontation entre la date réelle de fin d'exécution du lot et de la date d'expiration des travaux de ce lot fixée au calendrier détaillé d'exécution. / 4.3.1.3. Retenues pour retard dans la réalisation des tâches : Des retenues journalières calculées selon indications de l'article 4.3.1.1 ci-avant pourront être appliquées en cas de retard dans l'intervention, l'avancement et/ou dans l'achèvement d'une tâche. Ces retenues pourront être reversées si le retard se trouve résorbé avant qu'il n'ait provoqué de gêne dans le déroulement des travaux d'un autre lot. Dans le cas contraire, même si le retard se trouve résorbé en fin de tâches, ces retenues pourront être transformées en pénalités ". Aux termes des stipulations de l'article 20.1 du CCAG Travaux de 1976 applicables aux pénalités pour retard dans l'exécution des travaux : " Les pénalités sont encourues du simple fait de la constatation du retard par le maître d'œuvre ". 13. Il résulte du rapport d'expertise que les 171,5 jours de retard imputés par l'expert au groupement Sogea incluent 47 jours au titre du problème d'incompatibilité des réseaux avec la structure, qui sont couverts par l'avenant n° 1 du 5 février 2007 et au titre desquels le syndicat inter-hospitalier de Mangot-Vulcin a en outre expressément renoncé à appliquer des pénalités. Ils incluent également 7,5 jours de retard au titre de la désinfection de la bâche à eau qui incombait au groupement Sogea, qui fait valoir sans être sérieusement contredit qu'il ne pouvait y procéder sans avoir la certitude que les réseaux en amont avaient été désinfectés. Ces 171,5 jours incluent enfin 117 jours calculés à partir des 398 jours de retard constatés par l'OPC le 20 juin 2009 et qui correspondent à un retard dans la réalisation des tâches relatives aux essais à la plaque et aux travaux de reprise sur les cages d'escalier du plateau technique. Ni en première instance, ni en appel, le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin, qui assimile à tort les jours de retard dans la réalisation des tâches et les jours de retard dans l'exécution d'un lot, ne précise la date à laquelle les travaux concernés auraient dû être achevés et la date à laquelle ils l'ont effectivement été. En outre, le rapport mensuel de l'OPC du mois d'octobre 2007 retient une réalisation à 100 % des travaux de gros-œuvre, bien qu'ainsi qu'il a été dit au point 10, la qualité et la finition de ces travaux n'aient pas été satisfaisantes, sans que le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin n'apporte aucune explication à ce sujet. Dans ces conditions, les sociétés requérantes sont fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal leur a infligé des pénalités sur le fondement de l'article 4.3.1.2 du CCAP pour un montant de 4 220 062,53 euros, sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité des conclusions reconventionnelles du groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin. S'agissant des dépenses communes : 14. En premier lieu, le syndicat inter-hospitalier de Mangot-Vulcin s'est engagé, par l'avenant n° 1 conclu le 5 février 2007 avec le groupement Sogea, chargé des prestations d'intérêt commun, à verser à ce groupement, dans un délai d'un mois après la signature de l'avenant, une indemnité de 0,5% du montant hors taxes des marchés de base, hormis celui du groupement de gros-œuvre, pour le financement des dépenses communes. Il résulte de ces stipulations que les parties sont convenues d'ajouter au montant de cette indemnité un supplément de prix égal à la taxe sur la valeur ajoutée applicable à l'opération. C'est d'ailleurs l'interprétation qu'a eu de ces stipulations le maître de l'ouvrage dès lors qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise, qu'il a, sur ce fondement, versé une somme de 296 582,29 euros TTC au groupement Sogea. Compte tenu du montant TTC des marchés non contesté de 62 039 843 euros, le groupement Sogea avait droit à un versement de 310 199,22 euros à ce titre. Il est dès lors fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal ne lui a accordé qu'une somme de 11 375,73 euros au lieu des 13 616,92 euros auxquels il pouvait prétendre. 15. En deuxième lieu, l'avenant n° 1 prévoyait également le financement des prestations d'intérêt commun par des appels de fonds de 2,5 % HT sur les situations mensuelles augmentées des révisions de prix ou revalorisations des marchés de base et des avenants collectés par le maître d'ouvrage auprès de tous les corps d'état, hormis le groupement Sogea. Il résulte de l'instruction que le montant total des marchés finaux des entreprises, y compris avenants et revalorisations et hors lot gros œuvre, s'est élevé à un montant de 79 706 453,67 euros TTC, soit 1 992 661,34 euros TTC après application d'un taux de 2,5%, et que le syndicat inter-hospitalier de Mangot-Vulcin a versé au groupement Sogea une somme de 1 707 681,18 euros TTC à ce titre, soit un écart de 284 980,16 euros. 16. D'une part, si le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin fait valoir que le groupement Sogea aurait renoncé à assurer la gestion du compte prorata à la faveur de l'avenant n°1 et devrait être mis à contribution à hauteur de 194 749,99 euros dès lors que ses membres ont utilisé les installations communes, il ne résulte pas de l'avenant n° 1 que le groupement Sogea a renoncé à gérer les dépenses communes et ni cet avenant ni aucun autre contrat ne prévoit, en tout état de cause, sa participation. Le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin n'est dès lors pas fondé à demander la diminution du montant retenu par le tribunal à ce titre. 17. D'autre part, il résulte de l'instruction que le maître d'ouvrage a pris directement à sa charge une somme de 55 000 euros au titre d'un ascenseur. En se bornant à soutenir que cette commande n'a été communiquée au groupement Sogea que le 11 février 2016, plus de cinq ans après avoir été passée, et que pour être prise en compte au titre des dépenses communes, une commande ne peut être passée que par le gestionnaire du compte prorata, les sociétés requérantes ne contestent ni la nature de " prestation d'intérêt commun " de l'ascenseur, ni sa prise en charge effective par le maître d'ouvrage. Si elles font également valoir que leur groupement ne saurait supporter les conséquences des manquements du maître d'ouvrage, elles ne précisent pas en quoi la prise en charge directe de cette prestation leur aurait été préjudiciable. Enfin, elles ne peuvent utilement faire valoir que cette somme devait être répartie entre tous les intervenants concernés par le compte prorata. Dans ces conditions, elles ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que le tribunal a déduit cette somme du solde dû par le maître d'ouvrage. En revanche, ainsi qu'elles le font valoir, le tribunal a retenu, de manière erronée, un écart de 283 214,12 euros au lieu de 284 980,16 euros TTC, soit 1 706,64 euros, entre le montant dû et le montant versé. Dans ces conditions, elles sont seulement fondées à demander le versement de l'écart entre ces deux sommes, en plus de la somme de 228 214,12 euros TTC déjà retenue par le tribunal. 18. En dernier lieu, les sociétés Sogea Martinique et autres ne peuvent utilement se prévaloir du projet d'avenant n° 5, qui prévoyait le versement par le maître de l'ouvrage d'une somme supplémentaire de 120 000 euros HT du fait de l'allongement du chantier jusqu'au 31 mars 2010, dès lors que cet avenant n'a pas été signé par le maître de l'ouvrage. S'agissant des travaux supplémentaires : Quant au paiement des ordres de service hors avenant : 19. Il résulte de l'instruction que le tableau récapitulatif des ordres de services notifiés hors avenants, qui est accompagné desdits ordres de service, inclut deux ordres de service n° 328/02.1a/87 et 331/02.1a/89 figurant à l'avenant n° 2 signé le 9 juillet 2008, d'un montant respectif de 14 688,70 euros et de 20 021,80 euros, qu'il convient de déduire du montant total de 344 468,73 euros demandé. Il résulte également de l'instruction que ce montant total inclut le montant négatif de l'ordre de service n° 993/02.1a/190, qui inflige au groupement Sogea une moins-value de 103 275,88 euros pour son refus d'exécuter des travaux relatifs à des souches métalliques en toiture, et dont le groupement Sogea demande par ailleurs la restitution au titre de l'incidence financière des ordres de service. Le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin n'apporte aucun élément de nature à contredire les allégations du groupement Sogea, qui a émis des réserves aux ordres de service lui demandant de réaliser ces travaux puis lui infligeant une moins-value en indiquant notamment que ces travaux ne relevaient pas de son lot mais de celui de la société Tunzini, étant décrits à l'article 5.1.2.3. du CCTP du lot 3.1. Il ne résulte en outre pas de l'instruction que ces travaux figuraient au marché initial du groupement Sogea. Dans ces conditions, le montant des ordres de service hors avenants doit être fixé à la somme de 413 034,11 euros HT (344 468,73 euros - 14 688,70 - 20 021,80 + 103 275,88). Quant au paiement du différentiel des devis du groupement Sogea avec l'incidence financière des ordres de service qui lui ont été notifiés : 20. En premier lieu, il résulte de l'instruction que les sociétés Sogea Martinique et autres demandent à être payées deux fois au titre des ordres de service n° 203/02.1a/66, 517/02.1a/132, 520/02.1a/133 et 566/02.1a/134, qui figurent déjà dans le montant des ordres de service hors avenants. 21. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que le prix de 14 688,70 euros au titre de l'ordre de service n° 328/02.1a/87 (doublage maçonnerie de l'UPSI) a été contractualisé par l'avenant n° 2 signé le 9 juillet 2008. Les sociétés Sogea Martinique et autres ne sont, dès lors, pas fondées à en contester le montant et à demander, à ce titre, le paiement d'une somme de 21 259,80 euros supplémentaire. 22. En troisième lieu, par un courrier du 2 août 2010, le groupement Sogea a indiqué à la maîtrise d'œuvre que l'ordre de service n° 1287/02.1a/243 n'appelait aucune observation de sa part. En l'absence d'observations présentées dans les conditions prévues par l'article 14.4 du CCAG Travaux, que lui oppose le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin, il n'est pas fondé à contester l'incidence financière de cet ordre de service et à demander une somme de 7 602,50 euros à ce titre. 23. En quatrième lieu, les sociétés requérantes n'apportent pas d'éléments de nature à révéler que les prestations correspondant aux ordres de service n° 226/02.1a/72 (travaux de réservation), 291/02.1a/82 (travaux accès UAO/ESC) et 1206/02.1a/228 (travaux divers) constituent des travaux supplémentaires. S'agissant des ordres de service n° 426/02.1a/113, 637/02.1a/142 et 650/02.1a/145, correspondant à des prestations de nettoyage, il résulte de l'instruction que le groupement Sogea était, à la date de leur notification, chargé du nettoyage du chantier, sur le fondement du planning H2 puis au titre des prestations d'intérêt commun, sur le fondement de l'avenant n° 3. Enfin, l'extrait du DCE Gros-œuvre produit par les sociétés Sogea Martinique et autres n'est pas de nature à démontrer que l'ordre de service n° 842/02.1a/170 (Travaux seuils directives RPME n°135) correspond à des travaux supplémentaires. Les requérantes ne sont, dès lors, pas fondées à demander le paiement d'une somme de 394 490,88 euros au titre de ces travaux. 24. En cinquième lieu, les requérantes ne justifient pas du caractère indispensable des prestations qu'elles disent avoir exécutées, sans ordre de service, pour un montant de 15 415,92 euros. 25. En sixième lieu, il résulte de l'instruction que la prestation de parement de pierres demandée par l'ordre de service n° 1146/02.1a/213 était prévue au marché, le montant de 39 900 euros demandé à ce titre par le groupement Sogea correspondant au surcoût engendré par la provenance des pierres de Bretagne du fait d'une rupture de stock en Martinique. Le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin fait toutefois valoir sans être sérieusement contredit que cette rupture de stock est due au retard du groupement Sogea. Il résulte en outre de mentions du devis produit par le groupement Sogea que le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin lui a concédé une réduction de la surface à empierrer, de 355 m² au lieu des 398,20 m² prévus au marché. Dans ces conditions, aucun paiement supplémentaire ne saurait être accordé au groupement Sogea à ce titre. 26. En septième lieu, les sociétés requérantes ne produisent aucun élément de nature à révéler que le montant des ordres de service n° 710/02.1a/149, n° 734/02.1a/155 et n° 1221/02.1a/229 serait sous-évalué et qu'elles pourraient ainsi prétendre au paiement d'une somme supplémentaire de 5 5459 euros, 699,40 euros et 2 544,95 euros à ce titre. 27. En huitième lieu, il résulte de l'instruction que l'ensemble des ordres de service mentionnés ci-dessous, pour lesquels le tribunal a fait droit en tout ou partie à la demande de revalorisation des sociétés Sogea Martinique et autres, ont fait l'objet d'observations dans les conditions prévues par l'article 14.4 du CCAG Travaux. Les requérantes n'apportent en revanche pas d'éléments de nature à remettre en cause l'écart de prix retenu par le tribunal, qui a suivi les conclusions de l'expert, par rapport à leurs prétentions pour les ordres de service n° 729/02.1a/152, 811/02.1a/164, 1222/02.1a/230, 1228/02.1a/231 et 1229/02.1a/232, respectivement de 5 461,28 euros, 61 834,88 euros, 377 euros, 5 320,98 euros et 389,61 euros. Elle n'apportent pas plus d'éléments de nature à remettre en cause les prix de 1 100 euros pour l'ordre de service n° 859/02.1a/174, 31 496,74 euros pour l'ordre de service n° 237/02.1a/76, 35 112,38 euros pour l'ordre de service n° 1033/02.1a/193, 2 000 euros pour l'ordre de service n° 1069/02.1a/201, 3 721,92 euros pour l'ordre de service n° 1075/02.1a/203, 2 877,85 euros pour l'ordre de service n° 1122/02.1a/211, 4 149,12 euros pour l'ordre de service n° 1152/02.1a/215, 5 983,61 euros pour l'ordre de service n° 1257/02.1a/237, 18 512,34 euros pour l'ordre de service n° 1262/02.1a/239, 11 027,43 euros pour l'ordre de service n° 1277/02.1a/240, 721,63 euros pour l'ordre de service n° 1285/02.1a/242, 31 928,8 euros pour l'ordre de service n° 1289/02.1a/245 et 3 173,47 euros pour l'ordre de service n° 1474/02.1a/260. Enfin, les ordres de service n° 744/02.1a/158 (reprise d'infiltrations) n° 924/02.1a/186 (linteaux des portes) et 1070/02-1a/202 (sciage du voile, siphon sol, muret) peuvent être valorisés aux montants respectifs de 2 706,8 euros, 3 127,94 euros et 13 701,65 euros demandés par le groupement Sogea en l'absence de contestation de ces montants en défense. 28. En dernier lieu, d'abord, en se bornant à alléguer de manière générale que certains de ces travaux n'auraient pas été exécutés par le groupement Sogea ou qu'ils auraient figuré dans son marché, le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin n'apporte pas d'éléments suffisants pour remettre en cause le paiement des travaux mentionnés au point précédent. S'agissant plus particulièrement des travaux de reprise des infiltrations figurant à l'ordre de service n° 744/02.1a/158, il ne conteste pas que les ouvrages n'ont pas été conçus pour être étanches par le cahier des clauses techniques particulières du marché gros-œuvre. S'agissant du montant de 61 834,88 euros mis à sa charge par le tribunal au titre des travaux de remblaiement des voiles, prévus par l'ordre de service n° 811/02.1a/164, s'il fait valoir que les travaux ont été réalisés par la société Tunzini, il n'apporte aucune preuve au soutien de ses allégations et ne conteste pas que la maîtrise d'œuvre aurait estimé que les matériaux de remblai internes au site dont l'utilisation était prévue par le marché ne répondaient pas aux spécifications techniques du marché. 29. Ensuite, ces travaux ayant été demandés par le maître d'ouvrage, celui-ci ne peut utilement faire valoir que le caractère indispensable de ces travaux ne serait pas établi. 30. Enfin, aux termes de l'article 15.3. du CCAG Travaux : " Si l'augmentation de la masse des travaux est supérieure à l'augmentation limite définie à l'alinéa suivant, l'entrepreneur a droit à être indemnisé en fin de compte du préjudice qu'il a éventuellement subi du fait de cette augmentation au-delà de l'augmentation limite. / L'augmentation limite est fixée : / Pour un marché à prix forfaitaires, au vingtième de la masse initiale (...) ". L'article 3.3.3.2. du cahier des clauses administratives particulières du marché prévoit : " Par dérogation à l'article 15.3 du C.C.A.G., l'augmentation limite de la masse des travaux pour un marché à prix global et forfaitaire est portée à 20 % de la masse initiale ". Dès lors que la demande du groupement Sogea porte sur le paiement des travaux qu'il a réalisés, et non sur l'indemnisation de l'éventuel préjudice en découlant, le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin ne peut utilement faire valoir que le montant total de ces travaux est inférieur à 20 % de la masse initiale des travaux. 31. Il résulte de tout ce qui précède que les sociétés Sogea Martinique et autres ont droit au paiement d'une somme de 244 725,43 euros HT au titre des désaccords sur le prix des travaux réalisés sur ordres de service. S'agissant de la révision des prix : 32. S'il est fait droit, à hauteur de 244 725,43 euros, à la demande des sociétés requérantes relative au paiement d'un prix plus élevé que celui prévu par les ordres de service, ces prix ayant été fixés au regard des devis produits par le groupement Sogea pour la réalisation des travaux concernés, il ne résulte pas de l'instruction qu'il y ait lieu de leur appliquer un coefficient de révision. Dans ces conditions, la demande des requérantes tendant au paiement d'une somme de 77 952,16 euros HT au titre de la révision des prix doit être rejetée. S'agissant des intérêts contractuels sur les acomptes : 33. En premier lieu, le décompte général n'étant pas devenu définitif à défaut d'avoir été signé par le titulaire du marché et du fait de la réclamation formée ce dernier, le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin n'est pas fondé à soutenir que seuls les intérêts courant sur le solde du décompte peuvent être discutés. 34. En second lieu, d'une part, s'il résulte de l'instruction que le montant de l'acompte n° 40, d'un montant de 363 974,23 euros TTC, n'a pas été payé au groupement Sogea, il ne résulte pas de l'instruction qu'il lui soit dû, compte tenu du solde du décompte général calculé ci-dessous. Dans ces conditions, les sociétés Sogea Martinique et autres ne sont pas fondées à demander le versement d'intérêts sur cette somme. D'autre part, le tribunal a accordé au groupement Sogea une somme de 14 144,02 euros au titre des intérêts dus sur situations mensuelles hors acompte n° 40. Il résulte du tableau de calcul des intérêts moratoires produit par le groupement Sogea, et dont il demande à la Cour de reprendre la même méthode de calcul, que le total des intérêts demandés pour ces acomptes s'élève à la somme de 14 143,96 euros. Il n'y a par ailleurs pas lieu d'actualiser le montant des intérêts moratoires complémentaires prévus par le III de l'article 5 du décret du 21 février 2002 relatif à la mise en œuvre du délai maximum de paiement dans les marchés publics, applicable au marché, inclus, selon le groupement Sogea, dans son calcul, jusqu'à la date du 31 janvier 2018, dès lors qu'à cette date, le solde du marché était négatif. 35. Il résulte de ce qui précède que les sociétés Sogea Martinique et autres ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a arrêté le montant des intérêts moratoires sur situations mensuelles à un montant de 14 144,02 euros. En ce qui concerne les conclusions d'appel incident du groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin : S'agissant des pénalités de retard : 36. En premier lieu, il résulte des stipulations précitées de l'article 4.3.1.3. du CCAP que les pénalités pour retard dans la réalisation des tâches correspondent à la transformation en pénalités de retenues journalières. Il résulte par ailleurs de l'instruction, notamment du tableau joint au décompte général du marché, que les pénalités infligées à hauteur de 8 465 863,93 euros par le syndicat inter-hospitalier de Mangot-Vulcin au groupement Sogea au titre de 398 jours de retard sont des pénalités pour retard dans la réalisation de ses tâches, les 398 jours correspondant au nombre arrêté par l'OPC au 30 juin 2009. Il n'est pas contesté que ces pénalités n'ont pas été précédées de retenues. Par suite, le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin n'est pas fondé à contester la réintégration, dans le décompte du groupement Sogea, d'un montant de 8 465 863,93 euros. 37. En deuxième lieu, aux termes de l'article 4.3.1.4. du CCAP : " Si l'entrepreneur n'a pas remédié dans le délai fixé à l'article 9.2. du présent C.C.A.P. aux imperfections et malfaçons faisant l'objet de réserves assorties au procès-verbal des opérations préalables à la réception, des pénalités par jour calendaire de retard dans les conditions fixées à l'article 4.3.1.1 ci-avant sont appliquées jusqu'à la date de l'achèvement, même si le maître de l'ouvrage décide de l'application du 2ème alinéa de l'article 41.6 du C.C.A.G ". L'article 4.3.1.1 du même cahier, relatif au mode de calcul des pénalités et retenues pour retard renvoie à un additif n° 3, qui fixe le montant de la pénalité à 1/3000ème du montant du marché. Si le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin fait valoir que cet additif, produit devant le tribunal, n'était pas signé par lui, cet additif a été élaboré par lui ou l'a été pour son compte et faisait partie des pièces constitutives du marché qu'il a signé avec le groupement Sogea. Il est, dès lors, applicable. Enfin, l'article 9.2.2. du CCAP stipule : " En dérogation à l'article 41.6 du C.C.A.G., l'entrepreneur dispose également d'un délai de 30 jours au maximum (ou moins selon le délai mentionné sur le procès-verbal de réception, notifié à l'entrepreneur), pour remédier aux imperfections et malfaçons indiquées dans le procès-verbal et appelées réserves. / Passé ce délai, le maître d'ouvrage pourra faire exécuter ces travaux aux frais, risques et périls de l'entrepreneur défaillant, de plein droit et sans qu'il soit besoin d'une mise en demeure préalable. / Indépendamment des mesures coercitives prévues, le maître d'ouvrage appliquera les pénalités de retard prévues ci-avant, si les dates ci-dessus ne sont pas respectées ". 38. Il n'est pas contesté par le groupement Sogea que le procès-verbal de réception mentionnant les réserves lui a été transmis. La note du maître d'œuvre au SIH de Mangot-Vulcin fait par ailleurs état, pour le groupement Sogea, d'une levée des réserves le 4 novembre 2011, avec 111 jours de retard. En l'absence d'élément de nature à remettre en cause ce constat du maître d'œuvre, et de tout formalisme particulier prévu par les documents du marché pour établir ce retard, le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin est fondé à appliquer des pénalités au titre de ces 111 jours de retard. Compte tenu du montant du marché modifié conformément à ce qui a été dit précédemment, le montant de ces pénalités s'élève à la somme de 1 377 747,66 euros. 39. En dernier lieu, le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin ne formule aucune argumentation au soutien de sa demande tendant au rétablissement des pénalités pour retard dans la remise des documents. Ses conclusions portant sur ces pénalités ne peuvent, par suite, qu'être rejetées. S'agissant de la demande de dommages et intérêts : 40. Si le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin demande la condamnation du groupement Sogea à lui verser une somme de 15 794 967,33 euros au titre du préjudice qu'il dit avoir subi du fait de l'allongement de la durée du chantier, son argumentation tend en réalité à la modulation à la hausse des pénalités dans l'exécution des travaux. D'une part, il ne peut être fait droit à cette demande de modulation, au demeurant nouvelle en appel, en l'absence de pénalités pouvant être appliquées à ce titre. D'autre part, en admettant que le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin ait entendu demander à nouveau la condamnation du groupement Sogea au versement de dommages-intérêts, les manquements du groupement Sogea liés à un retard dans l'exécution de ses travaux ne peuvent donner lieu à une telle condamnation dès lors que les parties au marché en litige ont contractuellement décidé que de tels manquements seraient sanctionnés de manière forfaitaire par l'application de pénalités. Dans ces conditions, les conclusions du groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin tendant à la réparation de son préjudice doivent être rejetées. S'agissant de la demande de restitution des sommes versées en vertu de l'avenant n° 1 du 5 février 2007 : 41. Ainsi que le font valoir les sociétés Sogea Martinique et autres, le tribunal administratif de la Martinique a, par un jugement du 10 octobre 2017 n° 1300615, rejeté la demande du groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin tendant à ce qu'il prononce la nullité de l'avenant n° 1 conclu le 5 février 2007 avec le groupement Sogea au motif que l'action était prescrite. Ce jugement a par ailleurs été confirmé par un arrêt de la Cour du 18 janvier 2022 n° 18PA20379, devenu définitif. L'action du groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin à l'encontre de cet avenant étant prescrite, ses conclusions tendant à la restitution des sommes qu'il a versées sur le fondement de cet avenant ne peuvent qu'être rejetées. S'agissant de la demande de condamnation du groupement Sogea à le garantir : 42. Le présent arrêt ne prononçant aucune condamnation du groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin au profit des sociétés Tunzini, Bouygues énergie et services, CMO et CDRI, ses conclusions aux fins d'appel en garantie du groupement Sogea à ce titre doivent, en tout état de cause, être rejetées. En ce qui concerne le solde du marché : 43. Compte tenu, d'une part, des éléments du décompte qui ne sont pas contestés, à savoir le montant du marché de base, des avenants et de la revalorisation du marché, de la moins-value et des acomptes déjà versés, d'autre part, des travaux modificatifs hors avenants dont le montant doit être fixé à 413 034,11 euros HT et 448 142,01 euros TTC, du différentiel de prix des ordres de services qui doit être fixé à 244 725,43 euros HT et 265 527,09 euros TTC, de l'absence d'application de révision des prix sur ce différentiel, de l'absence d'indemnisation au titre de l'allongement de la durée du chantier, de la contribution complémentaire aux dépenses communes d'un montant de 243 537,68 euros TTC, des intérêts sur acomptes d'un montant de 14 144,02 euros et des pénalités d'un montant de 1 377 747,66 euros, le solde du marché doit être fixé à - 430 687,18 euros HT et - 372 089,98 euros TTC. En ce qui concerne les intérêts moratoires sur le solde du marché et leur capitalisation : 44. Il n'y a pas lieu de faire droit à la demande du groupement Sogea relative aux intérêts moratoires sur le solde du marché en présence d'un solde négatif à son détriment. En ce qui concerne les conclusions d'appel provoqué du groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin : 45. D'une part, les conclusions d'appel en garantie formées par le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin à l'encontre des assureurs des titulaires de marchés de prestations intellectuelles, fondées sur un contrat de droit privé, sont présentées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître et doivent par suite, être rejetées. 46. D'autre part, le solde du marché résultant du présent arrêt étant négatif, les conclusions du groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin tendant à la condamnation des titulaires des lots des prestations intellectuelles à le garantir du paiement du solde du marché ne peuvent qu'être rejetées. Sur les frais du litige : 47. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de rejeter l'ensemble des conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. D É C I D E : Article 1er : Les sociétés Sogea Martinique et autres sont condamnées à verser au groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin une somme de 1 887 570,77 euros TTC au titre du solde du marché principal du lot 2.1 A. Article 2 : Le jugement n° 1300251 du 10 octobre 2017 du tribunal administratif de la Martinique est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er. Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié aux sociétés Sogea Martinique, GTM génie civil et services, à la compagnie martiniquaise de bâtiment, au groupement de coopération sanitaire de moyens de Mangot-Vulcin, aux sociétés Michel B... et associés, Acra architecture, Lorenzo architecture, Ion Cindea Ingénieur Conseil, Oasiis, Egis bâtiments, Tunzini et Tunzini Antilles, Icade promotion, Semavil, Socotec Antilles Guyane, Réalisations médicales et industrielles, Artelia bâtiment et industrie, Cloison Doublage Ravalement Isolation, Bureau Véritas, Bouygues énergies et service, Asco BTP, El Baze Charpentier et à Maître Beuzeboc. Délibéré après l'audience du 30 juin 2023, à laquelle siégeaient : Mme Heers, présidente de chambre, M. Mantz, premier conseiller, Mme Saint-Macary, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 juillet 2023. La rapporteure, M. SAINT-MACARY La présidente, M. HEERS La greffière, O. BADOUX-GRARE La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 18PA20476
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Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin a demandé au tribunal administratif de la Martinique de condamner la société Michel Beauvais et associés, la société Egis bâtiments et les sociétés Tunzini et Tunzini Antilles à lui verser les sommes de 2 425 000 euros correspondant au coût du déplacement et de l'installation d'un nouvel ouvrage de production d'eau glacé, de 181 500 euros correspondant aux surcoûts de consommation électrique, de 60 902,88 euros correspondant au coût du remplacement du compresseur intervenu en 2015 et de 150 000 euros correspondant au coût du remplacement des linéaires de calorifuges ou, à défaut, de procéder à leurs frais à l'installation d'un nouvel ouvrage de production d'eau sur un emplacement différent et au remplacement du linéaire de calorifuge destiné à assurer la pérennité du réseau dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard. Par un jugement n° 1600516 du 29 mai 2018, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté sa demande. Par une ordonnance du 1er mars 2019 prise sur le fondement de l'article R. 351-8 du code de justice administrative, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué à la cour administrative de Paris le jugement de la requête contre ce jugement enregistrée à la cour administrative d'appel de Bordeaux. Procédure devant la Cour : Par une requête et des mémoires enregistrés les 28 août 2018, 8 mars 2019 et 14 mai 2020, le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin, représenté par Me Mbouhou, demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement attaqué ; 2°) de condamner la société Michel Beauvais et associés, la société Egis bâtiments et les sociétés Tunzini et Tunzini Antilles à lui verser les sommes de 2 285 000 euros correspondant au coût du déplacement et de l'installation d'un nouvel ouvrage de production d'eau glacé, de 181 500 euros correspondant aux surcoûts de consommation électrique, de 60 902,88 euros correspondant au coût du remplacement du compresseur intervenu en 2015, de 31 781,79 euros au titre de la location du groupe froid et de 150 000 euros correspondant au coût du remplacement des linéaires de calorifuges ou, à défaut, de procéder à leurs frais à l'installation d'un nouvel ouvrage de production d'eau sur un emplacement différent dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard ; 3°) à défaut, de procéder à leurs frais à l'installation d'une nouvelle installation de production d'eau sur un emplacement différent et de remplacer le linéaire de calorifuge destiné à assurer la pérennité du réseau de distribution dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard jusqu'au terme du sixième mois à compter de l'expiration de ce délai, le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin pouvant y procéder à l'issue de ce délai aux frais des parties ; 4°) de mettre à la charge de ces sociétés une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - le jugement est entaché d'une erreur de fait et d'une erreur d'appréciation ; - la responsabilité contractuelle de la maîtrise d'œuvre est engagée du fait des fautes commises dans la conception du groupe froid et le suivi de l'exécution des travaux et à son manquement à son obligation de conseil lors de la réception des travaux ; - il justifie de l'état déplorable de l'installation ; - il n'a commis aucune faute de nature à exonérer la maîtrise d'œuvre de sa responsabilité ; - la responsabilité décennale des sociétés Michel Beauvais et associés, Egis bâtimnets et Tunzini et Tunzini Antilles est engagée, sans qu'une faute du maître d'ouvrage ne puisse utilement être invoquée ; - le désordre n'était pas apparent au moment de la réception ; - la solidité de l'installation est en cause en plus de ne plus répondre voir de n'avoir jamais pu répondre à la destination pour laquelle elle a été réalisée ; - les assureurs des sociétés concernées devront être condamnés à les garantir ; - il justifie de son préjudice ; - une expertise présenterait un caractère utile, non pour montrer que l'installation est défectueuse, ce qui est suffisamment démontré, mais pour apprécier les responsabilités, les causes de la dégradation et la mesure de l'étendue des dégâts ; - il n'était pas tenue d'engager un référé ou une action au fond contre l'assureur avant toute procédure contre les constructeurs ; - il a dû se résoudre à changer l'installation. Par des mémoires enregistrés les 26 septembre 2018, 22 mai 2019 et 25 juillet 2019, la société Michel Beauvais et associés et la mutuelle des architectes français (MAF) concluent à la mise hors de cause de la MAF, au rejet de la requête, à titre subsidiaire, à ce que les sociétés Egis bâtiments, Tunzini et Tunzini Antilles soient condamnées à garantir la société Michel Beauvais et associés des condamnations qui seraient prononcées à son encontre, et à ce que soit mise à la charge du groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elles soutiennent que : - le juge administratif n'est pas compétent pour connaître du contrat de droit privé unissant la société Michel Beauvais et associés et son assureur ; - le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin est forclos à rechercher la responsabilité contractuelle de la maîtrise d'œuvre ; - l'installation par la société Tunzini de " super ventilateurs " a permis le fonctionnement du groupe froid et par voie de conséquence sa réception ; - le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin n'apporte aucune analyse technique, aucun constat d'huissier, aucun rapport d'expertise permettant d'établir que des désordres affecteraient la centrale d'eau glacée ; - si désordres il y a ils ne peuvent qu'être dus à un défaut de maintenance de la part du groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin, étant précisé que la maintenance est effectuée par la société Tunzini ; - il n'a pas engagé de procédure tant en référé qu'au fond à l'encontre de son assureur DO alors que les textes l'obligent à engager une telle action avant toute procédure à l'encontre des constructeurs ; - l'indemnisation qu'il sollicite ne repose sur aucun élément concret ; - si une condamnation était prononcée à l'encontre de la société Michel Beauvais et associés, elle serait fondée à appeler en garantie les sociétés Tunzini et Tunzini Antilles et la société Egis bâtiments. Par des mémoires enregistrés les 10 mai 2019 et 10 septembre 2020, la société Egis bâtiments, représentée par la SELARL Molas Riquelme Associés, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge du groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ou, à titre subsidiaire, au rejet des appels en garantie formés à son encontre, à ce que les sociétés Michel Beauvais et associés, Tunzini et Tunzini Antilles soient condamnées à la garantir des condamnations prononcées à son encontre, et à ce que soit mise à la charge de tout succombant une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - la matérialité des désordres allégués n'est pas établie ; - les causes de ces prétendus désordres ne sont pas davantage établies, le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin ayant lui-même envisagé de multiples causes ; un défaut d'alimentation électrique ou un défaut d'entretien peuvent ainsi en être à l'origine ; aucune des pièces produites par le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin n'établit une prétendue erreur de conception liée à l'encaissement des groupes froids, ni la responsabilité de la société Egis bâtiments au titre d'un défaut de conception ou d'un manquement à ses obligations de conseil, alors en outre qu'elle n'a pas été destinataire du courrier du 8 septembre 2010 ; - la réception sans réserve de l'ouvrage fait obstacle à ce que sa responsabilité contractuelle soit recherchée ; - le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin ne rapporte pas la preuve d'un dysfonctionnement de la centrale au stade de la réception des travaux ; - il ne justifie pas de ce que les désordres allégués entrent dans le champ de la garantie décennale alors que les éléments d'équipement qui ne font pas indissociablement corps avec les ouvrages de viabilité, de fondation, d'ossature, de clos ou de couvert relèvent du périmètre de la responsabilité de bon fonctionnement d'une durée de deux ans ; - le préjudice allégué n'est pas établi ; l'objectif recherché par le maître d'ouvrage est en outre d'augmenter la puissance de la centrale de production d'eau existante, ce qui n'a pas à être indemnisé, et il pourra bénéficier d'aides à la réalisation des travaux considérés, qui devront être déduites ; la location d'un groupe froid a été établie en pure perte ; l'augmentation de la consommation électrique ne peut être vérifiée ; - la demande relative au remboursement de la location d'un groupe froid est en outre irrecevable car nouvelle en appel ; - les demandes relatives à la consommation électrique, au changement de compresseurs et au remplacement des linéaires de calorifuge sont dépourvues de tout fondement juridique ; - la demande d'expertise relative à la centrale d'eau glacée est inutile dès lors qu'elle a été remplacée ; - aucune condamnation en nature ne peut être prononcée contre la maîtrise d'œuvre ; - si une condamnation était prononcée à son encontre, elle serait fondée à appeler les sociétés Michel Beauvais et associés, Tunzini et Tunzini Antilles à la garantir intégralement. La société Carrier, représentée par Me Carrier, a produit des observations enregistrées le 13 juin 2019. Par des mémoires enregistrés les 17 juin 2019, 27 mars 2020 et 30 septembre 2020, les sociétés Tunzini, Tunzini Antilles et SMA, représentées par la SCPA Claudon et associés, concluent au rejet de la requête, au rejet des appels en garantie formés contre elles, à titre subsidiaire, à ce que les sociétés Michel Beauvais et associés et Egis bâtiments les garantissent des condamnations prononcées à leur encontre, et à ce que soit mise à la charge de tout succombant une somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elles soutiennent que : - les conclusions du groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin tendant à engager leur responsabilité contractuelle sont irrecevables ; - les dysfonctionnements de la centrale à eau étaient apparents au moment de la réception des travaux ; - la matérialité des désordres allégués n'est pas établie ; - les compresseurs constituent des éléments d'équipement dissociables de la centrale de production d'eau glacée et relèvent de la garantie biennale de bon fonctionnement de l'article 1792-3 du code civil ; - les demandes du groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin ne sont pas justifiées dans leur quantum dès lors que la nouvelle installation est plus importante et a des performances supérieures à l'ancienne ; un coefficient de vétusté devra en outre être appliqué ; - la demande relative aux frais de location d'un groupe froid est irrecevable car nouvelle en appel ; - l'installation en litige ayant été démantelée sans sauvegarde des preuves, la demande d'expertise est dépourvue d'utilité ; - si elles devaient être condamnées elles seraient fondées à appeler en garantie les sociétés Michel Beauvais et associés et Egis bâtiments. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code civil ; - le code des marchés publics ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Saint-Macary, - les conclusions de Mme Lipsos, rapporteure publique, - et les observations de Me Bonnet-Cerisier, représentant les sociétés Tunzini et Tunzini Antilles, de Me Mbouhou, représentant le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin, de Me Lallemand, représentant la société Michel Beauvais et associés et la mutuelle des architectes français, de Me Boudet, représentant la société Egis bâtiments, et de Me Canton, représentant la société Carrier. Considérant ce qui suit : 1. Le syndicat interhospitalier de Mangot-Vulcin, auquel a succédé, à compter du 1er janvier 2016, le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin, a conclu un marché public de travaux comprenant 19 lots pour la construction d'une cité hospitalière, constituée d'un établissement public départemental de santé mentale (EDPSM) sur deux niveaux, d'un centre hospitalier MCO (Médecine-Chirurgie-Obstétrique) sur quatre niveaux et d'un pôle unique de gestion technique et administrative commun à l'ensemble du projet. Il en a confié la maîtrise d'œuvre à un groupement conjoint constitué notamment de la société Michel Beauvais et associés, architecte mandataire, et d'OTH bâtiments, devenue Egis bâtiments, BET Fluides, et la réalisation du lot n° 3 " Fluides " au groupement d'entreprises composé des sociétés Tunzini, Tunzini Antilles et Réalisations médicales et industrielles (RMI), dont le mandataire est la société Tunzini. Postérieurement à la réception des travaux, prononcée le 13 avril 2011, des dysfonctionnements de la centrale de production centralisée d'eau glacée mise en place par le groupement Tunzini et permettant d'alimenter les unités de climatisation de la cité hospitalière sont apparus. Le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de la Martinique a rejeté sa demande tendant à la condamnation des sociétés Michel Beauvais et associés, Egis bâtiments, Tunzini et Tunzini Antilles à l'indemniser des coûts induits par ces dysfonctionnements et l'installation d'une nouvelle centrale de production d'eau glacée. Sur le bien-fondé du jugement : En ce qui concerne la responsabilité contractuelle : 2. En premier lieu, la réception de l'ouvrage met fin aux rapports contractuels entre le maître d'ouvrage et les entrepreneurs et avec le maître d'œuvre en ce qui concerne les prestations indissociables de la réalisation de l'ouvrage, au nombre desquelles figurent, notamment, les missions de conception de cet ouvrage. 3. Il résulte de l'instruction que les travaux de réalisation de la nouvelle cité hospitalière de Mangot-Vulcin et, en particulier, du lot " climatisation, ventilation, désenfumage ", ont été réceptionnés le 13 avril 2011, sans qu'aucune réserve ne soit émise sur la centrale de production d'eau glacée. Dans ces conditions, le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin ne peut rechercher la responsabilité des sociétés Tunzini et Tunzini Antilles, entrepreneurs, ni celle des sociétés Michel Beauvais et associés et Egis bâtiments, membres du groupement de maîtrise d'œuvre, au titre de leurs prestations relatives à la conception de l'ouvrage et au suivi de l'exécution des travaux. 4. En second lieu, le maître d'œuvre qui s'abstient d'attirer l'attention du maître d'ouvrage sur des désordres affectant l'ouvrage dont il pouvait avoir connaissance, en sorte que la personne publique soit mise à même de ne pas réceptionner l'ouvrage ou d'assortir la réception de réserves, commet un manquement à son devoir de conseil de nature à engager sa responsabilité. Le caractère apparent ou non des vices en cause lors de la réception est sans incidence sur le manquement du maître d'œuvre à son obligation de conseil, dès lors qu'il avait eu connaissance de ces vices en cours de chantier. 5. Il résulte de l'instruction que par un courrier du 8 septembre 2010 adressé en copie à la société Michel Beauvais et associés, la société Tunzini a signalé avoir mis en place une solution d'accélérateurs sur variateurs alimentant les groupes froids enfermés dans l'enceinte ainsi qu'une toiture évitant le recyclage entre l'air chaud et l'air de refroidissement, destinée à être testée en semaine 36, précisant qu'un échec de cette solution impliquerait une modification très sensible de la configuration de l'ouvrage. Si la société Egis bâtiments n'a pas été destinataire de ce courrier, sa qualité de BET Fluides, chargé du suivi de l'exécution des travaux, impliquait qu'elle soit informée des modifications apportées à l'ouvrage. Ni elle, ni la société Michel Beauvais et associés n'apportent de précisions quant aux mesures qu'elles auraient prises pour s'assurer du bon fonctionnement de la solution apportée par la société Tunzini. Il ne résulte par ailleurs pas de l'instruction que ces sociétés, chargées d'une mission d'assistance à la réception des travaux, aient conseillé au maître de l'ouvrage d'émettre des réserves sur l'installation. Toutefois, il ne résulte d'aucun élément de l'instruction que la centrale de production d'eau glacée était affectée d'un vice au moment de la réception des travaux que la réalisation de tests aurait permis de détecter, ni, à supposer même l'existence d'un tel vice, que les dysfonctionnements allégués par le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin en découleraient directement. Le rapport de démontage sur compresseur établi le 30 mai 2012 par la société HRS, spécialiste de la reconstruction de compresseurs frigorifiques, explique ainsi les dégradations des compresseurs par un court-circuit local, sans que l'origine de ce court-circuit ne soit déterminée. Dans ces conditions, en admettant même que les sociétés Michel Beauvais et associés et Egis bâtiments aient manqué à leurs obligations en ne s'assurant pas du bon fonctionnement de la centrale de production d'eau glacée, le lien entre cette faute et le préjudice allégué par le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin ne peut être regardé comme établi. 6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par la société Michel Beauvais et associés, que les conclusions du groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin tendant à l'engagement de la responsabilité contractuelle des constructeurs doivent être rejetées. En ce qui concerne la responsabilité décennale : 7. Il résulte des principes qui régissent la garantie décennale des constructeurs que des désordres apparus dans le délai d'épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent leur responsabilité, même s'ils ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l'expiration du délai de dix ans. La responsabilité décennale du constructeur peut être recherchée pour des dommages survenus sur des éléments d'équipement dissociables de l'ouvrage s'ils rendent celui-ci impropre à sa destination. La circonstance que les désordres affectant un élément d'équipement fassent obstacle au fonctionnement normal de cet élément n'est pas de nature à engager la responsabilité décennale du constructeur si ces désordres ne rendent pas l'ouvrage lui-même impropre à sa destination. 8. Pour justifier l'état " déplorable " de la centrale de production d'eau, le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin produit une note de synthèse du 25 janvier 2018 réalisée par Orion ingénierie pour le remplacement de l'installation. Cette note se borne toutefois à faire état des difficultés auxquelles serait confronté le groupement de coopération sanitaire, sans qu'il résulte de l'instruction que ces difficultés aient été effectivement constatées. De même, le constat d'huissier réalisé le 6 septembre 2018 reprend pour l'essentiel les allégations du maître d'ouvrage. Si ce constat indique qu'un ventilateur ne fonctionne pas et relève l'oxydation des ailettes des évaporateurs, aucune conclusion ne peut être tirée de ces constatations quant aux conséquences sur le fonctionnement de l'installation. En outre, si le niveau sonore mesuré par l'huissier à la sortie des ventilateurs à 103,3 db et à 98 db à la clôture mitoyenne avec les riverains est corroboré par la plainte d'un voisin, il résulte des courriels envoyés par ce voisin que le niveau sonore a fortement augmenté quelques semaines avant le mois d'août 2018, ce qui ne permet pas d'établir qu'il serait imputable aux constructeurs de l'installation. Dans ces conditions, ces documents, établis de manière non contradictoire et qui sont contestés en défense, sont dépourvus de caractère probant. Par ailleurs, la circonstance que le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin a décidé de remplacer la centrale de production d'eau glacée n'est ni de nature à établir son dysfonctionnement, alors qu'il résulte de l'instruction que la nouvelle installation a vocation à lui permettre de réaliser des économies d'énergie et à en faciliter la maintenance, ni, en tout état de cause, à établir que son dysfonctionnement serait imputable aux constructeurs. Enfin, la centrale de production d'eau glacée ayant été remplacée, la mesure d'expertise demandée par le requérant pour la première fois dans son mémoire enregistré le 10 mars 2019, quelques mois avant ce remplacement, n'apparaît pas utile. 9. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par la société Michel Beauvais et associés, que le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin n'est pas fondé à rechercher la responsabilité décennale des constructeurs. Sur les frais du litige : 10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions du groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin présentées sur ce fondement. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de rejeter les conclusions des autres parties présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. D É C I D E : Article 1er : La requête du groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin est rejetée. Article 2 : Les conclusions de la MAF et des sociétés Michel Beauvais et associés, Egis bâtiments, Tunzini, Tunzini Antilles et SMA présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin, aux sociétés Michel Beauvais et associés, Egis bâtiments, Tunzini, Tunzini Antilles et SMA, à la SAGENA/SMABTP, à la société Carrier et à la Mutuelle des architectes français. Délibéré après l'audience du 30 juin 2023, à laquelle siégeaient : Mme Heers, présidente de chambre, M. Mantz, premier conseiller, Mme Saint-Macary, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 juillet 2023. La rapporteure, M. SAINT-MACARY La présidente, M. HEERS La greffière, O. BADOUX-GRARE La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 18PA23275
JADE/CETATEXT000047930894.xml
Vu les procédures suivantes : Procédure contentieuse antérieure : I. Les sociétés Centrale des carrières (CDC) et Jean Lanes travaux publics (JLTP) ont demandé au tribunal administratif de la Martinique : - de condamner le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin à leur verser les sommes de 452 359,28 euros au titre du solde du marché principal et de 53 290,26 euros TTC au titre du solde du marché complémentaire n° 2008/09/4765, majorées des intérêts moratoires au taux de 8 % à compter du 5 novembre 2011 ; - de condamner le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin à leur verser la somme de 1 189 981,79 euros au titre des préjudices subis, majorée des intérêts moratoires au taux de 8 % à compter du 5 novembre 2011, à titre subsidiaire, de le condamner in solidum avec le groupement de maîtrise d'œuvre, les sociétés Socotec Antilles Guyane, Bureau Veritas Construction, Icade G3-A, SEMAVIL et COTEBA à leur verser cette somme majorée des intérêts moratoires au taux de 8 %, capitalisés en ce qui concerne le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin, et des intérêts légaux en ce qui concerne les autres participants à l'acte de construire, à compter du 5 novembre 2011, ou à titre encore subsidiaire de condamner le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin à leur verser la somme de 378 385,92 euros HT majorées des intérêts moratoires au taux de 8 % à compter du 5 novembre 2011 et capitalisés et les sociétés Icade G3A et SEMAVIL à leur verser la somme de 87 071,76 euros HT, le groupement de maîtrise d'œuvre à leur verser la somme de 177 368,40 euros HT, la société COTEBA à leur verser la somme de 247 240,80 euros HT, les sociétés Socotec Antilles Guyane et Bureau Veritas Construction à leur verser la somme de 32 248,80 euros HT, la société Sogea Martinique à leur verser la somme de 83 846,88 euros HT, la société Tunzini à leur verser la somme de 69 872,40 euros HT, la société CDRI à leur verser la somme de 5 374,80 euros HT, la société CMO à leur verser la somme de 25 799 euros HT, la société Bouygues énergie et services à leur verser la somme de 10 749,60 euros HT, la SAP à leur verser la somme de 18 274,32 euros HT et la société Castel et Fromaget à leur verser la somme de 21 499,20 euros HT, ces sommes étant majorées des intérêts légaux à compter du 5 novembre 2011. Par un jugement n° 1700498 du 11 juillet 2019, le tribunal administratif de la Martinique a inscrit la somme de 457 228,55 euros au crédit du groupement CDC-JLTP dans le décompte de son marché principal et a rejeté le surplus des demandes dont il était saisi. Par une ordonnance n° 436849 du 31 janvier 2020 prise sur le fondement de l'article R. 351-8 du code de justice administrative, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué à la cour administrative de Paris le jugement de la requête contre ce jugement enregistrée à la cour administrative d'appel de Bordeaux. II. Les sociétés CDC et JLTP ont demandé au tribunal administratif de la Martinique d'annuler le titre de recettes d'un montant de 101 052,65 euros émis le 18 décembre 2019 par le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin au titre du solde du marché complémentaire n° 2008/09/4765 à la suite du jugement n° 1700498 du 11 juillet 2019, et de les décharger de cette somme. Par un jugement n° 2000078 du 4 février 2021 le tribunal administratif de la Martinique a rejeté leur demande. Par une ordonnance n° 456350 du 15 octobre 2021 prise sur le fondement de l'article R. 351-8 du code de justice administrative, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué à la cour administrative de Paris le jugement de la requête contre ce jugement enregistrée à la cour administrative d'appel de Bordeaux. Procédure devant la Cour : I. Par une requête et des mémoires enregistrés, sous le n° 20PA00701, les 11 septembre 2019 et 3 février et 16 mars 2021, les sociétés CDC et JLTP, représentées par Me Dufresne, demandent à la Cour, dans le dernier état de leurs écritures : 1°) de réformer le jugement attaqué n° 1700498 en tant qu'il a rejeté leur demande de condamnation du groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin à leur verser le solde du marché complémentaire n° 2008/09/4765 à hauteur de 53 290,26 euros et leur demande de condamnation du groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin et des autres intervenants au chantier à les indemniser à hauteur de 1 189 981,79 euros au titre du préjudice qu'elles ont subi du fait de l'allongement de la durée du chantier ; 2°) de condamner le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin à leur verser la somme de 53 290,26 euros TTC avec les intérêts moratoires de droit à compter du 14 août 2012 ainsi que la retenue de garantie et la somme de 1 189 981,79 euros HT, majorés des intérêts moratoires au taux de 7,38% à compter du 5 novembre 2011 et de leur capitalisation ; 3°) de désigner, en tant que de besoin, un expert pour chiffrer leur préjudice ; 4°) de réserver leurs droits à l'encontre des intervenants à l'acte de construire dans l'attente de arrêts à intervenir n° 18PA20367 et n° 20PA00696 ; 5°) de mettre à la charge du groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin une somme de 4 000 euros à verser à chacune sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elles soutiennent que : - le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin a appliqué un indice de révision erroné pour calculer le montant de la revalorisation du marché n° 2008/09/4765 ; - le jugement attaqué a admis la responsabilité du maître de l'ouvrage dans l'allongement de la durée du chantier et elles produisent de nombreuses pièces montrant les difficultés auxquelles elles ont été confrontées du fait du conflit entre la maîtrise d'œuvre et l'OPC ; - elles justifient de leur préjudice par la démonstration de la présence effective et indue, sur le chantier, de leur matériel et de leurs personnels pendant 121 semaines ; - le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin a été reconnu responsable de 206 jours de retard du chantier dans une autre procédure ; - elles sont recevables et fondées à demander une expertise ; - les entreprises tierces ont gêné leur groupement dans leurs travaux et il appartenait à la maîtrise d'œuvre de mettre tout en œuvre pour libérer les emprises sur lesquelles il devait intervenir, de remettre les plans et les notifications des ordres de service dans les délais, de réagir aux problèmes rencontrés et de faire en sorte que les décomptes soient payés dans les délais. Par des mémoires enregistrés les 17 août 2020 et 27 février 2023, la société Artelia bâtiment et industrie, représentée par la SCP Raffin et associés, conclut au rejet de la requête, à titre subsidiaire, à la limitation de sa part de responsabilité à 5 % sauf à la ramener au partage de l'expert soit 6 %, à la limitation du montant du préjudice indemnisable à 500 060,37 euros, sans application de la TVA, à l'absence de condamnation in solidum et à la condamnation in solidum des sociétés CMO, ETDE, Tunzini, Bureau Veritas Construction, SEMAVIL, Bouygues énergie et services, Michel Beauvais et associés, Acra architecture, Ion Cindea Ingénieur Conseil, Asco BTP, Egis bâtiments, Oasiis, Socotec Antilles Guyane, Icade G3A, Sogea Martinique, SIMP, GTM génie civil et services, COMABAT, Tunzini Antilles, CDRI et Castel et Fromaget et de M. A... à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre, et à ce que soit mise à la charge des sociétés CDC et JLTP une somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle fait valoir que : - l'action des sociétés CDC et JLTP à son encontre est prescrite en vertu de l'article 2224 du code civil ; - leur demande est irrecevable en ce qu'elle est dirigée contre elle, faute de motivation ; - les sociétés CDC et JLTP ont contribué à l'allongement de la durée du chantier ; - elles ne démontrent pas la faute de l'OPC ; - la réalité de leur préjudice n'est pas établie ; - sa part de responsabilité ne saurait être retenue au titre de l'incompatibilité des réseaux avec le gros œuvre qui est liée à un problème purement technique ; - il n'y a pas lieu à solidarité entre les codéfendeurs ; - si elle était condamnée elle serait fondée à appeler en garantie les autres intervenants au chantier. Par un mémoire enregistré le 31 août 2020, la société antillaise de peinture-plâtrerie (SAP), représentée par Me Deporcq, demande à la Cour : 1°) de réformer le jugement attaqué en ce qu'il a accueilli les demandes d'indemnisation des sociétés CDC et JLTP formées contre elle et de rejeter toute demande de ces sociétés dirigée contre elle ; 2°) de rejeter toutes les demandes dirigées à son encontre ; 3°) à titre subsidiaire, de limiter sa part de responsabilité à 6,1 % des retards et de condamner le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin, les sociétés Sogea Martinique, SIMP, GTM génie civil et services, COMABAT, Bouygues énergie et services, Tunzini, Tunzini Antilles, CMO, Castel et Fromaget, Egis bâtiments, Icade Promotion, Michel Beauvais et associés, Acra architecture, Ion Cindea Ingénieur Conseil, Lorenzo architecture, Asco BTP, Oasiis, Artelia bâtiment et industrie, Socotec Antilles Guyane, Bureau Veritas Construction et Icade G3A et M. A... à la garantir de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre au profit des sociétés CDC et JLTP ; 4°) de mettre à la charge de la société CDC une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle fait valoir qu'elle n'est responsable d'aucun retard. Par un mémoire enregistré le 24 septembre 2020, la société Clean Garden, représentée par Me Relouzat Bruno, conclut à sa mise hors de cause. Elle fait valoir qu'elle n'est pas intervenue sur les travaux en litige et qu'aucune demande n'est d'ailleurs formée contre elle. Par un mémoire enregistré le 28 octobre 2020, la société SEO Caraïbes, représentée par la SELARL ARES, conclut au rejet de la requête et de toute demande formée à son encontre, à titre subsidiaire, à la condamnation solidaire des autres défendeurs à la garantir de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre, et à ce que soit mise à la charge des sociétés CDC et JLTP ou de toute partie succombante une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle fait valoir que : - la requête est irrecevable faute de production du jugement attaqué ; - toute conclusion présentée contre elle serait irrecevable comme nouvelle en appel ; - elle n'est en tout état de cause pas responsable du retard du chantier. Par un mémoire enregistré le 16 novembre 2020, le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin, représenté par Me Mbouhou, demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement attaqué ; 2°) de rejeter les demandes des sociétés CDC et JLTP ; 3°) d'intégrer dans le décompte les pénalités pour les 97 jours de retard dans la levée des réserves d'un montant total de 452 228,556 euros et les pénalités pour non remise de documents d'un montant de 5 000 euros et une indemnisation à raison des surcoûts d'assurance pour 44 140,26 euros, du surcoût de rémunération pour 60 432,66 euros, des surcoûts des travaux pour 243 900 euros, du surcoût lié à la révision des prix pour 72 302,66 euros et du surcoût lié aux dépenses communes pour 31 045,446 euros ; 4°) de condamner les entreprises CDC et JLTP à le garantir à hauteur de 2,71% des condamnations en principal, intérêts moratoires et intérêts des intérêts pouvant résulter des procédures initiées par les sociétés Sogea Martinique, Tunzini, CDRI, Bouygues énergie et services ; 5°) de condamner l'ensemble des sociétés appelées en garantie et leurs assureurs respectifs à le garantir, en cas de condamnation, au paiement de soldes positifs des marchés du groupement CDC-JLTP ; 6°) de mettre à la charge des sociétés CDC et JLTP une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il fait valoir que : - le jugement est irrégulier en ce qu'il a omis de statuer sur ses appels en garantie et qu'il a dénaturé les pièces du dossier ; - les requérantes ne mettent pas le tribunal en état de juger le montant de la révision à appliquer au marché complémentaire " giratoire " ; - elles n'établissent pas que la présence de leurs effectifs sur le chantier serait liée à une faute du maître d'ouvrage, alors que des travaux supplémentaires lui ont été commandés et qu'elle a dû reprendre les travaux qui lui étaient confiés et, en outre, qu'elle est implantée à proximité du chantier ; - leur demande est frustratoire ; - le groupement CDC-JLTP a été pénalisé pour être responsable du retard avec lequel il a posé un réducteur de pression ; - il a été privé de la possibilité d'infliger des pénalités. Par des mémoires enregistrés les 27 janvier et 27 août 2021, les sociétés Michel Beauvais et associés, Acra architecture, Lorenzo architecture et Asco BTP et M. B... A..., représentés par la SELARL Lallemand et associés, concluent au rejet de la requête en ce qu'elle est formée à leur encontre, à titre subsidiaire à ce que la société Egis bâtiments soit condamnée à les garantir des condamnations qui seraient prononcées à leur encontre, et à ce que soit mise à la charge de la société CDRI une somme de 1 500 euros à verser à chacun d'entre eux et à la société Ion Cindea Ingénieur Conseil sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ils font valoir que : - la juridiction administrative n'est pas compétente pour statuer sur les demandes dirigées contre la société Asco BTP ; - l'action du groupement CDC-JLTP est prescrite en vertu de l'article 2224 du code civil ; - le jugement est irrégulier en ce que le tribunal n'a pas répondu à la question de la prescription quadriennale et il appartiendra au groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin de l'opposer ; - le préjudice allégué n'est pas démontré ; - les requérantes ne démontrent aucune faute de la maîtrise d'œuvre ; - les appels en garantie formés contre eux ne sont pas fondés ; - il n'existe aucun lien entre la faute du groupement CDC-JLTP et une faute de la maîtrise d'œuvre et ils seraient fondés en cas de condamnation à ce titre à demander à être garantis pas la société Egis bâtiments. Par un mémoire enregistré le 24 février 2021, la société Socotec Antilles Guyane, représentée par Me Hode, conclut au rejet de la requête et de toute demande formée à son encontre, à titre subsidiaire, à la condamnation du groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin et des sociétés Michel Beauvais et associés, Lorenzo architecture, Acra architecture, Ion Cindea Ingénieur Conseil, Egis bâtiments, Artelia bâtiment et industrie, Icade G3, Tunzini, Tunzini Antilles, Sogea Martinique, SIMP, GTM génie civil et services, COMABAT, Castel et Fromaget, CDRI et SEO Caraïbes et de M. A... à la garantir des condamnations qui seraient prononcées à son encontre, et à ce que soit mise à la charge des sociétés CDC et JLTP ou de tout succombant une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle fait valoir que : - les requérantes ne forment aucune demande contre elle en appel ; - leur action est prescrite en vertu de l'article 2224 du code civil ; - une demande de condamnation à son encontre serait irrecevable comme non motivée ; - elle n'a commis aucune faute ; - aucune condamnation in solidum ne saurait être prononcée à son encontre ; - si une condamnation devait être prononcée à son encontre, elle serait fondée à appeler en garantie le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin sur le fondement de sa responsabilité contractuelle et les intervenants au chantier sur le fondement de leur responsabilité quasi-délictuelle. Par des mémoires enregistrés les 16 et 18 mars 2021, la société Burgeap, représentée par Me Briand, demande à être mise hors de cause. Elle fait valoir que son intervention dans le cadre de l'opération concernait la survenance de problématiques de venues d'eaux dans les fondations de l'ouvrage, qui n'est pas l'objet du litige. Par des mémoires enregistrés les 16 juillet et 6 septembre 2021 et 27 janvier 2022, la société Bouygues énergie et services, anciennement dénommée ETDE, représentée par la SELARL Altana, conclut au rejet de la requête, au rejet des appels en garantie formés à son encontre, à titre subsidiaire, à ce que sa condamnation soit limitée à 0,9 %, dans l'hypothèse où une responsabilité in solidum ou solidaire serait retenue à son encontre, à la condamnation du groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin et des sociétés Michel Beauvais et associés, ACRA architecture, Ion Cindea Ingénieur Conseil et El Baz Charpentier, Lorenzo architecture, Egis bâtiments, Artelia bâtiment et industrie, Socotec Antilles Guyane, Bureau Veritas Construction, Icade Promotion, Defia venant aux droits de SEMAVIL, Tunzini, Tunzini Antilles, RMI, CDRI, SAP, Sogea Martinique, SIMP, GTM génie civil et service, COMABAT, Castel et Fromaget, Bangui Caraïbes et SEO Caraïbes à la garantir, et à ce que soit mise à la charge du groupement CDC-JLTP une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle fait valoir que : - les requérantes ne forment aucune demande contre elle en appel ; - elle n'est pas responsable de l'allongement de la durée du chantier ; - si elle était condamnée elle serait fondée à appeler en garantie à hauteur de 99,1 % les intervenants au chantier responsables de son retard ; - les appels en garantie formés contre elle ne sont pas fondés. Par un mémoire enregistré le 24 août 2021, la société Ion Cindea Ingénieur Conseil et la SCP Thevenot Perdereau Manière El Baze, en qualité de commissaire à l'exécution du plan de redressement de cette société, représentées par la SCP Derrienic Associés, concluent au rejet de la requête en ce qu'elle est dirigée contre la société Ion Cindea Ingénieur Conseil, au rejet de toute demande de condamnation formée à son encontre, à titre subsidiaire, à la limitation de sa condamnation au préjudice correspondant à 47 jours de retard et à la condamnation in solidum des sociétés CDC, JLTP, Castel et Fromaget, Sogea Martinique, SIMP, GTM génie civil et services, COMABAT, Egis bâtiments, CMO, Michel Beauvais et associés, Lorenzo architecture, Acra architecture, Asco BTP, Tunzini, Tunzini Antilles, Oasiis, RMI, Icade Promotion, SEMAVIL, Socotec Antilles Guyane, Artelia bâtiment et industrie, CDRI, Bureau Veritas Construction, Bouygues énergie et services, Clean Garden, SEO Caraïbes, Bangui Caraïbes, SAP et Peinture Heurlie, de M. A... et du groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin à la garantir de toute condamnation in solidum qui serait prononcée à son encontre, et à ce que soit mise à la charge des sociétés CDC et JLTP ou de tout succombant une somme de 8 000 euros à verser à la société Ion Cindea Ingénieur Conseil sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elles font valoir que : - l'action du groupement CDC-JLTP est prescrite en vertu de l'article 2224 du code civil ; - la société Ion Cindea Ingénieur Conseil n'est pas responsable du retard lié au problème d'incompatibilité des réseaux et de la structure alors que ce n'était pas à elle d'émettre les ordres de service d'exécution, que le problème résulte d'une mauvaise estimation des réseaux par le BET Egis bâtiments et que l'épaississement des voiles ne résulte pas d'une faute de conception ; - en tout état de cause si sa responsabilité était retenue, elle ne pourrait l'être qu'au titre des 47 jours retenus par l'expert correspondant à 4,25 % du retard global, soit moins que le montant auquel elle a été condamnée, et sa condamnation ne peut pas être prononcée in solidum ; - en cas de condamnation in solidum elle serait fondée à appeler en garantie les intervenants dont l'expert a relevé les manquements. Par un mémoire enregistré le 24 août 2021, la société Icade Promotion, venant aux droits de la société Icade G3A, venant elle-même aux droits de la SCIC Développement, représentée par Me Lecomte, conclut au rejet de la requête en ce qu'elle est dirigée contre elle, au rejet de toute demande formée à son encontre et de toute demande de condamnation solidaire ou in solidum, à la condamnation du groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin, des sociétés Michel Beauvais et associés, Acra architecture, Lorenzo architecture, Oasiis, Ion Cindea Ingénieur Conseil, Egis bâtiments, Artelia bâtiment et industrie, Socotec Antilles Guyane, Bureau Veritas Construction, Sogea Martinique, SIMP, GTM génie civil et services, COMABAT, Tunzini, Tunzini Antilles, CDRI, CMO, Bouygues énergie et services, SAP, CDC, Castel et Fromaget et SEMAVIL et de M. A... à la garantir de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre, et à ce que soit mise à la charge de tout succombant une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle fait valoir que : - les requérantes ne forment aucune demande contre elle en appel ; - elles n'établissent pas la matérialité de leur préjudice ; - elle est intervenue comme conducteur d'opération et seule une faute commise en dehors de l'exécution de son marché pourrait être retenue à son encontre ; - les retards qui lui ont été imputés par l'expert, à savoir l'incompatibilité des réseaux avec la structure, la modification de programme de juin 2018 et la désorganisation du chantier, ne sont pas justifiés ; - aucune condamnation in solidum ne peut être prononcée ; - sa responsabilité ne saurait excéder 1,5 % et en cas de confirmation de sa condamnation elle serait fondée à appeler en garantie les autres intervenants auxquels l'expert a imputé une part de responsabilité, ainsi que la SEMAVIL à hauteur de la moitié. Par un mémoire enregistré le 25 août 2021, la société Réalisations médicales industrielles (RMI), représentée par la SCP Logos, conclut au rejet de la requête, au rejet des éventuels appels en garantie formés contre elle, et à ce que soit mise à la charge de tout succombant une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle fait valoir que : - elle n'est à l'origine d'aucun retard du chantier ; - il n'y a pas lieu à solidarité entre les entreprises. Par un mémoire enregistré le 6 septembre 2021, la société Egis bâtiments, représentée par la SELARL Molas Riquelme Associés, conclut au rejet de la requête, au rejet des appels en garantie formés à son encontre, à titre subsidiaire, à la limitation de sa responsabilité à 0,45 %, à titre encore subsidiaire, si elle devait faire l'objet d'une condamnation in solidum, à la condamnation du groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin, des sociétés Icade Promotion, SEMAVIL, Michel Beauvais et associés, Acra architecture, Ion Cindea Ingénieur Conseil, Lorenzo architecture, Artelia bâtiment et industrie, Socotec Antilles Guyane, Bureau Veritas Construction, CDC, Sogea Martinique, SIMP, GTM génie civil et services, COMABAT, Castel et Fromaget, Bouygues énergie et services, SAP, Tunzini, Tunzini Antilles et CDRI et de Me Beuzeboc à la garantir des condamnations qui seraient prononcées à son encontre, à proportion de leur part de responsabilité, et à ce que soit mise à la charge de tout succombant une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle fait valoir que : - les requérantes ne forment aucune demande contre elle en appel ; - la requête est irrecevable faute de production du jugement attaqué ; - les éventuelles conclusions dirigées contre elle seraient irrecevables en l'absence de motivation ; - l'action du groupement CDC-JLTP à son encontre est prescrite en vertu de l'article 2224 du code civil ; - elle n'est pas responsable du décalage de la réception des travaux ; - le préjudice allégué par les requérantes ne présente en outre aucun lien avec son éventuelle faute ; - les sociétés CDC et JLTP ont une responsabilité dans l'allongement de la durée des travaux ; - le montant du préjudice allégué n'est pas justifié ; - l'application de la TVA à l'ensemble des postes de préjudice n'est pas justifiée ; - si elle devait être condamnée, sa part de responsabilité ne saurait dépasser 5 jours et en cas de condamnation solidaire ou in solidum, elle serait fondée à appeler en garantie le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin sur un fondement contractuel et les autres intervenants au chantier sur un fondement quasi-délictuel. Par un mémoire enregistré le 6 septembre 2021, la société Defia, venant aux droits de la SEMAVIL, représentée par la SELARL Genesis Avocats, conclut au rejet de toutes demandes de condamnation ou d'appel en garantie formées contre elle, en tant que de besoin, à la condamnation de la société Icade Promotion à la garantir de toute condamnation qui serait prononcée contre elle, et à la mise à la charge de l'appelante d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle fait valoir que : - les requérantes ne forment aucune demande contre elle en appel ; - la conduite d'opération n'a commis aucune faute dans l'exercice de sa mission et les causes de retard invoquées par les requérantes sont dépourvues de lien avec sa mission ; - le montant de leur préjudice n'est pas étayé ; - les appels en garantie formés à son encontre ne sont pas fondés. Par un mémoire enregistré le 6 septembre 2021, la société Sogea Martinique, venant également aux droits de la société industrielle martiniquaise de préfabrication (SIMP), la société GTM génie civil et services et la Compagnie martiniquaise de bâtiment (COMABAT), membres du groupement solidaire Sogea et représentées par Me Bourgine, concluent au rejet des appels en garantie formés à leur encontre et à ce que soit mise à la charge des sociétés CDC et JLTP une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elles font valoir que : - aucune partie ne présente des conclusions à titre principal à leur encontre ; - aucune faute extra-contractuelle de leur part n'est démontrée. Par un mémoire enregistré le 7 septembre 2021, les sociétés Tunzini et Tunzini Antilles, représentées par la SCPA Claudon et associés, concluent au rejet de la requête, au rejet des conclusions formées à leur encontre, à titre subsidiaire, à la condamnation du groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin, des sociétés Sogea Martinique, SIMP, GTM génie civil et services, COMABAT, SAP, Bouygues énergie et services, CDRI, Castel et Fromaget, Egis bâtiments, Icade Promotion, Michel Beauvais et associés, Acra Architecture, Ion Cindea Ingénieur Conseil, Lorenzo architecture, Asco BTP, Oasiis, Artelia bâtiment et industrie, Socotec Antilles Guyane, Bureau Veritas Construction et Icade G3A et de M. A... à les garantir de toute condamnation qui serait prononcée à leur encontre, et à ce que soit mise à la charge des sociétés CDC et JLTP une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elles font valoir que : - le titulaire d'un marché de travaux ne peut diriger ses demandes à l'encontre d'autres intervenants à l'acte de construire que dans le cas où le préjudice qu'il a subi dans le cadre de l'exécution de son contrat a exclusivement pour origine des fautes imputables à ces derniers, aussi le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin doit-il indemniser l'intégralité du préjudice subi par les sociétés CDC et JLTP ; - il n'est pas établi qu'elles ont commis une faute quasi-délictuelle à l'encontre des sociétés CDC et JLTP ; - ces sociétés ont contribué, par leur faute, à la désorganisation du chantier ; - leurs demandes financières ne sont pas justifiées ; - aucune condamnation solidaire ou in solidum ne peut être prononcée à leur encontre ; - si elles devaient être condamnées, elles seraient fondées à appeler en garantie le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin sur un fondement contractuel et les autres intervenants au chantier sur un fondement quasi-délictuel ; - le décompte général de leur marché étant devenue définitif, l'appel en garantie formé par le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin à leur encontre est irrecevable ; - les autres appels en garantie formés à leur encontre ne sont pas fondés. Par un mémoire enregistré le 7 septembre 2021, la société Castel et Fromaget, représentée par la SELARL Moreau Guillou Vernade Simon Lugosi, conclut au rejet de la requête en ce qu'elle est dirigée contre elle, au rejet des appels en garantie formés à son encontre, à titre subsidiaire, à la limitation du montant de son éventuelle condamnation à 1,8 % du préjudice et à la condamnation in solidum ou de chacun, à proportion de la part de responsabilité qui sera fixée par la Cour, du groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin, des sociétés CDRI, SAP, Tunzini, Tunzini Antilles, Sogea Martinique, SIMP, GTM génie civil et services, COMABAT, Icade Promotion, Michel Beauvais et associés, Acra architecture, Ion Cindea Ingénieur Conseil, Lorenzo architecture, Asco BTP, Oasiis, Artelia bâtiment et industrie, Socotec Antilles Guyane, Bureau Veritas Construction, Icade G3-A, SEMAVIL, Caraïbes environnement et Burgeap Caraïbes et de M. A... à la garantir des condamnations qui seraient prononcées contre elle, et à ce que soit mise à la charge des sociétés CDC et JLTP une somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle fait valoir que : - l'action des sociétés CDC-JLTP est prescrite en vertu de l'article 2224 du code civil ; - elles ne rapportent pas la preuve d'une faute qu'elle aurait commise ; - elle n'a commis aucune faute ; - si elle devait être condamnée, elle serait fondée à appeler en garantie le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin sur le fondement de sa responsabilité contractuelle et les autres intervenants au chantier sur le fondement de leur responsabilité quasi-délictuelle. Par un mémoire enregistré le 7 septembre 2021, la société Bureau Veritas Construction, venant aux droits de la société Bureau Veritas et représentée par la SELARL GVB, conclut à sa mise hors de cause, au rejet des conclusions d'appel en garantie dirigées à son encontre et à ce que soit mise à la charge de la société Castel et Fromaget une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - elle n'est pas constructeur et n'avait aucun pouvoir de direction sur le chantier ; - seul un manquement de la société Socotec Antilles Guyane est visé au titre de la mission relative à la solidité des ouvrages et elle ne saurait être condamnée solidairement avec elle, la solidarité des contrôleurs techniques n'existant qu'à l'égard du maître de l'ouvrage, sur le fondement du contrat souscrit avec ce dernier. Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur des moyens relevés d'office, tirés de l'irrecevabilité des moyens de régularité soulevés par le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin en ce qu'ils reposent sur une cause juridique distincte des moyens soulevés dans le délai d'appel, de l'irrecevabilité de ses conclusions d'appel incident appelant en garantie le groupement CDC-JLTP en ce qu'elles concernent des litiges distincts, et de l'incompétence de la juridiction administrative pour connaître de ses conclusions d'appel provoqué dirigées contre les assureurs des intervenants au chantier. Des observations sur ces moyens d'ordre public ont été présentées pour la société Bouygues énergie et services le 19 mai 2023. II. Par une requête enregistrée, sous le n° 21PA05471, le 4 mars 2021, les sociétés CDC et JLTP, représentées par Me Dufresne, demandent à la Cour : 1°) d'annuler le jugement attaqué n° 2000078 et le titre exécutoire du 18 décembre 2019, et de les décharger du paiement de la somme de 101 052,65 euros ; 2°) d'ordonner au groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin de produire le calcul de révision des prix avec l'indice TP01 sous astreinte de 1 500 euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir ; 3°) de mettre à la charge du groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; 4°) à titre subsidiaire, de suspendre le titre de recettes ; 5°) à titre encore subsidiaire, de désigner un expert pour calculer le montant de la révision des prix. Elles font valoir que le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin a appliqué un indice de révision erroné pour calculer le montant de la revalorisation du marché n° 2008/09/4765. La requête a été communiquée au groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin qui n'a pas produit de mémoire. Vu les autres pièces des dossiers. Vu : - le code des marchés publics ; - le décret n° 2002-231 du 21 février 2002 ; - le décret n° 2002-232 du 21 février 2002 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Saint-Macary, - les conclusions de Mme Lipsos, rapporteure publique, - et les observations de Me Bonnet-Cerisier, représentant les sociétés Tunzini et Tunzini Antilles, de Me Bourgine et de Me Champetier de Ribes, représentants la société Sogea Martinique, la société industrielle martiniquaise de préfabrication, la société GTM génie civil et services et la société Compagnie martiniquaise de bâtiment, membres du groupement solidaire Sogea, de Me Vallet, représentant la société Bureau Veritas Construction, de Me Kerrien, représentant la société SEO Caraïbes, de Me des Cours, représentant la société Bouygues énergie et services, de Me Mbouhou, représentant le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin, de Me Benjamin, représentant la société d'économie mixte d'aménagement de la ville du Lamentin, de Me Proffit, représentant la société Artelia bâtiment et industrie, de Me Lallemand, représentant les sociétés Michel Beauvais et associés, ACRA architecture, Lorenzo architecture, Asco BTP et M. B... A..., de Me Vernade, représentant la société Castel et Fromaget, de Me Lecomte, représentant la société Icade Promotion, de Me Boudet, représentant la société Egis bâtiments, de Me Bliek, représentant la société Réalisations médicales industrielles, de Me Briand, représentant la société Etude BURGEAP Caraïbes et de Me Dufresne, représentant la société Centrale des carrières et JLTP. Considérant ce qui suit : 1. Les requêtes n° 20PA00701 et 21PA05471, présentées pour les sociétés CDC et JLPT, concernent le même marché et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par un seul arrêt. 2. Le syndicat inter-hospitalier de Mangot-Vulcin, auquel a succédé, à compter du 1er janvier 2016, le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin, a conclu un marché public de travaux comprenant 19 lots pour la construction d'une cité hospitalière constituée d'un établissement public départemental de santé mentale (EDPSM) sur deux niveaux, d'un centre hospitalier MCO (Médecine-Chirurgie-Obstétrique) sur quatre niveaux et d'un pôle unique de gestion technique et administrative commun à l'ensemble du projet. Par un acte d'engagement notifié le 3 novembre 2004, il a confié au groupement CDC-JLTP la réalisation du lot n° 1 " VRD - Espaces verts ". Un marché complémentaire, notifié le 23 septembre 2008, lui a en outre confié le raccordement de la cité hospitalière au giratoire de la route départementale. Les travaux ont été réceptionnés le 13 avril 2011 avec effet au 31 mars 2011. Les décomptes généraux des marchés ont été notifiés au groupement par des ordres de service des 19 et 23 juillet 2012 et ont fait l'objet d'une réclamation le 7 août 2012 s'agissant du décompte relatif au marché complémentaire et le 13 septembre 2012 s'agissant du décompte relatif au marché principal. Les sociétés CDC et JLTP relèvent appel du jugement n° 1700498 du tribunal administratif de la Martinique en ce qu'il a refusé de faire droit à leur demande portant sur la révision des prix du décompte général du marché complémentaire et à leur demande d'indemnisation au titre de l'allongement de la durée du chantier. 3. A la suite de ce jugement, le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin a émis, le 18 décembre 2019, un titre de recettes à l'encontre des sociétés CDC et JLTP afin de recouvrer la somme de 101 052,65 euros au titre du solde du marché complémentaire notifié le 23 septembre 2008. Les sociétés CDC et JLTP relèvent également appel du jugement n° 2000078 par lequel le tribunal administratif de la Martinique a rejeté leur demande d'annulation de ce titre de recettes. Sur la requête n° 20PA00701 : En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué : 4. En premier lieu, le jugement attaqué n'ayant pas prononcé de condamnation à l'encontre du groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin au titre de l'allongement de la durée du chantier, motif au titre duquel il formait des conclusions d'appel en garantie, il n'est pas fondé à soutenir qu'il est entaché d'omission à statuer en ce qu'il ne s'est pas prononcé sur ses appels en garantie. Au surplus, ce jugement ne prononce pas de condamnation à l'encontre du groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin, le solde du marché résultant de ce jugement étant négatif. 5. En second lieu, le moyen tiré de la " dénaturation des faits " par le jugement concerne le bien-fondé du jugement et non sa régularité. En ce qui concerne le bien-fondé du jugement attaqué : S'agissant du marché complémentaire " giratoire " : Quant au solde du marché : 6. Il résulte de l'article 3.4.2 du cahier des clauses administratives particulières applicable au marché que le coefficient de révision des prix correspond à : 0,15 + 0,85 * Indice du mois de l'acompte / Indice du mois de référence fixé par l'acte d'engagement. L'article 3.4.3 du même cahier prévoit, pour le lot n°1 dont était titulaire le groupement CDC-JLTP, l'application de l'indice TP01, et l'acte d'engagement du marché retient, comme mois de référence, le mois de septembre 2004. Il résulte toutefois des pièces jointes au décompte général que le syndicat inter-hospitalier de Mangot-Vulcin a calculé la révision des prix en appliquant, à tort, l'indice BT01. Il convient, dès lors, de calculer le montant de la révision des prix conformément à l'indice applicable du marché, à partir du montant et du mois des acomptes retenus par le décompte général, sur lesquels s'accordent les deux parties, soit une revalorisation de 102 091,09 euros du montant hors taxe du marché correspondant à un marché révisé de 669 694,14 euros HT, au lieu de la somme négative de 11 529,10 euros pour la revalorisation auquel aboutit le calcul du maître de l'ouvrage. Le solde du marché s'établit, dans ces conditions, et hors retenue de 5 % dont il ne résulte pas de l'instruction que le maintien serait justifié, au montant de 48 864,26 euros HT et de 53 017,72 euros TTC. Quant aux intérêts : 7. Aux termes de l'article 1er du décret du 21 février 2002 relatif au délai maximum de paiement dans les marchés publics, dans sa rédaction applicable au marché : " Le délai global de paiement d'un marché public ne peut excéder 45 jours. Toutefois, pour les établissements publics de santé et les établissements du service de santé des armées, cette limite est de 50 jours ". Aux termes de l'article 1er du décret du 21 février 2002 relatif à la mise en œuvre du délai maximum de paiement dans les marchés publics, dans sa rédaction applicable au marché : " (...) pour les marchés de travaux, le point de départ du délai global de paiement du solde est la date d'acceptation du décompte général et définitif (...) ". L'article 5 du même décret prévoit : " I. - Le défaut de paiement dans les délais prévus par le décret du 7 mars 2001 susvisé fait courir de plein droit, et sans autre formalité, des intérêts moratoires au bénéfice du titulaire ou du sous-traitant payé directement. / Les intérêts moratoires courent à partir du jour suivant l'expiration du délai global jusqu'à la date de mise en paiement du principal incluse (...) / II. - Le taux des intérêts moratoires est référencé dans le marché. Ce taux est celui de l'intérêt légal en vigueur à la date à laquelle les intérêts moratoires ont commencé à courir, augmenté de deux points. / A défaut de la mention de ce taux dans le marché, le taux applicable est égal au taux d'intérêt de la principale facilité de refinancement appliquée par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement principal la plus récente effectuée avant le premier jour de calendrier du semestre de l'année civile au cours duquel les intérêts moratoires ont commencé à courir, majoré de sept points ". 8. Pour l'application du I de l'article 1er du décret du 21 février 2002 relatif à la mise en œuvre du délai maximum de paiement dans les marchés publics, lorsqu'un décompte général fait l'objet d'une réclamation par le cocontractant, le délai de paiement du solde doit être regardé comme ne commençant à courir qu'à compter de la réception de cette réclamation par le maître d'ouvrage. 9. Il résulte de l'instruction que le décompte général du marché complémentaire a été notifié à la société CDC par un ordre de service du 23 juillet 2012, qu'elle a refusé de signer. Le groupement CDC-JLTP a adressé un mémoire en réclamation au maître de l'ouvrage, qui l'a réceptionné le 16 août 2012. Le délai de paiement de 50 jours applicable au syndicat inter-hospitalier de Mangot-Vulcin ayant commencé à courir à cette date, le groupement CDC-JLTP a droit au paiement des intérêts sur le solde du marché à compter du lendemain de l'expiration de ce délai, soit le 6 octobre 2012. Par suite, il y a lieu de condamner le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin à verser au groupement CDC-JLTP les intérêts prévus à l'article 5 du décret du 21 février 2002 relatif à la mise en œuvre du délai maximum de paiement dans les marchés publics sur le solde du marché résultant du présent arrêt, à compter du 6 octobre 2012. S'agissant du marché principal : Quant à la demande d'indemnisation du groupement CDC-JLTP : 10. D'une part, si un expert judiciaire, dans le cadre d'une expertise à laquelle les sociétés CDC et JLTP n'ont pas été attraites, a estimé que le maître de l'ouvrage avait contribué à la désorganisation du chantier de la cité hospitalière de Mangot-Vulcin en ne mettant pas fin au conflit opposant la maîtrise d'œuvre à l'OPC, il est constant qu'il n'a retenu à son encontre qu'une responsabilité de 16 jours à ce titre sur les 1 107 jours de retard du chantier. En outre, ce seul constat, réalisé dans le cadre d'une analyse globale des causes du retard du chantier, n'implique pas que les sociétés CDC et JLTP aient rencontré, dans le cadre de l'exécution de leur marché, des difficultés du fait de ce conflit. Il ne résulte d'ailleurs pas des courriers qu'elles produisent, à l'exception de celui du 2 juillet 2009 faisant état d'un désaccord entre la maîtrise d'œuvre et l'OPC, que les difficultés auxquelles elles ont été confrontées soient liées à ce conflit, ni, compte tenu de son caractère ponctuel, que le maître de l'ouvrage doive supporter une responsabilité au titre de ce désaccord. Par ailleurs, si le syndicat inter-hospitalier a été informé, par des courriers des 6 juillet et 7 octobre 2009, que l'occupation de leurs sites par des entreprises tierces ne permettait pas au groupement CDC-JLTP d'achever ses travaux, il résulte des termes mêmes de ces courriers qu'ils visaient non pas à solliciter l'intervention du syndicat inter-hospitalier mais à justifier le retard du groupement. Enfin, il est constant que les travaux supplémentaires demandés au groupement CDC-JLTP ne présentent pas en tant que tels un caractère fautif et ont donné lieu au paiement d'un prix incluant la présence des effectifs et du matériel nécessaires sur le chantier. Ainsi, il ne résulte pas de l'instruction qu'une faute du maître de l'ouvrage soit à l'origine de l'immobilisation des effectifs et du matériel du groupement CDC-JLTP. 11. D'autre part et au surplus, il ne résulte pas des comptes-rendus de visite du chantier produits, couvrant la période des mois de janvier 2008 à avril 2010, que les effectifs et le matériel du groupement aient été immobilisés, en pure perte, sur le chantier, les comptes-rendus faisant certes ressortir, entre les mois de mars et juillet 2008, une tâche en attente de la définition du parvis, mais faisant également état d'autres travaux à réaliser par le groupement. 12. Dans ces conditions, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'un expert serait mieux à même que le groupement CDC-JLTP d'établir les causes de sa présence sur le chantier et son éventuel préjudice, les conclusions des sociétés CDC et JLTP tendant à ce que le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin les indemnise du préjudice qu'elles auraient subi du fait de l'allongement de la durée du chantier doivent être rejetées. Quant aux conclusions d'appel incident du groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin : 13. En premier lieu, pour contester l'inscription au crédit du groupement CDC-JLTP du montant des pénalités appliquées dans le décompte général qu'il lui a notifié, le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin se borne à indiquer que le tribunal a retenu l'absence de retenues provisoires et à contester l'absence de responsabilité du groupement CDC-JLTP dans l'allongement de la durée du chantier. Toutefois, d'une part, les pénalités qu'il avait appliquées au groupement CDC-JLTP ne concernaient pas un retard dans l'exécution de ses travaux ou la réalisation de ses tâches mais un retard dans la levée des réserves et la remise des documents, d'autre part, le jugement attaqué est uniquement fondé sur l'absence de justificatifs et non sur l'absence de retenues préalables, les pénalités pour retard dans la levée des réserves n'ayant au demeurant pas à être précédées de telles retenues. Dans ces conditions, par son argumentation, le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin ne justifie pas que le tribunal aurait, à tort, inscrit ces pénalités au crédit du groupement CDC-JLTP. 14. En second lieu, les manquements du groupement CDC-JLTP liés à un retard dans l'exécution de ses travaux ne peuvent donner lieu à sa condamnation à indemniser le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin du préjudice subi du fait de l'allongement de la durée du chantier dès lors que les parties au marché en litige ont contractuellement décidé que de tels manquements seraient sanctionnés de manière forfaitaire par l'application de pénalités. Dans ces conditions, les conclusions du groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin tendant à la réparation de son préjudice doivent être rejetées. 15. Il résulte de tout ce qui précède que ni le groupement CDC-JLTP ni le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin ne sont fondés à demander la réformation du jugement attaqué en ce qui concerne le solde du marché principal. S'agissant des conclusions d'appel en garantie du groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin à l'égard du groupement CDC-JLTP : 16. Les conclusions du groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin tendant à ce que les sociétés CDC et JLTP le garantissent à hauteur de 2,71 % des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre dans des procédures l'opposant aux sociétés Sogea Martinique, Tunzini, CDRI et Bouygues énergie et services, qui concernent des litiges distincts, sont irrecevables. Par suite, elles doivent être rejetées. S'agissant des conclusions d'appel incident de la SAP : 17. Le jugement attaqué n'a prononcé aucune condamnation à l'encontre de la SAP. Dans ces conditions, les conclusions de cette dernière tendant à la réformation du jugement en tant qu'il aurait prononcé contre elle une telle condamnation sont dépourvues d'objet. S'agissant des conclusions d'appel provoqué du groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin : 18. En premier lieu, les conclusions d'appel en garantie formées par le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin à l'encontre des assureurs de la maîtrise d'œuvre, de l'OPC et de la société Tunzini, qui mettent en jeu un contrat de droit privé, sont présentées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître et doivent, par suite, être rejetées. 19. En second lieu, d'une part, aucune condamnation du groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin n'est prononcée au titre de l'allongement de la durée du chantier. Ses conclusions d'appel en garantie présentées à ce titre ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées. D'autre part, il n'indique pas en quoi un manquement de l'OPC à ses obligations contractuelles serait à l'origine de l'impossibilité d'appliquer des pénalités pour retard dans la levée des réserves et pour non remise de documents, seules pénalités qu'il a appliquées dans le décompte et qu'il demande à la Cour de rétablir. Dans ces conditions, ses conclusions tendant à ce que le groupement de maîtrise d'œuvre, l'OPC et la société Tunzini le garantissent au titre du paiement du solde des marchés passés avec le groupement CDC-JLTP doivent être rejetées. 20. Il résulte de tout ce qui précède que les sociétés CDC et JLTP sont seulement fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté leur demande portant sur le montant de la révision des prix du marché complémentaire. Sur la requête n° 21PA00701 : 21. Pour les motifs exposés au point 6, les sociétés CDC et JLTP sont fondées à demander l'annulation du titre de recettes d'un montant de 101 052,65 euros TTC émis le 18 décembre 2019 par le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin pour le paiement du solde négatif du marché complémentaire " giratoire ", et à être déchargées de cette somme. Elles sont fondées, par suite, à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté leur demande. Sur les frais du litige : 22. En premier lieu, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin une somme totale de 2 500 euros au titre des frais exposés par les sociétés CDC et JLTP et non compris dans les dépens. 23. En second lieu, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de rejeter les conclusions des autres parties présentées au titre des frais qu'elles ont exposés et non compris dans les dépens. D É C I D E : Article 1er : Le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin est condamné à verser la somme de 53 017,72 euros TTC au groupement CDC-JLTP au titre du solde du marché complémentaire " giratoire ", assortie des intérêts contractuels à compter du 6 octobre 2012. Article 2 : Le jugement n° 1700498 du 11 juillet 2019 du tribunal administratif de la Martinique est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er. Article 3 : Le jugement n° 2000078 du 4 février 2021 du tribunal administratif de la Martinique et le titre de recettes émis le 18 décembre 2019 par le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin sont annulés. Article 4 : Le groupement CDC-JLTP est déchargé du paiement de la somme de 101 052,65 euros. Article 5 : Le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin versera la somme de 2 500 euros au groupement CDC-JLTP en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 6 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté. Article 7 : Le présent arrêt sera notifié aux sociétés Centrale des carrières, Jean Lanes TP, Castel et Fromaget, Sogea Martinique, industrielle martiniquaise de préfabrication, compagnie martiniquaise de bâtiment, GTM génie civil et services, Antillaise de Plâtrerie et peinture, Bureau Veritas Construction, SEO Caraïbes, Socotec Antilles Guyane, Artelia bâtiment et industrie, Bouygues énergie et services, Réalisation médicales et industrielles, Icade Promotion, Michel Beauvais et associés, Acra architecture, Lorenzo architecture, Asco BTP, Ion Cindea Ingénieur Conseil, Tunzini, Tunzini Antilles, SEMAVIL, Egis bâtiments, Clean Garden, Cloison doublage ravalement isolation, Oasiis consultant, IOSIS Bâtiments, BURGEAP Caraïbes, et El Baze Charpentier, à l'entreprise de peinture Heurlie, au groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin et à M. B... A.... Délibéré après l'audience du 30 juin 2023, à laquelle siégeaient : Mme Heers, présidente de chambre, M. Mantz, premier conseiller, Mme Saint-Macary, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 juillet 2023. La rapporteure, M. SAINT-MACARY La présidente, M. HEERS La greffière, O. BADOUX-GRARE La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 20PA00701-21PA05471
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Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure Mme B... D... épouse C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 7 mars 2022 par lequel le préfet de l'Ardèche a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination, et d'enjoindre à cette autorité de lui délivrer un titre de séjour dans un certain délai sous astreinte ou, à défaut, de réexaminer son dossier. Par un jugement n° 2202470 du 8 juillet 2022, le tribunal a rejeté cette demande. Procédure devant la cour Par une requête, enregistrée le 5 août 2022, Mme D... épouse C..., représentée par Me Gay, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement et cet arrêté ; 2°) d'enjoindre au préfet de l'Ardèche de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt sous astreinte de 50 euros par jour de retard, ou à défaut, de réexaminer sa situation ; 3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros au profit de son conseil au titre de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991. Elle soutient que : - le refus de titre de séjour méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - l'obligation de quitter le territoire français est illégale par voie de conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour ; - la décision fixant le pays de renvoi est illégale par voie de conséquence du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français. La requête a été communiquée au préfet de l'Ardèche qui n'a pas produit d'observations. Mme D... épouse C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 12 octobre 2022. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative ; Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Le rapport de M. Chassagne, premier conseiller, ayant été entendu au cours de l'audience publique ; Considérant ce qui suit : 1. Mme D... épouse C..., ressortissante de la République de Madagascar née le 28 septembre 1978 à Tananarive (Befelatanana), a contracté mariage avec M. C..., ressortissant français, le 23 février 2006 à Talatamaty. Elle est entrée sur le territoire français le 16 janvier 2020, sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa de type dit " A... " portant la mention " famille de français ", valable du 14 janvier au 10 avril 2020. Le 11 janvier 2022, elle a demandé un titre de séjour au préfet de l'Ardèche qui, par un arrêté du 7 mars 2022, lui a opposé un refus, fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixé le pays de destination. Mme D... épouse C... relève appel du jugement du tribunal administratif de Lyon qui a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté. 2. En premier lieu, l'intéressée fait valoir qu'elle réside sur le territoire français depuis deux années, durant lesquelles elle a bénéficié d'un contrat de travail à durée déterminée visant à la garde d'un enfant à domicile du 1er juillet au 30 août 2021 et obtenu un diplôme d'études en langue française niveau dit " A2 ", mais également qu'elle justifie de son intégration et d'un cercle amical fort. Toutefois, il ressort des pièces du dossier qu'elle demeure seule et sans charges de famille en France, étant séparée de son époux français, avec lequel elle résidait à Madagascar, la communauté de vie, ainsi qu'elle l'indique, ayant cessé depuis l'année 2011 en raison d'un départ précipité de ce dernier de ce pays pour des raisons de santé, et étant d'ailleurs dans l'ignorance de son lieu de résidence. La présence de l'intéressée sur le territoire national, où elle est entrée à l'âge de quarante et un ans, était récente à la date du refus de séjour, alors qu'elle avait vécu auparavant toute son existence à Madagascar, où demeure l'essentiel de ses attaches personnelles et familiales, dont sa fille, sa mère, trois sœurs et un frère. Le seul bénéfice du contrat de travail à durée déterminée et du diplôme évoqués plus haut ne saurait suffire à justifier d'une insertion professionnelle d'une particulière intensité. Aucune insertion personnelle significative n'est caractérisée, la production d'une seule attestation émanant d'une connaissance étant à cet égard insuffisante. Dans ces conditions, aucune atteinte disproportionnée au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale, en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne saurait être retenue. 3. En second lieu, il résulte de ce qui précède que la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas illégale par voie de conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour, et que la décision fixant le pays de renvoi n'est pas davantage illégale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français. Les moyens ne peuvent donc qu'être écartés. 4. Il résulte de ce qui précède, que Mme D... épouse C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Sa requête doit donc, dans l'ensemble de ses conclusions, être rejetée. DÉCIDE : Article 1er : La requête de Mme D... épouse C... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... D... épouse C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de l'Ardèche. Délibéré après l'audience du 6 juillet 2023 à laquelle siégeaient : M. Picard, président de chambre ; M. Seillet, président assesseur ; M. Chassagne, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 juillet 2023. Le rapporteur, J. Chassagne Le président, V.-M. Picard La greffière, A. Le Colleter La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition, La greffière, 2 N° 22LY02473 ap
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Vu la procédure suivante : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Bastia, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite de rejet née du silence gardé par la directrice départementale de la sécurité publique de la Haute-Corse sur sa demande de communication d'un rapport d'audit interne et, d'autre part, d'enjoindre, sous astreinte, au ministre de l'intérieur de lui communiquer ce rapport. Par une ordonnance n° 2100681 du 29 décembre 2021, le président du tribunal administratif de Bastia a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions aux fins d'annulation, d'injonction et d'astreinte et rejeté le surplus de ses conclusions. Par un pourvoi, enregistré le 4 février 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler cette ordonnance ; 2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ; 3°) de mettre à la charge du ministre de l'intérieur la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code des relations entre le public et l'administration ; - le décret n° 2008-633 du 27 juin 2008 ; - le décret n° 2013-728 du 12 août 2013 ; - l'arrêté du 1er février 2011 relatif aux missions et à l'organisation de la direction centrale de la sécurité publique ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de Mme Alexandra Bratos, auditrice, - les conclusions de Mme Esther de Moustier, rapporteure publique ; La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Guérin - Gougeon, avocat de M. B... ; Considérant ce qui suit : 1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B..., brigadier de police à la circonscription de sécurité publique de Bastia, a saisi la directrice départementale de la sécurité publique de la Haute-Corse le 14 janvier 2021 d'une demande tendant à la communication du rapport dressé à la suite de la mission d'audit de fonctionnement du service de voie publique effectuée par la sous-direction des audits et du contrôle interne de la direction générale de la sécurité publique du 23 au 27 novembre 2020. Le 15 avril 2021, la commission d'accès aux documents administratifs (CADA), sans prendre connaissance du document sollicité, a donné un avis favorable à sa communication sous réserve, notamment, de l'occultation des mentions qui porteraient atteinte à l'un des intérêts énoncés à l'article L. 311-6 du code des relations entre le public et l'administration, et qu'une telle occultation ne conduise pas à priver de son sens le document sollicité. La demande de M. B... étant restée sans réponse, il a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite de refus de la directrice départementale de la sécurité publique de la Haute-Corse et d'enjoindre au ministre de l'intérieur de lui communiquer ce rapport. M. B... se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 29 décembre 2021 par laquelle le président du tribunal administratif de Bastia a, d'une part, prononcé un non-lieu à statuer au motif que le document avait été produit en cours d'instance par le ministre de l'intérieur et, d'autre part, rejeté le surplus des conclusions de la demande. 2. Aux termes de l'article L. 300-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Sont considérés comme documents administratifs (...) les documents élaborés ou détenus par l'Etat, les collectivités territoriales ainsi que par les autres personnes de droit public ou les personnes de droit privé chargées de la gestion d'un service public, dans le cadre de leur mission de service public ". En vertu de l'article L.311-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Sous réserve des dispositions des articles L. 311-5 et L. 311-6, les administrations mentionnées à l'article L. 300-2 sont tenues de publier en ligne ou de communiquer les documents administratifs qu'elles détiennent aux personnes qui en font la demande, dans les conditions prévues par le présent livre ". Aux termes de l'article L. 311-5 du même code : " Ne sont pas communicables (...) les documents administratifs dont la communication porterait atteinte (...) 2° d) A la sûreté de l'Etat, à la sécurité publique, à la sécurité des personnes ou à la sécurité des systèmes d'information (...)/ g) A la recherche et à la prévention, par les services compétents, d'infraction de toute nature (...). " Aux termes de l'article L. 311-6 du même code : " Ne sont communicables qu'à l'intéressé les documents administratifs : / (...) - 1° Dont la communication porterait atteinte à la protection de la vie privée (...) ; / 2° Portant une appréciation ou un jugement de valeur sur une personne physique, nommément désignée ou facilement identifiable ; / 3° Faisant apparaître le comportement d'une personne, dès lors que la divulgation de ce comportement pourrait lui porter préjudice (...) ". Enfin, aux termes de l'article L. 311-7 de ce code : " Lorsque la demande porte sur un document comportant des mentions qui ne sont pas communicables en application des articles L. 311-5 et L. 311-6 mais qu'il est possible d'occulter ou de disjoindre, le document est communiqué au demandeur après occultation ou disjonction de ces mentions ". 3. Aux termes de l'article 21 du décret du 12 août 2013 portant organisation de l'administration centrale du ministère de l'intérieur et du ministère des outre-mer : " La direction centrale de la sécurité publique est une direction active de la direction générale de la police nationale. / Sous réserve des compétences du préfet de police et de dispositions particulières relatives à la répartition des compétences entre les forces de sécurité intérieure, la direction centrale de la sécurité publique est chargée de l'exercice des missions de sécurité et de paix publiques dans les communes où la police est étatisée. / Elle concourt à l'exercice des missions de police judiciaire sur l'ensemble du territoire (...) ". En vertu de l'article 1er du décret du 27 juin 2008 relatif à l'organisation déconcentrée de la direction centrale de la sécurité publique : " Les services déconcentrés du ministère de l'intérieur chargés des missions relevant de la compétence de la direction centrale de la sécurité publique définies à l'article 21 du décret n° 2013-728 du 12 août 2013 portant organisation de l'administration centrale du ministère de l'intérieur et du ministère des outre-mer sont : / (...) - dans chaque département de métropole, les directions départementales de la sécurité publique sauf à Paris, dans les départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne et dans les ressorts des directions territoriales de la police nationale (...) ". Aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 1er février 2011 relatif aux missions et à l'organisation de la direction centrale de la sécurité publique : " La direction centrale de la sécurité publique définit la doctrine générale et la stratégie en vue d'assurer les missions qui lui sont confiées. / Elle exerce son autorité sur l'ensemble des services, dont elle détermine l'organisation et les modes de fonctionnement. Elle définit les règles d'emploi des personnels, dont elle anime l'action et contrôle et évalue l'activité (...) ". Elle comprend notamment une sous-direction des audits et du contrôle interne qui, en vertu de l'article 8 de cet arrêté, " réalise des audits et évalue l'organisation et le fonctionnement des services déconcentrés auprès desquels elle remplit une fonction d'appui et d'assistance technique, sans préjudice des attributions de l'inspection générale de la police nationale. / Elle définit les processus de contrôle à mettre en œuvre pour une meilleure maîtrise des risques en sécurité publique et assure l'animation du réseau des contrôleurs internes. / Elle assure l'exploitation et le suivi des audits. A partir de leur analyse, elle réalise, d'initiative ou à la demande du directeur central, des études portant sur l'amélioration de l'organisation ou du fonctionnement des services de sécurité publique ". 4. Il résulte de ce qui précède que les rapports d'audit et les études adressés par la direction centrale de la sécurité publique aux directeurs départementaux de la sécurité publique à la suite des contrôles effectués dans leurs services déconcentrés sont des documents administratifs au sens l'article L. 300-2 du code des relations entre le public et l'administration. Saisi d'un recours relatif au refus de communication de tels documents, il incombe au juge du fond d'examiner si les éléments contenus dans les documents dont il est demandé communication peuvent notamment porter atteinte aux intérêts ou aux secrets protégés par la loi et faire ainsi obstacle à cette communication. 5. Si le juge administratif a la faculté, par une appréciation souveraine, d'ordonner avant-dire droit la production devant lui, par les administrations compétentes, des documents dont le refus de communication constitue l'objet même du litige, sans que la partie à laquelle ce refus a été opposé ait le droit d'en prendre connaissance au cours de l'instance, il ne commet d'irrégularité en s'abstenant de le faire que si l'état de l'instruction ne lui permet pas de déterminer, au regard des contestations des parties, le caractère légalement communicable de ces documents ou d'apprécier les modalités de cette communication. A cet égard, dans le cas où tous les éléments d'information que doit comporter un document administratif sont définis par un texte, le juge administratif, saisi d'un litige relatif au refus de le communiquer, peut, sans être tenu d'en ordonner la production, décider si, eu égard au contenu des informations qui doivent y figurer, il est, en tout ou partie, communicable. En revanche, lorsque le contenu d'un document administratif n'est défini par aucun texte, le juge ne saurait, au seul motif qu'il est susceptible de comporter des éléments couverts par un secret que la loi protège, décider qu'il n'est pas communicable, sans avoir au préalable ordonné sa production, hors contradictoire, afin d'apprécier l'ampleur des éléments protégés et la possibilité de communiquer le document après leur occultation. 6. Ni l'objet, ni le contenu des rapports d'audit adressés par la direction centrale de la sécurité publique aux directions départementales de la sécurité publique à l'issue de contrôles effectués dans leurs services déconcentrés ne sont définis par aucun texte. Il suit de là que le président du tribunal administratif de Bastia a entaché son ordonnance d'irrégularité en estimant, sans s'être fait produire au préalable hors contradictoire le document dans une version intégrale, que la communication à M. B... par le ministre de l'intérieur d'une version occultée du rapport d'audit et de contrôle interne privait le litige de son objet, alors qu'il était soutenu devant lui que certaines des mentions occultées avaient un caractère communicable. 7. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens du pourvoi, M. B... est fondé à demander l'annulation de l'ordonnance qu'il attaque. 8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à M. B..., au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. D E C I D E : -------------- Article 1er : L'ordonnance du président du tribunal administratif de Bastia du 29 décembre 2021 est annulée. Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Bastia. Article 3 : L'Etat versera à M. B... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Délibéré à l'issue de la séance du 22 juin 2023 où siégeaient : M. Bertrand Dacosta, président de chambre, présidant ; Mme Nathalie Escaut, conseillère d'Etat et Mme Alexandra Bratos, auditrice-rapporteure. Rendu le 26 juillet 2023. Le président : Signé : M. Bertrand Dacosta La rapporteure : Signé : Mme Alexandra Bratos La secrétaire : Signé : Mme Chloé-Claudia Sediang
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Vu la procédure suivante : M. A... D... et Mme E... D... ont demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler pour excès de pouvoir, d'une part, la transmission des informations recueillies concernant leur famille opérée par le service territorial des solidarités de Pignan au service départemental de l'information préoccupante du département de l'Hérault, d'autre part, la qualification de ces informations par le département de l'Hérault de préoccupantes au sens des articles L. 226-3 et R. 226-2-2 du code de l'action sociale et des familles et, enfin, l'engagement par le même département d'une évaluation de la situation de leurs deux enfants mineurs, B... et C..., confiée à l'équipe pluridisciplinaire sur le fondement du I de l'article D. 226-2-4 du code de l'action sociale et des familles. Par une ordonnance n° 2104156 du 9 mars 2022, la présidente de la 6ème chambre du tribunal administratif de Montpellier a rejeté cette demande comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître. Par une requête, enregistrée le 11 avril 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... D... et Mme E... D... demandent au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler cette ordonnance ; 2°) de mettre à la charge du département de l'Hérault la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code de l'action sociale et des familles ; - le code civil ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de Mme Agnès Pic, maître des requêtes en service extraordinaire, - les conclusions de M. Mathieu Le Coq, rapporteur public ; La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Zribi, Texier, avocat de M. et Mme D... ; Considérant ce qui suit : 1. Il ressort des pièces du dossier qu'à la suite de la transmission, le 25 mai 2021, par le Service national d'accueil téléphonique pour l'enfance en danger (SNATED), d'une information concernant l'enfant B... D..., né le 22 février 2017, le service départemental de l'information préoccupante du département de l'Hérault a fait procéder par le service départemental des solidarités de Pignan à une évaluation de la situation B... et de son frère C..., né le 17 juin 2019. Estimant qu'il n'avait pu être procédé à cette évaluation de manière satisfaisante, le président du conseil départemental a, le 10 septembre 2021, décidé de saisir l'autorité judiciaire. Le 15 novembre 2021, le juge des enfants du tribunal judiciaire de Montpellier a jugé qu'il n'y avait pas lieu d'instituer une mesure de protection à l'égard B... et C... D.... M. et Mme D... exercent une voie de recours à l'encontre de l'ordonnance du 9 mars 2022 par laquelle la présidente de la 6ème chambre du tribunal administratif de Montpellier a rejeté comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître leur demande d'annulation dirigée, d'une part, contre la transmission des informations recueillies concernant leur famille opérée par le service territorial des solidarités de Pignan au service départemental de l'information préoccupante du département de l'Hérault, d'autre part, la qualification de ces informations par le département de l'Hérault de préoccupantes au sens des articles L. 226-3 et R. 226-2-2 du code de l'action sociale et des familles et, enfin, l'engagement par le même département d'une évaluation de la situation de leurs deux enfants mineurs, B... et C..., confiée à l'équipe pluridisciplinaire sur le fondement du I de l'article D. 226-2-4 du code de l'action sociale et des familles. 2. Aux termes de l'article R. 811-1 du code de justice administrative : " Toute partie présente dans une instance devant le tribunal administratif ou qui y a été régulièrement appelée, alors même qu'elle n'aurait produit aucune défense, peut interjeter appel contre toute décision juridictionnelle rendue dans cette instance. / Toutefois, le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort : 1° Sur les litiges relatifs aux prestations, allocations ou droits attribués au titre de l'aide ou de l'action sociale, du logement ou en faveur des travailleurs privés d'emploi, mentionnés à l'article R. 772-5, y compris le contentieux du droit au logement défini à l'article R. 778-1 (...) ". 3. Aux termes de l'article R. 351-4 du code de justice administrative : " Lorsque tout ou partie des conclusions dont est saisi un tribunal administratif, une cour administrative d'appel ou le Conseil d'Etat relève de la compétence d'une de ces juridictions administratives, le tribunal administratif, la cour administrative d'appel ou le Conseil d'Etat, selon le cas, est compétent, nonobstant les règles de répartition des compétences entre juridictions administratives, pour rejeter les conclusions entachées d'une irrecevabilité manifeste insusceptible d'être couverte en cours d'instance, pour constater qu'il n'y a pas lieu de statuer sur tout ou partie des conclusions ou pour rejeter la requête en se fondant sur l'irrecevabilité manifeste de la demande de première instance. " 4. D'une part, l'article L. 221-1 du code de l'action sociale et des familles prévoit, dans sa rédaction applicable au litige, que l'organisation du recueil et de la transmission, dans les conditions prévues à l'article L. 226-3 de ce code, des informations préoccupantes relatives aux mineurs dont la santé, la sécurité, la moralité sont en danger ou risquent de l'être ou dont l'éducation ou le développement sont compromis ou risquent de l'être, ainsi que la participation à la protection de ces mineurs, sont au nombre des missions dont est chargé le service de l'aide sociale à l'enfance, service non personnalisé du département placé, en vertu de l'article L. 221 2 du même code, sous l'autorité du président du conseil départemental. Aux termes de l'article L. 226-3 du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " Le président du conseil départemental est chargé du recueil, du traitement et de l'évaluation, à tout moment et quelle qu'en soit l'origine, des informations préoccupantes relatives aux mineurs en danger ou qui risquent de l'être. Le représentant de l'État et l'autorité judiciaire lui apportent leur concours. (...) L'évaluation de la situation d'un mineur à partir d'une information préoccupante est réalisée par une équipe pluridisciplinaire de professionnels identifiés et formés à cet effet. A cette occasion, la situation des autres mineurs présents au domicile est également évaluée. (...) Après évaluation, les informations individuelles font, si nécessaire, l'objet d'un signalement à l'autorité judiciaire (...) ". 5. D'autre part, aux termes du I de l'article 226-4 du code de l'action sociale et des familles : " Le président du conseil départemental avise sans délai le procureur de la République aux fins de saisine du juge des enfants lorsqu'un mineur est en danger au sens de l'article 375 du code civil et : / 1° Qu'il a déjà fait l'objet d'une ou plusieurs actions mentionnées aux articles L. 222-3 et L. 222-4-2 et au 1° de l'article L. 222-5, et que celles-ci n'ont pas permis de remédier à la situation ; / 2° Que, bien que n'ayant fait l'objet d'aucune des actions mentionnées au 1°, celles-ci ne peuvent être mises en place en raison du refus de la famille d'accepter l'intervention du service de l'aide sociale à l'enfance ou de l'impossibilité dans laquelle elle se trouve de collaborer avec ce service ; / 3° Que ce danger est grave et immédiat, notamment dans les situations de maltraitance./ Il avise également sans délai le procureur de la République lorsqu'un mineur est présumé être en situation de danger au sens de l'article 375 du code civil mais qu'il est impossible d'évaluer cette situation (...) ". Aux termes de l'article 375 du code civil : " Si la santé, la sécurité ou la moralité d'un mineur non émancipé sont en danger, ou si les conditions de son éducation ou de son développement physique, affectif, intellectuel et social sont gravement compromises, des mesures d'assistance éducative peuvent être ordonnées par justice à la requête (...) du ministère public. Dans les cas où le ministère public a été avisé par le président du conseil départemental, il s'assure que la situation du mineur entre dans le champ d'application de l'article L. 226-4 du code de l'action sociale et des familles. (...) ". 6. Si le litige opposant M. et Mme D... au département de l'Hérault portant, d'une part, sur la transmission des informations recueillies concernant leur famille opérée par le service territorial des solidarités de Pignan au service départemental de l'information préoccupante, d'autre part, sur la qualification de ces informations de préoccupantes au sens des articles L. 226-3 et R. 226-2-2 du code de l'action sociale et des familles et, enfin, sur l'engagement d'une évaluation de la situation de leurs deux enfants mineurs, B... et C..., confiée à l'équipe pluridisciplinaire sur le fondement du I de l'article D. 226-2-4 du code de l'action sociale et des familles, relève, contrairement à ce qu'a jugé à tort la présidente de la 6ème chambre du tribunal administratif de Montpellier, et alors même que le président du conseil départemental a ultérieurement décidé de saisir l'autorité judiciaire de la situation des deux enfants, de la compétence de la juridiction administrative, les conclusions d'annulation présentées par M. et Mme D... ne portent sur aucune décision faisant grief susceptible de recours pour excès de pouvoir, seule une action en responsabilité pouvant, le cas échéant, être envisagée. Par suite, la demande d'annulation présentée par M. et Mme D... devant le tribunal administratif de Montpellier, qui n'est par ailleurs pas au nombre des litiges visés au 1° de l'article R. 811-1 du code de justice administrative et ne relève d'aucune autre des exceptions à la règle énoncée à cet article, est manifestement irrecevable et les requérants ne sont pas fondés à se plaindre du rejet de leur demande par la présidente de la 6ème chambre de ce tribunal. 7. Il y a lieu, par conséquent, pour le Conseil d'Etat de rejeter leur appel, en application de l'article R. 351-4 du code de justice administrative, y compris les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. D E C I D E : -------------- Article 1er : La requête de M. et Mme D... est rejetée. Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A... D... et Mme E... D... et au département de l'Hérault. Copie en sera adressé au garde des sceaux, ministre de la justice et au ministre des solidarités, de l'autonomie et des personnes handicapées. Délibéré à l'issue de la séance du 10 juillet 2023 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Maud Vialettes, Mme Gaëlle Dumortier, présidentes de chambre ; M. Jean-Luc Nevache, M. Pierre Boussaroque, M. Damien Botteghi, M. Alban de Nervaux, M. Jérôme Marchand-Arvier, conseillers d'Etat et Mme Agnès Pic, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteure. Rendu le 20 juillet 2023. Le président : Signé : M. Rémy Schwartz La rapporteure : Signé : Mme Agnès Pic Le secrétaire : Signé : M. Hervé Herber
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Vu la procédure suivante : Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 29 juin 2022, 29 septembre 2022 et 18 avril 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association Autisme Espoir vers l'école demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 28 avril 2022 par laquelle le collège de la Haute Autorité de santé a adopté le document intitulé " Troubles du spectre de l'autisme - Évaluation de la méthode 3i " ; 2°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 20 décembre 2018 par laquelle la présidente de la Haute Autorité de santé a rejeté sa demande tendant au réexamen de la recommandation de bonne pratique " Autisme et autres troubles envahissants du développement : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées chez l'enfant et l'adolescent ", adoptée par cette autorité et par l'Agence nationale de l'évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux en mars 2012, en ce qui concerne la méthode des " 3i " ; 3°) d'enjoindre à la Haute Autorité de santé de recommander la méthode des " 3i " dans un délai de 45 jours, d'abroger la recommandation adoptée en mars 2012, de publier l'arrêt à intervenir sur son site Internet et dans le bulletin officiel santé-protection sociale-solidarité et d'élaborer, en collaboration avec les personnes intéressées, le référentiel méthodologique nécessaire à la conduite d'une évaluation indépendante des méthodes innovantes de prise en charge des troubles du spectre de l'autisme dans un délai qui ne saurait excéder six mois ; 4°) de mettre à la charge de la Haute Autorité de santé la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le code de la santé publique ; - le code de la sécurité sociale ; - le décret n° 2013-413 du 21 mai 2013 ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Sébastien Jeannard, maître des requêtes en service extraordinaire, - les conclusions de M. Mathieu Le Coq, rapporteur public ; La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de l'association Autisme Espoir vers l'école ; Vu la note en délibéré, enregistrée le 10 juillet 2023, présentée par l'association Autisme Espoir vers l'école ; Considérant ce qui suit : 1. En application de l'article L. 161-37 du code de la sécurité sociale aux termes duquel : " La Haute Autorité de santé (...) est chargée de : (...) / 2° Elaborer (...) les recommandations de bonne pratique, procéder à leur diffusion et contribuer à l'information des professionnels de santé et du public dans ces domaines (...) ", le collège de cette autorité publique indépendante à caractère scientifique a adopté, le 7 mars 2012, une recommandation de bonne pratique intitulée " Autisme et autres troubles envahissants du développement : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées chez l'enfant et l'adolescent ", qui mentionne la méthode dite des " 3i ", reposant sur une stimulation individuelle, interactive et intensive de l'enfant, au nombre des " interventions globales non recommandées ". 2. Par une décision du 23 décembre 2020, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a, eu égard notamment aux motifs figurant au point 15 de cette décision, rejeté la requête de l'association Autisme Espoir vers l'école, qui accompagne les familles d'enfants souffrant de troubles autistiques et promeut cette méthode, tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de la décision du 20 décembre 2018 de la présidente de la Haute Autorité de santé ayant rejeté la demande de l'association tendant au réexamen de la recommandation de bonne pratique du 7 mars 2012 pour que cette méthode ne soit plus mentionnée au nombre des " interventions globales non recommandées " et à ce qu'il soit enjoint à la Haute Autorité de santé de procéder au réexamen de cette recommandation. Il a notamment indiqué, au point 15 de cette décision, que ce refus ne revêtait pas un caractère manifestement erroné au regard des données acquises de la science. Il a précisé qu'il appartenait cependant à la Haute Autorité de santé, eu égard à l'évolution des connaissances et des pratiques dans la prise en charge de l'autisme depuis sa recommandation de 2012 et aux enjeux que comporte cette prise en charge pour les enfants et pour leur famille, de déterminer un cadre et d'élaborer un référentiel méthodologique permettant d'assurer une évaluation indépendante des méthodes telles que celle des " 3i " pour préparer les travaux nécessaires au réexamen de la recommandation de bonne pratique de mars 2012 à bref délai. 3. Par une décision du 28 avril 2022, le collège de la Haute Autorité de santé a adopté un document intitulé " Troubles du spectre de l'autisme - Évaluation de la méthode 3i ". L'association Autisme Espoir vers l'école demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir cette décision. Les conclusions par lesquelles elle demande également, de nouveau, l'annulation pour excès de pouvoir de la décision du 20 décembre 2018 doivent être regardées, eu égard aux conclusions à fin d'injonction dont les conclusions à fin d'annulation sont, dans leur ensemble, assorties, comme tendant, en réalité, aux mêmes fins. 4. En premier lieu, la Haute Autorité de santé a pu, en l'espèce, lorsqu'elle a choisi la procédure d'évaluation lui semblant la plus pertinente, opter, comme elle indique dans sa décision l'avoir fait, sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation ni, en tout état de cause, porter atteinte au principe d'égalité, pour la méthode selon laquelle elle élabore habituellement ses recommandations pour la pratique clinique, en l'adaptant à ce cas particulier pour tenir compte de ce qu'elle n'avait jusqu'alors été utilisée que pour une recommandation dans son ensemble et non pour un seul mode de prise en charge, en faisant appel à une recherche systématique de la littérature disponible, à la réunion d'un groupe de travail, à l'audition par ce groupe de travail de représentants de l'association Autisme espoir vers l'école, à la consultation d'un groupe de lecture composé de professionnels et de représentants de patients et d'usagers du système de santé élargis aux représentants des spécialités médicales, professions ou de la société civile non présents dans le groupe de travail, complétée par l'interrogation d'un groupe d'experts internationaux, ainsi qu'à une analyse des commentaires du groupe de lecture et des avis du groupe d'experts internationaux par le groupe de travail, avant la rédaction de la version finale du rapport adoptée par le collège. Elle ne peut être regardée, en tout état de cause, comme ayant porté atteinte à l'autorité de la chose jugée attachée à la décision du 23 décembre 2020 du Conseil d'Etat, statuant au contentieux, rendue dans les conditions décrites au point 2, ou à l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, au motif que l'évaluation ainsi menée n'aurait pas été précédée de la détermination d'un cadre et de l'élaboration d'un référentiel méthodologique permettant d'assurer une évaluation indépendante. 5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 1452-1 du code de la santé publique : " L'expertise sanitaire répond aux principes d'impartialité, de transparence, de pluralité et du contradictoire ". En vertu de l'article L. 1452-2 du code de la santé publique : " Une charte de l'expertise sanitaire, approuvée par décret en Conseil d'Etat, s'applique aux expertises réalisées dans les domaines de la santé et de la sécurité sanitaire à la demande du ministre chargé de la santé ou à la demande des autorités et des organismes mentionnés au I de l'article L. 1451-1. Elle précise les modalités de choix des experts, le processus d'expertise et ses rapports avec le pouvoir de décision, la notion de lien d'intérêts, les cas de conflit d'intérêts, les modalités de gestion d'éventuels conflits et les cas exceptionnels dans lesquels il peut être tenu compte des travaux réalisés par des experts présentant un conflit d'intérêts ". En application de ces dispositions, la charte de l'expertise sanitaire a été adoptée par un décret du 21 mai 2013. Elle précise notamment que : " La décision peut s'appuyer, si l'objet de l'expertise le justifie, sur la prise en compte des points de vue des parties prenantes (...) " et que : " Dans toutes les hypothèses (...), l'expertise doit s'appuyer sur : / - la complétude des données ou de l'état des connaissances existant sur la question posée ; / - la confrontation de différentes opinions, thèses ou écoles de pensées ; / - l'expression et l'argumentation d'éventuelles positions divergentes ". 6. D'une part, si l'association requérante fait valoir que l'une des douze membres du groupe de travail sur le projet de rapport d'évaluation, présidente d'une association d'usagers, aurait mis en garde une représentante d'une autre association d'usagers située à l'étranger à propos de la méthode des " 3i ", ce qui entacherait d'irrégularité les travaux ayant abouti à l'adoption de ce document, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressée aurait été mue par un intérêt personnel ou aurait eu un intérêt, au sens de l'article L. 1451-1 du code de la santé publique, aux questions soumises au groupe de travail. Il n'en ressort pas davantage qu'il puisse être déduit de cette mise en garde, d'ailleurs formulée dans le cadre d'échanges privés postérieurs aux travaux du groupe de travail, que la composition de ce dernier aurait été manifestement déséquilibrée du fait de la participation de l'intéressée à ces travaux ou que cette participation ait fait obstacle à ce que ceux-ci soient menés dans le respect du principe d'impartialité qui s'impose à tous les organes administratifs. 7. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que l'association requérante, qui a été regardée comme une " partie prenante " au sens des dispositions citées au point 6, a été informée par la Haute Autorité de santé de l'engagement de l'évaluation de la méthode des " 3i ", ainsi que de la procédure et du calendrier choisis, qu'elle a proposé deux des représentants de patients et d'usagers retenus comme membres du groupe de lecture et qu'elle a bénéficié d'une audition, ainsi qu'elle l'avait sollicité et selon les modalités qui avaient été convenues. Il en ressort également que les pièces et documents transmis par l'association au cours de la procédure d'évaluation ont été adressés aux membres du groupe de travail, du comité de lecture et du collège et examinés. Elle n'est ainsi pas fondée, alors même qu'elle fait valoir l'implication plus grande à laquelle elle aspirait, à soutenir que l'expertise n'aurait pas pris en compte son point de vue et qu'elle n'aurait pas été mise à même d'exprimer et d'argumenter sa position dans des conditions d'ailleurs conformes à la charte de l'expertise sanitaire, laquelle n'impliquait pas, en particulier, que le projet de rapport du groupe de travail lui soit transmis avant d'être soumis au collège de la Haute Autorité de santé. 8. En troisième lieu, d'une part, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en décrivant la méthode des " 3i " comme " une méthode française, inspirée du programme américain Son Rise (...) mise en œuvre au domicile de l'enfant" et en indiquant qu'elle " ne prévoit pas de mélange avec d'autres méthodes" et, ainsi, que " la fréquentation de l'école maternelle ou primaire est différée ou suspendue pendant les deux premières phases (qui durent généralement 1 à 2 ans) et les sorties hors de la maison sont considérablement limitées au début " le rapport, qui se réfère par ailleurs au site internet de l'association dont il précise le lien et la date de consultation, serait entaché d'erreurs de fait. 9. D'autre part, si l'association soutient que le rapport serait également entaché d'autres erreurs de fait, s'agissant en particulier de l'absence de fondements théoriques de cette méthode et de données sociologiques sur ses utilisateurs ou sur son coût, de l'absence de prise en compte des intérêts particuliers des enfants et de l'insuffisance de la formation des bénévoles et des psychologues mobilisés, ou encore de ce qu'une information propice à une décision éclairée concernant cette méthode ne pourrait être donnée aux parents en l'absence d'éléments de preuve suffisant, ces éléments relèvent, pour l'essentiel, non de faits sur lesquels le rapport s'appuierait, mais des seuls avis émis par les membres du groupe de lecture et du groupe d'experts internationaux consultés, relatés dans ses annexes. 10. Enfin, si la Haute Autorité de santé, conclut, après avoir relevé " l'insuffisance quantitative et qualitative des études publiées sur les 3i depuis 2012, ce qui contraste avec l'important corpus de données dans la littérature sur d'autres méthodes thérapeutiques recommandée par la Haute Autorité de santé dans le trouble du spectre autistique ", que " les données scientifiques identifiées ne permettent pas de juger ni de conclure à l'efficacité et à la sécurité de la méthode " et estime que " cette méthode soulève des questions par son caractère exclusif et par le fait qu'une information propice à une décision éclairée concernant cette méthode ne peut être donnée aux parents en l'absence d'élément de preuve suffisant ", cette appréciation, qui n'est pas davantage entachée d'erreurs de fait, ne présente pas un caractère manifestement erronée au regard des données actuellement acquises de la science. 11. Il résulte de tout ce qui précède que l'association Autisme Espoir vers l'école n'est pas fondée à demander l'annulation des décisions qu'elle attaque. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être également rejetées. D E C I D E : -------------- Article 1er : La requête de l'association Autisme Espoir vers l'école est rejetée. Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'association Autisme Espoir vers l'école et à la Haute Autorité de santé. Délibéré à l'issue de la séance du 10 juillet 2023 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Maud Vialettes, présidente de chambre ; M. Jean-Luc Nevache, M. Pierre Boussaroque, M. Damien Botteghi, M. Alban de Nervaux, M. Jérôme Marchand-Arvier, conseillers d'Etat et M. Sébastien Jeannard, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteur. Rendu le 20 juillet 2023. Le président : Signé : M. Rémy Schwartz Le rapporteur : Signé : M. Sébastien Jeannard Le secrétaire : Signé : M. Hervé Herber
JADE/CETATEXT000047800313.xml
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : La société en nom collectif (SNC) Groupe B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2011. Par un jugement n° 1909444 du 3 mars 2021, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 2 mai 2021 et un mémoire en réplique, enregistré le 13 août 2021, la SNC Groupe B... A..., représentée par Mes Philip et de Stefano, avocats, demande à la Cour : 1°) de réformer le jugement entrepris ; 2°) de prononcer la décharge des impositions et pénalités litigieuses ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le jugement attaqué est entaché d'erreurs de droit et d'une dénaturation des faits et pièces de la procédure ; - le tribunal a omis de répondre à l'ensemble des arguments venant au soutien du moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 51 du livre des procédures fiscales, entachant ainsi son jugement d'un défaut de réponse à conclusions ; - la procédure d'imposition est irrégulière, dès lors qu'elle n'a pas bénéficié de la garantie relative à l'abandon des redressements envisagés en cas d'absence de réponse de l'administration dans un délai de soixante jours à compter de la réception des observations du contribuable, prévue à l'article L. 57 A du livre des procédures fiscales ; - en retenant que le seuil du chiffre d'affaires visé à l'article L. 57 du livre des procédures fiscales s'entendait du montant rectifié par l'administration et non du montant déclaré par le contribuable, l'administration a entaché le rehaussement d'une erreur de droit ; - l'administration fiscale a procédé à deux vérifications de comptabilité successives portant sur la même période et les mêmes impositions en méconnaissance de l'article L. 51 du livre des procédures fiscales ; - l'administration a manqué à ses obligations tenant à l'organisation d'un débat oral et contradictoire en cours de vérification de comptabilité ; elle a méconnu sa propre doctrine ; - les propositions de rectification des 19 décembre 2013 et 30 octobre 2014 sont insuffisamment motivées sur plusieurs chefs de redressements ; - l'administration a manqué à ses obligations d'information et de communication résultant de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales, portant ainsi atteinte au principe des droits de la défense ; - les impositions sont dépourvues de bien-fondé, la SNC Groupe B... A... étant redevenue déficitaire par l'effet de l'annulation judiciaire de la sentence arbitrale dont elle avait bénéficié le 7 juillet 2008 et ses comptes bancaires ayant été saisis ; - le manquement délibéré constituant le fondement de la majoration de 40 % qui lui est infligé en application de l'article 1729 du code général des impôts n'est pas établi, faute pour l'administration d'apporter la preuve qui lui incombe. Par des mémoires en défense, enregistrés le 12 juillet 2021 et le 18 novembre 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés. Par ordonnance n° 21PA02348 du 21 octobre 2021, le président de la 9ème chambre de la Cour a conclu au non-lieu à transmission de la question prioritaire de constitutionnalité présentée pour la SNC Groupe B... A... par Mes Philip et de Stefano par mémoire distinct, enregistré le 13 août 2021. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Lorin, - et les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. La société Groupe B... A... (SNC GBT), qui est une société holding gérant les sociétés dirigées par M. B... A..., soumise à l'impôt sur les sociétés, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre de l'exercice clos en 2011. A l'issue de cette procédure, l'administration fiscale a procédé à un rehaussement en base d'impôt sur les sociétés selon la procédure de rectification contradictoire. Ce rehaussement, notifié par deux propositions de rectification datées respectivement des 19 décembre 2013 et 30 octobre 2014, a été assorti de l'intérêt de retard prévu à l'article 1727 du code général des impôts et de la majoration de 40 % prévue par les dispositions de l'article 1729 du même code. La SNC Groupe B... A... relève régulièrement appel du jugement du 3 mars 2021 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des impositions en litige. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. En premier lieu, les moyens tirés de ce que les premiers juges auraient commis une erreur de droit dans l'application des dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales et auraient dénaturé les faits et pièces soumis à leur appréciation dans le cadre de l'examen du caractère contradictoire de la procédure de vérification de comptabilité mise en œuvre par l'administration, qui ne sont pas susceptibles d'être utilement soulevés devant le juge d'appel mais seulement devant le juge de cassation, remettent en cause le bien-fondé du jugement, et non sa régularité. Il y sera donc statué à l'occasion de l'examen du bien-fondé du jugement. 3. En second lieu, d'une part, si la société Groupe B... A... reproche au tribunal un défaut de réponse à des conclusions, il résulte du dossier de première instance, transmis à sa demande à la Cour, que les premiers juges ont statué sur l'ensemble des conclusions qui leur étaient soumises par la société dans ses écritures de première instance. Le moyen tiré de l'omission à statuer sur des conclusions doit, par suite, être écarté comme non fondé. D'autre part, il ressort de la lecture du point 4 du jugement attaqué que les juges de première instance, qui n'étaient pas tenus de répondre à tous les arguments présentés par la société, ont énoncé de manière suffisamment précise les éléments de faits pertinents au soutien de leur raisonnement et les motifs par lesquels ils ont écarté le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 51 du livre des procédures fiscales. Le jugement contesté répond à cet égard à l'obligation de motivation posée à l'article L. 9 du code de justice administrative. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition : 4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 57 A du livre des procédures fiscales dans sa version alors en vigueur : " I.- En cas de vérification de comptabilité d'une entreprise ou d'un contribuable exerçant une activité industrielle ou commerciale dont le chiffre d'affaires est inférieur à 1 526 000 € s'il s'agit d'entreprises dont le commerce principal est de vendre des marchandises, objets, fournitures et denrées à emporter ou à consommer sur place ou de fournir le logement, ou à 460 000 € s'il s'agit d'autres entreprises ou d'un contribuable se livrant à une activité non commerciale dont le chiffre d'affaires ou le montant annuel des recettes brutes est inférieur à 460 000 €, l'administration répond dans un délai de soixante jours à compter de la réception des observations du contribuable faisant suite à la proposition de rectification mentionnée au premier alinéa de l'article L. 57. Le défaut de notification d'une réponse dans ce délai équivaut à une acceptation des observations du contribuable. (...) ". 5. Il résulte des dispositions précitées que le plafond de référence du chiffre d'affaires obligeant l'administration à répondre dans un délai de soixante jours à réception des observations du contribuable doit s'entendre non du chiffre d'affaires déclaré par le contribuable avant l'engagement d'un contrôle, mais du chiffre d'affaires rectifié par l'administration après une proposition de rectification. En l'espèce, il résulte de l'instruction que si la société a déclaré un chiffre d'affaires à hauteur de 450 000 euros au titre de l'exercice clos au 30 juin 2011, le chiffre d'affaires tel que rectifié par l'administration fiscale à l'issue de la vérification de comptabilité dont elle a fait l'objet s'élevait à la somme de 17 951 497 euros. Par suite, contrairement à ce que soutient la SNC Groupe B... A..., l'administration fiscale n'était pas tenue de répondre aux observations présentées par la société à l'appui d'un courrier du 12 février 2014 dans le délai de soixante jours visé par les dispositions de l'article L. 57 A du livre des procédures fiscales, inapplicables au cas d'espèce, ainsi que l'ont relevé à bon droit les juges de première instance et n'a pas davantage commis d'erreur de droit en retenant, pour l'application de ces dispositions, le chiffre d'affaires rectifié à la suite de la vérification opérée. 6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 51 du livre des procédures fiscales dans sa version alors en vigueur : " Lorsque la vérification de la comptabilité, pour une période déterminée, au regard d'un impôt ou taxe ou d'un groupe d'impôts ou de taxes est achevée, l'administration ne peut procéder à une nouvelle vérification de ces écritures au regard des mêmes impôts ou taxes et pour la même période. / Toutefois, il est fait exception à cette règle : / (...) 6° Dans les cas prévus à l'article L. 188 A après l'intervention de la réponse de l'autorité compétente de l'autre Etat ou territoire ; (...) ". Aux termes de l'article L. 188 A du même livre : " Lorsque l'administration a, dans le délai initial de reprise, demandé à l'autorité compétente d'un autre Etat ou territoire des renseignements concernant un contribuable, elle peut réparer les omissions ou les insuffisances d'imposition afférentes à cette demande, même si le délai initial de reprise est écoulé, jusqu'à la fin de l'année qui suit celle de la réception de la réponse et, au plus tard, jusqu'au 31 décembre de la troisième année suivant celle au titre de laquelle le délai initial de reprise est écoulé. / Le présent article s'applique dans la mesure où le contribuable a été informé de l'existence de la demande de renseignements dans le délai de soixante jours suivant son envoi ainsi que de l'intervention de la réponse de l'autorité compétente de l'autre Etat ou territoire dans le délai de soixante jours suivant sa réception par l'administration ". 7. D'une part, il résulte de ces dispositions que la mise en œuvre de la procédure prévue à l'article L. 188 A du livre des procédures fiscales, qui permet à l'administration de solliciter des renseignements d'un autre Etat, ne constitue pas une modalité de la vérification sur place des livres ou documents comptables de la société vérifiée. Lorsqu'après la fin des opérations de contrôle sur place, le vérificateur obtient des pièces nouvelles, celles-ci sont présumées ne pas avoir fait l'objet d'un débat oral et contradictoire, sauf preuve contraire rapportée par l'administration. L'absence de débat, dans une telle hypothèse, n'est en principe pas de nature à affecter la régularité de la procédure d'imposition, sauf s'il apparaît que les pièces recueillies après la fin des opérations de vérification, en raison de leur teneur, de leur portée et de l'usage qui en a été fait par l'administration, impliquaient la réouverture du débat oral et contradictoire sur la comptabilité de l'entreprise. 8. En l'espèce, il résulte de l'instruction qu'à l'issue de la vérification sur place qui s'est terminée le 21 novembre 2013, l'administration fiscale a informé la société, par un courrier recommandé du 8 septembre 2014, réceptionné le lendemain, de la réponse des autorités luxembourgeoises à sa demande de renseignements reçue le 27 août précédent. Ces éléments d'information se rapportaient aux intérêts acquis par la société dans le cadre d'un contrat de capitalisation souscrit auprès de la compagnie luxembourgeoise SOGELIFE visé au § IV.4 de la proposition de rectification du 19 décembre 2013 relatif aux produits sur contrat de capitalisation. Ces éléments étaient nécessaires pour déterminer précisément le montant de redressement en cause. Compte tenu de leur teneur, de leur portée et de l'usage qui en était fait, ces informations impliquaient ainsi nécessairement la réouverture d'un débat oral et contradictoire dès lors qu'ils étaient recueillis postérieurement aux opérations de contrôle et allaient être utilisés pour compléter les rectifications envisagées. Le vérificateur a en conséquence proposé à la société, par un courriel du 15 octobre 2014, la tenue d'un nouveau rendez-vous organisé le 29 octobre 2014. En soumettant au débat contradictoire, dans le cadre d'une nouvelle réunion de synthèse, les pièces obtenues à la suite d'une mesure d'assistance administrative internationale et qui ont servi à fonder une partie des rehaussements en litige notifiés par la proposition de rectification du 30 octobre 2014, l'administration fiscale a poursuivi le débat sur la base d'éléments obtenus postérieurement à la fin des opérations de vérification pour compléter ce même contrôle, sans procéder irrégulièrement à une nouvelle vérification de comptabilité. Par suite le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 51 du livre des procédures fiscales doit être écarté. 9. D'autre part, si, s'agissant du chef de redressement portant sur l'insuffisance d'actif résultant d'un prêt accordé par la SNC Groupe B... A... à M. C... A..., non visé par la proposition de rectification du 19 décembre 2013, la proposition de rectification complémentaire du 30 octobre 2014 doit être regardée comme résultant, en méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 51 du livre des procédures fiscales, d'une deuxième vérification portant sur le même impôt et le même exercice, cette irrégularité, en l'espèce, est sans incidence sur les impositions en litige, aucune imposition n'ayant été établie à raison de ce chef de redressement. 10. En troisième lieu, la SNC Groupe B... A... a accusé réception le 9 septembre 2014 du courrier de l'administration fiscale l'informant de la réception de la réponse des autorités fiscales luxembourgeoises à sa demande de renseignements. La circonstance que le courriel du 15 octobre 2014 proposant la tenue d'un nouvel entretien ne fasse pas référence à la réponse obtenue des autorités luxembourgeoises ne permet pas de révéler l'absence d'échange contradictoire sur les éléments d'information obtenus dans le cadre de cette demande d'assistance internationale et discutés à l'occasion de la dernière réunion de synthèse du 29 octobre 2014. Par ailleurs, cette réunion, qui n'a pas eu pour objet de procéder à un nouvel examen de la comptabilité de la société, n'impliquait pas l'envoi préalable d'un avis de vérification ou la communication des documents obtenus devant l'administration fiscale luxembourgeoise. Par suite, la SNC Groupe B... A..., à laquelle incombe la charge d'établir l'existence d'un manquement au débat oral et contradictoire, dès lors que la vérification de sa comptabilité a été effectuée, comme il est de règle, dans ses locaux, ou, à sa demande, au cabinet de son conseil, n'établit pas le manquement allégué au principe du débat oral et contradictoire. En outre, si la SNC Groupe B... A... soutient que l'administration a méconnu les énonciations de sa propre doctrine, la documentation citée (BOI-CF-PGR-10-60 n° 170 du 16 janvier 2019 et BOI-CF-PGR-20-40 n° 210 et 220 du 4 octobre 2017), au demeurant postérieure aux impositions en litige, a trait à la procédure d'imposition et ne peut être utilement invoquée sur le fondement des dispositions du second alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales. 11. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) ". Aux termes de l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée (...) ". 12. Hormis le cas où elle se réfère à un document qu'elle joint à la proposition de rectification ou à la réponse aux observations du contribuable, l'administration peut satisfaire à son obligation de motivation en se bornant à se référer aux motifs retenus dans une proposition de rectification, ou une réponse aux observations du contribuable, consécutive à un précédent contrôle et qui lui a été régulièrement notifiée, à la condition qu'elle identifie précisément la proposition de rectification ou la réponse en cause et que celle-ci soit elle-même suffisamment motivée. 13. D'une part, la proposition de rectification du 19 décembre 2013 précise, s'agissant des avances de trésorerie consenties par la SNC Groupe B... A... à ses filiales, l'ensemble des comptes courants d'associés qui présentent des soldes débiteurs ainsi que les noms des filiales. Elle précise que ces avances de trésorerie consenties sans intérêts, sans échéance et sans condition de remboursement sont constitutives d'un acte anormal de gestion et indique, le taux d'intérêt appliqué pour déterminer le montant des intérêts non réclamés constitutifs du rehaussement, correspondant au taux moyen mensuel sur les encours des dépôts auprès des institutions financières monétaires pour les titres d'OPCVM monétaires. Dans ces conditions, et contrairement à ce que soutient la société, la proposition de rectification était suffisamment motivée pour lui permettre de formuler utilement ses observations ou de faire connaître son acceptation de la rectification qui lui était proposée. 14. D'autre part, et contrairement à ce que soutient la SNC Groupe B... A..., l'administration n'a pas motivé les propositions de rectifications des 19 décembre 2013 et 30 octobre 2014 par référence à onze documents dont la copie n'a pas été jointe, mais a uniquement mentionné les documents comptables et juridiques, obtenus de la société dans le cadre de la vérification de comptabilité, sur lesquels elle s'est fondée pour établir les rehaussements, tels que des factures d'honoraires, des contrats de capitalisation ou des relevés de comptes bancaires, ainsi que, s'agissant du redressement relatif au produit de contrats de capitalisation, la réponse apportée par les autorités luxembourgeoises à sa demande d'assistance administrative internationale. Il est en outre constant que la société a pu présenter des observations et engager un débat contradictoire avec l'administration fiscale qui a conduit, le 17 février 2015, à la déduction du résultat imposable de la société d'une moins-value sur valeurs mobilières de placement d'un montant de 3 148 264 euros. 15. Enfin, s'agissant des modalités de détermination des produits financiers imposables mentionnés dans la proposition de rectification du 19 décembre 2013, l'administration a précisé les comptes concernés par des avances de trésorerie consenties sans intérêt par la société à ses filiales en relevant qu'elles n'avaient donné lieu à l'enregistrement d'aucun produit financier au cours de l'exercice. L'administration a précisé qu'il convenait d'appliquer, aux intérêts non réclamés, le taux moyen mensuel sur les encours des dépôts auprès des institutions financières monétaires pour les titres d'OPCVM monétaires, ces taux de rémunération constatés par la Banque de France figurant dans un tableau en page 9 de la proposition de rectification. Les modalités de détermination des produits financiers imposables ont également été détaillées dans les tableaux figurant à l'annexe 1 de la proposition de rectification afin de permettre à la société, compte tenu des indications qu'ils comportent, de reconstituer les modalités de calcul des taux d'intérêts. Par suite, les éléments figurant dans la proposition de rectification étaient suffisamment précis et explicites pour permettre à la société, comme elle l'a d'ailleurs fait, de formuler utilement ses observations. 16. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'insuffisance de motivation des propositions de rectifications doit être écarté. 17. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande. ". 18. D'une part, il résulte de ces dispositions qu'il incombe à l'administration, quelle que soit la procédure d'imposition mise en œuvre, d'informer le contribuable, avec une précision suffisante, de l'origine et de la teneur des renseignements obtenus auprès de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition, afin de permettre à l'intéressé, notamment, de discuter utilement leur provenance ou de demander que les documents qui, le cas échéant, contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent. Lorsque le contribuable en fait la demande à l'administration, celle-ci est tenue, lorsqu'elle en dispose, de lui communiquer avant la mise en recouvrement des impositions les documents ou copies de documents contenant les renseignements qu'elle a obtenus auprès de tiers et qui lui sont opposés. Il en va ainsi, sauf dans le cas d'informations librement accessibles au public, alors même que le contribuable a pu avoir connaissance de ces renseignements ou de certains d'entre eux, afin notamment de lui permettre d'en vérifier, et le cas échéant d'en discuter, l'authenticité et la teneur. 19. D'autre part, la méconnaissance, par l'administration, de l'obligation de communication prévue par ces dispositions affecte les impositions pour lesquelles elle a utilisé les renseignements et documents en cause, que ce soit pour conduire la procédure d'imposition ou pour déterminer le montant de l'impôt. 20. Pour remettre en cause la provision pour dépréciation de valeurs mobilières de placement comptabilisée par la société à hauteur de 12 031 708 euros et estimer qu'elle n'était justifiée qu'à hauteur de 590 740 euros, l'administration fiscale a comparé la valeur d'inscription à l'actif des titres Air France-KLM et BNP Paribas, sociétés cotées en bourses, et leur estimation à la date de clôture de l'exercice le 30 juin 2011 figurant en page 11 de la proposition de rectification du 19 décembre 2013. L'estimation de la valeur vénale des titres a ainsi été faite, en application des dispositions de l'article 38 septies de l'annexe III au code général des impôts, citées par l'administration, au regard d'informations librement accessibles au public dont l'administration n'avait pas à préciser l'origine ou les conditions d'obtention. En outre, si la société requérante soutient que la mention du " cours au 30 juin 2011 " n'aurait pas été suffisamment explicite, il résulte toutefois de ses observations présentées le 12 février 2014, qu'elle a confirmé le montant de la moins-value latente à hauteur de la somme retenue par l'administration et n'a sollicité, à aucun moment de la procédure, la communication des documents mentionnant le cours des actions avant la mise en recouvrement des impositions en litige. Par suite, d'une part, la proposition de rectification satisfait aux exigences des dispositions des articles L. 57 et R. 57-1 du livre des procédures fiscales. D'autre part, l'administration fiscale n'a pas en l'espèce manqué à l'obligation prescrite par l'article L. 76 B du même livre, ainsi que l'ont retenu à bon droit les juges de première instance. 21. S'agissant de la remise en cause de la provision pour dépréciation sur options d'achats et de vente d'actions, il résulte de l'instruction que l'administration a constaté que la société n'avait pas déclaré de positions symétriques prises au cours de l'exercice ou en cours à la clôture de l'exercice en déposant un document spécifique et ne remplissait ainsi pas les conditions fixées à l'article 38-6-3° du code général des impôts et au 2 C de l'annexe III. Ce constat, qui a servi de fondement à la reprise de la provision constituée, a ainsi été opéré au regard des propres déclarations de la société et des dispositions citées, rappelées dans la proposition de rectification, sans que l'administration ne se réfère à des informations ou à des pièces obtenues d'un tiers. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales doit être écarté. 22. En sixième lieu, aux termes de l'article L. 80 CA du livre des procédures fiscales : " La juridiction saisie peut, lorsqu'une erreur non substantielle a été commise dans la procédure d'imposition, prononcer, sur ce seul motif, la décharge des majorations et amendes, à l'exclusion des droits dus en principal et des intérêts de retard./ Elle prononce la décharge de l'ensemble lorsque l'erreur a eu pour effet de porter atteinte aux droits de la défense ou lorsqu'elle est de celles pour lesquelles la nullité est expressément prévue par la loi ou par les engagements internationaux conclus par la France ". 23. L'administration fiscale a relevé à l'appui de la proposition de rectification du 30 octobre 2014 une insuffisance d'actif correspondant à un prêt accordé par la société à M. C... A... le 26 mai 2011 pour un montant de 3 000 000 d'euros. Il résulte de l'instruction que si la société a sollicité à l'appui de ses observations du 3 janvier 2015 la communication de l'ensemble des éléments justifiant ce rehaussement, l'administration a reconnu, dans ses écritures présentées en première instance comme en appel, ne pas avoir transmis le contrat de prêt conclu le 26 mai 2011 entre la société et M. C... A..., transféré le 14 octobre 2014 à M. B... A.... Le manquement à cette obligation de communication n'a toutefois eu de conséquence que sur la seule fraction des impositions établie sur le fondement de ce contrat de prêt, redressement abandonné par l'administration fiscale le 22 décembre 2015 à l'issue de l'entretien organisé le 27 juillet 2015 avec l'interlocuteur départemental des impôts. Cette irrégularité, circonscrite à ce rehaussement, n'a pas eu pour conséquence d'entacher d'irrégularité l'ensemble de la procédure et n'a en l'espèce privé la société d'aucune garantie concernant les impositions en litige. Par suite, la SNC Groupe B... A... n'est pas fondée à soutenir, d'une part, que l'ensemble de la procédure se trouverait viciée en raison du défaut de communication par l'administration du contrat de prêt conclu le 26 mai 2011 et, d'autre part, que l'administration aurait porté atteinte aux droits de la défense. En ce qui concerne le bien-fondé des impositions : 24. Aux termes de l'article 38 du code général des impôts : " 1. Sous réserve des dispositions des articles 33 ter, 40 à 43 bis et 151 sexies, le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises, y compris notamment les cessions d'éléments quelconques de l'actif, soit en cours, soit en fin d'exploitation. / 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés (...) ". Aux termes de l'article 209 du même code : " I. Sous réserve des dispositions de la présente section, les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés sont déterminés d'après les règles fixées par les articles 34 à 45,53 A à 57,237 ter A et 302 septies A bis et en tenant compte uniquement des bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France, de ceux mentionnés aux a, e, e bis et e ter du I de l'article 164 B ainsi que de ceux dont l'imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions./Toutefois, par dérogation aux dispositions du deuxième alinéa de l'article 37, l'impôt sur les sociétés dû par les entreprises créées à compter du 1er janvier 1984 est établi, lorsqu'aucun bilan n'est dressé au cours de la première année civile d'activité, sur les bénéfices de la période écoulée depuis le commencement des opérations jusqu'à la date de clôture du premier exercice et, au plus tard, jusqu'au 31 décembre de l'année suivant celle de la création (...) ". 25. D'une part, la société soutient que la rétractation de la sentence arbitrale du 7 juillet 2008 et la condamnation de la SNC Groupe B... A..., solidairement avec la société FIBT et M. et Mme B... A... au remboursement des sommes versées en exécution de la sentence, prononcées par la cour d'appel de Paris les 17 février et 3 décembre 2015, entrainent l'annulation rétroactive des indemnités versées à ce titre. Elle fait valoir que les rehaussements ont été établis sur des sommes qui correspondent essentiellement à un décalage d'imposition sur des produits réalisés sur l'indemnité d'arbitrage, qui n'existent plus du fait des décisions juridictionnelles et qui concernent une période durant laquelle la société Groupe B... A... était largement déficitaire, comme en atteste la liasse fiscale rectificative établie au titre de l'exercice clos au 30 juin 2011. Toutefois, à supposer même que la rétractation de la sentence arbitrale mentionnée soit susceptible, à raison de son caractère rétroactif constitutif d'un événement, d'ouvrir à la société un droit à réclamation à raison d'un excédent d'actif net représenté par des dettes rétablies, ou d'une perte nette constatée sur les indemnités reçues ou versées, les chefs de redressement en litige ne trouvent pas leur origine dans un accroissement d'actif net ou dans un produit net né de l'exécution de la sentence arbitrale. Par suite, la rétractation de la sentence arbitrale est sans incidence sur le bien-fondé des redressements en litige, déterminés conformément au principe d'annualité de l'impôt et aux dispositions précitées de l'article 38 du code général des impôts à partir des valeurs d'actif et de passif constatées à la clôture de l'exercice 2011, et sans créer de surtaxe au détriment de la société. Par suite, il y a lieu d'écarter le moyen soulevé. 26. D'autre part, si la SNC Groupe B... A... soutient que la saisie de ses comptes bancaires en 2013 a pour effet de la priver de la disposition des intérêts financiers afférents notamment aux contrats de capitalisation qu'elle a souscrits, cette circonstance est sans incidence sur la disposition de ces mêmes intérêts au cours de l'exercice en litige, clos le 30 juin 2011, et le fait générateur de leur imposition au titre de cet exercice. En ce qui concerne les pénalités : 27. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...). ". Il incombe à l'administration, en application des dispositions de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales, d'établir l'absence de bonne foi du contribuable pour justifier de l'application d'une telle majoration. 28. Pour justifier l'application d'une majoration pour manquement délibéré dont les rehaussements en litige ont été assortis, l'administration s'est fondée sur l'importance et la nature des rehaussements notifiés et la répétition d'erreurs dont la société avait nécessairement connaissance en minorant sa base imposable, en maintenant des comptes d'associés débiteurs en pure libéralité et sans contrepartie au profit de son gérant et de sociétés tierces. Elle a également relevé, s'agissant des provisions sur valeurs mobilières de placement, que la société avait systématiquement et intentionnellement minoré sa base imposable en méconnaissance des principes de déductions prévues à l'article 39.1.5 du code général des impôts et avait minoré pour plusieurs millions d'euros les produits afférents au contrat de capitalisation SOGELIFE, le service vérificateur ayant dû avoir recours à une mesure d'assistance administrative internationale pour obtenir le montant réel de cette rémunération. Au vu de ces éléments, alors que la SNC Groupe B... A..., holding créée en 1979 et spécialisée dans la gestion des participations du groupe, doit être regardée comme ne pouvant ignorer, en qualité de professionnel, les règles de dépréciation de participations rappelées aux points 20 et 21 du présent arrêt, l'administration a suffisamment justifié l'intention délibérée de la requérante de dissimuler une partie de sa base imposable au titre de l'année 2011. Par suite, c'est à bon droit que l'administration fiscale a fait application de la majoration prévue par les dispositions du a de l'article 1729 du code général des impôts lorsque le manquement délibéré est établi, et a donc assorti les rappels d'impôt sur les sociétés en cause de la majoration au taux de 40 % prévue par ces dispositions. 29. Il résulte de tout ce qui précède que la SNC Groupe B... A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Sa requête doit, par suite, être rejetée, y compris les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. D E C I D E : Article 1er : La requête de la SNC Groupe B... A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société en nom collectif (SNC) Groupe B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Copie en sera adressée à l'administrateur des finances publiques chargé de la direction nationale des vérifications de situations fiscales. Délibéré après l'audience du 23 juin 2023, à laquelle siégeaient : - M. Carrère, président, - M. Soyez, président assesseur, - Mme Lorin, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 7 juillet 2023. La rapporteure, C. LORIN Le président, S. CARRERE La greffière, C. DABERT La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 21PA02348
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Vu la procédure suivante : Par une requête et trois nouveaux mémoires, enregistrés les 12, 13, 16 et 18 juin 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... B... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : 1°) de suspendre l'exécution du décret du 9 septembre 2022 du Président de la République portant radiation des cadres de la magistrature ; 2°) de dire que l'ordonnance à intervenir sera exécutoire aussitôt qu'elle aura été rendue, en application de l'article R. 522-13 du code de justice administrative ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - sa requête est recevable ; - la condition d'urgence est satisfaite dès lors que l'exécution du décret contesté, d'une part, est susceptible d'altérer son état de santé et celui de sa fille et, d'autre part, préjudicie de manière suffisamment grave et immédiate à la situation économique de sa famille, à sa situation professionnelle et à l'ordre public juridique ; - il est porté une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale ; - le décret contesté méconnaît gravement les dispositions légales et réglementaires d'ordre public en matière de protection de la santé et de la sécurité des fonctionnaires ; - il porte gravement atteinte aux dispositions légales et réglementaires de protection de la santé et de la sécurité des fonctionnaires en ce qu'il met à exécution la sanction disciplinaire prononcée contre lui par le Conseil supérieur de la magistrature pendant la durée de son congé pour invalidité temporaire imputable au service ; - le moyen tiré de la méconnaissance de sa situation en tant que bénéficiaire de maladie professionnelle imputable au service est d'ordre public ; - la sanction disciplinaire et sa mise à exécution par le décret de radiation contesté ont été publiées sans être anonymisées, en méconnaissance de son droit au respect de la vie privée et familiale ; - elle constitue une discrimination liée à son état de santé et méconnaît le principe d'égalité en ce que l'exécution de la sanction prononcée par le CSM avant le terme de son congé maladie le place dans une position désavantageuse par rapport à d'autres personnes qui sont dans la même situation que lui. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - la Constitution, et notamment son Préambule ; - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 ; - le code général de la fonction publique ; - le code de justice administrative ; Considérant ce qui suit : 1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. (...) ". En vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée. 2. Par une décision du 7 juillet 2022, le Conseil supérieur de la magistrature, statuant comme conseil de discipline des magistrats du siège, a prononcé à l'encontre de M. B..., vice-président exerçant les fonctions de juge des enfants au tribunal judiciaire d'Aurillac, la sanction d'admission à cesser ses fonctions sur le fondement du 6° de l'article 45 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 modifiée portant loi organique relative au statut de la magistrature. Par un décret du Président de la République du 9 septembre 2022, l'intéressé a été radié des cadres de la magistrature à compter du 19 juillet 2022, date à laquelle lui a été notifiée la décision du Conseil supérieur de la magistrature. Sur la demande en référé : 3. Par une requête, enregistrée le 12 juin 2023, M. B... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution du décret du 9 septembre 2022 du Président de la République portant radiation des cadres de la magistrature. 4. Aux termes de l'article 73 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 : " La cessation définitive des fonctions entraînant radiation des cadres et (...) perte de la qualité de magistrat, résulte : (...) 2° (...) de l'admission à cesser ses fonctions lorsque le magistrat n'a pas droit à pension ". Le décret du 9 septembre 2022 par lequel le Président de la République a radié M. B... des cadres de la magistrature a été pris pour assurer l'exécution de la décision du 7 juillet 2022 par laquelle le Conseil supérieur de la magistrature, statuant comme juridiction disciplinaire des magistrats du siège, a prononcé à son encontre la sanction d'admission à cesser ses fonctions. S'il appartient, le cas échéant, au juge de l'excès de pouvoir de tirer les conséquences d'une décision du juge de cassation qui annulerait la décision du Conseil supérieur de la magistrature, cette dernière n'a pas le caractère d'une décision administrative dont l'illégalité pourrait être invoquée par voie d'exception. Dès lors, le requérant ne saurait utilement présenter un tel moyen devant le juge des référés à l'appui d'une demande tendant, sur le fondement des articles L. 521-1 ou L. 521-2 du code de justice administrative, à ce que l'exécution du décret soit suspendue. 5. En outre, le pourvoi en cassation formé par M. B... contre la décision du Conseil supérieur de la magistrature n'ayant pas d'effet suspensif et le juge de cassation n'en ayant pas, à la date de la présente ordonnance, prononcé le sursis à exécution, cette décision demeure exécutoire. Il en résulte que l'exécution du décret litigieux, qui ne fait qu'en tirer les conséquences nécessaires, ne saurait être suspendue, aussi longtemps que cette décision n'est pas annulée ou qu'il n'a pas été sursis à son exécution. Enfin, la publication sur les réseaux sociaux de précédentes décisions du Conseil d'Etat sous forme non anonymisée demeure sans incidence, au regard des conclusions présentées par le requérant. Par suite, la requête de M. B... ne peut, en l'état, qu'être rejetée, y compris les conclusions à fins d'injonction, ainsi que celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, selon la procédure prévue à l'article L. 522-3 de ce code. O R D O N N E : ------------------ Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. A... B.... Copie en sera adressée au garde des sceaux, ministre de la justice. Fait à Paris, le 27 juin 2023 Signé : Thomas Andrieu
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Vu la procédure suivante : Par un jugement avant dire droit du 15 décembre 2020, enregistré au greffe du tribunal administratif de Rennes le 6 janvier 2021, le tribunal judiciaire de Quimper a sursis à statuer sur la demande de la Société mutuelle d'assurance des collectivités locales (SMACL) de condamner solidairement l'Association pour adultes et jeunes handicapés (APAJH) et son assureur la Société Mutuelle assurance des instituteurs de France (MAIF) à lui verser les sommes correspondant aux dommages subis à la suite d'un incendie survenu en août 2015 par les locaux appartenant à la commune de Quimperlé, sis 142 rue du Moëlan, dans lesquels APAJH gère un institut médico-éducatif, et décidé de transmettre au tribunal administratif de Rennes une question portant sur l'engagement de la responsabilité civile de APAJH, en sa qualité d'occupante d'un bien appartenant au domaine public. Par un arrêt avant dire droit du 29 septembre 2021, enregistré le 9 mars 2022 au greffe du tribunal administratif de Rennes, la cour d'appel de Rennes a réformé ce jugement et saisi le tribunal administratif de Rennes d'une question préjudicielle relative à l'appartenance au domaine public ou au domaine privé communal du bien immobilier situé 142 rue de Moëlan à Quimperlé. Par un jugement n° 2100066 du 12 décembre 2022, ce tribunal administratif a déclaré que les locaux situés 142 rue du Moëlan à Quimperlé n'appartenaient pas au domaine public communal et a rejeté le surplus des conclusions présentées devant lui par les parties comme irrecevables pour porter sur des questions étrangères au renvoi de l'autorité judiciaire. Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 2 et 16 janvier 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société MAIF demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler l'article 1er de ce jugement ; 2°) réglant l'affaire au fond dans cette mesure, de faire droit à ses conclusions de première instance ; 3°) de mettre à la charge de la Société mutuelle d'assurance des collectivités locales la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code de l'action sociale et des familles ; - le code général de la propriété des personnes publiques ; - la loi n° 75-535 du 30 juin 1975 ; - la loi n° 2002-2 du 2 janvier 2002 ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Sébastien Ferrari, maître des requêtes en service extraordinaire, - les conclusions de Mme Karin Ciavaldini, rapporteure publique ; La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société Mutuelle Assurance des Instituteurs de France et à la SCP Gaschignard, Loiseau, Massignon, avocat de la société mutuelle d'assurances des collectivités locales ; Considérant ce qui suit : 1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l'Association pour adultes et jeunes handicapés (APAJH) loue depuis 1976 à la commune de Quimperlé un bâtiment situé 142 rue de Moëlan au sein duquel elle gère l'institut médico-éducatif François Huon. Cet institut comprend notamment un internat pour enfants et jeunes handicapés de moins de 18 ans, une section d'éducation et d'enseignement spécialisée pour les enfants de 6 à 13 ans et une section d'initiation et de première formation professionnelle, qui propose aux adolescents des enseignements, des formations professionnelles et des activités éducatives et sportives. Un incendie d'origine indéterminée s'étant déclaré dans la nuit du 2 au 3 août 2015 dans les locaux de l'établissement, alors fermé pour congés, la société mutuelle d'assurances des collectivités locales (SMACL) a indemnisé la commune de Quimperlé. Puis, se fondant sur la présomption de responsabilité du locataire édictée par l'article 1733 du code civil en cas d'incendie des lieux loués, elle a assigné la société mutuelle assurance des instituteurs de France (MAIF), assureur de APAJH, devant le tribunal de grande instance de Quimper en vue d'obtenir le remboursement des sommes versées à la commune. La société MAIF soutenant que les locaux en cause appartenaient au domaine public communal et que l'article 1733 n'était par suite pas applicable, les tribunaux de l'ordre judiciaire ont saisi le tribunal administratif de Rennes d'une question préjudicielle portant sur l'appartenance des locaux sinistrés au domaine public ou au domaine privé de la commune de Quimperlé. La société MAIF se pourvoit en cassation contre le jugement du 12 décembre 2022 de ce tribunal administratif, en tant qu'il a jugé, par son article 1er, que les locaux en cause n'appartenaient pas au domaine public communal. 2. D'une part, aux termes de l'article L. 311-1 du code de l'action sociale et des familles : " L'action sociale et médico-sociale, au sens du présent code, s'inscrit dans les missions d'intérêt général et d'utilité sociale suivantes : (...) 3° Actions éducatives, médico-éducatives, médicales, thérapeutiques, pédagogiques et de formation adaptées aux besoins de la personne, à son niveau de développement, à ses potentialités, à l'évolution de son état ainsi qu'à son âge ; / 4° Actions d'intégration scolaire, d'adaptation, de réadaptation, d'insertion, de réinsertion sociales et professionnelles, d'aide à la vie active, d'information et de conseil sur les aides techniques ainsi que d'aide au travail (...) ". Le même article énonce les conditions auxquelles les établissements et services privés qui exercent ces missions peuvent être qualifiés d'établissements sociaux et médico-sociaux privés d'intérêt collectif. Enfin, aux termes de l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles : " Sont des établissements et services sociaux et médico-sociaux, au sens du présent code, les établissements et les services, dotés ou non d'une personnalité morale propre, énumérés ci-après (...) 2° Les établissements ou services d'enseignement qui assurent, à titre principal, une éducation adaptée et un accompagnement social ou médico-social aux mineurs ou jeunes adultes handicapés ou présentant des difficultés d'adaptation ". 3. Si les actions médico-éducatives en faveur des enfants et des jeunes en situation de handicap constituent une mission d'intérêt général, il résulte toutefois des dispositions de la loi du 30 juin 1975 relative aux institutions sociales et médico-sociales et de la loi du 2 janvier 2002 rénovant l'action sociale et médico-sociale, éclairées par leurs travaux préparatoires, que le législateur a entendu exclure que la mission assurée par les organismes privés gestionnaires des établissements et services aujourd'hui mentionnés au 2° du I de l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles, dont font partie les instituts médico-éducatifs, revête, en tant que telle, le caractère d'une mission de service public. 4. D'autre part, aux termes de l'article L. 111-1 du code de l'éducation : " Le service public de l'éducation (...) veille à la scolarisation inclusive de tous les enfants, sans aucune distinction (...) ". En application de ce principe, l'article L. 112-1 du même code dispose que : " Pour satisfaire aux obligations qui lui incombent en application des articles L. 111-1 et L. 111-2, le service public de l'éducation assure une formation scolaire, professionnelle ou supérieure aux enfants, aux adolescents et aux adultes présentant un handicap ou un trouble de la santé invalidant ". En vertu des articles L. 112-1 à L. 112-5 et L. 351-1 à L. 351-5 de ce code, cette mission du service public de l'éducation s'exerce en principe au sein d'établissements scolaires et, si nécessaire, au sein de dispositifs adaptés dans les conditions précisées par des conventions visées aux articles D. 351-17 et D. 351-18 du même code. Dans ce cadre, il incombe à la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées mentionnée à l'article D. 351-7, au vu du projet personnalisé de scolarisation élaboré par une équipe pluridisciplinaire et des observations formulées par l'élève majeur, ou s'il est mineur par ses parents ou son représentant légal, de l'orienter soit vers une scolarisation en milieu ordinaire, soit vers une unité d'enseignement créée au sein d'un établissement mentionné au 2° du I de l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles, soit encore vers une scolarisation alternée entre une telle unité d'enseignement et un établissement scolaire. Dans tous les cas, les dépenses relatives à l'éducation relèvent de l'Etat et l'enseignement est dispensé par des personnels qualifiés relevant du ministère chargé de l'éducation, en référence au socle de connaissances, de compétences et de culture défini à l'article L. 122-1-1 du code de l'éducation. 5. Il résulte de ces dispositions qu'il incombe à l'Etat, au titre de sa mission d'organisation générale du service public de l'éducation et, le cas échéant, de ses responsabilités à l'égard des établissements sociaux et médico-sociaux, de prendre l'ensemble des mesures et de mettre en œuvre les moyens nécessaires pour que le droit à l'éducation et l'obligation scolaire aient, pour les enfants en situation de handicap, un caractère effectif. Lorsqu'elle s'effectue en tout ou en partie dans une unité d'enseignement créée au sein d'un institut médico-éducatif, cette scolarisation participe du service public de l'éducation et les locaux qui, dans l'enceinte d'un tel institut, servent au fonctionnement de l'unité d'enseignement doivent être regardés comme affectés à ce service public. 6. Enfin, aux termes de l'article L. 2111-1 du code général de la propriété des personnes publiques dont la partie législative est issue de l'ordonnance du 21 avril 2006 : " Sous réserve de dispositions législatives spéciales, le domaine public d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1 est constitué des biens lui appartenant qui sont soit affectés à l'usage direct du public, soit affectés à un service public pourvu qu'en ce cas ils fassent l'objet d'un aménagement indispensable à l'exécution des missions de ce service public ". Avant l'entrée en vigueur de la partie législative du code général de la propriété des personnes publiques, intervenue, en vertu des dispositions précitées, le 1er juillet 2006, l'appartenance d'un bien au domaine public était, sauf si ce bien était directement affecté à l'usage du public, subordonnée à la double condition qu'il ait été affecté à un service public et spécialement aménagé en vue du service public auquel il était destiné. En l'absence de toute disposition en ce sens, l'entrée en vigueur de ce code n'a pu, par elle-même, entraîner le déclassement de dépendances qui appartenaient antérieurement au domaine public et qui, depuis le 1er juillet 2006, ne rempliraient plus les conditions désormais fixées par son article L. 2111-1 qui exige, pour qu'un bien affecté au service public constitue une dépendance du domaine public, que ce bien fasse l'objet d'un aménagement indispensable à l'exécution des missions de ce service public. 7. Pour juger que les locaux sinistrés de l'institut médico-éducatif François Huon n'appartenaient pas au domaine public de la commune de Quimperlé, le tribunal administratif de Rennes s'est fondé sur ce que le législateur, ainsi qu'il a été dit au point 3 ci-dessus, avait entendu exclure que l'activité de cet institut revête, en tant que telle, le caractère d'une mission de service public. En statuant ainsi, alors que de tels locaux étaient susceptibles d'être affectés au service public de l'éducation dans les conditions énoncées au point 5 ci-dessus et, le cas échéant, de relever du domaine public à condition d'avoir fait à cette fin l'objet d'un aménagement spécial ou indispensable, le tribunal administratif a entaché son jugement d'erreur de droit. 8. La Société MAIF est donc fondée à en demander, pour ce motif, l'annulation en tant qu'il a statué sur la question préjudicielle qui lui était soumise. 9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SMACL une somme de 3 000 euros à verser à la société MAIF au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces mêmes dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la société MAIF, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. D E C I D E : -------------- Article 1er : L'article 1er du jugement du tribunal administratif de Rennes du 12 décembre 2022 est annulé. Article 2 : L'affaire est renvoyée dans cette mesure au tribunal administratif de Rennes. Article 3 : La SMACL versera à la société MAIF une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Les conclusions présentées par la SMACL au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 5 : La présente décision sera notifiée à la société mutuelle assurance des instituteurs de France et à la société mutuelle d'assurances des collectivités locales. Copie en sera adressée à la cour d'appel de Rennes et au tribunal judiciaire de Quimper. Délibéré à l'issue de la séance du 22 juin 2023 où siégeaient : M. Pierre Collin, président de chambre, présidant ; M. Hervé Cassagnabère, conseiller d'Etat et M. Sébastien Ferrari, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteur. Rendu le 18 juillet 2023. Le président : Signé : M. Pierre Collin Le rapporteur : Signé : M. Sébastien Ferrari La secrétaire : Signé : Mme Michelle Bailleul
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Vu les procédures suivantes : 1° Sous le n° 464869, par une requête sommaire, un mémoire complémentaire, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés les 10 juin et 12 septembre 2022 et les 8 février et 21 mars 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme B... C... demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite par laquelle la présidente de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) a rejeté sa réclamation tendant à la rectification de sa civilité, de son prénom et de son nom figurant dans le fichier AGDREF ; 2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la SCP de Nervo et Poupet, son avocat, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. 2° Sous le n° 464873, par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés les 10 juin et 12 septembre 2022 et le 21 mars 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme B... C... demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite par laquelle la présidente de la CNIL a rejeté ses réclamations tendant à la rectification de sa civilité, de son prénom et de son nom figurant sur le titre de séjour qui lui a été délivré par le préfet de la Moselle et des données de même nature conservées par l'administration fiscale ; 3°) de mettre à la charge de la CNIL la somme de 3 000 euros à verser à la SCP de Nervo et Poupet, son avocat, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. .................................................................................... Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - la Constitution ; - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 ; - le décret n° 2019-536 du 29 mai 2019 ; - l'arrêté du 17 janvier 2008 du ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique relatif à la mise en service par la direction générale des finances publiques d'un traitement automatisé d'identification des personnes physiques et morales dénommé " PERS " ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Philippe Bachschmidt, maître des requêtes en service extraordinaire, - les conclusions de Mme Esther de Moustier, rapporteure publique ; La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Poupet et Kacenelenbogen, avocat de Mme C... ; Considérant ce qui suit : 1. Les requêtes susvisées présentent à juger des questions analogues. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision. 2. Il ressort des pièces des dossiers que ... a sollicité d'un tribunal de l'Etat de Virginie, aux Etats-Unis, qu'il ordonne de remplacer ce prénom et ce nom par ceux de B... C.... A la suite de l'ordonnance rendue le 23 décembre 2019 par cette juridiction faisant droit à cette demande, Mme B... C... a, d'une part, demandé au service des impôts des particuliers de Neuilly-sur-Seine la mise à jour des données à caractère personnel la concernant détenues par l'administration fiscale et, d'autre part, adressé au préfet de la Moselle une demande tendant à ce que lui soit délivré un titre de séjour modifié. Par un courrier en date du 16 juillet 2020, la préfecture de la Moselle a demandé à Mme C... de lui transmettre, aux fins de modification de son titre de séjour, l'ordonnance de changement de nom traduite par un traducteur assermenté auprès des tribunaux français, dans un délai de quinze jours. Mme C... a, par deux courriers en date des 14 août et 14 septembre 2020, saisi la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) de réclamations tendant à ce que ces deux administrations soient mises en demeure de procéder aux rectifications demandées. Mme C... demande l'annulation pour excès de pouvoir de la décision du 21 septembre 2021 par laquelle la CNIL a implicitement refusé de l'informer de l'état d'avancement de la procédure ou de son issue et a clôturé sa plainte. 3. En outre, par un autre courrier du 13 octobre 2021, Mme C... a demandé à la CNIL d'enjoindre au préfet de la Moselle de rectifier les données à caractère personnel la concernant figurant dans le fichier AGDREF2. Elle demande l'annulation pour excès de pouvoir de la décision implicite de rejet née du silence opposé par la CNIL à cette réclamation. Sur l'information de la requérante quant à l'état d'avancement de ses procédures ou leur issue : 4. L'article 77 du règlement 2016/680 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement de données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE, dit RGPD, dispose que : " 1. (...) toute personne concernée a le droit d'introduire une réclamation auprès d'une autorité de contrôle (...) si elle considère que le traitement de données à caractère personnel la concernant constitue une violation du présent règlement. / 2. L'autorité de contrôle auprès de laquelle la réclamation a été introduite informe l'auteur de la réclamation de l'état d'avancement et de l'issue de la réclamation, y compris de la possibilité d'un recours juridictionnel en vertu de l'article 78 ". Aux termes du 2 de l'article 78 du même règlement : " (...) toute personne concernée a le droit de former un recours juridictionnel effectif lorsque l'autorité de contrôle qui est compétente en vertu des articles 55 et 56 ne traite pas une réclamation ou n'informe pas la personne concernée, dans un délai de trois mois, de l'état d'avancement ou de l'issue de la réclamation qu'elle a introduite au titre de l'article 77 ". En vertu du second alinéa de l'article 10 du décret du 29 mai 2019 susvisé : " Le silence gardé pendant trois mois par la commission sur une réclamation vaut décision de rejet ". 5. En premier lieu, il ressort des pièces des dossiers, d'une part, qu'à la suite de la réclamation relative aux données à caractère personnel en possession de l'administration fiscale, qu'elle a introduite devant la CNIL par un courrier en date du 14 septembre 2020, la Commission a informé Mme C... le 9 avril 2021 qu'elle avait saisi le délégué à la protection des données du ministère chargé des finances. Elle a ensuite, le 21 septembre 2021, adressé un courrier à l'intéressée pour lui indiquer, en réponse à sa demande en date du 21 juillet 2021, que sa réclamation était toujours en cours d'instruction, puis l'a informée le 27 septembre suivant des suites qui avaient été données à sa demande par l'administration fiscale. D'autre part, à la suite de la réclamation relative à la mise à jour de sa carte de séjour introduite devant la CNIL par courrier en date du 14 août 2020, la Commission a, par un premier courrier adressé le 2 septembre 2020, confirmé à Mme C... que la rectification de sa carte de séjour nécessitait la production par ses soins de son acte d'état civil étranger traduit par un traducteur assermenté. Elle a ensuite, par courrier en date du 21 septembre 2021, fait savoir à Mme C... que sa réclamation était toujours en cours d'instruction. Dans ces conditions, Mme C... n'est pas fondée à soutenir que la CNIL a méconnu les articles 77 et 78 du RGPD en s'abstenant de l'informer de l'état d'avancement ou de l'issue de ses plaintes. 6. En second lieu, dès lors que le courrier du 13 octobre 2021 de Mme C... tendait à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Moselle de rectifier les données à caractère personnel la concernant figurant dans le fichier AGDREF, et non à ce que la CNIL l'informe de l'état d'avancement ou de l'issue d'une procédure en cours, la requérante ne peut utilement invoquer la méconnaissance des articles 77 et 78 du RGPD à l'encontre de la décision implicite de la CNIL rejetant cette demande. Sur la clôture des plaintes : 7. Le point 1 de l'article 5 du RGPD dispose que : " Les données à caractère personnel doivent être : / d) exactes et, si nécessaire, tenues à jour ; toutes les mesures raisonnables doivent être prises pour que les données à caractère personnel qui sont inexactes, eu égard aux finalités pour lesquelles elles sont traitées, soient effacées ou rectifiées sans tarder (...) ". Aux termes de l'article 16 du même règlement : " La personne concernée a le droit d'obtenir du responsable du traitement, dans les meilleurs délais, la rectification des données à caractère personnel la concernant qui sont inexactes ". En vertu des dispositions combinées des articles 57 et 58 de ce règlement, l'autorité de contrôle nationale, qu'est la CNIL en France, a pour mission de contrôler l'application du règlement et de veiller au respect de celui-ci, le cas échéant en ordonnant au responsable du traitement ou au sous-traitant de satisfaire aux demandes présentées par la personne concernée en vue d'exercer ses droits. 8. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que l'administration fiscale a informé la CNIL, par un courrier électronique en date du 15 juin 2021, des suites qu'elle avait données à cette demande et en particulier, qu'elle avait procédé à la mise à jour du numéro d'identification au répertoire (NIR) de la requérante dans le système d'information de la direction générale des finances publiques, afin de tenir compte de sa civilité féminine, et rectifié les données à caractère personnel la concernant figurant sur son espace personnel sur le site impôts.gouv.fr., sous réserve de son nom d'usage antérieur figurant dans la messagerie sécurisée, lequel n'avait pu être techniquement modifié dès lors que cette donnée, issue du référentiel " PERS ", était transmise par les services de l'institut national de la statistique et des études économiques (INSEE). D'une part, Mme C... ne précise pas en quoi ces diligences seraient insuffisantes au regard des dispositions de l'article 16 du RGPD. D'autre part, il résulte de l'arrêté du ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique du 17 janvier 2008 visé ci-dessus que le nom d'usage des personnes physiques, conservé dans le traitement de données à caractère personnel dénommé " PERS " de la direction générale des finances publiques, est communiqué à cette dernière par l'INSEE et le droit de rectification de cette donnée s'exerce auprès de cet institut. Si l'administration fiscale est réputée avoir transmis la demande de Mme C... à l'INSEE en tant qu'elle ne pouvait elle-même y répondre dans cette mesure, la requérante ne s'est pas plainte auprès de la CNIL, ni devant le juge, de ce que l'INSEE n'a pas procédé à la rectification de la donnée litigieuse dans son propre traitement. Dans ces conditions, la CNIL n'a pas méconnu les articles 16 et 57 du RGPD en s'abstenant d'user de ses pouvoirs pour que les données soient rectifiées. 9. En deuxième lieu, il résulte de l'article 2 de la Constitution que la langue de la République est le français. En vertu du premier alinéa de l'annexe 10 de la partie réglementaire du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui énumère la liste des pièces justificatives à fournir par les personnes sollicitant un titre de séjour : " Toutes les pièces produites doivent être rédigées en français ou traduites par un traducteur assermenté près une cour d'appel ". Saisi de la demande de Mme C..., fondée sur l'ordonnance du tribunal de l'Etat de Virginie mentionnée au point 2, tendant à la rectification de la civilité, du prénom et du nom de la requérante sur le titre de séjour dont elle bénéficiait et dans le traitement dénommé " Application de gestion des dossiers des ressortissants étrangers en France " (AGDREF2), dont la finalité est notamment de permettre aux services centraux et locaux du ministère de l'intérieur d'assurer l'instruction des demandes et la fabrication des titres de séjour des ressortissants étrangers, ainsi que la gestion de leurs dossiers, le préfet de la Moselle a pu légalement subordonner une telle rectification à la présentation d'une traduction de cette ordonnance par un traducteur assermenté près une cour d'appel et, en l'absence de production de ce document, s'abstenir de procéder à la rectification demandée. Par suite, en refusant de mettre en demeure le préfet de la Moselle de procéder à cette rectification tant sur le titre de séjour de la requérante que dans le fichier AGDREF2, la présidente de la CNIL n'a, en tout état de cause, pas méconnu les articles 16 et 57 du RGPD. 10. En troisième et dernier lieu, contrairement à ce qui est soutenu, le rejet de la réclamation introduite par Mme C... le 13 octobre 2021 ne place nullement la requérante dans l'impossibilité d'obtenir la rectification des données à caractère personnel la concernant figurant dans le fichier AGDREF2, celle-ci étant seulement subordonnée à la production d'une traduction de l'ordonnance mentionnée au point 2 par un traducteur assermenté, permettant de s'assurer de la portée exacte de cette décision de justice rendue par une juridiction étrangère. Eu égard à la nécessité de garantir l'exactitude des données figurant dans le fichier AGDREF2 et alors que Mme C... ne soutient pas se trouver dans l'impossibilité de fournir la traduction demandée, le moyen tiré de ce que la CNIL a porté une atteinte excessive au droit au respect de la vie privée garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en s'abstenant de mettre en demeure le préfet de la Moselle de procéder à la rectification demandée doit être écarté. 11. Il résulte de tout ce qui précède que les requêtes doivent être rejetées, y compris les conclusions présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. D E C I D E : -------------- Article 1er : Les requêtes de Mme C... sont rejetées. Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme B... C... et à la Commission nationale de l'informatique et des libertés. Délibéré à l'issue de la séance du 23 mars 2023 où siégeaient : M. Alexandre Lallet, conseiller d'Etat, présidant ; Mme Nathalie Escaut, conseillère d'Etat et M. Philippe Bachschmidt, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteur. Rendu le 14 avril 2023. Le président : Signé : M. Alexandre Lallet Le rapporteur : Signé : M. Philippe Bachschmidt La secrétaire : Signé : Mme Naouel Adouane
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Vu la procédure suivante : M. B... D... et Mme A... D..., agissant tant en leur nom personnel qu'au nom de leurs enfants mineurs, ont demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler la décision implicite par laquelle l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a refusé de leur communiquer le dossier médical et administratif de M. D... et ceux de ses enfants mineurs établis à l'occasion de leur demande de titre de séjour. Par un jugement n° 1900198 du 14 octobre 2021, le tribunal administratif a annulé cette décision en tant qu'elle porte sur la communication des documents médicaux personnels de M. D... recueillis par le collège de médecins, a enjoint à l'OFII de procéder à la communication de ces documents et a rejeté le surplus des conclusions de la requête. Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 7 avril et 7 juillet 2022 et le 27 janvier 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. et Mme D... demandent au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il rejette leurs conclusions tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle l'OFII a refusé de faire droit à leur demande de communication du dossier administratif de M. D... et de ceux de ses enfants et les conclusions à fin d'injonction tendant à la communication de ces documents ; 2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à leur demande ; 3°) de mettre à la charge de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) la somme de 5 000 euros à verser à la SCP Thouin-Palat, Boucard, leur avocat, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code des relations entre le public et l'administration ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Philippe Bachschmidt, maître des requêtes en service extraordinaire, - les conclusions de Mme Esther de Moustier, rapporteure publique ; La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Thouin-Palat, Boucard, avocat de M. et Mme D..., avocat de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ; Considérant ce qui suit : 1. M. et Mme D... ont demandé au directeur de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) la communication du dossier médical et administratif élaboré dans le cadre de leur procédure de demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade et de parent d'enfant malade. Ils ont saisi la Commission d'accès aux documents administratifs (CADA), qui a rendu un avis favorable concernant la demande de communication du dossier médical de M. D... et un avis favorable sous réserve concernant le dossier médical de ses deux enfants. M. et Mme D... se pourvoient en cassation contre le jugement du 14 octobre 2021 en tant que le tribunal administratif de Limoges a rejeté comme irrecevables leurs conclusions tendant à la communication du dossier administratif de M. D... et de ceux de ses enfants et à ce qu'il soit enjoint à l'OFII de leur communiquer ces documents. 2. Il résulte des articles R. 311-12 et R. 311-13 du code des relations entre le public et l'administration que le silence gardé par l'administration pendant un délai d'un mois à compter de la réception d'une demande de communication d'un document administratif vaut décision de rejet. Aux termes de l'article R. 343-1 de ce code : " L'intéressé dispose d'un délai de deux mois à compter de la notification du refus (...) pour saisir la Commission d'accès aux documents administratifs / La commission est saisie par lettre, télécopie ou voie électronique. La saisine précise son objet et, le cas échéant, les dispositions sur lesquelles elle se fonde. Elle indique, lorsque le demandeur est une personne physique, ses nom, prénoms et domicile et, lorsqu'il s'agit d'une personne morale, sa forme, sa dénomination, son siège social et les nom et prénoms de la personne ayant qualité pour la représenter. Elle est accompagnée d'une copie, selon le cas, de la décision de refus ou de la demande restée sans réponse. La commission enregistre la demande lorsque celle-ci comporte l'ensemble de ces éléments après avoir, le cas échéant, invité le demandeur à la compléter (...) ". Selon l'article R. 343-5 du même code, une décision implicite de refus de communication de l'administration naît à l'expiration du délai de deux mois à compter de l'enregistrement de la demande de l'intéressé par la commission. 3. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. et Mme D... ont adressé à l'OFII la demande de communication du dossier administratif du premier et ceux de ses enfants le 31 octobre 2018 puis ont saisi la CADA dès le 12 novembre suivant, date à laquelle le délai d'un mois mentionné à l'article R. 311-13 du code des relations entre le public et l'administration n'était pas expiré, de sorte qu'aucun refus de communication n'était encore né. Toutefois, cette circonstance est sans incidence sur la régularité de la procédure administrative et la recevabilité du recours contentieux qu'ils ont introduit contre le refus de communication de l'administration né à l'expiration du délai de deux mois à compter de l'enregistrement de la saisine par la CADA, dès lors qu'il est constant que cette dernière, à qui il était loisible de refuser l'enregistrement d'une telle saisine prématurée, y a procédé et a d'ailleurs rendu un avis postérieurement à la naissance de la décision de refus. Il s'ensuit qu'en jugeant que la demande de M. et Mme D... n'avait pas été précédée d'un recours administratif préalable obligatoire exercé de manière régulière au motif que la saisine de la CADA était intervenue avant que l'administration se soit prononcée, le tribunal administratif a commis une erreur de droit. Les requérants sont, par suite, fondés, par un pourvoi sur lequel il y a lieu de statuer contrairement à ce que soutient l'OFII, à demander l'annulation du jugement qu'ils attaquent en tant qu'il statue sur leurs conclusions relatives à la communication de leur dossier administratif, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens qu'ils soulèvent. 4. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond, dans cette mesure, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative. 5. Si la demande de communication des requérants portait non seulement sur leur dossier médical détenu par l'OFII dans le cadre de leur demande de titre de séjour mais aussi sur le dossier administratif de M. D... et ceux de ses enfants, il ressort des pièces du dossier que l'office ne dispose d'aucun autre dossier que celui constitué par les différents éléments médicaux relatifs aux requérants et qui leur ont été communiqués. L'inexistence du dossier demandé fait ainsi obstacle à ce qu'il soit fait droit à la demande de communication. 6. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à demander l'annulation de la décision de l'OFII qu'ils attaquent en tant qu'elle rejette leur demande de communication du dossier administratif de M. D... et de ceux de ses enfants. Leurs conclusions à fin d'injonction et les conclusions présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent par suite qu'être rejetées. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par l'OFII. D E C I D E : -------------- Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Limoges du 14 octobre 2021 est annulé en tant qu'il rejette les conclusions de la requête de M. et Mme D... relatives à la communication du dossier administratif de M. D... et de ceux de ses enfants détenu par l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Article 2 : Le surplus des conclusions présentées par M. et Mme D... est rejeté. Article 3 : Les conclusions présentées par l'Office français de l'immigration et de l'intégration au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. B... D..., premier dénommé pour l'ensemble des requérants, et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Délibéré à l'issue de la séance du 23 mars 2023 où siégeaient : M. Alexandre Lallet, conseiller d'Etat, présidant ; Mme Nathalie Escaut, conseillère d'Etat et M. Philippe Bachschmidt, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteur. Rendu le 14 avril 2023. Le président : Signé : M. Alexandre Lallet Le rapporteur : Signé : M. Philippe Bachschmidt La secrétaire : Signé : Mme Naouel Adouane
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Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner l'Etat à lui verser une somme de 107 093,32 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 31 décembre 2018 et de la capitalisation des intérêts, en réparation des préjudices subis en raison de la privation de son plein traitement depuis le 10 juillet 2014, de la perte de l'indemnité de suivi et d'orientation des élèves (ISOE), de l'absence de versement de l'indemnité de sujétions d'exercice attribuée aux personnels enseignants exerçant en formation continue pour adulte à compter du 11 septembre 2018, ainsi que du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence subis du fait de son absence de réintégration. Par ailleurs, M. C... a demandé au tribunal de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un jugement n° 1903849 du 3 juin 2022, le tribunal administratif de Lille a partiellement fait droit à sa demande en condamnant l'Etat à lui verser une indemnité dont le montant correspond à la part fixe de l'indemnité de suivi et d'orientation des élèves dont il a été privé durant la période allant du 26 mai au 2 août 2012 avec intérêts et capitalisation des intérêts et a rejeté sa demande présentée au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 4 août 2022 et le 9 mai 2023, M. C..., représenté par Me Perrez, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures : 1°) de réformer ce jugement ; 2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 107 787,86 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices subis, cette somme portant intérêts au taux légal à compter du 31 décembre 2018, avec capitalisation des intérêts à chaque date d'anniversaire et pour la première fois le 31 décembre 2019 ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - le jugement est entaché d'un défaut de motivation ; - il est entaché d'une erreur d'appréciation car il ne pouvait pas être considéré comme n'étant pas suspendu à compter du 9 juillet 2014 ; - l'Etat a commis une faute de nature à engager sa responsabilité dès lors qu'il doit être regardé comme ayant été de fait suspendu du 26 mai 2012, date qui correspond au terme de sa première suspension prononcée le 26 janvier 2012, jusqu'à la date de notification de l'arrêté du 8 mars 2018 portant suspension de ses fonctions à titre conservatoire ; l'administration a méconnu les dispositions de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ; - l'Etat a commis une faute de nature à engager sa responsabilité en s'abstenant de lui proposer une affectation conforme à son grade dans un délai raisonnable durant les périodes qui s'étendent du 26 mai 2012 au 9 juillet 2014, du 9 juillet 2014 au 22 janvier 2018 et du 22 janvier 2018 au 5 septembre 2018 ; - en le privant d'affectation pendant six ans, le recteur de l'académie de Lille lui a infligé une sanction disciplinaire déguisée ; - les faits reprochés ne sont pas d'une exceptionnelle gravité ; - il doit être indemnisé des préjudices résultant de l'illégalité des prolongations de la suspension de fonctions ; - son préjudice s'élève à la somme totale de 107 093,32 euros ; - la perte de traitement subie du 10 juillet 2014 au 21 janvier 2018 s'élève à la somme de 60 175,65 euros ; il a été privé d'une chance sérieuse de bénéficier de l'ISOE en faveur des personnels enseignants du second degré, soit un manque à gagner de 7 341,19 euros ; il aurait dû percevoir une somme de 915,20 euros au titre de l'indemnité de sujétions d'exercice attribuée aux personnels enseignants qui accomplissent tout ou partie de leur service en formation continue des adultes ; les fautes de l'Etat lui ont fait perdre le bénéfice, dans le calcul de ses droits à la retraite, de sept trimestres et cinq jours, ce qui lui a occasionné une perte de 19 843,60 euros sur quatorze ans ; en raison de l'irrégularité de sa situation, il n'a pas non plus cotisé pleinement au régime de retraite additionnelle de la fonction publique, ce qui lui a fait perdre une chance de bénéficier de 691 points, correspondant à 817,68 euros ; - son préjudice moral doit être indemnisé à hauteur de 10 000 euros et les troubles dans ses conditions d'existence à hauteur de 8 000 euros ; Par un mémoire enregistré le 24 janvier 2023, la rectrice de l'académie de Lille conclut au rejet de la requête en se référant à ses écritures de première instance. Par une ordonnance du 18 avril 2023, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 9 mai 2023 à 12 heures après réouverture. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - le décret n° 93-55 du 15 janvier 1993 ; - le décret n° 93-436 du 24 mars 1993 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Ghislaine Borot, présidente-rapporteure, - les conclusions de M. Nil Carpentier-Daubresse, rapporteur public, - et les observations de Me Piret pour M. C.... Considérant ce qui suit : 1. M. A... C..., professeur certifié en mathématiques affecté au collège ... à ... (Nord), a été suspendu de ses fonctions d'enseignant par un arrêté du recteur de l'académie de Lille du 26 janvier 2012. Par deux arrêtés des 13 août 2012 et 8 mars 2013, le recteur de l'académie de Lille a décidé de prolonger cette mesure de suspension et d'opérer une retenue de la moitié du traitement de l'intéressé à compter du 15 février 2013. Par des jugements n° 1202193 et n° 1205601 du 21 octobre 2014 et n°1303922 du 10 juillet 2015, le tribunal administratif de Lille a rejeté le recours formé par l'intéressé contre l'arrêté du 26 janvier 2012 et a annulé les arrêtés des 13 août 2012 et 8 mars 2013. Par un arrêt n° 14DA01994 et n° 14DA02052 du 3 mars 2016, la cour administrative d'appel de Douai a confirmé le jugement du 21 octobre 2014. Par un arrêt n° 16DA02224 du 6 juillet 2017, la cour administrative d'appel a rejeté la demande d'exécution du jugement n° 1303922 rendu le 10 juillet 2015 par le tribunal administratif de Lille au motif que les mesures propres à assurer l'exécution de ce jugement avaient été prises antérieurement à la demande de M. C... tendant à en obtenir l'exécution. Par une décision n° 416007 du 12 février 2020, le Conseil d'Etat a rejeté le pourvoi en cassation formé contre cet arrêt. 2. Par courrier du 24 janvier 2018, M. C... a sollicité sa réintégration effective. Par un arrêté du 8 mars 2018, la rectrice de l'académie de Lille a refusé de faire droit à sa demande au motif qu'il était convoqué devant le tribunal correctionnel de Dunkerque le 14 mai 2018 et l'a de nouveau suspendu de ses fonctions à titre conservatoire. Par un jugement n°1803457 du 26 février 2021, le tribunal administratif de Lille a annulé cet arrêté et a enjoint à la rectrice de l'académie de Lille, sous réserve d'un changement dans les circonstances de droit et de fait, de réintégrer M. C... dans ses fonctions d'enseignant. Par un arrêt n° 21DA00908 du 3 février 2022, la cour a annulé ce jugement et rejeté les demandes de M. C.... Par un arrêté du 30 août 2018, la rectrice de l'académie de Lille a mis fin à la suspension de fonctions de M. C... et l'a affecté, par un arrêté du 5 septembre 2018, au ... à Calais (Pas-de-Calais) jusqu'au 31 août 2019. 3. Par un courrier du 29 décembre 2018, reçu le 31 décembre suivant, M. C... a demandé au rectorat de Lille de l'indemniser des préjudices subis en raison de la privation de son plein traitement du 10 juillet 2014 au 21 janvier 2018, de la perte de l'indemnité de suivi et d'orientation des élèves (ISOE), de l'absence de versement de l'indemnité de sujétions d'exercice attribuée aux personnels enseignants exerçant en formation continue pour adulte à compter du 11 septembre 2018, ainsi que du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence subis du fait de son absence de réintégration. Cette demande a fait l'objet d'une décision implicite de rejet. Par un jugement n° 1903849 du 3 juin 2022, le tribunal administratif de Lille a condamné l'Etat à verser à M. C... une indemnité dont le montant correspond à la part fixe de l'ISOE dont il a été privé durant la période allant du 26 mai au 2 août 2012 avec intérêts au taux légal à compter du 31 décembre 2018 et capitalisation. M. C... relève appel du jugement du tribunal administratif de Lille du 3 juin 2022 en tant qu'il n'a pas fait droit à l'intégralité de sa demande indemnitaire. L'administration n'a pas présenté de conclusions d'appel incident. Sur la régularité du jugement attaqué : 4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". Et en vertu de l'article R. 741-2 du même code, les jugements contiennent l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont ils font application. 5. Il ressort des énonciations du jugement attaqué que les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de faire référence à l'ensemble des arguments que M. C... avait développés, ont répondu, par une motivation qui rappelle tant les textes applicables que les faits de l'espèce, à l'ensemble des conclusions et des moyens opérants qui leur étaient présentés. Ils ont, ce faisant, suffisamment motivé leur jugement au regard des exigences posées par les dispositions rappelées au point précédent. Par suite, le moyen tiré de ce que le jugement attaqué est insuffisamment motivé doit être écarté. Sur le bien-fondé du jugement : En ce qui concerne la responsabilité de l'Etat : 6. Aux termes de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dans sa rédaction applicable jusqu'au 22 avril 2016 : " En cas de faute grave commise par un fonctionnaire, qu'il s'agisse d'un manquement à ses obligations professionnelles ou d'une infraction de droit commun, l'auteur de cette faute peut être suspendu par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire qui saisit, sans délai, le conseil de discipline. / Le fonctionnaire suspendu conserve son traitement, l'indemnité de résidence, le supplément familial de traitement et les prestations familiales obligatoires. Sa situation doit être définitivement réglée dans le délai de quatre mois. Si, à l'expiration de ce délai, aucune décision n'a été prise par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire, l'intéressé, sauf s'il est l'objet de poursuites pénales, est rétabli dans ses fonctions. / Le fonctionnaire qui, en raison de poursuites pénales, n'est pas rétabli dans ses fonctions peut subir une retenue qui ne peut être supérieure à la moitié de la rémunération mentionnée à l'alinéa précédent. Il continue, néanmoins, à percevoir la totalité des suppléments pour charges de famille. ". Aux termes du même article, dans sa rédaction applicable du 22 avril 2016 au 8 août 2019 : " En cas de faute grave commise par un fonctionnaire, qu'il s'agisse d'un manquement à ses obligations professionnelles ou d'une infraction de droit commun, l'auteur de cette faute peut être suspendu par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire qui saisit, sans délai, le conseil de discipline. / Le fonctionnaire suspendu conserve son traitement, l'indemnité de résidence, le supplément familial de traitement et les prestations familiales obligatoires. Sa situation doit être définitivement réglée dans le délai de quatre mois. / Si, à l'expiration d'un délai de quatre mois, aucune décision n'a été prise par l'autorité ayant le pouvoir disciplinaire, le fonctionnaire qui ne fait pas l'objet de poursuites pénales est rétabli dans ses fonctions. S'il fait l'objet de poursuites pénales et que les mesures décidées par l'autorité judicaire ou l'intérêt du service n'y font pas obstacle, il est également rétabli dans ses fonctions à l'expiration du même délai. Lorsque, sur décision motivée, il n'est pas rétabli dans ses fonctions, il peut être affecté provisoirement par l'autorité investie du pouvoir de nomination, sous réserve de l'intérêt du service, dans un emploi compatible avec les obligations du contrôle judiciaire auquel il est, le cas échéant, soumis. A défaut, il peut être détaché d'office, à titre provisoire, dans un autre corps ou cadre d'emplois pour occuper un emploi compatible avec de telles obligations. L'affectation provisoire ou le détachement provisoire prend fin lorsque la situation du fonctionnaire est définitivement réglée par l'administration ou lorsque l'évolution des poursuites pénales rend impossible sa prolongation. (...) ". 7. En premier lieu, l'arrêté du 26 janvier 2012 portant suspension de fonctions de M. C... a cessé de produire ses effets le 26 mai 2012. Les arrêtés des 13 août 2012 et 8 mars 2013 prolongeant la suspension de fonctions de M. C... après cette date ayant été annulés, ce dernier est fondé à demander à être indemnisé des préjudices en lien direct et certain avec l'illégalité de ces arrêtés. 8. En deuxième lieu, à la suite des jugements du tribunal administratif de Lille du 21 octobre 2014 et du 10 juillet 2015 ayant annulé la prolongation de la suspension de fonction, l'administration a pris les mesures juridiques nécessaires à la réintégration de M. C... ce qu'a d'ailleurs constaté le Conseil d'Etat dans sa décision n° 416007 du 12 février 2020. Elle lui a versé son plein traitement jusqu'au 10 juillet 2014, date après laquelle il n'a plus reçu qu'un demi traitement. Malgré une maladresse de rédaction dans un courrier administratif, il ne résulte pas de l'instruction que M. C... aurait été placé dans une situation de " suspension de fait " après le 26 mai 2012, comme il l'allègue. De même, si l'intéressé fait valoir la volonté de son employeur de le sanctionner, en lien avec sa dénonciation de faits constitutifs de harcèlement moral dont il aurait fait l'objet, une telle volonté de sanction n'est corroborée par aucune pièce du dossier. Par suite, M. C... n'est pas fondé à rechercher la responsabilité de l'Etat à raison de l'existence d'une sanction disciplinaire déguisée. 9. Toutefois, M. C... n'a pas été réintégré de façon effective dans ses fonctions alors que l'annulation d'une décision d'éviction d'un agent public impose à l'administration, outre sa réintégration juridique, laquelle emporte rétablissement de tous les droits statutaires de l'agent et doit rétroagir à la date de l'éviction illégale, de le réintégrer sur un emploi identique. Il ne peut être dérogé à cette obligation de réintégration effective de l'agent que dans les hypothèses où la réintégration est impossible. M. C... a fait l'objet le 9 juillet 2014 d'un placement sous contrôle judiciaire lui interdisant notamment de se livrer à des fonctions d'enseignement à l'égard de mineurs et de se rendre sur son lieu d'affectation. Ce placement sous contrôle judiciaire rendait sa réintégration effective impossible dans ses anciennes fonctions, même après l'allégement de ce contrôle judiciaire en 2016 qui maintenait l'interdiction de se rendre sur son lieu de travail et d'avoir des activités d'enseignement à l'égard de mineurs, à l'exception de celles n'impliquant pas de contacts directs avec les élèves. 10. Pour autant, M. C... a, comme tout fonctionnaire en activité, le droit de recevoir une affectation correspondant à son grade dans un délai raisonnable. Or entre le 26 mai 2012, date de la fin de la mesure de suspension et le 9 juillet 2014, date à laquelle son contrôle judiciaire a été ordonné, l'administration n'a entrepris aucune démarche pour rechercher un poste permettant de lui donner une affectation conforme à son statut. Par suite, en s'abstenant de chercher à réintégrer M. C... sur un poste correspondant à son grade pendant cette période, la rectrice a commis une seconde faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat. 11. Toutefois, en vertu des principes généraux qui régissent la responsabilité de la puissance publique, un agent public irrégulièrement évincé a droit à la réparation intégrale du préjudice qu'il a effectivement subi du fait de la mesure illégalement prise à son encontre. Sont ainsi indemnisables les préjudices de toute nature avec lesquels l'illégalité commise présente, compte tenu de l'importance respective de cette illégalité et des fautes relevées à l'encontre de l'intéressé, un lien direct de causalité. Pour apprécier à ce titre l'existence d'un lien de causalité entre les préjudices subis par l'agent et l'illégalité commise par l'administration, le juge peut rechercher si, compte tenu des fautes commises par l'agent et de la nature de l'illégalité entachant la décision, sanction, la même décision aurait pu être légalement prise par l'administration. 12. Une première procédure judiciaire a été ouverte contre M. C... après un dépôt de plainte d'une élève de son collège en novembre 2011. Cette procédure a été classée sans suite pour infraction insuffisamment caractérisée le 24 février 2012. Mais il résulte des pièces produites par l'administration tant en première instance qu'en appel qu'à la suite d'un nouveau dépôt de plainte, le procureur de la République est revenu sur ce classement sans suite et, comme l'ont relevé les juges de première instance, par un courrier du 2 août 2012, a fait connaître à l'administration l'ouverture d'une information judiciaire à l'encontre de M. C... pour violences volontaires et harcèlement moral. Puis, comme indiqué au point 9, M. C... a fait l'objet, le 9 juillet 2014, d'un placement sous contrôle judiciaire lui interdisant notamment d'assurer des fonctions d'enseignement à l'égard de mineurs, et, par un jugement correctionnel rendu le 29 juin 2018, M. C... a été partiellement relaxé pour des faits commis sur certains mineurs mais condamné à une peine d'emprisonnement de deux mois à raison de faits commis sur deux enfants. 13. Ainsi, au vu des informations dont disposait l'autorité administrative dès le 2 août 2012, les faits reprochés, à savoir des actes de violences à l'égard des élèves, présentaient un caractère suffisant de vraisemblance et de gravité et auraient permis à l'administration de décider, dans l'intérêt du service, d'une nouvelle mesure de suspension sans qu'y fît obstacle la circonstance que l'intéressé avait déjà fait l'objet d'une mesure de suspension de quatre mois en janvier 2012. Une nouvelle mesure de suspension a d'ailleurs été prise le 8 mars 2018 eu égard à l'imminence de la tenue de l'audience correctionnelle prévue le 14 mai 2018, le recours formé contre cette mesure de suspension ayant été rejeté par un arrêt de la cour n° 21DA00908 du 3 février 2022. 14. Ainsi, il résulte de ce qui précède qu'une nouvelle décision de suspension aurait pu être légalement prise par l'administration dès le mois d'août 2012 et renouvelée durant toute la durée de la procédure pénale ouverte contre M. C.... Ce dernier est donc seulement fondé à soutenir qu'il a droit à une indemnisation de ses préjudices pour la période courant du 26 mai 2012, date de fin de la première mesure de suspension, au 1er août 2012 inclus. En ce qui concerne la réparation des préjudices : 15. En vertu des principes généraux qui régissent la responsabilité de la puissance publique, un agent public irrégulièrement évincé a droit à la réparation intégrale du préjudice qu'il a effectivement subi du fait de la mesure illégalement prise à son encontre. Sont ainsi indemnisables les préjudices de toute nature avec lesquels l'illégalité commise présente, compte tenu de l'importance respective de cette illégalité et des fautes relevées à l'encontre de l'intéressé, un lien direct de causalité. Pour l'évaluation du montant de l'indemnité due, doivent être prises en compte la perte du traitement ainsi que celle des primes et indemnités dont l'intéressé avait, pour la période en cause, une chance sérieuse de bénéficier, à l'exception de celles qui, eu égard à leur nature, à leur objet et aux conditions dans lesquelles elles sont versées, sont seulement destinées à compenser les frais, charges ou contraintes liés à l'exercice effectif des fonctions. Enfin, il y a lieu de déduire, le cas échéant, le montant des rémunérations que l'agent a pu se procurer par son travail au cours de la période d'éviction. 16. Le jugement n° 1903849 du 3 juin 2022 du tribunal administratif de Lille a seulement condamné l'Etat à verser à M. C... une indemnité dont le montant correspond à la part fixe de l'indemnité de suivi et d'orientation des élèves (ISOE) dont il a été privé pour la période allant du 26 mai au 2 août 2012. S'agissant du manque à gagner au titre des traitements : 17. Il résulte de l'instruction que M. C... a bénéficié d'un plein traitement du 26 janvier 2012 au 9 juillet 2014, à la suite d'une régularisation de sa situation intervenue en novembre 2015. L'indemnisation de ce chef de préjudice doit donc être écartée. S'agissant de l'indemnité de sujétions d'exercice attribuée aux personnels enseignants qui accomplissent tout ou partie de leur service en formation continue des adultes : 18. Aux termes de l'article 1er du décret du 24 mars 1993 instituant une indemnité de sujétions d'exercice attribuée aux personnels enseignants qui accomplissent tout ou partie de leur service en formation continue des adultes : " Une indemnité de sujétions d'exercice non soumise à retenue pour pension est allouée aux personnels enseignants exerçant en formation continue des adultes (...) ". Aux termes de l'article 2 du même décret : " L'attribution de l'indemnité est liée à l'exercice des fonctions y ouvrant droit et en particulier au suivi individuel du stagiaire, à l'évaluation et à la validation des travaux des stagiaires et à la participation aux réunions des équipes pédagogiques. / (...) ". 19. M. C... fait valoir qu'il a été affecté dans un groupement d'établissements exerçant une mission de formation continue à destination des adultes (GRETA) du 5 septembre 2018 au 31 août 2019 et qu'il aurait dû, à ce titre, percevoir l'indemnité mentionnée au point 18. Toutefois, il n'allègue ni n'établit qu'il remplissait les conditions d'éligibilité à cette indemnité pour la période allant du 26 mai au 1er août 2012. L'indemnisation de ce chef de préjudice doit donc être écartée. S'agissant des droits à retraite : 20. M. C... a bénéficié d'un plein traitement durant la période du 26 mai au 2 août 2012 et l'ISOE n'est pas soumise à retenue pour pensions. L'indemnisation de ce chef de préjudice doit donc être écartée. S'agissant du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence : 21. M. C... met en avant l'anxiété qui découle de ses six années " d'errance administrative ", de la privation prolongée de son plein traitement, de l'absence prolongée d'affectation et de son isolement social et professionnel durant cette période. Cependant, il n'apporte aucun élément permettant de justifier de la réalité et de l'ampleur de ce chef de préjudice eu égard notamment à la courte durée de la période indemnisable. L'indemnisation de ces chefs de préjudice doit donc être écartée. 22. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a condamné l'Etat à lui verser une indemnité dont le montant correspond à la part fixe de l'indemnité de suivi et d'orientation des élèves dont il a été privé durant la période allant du 26 mai au 2 août 2012 avec intérêts au taux légal à compter du 31 décembre 2018 et capitalisation des intérêts et rejeté le surplus des conclusions de sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. C... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et à la rectrice de l'académie de Lille. Délibéré après l'audience publique du 4 juillet 2023 à laquelle siégeaient : - Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre, - Mme Dominique Bureau, première conseillère, - M. Frédéric Malfoy, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 25 juillet 2023. La première conseillère, Signé : D. Bureau La présidente de chambre, présidente-rapporteure, Signé : G. Borot La greffière, Signé : A.-S. Villette La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme La greffière, A.-S. Villette 1 2 N°22DA01754 1 3 N°"Numéro"
JADE/CETATEXT000047914849.xml
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler l'arrêté du 26 janvier 2023 par lequel la préfète de l'Oise l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement et lui a interdit la circulation sur le territoire français avant l'expiration d'un délai d'un an. Par un jugement n° 2300340 du 8 février 2023, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés les 15 février et 13 mars 2023, M. B... représenté par Me Jean-Charles Homehr, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) de le renvoyer devant le tribunal administratif ou subsidiairement d'annuler cet arrêté ; 3°) de mettre la somme de 1 500 euros à la charge de l'Etat au bénéfice de son conseil en application des dispositions de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve d'une renonciation à l'aide juridictionnelle. Il soutient que : - le tribunal n'a pas statué sur les moyens tirés du défaut de motivation, du défaut d'examen de sa situation et de son droit à mener une vie familiale normale ; - il ne présente pas une menace à un intérêt fondamental de la société française ; - l'acte méconnaît l'article L. 611-3 3° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par une ordonnance en date du 25 mai 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 15 juin 2023 à 12 heures. La préfète de l'Oise a produit un mémoire le 4 juillet 2023 après la clôture de l'instruction. M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 avril 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le rapport de Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre, a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. M. B..., ressortissant polonais né le 29 novembre 1979, déclare être entré en France en 2007. Il relève appel du jugement du 8 février 2023 par lequel la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 26 janvier 2023 par lequel la préfète de l'Oise l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement et lui a interdit la circulation sur le territoire français avant l'expiration d'un délai d'un an. Sur la régularité du jugement : 2. La requête introductive d'instance présentée par M. B..., sans l'assistance d'un conseil, ne comportait pas de moyens d'annulation. Ce n'est qu'oralement, lors de l'audience publique que le conseil de M. B... a exposé des moyens d'annulation, qui sont retranscrits dans les visas du jugement et dont aucun n'est tiré d'un défaut de motivation, d'un défaut d'examen de sa situation et de son droit à mener une vie familiale normale. Par suite, le moyen tiré de ce que le jugement attaqué serait irrégulier pour avoir omis de statuer sur de tels moyens ne peut qu'être écarté. Sur le bien-fondé du jugement : 3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 200-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les restrictions au droit de circuler et de séjourner librement en France prononcées à l'encontre de l'étranger dont la situation est régie par le présent livre ne peuvent être motivées que par un comportement qui constitue, du point de vue de l'ordre public et de la sécurité publique, une menace réelle, actuelle et suffisamment grave à l'encontre d'un intérêt fondamental de la société (...) ". Aux termes de l'article L. 251-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui figure au livre II intitulé " Dispositions applicables aux citoyens de l'Union européenne et aux membres de leur famille " : " L'autorité administrative compétente peut, par décision motivée, obliger les étrangers dont la situation est régie par le présent livre, à quitter le territoire français lorsqu'elle constate les situations suivantes : (...) 2° Leur comportement personnel constitue, du point de vue de l'ordre public ou de la sécurité publique, une menace réelle, actuelle et suffisamment grave à l'encontre d'un intérêt fondamental de la société ; (...) L'autorité administrative compétente tient compte de l'ensemble des circonstances relatives à leur situation, notamment la durée du séjour des intéressés en France, leur âge, leur état de santé, leur situation familiale et économique, leur intégration sociale et culturelle en France, et l'intensité des liens avec leur pays d'origine ". 4. M. B... a été condamné à quatre mois d'emprisonnement avec sursis pour des faits commis le 13 octobre 2019, de blessures involontaires avec incapacité n'excédant pas trois mois en tant que conducteur d'un véhicule terrestre à moteur non titulaire du permis de conduire, à une peine de 350 euros d'amende assortie de l'obligation d'accomplir un stage de sensibilisation à la sécurité routière pour des faits, commis le 30 novembre 2019, de conduite de véhicule sous l'empire d'un état alcoolique, à dix mois d'emprisonnement avec sursis probatoire pendant deux ans, interdiction d'obtenir la délivrance d'un permis de conduire pendant trois mois et interdiction de conduire un véhicule non équipé d'un dispositif homologué anti-démarrage par éthylotest électronique pendant six mois pour des faits, commis le 15 juin 2021, de récidive de conduite d'un véhicule sans permis, de récidive de conduite d'un véhicule sous l'empire d'un état alcoolique et de circulation avec un véhicule terrestre à moteur sans assurance et à dix mois d'emprisonnement avec interdiction d'obtenir la délivrance d'un permis de conduire pendant six mois, interdiction de conduire un véhicule non équipé d'un dispositif homologué anti-démarrage par éthylotest électronique pendant un an et interdiction de conduire un véhicule terrestre à moteur pendant six mois pour des faits, commis le 7 juin 2022, de récidive de conduite d'un véhicule sous l'empire d'un état alcoolique et de récidive de conduite d'un véhicule sans permis. M. B... met en avant sa présence en France depuis seize ans, son insertion par un emploi dans le bâtiment depuis 2020, son concubinage avec une ressortissante française depuis deux ans et la présence en France de son père. Toutefois ces allégations ne sont assorties d'aucune pièce justificative. Par ailleurs les éléments versés au dossier de première instance par la préfète révèlent que M. B... ne maitrise pas la langue française et que sa sœur et son frère avec lesquels il déclare être toujours contact, résident toujours en Pologne. Par suite, dans les circonstances de l'espèce, la préfète de l'Oise n'a pas méconnu les dispositions des articles L. 200-6 et L. 251 1 2° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en décidant son éloignement du territoire français. 5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) 3° L'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de dix ans, sauf s'il a été, pendant toute cette période, titulaire d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle portant la mention " étudiant " (...) " . Aux termes de l'article L. 253-1 du même code : " Outre les dispositions du présent titre, sont également applicables aux étrangers dont la situation est régie par le présent livre les dispositions de l'article L. 611-3(...) ". L'article L. 231-2 de ce même code dispose que : " Les citoyens de l'Union européenne qui souhaitent établir en France leur résidence habituelle se font enregistrer auprès du maire de leur commune de résidence dans les trois mois suivant leur arrivée. Ceux qui n'ont pas respecté cette obligation d'enregistrement sont réputés résider en France depuis moins de trois mois ". 6. Il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B... ait satisfait à l'obligation d'enregistrement figurant à l'article L. 231-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il est donc réputé être présent en France depuis moins de trois mois. Par ailleurs, les périodes qu'il a passées en détention au titre d'une peine privative de liberté ne peuvent s'imputer dans le calcul des dix ans mentionnés par l'article L. 611-3 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers. Par suite, la préfète de l'Oise n'a commis ni erreur de droit, ni erreur d'appréciation en écartant l'application de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à sa situation. 7. En troisième lieu, M. B... allègue être arrivé en France en 2007, à l'âge de vingt-huit ans. S'il se prévaut de la présence de son père en France, il ne l'établit pas, pas plus que la relation qu'il allègue entretenir avec une ressortissante française. En outre, il ressort des pièces du dossier et notamment du procès-verbal de son audition du 4 janvier 2023 qu'il est célibataire sans enfant et que son frère et sa sœur résident encore en Pologne. Dès lors, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision en litige porterait une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la mesure d'éloignement sur sa situation personnelle doivent être écartés. 8. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué du 8 février 2023 le tribunal administratif d'Amiens a rejeté ses demandes. Ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées par voie de conséquence. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Jean-Charles Homehr. Copie en sera adressée pour information à la préfète de l'Oise. Délibéré après l'audience publique du 4 juillet 2023 à laquelle siégeaient : - Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre, - Mme Dominique Bureau, première conseillère, - M. Frédéric Malfoy, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 25 juillet 2023. La première conseillère, Signé : D. BureauLa présidente de chambre, présidente-rapporteure, Signé : G. BorotLa greffière, Signé : A.-S. Villette La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme La greffière, A.-S. Villette 1 2 N°23DA00282
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Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner l'Etat à lui verser la somme de 229 181,95 euros en réparation des préjudices qu'elle a subis du fait d'agissements d'un médecin militaire dont elle a été victime alors qu'elle était engagée volontaire dans l'armée de terre et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un jugement n° 2009160 du 24 novembre 2021, le tribunal administratif de Lille a condamné l'Etat à verser à Mme A... une somme de 54 986,99 euros, sous déduction de la provision d'un montant de 3 250 euros qui lui avait été accordée par le juge des référés de ce tribunal, et a mis à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés le 21 janvier 2022 et le 23 juin 2022, le ministre des armées demande à la cour de réformer le jugement attaqué en jugeant qu'en matière d'indemnisation des accidents de service, la faute personnelle d'un agent non dépourvue de tout lien avec le service ne peut pas engager la responsabilité de l'Etat employeur et que seule une faute dans l'organisation et le fonctionnement du service ouvre droit à une réparation intégrale, en réduisant à de plus justes proportions les montants alloués à Mme A... au titre de l'indemnisation de son déficit fonctionnel temporaire, et en ne lui allouant aucune indemnité au titre de la perte de gains professionnels futurs ou, à tout le moins, en ne lui allouant pas d'indemnité au-delà de la date du terme de son contrat. Il soutient que : - c'est à tort que le tribunal a estimé que la responsabilité de l'Etat était engagée à raison d'une faute personnelle, non dépourvue de tout lien avec le service, commise par l'un de ses agents, alors que seule une faute dans l'organisation et le fonctionnement du service était susceptible d'ouvrir au profit de Mme A..., sur le terrain de la responsabilité pour faute, un droit à une indemnité complémentaire de la pension d'invalidité qui lui a été octroyée ; - l'indemnisation du déficit fonctionnel temporaire subi par Mme A... ne pouvait excéder la somme de 1 550 euros ; - il n'existe aucune perte de gain professionnelle postérieure à la consolidation en lien direct avec les faits dont Mme A... a été victime ; - en tout état de cause, Mme A... ne pouvait prétendre à l'indemnisation d'une perte de gains professionnels subie au-delà du terme de son contrat d'engagement, fixé au 4 mai 2015. Par un mémoire en défense, enregistré le 1er juin 2022, Mme A..., représentée par Me Laurent Guilmain, conclut au rejet de la requête et demande, en outre, à la cour de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que les moyens soulevés par le ministre des armées ne sont pas fondés. La procédure a été communiquée à la caisse nationale militaire de sécurité sociale qui n'a pas produit de mémoire. Par une ordonnance du 23 juin 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 11 juillet 2022 à 12 h 00. Les parties ont été informées, par courrier du 20 juin 2023, que l'arrêt à intervenir était susceptible d'être fondé sur un moyen d'ordre public tiré de ce que, le tribunal administratif de Lille, n'ayant pas statué sur la dévolution des frais d'expertise, a méconnu la règle, applicable même sans texte à toute juridiction administrative, qui lui impartit d'épuiser son pouvoir juridictionnel, de sorte qu'il y a lieu pour la cour d'annuler dans cette mesure le jugement attaqué, d'évoquer sur ce point et de statuer sur la charge des frais d'expertise. Des observations en réponse à ce moyen d'ordre public, enregistrées le 23 juin 2023, ont été présentées par Mme A..., qui acquiesce à ce moyen d'ordre public. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de la défense ; - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Dominique Bureau, première conseillère, - les conclusions de M. Nil Carpentier-Daubresse, rapporteur public, - et les observations de Me Guilmain représentant Mme A.... Considérant ce qui suit : 1. Mme B... A..., engagée volontaire dans l'armée de terre depuis le 4 mai 2004, a atteint le grade caporal-chef et a été mutée, le 1er août 2010, au C... en qualité de secrétaire. Elle a bénéficié d'arrêts de travail répétés prescrits par des médecins civils entre le 27 avril 2012 et le 26 février 2013. Par un arrêté du 10 juin 2013, le ministre de la défense a placé Mme A... en congé de longue durée pour une première période de six mois à compter du 27 février 2013, renouvelée à deux reprises jusqu'au 26 mai 2014, en précisant que l'affection justifiant ce congé n'était " pas survenue à l'occasion ou du fait de ses fonctions ". Par un arrêté du 13 mai 2014, le ministre de la défense a rayé Mme A... des contrôles de l'armée pour inaptitude physique définitive, et l'a admise à faire valoir ses droits à pension de retraite. Acceptant, par un arrêté du 6 novembre 2017, de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie dont souffre Mme A..., le ministre de la défense lui a accordé une pension militaire d'invalidité. Mme A... a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner l'Etat à lui verser, notamment, une indemnité complémentaire de cette pension militaire d'invalidité, en réparation du déficit fonctionnel temporaire et permanent, de la perte de gains professionnels actuels et futurs et de l'incidence professionnelle qu'elle estime avoir subis du fait de cet accident de service, constitué par des agissements commis à son encontre, au cours des mois d'août 2012 à avril 2013, par M. ..., médecin militaire, lors de visites médicales de contrôle auxquelles elle a dû se soumettre, et selon elle à l'origine de la dégradation de son état de santé. 2. Par un jugement du 24 novembre 2021, le tribunal administratif de Lille, faisant partiellement droit à la demande de Mme A..., a condamné l'Etat à lui verser, sous déduction de la provision de 3 250 euros accordée par une ordonnance du 27 août 2018 du juge des référés du tribunal administratif de Lille, une indemnité totale de 54 986,99 euros, comportant, d'une part, une somme de 2 000 euros au titre des souffrances morales, non réparées par la pension militaire d'invalidité, et d'autre part, une somme totale de 52 986,99 euros au titre d'un complément d'indemnisation du déficit fonctionnel temporaire et permanent, de la perte de gains professionnels actuels et futurs et de l'incidence professionnelle, que la pension militaire d'invalidité a pour objet de réparer. Le ministre des armées relève appel de ce jugement en ce qui concerne ces seuls postes de préjudice. A cet égard, il conteste le principe même de l'engagement de la responsabilité de l'Etat sur le terrain de la faute. Il conteste également le caractère indemnisable et l'évaluation par les premiers juges de certains de ces préjudices. Il doit ainsi être regardé comme demandant, à titre principal, l'annulation et, à titre subsidiaire, la réformation du jugement attaqué en tant que le tribunal a condamné l'Etat à verser à Mme A... un complément d'indemnisation des préjudices réparés par la pension militaire d'invalidité et en a fixé le montant à la somme de 52 986,99 euros. Sur la régularité du jugement attaqué : 3. Il résulte des termes mêmes du jugement attaqué que le tribunal administratif de Lille a omis de statuer sur la charge définitive des frais de l'expertise ordonnée en référé par le président du même tribunal. Le tribunal a, ainsi, méconnu la règle, applicable même sans texte à toute juridiction administrative, qui lui impartit d'épuiser son pouvoir juridictionnel, de sorte qu'il y a lieu pour la cour d'annuler dans cette mesure le jugement attaqué, d'évoquer sur ce point et de statuer immédiatement sur la charge des frais d'expertise. 4. Il y a lieu, en revanche, de statuer dans le cadre et dans la limite de l'effet dévolutif de l'appel formé par le ministre sur les conclusions à fin d'indemnisation présentées par Mme A... devant le tribunal administratif de Lille. Sur la responsabilité pour faute de l'Etat : 5. Aux termes de l'article L. 4123-2 du code de la défense : " Les militaires bénéficient des régimes de pensions ainsi que des prestations de sécurité sociale dans les conditions fixées par le code des pensions civiles et militaires de retraite, le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre et le code de la sécurité sociale. / (...) ". Aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, dont les dispositions ont été reprises depuis le 1er janvier 2017 à l'article L. 121-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Ouvrent droit à pension : / (...) / 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; / 3° L'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'infirmités étrangères au service ; / (...) ". 6. Eu égard à la finalité qui lui est assignée par les dispositions de l'article L. 1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, reprises depuis le 1er janvier 2017 à l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, et aux éléments entrant dans la détermination de son montant, la pension militaire d'invalidité doit être regardée comme ayant pour objet de réparer, d'une part, les pertes de revenus et l'incidence professionnelle de l'incapacité physique et, d'autre part, le déficit fonctionnel, entendu comme l'ensemble des préjudices à caractère personnel liés à la perte de la qualité de la vie, aux douleurs permanentes et aux troubles ressentis par la victime dans ses conditions d'existence personnelles, familiales et sociales. 7. En instituant la pension militaire d'invalidité, le législateur a entendu déterminer forfaitairement la réparation à laquelle les militaires victimes d'un accident de service peuvent prétendre, au titre de l'atteinte qu'ils ont subie dans leur intégrité physique, dans le cadre de l'obligation qui incombe à l'Etat de les garantir contre les risques qu'ils courent dans l'exercice de leur mission. Toutefois, ces dispositions ne font notamment pas obstacle à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre l'Etat, dans le cas notamment où l'accident serait imputable à une faute de nature à engager sa responsabilité. 8. Pour déterminer si l'accident de service ayant causé un dommage à un militaire est imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat, de sorte que ce militaire soit fondé à engager une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale par l'Etat de l'ensemble du dommage, il appartient au juge administratif, saisi de conclusions en ce sens, de rechercher si l'accident est imputable à une faute commise dans l'organisation ou le fonctionnement du service. 9. En l'espèce, par un jugement du 24 février 2016 du tribunal correctionnel de Lille, dont il n'est pas contesté qu'il est devenu définitif sur ce point, M. ..., médecin militaire, officier supérieur, a été reconnu coupable d'attouchements sexuels commis par surprise au cours d'examens médicaux réalisés dans l'exercice de ses fonctions sur quatre plaignantes, dont Mme A.... Eu égard à l'autorité de la chose jugée qui s'attache aux constations de faits par le juge pénal, la matérialité des agissements dont Mme A... a été la victime est établie, et n'est d'ailleurs pas contestée par le ministre des armées. La faute ainsi commise, en raison de sa gravité, présente le caractère d'une faute personnelle détachable du service. Une telle faute n'ouvre pas, par elle-même, au profit de Mme A..., un droit au versement d'une indemnité complémentaire de la pension militaire d'invalidité au titre des préjudices que cette pension a pour objet de réparer. 10. Il résulte, toutefois, de l'instruction, en particulier des éléments recueillis par les services de la gendarmerie nationale en juillet 2013, dans le cadre d'une enquête préliminaire, que les agissements répétés de M. ... à l'encontre de plusieurs militaires étaient connus de sa hiérarchie dès l'année 2008, alors qu'il était en poste au centre médical de .... Son supérieur hiérarchique s'était alors borné à le recevoir en entretien pour une mise en garde et à préconiser la présence d'un personnel féminin lorsqu'il recevrait des femmes en consultation. Il ne résulte pas de l'instruction que la mise en œuvre de cette mesure ait été contrôlée, ni poursuivie après la mutation de M. ... à ..., un an après son affectation à .... S'il résulte de l'instruction qu'à la suite de l'ouverture d'une procédure pénale à l'encontre de M. ... pour des faits de même nature, ce dernier a été suspendu de ses fonctions en février 2013, cette mesure n'est intervenue que près de cinq ans après que l'administration eut connaissance de ses agissements et postérieurement à ceux dont Mme A... a été victime. Au surplus, le jugement du 24 février 2016, mentionné au point précédent, relève que l'administration " n'a pas tiré toutes les conséquences des informations dont elle disposait ". Compte tenu de la nature, du caractère répété et de la gravité des agissements de M. ..., les mesures prises par l'autorité militaire en vue de prévenir leur réitération ont présenté un caractère insuffisant, constitutif d'une faute commise dans l'organisation et le fonctionnement du service. Cette faute ayant rendu possible les agissements dont M. ... s'est rendu coupable envers Mme A..., reconnus comme accident de service, celle-ci est fondée à demander à la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité complémentaire de la pension miliaire d'invalidité qui lui a été allouée au titre des préjudices que cette pension vise à réparer, si elle n'en assure pas la réparation intégrale. Sur les préjudices dont la pension militaire d'invalidité a pour objet d'assurer la réparation : 11. Lorsqu'il est saisi de conclusions tendant au versement d'une indemnité complémentaire au titre des préjudices que la pension militaire d'invalidité a pour objet de réparer, il incombe au juge administratif de déterminer le montant total de ces préjudices, avant toute compensation par cette prestation, d'en déduire le capital représentatif de la pension et d'accorder à l'intéressé une indemnité égale au solde, s'il est positif. En ce qui concerne la perte de gains professionnels futurs : 12. Par le jugement attaqué, le tribunal a estimé que Mme A... était en droit de se prévaloir d'une perte de gains professionnels, depuis la consolidation de son état de santé et jusqu'à la date théorique de son départ à la retraite, pour des montants respectifs de 31 763,88 euros, évalués à la date du jugement, et de 111 969, 85 euros pour la période postérieure à celui-ci. 13. En premier lieu, le ministre des armées soutient que, postérieurement à la date de consolidation de son état de santé, fixée au 21 avril 2014, Mme A... n'a subi aucune perte de gains professionnels en lien direct avec les agressions dont elle a été victime à partir du mois d'août 2012. Il fait valoir que, dans les conclusions de son rapport, l'expert désigné en référé par le président du tribunal administratif de Lille a relevé l'existence d'un état antérieur et qualifié de retour à cet état antérieur la situation médicale de l'intéressée au moment de la consolidation de son état. 14. Dans son rapport, l'expert a identifié l'existence chez Mme A... de troubles anxio-dépressifs, documentés dès l'année 2005, à l'issue de son retour d'une mission au Sénégal et qui ont justifié la prescription de traitements médicamenteux ainsi que des arrêts de travail depuis l'année 2009. L'état de santé de Mme A... antérieur aux agressions dont elle a été victime à partir du mois d'août 2012 est décrit par l'expert comme une " souffrance existentielle, répétée, sans réelle restriction de la capacité relationnelle ou rétrécissement de la liberté existentielle, qui a autorisé le maintien d'une relation à un juste degré d'adéquation des relations à autrui et aux situations, la projection dans l'avenir, la possibilité de contrôler ses actes et ses affects, bien qu'émaillée d'arrêts de travail, de proposition de traitement psychotrope anxio-sédatif et de suivi spécialisé ". L'expert a estimé que ces troubles entraînaient un déficit fonctionnel permanent de 15 %. L'expert a, par ailleurs, relevé que les agressions subies par Mme A... étaient directement à l'origine de l'apparition d'un syndrome de stress post- traumatique, caractérisé par " un trépied pathognomonique qui associe reviviscences, conduites d'évitement et hyperactivation neurovégétative ", dont il a constaté la persistance au cours de l'examen clinique réalisé le 21 juin 2017, plus de trois ans après la date de consolidation fixée au 21 avril 2014. Pour estimer que la consolidation, comprise comme la date à laquelle l'état de Mme A... peut être considéré stabilisé sans amélioration, ni aggravation prévisible, devait être considérée comme acquise à cette date, l'expert s'est fondé sur les conclusions d'un médecin psychiatre des hôpitaux des armées qui, à l'issue d'un examen réalisé le 21 janvier 2014, lors du renouvellement du congé de longue durée dont bénéficiait alors l'intéressée, avait relevé une " stabilisation de l'humeur qui permet un arrêt du traitement antidépresseur " et " une fragilité en particulier anxieuse qui incite à prolonger de trois mois l'arrêt maladie pour consolider l'amélioration ". A l'issue de l'examen clinique du 21 juin 2017, l'expert a précisé que l'ensemble des manifestations du syndrome de stress post-traumatique entraînaient une détresse cliniquement significative et une altération du fonctionnement professionnel et social et estimé que Mme A... subissait un déficit fonctionnel permanent total de 40 %, dont 25 % étaient imputables au syndrome de stress post-traumatique après déduction de la fraction de 15 % en lien avec son état antérieur. Enfin, en dehors du passage des conclusions du rapport d'expertise relatives à la date de consolidation, l'expert ne mentionne à aucun moment dans son rapport que celle-ci s'était manifestée par un retour à l'état antérieur, ce qui serait en contradiction avec l'ensemble des éléments analysés ci-dessus. 15. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent que, contrairement à ce que soutient le ministre, l'état de santé de Mme A..., rayée des contrôles de l'armée pour invalidité définitive par un arrêté du 13 mai 2014, après une période de congé de longue durée à demi-solde, ne permet pas d'exclure par principe que celle-ci ait subi une perte de revenus postérieure à cette consolidation et en lien direct avec les agressions dont elle a été victime. 16. Toutefois, il résulte également de la fiche de synthèse du dossier de Mme A... produite par le ministre, et il n'est pas contesté par l'intéressée, que son contrat d'engagement prenait fin le 3 mai 2015. Il ne résulte pas de l'instruction, en l'état du dossier, compte tenu notamment de l'apparition de troubles antérieurs à l'accident de service et de leur impact sur l'accomplissement de celui-ci, que Mme A... ait été privée d'une chance sérieuse d'obtenir le renouvellement de son engagement au-delà de son terme, ni de poursuivre ensuite sa carrière jusqu'à l'âge théorique de son admission à la retraite. Mme A... n'est donc en droit de prétendre à l'indemnisation de la perte de gains professionnels postérieurs à la consolidation que pour la période du 21 avril 2014 au 3 mai 2015. 17. S'agissant de l'évaluation de ce poste de préjudice, Mme A... a déclaré au titre de ses revenus imposables, dans la catégorie des " salaires et assimilés ", la somme de 10 320 euros. Elle avait perçu une solde de 1 323 euros au titre du mois de janvier 2014, de 754,54 euros au titre de février 2014, de 754,13 euros au titre de mars 2014 et de 752,89 euros au titre du mois d'avril 2014, dont les deux tiers doivent être regardés comme se rapportant à la fraction de ce mois antérieur à la date de consolidation, fixée au 21 avril 2014. Elle a donc perçu des revenus de cette nature de 6 986,34 euros durant les huit mois et un tiers correspondant à la fraction de l'année 2014 postérieure à la consolidation. Pour l'année 2015, Mme A... a déclaré dans la même catégorie de revenus la somme de 4 052 euros, dont le tiers, soit 1 013 euros doit être regardé comme se rapportant aux revenus perçus durant la période antérieure au 3 mai 2015, date du terme de son contrat d'engagement. Ainsi, durant la période de douze mois et un tiers comprise entre la date de consolidation et celle de la fin théorique du contrat d'engagement, Mme A... a perçu des salaires ou assimilés d'un montant total de 7 999,34 euros. En tenant compte d'une solde moyenne de référence de 1 487 euros, correspondant à la moyenne mensuelle perçue durant chacune des deux années précédant les agressions, Mme A... aurait dû percevoir durant cette même période la somme de 18 334,71 euros, soit une perte de gains professionnels postérieure à la consolidation indemnisable de 10 335,37 euros. En ce qui concerne le déficit fonctionnel temporaire : 18. Le ministre des armées conteste l'évaluation par les premiers juges à la somme de 6 198 euros du déficit fonctionnel temporaire subi par Mme A... et qui, selon lui, doit être évalué à 1 550 euros. L'expert a estimé que, du fait du syndrome de stress post-traumatique résultant des agressions dont elle avait été victime à partir du mois d'août 2012, Mme A... a subi une gêne temporaire " de classe 2 " jusqu'à la date de consolidation de son état de santé, fixée au 21 avril 2014. Compte tenu des symptômes décrits par l'expert avant la stabilisation de l'humeur de l'intéressée ayant permis de regarder son état comme consolidé, il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en l'évaluant, sur la base d'un déficit fonctionnel temporaire de 30 %, à 2 500 euros. En ce qui concerne le montant total des préjudices que la pension militaire d'invalidité a pour objet de réparer et du droit de Mme A... à recevoir indemnisation complémentaire : 19. D'une part, il résulte de ce qui a été dit aux trois points précédents que la perte de gains professionnels futurs, postérieure à la consolidation et le déficit fonctionnel temporaire, en lien direct avec l'accident de service et dont Mme A... est fondée à se prévaloir, doivent être évalués aux sommes respectives de 10 335,37 euros et de 2 500 euros. Le ministre des armées ne conteste, par ailleurs, ni le caractère indemnisable de la perte de gains professionnels actuels (avant consolidation), du déficit fonctionnel permanent (après consolidation) et de l'incidence professionnelle au titre desquels le tribunal administratif de Lille a accordé à Mme A... une indemnisation complémentaire, ni leur évaluation par les premiers juges aux sommes respectives de 6 469,90 euros, 50 000 euros et 20 000 euros. Ainsi, le montant total des préjudices subis par Mme A... et que la pension militaire d'invalidité a pour objet de réparer s'élève à la somme de 89 305,27 euros. 20. D'autre part, il résulte de l'instruction que Mme A... a bénéficié d'arrérages de pension militaire d'invalidité à hauteur de 15 856,03 euros servis entre le 17 octobre 2015 et le 28 août 2021 et bénéficie au même titre d'un capital représentatif de 157 558,61 euros, soit un montant total de 173 414,64 euros, supérieur à la somme de 89 305,27 euros déterminée au point précédent. 21. Il résulte de ce qui a été dit aux deux points précédents que Mme A... n'est en droit de prétendre à aucune indemnisation complémentaire des préjudices que la pension militaire d'invalidité a pour objet de réparer. 22. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre des armées est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a condamné l'Etat à verser à Mme A... la somme de 52 986,99 euros au titre d'un complément d'indemnisation des préjudices que la pension militaire d'invalidité a pour objet de réparer. L'annulation, dans cette mesure, du jugement attaqué, ne remet pas en cause le jugement en tant qu'il condamne l'Etat à verser à Mme A..., sous déduction de la provision de 3 250 euros mise à la charge de l'Etat par l'ordonnance de du 27 août 2018 du juge des référés du tribunal administratif de Lille, une somme de 2 000 euros en réparation de ses souffrances morales, que la pension militaire d'invalidité n'a pas pour objet de réparer, et qui n'est pas contestée en appel par le ministre des armées. Sur les dépens de l'instance devant le tribunal administratif de Lille, constitués par les frais d'expertise : 23. Aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagée entre les parties (...) ". 24. En application de ces dispositions, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat, dont la condamnation au paiement à Mme A... d'une indemnité de 2 000 euros au titre des souffrances morales éprouvées par cette dernière n'est pas remise en cause devant la cour, les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 1 378 euros TTC par une ordonnance du 23 octobre 2017 du président du tribunal administratif de Lille. Sur les frais liés au litige d'appel : 25. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ". 26. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que les frais non compris dans les dépens, exposés par Mme A... devant la cour, soient mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. DÉCIDE : Article 1er : Le jugement n° 2009160 du 24 novembre 2021 du tribunal administratif de Lille est annulé en tant qu'il condamne l'Etat à verser à Mme A... la somme de 52 986,99 euros au titre de l'indemnisation du déficit fonctionnel temporaire et permanent, de la perte de gains professionnels actuels et futurs et de l'incidence professionnelle que la pension militaire d'invalidité a pour objet de réparer. La demande présentée par Mme A... en première instance est rejetée en ce qu'elle tend à l'indemnisation de ces mêmes préjudices. Article 2 : Le jugement n° 2009160 du 24 novembre 2021 du tribunal administratif de Lille est annulé en tant qu'il omet de se prononcer sur la charge des frais d'expertise. Les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 1 378 euros TTC par une ordonnance du 23 octobre 2017 du président du tribunal administratif de Lille sont mis à la charge de l'Etat. Article 3 : Les conclusions présentées devant la cour par Mme A... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre des armées et à Mme B... A.... Délibéré après l'audience publique du 4 juillet 2023 à laquelle siégeaient : - Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre, - Mme Dominique Bureau, première conseillère, - M. Frédéric Malfoy, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 juillet 2023. La rapporteure, Signé : D. Bureau La présidente de chambre, Signé : G. Borot La greffière, Signé : A.S. Villette La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme, La greffière, A.S. Villette 2 N°22DA00147
JADE/CETATEXT000047914850.xml
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Le syndicat CGT des salariés du commerce, de la distribution et des services de Roubaix et environs, a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 18 octobre 2022 par laquelle le directeur régional de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités des Hauts-de-France a homologué le document unilatéral portant sur le projet de licenciement économique collectif donnant lieu à la mise en œuvre du plan de sauvegarde de l'emploi de la société par actions simplifiée (SAS) ACIAM et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un jugement n° 2209806 du 6 mars 2023, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa requête. Procédure devant la cour : Par une requête et des mémoires complémentaires enregistrés les 4 mai, 12 juin et 19 juin 2023, le syndicat CGT des salariés du commerce, de la distribution et des services de Roubaix et environs, représenté par Me Rilov, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) d'annuler la décision du 18 octobre 2022 par laquelle le directeur régional de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (DREETS) des Hauts-de-France a homologué le document unilatéral portant sur le projet de licenciement économique collectif donnant lieu à la mise en œuvre du plan de sauvegarde de l'emploi de la société ACIAM ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - la décision du 18 octobre 2022 ne répond pas à l'exigence de motivation en fait et en droit prévue par l'article L. 1233-57-4 du code du travail ; elle n'indique pas qu'ont été contrôlées les conditions dans lesquelles l'expert a pu assurer sa mission ; elle ne fait pas apparaître les éléments tenant au caractère suffisant des mesures contenues dans le plan au regard des moyens de l'entreprise en liquidation ; elle est insuffisante en ce qui concerne le contrôle de la réalité des recherches de reclassement opérées par le liquidateur et en ce qui concerne les sociétés faisant partie du groupe ; enfin, elle ne comporte aucune mention du contrôle du respect de l'obligation de sécurité tant s'agissant de la régularité de la procédure d'information-consultation du comité social et économique (CSE) que du contenu du plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) ; - l'avis émis par le CSE est irrégulier en raison de l'insuffisance des informations transmises aux membres de ce comité ; notamment, l'expert mandaté par les membres du CSE, n'a pas obtenu communication des documents indispensables à sa mission et n'a pu la réaliser dans des conditions matérielles et un délai suffisant permettant au comité de formuler ses avis en toute connaissance de cause ; les articles L. 1233-24-4 et L. 2325-35 du code du travail ont été ainsi méconnus ; - la décision attaquée est entachée d'une erreur de droit en l'absence de contrôle, par l'administration, du périmètre du groupe et de la proportionnalité du plan de sauvegarde de l'emploi au regard des moyens du groupe auquel la société ACIAM appartient, en méconnaissance des articles L. 1233-57-3 et L. 1233-58, II, alinéa 2 du code du travail ; - elle est entachée d'une erreur de droit en l'absence de contrôle quant aux recherches effectuées par les liquidateurs judiciaires sur les possibilités de reclassement et de contribution financière auprès de chacune des sociétés du groupe auquel la société ACIAM appartient ; - le plan de sauvegarde de l'emploi n'est proportionné ni aux moyens de l'entreprise, ni aux moyens du groupe ; - les moyens mis en œuvre dans le cadre du plan de sauvegarde de l'emploi en matière de prévention des risques pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des salariés au sens de l'article L. 4121-1 du code du travail sont insuffisants. Par des mémoires en défense, enregistrés le 25 mai, 8 juin et 20 juin 2023, la Selarl Miquel Aras et associés et la Selarl Perin Borkowiak, respectivement mandataire liquidateur et mandataire judiciaire de la société ACIAM, représentées par la SCP Fabiani Luc-Thaler Pinatel, concluent au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'appelant la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elles soutiennent que : - à titre principal, la requête d'appel est irrecevable en l'absence d'une motivation suffisante car le syndicat appelant se borne à reproduire les mêmes moyens et conclusions que devant les premiers juges ; - les moyens de la requête ne sont pas fondés ; - la décision d'homologation du PSE est suffisamment motivée ; elle fait apparaître les éléments essentiels de son appréciation quant à la régularité de la procédure d'information et de consultation des instances représentatives du personnel, quant au caractère suffisant des mesures contenues dans le plan au regard des moyens de l'entreprise ou du groupe, quant à la recherche, par l'employeur, des postes de reclassement et enfin quant au respect des obligations de sécurité découlant de l'article L. 4121-1 du code du travail ; - le comité social et économique (CSE) a pu bénéficier de l'assistance d'un expert dans des conditions permettant aux élus de rendre leur avis sur le projet de PSE en toute connaissance de cause ; le CSE s'est réuni à trois reprises, et le délai de douze jours prévu par l'article L.641-4 du code de commerce a été dépassé de quatre jours pour permettre à l'expert de disposer de plus de temps et aux membres du CSE de se prononcer ; il n'est fait état d'aucune demande d'information à laquelle l'employeur n'aurait pas répondu et l'expert a eu connaissance en temps utile des informations nécessaires ; la circonstance qu'il n'ait pas obtenu communication de tous les documents sollicités n'est pas de nature à invalider le PSE ; - s'agissant des entreprises en liquidation judiciaire, en vertu des dispositions de l'article L. 1233-58 du code du travail, l'administration homologue le PSE au regard des seuls moyens de l'entreprise et non du groupe ; il lui appartient ensuite seulement de vérifier que le liquidateur a recherché les moyens dont disposent l'unité économique et sociale et le groupe auquel l'entreprise appartient ; les liquidateurs ont recherché les moyens dont dispose le groupe pour mettre en œuvre le PSE ; - le liquidateur a recherché tous les reclassements possibles en interne et en externe, notamment au sein des entreprises appartenant au même groupe ou à la même unité économique et sociale ; - le PSE est proportionné au regard des moyens dont dispose la société ACIAM ; - le liquidateur n'a pas méconnu ses obligations en matière de sécurité et de santé. Par un mémoire en défense, enregistré le 13 juin 2023, le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés, en faisant valoir que : - la décision attaquée est suffisamment motivée ; - la procédure d'information-consultation du CSE a été menée dans des conditions régulières ; les membres du CSE ont disposé d'une information suffisante pour se prononcer ; l'employeur est le seul débiteur de l'obligation de fournir à l'expert les documents demandés ; l'administration n'a jamais été sollicitée pour enjoindre à l'employeur de communiquer les documents manquants ; il n'est pas établi que l'expert n'a pas été en mesure d'effectuer sa mission et d'éclairer le CSE ; - les mesures du plan de sauvegarde de l'emploi sont suffisantes et proportionnées ; - les dispositions de l'article L. 1233-30 du code du travail n'exigent l'information et la consultation du CSE sur les mesures prévues par le PSE pour prévenir les risques psychosociaux que si ces mesures sont nécessaires ; pour répondre à l'anxiété liée à la fermeture de l'établissement, le liquidateur a prévu des dispositions suffisantes, que l'administration a appréciées et contrôlées. Par une lettre du 4 mai 2023, les parties ont été informées qu'en application de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative il était envisagé d'appeler l'affaire à une audience du 4 juillet 2023 et que l'instruction pourrait être close à partir du 13 juin 2023 sans information préalable. Par une ordonnance du 21 juin 2023, l'instruction a été immédiatement close le jour même. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de commerce ; - le code du travail ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Frédéric Malfoy, premier conseiller, - les conclusions de M. Nil Carpentier-Daubresse, rapporteur public, - et les observations de Me Rilov, représentant le syndicat CGT des salariés du commerce, de la distribution et des services de Roubaix et environs, de Me Pavon-Grangier, représentant la Selarl Miquel Aras et associés et la Selarl Perin Borkowiak. Considérant ce qui suit : 1. Par un jugement du 1er août 2022, le tribunal de commerce de Lille a ouvert la procédure de liquidation judiciaire de la société par actions simplifiée (SAS) ACIAM, entreprise de distribution de prêt-à-porter sous l'enseigne " CAMAIEU ". Ce tribunal a désigné la Selarl Miquel Aras et associés et la Selarl Perin Borkowiak en qualité de mandataires liquidateurs. Par un jugement du 28 septembre 2022, le tribunal de commerce de Lille a prononcé la liquidation judiciaire de la société ACIAM, sans poursuite d'activité. Les mandataires liquidateurs ont déposé auprès de la direction régionale de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités des Hauts de France (DREETS) une demande d'homologation du document unilatéral fixant le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) de la société ACIAM, prévoyant la suppression de la totalité des emplois. Par une décision du 18 octobre 2022, le directeur régional de la DREETS des Hauts-de-France a homologué ce document unilatéral. Le syndicat CGT des salariés du commerce, de la distribution et des services de Roubaix et environs relève appel du jugement du 6 mars 2023 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision d'homologation du 18 octobre 2022. En ce qui concerne l'ordre d'examen des moyens de la requête : 2. Aux termes de l'article L. 1233-57-3 du code du travail : " En l'absence d'accord collectif ou en cas d'accord ne portant pas sur l'ensemble des points mentionnés aux 1° à 5° de l'article L. 1233-24-2, l'autorité administrative homologue le document élaboré par l'employeur mentionné à l'article L. 1233-24-4, après avoir vérifié la conformité de son contenu aux dispositions législatives et aux stipulations conventionnelles relatives aux éléments mentionnés aux 1° à 5° de l'article L. 1233-24-2, la régularité de la procédure d'information et de consultation du comité social et économique, le respect, le cas échéant, des obligations prévues aux articles L. 1233-57-9 à L. 1233-57-16, L. 1233-57-19 et L. 1233-57-20 et le respect par le plan de sauvegarde de l'emploi des articles L. 1233-61 à L. 1233-63 en fonction des critères suivants : / 1° Les moyens dont disposent l'entreprise, l'unité économique et sociale et le groupe ;(...) ". Aux termes des septième, huitième et neuvième alinéas du II de l'article L. 1233-58 de ce code, applicables aux entreprises en redressement ou liquidation judiciaire, dans leur rédaction issue de la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques : " En cas de licenciements intervenus en l'absence de toute décision relative à la validation ou à l'homologation ou en cas d'annulation d'une décision ayant procédé à la validation ou à l'homologation, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois. L'article L. 1235-16 ne s'applique pas. / En cas d'annulation d'une décision de validation mentionnée à l'article L. 1233-57-2 ou d'homologation mentionnée à l'article L. 1233-57-3 en raison d'une insuffisance de motivation, l'autorité administrative prend une nouvelle décision suffisamment motivée, dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à l'administration. Cette décision est portée par l'employeur à la connaissance des salariés licenciés à la suite de la première décision de validation ou d'homologation, par tout moyen permettant de conférer une date certaine à cette information. / Dès lors que l'autorité administrative a édicté cette nouvelle décision, l'annulation pour le seul motif d'insuffisance de motivation de la première décision de l'autorité administrative est sans incidence sur la validité du licenciement et ne donne pas lieu au versement d'une indemnité à la charge de l'employeur ". 3. Il résulte des dispositions de l'article L. 1233-57-3 du code du travail que, lorsqu'elle est saisie d'une demande d'homologation d'un document fixant le contenu d'un plan de sauvegarde de l'emploi, il appartient à l'administration de s'assurer que la procédure d'information et de consultation du comité d'entreprise a été régulière et de vérifier la conformité du plan aux dispositions législatives et aux stipulations conventionnelles applicables. Elle doit également, au regard de l'importance du projet de licenciement, apprécier si les mesures contenues dans le plan sont précises et concrètes et si, à raison, pour chacune, de sa contribution aux objectifs de maintien dans l'emploi et de reclassement des salariés, elles sont, prises dans leur ensemble, propres à satisfaire à ces objectifs compte tenu des efforts de formation et d'adaptation déjà réalisés par l'employeur et des moyens dont disposent l'entreprise et, le cas échéant, l'unité économique et sociale et le groupe. A ce titre, il revient notamment à l'autorité administrative de s'assurer que le plan de reclassement intégré au plan de sauvegarde de l'emploi est de nature à faciliter le reclassement des salariés dont le licenciement ne pourrait être évité. L'employeur doit, pour cela, avoir identifié dans le plan l'ensemble des possibilités de reclassement des salariés dans l'entreprise. En outre, lorsque l'entreprise appartient à un groupe, l'employeur doit avoir procédé à une recherche sérieuse des postes disponibles pour un reclassement dans les autres entreprises du groupe. Mais il résulte des dispositions citées au point 2 que, pour les entreprises qui sont en redressement ou en liquidation judiciaire, le législateur a attaché à l'annulation pour excès de pouvoir d'une décision d'homologation ou de validation d'un plan de sauvegarde de l'emploi, des effets qui diffèrent selon que cette annulation est fondée sur un moyen tiré de l'insuffisance de la motivation de la décision en cause ou sur un autre moyen. Par suite, lorsque le juge administratif est saisi d'une requête dirigée contre une décision d'homologation ou de validation d'un plan de sauvegarde de l'emploi d'une entreprise qui est en redressement ou en liquidation judiciaire, il doit, si cette requête soulève plusieurs moyens, toujours commencer par se prononcer sur les moyens autres que celui tiré de l'insuffisance de la motivation de la décision administrative, en réservant, à ce stade, un tel moyen. Lorsqu'aucun de ces moyens n'est fondé, le juge administratif doit ensuite se prononcer sur le moyen tiré de l'insuffisance de la motivation de la décision administrative, lorsqu'il est soulevé. En ce qui concerne le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure d'information et de consultation des institutions représentatives du personnel : 4. Aux termes de l'article L. 1233-58 du code du travail : " I. En cas de redressement ou de liquidation judiciaire, l'employeur, l'administrateur ou le liquidateur, selon le cas, qui envisage des licenciements économiques, met en œuvre un plan de licenciement dans les conditions prévues aux articles L. 1233-24-1 à L. 1233-24-4. / L'employeur, l'administrateur ou le liquidateur, selon le cas, réunit et consulte le comité social et économique dans les conditions prévues à l'article L. 2323-31 ainsi qu'aux articles : / (...) / 3° L. 1233-30, I à l'exception du dernier alinéa, et dernier alinéa du II, pour un licenciement d'au moins dix salariés dans une entreprise d'au moins cinquante salariés ; / 4° L. 1233-34 et L. 1233-35 premier alinéa et, le cas échéant, L. 2325-35 et L. 4614-12-1 du code du travail relatifs au recours à l'expert ; / 5° L. 1233-31 à L. 1233-33, L. 1233-48 et L. 1233-63, relatifs à la nature des renseignements et au contenu des mesures sociales adressés aux représentants du personnel et à l'autorité administrative ; / 6° L. 1233-49, L. 1233-61 et L. 1233-62, relatifs au plan de sauvegarde de l'emploi ; / 7° L. 1233-57-5 et L. 1233-57-6, pour un licenciement d'au moins dix salariés dans une entreprise d'au moins cinquante salariés. / II. Pour un licenciement d'au moins dix salariés dans une entreprise d'au moins cinquante salariés, l'accord mentionné à l'article L. 1233-24-1 est validé et le document mentionné à l'article L. 1233-24-4, élaboré par l'employeur, l'administrateur ou le liquidateur, est homologué dans les conditions fixées aux articles L. 1233-57-1 à L. 1233-57-3, aux deuxième et troisième alinéas de l'article L. 1233-57-4 et à l'article L. 1233-57-7. / Par dérogation au 1° de l'article L. 1233-57-3, sans préjudice de la recherche, selon le cas, par l'administrateur, le liquidateur ou l'employeur, en cas de redressement ou de liquidation judiciaire, des moyens du groupe auquel l'employeur appartient pour l'établissement du plan de sauvegarde de l'emploi, l'autorité administrative homologue le plan de sauvegarde de l'emploi après s'être assurée du respect par celui-ci des articles L. 1233-61 à L. 1233-63 au regard des moyens dont dispose l'entreprise. / (...) / Les délais prévus au premier alinéa de l'article L. 1233-57-4 [au terme desquels, après réception du dossier complet, l'administration doit notifier à l'employeur sa décision de validation ou d'homologation] sont ramenés, à compter de la dernière réunion du comité social et économique, à huit jours en cas de redressement judiciaire et à quatre jours en cas de liquidation judiciaire. / (...) ". Aux termes de l'article L. 1233-24-4 du même code : " A défaut d'accord (...), un document élaboré par l'employeur après la dernière réunion du comité social et économique fixe le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi et précise les éléments prévus aux 1° à 5° de l'article L. 1233-24-2, dans le cadre des dispositions légales et conventionnelles en vigueur. ". 5. Par ailleurs, aux termes de l'article L. 1233-30 du même code : " I.- Dans les entreprises ou établissements employant habituellement au moins cinquante salariés, l'employeur réunit et consulte le comité social et économique sur : 1° L'opération projetée et ses modalités d'application (...) ; 2° Le projet de licenciement collectif : le nombre de suppressions d'emploi, les catégories professionnelles concernées, les critères d'ordre et le calendrier prévisionnel des licenciements, les mesures sociales d'accompagnement prévues par le plan de sauvegarde de l'emploi et, le cas échéant, les conséquences des licenciements projetés en matière de santé, de sécurité ou de conditions de travail. / Les éléments mentionnés au 2° du présent I qui font l'objet de l'accord mentionné à l'article L. 1233-24-1 ne sont pas soumis à la consultation du comité social et économique prévue au présent article. / Le comité social et économique tient au moins deux réunions espacées d'au moins quinze jours. / (...) ". Aux termes de l'article L. 1233-31 de ce code : " L'employeur adresse aux représentants du personnel, avec la convocation à la première réunion, tous renseignements utiles sur le projet de licenciement collectif. Il indique : 1° La ou les raisons économiques, financières ou techniques du projet de licenciement ; 2° Le nombre de licenciements envisagé ; (...) 7° Le cas échéant, les conséquences de la réorganisation en matière de santé, de sécurité ou de conditions de travail. ". Aux termes de l'article L. 1233-32 du même code : " Outre les renseignements prévus à l'article L. 1233-31, dans les entreprises de moins de cinquante salariés, l'employeur adresse aux représentants du personnel les mesures qu'il envisage de mettre en œuvre pour éviter les licenciements ou en limiter le nombre et pour faciliter le reclassement du personnel dont le licenciement ne pourrait être évité. Dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, l'employeur adresse le plan de sauvegarde de l'emploi concourant aux mêmes objectifs ". L'article L. 2312-39 de ce code dispose que le comité social et économique " émet un avis sur l'opération projetée et ses modalités d'application dans les conditions et délais prévus à l'article L. 1233-30, lorsqu'elle est soumise à l'obligation d'établir un plan de sauvegarde de l'emploi ". 6. Il résulte de l'ensemble des dispositions citées ci-dessus que, lorsqu'elle est saisie, en cas de liquidation judiciaire, par le liquidateur, d'une demande d'homologation d'un document élaboré en application de l'article L. 1233-24-4 du code du travail et fixant le contenu d'un plan de sauvegarde de l'emploi, il appartient à l'administration de s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, que la procédure d'information et de consultation du comité social et économique a été régulière. Elle ne peut légalement accorder l'homologation demandée que si le comité a été mis à même d'émettre régulièrement un avis, d'une part sur l'opération projetée et ses modalités d'application et, d'autre part, sur le projet de licenciement collectif et le plan de sauvegarde de l'emploi. Il appartient à ce titre à l'administration de s'assurer que l'employeur a adressé au comité social et économique, avec la convocation à sa première réunion, ainsi que, le cas échéant, en réponse à des demandes exprimées par le comité, tous les éléments utiles pour qu'il formule ses deux avis en toute connaissance de cause, dans des conditions qui ne sont pas susceptibles d'avoir faussé sa consultation. Lorsque le comité social et économique a décidé de recourir à l'assistance d'un expert en application de ces dispositions, il appartient à l'administration de s'assurer que l'expert a pu exercer sa mission dans des conditions permettant au comité d'entreprise de disposer de tous les éléments utiles pour formuler ses deux avis en toute connaissance de cause. En particulier, même si, en cas de redressement et de liquidation judiciaires, une seule réunion du comité d'entreprise est en principe prévue par l'article L. 1233-58, le recours à un expert, destiné à éclairer le comité d'entreprise, justifie qu'il soit réuni une seconde fois afin de ne pas priver d'effet le recours à l'expertise. Il appartient alors à l'administration de s'assurer que les deux avis du comité d'entreprise ont été recueillis après que ce dernier a été mis à même de prendre connaissance des analyses de l'expert ou, à défaut de remise du rapport de l'expert, à une date à laquelle, eu égard notamment aux délais propres à la procédure ouverte par le tribunal de commerce et aux diligences de l'employeur, l'expert a disposé d'un délai suffisant pour réaliser sa mission dans des conditions permettant au comité d'entreprise de formuler ses avis en connaissance de cause. 7. Le liquidateur doit réunir et consulter le CSE dans les conditions prévues par les articles L. 1233-30 et L. 1233-31 du code du travail cités au point 5, c'est-à-dire notamment sur " la ou les raisons économiques, financières ou techniques du projet de licenciement ", " l'opération projetée et ses modalités d'application ", " le projet de licenciement collectif : le nombre de suppressions d'emploi, les catégories professionnelles concernées, les critères d'ordre et le calendrier prévisionnel des licenciements, les mesures sociales d'accompagnement prévues par le plan de sauvegarde de l'emploi et, le cas échéant, les conséquences des licenciements projetés en matière de santé, de sécurité ou de conditions de travail ". Lors de sa première réunion du 7 octobre 2022, le comité social et économique (CSE) de la société ACIAM a décidé de faire appel à un cabinet d'expertise comptable afin de l'assister aux fins notamment d'établir un rapport permettant d'analyser la situation économique et comptable de l'entreprise ACIAM, notamment en ce qui concerne ses rapports avec les autres sociétés du groupe auquel elle appartient. A la suite de sa désignation, le cabinet d'expertise comptable a adressé le jour même aux mandataires liquidateurs de la société ACIAM une demande d'informations comportant, en annexe, une liste détaillée de demandes de pièces, comprenant au total soixante-et-un documents, répartis en quatre items respectivement intitulés " A. Informations générales ", " B. Analyse du groupe (Exercices 2020, 2021 et dernier état connu 2022) ", " C. Analyse de l'entreprise ACIAM (Exercices 2020, 2021 et dernier état connu 2022) " et " D. Emploi et organisation du travail (Exercices 2020, 2021 et dernier état connu 2022) ". Pour chacun de ces thèmes, les documents sollicités étaient identifiés et cotés de A1 à A10, de B1 à B14, de C1 à C25 et de D1 à D12. Si le cabinet d'expertise comptable a sollicité les 19 octobre, 4 novembre et 15 novembre 2022 la communication de données complémentaires nécessaires à son analyse, ces demandes ont toutefois été formulées postérieurement à la décision d'homologation attaquée et l'absence de réponse à ces dernières demandes ne saurait être utilement mise en avant par l'appelant. 8. Le procès-verbal de la deuxième réunion du CSE du 10 octobre 2022 relate les difficultés rencontrées par le mandataire liquidateur pour rassembler, dans le court délai imparti, l'intégralité des documents demandés et son engagement de procéder à leur transmission le jour-même. Plusieurs courriels du mandataire liquidateur du 10 octobre 2022 dressent la liste des documents transmis en précisant que tous les documents en possession du liquidateur ainsi que toutes les informations recueillies auprès des salariés ont été transmis. Toutefois, par courrier du 15 novembre 2022, le cabinet d'expertise comptable, qui n'a pas rédigé de rapport dans les délais impartis pour homologuer le plan de sauvegarde de l'emploi par l'article L. 1233-58 du code du travail, a dressé la liste des pièces cotées de A à D qu'il n'a pas reçues. Il ressort de ces échanges qu'à l'exception des données relatives à l'analyse du groupe, pour lequel n'a été transmise que la pièce cotée B12 (estimation des parts de marché de l'entreprise et de ses principaux concurrents par segment d'activité et par zone géographique et marché français pour l'ensemble des produits vendus par le groupe), la majorité des documents sollicités concernant les informations générales sur la situation de la société (statuts, Kbis, organigramme complet du groupe, plan de cession avec ses annexes ordonné par jugement du 17 août 2020 par le tribunal de commerce, jugement du 17 août 2020 ordonnant le plan de cession, jugement du 28 septembre 2022 du tribunal de commerce prononçant la liquidation judiciaire) ), l'analyse de l'entreprise (rapports des commissaires aux comptes sur les comptes annuels, liasses fiscales, balances générales, compte de résultats analytiques pour les exercices 2021 et 2022, liste détaillée des provisions pour risques et charges, toutes les conventions régissant les relations entre la société et des entités de son groupe, détail des aides et subventions publiques perçues sur les exercices 2020 à 2022) ainsi que l'emploi et l'organisation du travail, ont été communiqués. 9. Ainsi, si, comme le mentionne le compte-rendu de la troisième et dernière réunion du CSE du 17 octobre 2022, entre le 10 octobre et cette date, le cabinet n'a pu obtenir communication de toutes les informations initialement sollicitées, il a néanmoins reçu des éléments d'information suffisants et a pu disposer de sept jours pour examiner les documents comportant des éléments financiers, y compris sur les liens entre la société ACIAM et d'autres sociétés du groupe. Pour mener sa mission, ce cabinet disposait par ailleurs du projet de document unilatéral comportant l'ensemble des informations exigées par l'article L. 1233-31 du code du travail, notamment les raisons économiques du projet de licenciement. Par suite, dans les circonstances de l'espèce et compte-tenu notamment, de la procédure de liquidation judiciaire, le cabinet d'expertise comptable a disposé d'éléments et d'un délai suffisants le mettant en mesure d'établir son rapport même s'il ne l'a pas remis, de sorte que le comité social et économique, qui au demeurant n'a pas usé de la possibilité aménagée par l'article L. 1233-57-5 du code du travail d'adresser à l'administration une demande tendant à ce qu'il soit enjoint à l'employeur de fournir les éléments d'information sollicités par l'expert, a pu valablement formuler ses avis en toute connaissance de cause. En ce qui concerne le moyen tiré de l'insuffisance des mesures du plan de sauvegarde de l'emploi : 10. En vertu du deuxième alinéa du II de l'article L. 1233-58 du code du travail et par dérogation aux dispositions, citées au point 2, du 1° de l'article L. 1233-57-3 qui prévoit que l'administration vérifie le respect par le plan de sauvegarde de l'emploi des articles L. 1233-61 à L. 1233-63 en fonction des moyens dont disposent l'entreprise, l'unité économique et sociale et le groupe, " sans préjudice de la recherche, selon le cas, par l'administrateur, le liquidateur ou l'employeur, en cas de redressement ou de liquidation judiciaire, des moyens du groupe auquel l'employeur appartient pour l'établissement du plan de sauvegarde de l'emploi, l'autorité administrative homologue le plan de sauvegarde de l'emploi après s'être assurée du respect par celui-ci des articles L. 1233-61 à L. 1233-63 au regard des moyens dont dispose l'entreprise. ". Pour l'application de ces dispositions, les moyens du groupe s'entendent des moyens, notamment financiers, dont disposent l'ensemble des entreprises placées, ainsi qu'il est dit au I de l'article L. 2331-1 du code du travail, sous le contrôle d'une même entreprise dominante dans les conditions définies à l'article L. 233-1, aux I et II de l'article L. 233-3 et à l'article L. 233-16 du code de commerce, ainsi que de ceux dont dispose cette entreprise dominante, quel que soit le lieu d'implantation du siège de ces entreprises. 11. D'autre part, aux termes de l'article L. 1233-61 du même code : " Dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, lorsque le projet de licenciement concerne au moins dix salariés dans une même période de trente jours, l'employeur établit et met en œuvre un plan de sauvegarde de l'emploi pour éviter les licenciements ou en limiter le nombre. / Ce plan intègre un plan de reclassement visant à faciliter le reclassement sur le territoire national des salariés dont le licenciement ne pourrait être évité, notamment celui des salariés âgés ou présentant des caractéristiques sociales ou de qualification rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile. / (...) ". Aux termes de l'article L. 1233-62 de ce code : " Le plan de sauvegarde de l'emploi prévoit des mesures telles que : / 1° Des actions en vue du reclassement interne sur le territoire national, des salariés sur des emplois relevant de la même catégorie d'emplois ou équivalents à ceux qu'ils occupent ou, sous réserve de l'accord exprès des salariés concernés, sur des emplois de catégorie inférieure ; / 1° bis Des actions favorisant la reprise de tout ou partie des activités en vue d'éviter la fermeture d'un ou de plusieurs établissements ; / 2° Des créations d'activités nouvelles par l'entreprise ; / 3° Des actions favorisant le reclassement externe à l'entreprise, notamment par le soutien à la réactivation du bassin d'emploi ; / 4° Des actions de soutien à la création d'activités nouvelles ou à la reprise d'activités existantes par les salariés ; / 5° Des actions de formation, de validation des acquis de l'expérience ou de reconversion de nature à faciliter le reclassement interne ou externe des salariés sur des emplois équivalents ; / 6° Des mesures de réduction ou d'aménagement du temps de travail ainsi que des mesures de réduction du volume des heures supplémentaires réalisées de manière régulière lorsque ce volume montre que l'organisation du travail de l'entreprise est établie sur la base d'une durée collective manifestement supérieure à trente-cinq heures hebdomadaires ou 1 600 heures par an et que sa réduction pourrait préserver tout ou partie des emplois dont la suppression est envisagée. ". 12. Il résulte des dispositions citées aux points 10 et 11 que, lorsque l'administration est saisie d'une demande d'homologation d'un document élaboré en application de l'article L. 1233-24-4 du code du travail, il lui appartient, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, de vérifier, dans le cas des entreprises en liquidation judiciaire, d'une part, que le liquidateur a recherché, pour l'établissement du plan de sauvegarde de l'emploi, les moyens dont disposent l'unité économique et sociale et le groupe auquel l'entreprise appartient et, d'autre part, que le plan de sauvegarde de l'emploi n'est pas insuffisant au regard des seuls moyens dont dispose l'entreprise. En outre, lorsque l'entreprise appartient à un groupe, l'employeur, seul débiteur de l'obligation de reclassement, doit avoir procédé à une recherche sérieuse des postes disponibles sur le territoire national pour un reclassement dans les autres entreprises du groupe, quelle que soit la durée des contrats susceptibles d'être proposés pour pourvoir à ces postes. Pour l'ensemble des postes de reclassement ainsi identifiés, l'employeur doit avoir indiqué dans le plan leur nombre, leur nature et leur localisation. En revanche, à ce stade de la procédure, il ne lui appartient pas de contrôler le respect de l'obligation qui, en application de l'article L. 1233-4 du code du travail, incombe à l'employeur qui projette de licencier un salarié pour motif économique, consistant à procéder, préalablement à son licenciement, à une recherche sérieuse des postes disponibles pour le reclassement de ce salarié, qu'ils soient ou non prévus au plan de sauvegarde de l'emploi, en vue d'éviter autant que de possible ce licenciement. Il en va ainsi même lorsque le document unilatéral arrêtant le plan de sauvegarde d'emploi comporte des garanties relatives à la mise en œuvre de l'obligation, prévue à l'article L. 1233-4 du code du travail, de recherche sérieuse de reclassement individuel. Au demeurant, de telles garanties, dont les salariés pourront, le cas échéant, se prévaloir pour contester leur licenciement, ne sont pas de nature à dispenser l'employeur de respecter, dans toute son étendue, l'obligation qui lui incombe en vertu de l'article L. 1233-4 du code du travail. 13. Il ressort de l'organigramme du groupe figurant dans le document unilatéral fixant le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi que la société ACIAM est une filiale à 100 % de la société Multi Project Investments, elle-même détenue à 100 % par la société Immo Prom, elle-même détenue à 100 % par la société Hermione People et Brands, elle-même détenue à 94% par la société O Invest. Par une sommation interpellative du 4 octobre 2022, le liquidateur judiciaire de la société ACIAM a notifié à la société O Invest mais également aux sociétés Financière Immobilière Bordelaise, Hermione Holding, Immo Prom, Multi Project Investments ainsi qu'à la société Hermione People et Brands, une demande, d'une part, de contribution à la recherche de reclassement, au sein des sociétés du groupe, des personnels de la société ACIAM licenciés pour motif économique et, d'autre part, au financement du plan de sauvegarde de l'emploi devant être mis en œuvre. 14. En premier lieu, dans ces conditions, même s'il est constant que chacune des sociétés détenues par l'une ou l'autre de ces entreprises dominantes n'a pas été sollicitée individuellement pour abonder financièrement le plan de sauvegarde de l'emploi, la seule saisine de ces sociétés dominantes suffisait à satisfaire aux exigences de la recherche " des moyens du groupe auquel l'employeur appartient " prévue par le deuxième alinéa du II de l'article L. 1233-58 cité au point 10, sans que la circonstance que la société O Invest n'ait pas apporté de réponse ait une incidence sur la légalité de la décision d'homologation. 15. En deuxième lieu, le liquidateur a en outre directement saisi par des lettres recommandées, chacune des sociétés identifiées dans l'organigramme du groupe figurant dans le document unilatéral fixant le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi pour solliciter leur participation au reclassement des salariés de la société ACIAM. Les lettres de demande de reclassement interne au groupe comportaient en annexe la liste individualisée de tous les salariés concernés, avec mention de leur âge, de leur lieu de résidence, de la nature du contrat, des fonctions exercées et de la catégorie professionnelle et sollicitaient des précisions sur les postes susceptibles d'être offerts tels que la localisation ou le descriptif des tâches et les coordonnées de la personne ayant compétence pour recevoir les candidatures. La teneur de ces courriers était suffisante alors qu'ainsi qu'il a été point 12, à ce stade de la procédure, il n'appartient pas à l'administration de contrôler le respect de l'obligation qui incombe à l'employeur de procéder, préalablement à un licenciement, à une recherche sérieuse des postes disponibles pour le reclassement. S'il est soutenu que trois sociétés ayant une activité dans le secteur hôtelier à Roissy, Versailles et Bordeaux, n'ont pas été sollicitées, d'une part, les pièces versées au dossier ne suffisent pas à établir qu'elles faisaient partie du groupe tel que défini au point 10 à la date de la décision d'homologation. D'autre part, comme exposé au point 14, la seule saisine de ces sociétés dominantes suffisait à satisfaire aux exigences de la recherche " des moyens du groupe auquel l'employeur appartient " pour envisager les possibilités de reclassement. 16. En tout état de cause, à supposer même que la recherche " des moyens du groupe auquel l'employeur appartient " prévue par le deuxième alinéa du II de l'article L. 1233-58 ait été incomplète, une telle circonstance ne suffirait pas à entraîner par elle-même l'annulation de la décision d'homologation dès lors que la matérialité de cette recherche, son objet et son étendue ne conditionnent pas la légalité de la décision de l'administration homologuant le document unilatéral fixant le plan de sauvegarde de l'emploi d'une entreprise se trouvant en liquidation ou en redressement judiciaire. 17. En troisième et dernier lieu, il ressort du document unilatéral portant sur le projet de licenciement économique collectif donnant lieu à la mise en œuvre du plan de sauvegarde de l'emploi, que le passif déclaré par la société ACIAM s'élevait à plus de 218 millions d'euros alors que sa trésorerie disponible étant estimée à environ 26 millions d'euros et la valeur de réalisation de l'actif immobilier à 12,8 millions d'euros, son actif pouvait être estimé à moins de 42 millions d'euros. Dans ces conditions, alors même que les sociétés du groupe ont refusé d'abonder le financement du plan de sauvegarde de l'entreprise, le budget global d'un montant de 7 millions d'euros prévu pour le financement des mesures du plan de sauvegarde de l'emploi n'apparait pas insuffisant au regard des moyens de la société ACIAM. Outre la possibilité d'adhérer au contrat de sécurisation professionnelle prévu à l'article L. 1233-66 du code du travail, le document unilatéral prévoit des mesures d'accompagnement au reclassement financés par une aide à la formation jusqu'à 3 450 euros par salarié, une aide à la création d'entreprise jusqu'à 4 450 euros par salarié, une prime de reclassement rapide jusqu'à 4 450 euros par salarié et des aides à la mobilité géographique ainsi, notamment, qu'un accompagnement des salariés pendant douze mois par un cabinet de reclassement financé par l'Etat. 18. Dans ces conditions, prises dans leur ensemble, les mesures prévues par le plan de sauvegarde de l'emploi, sont propres à satisfaire aux objectifs de maintien dans l'emploi et de reclassement des salariés mentionnés aux articles L. 1233-61 et L. 1233-62 du code du travail, compte tenu des moyens dont disposait la société ACIAM à la date de la décision litigieuse. Par suite, le syndicat appelant n'est pas fondé à soutenir que le plan de sauvegarde de l'emploi était insuffisant au regard des moyens de l'entreprise ni que l'administration n'a pas correctement exercé son contrôle sur ce point. Ces moyens doivent donc être écartés. En ce qui concerne la prise en compte des risques psycho-sociaux : 19. Aux termes de l'article L. 4121-1 du code du travail : " L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. / Ces mesures comprennent : / 1° Des actions de prévention des risques professionnels, y compris ceux mentionnés à l'article L. 4161-1 ; / 2° Des actions d'information et de formation ; / 3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés. / L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes ". 20. S'agissant du contrôle du respect, par l'employeur, de ses obligations en matière de prévention des risques pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, en premier lieu, il incombe à l'administration, dans le cadre de son contrôle global de la régularité de la procédure d'information et de consultation, de vérifier que l'employeur a adressé au comité social et économique, avec la convocation à sa première réunion, ainsi que, le cas échéant, en réponse à des demandes exprimées par le comité ou à des observations ou des injonctions formulées par l'administration, parmi tous les éléments utiles qu'il doit lui transmettre pour qu'il formule ses deux avis en toute connaissance de cause, des éléments relatifs à l'identification et à l'évaluation des conséquences de la réorganisation de l'entreprise sur la santé ou la sécurité des travailleurs, ainsi que, en présence de telles conséquences, les actions projetées pour les prévenir et en protéger les travailleurs, de façon à assurer leur sécurité et protéger leur santé physique et mentale. En second lieu, il appartient à l'administration, dans le cadre du contrôle du contenu du document unilatéral lui étant soumis en vue de son homologation, de vérifier, au vu de ces éléments d'identification et d'évaluation des risques, des débats qui se sont déroulés au sein du comité social et économique, des échanges d'informations et des observations et injonctions éventuelles formulées lors de l'élaboration du PSE, dès lors qu'ils conduisent à retenir que la réorganisation présente des risques pour la santé ou la sécurité des travailleurs, si l'employeur a arrêté des actions pour y remédier et si celles-ci correspondent à des mesures précises et concrètes, au nombre de celles prévues aux articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail, qui, prises dans leur ensemble, sont, au regard de ces risques, propres à les prévenir et à en protéger les travailleurs. 21. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que dans la perspective de la réunion d'information-consultation devant se tenir le 17 octobre 2022, les membres du comité social et économique ont été rendus destinataires d'une note explicative, visant à les informer des impacts de la procédure de liquidation judiciaire et des suppressions de la totalité des postes au sein de la société ACIAM, en matière de santé, sécurité et conditions de travail et sur les actions à mettre en œuvre en vue de la prévention des risques psycho-sociaux au bénéfice des salariés. Après avoir mentionné la tenue, le 7 octobre précédent, d'une réunion exceptionnelle sur cette question, la note explicative expose les risques et les conséquences que l'arrêt de l'activité s'accompagnant de la suppression des emplois est susceptible d'entraîner sur la santé physique et mentale, avant d'énumérer les différentes mesures de prévention des risques psychosociaux mises en place. Le comité social et économique a ainsi été régulièrement informé et consulté sur les conséquences du projet de licenciement collectif sur la santé ou la sécurité des salariés de la société. En outre, il ressort de la décision de la DREETS du 18 octobre 2022, que l'administration a exercé son contrôle sur la nature et l'existence des mesures prévues dans le document unilatéral portant plan de sauvegarde de l'emploi. 22. En second lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'avant la cessation définitive de l'activité de la société ACIAM et la suppression de l'ensemble des emplois, et notamment au cours de la période de prolongation d'activité, les conditions de sécurité dans l'entreprise ou les conditions de travail des salariés ayant vocation à être licenciés seraient susceptibles d'être affectées par l'opération projetée autrement que par la perspective anxiogène du licenciement à venir. Or, il résulte du document unilatéral présenté aux membres du comité social et économique mentionné au point précédent et notamment de sa partie 9, qu'ont été identifiés les risques psycho-sociaux auxquels les salariés ayant vocation à être licenciés étaient susceptibles d'être confrontés ainsi que les actions de prévention de ces risques pendant la période de poursuite d'activité autorisée et au-delà, jusqu'au 30 avril 2023. Le document unilatéral prévoit ainsi, pour les salariés souhaitant être accompagnés, un recours accru au médecin du travail et au service de santé au travail qui ont été informés de la situation de l'entreprise ainsi que la mise en place d'une assistance psychologique, au moyen d'une cellule d'écoute et de rencontre chargée de l'accompagnement de l'ensemble des salariés par contrat souscrit auprès d'une société du 1er septembre 2022 jusqu'au 31 octobre 2022. Il est notamment prévu une possibilité d'accéder à ce dispositif sept jours sur sept et 24 heures sur 24 via un numéro vert, permettant une mobilisation rapide d'une équipe expérimentée de psychologues disponibles aux heures d'accessibilité du numéro d'urgence, un accompagnement et un soutien psychologique des salariés en vue de proposer un dispositif d'accompagnement adapté, sous la forme notamment d'un ou plusieurs entretiens psychologiques par téléphone. Dans ces conditions, eu égard au très bref délai courant à compter de la notification du jugement du 28 septembre 2022 du tribunal de commerce de Lille prononçant la liquidation judiciaire sans poursuite d'activité de la société ACIAM, les mesures contenues dans le document unilatéral, qui ont été contrôlées par l'autorité administrative comme cela ressort des motifs de la décision contestée, étaient suffisantes pour assurer le respect des dispositions de l'article L. 4121-1 du code du travail. En ce qui concerne le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision d'homologation du 18 octobre 2022 : 23. Aux termes de l'article L. 1233-57-4 du code du travail : " L'autorité administrative notifie à l'employeur (...) la décision d'homologation dans un délai de vingt et un jours (...). / Elle la notifie, dans les mêmes délais, au comité d'entreprise (...). La décision prise par l'autorité administrative est motivée ". 24. La décision expresse par laquelle l'administration homologue un document fixant le contenu d'un plan de sauvegarde de l'emploi doit énoncer les éléments de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que les personnes auxquelles cette décision est notifiée puissent à sa seule lecture en connaître les motifs. Si le respect de cette règle de motivation n'implique ni que l'administration prenne explicitement parti sur tous les éléments qu'il lui incombe de contrôler, ni qu'elle retrace dans la motivation de sa décision les étapes de la procédure préalable à son édiction, il lui appartient, toutefois, d'y faire apparaître les éléments essentiels de son examen. Doivent ainsi y figurer ceux relatifs à la régularité de la procédure d'information et de consultation des instances représentatives du personnel, ceux tenant au caractère suffisant des mesures contenues dans le plan au regard des moyens de l'entreprise et, le cas échéant, de l'unité économique et sociale ou du groupe ainsi que, à ce titre, ceux relatifs à la recherche, par l'employeur, des postes de reclassement. En outre, il appartient, le cas échéant, à l'administration d'indiquer dans la motivation de sa décision tout élément sur lequel elle aurait été, en raison des circonstances propres à l'espèce, spécifiquement amenée à porter une appréciation. 25. Il ressort des termes de la décision d'homologation contestée, d'une part, qu'elle vise les dispositions applicables du code du travail, notamment celles relatives aux licenciements économiques dans le cadre d'une liquidation judiciaire et à l'élaboration du plan de sauvegarde de l'emploi, d'autre part, qu'elle énonce, depuis le jugement d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire puis de placement en liquidation judiciaire de la société ACIAM, les différentes phases de la procédure ayant conduit à l'élaboration du document unilatéral portant sur le projet de licenciement économique collectif donnant lieu à la mise en œuvre du plan de sauvegarde de l'emploi. En ce qui concerne le contenu de ce document, la décision relève qu'il mentionne le calendrier d'information-consultation du comité social et économique, le calendrier prévisionnel des licenciements, le nombre de suppressions d'emploi, les catégories professionnelles concernées et les mesures sociales d'accompagnement. En outre, la décision d'homologation mentionne les mesures qui ont été adoptées par le liquidateur pour éviter ou limiter les risques psychosociaux sur les salariés pendant la procédure d'information-consultation. S'agissant du contrôle de la régularité de la procédure d'information et de consultation des instances représentatives du personnel, la décision indique que les élus ont été convoqués à trois réunions d'information-consultation les 7, 10 et 17 octobre 2022 à l'occasion desquelles ils ont reçu les informations et documents nécessaires, désigné un expert, posé des questions et reçu les réponses, émis des observations, des suggestions et des avis sur la liquidation judiciaire de la société et le projet de sauvegarde de l'emploi. La décision rend compte du caractère suffisant des mesures contenues dans le plan au regard des moyens de l'entreprise, en faisant notamment état de la recherche opérée par le liquidateur judiciaire de postes de reclassement auprès, d'une part, des sociétés du groupe détenant directement ou indirectement la société ACIAM afin qu'elles abondent au plan de sauvegarde de l'emploi, d'autre part, de l'instance paritaire de branche et des organisations patronales de la branche, et en ce que sont également prévues des mesures d'accompagnement au reclassement financées sur un budget global de 7 244 000 d'euros, comprenant le financement, pour chaque salarié, d'une série de mesures d'accompagnement telles qu'une aide à la formation, à la création d'entreprise, une prime de reclassement rapide ou encore des aides à la mobilité géographique financées par l'association pour la gestion du régime de garantie des créances des salariés (AGS). Enfin, la décision précise que le plan de sauvegarde de l'emploi est proportionné aux moyens dont dispose l'entreprise, notamment au regard de l'état de cessation de paiement, d'un passif de 251 millions d'euros et d'une trésorerie insuffisante. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision attaquée est insuffisamment motivée au regard des dispositions de l'article L. 1233-57-4 du code du travail doit être écarté. 26. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée par la Selarl Perin Borkowiak et la Selarl Miquel Aras, que le syndicat CGT des salariés du commerce, de la distribution et des services de Roubaix et environs n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 18 octobre 2022 par laquelle le directeur régional de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités des Hauts-de-France a homologué le document unilatéral fixant le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi de la société ACIAM. Les conclusions à fin d'annulation de ce jugement et de cette décision doivent donc être rejetées. Sur les frais liés au litige : 27. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ". 28. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée au titre des frais exposés par le syndicat appelant et non compris dans les dépens. Par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du syndicat appelant le versement de la somme demandée par la Selarl Perin Borkowiak et la Selarl Miquel Aras, au titre de ces mêmes dispositions. DÉCIDE : Article 1er : La requête du syndicat CGT des salariés du commerce, de la distribution et des services de Roubaix et environs est rejetée. Article 2 : Les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par la Selarl Perin Borkowiak et la Selarl Miquel Aras, mandataires de la société ACIAM, sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au syndicat CGT des salariés du commerce, de la distribution et des services de Roubaix et environs, au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion ainsi qu'à la Selarl Perin Borkowiak et à la Selarl Miquel Aras. Délibéré après l'audience publique du 4 juillet 2023 à laquelle siégeaient : - Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre, - Mme Dominique Bureau, première conseillère, - M. Frédéric Malfoy, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 juillet 2023. Le rapporteur, Signé : M. A...La présidente de chambre, Signé : G. Borot La greffière, Signé : A.S. Villette La République mande et ordonne au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme La greffière, A.S. Villette N°23DA00820 2
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Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Le préfet des Bouches-du-Rhône a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 12 octobre 2022 par lequel le maire de Saint-Andiol a délivré à l'EARL Les Clapiers un permis de construire une maison d'habitation, un garage et des bureaux. Il a par ailleurs demandé au juge des référés du tribunal administratif de Marseille d'ordonner, sur le fondement des dispositions de l'article L. 554-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de cet arrêté du 12 octobre 2022. Par une ordonnance n° 2302459 du 6 avril 2023, le juge des référés du tribunal administratif de Marseille a prononcé la suspension de l'exécution des effets de l'arrêté du 12 octobre 2022. Par une ordonnance n° 2302457 du 21 avril 2023, le président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Marseille a donné acte au préfet des Bouches-du-Rhône de son désistement de son déféré aux fins d'annulation de l'arrêté du 12 octobre 2022. Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 19 juin 2023, le préfet des Bouches-du-Rhône doit être regardé comme demandant à la Cour : 1°) de suspendre l'exécution de l'ordonnance n° 2302457 du 21 avril 2023 ; 2°) de suspendre l'exécution de l'arrêté du maire de Saint-Andiol du 12 octobre 2022 portant permis de construire ; Il soutient que : - il a par erreur demandé au tribunal de lui donner acte de son désistement dans la demande n° 2302457, car le corps de son mémoire de désistement ne faisait pas référence au permis de construire délivré à l'EARL Les Clapiers et concernait une autre requérante, dont la demande était enregistrée sous le n° 2106017. Le tribunal lui a donné acte de son désistement malgré le texte incohérent de son mémoire en désistement ; - les articles A1 et A2 du règlement du plan local d'urbanisme de Saint-Andiol n'autorisent que les constructions et installations directement nécessaires à l'exploitation agricole et le dossier de demande de permis de construire ne permet pas d'apprécier la nécessité de l'habitation et du garage projetés ; - la parcelle d'assiette du projet est située en zone orange (R1) du plan de prévention des risques d'inondation de Saint-Andiol approuvé le 2 avril 2016, qui sauf exceptions interdit les constructions nouvelles ; Par des mémoires enregistrés les 13 et 23 juillet 2023, l'EARL Les Clapiers, représentée par Me Chamoux, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'Etat de la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; Elle soutient que : - le préfet des Bouches-du-Rhône a méconnu l'obligation de notifications de sa requête prescrite par l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme ; il a en effet notifié copie de sa requête au maire de Saint-Andiol et à l'Earl Les Clapiers par des courriers datés du 3 juillet 2021, mais les tampons apposés par les services de La Poste sur les certificats de dépôt des lettres recommandées sont illisibles. En admettant même que la notification ait été faite le 6 juillet 2023, date qui apparaît sur le recommandé reçu par l'Earl Les Clapiers, elle a été effectuée au-delà du délai imparti par l'article R. 600-1; - subsidiairement, les conclusions du préfet aux fins de sursis à statuer ne sont pas présentées par une requête distincte du recours en appel, et le préfet n'a pas produit la copie de sa requête d'appel, en méconnaissance de l'article R. 811-17-1 du code de justice administrative ; - le préfet ne soulève aucun moyen au soutien de sa demande de sursis à exécution ; - l'ordonnance donnant acte du désistement n'est pas une décision exécutoire dont le sursis à exécution peut être ordonné en application de l'article R. 811-17 du code de justice administrative ; - le préfet ne justifie pas l'existence de l'erreur matérielle dont il se prévaut ; - aucune disposition ne permet au préfet de solliciter du juge d'appel la suspension d'un permis de construire ; - la demande de suspension est infondée ; - l'Earl Les Clapiers justifie de la nécessité pour l'exploitant de disposer d'un logement sur l'exploitation ; - le plan de prévention des risques d'inondation autorise les constructions nécessaires à l'exploitation agricole et le projet respecte les prescriptions du titre VI du règlement du plan de prévention des risques d'inondation ; Vu les autres pièces du dossier. Vu la requête enregistrée sous le n° 23MA01534 ; Vu : - le code général des collectivités territoriales ; - le code des relations entre le public et l'administration ; - le code de l'urbanisme ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Portail, juge des référés ; - et les observations de Me Chamoux, représentant l'EURL Les Clapiers : Considérant ce qui suit : 1. Le préfet des Bouches-du-Rhône a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 12 octobre 2022 par lequel le maire de Saint-Andiol a délivré à l'EARL Les Clapiers un permis de construire une maison d'habitation, un garage et des bureaux. Il a par ailleurs demandé au juge des référés du tribunal administratif de Marseille d'ordonner, sur le fondement des dispositions de l'article L. 554-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de cet arrêté du 12 octobre 2022. Par une ordonnance n° 2302459 du 6 avril 2023, le juge des référés du tribunal administratif de Marseille a prononcé la suspension de l'exécution des effets de l'arrêté du 12 octobre 2022. Par une ordonnance n° 2302457 du 21 avril 2023, le président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Marseille a donné acte au préfet des Bouches-du-Rhône de son désistement de son déféré aux fins d'annulation de l'arrêté du 12 octobre 2022. Le préfet des Bouches-du-Rhône demande à la Cour d'ordonner le sursis à exécution de l'ordonnance 2302457 du 21 avril 2023 et la suspension de l'arrêté du 12 octobre 2022. 2. Aux termes de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme : " En cas de déféré du préfet ou de recours contentieux à l'encontre d'un certificat d'urbanisme, ou d'une décision relative à l'occupation ou l'utilisation du sol régie par le présent code, le préfet ou l'auteur du recours est tenu, à peine d'irrecevabilité, de notifier son recours à l'auteur de la décision et au titulaire de l'autorisation. Cette notification doit également être effectuée dans les mêmes conditions en cas de demande tendant à l'annulation ou à la réformation d'une décision juridictionnelle concernant un certificat d'urbanisme, ou une décision relative à l'occupation ou l'utilisation du sol régie par le présent code. L'auteur d'un recours administratif est également tenu de le notifier à peine d'irrecevabilité du recours contentieux qu'il pourrait intenter ultérieurement en cas de rejet du recours administratif. La notification prévue au précédent alinéa doit intervenir par lettre recommandée avec accusé de réception, dans un délai de quinze jours francs à compter du dépôt du déféré ou du recours. La notification du recours à l'auteur de la décision et, s'il y a lieu, au titulaire de l'autorisation est réputée accomplie à la date d'envoi de la lettre recommandée avec accusé de réception. Cette date est établie par le certificat de dépôt de la lettre recommandée auprès des services postaux. ". 3. D'une part, la demande du préfet des Bouches-du-Rhône tendant à l'annulation de l'ordonnance qui a donné acte de son désistement de son déféré dirigé contre le permis de construire délivré le 12 octobre 2022 par le maire de Saint-Andiol à l'EURL Les Clapiers tend à l'annulation d'une décision juridictionnelle concernant un permis de construire et est soumise à l'obligation de notification prescrite par l'article R. 600-1 précité. 4. D'autre part, l'EURL Les Clapiers soutient en défense que la requête d'appel du préfet n'a pas été notifiée dans le délai de 15 jours imparti par l'article R. 600-1. Invité à justifier de la notification de sa requête, le préfet des Bouches-du-Rhône a produit un document comportant la date du 6 juillet 2023 sur le tampon de La Poste. Il n'établit pas, ni du reste n'allègue, avoir envoyé les lettres de notification à la commune de Saint-Andiol et au bénéficiaire du permis de construire avant cette date, alors que, la requête ayant été enregistrée le 19 juin 2023 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, le délai de notification expirait le 4 juillet 2023. La requête 23MA01534 tendant à l'annulation de l'ordonnance du 23 avril 2023 est donc irrecevable et les conclusions tendant au sursis à exécution de cette ordonnance et à la suspension de l'arrêté du 12 octobre 2022 sont dès lors mal fondées et doivent être rejetées. 5. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par l'EURL Les Clapiers et non compris dans les dépens. O R D O N N E : Article 1er : La requête du préfet des Bouches-du-Rhône est rejetée. Article 2 : l'Etat versera à l'EURL Les Clapiers la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative . Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, à la commune de Saint-Andiol et à l'EURL Les Clapiers. Copie en sera adressée au préfet de la région Provence, Alpes, Côte-d'Azur, préfet des Bouches-du-Rhône. Fait à Marseille, le 26 juillet 2023. 2 N° 23MA01535
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Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 11 janvier 2023 par lequel le préfet du Nord a décidé son transfert aux autorités autrichiennes et de lui enjoindre d'enregistrer sa demande d'asile, sous astreinte de 155 euros par jour de retard. Par un jugement n° 2300689 du 2 mars 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté ses demandes. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 17 mai 2023, M. A... représenté par Me Périnaud, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) d'annuler cet arrêté ; 3°) d'enjoindre au préfet d'enregistrer sa demande d'asile sous astreinte de 155 euros par jour de retard ; 4°) de mettre la somme de 1 500 euros à la charge de l'Etat au bénéfice de son conseil en application des dispositions de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve d'une renonciation à l'aide juridictionnelle. Il soutient que la décision de transfert est entachée d'erreur de droit et méconnaît l'article 11 du règlement (UE) n° 604/2013. M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 avril 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le rapport de Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre, a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. M. A... est entré sur le territoire français afin d'y demander l'asile ce qu'il a fait le 28 octobre 2022. La consultation du fichier Eurodac a permis d'établir que ses empreintes avaient préalablement été relevées par les autorités grecques et hongroises. Ces dernières ont refusé de donner leur accord à la demande de reprise en charge de l'intéressé. Toutefois, compte-tenu de ce que sa demande a été présentée en même temps qu'une demande d'asile présentée par son concubin, dont les autorités autrichiennes avaient admis la reprise en charge, le préfet du Nord a prononcé, par un arrêté du 11 janvier 2023, le transfert de M. A... en Autriche. M. A... relève appel du jugement du 2 mars 2023 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté. 2. Aux termes de l'article 11 du règlement n° 604-2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013: " Lorsque plusieurs membres d'une famille et/ou des frères ou sœurs mineurs non mariés introduisent une demande de protection internationale dans un même État membre simultanément, ou à des dates suffisamment rapprochées pour que les procédures de détermination de l'État membre responsable puissent être conduites conjointement, et que l'application des critères énoncés dans le présent règlement conduirait à les séparer, la détermination de l'État membre responsable se fonde sur les dispositions suivantes: a) est responsable de l'examen des demandes de protection internationale de l'ensemble des membres de la famille et/ou des frères et sœurs mineurs non mariés, l'État membre que les critères désignent comme responsable de la prise en charge du plus grand nombre d'entre eux ; b) à défaut, est responsable l'État membre que les critères désignent comme responsable de l'examen de la demande du plus âgé d'entre eux. ". L'article 2 de ce règlement précise que pour son application, on entend, sous réserve de la situation particulière des mineurs, par " membres de la famille ", " dans la mesure où la famille existait déjà dans le pays d'origine, les membres suivants de la famille du demandeur présents sur le territoire des États membres : / - le conjoint du demandeur, ou son ou sa partenaire non marié(e) engagé(e) dans une relation stable, lorsque le droit ou la pratique de l'État membre concerné réserve aux couples non mariés un traitement comparable à celui réservé aux couples mariés, en vertu de sa législation relative aux ressortissants de pays tiers, / (...) ". 3. M. A..., ressortissant égyptien, souligne avoir rencontré, lors de son périple, en Serbie, il y a trois ans, celui qui est devenu son compagnon, lui-même ressortissant irakien et demandeur d'asile. Il ressort de leur récit qu'ils ont vécu séparés plusieurs mois du fait des aléas de leur périple. Son compagnon était atteint, à la date de l'arrêté, de graves troubles mentaux. D'une part, la relation telle que décrite par l'intéressé ne satisfait pas à l'exigence qu'ils aient constitué une famille déjà " dans le pays d'origine ". D'autre part, dans les circonstances de l'espèce et malgré leurs déclarations suivant lesquelles ils entretenaient une relation, M. A... et son compagnon ne peuvent être regardés comme ayant entretenu une relation stable. Dés lors ils ne peuvent être regardés comme membrés d'une même famille au sens de l'article 2 du règlement n° 604-2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013. Par suite, le préfet du Nord ne pouvait légalement, comme il l'a fait par l'arrêté attaqué, décider du transfert de M. A... aux autorités autrichiennes. Il suit de là que le jugement attaqué du 2 mars 2023 et l'arrêté du préfet du Nord du 11 janvier 2023 doivent être annulés. Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte : 4. Dans les circonstances de l'espèce, le présent arrêt implique qu'il soit enjoint au préfet du Nord d'enregistrer la demande d'asile de M. A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il y ait lieu d'assortir l'injonction prononcée d'une astreinte. Sur les frais liés au litige : 5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement au profit de Me Périnaud, conseil de M. A..., de la somme de 1 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. DÉCIDE : Article 1er : Le jugement n° 2300689 du 2 mars 2023 du tribunal administratif de Lille et l'arrêté du préfet du nord du 11 janvier 2023 sont annulés. Article 2 : Il est enjoint au préfet du Nord d'enregistrer la demande d'asile de M. A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Article 3 : Le versement de la somme de 1 000 euros à Me Périnaud est mis à la charge de l'Etat en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer, à M. B... A..., au préfet du Nord et à Me Claire Périnaud. Délibéré après l'audience publique du 4 juillet 2023 à laquelle siégeaient : - Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre, - Mme Dominique Bureau, première conseillère, - M. Frédéric Malfoy, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 25 juillet 2023. La première conseillère, Signé : D. Bureau La présidente de chambre, présidente-rapporteure, Signé : G. Borot La greffière, Signé : A.-S. Villette La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme La greffière, A.-S. Villette 1 2 N°23DA00907
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Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Par une requête et des mémoires, enregistrés les 27 janvier 2017, 28 novembre 2017 et 18 juin 2018, le groupement d'entreprises, dont le mandataire est la société Bouygues Travaux publics Régions France, ainsi que les sociétés le composant, ont demandé au tribunal administratif de Paris de condamner SNCF Réseau à leur verser la somme globale de 1 754 388,44 euros HT au titre du solde du marché portant sur des travaux en vue de la réouverture de la ligne ferroviaire Avignon - Sorgues - Carpentras, assortie des intérêts moratoires à compter du 25 avril 2015, avec capitalisation des intérêts à compter du 25 avril 2016. Par un jugement n°1701704/4-3 du 10 janvier 2020, le tribunal administratif de Paris a fait partiellement droit à la demande du groupement. Procédure devant la Cour : Par une requête et des mémoires enregistrés les 9 mars 2020 et 15 février 2021, la société Bouygues Travaux publics Régions France, en son nom propre et en sa qualité de mandataire du groupement momentané d'entreprises constitué avec les sociétés Colas Midi Méditerranée et Valérian, la société Colas Midi Méditerranée et la société Valérian, toutes représentées par Me Cabanes, demandent à la Cour de : 1°) annuler l'article 5 du jugement en tant qu'il rejette le surplus de leur demande ; 2°) condamner SNCF Réseau à verser la somme de 1 621 495,28 euros HT se décomposant ainsi : - en rémunération des prestations effectuées, 42 327,31 euros HT au profit de Bouygues TRF, 18 916,41 euros HT au profit de Colas Midi Méditerranée et 70 897,04 euros HT au profit de Valérian ; - en réparation du préjudice subi, 708 535 euros HT au profit de Bouygues, 754 630 euros au profit de Valérian et 35 987,52 euros HT au profit de Colas Midi Méditerranée ; 3°) assortir ces sommes des intérêts moratoires à compter du 25 avril 2015, avec capitalisation des intérêts à compter du 25 avril 2016 ; 4°) mettre à la charge de SNCF Réseau la somme de 5 000 euros à leur verser à chacune en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elles soutiennent que : - le jugement est entaché d'irrégularité dès lors que les premiers juges ont statué " ultra petita " en relevant à tort un moyen qui n'est pas d'ordre public ; - la demande d'indemnisation pour les travaux supplémentaires sans ordre de service n'est pas forclose dès lors que c'est l'article 14.1 et non l'article 85.1 du cahier des clauses et conditions générales applicables aux marchés de travaux de la SNCF (CCCG) Travaux qui s'applique au rejet par le maître d'œuvre de cette demande, que le groupement a respecté la procédure de l'article 85.1 dès lors qu'un mémoire en réclamation intitulé " différend sur prix nouveau " a été produit par l'entreprise Valérian, que la procédure prévue à l'article 85-1 CCCG ne prévoit pas de délai opposable au groupement, et que SNCF Réseau ne pouvait pas soulever cette irrecevabilité contractuelle devant les premiers juges dès lors qu'elle est réputée y avoir renoncé ; - en ce qui concerne l'indemnisation liée à l'ajournement des travaux relatifs au PN 6 et à la résiliation du marché correspondant, la réalité de l'étendue du préjudice est démontrée dès lors que l'existence même du dommage et le droit à indemnité sont admis, que la charge de la preuve de la réalité du préjudice ne lui incombe pas spécialement, qu'il appartient au juge, s'il estimait être insuffisamment éclairé par les pièces du dossier, d'ordonner une mesure d'expertise ; qu'elles doivent être indemnisées des conséquences liées à l'ajournement d'une partie des travaux et à la résiliation du marché, source de préjudice d'un montant de 1 542 215 euros : concernant la société Bouygues TP RF : au titre des pertes sur encadrement/maîtrise, l'indemnisation s'élève à la somme de 243 468 euros, au titre du matériel à la somme de 90 002 euros, au titre des installations de chantier, à la somme de 14 104 euros, au titre du matériel loué de levage, et de coffrage et bétonnage, respectivement à la somme de 57 456 euros et à la somme de 18 442 euros, au titre des fournitures en part propre à la somme de 71 229 euros, au titre de la sous-traitance, à la somme de 60 299 euros, au titre de l'ajournement et des demandes de chiffrages alternatifs, à la somme de 9 540 euros, au titre du non amortissement des frais fixes, à la somme de 242 277 euros, au titre de la perte de marge, à la somme de 24 510 euros, soit un préjudice total d'un montant de 742 585 euros ; concernant la société Valerian : au titre du surcoût relatif au personnel d'encadrement, le préjudice s'élève à la somme de 399 865,50 euros, au titre du défaut d'amortissement du matériel, à la somme de 91 856,53 euros, au titre de la perte de négociation relative aux fournitures en matériaux de carrière, à la somme de 102 704,68 euros, au titre de la perte de négociation relative aux sous-traitants, à la somme de 8 830,95 euros, au titre du non amortissement des frais fixes, à la somme de 151 371 euros, soit un préjudice total d'un montant de 754 630 euros ; concernant la société Colas Midi Méditerranée : au titre de l'encadrement de chantier, le préjudice s'élève à la somme de 15 000 euros, au titre des fournitures, à la somme de 8 487,92 euros, au titre des frais fixes, à la somme de 13 850 euros, au titre de la perte de marge, à la somme de 9 012,48 euros, soit un préjudice total d'un montant de 45 000 euros ; - elles sont fondées à demander au titre des prix nouveaux le paiement de la somme de 18 893,70 euros HT correspondant à la rémunération restant due des prestations réalisées au titre des forfaits du fascicule A, A100 à A 900 dont 800 euros HT pour la société Bouygues TP RF, 7 219,40 euros HT pour la société Colas Midi Méditerranée, 10 874,30 euros HT pour la société Valerian ; -au titre des travaux supplémentaires, en ce qui concerne les prix nouveaux notifiés ayant fait l'objet de réserves, le solde dû au groupement, concernant la société Bouygues TP RF, s'établit à la somme de 3 575 euros HT, concernant la société Valerian, s'agissant des prix nouveaux n° 6bis et 7 bis à la somme de 9 359,27 euros HT, s'agissant du prix nouveau 8 bis, à la somme de 1 980 euros, s'agissant du prix nouveau 11, à la somme de 3 707,32 euros, s'agissant du prix nouveau n° 13, à la somme de 1 859,25 euros HT ; en ce qui concerne les prix nouveaux non notifiés relatifs aux travaux supplémentaires qui n'ont fait l'objet d'aucune régularisation par un ordre de service, concernant la société Bouygues, s'agissant des prix nouveaux 010 et 013, le montant dû est de 3 416 euros HT, s'agissant du prix nouveau 014, il est de 2 507 euros HT, s'agissant du prix nouveau 018, il est de 3 857 euros HT, s'agissant du prix 100, il est de 9 897 euros , concernant la société Valerian, s'agissant du prix nouveau n° 5 le montant dû est de 3 932 euros HT, s'agissant des prix nouveaux 12 et 17 à 20, il est de 21 599 euros HT (prix nouveau 12), de 1 953,60 euros HT (prix nouveau 17) et 1 286,50 euros HT (prix nouveau 18) et 501,50 euros HT (prix nouveau 19) et 401 euros ( prix nouveau 20), s'agissant des prix nouveaux 14, 15, et 24, le montant dû est respectivement de 7 214 euros HT, 1 927,60 euros HT et 1 276 euros, s'agissant du prix nouveau 23, le montant dû est de 6 831,30 euros HT, concernant la société Colas Midi Méditerranée, elle doit être rémunérée à hauteur de 90 895,40 euros HT ; - le montant à allouer au groupement au titre des prestations supplémentaires s'élève ainsi à la somme de 186 149,74 euros HT (Hors révision) soit 31 176 euros HT pour la société Bouygues TP RF, 63 828,34 euros HT pour la société Valerian et 90 895,40 euros HT pour la société Colas Midi Méditerranée ; - les intérêts moratoires ont commencé à courir sur l'ensemble des sommes dues à compter du 25 avril 2015 en application de l'article 3.12 du cahier des clauses administratives particulières ; - le décompte général du marché doit être arrêté à la somme de 5 492 788,14 euros HT, et le solde à verser aux sociétés du groupement s'élève à 1 754 388,44 euros. Par des mémoires en défense enregistrés les 1er février 2021 et 9 mars 2022, la société SNCF Réseau, représentée par Me Symchowicz, demande, dans le dernier état de ses écritures, à la Cour de : 1°) rejeter la requête ; 2°) par la voie de l'appel incident : - à titre principal, réformer le jugement en tant qu'il a fait droit à une partie des demandes des membres du groupement, annuler les articles 1er, 2, 3 et 5 du jugement en tant qu'il a fixé le solde du décompte général et définitif à la somme de " 60 730,86 " euros TTC et a condamné SNCF Réseau à verser la somme totale de " 60 730,85 " euros assortie des intérêts de retard, rejeter l'ensemble des demandes des membres du groupement, établir le montant du décompte général et définitif à la somme de 3 587 770,24 euros HT, fixer le solde du décompte général et définitif du marché à 130 686,39 euros HT au bénéfice de SNCF Réseau, condamner le groupement à lui verser la somme de 227 026,03 euros en paiement du solde du marché et en remboursement des sommes injustement versées par SNCF Réseau en exécution du jugement, assortie des intérêts moratoires et de la capitalisation desdits intérêts, - à titre subsidiaire, réformer le jugement en tant qu'il a inexactement déterminé le solde du marché, annuler les articles 1er, 2, 3 et 5 du jugement en ce qu'il a fixé le solde du décompte général et définitif à la somme de 50 609,05 euros HT et a condamné SNCF Réseau à verser la somme totale de 60 730,85 euros assortie des intérêts de retard, rejeter l'ensemble des demandes des membres du groupement, établir le montant du décompte général et définitif à la somme de 3 537 161,19 euros HT, fixer le solde du décompte général et définitif du marché à 80 077,34 euros HT au profit de SNCF Réseau, condamner le groupement à lui verser la somme totale de 166 295,17 euros TTC, assortie des intérêts moratoires et de la capitalisation desdits intérêts ; 3°) mettre à la charge du groupement la somme de 10 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. La société SNCF Réseau soutient que : - les demandes liées à l'ajournement du PN6 sont tardives dès lors qu'il n'y pas de distinction entre une mesure relevant du pouvoir du maître d'ouvrage ou du maître d'œuvre en cours d'exécution du contrat, que l'ajournement du PN6 constituait un différend entre le maître d'œuvre et le groupement né lors de l'exécution du contrat et que l'ordre de service portant ajournement des travaux sur le PN6 a été signé du maître d'œuvre et de la personne responsable du marché, que le différend n'est pas la décision d'ajournement elle-même mais l'analyse de la demande du groupement présenté au maître d'œuvre, que les conséquences des décisions d'ajournement ou de suppression de travaux relèvent bien de la compétence du maître d'œuvre ; - la demande du groupement est irrecevable car elle méconnaît l'article 13.35 du CCCG Travaux faute d'avoir transmis préalablement les justifications nécessaires devant le maître de l'ouvrage, et qu'en l'absence de réclamation chiffrée et justifiée, le décompte général doit être réputé avoir été accepté par l'entrepreneur et devient ainsi définitif ; - pour ce qui concerne les conclusions indemnitaires du groupement, la demande de prix nouveau 8bis de Valérian est infondée dès lors que l'article A10.3.3 du cahier des clauses techniques particulières (CCTP) prévoit l'intégration au prix forfaitaire du marché initial des études et des prestations portant modification des documents dès lors qu'ils résultent d'une évolution du chantier ; l'ensemble des études, essais et travaux de purge réalisés étaient prévus de manière forfaitaire dans le contrat au chapitre D 8.2.3 du livret D du CCTP, aux articles D.1.3.1, D1.2 .2, A 200 et A300 du bordereau unitaire des prix ; le coût des géotextiles mentionnés à l'ordre de service n°8 intègre les géotextiles nécessaires aux essais de l'ordre de service n°14 et la demande du groupement, ayant déjà fait l'objet d'une rémunération, ne peut être rémunérée une seconde fois, à un prix trois fois plus élevé que ce qui avait été établi antérieurement ; la demande d'indemnisation au titre des pertes de marge annoncées est infondée dès lors que les entreprises n'apportent pas la preuve des marges dont elles se prévalent ; - pour ce qui concerne le solde du décompte fixé par le jugement, le montant de 60 730,86 euros TTC invoqué par le groupement n'inclut pas les acomptes déjà versés au groupement à hauteur de 3 718 456,63 euros HT, ni ne mentionne le solde négatif qui en résultait au titre du décompte général. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code civil ; - la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 ; - le cahier des clauses et conditions générales applicables aux marchés de travaux de la SNCF (CCCG) ; - le cahier des clauses administratives particulières (CCAP) ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Heers, - les conclusions de Mme Jayer, rapporteure publique, - et les observations de Me Couette, représentant la société Bouygues travaux publics régions France, la Société Colas Midi Méditerranée, et la Société Valerian et de Me Vigier, représentant la société SNCF Réseau. Une note en délibéré a été enregistrée le 20 avril 2023, présentée pour la société SNCF Réseau. Considérant ce qui suit : 1. Dans le cadre d'un marché de travaux en vue de la réouverture de la ligne ferroviaire Avignon - Sorgues - Carpentras, SNCF Réseau a conclu avec la société Systra une convention de mandat de maîtrise d'ouvrage le 9 juillet 2009 et la maîtrise d'œuvre a été confiée à un groupement composé de la société Setec ferroviaire, mandataire, de Setec international et de Diades. Un marché comportant des prix unitaires et forfaitaires a été signé le 17 janvier 2013 avec le groupement conjoint d'entreprises composé de la société Bouygues TP RF, mandataire du groupement, de la société Colas Midi Méditerranée et de la société Valerian, pour un montant de 5 035 437,93 euros HT au titre de travaux d'ouvrage d'art, sur les passages à niveaux n° 1 (PN 1), n° 5 (PN 5) et n° 6 (PN 6). Par un courrier du 10 mars 2015, le groupement a adressé au maître d'œuvre et au maître d'ouvrage un projet de décompte final pour un montant de 5 492 788,14 euros. Le maître d'ouvrage a notifié au groupement le 28 juin 2016 le décompte général du marché arrêté à la somme de 3 587 770,24 euros. Le groupement a contesté ce décompte général par un mémoire en réclamation du 8 juillet 2016 tendant au versement de la somme complémentaire totale de 1 877 944, 73 euros HT. Par un courrier du 28 novembre 2016, la société Systra a rejeté le mémoire en réclamation. Le groupement ainsi que les sociétés le composant ont demandé au tribunal administratif de Paris de condamner SNCF Réseau à leur verser la somme globale de 1 754 388,44 euros HT au titre du solde dû. Par un jugement du 10 janvier 2020, le tribunal administratif de Paris a fait partiellement droit à cette demande. Le groupement et les sociétés qui le composent relèvent appel de ce jugement à l'encontre duquel la société SNCF Réseau exerce, pour sa part, un appel incident. Sur la régularité du jugement : 2. Les requérantes soutiennent que les premiers juges ont statué " ultra petita " en relevant à tort un moyen qui n'est pas d'ordre public, tiré d'une irrecevabilité contractuelle invoquée par le défendeur dans des termes au demeurant différents de ceux retenus par le jugement. 3. Il ressort toutefois du dossier de première instance que le groupement a demandé le paiement de plusieurs prestations supplémentaires sur le fondement des stipulations de l'article 14.1 du CCCG Travaux, et qu'en défense, la société SNCF Réseau a opposé la forclusion de cette demande au regard de l'article 85.1 du même CCCG, au motif notamment que la demande relevait des stipulations de l'article 85.1 et non de l'article 14.1 du CCCG. Ainsi, en jugeant que la demande présentée n'entrait pas dans les prévisions de l'article 14.1 de ce CCCG mais dans celles de l'article 85.1, les premiers juges n'ont fait qu'accueillir le moyen soulevé en défense par SNCF Réseau. Dès lors, le moyen dirigé contre la régularité du jugement attaqué manque en fait et doit être écarté. Sur le bien-fondé du jugement : Sur les fins de non-recevoir opposées par SNCF Réseau : En ce qui concerne la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté des demandes de paiement de travaux supplémentaires effectués sans ordre de service : 4. En premier lieu, aux termes de l'article 14 du CCCG Travaux : " 14.1 Le présent article concerne les travaux dont la réalisation ou la modification est décidée par ordre de service et pour lesquels le marché ne prévoit pas de prix ". L'article 85.1 du même CCCG stipule que : " Si, au cours de l'exécution du marché, un différend intervient entre l'entrepreneur et le maître d'œuvre, celui-ci en réfère à la personne responsable du marché qui fait connaître sa réponse dans un délai de deux mois à compter de la date de réception par le maître d'œuvre du mémoire justificatif de l'entrepreneur exposant les motifs et indiquant le montant de sa réclamation. L'absence de notification de décision dans le délai de deux mois vaut rejet de la demande de l'entrepreneur. Si l'entrepreneur n'accepte pas la décision de la personne responsable du marché, ou le rejet implicite de sa demande, il doit, à peine de forclusion, dans les trois mois qui suivent la notification de la décision ou l'expiration du délai de réponse de deux mois de la personne responsable du marché : Soit aviser par écrit la personne responsable du marché de son désaccord et de son intention de réitérer sa réclamation lors de la signature du décompte général, Soit saisir le tribunal compétent et en informer la personne responsable du marché ". Il résulte de ces stipulations combinées que l'article 14.1 s'applique uniquement en cas d'établissement de prix nouveaux pour les travaux supplémentaires ou modificatifs décidés par ordre de service et que l'article 85.1 s'applique aux demandes de paiement de travaux supplémentaires effectués sans ordre de service. 5. Il résulte de l'instruction que le groupement a présenté, le 29 octobre 2013, une demande de rémunération de prestations supplémentaires effectuées sans aucun ordre de service, en la dénommant prix nouveaux (PN), qui n'entrait donc pas dans les prévisions de l'article 14.1 précité. Cette demande ayant été rejetée par une décision de la maîtrise d'œuvre en date du 21 novembre 2013, soit dans le délai de deux mois prévu à l'article 85.1, le refus opposé à cette demande a fait naître un différend entre l'entrepreneur et le maître d'œuvre au sens de l'article 85.1 du CCCG Travaux. 6. En deuxième lieu, aux termes des stipulations de l'article 2.41 du CCCG Travaux : " Au sens du présent CCCG, des entrepreneurs sont considérés comme groupés s'ils ont présenté une offre commune. Il existe deux sortes d'entrepreneurs groupés : les entrepreneurs groupés solidaires et les entrepreneurs groupés conjoints (...). Dans les deux cas, l'un des entrepreneurs, désigné dans l'offre comme mandataire : représente l'ensemble des entrepreneurs groupés vis-à-vis du maître de l'ouvrage, pour l'exécution du marché, y compris pour l'application de l'article 85 ; assure, sous sa responsabilité, la coordination de ces entrepreneurs ; il est, à ce titre, le seul interlocuteur du maître de l'ouvrage et du maître d'œuvre ; est solidaire de chacun des autres entrepreneurs dans les obligations contractuelles de ceux-ci à l'égard du maître de l'ouvrage. ". 7. Le groupement étant conjoint avec mandataire solidaire, seule la société Bouygues TP RF, en sa qualité de mandataire solidaire, représente l'ensemble des entrepreneurs groupés vis-à-vis du maître de l'ouvrage, pour l'exécution du marché, y compris pour l'application de l'article 85 précité. Si la société Valérian, qui est co-traitante et non mandataire, a présenté une réclamation le 27 janvier 2014, soit dans le délai de trois mois suivant la décision de rejet de la maîtrise d'œuvre en date du 21 novembre 2013, une telle réclamation, qui n'émanait pas de la société Bouygues TP RF, ne peut pas être regardée comme ayant été régulièrement présentée au nom du groupement ni la procédure de l'article 85.1 CCCG Travaux respectée. La circonstance que cette procédure ne prévoirait pas de délai opposable pour référer au maître d'ouvrage d'un différend survenu entre l'entrepreneur et le maître d'œuvre, est en l'espèce inopérante dès lors que le groupement n'a, en tout état de cause, présenté aucune réclamation après la notification du rejet du 21 novembre 2013. 8. En troisième lieu, si le groupement se prévaut du courrier de rejet de la réclamation présentée postérieurement à la notification du décompte général et soutient que la société SNCF Réseau doit être regardée comme ayant renoncé implicitement mais nécessairement, par ce courrier, à l'irrecevabilité contractuelle, il ne résulte pas des termes de ce dernier ni d'aucun autre élément de l'instruction que le maître d'ouvrage aurait eu, à cet égard, un comportement équivoque. Par ailleurs, les règles contractuelles d'irrecevabilité peuvent être invoquées pour la première fois en appel par le maître d'ouvrage, défendeur de première instance. 9. Il résulte de ce qui précède que les demandes de paiement des prix nouveaux relatifs aux prestations supplémentaires sans ordre de service sont tardives et doivent, comme l'a jugé le tribunal administratif, être rejetées. En ce qui concerne la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de la demande d'indemnisation des conséquences de l'ajournement des travaux relatifs au passage à niveau n° 6 (PN 6) : 10. Aux termes de l'article 2 de la loi du 12 juillet 1985, dans sa version alors en vigueur et applicable au litige : " I. Le maître de l'ouvrage est la personne morale, mentionnée à l'article premier, pour laquelle l'ouvrage est construit. Responsable principal de l'ouvrage, il remplit dans ce rôle une fonction d'intérêt général dont il ne peut se démettre ". Il résulte de ces dispositions que l'ajournement d'une partie du marché relève de la seule compétence du maître de l'ouvrage. Il s'ensuit que le différend relatif aux conséquences, notamment financières, d'une telle décision oppose l'entrepreneur et le maître d'ouvrage et non le maître d'œuvre, alors même qu'il surviendrait en cours d'exécution du marché. Par suite, le moyen tiré de ce que le groupement aurait méconnu les stipulations de l'article 85-1 du CCCG Travaux est inopérant dès lors que ces stipulations ne s'appliquent qu'aux différends survenant entre le maître d'œuvre et l'entrepreneur. La fin de non-recevoir opposée par la société SNCF Réseau doit donc être écartée. En ce qui concerne la fin de non-recevoir tirée du caractère définitif du décompte général : 11. Aux termes de l'article 13.31 CCCG-Travaux : " (...) Dans les quarante-cinq jours suivant la date d'établissement du procès-verbal de réception des travaux, l'entrepreneur dresse et remet au maître d'œuvre le projet de décompte final établissant le montant total des sommes auxquelles il peut prétendre du fait de l'exécution du marché. ". L'article 13.34 du même CCCG stipule que : " Le décompte général est signé par la personne responsable du marché et notifié à l'entrepreneur par ordre de service avant la plus tardive des deux dates ci-après : quatre-vingt dix jours après la date de réception, par le maître d'œuvre, du projet de décompte final ; trente jours après la publication des indices ou index de référence permettant la révision du solde. Au vu du décompte général qui lui est notifié, l'entrepreneur émet la facture pour solde du montant résultant du calcul établi par le maître d'œuvre et la transmet à celui-ci qui l'adresse, à son tour, à la personne responsable du marché ". Aux termes de l'article 13.35 du CCCG-Travaux : " L'entrepreneur dispose d'un délai de quarante-cinq jours pour signer et renvoyer au maître d'œuvre ce décompte général, sans ou avec réserves. (...) Si la signature est donnée avec réserves, l'entrepreneur doit motiver ces réserves dans un mémoire de réclamation joint au renvoi du décompte qui précise le montant dont il revendique le paiement et qui fournit les justifications nécessaires en reprenant, sous peine de forclusion, les réclamations déjà formulées antérieurement et n'ayant pas fait l'objet de paiement définitif. Le règlement du différend intervient alors selon les modalités indiquées à l'article 85 (...) ". Aux termes de l'article 85.2 du même CCCG : " Si l'entrepreneur refuse de signer sans réserve le décompte général, la personne responsable du marché dispose, à compter de la date de réception par le maître d'œuvre du mémoire de réclamation exprimant ces réserves et remis dans les conditions du paragraphe 35 de l'article 13, d'un délai de six mois pour notifier sa décision. L'absence de notification de décision dans le délai de six mois vaut rejet de la demande de l'entrepreneur. Si dans le délai de trois mois à partir de la notification de décision ou de l'expiration du délai de réponse de six mois de la personne responsable du marché, l'entrepreneur n'a pas porté ses réclamations devant le tribunal compétent, il est considéré comme ayant adhéré à la décision de la personne responsable du marché et toute réclamation se trouve éteinte ". 12. Il résulte de l'instruction que, le 8 juillet 2016, le groupement d'entreprises a transmis au maître d'œuvre le décompte général signé avec réserves et que le mémoire en réclamation qui lui était joint comportait le chiffrage de la réclamation ainsi que des éléments visant à la justifier. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par la société SNCF Réseau, tirée de ce que le groupement d'entreprises n'aurait pas respecté la procédure de contestation du décompte général prévue à l'article 13.35 du CCCG en ne motivant pas de manière suffisante son mémoire en réclamation, et que le décompte général serait dès lors devenu définitif, doit être écartée. Sur les conclusions indemnitaires du groupement et des sociétés le composant : En ce qui concerne les prix nouveaux fixés par les ordres de service n°4 et 6, n° 9, n° 10, n° 11 et n° 14 : 13. En premier lieu, l'article A10.3.3 du CCTP prévoit l'obligation pour le groupement d'entreprises de réaliser les études complémentaires nécessaires et l'article A200 du bordereau des prix implique l'intégration au prix forfaitaire du marché initial des études et des prestations portant modification des divers documents d'exécution nécessités par l'évolution du chantier. Il résulte de l'instruction que, par un ordre de service n° 9 du 6 septembre 2013, la maîtrise d'œuvre a fixé un prix nouveau provisoire pour la réalisation des ouvrages de soutènement destinés à protéger le coffret gaz au niveau du PN5, afin de tenir compte de l'incompatibilité du terrain avec le projet de mur en béton armé. Le coût des prestations correspondantes doit ainsi être intégré aux coûts liés à la modification des études concernant des prestations initialement prévues au marché ayant évolué en cours d'exécution du contrat, et incluses dans le prix forfaitaire en application de l'article A200 du bordereau unitaire des prix. Dès lors la société Valérian n'est pas fondée à solliciter le paiement des études relatives à ces travaux, qui n'ont au demeurant pas le caractère de sujétions techniques imprévues. 14. En deuxième lieu, les prestations d'études, essais et travaux de purge réalisées relèvent des stipulations de l'article D 8.2.3 du CCTP prévoyant la réalisation de planches d'essai afin de " vérifier l'adéquation de la méthodologie et des moyens proposés par l'Entrepreneur avec les performances à atteindre ". Les essais font ainsi partie intégrante de la mission de l'entrepreneur et sont rémunérés selon les articles D1.3.1, D.1.2.2, A200 et A300 du bordereau des prix afférents aux reconnaissances préalables, planches d'essais et planches de référence. Il résulte de l'instruction que, par un ordre de service n° 10 du 21 septembre 2013, la maîtrise d'œuvre a fixé un prix nouveau provisoire pour les travaux " de réalisation des purges sur la route départementale n° 16 sur la commune d'Entraigues ", réalisés par la société Valérian, pour un montant de 18 532,8 euros HT correspondant à la seule fourniture de matériaux drainants, dès lors que l'ensemble des études, essais et travaux de purge réalisés étaient prévus de manière forfaitaire dans le contrat au chapitre D 8.2.3 du livret D du CCTP, aux articles D.1.3.1, D1.2 .2, A 200 et A 300 du bordereau unitaire des prix. La société Valérian n'est donc pas fondée à solliciter le paiement des prestations ainsi effectuées. 15 . En troisième lieu, l'ordre de service n° 4 relatif aux travaux de " rabattement de nappe au droit des terrassements OA " a été émis le 24 avril 2013 et signé avec réserves le 24 avril 2013. Ces travaux ont été réalisés par la société Valérian entre le 11 et 25 juin 2013. Par un ordre de service n° 6 du 4 juillet suivant, le prix nouveau de cette prestation a été fixé par la maîtrise d'œuvre à la somme de 33 669, 73 euros HT, correspondant " à la fouille sud ", et signé avec réserves le 18 juillet 2013. Les requérantes demandent une indemnisation supplémentaire à ce titre au motif que les travaux réalisés portaient non seulement sur la fouille sud mais également sur la fouille nord. 16 . Il résulte de l'instruction, et notamment des réserves émises le 29 avril 2013 par le groupement d'entreprises, que le périmètre des travaux n'était pas initialement complètement défini, le mandataire indiquant lui-même " que son devis restera à parfaire suivant le dimensionnement du dispositif après étude ". Or, par un courriel du 3 juin 2013, antérieur à la réalisation des travaux, le mandataire du groupement a été informé par le maître d'œuvre que " l'essai complémentaire réalisé par Colas, puis Valérian montre que la stabilité des talus provisoires en 1/1 est assuré sur la fouille OA nord. Le rabattement sera donc réalisé exclusivement sur la fouille sud et le prix nouveau correspondant vous sera notifié rapidement ". Cette limitation des travaux à la fouille sud a été rappelée à nouveau au groupement par un courriel en date du 10 juin 2013, indiquant que tout impact financier ou de délai relatif à ces travaux réalisés sans l'accord du maître d'œuvre est à la charge de l'entrepreneur. Les sociétés requérantes ne contestent pas que lors d'une réunion de chantier en date du 5 juin 2013, antérieure à la réalisation des travaux, et à laquelle se réfère le courriel du 10 juin précité, il a été précisé au groupement que le rabattement de la nappe ne devait être effectué que sur la fouille sud. Par suite, le groupement ne pouvait ignorer que les travaux ordonnés par l'ordre de service n° 4 ne portaient que sur la fouille sud, sans qu'ait à cet égard d'incidence la circonstance que la maîtrise d'œuvre ne se soit pas manifestée lors de la réalisation des travaux. 17. Si les requérantes soutiennent qu'en tout état de cause, les travaux relatifs à la fouille nord constituaient des travaux indispensables dès lors que les entreprises auraient été tenues de pomper la nappe phréatique de la fouille nord pour réaliser les travaux, elles ne démontrent pas que ces travaux, qui ont causé l'effondrement du talus, étaient nécessaires, et que les prévisions faites lors du sondage précédant les travaux, qui avaient indiqué que le talus était stable et que les travaux pouvaient être réalisés uniquement sur la fouille sud, auraient été erronés. Par suite, et dès lors que le caractère indispensable des travaux n'est pas établi, la demande indemnitaire présentée au titre des travaux réalisés sur la fouille nord doit être rejetée. 18. En quatrième lieu, par un ordre de service n° 11 du 21 novembre 2013, la maîtrise d'œuvre a fixé un prix nouveau provisoire pour les travaux de " mise en place de 48 m de barrière Heras, soit 25 euros HT le ml ", réalisés par la société Bouygues, pour un montant de 1 814,14 euros HT et le groupement d'entreprises a signé cet ordre de service avec réserves le 4 décembre 2013. Les requérantes demandent une indemnisation supplémentaire de ces travaux à hauteur de 3 575 euros HT au motif que le montant de 25 euros HT ne prend pas en compte les frais de chantier, notamment les coûts des plots béton et de la main-d'œuvre, que ce prix nouveau est erroné car il mentionne 48 mètres de barrières, alors qu'il s'agit de 48 barrières de 2 mètres chacune, qu'il se base sur le prix des barrières Heras qui ne peuvent être mises en œuvre pour des passages publics et qu'il ne prend pas en compte la nécessité de placer des panneaux de signalisation. 19 . Il résulte toutefois du courrier de la maîtrise d'œuvre du 21 novembre 2013 que le calcul proposé a bien été réalisé sur la base de 48 barrières pour un montant unitaire de 37,40 euros. Le prix proposé a, dès lors, bien pris en compte le nombre exact de barrières et un prix de vente incluant notamment la main-d'œuvre qui n'est pas le prix " déboursé sec ". Par ailleurs, le groupement n'apporte aucun élément de nature à établir que le maître d'œuvre lui aurait demandé de réaliser 96 mètres et non 48 mètres de barrière, que le type de barrière retenu dans les prix nouveaux provisoires ne pouvait être mis en place pour encadrer un passage piéton et que l'installation de panneaux de signalisation était nécessairement requise. Par suite, la demande indemnitaire présentée par le groupement à ce titre doit être rejetée. 20. En cinquième lieu, il résulte de l'instruction que par un ordre de service n° 14 du 21 novembre 2013, la maîtrise d'œuvre a fixé un prix nouveau provisoire pour les " essais complémentaires réalisés sur la zone du barreau Nord et de la déviation provisoire (...) non compris le géotextile ", réalisés par la société Valérian, pour un montant de 6 676,75 euros HT et que le groupement d'entreprises a signé cet ordre de service avec réserves le 4 décembre 2013. La société Valérian demande d'ailleurs une indemnisation supplémentaire de ces travaux à hauteur de 1 859,25 euros HT, dès lors que les géotextiles renforcés nécessaires à ces essais n'ont pas été payés. Il résulte de l'ordre de service n°8 du 9 juillet 2013 que la portance observée des sols au niveau du barreau Nord du rétablissement routier lié à la suppression du PN5 nécessitait un renforcement de géotextile impliquant un surcoût du 1,10 euros HT /m². Si un montant de 2 408,88 euros HT correspondant à une plus-value de 1,10 euros HT/m² a été accordé au groupement, il ne ressort toutefois pas de cet ordre de service ni d'aucune autre stipulation contractuelle que les géotextiles utilisés pour ces essais complémentaires auraient été inclus dans la plus-value mentionnée dans l'ordre de service n°8. Par ailleurs, il résulte de l'instruction que les études en cause, qui ont fait l'objet d'un ordre de service et d'une proposition de prix nouveaux, constituaient des prestations supplémentaires et n'ont pu être couvertes par le prix forfaitaire des études d'exécution prévues initialement au marché. Il s'ensuit qu'il y a lieu d'accorder l'indemnisation demandée à hauteur de 1 859,25 euros HT, soit 2 231,10 euros TTC. En ce qui concerne les prix nouveaux pour les prestations réalisées au titre des forfaits du fascicule A, A100 à A900 : 21. Les sociétés requérantes doivent être regardées comme faisant valoir que l'absence de paiement de ces prestations est révélé par la différence entre la somme figurant dans la dernière situation mensuelle de travaux du mois de juillet 2014, validée par le maître d'œuvre et mentionnant une somme de 3 713 009,70 euros pour les travaux dus au titre du contrat, et celle retenue dans le décompte général qui indique une somme de 3 677 323,41 euros HT. Or, il résulte de l'instruction, notamment du mémoire en réclamation, que la somme de 3 713 009,70 euros a fait l'objet d'un règlement avant la notification du décompte général. Dès lors que les sociétés requérantes n'établissent pas qu'une moins-value aurait ensuite été retenue sur ce point dans le cadre du décompte général, l'existence du préjudice subi par elles au titre de l'absence de paiement de la somme mentionnée dans la situation mensuelle des travaux de juillet 2014 n'est pas établie. Par suite, la demande indemnitaire présentée à ce titre doit être rejetée. En ce qui concerne l'indemnisation liée à l'ajournement des travaux relatifs au PN6 : 22. Si l'engagement de la responsabilité contractuelle sans faute de la personne publique ouvre de plein droit au cocontractant le droit d'être indemnisé, c'est à la condition de démontrer la réalité du préjudice et d'un lien de causalité entre le fait générateur et le préjudice. Aux termes de l'article 21 du CCCG-Travaux : " 21.1 La personne responsable du marché peut, à tout moment, décider l'ajournement des travaux/ 21.2 Dès que l'ajournement est prononcé, il est procédé suivant les modalités indiquées à l'article 12, à la constatation des ouvrages et parties d'ouvrages exécutés et des matériaux approvisionnés. /21.3. L'entrepreneur, qui conserve la garde du chantier, a droit à être indemnisé des frais que lui impose cette garde et du préjudice qu'il a éventuellement subi du fait de l'ajournement. / une indemnité d'attente de reprise des travaux peut être fixées dans les mêmes conditions que les prix nouveaux, suivant les modalités de l'article 14. / 21.4 En cas d'ajournement des travaux l'entrepreneur procède au stockage des approvisionnements et fabrications visées au paragraphe 3 de l'article 1. Au delà de trois mois de stockage, l'entrepreneur est fondé à présenter une demande d'indemnisation à raison des frais qu'engendre pour lui celui-ci ". 23. Il résulte de l'instruction que lors de la réunion de démarrage des travaux, le 22 janvier 2013, la société Systra a informé le groupement d'entreprises du gel des travaux du PN6 en raison de difficultés liées à la procédure de cession de parcelles sur cette emprise, que par un ordre de service n°2 du 28 mars 2013, les travaux initialement prévus ont été ajournés à compter du 22 janvier 2013, et que, par un courrier du 11 avril 2013, le groupement a signé cet ordre de service en émettant des réserves liées à l'incidence financière de cet ajournement. 24. Ni la société Bouygues TP RF, ni la société Colas Midi Méditerranée ni la société Valérian n'apportent la preuve, pas plus en appel qu'en première instance, qui leur incombe, avant toute mesure d'expertise en vue de leur évaluation, de la réalité des préjudices qu'elles allèguent, qu'il s'agisse des dépenses de matériels, des frais relatifs à la réalisation d'études et de chiffrages complémentaires, d'une perte de pouvoir de négociation auprès de ses sous-traitants et de l'absence d'amortissement de ses frais fixes invoqués par la société Bouygues TP RF, ou, pour la société Valérian, d'un surcoût relatif au personnel d'encadrement, d'un défaut d'amortissement du matériel, de la perte d'un pouvoir de négociation sur les fournitures en matériaux de carrière, de la perte de négociation relative aux sous-traitants et de l'absence d'amortissement des frais fixes, ou encore, pour la société Colas, d'une augmentation du coût des fournitures et des frais fixes. Quant aux dépenses de main-d'œuvre résultant de la suppression de ces travaux, le groupement ne rapporte pas la preuve que ses personnels n'auraient pas pu être affectés, en tout ou partie, à d'autres chantiers, alors que le délai d'exécution du marché était global et que les travaux des trois chantiers étaient organisés de manière simultanée. En revanche, il résulte de l'instruction, notamment de neuf comptes rendus de chantier, que la demande d'indemnisation au titre des frais d'études, de plan et de calculs afférents à la réalisation des travaux, évalué sans être sérieusement contestée à la somme de 9 540 euros HT, est suffisamment justifiée, ainsi d'ailleurs que l'ont estimé les premiers juges, et doit donc être accueillie. En ce qui concerne la demande indemnitaire relative à la résiliation du marché : 25. Même en l'absence de manquement de la société SNCF Réseau à l'exécution de ses obligations fixées par la convention, la résiliation unilatérale de celle-ci ouvre droit au profit des sociétés composant le groupement d'entreprises, et même en l'absence de stipulations contractuelles en ce sens, à une indemnité compensant la perte de bénéfices subie du fait de cette résiliation ainsi que les dépenses qu'elles ont exposées. 26. Il résulte de l'instruction qu'après la réception partielle des PN1 et PN5, la société Systra a décidé par un courrier du 26 janvier 2015 de résilier le marché pour motif d'intérêt général en raison de l'impossibilité de réaliser les travaux sur le PN6 avant la date de mise en service de la ligne, prévue pour mars 2015. La société Bouygues TP RF estime, sans être sérieusement contredite par la société SNCF Réseau, que la perte de marge sur ce type de travaux est de 3%. Dès lors qu'elle indique, sans être contestée, que le montant des travaux lui incombant sur le PN6 s'élevait à 817 000 euros HT, la perte de marge de la société peut être évaluée à la somme de 24 510 euros HT. La société Colas estime quant à elle, sans être sérieusement contredite, que sa perte de marge sur ce type de travaux se situe à 8%. Dès lors qu'elle indique sans être sérieusement contestée que le montant des travaux lui incombant sur le PN6 s'élevait à 150 208 euros HT, la perte de marge de la société peut être évaluée à la somme de 12 016,64 euros HT. La société SNCF Réseau n'est donc pas fondée à soutenir, par la voie de l'appel incident, recevable dès lors qu'il porte sur le même marché que l'appel principal, que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif l'a condamnée à verser les sommes correspondantes à ces sociétés. 27. Il résulte de tout ce qui précède que le groupement a droit à la somme totale de 47 925,89 euros HT (1 859,25 + 9 540 + 24 510 + 12 016,64) soit 53 906,07 euros TTC. Il n'est donc pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif n'a alloué que ces sommes. Sur le solde du décompte : 28. L'ensemble des opérations auxquelles donne lieu l'exécution d'un marché public est compris dans un compte dont aucun élément ne peut être isolé et dont seul le solde, arrêté lors de l'établissement du décompte définitif, détermine les droits et obligations définitifs des parties. Pour fixer le solde du décompte, doivent être pris compte tous les éléments de l'actif et du passif du marché résultant d'obligations ayant une existence certaine et devant figurer sur ledit décompte. 29. Il résulte de l'instruction que, par l'ordre de service n°31, la société SNCF Réseau a transmis au groupement le décompte général arrêté à la somme de 3 587 770,24 euros HT après imputation de la somme de 3 718 456,63 euros HT déjà versée au titre des acomptes payés, d'où un solde négatif à la charge du groupement de 130 686,39 euros HT soit 156 823,67 euros TTC. A ce solde, il convient d'appliquer les sommes dues au groupement en application de la présente décision, à savoir 47 925,89 HT, soit 53 906,07 euros TTC. Par suite, le solde du marché doit être fixé à la somme de 102 917,60 euros TTC en faveur de SNCF Réseau et le groupement doit donc être condamné à verser cette somme à la société SNCF Réseau, qui est ainsi fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif l'a au contraire condamnée à payer diverses sommes aux sociétés composant le groupement après avoir fixé le solde du marché à la somme de 60 730,86 euros TTC en faveur de ces sociétés. En revanche, si SNCF Réseau demande le remboursement des sommes qu'elle a versées en exécution du jugement attaqué, il n'y a pas lieu de faire droit à cette demande, qui relève de l'exécution du présent arrêt. Sur les intérêts et la capitalisation : 30. En application de l'article 3.12 du cahier des clauses administratives particulières relatif aux modalités de paiement et de l'article 3.15 du cahier des clauses administratives particulières relatif aux intérêts moratoires, la somme de 102 917,60 euros TTC sera assortie des intérêts moratoires au taux de 2,7 %, à compter du 22 août 2016, soit 45 jours après le 8 juillet 2016, date de réception par le maître d'ouvrage de la contestation du décompte général par le groupement. La capitalisation ayant été demandée pour la première fois le 27 janvier 2017, une année entière d'intérêts est due à compter du 22 août 2017 et à chaque échéance annuelle. Sur les frais liés au litige : 31. Les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la société SNCF Réseau, qui n'est pas la partie perdante à l'instance, au titre des frais exposés par les requérantes. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du groupement composé des sociétés Bouygues travaux publics régions France, Colas Midi Méditerranée et Valérian la somme de 2 000 euros à verser à la société SNCF Réseau sur le fondement des mêmes dispositions. D É C I D E : Article 1er : Le jugement n°1701704/4-3 du 10 janvier 2020 du tribunal administratif de Paris est annulé. Article 2 : Le solde du marché est fixé à la somme de 102 917,60 euros TTC en faveur de SNCF Réseau. Article 3 : Le groupement composé des sociétés Bouygues travaux publics régions France, Colas Midi Méditerranée et Valérian versera à la société SNCF Réseau la somme de 102 917,60 euros TTC en paiement du solde du marché. Cette somme portera intérêts au taux de 2,7% à compter du 22 août 2016. Ces intérêts porteront eux-mêmes intérêts à compter du 22 août 2017 et à chaque échéance annuelle. Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté. Article 5 : Le groupement composé des sociétés Bouygues travaux publics régions France, Colas Midi Méditerranée et Valérian versera à la société SNCF Réseau la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative. Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la Société Bouygues travaux publics régions France, à la Société Colas Midi Méditerranée, à la Société Valerian et à la société SNCF Réseau. Délibéré après l'audience du 14 avril 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Heers, présidente de chambre, - Mme Briançon, présidente-assesseure, - Mme d'Argenlieu, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 juillet 2023. La présidente-rapporteure, M. HEERS La présidente-assesseure, C. BRIANÇON La greffière, O. BADOUX-GRARE La République mande et ordonne au ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des transports en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N°20PA00885
JADE/CETATEXT000047914840.xml
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : La société Boyer a demandé au tribunal de Wallis et Futuna de condamner à titre principal le préfet, administrateur supérieur des îles de Wallis-et-Futuna à lui verser la somme de 7 261 319,96 euros TTC, somme assortie des intérêts moratoires à compter du 27 juin 2014 et de la capitalisation des intérêts au titre des préjudices subis du fait des sujétions techniques imprévues et des fautes commises à l'occasion de l'exécution du marché ayant pour objet les travaux d'extension et d'aménagement du port de commerce de Mata-Utu et à titre subsidiaire, de condamner le préfet, administrateur supérieur des îles de Wallis-et-Futuna à lui verser la somme de 6 805 319,96 euros TTC, somme assortie des intérêts moratoires à compter du 27 juin 2014 et de la capitalisation des intérêts au titre des préjudices subis du fait des sujétions techniques imprévues subies et des fautes commises à l'occasion de l'exécution de ce marché. Par un jugement n°1760009 du 12 octobre 2017, le tribunal administratif de Wallis-et -Futuna a condamné le territoire de Wallis-et-Futuna à verser la somme de 336 413,75 euros à la société Boyer, somme assortie des intérêts moratoires prévus au marché à compter du 27 décembre 2014 produisant eux-mêmes intérêts à compter du 27 décembre 2015 et à chaque échéance annuelle. Procédure devant la Cour : Par une requête et des mémoires, enregistrés le 26 janvier 2018, le 18 février 2020 et le 30 avril 2021, la société Boyer, représentée par Me Lapp demande à la Cour : 1°) de réformer ce jugement du 12 octobre 2017 ; 2°) à titre principal, de condamner le territoire des îles de Wallis et-Futuna à lui verser la somme de 7 261 319,96 euros TTC assortie des intérêts moratoires à compter du 27 juin 2014 capitalisés chaque année après une année d'intérêts'; 3°) à titre subsidiaire, de condamner le territoire des îles de Wallis et-Futuna à lui verser la somme de la somme de 6 805 319,96 euros TTC assortie des intérêts moratoires à compter du 27 juin 2014, capitalisés chaque année après une année d'intérêts'; 4°) de mettre à la charge du territoire des îles de Wallis-et-Futuna la somme de 15 000 euros HT au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. La société soutient que : Sur la responsabilité : - la responsabilité de l'administration supérieure de Wallis-et-Futuna est engagée, en raison des fautes commises par le maître d'ouvrage et des sujétions imprévues rencontrées durant l'exécution des travaux ; - le territoire en sa qualité de maître d'ouvrage et de maître d'œuvre, a commis d'une part, des fautes dans la conception et la fourniture de documents contractuels insuffisants s'agissant des études géotechniques de conception et la description des caractéristiques des sols à draguer et, d'autre part, une faute dans l'exercice de son pouvoir de direction et de contrôle ; - elle a subi des sujétions techniques imprévues lors des opérations de dragage et de la réalisation du nouveau quai en palplanches, notamment le refus prématuré de certaines palplanches et la nécessité de dérocter, sans que l'administration puisse invoquer l'article 3.1 du cahier des spécifications techniques ; - le lien de causalité entre les manquements du maître d'ouvrage et son préjudice est établi en l'absence d'éléments de nature à exonérer l'administration, l'avenant n°1 ne pouvant exonérer le maître d'ouvrage de sa responsabilité et aucune faute ne pouvant lui être imputée ; - le lien de causalité entre les fautes et les préjudices liés à l'acheminement du matériel, à l'immobilisation du conducteur de travaux, au préfinancement des palplanches, à l'immobilisation de la barge Flocon et à la recherche de solutions techniques supplémentaires en août 2010 est établi ; - l'avenant ne couvre pas les immobilisations de chantier (demande B7-2), les études géotechniques (demandes B2 et B5), les opérations de dragage (demandes B3-1 et B3-2), la période de préparation du chantier (demande B1), les conséquences induites de la modification de la conception du quai en ce qui concerne la désorganisation du chantier (demandes B7-3 à B7-5), le coût des installations complémentaires tenant à l'allongement des délais (demande B8), ainsi que le coût des contrôles supplémentaires tenant à l'allongement des délais (demande B9) ; - l'avenant ne couvre pas davantage les conséquences des fautes du territoire de Wallis-et-Futuna ou de sujétions imprévues rencontrées après la signature de l'avenant, à savoir les études d'exécution consécutives au refus prématuré de certaines palplanches lors de la réalisation des travaux de l'avenant (demande B5), le déroctage du platier à l'emplacement des tirants, non prévu par l'avenant (demande B6) ; -l'avenant n'a pas réglé toutes les conséquences de la désorganisation imputable aux fautes du maître d'ouvrage et aux sujétions imprévues (poste B7) ; - l'avenant n'a pas permis d'indemniser les préjudices et surcoûts subis, et ne la prive pas de la possibilité de former une réclamation sur les demandes non traitées dans le cadre de l'avenant ; - elle n'a commis aucune faute de nature à exonérer le territoire de Wallis-et-Futuna de tout ou partie de sa responsabilité ; - le partage de responsabilité sur les difficultés rencontrées lors des travaux de dragage n'est pas justifiée dès lors que le maître d'ouvrage était responsable de la conception de l'ouvrage, et que l'erreur de conception du quai, qui n'était pas décelable au stade de l'appel d'offres, lui est exclusivement imputable ; - la réduction du prix unitaire de dragage n'est que la conséquence des informations contenues dans le dossier d'appel d'offres, dont il ressortait que le prix initialement présenté était trop cher par rapport aux conditions de sol décrites ; - il n'existait aucun moyen à la disposition de l'entreprise pour révéler, au stade de l'appel d'offres, la présence des plateaux et blocs coralliens ; - elle a utilisé le matériel qui pouvait draguer les matériaux identifiés dans les documents contractuels du marché et les difficultés relatives au dragage ne peuvent lui être imputées ; - c'est à tort que le tribunal n'a pas reconnu le lien de causalité entre la faute de l'administration et le surcoût du transport de matériel par bateau, l'immobilisation du conducteur de travaux, le préfinancement des palplanches et l'immobilisation de la barge Flocon. Sur l'irrégularité du rejet des demandes consécutives à la faute de conception imputable au maître d'ouvrage et à sa faute dans l'exercice de son pouvoir de contrôle et de direction du marché : - le préjudice subi en raison des fautes du maître d'ouvrage et des sujétions imprévues s'élève à la somme de 7.261.319,96 euros TTC ; - le préjudice subi pendant la période de préparation du chantier consécutif à la faute de l'administration dans l'exercice de son pouvoir de contrôle et de direction du marché (B1) a été évalué par l'expert à la somme de 201 542,58 euros ; - le préjudice subi en raison du dimensionnement et de l'approvisionnement des éléments constitutifs du quai, consécutif à la faute de l'administration dans l'exercice de son pouvoir de contrôle et de direction du marché (B5) s'élève à la somme de 8360,73 euros ; - le préjudice subi pendant les travaux de dragage consécutif au manquement par l'administration à son obligation d'information et à l'existence de sujétions imprévues (B3) s'élève à la somme de 268009,94 euros ; - le préjudice lié au déroctage du platier (B6) s'élève à la somme de 15.699,10 euros ; - le préjudice subi en raison de la désorganisation du chantier (B7) a été évalué par l'expert à la somme de 2.723.344 euros soit une somme de 447 642 euros au titre du coût de la main d'œuvre, une somme de 1 965 436,07 euros au titre de l'indemnisation du surcoût du matériel, une somme de 624 000 euros pour l'immobilisation de la barge Flocon, une somme de 737 254,06 euros au titre du coût de l'encadrement auquel il convient d'ajouter les frais d'expatriation qui s'élèvent à 377 124,30 euros pour six personnes déplacées sur la prolongation de chantier (dix-huit mois et vingt-huit jours) et les frais relatifs au deuxième déplacement du chef de chantier spécialisé en battage et des plongeurs qualifiés qui s'élèvent à 10 201,80 euros, et une somme de 1 057 043,68 euros au titre des frais généraux ; - le préjudice relatif aux installations complémentaires, consécutif à la faute de l'administration dans l'exercice de son pouvoir de contrôle et de direction du marché (B8) s'élève à 55 480,14 euros ; - le préjudice subi en raison des contrôles supplémentaires consécutif à la faute de conception (B9) évalué par l'expert à la somme de 18 683 euros ; - le préjudice lié aux retards de paiement et intérêts moratoires consécutifs au manquement par le maître d'ouvrage à son obligation de paiement (B10) qui s'élèvent à 16 270,07 euros ; - les frais financiers de la demande de règlement complémentaire (B12), c'est-à-dire les frais d'emprunt liés au coût d'acquisition ou de dépenses à un taux de 2,8 % entre le 30 janvier 2012, date à laquelle elle a commencé à supporter les surcoûts engendrés par la prolongation du chantier, et le dépôt du projet de décompte ; - les préjudices sollicités étant calculés en base marché, ils doivent bénéficier de la révision de prix (B13) ; - les frais supportés par l'entreprise depuis le dépôt du projet de décompte définitif, par l'application des intérêts moratoires qui courent à compter du dépôt du décompte final le 27 juin 2014, et non à l'issue d'un double délai de 90 jours dès lors qu'elle n'a pas à supporter la charge du choix de maître d'œuvre de recourir à une expertise extérieure pour établir le projet de décompte général. Par des mémoires en défense, enregistrés le 28 février 2019 et le 28 février 2020, le territoire de Wallis-et Futuna, représenté par le préfet, administrateur supérieur des îles de Wallis-et-Futuna et la SCP d'avocats Seban et associés, conclut au rejet de la requête et demande que la somme de 15 000 euros soit mise à la charge de la société Boyer au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par la voie de l'appel incident, il demande l'annulation du jugement en ce qu'il retient l'existence de sujétions techniques imprévues et des fautes du territoire non encore indemnisées, et en ce qu'il condamne en conséquence le territoire des Iles Wallis et Futuna à verser la somme de 336 413,75 euros à la société Boyer. Il soutient que : - le préjudice résultant des erreurs de conception commises au titre du dimensionnement et du calcul des palplanches et qui correspond aux postes B7, B8 et B9 de l'annexe VIII au rapport du sapiteur comptable s'élevant à la somme de 2 797 507,22 euros, a été totalement indemnisé par l'avenant n°1 ; - même si l'avenant ne vaut pas renonciation de la part de la société Boyer à recours ultérieur portant sur ses demandes, non traitées dans le cadre de l'avenant, les autres difficultés rencontrées par la société Boyer ne trouvent leur origine ni dans des sujétions imprévues, ni dans des fautes du territoire ; - aucune faute ne peut être retenue s'agissant des documents communiqués à l'entreprise concernant d'une part, des études géotechniques de conception mises à sa disposition et d'autre part, des études géotechniques relatives au sol à draguer ; la prestation de reconnaissance géotechnique complémentaire était due par la société Boyer au titre du marché ; aucun des textes applicables au territoire de Wallis et Futuna ne faisait obstacle à ce que des études de conception de cette nature soient confiées, par marché, à la société Boyer. Vu : - les autres pièces du dossier ; - l'ordonnance du 16 septembre 2016, par laquelle le président du tribunal de Wallis-et-Futuna a taxé les frais de l'expertise déposé le 13 septembre 2016. Vu : - la loi n° 61-814 du 29 juillet 1961 conférant aux îles Wallis-et-Futuna le statut de territoire d'outre-mer ; - le code de justice administrative dans sa version applicable dans les îles Wallis-et Futuna. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Briançon, rapporteure, - les conclusions de Mme Jayer, rapporteure publique, - et les observations de Me Montaut, représentant la société Boyer, et de Me Vandepoorter, représentant le territoire des Iles Wallis et Futuna. Une note en délibéré présentée par la société Boyer a été enregistrée le 4 juillet 2023. Considérant ce qui suit : 1. Le territoire des Iles Wallis et Futuna et la société Boyer ont conclu, le 25 février 2010, un marché de travaux portant sur l'extension et l'aménagement du port de commerce de Mata-Utu, à Wallis, et plus précisément sur la réalisation de travaux de dragage, de terrassement, de génie civil maritime et de bâtiments portuaires. Ce marché de travaux, d'un montant initial de 8 674 497 euros, financé par le 9ème Fonds européen de développement, était décomposé en deux lots : un lot n°1 attaché aux infrastructures, d'un montant initial de 5 946 392 euros et un lot n° 2 attaché aux superstructures, d'un montant de 2 728 105 euros. Eu égard aux difficultés rencontrées, un avenant n°1 en date du 28 juin 2012 a d'une part, prolongé la durée d'exécution du marché de 18 mois, et d'autre part, rémunéré les surcoûts occasionnés à hauteur de 2 701 683,73 euros. Le 25 juin 2014, la société Boyer a établi son projet de décompte définitif s'élevant à la somme de 9 914 434,89 euros pour le lot n°1. Après un audit du projet de décompte établi par un auditeur missionné par la délégation de l'Union européenne pour le Pacifique, le projet de décompte a été rejeté. La société Boyer a demandé au tribunal, à titre principal, la condamnation du territoire des îles de Wallis-et-Futuna à lui verser la somme de 7 261 319,96 euros TTC au titre des préjudices subis du fait des sujétions techniques imprévues et des fautes commises à l'occasion de la réalisation du marché et, à titre subsidiaire, la somme de 6 805 319,96 euros TTC sur les mêmes fondements, ces sommes devant être assorties des intérêts moratoires à compter du 27 juin 2014 et de la capitalisation desdits intérêts. Par un jugement du 12 octobre 2017, le tribunal administratif de Wallis-et-Futuna a condamné le territoire de Wallis-et-Futuna à verser la somme de 336 413,75 euros à la société Boyer, somme assortie des intérêts moratoires prévus au marché à compter du 27 décembre 2014 produisant eux-mêmes intérêts à compter du 27 décembre 2015 et à chaque échéance annuelle. La société requérante relève appel de ce jugement. Le territoire de Wallis-et Futuna, demande de rejeter la requête, et par la voie de l'appel incident, d'annuler le jugement en ce qu'il retient l'existence de sujétions techniques imprévues et des fautes du territoire et condamne en conséquence le Territoire des Iles Wallis et Futuna à verser la somme de 336 413,75 euros à la société Boyer. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 2. Les difficultés rencontrées dans l'exécution d'un marché ne peuvent ouvrir droit à indemnité au profit de l'entreprise titulaire du marché que dans la mesure où celle-ci justifie soit que ces difficultés sont imputables à une faute de la personne publique commise notamment dans l'estimation de ses besoins, dans la conception même du marché ou dans sa mise en œuvre, dans l'exercice de ses pouvoirs de contrôle et de direction du chantier, soit qu'elles trouvent leur origine dans des sujétions imprévues ayant eu pour effet de bouleverser l'économie du contrat. En ce qui concerne la responsabilité pour faute du maître d'ouvrage : 3. Il résulte de l'instruction et n'est pas contesté en défense que, comme l'a retenu le tribunal, la responsabilité contractuelle du territoire est engagée en raison des erreurs commises dans la conception de l'extension du quai, notamment dans le dimensionnement et le calcul des palplanches. L'administration admet également que ces erreurs ont entrainé la désorganisation du chantier et un allongement important des délais, eu égard notamment aux " flottements " dans la direction du marché, ce qui a occasionné d'importants surcoûts. Par la voie de l'appel incident, l'administration soutient toutefois que d'une part, les difficultés rencontrées ne trouvent leur origine ni dans les fautes retenues par le tribunal tenant à l'insuffisance des documents du marché s'agissant des études géotechniques de conception et la description des caractéristiques des sols à draguer, ni dans les manquements dans l'exercice du pouvoir de direction et de contrôle ni dans les sujétions imprévues, l'ensemble des préjudices ayant été indemnisé par l'avenant n°1 signé le 28 juin 2012. 4. Par cet avenant, les parties se sont accordées sur les conséquences financières s'agissant notamment de la désorganisation du chantier et de la prolongation des délais d'exécution des travaux, et ont prévu d'une part, la prolongation de la durée d'exécution du marché de 18 mois, et d'autre part, la rémunération des surcoûts occasionnés à hauteur de 2 701 683,73 euros. Par ailleurs, si l'avenant prend en compte la faute de conception initiale en substituant plusieurs documents de conception et modifie la décomposition du prix global et forfaitaire du lot n°1 en introduisant des prix nouveaux, il précise en son point VII qu'il ne vaut pas renonciation de la part de la société Boyer à recours ultérieur portant sur les demandes non traitées dans ce cadre. Ainsi, la conclusion de cet avenant, qui ne prend pas en compte l'intégralité des surcoûts induits par le nouveau délai d'exécution s'agissant en particulier de la main d'œuvre et de son encadrement, ne fait pas obstacle, comme l'a relevé le tribunal, à ce que la société Boyer présente des réclamations sur les points dont il résulte de l'instruction qu'ils ne sont pas couverts par l'avenant. S'agissant de la faute en matière de conception et d'insuffisance des documents concernant les études géotechniques et les caractéristiques des sols à draguer : 5. D'une part, aux termes de l'article 40.1 du cahier des spécifications spéciales : " (...) Les normes et règles citées dans les documents du dossier d'appel d'offres ne sont données qu'à titre indicatif dans le but de définir la qualité minimum des travaux et ouvrages à réaliser, celle des matériaux et fournitures à mettre en œuvre à cet effet, ainsi que les règles usuelles employées à déterminer cette qualité. Pour définir la qualité des matériaux et matières que le soumissionnaire se propose de mettre en œuvre pour la réalisation des travaux et pour les calculs de résistance ou autres (béton armé, fondations, etc.) il peut être référé aux normes et règles applicables en la matière dans l'un des Etats membres, pour autant que ces normes et règles conduisent à une réalisation qui est conforme aux règles de l'art et qui répond aux exigences particulières du marché, notamment dans le domaine climatique, physique et hydrologique du lieu où seront réalisés les ouvrages. Dans une note séparée, à joindre à la soumission, le soumissionnaire indique les règles et normes auxquelles il s'est référé pour l'élaboration de son offre ; s'il se réfère à des normes et règles autres que celles prévues, il joint à la note précitée des extraits de la documentation lui ayant servi de base. ". Et aux termes de l'article 1.2 du cahier des spécifications techniques générales stipulent que : " Les travaux comprennent notamment [à la charge du titulaire] (...) une étude géotechnique d'exécution du rideau de palplanche (sondages pressiométriques) " et aux termes de l'article 3.2.2 : " Étude géotechnique d'exécution sur la base de sondages pressiométriques " et enfin aux termes de l'article 3.6 :" L'entrepreneur devra établir les notes de calculs et dossiers d'exécution des ouvrages avec justification du quai en palplanches par l'établissement d'une étude géotechnique (sondages pressiométriques) ". 6. Contrairement à ce que soutient le territoire et, indépendamment des règles généralement admises, les spécifications techniques ne font nullement référence à la réalisation d'études géotechniques de conception mais se bornent à prévoir que le titulaire avait à sa charge la réalisation des études d'exécution du rideau de palplanches, des études géotechniques d'exécution sur la base de sondages pressiométriques ainsi que l'établissement des notes de calculs et des dossiers d'exécution des ouvrages avec justification du quai en palplanches par l'établissement d'une note géotechnique par sondages pressiométriques. La circonstance que le titulaire du marché ne pouvait fonder ses études géotechniques d'exécution sur les seules données indicatives figurant dans le dossier de consultation des entreprises et devait réaliser des études de sols complémentaires ne pouvait exonérer le maître d'ouvrage de la prise en charge des études de conception complémentaires ayant été rendues nécessaires du fait de l'insuffisance des données fournies dans l'appel d'offres, les sondages pressiométriques n'ayant de surcroît pas été jugés comme la méthode d'intervention la plus adaptée. 7. D'autre part, l'article 3.10.2 du cahier des spécifications techniques générales indique que le " matériau à draguer est constitué de formations sableuses (cf. rapport de reconnaissance géotechnique joint au bordereau I) comprenant du sable, des limons, des éléments de corail sur des épaisseurs supérieures à 3-4 mètres (pas de refus des sondages pressiométriques). / Toutefois, de nombreuses patates de corail sont visibles et constitueront des points durs. Les travaux de dragages pourront être réalisés en partie à l'aide de dragues hydrauliques (drague aspiratrice équipée de désagrégateur). / Les points durs nécessiteront l'utilisation d'une drague rétrocaveuse (pelle hydraulique avec bras suffisant pour atteindre la cote - 10 m hydro) et d'explosifs si nécessaire, sous réserve d'agrément préalable du maître d'ouvrage ". Les stipulations de l'article 3.1 du même document indiquent que " l'entrepreneur est réputé ... - avoir procédé à une visite détaillée des lieux et avoir pris parfaitement connaissance de toutes les conditions physiques et sujétions relatives aux lieux des travaux ... en particulier du point de vue ... de la nature des terrains, ... - avoir contrôlé toutes les indications des documents du dossier d'appel d'offres et s'être assuré qu'elles étaient suffisantes, exactes et concordantes, et avoir faite toutes les investigations, reconnaissances et essais complémentaires nécessaires à sa pleine information ". 8. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que l'étude géotechnique initiale produite au marché était incomplète et en partie erronée quant à la description des sols à draguer pour les besoins du chantier, ceci entrainant des conséquences très importantes pour la suite des travaux de dragage. Toutefois, la société Boyer qui avait une obligation contractuelle de se rendre sur les lieux avant de remettre son offre pour vérifier l'exactitude des relevés fournies, n'a procédé à aucune démarche sur certains points techniques qui nécessitaient un éclaircissement et n'a pas évalué le matériel d'extraction et de déstructuration potentiellement nécessaire en cas de zones indurées plus importantes que prévues. Ainsi, les difficultés matérielles rencontrées dans l'exécution du contrat en raison de la présence d'une dalle corallienne indurée résultant d'une insuffisance des documents de la consultation portant sur la description des caractéristiques des sols à draguer sont de nature à entrainer la responsabilité du maître d'ouvrage. Mais la société Boyer n'ayant procédé à aucune reconnaissance sur le terrain avant de remettre son offre, ce qui aurait pu lui permettre d'anticiper les difficultés et d'adapter le matériel utilisé pour les opérations de dragage, elle a également commis une faute de nature à exonérer le territoire de Wallis-et-Futuna de sa responsabilité à hauteur de 50 %. S'agissant de la faute dans l'exercice des missions de contrôle et de direction : 9. Aux termes de l'article 17 du cahier des prescriptions spéciales : " (...) Il est fixé une période de préparation de six mois calendaires pour le lot n° 1 et de quatre mois pour le lot n° 2, à compter de la date de notification du démarrage de la période de préparation. Il est précisé que ce délai, qui peut être réduit d'un commun accord entre les parties, n'est pas compris dans le délai contractuel d'exécution des travaux ". Et aux termes de l'article 33.2 : " La période de préparation démarre à compter de l'ordre de service prescrivant son commencement, au plus tard dans le délai d'un (1) mois après la signature du marché. L'exécution des travaux démarre à compter de l'ordre de service prescrivant son commencement, au plus tard dans le délai d'un (1) mois après la fin de la période de préparation. ". 10. La société Boyer soutient que l'administration supérieure a commis plusieurs manquements dans son pouvoir de contrôle et de direction du marché du fait de l'absence de prolongation de la période de préparation du chantier, de l'intervention tardive de l'ordre de service de démarrage des travaux et de l'information tardive sur le dimensionnement des ouvrages. Conformément aux règles du marché, l'ordre de service n°1 a fixé le début de la période de préparation au 26 mars 2010, pour une durée de six mois, soit jusqu'au 26 septembre 2010 et l'ordre de service prescrivant le démarrage des travaux a été notifié le 14 octobre 2010, soit dans le délai d'un mois prescrit par l'article 33.2 du cahier des prescriptions spéciales. Toutefois, en ne donnant pas suite à la demande de prolongation d'un mois de la période de préparation du chantier formulée le 21 septembre 2010, la société Boyer a rencontré des difficultés pour mener à bien les études du quai et l'acheminement du matériel, ce refus, notamment du fait du retard pris dans la validation des solutions techniques et le dimensionnement des ouvrages pour la réalisation du mur en palplanches, ayant empêché une réorganisation du chantier qui a eu pour conséquence directe une désorganisation du chantier et un allongement important des délais induisant des surcoûts. Par suite, la société Boyer est fondée à soutenir que le territoire de Wallis-et-Futuna a commis une faute dans l'exercice de ses missions de contrôle et de direction, et ne peut être regardée comme ayant elle-même commis des fautes de nature à exonérer le territoire de tout ou partie de sa responsabilité. En ce qui concerne la responsabilité sans faute : 11. Les stipulations de l'article 20 du cahier des prescriptions spéciales du marché indiquent expressément que : " le titulaire ne pourra prétendre à aucune indemnité sur tout ou partie des travaux quels que soient : - les difficultés ou sujétions rencontrées à l'exécution du marché, - les retards dus ... à la nature du sol... ". 12. La société Boyer soutient que les difficultés rencontrées à raison de la présence de la dalle corallienne constituaient des sujétions techniques imprévues. Ne peuvent être regardées comme des sujétions techniques imprévues que des difficultés matérielles rencontrées lors de l'exécution d'un marché présentant un caractère exceptionnel, imprévisibles lors de la conclusion du contrat et dont la cause est extérieure aux parties. Si les caractéristiques du sol observées, tant du point de vue de sa cohésion, que de sa compacité ou de sa dureté ont différé des prescriptions contractuelles et que l'étude géotechnique produite au marché par le maître d'ouvrage prévoyait la présence d'un sol sablonneux, avec la présence de quelques patates de corail (ou "'points durs'"), il est constant que la société Boyer qui, comme il a été dit au point 13, n'a pas effectué de constat initial de l'état des lieux du site, permettant un meilleur repérage des zones indurées avant de remettre son offre, et n'a pas évalué le matériel d'extraction et de déstructuration potentiellement nécessaire en cas de zones indurées plus importantes que prévues dans le sous-sol concerné. Ainsi, la seule découverte d'une importante dalle corallienne indurée peu profonde dans le sous-sol sous-marin concerné alors qu'il résulte de l'instruction que la société Boyer, en tant que professionnel du secteur aurait dû faire preuve de prudence dans l'évaluation de la situation et d'anticipation des difficultés pour l'exécution du marché, ne peut être qualifiée d'imprévisible. Sur les préjudices : 13. Comme il a été rappelé au point 4, la signature de l'avenant ne fait pas obstacle à ce que la société Boyer présente des réclamations sur les points non indemnisés, quel que soit le fait générateur du préjudice invoqué. De même, il ne ressort ni de cet avenant ni des courriers préalables à sa conclusion que la prolongation du délai de réalisation du lot 1 de 12 à 30 mois visait à couvrir, par la suppression des pénalités de retard susceptibles d'être infligées à la société Boyer, la totalité des préjudices en raison de cette prolongation des délais et de la désorganisation du chantier qui en est résulté. Ainsi, seuls les préjudices résultant des fautes retenues et non pris en compte par l'avenant n°1, dont la société Boyer établit la réalité, peuvent être indemnisés. 14. En premier lieu, la société Boyer est fondée à soutenir que l'ordre de service n°5 du 1er avril 2011 ordonnant la réalisation d'études géotechniques supplémentaires permettant de valider le nouveau dimensionnement du rideau de palplanches excède le périmètre des études d'exécution dues par l'entreprise au titre du marché. Au titre de la réalisation des études géotechniques irrégulièrement mises à sa charge le 1er avril 2011, il y a lieu de retenir la somme, au demeurant non contestée par la requérante, de 239 117,57 euros retenue par l'expert au titre du poste B2 et accordée par le tribunal. 15. En deuxième lieu, la société Boyer demande le versement d'une somme de 33 816,35 euros (B5) correspondant aux frais générés par le préfinancement des palplanches, commandées dès décembre 2010, et aux études techniques supplémentaires réalisées par la société Best Pacific. Elle soutient qu'eu égard aux difficultés d'approvisionnement en Europe, elle a commandé les palplanches dès la fin 2010 afin d'être en mesure de démarrer les travaux dès janvier 2011 alors que la décision de l'administration relative au dimensionnement du quai n'a été prise que le 28 juin 2012. Les palplanches ont donc été stockées du mois de janvier 2011 au 15 décembre 2011, et acheminées sur site le 9 mars 2012. Il résulte de l'instruction, et notamment des calculs effectués par l'expert-sapiteur, que le préjudice subi peut être évalué à la somme de 33 816,35 euros. Ainsi, en l'absence de contestation quant à l'évaluation du coût de cette prestation et alors que ce point n'a pas été réglé par l'avenant, il y a lieu de condamner le territoire de Wallis-et-Futuna à verser ladite somme à la société Boyer. 16. En troisième lieu, la société soutient qu'elle a subi un préjudice du fait des incertitudes sur la date de démarrage du chantier qui lui a fait perdre les conditions avantageuses obtenues auparavant et correspondant à la différence de prix entre le voyage par navire de ligne et le voyage par bateau " beacher " initialement envisagé le 19 septembre 2010. Le territoire de Wallis-et-Futuna soutient que l'ordre de service prescrivant le démarrage des travaux lui a été notifié le 14 octobre 2010 dans le cadre des prévisions contractuelles. Toutefois, il résulte de l'instruction que les incertitudes autour de la période de préparation du chantier n'a pas permis à la société Boyer de faire venir son matériel par l'affrètement qu'elle avait mis en place et qu'elle a dû recourir aux services d'un navire de ligne. Ainsi, il y a lieu de condamner le territoire de Wallis-et-Futuna à indemniser la société de ce préjudice (poste B1) valorisé par l'expert à la somme, non contestée, de 201 542,58 euros. 16. En quatrième lieu, la société sollicite la réparation des préjudices non pris en charge par l'avenant et résultant du manquement par l'administration à son obligation d'information s'agissant d'une part, des opérations de dragage correspondant au poste B3 et s'élevant à la somme de 268 009,94 euros et d'autre part, du déroctage du platier nécessaire pour la mise en œuvre des tirants correspondant au poste B6 et s'élevant à la somme de 15 699,10 euros. Compte tenu de ce qui précède et du partage de responsabilité retenu au point 8, il y a lieu de condamner le territoire de Wallis-et-Futuna à verser à la société Boyer la somme globale de 141 854,52 euros au titre de ces préjudices. 17. En cinquième lieu, la société Boyer sollicite une rémunération complémentaire au titre du poste B7 pour les surcoûts induits par la prolongation des délais d'exécution et la désorganisation du chantier. Il résulte de l'instruction que le coût des salariés a été évalué par l'expert, en l'absence de planning, à la somme de 298 241,91 euros. Ce coût de la main d'œuvre incluant les frais de déplacement est désormais justifié pour un montant de 447 642 euros, de même que le surcoût pour l'encadrement évalué à la somme de 737 254,06 euros. Par ailleurs, si la société Boyer demande la somme de 1 965 436,07 euros au titre du surcoût du matériel engendré par la prolongation du chantier en se basant sur une approche par les amortissements, seule la somme de 168 000 euros pour l'immobilisation de la barge Flocon durant 56 jours est justifiée. Enfin, la société Boyer est également fondée à demander la somme de 1 057 043,68 euros au titre des frais généraux, dont le caractère réel et certain est établi eu égard à l'augmentation du volume des prestations, somme résultant de l'application d'un taux de 17% sur la période de prolongation de 30 mois. 18. En sixième lieu, la société Boyer sollicite au titre du poste B8 la réparation du préjudice lié aux installations complémentaires résultant de la faute de l'administration dans l'exercice de son pouvoir de contrôle et de direction. Il résulte de l'instruction que l'entreprise Boyer a droit en réparation de ce préjudice à la somme de 55 480,14 euros. 19. En septième lieu, la société Boyer demande la somme de 18 683 euros au titre du poste B9 en raison des contrôles supplémentaires consécutifs à la faute de conception. Il résulte de l'instruction que l'augmentation du volume des prestations impliquait nécessairement un nombre accru de contrôles, qui a généré une dépense de 18 683 euros non prise en compte par l'avenant. 20. En huitième lieu, il résulte de l'instruction qu'à plusieurs reprises les règlements sont intervenus avec plusieurs jours, voire semaines de retard, ce qui a engendré une situation de trésorerie délicate pour la société Boyer, laquelle sollicite des intérêts moratoires à raison de ces retards de paiement (B10). En retenant le taux d'intérêt de la Banque centrale européenne, ce préjudice doit être évalué à la somme de 4042,09 euros. 21. En neuvième lieu, la société Boyer demande le versement d'une somme de 57 155,29 euros (B11) au titre des frais engagés pour le montage juridique du dossier de réclamation qui ne peut, en l'espèce, être inclus dans les frais généraux de la société. Ainsi, et compte tenu du partage de responsabilité retenu au point 8, il y a lieu de condamner le territoire de Wallis-et-Futuna à verser à la société Boyer la somme de 28 577,64 euros. 22. En dixième lieu, la demande présentée au titre de frais financiers attachés à la demande de règlement complémentaire (B12) n'est pas en lien direct avec les fautes ouvrant droit à réparation et ne peut qu'être rejetée. De même, les sommes retenues ci-dessus étant sans lien avec les prix définis par les clauses contractuelles, elles ne peuvent faire l'objet de la révision des prix prévue par le marché. 23. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la société Boyer a droit au paiement de la somme complémentaire de 3 133 053,63 euros en exécution du marché conclu le 25 février 2010 pour l'extension et l'aménagement du port de commerce de Mata-Utu et non pris en compte par l'avenant signé le 28 juin 2012. Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts : 24. D'une part, aux termes de l'article 53 du cahier des charges relatif aux marchés de travaux financés par le fonds européen de développement (FED) : " le paiement au titulaire des montants dues au titre de chaque état du décompte et du décompte définitif établi par le maître d'œuvre est effectué par le maître d'ouvrage dans un délai de quatre-vingt-dix jours à compter de la date à laquelle cet état ou décompte lui a été présenté. En cas de dépassement de ce délai, le titulaire a droit à des intérêts moratoires calculés au prorata du nombre de jours de retard, au taux indiqué dans le cahier des prescriptions spéciales, à concurrence d'un délai maximal qui y est également précisé ". D'autre part, l'article 51.2 du cahier des prescriptions spéciales indique que le maître d'œuvre doit communiquer au maître d'ouvrage et au titulaire le décompte définitif dans un délai de 90 jours suivant la réception du projet de décompte établi par le titulaire. Enfin, l'article 53 du cahier des prescriptions spéciales indique également que : " l'intérêt de retard porte sur la période comprise entre la date d'expiration du délai de paiement exclue, et la date de débit du compte du Maître d'ouvrage, incluse ". 25. Il résulte de l'ensemble de ces dispositions que le point de départ des intérêts moratoires n'est pas, comme le soutient la société Boyer, la date d'envoi de son projet de décompte le 27 juin 2014, mais l'expiration du délai de quatre-vingt-dix jours imparti au maître d'ouvrage à compter de la date à laquelle le décompte définitif établi par le maître d'œuvre lui a été présenté, ou, lorsque le décompte définitif n'a pas été notifié par le maître d'œuvre, la date théorique à laquelle il aurait dû l'être. Ainsi, la société Boyer a droit aux intérêts moratoires sur la somme de 3 133 053,63 euros à compter du 27 décembre 2014. Ces intérêts produiront eux-mêmes intérêts à compter du 27 décembre 2015 et à chaque échéance annuelle. Sur les frais d'expertise : 26. Aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise (...). Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties. (...) ". 27. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre les frais et honoraires de l'expertise, taxés et liquidés à la somme de 15 700 000 F CFP, pour moitié à la charge du territoire de Wallis-et-Futuna et pour moitié à la charge de la société Boyer. Dès lors qu'il résulte de l'instruction que la société Boyer s'est acquittée de cette somme, à titre provisoire, il convient de condamner le territoire de Wallis-et-Futuna à lui verser la somme de 7 350 000 F CFP. 28. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la somme de 336 413,75 euros que le territoire de Wallis-et-Futuna a été condamné à verser à la société Boyer par l'article 1er du jugement du 12 octobre 2017 du tribunal administratif de Wallis-et-Futuna est portée à celle de 3 133 053,63 euros assortie des intérêts moratoires à compter du 27 décembre 2014 produisant eux-mêmes intérêts à compter du 27 décembre 2015 et à chaque échéance annuelle, ainsi qu'à la somme de 7 350 000 F CFP au titre des dépens de l'instance. Sur les frais liés au litige : 29. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par les parties en application de ces dispositions. D E C I D E : Article 1er : La somme de 336 413,75 euros que le territoire de Wallis-et-Futuna a été condamné à verser à la société Boyer par l'article 1er du jugement du 12 octobre 2017 du tribunal administratif de Wallis-et-Futuna est portée à celle de 3 133 053,63 euros, assortie des intérêts moratoires à compter du 27 décembre 2014 produisant eux-mêmes intérêts à compter du 27 décembre 2015 et à chaque échéance annuelle. Article 2 : Les frais d'expertise, liquidés et taxés à la somme de 15 700 000 F CFP, sont définitivement mis à la charge pour moitié du territoire de Wallis-et-Futuna et pour moitié de la société Boyer. La société Boyer s'étant acquittée de cette somme, à titre provisoire, il convient de condamner le territoire de Wallis-et-Futuna à lui verser la somme de 7 350 000 F CFP. Article 3 : Le jugement n°1760009 du 12 octobre 2017 du tribunal administratif de Wallis-et -Futuna est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt. Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête et des conclusions incidentes du territoire de Wallis-et-Futuna, dont celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, est rejeté. Article 5 : Le présent jugement sera notifié à la société Boyer et au préfet, administrateur supérieur des Iles de Wallis-et-Futuna. Copie en sera adressé à l'expert. Délibéré après l'audience du 29 juin 2023 , à laquelle siégeaient : - Mme Heers, présidente de chambre, - Mme Briançon, présidente assesseure, - M. Mantz, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 juillet 2023 . La rapporteure, C. BRIANÇON La présidente, M. HEERS La greffière, V. BREME La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 18PA00331
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Vu les procédures suivantes : Procédure contentieuse antérieure : Me Beuzeboc, en qualité de liquidateur de la société Construction modulaire de l'ouest (CMO) a demandé au tribunal administratif de la Martinique d'annuler le titre exécutoire d'un montant de 34 472,76 euros émis à son encontre par le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin le 15 octobre 2018. Par un jugement n° 1800747 du 5 décembre 2019, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté sa demande. Par une ordonnance n° 456339 du 15 octobre 2021 prise sur le fondement de l'article R. 351-8 du code de justice administrative, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué à la cour administrative de Paris le jugement de la requête contre ce jugement enregistrée à la cour administrative d'appel de Bordeaux. Procédure devant la Cour : Par une requête enregistrée le 31 janvier 2020 au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux et sous le n° 21PA05464 au greffe de la cour administrative d'appel de Paris, Me Beuzeboc, en qualité de liquidateur de la société CMO, représenté par la SAS Cabinet Griffiths Duteil Associés, demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de la Martinique et le titre exécutoire contesté ; 2°) de mettre à la charge du groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - le titre exécutoire méconnaît l'office du juge de l'exécution ; - il ne doit pas cette somme compte tenu du solde des autres marchés. Vu les autres pièces des dossiers. Vu : - le code civil ; - le code général des collectivités territoriales ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Saint-Macary, - les conclusions de Mme Lipsos, rapporteure publique, - et les observations de Me Maerten, substituant Me Griffiths, représentant Me Beuzeboc. Considérant ce qui suit : 1. Par un jugement n° 1300181-1300368-1500227 du 10 octobre 2017, le tribunal administratif de la Martinique a arrêté le solde des trois marchés initiaux passés entre le syndicat inter-hospitalier de Mangot-Vulcin, devenu le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin, et la société CMO, représentée par son liquidateur judiciaire Me Beuzeboc, pour la construction de la nouvelle cité hospitalière de Mangot-Vulcin au titre des lots 2.5 (métallerie bardage), 7.1 (menuiseries intérieures), et 7.2 (agencement cloisons spécifiques) et 7.3 (plafonds suspendus). A la suite de ce jugement, le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin a émis, le 15 octobre 2018, un titre exécutoire d'un montant de 34 472,76 euros à l'encontre de Me Beuzeboc au titre du paiement du solde du marché des lots 7.2 et 7.3. Me Beuzeboc relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif a rejeté sa demande d'annulation de ce titre exécutoire. 2. En premier lieu, par le jugement n° 1300181-1300368-1500227 du 10 octobre 2017, le tribunal administratif de la Martinique a arrêté les soldes des marchés en litige passés entre la société CMO et le syndicat interhospitalier de Mangot-Vulcin. La circonstance que Me Beuzeboc a, en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société CMO, demandé à la cour administrative d'appel d'exécuter ce jugement frappé d'appel ne faisait pas obstacle à ce que le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin émette un titre exécutoire pour obtenir le paiement de la somme qu'il estimait lui être due en application de ce jugement. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que l'émission du titre exécutoire contesté méconnaît l'office du juge de l'exécution doit être écarté. 3. En second lieu, d'une part, le principe de non-compensation des créances publiques fait obstacle à ce que puisse être invoquée à l'encontre des personnes publiques une compensation entre les créances détenues par elles et les créances détenues sur elles par un tiers. D'autre part, et en tout état de cause, si la mise en œuvre de la procédure de liquidation judiciaire d'une entreprise est sans influence sur l'application des règles d'établissement du décompte définitif du marché conclu entre cette entreprise et une personne publique, elle fait en revanche obstacle à ce que soit opérée une compensation entre les dettes et créances que détiennent les deux cocontractants l'un sur l'autre. Dans ces conditions, Me Beuzeboc ne peut utilement se prévaloir des créances qu'il détiendrait sur le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin au titre du solde des marchés relatifs aux lots 2.5 et 7.1 pour contester le bien-fondé du titre exécutoire contesté, émis au titre du solde du marché relatif aux lots 7.2 et 7.3. 4. Il résulte de ce qui précède que Me Beuzeboc, par les moyens qu'il invoque, n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté sa demande. Ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également, par voie de conséquence, être rejetées. D É C I D E : Article 1er : La requête de Me Beuzeboc est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Me Beuzeboc, au groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin et à la trésorerie municipale de Fort-de-France. Délibéré après l'audience du 30 juin 2023, à laquelle siégeaient : Mme Heers, présidente de chambre, M. Mantz, premier conseiller, Mme Saint-Macary, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 juillet 2023. La rapporteure, M. SAINT-MACARY La présidente, M. HEERS La greffière, O. BADOUX-GRARE La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 21PA05464
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Vu la procédure suivante : Par une requête, enregistrée le 20 mars 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la communauté d'agglomération Paris-Saclay demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : 1°) de suspendre l'exécution, d'une part, de la décision implicite de rejet née du silence gardé par l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (ARCEP) sur sa demande tendant au prononcé d'une sanction contre les opérateurs de communications électroniques Tutor Europ'Essonne, Orange, Bouygues Télécom et SFR, d'autre part, de la décision n° DIT/UFO/23-031 du 20 février 2023 de cette même autorité ; 2°) d'enjoindre à l'ARCEP de réexaminer sa demande ; 3°) de mettre à la charge de l'ARCEP la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - ces deux décisions lui font grief ; - la condition d'urgence est satisfaite en ce que ces décisions portent atteinte aux droits conférés par la directive du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 établissant le code des communications électroniques européen et préjudicient de manière grave et immédiate aux intérêts matériels et moraux de ses administrés, les dysfonctionnements persistants de l'accès à internet via le réseau en fibre optique mettant en danger la continuité des services publics, des activités économiques et du télétravail sur le territoire de la collectivité ; - il existe un doute sérieux sur la légalité de ces décisions, eu égard aux manquements des opérateurs à leur obligation de garantir la qualité du réseau, d'assurer la complétude des raccordements et de transmettre les indicateurs de qualité du service. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - la directive (UE) 2018/1972 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 ; - le code des postes et des communications électroniques ; - le code de justice administrative ; Considérant ce qui suit : 1. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ". En vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée. 2. Il résulte du I de l'article L. 36-11 du code des postes et des communications électroniques qu'il appartient à l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (ARCEP), de sa propre initiative ou à la demande d'une personne concernée, de sanctionner les manquements, commis par des exploitants de réseau ou des fournisseurs de services de communications électroniques, aux dispositions législatives et réglementaires afférentes à leur activité ou aux décisions prises pour en assurer la mise en œuvre. Saisie par la communauté d'agglomération Paris-Saclay d'une demande tendant à l'application de ces dispositions à l'encontre de la société Tutor Europ'Essonne, opérateur sur son territoire du réseau de communications électroniques en fibre optique à l'abonné (FttH), ainsi que des sociétés Bouygues Telecom, SFR et Orange utilisant ce réseau, l'ARCEP a refusé de faire droit à cette demande, par deux décisions des 16 et 20 février 2023 dont la requérante demande la suspension en application de l'article L. 521-1 du code de justice administrative. 3. L'urgence justifie la suspension de l'exécution d'un acte administratif lorsque cette exécution porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte en litige sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue. 4. Pour justifier de l'urgence, la communauté d'agglomération Paris-Saclay soutient que le refus de l'ARCEP d'engager une procédure de sanction contre les opérateurs responsables de la mauvaise qualité, sur son territoire, du réseau de communications électroniques en fibre optique préjudicie de manière grave et immédiate aux intérêts matériels et moraux de ses administrés, faisant valoir que les dysfonctionnements persistants de l'accès à ce réseau compromettent la continuité des services publics, des activités économiques et du télétravail sur son territoire. Elle invoque également les droits conférés par la directive du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 établissant le code des communications électroniques européen, notamment l'article 84 aux termes duquel " (...) les Etats membres veillent à ce que tous les consommateurs sur leur territoire aient accès, à un tarif abordable, compte tenu des circonstances nationales spécifiques, à un service d'accès adéquat à l'internet à haut débit disponible (...) ". Toutefois, il ne résulte pas de ces dispositions que les usagers puissent se prévaloir d'un droit à bénéficier de l'accès à un réseau en fibre optique. Par ailleurs, l'ARCEP fait état, dans sa décision litigieuse du 20 février 2023, des engagements pris auprès d'elle par l'exploitant du réseau, notamment sur la remise en état des infrastructures dégradées, avec une échéance au mois de mai 2023 pour 17 points de mutualisation. Dans ces conditions, les préjudices résultant des difficultés de connexion exposés par la requérante ne suffisent pas, dans les circonstances de l'espèce, à caractériser une situation d'urgence justifiant, pour l'application de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution du refus d'engager une procédure de sanction. 5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur le sérieux des moyens invoqués, que les conclusions à fins de suspension doivent être rejetées ainsi que, par voie de conséquence, celles à fins d'injonction et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, selon la procédure prévue à l'article L. 522-3 du même code. O R D O N N E : ------------------ Article 1er : La requête de la communauté d'agglomération Paris-Saclay est rejetée. Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à la communauté d'agglomération Paris-Saclay. Copie en sera adressée à l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse. Fait à Paris, le 4 avril 2023 Signé : Suzanne von Coester
JADE/CETATEXT000047552293.xml
Vu la procédure suivante : La société Cathédrale d'Images a demandé au tribunal administratif de Marseille qu'il soit mis fin à l'exécution de la convention de délégation de service public relatif à la gestion des carrières de Bringasses et de Grands Fonds conclue, le 23 avril 2010, entre la commune des Baux-de-Provence et la société Culturespaces. Par un jugement n° 1709656 du 24 juillet 2020, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Par un arrêt n° 20MA03656 du 28 novembre 2022, la cour administrative d'appel de Marseille a annulé ce jugement et mis fin à l'exécution de la convention de délégation de service public litigieuse à compter du 1er novembre 2023. Par une requête et un mémoire, enregistrés les 3 février et 24 mars 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune des Baux-de-Provence demande au Conseil d'Etat : 1°) d'ordonner qu'il soit sursis à l'exécution de l'arrêt n° 20MA03656 du 28 novembre 2022 de la cour administrative d'appel de Marseille ; 2°) de mettre à la charge de la société Cathédrale d'Images la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code général des collectivités territoriales ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de Mme B... Prince, maître des requêtes en service extraordinaire, - les conclusions de M. A... C... de Vendeuil, rapporteur public ; La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Duhamel - Rameix - Gury - Maître, avocat de la commune des Baux-de-Provence, à la SCP Delamarre, Jéhannin, avocat de la société Cathédrale d'Images et à la SCP Foussard, Froger, avocat de la société Culturespaces ; Considérant ce qui suit : 1. Aux termes de l'article R. 821-5 du code de justice administrative : " La formation de jugement peut, à la demande de l'auteur du pourvoi, ordonner qu'il soit sursis à l'exécution d'une décision juridictionnelle rendue en dernier ressort si cette décision risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables et si les moyens invoqués paraissent, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation de la décision juridictionnelle, l'infirmation de la solution retenue par les juges du fond ". 2. Il ressort des pièces du dossier que la cour administrative d'appel de Marseille a mis fin à l'exécution de la convention de délégation de service public portant sur la mise en valeur culturelle et touristique d'une partie des carrières des Bringasses et des Grands Fonds avec effet différé à compter du 1er novembre 2023. Si la commune des Baux-de-Provence soutient que la conclusion d'une nouvelle convention ou la reprise en régie du service représente pour son budget une charge importante, ces circonstances ne sont pas de nature à établir que l'exécution de l'arrêt est susceptible d'entraîner pour la commune des conséquences difficilement réparables malgré le différé d'exécution qu'il prononce. 3. Il résulte de ce qui précède que la requête tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de l'arrêt du 28 novembre 2022 de la cour administrative d'appel de Marseille ne peut qu'être rejetée. 4. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la société Cathédrale d'Images, par la commune des Baux-de-Provence et par la société Culturespaces au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. D E C I D E : -------------- Article 1er : La requête de la commune des Baux-de-Provence est rejetée. Article 2 : Les conclusions présentées par la commune des Baux-de-Provence, par la société Cathédrale d'Images et par la société Culturespaces au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : La présente décision sera notifiée à la commune des Baux-de-Provence, à la société Cathédrale d'Images et à la société Culturespaces.
JADE/CETATEXT000047799244.xml
Vu la procédure suivante : MM. N... A..., H... C..., I... D..., J... E..., K... F... et L... G..., ainsi que l'association Vents Contraires, l'association Solidarités international, la Cimade, l'association CitoyenNES en Lutte-Ouistreham et le Collectif d'aide aux migrants de Ouistreham (CAMO) ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Caen, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'enjoindre au préfet du Calvados, au maire de la commune de Ouistreham, à la communauté urbaine Caen La Mer, au syndicat mixte Eau du bassin caennais et au centre communal d'action social (CCAS) de Ouistreham, de permettre l'installation de points d'eau, de douches et de sanitaires afin que les migrants à Ouistreham aient un accès suffisant à l'eau potable et à des modalités d'hygiène adaptées, dans un délai de quarante-huit heures à compter de l'ordonnance à intervenir et sous astreinte de 150 euros par jour de retard. Par une ordonnance n° 2301351 du 2 juin 2023, le juge des référés du tribunal administratif de Caen a, d'une part, enjoint au préfet du Calvados et à la commune de Ouistreham de créer, à proximité immédiate du campement de migrants, des points d'eau et des latrines, ainsi qu'un dispositif d'accès à des douches, en indiquant qu'il reviendrait à ces autorités d'organiser, en lien avec les associations requérantes, le nombre, la localisation précise de ces installations et leurs modalités d'accès et que ces prescriptions devraient connaître un début de réalisation dans un délai de huit jours à compter de la notification de l'ordonnance et, d'autre part, rejeté le surplus de la demande. I. Sous le n° 475136, par une requête et un nouveau mémoire, enregistrés les 16 et 19 juin 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune de Ouistreham demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : 1°) d'annuler cette ordonnance ; 2°) de rejeter la requête de première instance ; 3°) de mettre à la charge de chacune des associations requérantes une somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - il n'est pas porté d'atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale ; - le campement en cause n'est pas une installation sédentarisée susceptible de justifier des mesures sanitaires d'accompagnement, dès lors qu'il ne concerne qu'une dizaine ou une vingtaine de personnes dont la présence durable et continue sur place n'est pas établie ; - les installations existantes sur son territoire, à savoir neuf sanitaires avec des points d'eau auxquels s'ajoutent deux autres points d'eau, accessibles tous les jours et à toute heure, ainsi que la présence sur la plage de douches publiques, ne sont pas manifestement insuffisantes pour satisfaire les besoins de ces personnes ; - les personnes concernées ne démontrent pas leur impossibilité de bénéficier d'autres dispositifs plus adaptés, tels que l'hébergement d'urgence et l'accueil des demandeurs d'asile, ou encore les accueils de jour mis en place à proximité, tel que l'espace " La Boussole " situé à Caen ; - l'exécution de l'injonction prononcée par le juge des référés du tribunal administratif de Caen se heurte à des difficultés techniques, en ce que le lieu d'implantation du campement est difficile d'accès et situé à plusieurs centaines de mètres du point de raccordement au réseau d'assainissement, mais aussi juridiques, en ce qu'elle n'a pas de compétence en matière d'eau ou d'assainissement et que le syndicat mixte chargé de ce service public n'a pas été mis en cause en première instance, malgré sa demande en ce sens. Par un mémoire en défense, enregistré le 26 juin 2023, la communauté urbaine Caen La Mer conclut, en premier lieu, à la confirmation de l'ordonnance du 2 juin 2023 en ce que le juge des référés du tribunal administratif de Caen a rejeté les demandes qui étaient formulées à son encontre, en deuxième lieu, à l'annulation de cette ordonnance en ce qu'elle prononce des injonctions à l'égard de l'Etat et de la commune de Ouistreham et, en dernier lieu, au rejet de la requête de première instance. Elle soutient que toute demande dirigée contre elle serait irrecevable en cause d'appel, qu'elle n'a pas de compétence en matière de production et de distribution d'eau potable sur le territoire de la commune de Ouistreham, et qu'il n'est pas porté d'atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale. Par un mémoire en défense, enregistré le 27 juin 2023, MM. A..., C..., D..., E..., F... et G..., et les associations Vents Contraires, Solidarités international et CitoyenNES en Lutte-Ouistreham ainsi que la Cimade et le CAMO concluent au rejet de la requête et à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de l'Etat et de la commune de Ouistreham au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ils soutiennent que la condition d'urgence est satisfaite et qu'il est porté une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale. La Défenseure des droits a produit des observations, enregistrées le 26 juin 2023. La requête a été communiquée au CCAS de Ouistreham, qui n'a pas produit d'observations. II. Sous le n° 475262, par une requête, enregistrée le 20 juin 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'intérieur et des outre-mer demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : 1°) d'annuler l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Caen en date du 2 juin 2023 ; 2°) de rejeter la requête de première instance. Il soutient que : - la condition d'urgence n'est pas satisfaite dès lors que, d'une part, elle est imputable aux requérants de première instance qui ne sont pas privés de secours et ont fait le choix de ne pas solliciter les dispositifs mis en place pour les demandeurs d'asile et les mineurs non-accompagnés ou au titre de l'hébergement d'urgence et, d'autre part, le campement en cause ne présente pas de caractère permanent et accueille seulement quelques dizaines de personnes, une vingtaine en moyenne, dont la présence est directement liée aux rotations des ferries à destination du Royaume-Uni ; - il n'est pas porté d'atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale ; - la commune de Ouistreham met à disposition du public des points d'eau et des sanitaires en quantité suffisante pour satisfaire aux besoins des personnes présentes sur son territoire, qui se trouvent à moins de quinze minutes de marche du campement en cause ; - en tout état de cause, l'injonction prononcée par le juge des référés du tribunal administratif de Caen relève exclusivement des pouvoirs de police générale du maire de la commune. Par un mémoire en défense, enregistré le 27 juin 2023, la communauté urbaine Caen La Mer conclut, en premier lieu, à la confirmation de l'ordonnance du 2 juin 2023 en ce que le juge des référés du tribunal administratif de Caen a rejeté les demandes qui étaient formulées à son encontre, en deuxième lieu, à l'annulation de cette ordonnance en ce qu'elle prononce des injonctions à l'égard de l'Etat et de la commune de Ouistreham et, en dernier lieu, au rejet de la requête de première instance. Elle soutient que toute demande dirigée contre elle serait irrecevable en cause d'appel, qu'elle n'a pas de compétence en matière de production et de distribution d'eau potable sur le territoire de la commune de Ouistreham, et qu'il n'est pas porté d'atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale. Par un mémoire en défense, enregistré le 27 juin 2023, MM. A..., C..., D..., E..., F... et G..., et les associations Vents Contraires, Solidarités international et CitoyenNES en Lutte-Ouistreham ainsi que la Cimade et le CAMO concluent au rejet de la requête et à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de l'Etat et de la commune de Ouistreham au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ils soutiennent que la condition d'urgence est satisfaite et qu'il est porté une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale. La Défenseure des droits a produit des observations, enregistrées le 26 juin 2023. La requête a été communiquée au CCAS de Ouistreham, qui n'a pas produit d'observations. Vu les autres pièces des dossiers ; Vu : - la Constitution ; - la loi organique n° 2011-333 du 29 mars 2011 ; - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le code général des collectivités territoriales ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code de la santé publique ; - le code de justice administrative ; Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, la commune de Ouistreham et le ministre de l'intérieur et des outre-mer et, d'autre part, la communauté urbaine Caen La Mer, le syndicat mixte Eau du bassin caennais, MM. A..., C..., D..., E..., F... et G..., l'association Vents Contraires, l'association Solidarités international, la Cimade, l'association CitoyenNES en Lutte-Ouistreham, le CAMO, le centre communal d'action sociale de Ouistreham et la Défenseure des droits ; Ont été entendus lors de l'audience publique du 30 juin 2023, à 10 heures 30 : - Me Melka, avocate au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocate de la commune de Ouistreham ; - les représentants de la commune de Ouistreham ; - les représentants du ministre de l'intérieur et des outre-mer ; - Me Coudray, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de M. A... et autres ; - le représentant de M. A... et autres ; - la représentante de l'association Solidarités international ; - Me Périer, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de la communauté urbaine Caen La Mer ; - le représentant de la Défenseure des droits ; à l'issue de laquelle le juge des référés a clos l'instruction ; Considérant ce qui suit : Sur la jonction : 1. La requête de la commune de Ouistreham et celle du ministre de l'intérieur et des outre-mer présentent à juger les mêmes questions. Il y a lieu de les joindre pour statuer par la même ordonnance. Sur les conclusions de référé : 2. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. (...) ". 3. Il résulte de la combinaison des dispositions des articles L. 511-1, L. 521-2 et L. 521-4 du code de justice administrative qu'il appartient au juge des référés, lorsqu'il est saisi sur le fondement de l'article L. 521-2 précité et qu'il constate une atteinte grave et manifestement illégale portée par une personne morale de droit public à une liberté fondamentale, de prendre les mesures qui sont de nature à faire disparaître les effets de cette atteinte. Ces mesures doivent, en principe, présenter un caractère provisoire, sauf lorsqu'aucune mesure de cette nature n'est susceptible de sauvegarder l'exercice effectif de la liberté fondamentale à laquelle il est porté atteinte. Le juge des référés peut, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, ordonner à l'autorité compétente de prendre, à titre provisoire, une mesure d'organisation des services placés sous son autorité lorsqu'une telle mesure est nécessaire à la sauvegarde d'une liberté fondamentale. Toutefois, le juge des référés ne peut, au titre de la procédure particulière prévue par l'article L. 521-2, qu'ordonner les mesures d'urgence qui lui apparaissent de nature à sauvegarder, dans un délai de quarante-huit heures, la liberté fondamentale à laquelle il est porté une atteinte grave et manifestement illégale. Dans tous les cas, l'intervention du juge des référés dans les conditions d'urgence particulière prévues par l'article L. 521-2 est subordonnée au constat que la situation litigieuse permet de prendre utilement et à très bref délai les mesures de sauvegarde nécessaires. 4. En l'absence de texte particulier, il appartient en tout état de cause aux autorités titulaires du pouvoir de police générale, garantes du respect du principe constitutionnel de sauvegarde de la dignité humaine, de veiller, notamment, à ce que le droit de toute personne à ne pas être soumise à des traitements inhumains ou dégradants soit garanti. Lorsque la carence des autorités publiques expose des personnes à être soumises, de manière caractérisée, à un traitement inhumain ou dégradant, portant ainsi une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale, et que la situation permet de prendre utilement des mesures de sauvegarde dans un délai de quarante-huit heures, le juge des référés peut, au titre de la procédure particulière prévue par l'article L. 521-2 précité, prescrire toutes les mesures de nature à faire cesser la situation résultant de cette carence. 5. M. A... et autres ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Caen, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'enjoindre au préfet du Calvados, au maire de la commune de Ouistreham, à la communauté urbaine Caen La Mer, au syndicat mixte Eau du bassin caennais et au centre communal d'action social (CCAS) de Ouistreham, de permettre aux migrants installés dans un campement situé chemin du Halage à Ouistreham un accès suffisant à l'eau potable et à des modalités d'hygiène adaptées. Par une ordonnance du 2 juin 2023, le juge des référés du tribunal administratif de Caen a enjoint à la commune de Ouistreham et au préfet du Calvados de créer, à proximité immédiate du campement, des points d'eau et des latrines, ainsi qu'un dispositif d'accès à des douches, en indiquant qu'il reviendrait à ces autorités d'organiser, en lien avec les associations requérantes, le nombre, la localisation précise de ces installations et leurs modalités d'accès et qu'un début de réalisation devrait intervenir dans les huit jours. La commune de Ouistreham et le ministre de l'intérieur et des outre-mer relèvent appel de cette ordonnance. 6. Il résulte de l'instruction que des migrants, en majorité d'origine soudanaise et souhaitant rejoindre le Royaume-Uni, se sont installés dans un campement situé sur une parcelle boisée bordant le chemin de halage sur le territoire de la commune de Ouistreham, en dehors du centre-ville, sur la rive gauche du canal reliant la ville de Caen à la mer. Leur nombre a été évalué à une cinquantaine de personnes par l'association Solidarités international lors d'une visite en octobre 2022 et est estimé, en juin 2023, tant par la préfecture du Calvados que par les associations requérantes en première instance, à une vingtaine de personnes, dont plusieurs mineurs non accompagnés. Même si le nombre de migrants qui y sont installés est fluctuant, il n'est pas contesté que la présence de plusieurs dizaines de migrants est constatée sur le site depuis environ trois ans, des actions en justice en vue d'obtenir leur expulsion ayant d'ailleurs été engagées par le syndicat mixte régional des ports de Normandie devant le juge des référés du tribunal administratif de Caen puis devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Caen et, à ce jour, rejetées faute pour le syndicat d'établir son titre de propriété sur la parcelle en cause. Il résulte également des pièces versées au dossier que, contrairement à ce que soutiennent la commune et le ministre, le campement constitue un lieu de vie pour les personnes concernées, et non un simple point de passage en journée. 7. Il résulte également de l'instruction que les migrants installés dans ce campement, qui se trouvent dans un état de dénuement et d'épuisement, n'ont accès à aucun point d'eau ou de douche ni à des toilettes à proximité du site. Contrairement à ce que soutiennent la commune et le ministre, la présence de sanitaires publics, situés à près d'un kilomètre du campement, et dont le point d'eau ne permet pas le remplissage de cuves à eau, ainsi que de douches, à une distance de plus deux kilomètres et demi, ne peut être regardée comme suffisante pour répondre à leurs besoins élémentaires en matière d'alimentation en eau potable et d'hygiène. Ces personnes souffrent en conséquence de pathologies dermatologiques, digestives et infectieuses liées à une mauvaise hygiène. L'absence de dispositifs d'accès à l'eau à proximité de leur lieu de vie entraîne en outre de leur part le recours à des solutions alternatives présentant des risques pour leur santé et leur sécurité physique, telle que l'utilisation de l'eau du canal jouxtant le campement. 8. De telles conditions de vie font apparaître que la prise en compte par les autorités publiques des besoins élémentaires des migrants présents, en ce qui concerne leur hygiène et leur alimentation en eau potable, demeure manifestement insuffisante et révèle une carence de nature à exposer ces personnes, de manière caractérisée, à des traitements inhumains et dégradants, portant une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale. Ces circonstances, constitutives en outre d'un risque pour la santé publique, révèlent en elles-mêmes une situation d'urgence caractérisée, justifiant l'intervention du juge des référés saisi sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative. 9. S'il ne relève pas de l'office du juge des référés de remettre en cause le choix des autorités publiques de traiter la situation des migrants présents en les prenant en charge, sous réserve de la mise en œuvre des procédures d'éloignement du territoire français, dans des structures adaptées à leur situation et situées en dehors du territoire de la commune dans le but d'éviter que ne s'y reconstitue un afflux incontrôlé de migrants, il lui appartient en revanche, d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, les mesures urgentes que la situation permet de prendre dans un délai de quarante-huit heures et qui sont nécessaires pour faire disparaître, à bref délai, les atteintes graves et manifestement illégales aux libertés fondamentales. 10. Par suite, c'est à bon droit que le juge des référés du tribunal administratif de Caen a ordonné l'installation de points d'eau et de latrines à proximité du site ainsi que d'un dispositif d'accès à des douches, cette injonction justifiée par une situation d'urgence caractérisée pouvant être adressée non seulement à la commune au titre de ses pouvoirs de police générale sur son territoire, mais aussi, dans la mesure où son intervention serait nécessaire, au préfet du Calvados. Contrairement à ce que soutiennent la commune et le ministre, les installations ainsi prescrites à titre provisoire, tant que des migrants séjournent dans les conditions décrites ci-dessus, et dont il appartient à la commune et à la préfecture d'organiser le nombre, la localisation précise et les modalités d'accès en lien avec les associations requérantes en première instance, en tenant compte du nombre de migrants présents sur le site, n'excèdent pas ce qui est nécessaire pour faire cesser les atteintes mentionnées au point précédent. Il ne résulte par ailleurs pas de l'instruction que ces installations se heurteraient à une impossibilité matérielle ou technique d'exécution. 11. Il résulte de tout ce qui précède que les appels de la commune de Ouistreham et du ministre de l'intérieur et des outre-mer doivent être rejetés. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de M. A... et autres, qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il n'y pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par M. A... et autres au titre ces dispositions. O R D O N N E : ------------------ Article 1er : Les requêtes de la commune de Ouistreham et du ministre de l'intérieur et des outre-mer sont rejetées. Article 2 : Les conclusions présentées par M. A... et autres au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la commune de Ouistreham et au ministre de l'intérieur et des outre-mer, à M. N... A..., premier dénommé pour l'ensemble des requérants de première instance, ainsi qu'à la communauté urbaine Caen La Mer et au syndicat mixte Eau du bassin caennais. Copie en sera adressée au centre communal d'action sociale de Ouistreham ainsi qu'à la Défenseure des droits. Fait à Paris, le 3 juillet 2023 Signé : Alban de Nervaux
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Par un mémoire distinct, enregistré le 16 janvier 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Société mutuelle assurance des instituteurs de France (MAIF) demande au Conseil d'Etat, en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et à l'appui de son pourvoi contre le jugement n° 2100066 du 12 décembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Rennes, statuant sur renvoi préjudiciel de l'autorité judiciaire, a déclaré que les locaux situés 142 rue du Moëlan à Quimperlé n'appartenaient pas au domaine public de cette commune, de transmettre au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions combinées des articles L. 311-1 et du 2° du I de l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles. Elle soutient que ces dispositions, qui n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution, sont applicables au litige et méconnaissent le principe d'égal accès à l'instruction consacré par le treizième alinéa du préambule de la Constitution de 1946 et le principe d'égalité devant la loi issu de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, en tant qu'elles excluent que la mission assurée par les organismes privés gestionnaires des établissements et services mentionnés au 2° du I de l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles revête le caractère d'une mission de service public, y compris au titre du service public de l'enseignement. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ; - le code de l'action sociale et des familles, notamment ses articles L. 311-1 et L. 312-1 ; - le code de l'éducation ; - la loi n° 75-535 du 30 juin 1975 ; - la loi n° 2002-2 du 2 janvier 2002 ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Vincent Mahé, conseiller d'Etat, - les conclusions de Mme Karin Ciavaldini, rapporteure publique ; La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la Société mutuelle assurance des instituteurs de France ; Considérant ce qui suit : 1. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'État (...) ". Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux. 2. L'article L. 311-1 du code de l'action sociale et des familles dispose que : " L'action sociale et médico-sociale, au sens du présent code, s'inscrit dans les missions d'intérêt général et d'utilité sociale suivantes : (...) 3° Actions éducatives, médico-éducatives, médicales, thérapeutiques, pédagogiques et de formation adaptées aux besoins de la personne, à son niveau de développement, à ses potentialités, à l'évolution de son état ainsi qu'à son âge ; / 4° Actions d'intégration scolaire, d'adaptation, de réadaptation, d'insertion, de réinsertion sociales et professionnelles, d'aide à la vie active, d'information et de conseil sur les aides techniques ainsi que d'aide au travail (...) ". Cet article prévoit par ailleurs les conditions auxquelles les établissements et services privés qui exercent ces missions peuvent être qualifiés d'établissements sociaux et médico-sociaux privés d'intérêt collectif. Aux termes de l'article L. 312-1 du même code : " Sont des établissements et services sociaux et médico-sociaux, au sens du présent code, les établissements et les services, dotés ou non d'une personnalité morale propre, énumérés ci-après : (...) 2° Les établissements ou services d'enseignement qui assurent, à titre principal, une éducation adaptée et un accompagnement social ou médico-social aux mineurs ou jeunes adultes handicapés ou présentant des difficultés d'adaptation ". 3. Si les actions médico-éducatives en faveur des enfants et des jeunes en situation de handicap constituent une mission d'intérêt général, il résulte toutefois des dispositions de la loi du 30 juin 1975 relative aux institutions sociales et médico-sociales et de la loi du 2 janvier 2002 rénovant l'action sociale et médico-sociale, éclairées par leurs travaux préparatoires, que le législateur a entendu exclure que la mission assurée par les organismes privés gestionnaires des établissements et services aujourd'hui mentionnés au 2° du I de l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles, dont font partie les instituts médico-éducatifs, revête le caractère d'une mission de service public. 4. La société MAIF soutient que les dispositions mentionnées au point 2, telles qu'interprétées par la jurisprudence du Conseil d'Etat rappelée au point 3, méconnaissent les principes d'égal accès à l'instruction et d'égalité devant la loi, en tant qu'elles excluent que la mission assurée par les instituts médico-éducatifs revête le caractère d'une mission de service public, y compris au titre du service public de l'éducation. 5. D'une part, aux termes du treizième alinéa du préambule de la Constitution de 1946 : " La Nation garantit l'égal accès de l'enfant et de l'adulte à l'instruction, à la formation professionnelle et à la culture. L'organisation de l'enseignement public gratuit et laïque à tous les degrés est un devoir de l'Etat ". 6. Aux termes de l'article L. 111-1 du code de l'éducation : " Le service public de l'éducation (...) veille à la scolarisation inclusive de tous les enfants, sans aucune distinction (...) ". En application de ce principe, l'article L. 112-1 du même code dispose : " Pour satisfaire aux obligations qui lui incombent en application des articles L. 111-1 et L. 111-2, le service public de l'éducation assure une formation scolaire, professionnelle ou supérieure aux enfants, aux adolescents et aux adultes présentant un handicap ou un trouble de la santé invalidant ". En vertu des articles L. 112-1 à L. 112-5 et L. 351-1 à L. 351-5 de ce code, cette mission du service public de l'éducation s'exerce en principe au sein d'établissements scolaires et, si nécessaire, au sein de dispositifs adaptés dans les conditions précisées par des conventions visées aux articles D. 351-17 et D. 351-18. Dans ce cadre, il incombe à la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées mentionnée à l'article D. 351-7, au vu du projet personnalisé de scolarisation élaboré par une équipe pluridisciplinaire et des observations formulées par l'élève majeur, ou s'il est mineur par ses parents ou son représentant légal, de l'orienter soit vers une scolarisation en milieu ordinaire, soit vers une unité d'enseignement créée au sein d'un établissement mentionné au 2° du I de l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles, soit encore vers une scolarisation alternée entre une telle unité d'enseignement et un établissement scolaire. Dans tous les cas, les dépenses relatives à l'éducation relèvent de l'Etat et l'enseignement est dispensé par des personnels qualifiés relevant du ministère chargé de l'éducation, en référence au socle de connaissances, de compétences et de culture défini à l'article L. 122-1-1 du code de l'éducation. 7. Il résulte de ces dispositions qu'il incombe à l'Etat, au titre de sa mission d'organisation générale du service public de l'éducation, et, le cas échéant, de ses responsabilités à l'égard des établissements sociaux et médico-sociaux, de prendre l'ensemble des mesures et de mettre en œuvre les moyens nécessaires pour que le droit à l'éducation et l'obligation scolaire aient, pour les enfants en situation de handicap, un caractère effectif. Lorsqu'elle s'effectue en tout ou en partie dans une unité d'enseignement créée au sein d'un institut médico-éducatif, cette scolarisation participe du service public de l'éducation. Ainsi, et contrairement à ce que soutient la société requérante, la circonstance que les dispositions qu'elle conteste ne confèrent pas à la mission de ces instituts le caractère d'un service public ne saurait en tout état de cause, par elle-même, avoir d'incidence sur l'égal accès à l'instruction des élèves en situation de handicap. 8. D'autre part, aux termes de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen : " La loi (...) doit être la même pour tous (...) ". Le principe d'égalité devant la loi ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit. 9. A supposer que puisse être regardée comme constitutive d'une différence de traitement l'orientation, dans les conditions rappelées au point 6, des élèves en situation de handicap vers des structures particulières adaptées à leurs besoins alors que celles-ci ne sont pas, contrairement aux établissement scolaires, chargés d'une mission de service public, il résulte de ce qui a été dit au point 7 qu'une telle différence serait en rapport direct avec l'objet des dispositions contestées, qui visent précisément à assurer la scolarisation de l'ensemble des enfants au moyen, pour ceux d'entre eux présentant un handicap, d'un régime particulier de scolarisation, par l'éducation nationale elle-même, dans l'enceinte d'établissements adaptés. 10. Il suit de là que la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la requérante, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux. Il n'y a, par suite, pas lieu de la transmettre au Conseil constitutionnel. D E C I D E : -------------- Article 1er : Il n'y pas lieu de transmettre au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la société MAIF. Article 2 : La présente décision sera notifiée à la Société mutuelle assurance des instituteurs de France. Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel, à la Première ministre, au ministre de la santé et de la prévention, au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse et à la Société mutuelle d'assurance des collectivités locales. Délibéré à l'issue de la séance du 8 mars 2023 où siégeaient : Mme Christine Maugüé, présidente adjointe de la section du contentieux, présidant ; M. Pierre Collin, M. Stéphane Verclytte, présidents de chambre ; M. Jonathan Bosredon, M. Hervé Cassagnabère, M. Christian Fournier, M. Frédéric Gueudar Delahaye, Mme Françoise Tomé, conseillers d'Etat et M. Vincent Mahé, conseiller d'Etat-rapporteur. Rendu le 31 mars 2023. La présidente : Signé : Mme Christine Maugüé Le rapporteur : Signé : M. Vincent Mahé La secrétaire : Signé : Mme Magali Méaulle
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Vu la procédure suivante : M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Lyon : 1° d'annuler : - la décision du 29 novembre 2019 par laquelle la caisse d'allocations familiales du Rhône a clôturé son dossier de revenu de solidarité active à partir du 1er février 2018 et a décidé la récupération d'indus d'allocation de logement sociale et de revenu de solidarité active d'un montant total de 10 950,78 euros ; - la décision du 9 octobre 2020 par laquelle le président de la métropole de Lyon, rejetant son recours administratif préalable obligatoire, a confirmé la décision du 29 novembre 2019 en tant qu'elle porte sur la fin de ses droits au revenu de solidarité active et sur un indu de revenu de solidarité active ; - le courrier du 1er juillet 2020 par lequel la caisse d'allocations familiales du Rhône lui a indiqué qu'il n'était plus bénéficiaire de prestations et lui a rappelé qu'il était encore redevable de la somme de 3 189,21 euros au titre d'un indu d'allocation de logement sociale et d'un indu de prime d'activité ; - la décision du 8 décembre 2020 par laquelle la caisse d'allocations familiales du Rhône a rejeté sa demande tendant à la remise de sa dette d'aide personnalisée au logement d'un montant de 3 021,45 euros ; 2° d'enjoindre à l'administration de rétablir ses droits au revenu de solidarité active et d'allocation de logement sociale pour la période de février 2018 à novembre 2019 et de lui accorder de tels droits pour la période de février à mai 2020. Par un jugement n° 2008960 du 28 décembre 2021, le tribunal administratif de Lyon a rejeté les conclusions de la demande de M. C... tendant à l'annulation de la décision du 29 novembre 2019 de la caisse d'allocations familiales du Rhône en tant qu'elle met à sa charge un indu d'allocation de logement sociale comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître et a rejeté le surplus de ses conclusions. Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 4 février, 11 avril et 18 août 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. C... demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ; 3°) de mettre à la charge de la métropole de Lyon, de la caisse d'allocations familiales du Rhône et de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code de l'action sociale et des familles ; - le code de l'éducation ; - le code du travail ; - la loi n° 2008-1249 du 1er décembre 2008 ; - le décret n° 2015-790 du 30 juin 2015 ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de Mme Ariane Piana-Rogez, auditrice, - les conclusions de M. Mathieu Le Coq, rapporteur public ; La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Guérin - Gougeon, avocat de M. C... et à la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la métropole de Lyon ; Considérant ce qui suit : 1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une décision du 29 novembre 2019, la caisse d'allocations familiales du Rhône a mis fin aux droits au revenu de solidarité active de M. C... à compter du 1er février 2018 et a mis à sa charge un indu de revenu de solidarité active et d'allocation de logement sociale d'un montant global de 10 950,78 euros au titre de la période de février 2018 à novembre 2019. Par une décision du 9 octobre 2020, prise sur recours administratif préalable de M. C..., le président de la métropole de Lyon a confirmé la fin de ses droits à compter du 1er février 2018 et l'indu de 10 680,78 euros de revenu de solidarité active au titre de la période de février 2018 à novembre 2019, au motif qu'étant étudiant, M. C... n'était pas éligible au revenu de solidarité active. La caisse d'allocations familiales du Rhône a également, par un courrier du 1er juillet 2020, rappelé à M. C... qu'il était redevable de la somme de 3 189,21 euros au titre d'un indu d'allocation de logement sociale et d'un indu de prime d'activité et, par une décision du 8 décembre 2020, rejeté sa demande tendant à la remise de sa dette d'aide personnalisée au logement d'un montant de 3 021,45 euros. Par un jugement du 28 décembre 2021, le tribunal administratif de Lyon, après avoir rejeté les conclusions de M. C... dirigées contre la décision d'indu d'allocation de logement sociale comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître, a rejeté le surplus de ses conclusions contre l'ensemble des autres décisions qu'il contestait. Eu égard aux moyens qu'il soulève, M. C... doit être regardé comme se pourvoyant en cassation contre ce jugement en tant qu'il se prononce sur ses droits au revenu de solidarité active à compter du 1er février 2018 et sur l'indu de revenu de solidarité active mis à sa charge sur la période de février 2018 à novembre 2019. 2. D'une part, en vertu de l'article L. 262-1 du code de l'action sociale et des familles, le revenu de solidarité active a notamment pour objet de favoriser l'insertion sociale et professionnelle de ses bénéficiaires. Aux termes de l'article L. 262-4 du même code : " Le bénéfice du revenu de solidarité active est subordonné au respect, par le bénéficiaire, des conditions suivantes : / 1° Etre âgé de vingt-cinq ans (...) / 3° Ne pas être élève, étudiant ou stagiaire au sens de l'article L. 124-1 du code de l'éducation (...) ", lequel prévoit que : " Les enseignements scolaires et universitaires peuvent comporter, respectivement, des périodes de formation en milieu professionnel ou des stages. (...) Les périodes de formation en milieu professionnel et les stages correspondent à des périodes temporaires de mise en situation en milieu professionnel au cours desquelles l'élève ou l'étudiant acquiert des compétences professionnelles et met en œuvre les acquis de sa formation en vue d'obtenir un diplôme ou une certification et de favoriser son insertion professionnelle. Le stagiaire se voit confier une ou des missions conformes au projet pédagogique défini par son établissement d'enseignement et approuvées par l'organisme d'accueil (...) ". Aux termes des deux premiers alinéas de l'article L. 6111-1 du code du travail : " La formation professionnelle tout au long de la vie (...) vise à permettre à chaque personne, indépendamment de son statut, d'acquérir et d'actualiser des connaissances et des compétences favorisant son évolution professionnelle " et " comporte une formation initiale, comprenant notamment l'apprentissage, et des formations ultérieures, qui constituent la formation professionnelle continue, destinées aux adultes et aux jeunes déjà engagés dans la vie active ou qui s'y engagent ". Il résulte de la combinaison de ces dispositions, éclairées par les travaux parlementaires préalables à l'adoption de la loi du 1er décembre 2008 généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d'insertion, que si les élèves et les étudiants ayant plus de vingt-cinq ans ne peuvent bénéficier du revenu de solidarité active, y compris lorsqu'ils suivent une formation en milieu professionnel ou réalisent un stage, il en va différemment des stagiaires de la formation professionnelle continue, dès lors qu'ils remplissent par ailleurs l'ensemble des conditions d'ouverture des droits. 3. D'autre part, l'article L. 6313-1 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, définit les actions de formation qui entrent dans le champ d'application des dispositions relatives à la formation professionnelle continue. Parmi ces actions figurent notamment les actions de conversion, dont l'objet est, en vertu de l'article L. 6313-6 du même code, dans sa rédaction applicable, de " permettre à des salariés dont le contrat de travail est rompu d'accéder à des emplois exigeant une qualification différente, ou à des non-salariés d'accéder à de nouvelles activités professionnelles ". Il résulte des dispositions du premier alinéa de l'article L. 811-1 du code de l'éducation que les personnes bénéficiant de la formation continue peuvent être des usagers du service public de l'enseignement supérieur. En vertu de l'article L. 6351-1 du code du travail, toute personne qui réalise des prestations de formation professionnelle continue au sens de l'article L. 6313-1 de ce code dépose auprès de l'autorité administrative une déclaration d'activité, qui fait l'objet d'un enregistrement. Il résulte en outre des articles L. 6353-2 et L. 6353-3 du code du travail, dans leur rédaction applicable au litige, qu'une convention est conclue, pour la réalisation d'une de ces actions de formation, entre l'acheteur de formation, le dispensateur de formation et, le cas échéant, la personne physique qui entreprend la formation et qu'un contrat de formation professionnelle, dont les mentions obligatoires, à peine de nullité, sont précisées par l'article L. 6353-4 de ce code, est conclu directement entre la personne physique qui entreprend une formation, à titre individuel et à ses frais, et le dispensateur de formation. Enfin, en vertu de l'article L. 6316-1 du même code, dans sa rédaction applicable au litige, Pôle emploi peut financer des actions de formation professionnelle continue dont il évalue la qualité au regard des critères définis par le décret du 30 juin 2015 relatif à la qualité des actions de la formation professionnelle continue. Il résulte de l'ensemble de ces dispositions que doivent être regardées comme stagiaires de la formation professionnelle continue les personnes qui suivent une action de formation qui entre dans le champ d'application des dispositions relatives à la formation professionnelle continue, qui est dispensée par un organisme dont la déclaration d'activité a été enregistrée par l'autorité administrative et qui fait l'objet d'un contrat de formation professionnelle entre l'intéressé et le dispensateur de la formation ou d'une convention de formation entre l'acheteur de la formation, le dispensateur de la formation et, le cas échéant, l'intéressé. Il en résulte également qu'une personne inscrite dans un établissement d'enseignement supérieur en tant que stagiaire de la formation professionnelle continue ne peut être regardée comme un étudiant au sens des dispositions du 3° de l'article L. 262-4 du code de l'action sociale et des familles. 4. Pour juger que la formation suivie par M. C..., qui était inscrit sur la liste des demandeurs d'emploi et suivait la formation d'architecte en technologies numériques dispensée par l'établissement " Le 101 " pour une période de trois ans ayant débuté le 6 novembre 2017, ne relevait pas du dispositif de la formation professionnelle tout au long de la vie et que le président de la métropole de Lyon avait pu à bon droit mettre fin aux droits de M. C... au revenu de solidarité active à compter du 1er février 2018 au motif qu'il était étudiant, le tribunal administratif, après avoir relevé que M. C... n'avait pas perçu de rémunération au cours de cette formation, s'est fondé sur l'absence de contrat de formation professionnelle conclu entre celui-ci et l'établissement d'enseignement en application des dispositions des articles L. 6353-3 et L. 6353 4 du code du travail. Il résulte de ce qui a été dit aux points 2 et 3 qu'en statuant ainsi, sans tenir compte de la convention de formation professionnelle établie avec Pôle emploi et " Le 101 " ni rechercher si ce dernier était un organisme de formation dont la déclaration d'activité avait été enregistrée, le tribunal administratif a commis une erreur de droit. 5. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, M. C... est fondé à demander l'annulation du jugement qu'il attaque, en tant qu'il se prononce sur ses droits au revenu de solidarité active à compter du 1er février 2018 et sur l'indu de solidarité active mis à sa charge sur la période du 1er février 2018 à novembre 2019. 6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la métropole de Lyon une somme de 3 000 euros, à verser à M. C..., au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les mêmes dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de M. C... qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. D E C I D E : -------------- Article 1er : Le jugement du 28 décembre 2021 du tribunal administratif de Lyon est annulé en tant qu'il se prononce sur les droits de M. C... au revenu de solidarité active à compter du 1er février 2018 et sur l'indu mis à sa charge au titre de la période de février 2018 à novembre 2019. Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans cette mesure, au tribunal administratif de Lyon. Article 3 : La métropole de Lyon versera une somme de 3 000 euros à M. C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Les conclusions présentées par la métropole de Lyon au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. B... C... et à la métropole de Lyon. Délibéré à l'issue de la séance du 5 juin 2023 où siégeaient : Mme Christine Maugüé, présidente adjointe de la section du contentieux, présidant ; Mme Maud Vialettes, Mme Gaëlle Dumortier, présidentes de chambre ; M. Alain Seban, M. Jean-Luc Nevache, M. Damien Botteghi, M. Alban de Nervaux, M. Jérôme Marchand-Arvier, conseillers d'Etat et Mme Ariane Piana-Rogez, auditrice-rapporteure. Rendu le 30 juin 2023. La présidente : Signé : Mme Christine Maugüé La rapporteure : Signé : Mme Ariane Piana-Rogez Le secrétaire : Signé : M. Hervé Herber
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Vu la procédure suivante : Par une ordonnance n° 2200511 du 22 août 2022, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le même jour, le président du tribunal administratif de la Réunion a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, la requête, enregistrée le 7 mars 2022 au greffe de ce tribunal, présentée par M. A... B.... Par cette requête et un mémoire en réplique, enregistré les 7 mars et 23 décembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision modifiée du 19 août 2021 lui infligeant une suspension temporaire de fonctions pour une durée de quinze jours ; 2°) d'effacer cette décision du registre des sanctions ; 3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 23 224 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis. Vu les autres pièces des dossiers ; Vu : - le code de la défense ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de Mme Elise Adevah-Poeuf, maître des requêtes, - les conclusions de M. Marc Pichon de Vendeuil, rapporteur public ; Considérant ce qui suit : 1. Par une décision du 19 août 2021, notifiée le même jour, le chef d'état-major interarmées a prononcé à l'encontre M. B..., commissaire en chef de 2ème classe des armées de réserve, une sanction disciplinaire de quinze jours d'arrêts pour manquement à l'obligation de réserve à laquelle il était astreint en raison de la signature, avec mention de son grade militaire, d'un texte publié sur un site internet. Cette décision de sanction a été notifiée une seconde fois à M. B... par lettre recommandée avec avis de réception le 3 septembre 2021. Le requérant demande au Conseil d'Etat l'annulation pour excès de pouvoir de cette décision. 2. Aux termes du premier alinéa de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée ". 3. Il ressort des pièces du dossier, d'une part, que la décision infligeant à M. B... la sanction en litige lui a été notifiée une première fois le 19 août 2021 par la remise à l'intéressé du bulletin de sanction. D'autre part, si M. B... soutient n'avoir eu connaissance de la seconde décision de l'administration, rectifiant la motivation de la sanction que le 10 janvier 2022, date à laquelle il a été informé du rejet de sa demande gracieuse formée contre la décision de l'administration de ne pas renouveler son engagement à servir dans la réserve opérationnelle, il ressort des pièces du dossier que le pli comportant notification de la décision de sanction du 19 août lui a été remis le 3 septembre 2021, comme en atteste la signature de l'intéressé sur l'avis de réception postal produit par le ministre des armées en défense. Il s'ensuit que la requête de M. B... tendant à l'annulation de la décision de sanction en litige, enregistrée le 7 mars 2022 au greffe du tribunal administratif de La Réunion et transmise au Conseil d'Etat en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, était, eu égard aux dispositions du premier alinéa de l'article R. 421-1 du même code citées au point 2, tardive et, par suite, irrecevable. 4. Il résulte de ce qui précède que la requête de M. B... doit être rejetée, y compris ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. D E C I D E : -------------- Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A... B... et au ministre des armées.
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Vu les procédures suivantes : La région d'Ile-de-France a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner solidairement les sociétés Bouygues Bâtiment Ile-de-France, Brézillon, Bouygues, Spie Batignolles Ile-de-France, Spie Opérations, Eiffage Construction, Gespace France, Compagnie Générale de Bâtiment et de Construction, Fougerolle, Nord France Boutonnat, Vinci Construction, Dumez Construction et VCF Of Réhabilités IDF, la société de participations et de gestions immobilières (SPGI) ainsi que Mme I... D... et MM. Q... R..., N... C..., S... T..., J... M..., V... B..., L... P..., U... H..., K... F..., A... E... et G... O... à lui verser la somme de 5 680 333,28 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 7 juillet 1997 ainsi que de la capitalisation de ces intérêts, en réparation du préjudice matériel subi du fait des ententes anticoncurrentielles nouées à l'occasion de la passation du marché conclu pour la rénovation du lycée Vilgénis, situé à Massy, correspondant à la différence entre les termes du marché public effectivement conclu et ceux auxquels il aurait dû l'être dans des conditions normales de concurrence. Par un jugement n° 1711026 du 29 juillet 2019, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par un arrêt n° 19PA03201 du 19 février 2021, la cour administrative d'appel de Paris a, sur appel de la région d'Ile-de-France, en premier lieu, ordonné une expertise et, en second lieu, réformé le jugement du 29 juillet 2019 du tribunal administratif de Paris en ce qu'il a de contraire à l'arrêt de la cour. 1° Sous le n° 451711, par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et deux nouveaux mémoires, enregistrés les 15 avril et 13 juillet 2021, le 17 juin 2022 et le 18 avril 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Gespace France demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler cet arrêt ; 2°) de mettre à la charge de la région d'Ile-de-France la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. 2° Sous le n° 451762, par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 16 avril et 13 juillet 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. J... M... demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler cet arrêt ; 2°) de mettre à la charge de la région d'Ile-de-France la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. .................................................................................... 3° Sous le n° 451840, par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire, un mémoire en réplique et deux nouveaux mémoires, enregistrés les 19 avril et 19 juillet 2021, les 2 mai et 21 juin 2022 et le 29 mars 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Compagnie Générale de Bâtiment et de Construction, la société Vinci Construction, la société Dumez Construction, la société VCF of Réhabilités IDF, M. L... P..., M. U... H..., M. K... F..., M. A... E... et M. G... O... demandent au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler cet arrêt ; 2°) de mettre à la charge de la région d'Ile-de-France la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. .................................................................................... 4° Sous le n° 451842, par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et deux nouveaux mémoires, enregistrés les 19 avril et 19 juillet 2021, le 14 juin 2022 et le 29 mars 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, les sociétés Spie Batignolles Ile-de-France et Spie Opérations et Mme I... D... demandent au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler cet arrêt ; 2°) de mettre à la charge de la région d'Ile-de-France la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. .................................................................................... 5° Sous le n° 451843, par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire, un mémoire en réplique et deux nouveaux mémoires, enregistrés les 19 avril et 13 juillet 2021, les 26 avril et 17 juin 2022 et le 23 mars 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Bouygues Bâtiment Ile-de-France, la société Brézillon, la société Bouygues et M. V... B... demandent au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler cet arrêt ; 2°) de mettre à la charge de la région d'Ile-de-France la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. .................................................................................... 6° Sous le n° 451864, par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et deux nouveaux mémoires, enregistrés les 19 avril et 19 juillet 2021, le 14 septembre 2022 et le 11 mai 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Nord France Boutonnat demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler cet arrêt ; 2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de la région d'Ile-de-France ; 3°) de mettre à la charge de la région d'Ile-de-France la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. .................................................................................... 7° Sous le n° 451904, par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 20 avril et 21 juillet 2021 et le 10 mai 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. N... C... demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler cet arrêt ; 2°) de mettre à la charge de la région d'Ile-de-France la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. .................................................................................... Vu les autres pièces des dossiers ; Vu : - le code civil ; - le code de commerce ; - le code des marchés publics ; - la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 ; - l'ordonnance n° 2017-303 du 9 mars 2017 ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Didier Ribes, conseiller d'Etat, - les conclusions de M. Marc Pichon de Vendeuil, rapporteur public ; La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et associés, avocat de la société Gespace France et de M. M..., à la SCP Buk Lament - Robillot, avocat de la région d'Ile-de-France, au cabinet Munier-Apaire, avocat des sociétés Eiffage Construction et Fougerolle, à la SCP Piwnica, Molinié, représenté par Me Croizier, avocat de la société Bouygues Bâtiment Ile-de-France et autres et la SCP Duhamel - Rameix - Gury - Maitre, avocat de la société Nord France Boutonnat et Me Haas, avocat de M. C... ; Vu la note en délibéré, enregistrée le 11 mai 2023, présentée par la société Nord France Boutonnat ; Vu la note en délibéré, enregistrée le 12 mai 2023, présentée par la société Compagnie Générale de Bâtiment et de Construction et autres ; Considérant ce qui suit : 1. Les pourvois visés ci-dessus présentent à juger les mêmes questions. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision. 2. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la région d'Ile-de-France a lancé, en 1988, un programme de rénovation et de reconstruction du patrimoine immobilier des lycées dont elle a la charge et conclu, entre 1988 et 1997, 241 marchés publics, dont 101 marchés d'entreprises de travaux publics, pour un coût global de 23,3 milliards de francs, soit plus de 3,5 milliards d'euros. Par un arrêt du 27 février 2007, devenu définitif, la cour d'appel de Paris a confirmé la condamnation de plusieurs préposés d'entreprises attributaires de ces marchés ainsi que d'élus et autres personnes, dont le président du conseil régional d'Ile-de-France, tous reconnus coupables notamment de participation personnelle et déterminante à une entente anticoncurrentielle en vue de l'attribution de ces marchés et condamné les intéressés à verser à la région d'Ile-de-France, partie civile, la somme de 100 000 euros à titre de réparation de son préjudice moral. Parallèlement à la procédure pénale, le Conseil de la concurrence, qui s'était saisi d'office le 11 juillet 1996 de faits portant sur 90 de ces marchés, a sanctionné, par une décision du 9 mai 2007, confirmée par un arrêt du 3 juillet 2008, devenu définitif, de la cour d'appel de Paris, l'entente anticoncurrentielle mise en place par les entreprises attributaires des marchés en cause, retenant l'implication de plusieurs sociétés de travaux publics et infligé à la plupart d'entre elles des sanctions pécuniaires. La région a ensuite engagé une action en responsabilité à l'encontre de ces entreprises devant le tribunal de grande instance de Paris en février 2010 en vue de la réparation de son préjudice matériel résultant de ces pratiques. Sur arrêté de conflit du préfet de la région d'Ile-de-France, le Tribunal des conflits a jugé, par une décision du 16 novembre 2015, que cette action relevait de la compétence de la juridiction administrative. 3. La région d'Ile-de-France a alors demandé au tribunal administratif de Paris de condamner solidairement les entreprises et personnes ayant participé à l'entente anticoncurrentielle à l'occasion de la passation du marché de rénovation du lycée Vilgénis situé à Massy à lui verser la somme de 5 680 333,28 euros assortie des intérêts, en réparation du préjudice matériel qu'elle aurait subi. Par un jugement du 29 juillet 2019, le tribunal administratif de Paris, estimant que l'action de la région était prescrite, a rejeté sa demande. Par un arrêt avant dire droit du 19 février 2021, contre lequel la société Gespace France, M. M..., la Compagnie Générale de Bâtiment et de Construction et autres, la société Spie Batignolles Ile-de-France et autres, la société Bouygues Bâtiments Ile-de-France et autres, la société Nord France Boutonnat et M. C... se pourvoient en cassation, la cour administrative d'appel de Paris a, sur appel de la région d'Ile-de-France, après avoir estimé que l'action de celle-ci n'était pas prescrite, retenu la responsabilité des entreprises et personnes physiques mises en cause à hauteur des deux tiers du préjudice subi par la région et celle de la région à hauteur d'un tiers, ordonné une expertise afin d'évaluer le préjudice subi par celle-ci et réformé le jugement du tribunal administratif de Paris en ce qu'il a de contraire à son arrêt. La région demande, par la voie du pourvoi incident, l'annulation de cet arrêt en tant qu'il a retenu sa responsabilité partielle. Sur le cadre juridique : 4. D'une part, aux termes de l'article 2270-1 du code civil, en vigueur jusqu'à l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile : " Les actions en responsabilité civile extracontractuelle se prescrivent par dix ans à compter de la manifestation du dommage ou de son aggravation ". Selon l'article 2224 du même code, résultant de la loi du 17 juin 2008 : " Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ". Aux termes du II de l'article 26 de cette loi : " Les dispositions de la présente loi qui réduisent la durée de la prescription s'appliquent aux prescriptions à compter du jour de l'entrée en vigueur de la présente loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure ". 5. D'autre part, aux termes de l'article L. 481-1 du code de commerce, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 9 mars 2017 relative aux actions en dommages et intérêts du fait des pratiques anticoncurrentielles : " Toute personne physique ou morale formant une entreprise (...) est responsable du dommage qu'elle a causé du fait de la commission d'une pratique anticoncurrentielle (...) ". Selon l'article L. 482-1 du même code : " L'action en dommages et intérêts fondée sur l'article L. 481-1 se prescrit à l'expiration d'un délai de cinq ans. Ce délai commence à courir du jour où le demandeur a connu ou aurait dû connaître de façon cumulative : / 1° Les actes ou faits imputés à l'une des personnes physiques ou morales mentionnées à l'article L. 481-1 et le fait qu'ils constituent une pratique anticoncurrentielle ; / 2° Le fait que cette pratique lui cause un dommage ; / 3° L'identité de l'un des auteurs de cette pratique. / Toutefois, la prescription ne court pas tant que la pratique anticoncurrentielle n'a pas cessé. / (...) ". Aux termes de l'article 12 de cette ordonnance : " I. - Les dispositions de la présente ordonnance entrent en vigueur le lendemain de sa publication (...). / II. - Les dispositions de la présente ordonnance qui allongent la durée d'une prescription s'appliquent lorsque le délai de prescription n'était pas expiré à la date de son entrée en vigueur. Il est alors tenu compte du délai déjà écoulé ". 6. En premier lieu, il résulte de ces dispositions que jusqu'à l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, les actions fondées sur la responsabilité quasi-délictuelle des auteurs de pratiques anticoncurrentielles se prescrivaient par dix ans à compter de la manifestation du dommage. Après l'entrée en vigueur de cette loi, la prescription de ces conclusions est régie par les dispositions de l'article 2224 du code civil fixant un délai de prescription de cinq ans. S'appliquent, depuis l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 9 mars 2017 relative aux actions en dommages et intérêts du fait des pratiques anticoncurrentielles, les dispositions de l'article L. 482-1 du code de commerce. 7. En second lieu, pour l'application de l'ensemble de ces dispositions, le délai de prescription qu'elles prévoient ne peut commencer à courir avant la date à laquelle la personne publique a eu connaissance de manière suffisamment certaine de l'étendue des pratiques anticoncurrentielles dont elle a été victime de la part des titulaires des marchés. Dans l'hypothèse où le préjudice de la personne publique résulte de pratiques auxquelles ses organes dirigeants ont participé, de sorte qu'en raison de leur implication, elle n'a pu faire valoir ses droits à réparation, la prescription ne peut courir qu'à la date à laquelle, après le remplacement de ses organes dirigeants, les nouveaux organes dirigeants, étrangers à la mise en œuvre des pratiques anticoncurrentielles, acquièrent une connaissance suffisamment certaine de l'étendue de ces pratiques. Sur les pourvois : 8. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que la cour administrative d'appel de Paris a jugé que la région d'Ile-de-France justifiait d'un intérêt à demander réparation du préjudice matériel que lui auraient causé les ententes anticoncurrentielles. Par suite, la société Gespace France et M. C... ne sont pas fondés à soutenir que la cour n'aurait pas répondu à la fin de non-recevoir tirée de l'absence d'intérêt de la région d'Ile-de-France à former un recours indemnitaire. En ce qui concerne la prescription de l'action de la région : 9. En premier lieu, il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que la cour n'a pas érigé en règle générale la prise en compte, comme point de départ du délai de prescription, de la décision du Conseil de la concurrence sanctionnant les pratiques anticoncurrentielles en cause. Par suite, le moyen tiré de ce que la cour aurait commis une erreur de droit en énonçant une telle règle générale ne peut qu'être écarté. 10. En deuxième lieu, si la région d'Ile-de-France a soutenu, dans son assignation formée devant le tribunal de grande instance en février 2010, que le point de départ du délai de prescription était le 9 octobre 1996, c'est sans erreur de droit, ni dénaturation des pièces du dossier que la cour a jugé que dans l'instance portée devant elle, la région ne saurait se voir opposer les termes de cette assignation. 11. En troisième lieu, l'autorité de la chose jugée au pénal ne s'impose, en principe, aux autorités et juridictions administratives qu'en ce qui concerne les constatations de fait que les juges répressifs ont retenues et qui sont le support nécessaire de leurs décisions. Il en est autrement lorsque la légalité d'une décision administrative est subordonnée à la condition que les faits qui servent de fondement à cette décision constituent une infraction pénale. Dans cette dernière hypothèse, l'autorité de la chose jugée s'étend exceptionnellement à la qualification juridique donnée aux faits par le juge pénal. Il suit de là qu'en écartant le moyen tiré de ce que la date retenue par l'arrêt du 27 février 2007 de la cour d'appel de Paris comme point de départ du délai de prescription de l'action publique, qui ne constitue pas une constatation de fait, serait revêtue de l'autorité de la chose jugée au pénal s'imposant au juge administratif, la cour administrative d'appel n'a pas commis d'erreur de droit. 12. En quatrième lieu, en jugeant que les moyens invoqués par les requérants pour soutenir que l'action en responsabilité de la région était prescrite et tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 6, paragraphe 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, des dispositions des articles 3 et 4 du code de procédure pénale, des droits de la défense, du principe de l'égalité des armes, du principe du délai raisonnable, du principe de sécurité juridique, de la règle " non bis in idem ", des principes allégués de " loyauté procédurale " et de " concentration des demandes " ainsi que de l'adage " electa una via " étaient inopérants, la cour n'a pas commis d'erreur de droit. 13. En dernier lieu, c'est par une appréciation souveraine exempte de dénaturation et sans erreur de droit ou contradiction de motifs que la cour a estimé qu'aucune des circonstances qu'elle a énumérées, antérieures à la décision du 9 mai 2007 du Conseil de la concurrence, et notamment pas celle tenant à l'implication d'élus et agents de la région dans la mise en œuvre de l'entente, ne permettait d'établir que la région aurait eu connaissance de manière suffisamment certaine de l'étendue des pratiques anticoncurrentielles dont elle a été victime, pour en déduire que la prescription décennale de l'action en responsabilité contre les titulaires des marchés en cause n'a commencé à courir qu'à compter de cette date et qu'ainsi, l'action de la région n'était pas prescrite lorsqu'elle a saisi la juridiction judiciaire en février 2010, ce qui a eu pour effet d'interrompre la prescription, alors même que le Tribunal des conflits a jugé que cette juridiction n'était pas compétente pour en connaître, ainsi qu'il a été dit au point 2, puis a estimé que certains élus et agents de la région, en favorisant les pratiques anticoncurrentielles, avaient commis des fautes non détachables du service, engageant la responsabilité de la région et donc susceptibles d'exonérer partiellement de leur responsabilité les requérants. En ce qui concerne les responsabilités : 14. En premier lieu, après avoir relevé que les requérants dont la responsabilité a été mise en cause par la région d'Ile-de-France avaient participé à la constitution et au fonctionnement de l'entente anticoncurrentielle, c'est sans erreur de qualification juridique des faits que la cour a jugé que les fautes qu'ils avaient commises présentaient un lien direct avec l'éventuel surcoût supporté par la région. 15. En deuxième lieu, la cour n'a pas dénaturé les pièces du dossier soumis à son appréciation en estimant, pour rejeter la demande de mise hors de cause de la société Spie Opérations, que celle-ci était venue aux droits de la société Spie Batignolles. 16. En dernier lieu, d'une part, en jugeant que les fautes commises par les personnels de la région n'étaient pas détachables du service, la cour n'a pas inexactement qualifié les faits de l'espèce. D'autre part, en estimant que ces fautes étaient de nature à exonérer les requérants d'un tiers de leur responsabilité à l'égard de la région, la cour a souverainement apprécié les faits de l'espèce sans les dénaturer. 17. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'arrêt qu'ils attaquent, qui est suffisamment motivé. Les pourvois incidents de la région d'Ile-de-France doivent, pour les motifs indiqués au point 16, être également rejetés. Sur les frais des litiges : 18. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la région d'Ile-de-France au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative. Les mêmes dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à sa charge dès lors qu'elle n'est pas, dans les présentes instances, la partie perdante. D E C I D E : -------------- Article 1er : Les pourvois de la société Gespace France, de M. M..., de la Compagnie Générale de Bâtiment et de Construction et autres, de la société Spie Batignolles Ile-de-France et autres, de la société Bouygues Bâtiments Ile-de-France et autres, de la société Nord France Boutonnat et de M. C... ainsi que les pourvois incidents de la région d'Ile-de-France sont rejetés. Article 2 : Les conclusions des parties présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société Gespace France, à M. J... M..., à la Compagnie Générale de Bâtiment et de Construction, premier requérant dénommé, à la société Spie Batignolles Ile-de-France, premier requérant dénommé, à la société Bouygues Bâtiments Ile-de-France, premier requérant dénommé, à la société Nord France Boutonnat, à M. N... C..., à la région d'Ile-de-France, aux sociétés Eiffage Construction et Fougerolle, à la société de participations et de gestion immobilières (SPGI), à MM. S... T... et Q... R....
JADE/CETATEXT000047718952.xml
Vu la procédure suivante : M. Q... I... et Mme L... J... ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Montpellier, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'ordonner la suspension de l'exécution de l'arrêté du 2 mars 2023 par lequel le garde des sceaux, ministre de la justice, a accepté le retrait de deux notaires de la société pluri-professionnelle d'exercice par actions simplifiée (SPELAS) " H... J... I... C... ", titulaire d'un office de notaire à la résidence de Perpignan et exerçant en outre la profession d'avocat, a énoncé que cette société était dissoute, a nommé la SPELAS " In'Nova " notaire à la résidence de Perpignan et a nommé les deux notaires précédemment mentionnés notaires associés. Par une ordonnance n° 2301484 du 23 mars 2023, le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande. I - Sous le n° 472753, par une requête et mémoire en réplique, enregistrés les 4 et 16 avril 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. I... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : 1°) d'annuler l'ordonnance du 23 mars 2023 du juge des référés du tribunal administratif de Montpellier ; 2°) de suspendre l'exécution de l'arrêté du 2 mars 2023 ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre des dispositions de l'articles L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Montpellier est entachée d'irrégularité faute de répondre aux moyens tirés, d'une part, de ce qu'il appartenait au ministre de vérifier que le projet de cession en cause, qui a pourtant fondé sa décision, a recueilli le consentement de la société, d'autre part, de ce que l'acceptation par le ministre de la justice du retrait de certains membres de la société a porté une atteinte grave et manifestement illégale aux libertés invoquées et, enfin, de ce que l'article 59 du décret n° 93-78 du 13 janvier 1993 n'est pas applicable à une SPELAS exerçant les professions de notaire et d'avocat ; - la condition d'urgence est satisfaite dès lors, d'une part, qu'il existe un risque que les actes notariaux instrumentés par la SPELAS " In'Nova " soient entachés d'illégalité et annulés par voie de conséquence de celle de l'illégalité et de l'annulation de l'arrêté litigieux, d'autre part, que la situation créée par cet arrêt entrave l'exercice de leur profession par les avocats de la SPELAS et prive les clients de celle-ci de représentation et, enfin, porte une atteinte grave et manifestement illégale au droit de propriété du requérant en tant qu'actionnaire et créancier ; - il est porté une atteinte grave et manifestement illégale au droit de propriété, à la liberté d'entreprendre, à la liberté contractuelle ainsi qu'à l'indépendance de l'avocat, corollaire du droit à un avocat et du droit à un recours juridictionnel effectif ; - l'arrêté contesté est entaché d'incompétence dès lors, d'une part, que l'article 59 du décret du 13 janvier 1993, que le garde des sceaux présente comme la base légale de son arrêté, ne saurait s'appliquer à une SPELAS exerçant les fonctions de notaire et d'avocat, d'autre part, que le décret du 29 décembre 2022 modifiant celui du 13 janvier 1993 est signé par le seul ministre de la justice et que le Conseil national des barreaux n'a pas été consulté préalablement à l'édiction des dispositions réglementaires appliquées, en méconnaissance des dispositions de l'article 53 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 et, enfin, que les formalités d'entrée en vigueur de la dissolution d'une société d'exercice libéral de notaires ne sont pas compatibles avec celles qui régissent la dissolution d'une société d'avocats ni avec les dispositions de droit commun, issues du code de commerce, auxquelles obéit la dissolution d'une SPELAS exerçant les professions d'avocat et de notaire ; - il est entaché d'erreur de droit et méconnaît gravement le droit à un avocat dès lors que le ministre de la justice a procédé à un contrôle de l'activité des avocats qui composent la SPELAS ; - il est entaché d'erreur de fait en ce qu'il est fondé sur la circonstance erronée qu'aucun avocat n'exerçait plus au sein de la SPELAS dissoute ; - il est entaché d'erreur de droit et porte une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté contractuelle, à la liberté d'entreprendre et au droit de propriété en ce qu'il ne s'est pas opposé à la dissolution alors que celle-ci résulte d'une décision de l'assemblée générale des associés de la SPELAS méconnaissant l'article 1844 du code civil ; - en retenant que le retrait des associés notaires au capital de la société impliquait nécessairement l'arrêt de l'activité notariale de la SPELAS et, par suite, la dissolution de cette dernière, alors que dans cette circonstance la société disposait d'un délai de six mois pour reprendre l'exercice de l'activité concernée, en vertu de l'article 11 du décret n° 2017-794 du 5 mai 2017, le ministre de la justice a porté une atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales invoquées ; - le retrait des associés accepté par l'arrêté litigieux ne peut être légalement fondé sur l'article 26 du décret du 13 janvier 1993 ; - le ministre de la justice a incompétemment procédé à un retrait capitalistique et non à un retrait d'exercice et a manqué à ses obligations en s'abstenant de contrôler effectivement les modalités de la cession et du transfert de la charge notariale opérés en conséquence de la dissolution de la SPELAS et de vérifier que ces opérations ont recueilli le consentement de la société, ce alors même que le contenu du traité de cession du 16 novembre 2022, qui a fondé l'arrêté contesté et que le ministre de la justice devait contrôler, est différent de ce qui a été voté lors de l'assemblée générale de la société du 5 octobre 2022, elle-même tenue irrégulièrement ; - l'opération de transfert de la charge notariale opérée en conséquence de la dissolution de la SPELAS méconnaît le principe du caractère contradictoire de la procédure dès lors que ni les éléments transmis par le requérant, ni la réalité de la volonté du transfert de charge n'ont fait l'objet d'une appréciation par le garde des sceaux ; - une atteinte grave et manifestement illégale a été portée aux libertés fondamentales invoquées en raison du refus du garde des sceaux de communiquer l'intégralité des documents réclamés relatifs à la procédure. Par un mémoire en intervention, enregistré le 12 avril 2023, l'ordre des avocats de Montpellier s'associe aux conclusions de la requête d'appel et demande que la somme de 3 500 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que son intervention est recevable, que l'urgence est établie en raison de la gravité de l'atteinte à l'exercice de la profession d'avocat, et que les libertés fondamentales invoquées par l'appelant ont été méconnues de façon grave et manifestement illégale pour les mêmes motifs. Par un mémoire en défense, enregistré le 13 avril 2023, le garde des sceaux, ministre de la justice, conclut au rejet de la requête. Il soutient que la condition d'urgence n'est pas satisfaite et que les moyens ne sont pas fondés. Par un mémoire en défense, enregistré le 14 avril 2023, M. K... G..., Mme B... D..., M. E... C... P..., Mme A... F..., la société de participation financière des professions libérales (SPFPL) Scripto Verbo, la SPFPL Avonot Holding, la (SPFPL) Notavoc, la SPFPL Hold Jack et la société d'exercice libéral par actions simplifiées (SELAS) In'Nova concluent, d'une part, au rejet de la requête et, d'autre part, à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. I..., à verser à la SELAS In'Nova, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. La requête a été communiquée à M. M... H... qui n'a pas produit d'observations. II. Sous le n° 472783, par une requête, enregistrée le 5 avril 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme L... J... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : 1°) d'annuler l'ordonnance du 23 mars 2023 du juge des référés du tribunal administratif de Montpellier ; 2°) de suspendre l'exécution de l'arrêté du 2 mars 2023. Elle soutient que : - l'ordonnance du juge des référés du tribunal de Montpellier est entachée d'irrégularité en ce que ses moyens n'ont pas été visés et en ce qu'elle ne se prononce pas sur la nomination de la SPELAS " In'Nova " comme notaire dans la résidence de Perpignant ; - la condition d'urgence est satisfaite eu égard à l'atteinte que l'arrêté contesté porte, en premier lieu, à ses intérêts, en ce qu'elle n'a plus accès à son outil de travail et a été écartée de ses dossiers, en deuxième lieu, à la sécurité juridique dès lors que tous les actes qui seront pris en conséquence de l'assemblée générale du 27 janvier 2023 et de la dissolution de la SPELAS seront à leur tour entachés d'irrégularité et, en dernier lieu, à son droit de propriété ; - l'arrêté contesté est entaché d'incompétence dès lors que, d'une part, les articles 59 et 59-1 du décret n° 93-78 du 13 janvier 1993 n'est pas applicable à une société pluriprofessionnelle incluant des avocats, de sorte que le ministre de la justice n'était pas compétent pour prononcer la dissolution de la SPELAS et, d'autre part, il n'est pas non plus compétent pour décider de la reprise de la charge notariale anciennement dévolue à la société dissoute par la société In'Nova ; - il a été adopté au terme d'une procédure irrégulière, portant atteinte aux droits de la défense et méconnaissant sa situation professionnelle, dès lors que les pièces transmises par les membres notaires de la SPELAS au ministre de la justice ne lui ont pas été communiquées ; - le traité de cession du 16 novembre 2022 sur lequel s'est fondé le ministre de la justice est entaché d'illégalité dès lors que son contenu excède ce qui a été voté lors de l'assemblée générale du 5 octobre 2022 et, de ce fait, n'a pas fait l'objet de son consentement ; - l'arrêté contesté est entaché d'erreur de droit et d'appréciation dès lors que, d'une part, le ministre de la justice ne s'est pas borné à constater la dissolution de la SPELAS mais a porté une appréciation sur le déroulé de l'assemblée générale du 27 janvier 2023 et, d'autre part, a retenu, à tort, la régularité de cette dernière. Par un mémoire en intervention, enregistré le 12 avril 2023, l'ordre des avocats de Montpellier s'associe aux conclusions de la requête d'appel et demande que la somme de 3 500 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que son intervention est recevable, que l'urgence est établie en raison de la gravité de l'atteinte à l'exercice de la profession d'avocat, et que les libertés fondamentales invoquées par l'appelante ont été méconnues de façon grave et manifestement illégale pour les motifs précédemment mentionnés. Par un mémoire en défense, enregistré le 13 avril 2023, le garde des sceaux, ministre de la justice, conclut au rejet de la requête. Il soutient que la condition d'urgence n'est pas satisfaite et que les moyens ne sont pas fondés. Par un mémoire en défense, enregistré le 14 avril 2023, M. K... G..., Mme B... D..., M. E... C... P..., Mme A... F..., la société de participation financière des professions libérales (SPFPL) Scripto Verbo, la SPFPL Avonot Holding, la (SPFPL) Notavoc, la SPFPL Hold Jack et la société d'exercice libéral par actions simplifiées (SELAS) In'Nova concluent, d'une part, au rejet de la requête et, d'autre part, à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de Mme J..., à verser à la SELAS In'Nova, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code de commerce ; - la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 ; - l'ordonnance n° 2016-394 du 31 mars 2016 ; - le décret n° 88-814 du 12 juillet 1988 ; - le décret n° 93-78 du 13 janvier 1993 ; - le décret n° 93-492 du 25 mars 1993 ; - le décret n° 2017-794 du 5 mai 2017 ; - le code de justice administrative ; Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, M. I..., Mme J... et l'ordre des avocats au barreau de Montpellier et, d'autre part, le garde des sceaux, ministre de la justice, ainsi que M. G..., Mme D..., M. C... P..., Mme F..., la SELAS In'Nova, la SPFPL Notavoc, la SPFPL Scripto Verbo, la SPFPL Hold Jack, la SPFPL Avonot Holding et M. H... ; Ont été entendus lors de l'audience publique du 17 avril 2023, à 10 heures 30 : - M. I... et sa représentante ; - Mme J... ; - Me Haas, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de M. G..., de la SPFPL Scripto Verbo, de Mme D..., de la SPFPL Avonot Holding, de M. O..., de la SPFPL Novatoc, de Mme F..., de la SPFPL Hold Jack et de la SELAS In'nova ; - la représentante de l'ordre des avocats au barreau de Montpellier ; à l'issue de laquelle le juge des référés a clôturé l'instruction. Considérant ce qui suit : 1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. (...) ". 2. D'une part, il résulte de l'article 1er du décret du 12 juillet 1988 relatif à la nomination et à la cessation de fonctions des officiers publics et ministériels que le garde des sceaux, ministre de la justice, nomme et accepte le retrait des officiers publics ou ministériels d'une société titulaire d'un office. En vertu du deuxième alinéa de l'article 2 du même décret, l'arrêté par lequel le garde des sceaux, ministre de la justice, accepte le retrait d'un officier public ou ministériel, membre d'une société titulaire d'un office, prend effet à la date de sa publication. 3. D'autre part, il résulte de l'article 59 du décret du 13 janvier 1993 pris pour l'application à la profession de notaire de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 relative à l'exercice sous forme de sociétés des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé, dans sa rédaction résultant du décret du 29 décembre 2022 relatif à la gestion des professions de commissaire de justice et de notaire, que la dissolution anticipée d'une société exerçant la profession de notaire prend effet à la date à laquelle elle est constatée par arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice, ou à l'expiration d'un délai de deux mois en l'absence d'opposition de ce dernier. 4. Il résulte de l'instruction que, par un arrêté du 27 juillet 2018, le garde des sceaux, ministre de la justice, a nommé notaire à la résidence de Perpignan la société pluri-professionnelle d'exercice libéral par actions simplifiée (SPELAS) " H... J... I... C... ", exerçant la profession de notaire et celle d'avocat. Par un arrêté du 2 mars 2023 " portant dissolution d'une société pluri-professionnelle d'exercice par actions simplifiée et nomination d'une société pluri-professionnelle d'exercice par actions simplifiée ", le garde des sceaux, ministre de la justice a entendu, concomitamment, constater la dissolution de cette SPELAS sur le fondement des dispositions mentionnées au point 3, accepter le retrait de M. C... et Mme D..., notaires, de cette SPELAS et nommer la SPELAS " In'Nova " notaire à la résidence de Perpignan ainsi que les deux notaires précédemment mentionnés, notaires associés, sur le fondement des dispositions mentionnées au point 2. M. I... et Mme J..., avocats associés de la SPELAS " H... J... I... C... ", ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Montpellier, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de cet arrêté du 2 mars 2023. Par deux requêtes distinctes qu'il y a lieu de joindre, les requérants forment appel de l'ordonnance du 23 mars 2023 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif a rejeté leur demande. Sur l'intervention de l'ordre des avocats au barreau de Montpellier : 5. L'ordre des avocats au barreau de Montpellier justifie d'un intérêt suffisant à l'annulation de l'ordonnance attaquée et à la suspension de l'exécution de l'arrêté litigieux. Par suite, son intervention doit être admise. Sur la régularité de l'ordonnance attaquée : 6. Eu égard, d'une part, à l'office qu'attribue l'article L. 521-2 du code de justice administrative au juge des référés du tribunal administratif, et, d'autre part, à la teneur des écritures de première instance de M. I..., de Mme J... et de l'ordre des avocats au barreau de Montpellier, l'ordonnance attaquée, qui juge qu'aucune atteinte grave et manifestement illégale n'a été portée aux libertés invoquées par les requérants par cet arrêté, en particulier par le constat de la dissolution de la SPELAS en cause qui était plus particulièrement contesté, est suffisamment motivée. Sur l'urgence : 7. Il appartient à toute personne demandant au juge administratif d'ordonner des mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative de justifier des circonstances particulières caractérisant la nécessité pour elle de bénéficier à très bref délai d'une mesure de la nature de celles qui peuvent être ordonnées sur le fondement de cet article. Il revient au juge des référés d'apprécier, au vu des éléments que lui soumet le requérant comme de l'ensemble des circonstances de l'espèce, si la condition d'urgence particulière requise par cet article est satisfaite, en prenant en compte la situation du requérant et les intérêts qu'il entend défendre mais aussi l'intérêt public qui s'attache à l'exécution des mesures prises par l'administration. 8. D'une part, l'arrêté attaqué, en ce qu'il constate la dissolution de la SPELAS " H... J... I... C... " à la suite d'une délibération de l'assemblée générale des associés de cette société du 27 janvier 2023 décidant de sa dissolution anticipée, ne saurait avoir pour effet de faire obstacle à ce que la représentation des clients de cette société soit assurée, le cas échéant par le biais du liquidateur de cette société exerçant la profession d'avocat, ces clients n'étant pas empêchés par ailleurs de recourir à un autre mandataire, tel que M. I... exerçant à titre individuel au barreau de Montpellier, ou M. H..., associé de la SPELAS exerçant au barreau de Perpignan et qui a d'ailleurs été expressément autorisé à reprendre sa clientèle par la même délibération. Si les requérants et l'intervenant soutiennent que la représentation par la SPELAS serait impossible faute d'accomplissement des formalités prévues par le décret du 5 mai 2017 relatif à la constitution, au fonctionnement et au contrôle des sociétés pluri-professionnelles d'exercice de professions libérales juridiques, judiciaires et d'expertise comptable prévues au titre IV bis de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 et par le code de commerce, cette circonstance, à la supposer établie, n'est pas, en tout état de cause, une conséquence nécessaire de l'exécution de l'arrêté litigieux. De même, il ne résulte pas de l'instruction que cet arrêté ferait par lui-même obstacle à ce que Mme J... cesse définitivement son activité professionnelle, comme elle a indiqué souhaiter le faire, ou décide de poursuivre son activité à titre individuel. Il en résulte que l'existence d'un préjudice grave et immédiat aux intérêts professionnels des requérants comme à ceux des clients de la SPELAS dissoute n'est pas établi. 9. D'autre part, s'il est soutenu que l'arrêté litigieux porterait gravement atteinte au droit de propriété des requérants, lesquels ne font par ailleurs état d'aucune difficulté financière, aucune des circonstances invoquées à l'appui de cette assertion, notamment la gravité alléguée des irrégularités dont seraient entachées les décisions de l'assemblée générale des associés de la SPELAS dissoute et le " traité de cession " de l'office notarial du 16 novembre 2022, dont ils peuvent d'ailleurs contester la validité devant le juge judiciaire, ou le caractère " aléatoire " de la procédure d'inscription des créances, ne caractérise une situation d'urgence justifiant le prononcé, à très bref délai, des mesures prévues à l'article L. 521-2 du code de justice administrative. En outre, eu égard à l'intérêt général qui s'attache à la continuité du service public notarial et aux difficultés qui pourraient résulter à cet égard de la suspension de l'exécution de l'arrêté litigieux, et alors que le juge administratif pourrait, le cas échéant, moduler dans le temps les effets d'une décision d'annulation pour excès de l'arrêté litigieux dans le cas où il estimerait que celle-ci emporterait des conséquences manifestement excessives, en particulier par la remise en cause de la validité des actes authentiques passés par la société In'Nova à laquelle la charge notariale de Perpignan a été transférée, il n'est pas établi qu'il y ait urgence à suspendre immédiatement l'exécution de cet arrêté en tant qu'il nomme cette société notaire à la résidence de Perpignan et deux notaires associés. 10. Enfin, l'invocation d'atteintes manifestement illégales aux libertés fondamentales dont se prévalent les requérants et l'intérêt public qui s'attache à leur respect ne traduisent pas en soi l'existence d'une situation d'urgence. 11. Il résulte de ce qui précède que la condition d'urgence exigée par les dispositions de l'article L. 521-2 du code de justice administrative n'est pas satisfaite. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a rejeté leurs conclusions tendant à la suspension de l'exécution de l'arrêté attaqué sur ce fondement. 12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre une somme à ce même titre à la charge des appelants. O R D O N N E : ------------------ Article 1er : L'intervention de l'ordre des avocats au barreau de Montpellier est admise. Article 2 : Les requêtes de M. I... et de Mme J... sont rejetées. Article 3 : Les conclusions présentées par M. G... et autres au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme L... J..., M N..., au garde des sceaux, ministre de la justice, à M. M... H..., à M. K... G..., à Mme B... D..., à M. E... C... P..., à Mme A... F..., à la SELAS In'Nova, à la SPFPL Notavoc, à la SPFPL Scripto Verbo, à la SPFPL Hold Jack, à la SPFPL Avonot Holding ainsi qu'à l'ordre des avocats au barreau de Montpellier. Fait à Paris, le 25 avril 2023 Signé : Alexandre Lallet
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Vu les procédures suivantes : La région d'Ile-de-France a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner solidairement les sociétés Bouygues Bâtiment Ile-de-France, Brézillon, Bouygues, Spie Batignolles Ile-de-France, Spie Opérations, Eiffage Construction, Gespace France, Compagnie Générale de Bâtiment et de Construction, Fougerolle, Nord France Boutonnat, Vinci Construction, Dumez Construction et VCF Of Réhabilités IDF, la société de participations et de gestions immobilières (SPGI) ainsi que Mme L... E... et MM. A... I..., Q... D..., H... T..., M... P..., V... C..., O... S..., N... K..., U... G..., B... F... et J... R... à lui verser la somme de 6 047 825,50 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 7 juillet 1997 ainsi que de la capitalisation de ces intérêts, en réparation du préjudice matériel subi du fait des ententes anticoncurrentielles nouées à l'occasion de la passation du marché conclu pour la rénovation du lycée Saint-Louis, situé à Paris, correspondant à la différence entre les termes du marché public effectivement conclu et ceux auxquels il aurait dû l'être dans des conditions normales de concurrence. Par un jugement n° 1705349 du 29 juillet 2019, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par un arrêt n° 19PA03200 du 19 février 2021, la cour administrative d'appel de Paris a, sur appel de la région d'Ile-de-France, en premier lieu, ordonné une expertise et, en second lieu, réformé le jugement du 29 juillet 2019 du tribunal administratif de Paris en ce qu'il a de contraire à l'arrêt de la cour. 1° Sous le n° 451760, par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 16 avril et 13 juillet 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. M... P... demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler cet arrêt ; 2°) de mettre à la charge de la région d'Ile-de-France la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. 2° Sous le n° 451815, par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés les 19 avril et 19 juillet 2021 et les 15 avril et 13 juin 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Eiffage Construction et la société Fougerolle demandent au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler cet arrêt ; 2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de la région d'Ile-de-France ; 3°) de mettre à la charge de la région d'Ile-de-France la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. .................................................................................... 3° Sous le n° 451833, par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 19 avril et 16 juillet 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société de participations et de gestions immobilières (SPGI) demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler cet arrêt ; 2°) de mettre à la charge de la région d'Ile-de-France la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. .................................................................................... 4° Sous le n° 451844, par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire, un mémoire en réplique et deux nouveaux mémoires, enregistrés les 19 avril et 13 juillet 2021, les 26 avril et 17 juin 2022 et le 23 mars 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Bouygues Bâtiment Ile-de-France, la société Brézillon, la société Bouygues et M. V... C... demandent au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler cet arrêt ; 2°) de mettre à la charge de la région d'Ile-de-France la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. .................................................................................... 5° Sous le n° 451845, par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire, un mémoire en réplique et deux nouveaux mémoires, enregistrés les 19 avril et 19 juillet 2021, les 2 mai et 21 juin 2022 et le 29 mars 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Compagnie Générale de Bâtiment et de Construction, la société Vinci Construction, la société Dumez Construction, la société VCF of Réhabilités IDF, M. O... S..., M. N... K..., M. U... G..., M. B... F... et M. J... R... demandent au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler cet arrêt ; 2°) de mettre à la charge de la région d'Ile-de-France la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. .................................................................................... 6° Sous le n° 451900, par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 20 avril et 21 juillet 2021 et le 10 mai 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. H... T... demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler cet arrêt ; 2°) de mettre à la charge de la région d'Ile-de-France la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. .................................................................................... 7° Sous le n° 451903, par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 20 avril et 21 juillet 2021 et le 10 mai 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. Q... D... demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler cet arrêt ; 2°) de mettre à la charge de la région d'Ile-de-France la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. .................................................................................... Vu les autres pièces des dossiers ; Vu : - le code civil ; - le code de commerce ; - le code des marchés publics ; - la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 ; - l'ordonnance n° 2017-303 du 9 mars 2017 ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Didier Ribes, conseiller d'Etat, - les conclusions de M. Marc Pichon de Vendeuil, rapporteur public ; La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et associés, avocat de M. P..., à la SCP Buk Lament - Robillot, avocat de la région d'Ile-de-France, au cabinet Munier-Apaire, avocat de la société Eiffage Construction et de la société Fougerolle, au cabinet Rousseau, Tapie, avocat de la société de Participations et de Gestions Immobilières, à la SCP Piwnica, Molinié, représenté par Me Croizier, avocat de la société Bouygues Bâtiment Ile-de-France et autres et Me Haas, avocat de MM. T... et D... ; Vu la note en délibéré, enregistrée le 12 mai 2023, présentée par la société Compagnie Générale de Bâtiment et de Construction et autres ; Considérant ce qui suit : 1. Les pourvois visés ci-dessus présentent à juger les mêmes questions. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision. 2. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la région d'Ile-de-France a lancé, en 1988, un programme de rénovation et de reconstruction du patrimoine immobilier des lycées dont elle a la charge et conclu, entre 1988 et 1997, 241 marchés publics, dont 101 marchés d'entreprises de travaux publics, pour un coût global de 23,3 milliards de francs, soit plus de 3,5 milliards d'euros. Par un arrêt du 27 février 2007, devenu définitif, la cour d'appel de Paris a confirmé la condamnation de plusieurs préposés d'entreprises attributaires de ces marchés ainsi que d'élus et autres personnes, dont le président du conseil régional d'Ile-de-France, tous reconnus coupables notamment de participation personnelle et déterminante à une entente anticoncurrentielle en vue de l'attribution de ces marchés et condamné les intéressés à verser à la région d'Ile-de-France, partie civile, la somme de 100 000 euros à titre de réparation de son préjudice moral. Parallèlement à la procédure pénale, le Conseil de la concurrence qui s'était saisi d'office le 11 juillet 1996 de faits portant sur 90 de ces marchés, a sanctionné, par une décision du 9 mai 2007, confirmée par un arrêt du 3 juillet 2008, devenu définitif, de la cour d'appel de Paris, l'entente anticoncurrentielle mise en place par les entreprises attributaires des marchés en cause, retenant l'implication de plusieurs sociétés de travaux publics et infligé à la plupart d'entre elles des sanctions pécuniaires. La région a ensuite engagé une action en responsabilité à l'encontre de ces entreprises devant le tribunal de grande instance de Paris en février 2010 en vue de la réparation de son préjudice matériel résultant de ces pratiques. Sur arrêté de conflit du préfet de la région d'Ile-de-France, le Tribunal des conflits a jugé, par une décision du 16 novembre 2015, que cette action relevait de la compétence de la juridiction administrative. 3. La région d'Ile-de-France a alors demandé au tribunal administratif de Paris de condamner solidairement les entreprises et personnes ayant participé à l'entente anticoncurrentielle à l'occasion de la passation du marché de rénovation du lycée Saint-Louis situé à Paris à lui verser la somme de 6 047 825,50 euros assortie des intérêts, en réparation du préjudice matériel qu'elle aurait subi. Par un jugement du 29 juillet 2019, le tribunal administratif de Paris, estimant que l'action de la région était prescrite, a rejeté sa demande. Par un arrêt avant dire droit du 19 février 2021, contre lequel M. P..., les sociétés Eiffage Construction et Fougerolle, la société de participations et de gestions immobilières, la société Bouygues Bâtiments Ile-de-France et autres, la Compagnie Générale de Bâtiment et de Construction et autres, M. T... et M. D... se pourvoient en cassation, la cour administrative d'appel de Paris a, sur appel de la région d'Ile-de-France, après avoir estimé que l'action de celle-ci n'était pas prescrite, retenu la responsabilité des entreprises et des personnes physiques mises en cause à hauteur des deux tiers du préjudice subi par la région et celle de la région à hauteur d'un tiers, ordonné une expertise afin d'évaluer le préjudice subi par celle-ci et réformé le jugement du tribunal administratif de Paris en ce qu'il a de contraire à son arrêt. La région demande, par la voie du pourvoi incident, l'annulation de cet arrêt en tant qu'il a retenu sa responsabilité partielle. Sur le cadre juridique : 4. D'une part, aux termes de l'article 2270-1 du code civil, en vigueur jusqu'à l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile : " Les actions en responsabilité civile extracontractuelle se prescrivent par dix ans à compter de la manifestation du dommage ou de son aggravation ". Selon l'article 2224 du même code, résultant de la loi du 17 juin 2008 : " Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ". Aux termes du II de l'article 26 de cette loi : " Les dispositions de la présente loi qui réduisent la durée de la prescription s'appliquent aux prescriptions à compter du jour de l'entrée en vigueur de la présente loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure ". 5. D'autre part, aux termes de l'article L. 481-1 du code de commerce, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 9 mars 2017 relative aux actions en dommages et intérêts du fait des pratiques anticoncurrentielles : " Toute personne physique ou morale formant une entreprise (...) est responsable du dommage qu'elle a causé du fait de la commission d'une pratique anticoncurrentielle (...) ". Selon l'article L. 482-1 du même code : " L'action en dommages et intérêts fondée sur l'article L. 481-1 se prescrit à l'expiration d'un délai de cinq ans. Ce délai commence à courir du jour où le demandeur a connu ou aurait dû connaître de façon cumulative : / 1° Les actes ou faits imputés à l'une des personnes physiques ou morales mentionnées à l'article L. 481-1 et le fait qu'ils constituent une pratique anticoncurrentielle ; / 2° Le fait que cette pratique lui cause un dommage ; / 3° L'identité de l'un des auteurs de cette pratique. / Toutefois, la prescription ne court pas tant que la pratique anticoncurrentielle n'a pas cessé. / (...) ". Aux termes de l'article 12 de cette ordonnance : " I. - Les dispositions de la présente ordonnance entrent en vigueur le lendemain de sa publication (...). / II. - Les dispositions de la présente ordonnance qui allongent la durée d'une prescription s'appliquent lorsque le délai de prescription n'était pas expiré à la date de son entrée en vigueur. Il est alors tenu compte du délai déjà écoulé ". 6. En premier lieu, il résulte de ces dispositions que jusqu'à l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, les actions fondées sur la responsabilité quasi-délictuelle des auteurs de pratiques anticoncurrentielles se prescrivaient par dix ans à compter de la manifestation du dommage. Après l'entrée en vigueur de cette loi, la prescription de ces conclusions est régie par les dispositions de l'article 2224 du code civil fixant un délai de prescription de cinq ans. S'appliquent, depuis l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 9 mars 2017 relative aux actions en dommages et intérêts du fait des pratiques anticoncurrentielles, les dispositions de l'article L. 482-1 du code de commerce. 7. En second lieu, pour l'application de l'ensemble de ces dispositions, le délai de prescription qu'elles prévoient ne peut commencer à courir avant la date à laquelle la personne publique a eu connaissance de manière suffisamment certaine de l'étendue des pratiques anticoncurrentielles dont elle a été victime de la part des titulaires des marchés. Dans l'hypothèse où le préjudice de la personne publique résulte de pratiques auxquelles ses organes dirigeants ont participé, de sorte qu'en raison de leur implication elle n'a pu faire valoir ses droits à réparation, la prescription ne peut courir qu'à la date à laquelle, après le remplacement de ses organes dirigeants, les nouveaux organes dirigeants, étrangers à la mise en œuvre des pratiques anticoncurrentielles, acquièrent une connaissance suffisamment certaine de l'étendue de ces pratiques. Sur les pourvois : 8. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que la cour administrative d'appel de Paris a jugé que la région d'Ile-de-France justifiait d'un intérêt à demander réparation du préjudice matériel que lui auraient causé les ententes anticoncurrentielles. Par suite, M. D... n'est pas fondé à soutenir que la cour n'aurait pas répondu à la fin de non-recevoir tirée de l'absence d'intérêt de la région d'Ile-de-France à former un recours indemnitaire. En ce qui concerne la prescription de l'action de la région : 9. En premier lieu, il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que la cour n'a pas érigé en règle générale la prise en compte, comme point de départ du délai de prescription, de la décision du Conseil de la concurrence sanctionnant les pratiques anticoncurrentielles en cause. Par suite, le moyen tiré de ce que la cour aurait commis une erreur de droit en énonçant une telle règle générale ne peut qu'être écarté. 10. En deuxième lieu, si la région d'Ile-de-France a soutenu, dans son assignation formée devant le tribunal de grande instance en février 2010, que le point de départ du délai de prescription était le 9 octobre 1996, c'est sans erreur de droit, ni dénaturation des pièces du dossier que la cour a jugé que dans l'instance portée devant elle, la région ne saurait se voir opposer les termes de cette assignation. 11. En troisième lieu, l'autorité de la chose jugée au pénal ne s'impose, en principe, aux autorités et juridictions administratives qu'en ce qui concerne les constatations de fait que les juges répressifs ont retenues et qui sont le support nécessaire de leurs décisions. Il en est autrement lorsque la légalité d'une décision administrative est subordonnée à la condition que les faits qui servent de fondement à cette décision constituent une infraction pénale. Dans cette dernière hypothèse, l'autorité de la chose jugée s'étend exceptionnellement à la qualification juridique donnée aux faits par le juge pénal. Il suit de là qu'en écartant le moyen tiré de ce que la date retenue par l'arrêt du 27 février 2007 de la cour d'appel de Paris comme point de départ du délai de prescription de l'action publique, qui ne constitue pas une constatation de fait, serait revêtue de l'autorité de la chose jugée au pénal s'imposant au juge administratif, la cour administrative d'appel n'a pas commis d'erreur de droit. 12. En quatrième lieu, en jugeant que les moyens invoqués par les requérantes pour soutenir que l'action en responsabilité de la région était prescrite et tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 6, paragraphe 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, des droits de la défense, du principe de l'égalité des armes, du principe du délai raisonnable, du principe de sécurité juridique, du principe allégué de " loyauté procédurale " ainsi que de l'adage " electa una via " étaient inopérants, la cour n'a pas commis d'erreur de droit. 13. En dernier lieu, c'est par une appréciation souveraine exempte de dénaturation et sans erreur de droit ou contradiction de motifs que la cour a estimé qu'aucune des circonstances qu'elle a énumérées, antérieures à la décision du 9 mai 2007 du Conseil de la concurrence, et notamment pas celle tenant à l'implication d'élus et agents de la région dans la mise en œuvre de l'entente, ne permettait d'établir que la région aurait eu connaissance de manière suffisamment certaine de l'étendue des pratiques anticoncurrentielles dont elle a été victime, pour en déduire que la prescription décennale de l'action en responsabilité contre les titulaires des marchés en cause n'a commencé à courir qu'à compter de cette date et qu'ainsi l'action de la région n'était pas prescrite lorsqu'elle a saisi la juridiction judiciaire en février 2010, ce qui a eu pour effet d'interrompre la prescription, puis a estimé que certains élus et agents de la région, en favorisant les pratiques anticoncurrentielles, avaient commis des fautes non détachables du service, engageant la responsabilité de la région et donc susceptibles d'exonérer partiellement de leur responsabilité les requérants. En ce qui concerne les responsabilités : 14. En premier lieu, après avoir relevé que les requérants dont la responsabilité a été mise en cause par la région d'Ile-de-France avaient participé à la constitution et au fonctionnement de l'entente anticoncurrentielle, c'est sans erreur de qualification juridique des faits que la cour a jugé que les fautes qu'ils avaient commises présentaient un lien direct avec l'éventuel surcoût supporté par la région. 15. En deuxième lieu, d'une part, contrairement à ce que soutient la société de participations et de gestions immobilières (SPGI), la cour n'a pas commis d'erreur de droit en retenant sa responsabilité au titre de la participation à l'entente de la société Patrimoine Ingénierie après avoir, par une appréciation souveraine exempte de dénaturation, relevé qu'elle avait repris l'intégralité du patrimoine de la société, y compris par conséquent le marché d'assistance à la maîtrise d'ouvrage passé avec la région. D'autre part, la cour n'a pas davantage commis d'erreur de droit en tenant compte, pour répondre au moyen de la SPGI tiré de ce qu'elle aurait transféré ces mêmes obligations à l'une de ses filiales et qu'elle ne devrait ainsi plus en être débitrice, de l'existence et de l'activité de cette filiale. 16. En troisième lieu, il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que la cour n'a pas fait application des dispositions de l'article L. 481-7 du code de commerce instituant une présomption de préjudice en cas d'entente anticoncurrentielle. Par suite, si ces dispositions sont postérieures au litige, le moyen tiré de ce que la cour aurait commis une erreur de droit en en faisant une application rétroactive ne peut qu'être écarté. 17. En quatrième lieu, la cour n'a pas entaché son arrêt d'une erreur de droit en ne déduisant pas de ses propres constatations que la région avait accepté le risque d'être victime d'une entente et que, par suite, les personnes physiques et morales mises en cause devraient être totalement exonérées de leur responsabilité. Elle n'a pas davantage commis d'erreur de droit en jugeant que la circonstance que certains agents et élus de la région avaient participé aux pratiques ayant lésé celle-ci n'était pas de nature à priver cette dernière de tout droit à indemnité au titre du préjudice qu'elle a subi. 18. En dernier lieu, d'une part, en jugeant que les fautes commises par les personnels de la région n'étaient pas détachables du service, la cour n'a pas inexactement qualifié les faits de l'espèce. D'autre part, en estimant que ces fautes étaient de nature à exonérer les requérants d'un tiers de leur responsabilité à l'égard de la région, la cour a souverainement apprécié les faits de l'espèce sans les dénaturer. 19. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'arrêt qu'ils attaquent, qui est suffisamment motivé. Les pourvois incidents de la région d'Ile-de-France doivent, pour les motifs indiqués au point 18, être également rejetés. Sur les frais des litiges : 20. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la région d'Ile-de-France au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les mêmes dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à sa charge dès lors qu'elle n'est pas, dans les présentes instances, la partie perdante. D E C I D E : -------------- Article 1er : Les pourvois de M. P..., des sociétés Eiffage Construction et Fougerolle, de la société de participations et de gestions immobilières, de la société Bouygues Bâtiments Ile-de-France et autres, de la Compagnie Générale de Bâtiment et de Construction et autres, de M. T... et de M. D... ainsi que les pourvois incidents de la région d'Ile-de-France sont rejetés. Article 2 : Les conclusions des parties présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. M... P..., aux sociétés Eiffage Construction et Fougerolle, à la société de participations et de gestions immobilières, à la société Bouygues Bâtiments Ile-de-France, premier requérant dénommé, à la Compagnie Générale de Bâtiment et de Construction, premier requérant dénommé, à MM. H... T... et Q... D..., à la région d'Ile-de-France, aux sociétés Spie Batignolles Ile-de-France et Spie Opérations et à Mme L... E..., à la société Gespace France, à la société Nord France Boutonnat et à M. A... I....
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Vu la procédure suivante : Par une ordonnance du 19 juin 2015, la présidente du tribunal administratif de Paris a renvoyé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise la demande indemnitaire présentée par M. D... C..., Mme A... F..., M. B... C..., Mmes E..., G... et H... C... tendant à la condamnation de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP) à la réparation des préjudices subis à la suite de l'hospitalisation de M. C... à l'hôpital Beaujon. Par un jugement n° 1505463 du 17 avril 2018, le tribunal administratif a condamné l'AP-HP et fixé le montant des réparations à verser aux intéressés et à la caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine (CPAM). Par un arrêt n° 18VE02015 du 4 janvier 2022, la cour administrative d'appel de Versailles, saisie de l'appel de M. D... C... et de Mme F..., a réformé ce jugement en réévaluant la condamnation prononcée à l'encontre de l'AP-HP et rejeté le surplus des conclusions. Par un pourvoi et un mémoire complémentaire, enregistrés les 4 mars et 3 juin 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. C... et Mme F... demandent au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler cet arrêt en ce qu'il a fixé à la somme de 4 586 euros la somme que l'AP-HP a été condamnée à verser à M. C... au titre des frais d'adaptation de son véhicule ; 2°) réglant l'affaire au fond, de condamner l'AP-HP à verser à M. C... la somme de 40 458,55 euros à ce titre ; 3°) de mettre à la charge de l'AP-HP la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code de la santé publique ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Christophe Barthélemy, conseiller d'Etat en service extraordinaire, - les conclusions de M. Maxime Boutron, rapporteur public. La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Boré, Salve de Bruneton, Mégret, avocat de M. C... et de Mme F... et au Cabinet François Pinet, avocat de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris. Considérant ce qui suit : 1. Il ressort des termes de l'arrêt attaqué que la cour, après avoir admis l'existence d'un préjudice lié aux frais d'aménagement du véhicule de M. C..., s'est bornée, sans mettre en doute le caractère définitif du handicap de l'intéressé et le besoin futur d'un véhicule adapté, à relever qu'il ne justifiait pas devoir changer de véhicule tous les cinq ans pour en déduire que l'intéressé devra solliciter l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP) " lorsque ces dépenses auront un caractère certain ". En rejetant ces conclusions indemnitaires, au motif qu'elle n'était pas en mesure d'établir la fréquence du renouvellement des frais liés au renouvellement du véhicule, sans par ailleurs faire, le cas échéant, usage de ses pouvoirs d'instruction alors que la nécessité du renouvellement du véhicule n'était en elle-même pas remise en cause, la cour administrative d'appel, à qui il incombait de fixer elle-même la période de remboursement des frais liés au renouvellement du véhicule, a commis une erreur de droit. Il y a lieu, par suite, d'annuler dans cette mesure l'arrêt de la cour administrative d'appel. 2. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'AP-HP la somme de 3 000 euros à verser à M. C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les mêmes dispositions font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées au même titre par l'AP-HP. D E C I D E : -------------- Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles du 4 janvier 2022 est annulé en tant qu'il rejette la demande d'indemnisation de M. C... au titre des aménagements futurs de son véhicule. Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans cette mesure, à la cour administrative d'appel de Versailles. Article 3 : L'Assistance publique - Hôpitaux de Paris versera à M. C... et autre la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative Article 4 : Les conclusions présentées par l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. D... C..., premier requérant dénommé, et à l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris. Délibéré à l'issue de la séance du 23 mars 2023 où siégeaient : M. Jean-Philippe Mochon, président de chambre, présidant ; M. Olivier Yeznikian, conseiller d'Etat et M. Christophe Barthelémy, conseiller d'Etat en service extraordinaire-rapporteur. Rendu le 4 mai 2023. Le président : Signé : M. Jean-Philippe Mochon Le rapporteur : Signé : M. Christophe Barthelemy La secrétaire : Signé : Mme Nathalie Pilet
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Vu les procédures suivantes : Par une requête, un nouveau mémoire, un mémoire en réplique et quatre nouveaux mémoires, enregistrés le 18 décembre 2019, le 25 juillet 2020, les 7 avril et 8 octobre 2021, les 24 juin, 1er août et 22 novembre 2022 et le 20 mars 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société SPS Betting France limited demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2019-1060 du 17 octobre 2019 relatif aux modalités d'application du contrôle étroit de l'Etat sur la société La Française des jeux ; 2°) à titre subsidiaire, d'abroger ce décret ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - la Constitution ; - le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; - le code de la sécurité intérieure ; - la loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 ; - la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 ; - l'ordonnance n° 2019-1015 du 2 octobre 2019 ; - le décret n° 2019-1061 du 17 octobre 2019 ; - les arrêts de la Cour de justice de l'Union européenne n° C-42/07 du 8 septembre 2009, n° C-203/08 du 3 juin 2010, n° C-212/08 du 30 juin 2011 et n° C-284/12 du 21 novembre 2013; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de Mme Amel Hafid, maître des requêtes en service extraordinaire, - les conclusions de M. Maxime Boutron, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. L'article 137 de la loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises a autorisé le transfert au secteur privé de la majorité du capital de la société La Française des jeux (LFDJ) et lui a confié le monopole de l'exploitation des jeux de loterie commercialisés en réseau physique de distribution et en ligne ainsi que des jeux de pronostics sportifs commercialisés en réseau physique de distribution. Le IV du même article a autorisé le Gouvernement, dans un délai de six mois à compter de la publication de la loi, à prendre par ordonnance, dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution, les mesures relevant du domaine de la loi afin, d'une part, de préciser le périmètre des droits exclusifs et les contreparties dues par la société LFDJ au titre de leur octroi, de définir les conditions d'exercice, d'organisation et d'exploitation de ces droits exclusifs ainsi que les modalités du contrôle étroit exercé par l'Etat sur leur titulaire, et, d'autre part, de redéfinir les modalités de régulation de l'ensemble du secteur des jeux d'argent et de hasard. Sur le fondement de cette habilitation, le Gouvernement a adopté l'ordonnance du 2 octobre 2019 réformant la régulation des jeux d'argent et de hasard. La société SPS Betting France limited demande à titre principal l'annulation du décret du 17 octobre 2019 relatif aux modalités d'application du contrôle étroit de l'Etat sur la société La Française des jeux, qui a été pris pour son application, et à titre subsidiaire l'abrogation du même décret. Sur la légalité externe : 2. Lorsque, comme en l'espèce, un décret doit être pris en Conseil d'Etat, le texte retenu par le Gouvernement ne peut être différent à la fois du projet qu'il avait soumis au Conseil d'Etat et du texte adopté par ce dernier. Le respect de cette exigence doit être apprécié par ensemble de dispositions ayant un rapport entre elles. Il ressort de l'examen des pièces versées au dossier par le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique que le texte du décret attaqué ne contient pas de disposition qui diffèrerait à la fois du projet initial du Gouvernement et du texte adopté par le Conseil d'Etat. Ainsi, aucune méconnaissance des règles qui gouvernent l'examen par le Conseil d'Etat du projet de décret ne saurait être retenue. Sur la légalité interne : En ce qui concerne le cadre juridique du litige : 3. L'article L. 320-1 du code de la sécurité intérieure, créé par l'article 2 de l'ordonnance du 2 octobre 2019, prohibe les jeux d'argent et de hasard, sous réserve des dérogations prévues à l'article L. 320-6 du même code, parmi lesquelles figurent les jeux de loterie et les paris sportifs en réseau physique de distribution. En vertu de l'article 15 de l'ordonnance, le monopole d'exploitation de ces jeux a été confié à la société LFDJ pour une durée de 25 ans, en contrepartie du versement par celle-ci d'une indemnité à l'Etat dans les conditions prévues par l'article 17 de l'ordonnance. Conformément à l'article L. 320-4 du code de la sécurité intérieure, dans sa rédaction issue de la même ordonnance, l'offre de jeu de la société LFDJ, comme celle de tout opérateur de jeux autorisé, doit contribuer " à canaliser la demande de jeux dans un circuit contrôlé par l'autorité publique et à prévenir le développement d'une offre illégale de jeux d'argent " et concourir aux objectifs de la politique de l'Etat en matière de jeux d'argent et de hasard mentionnés aux 1°, 2° et 3° de l'article L. 320-3 du même code, à savoir prévenir le jeu excessif ou pathologique et protéger les mineurs, assurer l'intégrité, la fiabilité et la transparence des opérations de jeu et prévenir les activités frauduleuses ou criminelles ainsi que le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. 4. L'ordonnance du 2 octobre 2019 a, par ailleurs, délimité le périmètre des jeux de loterie sous monopole et a prévu qu'un cahier des charges et une convention conclue avec l'Etat encadrent l'organisation et l'exploitation des droits exclusifs octroyés à la société LFDJ, dont les statuts sont approuvés par décret. Un commissaire du Gouvernement, placé auprès de cette société, s'assure que ses activités sont conformes aux objectifs mentionnés à l'article L. 320-3 du code de la sécurité intérieure et peut s'opposer à une délibération de son conseil d'administration pour des motifs tirés de la méconnaissance de ces objectifs. Ses dirigeants sont nommés après agrément des ministres chargés de l'économie et du budget. La société LFDJ est soumise au contrôle économique et financier de l'Etat et à celui de la Cour des comptes. Elle est également soumise au contrôle de l'Autorité nationale des jeux, autorité administrative indépendante chargée notamment, par l'article 34 de la loi du 12 mai 2010 dans sa rédaction issue de l'ordonnance, du respect des objectifs de la politique des jeux définis à l'article L. 320-3 du code de la sécurité intérieure et de la surveillance des opérations des jeux d'argent et de hasard sous droits exclusifs. En vertu de l'article 34 de la loi du 12 mai 2010, dans sa rédaction issue de l'article 12 de l'ordonnance du 2 octobre 2019, la société LFDJ doit soumettre, chaque année, à l'approbation de cette Autorité un document présentant sa stratégie promotionnelle et son programme des jeux et paris et rendre compte de l'exécution de l'année précédente. L'exploitation des jeux sous droits exclusifs est également soumise à autorisation préalable de l'Autorité nationale des jeux. Cette autorisation peut être suspendue ou retirée par l'Autorité si les conditions qui ont permis son autorisation ne sont plus réunies, ou par le ministre chargé du budget pour des motifs tirés de la sauvegarde de l'ordre public. L'Autorité homologue également les règlements des jeux autorisés de la société LFDJ. Comme tous les opérateurs de jeux, la société LFDJ doit enfin soumettre, chaque année, conformément aux cadres ministériels de référence, à l'approbation de l'Autorité un plan d'actions en vue de prévenir le jeu excessif et le jeu des mineurs et rendre compte de la mise en œuvre du plan précédent. Il en va de même en matière de lutte contre la fraude, le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme. Le cahier des charges de la société LFDJ, approuvé par le décret n° 2019-1060 du 17 octobre 2019, détaille les obligations mises à sa charge afin de contribuer aux objectifs de la politique de l'Etat en matière de jeux, en particulier à la protection des mineurs et à la lutte contre le jeu excessif. L'article 8 du décret n° 2019-1061 du 17 octobre 2019, désormais repris à l'article D. 322-14 du code de la sécurité intérieure, fixe respectivement à 40 et 100 le nombre de jeux qui peuvent être simultanément exploités en réseau physique de distribution et en ligne par la société LFDJ. L'espérance mathématique de gain des jeux fait l'objet d'un encadrement défini par décret. Si le nombre de points de distribution relevant du réseau physique de la société LFDJ n'a pas été limité, l'arrêté du 31 octobre 2019 a fixé le maximum d'une seule borne de jeux de loterie et d'une seule borne de paris sportif par point de vente. En ce qui concerne le moyen tiré de ce que l'octroi des droits exclusifs porte atteinte à la liberté d'établissement et à la libre prestation de services : 5. Aux termes de l'article 49 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " Dans le cadre des dispositions ci-après, les restrictions à la liberté d'établissement des ressortissants d'un Etat membre dans le territoire d'un autre Etat membre sont interdites. (...) ". Aux termes de l'article 56 du même traité : " Dans le cadre des dispositions ci-après, les restrictions à la libre prestation des services à l'intérieur de l'Union sont interdites à l'égard des ressortissants des États membres établis dans un État membre autre que celui du destinataire de la prestation. (...) ". 6. Une législation nationale autorisant les jeux d'argent de façon limitée ou dans le cadre de droits spéciaux ou exclusifs accordés ou concédés à certains organismes, en ce qu'elle restreint l'exercice d'une activité économique, porte atteinte à la liberté d'établissement et à la libre prestation de services. Toutefois, une telle atteinte peut être admise au titre des mesures dérogatoires prévues par le traité ou si elle est justifiée par des raisons impérieuses d'intérêt général, telles que les conséquences moralement et financièrement préjudiciables pour l'individu et la société susceptibles de résulter de la pratique des jeux de hasard. Même justifiée, l'entrave ne peut, ainsi que l'a jugé la Cour de justice de l'Union européenne, notamment par son arrêt du 30 juin 2011, Zeturf Ltd, n° C-212/08, être acceptée que si les mesures restrictives sont proportionnées à la réalisation des objectifs invoqués, c'est-à-dire si elles sont propres à garantir ces objectifs et si elles ne vont pas au-delà de ce qui est nécessaire pour les atteindre. Ainsi que l'a relevé la Cour de justice dans ses arrêts n° C-42/07 du 8 septembre 2009 et n° C-212/08 du 30 juin 2011, un État membre cherchant à assurer un niveau de protection particulièrement élevé des consommateurs de jeux de hasard peut être fondé à considérer que seul l'octroi de droits exclusifs à un organisme unique soumis à un contrôle étroit des pouvoirs publics est de nature à permettre de maîtriser les risques propres à cette activité et de poursuivre une politique efficace de lutte contre le jeu excessif. Dans ce cas, il incombe au juge national de rechercher si les contrôles auxquels l'organisme bénéficiant d'un droit exclusif est soumis sont effectivement mis en œuvre de manière cohérente et systématique pour atteindre les objectifs qui lui sont assignés et si la politique menée par celui-ci, si elle peut impliquer l'offre d'une gamme de jeux étendue, une publicité d'une certaine envergure et le recours à de nouvelles techniques de distribution, n'est pas pour autant expansionniste. 7. Les dispositions mentionnées ci-dessus, qui réservent à la société LFDJ l'exercice de l'activité économique que constitue l'exploitation des jeux de loterie et des jeux de pronostics sportifs sur le territoire national par l'intermédiaire d'un réseau physique de détaillants, si elles n'instaurent pas d'inégalité de traitement susceptible de défavoriser les entreprises ayant leur siège dans d'autres Etats membres de l'Union européenne, dès lors qu'elles s'appliquent indistinctement à tous les opérateurs susceptibles de proposer des jeux de loterie, quelle que soit leur nationalité, peuvent cependant être de nature à limiter, pour les prestataires de service ressortissants d'un des Etats membres de l'Union européenne ou installés à l'intérieur de celle-ci, la libre prestation de services que constitue l'exploitation des jeux de hasard et faire obstacle à leur liberté d'établissement. Quant aux objectifs d'intérêt général poursuivis : 8. Si la requérante soutient, par la voie de l'exception, qu'en instituant un cadre favorable au développement de la société LFDJ, l'ordonnance du 2 octobre 2019 viserait uniquement à favoriser la valorisation de la société LFDJ dans la perspective du transfert au secteur privé de la majorité de son capital, il ressort cependant des pièces du dossier que ces dispositions ont pour objet la protection de la santé et de l'ordre public en raison des risques avérés de jeu excessif, de fraude et d'exploitation des jeux de loterie à des fins criminelles, par la limitation des jeux et leur organisation par une société privée étroitement contrôlée par l'Etat. Ces objectifs constituent des raisons impérieuses d'intérêt général de nature à justifier une limitation à la libre prestation de services et à la liberté d'établissement. Quant à l'absence de procédure de publicité et de mise en concurrence préalable : 9. Ainsi que l'a jugé la Cour de justice de l'Union européenne, notamment par son arrêt Sporting Exchange Limited, n° C-203/08, du 3 juin 2010, l'attribution d'un monopole à un opérateur unique, sans mise en œuvre d'une procédure transparente d'octroi, constitue une restriction à la liberté fondamentale d'établissement et à la libre prestation de services consacrées par le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. Toutefois, ainsi que l'a relevé la Cour, une telle restriction peut n'être pas disproportionnée au regard des objectifs poursuivis par la loi, notamment si le bénéficiaire du monopole est un opérateur privé sur les activités duquel l'Etat est en mesure d'exercer un contrôle étroit. 10. Dès lors, eu égard aux objectifs poursuivis par le législateur en l'espèce, qui ont été rappelés au point 8 ci-dessus, et aux caractéristiques particulières de la société LFDJ, en particulier au contrôle étroit, détaillé au point 4, que les dispositions mentionnées ci-dessus permettent à l'Etat d'exercer sur ses activités, qui résulte notamment de l'encadrement, par un cahier des charges et une convention conclue avec l'Etat, de l'organisation et de l'exploitation des droits exclusifs qui lui sont octroyés, du placement auprès de cette société d'un commissaire du Gouvernement et de l'agrément de ses dirigeants par les ministres chargés de l'économie et du budget, mais aussi du contrôle spécifique exercé par l'Autorité nationale des jeux sur LFDJ, dont l'Autorité doit approuver chaque année la stratégie promotionnelle et le programme de jeux et de paris et dont l'exploitation des jeux sous droits exclusifs est soumise à l'autorisation préalable de cette Autorité, le moyen tiré, par la voie de l'exception, de ce que, en lui octroyant des droits exclusifs sans procédure préalable transparente, l'article 137 de la loi du 22 mai 2019 aurait été adopté en méconnaissance de l'obligation de transparence prévue par le droit de l'Union européenne doit être écarté. Quant à la nécessité des droits exclusifs : 11. En premier lieu, la circonstance que le législateur ait, par la loi du 12 mai 2010, afin de lutter contre le développement incontrôlé de l'offre illégale de jeux et de paris sur internet, décidé de légaliser l'offre de paris en ligne et de l'encadrer en ouvrant à la concurrence les jeux et paris faisant appel au savoir-faire des joueurs tout en maintenant un monopole national sur les autres jeux et paris proposés dans les réseaux physiques de distribution et sur les jeux de loterie en ligne, n'est pas de nature à affecter la cohérence de la politique de l'Etat en la matière, eu égard aux objectifs légitimes poursuivis d'encadrement et de canalisation de l'offre de jeux afin d'en limiter l'expansion. 12. En second lieu, la requérante soutient, par la voie de l'exception, qu'une ouverture à la concurrence à un nombre limité d'opérateurs agréés, sous le contrôle de l'Autorité nationale des jeux, permettrait de poursuivre les objectifs fixés par l'article L. 320-3 du code de la sécurité intérieure sans porter atteinte à la libre prestation de service et à la liberté d'établissement. Comme l'a relevé la Cour de justice, notamment dans son arrêt n° C390/12 du 30 avril 2014, " à la différence de l'instauration d'une concurrence libre et non faussée au sein d'un marché traditionnel, l'application d'une telle concurrence dans le marché très spécifique des jeux de hasard, c'est-à-dire entre plusieurs opérateurs qui seraient autorisés à exploiter les mêmes jeux de hasard, est susceptible d'entraîner un effet préjudiciable, lié au fait que ces opérateurs seraient enclins à rivaliser d'inventivité pour rendre leur offre plus attrayante que celle de leurs concurrents et, de cette manière, à augmenter les dépenses des consommateurs liées au jeu ainsi que les risques de dépendance de ces derniers ". Il en résulte que le système de droits exclusifs attribués à un seul opérateur institué par la loi peut être regardé comme participant à une progression limitée tant du nombre de jeux proposés que du nombre de points de vente et canalisant l'exploitation des jeux dans un circuit contrôlé, ce qui est de nature à assurer une meilleure maîtrise des risques liés aux jeux de hasard et à poursuivre l'objectif de lutte contre la dépendance au jeu de manière plus efficace qu'un régime d'ouverture à la concurrence d'opérateurs privés, fussent-ils assujettis à un système d'autorisation et soumis à un régime de contrôle et de sanctions. Quant à la proportionnalité et à la cohérence du dispositif : 13. En premier lieu, la requérante soutient, par la voie de l'exception, que la durée des droits exclusifs de la société LFDJ, qui a été fixée à 25 ans par l'article 15 de l'ordonnance du 2 octobre 2019, est excessive. Toutefois, il était loisible à l'Etat, qui a considéré que seul l'octroi de droits exclusifs à un organisme unique soumis à un contrôle étroit des pouvoirs publics était de nature à lui permettre d'assurer un niveau de protection particulièrement élevé des consommateurs de jeux de hasard, d'octroyer à la société LFDJ des droits exclusifs, en sachant qu'il lui appartient de s'assurer, pendant toute la période pour laquelle ces droits ont été octroyés, que les mesures restrictives qu'il a ainsi instituées restent proportionnées à la réalisation des objectifs fixés et, dans le cas contraire, d'y mettre fin. 14. En deuxième lieu, la requérante soutient, par la voie de l'exception, que la société LFDJ développe une stratégie d'expansion de son offre de jeux et de son réseau de distribution qui compromet le respect des objectifs d'ordre et de santé publics qui lui sont assignés et que le contrôle que l'Etat exerce sur cette société n'est, du fait de sa privatisation, pas suffisant pour limiter l'expansion par LFDJ de son activité. Il ressort toutefois des pièces du dossier que, si la politique de développement des jeux de loterie offerts par la société LFDJ se caractérise par un certain dynamisme, les obligations et les restrictions qui sont imposées à cette société, s'agissant en particulier du plafonnement du nombre de jeux susceptibles d'être exploités simultanément et de l'encadrement de l'espérance mathématique de gain, ainsi que les modalités de contrôle renforcées exercées sur son activité tant par les représentants de l'Etat que par l'Autorité nationale des jeux, permettent d'orienter sa politique promotionnelle et de s'assurer que son offre de jeux reste quantitativement limitée et qualitativement aménagée. Ces mesures sont, à la date du décret attaqué, de nature à éviter l'exploitation de jeux susceptibles de provoquer le développement de pratiques excessives tout en offrant la possibilité à la société LFDJ d'adapter et de diversifier son offre de jeux afin de répondre aux évolutions des attentes de ses clients, de façon à les détourner des circuits illégaux. 15. En troisième lieu, la requérante fait valoir, par la voie de l'exception, que le périmètre des droits exclusifs de la société LFDJ ne serait pas défini de façon suffisamment précise, ce qui lui ouvrirait des possibilités de développement illimité dans des conditions incompatibles avec l'objectif de limitation et d'encadrement de l'offre de jeux, dès lors que celle-ci est par ailleurs désormais soumise à des exigences de rentabilité accrues du fait de sa privatisation. Il ressort toutefois de l'article 7 de l'ordonnance du 2 octobre 2019 que, conformément à l'habilitation donnée au Gouvernement par le 1° du IV de l'article 137 de la loi du 22 mai 2019 pour prendre les mesures de nature législative nécessaires à sa mise en œuvre, les articles L. 322-8 à L. 322-9-3 du code de la sécurité intérieure, dans leur rédaction issue de l'ordonnance, définissent de façon claire et détaillée les différents jeux, catégories de jeux et gammes de jeux sous droits exclusifs confiés à la société LFDJ, qui correspondent d'ailleurs au périmètre des jeux que cette société était déjà autorisée à exploiter sous l'empire des textes antérieurs à la loi du 22 mai 2019. Si ces dispositions ne font pas obstacle à ce que la société LFDJ modernise et diversifie à l'avenir son offre de jeux en fonction notamment des évolutions technologiques et des attentes du public, dans la limite des plafonds fixés par le décret du 17 octobre 2019 relatif à l'encadrement de l'offre de jeux de La Française des jeux et du Pari mutuel urbain et sous réserve des autorisations d'exploitation de jeu accordées par l'Autorité nationale des jeux, elles ne sauraient être regardées comme permettant à la société LFDJ de développer, au titre de son monopole, des jeux qui relèveraient des segments de jeux et de paris ouverts à la concurrence. 16. En quatrième lieu, la requérante soutient, par la voie de l'exception, que les dispositions du 2° de l'article L. 322-9-2 du code de la sécurité intérieure, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 2 octobre 2019, qui autorisent la société LFDJ à proposer des " jeux à aléa immédiat, pour lesquels l'intervention du hasard, générée à la demande individuelle du joueur, résulte d'une action de celui-ci ", permettraient à la société LFDJ de développer des " machines à sous en ligne ", lesquelles présentent un important risque d'addiction. Toutefois, ces dispositions n'ont ni pour objet ni pour effet d'autoriser l'exploitation par la société LFDJ de " machines à sous en ligne ", laquelle ne figure pas au nombre des dérogations au principe de prohibition des jeux d'argent et de hasard que pose l'article L. 320-1 du code de la sécurité intérieure. 17. En cinquième lieu, aux termes des deux premiers alinéas de l'article L. 320-9 du code de la sécurité intérieure : " Les opérateurs de jeux d'argent et de hasard exploités en ligne ou sur des terminaux d'enregistrement physique sans intermédiation humaine au moyen d'un compte sont tenus de faire obstacle à la participation aux activités de jeu qu'ils proposent des personnes interdites de jeu en vertu des dispositions de l'article L. 320-9-1. / Les opérateurs de jeux d'argent et de hasard mentionnés aux 3°, 4° et 5° de l'article L. 320-6 s'assurent périodiquement que les personnes réalisant des opérations de jeux dans les postes d'enregistrement de jeux de loterie, de jeux de paris sportifs ou de paris hippiques au moyen d'un compte ne sont pas interdites de jeu en vertu de l'article L. 320-9-1. Tout compte joueur dont le titulaire est interdit de jeu est clôturé ". Aux termes de l'article L. 320-9-1 du même code : " I.- Une interdiction de jeux peut être prononcée par l'autorité administrative compétente à l'égard des personnes dont le comportement est de nature à troubler l'ordre, la tranquillité ou le déroulement normal des jeux. / L'interdiction administrative de jeux s'applique à l'égard des jeux d'argent et de hasard proposés : / 1° Dans les casinos ; / 2° Sur les sites de jeux en ligne autorisés en vertu de la loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 relative à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne ; / 3° Sur le site de jeux en ligne de la personne morale unique titulaire de droits exclusifs mentionnée à l'article 137 de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises ; / 4° Sur les terminaux de jeux sans intermédiation humaine mentionnés au premier alinéa de l'article L. 320-9 ; / 5° Sur les postes d'enregistrement mentionnés au deuxième alinéa de l'article L. 320-9. / Elle est prononcée pour une durée maximale de cinq ans. / II.- Toute personne peut engager des démarches auprès de l'autorité administrative compétente afin d'empêcher sa participation à des jeux d'argent et de hasard. / L'interdiction volontaire de jeux s'applique à l'égard des jeux d'argent et de hasard visés aux 1° à 4° du I. / Elle est prononcée pour une durée de trois ans renouvelable tacitement ". 18. Il résulte de la combinaison des articles L. 320-9 et L. 320-9-1 du code de la sécurité intérieure que seuls les opérateurs qui proposent des jeux en ligne ou sur des terminaux d'enregistrement physique sans intermédiation humaine au moyen d'un compte sont tenus de contrôler qu'une personne qui souhaite accéder à leur offre de jeux ne fait pas l'objet d'une interdiction administrative de jeu. Une telle obligation ne s'applique donc pas aux jeux de loterie vendus par la société LFDJ en réseau physique de distribution directement ou par l'utilisation d'un terminal d'enregistrement physique sans utilisation d'un compte personnel. Contrairement à ce que soutient la requérante, il ne saurait toutefois être déduit de cette différence, qui s'explique par des considérations techniques liées à la possibilité dont disposent les opérateurs proposant des jeux en ligne ou sur des terminaux d'enregistrement physique sans intermédiation humaine au moyen d'un compte de contrôler, de façon automatique, grâce à un système d'information, l'identité du joueur lors de la création du compte et à chaque connexion à celui-ci, que le cadre normatif mis en place ne serait pas propre à garantir que le titulaire du monopole sera effectivement à même de poursuivre, de manière cohérente et systématique, les objectifs de santé publique qui lui sont assignés. En revanche, la requérante, dont les écritures ne sont pas contestées en défense sur ce point, est fondée à soutenir qu'aucune différence objective ne justifie que l'interdiction volontaire de jeux ne s'applique pas, contrairement à l'interdiction administrative de jeux, à l'égard des jeux d'argent et de hasard visés au 5° du I de l'article L. 320-9-1, soit aux jeux proposés sur les postes d'enregistrement de jeux de loterie, de jeux de paris sportifs ou de paris hippiques et que, dans cette mesure, les règles applicables ne permettent pas d'atteindre de façon cohérente l'objectif de lutte contre le jeu excessif. Si le Conseil d'Etat a, pour ces motifs, par une décision du 14 avril 2023 (n° 436434, 436450, 436814, 436822, 436866), annulé l'ordonnance n° 2019-1015 du 2 octobre 2019 en tant qu'elle ne prévoit pas que le deuxième alinéa du II de l'article L. 320-9-1 du code de la sécurité intérieure s'applique au 5° du I du même article, la circonstance que le Conseil d'Etat ait procédé à cette annulation est toutefois sans incidence sur la légalité du décret attaqué. 19. En sixième lieu, aux termes de l'article L. 320-8 du code de la sécurité intérieure, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 2 octobre 2019 : " Les opérateurs de jeux d'argent et de hasard légalement autorisés sont tenus de faire obstacle à la participation de mineurs, même émancipés, aux activités de jeu ou de pari qu'ils proposent. Il est interdit de vendre ou d'offrir gratuitement à des mineurs des jeux d'argent et de hasard mentionnés aux 1°, 3°, 4°, 5° et 6° de l'article L. 320-6. Sur les hippodromes et dans les postes d'enregistrement de jeux de loterie, de jeux de paris sportifs ou de paris hippiques mentionnés aux 3°, 4° et 5° de l'article L. 320-6, la personne physique qui commercialise directement auprès du client les jeux d'argent et de hasard peut exiger du client qu'il établisse la preuve de sa majorité. L'accès aux terminaux de jeux sans intermédiation humaine permettant l'engagement de jeux relevant du 3° ou 4° de l'article L. 320-6 est réservé aux joueurs dont l'identité et la date de naissance ont été préalablement vérifiées aux fins de contrôle de leur majorité ". L'article L. 324-6 du code de la sécurité intérieure punit " d'une amende de 100 000 euros le fait, pour un opérateur de jeux d'argent et de hasard : (...) 2° De permettre un accès direct aux dispositifs de jeu sans intermédiation humaine à un joueur dont l'identité et la date de naissance n'ont pas été préalablement vérifiées conformément aux dispositions du dernier alinéa de l'article L. 320-8 ". 20. Il résulte des dispositions précitées qu'un contrôle systématique de la majorité du joueur doit être assuré par la société LFDJ et le PMU pour l'accès aux terminaux de jeux sans intermédiation humaine dans leur réseau physique de distribution, sous peine de sanction pénale. L'article L. 320-8 du code de la sécurité intérieure doit également être interprété comme imposant à la personne physique qui commercialise directement auprès du client les jeux d'argent et de hasard sous droits exclusifs l'obligation d'exiger du client qu'il établisse la preuve de sa majorité en cas de doute sur son âge. Dans ces conditions, la requérante n'est pas fondée à soutenir, par la voie de l'exception, que, faute de soumettre les opérations de jeux à la lecture automatisée d'un document d'identité afin de s'assurer que les joueurs sont majeurs, l'ordonnance du 2 octobre 2019 ne permettrait pas de garantir le respect, de façon cohérente et systématique, de l'objectif de prévention contre le jeu des mineurs que l'Etat a assigné au titulaire du monopole. 21. En septième lieu, le moyen tiré de ce que la réglementation en matière de prévention des activités frauduleuses serait insuffisante n'est pas assorti des précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé. 22. En dernier lieu, la circonstance que la législation et la réglementation ne prévoient pas expressément la possibilité pour le législateur de prononcer la déchéance des droits exclusifs de la société LFDJ ne saurait, compte tenu de ce qui a été dit au point 13 ci-dessus, être regardée comme y faisant obstacle et n'est pas de nature à affecter la légalité du décret attaqué. 23. Il résulte de ce qui est dit ci-dessus que la requérante n'est pas fondée à soutenir que le décret attaqué serait illégal au motif que l'ordonnance du 2 octobre 2019 ne serait pas conforme aux dispositions des articles 49 et 56 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. En ce qui concerne le moyen tiré de l'atteinte à la liberté d'entreprendre : 24. D'une part, dès lors que le monopole attribué à la société LFDJ a été institué par l'article 137 de la loi du 22 mai 2019, le moyen tiré de la violation, par l'ordonnance du 2 octobre 2019, de la liberté d'entreprendre, qui découle de l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, ne peut être utilement invoqué, par la voie de l'exception, à l'encontre du décret attaqué. 25. D'autre part, aux termes de l'article 51 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " 1. Les dispositions de la présente Charte s'adressent (...) aux Etats membres uniquement lorsqu'ils mettent en œuvre le droit de l'Union. (...) ". Le moyen tiré de la méconnaissance, par l'ordonnance du 2 octobre 2019, de l'article 16 de cette Charte, qui garantit la liberté d'entreprendre, ne saurait être utilement invoqué, par la voie de l'exception, à l'encontre du décret attaqué, dès lors que cette ordonnance ne met pas en œuvre le droit de l'Union. En ce qui concerne le moyen tiré de l'abus de position dominante : 26. Aux termes de l'article 102 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " Est incompatible avec le marché intérieur et interdit, dans la mesure où le commerce entre États membres est susceptible d'en être affecté, le fait pour une ou plusieurs entreprises d'exploiter de façon abusive une position dominante sur le marché intérieur ou dans une partie substantielle de celui-ci ". A supposer que l'article 137 de la loi du 22 mai 2019 ait contribué, en raison des droits exclusifs qu'il prévoit, à assurer à la société LFDJ une position dominante sur le marché des paris en ligne et soit susceptible d'affecter les échanges entre les Etats-membres de l'Union européenne, cette disposition ne serait incompatible avec l'article 102 du traité que si l'entreprise était amenée, par l'exercice du droit exclusif dans les conditions dans lesquelles il lui a été conféré, à exploiter sa position dominante de façon abusive. 27. En premier lieu, la durée d'exploitation du monopole ne constitue pas en elle-même un abus de nature à mettre la société LFDJ en situation de contrevenir aux stipulations précitées du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. 28. En second lieu, les dispositions de l'article 137 de la loi du 22 mai 2019 ne mettent pas par elles-mêmes la société LFDJ en situation d'abuser de manière automatique de sa position dominante, en exploitant indûment, par exemple, comme le soutient la requérante, sur les marchés concurrentiels des paris sportifs et des jeux de cercle en ligne les moyens et la notoriété qu'elle retire de ses activités sous droits exclusifs ou encore les informations obtenues dans ce cadre sur ses clients et leurs habitudes de jeu. 29. Le moyen tiré, par la voie de l'exception, de la méconnaissance de l'article 102 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne doit donc être écarté. En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance du principe d'égalité : 30. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 13 ci-dessus que la requérante n'est pas fondée à soutenir, par la voie de l'exception, que l'ordonnance du 2 octobre 2019 méconnaîtrait le principe d'égalité, faute de prévoir la possibilité de déchoir la société LFDJ de ses droits exclusifs, alors que l'agrément des opérateurs de paris en ligne est susceptible de faire l'objet d'une mesure d'abrogation. 31. En deuxième lieu, il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que les différences de traitement concernant les obligations de contrôle des personnes faisant l'objet d'une interdiction de jeu pesant sur les opérateurs en application des articles L. 320-9 et L. 320-9-1 du code de la sécurité intérieure, selon que l'offre de jeux est ou non accessible en ligne ou par l'intermédiaire d'un poste d'enregistrement avec un compte personnel, sont justifiées par des différences de situation objectives tenant à la possibilité, lorsque l'offre de jeux est disponible en ligne ou par l'intermédiaire d'un poste d'enregistrement avec un compte personnel, de contrôler de façon automatique, grâce à l'utilisation d'un système d'information, l'identité du joueur lors de la création de son compte et à chaque connexion. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir, par la voie de l'exception, que cette différence de traitement, en rapport avec l'objet de la réglementation, ne serait pas justifiée ni proportionnée au regard des motifs qui la justifient. 32. En dernier lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 20 que l'article L. 320-8 du code de la sécurité intérieure doit être interprété comme imposant à la personne physique qui commercialise directement auprès du client des jeux d'argent et de hasard sous droits exclusifs l'obligation d'exiger du client qu'il établisse la preuve de sa majorité, en cas de doute sur son âge. Le moyen tiré, par la voie de l'exception, de la méconnaissance, par l'ordonnance du 2 octobre 2019, du principe d'égalité, faute d'avoir prévu une obligation de contrôle de la majorité pour la commercialisation des jeux d'argent et de hasard en réseau physique contrairement à celle des autres produits à potentiel addictif, doit donc être écarté. En ce qui concerne la présence de représentants de l'Etat au sein du collège de l'Autorité nationale des jeux : 33. Aux termes de l'article 35 de la loi du 12 mai 2010, dans sa rédaction issue de l'article 12 de l'ordonnance du 2 octobre 2019 : " II (...) Un commissaire du Gouvernement nommé par arrêté du ministre chargé du budget assiste, avec voix consultative, aux séances du collège, à l'exception des points de l'ordre du jour portant sur les décisions exclusivement relatives aux opérateurs de jeux ou paris en ligne agréés. Il fait connaitre les positions du Gouvernement. Il est destinataire de l'ordre du jour des séances et des documents afférents ainsi que de tout projet de décision du collège. Il peut demander une réunion extraordinaire de ces instances sur un ordre du jour déterminé. Sauf pour les décisions exclusivement relatives aux opérateurs de jeux ou paris en ligne agréés et pour les décisions prévues au premier alinéa du X de l'article 34 et au II de l'article 43, il peut demander une deuxième délibération au collège, dans les cinq jours suivant la délibération initiale. Il peut se faire communiquer toute information et tout document et demander au collège de l'Autorité de faire procéder à toutes vérifications relatives aux opérateurs entrant dans le champ de compétence de l'Autorité. (...) III.- Pour l'exercice de ses attributions, le collège s'appuie sur trois commissions consultatives permanentes, compétentes respectivement pour la prévention du jeu excessif ou pathologique, pour le contrôle des opérations de jeux et, enfin, pour la lutte contre la fraude et contre le blanchiment des capitaux. Les commissions comprennent, dans des conditions fixées par décret pris après avis de l'Autorité, des membres du collège de celle-ci, des représentants des ministres concernés et des personnalités choisies en raison de leurs compétences. L'Autorité fixe les conditions dans lesquelles les commissions lui apportent son concours. Le commissaire du Gouvernement assiste aux séances des commissions consultatives permanentes ". 34. En premier lieu, dès lors que le principe d'impartialité qui s'impose aux membres d'organismes publics implique uniquement que ceux-ci s'abstiennent de participer aux délibérations lorsqu'ils ont un intérêt personnel à l'affaire qui en est l'objet, la requérante n'est pas fondée à soutenir, par la voie de l'exception, que la présence d'un commissaire du Gouvernement au sein du collège de l'Autorité nationale des jeux et de représentants de l'Etat dans les commissions consultatives de cet organisme porterait atteinte au principe d'impartialité, au seul motif que l'Etat serait actionnaire de LFDJ. 35. En deuxième lieu, les dispositions précitées, qui prévoient uniquement la présence et le rôle des représentants de l'Etat au sein de l'Autorité nationale des jeux, n'ont, par elles-mêmes, ni pour objet, ni pour effet de porter atteinte au secret des affaires des opérateurs concurrents de la société LFDJ, protégé par les articles L. 151-1 et suivants du code du commerce. 36. En troisième lieu, il est soutenu que la présence de représentants de l'Etat au sein du collège et des commissions de l'Autorité nationale des jeux, instance de régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard, serait de nature à porter une atteinte illégale à la liberté d'établissement et à la libre prestation de service, en raison de la participation de l'Etat au capital de la société LFDJ, concurrente des autres opérateurs du secteur. Il ressort toutefois des pièces du dossier que le rôle, au sein du collège et des commissions de l'Autorité nationale des jeux, du commissaire du Gouvernement et des représentants des ministres concernés, qui représentent l'Etat et non pas la société LFDJ, est de faire connaître les analyses du Gouvernement s'agissant de la politique en matière des jeux d'argent et de hasard. Ces représentants de l'Etat sont soumis à l'obligation de secret professionnel auquel sont astreintes les personnes qui participent, même occasionnellement, à l'activité de l'Autorité nationale des jeux en application du IV de l'article 36 de la loi du 12 mai 2010 et le commissaire du Gouvernement ne peut, en application des dispositions précitées de l'article 35 de cette même loi, connaître des décisions relatives aux opérateurs de jeux ou paris en ligne agréés non plus que demander au collège de l'Autorité une deuxième délibération en cette matière, comme en ce qui concerne les décisions prévues au premier alinéa du X de l'article 34 et au II de l'article 43 de la même loi. Dans ces conditions, la requérante n'est pas fondée à soutenir, par la voie de l'exception, que l'ordonnance du 2 octobre 2019 n'instituerait pas les garanties nécessaires pour prévenir les risques d'atteintes illégales, par les représentants de l'Etat au sein de l'Autorité nationale des jeux, à la liberté d'établissement et à la libre circulation des services protégées par l'article 49 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. En ce qui concerne les autres moyens : 37. En premier lieu, si l'article 137 de la loi du 22 mai 2019 habilite le Gouvernement à prendre par ordonnance, dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution, les mesures relevant du domaine de la loi afin " 1° De préciser le périmètre des droits exclusifs (...) et les contreparties dues par la personne morale unique mentionnée au même I au titre de leur octroi ; (...) 3° De définir (...) les modalités du contrôle étroit sur la personne morale unique (...) en prévoyant la conclusion d'une convention entre l'Etat et la personne morale (...) ou le respect par cette même personne d'un cahier des charges défini par l'Etat ", ces dispositions ne font pas obstacle à ce que l'article 16 de l'ordonnance du 2 octobre 2019 soumette la société LFDJ non seulement à un cahier des charges mais également à une convention, ni à ce qu'elle renvoie au décret n° 2019-1060 du 17 octobre 2019 le soin de préciser le contenu de ces actes. Ces dispositions, par ailleurs, n'ont ni pour objet ni pour effet d'interdire que le montant du versement mis à la charge de la société LFDJ en contrepartie des droits exclusifs qui lui ont été confiés soit fixé dans le cahier des charges de cette société. 38. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 322-10 du code de la sécurité intérieure, dans sa rédaction issue de l'article 7 de l'ordonnance du 2 octobre 2019 : " I.- L'espérance mathématique de gain de chaque jeu, gamme de jeux ou catégorie de jeux de loterie fait l'objet d'un encadrement défini par décret, qui peut porter sur sa valeur minimale, sa valeur maximale, une valeur maximale moyenne sur une période donnée ". Contrairement à ce qui est soutenu, l'ordonnance du 2 octobre 2019, qui n'avait pas à fixer l'espérance mathématique de gain de chaque jeu commercialisé par la société LFDJ, a pu renvoyer à un décret, sans méconnaître, en tout état de cause, le droit à la santé protégé par le onzième alinéa du préambule de la Constitution de 1946, le soin de déterminer les fourchettes dans lesquelles le taux de retour au joueur peut être arrêté. 39. En troisième lieu, l'ordonnance du 2 octobre 2019 a également pu, sans méconnaître sa compétence ni, en tout état de cause, la liberté d'entreprendre, se borner à arrêter le principe du versement par la société LFDJ d'une indemnité en contrepartie des droits exclusifs qui lui ont été octroyés, sans en préciser les modalités de calcul. 40. En quatrième lieu, il était loisible à l'auteur de l'ordonnance du 2 octobre 2019, après avoir posé, par ses articles 19 à 23, les principes et les modalités du contrôle étroit de l'Etat sur la société LFDJ, de renvoyer au pouvoir réglementaire la fixation des modalités d'application de ce contrôle. En ce qui concerne les conclusions aux fins d'abrogation du décret attaqué : 41. En premier lieu, aux termes de l'article 38 de la Constitution : " Le Gouvernement peut, pour l'exécution de son programme, demander au Parlement l'autorisation de prendre par ordonnances, pendant un délai limité, des mesures qui sont normalement du domaine de la loi. / Les ordonnances sont prises en Conseil des ministres après avis du Conseil d'Etat. Elles entrent en vigueur dès leur publication mais deviennent caduques si le projet de loi de ratification n'est pas déposé devant le Parlement avant la date fixée par la loi d'habilitation. Elles ne peuvent être ratifiées que de manière expresse. / A l'expiration du délai mentionné au premier alinéa du présent article, les ordonnances ne peuvent plus être modifiées que par une loi dans les matières qui sont du domaine législatif ". Le IV de l'article 137 de la loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et à la transformation des entreprises a fixé à trois mois, à compter de la publication de l'ordonnance prise sur son fondement, le délai de dépôt devant le Parlement du projet de loi de ratification de cette ordonnance. Il ressort des pièces du dossier et n'est d'ailleurs pas contesté que le Gouvernement a déposé un projet de loi de ratification de l'ordonnance du 2 octobre 2019 devant l'Assemblée nationale le 30 octobre 2019, soit avant l'expiration du délai fixé par la loi d'habilitation en application de l'article 38 de la Constitution. Dès lors, la circonstance que, postérieurement à l'expiration de ce délai, le Gouvernement ait retiré le projet de loi de ratification de l'Assemblée nationale et l'ait déposé au Sénat n'est pas de nature à avoir rendu caduque l'ordonnance du 2 octobre 2019. 42. En second lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'un changement de circonstances de droit ou de fait postérieur à la signature de cette ordonnance et de ces décrets devrait conduire à porter une appréciation différente sur les conclusions de la société requérante à fin d'abrogation de celle portée sur ses conclusions à fin d'annulation. 43. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de la société SPS Betting France limited doit être rejetée, y compris, par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. 44. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, au titre des mêmes dispositions, de mettre à la charge de la société requérante la somme de 3 000 euros à verser à la société La Française des jeux. D E C I D E : -------------- Article 1er : La requête de la société SPS Betting France limited est rejetée. Article 2 : La société SPS Betting France limited versera à la société La Française des jeux la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : La présente décision sera notifiée à aux sociétés SPS Betting France limited et La Française des jeux, à la Première ministre et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Délibéré à l'issue de la séance du 22 juin 2023 où siégeaient : M. Olivier Yeznikian, assesseur, présidant ; Mme Fabienne Lambolez, conseillère d'Etat et Mme Amel Hafid, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteure. Rendu le 12 juillet 2023. Le président : Signé : M. Olivier Yeznikian La rapporteure : Signé : Mme Amel Hafid La secrétaire : Signé : Mme Nathalie Pilet
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Vu la procédure suivante : La directrice départementale de la cohésion sociale et de la protection des populations de la Haute-Saône a porté plainte contre la société Le loup blanc et M. B... A... devant la chambre de discipline de Lorraine de l'ordre des vétérinaires. Par une décision du 23 novembre 2012, la chambre de discipline de Picardie de l'ordre des vétérinaires, à qui le jugement de la plainte avait été attribué par la chambre supérieure de discipline de l'ordre des vétérinaires, a infligé à la société Le loup blanc et à M. A... la sanction de l'interdiction d'exercer la profession vétérinaire pour une durée de trois mois sur l'ensemble du territoire national. Par une décision du 20 janvier 2014, la chambre supérieure de discipline de l'ordre des vétérinaires a, sur appel de la société Le loup blanc et de M. A..., annulé cette décision en tant qu'elle prononçait une sanction à l'encontre de M. A... et rejeté l'appel en tant qu'il émanait de la société Le loup blanc. Par une décision n° 376466 du 7 octobre 2015, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé cette décision en tant qu'elle inflige une sanction à la société Le loup blanc et renvoyé l'affaire à la chambre supérieure de discipline dans les limites de la cassation prononcée. Par une décision du 24 janvier 2017, la chambre supérieure de discipline de l'ordre des vétérinaires, statuant sur renvoi après cassation, a écarté le moyen tiré de l'irrégularité de la composition de la chambre de discipline de Picardie de cet ordre, fait droit aux conclusions tendant à la récusation du rapporteur désigné pour instruire l'appel présenté devant elle et sursis à statuer sur la requête dans l'attente du dépôt du rapport d'un nouveau rapporteur. Par une décision n° 409197 du 19 décembre 2018, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a rejeté le pourvoi formé par la société Le loup blanc contre la décision du 24 janvier 2017. Par une décision du 22 janvier 2020, la chambre nationale de discipline de l'ordre des vétérinaires, a rejeté l'appel formé par la société Le loup blanc contre la décision du 23 novembre 2012 de la chambre de discipline de Picardie de l'ordre des vétérinaires. Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 18 août et 18 novembre 2020 et le 20 octobre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Le loup blanc demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler la décision du 24 janvier 2017 de la chambre supérieure de discipline de l'ordre des vétérinaires ; 2°) d'annuler la décision du 22 janvier 2020 de la chambre nationale de discipline de l'ordre des vétérinaires ; 3°) de mettre à la charge du conseil régional de Lorraine de l'ordre des vétérinaires et du Conseil national de l'ordre des vétérinaires la somme de 6 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - la directive 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2006 ; - le règlement (UE) 2019/6 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 ; - le code rural et de la pêche maritime ; - le code de la santé publique ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de Mme Françoise Tomé, conseillère d'Etat, - les conclusions de M. Raphaël Chambon, rapporteur public ; La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Capron, avocat de la société vétérinaire Le loup blanc et au cabinet Rousseau Tapie, avocat du Conseil national de l'ordre des vétérinaires ; Considérant ce qui suit : 1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, sur la plainte de la directrice départementale de la cohésion sociale et de la protection des populations de la Haute-Saône, la chambre de discipline de Picardie de l'ordre des vétérinaires a, par une décision du 23 novembre 2012, infligé à la société Le loup blanc et à M. A..., un de ses associés, la sanction de l'interdiction d'exercer pour une durée de trois mois sur l'ensemble du territoire national. Par une décision du 20 janvier 2014, la chambre supérieure de discipline de l'ordre des vétérinaires a, sur appel de la société Le loup blanc et de M. A..., annulé cette décision en tant qu'elle prononçait une sanction à l'encontre de M. A... et rejeté l'appel en tant qu'il émanait de la société Le loup blanc. Par une décision du 7 octobre 2015, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé cette décision en tant qu'elle inflige une sanction à la société Le loup blanc et renvoyé l'affaire à la chambre supérieure de discipline dans les limites de la cassation prononcée. Par une décision du 24 janvier 2017, la chambre supérieure de discipline de l'ordre des vétérinaires, statuant sur renvoi après cassation, a fait droit aux conclusions tendant à la récusation du rapporteur désigné pour instruire l'appel présenté devant elle et a sursis à statuer sur la requête dans l'attente du dépôt du rapport d'un nouveau rapporteur. Par une nouvelle décision du 19 décembre 2018, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a rejeté, comme irrecevable, le pourvoi formé par la société Le loup blanc contre la décision du 24 janvier 2017 de la chambre supérieure de discipline de l'ordre des vétérinaires. Par une décision du 22 janvier 2020, la chambre nationale de discipline de l'ordre des vétérinaires a rejeté l'appel formé par la société Le loup blanc contre la décision du 23 novembre 2012 de la chambre de discipline de Picardie de l'ordre des vétérinaires. Par le présent pourvoi, la société Le loup blanc demande l'annulation de la décision du 24 janvier 2017 de la chambre supérieure de discipline de l'ordre des vétérinaires et de la décision du 22 janvier 2020 de la chambre nationale de discipline de l'ordre des vétérinaires. Sur les conclusions dirigées contre la décision du 24 janvier 2017 de la chambre supérieure de discipline de l'ordre des vétérinaires : 2. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, saisie d'un appel de la société Le loup blanc et de M. A... dirigé contre une décision de la chambre de discipline de Picardie de l'ordre des vétérinaires du 23 novembre 2012 lui ayant infligé la sanction de l'interdiction d'exercer leur profession pour une durée de trois mois sur l'ensemble du territoire national, la chambre supérieure de discipline de l'ordre des vétérinaires a, par une décision avant-dire droit du 24 janvier 2017, fait droit aux conclusions de la requérante tendant à la récusation du rapporteur désigné pour instruire sa requête d'appel et sursis à statuer sur cette requête dans l'attente du dépôt du rapport d'un nouveau rapporteur. Par une décision du 19 décembre 2018, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a, dès lors qu'une décision de la chambre supérieure de discipline prise sur une demande de récusation du rapporteur ne peut être contestée qu'à l'occasion du pourvoi dirigé, le cas échéant, contre la décision statuant sur les poursuites, rejeté comme irrecevable le pourvoi par lequel la société Le loup blanc demandait l'annulation de cette décision du 24 janvier 2017. Le Conseil d'Etat y a également jugé qu'alors même que cette décision avant-dire-droit avait, de manière surabondante et au demeurant, compte tenu de la récusation à laquelle elle avait fait droit, irrégulière, examiné dans ses motifs le moyen d'appel tiré de la composition de la chambre régionale de discipline de Picardie, elle ne pouvait être regardée que comme se bornant à statuer, avant dire-droit, sur la demande de récusation. 3. Pour les mêmes motifs que ceux retenus par le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, dans sa décision du 19 décembre 2018, mentionnée au point précédent, la décision de la chambre supérieure de discipline de l'ordre des vétérinaires du 24 janvier 2017 doit être regardée comme n'ayant statué, avant-dire droit, que sur la demande de récusation. Il s'ensuit que les moyens présentés à l'appui du présent pourvoi de la société Le loup blanc à l'encontre de cette décision en tant qu'elle s'est prononcée sur la régularité de la composition de la formation de jugement ayant statué en première instance sont inopérants. 4. Il résulte de ce qui précède que les conclusions présentées par la société Le loup blanc aux fins d'annulation de la décision du 24 janvier 2017 de la chambre supérieure de discipline de l'ordre des vétérinaires ne peuvent qu'être rejetées. Sur les conclusions dirigées contre la décision du 22 janvier 2020 de la chambre nationale de discipline de l'ordre des vétérinaires : 5. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 3 que la décision avant-dire-droit du 24 janvier 2017 ne pouvant être regardée comme s'étant prononcée sur le moyen tiré de l'irrégularité de la composition de la formation de jugement de première instance, la chambre nationale de discipline de l'ordre des vétérinaires n'a pas commis d'erreur de droit en se prononçant sur un tel moyen dans sa décision du 22 janvier 2020. En outre, pour juger que M.C..., conseiller ordinal, avait pu régulièrement siéger dans la formation de jugement de première instance ayant rendu la décision du 23 novembre 2012, dès lors qu'à cette date, il était inscrit au tableau de l'ordre des vétérinaires et avait toujours une activité professionnelle en qualité de vétérinaire, la chambre nationale de discipline ne s'est pas fondée sur le contrat de travail produit à l'audience par le président du Conseil national de l'ordre des vétérinaires. Il s'ensuit que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que la procédure a été irrégulière au motif que ce contrat de travail ne lui avait pas été communiqué préalablement à l'audience. 6. En deuxième lieu, en vertu du second alinéa de l'article R. 241-99 du code rural et de la pêche maritime, une société d'exercice libéral de vétérinaires " ne peut faire l'objet de poursuites disciplinaires indépendamment de celles qui seraient intentées à l'encontre des associés exerçant leur profession en son sein ". Il ressort des énonciations de la décision attaquée qu'après avoir relevé, par une appréciation souveraine exempte de dénaturation, que la plainte initiale du 17 mars 2011 de la directrice départementale de la cohésion sociale et de la protection des populations de la Haute-Saône visait explicitement " le cabinet vétérinaire ", en même temps que chacun des associés vétérinaires détenant le capital de la société Le loup blanc, la chambre nationale de discipline n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que les poursuites disciplinaires avaient été, dès lors, régulièrement engagées contre la société, peu important à cet égard que M. A... ait été, à la différence de la société, relaxé en appel. 7. En troisième lieu, aux termes du XIII de l'article R. 242-33 du code rural et de la pêche maritime dans sa version alors applicable : " Il est interdit au vétérinaire de couvrir de son titre toute personne non habilitée à un exercice professionnel vétérinaire, et notamment de laisser quiconque travaillant sous son autorité ou sa responsabilité exercer son activité hors des conditions prévues par la loi ". Il résulte des termes mêmes de la décision attaquée qu'après avoir relevé, par une appréciation souveraine non arguée de dénaturation, que la société Le loup blanc avait, en délivrant des anesthésiques à un éleveur de bovins, permis que ce dernier pratique des césariennes, alors que de tels actes ne peuvent être effectués que par des vétérinaires, la chambre nationale de discipline de l'ordre des vétérinaires en a déduit que la société Le loup blanc avait, ce faisant, méconnu les dispositions du XIII de l'article R. 242-33 du code rural et de la pêche maritime. En statuant ainsi, elle n'a ni inexactement qualifié les faits de l'espèce, ni commis d'erreur de droit. 8. En quatrième lieu, aux termes du XVI de l'article R. 242-46 du code rural et de la pêche maritime : " Sans préjudice des sanctions pénales éventuellement encourues, le non-respect par un vétérinaire des dispositions du code de la santé publique relatives à l'exercice de la pharmacie peut donner lieu à des poursuites disciplinaires. / Le vétérinaire ne doit pas, par quelque procédé ou moyen que ce soit, inciter ses clients à une utilisation abusive de médicaments. / Il doit participer activement à la pharmacovigilance vétérinaire dans les conditions prévues par le code de la santé publique. Il veille à une utilisation prudente et raisonnée des agents antimicrobiens et antiparasitaires afin de limiter le risque d'apparition d'une résistance. " La chambre nationale de discipline, en jugeant que l'absence de mention dans une ordonnance prescrivant un médicament vétérinaire de ce que ce dernier doit faire l'objet d'une période d'attente, soit d'un délai nécessaire entre sa dernière administration à l'animal et l'obtention de données alimentaires provenant de cet animal, était de nature à caractériser la méconnaissance de ces dispositions, n'a pas entaché sa décision d'erreur de droit. 9. En cinquième lieu, aux termes de l'article R. 242-35 du code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction applicable au litige : " La communication doit être conforme aux lois et règlements en vigueur et en particulier aux dispositions du code de la santé publique réglementant la publicité du médicament vétérinaire. / La communication des vétérinaires vis-à-vis de leurs confrères ou des tiers ne doit pas porter atteinte au respect du public et de la profession. Elle doit être loyale, scientifiquement étayée, et ne doit pas induire le public en erreur, abuser sa confiance ou exploiter sa crédulité, son manque d'expérience ou de connaissances. / Les mêmes règles s'appliquent aux communications télématiques ou électroniques destinées au public (forums ou sites de présentation) faisant état, dans leurs adresses ou dans leurs contenus, de textes ou d'images en relation directe ou indirecte avec la profession vétérinaire. Ces communications sont sous l'entière responsabilité de leur auteur. " Aux termes de l'article R. 5141-84 du code de la santé publique, dans sa version applicable au litige : " La publicité en faveur des médicaments vétérinaires auprès du public est autorisée. Toutefois, elle est interdite pour les médicaments prescrits sur ordonnance en application de l'article L. 5143-5. / La publicité ne doit jamais faire apparaître la consultation vétérinaire comme superflue, ni être assortie de promesses ou d'avantages de quelque nature que ce soit, ni utiliser des attestations ou des expertises ". 10. D'une part, les dispositions de l'article R. 242-35 du code rural et de la pêche maritime en ce qu'elles prévoient que la communication des vétérinaires doit être conforme aux dispositions du code de la santé publique réglementant la publicité du médicament vétérinaire et de l'article R. 5141-84 du code de la santé publique, qui autorise la publicité en faveur des médicaments auprès du public, sauf lorsqu'il s'agit de médicaments prescrits sur ordonnance, ne méconnaissent pas, en tout état de cause, les dispositions de l'article 24 de la directive 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur services aux termes desquelles " 1. Les États membres suppriment toutes les interdictions totales visant les communications commerciales des professions réglementées. / 2. (...). Les règles professionnelles en matière de communications commerciales doivent être non discriminatoires, justifiées par une raison impérieuse d'intérêt général et proportionnées ". Au demeurant, l'article 120 du règlement (UE) 2019/6 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 relatif aux médicaments vétérinaires et abrogeant la directive 2001/82/CE prévoit désormais expressément que la publicité pour les médicaments vétérinaires qui sont soumis à ordonnance vétérinaire n'est, en principe, pas autorisée à l'égard du public. 11. D'autre part, il résulte des énonciations de la décision attaquée que la chambre nationale de discipline, après avoir constaté, par une appréciation souveraine non arguée de dénaturation, que la société requérante avait adressé à un éleveur des publicités en faveur de médicaments vétérinaires dont la délivrance est, pour certains d'entre eux, subordonnée à leur prescription par ordonnance, sans d'ailleurs le mentionner, a jugé que la société avait méconnu les dispositions de l'article R. 242-35 citées au point 9 qui prohibent la publicité pour les médicaments vétérinaires soumis à ordonnance. En statuant ainsi, la chambre nationale de discipline, qui, dès lors qu'elle se fondait sur le seul premier alinéa de l'article R. 242-35, n'avait pas à rechercher si les conditions prévues au second alinéa étaient satisfaites, n'a pas commis d'erreur de droit. A cet égard, la circonstance que les associés n'aient pas été eux-mêmes condamnés pour les mêmes faits ne faisait pas obstacle à ce que la chambre nationale de discipline retienne un tel manquement à l'encontre de la société. 12. En sixième lieu, la société requérante ne peut sérieusement soutenir que la condamnation lui ayant été infligée doit être regardée comme ayant été, en réalité, également infligée à l'encontre de M. A..., de sorte qu'une telle condamnation aurait été prononcée en méconnaissance du principe non bis in idem ou de l'autorité attachée à la chose jugée par la décision du 20 janvier 2014 de la chambre supérieure de discipline de l'ordre des vétérinaires qui a relaxé M. A.... 13. En septième et dernier lieu, en infligeant à la société la sanction de l'interdiction d'exercer la profession vétérinaire pour une durée de trois mois sur l'ensemble du territoire national, la chambre nationale de discipline n'a pas prononcé une sanction hors de proportion avec les fautes reprochées. 14. Il résulte de tout ce qui précède que le pourvoi de la société Le loup blanc doit être rejeté, y compris en ce qu'il comporte des conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. D E C I D E : -------------- Article 1er : Le pourvoi de la société Le loup blanc est rejeté. Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société Le loup blanc et au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire. Copie en sera adressée au Conseil national de l'ordre des vétérinaires.
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Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 17 décembre 2007 et 14 mars 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme V... A, demeurant ... ; Mme A demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler le jugement du 11 octobre 2007 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant, en premier lieu, à l'annulation de la décision du 25 septembre 2002 du directeur régional d'Ile-de-France de l'Agence nationale pour l'emploi (ANPE) prononçant sa mise à disposition de l'espace jeune relevant de l'agence locale de l'emploi de Plaisir, en deuxième lieu, à l'annulation de la décision implicite du directeur régional d'Ile-de-France de l'ANPE refusant de mettre fin à sa mise à disposition, en troisième lieu, à l'annulation de la nomination de Mme A... B... au poste d'animatrice d'équipe à l'agence locale de l'emploi de Rambouillet, et, en dernier lieu, à ce qu'il soit enjoint à l'ANPE de reconstituer sa carrière comme animatrice d'équipe avec effet rétroactif à la date de sa mise à disposition ; 2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ; 3°) de mettre à la charge de l'ANPE la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; Vu les autres pièces du dossier ; Vu le code du travail ; Vu la loi n° 89-905 du 19 décembre 1989 ; Vu le décret n° 90-543 du 29 juin 1990 ; Vu le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Thierry Carriol, chargé des fonctions de Maître des Requêtes, - les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de Mme A... et de Me Foussard, avocat de l'Agence nationale pour l'emploi, - les conclusions de M. Julien Boucher, rapporteur public ; La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de Mme A... et à Me Foussard, avocat de l'Agence nationale pour l'emploi ; Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que, par une décision du 25 septembre 2002, le directeur régional d'Ile-de-France de l'ANPE a prononcé l'affectation de Mme A... à l'agence locale de l'emploi de Plaisir en libellant celle-ci comme affectée à l'agence locale pour l'emploi de plaisir-mad mission locale ; que, dans sa demande enregistrée le 20 juillet 2005 au greffe du tribunal administratif de Versailles, Mme A... a demandé, d'une part, l'annulation pour excès de pouvoir de cette décision du 25 septembre 2002, de la décision implicite du directeur régional d'Ile-de-France de l'ANPE refusant de mettre fin à sa mise à disposition et de la nomination de Mme B... au poste d'animatrice d'équipe de l'agence locale de l'emploi de Rambouillet, et, d'autre part, qu'il soit enjoint à l'ANPE de reconstituer sa carrière comme animatrice d'équipe avec effet rétroactif à la date de sa mise à disposition ; que, dans son mémoire en réplique enregistré au greffe du même tribunal le 2 juillet 2007, Mme A... a rappelé que son recours était dirigé à la fois contre la décision implicite de rejet née le 21 mai 2005, et contre la décision initiale d'affectation en date du 25 septembre 2002 ; qu'en jugeant, au vu de ce mémoire en réplique, que les conclusions de Mme A... tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet doivent être regardées comme abandonnées, le tribunal administratif de Versailles a dénaturé les écritures de la requérante ; que par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, Mme A... est fondée à demander l'annulation du jugement attaqué ; Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ; Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du 25 septembre 2002 : Sur les conclusions à fin de non-lieu : Considérant que la circonstance que l'ANPE ait, par une décision du 29 mai 2007, mis fin aux fonctions de Mme A... pour inaptitude n'a pas fait disparaître les décisions attaquées ; que, par suite, les conclusions à fin de non-lieu présentées par l'ANPE ne peuvent qu'être rejetées ; Sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de la demande ; Considérant qu'aux termes de l'article 36 du décret du 29 juin 1990 fixant le statut applicable aux agents de l'ANPE, alors applicable : Un agent statutaire peut avec son accord écrit être mis à disposition des administrations, collectivités territoriales et de leurs établissements publics, d'une association ou d'une entreprise qui assure une mission d'intérêt général tant en France qu'à l'étranger. La mise à disposition résulte d'une convention passée entre l'ANPE et l'organisme d'accueil. / La décision de mise à disposition est prise par le directeur général. / L'agent mis à disposition conserve la qualité d'agent statutaire et continue de percevoir la rémunération correspondant à son emploi. / Son déroulement de carrière s'opère dans les conditions fixées à l'article 38. ; qu'en vertu de l'article 7 de la loi du 19 décembre 1989 favorisant le retour à l'emploi et la lutte contre l'exclusion professionnelle, alors applicable : Des missions locales pour l'insertion professionnelle et sociale des jeunes peuvent être constituées entre l'Etat, des collectivités territoriales, des établissements publics, des organisations professionnelles et syndicales et, le cas échéant, des associations. / Elles prennent la forme d'une association ou d'un groupement d'intérêt public. (...) ; Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme A... a demandé par écrit, le 5 septembre 2002, à être mutée sur le poste de conseiller principal animateur d'équipe à l'agence locale de l'emploi de Plaisir ; que, par sa décision du 25 septembre 2002, le directeur régional d'Ile-de-France de l'ANPE l'a mutée à l'agence locale de l'emploi de Plaisir et affectée à la mission locale constituée sous forme d'association, à laquelle cette agence participe ; que l'affectation de l'intéressée à cette structure alors qu'elle était rémunérée par l'ANPE et poursuivait sa carrière dans le corps des fonctionnaires de cet établissement auquel elle appartenait ne pouvait statutairement être opéré que par la voie de la mise à disposition et qu'à défaut d'avoir recueilli l'accord écrit de l'intéressée pour la mettre à disposition de cette structure externe à l'agence elle-même, la décision attaquée est entachée d'un vice de procédure ; que, par suite, Mme A... est fondée à demander l'annulation pour excès de pouvoir de cette décision ; Sur les conclusions à fin d'annulation de la nomination de Mme B... : Considérant que les moyens présentés au soutien des conclusions tendant à l'annulation de la décision de nomination de Mme B au poste d'animatrice d'équipe à l'agence locale de l'emploi de Rambouillet ne sont pas assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé ; que ces conclusions ne peuvent donc qu'être rejetées ; Sur les conclusions à fin d'injonction : Considérant qu'il résulte des dispositions précitées de l'article 36 du décret du 29 juin 1990 que la mise à disposition d'un agent de l'ANPE est sans conséquence sur ses droits à rémunération statutaire et à avancement, l'intéressée étant réputée continuer à servir dans les cadres du corps auquel elle appartient ; que, par ailleurs, Mme A... n'a aucun droit au versement à titre rétroactif de primes de fonction correspondant à un emploi d'animatrice d'équipe qu'elle n'a pas occupé ; que, dès lors, la présente décision annulant la décision du 25 septembre 2002 n'implique pas que Pôle emploi procède à une reconstitution de la carrière de l'intéressée ; que les conclusions à fin d'injonction présentées en ce sens par Mme A... sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative ne peuvent donc qu'être rejetées ; Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de Mme A..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à Pôle emploi, venant aux droits de l'ANPE, de la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Pôle emploi le versement à Mme A... de la somme de 2 000 euros en application des mêmes dispositions ; D E C I D E : -------------- Article 1er : Le jugement du 11 octobre 2007 du tribunal administratif de Versailles est annulé. Article 2 : La décision du 25 septembre 2002 du directeur régional d'Ile-de-France de l'ANPE ainsi que, par voie de conséquence, la décision implicite de rejet de la demande de fin de mise à disposition de Mme A... sont annulées. Article 3 : Pôle emploi versera à Mme A... une somme de 2 000 euros[t2] au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Le surplus des conclusions du pourvoi et de la demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Versailles est rejeté. Article 5 : Les conclusions de Pôle emploi tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 6 : La présente décision sera notifiée à Mme V... A... et à Pôle emploi.