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R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 25 NOVEMBRE 2020 La société Kpmg, société anonyme, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° Y 18-24.841 contre l'arrêt rendu le 31 octobre 2018 par la cour d'appel de Rennes (9e chambre prud'homale), dans le litige l'opposant à M. F... E..., domicilié [...] , défendeur à la cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Sornay, conseiller, les observations écrites de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Kpmg, de la SCP Spinosi et Sureau, avocat de M. E..., après débats en l'audience publique du 7 octobre 2020 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Sornay, conseiller rapporteur, Mme Monge, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision. 1. Les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. 2. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi. EN CONSÉQUENCE, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société Kpmg aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Kpmg et la condamne à payer à M. E... la somme de 3 000 euros ; Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq novembre deux mille vingt. MOYENS ANNEXES à la présente décision Moyens produits par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société Kpmg PREMIER MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué, confirmatif de ce chef, d'AVOIR condamné la SA KPMG à verser à Monsieur E... les sommes de 11.537,34 € brut au titre des heures supplémentaires, outre l'indemnité compensatrice de congés payés y afférente, et de 2.455,92 € au titre du compte épargne temps ; AUX MOTIFS QUE « Sur la demande en paiement d'un rappel d'heures supplémentaires. M. F... E... a initialement été recruté par la Sa CABINET COLLIN, ultérieurement dénommée CIGEST CONSEILS, en contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel à compter du 1er octobre 1999 pour assurer la supervision d'un portefeuille de clients dans le domaine des pharmacies, catégorie cadre-niveau 3-coefficient 330 de la convention collective nationale des cabinets d'experts-comptables, comptables agréés, et commissaires aux comptes, moyennant en contrepartie une rémunération de 9 500 Francs bruts pour 104 heures mensuelles, durée du travail portée à un équivalent temps plein après le 1er juillet 2004. A compter du 14 mars 2013, la Sa KPMG est devenue l'actionnaire unique de la Sa CIGEST CONSEILS, opération ayant emporté le transfert du contrat de travail de M. F... E... à la Sa KPMG avec effet au 1er octobre 2014 en vertu des dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail. Aux termes d'une correspondance du 12 novembre 2014, la Sa KPMG a remis à M. F... E... un projet de « Contrat de collaboration salariée — Temps plein» stipulant notamment à son article 4, aux visas de l'accord collectif KPMG du 22 décembre 1999, des articles L. 3121-39, L. 3121-40, L. 3121-43 à L. 3121-48 du code du travail, ainsi que l'article 8-1-2-5 de la convention collective nationale précitée, le principe d'« une convention de forfait en jours dans la limite de 218 jours ouvrés par année sociale KPMG SA », projet que le salarié a refusé dans une réponse du 27 novembre. Au soutien de sa demande en paiement d'un rappel d'heures supplémentaires, M. F... E... -rappelle d'une manière générale qu'il n'a conclu aucune convention individuelle de forfait avec la partie adverse, convention devant être par ailleurs prévue dans son principe par une norme collective dont les stipulations doivent assurer la garantie du respect des durées maximales de travail ainsi que des repos journaliers et hebdomadaires ; -précise que lors de son passage d'un temps partiel à un temps plein courant 2004 aucun avenant n'a été conclu avec son employeur de l'époque, et qu'il n'a donc jamais été régularisé de convention individuelle de forfait en jours, raison pour laquelle la Sa KPMG lui a soumis pour signature un avenant en ce sens qu'il a refusé puisque modifiant son contrat de travail dans un de ses éléments essentiels ; - indique d'évidence que ses responsabilités impliquaient la réalisation d'heures supplémentaires qu'il chiffre, au vu de son décompte récapitulatif, à la somme de 11 537,34 €.
Cour d'appel de Rennes 9P, Cour de cassation Chambre sociale, décision 18-24.841 du 25/11/2020, partie 1
En réponse, pour s'opposer à cette réclamation salariale, la Sa KPMG soutient n'avoir aucunement manqué à ses obligations essentielles sur ce point puisque courant octobre 2004, époque de l'intégration des salariés de la société CIGEST CONSEILS en son sein, il a été rappelé à M. F... E... l'existence d'un accord collectif d'entreprise sur l'aménagement du temps de travail qui prévoit expressément un décompte de la durée du travail en jours pour les personnels relevant de la catégorie cadre, qu'indépendamment du libellé des bulletins de paie faisant état d'une rémunération sur une base de 35 heures mensuelles (151,67 heures mensuelles), ceux-ci mentionnent l'acquisition de jours de RTT qui ne concernent que les seuls salariés de la catégorie cadre dont la durée du travail est régie par une convention de forfait-jours, et que l'appelant « était contractuellement assujetti à une convention de forfait en jours du temps de la Société Cigest Conseils, puis au sein de la Société KPMG par l'effet des dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail ». Contrairement à ce que soutient la Sa KPMG, le contrat de travail de M. F... E... conclu en octobre 1999 avec la Sa CABINET COLLIN, qui deviendra la société CIGEST CONSEILS, initialement à temps partiel puis à temps plein à compter de juillet 2004, ne comporte aucune clause instaurant le principe d'une convention de forfait annuel en jours, situation que la société appelante connaissait d'autant mieux qu'elle lui avait soumis pour signature un projet d' avenant courant octobre 2004 dont l'article 4 prévoit « une convention de forfait en jours dans la limite de 218 jours ouvrés par année sociale KPMG S.A », projet contemporain du transfert de son contrat de travail à celle-ci et qu'il était en droit de refuser. Il convient de rappeler que pour être valable, la convention de forfait, quelle que soit la formule retenue, doit résulter d'un accord exprès entre les parties, même si le principe en est posé par la convention collective ou un accord collectif d'entreprise, et que la rédaction d'un écrit est exigée s'agissant des salariés de l'encadrement qui ne font partie ni des cadres dirigeants ni des cadres intégrés à un horaire collectif. Dès lors qu'en l'espèce, il n'est pas satisfait à ces conditions de validité, il y a lieu de dire que la Sa KPMG ne peut à bon droit opposer à l'intimé une convention de forfait annuel en jours. M. E... étaye sa demande de rappel d'heures supplémentaires en produisant aux débats les éléments suivants : -ses feuilles de temps sur toute la période au service de la Sa KPMG d'octobre 2014 à avril 2015 et qui laissent apparaître des dépassements récurrents de son temps de travail (pièces 29, 30) ; -un décompte détaillé par semaine de ces mêmes dépassements d'heures travaillées sur les années 2014/2015 recensant précisément les heures effectuées par rapport aux heures légales pour en déduire le total des heures supplémentaires réalisées (pièce 31). En réponse à ces données objectives, crédibles, et non dénuées de pertinence, la Sa KPMG met en avant « l'inconsistance du décompte » établi par l'intimé, son «insincérité », sans une réelle démonstration argumentée de sa part pour conclure de manière péremptoire à ce qu'« il est impossible d'accorder le moindre crédit aux heures renseignées par M E... » dès lors, prétend-t-elle, que sa demande est « la conséquence d'une analyse à géométrie variable de la portée de ses engagements contractuels selon que son employeur se nomme Cigest Conseils ou KPMG, qui il n'a jamais sollicité l'autorisation d'effectuer des heures supplémentaires, et n'a donc pas été autorisé à en effectuer ... [et] que M. E... n'utilise pas de façon adéquate le logiciel de saisie des temps » ; étant observé par la cour sur ce dernier point que l'intimé a bien utilisé une méthode de décompte intitulée « Timesheet » à l'entête de la Sa KPMG qui lui oppose un contre décompte (sa pièce 51/1) à la journée par trop général et sans de plus amples explications quant à la méthode suivie, ce qui le rend en soi critiquable par manque de transparence. Pour l'ensemble de ces raisons, confirmant le jugement entrepris, la Sa KPMG sera condamnée à régler à M. E... la somme de 11537,34 € à titre de rappel d'heures supplémentaires, et 1153,73 € de congés payés afférents, avec intérêts au taux légal » ; ET AUX MOTIFS QUE « Sur le rappel au titre du compte épargne temps de M. F... E..., considérant que celui-ci était crédité de 25 jours lors de la rupture du contrat de travail et que seuls 13 jours ont alors donné lieu à une contrepartie financière, étant par ailleurs rappelé que ce dernier a établi son décompte de rappel d'heures supplémentaires sous déduction de ses jours de RTT, après infirmation de la décision querellée, il convient de condamner la Sa KPMG à lui payer la somme à ce titre de 2 455,92 € majorée des intérêts au taux légal partant de la réception par l'employeur de sa convocation en bureau de conciliation » ;
Cour d'appel de Rennes 9P, Cour de cassation Chambre sociale, décision 18-24.841 du 25/11/2020, partie 2
ET AUX MOTIFS DES PREMIERS JUGES A LES SUPPOSER ADOPTES QUE « Monsieur E... travaillait effectivement dans le cadre d'un forfait en jours, tel que le démontrent les bulletins de salaire mentionnant «Forfait annuel 218 jours », Attendu que pour recourir au forfait annuel en jours, l'employeur doit obtenir l'accord exprès, de chaque salarié concerné, Attendu, en effet, que la durée de travail des cadres autonomes, au sens de l'ancien article L.3121-38 du Code du Travail, peut être fixée par des conventions individuelles de forfait établies sur une base hebdomadaire, mensuelle ou annuelle et qu'il en résulte que ces conventions doivent obligatoirement être passées par écrit, Attendu qu'aucune convention de forfait en jours n'a été régularisée par le salarié, Attendu les pièces versées au débat par Monsieur E... attestant des heures réalisées depuis le 1er janvier 2014, Attendu qu'à défaut d'une convention de forfait en jours valide, il y a lieu de dire que le régime horaire applicable au salarié est celui fixé par la réglementation, à savoir un horaire hebdomadaire de 35 heures » ; 1. ALORS QUE constituent des heures supplémentaires toutes les heures de travail effectuées au-delà de la durée hebdomadaire du travail ou de la durée considérée comme équivalente ; que cette durée du travail hebdomadaire s'entend des heures de travail effectif et des temps assimilés ; qu'en l'absence de dispositions légales ou conventionnelles, les jours de congés payés ou les jours de réduction du temps de travail (JRTT) ne peuvent être assimilés à du temps de travail effectif, de sorte qu'en l'absence d'usage contraire en vigueur dans l'entreprise, l'employeur n'est pas tenu de prendre en compte les jours de réduction du temps de travail dans l'assiette de calcul des heures supplémentaires ; qu'au regard de la convention de forfait annuel appliquée par la Société KPMG à Monsieur E..., en contrepartie du forfait de 218 jours par an, le salarié s'était vu accorder dix jours de réduction du temps de travail par an ; qu'à supposer que cette convention de forfait soit inopposable au salarié et lui permette de solliciter le paiement de rappels d'heures supplémentaires au-delà de 35 heures par semaine, les dix journées de réduction du temps de travail accordées en contrepartie de la convention de forfait ne pouvaient se cumuler avec le paiement des heures supplémentaires ; qu'en accordant néanmoins à Monsieur E... l'intégralité des sommes réclamées au titre du rappel d'heures supplémentaires et du compte épargne-temps abondé par les JRTT accordés au salarié en application de ladite convention de forfait, la cour d'appel a violé les articles L. 3121-1, L. 3171-4, L. 3121-22 et L. 3121-14 du code du travail dans leur version applicable au litige ; 2. ALORS QU‘en condamnant la Société KPMG au paiement de rappels d'heures supplémentaires au regard de la nullité la convention de forfait qui avait été appliquée à Monsieur E..., tout en lui accordant un rappel de salaire au titre du compte épargne-temps abondé par les jours de réduction du temps de travail attribués en vertu de cette même convention de forfait, la cour d'appel a violé les articles L. 1221-1, L. 3151-1 et L. 3151-2 du code du travail, dans leur version applicable au litige ; 3. ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QUE le salarié ne peut se contenter de faire état de son amplitude journalière de travail pour étayer sa demande de rappel d'heures supplémentaires dès lors qu'il ne démontre pas que l'ensemble des heures contenues dans cette amplitude étaient effectivement travaillées ; qu'en se fondant sur les feuilles de temps de Monsieur E... indiquant des dépassements de son temps de travail sur la période en cause pour en déduire l'accomplissement d'heures supplémentaires impayées, sans répondre au moyen par lequel la Société KPMG soutenait que les heures comptabilisées par le salarié intégraient des temps de trajet lieu de travail/domicile non assimilables à du temps de travail effectif, ainsi que des temps consacrés par l'intéressé à la société (la SARL AXE AVENIR TRANSMISSION) qu'il avait créée avec son fils (conclusions p. 15 et 16 et p. 35), la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. DEUXIEME MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la SA KPMG à verser à Monsieur E... la somme de 32.854,69 € net à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé ; AUX MOTIFS QUE « Sur le travail dissimulé : Contrairement à ce que prétend la Sa KPMG, c'est bien de manière intentionnelle, volontaire, qu'elle s'est rendue coupable de travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié, au sens de l'article L. 8221-5 du code du travail dès lors que, nonobstant le refus de M. F... E... de conclure l'avenant courant novembre 2014, elle lui a appliqué d'autorité, de manière unilatérale, le forfait de 218 jours travaillés à l'année, comme cela ressort des bulletins de paie qu'elle a établis avec la mention explicite « nombre de jours contractuels, forfait annuel 218 jours », cela pour ne pas avoir à s'acquitter du paiement des heures supplémentaires effectuées par celui-ci.
Cour d'appel de Rennes 9P, Cour de cassation Chambre sociale, décision 18-24.841 du 25/11/2020, partie 3
Cet élément intentionnel est d'autant plus caractérisé que la Sa KPMG ne peut sérieusement ignorer les règles prévalant en la matière et se retrancher derrière son « absolue bonne foi », eu égard au contexte venant d'être rappelé. En application de l'article L.8223-1 du code du travail, confirmant la décision déférée, la Sa KPMG sera ainsi condamnée à payer à l'intimé la somme de 32 854,69 € (5 475,78 € de rémunération moyenne - heures supplémentaires comprises - x 6 mois) à titre d'indemnité forfaitaire égale à six mois de salaires pour travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié, avec intérêts au taux légal partant de son prononcé » ; ET AUX MOTIFS DES PREMIERS JUGES, A LES SUPPOSER ADOPTES, QUE « les dispositions de l'article L. 8221-5 du Code du Travail lesquelles mentionnent que le caractère intentionnel est primordial dans l'appréciation du travail dissimulé, Attendu que la société KPMG ne pouvait méconnaître la situation contractuelle de Monsieur E... au regard du forfait en jours l'ayant placé dans ce régime horaire, comme le montrent les bulletins de salaire, tout en lui demandant de régulariser une convention de forfait pour y renoncer par la suite, Attendu que des heures supplémentaires ont été réalisées et que le présent jugement donne droit au salarié au paiement de ces heures, Attendu qu'il y a, en conséquence, lieu de dire que le caractère intentionnel est avéré en dépit de l'argumentation de l'employeur ; En conséquence, le Conseil de Prud'hommes de QUIMPER, en sa section Encadrement, condamne la société KPMG au paiement de la somme de 32 854,69 € à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé » ; 1. ALORS QUE la cassation à intervenir sur le premier moyen entraînera, par voie de conséquence, en application de l'article 624 du code de procédure civile, la censure de l'arrêt en ce qu'il a condamné la Société KPMG à verser au salarié une somme à titre d'indemnité pour travail dissimulé, au regard du lien de dépendance nécessaire qui existe entre ces deux chefs de l'arrêt attaqué ; 2. ALORS QU'en vertu de l'article L.8221-5 du code du travail, le délit de travail dissimulé n'est caractérisé que lorsque l'employeur s'est soustrait de manière intentionnelle à l'accomplissement des formalités prévues par l'article L 3243-2 du Code du travail ; que le caractère intentionnel ne peut se déduire de la seule application d'une convention de forfait illicite ; qu'en déduisant l'intention de dissimulation d'activité du constat selon lequel la convention de forfait qui lui a été appliquée était inopposable à Monsieur E..., cependant que la seule mise en oeuvre d'une convention de forfait illicite ne pouvait caractériser en soi l'existence de l'élément intentionnel, la cour d'appel a violé les articles L. 8221-1 et L. 8221-5 du code du travail. TROISIEME MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué, infirmatif sur ce point, d'AVOIR prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail ayant lié les parties aux torts exclusifs de la Société KPMG avec effet au 22 avril 2015 et d'AVOIR, en conséquence, condamné la Société KPMG à payer à Monsieur E... les sommes de 16.427,34 € d'indemnité compensatrice conventionnelle de préavis, et 1.642,73 € de congés payés afférents, 21.598,91 € d'indemnité conventionnelle de licenciement, 66.000 € de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; AUX MOTIFS QUE « Sur la résiliation judiciaire du contrat de travail : M. F... E... a saisi le conseil de prud'hommes de Quimper le 16 mars 2015 de diverses demandes dont celle aux fins de voir prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de la Sa KPMG. Aux termes d'une correspondance du 1er avril 2015, la Sa KPMG a convoqué M. F... E... à un entretien préalable prévu le 15 avril avec mise à pied conservatoire, et à l'issue duquel elle lui a notifié le 22 avril 2015 son licenciement pour faute grave au motif d'une manière générale d'« une réticence certaine à adhérer aux valeurs KPMG et plus généralement à accepter les conséquences du transfert du lien contractuel de la Société Cigest vers KPMG », reproche lui étant fait notamment d'avoir « refusé de signer [son] contrat de travail par courrier du 27 novembre 2014 ». Quand un salarié demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, tout en continuant à travailler à son service, et que celui-ci le licencie pour d'autres faits survenus au cours de la poursuite de l'exécution du contrat de travail, le juge doit tout d'abord rechercher si cette demande de résiliation est ou non justifiée, et que c'est seulement dans le cas contraire qu'il doit alors se prononcer sur le caractère bien-fondé de ce licenciement.
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Autrement exposé, si le salarié est licencié avant que le juge du fond n'ait statué sur la demande initiale de résiliation dont il l'a saisi, convient-il tout d'abord pour la juridiction prud'homale de se prononcer sur cette même demande, et que c'est seulement dans l'hypothèse où elle n'est pas jugée justifiée qu'il sera statué sur le licenciement. Pour conclure à « l'absence d'obstacle à la poursuite du contrat de travail », la Sa KPMG développe l'argument selon lequel « il est en effet acquis que les prétentions de M E... sont dictées par la mauvaise foi, ayant pour origine l'exploitation d'une faille juridique résidant dans l'absence de production d'un avenant concrétisant son passage au forfait jours au moment de son passage à temps plein en 2004 ». Outre les inobservations relevées portant sur le complément de 13ème mois et le défraiement au titre des déplacements professionnels réalisés, le fait pour la Sa KPMG d'être finalement passée en force en imposant à M. F... E... un décompte de son temps de travail dans le cadre d'un forfait annuel en jours, alors même qu'il avait refusé de signer l'avenant en novembre 2014, à seule fin de ne pas lui payer les heures supplémentaires effectuées, est constitutif d'un manquement d'une gravité suffisante de nature à empêcher la poursuite entre les parties de l'exécution du contrat de travail. Infirmant le jugement critiqué, il y a lieu en conséquence de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail ayant lié les parties aux torts exclusifs de la Sa KPMG, avec toutes conséquences indemnitaires de droit et prise d'effet au 22 avril 2015, date de notification du licenciement, ce qui conduit la cour à la condamner à régler à l'intimé les sommes suivantes : -16 427,34 € d'indemnité compensatrice conventionnelle de préavis équivalente à trois mois de salaires (5 475,78 e de rémunération moyenne - heures supplémentaires comprises - x 3 mois) et 1 642,73 € de congés payés afférents 21 598,91 € d'indemnité conventionnelle de licenciement 66 000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sur le fondement de l'article L. 1235-3 du code du travail, représentant l'équivalent de 12 mois de salaires (5 475,78 € x 12), compte tenu de son ancienneté (15 années et demi) et de son âge (58 ans) lors de la rupture. Sont assorties des intérêts au taux légal partant de la date de réception par l'employeur de sa convocation en bureau de conciliation les indemnités conventionnelles de rupture, et à compter du présent arrêt la somme allouée à M. F... E... à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse » ; 1. ALORS QUE la cassation entraîne, sans qu'il y ait lieu à une nouvelle décision, l'annulation par voie de conséquence de toute décision qui est la suite, l'application ou l'exécution du jugement cassé ou qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire ; que, par application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation, sur le fondement du premier moyen de cassation, des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant la Société KPMG au paiement de rappels d'heures supplémentaires entraînera, par voie de conséquence, la censure du chef de dispositif prononçant la résiliation du contrat de travail aux torts de la Société KPMG au regard du lien de dépendance nécessaire qui existe entre ces deux chefs de l'arrêt ; 2. ALORS QUE seul un manquement de l'employeur de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail peut justifier la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur ; qu'il appartient au salarié sollicitant la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur d'en apporter la preuve ; que par ailleurs la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail doit être écartée lorsque les faits invoqués à son appui ont cessé au jour où les juges statuent ; que pour faire droit à la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail à effet du 22 avril 2015, la cour d'appel a considéré que justifiait cette résiliation le fait pour la Société KPMG d'avoir imposé à Monsieur E... un décompte de son temps de travail dans le cadre d'un forfait annuel en jours, alors même qu'il avait refusé de signer l'avenant en novembre 2014 ; qu'en statuant ainsi sans tenir compte du moyen, étayé par des pièces, par lequel la société précisait avoir pris acte en février 2015 du refus du salarié de travailler au forfait et lui avait appliqué, conformément à son souhait, un décompte de son temps de travail selon la durée légale de 35 heures hebdomadaires à compter du mois de février 2015, de sorte que le grief invoqué par le salarié avait disparu dès cette période et n'avait pu rendre impossible la poursuite du contrat de travail ni justifier ultérieurement le prononcé de la résiliation judiciaire du contrat de travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1221-1 et L.1231-1 du code du travail et 1103, 1104, 1193 et 1224 du code civil ;
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3. ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QUE la mise en demeure préalable du débiteur de l'obligation procède de l'exigence de bonne foi et de loyauté du créancier face à la survenance d'une inexécution contractuelle ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a fait droit à la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur en raison de l'application irrégulière d'une convention de forfait ; qu'en statuant ainsi sans constater qu'une mise en demeure préalable ait été adressée par le salarié à l'employeur sur ce point, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1221-1, L. 1222-1 et L. 1231-1 du code du travail, ensemble les articles 1135, 1139 et 1184 du code civil dans leur rédaction applicable, antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016. QUATRIEME MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté la Société KPMG de sa demande indemnitaire reconventionnelle tendant à la condamnation de Monsieur E... au paiement de la somme 150.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par la Société KPMG ; AUX MOTIFS QU' « au soutien de sa demande reconventionnelle de dommages-intérêts, la Sa KPMG, contre laquelle il a été prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail à ses torts exclusifs, affirme sans réelle démonstration que M. F... E... aurait commis des «agissements déloyaux» dans l'intention de nuire à ses intérêts, qu'il aurait ainsi «sciemment sacrifié l'intérêt supérieur de ses collaborateurs, donc l'intérêt de l'entreprise, sur l'autel de son intérêt personnel et de la guerre qu'il disait livrer à KPMG », et qu'il se serait livré à une activité au sein d'une entreprise concurrente. En conséquence, il convient de confirmer la décision déférée en ce qu'elle a rejeté la demande de dommages-intérêts de la Sa KPMG de ce chef (150 000 €) » ; ET AUX MOTIFS DES PREMIERS JUGES, A LES SUPPOSER ADOPTES, QUE « La SA KPMG sera également déboutée de sa demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait des agissements de Monsieur E..., qui auraient été déloyaux, au motif que les pièces versées aux débats ne sont pas suffisamment probantes pour justifier de la responsabilité de Monsieur E... dans la perte de chiffre d'affaires » ; ALORS QU'en se bornant à retenir que la Société KPMG ne démontrait pas les agissements déloyaux reprochés au salarié tendant à se livrer, pendant l'exécution de son contrat de travail, à une activité au sein d'une entreprise concurrente afin de détourner la clientèle de la Société KPMG, sans prendre en compte ni s'expliquer sur les conclusions détaillées, étayées par de nombreuses pièces, développées sur ce point par l'exposante (conclusions p. 18 à 20, 30 à 33 et 41 à 43), la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.
Cour d'appel de Rennes 9P, Cour de cassation Chambre sociale, décision 18-24.841 du 25/11/2020, partie 6
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 25 NOVEMBRE 2020 Mme C... R..., domiciliée [...] , a formé le pourvoi n° Z 19-16.106 contre l'arrêt rendu le 7 mars 2019 par la cour d'appel de Rouen (chambre sociale et des affaires de sécurité sociale), dans le litige l'opposant : 1°/ à la société Groupement forestier dit Domaine de Beaumont-le-Roger, dont le siège est [...] , 2°/ à la société Scierie de la Croix Maître Renault, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , défenderesses à la cassation. La société Groupement forestier dit Domaine de Beaumont-le-Roger a formé un pourvoi incident contre le même arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Duval, conseiller référendaire, les observations écrites de la SCP Didier et Pinet, avocat de Mme R..., de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Groupement forestier dit Domaine de Beaumont-le-Roger, de la SCP Foussard et Froger, avocat de la société Scierie de la Croix Maître Renault, après débats en l'audience publique du 6 octobre 2020 où étaient présents Mme Farthouat-Danon, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Duval, conseiller référendaire rapporteur, M. Ricour, conseiller, Mme Rémery, avocat général, et Mme Jouanneau, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision. 1. Les moyens uniques de cassation annexés aux pourvois principal et incident, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. 2. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces pourvois. EN CONSÉQUENCE, la Cour : REJETTE les pourvois tant principal qu'incident ; Laisse à chaque partie la charge des dépens par elle exposés ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq novembre deux mille vingt. MOYENS ANNEXES à la présente décision Moyen produit, au pourvoi principal, par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour Mme R... Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR constaté l'existence d'un contrat de travail entre Mme R... et la société Scierie de la croix maître Renault pour les périodes du 3 septembre 1991 au 1er janvier 2006, puis du 1er juillet 2013 jusqu'au 30 mai 2014 ; AUX MOTIFS QUE Mme R..., qui se prévaut de la qualité de salarié, fait valoir que : - la société, en la licenciant, a reconnu l'existence d'un contrat de travail et ne peut se contredire à ses dépens en invoquant une gestion de fait ; - elle a toujours perçu un salaire et des bulletins de paie correspondants ; - le lien de subordination ne fait aucun doute car jusqu'en 2004 elle travaillait sous la responsabilité du régisseur, M. M... , puis, sous l'autorité de M et Mme Z..., gérants de la scierie, dont elle exécutait les ordres et auxquels elle référait, M. U... Z... ne présentant aucune altération de ses facultés intellectuelles contrairement à ce qui est soutenu par ses adversaires ; - elle n'a jamais eu aucun pouvoir de décision concernant ses relations avec les fournisseurs, dont elle ne payait les factures qu'après accord de M. Z... ; - le fait qu'elle ait la signature bancaire ne la dispensait pas d'agir sous la direction et l'autorité de son employeur, elle-même ne prenant aucune décision financière et la délégation sur le contrat de location d'un coffre est seulement lié au fait qu'il contenait des documents compromettants concernant une « caisse noire » très importante dont elle assurait la comptabilité ; - au plan fiscal et comptable, en sa qualité d'attachée de direction, elle s'occupait effectivement de la comptabilité de la scierie mais toujours sous la direction et l'autorité de la gérance et sous le contrôle du cabinet d'expertise comptable ; - au plan social, ce n'était pas elle qui décidait de l'embauche des salariés, ni de leurs congés ; - elle ne décidait pas non plus des dons faits par l'entreprise ; qu'elle conteste les accusations de comportements fautifs et pratiques illicites formulées contre elle, faisant valoir qu'en plus de 25 ans au service de la scierie et du groupement, aucun reproche ne lui a jamais été fait, aucune plainte n'ayant été déposée ; qu'elle affirme qu'en tout état de cause, la qualification de dirigeant de fait ne fait pas obstacle à l'existence d'un contrat de travail dès lors que celui-ci correspond à un emploi effectif, ce qui est le cas en l'espèce ;
Cour d'appel de Rouen, Cour de cassation Chambre sociale, décision 19-16.106 du 25/11/2020, partie 1
que la société Scierie de la croix maître Renault soutient que Mme R..., excédant le seuil normal de son intervention en tant que salariée, progressivement et profitant de l'état de santé déficient de M. Z..., s'est immiscée dans la gestion, l'administration, la direction de la société dans des conditions telles qu'elle doit être qualifiée de dirigeante de fait et qu'elle est en droit, nonobstant le fait qu'elle ait procédé à un licenciement, de contester l'existence d'un contrat de travail, ce d'autant que les faits sur lesquels elle s'appuie ont été pour la plupart constatés postérieurement à son départ ; qu'au soutien de ses allégations, elle fait valoir que : - Mme R... bénéficiait d'une délégation de tous les pouvoirs confiés statutairement à la gérance que ce soit vis-à-vis des tiers ou des organismes bancaires, abusant de ces délégations pour procéder à des transferts de fonds entre le groupement forestier dont elle n'était pourtant pas salariée au profit de la scierie, commettant ainsi un abus de biens sociaux ; - elle était l'interlocutrice qualifiée vis-à-vis des tiers, notamment engageant la société auprès des fournisseurs pour des montants extrêmement conséquents et signant les lettres de change, sans pouvoir justifier qu'elle avait sollicité et obtenu l'accord du gérant de droit ; - vis-à-vis des organismes bancaires, elle avait une procuration générale sur les comptes bancaires, était colocataire d'un coffre auprès de la banque dont elle était l'unique détentrice de la clé, négociait personnellement les découverts bancaires et effectuait diverses opérations relevant de la gestion de la société sans avoir demandé l'aval de quiconque ni rendu compte ; - elle a signé l'acte d'acquisition de parts d'une autre société au nom de la scierie ; - elle était la seule interlocutrice qualifiée auprès des services fiscaux signant la déclaration d'impôts et de TVA au nom de la société et gérait seule la comptabilité ; - au plan social, elle procédait seule à l'embauche des salariés, gérait leurs congés, leur consentait des avances sur salaires correspondant à des crédits ; - décidait de libéralités pour la société ; qu'elle ajoute que Mme R... a largement outrepassé ses pouvoirs pour se livrer à des malversations découvertes après son départ (mise en place de caisses noires dont elle a profité, détournement de fonds à son profit et au profit de membres de sa famille, règlements en espèces importants non entrés en comptabilité, activités rémunérées pendant son temps de travail et avec les moyens de l'entreprise pour d'autres entités juridiques que la scierie dont un groupement forestier) : que le groupement forestier allègue que Mme R... n'était pas sa salariée et pour l'essentiel emploie la même argumentation que la scierie s'agissant de l'existence d'une gestion de fait de la part de l'appelante incompatible avec l'existence d'un contrat de travail et de l'absence de lien de subordination ; que la cour rappelle qu'il résulte des articles L.1221-1 et suivants du code du travail que le contrat de travail suppose un engagement à travailler pour le compte et sous la subordination d'autrui moyennant rémunération ; que le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; que la gérance de fait, qui suppose, d'une part, l'accomplissement d'actes positifs de gestion et de direction engageant la société, d'autre part, l'exercice de ces actes en toute liberté et en toute indépendance, de façon continue et régulière, est exclusive du contrat de travail ; que l'existence d'un contrat de travail dépend, non pas de la volonté manifestée par les parties ou de la dénomination de la convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité du travailleur ; qu'en présence d'un contrat de travail écrit ou apparent, il appartient à celui qui entend en contester l'existence de rapporter la preuve de son caractère fictif ; qu'en l'absence d'écrit ou d'apparence de contrat, il appartient à celui qui invoque un contrat de travail d'en rapporter la preuve ; que la qualité de gérant de fait ne se présumant pas, il incombe à celui qui s'en prévaut d'en rapporter la preuve ; qu'en l'espèce, la production de bulletins de paie et la notification d'une lettre de licenciement sont à elles seules suffisantes pour créer l'apparence d'un contrat de travail entre Mme R... et la Scierie de la croix maître Renault mais n'interdisent pas à cette dernière de contester l'existence du lien de subordination ; que, s'agissant du groupement forestier, de telles pièces ne sont pas versées aux débats, il n'existe donc pas de contrat de travail apparent ; qu'il est attesté de ce que depuis 2005/2006, les facultés physiques, intellectuelles et cognitives de M. U... Z..., gérant de droit de la scierie, se sont progressivement affaiblies, son cardiologue notamment, indiquant avoir constaté en juin 2011 qu'il était atteint d'une leucopathie vasculaire évoluée responsable de troubles du comportement et de la marche et qu'il présentait également des troubles de l'élocution ainsi que des pertes de mémoire ; qu'il est d'ailleurs reconnu par Mme R... que les Z... « n'étaient jamais présents à la scierie et ne venaient qu'à de rares occasions » ;
Cour d'appel de Rouen, Cour de cassation Chambre sociale, décision 19-16.106 du 25/11/2020, partie 2
que l''incapacité du gérant de droit ou à tout le moins son indisponibilité au cours des cinq ou six années qui ont précédé la saisine du conseil de prud'hommes est ainsi avérée ; qu'il est par ailleurs justifié par des documents bancaires, factures, devis, bons de commande, attestations et correspondances électroniques versés aux débats par la scierie et le groupement forestier que : - Mme R... a reçu le 27 octobre 2004, tous pouvoirs pour représenter Mme Z..., gérante de droit, et agir, tant vis-à-vis des tiers que des banques, pour la bonne marche du groupement forestier, conformément aux droits conférés par les statuts ; - Mme R..., qui avait reçu procuration générale sur les comptes bancaires de la scierie et du groupement forestier depuis 2004, a, notamment, sollicité des augmentations de découvert importantes et le déblocage d'un compte capital du groupement forestier pour un montant de 50.000 euros en 2009, a souscrit un contrat d'adhésion au système de paiement par carte bancaire la même année, a acquis des parts d'une autre société au nom de la scierie en 2011, a procédé à la signature d'une convention de compte le 30 mai 2011, a signé un acte de cession de créance professionnelle en août 2013, a engagé le groupement forestier par diverses demandes d'aval ou caution en 2009, 2010 et 2012, a procédé à des opérations financières (transfert et ouvertures de crédit) pour le compte du groupement pour des montants considérables entre 2010 et 2012 et effectuait des opérations d'un compte à l'autre (virements, dépôt de chèques) ; - dans les relations avec les fournisseurs, elle commandait, donnait son accord pour des devis et réglait les achats pour des sommes pouvant dépasser 200.000 euros ; - concernant la gestion du personnel, elle signait des contrats de travail en CDD et les conventions de stage ainsi que les contrats de mise à disposition avec la société d'intérim, procédait aux déclarations d'embauche, et consentait régulièrement des avances s'apparentant à de véritables crédits aux salariés pour des montants pouvant aller jusqu'à 4.500 euros ; - au plan fiscal et comptable, elle a, par exemple, signé la déclaration de contribution sociale de solidarité des sociétés en 2013, la déclaration de TVA de 2010, 2011 et 2012 ainsi que la déclaration d'impôt sur les sociétés de 2012 ; qu'il est ainsi rapporté la preuve que Mme R... disposait des pouvoirs les plus étendus, pour agir au nom de la société et accomplissait régulièrement et de manière continue des actes positifs de gestion et de direction engageant les sociétés, en se présentant comme « la patronne », la représentante légale ou encore la mandataire de l'une ou l'autre des sociétés ; qu'il est également établi que ces actes étaient accomplis en toute liberté et en toute indépendance ; qu'en effet, le gérant de droit n'était pas mis en copie des courriels engageant la société et il ne figure aux débats aucune demande d'autorisation, ni directives, ni comptes-rendus concernant les différentes opérations importantes relatées précédemment alors pourtant que Mme R... a conservé et produit de nombreux e-mails au contenu insignifiant, essentiellement relatif à la chasse, plus anciens ou contemporains de ces opérations ; que de plus, bon nombre d'actes sont signés directement par Mme R... et non « pour ordre » ; que les échanges de courriels entre M. E..., expert forestier, et Mme Z... montrent que cette dernière a eu quelques difficultés à reprendre en main la gestion du groupement forestier fin 2013 en raison de la rétention d'information et de documents de la part de Mme R... ; qu'enfin, dans sa lettre à l'inspection du travail du 16 janvier 2014, cette dernière écrivait notamment qu'elle gérait la scierie « toute seule sans aucune aide depuis presque 10 ans », assurait la gestion du groupement forestier et que chaque année elle effectuait un virement de 35.000 euros du groupement forestier sur le compte de la scierie afin de pouvoir régler des dettes et que le repreneur de la scierie lui avait interdit à partir du 10 septembre 2013 de régler quoi que ce soit sans son accord, reconnaissant ainsi excéder largement ses fonctions jusqu'alors ; qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que Mme R... s'est comportée en gérante de fait de la scierie et du groupement forestier dans des conditions qui excluent tout lien de subordination et, partant, l'existence d'un contrat de travail à partir de 2006 ; qu'à compter de la reprise de la gestion effective de la scierie par M. B... I... , en juillet 2013, ce dernier a rétabli le lien de subordination avec Mme R... ainsi que celle-ci le relate dans sa lettre à l'inspection du travail et ainsi qu'il est attesté par d'autres salariés, mettant fin à la procuration générale sur le compte bancaire et procédant au licenciement le 30 mai 2014 ; qu'il y a lieu dans ces conditions de considérer que Mme R... a été salariée de la scierie du 3 septembre 1991 au 1er janvier 2006, puis du 1er juillet 2013 jusqu'à son licenciement ; que c'est donc à tort que le conseil de prud'hommes s'est déclaré incompétent ; que la question du lien juridique entre Mme R... et le groupement forestier doit être examinée avec le fond de l'affaire ;
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qu'il convient, compte tenu de l'ancienneté du litige et dans un souci de bonne administration de la justice, d'évoquer en application de l'article 88 du code de procédure civile ; que les parties seront donc invitées à conclure sur le fond, s'agissant des demandes qui concernent la période au cours de laquelle l'existence d'un contrat de travail est reconnue, selon le calendrier ci-dessous ; qu'elles seront par ailleurs parallèlement convoquées à une audience en vue de se voir proposer une médiation, le calendrier de procédure étant suspendu pendant les opérations de médiation éventuelle ; 1°) ALORS QUE le Groupement Forestier dit Domaine de Beaumont le Roger (dirigé par Mme Z...), d'une part, la Scierie de la Croix Maître Renault SARL (dirigée par M. Z...), d'autre part, se prévalaient de la qualité de dirigeante de fait de Mme R... ; que la cour d'appel a notamment retenu que Mme R... avait « sollicité des augmentations de découvert importantes », « souscris un contrat d'adhésion au système de paiement par carte bancaire la même année », « procédé à la signature d'une convention de compte le 30 mai 2011 », « signé un acte de cession de créance professionnelle en août 2013 », précisant qu'elle « effectuait des opérations d'un compte à l'autre (virements, dépôt de chèques), « commandait, donnait son accord pour des devis et réglait les achats pour des sommes pouvant dépasser 200.000 euros », « signait des contrats de travail en CDD et les conventions de stage ainsi que les contrats de mise à disposition avec la société d'intérim, procédait aux déclarations d'embauche, et consentait régulièrement des avances s'apparentant à de véritables crédits aux salariés pour des montants pouvant aller jusqu'à 4.500 euros », ce dont elle a déduit qu'« il est ainsi rapporté la preuve que Mme R... disposait des pouvoirs les plus étendus, pour agir au nom de la société et accomplissait régulièrement et de manière continue des actes positifs de gestion et de direction engageant les sociétés, en se présentant comme « la patronne », la représentante légale ou encore la mandataire de l'une ou l'autre des sociétés » ; qu'en statuant ainsi, sans préciser pour laquelle des deux entités ces faits auraient été accomplis, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1221-1 du code du travail ; 2°) ALORS QUE seul celui qui, en toute liberté et indépendance exerce une activité positive de gestion et de direction, de manière constante et régulière, a la qualité de dirigeant de fait ; que, pour dire que Mme R... était, de fait, dirigeante de la société Scierie de la Croix Maître Renault, la cour d'appel a retenu que « Mme R... avait reçu procuration générale sur les comptes bancaires de la scierie depuis 2004 », qu'elle a « acquis des parts d'une autre société au nom de la scierie en 2011 » et que, « au plan fiscal et comptable, elle a, par exemple, signé la déclaration de contribution sociale de solidarité des sociétés en 2013 » ; qu'en statuant ainsi par des motifs impropres à établir l'existence d'actes réguliers ou constants de gestion et de direction de la société Scierie de la Croix Maître Renault, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 1221-1 du code du travail ; 3°) ALORS QUE la détention de la signature bancaire et d'une procuration sur les comptes bancaires de la société, ainsi que la signature des documents fiscaux, ne suffit pas à établir l'exercice en toute liberté et indépendance des prérogatives du dirigeant de droit, donc la qualité de dirigeant de fait ; qu'en décidant le contraire, au motif inopérant que « le gérant de droit n'était pas mis en copie des courriels engageant la société et il ne figure aux débats aucune demande d'autorisation, ni directives, ni comptes-rendus concernant les différentes opérations importantes relatées précédemment alors pourtant que Mme R... a conservé et produit de nombreux e-mails au contenu insignifiant, essentiellement relatifs à la chasse, plus anciens ou contemporains de ces opérations », que « bon nombre d'actes sont signés directement par Mme R... et non « pour ordre » », que « les échanges de courriels entre M. E..., expert forestier, et Mme Z... montrent que cette dernière a eu quelques difficultés à reprendre en main la gestion du groupement forestier fin 2013 en raison de la rétention d'information et de documents de la part de Mme R... » et, enfin, que « dans sa lettre à l'inspection du travail du 16 janvier 2014, cette dernière écrivait notamment qu'elle gérait la scierie « toute seule sans aucune aide depuis presque 10 ans », assurait la gestion du groupement forestier et que chaque année elle effectuait un virement de 35.000 euros du groupement forestier sur le compte de la scierie afin de pouvoir régler des dettes et que le repreneur de la scierie lui avait interdit à partir du 10 septembre 2013 de régler quoi que ce soit sans son accord, reconnaissant ainsi excéder largement ses fonctions jusqu'alors », la cour d'appel a violé l'article L. 1221-1 du code du travail ;
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4°) ALORS QUE commet un excès de pouvoir le juge qui, après s'être déclaré incompétent, évoque le fond du litige ; qu'en décidant d'évoquer le fond du litige, motifs pris que « la question du lien juridique entre Mme R... et le groupement forestier doit être examinée avec le fond de l'affaire », quand elle retenait que les demandes de Mme R... dirigées contre le groupement forestier n'étaient pas recevables en raison de sa qualité de dirigeant de fait, la cour d'appel a violé les articles 12, 122 et 562 du code de procédure civile ; 5°) ALORS, subsidiairement, QU'en retenant d'une part que Mme R... était dirigeant de fait du groupement forestier et, d'autre part, que la « question du lien juridique entre Mme R... et le groupement forestier doit être examinée avec le fond de l'affaire », la cour d'appel s'est contredite, en violation de l'article 455 du code de procédure civile ; 6°) ET ALORS, plus subsidiairement, QUE celui qui agit en vertu de mandats donnés par le dirigeant de droit de la société n'est pas, en l'absence d'activité positive de gestion et de direction exercée en toute liberté et indépendance, un dirigeant de fait ; qu'en jugeant dès lors que Mme R... s'était comportée en dirigeante de fait du Groupement Forestier, quand elle constatait expressément que « Mme R... a reçu le 27 octobre 2004, tous pouvoirs pour représenter Mme Z..., gérante de droit, et agir, tant vis-à-vis des tiers que des banques, pour la bonne marche du groupement forestier, conformément aux droits conférés par les statuts », ce dont il résultait que l'intéressée, qui avait agi dans le cadre d'un mandat de représentation, ne pouvait avoir la qualité de dirigeant de fait du groupement forestier, la cour d'appel a violé l'article L. 1221-1 du code du travail. Moyen produit, au pourvoi incident, par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société Groupement forestier dit Domaine de Beaumont-le-Roger Il est reproché à l'arrêt attaqué, après avoir constaté l'existence d'un contrat de travail entre Madame R... et la société Scierie de la Croix Maître Renault pour les périodes du 3 septembre 1991 au 1er janvier 2006 puis du premier juillet 2013 jusqu'au 30 mai 2014, d'AVOIR invité les sociétés intimées à conclure sur le fond pour le 1er juin 2019 et à se présenter en personne à l'audience du mercredi 20 mars 2019 à 9 heures 15 afin de se voir proposer le recours à une médiation judiciaire ; AUX MOTIFS QU' « il est ainsi rapporté la preuve que Mme R... disposait des pouvoirs les plus étendus, pour agir au nom de la société et accomplissait régulièrement et de manière continue des actes positifs de gestion et de direction engageant les sociétés, en se présentant comme "la patronne", la représentante légale ou encore la mandataire de l'une ou l'autre des sociétés » ; qu'il est également établi que ces actes étaient accomplis en toute liberté et en toute indépendance ; qu'en effet, le gérant de droit n'était pas mis en copie des courriels engageant la société et il ne figure aux débats aucune demande d'autorisation, ni directives, ni comptes-rendus concernant les différentes opérations importantes relatées précédemment alors pourtant que Mme R... a conservé et produit de nombreux e-mails au contenu insignifiant, essentiellement relatif à la chasse, plus anciens ou contemporains de ces opérations ; que de plus, bon nombre d'actes sont signés directement par Mme R... et non "pour ordre" ; que les échanges de courriels entre M. E..., expert forestier, et Mme Z... montrent que cette dernière a eu quelques difficultés à reprendre en main la gestion du groupement forestier fin 2013 en raison de la rétention d'information et de documents de la part de Mme R... ; qu'enfin, dans sa lettre à l'inspection du travail du 16 janvier 2014, cette dernière écrivait notamment qu'elle gérait la scierie « toute seule sans aucune aide depuis presque 10 ans », assurait la gestion du groupement forestier et que chaque année elle effectuait un virement de 35.000 euros du groupement forestier sur le compte de la scierie afin de pouvoir régler des dettes et que le repreneur de la scierie lui avait interdit à partir du 10 septembre 2013 de régler quoi que ce soit sans son accord, reconnaissant ainsi excéder largement ses fonctions jusqu'alors ; qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que Mme R... s'est comportée en gérante de fait de la scierie et du groupement forestier dans des conditions qui excluent tout lien de subordination et, partant, l'existence d'un contrat de travail à partir de 2006 ; qu'à compter de la reprise de la gestion effective de la scierie par M. B... I... , en juillet 2013, ce dernier a rétabli le lien de subordination avec Mme R... ainsi que celle-ci le relate dans sa lettre à l'inspection du travail et ainsi qu'il est attesté par d'autres salariés, mettant fin à la procuration générale sur le compte bancaire et procédant au licenciement le 30 mai 2014 ;
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qu'il y a lieu dans ces conditions de considérer que Mme R... a été salariée de la scierie du 3 septembre 1991 au 1er janvier 2006, puis du 1er juillet 2013 jusqu'à son licenciement ; que c'est donc à tort que le conseil des prud'hommes s'est déclaré incompétent ; que la question du lien juridique entre Mme R... et Groupement forestier doit être examinée avec le fond de l'affaire ; qu'il convient, compte tenu de l'ancienneté du litige et dans un souci de bonne administration de la justice, d'évoquer en application de l'article 88 du code de procédure civile ; que les parties seront donc invitées à conclure sur le fond s'agissant de demandes qui concernent la période au cours de laquelle l'existence d'un contrat de travail est reconnue, selon le calendrier ci-dessous ; qu'elles seront par ailleurs parallèlement convoquées à une audience en vue de se voir proposer une médiation, le calendrier de la procédure étant suspendu pendant les opérations de médiation éventuelles » ; ALORS QU'il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que l'existence d'un contrat de travail n'a été reconnue pour certaines périodes qu'entre Mme R... et la seule société Scierie de la Croix Maître Renault ; qu'il en résulte que la société civile Groupement Forestier devait être mise hors de cause s'agissant des demandes résultant du contrat de travail dont l'existence a été ainsi constatée ; qu'en statuant comme elle l'a fait, par des motifs ne justifiant pas le dispositif, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; QU'à tout le moins, pour les raisons ci-dessus exposées, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs en maintenant dans la cause une partie dont elle reconnaissait par ailleurs qu'elle n'avait pas été l'employeur de la salariée.
Cour d'appel de Rouen, Cour de cassation Chambre sociale, décision 19-16.106 du 25/11/2020, partie 6
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 25 NOVEMBRE 2020 M. H... K..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° R 18-26.398 contre l'arrêt n° RG : 16/18107 rendu le 11 septembre 2018 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (1re chambre A), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. A... D..., domicilié [...] , 2°/ à M. S... V..., domicilié [...] , 3°/ à la société O...-P...-T...-R...-J...-D...-M..., société civile professionnelle, dont le siège est [...] , 4°/ à la société [...] , société civile professionnelle, dont le siège est [...] , défendeurs à la cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Mornet, conseiller, les observations écrites de la SARL Corlay, avocat de M. K..., de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. D... et de la société O...-P...-T...-R...-J...-D...-M..., et l'avis de M. Lavigne, avocat général, après débats en l'audience publique du 6 octobre 2020 où étaient présents Mme Batut, président, M. Mornet, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Randouin, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision. 1. Il est donné acte à M. K... du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre M. V... et la société [...] . 2. Le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. 3. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi. EN CONSÉQUENCE, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne M. K... aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi décidé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq novembre deux mille vingt. MOYEN ANNEXE à la présente décision Moyen produit par la SARL Corlay, avocat aux Conseils, pour M. K.... Le moyen reproche à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR débouté l'exposant de l'ensemble de ses demandes à l'encontre des notaires rédacteurs d'acte et de l'avoir condamné aux frais irrépétibles et dépens ; AUX MOTIFS PROPRES QUE « Attendu qu'il est constant que M. H... K... a fait l'acquisition, suivant acte authentique reçu le 18 septembre 2003 par Me Y... P..., notaire à [...] (06), dans le cadre d'une vente en l'état futur d'achèvement, des lots de copropriété suivants dans un ensemble immobilier sis lieudit "[...]" à [...] (Seine et Marne) vendu par la Sarl Financière Barbatre:- lot 39 consistant dans un appartement duplex de 34,20 m² situé au 1er étage du bâtiment E, :- lot 45 consistant dans un appartement duplex de 52,29 m² situé au rez-de-chaussée et au 1er étage du bâtiment E, moyennant le prix global de 489 396 euros TTC; Que la Sarl Financière Barbatre avait pour projet de transformer les communs et dépendances d'un château du XVIe siècle (lui-même en cours de rénovation et de transformation en appartements) en 84 appartements destinés à la location en meublé dans le cadre d'un contrat de bail commercial passé par les acquéreurs avec la SA Résidence [...] ; Que les acquéreurs avaient préalablement à l'acte authentique signé un contrat de réservation indiquant que les bâtiments devaient être transformés en immeuble à usage de résidence hôtelière à la suite de la réalisation de travaux de rénovation lourde ayant fait l'objet d'un permis de construire et consistant en : niveaux, cloisonnements, façades, aménagements intérieurs, conformément à une notice descriptive; Que l'acte authentique de vente indique que: - compte tenu de l'état d'avancement des travaux "hors d'eau", la partie exigible du prix est de 60 %, le solde devant être payé selon l'échelonnement suivant: 20 % à la mise hors d'air, 13,61 % aux travaux de peinture et carrelages réalisés à 95 %, 11,39 % à l'achèvement des travaux de rénovation et 5 % à la mise à disposition des locaux, - le délai de livraison des locaux est prévu pour le 4e trimestre 2004, soit au plus tard le 31 décembre 2004, sauf survenance d'un cas de force majeure, - le vendeur constitue une garantie d'achèvement intrinsèque au sens des articles L 261 -11 d) et R 261-18 a) du code de la construction et de l'habitation en l'état d'une attestation délivrée par le cabinet 2AD Ingénierie le 16 juin 2003 attestant de l'état hors d'eau de l'immeuble et de absence d'inscription de privilège ou d'hypothèque sur l'immeuble;
Cour d'appel d'Aix-en-Provence 1A, Cour de cassation Première chambre civile, décision 18-26.398 du 25/11/2020, partie 1
Attendu que les locaux n'ont pas été livrés par la Sarl Financière Barbatre qui a fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire puis d'un jugement de liquidation judiciaire le 1er avril 2008 ; Que les acquéreurs produisent un constat d'huissier en date du 8 septembre 2011 dont il ressort que le chantier est â l'abandon, que les travaux ne sont pas achevés et que l'ensemble est fortement dégradé en raison de l'humidité et des eaux de pluie qui se déversent dans les bâtiments, certains étant privés de toiture et de fenêtres; Qu'ils considèrent qu'ils n'ont pu bénéficier de la garantie d'achèvement en raison de sa totale inefficacité et mettent en cause la responsabilité des notaires intervenus dans la rédaction des actes et des procurations; Attendu que c'est en vain que les acquéreurs prétendent que Me A... D... aurait commis une faute en choisissant de soumettre la vente au régime de la vente en l'état futur d'achèvement au motif que celui-ci ne serait pas adapté à la vente d'un immeuble objet d'une rénovation lourde; qu'en effet, les contrats de vente sont antérieurs à l'entrée en vigueur de la loi n°2006-872 dite "Engagement National pour le Logement" du 13 juillet 2006 qui a créé le régime spécifique de la vente d'immeuble à rénover dont le décret d'application n'est intervenu que le 16 décembre 2008 ; qu'à la date des actes de vente passés par Me A... D..., seul le régime de la vente en l'état futur d'achèvement était protecteur des intérêts des acquéreurs, même s'il n'était pas précisément adapté aux particularités de la vente avec rénovation lourde ; Que c'est également vainement que les acquéreurs font le reproche au notaire d'avoir "choisi" la garantie intrinsèque, alors que la garantie extrinsèque serait plus protectrice des intérêts de l'acheteur ; qu'en effet, le tribunal ajustement rappelé que le choix entre ces deux garanties relève du seul promoteur vendeur, sans que le notaire rédacteur puisse s'immiscer dans un tel choix; que la garantie intrinsèque est une option ouverte par la loi au vendeur et que, si elle ne présente pas la même sûreté que la garantie extrinsèque, elle n'en est pas moins licite ; qu'il incombe seulement au notaire, dans le cadre de cette option, de vérifier que les conditions légales et réglementaires de cette garantie sont remplies pour que celle-ci soit utile et efficace ; Attendu que les acquéreurs font ensuite grief au notaire de ne pas avoir rempli son devoir de conseil et d'information en ne les informant pas de la teneur de la garantie intrinsèque et de ses risques et en n'insérant pas dans l'acte une mention établissant que l'acheteur reconnaît avoir été averti de la teneur des garanties souscrites ; mais que si l'article R 261-20 du code de la Construction et de l'habitation prévoit expressément que le contrat de vente doit préciser "que l'acheteur reconnaît être averti de la teneur desdites garanties", ces dispositions ne sont applicables que pour la garantie prévue par l'article R 261-18 b) ; qu'en l'espèce, la garantie intrinsèque répondait au a) de l'article R 261-18 dans sa rédaction applicable au litige, à savoir la situation d'un immeuble mis hors d'eau et non grevé de privilège ou hypothèque, et non au b) correspondant à la situation d'un immeuble dont les fondations sont achevées et dont le financement répond à des conditions impératives; Attendu que les acquéreurs reprochent pour l'essentiel au notaire d'avoir manqué à son obligation d'efficacité de l'acte en ayant inscrit dans l'acte une garantie privée de tout effet; qu'ils fondent leurs reproches sur deux points d'une part, l'absence de vérification de l'attestation du 16 juin 2003 délivrée par le cabinet 2AD Ingénierie, d'autre part la prise en compte d'un état hors d'eau permettant un déblocage des fonds à 70 % alors que les travaux n'avaient pas encore commencé; Attendu qu'il doit être retenu que le notaire a une obligation d'investigation qui relève de son obligation d'efficacité et s'inscrit dans la logique de sécurité juridique des actes qu'il reçoit et que sa responsabilité est engagée s'il n'a pas usé de la possibilité d'empêcher que l'acte qu'il instrumente ne soit privé d'effet ; qu'il n'a pas à se déplacer sur les lieux pour vérifier la situation matérielle de l'immeuble mais qu'il doit procéder à des vérifications complémentaires lorsqu'il a des raisons de mettre en doute, en raison de circonstances objectives, les déclarations faites par les parties ou des sachants dans l'acte authentique; qu'il en est ainsi lorsque ces déclarations sont en contradiction avec les documents dont il dispose, le notaire étant en effet tenu de procéder à une vérification documentaire au vu des pièces annexées à t'acte; qu'il convient donc de rechercher s'il existait des éléments objectifs, parmi les pièces dont Me A... D... disposait lors de la rédaction des actes de vente, qui auraient dû l'amener à mettre en doute l'attestation du 16 juin 2003 sur l'état hors d'eau de l'immeuble;
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Qu'il importe peu que cette attestation ait été signée par la SAS 2AD Ingénierie, et non par le cabinet 2AD Architecture, dès lors qu'il apparaît que cette société, ayant le même siège social que le cabinet d'architecture 2AD Architecture, avait une activité de maître d'oeuvre et architecte et que la constatation de l'état d'avancement des travaux a donc été certifiée par un homme de l'art: Que l'attestation n'avait pas à être plus précise ou plus circonstanciée: Que, certes, il pouvait apparaître une contradiction entre cette attestation du 16 juin 2003 et la déclaration d'ouverture du chantier du 28 août 2003 en ce qu'à la date de sa délivrance, les travaux de rénovation n'avaient pas encore commencé ; mais qu'il n'était pas nécessairement exclu qu'un bâtiment existant, objet d'une opération de rénovation, puisse faire l'objet d'une situation 'hors d'eau" avant l'ouverture du chantier, dès lors que les travaux de rénovation en question ne portaient pas sur la toiture existante ; que la seule antériorité de l'attestation de' « mise hors d'eau » à la déclaration d'ouverture du chantier n'était ni juridiquement exclue ni matériellement suspecte et ne constituait pas, en soi, un indice suffisant pour éveiller chez le notaire des soupçons sur la véracité de l'attestation délivrée par un homme de l'art ; Que le notaire disposait à son dossier du permis de construire en date du 25 octobre 2001 lequel ne faisait aucun état de travaux de toiture et que la note de présentation du permis indiquait « il n'est prévu aucune extension des bâtiments existant actuellement sur le site. L'ensemble du programme s'intègre dans les volumes des bâtiments existants et conservés. Les façades sont l'objet d'adaptation ou de créations d'ouvertures nécessaires à l'éclairement des locaux aménagés clans ces volumes, Les deux seules adaptations des volumes existants concernent la reprise de la toiture d'angle des bâtiments A et G pour créer un raccordement harmonieux des deux volumes de toitures et habiller des pignons existants. La reprise sur le bâtiment H en toiture à 4 pentes de 35° en place de la toiture à 2 pentes et pignons de 20 % existant pour permettre sa couverture en tuile plate à petit moule.", de sorte qu'il apparaît que le remplacement des toitures n'était pas prévu, sauf pour le bâtiment H qui n'est pas concerné par la demande, la seule reprise de l'angle de la toiture des bâtiments A et G sur un plan purement esthétique n'altérant pas leur état "hors d'eau" ; Que le contrat de réservation faisait état des travaux de rénovation suivants : "niveaux, Cloisonnements, façades, aménagements intérieurs", à l'exclusion de travaux de toiture et que la mention selon laquelle le réservant entend se réserver la possibilité d'apporter des compléments et modifications à la consistance de l'immeuble et aux caractéristiques des travaux â effectuer ne permet pas de considérer que des travaux aussi conséquents que la reprise des toitures pouvaient être envisagés Que les photos des bâtiments de l'ensemble [...] figurant sur la plaquette commerciale de la Sarl Financière Barbatre présentant l'existant avant travaux font apparaître que ceux-ci sont munis d'une toiture dont rien ne permet de supposer qu'elle devrait faire l'objet d'une réfection et que les constatations, très sommaires, faites par l'huissier en 2011, soit plus de huit années après l'attestation, sur un chantier à l'abandon, ne permettent pas de remettre en cause l'existence des toitures sur le bâtiment concerné par la présente vente ; Que dès lors, il n'existait pas d'éléments contradictoires ou discordants justifiant que le notaire ait quelque soupçon sur la véracité de l'attestation du 16 juin 2003 et sur la réalité du caractère "hors d'eau" des bâtiments dans lesquels les lots étaient vendus ; qu'en insérant dans son acte une clause de garantie intrinsèque pour laquelle il disposait d'une attestation de "mise hors d'eau" et d'un certificat des hypothèques attestant de l'absence de privilège, hypothèque ou gage sur l'immeuble, conditions posées par l'article R 261-18 a) et en mettant en place un échéancier de paiements correspondant aux prévisions de l'article R 261-14 du code de la construction et de l'habitation, le notaire, qui ne pouvait soupçonner que cette garantie serait inefficace, n'a commis aucune faute; Que le jugement qui a débouté les demandeurs de toutes leurs prétentions contre Me A... D... et la Scp O..., P..., T..., R..., J..., D... et M... sera donc confirmé en toutes ses dispositions; que les demandes présentées contre le notaire ayant rédigé l'acte en participation avec Me A... D... ont également été justement rejetées pour les mêmes motifs. » ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « Sur la responsabilité du notaire ; Sur l'existence d'une faute imputable au notaire Attendu qu'il résulte des pièces versées aux débats que: - l'acte d'acquisition en VEFA par les demandeurs de lots de copropriété dans le cadre de la commercialisation du programme immobilier [...], reçu par Maître Y... P... en date du 18 septembre 2003, mentionne en page 5 , dans le paragraphe Paiement du prix * I) Partie exigible immédiatement que, compte tenu de l'avancement des travaux "hors d'eau, la partie actuellement exigible est de 60 %;
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et mentionne au II) Paiement du solde du prix l'échelonnement: -20 %à la mise hors d'air - 13,61 % aux travaux de peinture et de carrelage réalisés à hauteur de 95 % - 11,39 % à l'achèvement des travaux de rénovation ; - à la mise à disposition des locaux par l'acquéreur Attendu que l'acte authentique a précisé dans sa deuxième partie (p. 10 et suivantes): - que le vendeur a déclaré avoir fait l'acquisition et entreprendre la rénovation lourde d'un ensemble immobilier comprenant neuf bâtiments en changeant sa destination en usage de résidence services , la partie non construite du terrain devant être aménagée en espaces verts, circulation véhicules, allées piétonnières, zone de parkings communs; - que la consistance des lots vendus dans leur état futur de rénovation est portée à la connaissance de l'acquéreur par la remise d'un plan coté de l'appartement qui demeure annexé à l'acte de vente; - que les caractéristiques techniques des lots vendus , du bâtiment et de ses équipements extérieurs sont exprimées dans une notice descriptive, conformément au modèle de l'arrêté du 10 mai 1968, qui demeure annexée à un acte reçu le 16 septembre 2003 (acte de dépôt de la note de renseignements d'urbanisme et d'autres actes ) et dont la lecture a été faite par le notaire lors de la signature de l'acte de vente des lots; - que, concernant l'état d'avancement des travaux, il est précisé que les fondations du bâtiment dont dépendent les fractions présentement vendues sont achevées, le vendeur ayant conservé la structure du bâtiment existant; au jour du présent acte, les travaux de rénovation sont parvenus au stade suivant ; hors d'eau ; ainsi qu'il résulte d'une attestation du Cabinet 2AD Ingénierie à [...] , en date du 16 juin 2003; - que le paragraphe Garantie d'achèvement, en page 18 du contrat de vente stipule que: la société venderesse par son représentant ès-qualités déclare que les conditions propres à l'opération qui vont être ci-après exposées constituent la garantie de son obligation d'achever l'immeuble vendu au sens des articles L 261-11d et R 261-18 a du Code de la Construction et de l'Habitation: article 261-18: la garantie d'achèvement résulte de l'existence de conditions propres à l'opération lorsque cette dernière répond à l'une ou à l'autre des conditions suivantes; a) si l'immeuble est mis hors d'eau et n'est grevé qu'aucun privilège ou hypothèque; Le vendeur précise en effet que l'ensemble immobilier dont dépendent les biens et droits immobiliers vendus sont hors d'eau ainsi qu'il résulte de l'attestation délivrée le 16 juin 2003 par le Cabinet 2AD Ingénierie à [...] ,. Attendu qu'il est établi qu'au jour de la signature de l'acte de vente litigieux, le promoteur vendeur sous le régime de la VEFA de lots de copropriété dépendant d'un ensemble immobilier disposait du choix de la garantie d'achèvement, soit une garantie intrinsèque, soit une garantie extrinsèque; Attendu que ce choix appartient au seul promoteur vendeur sans que le notaire rédacteur de l'acte de vente puisse s'immiscer dans un tel choix; Attendu qu'il appartenait seulement au notaire rédacteur de l'acte de vente de vérifier que les conditions de la garantie intrinsèque choisie par la Sarl Financière Barbatre étaient concrètement réunies , ce qui en l'espèce était le cas puisqu'il n'existait pas d'inscription de privilège ou d'hypothèque sur les biens et droits, objet de la vente, d'une part, et que l'architecte chargé de l'opération immobilière, le Cabinet 2AD Ingénierie, avait transmis au notaire une attestation en date du 16 juin 2003 selon laquelle le bâtiment était hors d'eau, d'autre part; Attendu qu'il est ainsi établi que toutes les conditions d'application de l'article R 26118 a) du Code de la Construction et de l'Habitation étaient réunies au jour de la signature de l'acte de vente en VEFA et rien ne permettait au notaire de supposer que la garantie fournie ne pourrait pas être utilement mise en oeuvre en cas de besoin; que, dès lors, les demandeurs sont mal fondés en leur moyen tiré de ce que le notaire n'a pas exigé des professionnels de la réhabilitation des garanties extrinsèques d'achèvement; Attendu qu'il n'appartenait pas au notaire rédacteur de l'acte de se transporter sur les lieux pour constater personnellement l'état d'avancement des travaux, l'attestation de l'architecte chargé de la surveillance des travaux relevant de la seule responsabilité de cet architecte , et ce , alors qu'il n'était porté à la connaissance du notaire aucune information de nature à créer dans son esprit un doute sur la sincérité de l'attestation de l'architecte, s'agissant de bâtiments anciens, anciennes dépendances d'un château, qui devaient faire l'objet de travaux de rénovation lourde avec changement de destination en usage de résidence services; Attendu que, contrairement à ce que soutiennent les acquéreurs, il ne peut être reproché au notaire un manquement à son obligation d'information et de conseil, et d'efficacité de son acte, qui aurait consisté à ne pas avoir éclairé les parties sur les risques éventuels de non-achèvement de l'immeuble si la garantie intrinsèque était choisie par le vendeur;
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qu'en effet, il est établi que les demandeurs ont été averti de la teneur des garanties souscrites au paragraphe Garantie d'achèvement comme il a été rappelé plus haut, de sorte que l'arrêt de la Cour de cassation en date du 17 mars 2011 , dont se prévalent les demandeurs, ne peut recevoir application en l'espèce, l'obligation du notaire d'indiquer précisément et expressément le contenu de la garantie intrinsèque d'achèvement ayant été correctement remplie en l'espèce par Maître A... D... lors de la rédaction de l'acte de vente litigieux; Attendu que le moyen tiré du manquement à l'obligation d'efficacité de l'acte rédigé par le notaire sera rejeté comme étant inopérant en ce qu'aucun argument particulier n'est développé pour permettre de conclure que le contrat de vente en VEFA ne pouvait pas recevoir une exécution conforme au but recherché par les parties , notamment par les acquéreurs; qu'au contraire, il a été correctement précisé dans l'acte de vente les modalités relatives au calendrier des futures échéances de payement des acomptes conformes aux dispositions légales et réglementaires en fonction de l'état d'avancement du chantier; Attendu qu'en conclusion, le notaire rédacteur de l'acte authentique de vente n'a commis, lors de la rédaction de l'acte de vente en VEFA relatif à l'acquisition par les demandeurs des lots de copropriété de la promotion immobilière [...], sis à [...] , aucune faute de nature à engager sa responsabilité et celle de la Scp O...-P...-T...-R...-J...-D...-M..., titulaire d'un office notarial à [...], dont il est un associé; Sur le préjudice et le lien de causalité avec une faute du notaire Attendu que, surabondamment, dans l'hypothèse où il aurait été établi que le notaire a commis une faute lors de la rédaction de l'acte de vente, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, le tribunal relève que le demandeur ne rapporte pas la preuve d'un préjudice indemnisable qui aurait un lien avec une quelconque faute imputable au notaire rédacteur, lequel ne peut pas se substituer au promoteur vendeur dans ses obligations contractuelles envers les acquéreurs ; Attendu que le tribunal ne pourra que débouter (le demandeur) de l'intégralité de ses demandes à l'encontre de Maître A... D... et la Scp O...-P...-T...-R...-J...-D...-M..., titulaire d'un office notarial à [...]; » ALORS QUE 1°) le notaire est tenu d'assurer l'efficacité et la validité des actes qu'il dresse ou auxquels il prête son concours et d'une obligation de conseil ; qu'il lui appartient de rechercher si la garantie intrinsèque offerte par le vendeur est adaptée aux risques présentés par l'opération de rénovation lourde d'un immeuble existant ; qu'en l'espèce il est constant que l'opération immobilière concernait la rénovation lourde d'un immeuble ancien existant particulièrement risqué dès lors que la majeure partie du prix, sinon la totalité, était versée à la signature de l'acte, sur la base de l'attestation hors d'eau délivrée ; qu'en considérant qu'il n'appartenait pas au notaire de rechercher si la garantie intrinsèque était adaptée à l'opération lourde de rénovation en cause aux motifs qu' « il incombe seulement au notaire, dans le cadre de cette option, de vérifier que les conditions légales et réglementaires de cette garantie sont remplies pour que celle-ci soit utile et efficace » (arrêt p. 7 al. 3), la cour d'appel a violé les articles R. 261-17 et R. 261-18 du code de la construction et de l'habitation tels qu'applicables à la cause, ensemble l'article 1382 (désormais 1240) du code civil ; ALORS QUE 2°) le notaire est tenu d'assurer l'efficacité et la validité des actes qu'il dresse ou auxquels il prête son concours et d'une obligation de conseil ; qu'il lui appartient de rechercher avec une diligence particulière si les conditions de la garantie intrinsèque sont réunies, s'agissant d'une garantie très peu protectrice de l'acquéreur particulier et dépendant de la seule volonté du promoteur ; qu'il doit en particulier s'assurer de la qualité et de la compétence du signataire de l'attestation « hors d'eau » permettant la mise en place de la garantie intrinsèque ; qu'en l'espèce l'attestation d'un état hors d'eau du bien – révélée fausse – a été délivrée le 16 juin 2003 et réitérée le 31 janvier 2005 par le Cabinet 2AD Ingénierie, qui ne figure pas sur le tableau des architectes et est une autre entité juridique que la Société A2 Architecture, l'attestation étant signée par M. Q... G... qui n'est pas davantage architecte ; qu'en considérant que le notaire avait effectué des diligences suffisantes s'agissant des conditions de la garantie intrinsèque en se contentant d'une attestation sans vérifier la qualité du signataire aux motifs « qu'il importe peu que cette attestation ait été signée par la Société Sas 2AD Ingénierie et non par le cabinet 2AD Architecte dès lors qu'il apparaît que cette société (avait) le même siège social que le cabinet d'architecture 2AD Architecture », la Cour d'appel a manqué de bases légales au regard des articles R. 261-11 et R. 261-18 du code de la construction et de l'habitation tels qu'applicables à la cause, ensemble l'article 1382 (désormais 1240) du code civil ; ALORS QUE 3°) nul ne peut dénaturer les pièces du dossier ;
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qu'en retenant à cet égard que la Sas 2AD Ingénierie avait « une activité de maître d'oeuvre et architecte » quand la pièce adverse n° 6 produisant le Tableau de l'ordre ne mentionnait que la Société 2AD Architecture et ne faisait pas figurer M. Q... G... parmi les architectes ; que ce faisant la Cour d'appel a violé le principe de non dénaturation des pièces du dossier ; ALORS QUE 4°) l'information sur les risques présentés par la seule prise d'une garantie intrinsèque d'achèvement a précisément pour objet de pallier la défaillance du constructeur ; qu'en retenant, par motifs adoptés, que, quand bien même le notaire aurait commis une faute, il ne pouvait se substituer au constructeur et le lien de causalité entre le dommage commis consistant en la perte de valeur du bien et la faute du notaire ne serait pas établi, la cour d'appel a violé les articles R. 261-17 et R. 261-18 du code de la construction et de l'habitation tels qu'applicables à la cause, ensemble l'article 1382 (désormais 1240) du code civil.
Cour d'appel d'Aix-en-Provence 1A, Cour de cassation Première chambre civile, décision 18-26.398 du 25/11/2020, partie 6
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 26 NOVEMBRE 2020 La caisse primaire d'assurance maladie de Loire-Atlantique, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° Y 19-18.244 contre l'arrêt rendu le 24 avril 2019 par la cour d'appel de Rennes (9e chambre, sécurité sociale), dans le litige l'opposant : 1°/ à la société Alstom Shipworks, dont le siège est [...] , anciennement dénommée société Chantiers de l'Atlantique, 2°/ à M. T... G..., domicilié [...] , 3°/ au Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante, dont le siège est [...] , défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Dudit, conseiller référendaire, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie de Loire-Atlantique, de la SCP Alain Bénabent, avocat de la société Alstom Shipworks, et l'avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l'audience publique du 21 octobre 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Dudit, conseiller référendaire rapporteur, M. Prétot, conseiller doyen, et Mme Tinchon, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 24 avril 2019), M. G... (la victime), ancien salarié de la société des Chantiers de l'Atlantique devenue la société Alstom Shipswork (l'employeur), a déclaré, le 24 août 2011, une pathologie prise en charge sur le fondement du tableau 30 bis des maladies professionnelles, après avis d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, par la caisse primaire d'assurance maladie de Loire-Atlantique (la caisse), qui lui a attribué une rente calculée sur un taux d'incapacité permanente partielle de 67 %. 2. La victime a saisi une juridiction de sécurité sociale d'une action tendant à la reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur. Examen du moyen Sur le premier moyen Enoncé du moyen 3. La caisse fait grief à l'arrêt de déclarer inopposable à l'employeur la décision en date du 16 avril 2012 portant prise en charge, au titre de la législation professionnelle, de la pathologie déclarée par la victime, puis de la débouter de sa demande de condamnation de l'employeur à lui rembourser l'ensemble des sommes dont elle serait amenée à faire l'avance au titre de la faute inexcusable, alors « que si l'employeur peut soutenir, en défense à l'action en reconnaissance de la faute inexcusable introduite par la victime ou ses ayants droit, que l'accident, la maladie ou la rechute n'a pas d'origine professionnelle, il n'est pas recevable à contester la décision de prise en charge de l'accident, de la maladie ou de la rechute par la caisse primaire au titre de la législation sur les risques professionnels ; qu'en déclarant inopposable à l'employeur la décision de prise en charge de la maladie déclarée par M. G..., quand ils n'étaient saisis que de l'action en reconnaissance de la faute inexcusable intentée par ce dernier, les juges du fond ont violé l'article R. 441-14 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction modifiée par le décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009, ensemble les articles L. 452-1 à L. 452-3 du même code ». Réponse de la Cour Vu l'article R. 441-14 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009, applicable au litige : 4. Ce texte régit exclusivement la procédure applicable à la prise en charge au titre de la législation professionnelle d'un accident du travail, d'une maladie professionnelle ou d'une rechute. 5. Il en résulte que si l'employeur peut soutenir, en défense à l'action en reconnaissance de la faute inexcusable introduite par la victime ou ses ayants droit, que l'accident, la maladie ou la rechute n'a pas d'origine professionnelle, il n'est pas recevable à contester la décision de prise en charge de l'accident, de la maladie ou de la rechute par la caisse primaire au titre de la législation professionnelle.
Cour d'appel de Rennes SS, Cour de cassation Deuxième chambre civile, décision 19-18.244 du 26/11/2020, partie 1
6. Pour déclarer inopposable à l'employeur la décision de prise en charge au titre de la législation professionnelle de la maladie et débouter la caisse de son action récursoire, l'arrêt retient qu'en l'absence de caractérisation par la caisse de la pathologie du tableau n°30 bis, et alors que la caisse ne soutient pas dans ses écritures que la décision de prise en charge du 16 avril 2012 avait acquis un caractère définitif à l'égard de l'employeur, il y a lieu de déclarer inopposable à celui-ci la décision de prise en charge de la pathologie déclarée par la victime au titre de la législation professionnelle. Il ajoute que l'inopposabilité à l'employeur découlant de cette irrégularité de fond prive la caisse de tout recours récursoire en récupération sur l'employeur des compléments de rente et indemnités versés. 7. En statuant ainsi, alors qu'elle était saisie exclusivement d'une action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, la cour d'appel a violé le texte susvisé. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a déclaré inopposable à la société Alstom Shipworks la décision de prise en charge, au titre de la législation professionnelle, de la maladie déclarée le 24 août 2011 par M. G..., et débouté la caisse primaire d'assurance maladie de Loire-Atlantique de sa demande tendant à voir condamner l'employeur à lui rembourser les sommes avancées par elle, l'arrêt rendu le 24 avril 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rennes, autrement composée ; Condamne la société Alstom Shipworks aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Alstom Shipworks et la condamne à payer à la caisse primaire d'assurance maladie de Loire-Atlantique la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six novembre deux mille vingt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour la caisse primaire d'assurance maladie de Loire-Atlantique. PREMIER MOYEN DE CASSATION L'arrêt attaqué encourt la censure ; EN CE QU' il a déclaré inopposable à la société ALSTOM SHIPWORKS, anciennement dénommée CHANTIERS DE L'ATLANTIQUE, la décision de la Caisse en date du 16 avril 2012 portant prise en charge, au titre de la législation professionnelle, de la pathologie déclarée le 24 août 2011 par M. G..., puis débouté la Caisse de sa demande de condamnation de ladite société à lui rembourser l'ensemble des sommes dont elle serait amenée à faire l'avance au titre de la faute inexcusable ; AUX MOTIFS QUE « la société fait valoir que la décision de prise en charge de la maladie déclarée lui est inopposable faute d'investigations et d'enquête menée auprès d'elle par la caisse afin de connaître notamment les conditions de travail de M, G..., la caisse ne pouvant donc pas invoquer la présomption d'imputabilité ; Que la caisse réplique qu'il importe peu qu'elle ne prouve pas la réalisation d'une enquête auprès de la société appelante, dès lors que l'inopposabilité de la décision de prise en charge ne saurait la priver de son action récursoire ; Que la maladie professionnelle a été déclarée le 24 août 2011 ; Que la décision prise par une caisse dans les conditions prévues par l'article R. 441-14 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction issue du décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009, applicable le 1er janvier 2010, ayant pour objet exclusif la prise en charge ou le refus de prise en charge au titre de la législation professionnelle, de l'accident, de la maladie ou de la rechute, l'irrégularité de la procédure conduisant à la prise en charge, par une caisse, au titre de la législation professionnelle, d'un accident, d'une maladie ou d'une rechute, est sans incidence sur l'action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, ce dont il découle, que l'irrégularité de la procédure ne prive pas la caisse du droit de récupérer sur l'employeur, après reconnaissance de cette faute, les compléments de rente et indemnités versés par elle et que l'inopposabilité à la société de la décision de prise en charge en découlant ne fait pas obstacle à l'action récursoire de la caisse ;
Cour d'appel de Rennes SS, Cour de cassation Deuxième chambre civile, décision 19-18.244 du 26/11/2020, partie 2
Que dans ces conditions l'irrégularité de procédure commise par la caisse, non contestée par cette dernière qui n'a pas instruit la maladie au contradictoire de la société Chantiers de l'Atlantique, ne lui adressant pas de questionnaire et ne l'interrogeant pas sur les conditions du tableau, si elle conduit à devoir déclarer inopposable pour cette raison ladite prise en charge à l'égard de la société, ne prive pas la caisse du droit de récupérer sur l'employeur, les compléments de rente et indemnités versés par elle ; Que cependant, la société Chantiers de l'Atlantique se prévaut également, à l'effet de priver la caisse de toute action récursoire, d'une inopposabilité « de fond » à son égard de la décision de prise en charge tenant à l'absence d'établissement du caractère professionnel de la pathologie prise en charge (conditions du tableau) ; Qu'elle articule à cet effet que la caisse n'a pas justifié médicalement que la pathologie diagnostiquée et visée au certificat médical initial est un cancer broncho-pulmonaire primitif ; Que la caisse réplique qu'elle n'est pas liée par l'intitulé du certificat médical initial et que le caractère professionnel de la pathologie affectant M. G..., vérifié à deux reprises par son médecin-conseil au vu de l'entier dossier médical, est établi ; Qu'en l'espèce la caisse n'établit pas par ses productions que M. G... était atteint d'un « cancer broncho pulmonaire primitif »; qu'en effet, alors que le certificat médical initial vise un « carcinome épidermoïde », les seuls avis du médecin-conseil de la caisse des 14 novembre et 08 décembre 2011 )qui ne sont pas opposables à l'employeur (visant un code syndrome « 030 BAC 34X » au titre d'un « Cancer broncho-pulmonaire » et un « scanner ») pièces n°3 et 4 de la caisse(, de même que l'avis du CRRMP faisant état comme motif de la saisine d'un « cancer broncho-pulmonaire primitif » avec « travaux non mentionnés dans la liste nominative ») pièce n° 5 de la caisse (, sont insuffisants à caractériser avec certitude la réalisation de la condition médicale du tableau 30 bis, et notamment le caractère primitif de la pathologie retenue par la caisse au titre de la prise en charge ; Que dès lors, en l'absence de caractérisation par la caisse de la pathologie du tableau n°30 bis, et alors que la caisse ne soutient pas à ses écritures que la décision de prise en charge du 16 avril 2012 avait acquis un caractère définitif à l'égard de l'employeur, il y a lieu de déclarer inopposable à la société la décision de prise en charge de la pathologie déclarée par M. G... au titre de la législation professionnelle, l'inopposabilité à la société découlant de cette irrégularité de fond privant la société de tout recours récursoire en récupération sur l'employeur des compléments de rente et indemnités versés par la caisse » ; ALORS QUE, si l'employeur peut soutenir, en défense à l'action en reconnaissance de la faute inexcusable introduite par la victime ou ses ayants droit, que l'accident, la maladie ou la rechute n'a pas d'origine professionnelle, il n'est pas recevable à contester la décision de prise en charge de l'accident, de la maladie ou de la rechute par la caisse primaire au titre de la législation sur les risques professionnels ; qu'en déclarant inopposable à l'employeur la décision de prise en charge de la maladie déclarée par M. G..., quand ils n'étaient saisis que de l'action en reconnaissance de la faute inexcusable intentée par ce dernier, les juges du fond ont violé l'article R. 441-14 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction modifiée par le décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009, ensemble les articles L. 452-1 à L. 452-3 du même code. SECOND MOYEN DE CASSATION (subsidiaire) L'arrêt attaqué encourt la censure ; EN CE QU' il a déclaré inopposable à la société ALSTOM SHIPWORKS, anciennement dénommée CHANTIERS DE L'ATLANTIQUE, la décision de la Caisse en date du 16 avril 2012 portant prise en charge, au titre de la législation professionnelle, de la pathologie déclarée le 24 août 2011 par M. G..., puis débouté la Caisse de sa demande de condamnation de ladite société à lui rembourser l'ensemble des sommes dont elle serait amenée à faire l'avance au titre de la faute inexcusable ; AUX MOTIFS QUE « la société fait valoir que la décision de prise en charge de la maladie déclarée lui est inopposable faute d'investigations et d'enquête menée auprès d'elle par la caisse afin de connaître notamment les conditions de travail de M, G..., la caisse ne pouvant donc pas invoquer la présomption d'imputabilité ; Que la caisse réplique qu'il importe peu qu'elle ne prouve pas la réalisation d'une enquête auprès de la société appelante, dès lors que l'inopposabilité de la décision de prise en charge ne saurait la priver de son action récursoire ; Que la maladie professionnelle a été déclarée le 24 août 2011 ;
Cour d'appel de Rennes SS, Cour de cassation Deuxième chambre civile, décision 19-18.244 du 26/11/2020, partie 3
Que la décision prise par une caisse dans les conditions prévues par l'article R. 441-14 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction issue du décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009, applicable le 1er janvier 2010, ayant pour objet exclusif la prise en charge ou le refus de prise en charge au titre de la législation professionnelle, de l'accident, de la maladie ou de la rechute, l'irrégularité de la procédure conduisant à la prise en charge, par une caisse, au titre de la législation professionnelle, d'un accident, d'une maladie ou d'une rechute, est sans incidence sur l'action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, ce dont il découle, que l'irrégularité de la procédure ne prive pas la caisse du droit de récupérer sur l'employeur, après reconnaissance de cette faute, les compléments de rente et indemnités versés par elle et que l'inopposabilité à la société de la décision de prise en charge en découlant ne fait pas obstacle à l'action récursoire de la caisse ; Que dans ces conditions l'irrégularité de procédure commise par la caisse, non contestée par cette dernière qui n'a pas instruit la maladie au contradictoire de la société Chantiers de l'Atlantique, ne lui adressant pas de questionnaire et ne l'interrogeant pas sur les conditions du tableau, si elle conduit à devoir déclarer inopposable pour cette raison ladite prise en charge à l'égard de la société, ne prive pas la caisse du droit de récupérer sur l'employeur, les compléments de rente et indemnités versés par elle ; Que cependant, la société Chantiers de l'Atlantique se prévaut également, à l'effet de priver la caisse de toute action récursoire, d'une inopposabilité « de fond » à son égard de la décision de prise en charge tenant à l'absence d'établissement du caractère professionnel de la pathologie prise en charge (conditions du tableau) ; Qu'elle articule à cet effet que la caisse n'a pas justifié médicalement que la pathologie diagnostiquée et visée au certificat médical initial est un cancer broncho-pulmonaire primitif ; Que la caisse réplique qu'elle n'est pas liée par l'intitulé du certificat médical initial et que le caractère professionnel de la pathologie affectant M. G..., vérifié à deux reprises par son médecin-conseil au vu de l'entier dossier médical, est établi ; Qu'en l'espèce la caisse n'établit pas par ses productions que M. G... était atteint d'un « cancer broncho pulmonaire primitif »; qu'en effet, alors que le certificat médical initial vise un « carcinome épidermoïde », les seuls avis du médecin-conseil de la caisse des 14 novembre et 08 décembre 2011 )qui ne sont pas opposables à l'employeur (visant un code syndrome « 030 BAC 34X » au titre d'un « Cancer broncho-pulmonaire » et un « scanner ») pièces n°3 et 4 de la caisse(, de même que l'avis du CRRMP faisant état comme motif de la saisine d'un « cancer broncho-pulmonaire primitif » avec « travaux non mentionnés dans la liste nominative ») pièce n° 5 de la caisse (, sont insuffisants à caractériser avec certitude la réalisation de la condition médicale du tableau 30 bis, et notamment le caractère primitif de la pathologie retenue par la caisse au titre de la prise en charge ; Que dès lors, en l'absence de caractérisation par la caisse de la pathologie du tableau n°30 bis, et alors que la caisse ne soutient pas à ses écritures que la décision de prise en charge du 16 avril 2012 avait acquis un caractère définitif à l'égard de l'employeur, il y a lieu de déclarer inopposable à la société la décision de prise en charge de la pathologie déclarée par M. G... au titre de la législation professionnelle, l'inopposabilité à la société découlant de cette irrégularité de fond privant la société de tout recours récursoire en récupération sur l'employeur des compléments de rente et indemnités versés par la caisse » ; ALORS QUE, la preuve de l'existence d'une affection figurant au tableau n° 30 bis peut être rapportée par la production d'éléments médicaux ; que lorsque le médecin-conseil estime, dans son avis, que l'assuré est bien atteint de la pathologie décrite au tableau des maladies professionnelles, la caisse, qui n'a pas accès aux pièces médicales sur la base desquelles le médecin-conseil a émis cet avis, établit que la pathologie de l'assuré était bien celle visée au tableau n° 30 bis ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale, ensemble le tableau n° 30 bis des maladies professionnelles.
Cour d'appel de Rennes SS, Cour de cassation Deuxième chambre civile, décision 19-18.244 du 26/11/2020, partie 4
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 18 NOVEMBRE 2020 Mme C... T..., domiciliée [...] , a formé le pourvoi n° Q 19-22.330 contre l'arrêt rendu le 20 février 2019 par la cour d'appel de Versailles (19e chambre), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. W... N..., 2°/ à Mme H... N..., tous deux domiciliés [...] , 3°/ à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) des Hauts-de-Seine, dont le siège est [...] , défendeurs à la cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Le Lay, conseiller, les observations écrites de la SCP Gadiou et Chevallier, avocat de Mme T..., de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de M. et Mme N..., après débats en l'audience publique du 29 septembre 2020 où étaient présents Mme Leprieur, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Le Lay, conseiller rapporteur, Mme Prache, conseiller référendaire ayant voix délibérative, et Mme Lavigne, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article L. 431-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision. 1. Le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. 2. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi. EN CONSÉQUENCE, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne Mme T... aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit novembre deux mille vingt. MOYEN ANNEXE à la présente décision Moyen produit par la SCP Gadiou et Chevallier, avocat aux Conseils, pour Mme T... IL EST FAIT GRIEF A L'ARRET ATTAQUE d'avoir confirmé le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Madame T... de sa demande d'annulation du procès-verbal de conciliation du 19 novembre 2013, AUX MOTIFS QUE : « La procédure applicable au litige étant orale, la comparution des parties est obligatoire. Madame T..., bien que régulièrement convoquée, n'est ni présente ni représentée et il convient de statuer sur les mérites de son appel ainsi que le requièrent les intimés en application de l'article 468 du code de procédure civile. L'appelante ne soutenant pas son appel, ne formulant aucune critique à l'encontre de la décision entreprise et aucun moyen d'ordre public que la cour serait tenue de relever d'office ne se révélant en la cause, le jugement entrepris doit être confirmé en toutes ses dispositions comme le demandent les intimés. » ALORS QUE, dans les procédures sans représentation obligatoire, les parties doivent être convoquées par le greffier de la cour d'appel à l'audience prévue pour les débats dans les formes prescrites par l'article 937 du code de procédure civile; Que la cour d'appel ne peut considérer que l'appelant non comparant et non représenté a été valablement convoqué à l'audience qu'autant qu'il résulte de ses constatations que la convocation adressée par le greffe à cet appelant était régulière ; Qu'en la présente espèce, la cour d'appel s'est contentée de relever dans l'exposé des faits et de la procédure que Madame T... « n'a pas conclu, ne s'est pas présentée à l'audience et ne s'y est pas fait représenter bien que régulièrement convoquée à l'adresse qu'elle avait indiquée dans sa déclaration d'appel au [...] » pour en conclure, dans les motifs de son arrêt que « Madame T..., bien que régulièrement convoquée, n'est ni présente ni représentée et il convient de statuer sur les mérites de son appel ainsi que le requièrent les intimés en application de l'article 468 du code de procédure civile » ; Qu'en statuant ainsi sans plus de précisions sur la forme de la convocation de Madame T... à l'audience du 9 janvier 2019 ainsi que sur sa date, la cour d'appel n'a pas permis à la Cour de cassation d'exercer son contrôle sur la régularité de cette convocation ; Que, ce faisant, elle n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 14 et 937 du code de procédure civile, ensemble l'article R.1461-2 du code du travail dans sa rédaction antérieure au décret n°2016-660 du 20 mai 2016.
Cour d'appel de Versailles 19, Cour de cassation Chambre sociale, décision 19-22.330 du 18/11/2020, partie 1
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ AVIS DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 18 NOVEMBRE 2020 Le tribunal judiciaire de Sarreguemines, par jugement en date du 31 juillet 2020, reçu le 24 août 2020 à la Cour de cassation, a sollicité l'avis de la Cour de cassation dans la procédure suivie contre M. P... R... sur sa requête en conversion de peine. Énoncé de la demande d'avis 1. La demande d'avis est ainsi rédigée : « Le juge de l'application des peines peut-il déclarer recevable une requête en conversion d'une peine contraventionnelle de travail d'intérêt général en une peine correctionnelle de jours-amende sur le fondement de l'article 747-1-1 du Code de procédure pénale à partir du moment où la requête émane du condamné, que la situation du condamné a profondément évolué depuis le prononcé de la peine et qu'il est dans l'intérêt du condamné d'exécuter le plus rapidement possible une nouvelle sanction plus conforme à sa situation personnelle?» Faits et procédure 1. Il résulte du jugement précité ce qui suit. 2. M. P... R... a été condamné par le tribunal de police de Sarreguemines, le 26 juin 2019, à la peine de 120 heures de travail d'intérêt général à exécuter dans un délai de 18 mois pour des faits de violences avec une incapacité totale de travail inférieure ou égale à 8 jours commis à Sarreguemines le 2 mai 2019. 3. Le 18 novembre 2019, un rapport ponctuel a avisé le juge de l'application des peines de l'entrée en formation du condamné en septembre 2019 et donc d'une proposition d'exécution des heures de travail d'intérêt général à compter du mois de juillet 2020. 4. Le 30 juin 2020, une note a informé le juge de l'application des peines de la signature par le condamné d'un contrat de travail à durée indéterminée. 5. M. R... a présenté une requête en conversion de son travail d'intérêt général en jours-amende. 6. Par jugement en date du 31 juillet 2020, le juge de l'application des peines a sollicité l'avis de la Cour de cassation sur la question précitée. 7. Ce jugement a été notifié à M. R... par lettre recommandée avec avis de réception présentée le 5 août 2020. 8. Par soit-transmis en date du 3 août 2020 adressé au ministère public et par courrier en date du 4 août 2020 adressé à M. R..., il a été sollicité les observations des parties sur cette demande d'avis. 9. Le dossier de la procédure a été enregistré à la Cour de cassation le 24 août 2020. 10. L'examen de l'affaire a été fixé au 4 novembre 2020. Irrecevabilité de la demande d'avis 11. Selon l'article 706-65 du code de procédure pénale, quand il envisage de solliciter l'avis de la Cour de cassation en application de l'article L. 441-1 du code de l'organisation judiciaire, le juge en avise les parties et le ministère public. Il recueille les observations écrites éventuelles des parties et les conclusions du ministère public dans le délai qu'il fixe, à moins que ces observations ou conclusions n'aient déjà été communiquées. Dès réception des observations et conclusions ou à l'expiration du délai, le juge peut, par une décision non susceptible de recours, solliciter l'avis de la Cour de cassation, en formulant la question de droit qu'il lui soumet. 12. Selon l'article 706-66 dudit code, la décision sollicitant l'avis est adressée, avec les conclusions et les observations écrites éventuelles, par le greffier de la juridiction au greffe de la Cour de cassation. Elle est notifiée, ainsi que la date de transmission du dossier, aux parties par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. 13. Ces textes ont pour finalité le respect du principe de la contradiction préalablement et postérieurement à la transmission de la demande d'avis. Ils visent, d'une part, à obtenir des parties et de leurs conseils leur avis sur l'utilité de poser une question de droit à la Cour de cassation et sur son contenu et, d'autre part, à les informer de la saisine pour avis ainsi que de la date de transmission de la décision pour leur permettre de présenter le cas échéant des observations à la Cour de cassation. 14. En l'espèce, il résulte du dossier transmis à la Cour de cassation que, d'une part, les parties ont été sollicitées pour communiquer leurs observations après que le jugement demandant l'avis de la Cour de cassation a été rendu, d'autre part, les parties n'ont pas reçu notification de la date de transmission du dossier à la Cour de cassation. 15. Ces formalités n'ayant pas été accomplies, la demande d'avis est irrecevable. PAR CES MOTIFS, la Cour : DÉCLARE LA DEMANDE D'AVIS IRRECEVABLE. Le présent avis a été signé par le conseiller rapporteur, le président et le greffier de chambre.
décision 20-96.005 du 18/11/2020, partie 1
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 12 NOVEMBRE 2020 1°/ la société Sodibel - société de distribution de Bellevue, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , 2°/ Mme L... R..., veuve Q..., domiciliée [...] , 3°/ M. U... Q..., domicilié [...] , 4°/ M. V... Q..., domicilié [...] , agissant tous trois en qualité d'héritiers de T... Q..., ont formé le pourvoi n° K 18-19.677 contre l'arrêt rendu le 16 avril 2018 par la cour d'appel de Basse-Terre (2e chambre civile), dans le litige les opposant : 1°/ à la société Lixxbail, société d'aménagement foncier et d'établissement rural, dont le siège est [...] , venant aux droits de la société Unimat, 2°/ à la Société antillaise frigorifique (Safo), société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , 3°/ à la Société frigorifique martiniquaise (Sofirma), société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , 4°/ à la société Somahyper, société par actions simplifiée, dont le siège est chez SAFO [...], défenderesses à la cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Blanc, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société Sodibel, Mme L... R..., veuve Q..., M. U... Q... et M. V... Q..., de la SCP Buk Lament-Robillot, avocat de la société Lixxbail, de la SCP Colin-Stoclet, avocat des Sociétés antillaise frigorifique, frigorifique martiniquaise et Somahyper, et l'avis de Mme Guinamant, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 22 septembre 2020 où étaient présents M. Rémery, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Blanc, conseiller référendaire rapporteur, Mme Vaissette, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. 1. Par acte déposé au greffe de la Cour de cassation le 8 avril 2020, la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat à cette Cour, a déclaré, au nom de la société Sodibel et des consorts Q..., se désister du pourvoi formé par elle contre l'arrêt rendu par la cour d'appel de Basse-Terre (2e chambre civile) le 16 avril 2018. 2. En application de l'article 1026 du code de procédure civile, ce désistement, intervenu après le dépôt du rapport, doit être constaté par un arrêt. PAR CES MOTIFS, la Cour : DONNE ACTE à la société Sodibel et aux consorts Q... de leur désistement de pourvoi ; DONNE ACTE aux Sociétés antillaise frigorifique, frigorifique martiniquaise et Somahyper de l'acceptation du désistement et de leur demande de renonciation au bénéfice de l'article 700 du code de procédure civile ; Condamne la société Sodibel et les consorts Q... aux dépens ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du douze novembre deux mille vingt.
Cour d'appel de Basse-Terre, Cour de cassation Chambre commerciale financière et économique, décision 18-19.677 du 12/11/2020, partie 1
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 12 NOVEMBRE 2020 La société Banque populaire rives de Paris, société coopérative de banque populaire, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° W 19-19.553 contre l'arrêt (n° RG : 17/11811) rendu le 29 mars 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 4 , chambre 1), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. Q... V..., 2°/ à Mme T... C..., épouse V..., tous deux domiciliés [...] , 3°/ à la société [...] , société civile professionnelle, dont le siège est [...] , prise en la personne de M. U... R..., en qualité de liquidateur judiciaire de la société Prophal, société par actions simplifiée, défendeurs à la cassation. La SCP [...] , ès qualités, a formé un pourvoi incident contre le même arrêt. La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt. La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Bech, conseiller, les observations de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de la société Banque populaire rives de Paris, de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de M. et Mme V..., de Me Le Prado, avocat de la SCP [...] , ès qualités, après débats en l'audience publique du 29 septembre 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Bech, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Berdeaux, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 29 mars 2019), la société Banque populaire rives de Paris (la Banque populaire) a accordé une garantie d'achèvement ou de remboursement à la société Prophal, placée depuis en liquidation judiciaire, pour la réalisation d'une opération de promotion immobilière. 2. M. et Mme V... avaient acquis plusieurs lots dont la livraison n'est pas intervenue à la date convenue. La société Prophal a accepté de les indemniser. 3. Ils ont assigné la société Prophal et la Banque populaire en résolution de la vente et allocation de dommages-intérêts. 4. Le chantier ayant ensuite été repris, M. et Mme V... ont modifié leurs prétentions initiales pour demander la livraison de leur appartement et l'octroi de dommages-intérêts. Examen des moyens Sur le troisième moyen du pourvoi principal, pris en ses deux premières branches, ci-après annexé 5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs, l'un étant irrecevable et l'autre n'étant manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen du pourvoi principal Enoncé du moyen 6. La Banque populaire fait grief à l'arrêt de la déclarer, in solidum avec la société Prophal responsable du préjudice subi par M. et Mme V... en raison du retard de livraison de l'appartement et de la condamner au paiement de dommages-intérêts et à financer les travaux nécessaires à l'achèvement de l'appartement, en prenant toutes mesures permettant d'assurer l'efficacité de cette condamnation, alors : « 1°/ que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties, lesquelles sont fixées par l'acte introductif d'instance, et il ne peut être modifié que par des demandes incidentes se rattachant aux prétentions originaires par un lien suffisant ; qu'au cas présent, l'acquéreur a introduit devant le tribunal de grande instance de Sens une action aux fins de résolution de la vente en l'état futur d'achèvement et a ensuite, devant cette même juridiction, modifié l'objet du litige en se désistant de cette prétention et en sollicitant l'exécution forcée de la vente et l'engagement de la garantie financière d'achèvement fournie par la banque ; que ces dernières prétentions, qui ne constituent pas des demandes incidentes se rattachant aux prétentions originaires par un lien suffisant, ont donc été formées au mépris du principe d'immutabilité du litige ; que pour condamner néanmoins la banque à mettre en oeuvre sa garantie financière d'achèvement, la cour d'appel a retenu que l'acquéreur d'un immeuble en l'état futur d'achèvement est fondé, après avoir renoncé à demander la résolution de la vente, à solliciter l'exécution du contrat et la mise en oeuvre de la garantie d'achèvement qui avait été souscrite, la demande en résolution de la vente, qui n'a pas entraîné renonciation à agir en exécution forcée, n'ayant pas davantage entraîné renonciation à cette garantie ;
Cour d'appel de Paris G1, Cour de cassation Troisième chambre civile, décision 19-19.553 du 12/11/2020, partie 1
qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile ; 2°/ que nul ne peut se contredire au détriment d'autrui ; qu'au cas présent, l'acquéreur a introduit devant le tribunal de grande instance de Sens une action aux fins de résolution de la vente en l'état futur d'achèvement et a ensuite, devant cette même juridiction, modifié l'objet du litige en se désistant de cette prétention et en sollicitant l'exécution forcée de la vente et l'engagement de la garantie financière d'achèvement fournie par la banque ; que par un tel comportement procédural, l'acquéreur s'est contredit au détriment de la banque en l'induisant en erreur sur ses intentions à son égard ; qu'en condamnant néanmoins la banque à mettre en oeuvre sa garantie financière d'achèvement, la cour d'appel a violé le principe susvisé. » Réponse de la Cour 7. La cour d'appel a retenu que, en cas d'inexécution par une partie de ses obligations, le cocontractant dispose d'une option qui lui permet de demander l'exécution forcée du contrat ou d'agir en résolution et que, après avoir engagé l'une des deux actions, il peut y renoncer pour exercer l'autre tant qu'il n'a pas été statué sur sa demande initiale par une décision passée en force de chose jugée et qu'ainsi, l'acquéreur d'un immeuble en l'état futur d'achèvement est fondé, après avoir renoncé à demander la résolution de la vente, à solliciter l'exécution du contrat et la mise en oeuvre de la garantie d'achèvement, la demande en résolution de la vente n'ayant pas entraîné renonciation à agir en exécution forcée ni à obtenir la garantie d'achèvement. 8. La cour d'appel en a exactement déduit, sans modifier l'objet du litige ni violer le principe selon lequel nul ne peut se contredire au détriment d'autrui, que M. et Mme V... étaient fondés à demander le bénéfice de la garantie d'achèvement à laquelle la Banque populaire était tenue. 9. Le moyen n'est donc pas fondé. Sur le deuxième moyen du pourvoi principal Enoncé du moyen 10. La Banque populaire fait le même grief à l'arrêt, alors : « 1°/ que les juges du fond doivent caractériser le préjudice dont ils entendent ordonner la réparation ; qu'en allouant à l'acquéreur une somme arrêtée au 31 décembre 2016 et une somme mensuelle du 1er janvier 2017 au jour de la livraison de l'appartement en réparation du préjudice causé par le retard dans la livraison, sans préciser en quoi consistait ce préjudice, la cour d'appel a violé l'article 1147, devenu 1231-1, du code civil ; 2°/ que les conventions ne créent d'obligations qu'entre les parties ; qu'au cas présent, il résulte des constatations de la cour d'appel que la société venderesse et l'acquéreur avaient convenu d'une indemnisation mensuelle d'un montant de 670 euros à compter du 1er août 2014 ; qu'en mettant à la charge de la banque le paiement d'une somme de 19 430 euros à titre de dommages-intérêts arrêtés au 31 décembre 2016, soit 670 euros sur 29 mois, et d'une somme mensuelle de 670 euros du 1er janvier 2017 au jour de la livraison de l'appartement, la cour d'appel a étendu à la banque une obligation contractuelle consentie uniquement entre la venderesse et l'acquéreur ; qu'en statuant ainsi, elle a violé l'article 1165, devenu 1199, du code civil. » Réponse de la Cour 11. Ayant relevé que la livraison de l'appartement de M. et Mme V... était prévue pour le 31 décembre 2013 et retenu qu'il convenait d'évaluer à une certaine somme le préjudice causé par le retard de livraison jusqu'au 31 décembre 2016 et à une somme mensuelle pour la période postérieure, jusqu'à la livraison du bien, c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain que la cour d'appel a évalué le préjudice indemnisable par la Banque populaire, dont elle a justifié l'existence par l'évaluation qu'elle en a faite, sans faire référence à l'accord d'indemnisation pris entre M. et Mme V... et la société Prophal. 12. Le moyen n'est donc pas fondé. Sur le troisième moyen du pourvoi principal, pris en ses trois dernières branches Enoncé du moyen 13. La Banque populaire fait le même grief à l'arrêt, alors : « 3°/ que la banque faisait valoir, pièces à l'appui, qu'elle avait toujours payé les factures qui lui étaient adressées par la société venderesse afin que le chantier puisse être achevé ; qu'en délaissant ce moyen péremptoire de nature à démontrer que la banque n'avait pas méconnu son obligation de garantie, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 4°/ qu'il n'appartient pas au garant financier d'achèvement de s'immiscer dans les opérations de construction pour vérifier le bon déroulement du chantier ni de se substituer au maître de l'ouvrage ;
Cour d'appel de Paris G1, Cour de cassation Troisième chambre civile, décision 19-19.553 du 12/11/2020, partie 2
qu'en reprochant à la banque de n'avoir pas effectué de diligences pour activer le chantier ou se tenir informée de son avancée, la cour d'appel a violé les articles L. 261-11 et R. 261-21 du code de la construction et de l'habitation, en leur rédaction applicable à l'espèce ; 5°/ que depuis l'entrée en vigueur de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 modifiant l'article L. 261-10-1 du code de la construction et de l'habitation, le garant financier d'achèvement a le pouvoir de faire désigner un administrateur ad hoc par ordonnance sur requête avec pour mission de faire réaliser les travaux nécessaires à l'achèvement de l'immeuble ; que ce texte, entré en vigueur le 25 novembre 2018, n'est pas applicable au cas présent, les faits litigieux étant antérieurs à cette date ; que pour condamner la banque à indemniser l'acquéreur du chef d'un retard dans la mise en oeuvre de sa garantie d'achèvement, la cour d'appel a retenu qu'elle aurait dû assurer l'effectivité et l'efficacité de cette garantie, notamment en faisant désigner un administrateur judiciaire ayant pour mission de déterminer la nature et les modalités d'exécution des travaux à effectuer et de les faire réaliser par un maître d'ouvrage ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles L. 261-11 et R. 261-21 du code de la construction et de l'habitation, en leur rédaction applicable à l'espèce, ensemble l'article L. 261-10-1 du code de la construction et de l'habitation en sa rédaction issue de la de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018. » Réponse de la Cour 14. La cour d'appel a retenu, par motifs propres et adoptés, que, si l'engagement du garant n'est que financier et si celui-ci ne peut se substituer au maître de l'ouvrage défaillant et faire procéder à l'exécution des travaux, il doit assurer l'efficacité et l'effectivité de sa garantie et que la Banque populaire, qui ne s' était pas tenue informée du déroulement des travaux et n'avait pas contribué à leur efficacité, avait manqué à ses obligations d'effectuer toutes diligences pour mettre en oeuvre sa garantie dès la constatation de la défaillance de la société Prophal. 15. Elle a pu, sans être tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation et abstraction faite d'un motif surabondant, en déduire que M. et Mme V... étaient fondés à solliciter la mise en oeuvre de la garantie d'achèvement à laquelle la Banque populaire était tenue et que celle-ci devait prendre en charge, in solidum avec la société Prophal, l'indemnisation du préjudice subi par M. et Mme V... en raison du retard dans la livraison de leur appartement. 16. Le moyen n'est donc pas fondé. Sur le moyen unique du pourvoi incident Enoncé du moyen 17. Le liquidateur de la société Prophal fait grief à l'arrêt de, ayant déclaré la Banque populaire et la société Prophal responsables in solidum du préjudice subi par M. et Mme V... en raison du retard de livraison de l'appartement et condamné la banque à payer des dommages-intérêts, fixer les sommes correspondantes au passif de la liquidation judiciaire de la société Prophal, dire celle-ci tenue à garantir la Banque populaire à concurrence de 60 % de cette condamnation et fixer cette créance au passif de la liquidation judiciaire, alors « que les juges du fond doivent caractériser le préjudice dont ils entendent ordonner la réparation ; qu'en allouant à l'acquéreur une somme arrêtée au 31 décembre 2016 et une somme mensuelle du 1er janvier 2017 au jour de la livraison de l'appartement en réparation du préjudice causé par le retard dans la livraison, sans préciser en quoi consistait ce préjudice, la cour d'appel a violé l'article 1147, devenu 1231-1, du code civil. » Réponse de la Cour 18. Ayant relevé que la livraison de l'appartement de M. et Mme V... était prévue pour le 31 décembre 2013 et retenu qu'il convenait d'évaluer le préjudice causé par le retard de livraison, arrêté au 31 décembre 2016, à une certaine somme et à une somme mensuelle à compter du 1er janvier 2017 jusqu'au jour de la livraison du bien, la cour d'appel a souverainement apprécié le préjudice indemnisable par la société Prophal, dont elle a justifié l'existence par l'évaluation qu'elle en a faite. 19. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE les pourvois ; Laisse à chaque demandeur la charge des dépens afférents à son pourvoi ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Banque populaire rives de Paris à payer à M. et Mme V... la somme globale de 1 500 euros et rejette les autres demandes ; Ainsi fait et jugé par la cour de cassation, troisième chambre civile, signé par M. Maunand, conseiller doyen, conformément aux dispositions des articles 456 et 1021 du code de procédure civile, en remplacement du conseiller empêché, et signé et prononcé par le président en son audience publique du douze novembre deux mille vingt.
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MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits au pourvoi principal par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils, pour la société Banque populaire rives de Paris PREMIER MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à la décision attaquée d'avoir déclaré la venderesse, représentée par son liquidateur, et la banque responsables in solidum du préjudice subi par l'acquéreur en raison du retard de livraison de l'appartement, d'avoir condamné en conséquence la banque à payer à l'acquéreur une somme de 19 430 euros à titre de dommages-intérêts arrêtés au 31 décembre 2016 et une somme mensuelle de 670 euros du 1er janvier 2017 au jour de la livraison de l'appartement, et d'avoir condamné la banque, en prenant toutes mesures permettant d'assurer l'efficacité de cette condamnation, à financer les travaux nécessaires à l'achèvement de l'appartement ; aux motifs que « en cas d'inexécution par une partie de ses obligations, le cocontractant dispose d'une option qui lui permet de demander l'exécution forcée du contrat ou d'agir en résolution ; qu'après avoir engagé une action, il peut y renoncer pour exercer l'autre action tant qu'il n'a pas été statué sur sa demande initiale par une décision passée en force de chose jugée ; qu'ainsi, l'acquéreur d'un immeuble en l'état futur d'achèvement est fondé, après avoir renoncé à demander la résolution de la vente, à solliciter l'exécution du contrat et la mise en oeuvre de la garantie d'achèvement qui avait été souscrite, la demande en résolution de la vente, qui n'a pas entraîné renonciation à agir en exécution forcée, n'ayant pas davantage entraîné renonciation à cette garantie » ; et aux motifs éventuellement adoptés que « La banque invoque l'article 753 du code de Procédure Civile qui stipule que les prétentions présentées dans les conclusions antérieures qui ne sont pas reprises dans les dernières conclusions sont réputées avoir été abandonnées, pour arguer de l'irrecevabilité des demandes indemnitaires. Elle se fonde ainsi sur le jeu de conclusions numéro 3 du demandeur. Or, celui-ci par conclusions récapitulatives numéro mentionnées en début de jugement, formule une demande de dommages-intérêts à son encontre. Sa prétention est donc recevable en son principe. La garantie d'achèvement par ouverture de crédit consentie en l'espèce permet à l'acquéreur de, soit demander l'exécution forcée du contrat, soit de demander la résolution de la vente. Cela signifie que les deux garanties ne se cumulent pas mais rien n'interdit à l'acquéreur de modifier son choix en cours de procédure ». alors 1/ que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties, lesquelles sont fixées par l'acte introductif d'instance, et il ne peut être modifié que par des demandes incidentes se rattachant aux prétentions originaires par un lien suffisant ; qu'au cas présent, l'acquéreur a introduit devant le tribunal de grande instance de Sens une action aux fins de résolution de la vente en l'état futur d'achèvement et a ensuite, devant cette même juridiction, modifié l'objet du litige en se désistant de cette prétention et en sollicitant l'exécution forcée de la vente et l'engagement de la garantie financière d'achèvement fournie par la banque ; que ces dernières prétentions, qui ne constituent pas des demandes incidentes se rattachant aux prétentions originaires par un lien suffisant, ont donc été formées au mépris du principe susvisé, imposant l'immutabilité du litige ; que pour condamner néanmoins la banque à mettre en oeuvre sa garantie financière d'achèvement, la cour d'appel a retenu que l'acquéreur d'un immeuble en l'état futur d'achèvement est fondé, après avoir renoncé à demander la résolution de la vente, à solliciter l'exécution du contrat et la mise en oeuvre de la garantie d'achèvement qui avait été souscrite, la demande en résolution de la vente, qui n'a pas entraîné renonciation à agir en exécution forcée, n'ayant pas davantage entraîné renonciation à cette garantie ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile ; alors 2/ que nul ne peut se contredire au détriment d'autrui ; qu'au cas présent, l'acquéreur a introduit devant le tribunal de grande instance de Sens une action aux fins de résolution de la vente en l'état futur d'achèvement et a ensuite, devant cette même juridiction, modifié l'objet du litige en se désistant de cette prétention et en sollicitant l'exécution forcée de la vente et l'engagement de la garantie financière d'achèvement fournie par la banque ; que par un tel comportement procédural, l'acquéreur s'est contredit au détriment de la banque en l'induisant en erreur sur ses intentions à son égard ; qu'en condamnant néanmoins la banque à mettre en oeuvre sa garantie financière d'achèvement, la cour d'appel a violé le principe susvisé. DEUXIÈME MOYEN DE CASSATION
Cour d'appel de Paris G1, Cour de cassation Troisième chambre civile, décision 19-19.553 du 12/11/2020, partie 4
Il est fait grief à la décision attaquée d'avoir déclaré la venderesse, représentée par son liquidateur, et la banque responsables in solidum du préjudice subi par l'acquéreur en raison du retard de livraison de l'appartement, d'avoir condamné en conséquence la banque à payer à l'acquéreur une somme de 19 430 euros à titre de dommages-intérêts arrêtés au 31 décembre 2016 et une somme mensuelle de 670 euros du 1er janvier 2017 au jour de la livraison de l'appartement, et d'avoir condamné la banque, en prenant toutes mesures permettant d'assurer l'efficacité de cette condamnation, à financer les travaux nécessaires à l'achèvement de l'appartement ; aux motifs que « il convient d'évaluer le préjudice causé par ce retard jusqu'au 31 décembre 2016 à la somme de 19 430 euros et à la somme de 670 euros par mois du 1er janvier 2017 au jour de la livraison de l'appartement ; ces sommes doivent être mises à la charge de la société Prophal en sa qualité de vendeur tenue à ce titre à une obligation de résultat, ainsi qu'à la banque qui, tenue de la garantie de parfait achèvement, a manqué à ses obligations, comme l'a constaté le tribunal dans ses motifs que la cour adopte, d'effectuer toutes diligences pour mettre en oeuvre sa garantie dès la constatation de la défaillance de la société Prophal, afin de permettre à celle-ci d'achever les travaux » ; alors 1/ que les juges du fond doivent caractériser le préjudice dont ils entendent ordonner la réparation ; qu'en allouant à l'acquéreur une somme arrêtée au 31 décembre 2016 et une somme mensuelle du 1er janvier 2017 au jour de la livraison de l'appartement en réparation du préjudice causé par le retard dans la livraison, sans préciser en quoi consistait ce préjudice, la cour d'appel a violé l'article 1147, devenu 1231-1, du code civil ; alors 2/ que les conventions ne créent d'obligations qu'entre les parties ; qu'au cas présent, il résulte des constatations de la cour d'appel que la société venderesse et l'acquéreur avaient convenu d'une indemnisation mensuelle d'un montant de 670 euros à compter du 1er août 2014 ; qu'en mettant à la charge de la banque le paiement d'une somme de 19 430 euros à titre de dommages-intérêts arrêtés au 31 décembre 2016, soit 670 euros sur 29 mois, et d'une somme mensuelle de 670 euros du 1er janvier 2017 au jour de la livraison de l'appartement, la cour d'appel a étendu à la banque une obligation contractuelle consentie uniquement entre la venderesse et l'acquéreur ; qu'en statuant ainsi, elle a violé l'article 1165, devenu 1199, du code civil. TROISIÈME MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à la décision attaquée d'avoir déclaré la venderesse, représentée par son liquidateur, et la banque responsables in solidum du préjudice subi par l'acquéreur en raison du retard de livraison de l'appartement, d'avoir condamné en conséquence la banque à payer à l'acquéreur une somme de 19 430 euros à titre de dommages-intérêts arrêtés au 31 décembre 2016 et une somme mensuelle de 670 euros du 1er janvier 2017 au jour de la livraison de l'appartement, et d'avoir condamné la banque, en prenant toutes mesures permettant d'assurer l'efficacité de cette condamnation, à financer les travaux nécessaires à l'achèvement de l'appartement ; aux motifs que « la défaillance financière de la société Prophal, qui est en liquidation judiciaire, n'est pas contestée ; que [l'acquéreur] est donc fondé à solliciter la mise en oeuvre par la banque de la garantie d'achèvement à laquelle elle est tenue; que si l'engagement du garant n'est que financier, de sorte qu'il ne peut se substituer au maître de l'ouvrage défaillant et faire procéder à l'exécution des travaux, il doit assurer l'effectivité et l'efficacité de sa garantie en prenant, en cas de carence du maître de l'ouvrage, toutes les mesures nécessaires pour assurer la réalisation des travaux permettant d'achever la construction, notamment en faisant désigner un administrateur judiciaire avec pour mission de déterminer la nature et les modalités d'exécution des travaux à effectuer et de les faire réaliser par un maître d'ouvrage qui se substituera à la société Prophal défaillante ; attendu que la livraison de l'appartement à [l'acquéreur] était prévue [ ] ; il convient d'évaluer le préjudice causé par ce retard jusqu'au 31 décembre 2016 à la somme de 19 430 euros et à la somme de 670 euros par mois du 1er janvier 2017 au jour de la livraison de l'appartement ; ces sommes doivent être mises à la charge de la société Prophal en sa qualité de vendeur tenue à ce titre à une obligation de résultat, ainsi qu'à la banque qui, tenue de la garantie de parfait achèvement, a manqué à ses obligations, comme l'a constaté le tribunal dans ses motifs que la cour adopte, d'effectuer toutes diligences pour mettre en oeuvre sa garantie dès la constatation de la défaillance de la société Prophal, afin de permettre à celle-ci d'achever les travaux [ ]
Cour d'appel de Paris G1, Cour de cassation Troisième chambre civile, décision 19-19.553 du 12/11/2020, partie 5
Attendu que la société Prophal et la banque ont chacune contribué à la réalisation du préjudice subi par [l'acquéreur] en raison du retard dans la livraison de son appartement, la première, en sa qualité de maître de l'ouvrage, pour n'avoir pas su maîtriser le bon déroulement du chantier par les entreprises qu'elle a choisies, la seconde pour n'avoir pas pris les mesures permettant d'assurer l'efficacité de la garantie financière à laquelle elle est tenue ; qu'il y a lieu de fixer leur part de responsabilité respectivement à 60 % et 40 % » ; et aux motifs adoptés que « Le respect du délai de livraison constitue une obligation de résultat dont le vendeur ne peut se libérer que par la justification légitime de la survenance d'une des causes énumérées limitativement au contrat. Ce dernier, en l'espèce, s'obligeait « à mener les travaux de telle manière que les ouvrages et les éléments d'équipement nécessaires à l'utilisation des biens vendus soient achevé et livrés au plus tard [ ] sauf suspension du délai de livraison en cas de redressement ou liquidation judiciaire de l'une des entreprises effectuant les travaux ou encore de leurs fournisseurs ou recherche ou désignation d'une nouvelle entreprise se substituant à l'une ou aux entreprises défaillantes, en redressement ou liquidation judiciaires », clauses de suspension qu'invoque Prophal qui a eu à subir les liquidations de 3 entreprises (Ecimage, JMC et Maya) -intervenant sur le chantier, argumentation combattue par les acquéreurs qui estiment que la SA PROPHAL a choisi, dès l'origine des sociétés en mauvaise santé financière ou inaptes. Comme l'a relevé justement le juge de la mise en état dans son ordonnance du 7 septembre 2016, la liquidation de la société Maya en charge du lot démolition prononcée par le tribunal de commerce d'Evry le 23 mars 2015 et confirmé par la cour d'appel de Paris le 16 juillet 2015 ne peut avoir produit de conséquences sur un chantier engagé en 2012 et ne peut donc valablement être retenue comme source de retard légitime de la livraison du bien. Quant à la société Ecimage, première entreprise générale de bâtiment choisie, elle est une filiale de la SA Prophal à 99,96 %. Or, en 2012, date d'engagement du chantier, la situation de la filiale n'était pas bonne et s'est rapidement dégradée puisque le 8 août 2013 est porté sur son K bis la mention suivante : « continuation de la société malgré un actif net devenu inférieur à la moitié du capital social ; assemblée générale du 30-05-2013 » et que sa liquidation judiciaire a été prononcée le 3 mars 2014. La SA Prophal, en choisissant dès le début du chantier une entreprise très fragile dont elle ne pouvait ignorer la santé financière du fait des liens étroits l'unissant à elle, a sciemment pris le risque de se mettre dans l'incapacité de livrer les biens dans les délais prévus. Elle a ensuite fait appel à une entreprise générale de bâtiment, à savoir la société JMC (B... H... et Cruz) qui était en cessation de paiement depuis le 22 janvier 2013, puis a été placée en redressement judiciaire le 21 juillet 2014 pour finalement être mise en liquidation judiciaire le 15 septembre 2014. Le choix d'une deuxième société dont l'absence de solidité financière était facilement vérifiable alors que le chantier avait déjà pris du retard et aurait nécessité de retenir une entreprise apte à tenir les délais, voire les rattraper, est de la seule responsabilité de la société Prophal, qui ne démontre donc pas que l'inexécution de son obligation provient d'une cause étrangère [ ] L'objet de la garantie d'achèvement sous la forme d'une ouverture de crédit consiste dans le fait que la banque s'oblige à avancer au vendeur ou à payer pour son compte les sommes nécessaires à l'achèvement des travaux et qu'elle n'est pas tenue d'effectuer les travaux elle-même. Il s'agit donc plus précisément d'une garantie de financement de l'achèvement qui impose à la banque d'agir rapidement dans la mise à disposition des fonds, tout retard excessif de cette obligation de moyen pouvant conduire à une indemnisation de l'acquéreur à qui il incombe de rapporter la preuve du manque de diligences du débiteur de l'obligation. En l'espèce, le conseil de [l'acquéreur] a écrit à la banque par lettre recommandée avec accusé de réception datée du [ ] et envoyée le [ ] pour solliciter l'achèvement des travaux. La banque organisait une réunion de chantier le 20 janvier 2015 à laquelle était présent notamment [l'acquéreur]. Le compte -rendu de la réunion prévoyait que les travaux seraient achevés au 31 août 2015. Or, les logements ne sont pas, à ce jour livrés, preuve indéniable que la banque, si elle n'a certes pas à se substituer au maître de l'ouvrage, doit se tenir informée du déroulement des travaux et contribuer à leur efficacité, ce qu'elle n'a manifestement pas fait en l'espèce, la demande de garantie datant de plus de 30 mois et aucune pièce du garant ne faisant état de diligences de sa part pour activer le chantier ou se tenir au courant de son avancée ou mentionnant des difficultés particulières » ;
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alors 1/ que la garantie d'achèvement a pour objet de garantir l'acquéreur d'un immeuble vendu en l'état futur d'achèvement en cas de défaillance financière du vendeur ; qu'au cas présent, la cour d'appel a retenu que la société venderesse était défaillante du fait de sa mise en liquidation judiciaire, laquelle a été prononcée le 2 mai 2018 ; qu'il s'en évince que, selon ces constatations, l'obligation de garantie de la banque n'est devenue exigible qu'au 2 mai 2018 ; que néanmoins, la cour d'appel a condamné la banque à indemniser l'acquéreur au titre d'un retard dans la mise en oeuvre de sa garantie par le versement d'une somme arrêtée au 31 décembre 2016, puis d'une somme mensuelle due à partir du 1er janvier 2017 jusqu'à la livraison de l'appartement ; qu'en condamnant la banque au titre d'une période antérieure au 2 mai 2018, date de l'exigibilité de l'obligation de garantie, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, violant ainsi les articles L. 261-11 et R. 261-21 du code de la construction et de l'habitation, en leur rédaction applicable à l'espèce ; alors 2/ que la garantie d'achèvement ne doit être mise en oeuvre que dans l'hypothèse où l'inachèvement des travaux a pour origine la défaillance financière du vendeur ; que pour condamner la banque à exécuter sa garantie financière d'achèvement et à indemniser l'acquéreur du chef d'un retard dans la mise en oeuvre de cette garantie, la cour d'appel a d'abord attribué le retard des travaux à la mauvaise santé financière des entreprises choisies par la société venderesse, puis à la défaillance financière de cette dernière ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 261-11 et R. 261-21 du code de la construction et de l'habitation, en leur rédaction applicable à l'espèce ; alors 3/ que la banque faisait valoir, pièces à l'appui, qu'elle avait toujours payé les factures qui lui étaient adressées par la société venderesse afin que le chantier puisse être achevé ; qu'en délaissant ce moyen péremptoire de nature à démontrer que la banque n'avait pas méconnu son obligation de garantie, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; alors 4/ qu'il n'appartient pas au garant financier d'achèvement de s'immiscer dans les opérations de construction pour vérifier le bon déroulement du chantier ni de se substituer au maître de l'ouvrage ; qu'en reprochant à la banque de n'avoir pas effectué de diligences pour activer le chantier ou se tenir informée de son avancée, la cour d'appel a violé les articles L. 261-11 et R. 261-21 du code de la construction et de l'habitation, en leur rédaction applicable à l'espèce ; alors 5/ que depuis l'entrée en vigueur de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 modifiant l'article L. 261-10-1 du code de la construction et de l'habitation, le garant financier d'achèvement a le pouvoir de faire désigner un administrateur ad hoc par ordonnance sur requête avec pour mission de faire réaliser les travaux nécessaires à l'achèvement de l'immeuble ; que ce texte, entré en vigueur le 25 novembre 2018, n'est pas applicable au cas présent, les faits litigieux étant antérieurs à cette date ; que pour condamner la banque à indemniser l'acquéreur du chef d'un retard dans la mise en oeuvre de sa garantie d'achèvement, la cour d'appel a retenu qu'elle aurait dû assurer l'effectivité et l'efficacité de cette garantie, notamment en faisant désigner un administrateur judiciaire ayant pour mission de déterminer la nature et les modalités d'exécution des travaux à effectuer et de les faire réaliser par un maître d'ouvrage ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles L. 261-11 et R. 261-21 du code de la construction et de l'habitation, en leur rédaction applicable à l'espèce, ensemble l'article L. 261-10-1 du code de la construction et de l'habitation en sa rédaction issue de la de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018. Moyen produit au pourvoi incident par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour la SCP [...] , ès qualités,
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IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué, D'AVOIR, ayant déclaré la société Prophal représentée par son liquidateur judiciaire et la Banque populaire Rives de Paris responsables in solidum du préjudice subi par du préjudice subi par les époux V... en raison du retard de livraison de l'appartement et ayant condamné la Banque populaire Rives de Paris à payer aux époux V... une somme de 19 430 euros au titre de dommages-intérêts arrêtés au 31 décembre 2016 et la somme mensuelle de 670 euros du 1er janvier 2017 au jour de la livraison de l'appartement, fixé ces sommes au passif de la liquidation judiciaire de la société Prophal et déclaré la société Prophal représentée par son liquidateur judiciaire tenue de garantir la Banque populaire Rives de Paris à concurrence de 60 % des sommes mises à sa charge au titre de cette condamnation et fixé la créance correspondante au passif de la liquidation judiciaire de la société Prophal et fixé au passif de la liquidation judiciaire de la société Prophal la créance des époux V... d'un montant de 7 182 euros ; AUX MOTIFS QUE la livraison de l'appartement à M. et Mme V... était prévue au 31 décembre 2013 ; qu'il convient d'évaluer le préjudice causé par ce retard jusqu'au 31 décembre 2016 à la somme de 19 430 euros et à la somme de 670 euros par mois du 1er janvier 2017 au jour de la livraison de l'appartement ; que ces sommes doivent être mises à la charge de la société Prophal en sa qualité de vendeur, tenue à ce titre à une obligation de résultat, ainsi qu'à la banque qui, tenue de la garantie de parfait achèvement, a manqué à ses obligations, comme l'a constaté le tribunal dans ses motifs que la cour adopte, d'effectuer toutes diligences pour mettre en oeuvre sa garantie dès la constatation de la défaillance de la société Prophal, afin de permettre à celle-ci d'achever les travaux ; qu'il convient en outre de mettre à la charge de la société Prophal la somme de 7 182 euros correspondant au montant du devis de la société Cambao Mobiliario ; que du fait de la procédure de liquidation judiciaire ouverte à l'encontre de la société Prophal, il y a lieu de fixer au passif de la procédure la somme de 26 612 euros correspondant à la créance de dommages-intérêts de M. et Mme V..., arrêtée 31 décembre 2016, et à la somme mensuelle de 670 euros au titre des dommages-intérêts dus du 1er janvier 2017 à la date de livraison du bien ; ALORS QUE les juges du fond doivent caractériser le préjudice dont ils entendent ordonner la réparation ; qu'en allouant à l'acquéreur une somme arrêtée au 31 décembre 2016 et une somme mensuelle du 1er janvier 2017 au jour de la livraison de l'appartement en réparation du préjudice causé par le retard dans la livraison, sans préciser en quoi consistait ce préjudice, la cour d'appel a violé l'article 1147du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016.
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R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 10 NOVEMBRE 2020 REJET du pourvoi formé par M. M... B... et Mme X... C... contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, chambre 5-12, en date du 3 décembre 2018, qui a condamné, le premier, pour abus de biens sociaux, à six mois d'emprisonnement avec sursis et cinq ans d'interdiction de gérer, la seconde, pour recel, à deux mois d'emprisonnement avec sursis, et a prononcé sur les intérêts civils. Des mémoires, en demande et en défense, ainsi que des observations complémentaires ont été produits. Sur le rapport de Mme Zerbib, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. M... B... et Mme X... C..., les observations de la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat de la société Axyme, ès qualités de liquidateur judiciaire des sociétés Cad et Lignes et Idées, et les conclusions de Mme Zientara-Logeay, avocat général, après débats en l'audience publique du 23 septembre 2020 où étaient présents M. Soulard président, Mme Zerbib, conseiller rapporteur, Mmes de la Lance, Planchon, MM. d'Huy, Wyon, Pauthe, Turcey, de Lamy, conseillers de la chambre, Mme Pichon, M. Ascensi, Mme Fouquet, conseillers référendaires, Mme Zientara-Logeay, avocat général, et M. Maréville, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. M. B..., architecte d'intérieur a été poursuivi du chef d'abus de biens sociaux pour avoir, notamment, d'une part, de 2002 à juillet 2013, étant gérant de fait de la société Cad, attribué, dans son intérêt personnel, à son épouse un salaire mensuel de 2 700 euros en rétribution d'un emploi fictif, soit une somme totale de 356 400 euros, d'autre part, entre le 15 avril et le 4 juillet 2013, facturé sous le nom de sa société M... B... Design et Stratégies des clients de la société Cad. 3. Le tribunal correctionnel, estimant que le versement des salaires n'avait pas été dissimulé, a constaté la prescription de l'action publique pour les faits commis entre 2002 et le 13 janvier 2011 et a déclaré le prévenu coupable du chef d'abus de biens sociaux s'agissant du paiement des salaires ultérieurs correspondant à la somme de 82 654 euros, compte pris du soit-transmis du parquet diligentant une enquête en date du 13 janvier 2014 interruptif de prescription et de la facturation précitée pour une somme totale de 112 560 euros. 4. Son épouse a été poursuivie pour avoir, de 2002 à fin 2012, sciemment bénéficié du produit de l'abus de bien sociaux par lui commis au préjudice de la société Cad par perception de salaires indus d'un total de 356 400 euros en rémunération d'un emploi fictif. 5. Le tribunal correctionnel l'a retenue dans les liens de la prévention et, constatant la connexité et l'indivisibilité de chacune des infractions distinctes dont ils ont été déclarés coupables, l'a condamnée, solidairement avec son mari, sur le fondement de l'article 480-1 du code de procédure pénale, à verser la somme de 356 400 euros au liquidateur de la société Cad placée en liquidation judiciaire par jugement du 6 août 2013. 6. Les prévenus ont relevé appel de cette décision. Examen des moyens Sur les quatrième et cinquième moyens 7. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Sur le deuxième moyen Enoncé du moyen 8. Le moyen est pris de la violation des articles pris de la violation des articles 8, 480-1 et 593 du code de procédure pénale. 9. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a a d'une part, déclaré Mme X... B... coupable de recel d'abus de biens sociaux sur la période courant de 2002 à fin 2012, condamné Mme X... B... à un emprisonnement délictuel de deux mois avec sursis ainsi que, solidairement, à payer à la Selarl EMJ ès qualités de mandataire liquidateur de la société Cad la somme de 346 400 euros au titre de dommages intérêts, d'autre part, condamné M. M... B... solidairement à payer à la Selarl EMJ ès qualités de mandataire liquidateur de la société Cad la somme de 346 400 euros au titre de dommages intérêts, enfin, condamné chacun des époux à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 475-1 du code de procédure pénale, alors « que le point de départ de la prescription de l'action publique du chef de recel est fixé au jour où le recel a pris fin ;
décision 19-80.557 du 10/11/2020, partie 1
que le recel prend fin lorsque le receleur se libère de l'objet recelé entre les mains d'un tiers de bonne foi ; qu'à l'appui de l'exception de prescription de l'action publique des faits de recel d'abus de biens sociaux qui lui étaient reprochés pour avoir de courant 2002 à fin 2012 sciemment bénéficié d'un salaire de 2 700 euros par mois sans contrepartie économique justifiée, Mme B... a fait valoir qu'elle « subvenait à ses besoins et à celui de ses enfants grâce au salaire perçu de la société Cad qu'elle dépensait totalement chaque mois », qu'ainsi, « n'étant plus en possession des salaires perçus de la société Cad à la fin de chaque mois, la prescription de l'action publique a commencé à courir chaque mois », de sorte que « l'enquête préliminaire ayant été ouverte le 13 janvier 2014 et la prévention ne couvrant que les rémunérations perçues jusqu'à la fin de l'année 2012 », l'action publique était éteinte pour les salaires versés antérieurement au 1er janvier 2011 et, au plan civil, seules les demandes de réparation formées par le mandataire liquidateur de la société Cad au titre des années 2011 et 2012 à hauteur de 64 800 euros (2 700 x 24) pouvaient être retenues au titre du délit de recel d'abus de biens sociaux ; qu'en s'abstenant de rechercher, comme elle y était invitée, si le recel des salaires perçus chaque mois n'avait pas pris fin au fur et à mesure des dépenses mensuellement exposées de telle sorte que la prescription était acquise pour les salaires versés antérieurement au 1er janvier 2011, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ». Réponse de la Cour 10. Pour écarter la prescription de l'action publique invoquée par le conseil de Mme B..., l'arrêt énonce, par motifs propres et adoptés, que la prescription applicable au recel est indépendante de celle du délit originel dont il est distinct, que la prescription de l'action publique ne court que du jour où il a pris fin, alors même qu'à cette date, l'infraction qui a procuré la chose serait déjà prescrite, que le recel ne saurait commencer à se prescrire avant que l'infraction dont il procède soit apparue et ait pu être constatée dans des conditions permettant l'exercice de l'action publique. 11. Les juges retiennent qu'en l'espèce, Mme B... a sciemment reçu des salaires en rétribution d'un emploi fictif de façon continue de 2002 à 2012, qu'elle en a profité et que le procureur de la République ayant diligenté une enquête par soit-transmis du 13 janvier 2014, soit moins de trois ans après la dernière perception de revenus, l'action publique n'était pas prescrite, pas même pour partie des faits. 12. L'arrêt attaqué n'encourt pas la censure. 13. En effet, les faits de recel du produit d'abus de biens sociaux résultant de l'exécution d'un seul et même contrat de travail fictif, constituent une opération délictueuse unique. 14. En conséquence, la prescription, qui n'a pu commencer à courir pour l'ensemble des faits, au plus tôt, qu'après la date de la dernière perception de revenus, ne saurait être acquise, dès lors qu'un acte interruptif de prescription est intervenu moins de trois ans après cette date. 15. Dès lors, le moyen n'est pas fondé. Sur le premier moyen Enoncé du moyen 16. Le moyen est pris de la violation des articles 2, 3, 10, 464, 480-1, 512 et 593 du code de procédure pénale, défauts de motifs et manque de base légale. 17. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a constaté l'extinction de l'action publique par acquisition de la prescription pour les faits d'abus de biens sociaux relatifs aux salaires versés à Mme B... de courant 2002 jusqu'au 13 janvier 2011, et limité la déclaration de culpabilité de ce chef à la période de prévention couvrant les salaires versés du 13 janvier 2011 à juillet 2013, a condamné M. B... solidairement à payer à la Selarl EMJ ès qualités de mandataire liquidateur de la société Cad la somme de 346 400 euros au titre de dommages intérêts, outre 2 000 euros au titre de l'article 475-1 du code de procédure pénale, alors : « 1°/ que les tribunaux répressifs ne sont compétents pour connaître de l'action civile en réparation du dommage né d'une infraction qu'accessoirement à l'action publique ; qu'il en résulte que l'extinction de l'action publique interdit au juge répressif de connaître de l'action civile ; qu'ayant retenu par motifs adoptés du jugement que, s'agissant des abus de biens sociaux relatifs aux salaires versés à Mme B..., « la prescription était acquise entre 2002 et le 13 janvier 2011 », de sorte que l'action publique était éteinte pour ces faits, la cour d'appel ne pouvait, sans violer le principe sus-énoncé, condamner civilement M. B... au paiement de la somme de 356 400 euros à titre de dommages intérêts, somme incluant les salaires versés à son épouse entre 2002 et le 13 janvier 2011 couverts par la prescription ;
décision 19-80.557 du 10/11/2020, partie 2
2°/ que lorsque l'action civile est exercée devant une juridiction répressive, elle se prescrit selon les règles de l'action publique ; que l'action publique étant prescrite pour les faits commis de courant 2002 jusqu'au 13 janvier 2011, l'action civile en réparation du préjudice causé par ces mêmes faits l'était par voie de conséquence ; qu'en condamnant M. B... au paiement de la somme de 356 400 euros à titre de dommages intérêts, somme incluant les salaires versés à son épouse entre 2002 et le 13 janvier 2011, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations ; 3°/ que selon l'article 480-1 du code de procédure pénale, les personnes condamnées pour un même délit sont tenues solidairement des restitutions et des dommages-intérêts ; que M. B... ne pouvait être solidairement tenu sur ce fondement des conséquences dommageables des faits de recel dont son épouse avait été reconnue coupable de courant 2002 jusqu'au 13 janvier 2011 faute d'avoir été pénalement condamné pour l'infraction connexe ou indivisible d'abus de biens sociaux dont ces faits de recel procédaient. » Réponse de la Cour 18. Pour condamner M. B..., solidairement avec son épouse, à régler au liquidateur judiciaire de la société Cad une somme de 356 400 euros en réparation du préjudice subi par cette personne morale à la suite de l'abus de biens sociaux commis par son gérant de fait au moyen de versement de salaires à son épouse en rétribution d'un emploi fictif supporté par la société et du recel commis par cette dernière bénéficiaire de ces sommes perçues indûment, l'arrêt énonce, par motifs propres et adoptés, qu'ils ont été déclarés coupables d'infractions rattachées entre elles par un lien d'indivisibilité et de connexité et qu'ils doivent, en conséquence, être tenus solidairement des dommages-intérêts par application de l'article 480-1 du code de procédure pénale. 19. En prononçant ainsi, et dès lors que le prévenu ayant été déclaré coupable de partie des faits d'abus de biens sociaux visés à la prévention que les juges ont estimés à bon droit connexes du recel retenu à l'encontre de l'épouse de ce dernier, les griefs pris de ce que la prescription de l'action publique, constatée pour le surplus des faits d'abus de biens sociaux reprochés, interdit au juge répressif de connaître de l'action civile en réparation du dommage causé par ces derniers sont inopérants, la cour d'appel a justifié sa décision. 20. Dès lors, le moyen doit être écarté. Sur le troisième moyen Enoncé du moyen 21. Il est pris de la violation des articles 6, § 3, de la Convention européenne des droits de l'homme, L. 241-3 du code de commerce, 388 et 512 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale. 22. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. B... coupable des faits d'abus de biens sociaux reprochés au titre de la facturation de clients de la société Cad par l'Eurl M... B... Design & Stratégies de juillet 2009 à juillet 2013, l'a condamné à six mois d'emprisonnement avec sursis et cinq ans d'interdiction d'exercer une profession commerciale ou industrielle, de diriger, d'administrer, de gérer, ou de contrôler à un titre quelconque directement ou indirectement pour son propre compte ou celui d'autrui une entreprise commerciale, industrielle ou une société commerciale ainsi qu'à payer à la Selarl EMJ ès qualités de mandataire liquidateur de la société Cad les sommes de 112 560 euros à titre de dommages-intérêts et 2 000 euros au titre de l'article 475-1 du code de procédure pénale, alors : « 1°/ que le délit d'abus de bien sociaux suppose que le gérant d'une société ait fait es qualité, de mauvaise foi, un usage des biens ou du crédit contraire à l'intérêt social de cette société; que la prévention faisait grief à M. B... d'avoir « en sa qualité de gérant de fait de la société Cad », fait de mauvaise foi, des biens ou du crédit de cette société, un usage qu'il savait contraire à l'intérêt de celle-ci, à des fins personnelles ou pour favoriser une autre société ou entreprise dans laquelle il était directement ou indirectement intéressé, en l'espèce,« en facturant sous le nom de sa société M... B... Design & Stratégies des clients de la société Cad (...) détournant ainsi la somme de (...) au préjudice de Cad » ; que le fait de facturer des clients sous le nom de l'Eurl M... B... Design & Stratégies constitue un acte positif mettant en oeuvre une prérogative attachée à la seule qualité de gérant de droit de l'Eurl ; que l'abus de biens sociaux reproché à la prévention n'est pas caractérisé ; 2°/ que les juges ne peuvent légalement statuer que sur les faits dont ils sont saisis ; qu'il ne pouvait être fait grief à M. B... de s'être abstenu d'avoir facturé sous le nom de la société Cad (jugement, p. 14, § 6 : « alors qu'il aurait dû facturer Cad») sans méconnaître les limites de la saisine ;
décision 19-80.557 du 10/11/2020, partie 3
3°/ que les juges ne peuvent légalement statuer que sur les faits dont ils sont saisis ; qu'en se fondant, pour retenir la culpabilité, sur le fait que M. B... « a facturé à la société Cad, dont il était le gérant de fait, des prestations alors qu'aucune convention n'existait entre ces deux entités, d'une part, et qu'aucun contrat de sous-traitance n'a jamais été signé d'autre part » et qu'il a « factur(é) à la société Cad des prestations que le personnel de cette société-ci a assumé en totalité ou en partie », correspondant à des « tâches indues » puis fait « accepter la facturation de sa société » (c'est-à-dire de l'Eurl M... B... Design & Stratégies) par la société Cad grâce à son pouvoir décisionnel de gérant de fait de la société Cad, la cour d'appel, qui s'est fondée sur des faits non visés à la prévention, a excédé les limites de sa saisine. » Réponse de la Cour 23. Pour confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré le prévenu coupable d'abus de biens sociaux, l'arrêt énonce notamment, par motifs propres et adoptés, qu'en sa double qualité de gérant de fait de la société Cad et de gérant de droit de l'Eurl M... B... Design et Stratégies, le prévenu a facturé en direction de la société Cad des prestations que ne justifie nulle convention observant que le personnel de cette société, laquelle supportait les charges fiscales et sociales de ces tâches indues, avait assumé en réalité tout ou partie des prestations dont l'Eurl avait encaissé le prix qui devait revenir à la société Cad. 24. En statuant ainsi par des énonciations dont il ressort que le prévenu a procédé à une facturation mensongère, établie au détriment de la société Cad spoliée du prix de ses prestations au bénéfice de l'Eurl dans laquelle il était directement intéressé, la cour d'appel, qui a caractérisé en tous ses éléments, tant matériel qu'intentionnel, le délit d'abus de biens sociaux commis dans l'exercice de ses fonctions de dirigeant de la société Cad dont elle a déclaré le prévenu coupable et qui n'a pas excédé les limites de sa saisine, a justifié sa décision. 25. Ainsi, le moyen n'est pas fondé. 26. Par ailleurs l'arrêt est régulier en la forme. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; FIXE à 2 500 euros la somme globale que M. M... B... et Mme X... C... devront payer à la société Axyme, ès qualités de liquidateur judiciaire des société Cad et Lignes et Idées en application de l'article 618-1 du code de procédure pénale. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le dix novembre deux mille vingt.
décision 19-80.557 du 10/11/2020, partie 4
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 4 NOVEMBRE 2020 M. M... H..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° B 19-17.327 contre l'arrêt rendu le 2 avril 2019 par la cour d'appel de Colmar (chambre sociale, section A), dans le litige l'opposant à la société Alsacienne de restauration, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Prache, conseiller référendaire, les observations écrites de la SCP Rousseau et Tapie, avocat de M. H..., de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Alsacienne de restauration, après débats en l'audience publique du 17 septembre 2020 où étaient présents M. Cathala, président, Mme Prache, conseiller référendaire rapporteur, Mme Le Lay, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision. 1. Le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. 2. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi. EN CONSÉQUENCE, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne M. H... aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatre novembre deux mille vingt. MOYEN ANNEXE à la présente décision Moyen produit par la SCP Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour M. H... Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir dit que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse et a débouté M. H... de l'ensemble de ses demandes ; Aux motifs que sur les arrivées tardives et les départs précoces, l'employeur reproche un comportement habituel du salarié ; que l'avenant au contrat de travail initial du 2 janvier 2007 disposait que « l'horaire de travail et sa répartition dans la semaine sont liés au site d'affectation et sont communiqués, notamment, par le biais de l'affichage sur le lieu de travail » ; qu'au sein de l'institution Saint Joseph à W... où le salarié a été affecté à compter du 25 septembre 2007, l'horaire de travail affiché en vigueur à compter du 25 septembre 2007 était de 6h16 à 15H le lundi, le 6h30 à 15h les mardi, jeudi, et vendredi, et de 8h à 12h le mercredi ; qu'il ressort d'un relevé des heures d'arrivée et de départ de son lieu de travail par M. H... qu'il n'a pas respecté ses horaires de travail les 2, 3, 4, 7, 8, 9, 10, 11, 12 et 13 décembre 2015 ; que ce décompte est précis et plaçait le salarié en situation d'y répondre en apportant des éléments de nature à le combattre, ce qu'il n'a pas fait, se contentant d'affirmer que ce relevé était irrégulier ; qu'en outre, ce décompte est corroboré par les doléances du client de l'entreprise recueillis par le responsable de secteur qui s'est plaint du non-respect des horaires de travail de M. H... ; que le grief est réel ; que sur les abandons de poste, la matérialité des départs anticipés du site de travail les 29 octobre et 6novembre 2015 n'est pas contestée ; qu'il prétend que son premier départ anticipé aurait été motivé par la nécessité de se rendre sur un autre site de restauration de l'entreprise afin d'y récupérer de la marchandise car celui de W... n'aurait pas été approvisionné ; que toutefois, il n'apporte pas la preuve de cette allégation ; qu'il produit une attestation de M. Y..., autre salarié, qui relate qu'il devait régulièrement se déplacer sur des sites voisins pour s'approvisionner sans indiquer que M. H... se serait déplacé sur son site le 29 octobre 2015 pour pallier à l'absence de livraison de marchandise à W... ; que l'abandon de poste du 29 octobre 2015 repose sur des faits réels ; que pour le départ anticipé du 6 novembre 2015, il résulte de l'attestation de la compagne du salarié que ce dernier a interrompu son service pour aller la chercher chez son médecin traitant et la ramener à son domicile ; qu'il a donc quitté l'entreprise pour un motif non professionnel sans avoir obtenu au préalable l'autorisation de son employeur ; que l'abandon de poste du 6 novembre 2015 est établi ;
Cour d'appel de Colmar, Cour de cassation Chambre sociale, décision 19-17.327 du 04/11/2020, partie 1
que sur le mécontentement du client sur la qualité de la prestation fournie, l'employeur se prévaut du compte rendu d'une réunion de la commission restauration du 18 novembre 2015 au cours de laquelle le client s'est plaint de la dégradation de la qualité des repas, de la présence de produits surgelés et de poissons de mauvaise qualité ; que ces critiques portent sur la qualité des produits dont le salarié n'est pas responsable ; que dans ce compte-rendu, le client se déclare satisfait de l'accueil et du service rendu, ce qui relevait des attributions du salarié ; que ce grief n'est pas réel ; que toutefois deux abandons de poste et dix non-respect des horaires de travail sur une période de deux mois environ, étaient l'illustration de négligences répétées du salarié dans l'exécution de son travail alors qu'il occupait un poste de gérant ; que ses agissements perturbaient le bon fonctionnement de l'entreprise, en donnaient une mauvaise image et traduisaient un manque de loyauté à l'égard de l'employeur ; que le licenciement repose donc sur une cause réelle et sérieuse ; Alors 1°) que la lettre de licenciement fixe les termes du litige ; que pour dire le licenciement justifié, la cour d'appel a retenu que M. H... n'avait pas respecté ses horaires de travail « les 2, 3, 4, 7, 8, 9, 10, 11, 12 et 13 décembre 2015 » ; qu'en statuant ainsi, alors que la lettre de licenciement reprochait au salarié des arrivées tardives et retard précoces signalés par le client Borealis « au début du mois de novembre 2015 », la cour d'appel, qui a reproché au salarié des arrivées tardives et retards précoces autres que ceux précisément visés dans la lettre de licenciement, a violé l'article L. 1232-6 du code du travail ; Alors 2°) que la lettre de licenciement fixe les termes du litige ; qu'en reprochant à M. H... « un manque de loyauté à l'égard de l'employeur », non mentionné dans la lettre de licenciement, qui ne pouvait donc être retenu pour en déduire que « le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse », la cour d'appel a violé l'article L. 1232-6 du code du travail ; Alors 3°) que les juges du fond ne peuvent statuer par voie d'affirmation et doivent indiquer les éléments de preuve sur lesquels ils se fondent pour affirmer l'existence d'un fait ; qu'en affirmant que les agissements de M. H... « perturbaient le bon fonctionnement de l'entreprise » sans indiquer la nature et l'origine des éléments de preuve qui fondaient cette assertion, contestée par l'appelant, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.
Cour d'appel de Colmar, Cour de cassation Chambre sociale, décision 19-17.327 du 04/11/2020, partie 2
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 5 NOVEMBRE 2020 Le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° Q 19-21.065 contre l'arrêt rendu le 6 mars 2019 par la cour d'appel de Rouen (1re chambre civile), dans le litige l'opposant à M. U... H..., domicilié [...] , défendeur à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Besson, conseiller, les observations de la SCP Delvolvé et Trichet, avocat du Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions, et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 23 septembre 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Besson, conseiller rapporteur, Mme Gelbard-Le Dauphin, conseiller doyen, et M. Carrasco, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Rouen, 6 mars 2019), le 9 décembre 2011, alors qu'il était en service dans un poste de police, M. H..., gardien de la paix, a subi un traumatisme à l'oreille gauche à la suite de la déflagration produite par le tir d'une arme de service déclenché par son collègue, M. D.... 2. M. H... a saisi le président d'un commission d'indemnisation des victimes d'infractions (CIVI) aux fins d'expertise et de provision. 3. À la suite du dépôt de son rapport par l'expert désigné, M. H... a demandé à la CIVI de l'indemniser de ses préjudices, tandis que le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions (FGTI), invoquant l'absence d'infraction et la nature accidentelle des faits dont avait été victime le requérant, a conclu à l'irrecevabilité de sa demande. Examen des moyens Sur le premier moyen Enoncé du moyen 4. Le FGTI fait grief à l'arrêt d'allouer à M. H... la somme de 9 487,50 euros en réparation du déficit fonctionnel temporaire et des souffrances endurées, de fixer l'indemnisation du préjudice patrimonial permanent à 8 700 euros au titre de la perte de gains professionnels, 50 000 euros au titre de l'incidence professionnelle, et 85 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent, et de surseoir à statuer sur la liquidation du préjudice patrimonial permanent, alors « que la faute intentionnelle, de nature à permettre à la victime d'un accident du travail ou de service de former une requête en indemnisation sur le fondement de l'article 706-3 du code de procédure pénale, implique que son auteur ait non seulement eu la volonté de commettre l'acte mais également d'en rechercher le résultat ; qu'en l'espèce, pour conclure à l'existence d'une faute intentionnelle du brigadier rendant recevable la requête en indemnisation formée par M. H..., la cour d'appel a énoncé que le geste du brigadier avait été volontaire, qu'il avait utilisé son arme délibérément, qu'il avait contrevenu au règlement général d'emploi de la police nationale et aux dispositions relatives à l'usage des armes de dotation, et en a déduit qu'il avait manifestement violé une obligation particulière de prudence et de sécurité imposé par la loi ou le règlement par un acte intentionnel ; qu'en se déterminant ainsi, la cour d'appel qui a conclu à l'existence d'une faute intentionnelle cependant qu'il ressortait de ses propres constatations que la faute du brigadier était volontaire, mais non intentionnelle, la cour d'appel a violé les articles 121-3 du code pénal et 221-3 du code pénal ensemble l'article 706-3 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour Vu l'article 706-3 du code de procédure pénale, dans sa rédaction applicable au litige, et les articles 121-3 et 223-1 du code pénal : 5. Les dispositions du premier de ces textes, selon lesquelles toute personne ayant subi un préjudice résultant de faits volontaires ou non qui présentent le caractère matériel d'une infraction peut obtenir la réparation intégrale des dommages qui résultent des atteintes à la personne, lorsque, notamment, ces faits ont entraîné une incapacité permanente ou une incapacité totale de travail personnel égale ou supérieure à un mois, ne s'appliquent, s'agissant de la réparation des accidents de service subis par un agent public ou un militaire, qu'en cas d'infraction intentionnelle. 6. Il résulte du deuxième de ces textes que le délit de mise en danger de la personne d'autrui par la violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement, prévu par le dernier de ces textes, est une infraction non intentionnelle.
Cour d'appel de Rouen, Cour de cassation Deuxième chambre civile, décision 19-21.065 du 05/11/2020, partie 1
7. L'arrêt, pour faire droit à la demande d'indemnisation de M. H..., énonce tout d'abord qu'il convient d'apprécier si les circonstances dans lesquelles le requérant a été blessé présentent le caractère matériel d'une infraction et, les faits s'étant déroulés dans le cadre de ses fonctions au sein de la police nationale, s'ils résultent d'une faute intentionnelle ou non. 8. Il retient ensuite que M. D... a bien, par un geste volontaire, fait usage de son arme, et qu'il importe peu qu'il ait tiré au sol en visant un endroit non occupé de la pièce dès lors qu'en utilisant délibérément son arme dans ces circonstances il a contrevenu à l'article 114-1 du règlement général d'emploi de la police nationale et qu'en tirant dans un local fermé, en présence de quatre autres fonctionnaires de police, il a manifestement violé une obligation particulière de prudence et de sécurité imposée par la loi ou le règlement et, par cet acte intentionnel, causé à M. H... une incapacité temporaire totale de travail excédant un mois. 9. En statuant ainsi, alors qu'il résulte de ces constatations que M. H... a été victime d'une infraction non intentionnelle de M. D..., la cour d'appel a violé les textes susvisés. Portée et conséquences de la cassation 10. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civil, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile. 11. La Cour de cassation peut, en matière civile, statuer au fond lorsque l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 6 mars 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; DÉCLARE IRRECEVABLE la demande d'indemnisation de M. H.... Laisse à la charge du Trésor public les dépens exposés tant à hauteur de cassation que devant la cour d'appel de Rouen. Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du cinq novembre deux mille vingt et signé par lui et Mme Gelbard-Le Dauphin, conseiller doyen, en remplacement du conseiller du conseiller référendaire rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Delvolvé et Trichet, avocat aux Conseils, pour le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions PREMIER MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir alloué à M. H... la somme de 9 487,50 euros en réparation du déficit fonctionnel temporaire et des souffrances endurées, fixé l'indemnisation du préjudice patrimonial permanent à 8 700 euros au titre de la perte de gains professionnels, 50 000 euros au titre de l'incidence professionnelle, 85 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent et sursis à statuer sur la liquidation du préjudice patrimonial permanent ; Aux motifs propres que « Il est admis que les dispositions légales d'ordre public sur la réparation des accidents du travail excluent les dispositions propres à l'indemnisation des victimes d'infraction, sous réserve des exceptions suivantes : - le fait du tiers (article L. 454-1 du code de la sécurité sociale) – la faute intentionnelle (article L. 452-5), qu'elle soit commise par le co-préposé ou l'employeur, et ce, qu'il s'agisse d'accident de travail dans le secteur privé ou d'un accident de service ; qu'il convient dès lors d'apprécier si les circonstances dans lesquelles le requérant a été blessé présentent le caractère matériel d'une infraction et, les faits s'étant déroulés dans le cadre de ses fonctions au sein de la police nationale, s'ils résultent d'une faute intentionnelle ou non ; que le Fonds de garantie reproche aux premiers juges d'avoir considéré recevable la demande d'indemnisation présentée par U... H... et soutient que les faits dommageables à l'origine de son préjudice s'analysent en un accident du travail, par là même exclu du dispositif spécifique d'indemnisation instauré par les articles 706-3 et suivants du code de procédure pénale ; qu'il souligne à cet égard que l'auteur du tir et le requérant étaient tous deux en service au moment des faits et que la déflagration responsable des troubles auditifs et du choc émotionnel qu'il a subis résulte de l'usage d'une arme de service dans des locaux professionnels ; qu'il soutient que le geste du brigadier D... ne résulte pas d'une faute intentionnelle, dès lors qu'il n'a fait usage de son arme qu'à une reprise, en visant un endroit non occupé de la pièce avant de reposer son pistolet ;
Cour d'appel de Rouen, Cour de cassation Deuxième chambre civile, décision 19-21.065 du 05/11/2020, partie 2

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Dataset Description

The dataset contains a comprehensive collection of French legal books, codes, and appellate court decisions. It encompasses the following:

  • 150,938 rows -> 140,000 articles of laws, decrees, and orders from the 78 French books and codes, covering all legal domains. The total number of pages is approximately 35,000.
  • 191,741 rows -> 53,000 appellate court decisions spanning from 2013 to the present day. The dataset includes a wide range of cases and legal opinions. The total number of pages is approximately 150,000.
  • 1,621 rows -> 1,621 definitions and abbreviations commonly used in legal texts, aiding in understanding and interpreting the legal terminology.s used in legal texts.

Total: 344,300 rows

Line breaks are included in the legal texts. They are necessary to maintain the indentations and paragraphs mentioned in other laws and court decisions.

Languages

The dataset is in French only.

Dataset Structure

{
  "instruction":"Code du travail > Partie l\u00e9gislative > Livre III : Les institutions repr\u00e9sentatives du personnel > Titre Ier : Comit\u00e9 social et \u00e9conomique > Chapitre IV : Composition, \u00e9lections et mandat > Section 1 : Composition > Article L2314-2 (Loi)",
  "input":"Je souhaite l'Article L2314-2 du Code du travail",
  "output":"Voici l'Article L2314-2 du Code du travail: Sous r\u00e9serve des dispositions applicables dans les entreprises de moins de trois cents salari\u00e9s, pr\u00e9vues \u00e0 l'article L. 2143-22, chaque organisation syndicale repr\u00e9sentative dans l'entreprise ou l'\u00e9tablissement peut d\u00e9signer un repr\u00e9sentant syndical au comit\u00e9. Il assiste aux s\u00e9ances avec voix consultative. Il est choisi parmi les membres du personnel de l'entreprise et doit remplir les conditions d'\u00e9ligibilit\u00e9 au comit\u00e9 social et \u00e9conomique fix\u00e9es \u00e0 l'article L. 2314-19."
},

Data Fields

  • instruction:
    • French books and codes -> hierarchy from law text: "Code pénal > Partie législative > Livre II : Des crimes et délits contre les personnes > Titre II : Des atteintes à la personne humaine > Chapitre Ier : Des atteintes à la vie de la personne > Section 2 : Des atteintes involontaires à la vie > Article 221-6"
    • Court decisions -> location, chamber, decision number, decision date, part: "Cour d'appel de Paris I5, Cour de cassation Chambre commerciale financière et économique, décision 18-13.763 du 14/04/2021, partie 1"
  • input:
    • French books and codes -> questions with multiple variations, such as: "What does Article XX of Code XX say?"
    • Court decisions -> empty
  • output:
    • French books and codes -> laws text
    • Court decisions -> decisions text

The text has been limited/split to approximately 820 words per row, with an average of 1500 tokens (French -> Falcon tokenizer). The goal is to not exceed 2048 tokens, with a margin of error.

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