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R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 25 NOVEMBRE 2020 La société Kpmg, société anonyme, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° Y 18-24.841 contre l'arrêt rendu le 31 octobre 2018 par la cour d'appel de Rennes (9e chambre prud'homale), dans le litige l'opposant à M. F... E..., domicilié [...] , défendeur à la cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Sornay, conseiller, les observations écrites de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Kpmg, de la SCP Spinosi et Sureau, avocat de M. E..., après débats en l'audience publique du 7 octobre 2020 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Sornay, conseiller rapporteur, Mme Monge, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision. 1. Les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. 2. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi. EN CONSÉQUENCE, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société Kpmg aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Kpmg et la condamne à payer à M. E... la somme de 3 000 euros ; Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq novembre deux mille vingt. MOYENS ANNEXES à la présente décision Moyens produits par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société Kpmg PREMIER MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué, confirmatif de ce chef, d'AVOIR condamné la SA KPMG à verser à Monsieur E... les sommes de 11.537,34 € brut au titre des heures supplémentaires, outre l'indemnité compensatrice de congés payés y afférente, et de 2.455,92 € au titre du compte épargne temps ; AUX MOTIFS QUE « Sur la demande en paiement d'un rappel d'heures supplémentaires. M. F... E... a initialement été recruté par la Sa CABINET COLLIN, ultérieurement dénommée CIGEST CONSEILS, en contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel à compter du 1er octobre 1999 pour assurer la supervision d'un portefeuille de clients dans le domaine des pharmacies, catégorie cadre-niveau 3-coefficient 330 de la convention collective nationale des cabinets d'experts-comptables, comptables agréés, et commissaires aux comptes, moyennant en contrepartie une rémunération de 9 500 Francs bruts pour 104 heures mensuelles, durée du travail portée à un équivalent temps plein après le 1er juillet 2004. A compter du 14 mars 2013, la Sa KPMG est devenue l'actionnaire unique de la Sa CIGEST CONSEILS, opération ayant emporté le transfert du contrat de travail de M. F... E... à la Sa KPMG avec effet au 1er octobre 2014 en vertu des dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail. Aux termes d'une correspondance du 12 novembre 2014, la Sa KPMG a remis à M. F... E... un projet de « Contrat de collaboration salariée — Temps plein» stipulant notamment à son article 4, aux visas de l'accord collectif KPMG du 22 décembre 1999, des articles L. 3121-39, L. 3121-40, L. 3121-43 à L. 3121-48 du code du travail, ainsi que l'article 8-1-2-5 de la convention collective nationale précitée, le principe d'« une convention de forfait en jours dans la limite de 218 jours ouvrés par année sociale KPMG SA », projet que le salarié a refusé dans une réponse du 27 novembre. Au soutien de sa demande en paiement d'un rappel d'heures supplémentaires, M. F... E... -rappelle d'une manière générale qu'il n'a conclu aucune convention individuelle de forfait avec la partie adverse, convention devant être par ailleurs prévue dans son principe par une norme collective dont les stipulations doivent assurer la garantie du respect des durées maximales de travail ainsi que des repos journaliers et hebdomadaires ; -précise que lors de son passage d'un temps partiel à un temps plein courant 2004 aucun avenant n'a été conclu avec son employeur de l'époque, et qu'il n'a donc jamais été régularisé de convention individuelle de forfait en jours, raison pour laquelle la Sa KPMG lui a soumis pour signature un avenant en ce sens qu'il a refusé puisque modifiant son contrat de travail dans un de ses éléments essentiels ; - indique d'évidence que ses responsabilités impliquaient la réalisation d'heures supplémentaires qu'il chiffre, au vu de son décompte récapitulatif, à la somme de 11 537,34 €.
Cour d'appel de Rennes 9P, Cour de cassation Chambre sociale, décision 18-24.841 du 25/11/2020, partie 1
En réponse, pour s'opposer à cette réclamation salariale, la Sa KPMG soutient n'avoir aucunement manqué à ses obligations essentielles sur ce point puisque courant octobre 2004, époque de l'intégration des salariés de la société CIGEST CONSEILS en son sein, il a été rappelé à M. F... E... l'existence d'un accord collectif d'entreprise sur l'aménagement du temps de travail qui prévoit expressément un décompte de la durée du travail en jours pour les personnels relevant de la catégorie cadre, qu'indépendamment du libellé des bulletins de paie faisant état d'une rémunération sur une base de 35 heures mensuelles (151,67 heures mensuelles), ceux-ci mentionnent l'acquisition de jours de RTT qui ne concernent que les seuls salariés de la catégorie cadre dont la durée du travail est régie par une convention de forfait-jours, et que l'appelant « était contractuellement assujetti à une convention de forfait en jours du temps de la Société Cigest Conseils, puis au sein de la Société KPMG par l'effet des dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail ». Contrairement à ce que soutient la Sa KPMG, le contrat de travail de M. F... E... conclu en octobre 1999 avec la Sa CABINET COLLIN, qui deviendra la société CIGEST CONSEILS, initialement à temps partiel puis à temps plein à compter de juillet 2004, ne comporte aucune clause instaurant le principe d'une convention de forfait annuel en jours, situation que la société appelante connaissait d'autant mieux qu'elle lui avait soumis pour signature un projet d' avenant courant octobre 2004 dont l'article 4 prévoit « une convention de forfait en jours dans la limite de 218 jours ouvrés par année sociale KPMG S.A », projet contemporain du transfert de son contrat de travail à celle-ci et qu'il était en droit de refuser. Il convient de rappeler que pour être valable, la convention de forfait, quelle que soit la formule retenue, doit résulter d'un accord exprès entre les parties, même si le principe en est posé par la convention collective ou un accord collectif d'entreprise, et que la rédaction d'un écrit est exigée s'agissant des salariés de l'encadrement qui ne font partie ni des cadres dirigeants ni des cadres intégrés à un horaire collectif. Dès lors qu'en l'espèce, il n'est pas satisfait à ces conditions de validité, il y a lieu de dire que la Sa KPMG ne peut à bon droit opposer à l'intimé une convention de forfait annuel en jours. M. E... étaye sa demande de rappel d'heures supplémentaires en produisant aux débats les éléments suivants : -ses feuilles de temps sur toute la période au service de la Sa KPMG d'octobre 2014 à avril 2015 et qui laissent apparaître des dépassements récurrents de son temps de travail (pièces 29, 30) ; -un décompte détaillé par semaine de ces mêmes dépassements d'heures travaillées sur les années 2014/2015 recensant précisément les heures effectuées par rapport aux heures légales pour en déduire le total des heures supplémentaires réalisées (pièce 31). En réponse à ces données objectives, crédibles, et non dénuées de pertinence, la Sa KPMG met en avant « l'inconsistance du décompte » établi par l'intimé, son «insincérité », sans une réelle démonstration argumentée de sa part pour conclure de manière péremptoire à ce qu'« il est impossible d'accorder le moindre crédit aux heures renseignées par M E... » dès lors, prétend-t-elle, que sa demande est « la conséquence d'une analyse à géométrie variable de la portée de ses engagements contractuels selon que son employeur se nomme Cigest Conseils ou KPMG, qui il n'a jamais sollicité l'autorisation d'effectuer des heures supplémentaires, et n'a donc pas été autorisé à en effectuer ... [et] que M. E... n'utilise pas de façon adéquate le logiciel de saisie des temps » ; étant observé par la cour sur ce dernier point que l'intimé a bien utilisé une méthode de décompte intitulée « Timesheet » à l'entête de la Sa KPMG qui lui oppose un contre décompte (sa pièce 51/1) à la journée par trop général et sans de plus amples explications quant à la méthode suivie, ce qui le rend en soi critiquable par manque de transparence. Pour l'ensemble de ces raisons, confirmant le jugement entrepris, la Sa KPMG sera condamnée à régler à M. E... la somme de 11537,34 € à titre de rappel d'heures supplémentaires, et 1153,73 € de congés payés afférents, avec intérêts au taux légal » ; ET AUX MOTIFS QUE « Sur le rappel au titre du compte épargne temps de M. F... E..., considérant que celui-ci était crédité de 25 jours lors de la rupture du contrat de travail et que seuls 13 jours ont alors donné lieu à une contrepartie financière, étant par ailleurs rappelé que ce dernier a établi son décompte de rappel d'heures supplémentaires sous déduction de ses jours de RTT, après infirmation de la décision querellée, il convient de condamner la Sa KPMG à lui payer la somme à ce titre de 2 455,92 € majorée des intérêts au taux légal partant de la réception par l'employeur de sa convocation en bureau de conciliation » ;
Cour d'appel de Rennes 9P, Cour de cassation Chambre sociale, décision 18-24.841 du 25/11/2020, partie 2
ET AUX MOTIFS DES PREMIERS JUGES A LES SUPPOSER ADOPTES QUE « Monsieur E... travaillait effectivement dans le cadre d'un forfait en jours, tel que le démontrent les bulletins de salaire mentionnant «Forfait annuel 218 jours », Attendu que pour recourir au forfait annuel en jours, l'employeur doit obtenir l'accord exprès, de chaque salarié concerné, Attendu, en effet, que la durée de travail des cadres autonomes, au sens de l'ancien article L.3121-38 du Code du Travail, peut être fixée par des conventions individuelles de forfait établies sur une base hebdomadaire, mensuelle ou annuelle et qu'il en résulte que ces conventions doivent obligatoirement être passées par écrit, Attendu qu'aucune convention de forfait en jours n'a été régularisée par le salarié, Attendu les pièces versées au débat par Monsieur E... attestant des heures réalisées depuis le 1er janvier 2014, Attendu qu'à défaut d'une convention de forfait en jours valide, il y a lieu de dire que le régime horaire applicable au salarié est celui fixé par la réglementation, à savoir un horaire hebdomadaire de 35 heures » ; 1. ALORS QUE constituent des heures supplémentaires toutes les heures de travail effectuées au-delà de la durée hebdomadaire du travail ou de la durée considérée comme équivalente ; que cette durée du travail hebdomadaire s'entend des heures de travail effectif et des temps assimilés ; qu'en l'absence de dispositions légales ou conventionnelles, les jours de congés payés ou les jours de réduction du temps de travail (JRTT) ne peuvent être assimilés à du temps de travail effectif, de sorte qu'en l'absence d'usage contraire en vigueur dans l'entreprise, l'employeur n'est pas tenu de prendre en compte les jours de réduction du temps de travail dans l'assiette de calcul des heures supplémentaires ; qu'au regard de la convention de forfait annuel appliquée par la Société KPMG à Monsieur E..., en contrepartie du forfait de 218 jours par an, le salarié s'était vu accorder dix jours de réduction du temps de travail par an ; qu'à supposer que cette convention de forfait soit inopposable au salarié et lui permette de solliciter le paiement de rappels d'heures supplémentaires au-delà de 35 heures par semaine, les dix journées de réduction du temps de travail accordées en contrepartie de la convention de forfait ne pouvaient se cumuler avec le paiement des heures supplémentaires ; qu'en accordant néanmoins à Monsieur E... l'intégralité des sommes réclamées au titre du rappel d'heures supplémentaires et du compte épargne-temps abondé par les JRTT accordés au salarié en application de ladite convention de forfait, la cour d'appel a violé les articles L. 3121-1, L. 3171-4, L. 3121-22 et L. 3121-14 du code du travail dans leur version applicable au litige ; 2. ALORS QU‘en condamnant la Société KPMG au paiement de rappels d'heures supplémentaires au regard de la nullité la convention de forfait qui avait été appliquée à Monsieur E..., tout en lui accordant un rappel de salaire au titre du compte épargne-temps abondé par les jours de réduction du temps de travail attribués en vertu de cette même convention de forfait, la cour d'appel a violé les articles L. 1221-1, L. 3151-1 et L. 3151-2 du code du travail, dans leur version applicable au litige ; 3. ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QUE le salarié ne peut se contenter de faire état de son amplitude journalière de travail pour étayer sa demande de rappel d'heures supplémentaires dès lors qu'il ne démontre pas que l'ensemble des heures contenues dans cette amplitude étaient effectivement travaillées ; qu'en se fondant sur les feuilles de temps de Monsieur E... indiquant des dépassements de son temps de travail sur la période en cause pour en déduire l'accomplissement d'heures supplémentaires impayées, sans répondre au moyen par lequel la Société KPMG soutenait que les heures comptabilisées par le salarié intégraient des temps de trajet lieu de travail/domicile non assimilables à du temps de travail effectif, ainsi que des temps consacrés par l'intéressé à la société (la SARL AXE AVENIR TRANSMISSION) qu'il avait créée avec son fils (conclusions p. 15 et 16 et p. 35), la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. DEUXIEME MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la SA KPMG à verser à Monsieur E... la somme de 32.854,69 € net à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé ; AUX MOTIFS QUE « Sur le travail dissimulé : Contrairement à ce que prétend la Sa KPMG, c'est bien de manière intentionnelle, volontaire, qu'elle s'est rendue coupable de travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié, au sens de l'article L. 8221-5 du code du travail dès lors que, nonobstant le refus de M. F... E... de conclure l'avenant courant novembre 2014, elle lui a appliqué d'autorité, de manière unilatérale, le forfait de 218 jours travaillés à l'année, comme cela ressort des bulletins de paie qu'elle a établis avec la mention explicite « nombre de jours contractuels, forfait annuel 218 jours », cela pour ne pas avoir à s'acquitter du paiement des heures supplémentaires effectuées par celui-ci.
Cour d'appel de Rennes 9P, Cour de cassation Chambre sociale, décision 18-24.841 du 25/11/2020, partie 3
Cet élément intentionnel est d'autant plus caractérisé que la Sa KPMG ne peut sérieusement ignorer les règles prévalant en la matière et se retrancher derrière son « absolue bonne foi », eu égard au contexte venant d'être rappelé. En application de l'article L.8223-1 du code du travail, confirmant la décision déférée, la Sa KPMG sera ainsi condamnée à payer à l'intimé la somme de 32 854,69 € (5 475,78 € de rémunération moyenne - heures supplémentaires comprises - x 6 mois) à titre d'indemnité forfaitaire égale à six mois de salaires pour travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié, avec intérêts au taux légal partant de son prononcé » ; ET AUX MOTIFS DES PREMIERS JUGES, A LES SUPPOSER ADOPTES, QUE « les dispositions de l'article L. 8221-5 du Code du Travail lesquelles mentionnent que le caractère intentionnel est primordial dans l'appréciation du travail dissimulé, Attendu que la société KPMG ne pouvait méconnaître la situation contractuelle de Monsieur E... au regard du forfait en jours l'ayant placé dans ce régime horaire, comme le montrent les bulletins de salaire, tout en lui demandant de régulariser une convention de forfait pour y renoncer par la suite, Attendu que des heures supplémentaires ont été réalisées et que le présent jugement donne droit au salarié au paiement de ces heures, Attendu qu'il y a, en conséquence, lieu de dire que le caractère intentionnel est avéré en dépit de l'argumentation de l'employeur ; En conséquence, le Conseil de Prud'hommes de QUIMPER, en sa section Encadrement, condamne la société KPMG au paiement de la somme de 32 854,69 € à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé » ; 1. ALORS QUE la cassation à intervenir sur le premier moyen entraînera, par voie de conséquence, en application de l'article 624 du code de procédure civile, la censure de l'arrêt en ce qu'il a condamné la Société KPMG à verser au salarié une somme à titre d'indemnité pour travail dissimulé, au regard du lien de dépendance nécessaire qui existe entre ces deux chefs de l'arrêt attaqué ; 2. ALORS QU'en vertu de l'article L.8221-5 du code du travail, le délit de travail dissimulé n'est caractérisé que lorsque l'employeur s'est soustrait de manière intentionnelle à l'accomplissement des formalités prévues par l'article L 3243-2 du Code du travail ; que le caractère intentionnel ne peut se déduire de la seule application d'une convention de forfait illicite ; qu'en déduisant l'intention de dissimulation d'activité du constat selon lequel la convention de forfait qui lui a été appliquée était inopposable à Monsieur E..., cependant que la seule mise en oeuvre d'une convention de forfait illicite ne pouvait caractériser en soi l'existence de l'élément intentionnel, la cour d'appel a violé les articles L. 8221-1 et L. 8221-5 du code du travail. TROISIEME MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué, infirmatif sur ce point, d'AVOIR prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail ayant lié les parties aux torts exclusifs de la Société KPMG avec effet au 22 avril 2015 et d'AVOIR, en conséquence, condamné la Société KPMG à payer à Monsieur E... les sommes de 16.427,34 € d'indemnité compensatrice conventionnelle de préavis, et 1.642,73 € de congés payés afférents, 21.598,91 € d'indemnité conventionnelle de licenciement, 66.000 € de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; AUX MOTIFS QUE « Sur la résiliation judiciaire du contrat de travail : M. F... E... a saisi le conseil de prud'hommes de Quimper le 16 mars 2015 de diverses demandes dont celle aux fins de voir prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de la Sa KPMG. Aux termes d'une correspondance du 1er avril 2015, la Sa KPMG a convoqué M. F... E... à un entretien préalable prévu le 15 avril avec mise à pied conservatoire, et à l'issue duquel elle lui a notifié le 22 avril 2015 son licenciement pour faute grave au motif d'une manière générale d'« une réticence certaine à adhérer aux valeurs KPMG et plus généralement à accepter les conséquences du transfert du lien contractuel de la Société Cigest vers KPMG », reproche lui étant fait notamment d'avoir « refusé de signer [son] contrat de travail par courrier du 27 novembre 2014 ». Quand un salarié demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, tout en continuant à travailler à son service, et que celui-ci le licencie pour d'autres faits survenus au cours de la poursuite de l'exécution du contrat de travail, le juge doit tout d'abord rechercher si cette demande de résiliation est ou non justifiée, et que c'est seulement dans le cas contraire qu'il doit alors se prononcer sur le caractère bien-fondé de ce licenciement.
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Autrement exposé, si le salarié est licencié avant que le juge du fond n'ait statué sur la demande initiale de résiliation dont il l'a saisi, convient-il tout d'abord pour la juridiction prud'homale de se prononcer sur cette même demande, et que c'est seulement dans l'hypothèse où elle n'est pas jugée justifiée qu'il sera statué sur le licenciement. Pour conclure à « l'absence d'obstacle à la poursuite du contrat de travail », la Sa KPMG développe l'argument selon lequel « il est en effet acquis que les prétentions de M E... sont dictées par la mauvaise foi, ayant pour origine l'exploitation d'une faille juridique résidant dans l'absence de production d'un avenant concrétisant son passage au forfait jours au moment de son passage à temps plein en 2004 ». Outre les inobservations relevées portant sur le complément de 13ème mois et le défraiement au titre des déplacements professionnels réalisés, le fait pour la Sa KPMG d'être finalement passée en force en imposant à M. F... E... un décompte de son temps de travail dans le cadre d'un forfait annuel en jours, alors même qu'il avait refusé de signer l'avenant en novembre 2014, à seule fin de ne pas lui payer les heures supplémentaires effectuées, est constitutif d'un manquement d'une gravité suffisante de nature à empêcher la poursuite entre les parties de l'exécution du contrat de travail. Infirmant le jugement critiqué, il y a lieu en conséquence de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail ayant lié les parties aux torts exclusifs de la Sa KPMG, avec toutes conséquences indemnitaires de droit et prise d'effet au 22 avril 2015, date de notification du licenciement, ce qui conduit la cour à la condamner à régler à l'intimé les sommes suivantes : -16 427,34 € d'indemnité compensatrice conventionnelle de préavis équivalente à trois mois de salaires (5 475,78 e de rémunération moyenne - heures supplémentaires comprises - x 3 mois) et 1 642,73 € de congés payés afférents 21 598,91 € d'indemnité conventionnelle de licenciement 66 000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sur le fondement de l'article L. 1235-3 du code du travail, représentant l'équivalent de 12 mois de salaires (5 475,78 € x 12), compte tenu de son ancienneté (15 années et demi) et de son âge (58 ans) lors de la rupture. Sont assorties des intérêts au taux légal partant de la date de réception par l'employeur de sa convocation en bureau de conciliation les indemnités conventionnelles de rupture, et à compter du présent arrêt la somme allouée à M. F... E... à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse » ; 1. ALORS QUE la cassation entraîne, sans qu'il y ait lieu à une nouvelle décision, l'annulation par voie de conséquence de toute décision qui est la suite, l'application ou l'exécution du jugement cassé ou qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire ; que, par application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation, sur le fondement du premier moyen de cassation, des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant la Société KPMG au paiement de rappels d'heures supplémentaires entraînera, par voie de conséquence, la censure du chef de dispositif prononçant la résiliation du contrat de travail aux torts de la Société KPMG au regard du lien de dépendance nécessaire qui existe entre ces deux chefs de l'arrêt ; 2. ALORS QUE seul un manquement de l'employeur de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail peut justifier la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur ; qu'il appartient au salarié sollicitant la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur d'en apporter la preuve ; que par ailleurs la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail doit être écartée lorsque les faits invoqués à son appui ont cessé au jour où les juges statuent ; que pour faire droit à la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail à effet du 22 avril 2015, la cour d'appel a considéré que justifiait cette résiliation le fait pour la Société KPMG d'avoir imposé à Monsieur E... un décompte de son temps de travail dans le cadre d'un forfait annuel en jours, alors même qu'il avait refusé de signer l'avenant en novembre 2014 ; qu'en statuant ainsi sans tenir compte du moyen, étayé par des pièces, par lequel la société précisait avoir pris acte en février 2015 du refus du salarié de travailler au forfait et lui avait appliqué, conformément à son souhait, un décompte de son temps de travail selon la durée légale de 35 heures hebdomadaires à compter du mois de février 2015, de sorte que le grief invoqué par le salarié avait disparu dès cette période et n'avait pu rendre impossible la poursuite du contrat de travail ni justifier ultérieurement le prononcé de la résiliation judiciaire du contrat de travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1221-1 et L.1231-1 du code du travail et 1103, 1104, 1193 et 1224 du code civil ;
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3. ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QUE la mise en demeure préalable du débiteur de l'obligation procède de l'exigence de bonne foi et de loyauté du créancier face à la survenance d'une inexécution contractuelle ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a fait droit à la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur en raison de l'application irrégulière d'une convention de forfait ; qu'en statuant ainsi sans constater qu'une mise en demeure préalable ait été adressée par le salarié à l'employeur sur ce point, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1221-1, L. 1222-1 et L. 1231-1 du code du travail, ensemble les articles 1135, 1139 et 1184 du code civil dans leur rédaction applicable, antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016. QUATRIEME MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté la Société KPMG de sa demande indemnitaire reconventionnelle tendant à la condamnation de Monsieur E... au paiement de la somme 150.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par la Société KPMG ; AUX MOTIFS QU' « au soutien de sa demande reconventionnelle de dommages-intérêts, la Sa KPMG, contre laquelle il a été prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail à ses torts exclusifs, affirme sans réelle démonstration que M. F... E... aurait commis des «agissements déloyaux» dans l'intention de nuire à ses intérêts, qu'il aurait ainsi «sciemment sacrifié l'intérêt supérieur de ses collaborateurs, donc l'intérêt de l'entreprise, sur l'autel de son intérêt personnel et de la guerre qu'il disait livrer à KPMG », et qu'il se serait livré à une activité au sein d'une entreprise concurrente. En conséquence, il convient de confirmer la décision déférée en ce qu'elle a rejeté la demande de dommages-intérêts de la Sa KPMG de ce chef (150 000 €) » ; ET AUX MOTIFS DES PREMIERS JUGES, A LES SUPPOSER ADOPTES, QUE « La SA KPMG sera également déboutée de sa demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait des agissements de Monsieur E..., qui auraient été déloyaux, au motif que les pièces versées aux débats ne sont pas suffisamment probantes pour justifier de la responsabilité de Monsieur E... dans la perte de chiffre d'affaires » ; ALORS QU'en se bornant à retenir que la Société KPMG ne démontrait pas les agissements déloyaux reprochés au salarié tendant à se livrer, pendant l'exécution de son contrat de travail, à une activité au sein d'une entreprise concurrente afin de détourner la clientèle de la Société KPMG, sans prendre en compte ni s'expliquer sur les conclusions détaillées, étayées par de nombreuses pièces, développées sur ce point par l'exposante (conclusions p. 18 à 20, 30 à 33 et 41 à 43), la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.
Cour d'appel de Rennes 9P, Cour de cassation Chambre sociale, décision 18-24.841 du 25/11/2020, partie 6
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 25 NOVEMBRE 2020 Mme C... R..., domiciliée [...] , a formé le pourvoi n° Z 19-16.106 contre l'arrêt rendu le 7 mars 2019 par la cour d'appel de Rouen (chambre sociale et des affaires de sécurité sociale), dans le litige l'opposant : 1°/ à la société Groupement forestier dit Domaine de Beaumont-le-Roger, dont le siège est [...] , 2°/ à la société Scierie de la Croix Maître Renault, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , défenderesses à la cassation. La société Groupement forestier dit Domaine de Beaumont-le-Roger a formé un pourvoi incident contre le même arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Duval, conseiller référendaire, les observations écrites de la SCP Didier et Pinet, avocat de Mme R..., de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Groupement forestier dit Domaine de Beaumont-le-Roger, de la SCP Foussard et Froger, avocat de la société Scierie de la Croix Maître Renault, après débats en l'audience publique du 6 octobre 2020 où étaient présents Mme Farthouat-Danon, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Duval, conseiller référendaire rapporteur, M. Ricour, conseiller, Mme Rémery, avocat général, et Mme Jouanneau, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision. 1. Les moyens uniques de cassation annexés aux pourvois principal et incident, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. 2. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces pourvois. EN CONSÉQUENCE, la Cour : REJETTE les pourvois tant principal qu'incident ; Laisse à chaque partie la charge des dépens par elle exposés ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq novembre deux mille vingt. MOYENS ANNEXES à la présente décision Moyen produit, au pourvoi principal, par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour Mme R... Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR constaté l'existence d'un contrat de travail entre Mme R... et la société Scierie de la croix maître Renault pour les périodes du 3 septembre 1991 au 1er janvier 2006, puis du 1er juillet 2013 jusqu'au 30 mai 2014 ; AUX MOTIFS QUE Mme R..., qui se prévaut de la qualité de salarié, fait valoir que : - la société, en la licenciant, a reconnu l'existence d'un contrat de travail et ne peut se contredire à ses dépens en invoquant une gestion de fait ; - elle a toujours perçu un salaire et des bulletins de paie correspondants ; - le lien de subordination ne fait aucun doute car jusqu'en 2004 elle travaillait sous la responsabilité du régisseur, M. M... , puis, sous l'autorité de M et Mme Z..., gérants de la scierie, dont elle exécutait les ordres et auxquels elle référait, M. U... Z... ne présentant aucune altération de ses facultés intellectuelles contrairement à ce qui est soutenu par ses adversaires ; - elle n'a jamais eu aucun pouvoir de décision concernant ses relations avec les fournisseurs, dont elle ne payait les factures qu'après accord de M. Z... ; - le fait qu'elle ait la signature bancaire ne la dispensait pas d'agir sous la direction et l'autorité de son employeur, elle-même ne prenant aucune décision financière et la délégation sur le contrat de location d'un coffre est seulement lié au fait qu'il contenait des documents compromettants concernant une « caisse noire » très importante dont elle assurait la comptabilité ; - au plan fiscal et comptable, en sa qualité d'attachée de direction, elle s'occupait effectivement de la comptabilité de la scierie mais toujours sous la direction et l'autorité de la gérance et sous le contrôle du cabinet d'expertise comptable ; - au plan social, ce n'était pas elle qui décidait de l'embauche des salariés, ni de leurs congés ; - elle ne décidait pas non plus des dons faits par l'entreprise ; qu'elle conteste les accusations de comportements fautifs et pratiques illicites formulées contre elle, faisant valoir qu'en plus de 25 ans au service de la scierie et du groupement, aucun reproche ne lui a jamais été fait, aucune plainte n'ayant été déposée ; qu'elle affirme qu'en tout état de cause, la qualification de dirigeant de fait ne fait pas obstacle à l'existence d'un contrat de travail dès lors que celui-ci correspond à un emploi effectif, ce qui est le cas en l'espèce ;
Cour d'appel de Rouen, Cour de cassation Chambre sociale, décision 19-16.106 du 25/11/2020, partie 1
que la société Scierie de la croix maître Renault soutient que Mme R..., excédant le seuil normal de son intervention en tant que salariée, progressivement et profitant de l'état de santé déficient de M. Z..., s'est immiscée dans la gestion, l'administration, la direction de la société dans des conditions telles qu'elle doit être qualifiée de dirigeante de fait et qu'elle est en droit, nonobstant le fait qu'elle ait procédé à un licenciement, de contester l'existence d'un contrat de travail, ce d'autant que les faits sur lesquels elle s'appuie ont été pour la plupart constatés postérieurement à son départ ; qu'au soutien de ses allégations, elle fait valoir que : - Mme R... bénéficiait d'une délégation de tous les pouvoirs confiés statutairement à la gérance que ce soit vis-à-vis des tiers ou des organismes bancaires, abusant de ces délégations pour procéder à des transferts de fonds entre le groupement forestier dont elle n'était pourtant pas salariée au profit de la scierie, commettant ainsi un abus de biens sociaux ; - elle était l'interlocutrice qualifiée vis-à-vis des tiers, notamment engageant la société auprès des fournisseurs pour des montants extrêmement conséquents et signant les lettres de change, sans pouvoir justifier qu'elle avait sollicité et obtenu l'accord du gérant de droit ; - vis-à-vis des organismes bancaires, elle avait une procuration générale sur les comptes bancaires, était colocataire d'un coffre auprès de la banque dont elle était l'unique détentrice de la clé, négociait personnellement les découverts bancaires et effectuait diverses opérations relevant de la gestion de la société sans avoir demandé l'aval de quiconque ni rendu compte ; - elle a signé l'acte d'acquisition de parts d'une autre société au nom de la scierie ; - elle était la seule interlocutrice qualifiée auprès des services fiscaux signant la déclaration d'impôts et de TVA au nom de la société et gérait seule la comptabilité ; - au plan social, elle procédait seule à l'embauche des salariés, gérait leurs congés, leur consentait des avances sur salaires correspondant à des crédits ; - décidait de libéralités pour la société ; qu'elle ajoute que Mme R... a largement outrepassé ses pouvoirs pour se livrer à des malversations découvertes après son départ (mise en place de caisses noires dont elle a profité, détournement de fonds à son profit et au profit de membres de sa famille, règlements en espèces importants non entrés en comptabilité, activités rémunérées pendant son temps de travail et avec les moyens de l'entreprise pour d'autres entités juridiques que la scierie dont un groupement forestier) : que le groupement forestier allègue que Mme R... n'était pas sa salariée et pour l'essentiel emploie la même argumentation que la scierie s'agissant de l'existence d'une gestion de fait de la part de l'appelante incompatible avec l'existence d'un contrat de travail et de l'absence de lien de subordination ; que la cour rappelle qu'il résulte des articles L.1221-1 et suivants du code du travail que le contrat de travail suppose un engagement à travailler pour le compte et sous la subordination d'autrui moyennant rémunération ; que le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; que la gérance de fait, qui suppose, d'une part, l'accomplissement d'actes positifs de gestion et de direction engageant la société, d'autre part, l'exercice de ces actes en toute liberté et en toute indépendance, de façon continue et régulière, est exclusive du contrat de travail ; que l'existence d'un contrat de travail dépend, non pas de la volonté manifestée par les parties ou de la dénomination de la convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité du travailleur ; qu'en présence d'un contrat de travail écrit ou apparent, il appartient à celui qui entend en contester l'existence de rapporter la preuve de son caractère fictif ; qu'en l'absence d'écrit ou d'apparence de contrat, il appartient à celui qui invoque un contrat de travail d'en rapporter la preuve ; que la qualité de gérant de fait ne se présumant pas, il incombe à celui qui s'en prévaut d'en rapporter la preuve ; qu'en l'espèce, la production de bulletins de paie et la notification d'une lettre de licenciement sont à elles seules suffisantes pour créer l'apparence d'un contrat de travail entre Mme R... et la Scierie de la croix maître Renault mais n'interdisent pas à cette dernière de contester l'existence du lien de subordination ; que, s'agissant du groupement forestier, de telles pièces ne sont pas versées aux débats, il n'existe donc pas de contrat de travail apparent ; qu'il est attesté de ce que depuis 2005/2006, les facultés physiques, intellectuelles et cognitives de M. U... Z..., gérant de droit de la scierie, se sont progressivement affaiblies, son cardiologue notamment, indiquant avoir constaté en juin 2011 qu'il était atteint d'une leucopathie vasculaire évoluée responsable de troubles du comportement et de la marche et qu'il présentait également des troubles de l'élocution ainsi que des pertes de mémoire ; qu'il est d'ailleurs reconnu par Mme R... que les Z... « n'étaient jamais présents à la scierie et ne venaient qu'à de rares occasions » ;
Cour d'appel de Rouen, Cour de cassation Chambre sociale, décision 19-16.106 du 25/11/2020, partie 2
que l''incapacité du gérant de droit ou à tout le moins son indisponibilité au cours des cinq ou six années qui ont précédé la saisine du conseil de prud'hommes est ainsi avérée ; qu'il est par ailleurs justifié par des documents bancaires, factures, devis, bons de commande, attestations et correspondances électroniques versés aux débats par la scierie et le groupement forestier que : - Mme R... a reçu le 27 octobre 2004, tous pouvoirs pour représenter Mme Z..., gérante de droit, et agir, tant vis-à-vis des tiers que des banques, pour la bonne marche du groupement forestier, conformément aux droits conférés par les statuts ; - Mme R..., qui avait reçu procuration générale sur les comptes bancaires de la scierie et du groupement forestier depuis 2004, a, notamment, sollicité des augmentations de découvert importantes et le déblocage d'un compte capital du groupement forestier pour un montant de 50.000 euros en 2009, a souscrit un contrat d'adhésion au système de paiement par carte bancaire la même année, a acquis des parts d'une autre société au nom de la scierie en 2011, a procédé à la signature d'une convention de compte le 30 mai 2011, a signé un acte de cession de créance professionnelle en août 2013, a engagé le groupement forestier par diverses demandes d'aval ou caution en 2009, 2010 et 2012, a procédé à des opérations financières (transfert et ouvertures de crédit) pour le compte du groupement pour des montants considérables entre 2010 et 2012 et effectuait des opérations d'un compte à l'autre (virements, dépôt de chèques) ; - dans les relations avec les fournisseurs, elle commandait, donnait son accord pour des devis et réglait les achats pour des sommes pouvant dépasser 200.000 euros ; - concernant la gestion du personnel, elle signait des contrats de travail en CDD et les conventions de stage ainsi que les contrats de mise à disposition avec la société d'intérim, procédait aux déclarations d'embauche, et consentait régulièrement des avances s'apparentant à de véritables crédits aux salariés pour des montants pouvant aller jusqu'à 4.500 euros ; - au plan fiscal et comptable, elle a, par exemple, signé la déclaration de contribution sociale de solidarité des sociétés en 2013, la déclaration de TVA de 2010, 2011 et 2012 ainsi que la déclaration d'impôt sur les sociétés de 2012 ; qu'il est ainsi rapporté la preuve que Mme R... disposait des pouvoirs les plus étendus, pour agir au nom de la société et accomplissait régulièrement et de manière continue des actes positifs de gestion et de direction engageant les sociétés, en se présentant comme « la patronne », la représentante légale ou encore la mandataire de l'une ou l'autre des sociétés ; qu'il est également établi que ces actes étaient accomplis en toute liberté et en toute indépendance ; qu'en effet, le gérant de droit n'était pas mis en copie des courriels engageant la société et il ne figure aux débats aucune demande d'autorisation, ni directives, ni comptes-rendus concernant les différentes opérations importantes relatées précédemment alors pourtant que Mme R... a conservé et produit de nombreux e-mails au contenu insignifiant, essentiellement relatif à la chasse, plus anciens ou contemporains de ces opérations ; que de plus, bon nombre d'actes sont signés directement par Mme R... et non « pour ordre » ; que les échanges de courriels entre M. E..., expert forestier, et Mme Z... montrent que cette dernière a eu quelques difficultés à reprendre en main la gestion du groupement forestier fin 2013 en raison de la rétention d'information et de documents de la part de Mme R... ; qu'enfin, dans sa lettre à l'inspection du travail du 16 janvier 2014, cette dernière écrivait notamment qu'elle gérait la scierie « toute seule sans aucune aide depuis presque 10 ans », assurait la gestion du groupement forestier et que chaque année elle effectuait un virement de 35.000 euros du groupement forestier sur le compte de la scierie afin de pouvoir régler des dettes et que le repreneur de la scierie lui avait interdit à partir du 10 septembre 2013 de régler quoi que ce soit sans son accord, reconnaissant ainsi excéder largement ses fonctions jusqu'alors ; qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que Mme R... s'est comportée en gérante de fait de la scierie et du groupement forestier dans des conditions qui excluent tout lien de subordination et, partant, l'existence d'un contrat de travail à partir de 2006 ; qu'à compter de la reprise de la gestion effective de la scierie par M. B... I... , en juillet 2013, ce dernier a rétabli le lien de subordination avec Mme R... ainsi que celle-ci le relate dans sa lettre à l'inspection du travail et ainsi qu'il est attesté par d'autres salariés, mettant fin à la procuration générale sur le compte bancaire et procédant au licenciement le 30 mai 2014 ; qu'il y a lieu dans ces conditions de considérer que Mme R... a été salariée de la scierie du 3 septembre 1991 au 1er janvier 2006, puis du 1er juillet 2013 jusqu'à son licenciement ; que c'est donc à tort que le conseil de prud'hommes s'est déclaré incompétent ; que la question du lien juridique entre Mme R... et le groupement forestier doit être examinée avec le fond de l'affaire ;
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qu'il convient, compte tenu de l'ancienneté du litige et dans un souci de bonne administration de la justice, d'évoquer en application de l'article 88 du code de procédure civile ; que les parties seront donc invitées à conclure sur le fond, s'agissant des demandes qui concernent la période au cours de laquelle l'existence d'un contrat de travail est reconnue, selon le calendrier ci-dessous ; qu'elles seront par ailleurs parallèlement convoquées à une audience en vue de se voir proposer une médiation, le calendrier de procédure étant suspendu pendant les opérations de médiation éventuelle ; 1°) ALORS QUE le Groupement Forestier dit Domaine de Beaumont le Roger (dirigé par Mme Z...), d'une part, la Scierie de la Croix Maître Renault SARL (dirigée par M. Z...), d'autre part, se prévalaient de la qualité de dirigeante de fait de Mme R... ; que la cour d'appel a notamment retenu que Mme R... avait « sollicité des augmentations de découvert importantes », « souscris un contrat d'adhésion au système de paiement par carte bancaire la même année », « procédé à la signature d'une convention de compte le 30 mai 2011 », « signé un acte de cession de créance professionnelle en août 2013 », précisant qu'elle « effectuait des opérations d'un compte à l'autre (virements, dépôt de chèques), « commandait, donnait son accord pour des devis et réglait les achats pour des sommes pouvant dépasser 200.000 euros », « signait des contrats de travail en CDD et les conventions de stage ainsi que les contrats de mise à disposition avec la société d'intérim, procédait aux déclarations d'embauche, et consentait régulièrement des avances s'apparentant à de véritables crédits aux salariés pour des montants pouvant aller jusqu'à 4.500 euros », ce dont elle a déduit qu'« il est ainsi rapporté la preuve que Mme R... disposait des pouvoirs les plus étendus, pour agir au nom de la société et accomplissait régulièrement et de manière continue des actes positifs de gestion et de direction engageant les sociétés, en se présentant comme « la patronne », la représentante légale ou encore la mandataire de l'une ou l'autre des sociétés » ; qu'en statuant ainsi, sans préciser pour laquelle des deux entités ces faits auraient été accomplis, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1221-1 du code du travail ; 2°) ALORS QUE seul celui qui, en toute liberté et indépendance exerce une activité positive de gestion et de direction, de manière constante et régulière, a la qualité de dirigeant de fait ; que, pour dire que Mme R... était, de fait, dirigeante de la société Scierie de la Croix Maître Renault, la cour d'appel a retenu que « Mme R... avait reçu procuration générale sur les comptes bancaires de la scierie depuis 2004 », qu'elle a « acquis des parts d'une autre société au nom de la scierie en 2011 » et que, « au plan fiscal et comptable, elle a, par exemple, signé la déclaration de contribution sociale de solidarité des sociétés en 2013 » ; qu'en statuant ainsi par des motifs impropres à établir l'existence d'actes réguliers ou constants de gestion et de direction de la société Scierie de la Croix Maître Renault, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 1221-1 du code du travail ; 3°) ALORS QUE la détention de la signature bancaire et d'une procuration sur les comptes bancaires de la société, ainsi que la signature des documents fiscaux, ne suffit pas à établir l'exercice en toute liberté et indépendance des prérogatives du dirigeant de droit, donc la qualité de dirigeant de fait ; qu'en décidant le contraire, au motif inopérant que « le gérant de droit n'était pas mis en copie des courriels engageant la société et il ne figure aux débats aucune demande d'autorisation, ni directives, ni comptes-rendus concernant les différentes opérations importantes relatées précédemment alors pourtant que Mme R... a conservé et produit de nombreux e-mails au contenu insignifiant, essentiellement relatifs à la chasse, plus anciens ou contemporains de ces opérations », que « bon nombre d'actes sont signés directement par Mme R... et non « pour ordre » », que « les échanges de courriels entre M. E..., expert forestier, et Mme Z... montrent que cette dernière a eu quelques difficultés à reprendre en main la gestion du groupement forestier fin 2013 en raison de la rétention d'information et de documents de la part de Mme R... » et, enfin, que « dans sa lettre à l'inspection du travail du 16 janvier 2014, cette dernière écrivait notamment qu'elle gérait la scierie « toute seule sans aucune aide depuis presque 10 ans », assurait la gestion du groupement forestier et que chaque année elle effectuait un virement de 35.000 euros du groupement forestier sur le compte de la scierie afin de pouvoir régler des dettes et que le repreneur de la scierie lui avait interdit à partir du 10 septembre 2013 de régler quoi que ce soit sans son accord, reconnaissant ainsi excéder largement ses fonctions jusqu'alors », la cour d'appel a violé l'article L. 1221-1 du code du travail ;
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4°) ALORS QUE commet un excès de pouvoir le juge qui, après s'être déclaré incompétent, évoque le fond du litige ; qu'en décidant d'évoquer le fond du litige, motifs pris que « la question du lien juridique entre Mme R... et le groupement forestier doit être examinée avec le fond de l'affaire », quand elle retenait que les demandes de Mme R... dirigées contre le groupement forestier n'étaient pas recevables en raison de sa qualité de dirigeant de fait, la cour d'appel a violé les articles 12, 122 et 562 du code de procédure civile ; 5°) ALORS, subsidiairement, QU'en retenant d'une part que Mme R... était dirigeant de fait du groupement forestier et, d'autre part, que la « question du lien juridique entre Mme R... et le groupement forestier doit être examinée avec le fond de l'affaire », la cour d'appel s'est contredite, en violation de l'article 455 du code de procédure civile ; 6°) ET ALORS, plus subsidiairement, QUE celui qui agit en vertu de mandats donnés par le dirigeant de droit de la société n'est pas, en l'absence d'activité positive de gestion et de direction exercée en toute liberté et indépendance, un dirigeant de fait ; qu'en jugeant dès lors que Mme R... s'était comportée en dirigeante de fait du Groupement Forestier, quand elle constatait expressément que « Mme R... a reçu le 27 octobre 2004, tous pouvoirs pour représenter Mme Z..., gérante de droit, et agir, tant vis-à-vis des tiers que des banques, pour la bonne marche du groupement forestier, conformément aux droits conférés par les statuts », ce dont il résultait que l'intéressée, qui avait agi dans le cadre d'un mandat de représentation, ne pouvait avoir la qualité de dirigeant de fait du groupement forestier, la cour d'appel a violé l'article L. 1221-1 du code du travail. Moyen produit, au pourvoi incident, par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société Groupement forestier dit Domaine de Beaumont-le-Roger Il est reproché à l'arrêt attaqué, après avoir constaté l'existence d'un contrat de travail entre Madame R... et la société Scierie de la Croix Maître Renault pour les périodes du 3 septembre 1991 au 1er janvier 2006 puis du premier juillet 2013 jusqu'au 30 mai 2014, d'AVOIR invité les sociétés intimées à conclure sur le fond pour le 1er juin 2019 et à se présenter en personne à l'audience du mercredi 20 mars 2019 à 9 heures 15 afin de se voir proposer le recours à une médiation judiciaire ; AUX MOTIFS QU' « il est ainsi rapporté la preuve que Mme R... disposait des pouvoirs les plus étendus, pour agir au nom de la société et accomplissait régulièrement et de manière continue des actes positifs de gestion et de direction engageant les sociétés, en se présentant comme "la patronne", la représentante légale ou encore la mandataire de l'une ou l'autre des sociétés » ; qu'il est également établi que ces actes étaient accomplis en toute liberté et en toute indépendance ; qu'en effet, le gérant de droit n'était pas mis en copie des courriels engageant la société et il ne figure aux débats aucune demande d'autorisation, ni directives, ni comptes-rendus concernant les différentes opérations importantes relatées précédemment alors pourtant que Mme R... a conservé et produit de nombreux e-mails au contenu insignifiant, essentiellement relatif à la chasse, plus anciens ou contemporains de ces opérations ; que de plus, bon nombre d'actes sont signés directement par Mme R... et non "pour ordre" ; que les échanges de courriels entre M. E..., expert forestier, et Mme Z... montrent que cette dernière a eu quelques difficultés à reprendre en main la gestion du groupement forestier fin 2013 en raison de la rétention d'information et de documents de la part de Mme R... ; qu'enfin, dans sa lettre à l'inspection du travail du 16 janvier 2014, cette dernière écrivait notamment qu'elle gérait la scierie « toute seule sans aucune aide depuis presque 10 ans », assurait la gestion du groupement forestier et que chaque année elle effectuait un virement de 35.000 euros du groupement forestier sur le compte de la scierie afin de pouvoir régler des dettes et que le repreneur de la scierie lui avait interdit à partir du 10 septembre 2013 de régler quoi que ce soit sans son accord, reconnaissant ainsi excéder largement ses fonctions jusqu'alors ; qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que Mme R... s'est comportée en gérante de fait de la scierie et du groupement forestier dans des conditions qui excluent tout lien de subordination et, partant, l'existence d'un contrat de travail à partir de 2006 ; qu'à compter de la reprise de la gestion effective de la scierie par M. B... I... , en juillet 2013, ce dernier a rétabli le lien de subordination avec Mme R... ainsi que celle-ci le relate dans sa lettre à l'inspection du travail et ainsi qu'il est attesté par d'autres salariés, mettant fin à la procuration générale sur le compte bancaire et procédant au licenciement le 30 mai 2014 ;
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qu'il y a lieu dans ces conditions de considérer que Mme R... a été salariée de la scierie du 3 septembre 1991 au 1er janvier 2006, puis du 1er juillet 2013 jusqu'à son licenciement ; que c'est donc à tort que le conseil des prud'hommes s'est déclaré incompétent ; que la question du lien juridique entre Mme R... et Groupement forestier doit être examinée avec le fond de l'affaire ; qu'il convient, compte tenu de l'ancienneté du litige et dans un souci de bonne administration de la justice, d'évoquer en application de l'article 88 du code de procédure civile ; que les parties seront donc invitées à conclure sur le fond s'agissant de demandes qui concernent la période au cours de laquelle l'existence d'un contrat de travail est reconnue, selon le calendrier ci-dessous ; qu'elles seront par ailleurs parallèlement convoquées à une audience en vue de se voir proposer une médiation, le calendrier de la procédure étant suspendu pendant les opérations de médiation éventuelles » ; ALORS QU'il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que l'existence d'un contrat de travail n'a été reconnue pour certaines périodes qu'entre Mme R... et la seule société Scierie de la Croix Maître Renault ; qu'il en résulte que la société civile Groupement Forestier devait être mise hors de cause s'agissant des demandes résultant du contrat de travail dont l'existence a été ainsi constatée ; qu'en statuant comme elle l'a fait, par des motifs ne justifiant pas le dispositif, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; QU'à tout le moins, pour les raisons ci-dessus exposées, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs en maintenant dans la cause une partie dont elle reconnaissait par ailleurs qu'elle n'avait pas été l'employeur de la salariée.
Cour d'appel de Rouen, Cour de cassation Chambre sociale, décision 19-16.106 du 25/11/2020, partie 6
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 25 NOVEMBRE 2020 M. H... K..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° R 18-26.398 contre l'arrêt n° RG : 16/18107 rendu le 11 septembre 2018 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (1re chambre A), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. A... D..., domicilié [...] , 2°/ à M. S... V..., domicilié [...] , 3°/ à la société O...-P...-T...-R...-J...-D...-M..., société civile professionnelle, dont le siège est [...] , 4°/ à la société [...] , société civile professionnelle, dont le siège est [...] , défendeurs à la cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Mornet, conseiller, les observations écrites de la SARL Corlay, avocat de M. K..., de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. D... et de la société O...-P...-T...-R...-J...-D...-M..., et l'avis de M. Lavigne, avocat général, après débats en l'audience publique du 6 octobre 2020 où étaient présents Mme Batut, président, M. Mornet, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Randouin, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision. 1. Il est donné acte à M. K... du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre M. V... et la société [...] . 2. Le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. 3. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi. EN CONSÉQUENCE, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne M. K... aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi décidé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq novembre deux mille vingt. MOYEN ANNEXE à la présente décision Moyen produit par la SARL Corlay, avocat aux Conseils, pour M. K.... Le moyen reproche à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR débouté l'exposant de l'ensemble de ses demandes à l'encontre des notaires rédacteurs d'acte et de l'avoir condamné aux frais irrépétibles et dépens ; AUX MOTIFS PROPRES QUE « Attendu qu'il est constant que M. H... K... a fait l'acquisition, suivant acte authentique reçu le 18 septembre 2003 par Me Y... P..., notaire à [...] (06), dans le cadre d'une vente en l'état futur d'achèvement, des lots de copropriété suivants dans un ensemble immobilier sis lieudit "[...]" à [...] (Seine et Marne) vendu par la Sarl Financière Barbatre:- lot 39 consistant dans un appartement duplex de 34,20 m² situé au 1er étage du bâtiment E, :- lot 45 consistant dans un appartement duplex de 52,29 m² situé au rez-de-chaussée et au 1er étage du bâtiment E, moyennant le prix global de 489 396 euros TTC; Que la Sarl Financière Barbatre avait pour projet de transformer les communs et dépendances d'un château du XVIe siècle (lui-même en cours de rénovation et de transformation en appartements) en 84 appartements destinés à la location en meublé dans le cadre d'un contrat de bail commercial passé par les acquéreurs avec la SA Résidence [...] ; Que les acquéreurs avaient préalablement à l'acte authentique signé un contrat de réservation indiquant que les bâtiments devaient être transformés en immeuble à usage de résidence hôtelière à la suite de la réalisation de travaux de rénovation lourde ayant fait l'objet d'un permis de construire et consistant en : niveaux, cloisonnements, façades, aménagements intérieurs, conformément à une notice descriptive; Que l'acte authentique de vente indique que: - compte tenu de l'état d'avancement des travaux "hors d'eau", la partie exigible du prix est de 60 %, le solde devant être payé selon l'échelonnement suivant: 20 % à la mise hors d'air, 13,61 % aux travaux de peinture et carrelages réalisés à 95 %, 11,39 % à l'achèvement des travaux de rénovation et 5 % à la mise à disposition des locaux, - le délai de livraison des locaux est prévu pour le 4e trimestre 2004, soit au plus tard le 31 décembre 2004, sauf survenance d'un cas de force majeure, - le vendeur constitue une garantie d'achèvement intrinsèque au sens des articles L 261 -11 d) et R 261-18 a) du code de la construction et de l'habitation en l'état d'une attestation délivrée par le cabinet 2AD Ingénierie le 16 juin 2003 attestant de l'état hors d'eau de l'immeuble et de absence d'inscription de privilège ou d'hypothèque sur l'immeuble;
Cour d'appel d'Aix-en-Provence 1A, Cour de cassation Première chambre civile, décision 18-26.398 du 25/11/2020, partie 1
Attendu que les locaux n'ont pas été livrés par la Sarl Financière Barbatre qui a fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire puis d'un jugement de liquidation judiciaire le 1er avril 2008 ; Que les acquéreurs produisent un constat d'huissier en date du 8 septembre 2011 dont il ressort que le chantier est â l'abandon, que les travaux ne sont pas achevés et que l'ensemble est fortement dégradé en raison de l'humidité et des eaux de pluie qui se déversent dans les bâtiments, certains étant privés de toiture et de fenêtres; Qu'ils considèrent qu'ils n'ont pu bénéficier de la garantie d'achèvement en raison de sa totale inefficacité et mettent en cause la responsabilité des notaires intervenus dans la rédaction des actes et des procurations; Attendu que c'est en vain que les acquéreurs prétendent que Me A... D... aurait commis une faute en choisissant de soumettre la vente au régime de la vente en l'état futur d'achèvement au motif que celui-ci ne serait pas adapté à la vente d'un immeuble objet d'une rénovation lourde; qu'en effet, les contrats de vente sont antérieurs à l'entrée en vigueur de la loi n°2006-872 dite "Engagement National pour le Logement" du 13 juillet 2006 qui a créé le régime spécifique de la vente d'immeuble à rénover dont le décret d'application n'est intervenu que le 16 décembre 2008 ; qu'à la date des actes de vente passés par Me A... D..., seul le régime de la vente en l'état futur d'achèvement était protecteur des intérêts des acquéreurs, même s'il n'était pas précisément adapté aux particularités de la vente avec rénovation lourde ; Que c'est également vainement que les acquéreurs font le reproche au notaire d'avoir "choisi" la garantie intrinsèque, alors que la garantie extrinsèque serait plus protectrice des intérêts de l'acheteur ; qu'en effet, le tribunal ajustement rappelé que le choix entre ces deux garanties relève du seul promoteur vendeur, sans que le notaire rédacteur puisse s'immiscer dans un tel choix; que la garantie intrinsèque est une option ouverte par la loi au vendeur et que, si elle ne présente pas la même sûreté que la garantie extrinsèque, elle n'en est pas moins licite ; qu'il incombe seulement au notaire, dans le cadre de cette option, de vérifier que les conditions légales et réglementaires de cette garantie sont remplies pour que celle-ci soit utile et efficace ; Attendu que les acquéreurs font ensuite grief au notaire de ne pas avoir rempli son devoir de conseil et d'information en ne les informant pas de la teneur de la garantie intrinsèque et de ses risques et en n'insérant pas dans l'acte une mention établissant que l'acheteur reconnaît avoir été averti de la teneur des garanties souscrites ; mais que si l'article R 261-20 du code de la Construction et de l'habitation prévoit expressément que le contrat de vente doit préciser "que l'acheteur reconnaît être averti de la teneur desdites garanties", ces dispositions ne sont applicables que pour la garantie prévue par l'article R 261-18 b) ; qu'en l'espèce, la garantie intrinsèque répondait au a) de l'article R 261-18 dans sa rédaction applicable au litige, à savoir la situation d'un immeuble mis hors d'eau et non grevé de privilège ou hypothèque, et non au b) correspondant à la situation d'un immeuble dont les fondations sont achevées et dont le financement répond à des conditions impératives; Attendu que les acquéreurs reprochent pour l'essentiel au notaire d'avoir manqué à son obligation d'efficacité de l'acte en ayant inscrit dans l'acte une garantie privée de tout effet; qu'ils fondent leurs reproches sur deux points d'une part, l'absence de vérification de l'attestation du 16 juin 2003 délivrée par le cabinet 2AD Ingénierie, d'autre part la prise en compte d'un état hors d'eau permettant un déblocage des fonds à 70 % alors que les travaux n'avaient pas encore commencé; Attendu qu'il doit être retenu que le notaire a une obligation d'investigation qui relève de son obligation d'efficacité et s'inscrit dans la logique de sécurité juridique des actes qu'il reçoit et que sa responsabilité est engagée s'il n'a pas usé de la possibilité d'empêcher que l'acte qu'il instrumente ne soit privé d'effet ; qu'il n'a pas à se déplacer sur les lieux pour vérifier la situation matérielle de l'immeuble mais qu'il doit procéder à des vérifications complémentaires lorsqu'il a des raisons de mettre en doute, en raison de circonstances objectives, les déclarations faites par les parties ou des sachants dans l'acte authentique; qu'il en est ainsi lorsque ces déclarations sont en contradiction avec les documents dont il dispose, le notaire étant en effet tenu de procéder à une vérification documentaire au vu des pièces annexées à t'acte; qu'il convient donc de rechercher s'il existait des éléments objectifs, parmi les pièces dont Me A... D... disposait lors de la rédaction des actes de vente, qui auraient dû l'amener à mettre en doute l'attestation du 16 juin 2003 sur l'état hors d'eau de l'immeuble;
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Qu'il importe peu que cette attestation ait été signée par la SAS 2AD Ingénierie, et non par le cabinet 2AD Architecture, dès lors qu'il apparaît que cette société, ayant le même siège social que le cabinet d'architecture 2AD Architecture, avait une activité de maître d'oeuvre et architecte et que la constatation de l'état d'avancement des travaux a donc été certifiée par un homme de l'art: Que l'attestation n'avait pas à être plus précise ou plus circonstanciée: Que, certes, il pouvait apparaître une contradiction entre cette attestation du 16 juin 2003 et la déclaration d'ouverture du chantier du 28 août 2003 en ce qu'à la date de sa délivrance, les travaux de rénovation n'avaient pas encore commencé ; mais qu'il n'était pas nécessairement exclu qu'un bâtiment existant, objet d'une opération de rénovation, puisse faire l'objet d'une situation 'hors d'eau" avant l'ouverture du chantier, dès lors que les travaux de rénovation en question ne portaient pas sur la toiture existante ; que la seule antériorité de l'attestation de' « mise hors d'eau » à la déclaration d'ouverture du chantier n'était ni juridiquement exclue ni matériellement suspecte et ne constituait pas, en soi, un indice suffisant pour éveiller chez le notaire des soupçons sur la véracité de l'attestation délivrée par un homme de l'art ; Que le notaire disposait à son dossier du permis de construire en date du 25 octobre 2001 lequel ne faisait aucun état de travaux de toiture et que la note de présentation du permis indiquait « il n'est prévu aucune extension des bâtiments existant actuellement sur le site. L'ensemble du programme s'intègre dans les volumes des bâtiments existants et conservés. Les façades sont l'objet d'adaptation ou de créations d'ouvertures nécessaires à l'éclairement des locaux aménagés clans ces volumes, Les deux seules adaptations des volumes existants concernent la reprise de la toiture d'angle des bâtiments A et G pour créer un raccordement harmonieux des deux volumes de toitures et habiller des pignons existants. La reprise sur le bâtiment H en toiture à 4 pentes de 35° en place de la toiture à 2 pentes et pignons de 20 % existant pour permettre sa couverture en tuile plate à petit moule.", de sorte qu'il apparaît que le remplacement des toitures n'était pas prévu, sauf pour le bâtiment H qui n'est pas concerné par la demande, la seule reprise de l'angle de la toiture des bâtiments A et G sur un plan purement esthétique n'altérant pas leur état "hors d'eau" ; Que le contrat de réservation faisait état des travaux de rénovation suivants : "niveaux, Cloisonnements, façades, aménagements intérieurs", à l'exclusion de travaux de toiture et que la mention selon laquelle le réservant entend se réserver la possibilité d'apporter des compléments et modifications à la consistance de l'immeuble et aux caractéristiques des travaux â effectuer ne permet pas de considérer que des travaux aussi conséquents que la reprise des toitures pouvaient être envisagés Que les photos des bâtiments de l'ensemble [...] figurant sur la plaquette commerciale de la Sarl Financière Barbatre présentant l'existant avant travaux font apparaître que ceux-ci sont munis d'une toiture dont rien ne permet de supposer qu'elle devrait faire l'objet d'une réfection et que les constatations, très sommaires, faites par l'huissier en 2011, soit plus de huit années après l'attestation, sur un chantier à l'abandon, ne permettent pas de remettre en cause l'existence des toitures sur le bâtiment concerné par la présente vente ; Que dès lors, il n'existait pas d'éléments contradictoires ou discordants justifiant que le notaire ait quelque soupçon sur la véracité de l'attestation du 16 juin 2003 et sur la réalité du caractère "hors d'eau" des bâtiments dans lesquels les lots étaient vendus ; qu'en insérant dans son acte une clause de garantie intrinsèque pour laquelle il disposait d'une attestation de "mise hors d'eau" et d'un certificat des hypothèques attestant de l'absence de privilège, hypothèque ou gage sur l'immeuble, conditions posées par l'article R 261-18 a) et en mettant en place un échéancier de paiements correspondant aux prévisions de l'article R 261-14 du code de la construction et de l'habitation, le notaire, qui ne pouvait soupçonner que cette garantie serait inefficace, n'a commis aucune faute; Que le jugement qui a débouté les demandeurs de toutes leurs prétentions contre Me A... D... et la Scp O..., P..., T..., R..., J..., D... et M... sera donc confirmé en toutes ses dispositions; que les demandes présentées contre le notaire ayant rédigé l'acte en participation avec Me A... D... ont également été justement rejetées pour les mêmes motifs. » ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « Sur la responsabilité du notaire ; Sur l'existence d'une faute imputable au notaire Attendu qu'il résulte des pièces versées aux débats que: - l'acte d'acquisition en VEFA par les demandeurs de lots de copropriété dans le cadre de la commercialisation du programme immobilier [...], reçu par Maître Y... P... en date du 18 septembre 2003, mentionne en page 5 , dans le paragraphe Paiement du prix * I) Partie exigible immédiatement que, compte tenu de l'avancement des travaux "hors d'eau, la partie actuellement exigible est de 60 %;
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et mentionne au II) Paiement du solde du prix l'échelonnement: -20 %à la mise hors d'air - 13,61 % aux travaux de peinture et de carrelage réalisés à hauteur de 95 % - 11,39 % à l'achèvement des travaux de rénovation ; - à la mise à disposition des locaux par l'acquéreur Attendu que l'acte authentique a précisé dans sa deuxième partie (p. 10 et suivantes): - que le vendeur a déclaré avoir fait l'acquisition et entreprendre la rénovation lourde d'un ensemble immobilier comprenant neuf bâtiments en changeant sa destination en usage de résidence services , la partie non construite du terrain devant être aménagée en espaces verts, circulation véhicules, allées piétonnières, zone de parkings communs; - que la consistance des lots vendus dans leur état futur de rénovation est portée à la connaissance de l'acquéreur par la remise d'un plan coté de l'appartement qui demeure annexé à l'acte de vente; - que les caractéristiques techniques des lots vendus , du bâtiment et de ses équipements extérieurs sont exprimées dans une notice descriptive, conformément au modèle de l'arrêté du 10 mai 1968, qui demeure annexée à un acte reçu le 16 septembre 2003 (acte de dépôt de la note de renseignements d'urbanisme et d'autres actes ) et dont la lecture a été faite par le notaire lors de la signature de l'acte de vente des lots; - que, concernant l'état d'avancement des travaux, il est précisé que les fondations du bâtiment dont dépendent les fractions présentement vendues sont achevées, le vendeur ayant conservé la structure du bâtiment existant; au jour du présent acte, les travaux de rénovation sont parvenus au stade suivant ; hors d'eau ; ainsi qu'il résulte d'une attestation du Cabinet 2AD Ingénierie à [...] , en date du 16 juin 2003; - que le paragraphe Garantie d'achèvement, en page 18 du contrat de vente stipule que: la société venderesse par son représentant ès-qualités déclare que les conditions propres à l'opération qui vont être ci-après exposées constituent la garantie de son obligation d'achever l'immeuble vendu au sens des articles L 261-11d et R 261-18 a du Code de la Construction et de l'Habitation: article 261-18: la garantie d'achèvement résulte de l'existence de conditions propres à l'opération lorsque cette dernière répond à l'une ou à l'autre des conditions suivantes; a) si l'immeuble est mis hors d'eau et n'est grevé qu'aucun privilège ou hypothèque; Le vendeur précise en effet que l'ensemble immobilier dont dépendent les biens et droits immobiliers vendus sont hors d'eau ainsi qu'il résulte de l'attestation délivrée le 16 juin 2003 par le Cabinet 2AD Ingénierie à [...] ,. Attendu qu'il est établi qu'au jour de la signature de l'acte de vente litigieux, le promoteur vendeur sous le régime de la VEFA de lots de copropriété dépendant d'un ensemble immobilier disposait du choix de la garantie d'achèvement, soit une garantie intrinsèque, soit une garantie extrinsèque; Attendu que ce choix appartient au seul promoteur vendeur sans que le notaire rédacteur de l'acte de vente puisse s'immiscer dans un tel choix; Attendu qu'il appartenait seulement au notaire rédacteur de l'acte de vente de vérifier que les conditions de la garantie intrinsèque choisie par la Sarl Financière Barbatre étaient concrètement réunies , ce qui en l'espèce était le cas puisqu'il n'existait pas d'inscription de privilège ou d'hypothèque sur les biens et droits, objet de la vente, d'une part, et que l'architecte chargé de l'opération immobilière, le Cabinet 2AD Ingénierie, avait transmis au notaire une attestation en date du 16 juin 2003 selon laquelle le bâtiment était hors d'eau, d'autre part; Attendu qu'il est ainsi établi que toutes les conditions d'application de l'article R 26118 a) du Code de la Construction et de l'Habitation étaient réunies au jour de la signature de l'acte de vente en VEFA et rien ne permettait au notaire de supposer que la garantie fournie ne pourrait pas être utilement mise en oeuvre en cas de besoin; que, dès lors, les demandeurs sont mal fondés en leur moyen tiré de ce que le notaire n'a pas exigé des professionnels de la réhabilitation des garanties extrinsèques d'achèvement; Attendu qu'il n'appartenait pas au notaire rédacteur de l'acte de se transporter sur les lieux pour constater personnellement l'état d'avancement des travaux, l'attestation de l'architecte chargé de la surveillance des travaux relevant de la seule responsabilité de cet architecte , et ce , alors qu'il n'était porté à la connaissance du notaire aucune information de nature à créer dans son esprit un doute sur la sincérité de l'attestation de l'architecte, s'agissant de bâtiments anciens, anciennes dépendances d'un château, qui devaient faire l'objet de travaux de rénovation lourde avec changement de destination en usage de résidence services; Attendu que, contrairement à ce que soutiennent les acquéreurs, il ne peut être reproché au notaire un manquement à son obligation d'information et de conseil, et d'efficacité de son acte, qui aurait consisté à ne pas avoir éclairé les parties sur les risques éventuels de non-achèvement de l'immeuble si la garantie intrinsèque était choisie par le vendeur;
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qu'en effet, il est établi que les demandeurs ont été averti de la teneur des garanties souscrites au paragraphe Garantie d'achèvement comme il a été rappelé plus haut, de sorte que l'arrêt de la Cour de cassation en date du 17 mars 2011 , dont se prévalent les demandeurs, ne peut recevoir application en l'espèce, l'obligation du notaire d'indiquer précisément et expressément le contenu de la garantie intrinsèque d'achèvement ayant été correctement remplie en l'espèce par Maître A... D... lors de la rédaction de l'acte de vente litigieux; Attendu que le moyen tiré du manquement à l'obligation d'efficacité de l'acte rédigé par le notaire sera rejeté comme étant inopérant en ce qu'aucun argument particulier n'est développé pour permettre de conclure que le contrat de vente en VEFA ne pouvait pas recevoir une exécution conforme au but recherché par les parties , notamment par les acquéreurs; qu'au contraire, il a été correctement précisé dans l'acte de vente les modalités relatives au calendrier des futures échéances de payement des acomptes conformes aux dispositions légales et réglementaires en fonction de l'état d'avancement du chantier; Attendu qu'en conclusion, le notaire rédacteur de l'acte authentique de vente n'a commis, lors de la rédaction de l'acte de vente en VEFA relatif à l'acquisition par les demandeurs des lots de copropriété de la promotion immobilière [...], sis à [...] , aucune faute de nature à engager sa responsabilité et celle de la Scp O...-P...-T...-R...-J...-D...-M..., titulaire d'un office notarial à [...], dont il est un associé; Sur le préjudice et le lien de causalité avec une faute du notaire Attendu que, surabondamment, dans l'hypothèse où il aurait été établi que le notaire a commis une faute lors de la rédaction de l'acte de vente, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, le tribunal relève que le demandeur ne rapporte pas la preuve d'un préjudice indemnisable qui aurait un lien avec une quelconque faute imputable au notaire rédacteur, lequel ne peut pas se substituer au promoteur vendeur dans ses obligations contractuelles envers les acquéreurs ; Attendu que le tribunal ne pourra que débouter (le demandeur) de l'intégralité de ses demandes à l'encontre de Maître A... D... et la Scp O...-P...-T...-R...-J...-D...-M..., titulaire d'un office notarial à [...]; » ALORS QUE 1°) le notaire est tenu d'assurer l'efficacité et la validité des actes qu'il dresse ou auxquels il prête son concours et d'une obligation de conseil ; qu'il lui appartient de rechercher si la garantie intrinsèque offerte par le vendeur est adaptée aux risques présentés par l'opération de rénovation lourde d'un immeuble existant ; qu'en l'espèce il est constant que l'opération immobilière concernait la rénovation lourde d'un immeuble ancien existant particulièrement risqué dès lors que la majeure partie du prix, sinon la totalité, était versée à la signature de l'acte, sur la base de l'attestation hors d'eau délivrée ; qu'en considérant qu'il n'appartenait pas au notaire de rechercher si la garantie intrinsèque était adaptée à l'opération lourde de rénovation en cause aux motifs qu' « il incombe seulement au notaire, dans le cadre de cette option, de vérifier que les conditions légales et réglementaires de cette garantie sont remplies pour que celle-ci soit utile et efficace » (arrêt p. 7 al. 3), la cour d'appel a violé les articles R. 261-17 et R. 261-18 du code de la construction et de l'habitation tels qu'applicables à la cause, ensemble l'article 1382 (désormais 1240) du code civil ; ALORS QUE 2°) le notaire est tenu d'assurer l'efficacité et la validité des actes qu'il dresse ou auxquels il prête son concours et d'une obligation de conseil ; qu'il lui appartient de rechercher avec une diligence particulière si les conditions de la garantie intrinsèque sont réunies, s'agissant d'une garantie très peu protectrice de l'acquéreur particulier et dépendant de la seule volonté du promoteur ; qu'il doit en particulier s'assurer de la qualité et de la compétence du signataire de l'attestation « hors d'eau » permettant la mise en place de la garantie intrinsèque ; qu'en l'espèce l'attestation d'un état hors d'eau du bien – révélée fausse – a été délivrée le 16 juin 2003 et réitérée le 31 janvier 2005 par le Cabinet 2AD Ingénierie, qui ne figure pas sur le tableau des architectes et est une autre entité juridique que la Société A2 Architecture, l'attestation étant signée par M. Q... G... qui n'est pas davantage architecte ; qu'en considérant que le notaire avait effectué des diligences suffisantes s'agissant des conditions de la garantie intrinsèque en se contentant d'une attestation sans vérifier la qualité du signataire aux motifs « qu'il importe peu que cette attestation ait été signée par la Société Sas 2AD Ingénierie et non par le cabinet 2AD Architecte dès lors qu'il apparaît que cette société (avait) le même siège social que le cabinet d'architecture 2AD Architecture », la Cour d'appel a manqué de bases légales au regard des articles R. 261-11 et R. 261-18 du code de la construction et de l'habitation tels qu'applicables à la cause, ensemble l'article 1382 (désormais 1240) du code civil ; ALORS QUE 3°) nul ne peut dénaturer les pièces du dossier ;
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qu'en retenant à cet égard que la Sas 2AD Ingénierie avait « une activité de maître d'oeuvre et architecte » quand la pièce adverse n° 6 produisant le Tableau de l'ordre ne mentionnait que la Société 2AD Architecture et ne faisait pas figurer M. Q... G... parmi les architectes ; que ce faisant la Cour d'appel a violé le principe de non dénaturation des pièces du dossier ; ALORS QUE 4°) l'information sur les risques présentés par la seule prise d'une garantie intrinsèque d'achèvement a précisément pour objet de pallier la défaillance du constructeur ; qu'en retenant, par motifs adoptés, que, quand bien même le notaire aurait commis une faute, il ne pouvait se substituer au constructeur et le lien de causalité entre le dommage commis consistant en la perte de valeur du bien et la faute du notaire ne serait pas établi, la cour d'appel a violé les articles R. 261-17 et R. 261-18 du code de la construction et de l'habitation tels qu'applicables à la cause, ensemble l'article 1382 (désormais 1240) du code civil.
Cour d'appel d'Aix-en-Provence 1A, Cour de cassation Première chambre civile, décision 18-26.398 du 25/11/2020, partie 6
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 26 NOVEMBRE 2020 La caisse primaire d'assurance maladie de Loire-Atlantique, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° Y 19-18.244 contre l'arrêt rendu le 24 avril 2019 par la cour d'appel de Rennes (9e chambre, sécurité sociale), dans le litige l'opposant : 1°/ à la société Alstom Shipworks, dont le siège est [...] , anciennement dénommée société Chantiers de l'Atlantique, 2°/ à M. T... G..., domicilié [...] , 3°/ au Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante, dont le siège est [...] , défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Dudit, conseiller référendaire, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie de Loire-Atlantique, de la SCP Alain Bénabent, avocat de la société Alstom Shipworks, et l'avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l'audience publique du 21 octobre 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Dudit, conseiller référendaire rapporteur, M. Prétot, conseiller doyen, et Mme Tinchon, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 24 avril 2019), M. G... (la victime), ancien salarié de la société des Chantiers de l'Atlantique devenue la société Alstom Shipswork (l'employeur), a déclaré, le 24 août 2011, une pathologie prise en charge sur le fondement du tableau 30 bis des maladies professionnelles, après avis d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, par la caisse primaire d'assurance maladie de Loire-Atlantique (la caisse), qui lui a attribué une rente calculée sur un taux d'incapacité permanente partielle de 67 %. 2. La victime a saisi une juridiction de sécurité sociale d'une action tendant à la reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur. Examen du moyen Sur le premier moyen Enoncé du moyen 3. La caisse fait grief à l'arrêt de déclarer inopposable à l'employeur la décision en date du 16 avril 2012 portant prise en charge, au titre de la législation professionnelle, de la pathologie déclarée par la victime, puis de la débouter de sa demande de condamnation de l'employeur à lui rembourser l'ensemble des sommes dont elle serait amenée à faire l'avance au titre de la faute inexcusable, alors « que si l'employeur peut soutenir, en défense à l'action en reconnaissance de la faute inexcusable introduite par la victime ou ses ayants droit, que l'accident, la maladie ou la rechute n'a pas d'origine professionnelle, il n'est pas recevable à contester la décision de prise en charge de l'accident, de la maladie ou de la rechute par la caisse primaire au titre de la législation sur les risques professionnels ; qu'en déclarant inopposable à l'employeur la décision de prise en charge de la maladie déclarée par M. G..., quand ils n'étaient saisis que de l'action en reconnaissance de la faute inexcusable intentée par ce dernier, les juges du fond ont violé l'article R. 441-14 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction modifiée par le décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009, ensemble les articles L. 452-1 à L. 452-3 du même code ». Réponse de la Cour Vu l'article R. 441-14 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009, applicable au litige : 4. Ce texte régit exclusivement la procédure applicable à la prise en charge au titre de la législation professionnelle d'un accident du travail, d'une maladie professionnelle ou d'une rechute. 5. Il en résulte que si l'employeur peut soutenir, en défense à l'action en reconnaissance de la faute inexcusable introduite par la victime ou ses ayants droit, que l'accident, la maladie ou la rechute n'a pas d'origine professionnelle, il n'est pas recevable à contester la décision de prise en charge de l'accident, de la maladie ou de la rechute par la caisse primaire au titre de la législation professionnelle.
Cour d'appel de Rennes SS, Cour de cassation Deuxième chambre civile, décision 19-18.244 du 26/11/2020, partie 1
6. Pour déclarer inopposable à l'employeur la décision de prise en charge au titre de la législation professionnelle de la maladie et débouter la caisse de son action récursoire, l'arrêt retient qu'en l'absence de caractérisation par la caisse de la pathologie du tableau n°30 bis, et alors que la caisse ne soutient pas dans ses écritures que la décision de prise en charge du 16 avril 2012 avait acquis un caractère définitif à l'égard de l'employeur, il y a lieu de déclarer inopposable à celui-ci la décision de prise en charge de la pathologie déclarée par la victime au titre de la législation professionnelle. Il ajoute que l'inopposabilité à l'employeur découlant de cette irrégularité de fond prive la caisse de tout recours récursoire en récupération sur l'employeur des compléments de rente et indemnités versés. 7. En statuant ainsi, alors qu'elle était saisie exclusivement d'une action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, la cour d'appel a violé le texte susvisé. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a déclaré inopposable à la société Alstom Shipworks la décision de prise en charge, au titre de la législation professionnelle, de la maladie déclarée le 24 août 2011 par M. G..., et débouté la caisse primaire d'assurance maladie de Loire-Atlantique de sa demande tendant à voir condamner l'employeur à lui rembourser les sommes avancées par elle, l'arrêt rendu le 24 avril 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rennes, autrement composée ; Condamne la société Alstom Shipworks aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Alstom Shipworks et la condamne à payer à la caisse primaire d'assurance maladie de Loire-Atlantique la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six novembre deux mille vingt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour la caisse primaire d'assurance maladie de Loire-Atlantique. PREMIER MOYEN DE CASSATION L'arrêt attaqué encourt la censure ; EN CE QU' il a déclaré inopposable à la société ALSTOM SHIPWORKS, anciennement dénommée CHANTIERS DE L'ATLANTIQUE, la décision de la Caisse en date du 16 avril 2012 portant prise en charge, au titre de la législation professionnelle, de la pathologie déclarée le 24 août 2011 par M. G..., puis débouté la Caisse de sa demande de condamnation de ladite société à lui rembourser l'ensemble des sommes dont elle serait amenée à faire l'avance au titre de la faute inexcusable ; AUX MOTIFS QUE « la société fait valoir que la décision de prise en charge de la maladie déclarée lui est inopposable faute d'investigations et d'enquête menée auprès d'elle par la caisse afin de connaître notamment les conditions de travail de M, G..., la caisse ne pouvant donc pas invoquer la présomption d'imputabilité ; Que la caisse réplique qu'il importe peu qu'elle ne prouve pas la réalisation d'une enquête auprès de la société appelante, dès lors que l'inopposabilité de la décision de prise en charge ne saurait la priver de son action récursoire ; Que la maladie professionnelle a été déclarée le 24 août 2011 ; Que la décision prise par une caisse dans les conditions prévues par l'article R. 441-14 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction issue du décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009, applicable le 1er janvier 2010, ayant pour objet exclusif la prise en charge ou le refus de prise en charge au titre de la législation professionnelle, de l'accident, de la maladie ou de la rechute, l'irrégularité de la procédure conduisant à la prise en charge, par une caisse, au titre de la législation professionnelle, d'un accident, d'une maladie ou d'une rechute, est sans incidence sur l'action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, ce dont il découle, que l'irrégularité de la procédure ne prive pas la caisse du droit de récupérer sur l'employeur, après reconnaissance de cette faute, les compléments de rente et indemnités versés par elle et que l'inopposabilité à la société de la décision de prise en charge en découlant ne fait pas obstacle à l'action récursoire de la caisse ;
Cour d'appel de Rennes SS, Cour de cassation Deuxième chambre civile, décision 19-18.244 du 26/11/2020, partie 2
Que dans ces conditions l'irrégularité de procédure commise par la caisse, non contestée par cette dernière qui n'a pas instruit la maladie au contradictoire de la société Chantiers de l'Atlantique, ne lui adressant pas de questionnaire et ne l'interrogeant pas sur les conditions du tableau, si elle conduit à devoir déclarer inopposable pour cette raison ladite prise en charge à l'égard de la société, ne prive pas la caisse du droit de récupérer sur l'employeur, les compléments de rente et indemnités versés par elle ; Que cependant, la société Chantiers de l'Atlantique se prévaut également, à l'effet de priver la caisse de toute action récursoire, d'une inopposabilité « de fond » à son égard de la décision de prise en charge tenant à l'absence d'établissement du caractère professionnel de la pathologie prise en charge (conditions du tableau) ; Qu'elle articule à cet effet que la caisse n'a pas justifié médicalement que la pathologie diagnostiquée et visée au certificat médical initial est un cancer broncho-pulmonaire primitif ; Que la caisse réplique qu'elle n'est pas liée par l'intitulé du certificat médical initial et que le caractère professionnel de la pathologie affectant M. G..., vérifié à deux reprises par son médecin-conseil au vu de l'entier dossier médical, est établi ; Qu'en l'espèce la caisse n'établit pas par ses productions que M. G... était atteint d'un « cancer broncho pulmonaire primitif »; qu'en effet, alors que le certificat médical initial vise un « carcinome épidermoïde », les seuls avis du médecin-conseil de la caisse des 14 novembre et 08 décembre 2011 )qui ne sont pas opposables à l'employeur (visant un code syndrome « 030 BAC 34X » au titre d'un « Cancer broncho-pulmonaire » et un « scanner ») pièces n°3 et 4 de la caisse(, de même que l'avis du CRRMP faisant état comme motif de la saisine d'un « cancer broncho-pulmonaire primitif » avec « travaux non mentionnés dans la liste nominative ») pièce n° 5 de la caisse (, sont insuffisants à caractériser avec certitude la réalisation de la condition médicale du tableau 30 bis, et notamment le caractère primitif de la pathologie retenue par la caisse au titre de la prise en charge ; Que dès lors, en l'absence de caractérisation par la caisse de la pathologie du tableau n°30 bis, et alors que la caisse ne soutient pas à ses écritures que la décision de prise en charge du 16 avril 2012 avait acquis un caractère définitif à l'égard de l'employeur, il y a lieu de déclarer inopposable à la société la décision de prise en charge de la pathologie déclarée par M. G... au titre de la législation professionnelle, l'inopposabilité à la société découlant de cette irrégularité de fond privant la société de tout recours récursoire en récupération sur l'employeur des compléments de rente et indemnités versés par la caisse » ; ALORS QUE, si l'employeur peut soutenir, en défense à l'action en reconnaissance de la faute inexcusable introduite par la victime ou ses ayants droit, que l'accident, la maladie ou la rechute n'a pas d'origine professionnelle, il n'est pas recevable à contester la décision de prise en charge de l'accident, de la maladie ou de la rechute par la caisse primaire au titre de la législation sur les risques professionnels ; qu'en déclarant inopposable à l'employeur la décision de prise en charge de la maladie déclarée par M. G..., quand ils n'étaient saisis que de l'action en reconnaissance de la faute inexcusable intentée par ce dernier, les juges du fond ont violé l'article R. 441-14 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction modifiée par le décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009, ensemble les articles L. 452-1 à L. 452-3 du même code. SECOND MOYEN DE CASSATION (subsidiaire) L'arrêt attaqué encourt la censure ; EN CE QU' il a déclaré inopposable à la société ALSTOM SHIPWORKS, anciennement dénommée CHANTIERS DE L'ATLANTIQUE, la décision de la Caisse en date du 16 avril 2012 portant prise en charge, au titre de la législation professionnelle, de la pathologie déclarée le 24 août 2011 par M. G..., puis débouté la Caisse de sa demande de condamnation de ladite société à lui rembourser l'ensemble des sommes dont elle serait amenée à faire l'avance au titre de la faute inexcusable ; AUX MOTIFS QUE « la société fait valoir que la décision de prise en charge de la maladie déclarée lui est inopposable faute d'investigations et d'enquête menée auprès d'elle par la caisse afin de connaître notamment les conditions de travail de M, G..., la caisse ne pouvant donc pas invoquer la présomption d'imputabilité ; Que la caisse réplique qu'il importe peu qu'elle ne prouve pas la réalisation d'une enquête auprès de la société appelante, dès lors que l'inopposabilité de la décision de prise en charge ne saurait la priver de son action récursoire ; Que la maladie professionnelle a été déclarée le 24 août 2011 ;
Cour d'appel de Rennes SS, Cour de cassation Deuxième chambre civile, décision 19-18.244 du 26/11/2020, partie 3
Que la décision prise par une caisse dans les conditions prévues par l'article R. 441-14 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction issue du décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009, applicable le 1er janvier 2010, ayant pour objet exclusif la prise en charge ou le refus de prise en charge au titre de la législation professionnelle, de l'accident, de la maladie ou de la rechute, l'irrégularité de la procédure conduisant à la prise en charge, par une caisse, au titre de la législation professionnelle, d'un accident, d'une maladie ou d'une rechute, est sans incidence sur l'action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, ce dont il découle, que l'irrégularité de la procédure ne prive pas la caisse du droit de récupérer sur l'employeur, après reconnaissance de cette faute, les compléments de rente et indemnités versés par elle et que l'inopposabilité à la société de la décision de prise en charge en découlant ne fait pas obstacle à l'action récursoire de la caisse ; Que dans ces conditions l'irrégularité de procédure commise par la caisse, non contestée par cette dernière qui n'a pas instruit la maladie au contradictoire de la société Chantiers de l'Atlantique, ne lui adressant pas de questionnaire et ne l'interrogeant pas sur les conditions du tableau, si elle conduit à devoir déclarer inopposable pour cette raison ladite prise en charge à l'égard de la société, ne prive pas la caisse du droit de récupérer sur l'employeur, les compléments de rente et indemnités versés par elle ; Que cependant, la société Chantiers de l'Atlantique se prévaut également, à l'effet de priver la caisse de toute action récursoire, d'une inopposabilité « de fond » à son égard de la décision de prise en charge tenant à l'absence d'établissement du caractère professionnel de la pathologie prise en charge (conditions du tableau) ; Qu'elle articule à cet effet que la caisse n'a pas justifié médicalement que la pathologie diagnostiquée et visée au certificat médical initial est un cancer broncho-pulmonaire primitif ; Que la caisse réplique qu'elle n'est pas liée par l'intitulé du certificat médical initial et que le caractère professionnel de la pathologie affectant M. G..., vérifié à deux reprises par son médecin-conseil au vu de l'entier dossier médical, est établi ; Qu'en l'espèce la caisse n'établit pas par ses productions que M. G... était atteint d'un « cancer broncho pulmonaire primitif »; qu'en effet, alors que le certificat médical initial vise un « carcinome épidermoïde », les seuls avis du médecin-conseil de la caisse des 14 novembre et 08 décembre 2011 )qui ne sont pas opposables à l'employeur (visant un code syndrome « 030 BAC 34X » au titre d'un « Cancer broncho-pulmonaire » et un « scanner ») pièces n°3 et 4 de la caisse(, de même que l'avis du CRRMP faisant état comme motif de la saisine d'un « cancer broncho-pulmonaire primitif » avec « travaux non mentionnés dans la liste nominative ») pièce n° 5 de la caisse (, sont insuffisants à caractériser avec certitude la réalisation de la condition médicale du tableau 30 bis, et notamment le caractère primitif de la pathologie retenue par la caisse au titre de la prise en charge ; Que dès lors, en l'absence de caractérisation par la caisse de la pathologie du tableau n°30 bis, et alors que la caisse ne soutient pas à ses écritures que la décision de prise en charge du 16 avril 2012 avait acquis un caractère définitif à l'égard de l'employeur, il y a lieu de déclarer inopposable à la société la décision de prise en charge de la pathologie déclarée par M. G... au titre de la législation professionnelle, l'inopposabilité à la société découlant de cette irrégularité de fond privant la société de tout recours récursoire en récupération sur l'employeur des compléments de rente et indemnités versés par la caisse » ; ALORS QUE, la preuve de l'existence d'une affection figurant au tableau n° 30 bis peut être rapportée par la production d'éléments médicaux ; que lorsque le médecin-conseil estime, dans son avis, que l'assuré est bien atteint de la pathologie décrite au tableau des maladies professionnelles, la caisse, qui n'a pas accès aux pièces médicales sur la base desquelles le médecin-conseil a émis cet avis, établit que la pathologie de l'assuré était bien celle visée au tableau n° 30 bis ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale, ensemble le tableau n° 30 bis des maladies professionnelles.
Cour d'appel de Rennes SS, Cour de cassation Deuxième chambre civile, décision 19-18.244 du 26/11/2020, partie 4
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 18 NOVEMBRE 2020 Mme C... T..., domiciliée [...] , a formé le pourvoi n° Q 19-22.330 contre l'arrêt rendu le 20 février 2019 par la cour d'appel de Versailles (19e chambre), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. W... N..., 2°/ à Mme H... N..., tous deux domiciliés [...] , 3°/ à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) des Hauts-de-Seine, dont le siège est [...] , défendeurs à la cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Le Lay, conseiller, les observations écrites de la SCP Gadiou et Chevallier, avocat de Mme T..., de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de M. et Mme N..., après débats en l'audience publique du 29 septembre 2020 où étaient présents Mme Leprieur, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Le Lay, conseiller rapporteur, Mme Prache, conseiller référendaire ayant voix délibérative, et Mme Lavigne, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article L. 431-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision. 1. Le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. 2. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi. EN CONSÉQUENCE, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne Mme T... aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit novembre deux mille vingt. MOYEN ANNEXE à la présente décision Moyen produit par la SCP Gadiou et Chevallier, avocat aux Conseils, pour Mme T... IL EST FAIT GRIEF A L'ARRET ATTAQUE d'avoir confirmé le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Madame T... de sa demande d'annulation du procès-verbal de conciliation du 19 novembre 2013, AUX MOTIFS QUE : « La procédure applicable au litige étant orale, la comparution des parties est obligatoire. Madame T..., bien que régulièrement convoquée, n'est ni présente ni représentée et il convient de statuer sur les mérites de son appel ainsi que le requièrent les intimés en application de l'article 468 du code de procédure civile. L'appelante ne soutenant pas son appel, ne formulant aucune critique à l'encontre de la décision entreprise et aucun moyen d'ordre public que la cour serait tenue de relever d'office ne se révélant en la cause, le jugement entrepris doit être confirmé en toutes ses dispositions comme le demandent les intimés. » ALORS QUE, dans les procédures sans représentation obligatoire, les parties doivent être convoquées par le greffier de la cour d'appel à l'audience prévue pour les débats dans les formes prescrites par l'article 937 du code de procédure civile; Que la cour d'appel ne peut considérer que l'appelant non comparant et non représenté a été valablement convoqué à l'audience qu'autant qu'il résulte de ses constatations que la convocation adressée par le greffe à cet appelant était régulière ; Qu'en la présente espèce, la cour d'appel s'est contentée de relever dans l'exposé des faits et de la procédure que Madame T... « n'a pas conclu, ne s'est pas présentée à l'audience et ne s'y est pas fait représenter bien que régulièrement convoquée à l'adresse qu'elle avait indiquée dans sa déclaration d'appel au [...] » pour en conclure, dans les motifs de son arrêt que « Madame T..., bien que régulièrement convoquée, n'est ni présente ni représentée et il convient de statuer sur les mérites de son appel ainsi que le requièrent les intimés en application de l'article 468 du code de procédure civile » ; Qu'en statuant ainsi sans plus de précisions sur la forme de la convocation de Madame T... à l'audience du 9 janvier 2019 ainsi que sur sa date, la cour d'appel n'a pas permis à la Cour de cassation d'exercer son contrôle sur la régularité de cette convocation ; Que, ce faisant, elle n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 14 et 937 du code de procédure civile, ensemble l'article R.1461-2 du code du travail dans sa rédaction antérieure au décret n°2016-660 du 20 mai 2016.
Cour d'appel de Versailles 19, Cour de cassation Chambre sociale, décision 19-22.330 du 18/11/2020, partie 1
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ AVIS DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 18 NOVEMBRE 2020 Le tribunal judiciaire de Sarreguemines, par jugement en date du 31 juillet 2020, reçu le 24 août 2020 à la Cour de cassation, a sollicité l'avis de la Cour de cassation dans la procédure suivie contre M. P... R... sur sa requête en conversion de peine. Énoncé de la demande d'avis 1. La demande d'avis est ainsi rédigée : « Le juge de l'application des peines peut-il déclarer recevable une requête en conversion d'une peine contraventionnelle de travail d'intérêt général en une peine correctionnelle de jours-amende sur le fondement de l'article 747-1-1 du Code de procédure pénale à partir du moment où la requête émane du condamné, que la situation du condamné a profondément évolué depuis le prononcé de la peine et qu'il est dans l'intérêt du condamné d'exécuter le plus rapidement possible une nouvelle sanction plus conforme à sa situation personnelle?» Faits et procédure 1. Il résulte du jugement précité ce qui suit. 2. M. P... R... a été condamné par le tribunal de police de Sarreguemines, le 26 juin 2019, à la peine de 120 heures de travail d'intérêt général à exécuter dans un délai de 18 mois pour des faits de violences avec une incapacité totale de travail inférieure ou égale à 8 jours commis à Sarreguemines le 2 mai 2019. 3. Le 18 novembre 2019, un rapport ponctuel a avisé le juge de l'application des peines de l'entrée en formation du condamné en septembre 2019 et donc d'une proposition d'exécution des heures de travail d'intérêt général à compter du mois de juillet 2020. 4. Le 30 juin 2020, une note a informé le juge de l'application des peines de la signature par le condamné d'un contrat de travail à durée indéterminée. 5. M. R... a présenté une requête en conversion de son travail d'intérêt général en jours-amende. 6. Par jugement en date du 31 juillet 2020, le juge de l'application des peines a sollicité l'avis de la Cour de cassation sur la question précitée. 7. Ce jugement a été notifié à M. R... par lettre recommandée avec avis de réception présentée le 5 août 2020. 8. Par soit-transmis en date du 3 août 2020 adressé au ministère public et par courrier en date du 4 août 2020 adressé à M. R..., il a été sollicité les observations des parties sur cette demande d'avis. 9. Le dossier de la procédure a été enregistré à la Cour de cassation le 24 août 2020. 10. L'examen de l'affaire a été fixé au 4 novembre 2020. Irrecevabilité de la demande d'avis 11. Selon l'article 706-65 du code de procédure pénale, quand il envisage de solliciter l'avis de la Cour de cassation en application de l'article L. 441-1 du code de l'organisation judiciaire, le juge en avise les parties et le ministère public. Il recueille les observations écrites éventuelles des parties et les conclusions du ministère public dans le délai qu'il fixe, à moins que ces observations ou conclusions n'aient déjà été communiquées. Dès réception des observations et conclusions ou à l'expiration du délai, le juge peut, par une décision non susceptible de recours, solliciter l'avis de la Cour de cassation, en formulant la question de droit qu'il lui soumet. 12. Selon l'article 706-66 dudit code, la décision sollicitant l'avis est adressée, avec les conclusions et les observations écrites éventuelles, par le greffier de la juridiction au greffe de la Cour de cassation. Elle est notifiée, ainsi que la date de transmission du dossier, aux parties par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. 13. Ces textes ont pour finalité le respect du principe de la contradiction préalablement et postérieurement à la transmission de la demande d'avis. Ils visent, d'une part, à obtenir des parties et de leurs conseils leur avis sur l'utilité de poser une question de droit à la Cour de cassation et sur son contenu et, d'autre part, à les informer de la saisine pour avis ainsi que de la date de transmission de la décision pour leur permettre de présenter le cas échéant des observations à la Cour de cassation. 14. En l'espèce, il résulte du dossier transmis à la Cour de cassation que, d'une part, les parties ont été sollicitées pour communiquer leurs observations après que le jugement demandant l'avis de la Cour de cassation a été rendu, d'autre part, les parties n'ont pas reçu notification de la date de transmission du dossier à la Cour de cassation. 15. Ces formalités n'ayant pas été accomplies, la demande d'avis est irrecevable. PAR CES MOTIFS, la Cour : DÉCLARE LA DEMANDE D'AVIS IRRECEVABLE. Le présent avis a été signé par le conseiller rapporteur, le président et le greffier de chambre.
décision 20-96.005 du 18/11/2020, partie 1
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 12 NOVEMBRE 2020 1°/ la société Sodibel - société de distribution de Bellevue, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , 2°/ Mme L... R..., veuve Q..., domiciliée [...] , 3°/ M. U... Q..., domicilié [...] , 4°/ M. V... Q..., domicilié [...] , agissant tous trois en qualité d'héritiers de T... Q..., ont formé le pourvoi n° K 18-19.677 contre l'arrêt rendu le 16 avril 2018 par la cour d'appel de Basse-Terre (2e chambre civile), dans le litige les opposant : 1°/ à la société Lixxbail, société d'aménagement foncier et d'établissement rural, dont le siège est [...] , venant aux droits de la société Unimat, 2°/ à la Société antillaise frigorifique (Safo), société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , 3°/ à la Société frigorifique martiniquaise (Sofirma), société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , 4°/ à la société Somahyper, société par actions simplifiée, dont le siège est chez SAFO [...], défenderesses à la cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Blanc, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société Sodibel, Mme L... R..., veuve Q..., M. U... Q... et M. V... Q..., de la SCP Buk Lament-Robillot, avocat de la société Lixxbail, de la SCP Colin-Stoclet, avocat des Sociétés antillaise frigorifique, frigorifique martiniquaise et Somahyper, et l'avis de Mme Guinamant, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 22 septembre 2020 où étaient présents M. Rémery, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Blanc, conseiller référendaire rapporteur, Mme Vaissette, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. 1. Par acte déposé au greffe de la Cour de cassation le 8 avril 2020, la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat à cette Cour, a déclaré, au nom de la société Sodibel et des consorts Q..., se désister du pourvoi formé par elle contre l'arrêt rendu par la cour d'appel de Basse-Terre (2e chambre civile) le 16 avril 2018. 2. En application de l'article 1026 du code de procédure civile, ce désistement, intervenu après le dépôt du rapport, doit être constaté par un arrêt. PAR CES MOTIFS, la Cour : DONNE ACTE à la société Sodibel et aux consorts Q... de leur désistement de pourvoi ; DONNE ACTE aux Sociétés antillaise frigorifique, frigorifique martiniquaise et Somahyper de l'acceptation du désistement et de leur demande de renonciation au bénéfice de l'article 700 du code de procédure civile ; Condamne la société Sodibel et les consorts Q... aux dépens ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du douze novembre deux mille vingt.
Cour d'appel de Basse-Terre, Cour de cassation Chambre commerciale financière et économique, décision 18-19.677 du 12/11/2020, partie 1
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 12 NOVEMBRE 2020 La société Banque populaire rives de Paris, société coopérative de banque populaire, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° W 19-19.553 contre l'arrêt (n° RG : 17/11811) rendu le 29 mars 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 4 , chambre 1), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. Q... V..., 2°/ à Mme T... C..., épouse V..., tous deux domiciliés [...] , 3°/ à la société [...] , société civile professionnelle, dont le siège est [...] , prise en la personne de M. U... R..., en qualité de liquidateur judiciaire de la société Prophal, société par actions simplifiée, défendeurs à la cassation. La SCP [...] , ès qualités, a formé un pourvoi incident contre le même arrêt. La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt. La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Bech, conseiller, les observations de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de la société Banque populaire rives de Paris, de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de M. et Mme V..., de Me Le Prado, avocat de la SCP [...] , ès qualités, après débats en l'audience publique du 29 septembre 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Bech, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Berdeaux, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 29 mars 2019), la société Banque populaire rives de Paris (la Banque populaire) a accordé une garantie d'achèvement ou de remboursement à la société Prophal, placée depuis en liquidation judiciaire, pour la réalisation d'une opération de promotion immobilière. 2. M. et Mme V... avaient acquis plusieurs lots dont la livraison n'est pas intervenue à la date convenue. La société Prophal a accepté de les indemniser. 3. Ils ont assigné la société Prophal et la Banque populaire en résolution de la vente et allocation de dommages-intérêts. 4. Le chantier ayant ensuite été repris, M. et Mme V... ont modifié leurs prétentions initiales pour demander la livraison de leur appartement et l'octroi de dommages-intérêts. Examen des moyens Sur le troisième moyen du pourvoi principal, pris en ses deux premières branches, ci-après annexé 5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs, l'un étant irrecevable et l'autre n'étant manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen du pourvoi principal Enoncé du moyen 6. La Banque populaire fait grief à l'arrêt de la déclarer, in solidum avec la société Prophal responsable du préjudice subi par M. et Mme V... en raison du retard de livraison de l'appartement et de la condamner au paiement de dommages-intérêts et à financer les travaux nécessaires à l'achèvement de l'appartement, en prenant toutes mesures permettant d'assurer l'efficacité de cette condamnation, alors : « 1°/ que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties, lesquelles sont fixées par l'acte introductif d'instance, et il ne peut être modifié que par des demandes incidentes se rattachant aux prétentions originaires par un lien suffisant ; qu'au cas présent, l'acquéreur a introduit devant le tribunal de grande instance de Sens une action aux fins de résolution de la vente en l'état futur d'achèvement et a ensuite, devant cette même juridiction, modifié l'objet du litige en se désistant de cette prétention et en sollicitant l'exécution forcée de la vente et l'engagement de la garantie financière d'achèvement fournie par la banque ; que ces dernières prétentions, qui ne constituent pas des demandes incidentes se rattachant aux prétentions originaires par un lien suffisant, ont donc été formées au mépris du principe d'immutabilité du litige ; que pour condamner néanmoins la banque à mettre en oeuvre sa garantie financière d'achèvement, la cour d'appel a retenu que l'acquéreur d'un immeuble en l'état futur d'achèvement est fondé, après avoir renoncé à demander la résolution de la vente, à solliciter l'exécution du contrat et la mise en oeuvre de la garantie d'achèvement qui avait été souscrite, la demande en résolution de la vente, qui n'a pas entraîné renonciation à agir en exécution forcée, n'ayant pas davantage entraîné renonciation à cette garantie ;
Cour d'appel de Paris G1, Cour de cassation Troisième chambre civile, décision 19-19.553 du 12/11/2020, partie 1
qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile ; 2°/ que nul ne peut se contredire au détriment d'autrui ; qu'au cas présent, l'acquéreur a introduit devant le tribunal de grande instance de Sens une action aux fins de résolution de la vente en l'état futur d'achèvement et a ensuite, devant cette même juridiction, modifié l'objet du litige en se désistant de cette prétention et en sollicitant l'exécution forcée de la vente et l'engagement de la garantie financière d'achèvement fournie par la banque ; que par un tel comportement procédural, l'acquéreur s'est contredit au détriment de la banque en l'induisant en erreur sur ses intentions à son égard ; qu'en condamnant néanmoins la banque à mettre en oeuvre sa garantie financière d'achèvement, la cour d'appel a violé le principe susvisé. » Réponse de la Cour 7. La cour d'appel a retenu que, en cas d'inexécution par une partie de ses obligations, le cocontractant dispose d'une option qui lui permet de demander l'exécution forcée du contrat ou d'agir en résolution et que, après avoir engagé l'une des deux actions, il peut y renoncer pour exercer l'autre tant qu'il n'a pas été statué sur sa demande initiale par une décision passée en force de chose jugée et qu'ainsi, l'acquéreur d'un immeuble en l'état futur d'achèvement est fondé, après avoir renoncé à demander la résolution de la vente, à solliciter l'exécution du contrat et la mise en oeuvre de la garantie d'achèvement, la demande en résolution de la vente n'ayant pas entraîné renonciation à agir en exécution forcée ni à obtenir la garantie d'achèvement. 8. La cour d'appel en a exactement déduit, sans modifier l'objet du litige ni violer le principe selon lequel nul ne peut se contredire au détriment d'autrui, que M. et Mme V... étaient fondés à demander le bénéfice de la garantie d'achèvement à laquelle la Banque populaire était tenue. 9. Le moyen n'est donc pas fondé. Sur le deuxième moyen du pourvoi principal Enoncé du moyen 10. La Banque populaire fait le même grief à l'arrêt, alors : « 1°/ que les juges du fond doivent caractériser le préjudice dont ils entendent ordonner la réparation ; qu'en allouant à l'acquéreur une somme arrêtée au 31 décembre 2016 et une somme mensuelle du 1er janvier 2017 au jour de la livraison de l'appartement en réparation du préjudice causé par le retard dans la livraison, sans préciser en quoi consistait ce préjudice, la cour d'appel a violé l'article 1147, devenu 1231-1, du code civil ; 2°/ que les conventions ne créent d'obligations qu'entre les parties ; qu'au cas présent, il résulte des constatations de la cour d'appel que la société venderesse et l'acquéreur avaient convenu d'une indemnisation mensuelle d'un montant de 670 euros à compter du 1er août 2014 ; qu'en mettant à la charge de la banque le paiement d'une somme de 19 430 euros à titre de dommages-intérêts arrêtés au 31 décembre 2016, soit 670 euros sur 29 mois, et d'une somme mensuelle de 670 euros du 1er janvier 2017 au jour de la livraison de l'appartement, la cour d'appel a étendu à la banque une obligation contractuelle consentie uniquement entre la venderesse et l'acquéreur ; qu'en statuant ainsi, elle a violé l'article 1165, devenu 1199, du code civil. » Réponse de la Cour 11. Ayant relevé que la livraison de l'appartement de M. et Mme V... était prévue pour le 31 décembre 2013 et retenu qu'il convenait d'évaluer à une certaine somme le préjudice causé par le retard de livraison jusqu'au 31 décembre 2016 et à une somme mensuelle pour la période postérieure, jusqu'à la livraison du bien, c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain que la cour d'appel a évalué le préjudice indemnisable par la Banque populaire, dont elle a justifié l'existence par l'évaluation qu'elle en a faite, sans faire référence à l'accord d'indemnisation pris entre M. et Mme V... et la société Prophal. 12. Le moyen n'est donc pas fondé. Sur le troisième moyen du pourvoi principal, pris en ses trois dernières branches Enoncé du moyen 13. La Banque populaire fait le même grief à l'arrêt, alors : « 3°/ que la banque faisait valoir, pièces à l'appui, qu'elle avait toujours payé les factures qui lui étaient adressées par la société venderesse afin que le chantier puisse être achevé ; qu'en délaissant ce moyen péremptoire de nature à démontrer que la banque n'avait pas méconnu son obligation de garantie, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 4°/ qu'il n'appartient pas au garant financier d'achèvement de s'immiscer dans les opérations de construction pour vérifier le bon déroulement du chantier ni de se substituer au maître de l'ouvrage ;
Cour d'appel de Paris G1, Cour de cassation Troisième chambre civile, décision 19-19.553 du 12/11/2020, partie 2
qu'en reprochant à la banque de n'avoir pas effectué de diligences pour activer le chantier ou se tenir informée de son avancée, la cour d'appel a violé les articles L. 261-11 et R. 261-21 du code de la construction et de l'habitation, en leur rédaction applicable à l'espèce ; 5°/ que depuis l'entrée en vigueur de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 modifiant l'article L. 261-10-1 du code de la construction et de l'habitation, le garant financier d'achèvement a le pouvoir de faire désigner un administrateur ad hoc par ordonnance sur requête avec pour mission de faire réaliser les travaux nécessaires à l'achèvement de l'immeuble ; que ce texte, entré en vigueur le 25 novembre 2018, n'est pas applicable au cas présent, les faits litigieux étant antérieurs à cette date ; que pour condamner la banque à indemniser l'acquéreur du chef d'un retard dans la mise en oeuvre de sa garantie d'achèvement, la cour d'appel a retenu qu'elle aurait dû assurer l'effectivité et l'efficacité de cette garantie, notamment en faisant désigner un administrateur judiciaire ayant pour mission de déterminer la nature et les modalités d'exécution des travaux à effectuer et de les faire réaliser par un maître d'ouvrage ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles L. 261-11 et R. 261-21 du code de la construction et de l'habitation, en leur rédaction applicable à l'espèce, ensemble l'article L. 261-10-1 du code de la construction et de l'habitation en sa rédaction issue de la de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018. » Réponse de la Cour 14. La cour d'appel a retenu, par motifs propres et adoptés, que, si l'engagement du garant n'est que financier et si celui-ci ne peut se substituer au maître de l'ouvrage défaillant et faire procéder à l'exécution des travaux, il doit assurer l'efficacité et l'effectivité de sa garantie et que la Banque populaire, qui ne s' était pas tenue informée du déroulement des travaux et n'avait pas contribué à leur efficacité, avait manqué à ses obligations d'effectuer toutes diligences pour mettre en oeuvre sa garantie dès la constatation de la défaillance de la société Prophal. 15. Elle a pu, sans être tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation et abstraction faite d'un motif surabondant, en déduire que M. et Mme V... étaient fondés à solliciter la mise en oeuvre de la garantie d'achèvement à laquelle la Banque populaire était tenue et que celle-ci devait prendre en charge, in solidum avec la société Prophal, l'indemnisation du préjudice subi par M. et Mme V... en raison du retard dans la livraison de leur appartement. 16. Le moyen n'est donc pas fondé. Sur le moyen unique du pourvoi incident Enoncé du moyen 17. Le liquidateur de la société Prophal fait grief à l'arrêt de, ayant déclaré la Banque populaire et la société Prophal responsables in solidum du préjudice subi par M. et Mme V... en raison du retard de livraison de l'appartement et condamné la banque à payer des dommages-intérêts, fixer les sommes correspondantes au passif de la liquidation judiciaire de la société Prophal, dire celle-ci tenue à garantir la Banque populaire à concurrence de 60 % de cette condamnation et fixer cette créance au passif de la liquidation judiciaire, alors « que les juges du fond doivent caractériser le préjudice dont ils entendent ordonner la réparation ; qu'en allouant à l'acquéreur une somme arrêtée au 31 décembre 2016 et une somme mensuelle du 1er janvier 2017 au jour de la livraison de l'appartement en réparation du préjudice causé par le retard dans la livraison, sans préciser en quoi consistait ce préjudice, la cour d'appel a violé l'article 1147, devenu 1231-1, du code civil. » Réponse de la Cour 18. Ayant relevé que la livraison de l'appartement de M. et Mme V... était prévue pour le 31 décembre 2013 et retenu qu'il convenait d'évaluer le préjudice causé par le retard de livraison, arrêté au 31 décembre 2016, à une certaine somme et à une somme mensuelle à compter du 1er janvier 2017 jusqu'au jour de la livraison du bien, la cour d'appel a souverainement apprécié le préjudice indemnisable par la société Prophal, dont elle a justifié l'existence par l'évaluation qu'elle en a faite. 19. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE les pourvois ; Laisse à chaque demandeur la charge des dépens afférents à son pourvoi ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Banque populaire rives de Paris à payer à M. et Mme V... la somme globale de 1 500 euros et rejette les autres demandes ; Ainsi fait et jugé par la cour de cassation, troisième chambre civile, signé par M. Maunand, conseiller doyen, conformément aux dispositions des articles 456 et 1021 du code de procédure civile, en remplacement du conseiller empêché, et signé et prononcé par le président en son audience publique du douze novembre deux mille vingt.
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MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits au pourvoi principal par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils, pour la société Banque populaire rives de Paris PREMIER MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à la décision attaquée d'avoir déclaré la venderesse, représentée par son liquidateur, et la banque responsables in solidum du préjudice subi par l'acquéreur en raison du retard de livraison de l'appartement, d'avoir condamné en conséquence la banque à payer à l'acquéreur une somme de 19 430 euros à titre de dommages-intérêts arrêtés au 31 décembre 2016 et une somme mensuelle de 670 euros du 1er janvier 2017 au jour de la livraison de l'appartement, et d'avoir condamné la banque, en prenant toutes mesures permettant d'assurer l'efficacité de cette condamnation, à financer les travaux nécessaires à l'achèvement de l'appartement ; aux motifs que « en cas d'inexécution par une partie de ses obligations, le cocontractant dispose d'une option qui lui permet de demander l'exécution forcée du contrat ou d'agir en résolution ; qu'après avoir engagé une action, il peut y renoncer pour exercer l'autre action tant qu'il n'a pas été statué sur sa demande initiale par une décision passée en force de chose jugée ; qu'ainsi, l'acquéreur d'un immeuble en l'état futur d'achèvement est fondé, après avoir renoncé à demander la résolution de la vente, à solliciter l'exécution du contrat et la mise en oeuvre de la garantie d'achèvement qui avait été souscrite, la demande en résolution de la vente, qui n'a pas entraîné renonciation à agir en exécution forcée, n'ayant pas davantage entraîné renonciation à cette garantie » ; et aux motifs éventuellement adoptés que « La banque invoque l'article 753 du code de Procédure Civile qui stipule que les prétentions présentées dans les conclusions antérieures qui ne sont pas reprises dans les dernières conclusions sont réputées avoir été abandonnées, pour arguer de l'irrecevabilité des demandes indemnitaires. Elle se fonde ainsi sur le jeu de conclusions numéro 3 du demandeur. Or, celui-ci par conclusions récapitulatives numéro mentionnées en début de jugement, formule une demande de dommages-intérêts à son encontre. Sa prétention est donc recevable en son principe. La garantie d'achèvement par ouverture de crédit consentie en l'espèce permet à l'acquéreur de, soit demander l'exécution forcée du contrat, soit de demander la résolution de la vente. Cela signifie que les deux garanties ne se cumulent pas mais rien n'interdit à l'acquéreur de modifier son choix en cours de procédure ». alors 1/ que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties, lesquelles sont fixées par l'acte introductif d'instance, et il ne peut être modifié que par des demandes incidentes se rattachant aux prétentions originaires par un lien suffisant ; qu'au cas présent, l'acquéreur a introduit devant le tribunal de grande instance de Sens une action aux fins de résolution de la vente en l'état futur d'achèvement et a ensuite, devant cette même juridiction, modifié l'objet du litige en se désistant de cette prétention et en sollicitant l'exécution forcée de la vente et l'engagement de la garantie financière d'achèvement fournie par la banque ; que ces dernières prétentions, qui ne constituent pas des demandes incidentes se rattachant aux prétentions originaires par un lien suffisant, ont donc été formées au mépris du principe susvisé, imposant l'immutabilité du litige ; que pour condamner néanmoins la banque à mettre en oeuvre sa garantie financière d'achèvement, la cour d'appel a retenu que l'acquéreur d'un immeuble en l'état futur d'achèvement est fondé, après avoir renoncé à demander la résolution de la vente, à solliciter l'exécution du contrat et la mise en oeuvre de la garantie d'achèvement qui avait été souscrite, la demande en résolution de la vente, qui n'a pas entraîné renonciation à agir en exécution forcée, n'ayant pas davantage entraîné renonciation à cette garantie ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile ; alors 2/ que nul ne peut se contredire au détriment d'autrui ; qu'au cas présent, l'acquéreur a introduit devant le tribunal de grande instance de Sens une action aux fins de résolution de la vente en l'état futur d'achèvement et a ensuite, devant cette même juridiction, modifié l'objet du litige en se désistant de cette prétention et en sollicitant l'exécution forcée de la vente et l'engagement de la garantie financière d'achèvement fournie par la banque ; que par un tel comportement procédural, l'acquéreur s'est contredit au détriment de la banque en l'induisant en erreur sur ses intentions à son égard ; qu'en condamnant néanmoins la banque à mettre en oeuvre sa garantie financière d'achèvement, la cour d'appel a violé le principe susvisé. DEUXIÈME MOYEN DE CASSATION
Cour d'appel de Paris G1, Cour de cassation Troisième chambre civile, décision 19-19.553 du 12/11/2020, partie 4
Il est fait grief à la décision attaquée d'avoir déclaré la venderesse, représentée par son liquidateur, et la banque responsables in solidum du préjudice subi par l'acquéreur en raison du retard de livraison de l'appartement, d'avoir condamné en conséquence la banque à payer à l'acquéreur une somme de 19 430 euros à titre de dommages-intérêts arrêtés au 31 décembre 2016 et une somme mensuelle de 670 euros du 1er janvier 2017 au jour de la livraison de l'appartement, et d'avoir condamné la banque, en prenant toutes mesures permettant d'assurer l'efficacité de cette condamnation, à financer les travaux nécessaires à l'achèvement de l'appartement ; aux motifs que « il convient d'évaluer le préjudice causé par ce retard jusqu'au 31 décembre 2016 à la somme de 19 430 euros et à la somme de 670 euros par mois du 1er janvier 2017 au jour de la livraison de l'appartement ; ces sommes doivent être mises à la charge de la société Prophal en sa qualité de vendeur tenue à ce titre à une obligation de résultat, ainsi qu'à la banque qui, tenue de la garantie de parfait achèvement, a manqué à ses obligations, comme l'a constaté le tribunal dans ses motifs que la cour adopte, d'effectuer toutes diligences pour mettre en oeuvre sa garantie dès la constatation de la défaillance de la société Prophal, afin de permettre à celle-ci d'achever les travaux » ; alors 1/ que les juges du fond doivent caractériser le préjudice dont ils entendent ordonner la réparation ; qu'en allouant à l'acquéreur une somme arrêtée au 31 décembre 2016 et une somme mensuelle du 1er janvier 2017 au jour de la livraison de l'appartement en réparation du préjudice causé par le retard dans la livraison, sans préciser en quoi consistait ce préjudice, la cour d'appel a violé l'article 1147, devenu 1231-1, du code civil ; alors 2/ que les conventions ne créent d'obligations qu'entre les parties ; qu'au cas présent, il résulte des constatations de la cour d'appel que la société venderesse et l'acquéreur avaient convenu d'une indemnisation mensuelle d'un montant de 670 euros à compter du 1er août 2014 ; qu'en mettant à la charge de la banque le paiement d'une somme de 19 430 euros à titre de dommages-intérêts arrêtés au 31 décembre 2016, soit 670 euros sur 29 mois, et d'une somme mensuelle de 670 euros du 1er janvier 2017 au jour de la livraison de l'appartement, la cour d'appel a étendu à la banque une obligation contractuelle consentie uniquement entre la venderesse et l'acquéreur ; qu'en statuant ainsi, elle a violé l'article 1165, devenu 1199, du code civil. TROISIÈME MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à la décision attaquée d'avoir déclaré la venderesse, représentée par son liquidateur, et la banque responsables in solidum du préjudice subi par l'acquéreur en raison du retard de livraison de l'appartement, d'avoir condamné en conséquence la banque à payer à l'acquéreur une somme de 19 430 euros à titre de dommages-intérêts arrêtés au 31 décembre 2016 et une somme mensuelle de 670 euros du 1er janvier 2017 au jour de la livraison de l'appartement, et d'avoir condamné la banque, en prenant toutes mesures permettant d'assurer l'efficacité de cette condamnation, à financer les travaux nécessaires à l'achèvement de l'appartement ; aux motifs que « la défaillance financière de la société Prophal, qui est en liquidation judiciaire, n'est pas contestée ; que [l'acquéreur] est donc fondé à solliciter la mise en oeuvre par la banque de la garantie d'achèvement à laquelle elle est tenue; que si l'engagement du garant n'est que financier, de sorte qu'il ne peut se substituer au maître de l'ouvrage défaillant et faire procéder à l'exécution des travaux, il doit assurer l'effectivité et l'efficacité de sa garantie en prenant, en cas de carence du maître de l'ouvrage, toutes les mesures nécessaires pour assurer la réalisation des travaux permettant d'achever la construction, notamment en faisant désigner un administrateur judiciaire avec pour mission de déterminer la nature et les modalités d'exécution des travaux à effectuer et de les faire réaliser par un maître d'ouvrage qui se substituera à la société Prophal défaillante ; attendu que la livraison de l'appartement à [l'acquéreur] était prévue [ ] ; il convient d'évaluer le préjudice causé par ce retard jusqu'au 31 décembre 2016 à la somme de 19 430 euros et à la somme de 670 euros par mois du 1er janvier 2017 au jour de la livraison de l'appartement ; ces sommes doivent être mises à la charge de la société Prophal en sa qualité de vendeur tenue à ce titre à une obligation de résultat, ainsi qu'à la banque qui, tenue de la garantie de parfait achèvement, a manqué à ses obligations, comme l'a constaté le tribunal dans ses motifs que la cour adopte, d'effectuer toutes diligences pour mettre en oeuvre sa garantie dès la constatation de la défaillance de la société Prophal, afin de permettre à celle-ci d'achever les travaux [ ]
Cour d'appel de Paris G1, Cour de cassation Troisième chambre civile, décision 19-19.553 du 12/11/2020, partie 5
Attendu que la société Prophal et la banque ont chacune contribué à la réalisation du préjudice subi par [l'acquéreur] en raison du retard dans la livraison de son appartement, la première, en sa qualité de maître de l'ouvrage, pour n'avoir pas su maîtriser le bon déroulement du chantier par les entreprises qu'elle a choisies, la seconde pour n'avoir pas pris les mesures permettant d'assurer l'efficacité de la garantie financière à laquelle elle est tenue ; qu'il y a lieu de fixer leur part de responsabilité respectivement à 60 % et 40 % » ; et aux motifs adoptés que « Le respect du délai de livraison constitue une obligation de résultat dont le vendeur ne peut se libérer que par la justification légitime de la survenance d'une des causes énumérées limitativement au contrat. Ce dernier, en l'espèce, s'obligeait « à mener les travaux de telle manière que les ouvrages et les éléments d'équipement nécessaires à l'utilisation des biens vendus soient achevé et livrés au plus tard [ ] sauf suspension du délai de livraison en cas de redressement ou liquidation judiciaire de l'une des entreprises effectuant les travaux ou encore de leurs fournisseurs ou recherche ou désignation d'une nouvelle entreprise se substituant à l'une ou aux entreprises défaillantes, en redressement ou liquidation judiciaires », clauses de suspension qu'invoque Prophal qui a eu à subir les liquidations de 3 entreprises (Ecimage, JMC et Maya) -intervenant sur le chantier, argumentation combattue par les acquéreurs qui estiment que la SA PROPHAL a choisi, dès l'origine des sociétés en mauvaise santé financière ou inaptes. Comme l'a relevé justement le juge de la mise en état dans son ordonnance du 7 septembre 2016, la liquidation de la société Maya en charge du lot démolition prononcée par le tribunal de commerce d'Evry le 23 mars 2015 et confirmé par la cour d'appel de Paris le 16 juillet 2015 ne peut avoir produit de conséquences sur un chantier engagé en 2012 et ne peut donc valablement être retenue comme source de retard légitime de la livraison du bien. Quant à la société Ecimage, première entreprise générale de bâtiment choisie, elle est une filiale de la SA Prophal à 99,96 %. Or, en 2012, date d'engagement du chantier, la situation de la filiale n'était pas bonne et s'est rapidement dégradée puisque le 8 août 2013 est porté sur son K bis la mention suivante : « continuation de la société malgré un actif net devenu inférieur à la moitié du capital social ; assemblée générale du 30-05-2013 » et que sa liquidation judiciaire a été prononcée le 3 mars 2014. La SA Prophal, en choisissant dès le début du chantier une entreprise très fragile dont elle ne pouvait ignorer la santé financière du fait des liens étroits l'unissant à elle, a sciemment pris le risque de se mettre dans l'incapacité de livrer les biens dans les délais prévus. Elle a ensuite fait appel à une entreprise générale de bâtiment, à savoir la société JMC (B... H... et Cruz) qui était en cessation de paiement depuis le 22 janvier 2013, puis a été placée en redressement judiciaire le 21 juillet 2014 pour finalement être mise en liquidation judiciaire le 15 septembre 2014. Le choix d'une deuxième société dont l'absence de solidité financière était facilement vérifiable alors que le chantier avait déjà pris du retard et aurait nécessité de retenir une entreprise apte à tenir les délais, voire les rattraper, est de la seule responsabilité de la société Prophal, qui ne démontre donc pas que l'inexécution de son obligation provient d'une cause étrangère [ ] L'objet de la garantie d'achèvement sous la forme d'une ouverture de crédit consiste dans le fait que la banque s'oblige à avancer au vendeur ou à payer pour son compte les sommes nécessaires à l'achèvement des travaux et qu'elle n'est pas tenue d'effectuer les travaux elle-même. Il s'agit donc plus précisément d'une garantie de financement de l'achèvement qui impose à la banque d'agir rapidement dans la mise à disposition des fonds, tout retard excessif de cette obligation de moyen pouvant conduire à une indemnisation de l'acquéreur à qui il incombe de rapporter la preuve du manque de diligences du débiteur de l'obligation. En l'espèce, le conseil de [l'acquéreur] a écrit à la banque par lettre recommandée avec accusé de réception datée du [ ] et envoyée le [ ] pour solliciter l'achèvement des travaux. La banque organisait une réunion de chantier le 20 janvier 2015 à laquelle était présent notamment [l'acquéreur]. Le compte -rendu de la réunion prévoyait que les travaux seraient achevés au 31 août 2015. Or, les logements ne sont pas, à ce jour livrés, preuve indéniable que la banque, si elle n'a certes pas à se substituer au maître de l'ouvrage, doit se tenir informée du déroulement des travaux et contribuer à leur efficacité, ce qu'elle n'a manifestement pas fait en l'espèce, la demande de garantie datant de plus de 30 mois et aucune pièce du garant ne faisant état de diligences de sa part pour activer le chantier ou se tenir au courant de son avancée ou mentionnant des difficultés particulières » ;
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alors 1/ que la garantie d'achèvement a pour objet de garantir l'acquéreur d'un immeuble vendu en l'état futur d'achèvement en cas de défaillance financière du vendeur ; qu'au cas présent, la cour d'appel a retenu que la société venderesse était défaillante du fait de sa mise en liquidation judiciaire, laquelle a été prononcée le 2 mai 2018 ; qu'il s'en évince que, selon ces constatations, l'obligation de garantie de la banque n'est devenue exigible qu'au 2 mai 2018 ; que néanmoins, la cour d'appel a condamné la banque à indemniser l'acquéreur au titre d'un retard dans la mise en oeuvre de sa garantie par le versement d'une somme arrêtée au 31 décembre 2016, puis d'une somme mensuelle due à partir du 1er janvier 2017 jusqu'à la livraison de l'appartement ; qu'en condamnant la banque au titre d'une période antérieure au 2 mai 2018, date de l'exigibilité de l'obligation de garantie, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, violant ainsi les articles L. 261-11 et R. 261-21 du code de la construction et de l'habitation, en leur rédaction applicable à l'espèce ; alors 2/ que la garantie d'achèvement ne doit être mise en oeuvre que dans l'hypothèse où l'inachèvement des travaux a pour origine la défaillance financière du vendeur ; que pour condamner la banque à exécuter sa garantie financière d'achèvement et à indemniser l'acquéreur du chef d'un retard dans la mise en oeuvre de cette garantie, la cour d'appel a d'abord attribué le retard des travaux à la mauvaise santé financière des entreprises choisies par la société venderesse, puis à la défaillance financière de cette dernière ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 261-11 et R. 261-21 du code de la construction et de l'habitation, en leur rédaction applicable à l'espèce ; alors 3/ que la banque faisait valoir, pièces à l'appui, qu'elle avait toujours payé les factures qui lui étaient adressées par la société venderesse afin que le chantier puisse être achevé ; qu'en délaissant ce moyen péremptoire de nature à démontrer que la banque n'avait pas méconnu son obligation de garantie, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; alors 4/ qu'il n'appartient pas au garant financier d'achèvement de s'immiscer dans les opérations de construction pour vérifier le bon déroulement du chantier ni de se substituer au maître de l'ouvrage ; qu'en reprochant à la banque de n'avoir pas effectué de diligences pour activer le chantier ou se tenir informée de son avancée, la cour d'appel a violé les articles L. 261-11 et R. 261-21 du code de la construction et de l'habitation, en leur rédaction applicable à l'espèce ; alors 5/ que depuis l'entrée en vigueur de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 modifiant l'article L. 261-10-1 du code de la construction et de l'habitation, le garant financier d'achèvement a le pouvoir de faire désigner un administrateur ad hoc par ordonnance sur requête avec pour mission de faire réaliser les travaux nécessaires à l'achèvement de l'immeuble ; que ce texte, entré en vigueur le 25 novembre 2018, n'est pas applicable au cas présent, les faits litigieux étant antérieurs à cette date ; que pour condamner la banque à indemniser l'acquéreur du chef d'un retard dans la mise en oeuvre de sa garantie d'achèvement, la cour d'appel a retenu qu'elle aurait dû assurer l'effectivité et l'efficacité de cette garantie, notamment en faisant désigner un administrateur judiciaire ayant pour mission de déterminer la nature et les modalités d'exécution des travaux à effectuer et de les faire réaliser par un maître d'ouvrage ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles L. 261-11 et R. 261-21 du code de la construction et de l'habitation, en leur rédaction applicable à l'espèce, ensemble l'article L. 261-10-1 du code de la construction et de l'habitation en sa rédaction issue de la de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018. Moyen produit au pourvoi incident par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour la SCP [...] , ès qualités,
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IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué, D'AVOIR, ayant déclaré la société Prophal représentée par son liquidateur judiciaire et la Banque populaire Rives de Paris responsables in solidum du préjudice subi par du préjudice subi par les époux V... en raison du retard de livraison de l'appartement et ayant condamné la Banque populaire Rives de Paris à payer aux époux V... une somme de 19 430 euros au titre de dommages-intérêts arrêtés au 31 décembre 2016 et la somme mensuelle de 670 euros du 1er janvier 2017 au jour de la livraison de l'appartement, fixé ces sommes au passif de la liquidation judiciaire de la société Prophal et déclaré la société Prophal représentée par son liquidateur judiciaire tenue de garantir la Banque populaire Rives de Paris à concurrence de 60 % des sommes mises à sa charge au titre de cette condamnation et fixé la créance correspondante au passif de la liquidation judiciaire de la société Prophal et fixé au passif de la liquidation judiciaire de la société Prophal la créance des époux V... d'un montant de 7 182 euros ; AUX MOTIFS QUE la livraison de l'appartement à M. et Mme V... était prévue au 31 décembre 2013 ; qu'il convient d'évaluer le préjudice causé par ce retard jusqu'au 31 décembre 2016 à la somme de 19 430 euros et à la somme de 670 euros par mois du 1er janvier 2017 au jour de la livraison de l'appartement ; que ces sommes doivent être mises à la charge de la société Prophal en sa qualité de vendeur, tenue à ce titre à une obligation de résultat, ainsi qu'à la banque qui, tenue de la garantie de parfait achèvement, a manqué à ses obligations, comme l'a constaté le tribunal dans ses motifs que la cour adopte, d'effectuer toutes diligences pour mettre en oeuvre sa garantie dès la constatation de la défaillance de la société Prophal, afin de permettre à celle-ci d'achever les travaux ; qu'il convient en outre de mettre à la charge de la société Prophal la somme de 7 182 euros correspondant au montant du devis de la société Cambao Mobiliario ; que du fait de la procédure de liquidation judiciaire ouverte à l'encontre de la société Prophal, il y a lieu de fixer au passif de la procédure la somme de 26 612 euros correspondant à la créance de dommages-intérêts de M. et Mme V..., arrêtée 31 décembre 2016, et à la somme mensuelle de 670 euros au titre des dommages-intérêts dus du 1er janvier 2017 à la date de livraison du bien ; ALORS QUE les juges du fond doivent caractériser le préjudice dont ils entendent ordonner la réparation ; qu'en allouant à l'acquéreur une somme arrêtée au 31 décembre 2016 et une somme mensuelle du 1er janvier 2017 au jour de la livraison de l'appartement en réparation du préjudice causé par le retard dans la livraison, sans préciser en quoi consistait ce préjudice, la cour d'appel a violé l'article 1147du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016.
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R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 10 NOVEMBRE 2020 REJET du pourvoi formé par M. M... B... et Mme X... C... contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, chambre 5-12, en date du 3 décembre 2018, qui a condamné, le premier, pour abus de biens sociaux, à six mois d'emprisonnement avec sursis et cinq ans d'interdiction de gérer, la seconde, pour recel, à deux mois d'emprisonnement avec sursis, et a prononcé sur les intérêts civils. Des mémoires, en demande et en défense, ainsi que des observations complémentaires ont été produits. Sur le rapport de Mme Zerbib, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. M... B... et Mme X... C..., les observations de la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat de la société Axyme, ès qualités de liquidateur judiciaire des sociétés Cad et Lignes et Idées, et les conclusions de Mme Zientara-Logeay, avocat général, après débats en l'audience publique du 23 septembre 2020 où étaient présents M. Soulard président, Mme Zerbib, conseiller rapporteur, Mmes de la Lance, Planchon, MM. d'Huy, Wyon, Pauthe, Turcey, de Lamy, conseillers de la chambre, Mme Pichon, M. Ascensi, Mme Fouquet, conseillers référendaires, Mme Zientara-Logeay, avocat général, et M. Maréville, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. M. B..., architecte d'intérieur a été poursuivi du chef d'abus de biens sociaux pour avoir, notamment, d'une part, de 2002 à juillet 2013, étant gérant de fait de la société Cad, attribué, dans son intérêt personnel, à son épouse un salaire mensuel de 2 700 euros en rétribution d'un emploi fictif, soit une somme totale de 356 400 euros, d'autre part, entre le 15 avril et le 4 juillet 2013, facturé sous le nom de sa société M... B... Design et Stratégies des clients de la société Cad. 3. Le tribunal correctionnel, estimant que le versement des salaires n'avait pas été dissimulé, a constaté la prescription de l'action publique pour les faits commis entre 2002 et le 13 janvier 2011 et a déclaré le prévenu coupable du chef d'abus de biens sociaux s'agissant du paiement des salaires ultérieurs correspondant à la somme de 82 654 euros, compte pris du soit-transmis du parquet diligentant une enquête en date du 13 janvier 2014 interruptif de prescription et de la facturation précitée pour une somme totale de 112 560 euros. 4. Son épouse a été poursuivie pour avoir, de 2002 à fin 2012, sciemment bénéficié du produit de l'abus de bien sociaux par lui commis au préjudice de la société Cad par perception de salaires indus d'un total de 356 400 euros en rémunération d'un emploi fictif. 5. Le tribunal correctionnel l'a retenue dans les liens de la prévention et, constatant la connexité et l'indivisibilité de chacune des infractions distinctes dont ils ont été déclarés coupables, l'a condamnée, solidairement avec son mari, sur le fondement de l'article 480-1 du code de procédure pénale, à verser la somme de 356 400 euros au liquidateur de la société Cad placée en liquidation judiciaire par jugement du 6 août 2013. 6. Les prévenus ont relevé appel de cette décision. Examen des moyens Sur les quatrième et cinquième moyens 7. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Sur le deuxième moyen Enoncé du moyen 8. Le moyen est pris de la violation des articles pris de la violation des articles 8, 480-1 et 593 du code de procédure pénale. 9. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a a d'une part, déclaré Mme X... B... coupable de recel d'abus de biens sociaux sur la période courant de 2002 à fin 2012, condamné Mme X... B... à un emprisonnement délictuel de deux mois avec sursis ainsi que, solidairement, à payer à la Selarl EMJ ès qualités de mandataire liquidateur de la société Cad la somme de 346 400 euros au titre de dommages intérêts, d'autre part, condamné M. M... B... solidairement à payer à la Selarl EMJ ès qualités de mandataire liquidateur de la société Cad la somme de 346 400 euros au titre de dommages intérêts, enfin, condamné chacun des époux à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 475-1 du code de procédure pénale, alors « que le point de départ de la prescription de l'action publique du chef de recel est fixé au jour où le recel a pris fin ;
décision 19-80.557 du 10/11/2020, partie 1
que le recel prend fin lorsque le receleur se libère de l'objet recelé entre les mains d'un tiers de bonne foi ; qu'à l'appui de l'exception de prescription de l'action publique des faits de recel d'abus de biens sociaux qui lui étaient reprochés pour avoir de courant 2002 à fin 2012 sciemment bénéficié d'un salaire de 2 700 euros par mois sans contrepartie économique justifiée, Mme B... a fait valoir qu'elle « subvenait à ses besoins et à celui de ses enfants grâce au salaire perçu de la société Cad qu'elle dépensait totalement chaque mois », qu'ainsi, « n'étant plus en possession des salaires perçus de la société Cad à la fin de chaque mois, la prescription de l'action publique a commencé à courir chaque mois », de sorte que « l'enquête préliminaire ayant été ouverte le 13 janvier 2014 et la prévention ne couvrant que les rémunérations perçues jusqu'à la fin de l'année 2012 », l'action publique était éteinte pour les salaires versés antérieurement au 1er janvier 2011 et, au plan civil, seules les demandes de réparation formées par le mandataire liquidateur de la société Cad au titre des années 2011 et 2012 à hauteur de 64 800 euros (2 700 x 24) pouvaient être retenues au titre du délit de recel d'abus de biens sociaux ; qu'en s'abstenant de rechercher, comme elle y était invitée, si le recel des salaires perçus chaque mois n'avait pas pris fin au fur et à mesure des dépenses mensuellement exposées de telle sorte que la prescription était acquise pour les salaires versés antérieurement au 1er janvier 2011, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ». Réponse de la Cour 10. Pour écarter la prescription de l'action publique invoquée par le conseil de Mme B..., l'arrêt énonce, par motifs propres et adoptés, que la prescription applicable au recel est indépendante de celle du délit originel dont il est distinct, que la prescription de l'action publique ne court que du jour où il a pris fin, alors même qu'à cette date, l'infraction qui a procuré la chose serait déjà prescrite, que le recel ne saurait commencer à se prescrire avant que l'infraction dont il procède soit apparue et ait pu être constatée dans des conditions permettant l'exercice de l'action publique. 11. Les juges retiennent qu'en l'espèce, Mme B... a sciemment reçu des salaires en rétribution d'un emploi fictif de façon continue de 2002 à 2012, qu'elle en a profité et que le procureur de la République ayant diligenté une enquête par soit-transmis du 13 janvier 2014, soit moins de trois ans après la dernière perception de revenus, l'action publique n'était pas prescrite, pas même pour partie des faits. 12. L'arrêt attaqué n'encourt pas la censure. 13. En effet, les faits de recel du produit d'abus de biens sociaux résultant de l'exécution d'un seul et même contrat de travail fictif, constituent une opération délictueuse unique. 14. En conséquence, la prescription, qui n'a pu commencer à courir pour l'ensemble des faits, au plus tôt, qu'après la date de la dernière perception de revenus, ne saurait être acquise, dès lors qu'un acte interruptif de prescription est intervenu moins de trois ans après cette date. 15. Dès lors, le moyen n'est pas fondé. Sur le premier moyen Enoncé du moyen 16. Le moyen est pris de la violation des articles 2, 3, 10, 464, 480-1, 512 et 593 du code de procédure pénale, défauts de motifs et manque de base légale. 17. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a constaté l'extinction de l'action publique par acquisition de la prescription pour les faits d'abus de biens sociaux relatifs aux salaires versés à Mme B... de courant 2002 jusqu'au 13 janvier 2011, et limité la déclaration de culpabilité de ce chef à la période de prévention couvrant les salaires versés du 13 janvier 2011 à juillet 2013, a condamné M. B... solidairement à payer à la Selarl EMJ ès qualités de mandataire liquidateur de la société Cad la somme de 346 400 euros au titre de dommages intérêts, outre 2 000 euros au titre de l'article 475-1 du code de procédure pénale, alors : « 1°/ que les tribunaux répressifs ne sont compétents pour connaître de l'action civile en réparation du dommage né d'une infraction qu'accessoirement à l'action publique ; qu'il en résulte que l'extinction de l'action publique interdit au juge répressif de connaître de l'action civile ; qu'ayant retenu par motifs adoptés du jugement que, s'agissant des abus de biens sociaux relatifs aux salaires versés à Mme B..., « la prescription était acquise entre 2002 et le 13 janvier 2011 », de sorte que l'action publique était éteinte pour ces faits, la cour d'appel ne pouvait, sans violer le principe sus-énoncé, condamner civilement M. B... au paiement de la somme de 356 400 euros à titre de dommages intérêts, somme incluant les salaires versés à son épouse entre 2002 et le 13 janvier 2011 couverts par la prescription ;
décision 19-80.557 du 10/11/2020, partie 2
2°/ que lorsque l'action civile est exercée devant une juridiction répressive, elle se prescrit selon les règles de l'action publique ; que l'action publique étant prescrite pour les faits commis de courant 2002 jusqu'au 13 janvier 2011, l'action civile en réparation du préjudice causé par ces mêmes faits l'était par voie de conséquence ; qu'en condamnant M. B... au paiement de la somme de 356 400 euros à titre de dommages intérêts, somme incluant les salaires versés à son épouse entre 2002 et le 13 janvier 2011, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations ; 3°/ que selon l'article 480-1 du code de procédure pénale, les personnes condamnées pour un même délit sont tenues solidairement des restitutions et des dommages-intérêts ; que M. B... ne pouvait être solidairement tenu sur ce fondement des conséquences dommageables des faits de recel dont son épouse avait été reconnue coupable de courant 2002 jusqu'au 13 janvier 2011 faute d'avoir été pénalement condamné pour l'infraction connexe ou indivisible d'abus de biens sociaux dont ces faits de recel procédaient. » Réponse de la Cour 18. Pour condamner M. B..., solidairement avec son épouse, à régler au liquidateur judiciaire de la société Cad une somme de 356 400 euros en réparation du préjudice subi par cette personne morale à la suite de l'abus de biens sociaux commis par son gérant de fait au moyen de versement de salaires à son épouse en rétribution d'un emploi fictif supporté par la société et du recel commis par cette dernière bénéficiaire de ces sommes perçues indûment, l'arrêt énonce, par motifs propres et adoptés, qu'ils ont été déclarés coupables d'infractions rattachées entre elles par un lien d'indivisibilité et de connexité et qu'ils doivent, en conséquence, être tenus solidairement des dommages-intérêts par application de l'article 480-1 du code de procédure pénale. 19. En prononçant ainsi, et dès lors que le prévenu ayant été déclaré coupable de partie des faits d'abus de biens sociaux visés à la prévention que les juges ont estimés à bon droit connexes du recel retenu à l'encontre de l'épouse de ce dernier, les griefs pris de ce que la prescription de l'action publique, constatée pour le surplus des faits d'abus de biens sociaux reprochés, interdit au juge répressif de connaître de l'action civile en réparation du dommage causé par ces derniers sont inopérants, la cour d'appel a justifié sa décision. 20. Dès lors, le moyen doit être écarté. Sur le troisième moyen Enoncé du moyen 21. Il est pris de la violation des articles 6, § 3, de la Convention européenne des droits de l'homme, L. 241-3 du code de commerce, 388 et 512 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale. 22. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. B... coupable des faits d'abus de biens sociaux reprochés au titre de la facturation de clients de la société Cad par l'Eurl M... B... Design & Stratégies de juillet 2009 à juillet 2013, l'a condamné à six mois d'emprisonnement avec sursis et cinq ans d'interdiction d'exercer une profession commerciale ou industrielle, de diriger, d'administrer, de gérer, ou de contrôler à un titre quelconque directement ou indirectement pour son propre compte ou celui d'autrui une entreprise commerciale, industrielle ou une société commerciale ainsi qu'à payer à la Selarl EMJ ès qualités de mandataire liquidateur de la société Cad les sommes de 112 560 euros à titre de dommages-intérêts et 2 000 euros au titre de l'article 475-1 du code de procédure pénale, alors : « 1°/ que le délit d'abus de bien sociaux suppose que le gérant d'une société ait fait es qualité, de mauvaise foi, un usage des biens ou du crédit contraire à l'intérêt social de cette société; que la prévention faisait grief à M. B... d'avoir « en sa qualité de gérant de fait de la société Cad », fait de mauvaise foi, des biens ou du crédit de cette société, un usage qu'il savait contraire à l'intérêt de celle-ci, à des fins personnelles ou pour favoriser une autre société ou entreprise dans laquelle il était directement ou indirectement intéressé, en l'espèce,« en facturant sous le nom de sa société M... B... Design & Stratégies des clients de la société Cad (...) détournant ainsi la somme de (...) au préjudice de Cad » ; que le fait de facturer des clients sous le nom de l'Eurl M... B... Design & Stratégies constitue un acte positif mettant en oeuvre une prérogative attachée à la seule qualité de gérant de droit de l'Eurl ; que l'abus de biens sociaux reproché à la prévention n'est pas caractérisé ; 2°/ que les juges ne peuvent légalement statuer que sur les faits dont ils sont saisis ; qu'il ne pouvait être fait grief à M. B... de s'être abstenu d'avoir facturé sous le nom de la société Cad (jugement, p. 14, § 6 : « alors qu'il aurait dû facturer Cad») sans méconnaître les limites de la saisine ;
décision 19-80.557 du 10/11/2020, partie 3
3°/ que les juges ne peuvent légalement statuer que sur les faits dont ils sont saisis ; qu'en se fondant, pour retenir la culpabilité, sur le fait que M. B... « a facturé à la société Cad, dont il était le gérant de fait, des prestations alors qu'aucune convention n'existait entre ces deux entités, d'une part, et qu'aucun contrat de sous-traitance n'a jamais été signé d'autre part » et qu'il a « factur(é) à la société Cad des prestations que le personnel de cette société-ci a assumé en totalité ou en partie », correspondant à des « tâches indues » puis fait « accepter la facturation de sa société » (c'est-à-dire de l'Eurl M... B... Design & Stratégies) par la société Cad grâce à son pouvoir décisionnel de gérant de fait de la société Cad, la cour d'appel, qui s'est fondée sur des faits non visés à la prévention, a excédé les limites de sa saisine. » Réponse de la Cour 23. Pour confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré le prévenu coupable d'abus de biens sociaux, l'arrêt énonce notamment, par motifs propres et adoptés, qu'en sa double qualité de gérant de fait de la société Cad et de gérant de droit de l'Eurl M... B... Design et Stratégies, le prévenu a facturé en direction de la société Cad des prestations que ne justifie nulle convention observant que le personnel de cette société, laquelle supportait les charges fiscales et sociales de ces tâches indues, avait assumé en réalité tout ou partie des prestations dont l'Eurl avait encaissé le prix qui devait revenir à la société Cad. 24. En statuant ainsi par des énonciations dont il ressort que le prévenu a procédé à une facturation mensongère, établie au détriment de la société Cad spoliée du prix de ses prestations au bénéfice de l'Eurl dans laquelle il était directement intéressé, la cour d'appel, qui a caractérisé en tous ses éléments, tant matériel qu'intentionnel, le délit d'abus de biens sociaux commis dans l'exercice de ses fonctions de dirigeant de la société Cad dont elle a déclaré le prévenu coupable et qui n'a pas excédé les limites de sa saisine, a justifié sa décision. 25. Ainsi, le moyen n'est pas fondé. 26. Par ailleurs l'arrêt est régulier en la forme. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; FIXE à 2 500 euros la somme globale que M. M... B... et Mme X... C... devront payer à la société Axyme, ès qualités de liquidateur judiciaire des société Cad et Lignes et Idées en application de l'article 618-1 du code de procédure pénale. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le dix novembre deux mille vingt.
décision 19-80.557 du 10/11/2020, partie 4
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 4 NOVEMBRE 2020 M. M... H..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° B 19-17.327 contre l'arrêt rendu le 2 avril 2019 par la cour d'appel de Colmar (chambre sociale, section A), dans le litige l'opposant à la société Alsacienne de restauration, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Prache, conseiller référendaire, les observations écrites de la SCP Rousseau et Tapie, avocat de M. H..., de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Alsacienne de restauration, après débats en l'audience publique du 17 septembre 2020 où étaient présents M. Cathala, président, Mme Prache, conseiller référendaire rapporteur, Mme Le Lay, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision. 1. Le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. 2. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi. EN CONSÉQUENCE, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne M. H... aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatre novembre deux mille vingt. MOYEN ANNEXE à la présente décision Moyen produit par la SCP Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour M. H... Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir dit que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse et a débouté M. H... de l'ensemble de ses demandes ; Aux motifs que sur les arrivées tardives et les départs précoces, l'employeur reproche un comportement habituel du salarié ; que l'avenant au contrat de travail initial du 2 janvier 2007 disposait que « l'horaire de travail et sa répartition dans la semaine sont liés au site d'affectation et sont communiqués, notamment, par le biais de l'affichage sur le lieu de travail » ; qu'au sein de l'institution Saint Joseph à W... où le salarié a été affecté à compter du 25 septembre 2007, l'horaire de travail affiché en vigueur à compter du 25 septembre 2007 était de 6h16 à 15H le lundi, le 6h30 à 15h les mardi, jeudi, et vendredi, et de 8h à 12h le mercredi ; qu'il ressort d'un relevé des heures d'arrivée et de départ de son lieu de travail par M. H... qu'il n'a pas respecté ses horaires de travail les 2, 3, 4, 7, 8, 9, 10, 11, 12 et 13 décembre 2015 ; que ce décompte est précis et plaçait le salarié en situation d'y répondre en apportant des éléments de nature à le combattre, ce qu'il n'a pas fait, se contentant d'affirmer que ce relevé était irrégulier ; qu'en outre, ce décompte est corroboré par les doléances du client de l'entreprise recueillis par le responsable de secteur qui s'est plaint du non-respect des horaires de travail de M. H... ; que le grief est réel ; que sur les abandons de poste, la matérialité des départs anticipés du site de travail les 29 octobre et 6novembre 2015 n'est pas contestée ; qu'il prétend que son premier départ anticipé aurait été motivé par la nécessité de se rendre sur un autre site de restauration de l'entreprise afin d'y récupérer de la marchandise car celui de W... n'aurait pas été approvisionné ; que toutefois, il n'apporte pas la preuve de cette allégation ; qu'il produit une attestation de M. Y..., autre salarié, qui relate qu'il devait régulièrement se déplacer sur des sites voisins pour s'approvisionner sans indiquer que M. H... se serait déplacé sur son site le 29 octobre 2015 pour pallier à l'absence de livraison de marchandise à W... ; que l'abandon de poste du 29 octobre 2015 repose sur des faits réels ; que pour le départ anticipé du 6 novembre 2015, il résulte de l'attestation de la compagne du salarié que ce dernier a interrompu son service pour aller la chercher chez son médecin traitant et la ramener à son domicile ; qu'il a donc quitté l'entreprise pour un motif non professionnel sans avoir obtenu au préalable l'autorisation de son employeur ; que l'abandon de poste du 6 novembre 2015 est établi ;
Cour d'appel de Colmar, Cour de cassation Chambre sociale, décision 19-17.327 du 04/11/2020, partie 1
que sur le mécontentement du client sur la qualité de la prestation fournie, l'employeur se prévaut du compte rendu d'une réunion de la commission restauration du 18 novembre 2015 au cours de laquelle le client s'est plaint de la dégradation de la qualité des repas, de la présence de produits surgelés et de poissons de mauvaise qualité ; que ces critiques portent sur la qualité des produits dont le salarié n'est pas responsable ; que dans ce compte-rendu, le client se déclare satisfait de l'accueil et du service rendu, ce qui relevait des attributions du salarié ; que ce grief n'est pas réel ; que toutefois deux abandons de poste et dix non-respect des horaires de travail sur une période de deux mois environ, étaient l'illustration de négligences répétées du salarié dans l'exécution de son travail alors qu'il occupait un poste de gérant ; que ses agissements perturbaient le bon fonctionnement de l'entreprise, en donnaient une mauvaise image et traduisaient un manque de loyauté à l'égard de l'employeur ; que le licenciement repose donc sur une cause réelle et sérieuse ; Alors 1°) que la lettre de licenciement fixe les termes du litige ; que pour dire le licenciement justifié, la cour d'appel a retenu que M. H... n'avait pas respecté ses horaires de travail « les 2, 3, 4, 7, 8, 9, 10, 11, 12 et 13 décembre 2015 » ; qu'en statuant ainsi, alors que la lettre de licenciement reprochait au salarié des arrivées tardives et retard précoces signalés par le client Borealis « au début du mois de novembre 2015 », la cour d'appel, qui a reproché au salarié des arrivées tardives et retards précoces autres que ceux précisément visés dans la lettre de licenciement, a violé l'article L. 1232-6 du code du travail ; Alors 2°) que la lettre de licenciement fixe les termes du litige ; qu'en reprochant à M. H... « un manque de loyauté à l'égard de l'employeur », non mentionné dans la lettre de licenciement, qui ne pouvait donc être retenu pour en déduire que « le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse », la cour d'appel a violé l'article L. 1232-6 du code du travail ; Alors 3°) que les juges du fond ne peuvent statuer par voie d'affirmation et doivent indiquer les éléments de preuve sur lesquels ils se fondent pour affirmer l'existence d'un fait ; qu'en affirmant que les agissements de M. H... « perturbaient le bon fonctionnement de l'entreprise » sans indiquer la nature et l'origine des éléments de preuve qui fondaient cette assertion, contestée par l'appelant, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.
Cour d'appel de Colmar, Cour de cassation Chambre sociale, décision 19-17.327 du 04/11/2020, partie 2
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 5 NOVEMBRE 2020 Le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° Q 19-21.065 contre l'arrêt rendu le 6 mars 2019 par la cour d'appel de Rouen (1re chambre civile), dans le litige l'opposant à M. U... H..., domicilié [...] , défendeur à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Besson, conseiller, les observations de la SCP Delvolvé et Trichet, avocat du Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions, et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 23 septembre 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Besson, conseiller rapporteur, Mme Gelbard-Le Dauphin, conseiller doyen, et M. Carrasco, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Rouen, 6 mars 2019), le 9 décembre 2011, alors qu'il était en service dans un poste de police, M. H..., gardien de la paix, a subi un traumatisme à l'oreille gauche à la suite de la déflagration produite par le tir d'une arme de service déclenché par son collègue, M. D.... 2. M. H... a saisi le président d'un commission d'indemnisation des victimes d'infractions (CIVI) aux fins d'expertise et de provision. 3. À la suite du dépôt de son rapport par l'expert désigné, M. H... a demandé à la CIVI de l'indemniser de ses préjudices, tandis que le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions (FGTI), invoquant l'absence d'infraction et la nature accidentelle des faits dont avait été victime le requérant, a conclu à l'irrecevabilité de sa demande. Examen des moyens Sur le premier moyen Enoncé du moyen 4. Le FGTI fait grief à l'arrêt d'allouer à M. H... la somme de 9 487,50 euros en réparation du déficit fonctionnel temporaire et des souffrances endurées, de fixer l'indemnisation du préjudice patrimonial permanent à 8 700 euros au titre de la perte de gains professionnels, 50 000 euros au titre de l'incidence professionnelle, et 85 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent, et de surseoir à statuer sur la liquidation du préjudice patrimonial permanent, alors « que la faute intentionnelle, de nature à permettre à la victime d'un accident du travail ou de service de former une requête en indemnisation sur le fondement de l'article 706-3 du code de procédure pénale, implique que son auteur ait non seulement eu la volonté de commettre l'acte mais également d'en rechercher le résultat ; qu'en l'espèce, pour conclure à l'existence d'une faute intentionnelle du brigadier rendant recevable la requête en indemnisation formée par M. H..., la cour d'appel a énoncé que le geste du brigadier avait été volontaire, qu'il avait utilisé son arme délibérément, qu'il avait contrevenu au règlement général d'emploi de la police nationale et aux dispositions relatives à l'usage des armes de dotation, et en a déduit qu'il avait manifestement violé une obligation particulière de prudence et de sécurité imposé par la loi ou le règlement par un acte intentionnel ; qu'en se déterminant ainsi, la cour d'appel qui a conclu à l'existence d'une faute intentionnelle cependant qu'il ressortait de ses propres constatations que la faute du brigadier était volontaire, mais non intentionnelle, la cour d'appel a violé les articles 121-3 du code pénal et 221-3 du code pénal ensemble l'article 706-3 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour Vu l'article 706-3 du code de procédure pénale, dans sa rédaction applicable au litige, et les articles 121-3 et 223-1 du code pénal : 5. Les dispositions du premier de ces textes, selon lesquelles toute personne ayant subi un préjudice résultant de faits volontaires ou non qui présentent le caractère matériel d'une infraction peut obtenir la réparation intégrale des dommages qui résultent des atteintes à la personne, lorsque, notamment, ces faits ont entraîné une incapacité permanente ou une incapacité totale de travail personnel égale ou supérieure à un mois, ne s'appliquent, s'agissant de la réparation des accidents de service subis par un agent public ou un militaire, qu'en cas d'infraction intentionnelle. 6. Il résulte du deuxième de ces textes que le délit de mise en danger de la personne d'autrui par la violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement, prévu par le dernier de ces textes, est une infraction non intentionnelle.
Cour d'appel de Rouen, Cour de cassation Deuxième chambre civile, décision 19-21.065 du 05/11/2020, partie 1
7. L'arrêt, pour faire droit à la demande d'indemnisation de M. H..., énonce tout d'abord qu'il convient d'apprécier si les circonstances dans lesquelles le requérant a été blessé présentent le caractère matériel d'une infraction et, les faits s'étant déroulés dans le cadre de ses fonctions au sein de la police nationale, s'ils résultent d'une faute intentionnelle ou non. 8. Il retient ensuite que M. D... a bien, par un geste volontaire, fait usage de son arme, et qu'il importe peu qu'il ait tiré au sol en visant un endroit non occupé de la pièce dès lors qu'en utilisant délibérément son arme dans ces circonstances il a contrevenu à l'article 114-1 du règlement général d'emploi de la police nationale et qu'en tirant dans un local fermé, en présence de quatre autres fonctionnaires de police, il a manifestement violé une obligation particulière de prudence et de sécurité imposée par la loi ou le règlement et, par cet acte intentionnel, causé à M. H... une incapacité temporaire totale de travail excédant un mois. 9. En statuant ainsi, alors qu'il résulte de ces constatations que M. H... a été victime d'une infraction non intentionnelle de M. D..., la cour d'appel a violé les textes susvisés. Portée et conséquences de la cassation 10. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civil, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile. 11. La Cour de cassation peut, en matière civile, statuer au fond lorsque l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 6 mars 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; DÉCLARE IRRECEVABLE la demande d'indemnisation de M. H.... Laisse à la charge du Trésor public les dépens exposés tant à hauteur de cassation que devant la cour d'appel de Rouen. Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du cinq novembre deux mille vingt et signé par lui et Mme Gelbard-Le Dauphin, conseiller doyen, en remplacement du conseiller du conseiller référendaire rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Delvolvé et Trichet, avocat aux Conseils, pour le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions PREMIER MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir alloué à M. H... la somme de 9 487,50 euros en réparation du déficit fonctionnel temporaire et des souffrances endurées, fixé l'indemnisation du préjudice patrimonial permanent à 8 700 euros au titre de la perte de gains professionnels, 50 000 euros au titre de l'incidence professionnelle, 85 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent et sursis à statuer sur la liquidation du préjudice patrimonial permanent ; Aux motifs propres que « Il est admis que les dispositions légales d'ordre public sur la réparation des accidents du travail excluent les dispositions propres à l'indemnisation des victimes d'infraction, sous réserve des exceptions suivantes : - le fait du tiers (article L. 454-1 du code de la sécurité sociale) – la faute intentionnelle (article L. 452-5), qu'elle soit commise par le co-préposé ou l'employeur, et ce, qu'il s'agisse d'accident de travail dans le secteur privé ou d'un accident de service ; qu'il convient dès lors d'apprécier si les circonstances dans lesquelles le requérant a été blessé présentent le caractère matériel d'une infraction et, les faits s'étant déroulés dans le cadre de ses fonctions au sein de la police nationale, s'ils résultent d'une faute intentionnelle ou non ; que le Fonds de garantie reproche aux premiers juges d'avoir considéré recevable la demande d'indemnisation présentée par U... H... et soutient que les faits dommageables à l'origine de son préjudice s'analysent en un accident du travail, par là même exclu du dispositif spécifique d'indemnisation instauré par les articles 706-3 et suivants du code de procédure pénale ; qu'il souligne à cet égard que l'auteur du tir et le requérant étaient tous deux en service au moment des faits et que la déflagration responsable des troubles auditifs et du choc émotionnel qu'il a subis résulte de l'usage d'une arme de service dans des locaux professionnels ; qu'il soutient que le geste du brigadier D... ne résulte pas d'une faute intentionnelle, dès lors qu'il n'a fait usage de son arme qu'à une reprise, en visant un endroit non occupé de la pièce avant de reposer son pistolet ;
Cour d'appel de Rouen, Cour de cassation Deuxième chambre civile, décision 19-21.065 du 05/11/2020, partie 2
qu'il ressort cependant des faits tels que décrits par les premiers juges qu'au contraire de ce que soutient l'appelant, le brigadier D... a bien, par un geste volontaire, fait usage de son arme en réaction au renvoi d'un rapport corrigé en rouge, qu'il avait interprété comme une brimade de sa hiérarchie ; qu'il importe peu que l'intéressé ait tiré au sol en visant un endroit non occupé de la pièce dès lors qu'en utilisant délibérément son arme dans ces circonstances, il a contrevenu au Règlement Général d'Emploi de la Police nationale et particulièrement aux dispositions relatives à l'usage des armes de dotation telles que prévues en son article 114-1 ; qu'en tirant dans un local fermé, en présence de quatre autres fonctionnaires de police, le brigadier D... a manifestement violé une obligation particulière de prudence et de sécurité imposée par la loi ou le règlement et, par cet acte intentionnel, causé à U... H... une incapacité temporaire totale de travail excédant un mois ; que c'est dès lors à bon droit que la commission a déclaré recevable la requête en indemnisation déposée par U... H... ; que l'ordonnance du 16 mai 2014 sera en conséquence confirmée » (arrêt, p. 6-7) ; Et aux motifs éventuellement adoptés que « l'auteur, par son action soudaine, irrationnelle, inopinée et dangereuse, a manifestement violé une obligation particulière de prudence et de sécurité imposée par la loi et par un règlement et a causé une incapacité totale de travail personnel supérieure à un mois ; qu'il en résulte que les faits présentent le caractère matériel d'une infraction ; que la requête est recevable » (ordonnance du 16 mai 2014, p. 2) ; 2 Alors que la faute intentionnelle, de nature à permettre à la victime d'un accident du travail ou de service de former une requête en indemnisation sur le fondement de l'article 706-3 du code de procédure pénale, implique que son auteur ait non seulement eu la volonté de commettre l'acte mais également d'en rechercher le résultat ; qu'en l'espèce, pour conclure à l'existence d'une faute intentionnelle du brigadier rendant recevable la requête en indemnisation formée par M. H..., la cour d'appel a énoncé que le geste du brigadier avait été volontaire, qu'il avait utilisé son arme délibérément, qu'il avait contrevenu au règlement général d'emploi de la police nationale et aux dispositions relatives à l'usage des armes de dotation, et en a déduit qu'il avait manifestement violé une obligation particulière de prudence et de sécurité imposé par la loi ou le règlement par un acte intentionnel ; qu'en se déterminant ainsi, la cour d'appel qui a conclu à l'existence d'une faute intentionnelle cependant qu'il ressortait de ses propres constatations que la faute du brigadier était volontaire, mais non intentionnelle, la cour d'appel a violé les articles 121-3 du code pénal et 221-3 du code pénal ensemble l'article 706-3 du code de procédure pénale. SECOND MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir, après avoir fixé le l'indemnisation au titre de la perte de gains professionnels à la somme de 8 700 euros, au titre de l'incidence professionnelle à celle de 50 000 euros, au titre du déficit fonctionnel permanent à celle 85 000 euros, sursis à statuer sur la liquidation du préjudice patrimonial permanent ; Aux motifs que « le Fonds de Garantie reproche encore à la commission d'avoir liquidé le préjudice du requérant sans l'enjoindre préalablement de justifier du montant de la rente invalidité qui lui était servie, dès lors que celle-ci devait s'imputer par priorité sur l'indemnisation de sa perte de gains professionnels futurs, puis sur celle de l'incidence professionnelle et enfin, le cas échéant, sur le déficit fonctionnel permanent ; qu'il convient de rappeler qu'en application des dispositions de l'article706-9 du Code de procédure pénale, la commission doit tenir compte, dans le montant des sommes allouées au titre de la réparation du préjudice de la victime, de l'ensemble des prestations, salaires, indemnités journalières, remboursements des frais de traitement médical et indemnités versées au titre de ce même préjudice ; que l'appelant ne discute pas devant la cour les dispositions du jugement aux termes desquelles il a été alloué à U... H..., en réparation des préjudices extra patrimoniaux : - les sommes de 25 euros au titre de la gêne temporaire totale, de 787, 50 euros au titre du déficit fonctionnel partiel au taux de 50 % et de 2 675 euros pour la période de déficit fonctionnel partiel au taux, de 25 %, soit un total de 3 487, 50 euros, la somme de 6 000 euros au titre des souffrances endurées ; que le jugement sera donc confirmé de ce chef ; que le Fonds de Garantie ne conteste pas plus le droit à indemnisation de U... H... et les montants retenus en première instance s'agissant de la perte de gains professionnels (indemnité de sujétion spéciale de 8 700 euros), de l'incidence professionnelle- (50 000 euros) et déficit fonctionnel permanent (85 000 euros) ;
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que pour le surplus, la cour constate qu'il résulte du courrier du SGAMI en date du 21 décembre 2018 que U... H... a été déclaré consolidé avec séquelles le 24 novembre 2011, la commission de réforme ayant retenu, le 1er octobre 2015, un taux d'incapacité permanente partielle de 45 % ; qu'il apparaît bénéficiaire d'une allocation temporaire d'invalidité, pour la période du 24 novembre 2014 au 23 novembre 2019, d'un montant annuel de 6 125, 88 euros et dont les conditions d'octroi doivent être réexaminées en 2019 dans le cadre de la révision quinquennale (pièce 1 appelant) ; que dès lors que cette allocation, dont le capital constitutif n'est pas connu, doit être imputée sur l'indemnisation des préjudices patrimoniaux permanents de la victime (perte de gains professionnels futurs, incidence professionnelle) ainsi que, le cas échéant, sur l'indemnisation de son déficit fonctionnel permanent, il y avait bien lieu, non pas de débouter le requérant de sa demande en indemnisation comme sollicité par le Fonds de Garantie, mais de surseoir à la liquidation de ces postes ; que le jugement entrepris sera en conséquence partiellement infirmé, en ce qu'il sera sursis à statuer sur la liquidation des préjudices de U... H... résultant de la perte de gains professionnels futurs, de l'incidence professionnelle et du déficit fonctionnel permanent » (arrêt attaqué, p. 7, § 3 et s.) ; Alors que l'allocation temporaire d'invalidité versée à l'agent victime d'un accident de service ou de trajet ou d'une maladie professionnelle, qui indemnise les pertes de gains professionnels, l'incidence professionnelle et le déficit fonctionnel permanent, s'impute sur les sommes allouées par la commission d'indemnisation des victimes d'infractions au titre de chacun de ces trois postes de préjudice ; qu'après avoir fixé le montant du préjudice subi par M. H... au titre de la perte de gains professionnels futurs, de l'incidence professionnelle et du déficit fonctionnel permanent, la cour d'appel a, dans les motifs de sa décision, estimé qu'il y avait lieu de surseoir à statuer sur les sommes à lui allouer, dans l'attente de la justification par M. H... des sommes reçues au titre de l'allocation temporaire d'invalidité (arrêt attaqué, p. 7, ult. § et 8, § 1) ; qu'en se bornant, dans le dispositif de son arrêt, à surseoir à statuer sur le seul préjudice patrimonial permanent, ce qui exclut le déficit fonctionnel permanent qui est un préjudice extra-patrimonial, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation de l'article 706-9 du code de procédure pénale.
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R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 28 OCTOBRE 2020 M. J... Y... a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'assises du Bas-Rhin, en date du 18 octobre 2019, qui pour assassinat et destruction du bien d'autrui par un moyen dangereux, l'a condamné à vingt ans de réclusion criminelle, dix ans d'interdiction de détenir ou porter une arme soumise à autorisation et a ordonné une mesure de confiscation, ainsi que contre l'arrêt du même jour par lequel la cour a prononcé sur les intérêts civils. Un mémoire a été produit. Sur le rapport de Mme Drai, conseiller, les observations de la SCP Zribi et Texier, avocat de M. J... Y..., et les conclusions de M. Salomon, avocat général, après débats en l'audience publique du 16 septembre 2020 où étaient présents M. Soulard, président, Mme Drai, conseiller rapporteur, M. Moreau, conseiller de la chambre, et Mme Guichard, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. Par ordonnance du juge d'instruction du tribunal judiciaire de Nancy en date du 12 septembre 2016, M. J... Y... a été mis en accusation devant la cour d'assises de Meurthe et Moselle pour assassinat et destruction du bien d'autrui par un moyen dangereux. 3. Par arrêt du 15 décembre 2017, la cour d'assises de la Moselle, désignée par arrêt de la Cour de cassation du 21 février 2017 dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, l'a déclaré coupable et condamné à dix-huit ans de réclusion criminelle. Par arrêt du même jour, la cour a prononcé sur les intérêts civils. Ces décisions ont été frappées d'appel par M. Y... et par le ministère public. Examen des moyens Sur les premier et deuxième moyens 4. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Mais sur le troisième moyen Énoncé du moyen 5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. Y... coupable de meurtre avec préméditation de M. C..., alors « que les témoins ne peuvent s'aider de documents au cours de leurs dépositions qu'à la condition d'y avoir été autorisés par le président ; qu'en se fondant sur le témoignage de M. R... (en réalité M. D...), après avoir donné acte que ce dernier avait utilisé des documents lors de sa déposition sans en avoir été préalablement autorisé, la cour d'assises a violé l'article 331 du code de procédure pénale et le principe de l'oralité des débats. » Réponse de la Cour Vu l'article 331, alinéa 3, du code de procédure pénale : 6. Selon ce texte, les témoins ne peuvent s'aider de documents au cours de leurs dépositions qu'à la condition d'y avoir été autorisés par le président. 7. Il résulte du procès-verbal des débats qu'à la fin de l'audition de M. D..., témoin acquis aux débats, l'avocat de l'accusé a demandé au président qu'il lui soit donné acte de ce que le témoin avait utilisé des documents lors de sa déposition, sans en avoir été autorisé au préalable par le président. 8. En laissant le témoin déposer devant la cour d'assises en s'aidant de documents écrits, et sans l'y avoir autorisé préalablement, le président de la cour d'assises a méconnu le texte susvisé. 9. La cassation est par conséquent encourue de ce chef. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres moyens de cassation proposés, la Cour : CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'assises du Bas-Rhin, en date du 18 octobre 2019, ensemble la déclaration de la Cour et les débats qui l'ont précédé ; CASSE et ANNULE, par voie de conséquence, l'arrêt du même jour par lequel la Cour a prononcé sur les intérêts civils ; Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ; RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'assises de la Meuse, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'assises du Bas-Rhin et sa mention en marge ou à la suite des arrêts annulés ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-huit octobre deux mille vingt.
décision 19-87.347 du 28/10/2020, partie 1
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 21 OCTOBRE 2020 La société Temira, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° G 19-14.274 contre l'arrêt rendu le 6 décembre 2018 par la cour d'appel de Papeete (chambre commerciale), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. I... Q..., domicilié [...] , pris en qualité de représentant des créanciers et commissaire à l'exécution du plan de redressement de la société Temira, 2°/ à la société ABS constructions Tahiti, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , 3°/ à la société l'ASL village Tiahura, dont le siège est [...] , 4°/ à la société Eurotitrisation, dont le siège est [...] , prise en qualité de représentant du fonds commun de titrisation Credinvest, compartiment Credinvest 2, venant aux droits de la société Banque de Polynésie , 5°/ à la Paierie de la Polynésie française, dont le siège est [...] , prise en la personne du trésorier-payeur général, défendeurs à la cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Vaissette, conseiller, les observations écrites de la SCP L. Poulet-Odent, avocat de la société Temira, de la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat de la société ABS constructions Tahiti, et l'avis de Mme Henry, avocat général, après débats en l'audience publique du 8 septembre 2020 où étaient présents Mme Mouillard, président, Mme Vaissette, conseiller rapporteur, M. Rémery, conseiller doyen, Mme Henry, avocat général, et Mme Labat, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision. 1. Les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. 2. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi. EN CONSÉQUENCE, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société Temira aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Temira et la condamne à payer à la société ABS construction Tahiti la somme de 3 000 euros ; Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un octobre deux mille vingt. MOYENS ANNEXES à la présente décision Moyens produits par la SCP L. Poulet-Odent, avocat aux Conseils, pour la société Temira. PREMIER MOYEN DE CASSATION IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la demande de sursis à statuer présentée par la SCI Temira, d'avoir arrêté la créance de la société ABS Constructions à hauteur de la somme de 9 282 882 F CFP, à titre privilégié, et d'avoir condamné la SCI Temira à payer à la société ABS Constructions la somme de 300 000 F CFP à titre de dommages et intérêts ; AUX MOTIFS PROPRES QUE la créance a pour objet la réalisation de travaux de construction d'une pension de famille à [...] en 2003 ; que l'arrêt du 26 novembre 2009 a relevé que les malfaçons constatées pouvaient facilement être réparées en temps utile si les factures avaient été réglées et si les parties avaient transigé, ce que les époux S... et la SCI Temira ne voulaient manifestement pas ; que c'est à bon droit que la société ABS Constructions conclut que cet arrêt est définitif et que des actes qu'ont engagées les débiteurs pour obtenir l'indemnisation de préjudices qu'ils allèguent ne peuvent motiver ni le rejet de la créance, ni une déclaration d'instance en cours, car il ne peut y avoir compensation entre une créance exécutoire et une créance éventuelle et hypothétique de dommages et intérêts ; que l'arrêt du 26 novembre 2009 a partagé les dépens comprenant les frais des deux expertises judiciaires par moitié entre la société ABS Constructions d'une part et les consorts S... et SCI Temira d'autre part ; qu'il n'est pas justifié d'une liquidation des dépens permettant de constater la compensation qu'invoque la SCI Temira de chef ; qu'au demeurant, en présentant des demandes de compensation judiciaire, la SCI Temira méconnaît que les pouvoirs de la cour se limitent à admettre ou à rejeter une créance ou à constater qu'une instance est en cours ;
Cour d'appel de Papeete, Cour de cassation Chambre commerciale financière et économique, décision 19-14.274 du 21/10/2020, partie 1
ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'il n'y a pas lieu de mentionner « instance en cours » dans l'arrêté des créances, la créance produite étant définitive dans la mesure où elle résulte d'un titre exécutoire définitif (arrêt de la cour d'appel du 28 novembre 2009) et puisque le mécanisme de compensation ne peut pas jouer entre une créance exécutoire et une créance éventuelle de dommages-intérêts dont se prévaut le débiteur ; ALORS QUE le juge de la vérification des créances qui est saisi d'une contestation ne relevant pas de son pouvoir juridictionnel et susceptible d'avoir une incidence sur l'existence, le montant ou la nature de la créance déclarée est tenu de surseoir à statuer sur l'admission de celle-ci , après avoir invité les parties à saisir le juge compétent ; que l'interdiction du paiement des créances nées avant le jugement d'ouverture de la procédure collective ne fait pas obstacle à la compensation d'une telle créance avec une créance connexe du débiteur née postérieurement ; que la créance déclarée par la société ABS Constructions résultait notamment d'un arrêt du 26 novembre 2009 ayant condamné la SCI Temira à payer le solde du contrat litigieux ; que cette dernière avait contesté le montant de la créance déclarée en faisant valoir qu'elle avait introduit une action en responsabilité à l'encontre de la société ABS Constructions en raison de la mauvaise exécution dudit contrat ; qu'en rejetant la demande de sursis à statuer de la SCI Temira aux motifs inopérants qu'il ne pouvait y avoir de compensation entre une créance exécutoire et une créance éventuelle et hypothétique de dommages et intérêts et qu'au demeurant les pouvoirs de la cour se limitaient à admettre ou à rejeter une créance ou à constater qu'une instance était en cours, la cour d'appel, qui devait surseoir à statuer jusqu'à la décision de la juridiction compétente sur la contestation élevée par la SCI Temira dès lors qu'elle était susceptible d'entraîner l'extinction au moins partielle par compensation des créances réciproques si elles étaient connexes, quand bien-même la créance de la société ABS Constructions résultait d'un titre exécutoire, a violé l'article L. 621-104 du code de commerce, dans sa version applicable à la Polynésie française. DEUXIEME MOYEN DE CASSATION (SUBSIDIAIRE) IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir arrêté la créance de la société ABS Constructions à hauteur de la somme de 9 282 882 F CFP, à titre privilégié, et d'avoir condamné la SCI Temira à payer à la société ABS Constructions la somme de 300 000 F CFP à titre de dommages et intérêts ; AUX MOTIFS PROPRES QUE l'ordonnance entreprise a apprécié que la créance de la société ABS Constructions résultait d'un titre exécutoire définitif (arrêt de la cour du 28 novembre 2009), qu'il ne pourrait y avoir compensation entre celle-ci et des dommages et intérêts poursuivis par le débiteur, et qu'elle faisait l'objet d'une inscription judiciaire d'hypothèque définitive ; que l'état des créances établi par le représentant des créanciers mentionne la production de la société ABS Constructions pour un montant de 9 482 882 F CFP à titre privilégié en raison d'une sûreté hypothécaire ; que la déclaration de créance a été régulièrement faite le 2 octobre 2014 par la société ABS Constructions ; qu'elle est titrée par un arrêt de la cour d'appel de Papeete du 26 novembre 2009 qui a condamné solidairement les époux S... et la SCI Temira à payer la somme de 8 179 174 F CFP augmentée des intérêts au taux légal depuis le 19 octobre 2004 ; que le solde déclaré comme restant dû est de 5 892 882 F CFP augmenté du montant de 11 condamnations pour frais irrépétibles prononcées entre 2004 et 2014 « au titre des multiples instances dilatoires engagées par les débiteurs » ; qu'une hypothèque a été inscrite ; que la créance a pour objet la réalisation de travaux de construction d'une pension de famille à [...] en 2003 ; que l'arrêt du 26 novembre 2009 a relevé que les malfaçons constatées pouvaient facilement être réparées en temps utile si les factures avaient été réglées et si les parties avaient transigé, ce que les époux S... et la SCI Temira ne voulaient manifestement pas ; que c'est à bon droit que la société ABS Constructions conclut que cet arrêt est définitif et que des actions qu'ont engagées les débiteurs pour obtenir l'indemnisation de préjudices qu'ils allèguent ne peuvent motiver ni le rejet de la créance, ni une déclaration d'instance en cours, car il en peut y avoir de compensation entre une créance exécutoire et une créance éventuelle et hypothétique de dommages et intérêts ; que l'arrêt du 26 novembre 2009 a partagé les dépens comprenant les frais de deux expertises judiciaires par moitié entre la société ABS Constructions d'une part et les consorts époux S... et SCI Temira d'autre part ; qu'il n'est pas justifié d'une liquidation des dépens permettant de constater la compensation qu'invoque la SCI Temira de chef ; qu'au demeurant, en présentant des demandes de compensation judiciaire, la SCI Temira méconnaît que les pouvoirs de la cour se limitent à admettre ou à rejeter une créance ou à constater qu'une instance est en cours ;
Cour d'appel de Papeete, Cour de cassation Chambre commerciale financière et économique, décision 19-14.274 du 21/10/2020, partie 2
que la société ABS Constructions justifie du montant de sa créance par son décompte et par les décisions de justice signifiées qui la fondent ; qu'aucun élément ne permet de retenir que le calcul des intérêts est erroné alors que le passif a été vérifié par le représentant des créanciers ; ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE la difficulté vient du paiement partiel effectué par la débitrice, du décompte des intérêts et des frais de procédure ; que le décompte établi par la société ABS Constructions tant pour la créance résultant de l'arrêt de la cour d'appel, que s'agissant du calcul des intérêts est exact ; qu'en revanche, il y a lieu de déduire du décompte des frais irrépétibles ceux auxquels ont été condamnés personnellement les époux S... par le tribunal civil de première instance de Papeete le 7 décembre 2005 à hauteur de 200 000 F CFP ; que la créance peut donc être arrêtée à hauteur de la somme de 9 282 882 F CFP ; 1°) ALORS QUE la procédure d'admission des créances tend à vérifier l'existence, le montant et la nature des créances détenues sur le débiteur ; qu'en l'espèce, la société ABS Constructions a déclaré au représentant des créanciers une créance sur la SCI Temira d'un montant de 9 482 882 XPF, dont 3 590 000 XFP au titre de frais irrépétibles prétendument dus et non payés qui résulteraient notamment d'une ordonnance du 13 décembre 2004 du juge des référés du tribunal civil de première instance de Papeete et de deux arrêts du 25 janvier 2007 et du 6 février 2014 de la cour d'appel de Papeete ; qu'en se bornant à retenir, pour arrêter la créance de la société ABS Constructions à hauteur de la somme de 9 282 882 F CFP, que cette dernière justifiait du montant de sa créance par les décisions de justice signifiées qui la fondent, sans rechercher, comme elle y était invitée (conclusions du 15 avril 2018, p. 11-13), si la SCI Temira n'était pas étrangère aux trois décisions susvisées qui n'avaient pu prononcer de condamnation à son encontre faute pour elle d'avoir été partie à ces procédures, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 621-104 et L. 621-105 du code de commerce, dans leur rédaction applicable à la Polynésie française ; 2°) ALORS QUE la cour d'appel a constaté que la déclaration de créance de la société ABS Construction était titrée par un arrêt de la cour d'appel de Papeete du 26 novembre 2009 qui a condamné solidairement les époux S... et la SCI Temira à payer la somme de 8 179 174 F CFP, augmentée des intérêts au taux légal depuis le 19 octobre 2004, et que le solde déclaré comme restant dû était de 5 892 882 F CFP augmenté du montant de onze condamnations ; qu'en retenant, pour arrêter la créance de la société ABS Constructions à hauteur de la somme de 9 282 882 F CFP, que le calcul des intérêts était exact, que la société ABS Constructions justifiait du montant de sa créance par son décompte et qu'aucun élément ne permettait de retenir que le calcul des intérêts était erroné, sans rechercher, comme elle y était invitée (conclusions du 15 avril 2018, p. 10-11), si le décompte produit par la société ABS Constructions ne retenait pas de manière erronée le même taux d'intérêt légal pour une période de 974 jours, soit sur les années 2012, 2013 et 2014, ce dont il résultait que le montant de la créance déclarée était erroné, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 621-103, L. 621-104 et L. 621-105 du code de commerce, dans leur rédaction applicable à la Polynésie française, ensemble les articles L. 313-2 et L. 753-3 du code monétaire et financier métropolitain ; 3°) ALORS QUE la cour d'appel statue sur l'admission de la créance contestée avec les pouvoirs du juge-commissaire, sans être tenue de suivre la proposition du représentant des créanciers ; qu'en retenant qu'aucun élément ne permettait de retenir que le calcul des intérêts était erroné alors que le passif avait été vérifié par le représentant des créanciers, la cour d'appel, qui s'est prononcée par un motif inopérant, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 621-103, L. 621-104 et L. 621-105 du code de commerce, dans leur rédaction applicable à la Polynésie française. TROISIEME MOYEN DE CASSATION IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la SCI Temira à payer à la société ABS Constructions la somme de 300 000 F CFP à titre de dommages et intérêts ; AUX MOTIFS PROPRES QUE l'ordonnance entreprise a apprécié que la créance de la société ABS Constructions résultait d'un titre exécutoire définitif (arrêt de la cour du 28 novembre 2009), qu'il ne pourrait y avoir compensation entre celle-ci et des dommages et intérêts poursuivis par le débiteur, et qu'elle faisait l'objet d'une inscription judiciaire d'hypothèque définitive ;
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que l'état des créances établi par le représentant des créanciers mentionne la production de la société ABS Constructions pour un montant de 9 482 882 F CFP à titre privilégié en raison d'une sûreté hypothécaire ; que la déclaration de créance a été régulièrement faite le 2 octobre 2014 par la société ABS Constructions ; qu'elle est titrée par un arrêt de la cour d'appel de Papeete du 26 novembre 2009 qui a condamné solidairement les époux S... et la SCI Temira à payer la somme de 8 179 174 F CFP augmentée des intérêts au taux légal depuis le 19 octobre 2014 ; que le solde déclaré comme restant dû est de 5 892 882 F CFP augmenté du montant de 11 condamnations pour frais irrépétibles prononcés entre 2004 et 2014 « au titre des multiples instances dilatoires engagées par les débiteurs » ; qu'une hypothèque a été inscrite ; que la créance a pour objet la réalisation de travaux de construction d'une pension de famille à [...] en 2003 ; que l'arrêt du 26 novembre 2009 a relevé que les malfaçons constatées pouvaient facilement être réparées en temps utile si les factures avaient été réglées et si les parties avaient transigé, ce que les époux S... et la SCI Temira ne voulaient manifestement pas ; que c'est à bon droit que la société ABS Constructions conclut que cet arrêt est définitif et que des actions qu'ont engagées les débiteurs pour obtenir l'indemnisation de préjudices qu'ils allèguent ne peuvent motiver ni le rejet de la créance, ni une déclaration d'instance en cours, car il ne peut y avoir de compensation entre une créance exécutoire et une créance éventuelle et hypothétique de dommages et intérêts ; que l'arrêt du 26 novembre 2009 a partagé les dépens comprenant les frais de deux expertises judiciaires par moitié entre la société ABS Constructions d'une part et les consorts époux S... et la SCI Temira d'autre part ; qu'il n'est pas justifié d'une liquidation des dépens permettant de constater la compensation qu'invoque la SCI Temira de ce chef ; qu'au demeurant, en présentant des demandes de compensation judiciaire, la SCI Temira méconnaît que les pouvoirs de la cour se limitent à admettre ou à rejeter une créance ou à constater qu'une instance est en cours ; que la société ABS Constructions justifie du montant de sa créance par son décompte et par les décisions de justice signifiées qui la fondent ; qu'aucun élément ne permet de retenir que le calcul des intérêts est erroné alors que le passif a été vérifié par le représentant des créanciers ; que l'ordonnance entreprise sera par conséquent confirmée ; qu'il résulte des motifs qui précèdent que la société ABS Constructions est bien fondée à soutenir que la SCI Temira lui crée du fait de la témérité de la présente instance, que l'intimée est obligée de soutenir après d'autres, un préjudice causé par l'abus des voies de droit ; que celui-ci sera justement indemnisé par des dommages et intérêts d'un montant de 300 000 F CFP ; 1°) ALORS QUE dans le cadre de la procédure de vérification et d'admission des créances, le débiteur est légalement tenu de formuler ses éventuelles observations et, le cas échéant, de contester la créance déclarée, sous peine de ne plus pouvoir émettre aucune contestation ultérieurement ; que l'abus dans l'exercice des voies de droit du débiteur en redressement judiciaire ne saurait s'évincer du seul fait que ses contestations ont été déclarées mal fondées ou encore que le créancier a été obligé de soutenir l'instance après d'autres ; qu'en se bornant à retenir, pour condamner la SCI Temira au versement de dommages et intérêts, que la société ABS Constructions était bien fondée à soutenir que la SCI Temira lui créait, du fait de la témérité de l'instance d'appel, un préjudice causé par l'abus des voies de droit, cependant que de tels motifs étaient impropres à caractériser une faute du débiteur en redressement judiciaire ayant fait dégénérer son recours contre l'ordonnance du juge-commissaire en un abus de droit, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382, devenu 1240, du code civil ; 2°) ALORS QUE, en tout état de cause, une action en justice ne peut, sauf circonstances particulières, qu'il appartient au juge de spécifier, constituer un abus de droit lorsque sa légitimité a été reconnue, au moins partiellement, par la juridiction de premier degré ; qu'en l'espèce, le juge-commissaire a fait partiellement droit à la demande de la SCI Temira en déduisant du décompte de la créance déclarée par la société ABS Constructions les frais irrépétibles auxquels avaient été condamnés personnellement les époux S... ; que la cour d'appel a confirmé l'ordonnance entreprise ; qu'en se bornant à retenir, pour condamner la SCI Temira au versement de dommages et intérêts, que la société ABS Constructions était bien fondée à soutenir que la SCI Temira lui créait, du fait de la témérité de l'instance d'appel, un préjudice causé par l'abus des voies de droit, la cour d'appel, qui n'a relevé aucune circonstance particulière ayant fait dégénérer en abus l'exercice par la SCI Temira de son recours, a violé l'article 1382 (ancien) du code civil, devenu 1240 du même code.
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R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 21 OCTOBRE 2020 1°/ la société Sequana, société anonyme, dont le siège est [...] , 2°/ la société FHB, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , prise en la personne de Mme G... E..., en qualité d'administrateur judiciaire de la société Sequana, 3°/ la société [...] , société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , prise en la personne de M. R... W..., en qualité de mandataire judiciaire de la société Sequana, ont formé le pourvoi n° M 18-23.749 contre l'arrêt rendu le 18 septembre 2018 par la cour d'appel de Versailles (13e chambre), dans le litige les opposant : 1°/ à la société BAT Industries PLC, dont le siège est [...] (Royaume-Uni), société de droit anglais, 2°/ à la société BTI 2014 LLC, dont le siège est [...] (États-Unis), société de droit de l'Etat de Delaware, 3°/ au procureur général près la cour d'appel de Versailles, domicilié en son parquet général, [...], défendeurs à la cassation. Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Bélaval, conseiller, les observations de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat de la société Sequana, des sociétés FHB et [...] , ès qualités, de la SCP Richard, avocat des sociétés BAT Industries PLC et BTI 2014 LLC, et l'avis de Mme Henry, avocat général, après débats en l'audience publique du 15 juillet 2020 où étaient présents M. Rémery, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Bélaval, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 18 septembre 2018), un litige oppose la société Sequana aux sociétés BAT Industries, de droit anglais, et BTI 2014, de droit de l'Etat du Delaware, au sujet de l'obligation contractée par une ancienne filiale de la société Sequana de prendre en charge le remboursement à ces sociétés des coûts de dépollution de deux rivières aux Etats-Unis dont elles étaient garantes. La société Sequana a été attraite devant la High Court of justice de Londres, la licéité des distributions de dividendes dont elle avait bénéficié en 2008 et 2009 de la part de son ancienne filiale étant remise en cause et les sociétés BAT Industries et BTI 2014 demandant sa condamnation au paiement de la somme totale de 578 000 000 euros. Par une décision du 11 juillet 2016, cette juridiction a notamment estimé que la distribution de dividendes réalisée en mai 2009 pour 135 000 000 euros contrevenait aux dispositions de la loi britannique sur l'insolvabilité, puis, par une décision du 10 février 2017, elle a condamné la société Sequana à payer aux sociétés BAT Industries et BTI 2014 les sommes de 138 400 000 USD en réparation du préjudice actuel, de 43 008 000 euros en réparation du préjudice futur et de 9 600 000 livres sterling à titre de provision pour frais de justice. La société Sequana a fait appel des deux décisions. 2. Le 15 février 2017, le tribunal de commerce de Nanterre a ouvert une procédure de sauvegarde à l'égard de la société Sequana et désigné la société FHB, prise en la personne de Mme E..., en qualité d'administrateur, et la société [...] , prise en la personne de M. W..., en qualité de mandataire judiciaire. Les sociétés BAT Industries et BTI 2014 ont déclaré leurs créances à concurrence de 781 984 968,43 euros qui ont été contestées. 3. Les créanciers ont été consultés par M. W..., ès qualités, sur un projet de plan de sauvegarde de la société Sequana que les sociétés BAT Industries et BTI 2014 ont refusé. Par un jugement du 12 juin 2017, le tribunal a arrêté le plan de sauvegarde de la société Sequana. Les sociétés BAT Industries et BTI 2014 ont formé tierce opposition à ce jugement. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen
Cour d'appel de Versailles 13, Cour de cassation Chambre commerciale financière et économique, décision 18-23.749 du 21/10/2020, partie 1
4. La société Sequana, la société FHB, ès qualités, et la société [...] , ès qualités, font grief à l'arrêt de déclarer recevable la tierce opposition, de rétracter le jugement du 12 juin 2017, de rejeter le plan de sauvegarde présenté par la société Sequana et d'ouvrir une nouvelle période d'observation de trois mois alors « que la tierce opposition n'est ouverte au créancier contre le jugement ayant arrêté le plan de sauvegarde que lorsque ledit créancier dispose d'un moyen qui lui est propre ; qu'un moyen propre est un moyen que n'aurait pas pu faire valoir le représentant du créancier ; que le moyen par lequel un créancier conteste la manière dont le plan a pris en considération sa créance contestée ne constitue pas un moyen propre ; qu'au cas présent, les sociétés BAT et BTI se bornaient à soutenir que le plan ne prenaient pas suffisamment en considération les créances contestées dès lors qu'il était uniquement prévu une modification du plan en cas d'infirmation de la décision rendue par la High court de Londres ; qu'un tel moyen, qui se borne à contester les modalités de prise en compte d'une créance contestée, n'est pas un moyen propre aux sociétés BAT et BTI ; qu'en déclarant néanmoins leur tierce opposition recevable, la cour d'appel a violé les articles L. 661-3 du code de commerce et 583 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Vu les article L. 661-3 du code de commerce et 583 du code de procédure civile : 5. Il résulte de ces textes que le créancier n'est recevable à former tierce opposition contre le jugement arrêtant le plan de sauvegarde de son débiteur que s'il invoque un moyen qui lui est propre. 6. Pour déclarer recevable la tierce opposition, l'arrêt relève, d'abord, que les sociétés BAT Industries et BTI 2014 invoquent le préjudice propre qu'elles estiment subir du fait du sort particulier donné à leurs créances dans le plan dont le traitement est renvoyé à une modification ultérieure de celui-ci et dont il est manifeste qu'un paiement sur dix ans est illusoire tandis que la quasi totalité du passif retenu, d'un montant de 65 000 000 euros, est payé en numéraire par remise d'actions d'une société filiale de la société Sequana ou compensation à court et moyen termes. Il relève encore que le jugement arrêtant le plan dit que les autres créanciers, y compris ceux ayant refusé le plan ou ayant apporté une réponse conditionnée, seront remboursés de leur créance définitivement admise en dix annuités selon un certain échéancier, que les créances faisant l'objet d'une instance en cours relèvent de cette catégorie, et que dans le cas d'instance en cours, les règlements n'interviendront qu'à compter de l'admission définitive de la créance. 7. L'arrêt retient, enfin, que le tribunal n'a pas défini expressément le montant du passif pris en compte dans le plan qu'il a arrêté et n'a pas déterminé le montant de la créance des sociétés BAT Industries et BTI 2014 dont le règlement est prévu dans le plan, qu'il a prévu que les créanciers ayant refusé le plan, comme l'ont fait les sociétés BAT Industries et BTI 2014, ne seraient remboursés que de leur créance définitivement admise et non de leur créance déclarée, et qu'il n'a pas prévu le règlement de la totalité de la créance déclarée de ces sociétés, et en déduit que les sociétés BAT Industries et BTI 2014 disposent d'un moyen propre rendant recevable leur tierce opposition. 8. En statuant ainsi, alors que si le plan de sauvegarde doit prévoir le règlement de toutes les créances déclarées, même si elles sont contestées, le moyen tiré de la méconnaissance de cet impératif à l'égard d'un créancier ne constitue pas un moyen propre de celui-ci rendant recevable sa tierce opposition, la cour d'appel a violé les textes susvisés. Portée et conséquences de la cassation 9. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile. 10. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 18 septembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; Confirme le jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 8 décembre 2017 ; Condamne les sociétés BAT Industries et BTI 2014 aux dépens, en ce compris ceux exposés devant les juges du fond ;
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En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par les sociétés BAT Industries et BTI 2014 et les condamne in solidum à payer à la société Sequana, à la société FHB, en qualité d'administrateur de cette société, et la société [...] , en qualité de mandataire judiciaire de cette société, la somme globale de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un octobre deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat aux Conseils, pour la sociétés Sequana et les sociétés FHB et [...] , ès qualités. Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir infirmé en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de commerce de Nanterre en date du 8 décembre 2017 et, statuant à nouveau, d'avoir déclaré recevables les sociétés BAT Industries et BTI 2014 en leur tierce opposition au jugement du tribunal de commerce de Nanterre en date du 12 juin 2017, d'avoir rétracté le jugement du tribunal de commerce de Nanterre en date du 12 juin 2017, d'avoir rejeté le plan de sauvegarde présenté par la société Sequana et d'avoir ouvert une nouvelle période d'observation d'une durée de trois mois ; Aux motifs que « Sur la recevabilité de la tierce opposition : il résulte des articles 583, alinéa 2, du code de procédure civile et L. 661-3 du code de commerce que le créancier n'est recevable à former tierce opposition contre le jugement arrêtant le plan de sauvegarde de son débiteur que s'il invoque un moyen qui lui est propre ou démontre que le jugement a été rendu en fraude de ses droits ; que si, en application de l'article L. 626-21 du code de commerce, l'inscription d'une créance au plan ne préjuge pas de son admission définitive au passif et si les sommes à répartir correspondant aux créances litigieuses ne sont versées qu'à compter de leur admission définitive au passif, le plan de sauvegarde doit néanmoins prévoir le règlement de toutes les créances déclarées, même si elles sont contestées, peu important leur caractère exigible ou non ; que le créancier qui soutient que le plan de sauvegarde ne prévoit pas le règlement de la totalité de sa créance déclarée dispose d'un moyen propre rendant recevable sa tierce opposition au jugement arrêtant un tel plan ; qu'en l'espèce, les sociétés BAT et BTI ont déclaré une créance d'un montant total de 781.984.968,43 € au titre des frais de justice accordés par la High court of justice (10,2 M€), de la procédure pendante devant la cour d'appel anglaise au titre des dividendes versés par la société Sequana en mai 2009 (197,9 M€) et en décembre 2008 (564,1 M€), et des coûts de la procédure pendante devant la cour d'appel anglaise (9,6 M€) ; que cette créance est traitée comme faisant l'objet d'une instance en cours au jour du jugement d'ouverture de la procédure de sauvegarde ; qu'il ressort des termes du jugement que : - la proposition de plan présentée par la société Sequana reposait sur la prise en compte d'un passif de 65 M€ le reste du passif déclaré étant écarté car constitutif de créances fiscales provisionnelles "a priori sans fondement" (33 M€), de garanties données par le débiteur au profit de ses filiales "qui n'ont pas, sauf défaillance de ces filiales, vocation à être mises en oeuvre" (267 M€) et de créances contestées ou faisant l'objet d'une instance en cours (810 M€), la créance des sociétés BAT et BTI étant classée dans cette dernière catégorie pour le montant déclaré (782 M€) ; toutefois la proposition de plan prévoyait le paiement en numéraire de la créance provisionnelle pour frais de justice à titre provisionnel en dix annuités sans que le montant de cette créance ne soit précisé, - à l'audience la société Sequana a précisé que la valeur des titres Arjowiggins et des titres Antalis permettrait de "faire face, le cas échéant, à une confirmation en appel du jugement en première instance intervenu dans le litige BAT" ;
Cour d'appel de Versailles 13, Cour de cassation Chambre commerciale financière et économique, décision 18-23.749 du 21/10/2020, partie 3
la cour observe que la créance résultant de cette confirmation s'élève aux sommes de 138,4 M$, de 43 M€ et de 9,6 M£ à titre de provision pour frais de justice, - le juge-commissaire a proposé, en conséquence de la levée du sursis à exécution de la condamnation prononcée par la High court of justice, et du refus des sociétés BAT et BTI des propositions du plan, de "fusionner la créance provisionnelle au titre des frais de justice et le reste de la créance déclarée en une seule créance assujettie au plan proposé pour les "autres créances" ", - dans ses motifs, le tribunal entend fixer pour les créanciers qui ont refusé la proposition de plan un calendrier d'apurement intégral identique à celui retenu pour "les autres créances", précise que, dans le cas des instances en cours, les règlements n'interviendront qu'à compter de l'admission définitive de la créance et que, la décision de la cour d'appel de Londres pouvant avoir une incidence déterminante sur l'issue du plan de sauvegarde et en bouleverser l'économie, "dans les six mois du rendu d'une décision définitive dans ce litige, la société Sequana, et à défaut l'un ou l'autre des co-commissaires à l'exécution du plan, devra saisir le tribunal d'une requête en vue de solliciter la modification du plan de sauvegarde aux fins de l'adapter aux conséquences de la décision rendue" ; le tribunal indique également que les états prévisionnels et les éléments fournis à l'audience montrent que la société Sequana devrait être en mesure de faire face aux échéances et à une éventuelle confirmation en appel de la condamnation intervenue en première instance dans le litige BAT/BTI (souligné par la cour), - dans le plan arrêté, le tribunal dit que "les autres créanciers, y compris ceux ayant refusé le plan ou ayant apporté une réponse conditionnée, seront remboursés de leur créance définitivement admise en 10 annuités selon l'échéancier suivant", que "les créances faisant l'objet d'une instance en cours relèvent de cette catégorie", que "dans le cas d'instance en cours les règlements n'interviendront qu'à compter de l'admission définitive de la créance" ; qu'il résulte de ces différentes mentions que le tribunal n'a pas défini expressément le montant du passif pris en compte dans le plan qu'il a ainsi arrêté ; qu'il n'a pas non plus déterminé le montant de la créance des sociétés BAT et BTI dont le règlement est prévu dans ce plan ; qu'en effet, si le juge-commissaire a proposé de prendre en compte non seulement la créance dite provisionnelle de frais justice mais aussi "le reste de la créance déclarée", le tribunal n'a pas entendu suivre cette proposition dès lors qu'aux termes du plan arrêté les créanciers ayant refusé le plan, comme l'ont fait les sociétés BAT et BTI, ne sont remboursés que de leur créance définitivement admise et non de leur créance déclarée ; qu'au demeurant, les organes de la procédure soutiennent que le plan arrêté par le tribunal tient compte de l'intégralité des créances déclarées en faisant valoir que "cet échéancier permettra le remboursement de la créance des appelantes aux frais de justice et à la condamnation prononcée en première instance si celle-ci venait à être confirmée en appel" ; que cette lecture du jugement confirme que le tribunal n'a pas prévu le règlement de la totalité de la créance déclarée par les sociétés appelantes ; que les sociétés BAT et BTI disposent dès lors d'un moyen propre rendant recevable leur tierce opposition au jugement arrêtant le plan ; que le jugement frappé d'appel doit donc être infirmé en toutes ses dispositions sans qu'il soit nécessaire de répondre au moyen soutenu par les appelantes relativement à la fraude à leurs droits ; que, sur le bien fondé de la tierce opposition : le plan de sauvegarde doit prévoir le règlement de toutes les créances déclarées, même si elles sont contestées, peu important leur caractère exigible ou non et les chances de succès de la contestation élevée par le débiteur ; qu'or, le plan arrêté par le tribunal prévoit le règlement en dix ans de la créance des sociétés BAT et BTI définitivement admise et non de leur créance déclarée ; qu'il résulte en outre des explications des intimées et de la clause du plan prévoyant une saisine du tribunal aux fins de sa modification qu'est seule prise en considération par le plan tout au plus la créance telle que définie par la condamnation de la société Sequana en première instance et non la créance déclarée en sa totalité ; qu'en tout état de cause, la seule prise en considération de la créance des sociétés BAT et BTI par le plan sans modalité de leur règlement complet ne répond pas aux exigences légales qui imposent qu'un plan de sauvegarde prévoit le règlement de toutes les créances déclarées ; que telle est également le cas du plan présenté par la société Sequana qui prévoit le règlement de seulement M€ du passif déclaré ; que pour ce seul motif le jugement arrêtant le plan doit être infirmé et le plan proposé par la société Sequana rejeté ;
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que les sociétés appelantes font également grief au plan de traiter différemment les créanciers chirographaires en ce que le plan prévoit le règlement des créances fiscales et sociales en cinq annuités et celui des créances liées aux contrats de location et de crédit-bail, à la fourniture de biens ou de services - y compris intragroupe - et aux mandats sociaux dans les trois mois de son arrêté ; qu'aux termes de l'article L. 626-18 du code de commerce le tribunal donne acte des délais et remises acceptés par les créanciers mais peut réduire ces délais et remises, d'une part, et le tribunal impose des délais uniformes de paiement aux seuls créanciers qui ont refusé la proposition de plan, d'autre part ; qu'il en résulte que l'égalité de traitement des créanciers s'impose au tribunal s'agissant des seuls créanciers ayant refusé la proposition de plan ; qu'or les créanciers sociaux et fiscaux ont en l'espèce accepté un paiement échelonné de leurs créances sur dix ans et le tribunal a réduit ces délais à cinq ans à la suite des réquisitions du ministère public en ce sens, et ce conformément aux dispositions de l'article L. 626-18 sus rappelées ; que, de même, si la situation financière de la société Sequana rendait peu opportun un paiement dans les trois mois de l'arrêté du plan plutôt qu'un rééchelonnement des créances liées aux contrats de location et de crédit-bail, à la fourniture de biens ou de services et aux mandats sociaux ou aux contrats de travail, ce traitement différencié par rapport aux autres créances chirographaires est justifié par l'acceptation de la proposition du plan par ces créanciers, leur caractère non contesté et leur lien direct avec l'exploitation de la société Sequana, fût-elle une holding ; qu'aucune violation du principe d'égalité de traitement des créanciers n'est ainsi caractérisée ; qu'enfin, en ne rappelant pas les dispositions de l'article L. 626-21 du code de commerce selon lesquelles la juridiction saisie du litige peut décider que le créancier participera à titre provisionnel, en tout ou en partie, aux répartitions faites avant l'admission définitive", le tribunal, qui n'a pas l'obligation de rappeler dans son jugement les dispositions légales, n'a pas violé l'article L. 626-21 ; que la tierce opposition étant jugée bien fondée en ce que ni le plan arrêté par le tribunal ni le plan proposé par la société Sequana ne prévoit le règlement de la totalité des créances déclarées, il n'y a pas lieu d'apprécier le second moyen tiré de la fraude soutenu par les sociétés appelantes » (p. 7-10) ; 1°) Alors que la tierce opposition n'est ouverte au créancier contre le jugement ayant arrêté le plan de sauvegarde que lorsque ledit créancier dispose d'un moyen qui lui est propre ; qu'un moyen propre est un moyen que n'aurait pas pu faire valoir le représentant du créancier ; que le moyen par lequel un créancier conteste la manière dont le plan a pris en considération sa créance contestée ne constitue pas un moyen propre ; qu'au cas présent, les sociétés BAT et BTI se bornaient à soutenir que le plan ne prenaient pas suffisamment en considération les créances contestées dès lors qu'il était uniquement prévu une modification du plan en cas d'infirmation de la décision rendue par la High court de Londres ; qu'un tel moyen, qui se borne à contester les modalités de prise en compte d'une créance contestée, n'est pas un moyen propre aux sociétés BAT et BTI ; qu'en déclarant néanmoins leur tierce opposition recevable, la cour d'appel a violé les articles L. 661-3 du code de commerce et 583 du code de procédure civile ; 2°) Alors que les sociétés BAT et BTI ont, depuis l'arrêt attaqué, renoncé au solde de la créance initialement demandée devant les juges anglais et dont la prétendue absence de prise en compte a conduit la cour d'appel à rejeter le plan de sauvegarde ; que, du fait de cette renonciation, la décision attaquée sera annulée pour perte de son fondement juridique ; 3°) Alors que la Cour of Appeals a, dans sa décision du 6 février 2019, non frappée de recours, rejeté l'appel formé contre le jugement de la High Court et rejetant donc définitivement le solde de la créance des sociétés BAT et BTI et dont la prétendue absence de prise en compte a conduit la cour d'appel à rejeter le plan de sauvegarde ; que, du fait de cette décision, la décision attaquée sera annulée pour perte de son fondement juridique ; 4°) Alors en tout état de cause que si le plan de sauvegarde doit prendre en considération toute créance, même contestée, et prévoir les modalités de son règlement, le juge arrêtant le plan peut se permettre, s'agissant des créances contestées et dont les possibilités d'admission apparaissent réduites, de prévoir que leur paiement n'interviendra qu'en cas d'infirmation de la décision de fond l'ayant rejetée, après modification du plan suivant saisine dans les six mois de ladite décision ;
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qu'au cas présent, en jugeant que le plan n'aurait pas prévu le règlement de la partie contestée de la créance des sociétés BAT et BTI au motif qu'était seule prévue, en cas d'infirmation de la société de la High Court de Londres, la modification du plan suivant saisine dans les six mois, la cour d'appel a violé l'article L. 626-21 du code de commerce.
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R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 21 OCTOBRE 2020 La société Tradi art construction, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , anciennement dénommée Bâtir construction, a formé le pourvoi n° K 18-25.749 contre l'arrêt rendu le 12 octobre 2018 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 6), dans le litige l'opposant à la société Ca Vi Ma, société civile immobilière, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Barbot, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de la société Tradi art construction, de la SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de la société Ca Vi Ma, après débats en l'audience publique du 15 juillet 2020 où étaient présents M. Rémery, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Barbot, conseiller référendaire rapporteur, Mme Vaissette, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 12 octobre 2018), le 27 mai 2009, la société civile immobilière Ca Vi Ma (la SCI) a confié à la société Tradi Art, devenue la société Bâtir construction (la société Bâtir), puis la société Tradi art construction, un marché de travaux de gros oeuvre sur un immeuble à usage de logements et de commerces, pour le prix de 1 333 540 euros. Le 10 mai 2011, les parties ont conclu un avenant pour des travaux supplémentaires. La réception des travaux, avec réserves, est intervenue le 10 mai 2012. Le 13 avril 2012, la société Bâtir a dressé un décompte général définitif chiffrant le montant restant dû à la somme principale de 217 463,18 euros, outre des intérêts moratoires. Le 4 janvier 2013, la SCI a payé la somme de 54 157,12 euros. 2. La société Bâtir a assigné la SCI en paiement des sommes correspondant au solde du marché et à ses dépenses au titre du compte « prorata », avec application des pénalités de retard sur le fondement de l'article L. 441-6 du code de commerce, ainsi qu'en paiement d'une créance d'intérêts de retard dans le paiement des acomptes de travaux, calculée en application du même texte. Examen des moyens Sur le premier moyen, pris en sa première branche, le deuxième moyen, pris en sa première branche, et le troisième moyen, pris en sa première branche, ci-après annexés 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche, le deuxième moyen, pris en sa seconde branche, et le troisième moyen, pris en sa deuxième branche, rédigés en termes similaires, réunis Enoncé des moyens 4. Premier moyen : la société Bâtir, devenue la société Tradi art construction, fait grief à l'arrêt de condamner la SCI à lui payer la somme de 37 037,72 euros assortie seulement des intérêts au taux légal à compter du 19 juin 2014, au titre du compte prorata, alors « qu'en application de l'article L. 441-6 du code de commerce, les pénalités dues en cas de retard de paiement sont calculées en appliquant le taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de dix points de pourcentage ; que ces dispositions s'appliquent à tout contrat de vente ou de prestation de service conclu entre professionnels, même non commerçants ; qu'en se fondant sur le fait qu'il n'était pas démontré que la Sci Ca Vi Ma eût la qualité de commerçant pour écarter l'article L. 441-6 et la condamner à payer la somme de 37 037,72 euros TTC au titre du compte prorata avec intérêt au taux légal à compter du 19 juin 2014, la cour d'appel a violé l'article L. 441-6 du code de commerce par refus d'application. »
Cour d'appel de Paris G6, Cour de cassation Chambre commerciale financière et économique, décision 18-25.749 du 21/10/2020, partie 1
5. Deuxième moyen : la société Bâtir, devenue la société Tradi art construction, fait grief à l'arrêt de condamner la SCI à lui payer la somme de 93 310,16 euros assortie seulement des intérêts au taux légal à compter du 19 juin 2014 au titre du solde du marché, alors « qu'en application de l'article L. 441-6 du code de commerce, les pénalités dues en cas de retard de paiement sont calculées en appliquant le taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de dix points de pourcentage ; que ces dispositions s'appliquent à tout contrat de vente ou de prestation de service conclu entre professionnels, même non commerçants ; qu'en se fondant sur le fait qu'il n'était pas démontré que la Sci Ca Vi Ma eût la qualité de commerçant pour écarter l'article L. 441-6 et la condamner à payer la somme de 93 310,16 euros TTC au titre du solde du marché avec intérêt au taux légal à compter du 19 juin 2014, la cour d'appel a violé l'article L. 441-6 du code de commerce. » 6. Troisième moyen : la société Bâtir, devenue la société Tradi art construction, fait grief à l'arrêt de rejeter ses autres demandes, en ce comprise celle tendant au paiement d'une somme de 12 516,57 euros correspondant aux intérêts moratoires dus pour le retard dans le paiement des acomptes, alors « que les dispositions de l'article L. 441-6 du code de commerce prévoyant le paiement d'intérêts moratoires en cas de retard de paiement, s'appliquent à tout contrat de vente ou de prestation de service conclu entre professionnels, même non commerçants ; qu'en l'espèce, la société Bâtir construction demandait que la Sci Ca Vi Ma soit condamnée à lui verser la somme de 12 516,57 euros correspondant aux intérêts moratoires stipulés dans le cahier des clauses administratives particulières en cas de retard dans le paiement des acomptes ; qu'elle faisait valoir que les acomptes nos 1, 12, 13 et 15 avaient été payés avec retard et que le cahier des clauses administratives particulières prévoyait qu'en cas de retard de paiement, les sommes dues au titre des acomptes porteraient de plein droit intérêt au taux des obligations cautionnées de la Banque de France augmenté de 2,5 % ; qu'elle soutenait que si le cahier des clauses administratives particulières stipulait que les intérêts de retard seraient dus à compter de la mise en demeure adressée par l'entrepreneur à la Sci Ca Vi Ma, une telle clause était contraire à l'article L. 441-6 du code de commerce en tant qu'elle subordonnait l'exigibilité des intérêts à une mise en demeure préalable et que cette dernière stipulation devait dès lors être réputée non écrite ; qu'en se fondant, pour écarter l'application de l'article L. 441-6 du code de commerce et retenir que les intérêts contractuels n'étaient pas dus faute de mise en demeure avant le 19 juin 2014, sur le fait qu'il n'était pas démontré que la Sci Ca Vi Ma eût la qualité de commerçant pour rejeter la demande de la société Bâtir construction, la cour d'appel a violé l'article L. 441-6 du code de commerce. » Réponse de la Cour Vu l'article L. 441-6, I, du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 24 avril 2019 : 7. Les pénalités de retard prévues par ce texte, qui sont dues de plein droit, sans rappel et sans avoir à être mentionnées dans le contrat, et sont notamment applicables aux acomptes dus en vertu d'un marché de travaux, s'appliquent, selon l'alinéa 1 du texte, aux relations entre, d'un côté, tout producteur, prestataire de services, grossiste ou importateur, de l'autre, tout acheteur de produits ou tout demandeur de prestations de services qui contracte pour son activité professionnelle. 8. Pour assortir les condamnations de la SCI à payer à la société Bâtir les sommes de 37 037,72 euros au titre du compte prorata et 93 310,16 euros au titre du solde du marché des seuls intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure, et pour rejeter la demande de la société Bâtir tendant à la condamnation de la SCI au paiement d'intérêts dus en raison du retard dans le paiement des acomptes du marché en cause, l'arrêt retient que la société Bâtir ne démontre pas que la SCI ait agi, en l'espèce, en qualité de commerçant, ni que le marché de travaux constitue pour celle-ci un acte de commerce. L'arrêt en déduit que, la société Bâtir ne démontrant pas que le code de commerce soit applicable en l'espèce, il convient d'écarter l'application de l'article L. 441-6 du code de commerce.
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9. En statuant par de tels motifs tirés des seuls faits que la SCI n'avait pas la qualité de commerçant et qu'elle n'avait pas davantage conclu un acte de commerce, impropres à écarter l'application des pénalités de retard prévues par l'article L. 441-6, I du code de commerce à son égard, la SCI pouvant être tenue, le cas échéant, pour un demandeur de prestations de services contractant pour son activité professionnelle au sens de ce texte, la cour d'appel a violé celui-ci. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il assortit des seuls intérêts au taux légal à compter du 19 juin 2014 la condamnation de la SCI Ca Vi Ma à payer à la société Bâtir construction, devenue la société Tradi art construction, la somme de 93 310,16 euros, en ce que, confirmant le jugement entrepris, il assortit des seuls intérêts au taux légal à compter du 19 juin 2014 la condamnation de la SCI Ca Vi Ma à payer à la société Bâtir construction, devenue la société Tradi art construction, la somme de 37 037,72 euros, et en ce que, confirmant le jugement entrepris, il rejette la demande de la société Bâtir construction, devenue la société Tradi art construction, tendant à la condamnation de la SCI Ca Vi Ma au paiement d'intérêts moratoires liés au retard dans le paiement des acomptes du marché de travaux, l'arrêt rendu le 12 octobre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ; Condamne la SCI Ca Vi Ma aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la SCI Ca Vi Ma et la condamne à payer à la société Tradi art construction la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un octobre deux mille vingt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour la société Tradi art construction. PREMIER MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la Sci Ca Vi Ma à payer à la société Bâtir construction la somme de trente-sept mille trente-sept euros soixante-douze centimes (37.037,72 euros TTC) assortie seulement des intérêts au taux légal à compter du 19 juin 2014, au titre du compte prorata ; AUX MOTIFS QUE, sur les intérêts moratoires, la société appelante réclame : au titre du retard dans le paiement des acomptes mensuels, la somme de 12 516,57 €, avant capitalisation, au titre du retard dans le paiement du solde du marché, des intérêts au taux de 17 % ou à défaut au taux de 11 % à titre principal à compter du 13 juin 2012, à titre subsidiaire à compter du 19 juin 2014, au titre du retard dans le paiement du compte prorata, des intérêts au taux de 17 % ou à défaut au taux de 11 % à titre principal à compter du 25 janvier 2012, à titre subsidiaire à compter du 19 juin 2014 ; qu'elle fonde ses demandes sur les dispositions des articles L 441-6 alinéas 8, 9 et 12 du code de commerce et L 111-3 alinéas 2, 3 et 5 du code de la construction et de l'habitation ; que cependant, la société Bâtir construction ne démontre pas que la Sci Ca Vi Ma ait agi en l'espèce en qualité de commerçant ni que le marché de travaux constitue pour celle-ci un acte de commerce ; qu'ainsi, elle ne démontre pas que le code de commerce soit applicable en l'espèce ; que dès lors il convient d'écarter l'application de l'article L 441-6 du code de commerce ; que de même l'application de l'article L 111-3-1 du code de la construction et de l'habitation doit être écartée, dès lors qu'il dispose dans son dernier alinéa qu'il est applicable entre professionnels soumis au code de commerce ; qu'il convient en conséquence de se référer aux dispositions du CCAP ; qu'aux termes de l'article 0.72 du CCAP : « Si l'acompte, régulièrement demandé par l'entrepreneur et accepté par l'architecte, reste impayé à la date convenue (art. 0.743), tout entrepreneur peut mettre en demeure le maître d'ouvrage de remplir ses engagements. À dater de cette mise en demeure, les sommes qui demeurent impayées dans les délais prévus au marché porteront de plein droit intérêt aux taux des obligations cautionnées de la Banque de France, augmentées de 2,5 %. » ;
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qu'en l'espèce, la mise en demeure de payer, adressée par le conseil de la société Bâtir Construction à la Sci, est en date du 19 juin 2014 ; qu'en conséquence il convient de confirmer le jugement en ce que la demande en paiement d'une somme de 47.669,14 €, réduite à 12 516,57 € en appel, à titre d'intérêts de retard antérieurs à cette date, a été rejetée ; que la Sci soutient à juste titre que le taux d'intérêt prévu à l'article 0.72 du CCAP n'est applicable qu'à la proposition d'acompte sur état de situation ou sur mémoire ; qu'en effet, cet article est intitulé « Proposition d'acompte sur état de situation ou sur mémoire » ; que s'agissant du solde du marché, ni l'article 0.73 relatif à la « Proposition pour solde de tout compte », ni l'article 0.744 relatif au « Décompte général définitif » ne prévoient de taux d'intérêt particulier ; qu'en conséquence il convient de faire application du taux d'intérêt légal, à compter de la mise en demeure de payer du 19 juin 2014, tant sur la somme due au titre du solde du marché que sur la somme due au titre du compte prorata ; ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QU'il ne sera pas fait droit à la demande de condamnation au paiement de la somme globale de 47.669,14 euros TTC au titre des intérêts moratoires, puisqu'ils sont calculés sur une base erronée et selon un taux qui n'est pas précisé, alors que le cahier des clauses administratives particulières prévoit qu'à compter de la mise en demeure de payer délivrée par l'entrepreneur, les sommes qui demeurent impayées dans les délais prévus au marché porteront de plein droit intérêt au taux des obligations cautionnées de la banque de France augmentées de 2,5 % ; que le compte prorata est de 2,5 % du montant TTC des travaux et sera fixé à la somme de 37.037,72 euros TTC qui est dû par la Sci Ca Vi Ma à la société Bâtir construction gestionnaire du compte prorata ; qu'en conséquence, il incombe de condamner la Sci Ca Vi Ma à payer à la société Bâtir Construction les sommes de : 58.335,69 euros TTC au titre du solde de marché, avec intérêts au taux contractuel des obligations cautionnées de la Banque de France augmentées de 2,5 %, à compter du 19 juin 2014, date de la mise en demeure de payer délivrée par lettre recommandée avec accusé de réception, 37.037,72 euros TTC au titre du compte prorata, avec intérêts au taux légal à compter du 19 juin 2014, en l'absence de stipulations contractuelles sur un taux d'intérêt à ce titre ; 1) ALORS QUE les juges du fond, qui doivent en toutes circonstances faire observer et observer eux-mêmes le principe du contradictoire, ne peuvent fonder leur décision sur un moyen qu'ils ont relevé d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en retenant, pour écarter l'application de l'article L. 441-6 du code de commerce, que la Sci Ca Vi Ma n'avait pas la qualité de commerçant, sans avoir au préalable invité les parties à s'expliquer sur ce moyen relevé d'office, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ; 2) ALORS QU'en application de l'article L. 441-6 du code de commerce, les pénalités dues en cas de retard de paiement sont calculées en appliquant le taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage ; que ces dispositions s'appliquent à tout contrat de vente ou de prestation de service conclu entre professionnels, même non commerçants ; qu'en se fondant sur le fait qu'il n'était pas démontré que la Sci Ca Vi Ma eût la qualité de commerçant pour écarter l'article L. 441-6 et la condamner à payer la somme de 37.037,72 euros TTC au titre du compte prorata avec intérêt au taux légal à compter du 19 juin 2014, la cour d'appel a violé l'article L. 441-6 du code de commerce par refus d'application ; 3) ALORS QUE les pénalités de paiement prévue par l'article L. 441-6 code de commerce, en cas de retard de paiement, sont dues de plein droit, même en l'absence de stipulation contractuelle prévoyant leur application ; qu'en se fondant sur le fait que le marché de travaux ne contenait aucune stipulation contractuelle fixant le taux d'intérêt applicable en cas de retard de paiement du solde définitif du compte prorata pour écarter l'article L. 441-6 et condamner la Sci Ca Vi Ma à payer la somme de 37.037,72 euros TTC au titre du compte prorata avec intérêt au taux légal à compter du 19 juin 2014, la cour d'appel a violé l'article L. 441-6 du code de commerce. DEUXIÈME MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné la Sci Ca Vi Ma à payer à la société Bâtir construction la somme de 93.310,16 € TTC avec seulement les intérêts au taux légal à compter du 19 juin 2014 ;
Cour d'appel de Paris G6, Cour de cassation Chambre commerciale financière et économique, décision 18-25.749 du 21/10/2020, partie 4
AUX MOTIFS QUE sur les intérêts moratoires, la société appelante réclame : au titre du retard dans le paiement des acomptes mensuels, la somme de 12.516,57 €, avant capitalisation, au titre du retard dans le paiement du solde du marché, des intérêts au taux de 17 % ou à défaut au taux de 11 % à titre principal à compter du 13 juin 2012, à titre subsidiaire à compter du 19 juin 2014, au titre du retard dans le paiement du compte prorata, des intérêts au taux de 17 % ou à défaut au taux de 11 % à titre principal à compter du 25 janvier 2012, à titre subsidiaire à compter du 19 juin 2014 ; qu'elle fonde ses demandes sur les dispositions des articles L 441-6 alinéas 8, 9 et 12 du code de commerce et L 111-3 alinéas 2, 3 et 5 du code de la construction et de l'habitation ; que cependant, la société Bâtir construction ne démontre pas que la Sci Ca Vi Ma ait agi en l'espèce en qualité de commerçant ni que le marché de travaux constitue pour celle-ci un acte de commerce ; qu'ainsi, elle ne démontre pas que le code de commerce soit applicable en l'espèce ; que dès lors il convient d'écarter l'application de l'article L 441-6 du code de commerce ; que de même l'application de l'article L 111-3-1 du code de la construction et de l'habitation doit être écartée, dès lors qu'il dispose dans son dernier alinéa qu'il est applicable entre professionnels soumis au code de commerce ; qu'il convient en conséquence de se référer aux dispositions du CCAP ; qu'aux termes de l'article 0.72 du CCAP : « Si l'acompte, régulièrement demandé par l'entrepreneur et accepté par l'architecte, reste impayé à la date convenue (art. 0.743), tout entrepreneur peut mettre en demeure le maître d'ouvrage de remplir ses engagements. À dater de cette mise en demeure, les sommes qui demeurent impayées dans les délais prévus au marché porteront de plein droit intérêt aux taux des obligations cautionnées de la Banque de France, augmentées de 2,5 %. » ; qu'en l'espèce, la mise en demeure de payer, adressée par le conseil de la société Bâtir Construction à la Sci, est en date du 19 juin 2014 ; qu'en conséquence il convient de confirmer le jugement en ce que la demande en paiement d'une somme de 47.669,14 €, réduite à 12.516,57 € en appel, à titre d'intérêts de retard antérieurs à cette date, a été rejetée ; que la Sci soutient à juste titre que le taux d'intérêt prévu à l'article 0.72 du CCAP n'est applicable qu'à la proposition d'acompte sur état de situation ou sur mémoire ; qu'en effet, cet article est intitulé « Proposition d'acompte sur état de situation ou sur mémoire » ; que s'agissant du solde du marché, ni l'article 0.73 relatif à la « Proposition pour solde de tout compte », ni l'article 0.744 relatif au « Décompte général définitif » ne prévoient de taux d'intérêt particulier ; qu'en conséquence il convient de faire application du taux d'intérêt légal, à compter de la mise en demeure de payer du 19 juin 2014, tant sur la somme due au titre du solde du marché que sur la somme due au titre du compte prorata ; 1) ALORS QUE les juges du fond, qui doivent en toutes circonstances faire observer et observer eux-mêmes le principe du contradictoire, ne peuvent fonder leur décision sur un moyen qu'ils ont relevé d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en retenant, pour écarter l'application de l'article L. 441-6 du code de commerce, que la Sci Ca Vi Ma n'avait pas la qualité de commerçant, sans avoir au préalable invité les parties à s'expliquer sur ce moyen relevé d'office, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ; 2) ALORS QU'en application de l'article L. 441-6 du code de commerce, les pénalités dues en cas de retard de paiement sont calculées en appliquant le taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage ; que ces dispositions s'appliquent à tout contrat de vente ou de prestation de service conclu entre professionnels, même non commerçants ; qu'en se fondant sur le fait qu'il n'était pas démontré que la Sci Ca Vi Ma eût la qualité de commerçant pour écarter l'article L. 441-6 et la condamner à payer la somme de 93.310,16 euros TTC au titre du solde du marché avec intérêt au taux légal à compter du 19 juin 2014, la cour d'appel a violé l'article L. 441-6 du code de commerce. TROISIÈME MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté toutes les autres demandes plus amples ou contraires, des parties ;
Cour d'appel de Paris G6, Cour de cassation Chambre commerciale financière et économique, décision 18-25.749 du 21/10/2020, partie 5
AUX MOTIFS QUE, sur les intérêts moratoires, la société appelante réclame : au titre du retard dans le paiement des acomptes mensuels, la somme de 12 516,57 €, avant capitalisation, au titre du retard dans le paiement du solde du marché, des intérêts au taux de 17 % ou à défaut au taux de 11 % à titre principal à compter du 13 juin 2012, à titre subsidiaire à compter du 19 juin 2014, au titre du retard dans le paiement du compte prorata, des intérêts au taux de 17 % ou à défaut au taux de 11 % à titre principal à compter du 25 janvier 2012, à titre subsidiaire à compter du 19 juin 2014 ; qu'elle fonde ses demandes sur les dispositions des articles L 441-6 alinéas 8, 9 et 12 du code de commerce et L 111-3 alinéas 2, 3 et 5 du code de la construction et de l'habitation ; que cependant, la société Bâtir construction ne démontre pas que la Sci Ca Vi Ma ait agi en l'espèce en qualité de commerçant ni que le marché de travaux constitue pour celle-ci un acte de commerce ; qu'ainsi, elle ne démontre pas que le code de commerce soit applicable en l'espèce ; que dès lors il convient d'écarter l'application de l'article L 441-6 du code de commerce ; que de même l'application de l'article L 111-3-1 du code de la construction et de l'habitation doit être écartée, dès lors qu'il dispose dans son dernier alinéa qu'il est applicable entre professionnels soumis au code de commerce ; qu'il convient en conséquence de se référer aux dispositions du CCAP ; qu'aux termes de l'article 0.72 du CCAP : « Si l'acompte, régulièrement demandé par l'entrepreneur et accepté par l'architecte, reste impayé à la date convenue (art. 0.743), tout entrepreneur peut mettre en demeure le maître d'ouvrage de remplir ses engagements. À dater de cette mise en demeure, les sommes qui demeurent impayées dans les délais prévus au marché porteront de plein droit intérêt aux taux des obligations cautionnées de la Banque de France, augmentées de 2,5 %. » ; qu'en l'espèce, la mise en demeure de payer, adressée par le conseil de la société Bâtir Construction à la Sci, est en date du 19 juin 2014 ; qu'en conséquence il convient de confirmer le jugement en ce que la demande en paiement d'une somme de 47.669,14 €, réduite à 12.516,57 € en appel, à titre d'intérêts de retard antérieurs à cette date, a été rejetée ; que la Sci soutient à juste titre que le taux d'intérêt prévu à l'article 0.72 du CCAP n'est applicable qu'à la proposition d'acompte sur état de situation ou sur mémoire ; qu'en effet, cet article est intitulé « Proposition d'acompte sur état de situation ou sur mémoire » ; que s'agissant du solde du marché, ni l'article 0.73 relatif à la « Proposition pour solde de tout compte », ni l'article 0.744 relatif au « Décompte général définitif » ne prévoient de taux d'intérêt particulier ; qu'en conséquence il convient de faire application du taux d'intérêt légal, à compter de la mise en demeure de payer du 19 juin 2014, tant sur la somme due au titre du solde du marché que sur la somme due au titre du compte prorata ; ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QU'il ne sera pas fait droit à la demande de condamnation au paiement de la somme globale de 47.669,14 euros TTC au titre des intérêts moratoires, puisqu'ils sont calculés sur une base erronée et selon un taux qui n'est pas précisé, alors que le cahier des clauses administratives particulières prévoit qu'à compter de la mise en demeure de payer délivrée par l'entrepreneur, les sommes qui demeurent impayées dans les délais prévus au marché porteront de plein droit intérêt au taux des obligations cautionnées de la banque de France augmentées de 2,5 % ; 1) ALORS QUE les juges du fond, qui doivent en toutes circonstances faire observer et observer eux-mêmes le principe du contradictoire, ne peuvent fonder leur décision sur un moyen qu'ils ont relevé d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en l'espèce, la société Bâtir construction demandait que la Sci Ca Vi Ma soit condamnée à lui verser la somme de 12.516,57 euros correspondant aux intérêts moratoires stipulés dans le cahier des clauses administratives particulières en cas de retard dans le paiement des acomptes ; qu'elle faisait valoir que les acomptes nos 1, 12, 13 et 15 avaient été payés avec retard et que le cahier des clauses administratives particulières prévoyait qu'en cas de retard de paiement, les sommes dues au titre des acomptes porteraient de plein droit intérêt au taux des obligations cautionnées de la Banque de France augmenté de 2,5 % ; quelle soutenait que si le cahier des clauses administratives particulières stipulait que les intérêts de retard seraient dus à compter de la mise en demeure adressée par l'entrepreneur à la Sci Ca Vi Ma, une telle clause était contraire à l'article L. 441-6 du code de commerce en tant qu'elle subordonnait l'exigibilité des intérêts à une mise en demeure préalable et que cette dernière stipulation devait dès lors être réputée non écrite (concl.
Cour d'appel de Paris G6, Cour de cassation Chambre commerciale financière et économique, décision 18-25.749 du 21/10/2020, partie 6
Bâtir construction, p. 32) ; qu'en retenant, pour écarter l'application de l'article L. 441-6 du code de commerce, que la Sci Ca Vi Ma n'avait pas la qualité de commerçant, sans avoir préalablement invité les parties à s'expliquer sur ce moyen relevé d'office, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ; 2) ALORS QUE les dispositions de l'article L. 441-6 du code de commerce prévoyant le paiement d'intérêts moratoires en cas de retard de paiement, s'appliquent à tout contrat de vente ou de prestation de service conclu entre professionnels, même non commerçants ; qu'en l'espèce, la société Bâtir construction demandait que la Sci Ca Vi Ma soit condamnée à lui verser la somme de 12.516,57 euros correspondant aux intérêts moratoires stipulés dans le cahier des clauses administratives particulières en cas de retard dans le paiement des acomptes ; qu'elle faisait valoir que les acomptes n°s 1, 12, 13 et 15 avaient été payés avec retard et que le cahier des clauses administratives particulières prévoyait qu'en cas de retard de paiement, les sommes dues au titre des acomptes porteraient de plein droit intérêt au taux des obligations cautionnées de la Banque de France augmenté de 2,5 % ; Qu'elle soutenait que si le cahier des clauses administratives particulières stipulait que les intérêts de retard seraient dus à compter de la mise en demeure adressée par l'entrepreneur à la Sci Ca Vi Ma, une telle clause était contraire à l'article L. 441-6 du code de commerce en tant qu'elle subordonnait l'exigibilité des intérêts à une mise en demeure préalable et que cette dernière stipulation devait dès lors être réputée non écrite (concl. Bâtir construction, p. 32) ; qu'en se fondant, pour écarter l'application de l'article L. 441-6 du code de commerce et retenir que les intérêts contractuels n'étaient pas dus faute de mise en demeure avant le 19 juin 2014, sur le fait qu'il n'était pas démontré que la Sci Ca Vi Ma eût la qualité de commerçant pour rejeter la demande de la société Bâtir construction, la cour d'appel a violé l'article L. 441-6 du code de commerce ; 3) ALORS QUE les pénalités de retard prévues par l'article L. 441-6 du code de commerce sont exigibles de plein droit, sans qu'un rappel soit nécessaire ; que ces dispositions sont d'ordre public ; que doit donc être réputée non écrite, la clause prévoyant que les factures impayées à leur échéance ne produiront intérêt qu'à compter de la mise en demeure de payer adressée par le créancier au débiteur ; qu'en se fondant, pour rejeter la demande de condamnation de la Sci Ca Vi Ma aux intérêts contractuels pour retard dans le paiement des acomptes, sur le fait que le cahier des clauses administratives particulières stipulait qu'en cas de retard de paiement les sommes dues porteraient intérêt à compter de la mise en demeure adressée par l'entrepreneur au maître de l'ouvrage et que la société Bâtir construction n'avait adressé une telle mise en demeure que le 19 juin 2014 (arrêt, p. 7, §§ 5 et 6), la cour d'appel a violé l'article L. 441-6 du code de commerce.
Cour d'appel de Paris G6, Cour de cassation Chambre commerciale financière et économique, décision 18-25.749 du 21/10/2020, partie 7
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 14 OCTOBRE 2020 M. A... J..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° E 19-17.836 contre l'arrêt rendu le 11 avril 2019 par la cour d'appel de Bordeaux (chambre sociale, section B), dans le litige l'opposant à la société [...], société anonyme, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Pietton, conseiller, les observations écrites de la SCP Rousseau et Tapie, avocat de M. J..., de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société [...], après débats en l'audience publique du 1er septembre 2020 où étaient présents Mme Leprieur, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Pietton, conseiller rapporteur, Mme Marguerite, conseiller référendaire ayant voix délibérative, et Mme Lavigne, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article L. 431-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision. 1. Le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. 2. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi. EN CONSÉQUENCE, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne M. J... aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze octobre deux mille vingt. MOYEN ANNEXE à la présente décision Moyen produit par la SCP Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour M. J... Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement du conseil de prud'hommes qui avait constaté l'absence de tout contrat de travail et de tout lien de subordination entre M. J... et la société [...] et s'était déclaré incompétent au profit du tribunal de commerce d'Angoulême ; Aux motifs que sur la relation de travail au cours de la période du 4 novembre 2014 au 4 novembre 2015, aux termes du protocole transactionnel du 4 novembre 2014 conclu avec la société HP Partners et la société [...], M. J... a démissionné de ses mandats d'administrateur et de directeur général, a cédé la majorité des actions de la société [...] à la société HP Partners et s'est engagé à créer une société dans le but de devenir consultant pour une durée d'un an au profit exclusif de la société [...] et à raison d'une disponibilité à temps plein, moyennant une rémunération mensuelle de 11 097,27 euros, dans le but d'accompagner la société dans une phase de transition ; que le même jour, la société Pondichéry Conseil dont M. J... était l'unique actionnaire et la société [...] ont conclu un contrat de prestation de service aux termes duquel la société Pondichéry Conseil met M. J... à disposition de la société [...] pour une durée d'un an afin que celui-ci apporte à la nouvelle direction son savoir-faire et son assistance dans le domaine stratégique, juridique, opérationnel et technique et contribue à aider la société HP Partners W&S à trouver un repreneur dans un délai d'un an ; que bien que la signature à venir d'un contrat de prestation de services soit incluse dans le protocole transactionnel, la société [...] ne conteste pas que la convention de prestation est un acte distinct ne liant pas les mêmes parties ; que dès lors, le protocole transactionnel ne fait pas obstacle à un examen de la demande de requalification de la convention de prestation de service en contrat de travail ; qu'il résulte des articles L. 1221-1 et suivants du code du travail, que le contrat de travail suppose un engagement à travailler pour le compte et sous la subordination d'autrui moyennant rémunération ; que le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; que l'existence d'un contrat de travail dépend, non pas de la volonté manifestée par les parties ou de la dénomination de la convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité du travailleur ; qu'en l'espèce, il résulte du préambule de la convention de prestation de services que « M. J... a accepté d'accompagner la nouvelle direction pendant une période de 12 mois. En outre, à la demande d'HP Partners W&S, il a également accepté d'accompagner HP Partners W&S dans le processus de cession globale » ;
Cour d'appel de Bordeaux 4B, Cour de cassation Chambre sociale, décision 19-17.836 du 14/10/2020, partie 1
que la convention prévoit, par ailleurs, que la société Pondichéry Conseil apportera conseil et assistance à la société [...] : - dans l'exercice des fonctions de direction générale - dans l'élaboration du développement de l'entreprise - en matière d'investissement - dans la recherche de partenaires nouveaux - dans les relations avec les partenaires extérieurs et dans le suivi des contentieux juridiques - dans le domaine technique (distillation, commercialisation des produits...) et aidera les mandataires sociaux de la société [...] à rencontrer des tiers acquéreurs et à répondre à leurs interrogations sur le fonctionnement de l'entreprise ; que, de fait, M. J... a assuré l'intégralité de ces missions sous couvert de la société Pondichéry Conseil ; que compte tenu des termes de cette convention qui prévoit que M. J... demeure autonome, indépendant et libre de s'organiser comme il l'entend en dehors de tout lien de subordination, il lui appartient ci de démontrer qu'il exerçait ces attributions dans le cadre d'un lien hiérarchique ; que la circonstance que M. J... soit mis à disposition de la société à temps complet et s'engage à travailler dans les locaux de l'entreprise et aux heures d'ouverture de celle-ci ne caractérise pas, en soi, l'existence d'un lien hiérarchique dans la mesure où cette clause contractuelle constitue la garantie d'une bonne exécution de la prestation de service au regard de l'ampleur des missions confiées à l'intéressé, lesquelles impliquaient une forte disponibilité de l'intéressé en lien permanent avec les services de l'entreprise ; qu'aucune pièce du dossier ne démontre que les nouveaux administrateurs de la société ont contrôlé durant les 12 mois de la mission les horaires de travail de M. J... et lui ont donné des instructions quant à l'organisation de son travail ; que M. J... reconnaît, d'ailleurs, lui-même, dans ses écritures qu'il assurait, de fait, des fonctions de directeur général telles qu'il les exerçait antérieurement, c'est à dire en toute autonomie dans leur exercice quotidien ; que contrairement à ce que prétend M. J..., il ne ressort pas des échanges des courriels avec les administrateurs ou les dirigeants de la société produits que ceux-ci lui donnaient des instructions sur la manière de conduire ses missions ; que l'examen de ces courriels montre, en effet, d'une part, que M. J... informait les dirigeants sur certains sujets comme l'engagement de frais de mission, certains choix stratégiques dont la scission entre le négoce et le stock de Cognac, les négociations en vue de la cession du stock ou l'organisation de salons, ce, sans recevoir, en retour, des directives précises, d'autre part, qu'il entretenait encore des relations commerciales avec des clients de l'entreprise et qu'il prenait contact avec de nouveaux clients de sa propre initiative en se présentant comme le dirigeant de la société et en développant sa propre stratégie commerciale ; qu'il découle de ces éléments que M. J... ne rapporte pas la preuve que, sous couvert d'une convention de prestation de service, il travaillait en qualité de salarié pour le compte de la société [...] entre le 4 novembre 2014 au 4 novembre 2015 ; que sur la période du 5 novembre 2015 au 7 juin 2016, la convention de prestation de service était expirée à cette date ; qu'il résulte des pièces du dossier que M. J... a continué d'avoir une activité commerciale pour le compte de la société [...] jusqu'au 7 juin 2016 en vue, notamment, de trouver un acquéreur ; que rien ne permet, cependant, d'établir que M. J... a travaillé comme salarié, les rares documents produits sur cette période ne caractérisant pas davantage que sur la période précédente l'existence d'un lien de subordination, étant observé que M. J... n'a pas réclamé de rémunération au titre de cette relation et a proposé de poursuivre sa mission dans la perspective de trouver un acquéreur et de percevoir ainsi le complément de prix prévu par le protocole transactionnel ; qu'ainsi, la preuve d'un contrat de travail au bénéfice de M. J... n'est pas établie sur cette période ; que le jugement sera, en conséquence, confirmé en ce qu'il a débouté M. J... de l'ensemble de ses demandes au titre de l'exécution et de la rupture d'un contrat de travail ; Alors 1°) qu'est salarié le consultant qui, sous couvert d'un contrat de prestation de services conclu par une société créée à cette fin dont il est l'unique associé, est mis à disposition d'une entreprise, avec obligation d'accomplir lui-même diverses tâches, notamment techniques, à au profit exclusif de cette dernière, à temps plein, dans ses locaux et aux heures d'ouverture qu'elle décide, moyennant une rémunération fixe mensuelle garantie ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que selon un protocole d'accord conclu avec la société HP Partners W&S et la société [...], M. J... s'est engagé à créer une société dans le but de devenir consultant, pour un an, « au profit exclusif de la société [...] et à raison d'une disponibilité à temps plein, moyennant une rémunération mensuelle de 11 097,27 euros » ;
Cour d'appel de Bordeaux 4B, Cour de cassation Chambre sociale, décision 19-17.836 du 14/10/2020, partie 2
que la société dont M. J... était unique actionnaire a conclu avec la société [...] un contrat de prestation de services le mettant personnellement « à disposition de la société [...] » pendant un an afin que « celui-ci apporte à la nouvelle direction son savoir-faire et son assistance dans le domaine stratégique, juridique, opérationnel et technique », pour exercer des fonctions de direction générale, développer l'entreprise, en matière d'investissements, rechercher des partenaires, gérer les relations avec les partenaires extérieurs, le suivi des contentieux, le domaine technique (distillation, commercialisation des produits), et aider les mandataires à rencontrer des tiers acquéreurs ; que la cour a encore relevé que « de fait, M. J... a assuré l'intégralité de ces missions sous couvert de la société Pondichéry Conseil », a été « mis à disposition de la société à temps complet » et s'est engagé « à travailler dans les locaux de l'entreprise et aux heures d'ouverture de celle-ci » ; qu'en ne tirant pas les conséquences légales de ses propres constatations, dont il résultait que M. J... travaillait dans un état de subordination à l'égard de la société [...], la cour d'appel a violé les articles L. 1221-1 et L. 1411-1 du code du travail ; Alors 2°) et en tout état de cause, que caractérise l'existence d'un contrat de travail, l'accomplissement personnel, sous couvert d'une prestation de service, d'un travail par une personne ne pouvant développer aucune clientèle personnelle, qui n'assume aucun risque économique, qui perçoit une rémunération fixe mensuelle garantie et dont les frais sont pris en charge, pouvant se déplacer sur demande du bénéficiaire aux frais de ce dernier « dans le respect de la procédure de validation des déplacements en vigueur au sein du groupe », qui travaille avec les moyens matériels et humains qui lui sont fournis et qui doit rendre compte de son activité ; qu'en l'espèce, M. J... a soutenu que la société [...] l'avait privé de toute possibilité d'avoir d'autres clients, l'avait soumis à une obligation d'exclusivité, lui assurait une rémunération fixe qui était garantie même si elle ne faisait pas appel à lui, prenait en charge ses frais, notamment de déplacements pour lesquels il devait respecter la procédure en vigueur dans le groupe, qu'il ne supportait aucun aléa ou risque financier, que la société avait mis à sa disposition ses locaux, outils de travail, une adresse électronique, qu'il travaillait avec le personnel de la société pour accomplir ses fonctions ; qu'il était soumis à l'obligation de tenir informé régulièrement la société du travail accompli en faisant « état de l'avancement de ses missions à la fin de chaque mois » ; qu'en ne recherchant pas, ainsi qu'elle y était invitée, si cette situation, ajoutée aux autres éléments constatés par l'arrêt, n'impliquait pas que M. J... avait travaillé dans un état de subordination envers la société [...], la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de articles L. 1221-1 L. 1411-1 du code du travail ; Alors 3°) que n'exclut pas l'existence d'un contrat de travail la liberté et l'autonomie dans l'organisation du travail et l'absence de directive précise concernant les prestations à effectuer ; qu'en se fondant sur les circonstances qu'aucune pièce ne démontrait que les nouveaux administrateurs de la société avaient contrôlé les horaires de travail de M. J..., lui avaient donné des instructions quant à l'organisation de son travail, que M. J... reconnaissait dans ses écritures assurer, de fait, des fonctions de directeur général telles qu'il les exerçait antérieurement, en toute autonomie dans leur exercice quotidien, qu'il ne ressortait pas des échanges des courriels avec les administrateurs ou les dirigeants d'instructions sur la manière de conduire ses missions, M. J... informant les dirigeants sur certains sujets sans recevoir, en retour, de directives précises, inopérantes pour exclure, sous couvert d'une convention de prestation de services, un travail salarié pour le compte de la société [...], qu'il devait accomplir personnellement, à temps plein, à titre exclusif, dans ses locaux, aux jours et horaires déterminés par celle-ci, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1221-1 et L. 1411-1 du code du travail.
Cour d'appel de Bordeaux 4B, Cour de cassation Chambre sociale, décision 19-17.836 du 14/10/2020, partie 3
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 14 OCTOBRE 2020 M. K... Y..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° D 18-24.409 contre l'arrêt rendu le 13 septembre 2018 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 7), dans le litige l'opposant à la société Deutsche Bank Aktiengesellschaft (Deutsche Bank AG), dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Pécaut-Rivolier, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de M. Y..., de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de la société Deutsche Bank Aktiengesellschaft, après débats en l'audience publique du 2 septembre 2020 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Pécaut-Rivolier, conseiller rapporteur, M. Le Masne de Chermont, conseiller référendaire, ayant voix délibérative, et Mme Piquot, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article L. 431-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 13 septembre 2018), M. Y... a été engagé par la société Deutsche Bank Aktiengesellschaft (la société Deutsche Bank AG) à compter du 10 octobre 2005, en qualité de « Research analyst » affecté au département Global Market au sein de la succursale de Paris. 2. A compter du 1er octobre 2008, le salarié a été détaché auprès de la succursale de la société Deutsche Bank AG à Dubaï pour exercer les mêmes fonctions pendant une durée de deux ans jusqu'au 30 septembre 2010. A l'issue de la période de détachement, le 27 septembre 2010, le salarié a conclu avec la succursale de la société Deutsche Bank AG à Dubaï un contrat de travail à durée indéterminée soumis au droit local en qualité de directeur de la recherche pour la région MENA au sein de la division Global Market. 3. Le 28 octobre 2010, le salarié a adressé à la succursale parisienne de la société Deusche Bank AG une lettre confirmant sa démission de la société Deutsche Bank à Paris à compter du 30 septembre 2010. 4. Il a été licencié pour motif économique le 5 juillet 2011 par la succursale de Dubaï de la société Deutsche Bank AG. 5. Le 15 juillet 2012, le salarié a signé avec la succursale de Dubaï de la société Deutsche Bank AG une convention rappelant les sommes qui lui avaient déjà été versées à la fin de son contrat de travail, à titre de prime de départ, de congés payés restant dûs, et la somme à lui verser avant le 15 août 2012 à titre d'indemnité de bonne fin de ses obligations contractuelles, et prévoyant une renonciation du salarié à toute prétention et action en justice contre la société au titre de son contrat de travail et de la rupture de celui-ci. 6. Reprochant à la société Deutsche Bank AG de ne pas avoir assuré son rapatriement et sa réintégration au sein de la succursale de Paris à la suite de son licenciement par la succursale de Dubaï et subsidiairement de l'avoir contraint à démissionner, le 7 décembre 2012, le salarié a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes notamment à titre de licenciement sans cause réelle et sérieuse. Examen du moyen Enoncé du moyen 7. Le salarié fait grief à l'arrêt de déclarer ses demandes irrecevables, alors : « 1°/ que le juge est tenu par l'autorité de la chose définitivement jugée qui est attachée à une précédente décision rendue dans le cadre de la même action ; qu'en l'espèce dans son jugement rendu le 16 décembre 2014, devenu définitif, le conseil de prud'hommes de Paris avait retenu, dans ses motifs, que les demandes du salarié étaient dirigées contre le ‘'premier employeur ‘' et après avoir en conséquence constaté, dans son dispositif, ‘'l'existence d'un contrat de travail de droit français ayant lié M. K... Y... à la société Deutsche Bank AG de Paris ‘' il s'était déclaré compétent pour connaître du litige ; qu'il en résultait que cette décision avait jugé que M. Y... avait eu deux employeurs distincts, la société Deutsche Bank AG de Paris en premier lieu, Deutsche Bank de Dubaï en second lieu ;
Cour d'appel de Paris, Cour de cassation Chambre sociale, décision 18-24.409 du 14/10/2020, partie 1
que dès lors en affirmant, pour dire que l'accord conclu le 15 juillet 2012 par M. Y... et la Deutsche Bank de Dubaï, par lequel le salarié renonçait à toute action en justice à l'encontre de cette dernière, s'étendait à l'action en justice qu'il dirigeait à l'encontre de la société Deutsche Bank concernant l'emploi qu'il avait occupé au sein de la Deutsche Bank de Paris, que M. Y... n'avait eu qu'un unique employeur en la personne de la société Deutsche Bank de droit allemand dont les entités de Paris et Dubaï n'étaient que des succursales, la Cour d'appel a méconnu l'autorité de la chose jugée du jugement du conseil des prud'hommes de Paris du 16 décembre 2014, en violation de l'article 1351 devenu 1355 du code civil ; 2°/ que subsidiairement la fraude corrompt tout ; qu'en l'espèce, il résulte des propres constatations de l'arrêt et des pièces produites que le premier contrat de travail conclu par M. Y... le 20 juin 2005 l'avait été avec la ‘' Deutsche Bank AG succursale de Paris ‘' qui, à son terme, lui avait établi un certificat de travail et une attestation Pôle emploi, que son second contrat de travail conclu le 27 septembre 2010 l'avait été avec la ‘' Deutsche Bank AG Dubaï Branch ‘', que le salarié avait démissionné le 28 octobre 2010 auprès de la ‘' Deutsche Bank Paris suite à son engagement par Deutsche Bank Dubaï ‘', que c'était la ‘' Deutsche Bank AG Dubaï Branch ‘' qui l'avait licencié le 5 juillet 2011 et qui avait conclu avec lui, le 15 juillet 2012, une convention par laquelle M. Y... renonçait, en contrepartie des sommes qu'elle lui versait, à agir en justice contre elle ; qu'il résultait par ailleurs du jugement rendu le 16 décembre 2014 par le conseil des prud'hommes de Paris que la société Deutsche Bank avait soulevé l'incompétence de la juridiction prud'homale française au profit des juridictions dubaïotes, en faisant valoir que ‘' le salarié a signé un second contrat de travail avec une société de droit étranger et que les litiges ayant trait à ce contrat sont soumis à la compétence des juridictions dubaïotes ‘' et que ‘' la succursale de Paris doit être mise hors de cause compte tenu du contrat signé par le salarié le 27 septembre 2010 ‘' ; qu'en jugeant, en dépit de ces circonstances, que la société Deutsche Bank pouvait opposer au salarié qu'il n'existait qu'un seul employeur et qu'un seul contrat de travail dans le but d'étendre les effets de la renonciation à agir qu'il avait consentie au bénéfice de la Deutsche Bank de Dubaï suite à son licenciement par cette dernière, à sa relation de travail au sein de la succursale de Paris sous contrat de travail français, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la société Deutsche Bank n'avait pas frauduleusement manoeuvré comme s'il existait deux employeurs et deux contrats de travail distincts, rendant inopposable à ce dernier l'unicité d'employeur que cette société invoquait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe selon lequel la fraude corrompt tout ; 3°/ que très subsidiairement, l'accord du 15 juillet 2012 précisait qu'il intervenait dans le contexte suivant : ‘' votre emploi avec la société a pris fin le 4 octobre 2011 par suite de votre licenciement. Suite aux discussions entre les parties, la présente convention définit les conditions dans lesquelles vous acceptez de renoncer à toute revendications présentes ou futures à l'encontre de la société ou de toute autre société du groupe concernant votre emploi et votre licenciement ‘' ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt que la Deutsche Bank avait été l'employeur de M. Y... et son cocontractant dans le cadre d'un premier contrat de travail de droit français exécuté à Paris puis à Dubaï dans le cadre d'un détachement et qui avait pris fin le 30 septembre 2010 par la démission du salarié, puis dans le cadre d'un second contrat de travail de droit dubaïote exécuté à Dubaï qui avait pris fin par le licenciement du salarié à effet du 4 octobre 2011 ; que dès lors, en jugeant que M. Y... ne pouvait soutenir que la convention du 15 juillet 2012 ne concernait que son activité au sein de la succursale de Dubaï à l'exclusion de celle au sein de la succursale de Paris, lorsque sa renonciation n'était relative qu'à son emploi ayant pris fin par son licenciement le 4 octobre 2011, soit son contrat de travail dubaïote exclusivement, la cour d'appel a violé l'article 1134 devenu 1103 du code civil ; 4°/ qu'en tout état de cause, pour établir le caractère équivoque de sa démission adressée à la Deutsche Bank de Paris, M. Y... faisait valoir que celle-ci avait été donnée le 28 octobre 2010 ‘' avec effet rétroactif au 30 septembre 2010'‘, que la Deutsche Bank de Paris, qui l'avait acceptée, ne lui avait nullement demandé d'effectuer son préavis ni ne l'avait dispensé de son exécution et qu'elle avait établi une attestation pôle emploi sur laquelle elle avait coché non pas la case ‘' démission ‘' mais la case ‘' autre motif ‘' et précisé ‘' Fin de contrat d'expatriation et contrat local Dubaï ‘' ;
Cour d'appel de Paris, Cour de cassation Chambre sociale, décision 18-24.409 du 14/10/2020, partie 2
que la cour d'appel a elle-même constaté que cette ‘' démission ‘' évoquait l'échange de plusieurs mails et était intervenue suite à la signature, un mois plus tôt, d'un contrat de travail dubaïote avec la Deutsche Bank de Dubaï ; qu'en retenant que M. Y... ne rapportait la preuve ni des manoeuvres dolosives de l'employeur, ni du caractère équivoque de sa démission, sans s'expliquer sur ces circonstances de nature à établir que ladite démission s'inscrivait dans le cadre d'un montage artificiel intervenu à la demande de l'employeur pour établir une scission de la relation contractuelle, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 8. En premier lieu, l'autorité de chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui fait l'objet d'un jugement et a été tranché dans son dispositif. Le conseil de prud'hommes s'étant borné, dans le dispositif du jugement du 16 décembre 2014, à constater l'existence d'un contrat de travail de droit français ayant lié M. Y... à la société Deutsche Bank AG de Paris et à se déclarer compétent pour connaître du litige, la cour d'appel n'a pas méconnu l'autorité de chose jugée attachée à cette décision en retenant que le salarié avait eu pour seul employeur la société Deutsche Bank AG dont les entités de Paris et Dubaï n'étaient que des succursales. 9. En deuxième lieu, le salarié n'ayant pas invoqué le moyen tiré de la fraude devant la cour d'appel, celle-ci n'était pas tenue de procéder à une recherche qui ne lui était pas demandée. 10. En troisième lieu, la cour d'appel, qui a constaté que la société Deutsche Bank AG justifiait que les deux entités en cause à Paris et Dubaï étaient des succursales ne disposant pas d'une personnalité morale distincte ni d'un patrimoine propre à la différence de sociétés filiales, de sorte que la société Deutsche Bank AG avait été l'unique employeur du salarié, d'abord dans le cadre d'un contrat de travail de droit français, au sein de la succursale de Paris, puis à Dubaï par l'effet du contrat de détachement sans modification de l'entité de rattachement d'origine, ayant pris fin le 30 septembre 2010, et ensuite dans le cadre d'un contrat de travail de droit dubaïote au sein de la succursale de Dubaï, a pu en déduire que la convention du 15 juillet 2012, soumise au droit dubaïote et dont la validité n'était pas contestée par le salarié, aux termes de laquelle celui-ci renonçait à toute action contre la société en relation avec son contrat de travail en contrepartie du paiement des sommes mentionnées dans cet accord, concernait l'activité du salarié au sein tant de la succursale de Dubaï que de celle de Paris. 11. Enfin, la cour d'appel, qui a constaté que le salarié ne rapportait pas la preuve des manoeuvres dolosives invoquées et que les termes de sa lettre de démission intervenue un mois après la signature du contrat de droit dubaïote et rappelant des échanges de courriels, étaient clairs et précis, a pu en déduire, sans être tenue de suivre le salarié dans le détail de son argumentation, que le caractère équivoque de sa démission n'était pas établi. 12. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne M. Y... aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze octobre deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour M. Y... IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR réformé le jugement en ce qu'il avait débouté M. Y... de ses demandes et d'AVOIR déclaré les demandes de M. Y... irrecevables AUX MOTIFS QUE « M. K... Y... a été engagé suivant contrat à durée indéterminée du 20 juin 2005 à effet du 10 octobre 2005 par la Deutsche Bank AG pour exercer dans la succursale de Paris l'emploi de "Research Analyst" au sein du département Global Markets, cadre de banque, niveau K, selon la convention collective de la banque signée le 10 janvier 2000. Sa rémunération annuelle était fixée à 110 000 € versée en 13 mensualités, outre un bonus de 120 000 € au titre de l'exercice 2005 payable en mars 2006. A compter du 1er octobre 2008, M. Y... a été détaché auprès de la succursale de Dubaï pour exercer les mêmes fonctions pendant une durée de deux ans jusqu'au 30 septembre 2010, moyennant un salaire de base porté à 660 000 AED (Dirham des Emirats Arabes Unis) soit 140 000 € bruts, un bonus potentiel, une indemnité pour véhicule de fonction de 66 060 AED (14 000 €), une indemnité de logement de 189 000 AED bruts annuelle (40 000 €), une indemnité de déménagement de 82 575 AED (17 500 €). M. Y... restait rattaché à la Deutsche Bank AG succursale de Paris.
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A compter de février 2010, sa rémunération annuelle a été portée à 1 100 000 AED (228 730 €). A l'issue de la période de détachement de deux ans, M. Y... est demeuré à DUBAI et a signé le 27 septembre 2010 une convention à durée indéterminée avec la Deutsche Bank AG, en sa succursale de Dubaï, en qualité de Directeur de la Recherche pour la région MENA au sein de la division Global Market, moyennant le même salaire fixe, une prime discrétionnaire annuelle d'intéressement, une indemnité portée à 269 500 AED (57 000 €) pour son logement et à 66 060 AED (14 000 €) pour le véhicule, contrat rédigé en anglais, soumis au droit et aux tribunaux du Centre Financier International de DUBAI. Le 28 octobre 2010, M. Y... a adressé à la Deutsche Bank succursale de Paris, un courrier confirmant sa démission de Deutsche Bank Paris à compter du 30 septembre 2010, suite à son engagement avec la Deutsche Bank Dubaï. Le 5 juillet 2011 M. Y... a fait l'objet d'un licenciement non fautif par la Deutsche Bank succursale de Dubaï et son contrat a pris fin le 4 octobre 2011. Le 15 juillet 2012, une convention a été signée entre la Deutsche Bank AG Dubaï Branch (succursale) et M. Y... rappelant que la compagnie lui avait réglé à la fin de son contrat de travail une somme de 63 287,67 AED à titre de prime de départ pour la période du 1er octobre 2010 à la fin du contrat, 38 077 AED au titre des 9 jours de congés payés non pris à la date de la fin de contrat et devait lui verser avant le 15 août 2012 une somme de 586 750 AED (125 000 €) à titre d'indemnité de bonne fin de ses obligations contractuelles. Cet accord aux termes de l'article 5 prévoyait une renonciation du salarié à toute prétention et action en justice contre la société au titre de son contrat de travail et de la rupture de ce contrat. L'article II prévoyait en outre que cette convention était régie et interprétée conformément aux lois du Centre Financier international de Dubaï et soumis à ses juridictions. Par courrier du 5 novembre 2012, indiquant avoir été contraint de démissionner de ses fonctions auprès de la succursale de Paris à la demande de sa hiérarchie pour les poursuivre au sein de la succursale dubaïote, puis d'assurer seul son rapatriement et celui de sa famille, suite à son licenciement un an plus tard, sans réintégration dans la succursale parisienne, M. Y... a sollicité de la société Deutsche Bank AG, succursale de Paris, l'indemnisation de son préjudice et à défaut fait part de son intention de saisir la juridiction compétente. Sans réponse de la Deutsche Bank, M. Y... a saisi le conseil de prud'hommes de Paris le 7 décembre 2012 afin de voir déclarer que la rupture de son contrat s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, subsidiairement que sa démission est nulle, condamner la société à lui verser des dommages et intérêts et indemnités de rupture -Sur la recevabilité des demandes de M Y... : La société DEUTSCHE BANK verse aux débats dans sa version originale en anglais et dans une traduction française dont les termes ne sont pas discutés une convention signée par M. Y... Le 15 juillet 2012, qui après avoir rappelé la fin de son contrat de travail le 4 octobre 2011 par l'effet de son licenciement économique, mentionne les versements reçus par l'appelant à la fin de son contrat en 2011, en application de la loi et la somme accordée par la société ex gratia (gracieuse) de 586 750 AED devant être versée en août 2012. En son article 5, elle stipule que cet accord constitue le règlement total et définitif de l'ensemble des prétentions et droits d'action en justice quels qu'ils soient que l'employé a ou peut avoir à l'encontre de la société ou d'un tiers en lien avec son emploi et qu'en contrepartie des avantages, engagements et garanties décrits, le salarié décharge et dégage de manière absolue et inconditionnelle la société de toute action en justice, procès, réclamations, plaintes, responsabilités, dommages et intérêts, découlant de son emploi ou cessation d'emploi au sein de la société. Contrairement à ce que prétend M. Y..., cette convention ne peut être considérée comme ne concernant que son activité au sein de la succursale de Dubaï à l'exclusion de celle au sein de la succursale de Paris, du fait de l'existence de deux employeurs successifs. En effet, les pièces produites par la société DEUTSCHE BANK, extrait Kbis du RCS de Paris et licence commerciale et autorisations d'exercer délivrées par les Emirats Arabes Unis, révèlent que les deux entités en cause à Paris et Dubaï sont des succursales de la DEUTSCHE BANK AG société de droit allemand, dont il n'est pas démontré qu'elles disposent d'une personnalité morale distincte de celle de l'intimée, ni d'un patrimoine propre à la différence de sociétés filiales.
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Il s'en déduit que seule la DEUTSCHE BANK AG, société allemande, a été l'employeur de M. Y... et son cocontractant, dans le cadre d'un contrat de travail de droit français, au sein de la succursale de Paris, dans cette ville de 2005 à 2008, puis à Dubaï par l'effet du contrat de détachement sans modification de l'entité de rattachement d'origine (Paris), d'une durée de deux ans qui a pris fin le 30 septembre 2010 et dans un second temps au sein de la succursale de Dubaï dans le cadre d'un contrat de travail de droit dubaïote, modification du contenu et du régime applicables à la relation de travail qui a été acceptée par M. Y..., ce dernier bénéficiant alors de fonctions d'un niveau de responsabilités supérieur et d'avantages et de bonus plus importants. Cette novation du contrat est d'ailleurs attestée par le fait que M. Y... après et en raison de la signature de son contrat de droit dubaïote le 27 septembre 2010 a confirmé sa démission le 28 octobre 2010 de son emploi au sein de la succursale de Paris avec effet rétroactif à la date de fin de son détachement. A cet égard, si M. Y... fait état de manoeuvres dolosives de la part de la banque pour obtenir cette démission, il ne produit pas de pièces accréditant cette allégation dont il lui appartient de rapporter la preuve. De la même façon, l'équivoque de cette décision n'est pas établie, les termes de son courrier intervenu un mois après la signature de son contrat de droit dubaïote et qui rappellent l'échange de plusieurs mails, étant clairs et précis, ce d'autant que comme le relève l'intimée, le niveau de compétence et de responsabilités de l'appelant exclut une méprise sur les conséquences de cette décision. Dès lors, la société DEUTSCHE BANK AG, est fondée à opposer à M. Y... les termes de la convention signée le 15 juillet 2012, convention expressément soumise dans son article 11 aux lois du Dubaï International Financial Centre, dont M. Y... ne remet pas en cause la validité, et qui devant la juridiction prud'homale qui a retenu sa compétence, de manière désormais définitive, ne peut être analysée par référence à la notion de transaction telle qu'appliquée en droit français. Il s'en déduit que suite à la renonciation énoncée dans cet acte à toute action contre la société en relation avec son contrat de travail, en contrepartie du paiement des sommes mentionnées dans l'accord dont le versement est établi par les bulletins de salaire produits par l'intimée et d'ailleurs non discuté par M. Y..., ses demandes doivent être déclarées irrecevables. Le jugement sera réformé en ce sens » 1/ ALORS QUE le juge est tenu par l'autorité de la chose définitivement jugée qui est attachée à une précédente décision rendue dans le cadre de la même action ; qu'en l'espèce dans son jugement rendu le 16 décembre 2014, devenu définitif, le conseil de Prud'hommes de Paris avait retenu, dans ses motifs, que les demandes du salarié étaient dirigées contre le « premier employeur » et après avoir en conséquence constaté, dans son dispositif, « l'existence d'un contrat de travail de droit français ayant lié M. K... Y... à la société Deutsche Bank AG de Paris », il s'était déclaré compétent pour connaître du litige ; qu'il en résultait que cette décision avait jugé que M. Y... avait eu deux employeurs distincts, la société Deutsche Bank AG de Paris en premier lieu, Deutsche Bank de Dubaï en second lieu ; que dès lors en affirmant, pour dire que l'accord conclu le 15 juillet 2012 par M. Y... et la Deutsche Bank de Dubaï, par lequel le salarié renonçait à toute action en justice à l'encontre de cette dernière, s'étendait à l'action en justice qu'il dirigeait à l'encontre de la société Deutsche Bank concernant l'emploi qu'il avait occupé au sein de la Deutsche Bank de Paris, que M. Y... n'avait eu qu'un unique employeur en la personne de la société Deutsche Bank de droit allemand dont les entités de Paris et Dubaï n'étaient que des succursales, la Cour d'appel a méconnu l'autorité de la chose jugée du jugement du conseil des prud'hommes de Paris du 16 décembre 2014, en violation de l'article 1351 devenu 1355 du code civil ; 2/ ALORS subsidiairement QUE la fraude corrompt tout ;
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qu'en l'espèce, il résulte des propres constatations de l'arrêt et des pièces produites que le premier contrat de travail conclu par M. Y... le 20 juin 2005 l'avait été avec la « Deutsche Bank AG succursale de Paris » qui, à son terme, lui avait établi un certificat de travail et une attestation Pôle Emploi, que son second contrat de travail conclu le 27 septembre 2010 l'avait été avec la « Deutsche Bank AG Dubaï Branch », que le salarié avait démissionné le 28 octobre 2010 auprès de la « Deutsche Bank Paris suite à son engagement par Deutsche Bank Dubaï », que c'était la « Deutsche Bank AG Dubaï Branch » qui l'avait licencié le 5 juillet 2011 et qui avait conclu avec lui, le 15 juillet 2012, une convention par laquelle M. Y... renonçait, en contrepartie des sommes qu'elle lui versait, à agir en justice contre elle ; qu'il résultait par ailleurs du jugement rendu le 16 décembre 2014 par le conseil des prud'hommes de Paris que la société Deutsche Bank avait soulevé l'incompétence de la juridiction prud'homale française au profit des juridictions dubaïotes, en faisant valoir que « le salarié a signé un second contrat de travail avec une société de droit étranger et que les litiges ayant trait à ce contrat sont soumis à la compétence des juridictions dubaïotes » et que « la succursale de Paris doit être mise hors de cause compte tenu du contrat signé par le salarié le 27 septembre 2010 » ; qu'en jugeant, en dépit de ces circonstances, que la société Deutsche Bank pouvait opposer au salarié qu'il n'existait qu'un seul employeur et qu'un seul contrat de travail dans le but d'étendre les effets de la renonciation à agir qu'il avait consentie au bénéfice de la Deutsche Bank de Dubaï suite à son licenciement par cette dernière, à sa relation de travail au sein de la succursale de Paris sous contrat de travail français, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la société Deutsche Bank n'avait pas frauduleusement manoeuvré comme s'il existait deux employeurs et deux contrats de travail distincts, rendant inopposable à ce dernier l'unicité d'employeur que cette société invoquait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe selon lequel la fraude corrompt tout ; 3/ ALORS très subsidiairement QUE l'accord du 15 juillet 2012 précisait qu'il intervenait dans le contexte suivant : « votre emploi avec la société a pris fin le 4 octobre 2011 par suite de votre licenciement. Suite aux discussions entre les parties, la présente convention définit les conditions dans lesquelles vous acceptez de renoncer à toute revendications présentes ou futures à l'encontre de la société ou de toute autre société du groupe concernant votre emploi et votre licenciement » ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt que la Deutsche Bank avait été l'employeur de M. Y... et son cocontractant dans le cadre d'un premier contrat de travail de droit français exécuté à Paris puis à Dubaï dans le cadre d'un détachement et qui avait pris fin le 30 septembre 2010 par la démission du salarié, puis dans le cadre d'un second contrat de travail de droit dubaïote exécuté à Dubaï qui avait pris fin par le licenciement du salarié à effet du 4 octobre 2011 ; que dès lors, en jugeant que M. Y... ne pouvait soutenir que la convention du 15 juillet 2012 ne concernait que son activité au sein de la succursale de Dubaï à l'exclusion de celle au sein de la succursale de Paris, lorsque sa renonciation n'était relative qu'à son emploi ayant pris fin par son licenciement le 4 octobre 2011, soit son contrat de travail dubaïote exclusivement, la cour d'appel a violé l'article 1134 devenu 1103 du code civil ; 4/ ALORS en tout état de cause QUE pour établir le caractère équivoque de sa démission adressée à la Deutsche Bank de Paris, M. Y... faisait valoir que celle-ci avait été donnée le 28 octobre 2010 « avec effet rétroactif au 30 septembre 2010 », que la Deutsche Bank de Paris, qui l'avait acceptée, ne lui avait nullement demandé d'effectuer son préavis ni ne l'avait dispensé de son exécution et qu'elle avait établi une attestation pôle emploi sur laquelle elle avait coché non pas la case « démission » mais la case « autre motif » et précisé « Fin de contrat d'expatriation et contrat local Dubaï » (conclusions d'appel de l'exposant p 27-28) ; que la cour d'appel a elle-même constaté que cette « démission » évoquait l'échange de plusieurs mails et était intervenue suite à la signature, un mois plus tôt, d'un contrat de travail dubaïote avec la Deutsche Bank de Dubaï ; qu'en retenant que M. Y... ne rapportait la preuve ni des manoeuvres dolosives de l'employeur, ni du caractère équivoque de sa démission, sans s'expliquer sur ces circonstances de nature à établir que ladite démission s'inscrivait dans le cadre d'un montage artificiel intervenu à la demande de l'employeur pour établir une scission de la relation contractuelle, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.
Cour d'appel de Paris, Cour de cassation Chambre sociale, décision 18-24.409 du 14/10/2020, partie 6
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 14 OCTOBRE 2020 IRRECEVABILITE, REJET et CASSATION PARTIELLE SANS RENVOI sur les pourvois formés par M. H... L... et M. S... J... contre l'arrêt de la cour d'assises du Var, en date du 11 octobre 2019, qui a condamné, le premier, pour vols avec arme et en bande organisée, dégradations, recels, infractions à la législation sur les armes, violences aggravées et association de malfaiteurs, à vingt ans de réclusion criminelle, le second, pour vols avec armes et en bande organisée, dégradations, recel, violences aggravées et association de malfaiteurs, à quinze ans de réclusion criminelle, et contre l'arrêt du même jour, par lequel la Cour a prononcé sur les intérêts civils. Les pourvois sont joints en raison de la connexité. Des mémoires en demande ont été produits. Sur le rapport de M. de Larosière de Champfeu, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. H... L..., et les conclusions de Mme Moracchini, avocat général, après débats en l'audience publique du 2 septembre 2020 où étaient présents M. Soulard, président, M. de Larosière de Champfeu, conseiller rapporteur, M. Moreau, conseiller de la chambre, et Mme Guichard, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée, en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. Trois vols avec armes ont été commis dans les casinos de Cassis, le 27 février 2011, et d'Aix-en-Provence, le 18 avril et le 26 juin 2011. Des véhicules ont été volés, recelés et détruits à ces occasions. Des violences aggravées ont été commises sur des policiers, lors des faits du 26 juin 2011. 3. M. L... a été impliqué dans tous ces faits, et M. J... dans ceux qui ont été commis le 26 juin 2011. Tous deux ont été renvoyés devant la cour d'assises des Bouches-du-Rhône, par arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, du 7 juin 2016. 4. Par arrêt du 30 juin 2017, la cour d'assises des Bouches-du-Rhône a déclaré M. L... coupable, l'a condamné à dix-sept ans de réclusion criminelle et a acquitté M. J.... Par arrêt distinct du même jour, elle a prononcé sur les intérêts civils. 5. M. L... a relevé appel de l'arrêt pénal et de l'arrêt civil, et le procureur général a formé appel principal de l'arrêt pénal. Une des parties civiles, Mme W... a fait appel de l'arrêt civil. Examen de la recevabilité des pourvois 6. M. L... s'est pourvu en cassation contre l'arrêt pénal, par une déclaration faite, le 11 octobre 2019, au chef de l'établissement pénitentiaire où il est détenu. 7. Il en résulte que le demandeur ayant épuisé, par cette déclaration de pourvoi, son droit de se pourvoir en cassation contre l'arrêt pénal, la déclaration de pourvoi formée en son nom, par un avocat, le 14 octobre 2019, visant l'arrêt pénal et l'arrêt civil, est irrecevable en tant qu'elle concerne l'arrêt pénal. Examen des moyens Sur les quatre moyens proposés pour M. L... et sur les quatre premiers moyens proposés pour M. J... 8. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission des pourvois au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. 9. Par ailleurs, la procédure suivie devant la cour d'assises est régulière, et les faits, souverainement constatés par la cour et le jury, justifient les qualifications et les peines. 10. Il en résulte que le pourvoi formé par M. L... le 11 octobre 2019, le pourvoi qu'il a formé le 14 octobre 2019 sur l'arrêt civil et le pourvoi de M. J..., en tant qu'il porte sur l'arrêt pénal, seront rejetés. Mais sur le cinquième moyen proposé pour M. J... Enoncé du moyen 11. Le moyen reproche à l'arrêt civil infirmatif attaqué d'avoir condamné M. J... à payer à titre de dommages et intérêts, solidairement avec M. H... L..., la somme de 2 490 euros à M. R... C..., la somme de 10 000 euros à MM. G... T..., B... M... et Y... N..., la somme de 7 000 euros à M. P... A... et la somme de 30 000 euros à la société pour le développement touristique de Cassis, ainsi que, au titre des frais d'instance, la somme de 3 000 euros à M. R... C..., alors :
décision 19-86.931 du 14/10/2020, partie 1
« 1°/ que les parties civiles disposent, en vertu de l'article 372 du code de procédure pénale, de la possibilité de demander une indemnisation dans le cas où l'accusé est acquitté, et elles peuvent, en application de l'article 380-2 du même code, interjeter appel de la décision qui les débouterait de leurs demandes ; que lorsqu'aucune demande n'a été formée sur le fondement de l'article 372 devant la cour d'assises statuant au premier degré ou aucun appel interjeté contre la décision de débouté ayant suivi l'acquittement de l'accusé, la cour d'assises saisie en appel de l'action publique n'est, en application de l'article 380-2 du code de procédure pénale et sauf exception prévue à l'article 380-6 du même code, pas compétente pour statuer sur l'action civile ; qu'en faisant droit aux demandes d'indemnisation des parties civiles formées à l'encontre de l'accusé en cause d'appel, auxquelles il n'avait pas été fait droit en première instance sans qu'aucun appel n'ait été interjeté, la cour d'assises d'appel a excédé ses pouvoirs et violé les textes susvisés ; 2°/ que l'article 380-6 du code de procédure pénale permet à la partie civile non appelante, qui renouvelle sa constitution devant la cour d'assises statuant en appel, de former des demandes portant sur des dommages et intérêts qui n'avaient pas été accordés en première instance, à la condition que ceux-ci réparent des préjudice subis depuis la décision prononcée par la cour d'assises statuant au premier degré ; qu'en condamnant l'accusé à payer des dommages et intérêts qui n'avaient pas été mis à sa charge en première instance et qui n'ont pas pour objet de réparer des préjudices subis par les parties civiles depuis la décision prononcée par la cour d'assises statuant au premier degré, la cour d'assises a violé l'article 380-6 du code de procédure pénale ; 3°/ que les conclusions d'appel de M. R... C... et de la société pour le développement touristique de Cassis tendant à la confirmation du jugement et ne comportant aucune demande portée contre M. J..., la cour d'assises d'appel n'a pu sans excès de pouvoir, en violation de l'article 371 du code de procédure pénale, condamner ce dernier à les indemniser au titre des préjudices subis et au titre de l'article 375 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour Sur le moyen, pris en ses deux premières branches 12. Selon l'article 380-6 du code de procédure pénale, la cour d'assises, statuant en appel sur l'action civile, ne peut, sur le seul appel de l'accusé, du civilement responsable ou de la partie civile, aggraver le sort de l'appelant. La partie civile ne peut, en cause d'appel, former aucune demande nouvelle ; toutefois, elle peut demander une augmentation des dommages et intérêts pour le préjudice souffert depuis la précédente décision. Même lorsqu'il n'a pas été fait appel de la décision sur l'action civile, la victime constituée partie civile en premier ressort peut exercer, devant la cour d'assises statuant en appel, les droits reconnus à la partie civile jusqu'à la clôture des débats et demander l'indemnisation des dommages subis depuis le prononcé de la décision de première instance, ainsi que des frais non payés par l'Etat et qu'elle a exposés. 13. Cet article n'est pas applicable à la partie civile devant la cour d'assises, statuant en appel, lorsque l'accusé a été acquitté par la cour d'assises en première instance, le procureur général étant seul habilité à relever appel d'une décision d'acquittement. 14. M. J... a été reconnu coupable, par la cour d'assises statuant en appel, des accusations portées contre lui, dont il avait été acquitté en première instance. 15. La cour, par l'arrêt civil attaqué, l'a condamné à verser des dommages et intérêts et des indemnités sur le fondement de l'article 375 du code de procédure pénale, à Mme W..., ainsi qu'à MM. T..., N..., M... et A..., victimes des faits, commis le 26 juin 2011, dont il a été déclaré coupable, après avoir reconnu l'existence du préjudice en résultant pour chacune des parties civiles. 16. En prononçant ainsi, la cour a justifié sa décision et n'a pas encouru les griefs allégués. Mais sur le moyen, pris en sa troisième branche Vu les articles 3 et 371 du code de procédure pénale : 17. Selon le premier de ces textes, l'action civile est recevable pour indemniser les dommages qui résultent des faits, objet de la poursuite. 18. Il résulte du second que, pour réparer les préjudices résultant des infractions dont ils sont saisis, les juges doivent statuer dans la limite des demandes des parties civiles, et ne peuvent condamner un accusé à verser une indemnité à une partie civile qui n'a pas sollicité sa condamnation ou qui n'est pas victime des faits dont il est reconnu coupable. 19. Par l'arrêt civil attaqué, la cour d'assises a condamné M. J... à verser des dommages et intérêts à M. C... et à la société pour le développement touristique de Cassis, parties civiles, ainsi qu'une indemnité à M. C..., sur le fondement de l'article 375 du code de procédure pénale.
décision 19-86.931 du 14/10/2020, partie 2
20. En prononçant ainsi, alors que ces deux parties civiles n'avaient présenté aucune demande de condamnation envers M. J..., qui n'a pas été reconnu coupable des faits dont elles ont été victimes, dont il n'était pas accusé, la cour d'assises a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés. 21. La cassation est encourue. 22. Elle sera limitée aux dispositions de l'arrêt civil ayant condamné M. J... à verser des dommages et intérêts à M. C... et à la société pour le développement touristique de Cassis, ainsi qu'aux dispositions l'ayant condamné à verser une somme sur le fondement de l'article 375 du code de procédure pénale à M. C.... 24. Elle interviendra sans renvoi, la Cour de cassation étant en mesure de faire application de la règle de droit appropriée. PAR CES MOTIFS, la Cour : I Sur le pourvoi formé pour M. L..., le 14 octobre 2019, contre l'arrêt pénal : Le DÉCLARE IRRECEVABLE ; II Sur les pourvois formés par M. L..., le 11 octobre 2019, et le 14 octobre 2019 sur l'arrêt civil, et sur le pourvoi formé par M. J... contre l'arrêt pénal : Les REJETTE ; III Sur le pourvoi formé par M. J... contre l'arrêt civil CASSE et ANNULE, l'arrêt civil susvisé de la cour d'assises du Var, en date du 11 octobre 2019, en ses seules dispositions ayant condamné M. J... à verser des dommages et intérêts à M. C... et à la société pour le développement touristique de Cassis, et l'ayant condamné à verser une somme sur le fondement de l'article 375 du code de procédure pénale à M. C..., toutes autres dispositions de cet arrêt demeurant expressément maintenues ; DIT n'y avoir lieu à renvoi. ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'assises du Var et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le quatorze octobre deux mille vingt.
décision 19-86.931 du 14/10/2020, partie 3
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 8 OCTOBRE 2020 La caisse primaire d'assurance maladie du Gard, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° U 19-17.734 contre l'arrêt rendu le 9 avril 2019 par la cour d'appel de Nîmes (chambre sociale), dans le litige l'opposant à M. M... T..., domicilié [...] , défendeur à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Vieillard, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie du Gard, de Me Ridoux, avocat de M. T..., et l'avis de Mme Ceccaldi, avocat général, après débats en l'audience publique du 1er juillet 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Vieillard, conseiller rapporteur, M. Prétot, conseiller doyen, et Mme Szirek, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 9 avril 2019), M. T... (l'assuré), titulaire d'une pension d'invalidité de 2ème catégorie depuis le 22 juin 1996, a sollicité de la caisse primaire d'assurance maladie du Gard (la caisse) le maintien de cette pension au-delà de l'âge légal de départ à la retraite. La caisse ayant rejeté sa demande, au motif qu'il n'exerçait pas une activité professionnelle rémunérée, l'assuré a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale. Examen des moyens Sur le premier moyen Enoncé du moyen 2. La caisse fait grief à l'arrêt d'annuler sa décision du 3 septembre 2015, de renvoyer l'assuré à faire valoir ses droits auprès d'elle et de la condamner à lui verser la somme de 750 euros à titre de dommages-intérêts, alors « que la pension vieillesse se substitue à la pension d'invalidité au premier jour du mois suivant celui au cours duquel l'assuré a atteint l'âge légal de la retraite, sauf justification par celui-ci de l'exercice d'une activité professionnelle ; que cette exception au principe de substitution implique une poursuite de l'activité professionnelle et ne peut être admise lorsque l'assuré a cessé son activité professionnelle entre la date à laquelle il a atteint l'âge légal de départ à la retraite et le premier jour du mois suivant ; qu'en l'espèce, il a été constaté que M. T... avait atteint l'âge légal de départ à la retraite le 27 mars 2014, que son contrat de travail avait pris fin le 30 mars 2014 et qu'à compter du 1er avril 2014, il avait entamé une période d'essai non rémunérée dans le cadre d'une nouvelle activité ; qu'en considérant qu'il convenait de ne considérer, pour apprécier la condition prise de l'exercice d'une activité professionnelle, que la seule date du 27 mars 2014, peu important que, par la suite, et très rapidement, soit au premier jour du mois suivant, nulle activité professionnelle rémunérée ne puisse être constatée, la cour d'appel a violé les articles L. 341-15 et L. 341-16 du code de la sécurité sociale. » Réponse de la Cour 3. Selon l'article L. 341-15, alinéa 1, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008, applicable au litige, la pension d'invalidité prend fin à l'âge d'ouverture des droits à pension de retraite prévu par l'article L. 351-1. Par dérogation à ces dispositions, lorsque l'assuré exerce une activité professionnelle, la pension de retraite allouée au titre de l'inaptitude au travail n'est concédée que si l'assuré en fait expressément la demande. Pour l'application de ces dispositions, il y a lieu de retenir la date à laquelle l'assuré atteint effectivement l'âge d'ouverture des droits à pension de retraite, indépendamment de la date d'effet de la pension de retraite appelée à se substituer à la pension d'invalidité. 4. Pour accueillir la demande de l'assuré, l'arrêt constate, d'une part, que pour être né le [...] , l'assuré a atteint l'âge légal de départ à la retraite le 27 mars 2014, et, d'autre part, qu'il n'a pas demandé la liquidation de sa pension de vieillesse.
Cour d'appel de Nîmes, Cour de cassation Deuxième chambre civile, décision 19-17.734 du 08/10/2020, partie 1
Il ajoute que l'assuré justifie qu'il exerçait à cette date une activité professionnelle rémunérée, dans le cadre d'un contrat de travail à durée déterminée, qui a pris fin le 31 mars 2014. Il retient qu'il ressort de l'article L. 341-16 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige, que la date à laquelle doit s'apprécier la condition légale exigée pour conserver le bénéfice de la pension d'invalidité, à savoir l'exercice d'une activité professionnelle rémunérée, est celle de l'âge prévu au premier alinéa de l'article L. 351-1 du code de la sécurité sociale et relève qu'à cette date, l'assuré exerçait une activité professionnelle rémunérée. 5. De ces constatations, dont elle a fait ressortir qu'à la date à laquelle il avait atteint l'âge d'ouverture des droits à pension de retraite, l'assuré était titulaire d'un contrat de travail en cours d'exécution et exerçait ainsi une activité professionnelle, la cour d'appel a exactement déduit qu'il pouvait prétendre au maintien de sa pension d'invalidité. 6. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé. Mais sur le second moyen Enoncé du moyen 7. La caisse fait grief à l'arrêt de la condamner à verser à l'assuré la somme de 750 euros à titre de dommages-intérêts alors « que le retard dans le paiement d'une somme d'argent ne peut être réparé que par une condamnation aux intérêts au taux légal ; qu'en condamnant la CPAM à verser à M. T... les sommes de 750 euros de dommages-intérêts pour avoir empêché le paiement en temps et en heure de sa rente invalidité, la cour d'appel a violé l'article 1153 devenu 1231-6 du code civil.» Réponse de la Cour Vu l'article 1231-6 du code civil : 8. Il résulte de ce texte que les dommages-intérêts résultant du retard dans l'exécution d'une obligation ne consistent jamais que dans la condamnation aux intérêts au taux légal. 9. Pour condamner la caisse à payer à l'assuré la somme de 750 euros à titre de dommages-intérêts l'arrêt retient si la caisse a ajouté à la loi en appréciant le maintien du bénéfice de la pension d'invalidité à une autre date que celle à laquelle l'assuré a atteint l'âge légal de départ à la retraite, il ne résulte pas des éléments de la cause qu'elle a fait preuve d'une résistance abusive. Il ajoute qu'en revanche il est certain que cette décision, qui a conduit également la caisse PRO BTP à suspendre le bénéfice de la rente invalidité que cet organisme versait à l'assuré, a engendré des troubles dans sa vie, lesquels seront justement indemnisés par l'octroi de la somme de 750 euros à titre de dommages-intérêts. 10. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé. Portée et conséquences de la cassation 11. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile. 12. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond. 13. Il convient de débouter l'assuré de sa demande de dommages-intérêts. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la caisse primaire d'assurance maladie du Gard à payer à M. T... la somme de 750 euros à titre de dommages-intérêts, l'arrêt rendu le 9 avril 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; Déboute M. T... de sa demande de dommages-intérêts ; Condamne M. T... aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, signé par M. Prétot, conseiller doyen, conformément aux dispositions des articles 456 et 1021 du code de procédure civile, en remplacement du conseiller rapporteur empêché et prononcé par le président en son audience publique du huit octobre deux mille vingt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour la caisse primaire d'assurance maladie du Gard PREMIER MOYEN DE CASSATION
Cour d'appel de Nîmes, Cour de cassation Deuxième chambre civile, décision 19-17.734 du 08/10/2020, partie 2
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir annulé la décision de la Caisse primaire d'assurance maladie du Gard du 3 septembre 2015, d'avoir infirmé la décision de la commission de recours amiable du 4 novembre 2015 et d'avoir renvoyé M. M... T... à faire valoir ses droits auprès de la Caisse primaire d'assurance maladie du Gard et d'avoir condamné la CPAM du Gard à verser la somme de 750 euros à M. T... à titre du dernier montant. AUX MOTIFS PROPRES ET SUBSTITUES QUE « l'article L. 341-16 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction modifiée par la loi n° 2009-1646 du 24 décembre 2009, applicable en l'espèce, prévoit que : « Par dérogation aux dispositions de l'article L. 341-15, lorsque l'assuré exerce une activité professionnelle, la pension de vieillesse allouée au titre de l'inaptitude au travail n'est concédée que si l'assuré en fait expressément la demande. L'assuré qui exerce une activité professionnelle et qui, à l'âge prévu au premier alinéa de l'article L. 351-1, ne demande pas l'attribution de la pension de vieillesse substituée continue de bénéficier de sa pension d'invalidité jusqu'à la date pour laquelle il demande le bénéfice de sa pension de retraite et, au plus tard, jusqu'à l'âge mentionné au 1° de l'article L. 351-8. Dans ce cas, ses droits à l'assurance vieillesse sont ultérieurement liquidés dans les conditions prévues aux articles L. 351-1 et L. 351-8. Toutefois, la pension de vieillesse qui lui est alors servie ne peut pas être inférieure à celle dont il serait bénéficiaire si la liquidation de ses droits avait été effectuée dans les conditions fixées à l'article L. 341-15 ». Selon ce texte, par dérogation aux dispositions de l'article L. 341-15, lorsque l'assuré exerce une activité professionnelle, la pension de vieillesse allouée au titre de l'inaptitude au travail n'est concédée que si l'assuré en fait expressément la demande ; l'intéressé qui ne demande pas l'attribution de la pension substituée, continuant de bénéficier de sa pension d'invalidité jusqu'à la date pour laquelle il demande le bénéfice de sa pension de retraite et au plus tard jusqu'à l'âge mentionné au 1° de l'article L. 351-8 ; pour l'application de ces dispositions, l'exercice d'une activité professionnelle doit s'entendre d'une activité effective. L'article L. 351-8-1° dispose que « Bénéficient du taux plein même s'ils ne justifient pas de la durée requise d'assurance ou de période équivalentes dans le régime général et un ou plusieurs autres régimes obligatoires : 1° Les assurés qui atteignent l'âge prévu à l'article L. 161-17-2 augmenté de cinq années [ ] » En l'espèce, il est constant et non discuté par les parties, d'une part, que, pour être né le [...] , l'assuré a atteint l'âge légal de départ à la retraite le 27 mars 2014, et, d'autre part, qu'il n'a pas demandé la liquidation de sa pension de vieillesse. M. T... justifient qu'il exerçait à cette date une activité professionnelle rémunérée, dans le cadre d'un contrat de travail à durée déterminée le liant à l'association Nidaussel, lequel a pris fin le 31 mars 2014, ainsi qu'en font foi le contrat de travail et les bulletins de salaire, la fiche de paie de mars mentionnant outre le salaire contractuel l'indemnité de fin de contrat et l'indemnité compensatrice de congés payés. En l'état des dispositions légales ci-dessus reproduites, desquelles il ressort que la date à laquelle doit s'apprécier la condition légale exigée pour conserver le bénéfice de la pension d'invalidité, à savoir celle de l'exercice d'une « activité professionnelle rémunérée », est celle de l'âge prévu au premier alinéa de l'article L. 351-1 (« L'assurance vieillesse garantit une pension de retraite à l'assuré qui en demande la liquidation à partir de l'âge mentionné à l'article L. 161-17-2 »), la Caisse primaire d'assurance maladie plaide de manière erronée que la date à laquelle cette condition doit s'apprécier serait la date à partir de laquelle l'assuré percevrait la pension de vieillesse, s'il en faisait la demande, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, soit au 1er avril 2014, premier jour du mois suivant l'âge d'un hypothétique départ à la retraite, observation faite que, si M. T... verse un contrat de travail à durée déterminée daté du 1er avril 2014, et une attestation non probante de son employeur certifiant qu'il « a été embauché à temps partiel au sein de son étude d'huissier le 1er avril 2014 en qualité d'employé de bureau, ainsi que l'atteste son contrat de travail à durée déterminée (mais) que M. T... désirant évaluer sa capacité à assurer des horaires de travail et une fonction (sic !) a effectué une période 3 mois rémunérée » et que « cette période ayant été satisfaisante, il a été confirmé dans sa fonction et les jours de travail non payés ont été récupérés progressivement dans l'année », les bulletins de salaire qu'il communique ne font état du paiement d'un salaire qu'à compter du 1er juillet 2014. Il est remarquable de relever qu'à l'objection soulevée par l'intimé indiquant qu'il a « atteint l'âge légal de la retraite le 27 mars 2014 », et que la caisse primaire d'assurance maladie ajoute à la loi, cette dernière réplique que « la pension vieillesse est versée le premier jour du mois qui suit l'âge légal de la retraite ».
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Il s'infère dont de ses propres écritures que l'âge légal de départ à la retraite de M. T... était le 27 mars 2014 et non le 1er avril 2014, cette dernière n'étant que la date à partir de laquelle aurait été versée la pension vieillesse si l'assuré en avait fait la demande, ce qui n'est pas le cas. Il suit de ce qui précède que M. T..., qui exerçait effectivement une activité professionnelle rémunérée le 27 mars 2014, date à laquelle il a atteint l'âge légal de départ à la retraite et à laquelle s'apprécie la condition légale d'exercice d'une activité professionnelle rémunérée, et au-delà jusqu'au 30 mars suivant, n'ayant pas demandé à bénéficier de sa pension vieillesse, était légalement en droit de continuer à bénéficier de la pension d'invalidité, dont le versement a été interrompu à tort par la caisse primaire d'assurance maladie du Gard. Par motifs substitués, le jugement sera par conséquent confirmé en ce qu'il a accueilli la légitime prétention de l'assuré social » ; ALORS QUE la pension vieillesse se substitue à la pension d'invalidité au premier jour du mois suivant celui au cours duquel l'assuré a atteint l'âge légal de la retraite, sauf justification par celui-ci de l'exercice d'une activité professionnelle ; que cette exception au principe de substitution implique une poursuite de l'activité professionnelle et ne peut être admise lorsque l'assuré a cessé son activité professionnelle entre la date à laquelle il a atteint l'âge légal de départ à la retraite et le premier jour du mois suivant ; qu'en l'espèce, il a été constaté que M. T... avait atteint l'âge légal de départ à la retraite le 27 mars 2014, que son contrat de travail avait pris fin le 30 mars 2014 et qu'à compter du 1er avril 2014, il avait entamé une période d'essai non rémunérée dans le cadre d'une nouvelle activité ; qu'en considérant qu'il convenait de ne considérer, pour apprécier la condition prise de l'exercice d'une activité professionnelle, que la seule date du 27 mars 2014, peu important que, par la suite, et très rapidement, soit au premier jour du mois suivant, nulle activité professionnelle rémunérée ne puisse être constatée, la cour d'appel a violé les articles L. 341-15 et L. 341-16 du code de la sécurité sociale. SECOND MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la CPAM du Gard à verser à M. T... la somme de 750 euros à titre de dommages et intérêts. AUX MOTIFS QUE si la Caisse d'assurance maladie a ajouté à la loi en appréciant le maintien du bénéfice de la pension d'invalidité à une autre date que celle à laquelle l'assuré a atteint l'âge légal de départ à la retraite, il ne résulte pas des éléments de la cause qu'elle a fait preuve d'une résistance abusive ; En revanche, il est certain que cette décision qui a conduit également la caisse PRO BTP à suspendre le bénéfice de la rente invalidité que cet organisme versait à Monsieur T..., ainsi que ce dernier en justifie en pièce 14 de son bordereau, a engendré des troubles dans sa vie, lesquels seront justement indemnisés par l'octroi de la somme de 750 euros à titre de dommages et intérêts. ALORS QUE le retard dans le paiement d'une somme d'argent ne peut être réparé que par une condamnation aux intérêts au taux légal ; qu'en condamnant la CPAM à verser à M. T... les sommes de 750 euros de dommages intérêts pour avoir empêché le paiement en temps et en heure de sa rente invalidité, la Cour d'appel a violé l'article 1153 devenu 1231 § 6 du Code Civil. Le greffier de chambre
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R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 30 SEPTEMBRE 2020 1°/ Mme D... C... , domiciliée [...] , 2°/ Mme S... Q..., domiciliée [...] , ont formé respectivement les pourvois n° H 19-12.272 et G 19-12.273 contre deux arrêts rendu le 2 novembre 2018 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (9e chambre civile A), dans le litige les opposant : 1°/ au syndicat FO-UD 13 des transports et de la logistique, dont le siège est [...] , 2°/ à la société Vortex, société par action unipersonnelle, dont le siège est [...] , 3°/ à M. Y... G..., domicilié [...] , en qualité de mandataire judiciaire de la société Vortex, 4°/ à M. L... N..., domicilié [...] , en qualité de mandataire judiciaire de la société Vortex, 5°/ à la société [...], société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , prise en la personne de M. R... M..., en qualité d'administrateur judiciaire de la société Vortex, 6°/ à M. E... B..., domicilié [...] , en qualité d'administrateur judiciaire de la société Vortex, défendeurs à la cassation. Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur recours, deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Les dossiers ont été communiqués au procureur général. Sur le rapport de Mme Lanoue, conseiller référendaire, les observations de la SARL Cabinet Munier-Apaire, avocat de Mmes Q... et C... , de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Vortex, de MM. G... et N..., en qualité de mandataires judiciaires de la société Vortex, de la société [...] et de M. B..., en qualité d'administrateurs judiciaires de la société Vortex, après débats en l'audience publique du 1er juillet 2020 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Lanoue, conseiller référendaire rapporteur, Mme Ott, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Jonction 1. En raison de leur connexité, les pourvois n° H 19-12.272 et G 19-12.273 sont joints. Désistement partiel 2. Il est donné acte à Mme C... et à Mme Q... du désistement de leur pourvoi respectif en ce qu'il est dirigé contre le syndicat FO-UD 13 des transports et de la logistique. Faits et procédure 3. Selon les arrêts attaqués (Aix en Provence, 2 novembre 2018), le 14 septembre 2012, le syndicat Force ouvrière -UD 13 des transports et de la logistique a envoyé à la société Vortex (la société), employeur de Mme C... et de Mme Q..., la liste de ses candidats aux élections professionnelles, sur laquelle figuraient ces deux salariées. 4. Mme C... a été convoquée à un entretien préalable le 14 décembre 2012, reporté par lettre du 26 décembre 2012, puis par lettre du 15 janvier 2013, au 28 janvier 2013. Elle a été licenciée le 31 janvier 2013. 5. Mme Q... a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement le 9 novembre 2012 et licenciée le 4 décembre 2012. 6. Les salariées, qui avaient saisi la juridiction prud'homale le 9 novembre 2011 de diverses demandes, ont notamment invoqué la nullité de leur licenciement. 7. La société a fait l'objet d'une procédure de sauvegarde. M. G... et M. N..., en qualité de mandataires judiciaires de la société, la Selarl [...] et M. B..., en qualité d'administrateurs judiciaires de la société, désignés par décision du 27 mai 2019, sont intervenus à la procédure. Examen des moyens Sur le second moyen, ci-après annexé 8. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Mais sur le premier moyen Enoncé du moyen 9. Les salariées font grief aux arrêts de rejeter leur demande visant à voir prononcer la nullité de leur licenciement pour absence préalable d'autorisation administrative de l'inspection du travail ainsi que leurs demandes, notamment financières, subséquentes alors : « 1°/ qu'un salarié bénéficie du statut protecteur au titre de la procédure de licenciement engagée dès lors qu'avant l'envoi de la convocation préalable au licenciement, son employeur a eu connaissance de l'imminence de sa candidature aux fonctions de membre du comité d'entreprise ; que le caractère imminent de la candidature n'est pas subordonné à la conclusion préalable d'un protocole d'accord préélectoral ;
Cour d'appel d'Aix-en-Provence 9A, Cour de cassation Chambre sociale, décision 19-12.272 du 30/09/2020, partie 1
qu'en rejetant la demande de la salariée tendant à voir prononcer la nullité de son licenciement, au prétexte erroné que les candidatures ne peuvent être valablement déposées qu'après la signature d'un protocole d'accord préélectoral établissant la répartition des sièges et du personnel dans les collèges, que le salarié qui présente sa candidature avant cette date ne bénéficie pas de la protection légale et que la candidature de la salariée, adressée par le syndicat Force Ouvrière le 14 septembre 2012 et reçu par l'employeur le 19 septembre suivant, était prématurée dès lors que les dernières réunions de négociation du protocole d'accord préélectoral avaient eu lieu les 19 décembre 2012 et 23 janvier 2013, la cour d'appel a violé l'article L. 2411-10 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige ; 2°/ qu'un salarié bénéficie du statut protecteur au titre de la procédure de licenciement engagée dès lors qu'avant l'envoi de la convocation préalable au licenciement, son employeur a eu connaissance de l'imminence de sa candidature aux fonctions de membre du comité d'entreprise ; que doit être considérée comme imminente la candidature d'un salarié aux fonctions de membre du comité d'entreprise, présentée à l'employeur par une organisation syndicale moins d'un mois avant que ce dernier n'invite les syndicats à une réunion visant à l'organisation des prochaines élections des représentants du personnel et à la signature d'un protocole d'accord préélectoral ; qu'en l'espèce, après avoir elle-même constaté expressément que la société Vortex avait invité les organisations syndicales à négocier un protocole d'accord préélectoral dès le 8 octobre 2012 pour le premier tour des élections prévu le 23 novembre suivant, la cour d'appel ne pouvait exclure la salariée du bénéfice du statut protecteur lors de son licenciement du 4 décembre 2012 aux prétextes d'une part, que les dernières réunions de négociation du protocole d'accord préélectoral avaient eu lieu le 19 décembre 2012 et le 23 janvier 2013, date à laquelle la liste des candidats Force Ouvrière aux élections professionnelles avait été déposée, sur laquelle la salariée ne figurait plus, et, d'autre part, que sa candidature, présentée le 14 septembre 2012 par courrier du syndicat Force ouvrière et reçue par l'employeur le 19 septembre suivant, avait été présentée prématurément, avant tout processus électoral, et ne saurait être assimilée à une candidature imminente car il en résultait, au contraire, que la candidature de la salariée avait été présentée par une organisation syndicale dans un contexte électoral certain et que l'employeur avait eu connaissance de l'imminence de la candidature de la salariée aux élections professionnelles avant de la convoquer à l'entretien préalable à son licenciement le 14 décembre 2012 ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations et a en conséquence violé l'article L. 2411-10 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige. » Réponse de la Cour Vu l'article L. 2411-10 du code du travail, dans sa rédaction applicable à la cause : 10. Il résulte de ce texte que la procédure protectrice des membres du comité d'entreprise s'applique lorsque le salarié a fait la preuve que l'employeur a eu connaissance de l'imminence de sa candidature avant qu'il n'ait été convoqué à l'entretien préalable au licenciement prévu à l'article L. 1232-2 du même code. Le caractère imminent de la candidature n'est pas subordonné à la conclusion préalable d'un protocole préélectoral. 11. Pour rejeter la demande en nullité du licenciement des salariées, licenciées sans que l'inspecteur du travail soit saisi d'une demande d'autorisation, la cour d'appel retient que si le retrait ultérieur d'une candidature mentionnée sur la liste à l'occasion du report des élections n'a pas d'incidence sur cette protection, les candidatures ne peuvent être valablement déposées qu'après la signature d'un protocole d'accord préélectoral établissant la répartition des sièges et du personnel dans les collèges, que le salarié qui présente sa candidature avant cette date ne bénéficie pas de la protection légale, à moins que l'employeur n'ait retardé de manière injustifiée les élections professionnelles, que si les salariées justifient de leur déclaration de candidature aux élections des membres du comité d'entreprise en tant que titulaire et suppléante par la production de la lettre en date du 14 septembre 2012, adressée par le syndicat Force Ouvrière, et de son accusé de réception le 19 suivant par l'employeur, soit avant la convocation à entretien préalable, il est manifeste que cette déclaration d'intention a été formulée avant tout processus électoral puisqu'au vu des pièces produites, ce n'est que par courrier du 8 octobre 2012 que la société a invité les organisations syndicales à négocier un protocole d'accord à ce titre pour des élections prévues le 23 novembre suivant pour le premier tour, qu'en réalité, les dernières réunions de négociation ont eu lieu le 19 décembre 2012 et 23 janvier 2013, date à laquelle la liste des candidats FO aux élections professionnelles a été déposée, sur laquelle les salariées en cause ne figuraient plus, que les salariées, dont la candidature a été présentée prématurément, sans être confirmée, laquelle ne saurait être assimilée à une candidature imminente, ne bénéficiaient donc pas de protection nécessitant une autorisation administrative de licenciement.
Cour d'appel d'Aix-en-Provence 9A, Cour de cassation Chambre sociale, décision 19-12.272 du 30/09/2020, partie 2
12. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'ils déboutent Mme C... et Mme Q... de leurs demandes en nullité de leur licenciement pour absence préalable d'autorisation administrative de l'inspection du travail ainsi que leurs demandes financières subséquentes, les arrêts rendus le 2 novembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; Remet, sur ces points, les affaires et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ces arrêts et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée ; Condamne la société Vortex aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Vortex et la condamne à payer à chacune des salariées la somme de 1 500 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite des arrêts partiellement cassés ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente septembre deux mille vingt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SARL Cabinet Munier-Apaire, avocat aux Conseils, pour Mme C... , demanderesse au pourvoi n° H 19-12.272. PREMIER MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté la demande de la salariée visant à voir prononcer la nullité de son licenciement pour absence préalable d'autorisation administrative de l'inspection du travail ainsi que ses demandes, notamment financières, subséquentes ; AUX MOTIFS QUE « l'appelante fait valoir son statut de salariée protégée dans la mesure où d'une part, elle a été candidate aux élections du comité d'entreprise, qui devaient initialement faire l'objet de négociations du protocole préélectoral à compter du 8 octobre 2012 et se dérouler le 23 novembre suivant, mais qui n'ont pas eu lieu en raison de l'obstruction systématique de l'employeur à communiquer notamment les éléments relatifs à l'effectif du personnel occasionnant plusieurs contentieux jugés par le tribunal d'instance d'Evry et celui de Montpellier en 2013 et 2014 ; considérant qu'elle devait bénéficier d'une protection jusqu'au 19 mars 2013 en raison de sa candidature présentée le 14 septembre 2012 et reçue dès le 19 septembre suivant par l'employeur, la salariée demande que son licenciement soit considéré comme nul puisque intervenu sans autorisation de l'inspection du travail ; la société VORTEX invoque le bien-fondé du licenciement décidé sans autorisation de l'inspection du travail dans la mesure où le syndicat Force Ouvrière a fait état de la candidature de Madame C... alors que les organisations syndicales n'avaient pas encore été convoquées en vue de la négociation du protocole d'accord préélectoral et que le processus électoral n'était pas encore engagé ; elle rappelle l'avis de l'inspecteur du travail dans une lettre du 6 mars 2013 ayant considéré que l'employeur n'était pas obligé de le saisir pour solliciter une autorisation de licenciement en l'absence de protection statutaire pouvant valablement accompagner les candidatures présentées en septembre 2012 ; selon l'article L. 2411-10 du code du travail dans sa version applicable au litige, ‘l'autorisation de licenciement est requise pour le candidat aux fonctions de membre élu du comité d'entreprise, au premier ou au deuxième tour, pendant les six mois suivant l'envoi des listes de candidatures à l'employeur ; cette autorisation est également requise lorsque la lettre du syndicat notifiant à l'employeur la candidature aux fonctions de membre élu du comité d'entreprise ou de représentant syndical au comité d'entreprise a été reçue par l'employeur ou lorsque le salarié a fait la preuve que l'employeur a eu connaissance de l'imminence de sa candidature avant que le candidat ait été convoqué à l'entretien préalable au licenciement' ; si le retrait ultérieur d'une candidature mentionnée sur la liste à l'occasion du report des élections n'a pas d'incidence sur cette protection, les candidatures ne peuvent être valablement déposées qu'après la signature d'un protocole d'accord préélectoral établissant la répartition des sièges et du personnel dans les collèges ; le salarié qui présente sa candidature avant cette date ne bénéficie pas de la protection légale, à moins que l'employeur n'ait retardé de manière injustifiée les élections professionnelles ; en l'espèce, Madame C... justifie de sa déclaration de candidature aux élections des membres du comité d'entreprise en tant que titulaire par la production du courrier en date du 14 septembre 2012 adressé par le syndicat Force Ouvrière et par son accusé de réception le 19 suivant par l'employeur, soit avant sa convocation à entretien préalable ; cependant, il est manifeste que cette déclaration d'intention a été formulée avant tout processus électoral puisqu'au vu des pièces produites, ce n'est que par courrier du 8 octobre 2012 que la société VORTEX a invité les organisations syndicales à négocier un protocole d'accord à ce titre pour les élections prévues le 23 novembre suivant pour le premier tour ;
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en réalité, les dernières réunions de négociation ont eu lieu le 19 décembre 2012 et 23 janvier 2013, date à laquelle la liste des candidats FO aux élections professionnelles a été déposée, sur laquelle il n'est pas justifié – ni même invoqué – que l'appelante figurait ; la salariée, dont la candidature a été présentée prématurément, sans être confirmée, laquelle ne saurait être assimilée à une candidature imminente, ne bénéficiait donc pas de protection nécessitant l'autorisation administrative de son licenciement ; par conséquence, sa demande tendant au constat d'un licenciement nul ne saurait prospérer » ; 1°) ALORS, D'UNE PART, QU'un salarié bénéficie du statut protecteur au titre de la procédure de licenciement engagée dès lors qu'avant l'envoi de la convocation préalable au licenciement, son employeur a eu connaissance de l'imminence de sa candidature aux fonctions de membre du comité d'entreprise ; que le caractère imminent de la candidature n'est pas subordonné à la conclusion préalable d'un protocole d'accord préélectoral ; qu'en rejetant la demande de la salariée tendant à voir prononcer la nullité de son licenciement, au prétexte erroné que les candidatures ne peuvent être valablement déposées qu'après la signature d'un protocole d'accord préélectoral établissant la répartition des sièges et du personnel dans les collèges, que le salarié qui présente sa candidature avant cette date ne bénéficie pas de la protection légale et que la candidature de la salariée, adressée par le syndicat Force Ouvrière le 14 septembre 2012 et reçu par l'employeur le 19 septembre suivant, était prématurée dès lors que les dernières réunions de négociation du protocole d'accord préélectoral avaient eu lieu les 19 décembre 2012 et 23 janvier 2013, la cour d'appel a violé l'article L. 2411-10 du Code du travail dans sa rédaction applicable au litige ; 2°) ALORS, D'AUTRE PART, QU'un salarié bénéficie du statut protecteur au titre de la procédure de licenciement engagée dès lors qu'avant l'envoi de la convocation préalable au licenciement, son employeur a eu connaissance de l'imminence de sa candidature aux fonctions de membre du comité d'entreprise ; que doit être considérée comme imminente la candidature d'un salarié aux fonctions de membre du comité d'entreprise, présentée à l'employeur par une organisation syndicale moins d'un mois avant que ce dernier n'invite les syndicats à une réunion visant à l'organisation des prochaines élections des représentants du personnel et à la signature d'un protocole d'accord préélectoral ; qu'en l'espèce, après avoir elle-même constaté expressément que la société Vortex avait invité les organisations syndicales à négocier un protocole d'accord préélectoral dès le 8 octobre 2012 pour le premier tour des élections prévu le 23 novembre suivant, la cour d'appel ne pouvait exclure la salariée du bénéfice du statut protecteur lors de son licenciement du 4 décembre 2012 aux prétextes d'une part, que les dernières réunions de négociation du protocole d'accord préélectoral avaient eu lieu le 19 décembre 2012 et le 23 janvier 2013, date à laquelle la liste des candidats Force Ouvrière aux élections professionnelles avait été déposée, sur laquelle la salariée ne figurait plus, et, d'autre part, que sa candidature, présentée le 14 septembre 2012 par courrier du syndicat Force ouvrière et reçue par l'employeur le 19 septembre suivant, avait été présentée prématurément, avant tout processus électoral, et ne saurait être assimilée à une candidature imminente car il en résultait, au contraire, que la candidature de la salariée avait été présentée par une organisation syndicale dans un contexte électoral certain et que l'employeur avait eu connaissance de l'imminence de la candidature de la salariée aux élections professionnelles avant de la convoquer à l'entretien préalable à son licenciement le 14 décembre 2012 ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations et a en conséquence violé l'article L. 2411-10 du Code du travail dans sa rédaction applicable au litige. SECOND MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté la salariée de sa demande de rappel de salaire au titre de la demi-heure de travail quotidienne ; AUX MOTIFS PROPRES QUE « Madame C... conteste la stipulation de son contrat de travail selon laquelle la première vacation le matin et la dernière le soir ne seront pas prises en compte comme du temps de travail effectif pour une durée respective de 15 minutes, soit globalement une demi-heure par jour ; elle estime que la société VORTEX ne remplissait pas les conditions pour ne pas rémunérer ses salariés de leur temps de conduite prévu par l'article 3 C de l'accord du 7 juillet 2009 ; estimant ne pas avoir bénéficié de la formation adéquate prévue par l'article 2 de cet accord, contestant que ses missions de conductrice accompagnatrice puissent relever de ce statut, et faisant état de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne considérant que les déplacements d'un salarié itinérant entre son domicile et le premier ou le dernier client de la journée constituaient du temps de travail, elle sollicite le rappel de salaire correspondant à ces 30 minutes quotidiennes qui n'ont pas été payées depuis le 1er septembre 2011 ;
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elle réclame la somme de 662,17 euros à ce titre ainsi que celle de 66,21 euros au titre des congés payés y afférents ; la société VORTEX affirme avoir fait une application stricte des dispositions conventionnelles en déduisant pour chaque journée de travail une demi-heure correspondant à ce temps de trajet théorique du fait que le véhicule est laissé à la disposition du salarié pour regagner son domicile ; elle fait valoir qu'ayant repris la disposition conventionnelle, elle a obtenu l'accord de Madame C... ; elle estime qu'en application du principe d'égalité de traitement, il est normal que les salariés qui bénéficient d'un véhicule de service ne soient pas rémunérés du temps de trajet entre leur domicile et le lieu de travail et retour ; elle conclut au débouté de cette demande ; à titre subsidiaire, elle demande la confirmation du jugement de première instance qui a considéré que les sommes réclamées étaient intégrées dans le rappel de salaire alloué du fait de la requalification à temps plein ; l'article 4 de l'accord collectif du 18 avril 2002 attaché à la convention collective des transports routiers et activités auxiliaires du transport du 21 décembre 1950 prévoit que le temps de travail effectif comprend notamment les temps de conduite ; aux termes de l'article 3 C de l'accord du 7 juillet 2009, relatif à l'organisation de l'activité de transport spécialisé de personnes handicapées et/ou à mobilité réduite, ‘[ ] conformément à la CCNTR, les salariés bénéficient de la garantie d'horaire annuel de 550 heures pour 180 jours de travail, de la garantie d'horaire journalier selon le nombre de vacances Par exception et selon les usages ou accords d'entreprise, la mise à disposition du véhicule de moins de 10 places utilisé pour l'activité de TPMR peut permettre de joindre le domicile du salarié au lieu de prise en charge du client et inversement ; à défaut d'accord d'entreprise existant ou à conclure, ou encore d'usage préexistant et avec l'accord exprès du salarié, le temps à bord d'un véhicule de moins de 10 places utilisé pour l'activité de TPMR et mis à disposition par l'entreprise entre le domicile du salarié et le lieu de prise en charge du client lors de la première et de la dernière prise de service de la journée pourra ne pas être considéré comme du temps de travail, et ce dans la limite d'un temps forfaitaire estimé à 15 minutes (soit 1/2 heure au total dans la journée) et correspondant à un temps moyen nécessaire au trajet entre le domicile du conducteur et le dépôt de l'entreprise le plus proche' ; cependant, ces dispositions de l'accord du 7 juillet 2009 ne sont applicables, selon l'article 2 de ce texte, qu'aux conducteurs accompagnateurs de transport spécialisé de personnes handicapées et/ou à mobilité réduite se caractérisant par une activité d'accompagnateur nécessitant notamment une formation ‘pour réagir face aux différentes situations et toujours laisser la personne en position sécurisée. Le conducteur doit être équipé d'un moyen de communication rapide fourni par l'entreprise (un téléphone portable, par exemple)' ; or, la société VORTEX ne justifie pas que la salariée ait reçu la formation spécifique évoquée et ait disposé d'un tel moyen de communication rapide fourni par l'entreprise ; au surplus, l'article 2-4 B de l'accord du 7 juillet 2009 relatif à la garantie de l'emploi et à la poursuite des relations de travail en cas de changement de prestataires dans le transport interurbain de voyageurs, selon lequel « l'entreprise entrante établira un avenant au contrat de travail, pour acter le changement d'employeur, dans lequel elle reprendra les clauses particulières attachées au contrat dans l'entreprise sortante, le coefficient et l'ancienneté au moment du transport et les éléments en termes de rémunération » interdit que soient apportées des modifications au contrat de travail autres que l'identité du nouvel employeur et prohibe donc la stipulation nouvelle critiquée par la salariée ; enfin, s'il n'est pas contesté, en l'espèce, que la société VORTEX a toléré que la salariée effectif les trajets entre son domicile et le lieu de démarrage et de fin de tournée avec son véhicule de service et le conserve à proximité en stationnement, conformément à la possibilité explicitée dans le contrat de travail (article IV lieu de travail ‘le lieu de dépôt du véhicule de service est précisé dans l'annexe au contrat de travail. Par exception aux dispositions précédentes, le véhicule de service utilisé par Mme C... pourra, après autorisation expresse de la direction de la société VORTEX, être remisé au domicile de Mme C... , tel que défini dans le présent contrat, et permettre de joindre le domicile de Mme C... et le lieu de prise en charge du client, et inversement'), force est de constater qu'elle ne justifie nullement de son autorisation expresse donnée à la salariée de remiser le véhicule à son domicile, laquelle n'a donc pas été en mesure de donner exprès tel que visé par l'accord 3C de l'accord du 7 juillet 2009 à la non-rémunération du temps moyen nécessaire au trajet entre son domicile et ses première et dernière prises de service ; la société intimée ne saurait se prévaloir de la signature apposée sur l'avenant stipulant une disposition hypothétique car subordonnée à une autorisation expresse, non effective au jour de sa conclusion ;
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il convient d'en déduire que cette stipulation n'est pas opposable à Madame C... et que ce temps de conduite constitue du temps de travail effectif ; cependant, la demande de paiement de ce temps de travail, qui n'est pas invoqué comme effectué au-delà de la durée légale de travail, ne saurait être accueillie, en l'état de la requalification du contrat à temps complet, dans lequel il se fond » ; ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES « les sommes réclamées au titre de rappel de la demi-heure de travail quotidien, et du paiement des heures effectuées au titre des travaux annexes et le paiement de la journée formation du 7 janvier 2012, sont liées à la requalification à temps complet du contrat de travail de Mme C... D..., sont donc incorporées, dans la somme allouée au titre de rappel de salaire » ; 1°) ALORS QUE le juge ne peut dénaturer l'objet de la cause ; que dans ses conclusions soutenues oralement lors de l'audience, la salariée demandait, à titre principal, la condamnation de l'employeur à un rappel de salaires lié à la requalification à temps complet de son contrat de travail ainsi qu'un rappel de salaires au titre de la demi-heure de travail quotidienne non payée par l'employeur en indiquant expressément que cette demande n'avait aucun lien et était totalement indépendante du chef de demande liée à la requalification du temps partiel en temps complet dans la mesure où le temps de travail dont rappel était sollicité venait en sus du temps de travail à temps complet ; qu'en affirmant toutefois, pour rejeter la demande de la salariée au titre de la demi-heure litigieuse, que ce temps de travail n'était pas invoqué par la salariée comme effectué au-delà de la durée légale du travail, la cour d'appel a dénaturé lesdites conclusions et violé l'article 4 du Code de procédure civile ; 2°) ALORS QUE le temps de travail effectué doit être payé par l'employeur ; qu'en l'espèce dès lors qu'elle constatait que l'employeur avait, à tort, retenu une demi-heure de travail quotidien, par fausse application de l'article 3 de l'accord du 7 juillet 2009 relatif à l'activité de transport de personnes à mobilité réduite, dont les conditions n'étaient pas remplies en l'espèce, il s'en déduisait nécessairement que le paiement de cette retenue indue s'ajoutait au paiement du temps complet de travail effectué par la salariée ; qu'en jugeant que ce temps de conduite constitue du temps de travail effectif, sans pour autant condamner l'employeur à son paiement, la cour d'appel a violé l'article L. 1221-1 du Code du travail et l'article 3 C de l'accord du 7 juillet 2009. Moyens produits par la SARL Cabinet Munier-Apaire, avocat aux Conseils, pour Mme Q..., demanderesse au pourvoi n° G 19-12.273. PREMIER MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté la demande de Mme Q... visant à voir prononcer la nullité de son licenciement pour absence préalable d'autorisation administrative de l'inspection du travail ainsi que ses demandes, notamment financières, subséquentes ; AUX MOTIFS QUE « l'appelante fait valoir son statut de salariée protégée dans la mesure où la société VORTEX a été informée par courrier du 14 septembre 2012 du syndicat Force Ouvrière de sa candidature aux prochaines élections professionnelles. Son licenciement n'ayant pas été autorisé par l'inspection du travail, qui n'a même pas été sollicitée doit, selon Madame Q..., être considéré comme nul, même si, en raison de l'obstruction systématique de l'employeur dans la négociation du protocole préélectoral, le calendrier des élections a été sans cesse reporté ; la société VORTEX affirme avoir régulièrement procédé au licenciement de l'appelante, dont la déclaration de candidature aux élections professionnelles ne pouvait être prise en compte puisque formulée alors que les syndicats n'avaient même pas encore été convoqués en vue de la négociation du protocole d'accord électoral et que le processus électoral n'était pas encore engagé ; elle invoque le courrier du 6 mars 2013 de l'inspection du travail indiquant que l'employeur n'était pas contraint de saisir l'inspection du travail pour solliciter une autorisation de licenciement en l'absence de protection statutaire pouvant valablement accompagner les candidatures présentées en septembre 2012, faute de respect des conditions jurisprudentielles du dépôt des listes ; elle indique que les difficultés rencontrées dans la mise en place des élections ont résulté des désaccords survenus entre les syndicats ; elle conclut au rejet de la demande de nullité du licenciement ; l'article L. 2411-10 du code du travail dans sa version applicable au litige prévoit que ‘l'autorisation de licenciement est requise pour le candidat aux fonctions de membre élu du comité d'entreprise, au premier ou au deuxième tour, pendant les six mois suivant l'envoi des listes de candidatures à l'employeur ; cette autorisation est également requise lorsque la lettre du syndicat notifiant à l'employeur la candidature aux fonctions de membre élu du comité d'entreprise ou de représentant syndical au comité d'entreprise a été reçue par l'employeur ou lorsque le salarié a fait la preuve que l'employeur a eu connaissance de l'imminence de sa candidature avant que le candidat ait été convoqué à l'entretien préalable au licenciement' ;
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si le retrait ultérieur d'une candidature mentionnée sur la liste à l'occasion du report des élections n'a pas d'incidence sur cette protection, les candidatures ne peuvent être valablement déposées qu'après la signature d'un protocole d'accord préélectoral établissant la répartition des sièges et du personnel dans les collèges ; le salarié qui présente sa candidature avant cette date ne bénéficie pas de la protection légale, à moins que l'employeur n'ait retardé de manière injustifiée les élections professionnelles ; en l'espèce, Madame Q... justifie de sa déclaration de candidature aux élections des membres du comité d'entreprise en tant que suppléante par la production du courrier en date du 14 septembre 2012 adressé par le syndicat Force Ouvrière et par son accusé de réception le 19 suivant par l'employeur, soit avant sa convocation à entretien préalable ; cependant, il est manifeste que cette déclaration d'intention a été formulée avant tout processus électoral puisqu'au vu des pièces produites, ce n'est que par courrier du 8 octobre 2012 que la société VORTEX a invité les organisations syndicales à négocier un protocole d'accord à ce titre pour les élections prévues le 23 novembre suivant pour le premier tour ; en réalité, les dernières réunions de négociation ont eu lieu le 19 décembre 2012 et 23 janvier 2013, date à laquelle la liste des candidats FO aux élections professionnelles a été déposée, sur laquelle Madame Q... ne figurait plus ; la salariée, dont la candidature a été présentée prématurément, sans être confirmée - laquelle ne saurait être assimilée à une candidature imminente - ne bénéficiait donc pas de protection nécessitant l'autorisation administrative de son licenciement ; par conséquence, sa demande tendant au constat d'un licenciement nul ne saurait prospérer » ; 1°) ALORS, D'UNE PART, QU'un salarié bénéficie du statut protecteur au titre de la procédure de licenciement engagée dès lors qu'avant l'envoi de la convocation préalable au licenciement, son employeur a eu connaissance de l'imminence de sa candidature aux fonctions de membre du comité d'entreprise ; que le caractère imminent de la candidature n'est pas subordonné à la conclusion préalable d'un protocole d'accord préélectoral ; qu'en rejetant la demande de la salariée tendant à voir prononcer la nullité de son licenciement, au prétexte erroné que les candidatures ne peuvent être valablement déposées qu'après la signature d'un protocole d'accord préélectoral établissant la répartition des sièges et du personnel dans les collèges, que le salarié qui présente sa candidature avant cette date ne bénéficie pas de la protection légale et que la candidature de la salariée, adressée par le syndicat Force Ouvrière le 14 septembre 2012 et reçu par l'employeur le 19 septembre suivant, était prématurée dès lors que les dernières réunions de négociation du protocole d'accord préélectoral avaient eu lieu les 19 décembre 2012 et 23 janvier 2013, la cour d'appel a violé l'article L. 2411-10 du Code du travail dans sa rédaction applicable au litige ; 2°) ALORS, D'AUTRE PART, QU'un salarié bénéficie du statut protecteur au titre de la procédure de licenciement engagée dès lors qu'avant l'envoi de la convocation préalable au licenciement, son employeur a eu connaissance de l'imminence de sa candidature aux fonctions de membre du comité d'entreprise ; que doit être considérée comme imminente la candidature d'un salarié aux fonctions de membre du comité d'entreprise, présentée à l'employeur par une organisation syndicale moins d'un mois avant que ce dernier n'invite les syndicats à une réunion visant à l'organisation des prochaines élections des représentants du personnel et à la signature d'un protocole d'accord préélectoral ; qu'en l'espèce, après avoir elle-même constaté expressément que la société Vortex avait invité les organisations syndicales à négocier un protocole d'accord préélectoral dès le 8 octobre 2012 pour le premier tour des élections prévu le 23 novembre suivant, la cour d'appel ne pouvait exclure la salariée du bénéfice du statut protecteur lors de son licenciement du 4 décembre 2012 aux prétextes d'une part, que les dernières réunions de négociation du protocole d'accord préélectoral avaient eu lieu le 19 décembre 2012 et le 23 janvier 2013, date à laquelle la liste des candidats Force Ouvrière aux élections professionnelles avait été déposée, sur laquelle la salariée ne figurait plus, et, d'autre part, que sa candidature, présentée le 14 septembre 2012 par courrier du syndicat Force ouvrière et reçue par l'employeur le 19 septembre suivant, avait été présentée prématurément, avant tout processus électoral, et ne saurait être assimilée à une candidature imminente car il en résultait, au contraire, que la candidature de la salariée avait été présentée par une organisation syndicale dans un contexte électoral certain et que l'employeur avait eu connaissance de l'imminence de la candidature de la salariée aux élections professionnelles avant de la convoquer à l'entretien préalable à son licenciement le 9 novembre 2012 ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations et a en conséquence violé l'article L. 2411-10 du Code du travail dans sa rédaction applicable au litige. SECOND MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté la salariée de sa demande de rappel de salaire au titre de la demi-heure de travail quotidienne ;
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AUX MOTIFS PROPRES QUE « Madame Q... conteste que la première vacation le matin et la dernière le soir ne soient pas prises en compte comme du temps de travail effectif pour une durée respective de 15 minutes, soit globalement une demi-heure par jour ; elle estime que la société VORTEX ne remplissait pas les conditions pour ne pas rémunérer ses salariés de leur temps de conduite prévu par l'article 3 C de l'accord du 7 juillet 2009 ; estimant ne pas avoir bénéficié de la formation adéquate prévue par l'article 2 de cet accord, contestant que ses missions de conductrice accompagnatrice puissent relever de ce statut, et faisant état de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne considérant que les déplacements d'un salarié itinérant entre son domicile et le premier ou le dernier client de la journée constituaient du temps de travail, elle sollicite le rappel de salaire correspondant à ces 30 minutes quotidiennes qui n'ont pas été payées depuis le 1er septembre 2011 ; elle réclame la somme de 1 298,50 euros à ce titre ainsi que les congés payés afférents ; la société VORTEX affirme avoir fait une application stricte des dispositions conventionnelles en déduisant pour chaque journée de travail une demi-heure correspondant à ce temps de trajet théorique du fait que le véhicule est laissé à la disposition du salarié pour regagner son domicile ; elle a bénéficié de l'accord de Madame Q... ; elle estime qu'en application du principe d'égalité de traitement, il est normal que les salariés qui bénéficient d'un véhicule de service ne soient pas rémunérés du temps de trajet entre leur domicile et le lieu de travail et retour ; elle conclut au débouté de cette demande ; à titre subsidiaire, elle demande la confirmation du jugement de première instance qui a considéré que les sommes réclamées étaient intégrées dans le rappel de salaire alloué du fait de la requalification à temps plein ; l'article 4 de l'accord collectif du 18 avril 2002 attaché à la convention collective des transports routiers et activités auxiliaires du transport du 21 décembre 1950 prévoit que le temps de travail effectif comprend notamment les temps de conduite ; aux termes de l'article 3 C de l'accord du 7 juillet 2009, relatif à l'organisation de l'activité de transport spécialisé de personnes handicapées et/ou à mobilité réduite, ‘[ ] conformément à la CCNTR, les salariés bénéficient de la garantie d'horaire annuel de 550 heures pour 180 jours de travail, de la garantie d'horaire journalier selon le nombre de vacances Par exception et selon les usages ou accords d'entreprise, la mise à disposition du véhicule de moins de 10 places utilisé pour l'activité de TPMR peut permettre de joindre le domicile du salarié au lieu de prise en charge du client et inversement ; à défaut d'accord d'entreprise existant ou à conclure, ou encore d'usage préexistant et avec l'accord exprès du salarié, le temps à bord d'un véhicule de moins de 10 places utilisé pour l'activité de TPMR et mis à disposition par l'entreprise entre le domicile du salarié et le lieu de prise en charge du client lors de la première et de la dernière prise de service de la journée pourra ne pas être considéré comme du temps de travail, et ce dans la limite d'un temps forfaitaire estimé à 15 minutes (soit 1/2 heure au total dans la journée) et correspondant à un temps moyen nécessaire au trajet entre le domicile du conducteur et le dépôt de l'entreprise le plus proche' ; cependant, ces dispositions de l'accord du 7 juillet 2009 ne sont applicables, selon l'article 2 de ce texte, qu'aux conducteurs accompagnateurs de transport spécialisé de personnes handicapées et/ou à mobilité réduite se caractérisant par une activité d'accompagnateur nécessitant notamment une formation ‘pour réagir face aux différentes situations et toujours laisser la personne en position sécurisée. Le conducteur doit être équipé d'un moyen de communication rapide fourni par l'entreprise (un téléphone portable, par exemple)' ; or, la société VORTEX ne justifie pas que la salariée ait reçu la formation spécifique évoquée et ait disposé d'un tel moyen de communication rapide fourni par l'entreprise ; au surplus, l'article 2-4 B de l'accord du 7 juillet 2009 relatif à la garantie de l'emploi et à la poursuite des relations de travail en cas de changement de prestataires dans le transport interurbain de voyageurs, selon lequel « l'entreprise entrante établira un avenant au contrat de travail, pour acter le changement d'employeur, dans lequel elle reprendra les clauses particulières attachées au contrat dans l'entreprise sortante, le coefficient et l'ancienneté au moment du transport et les éléments en termes de rémunération » interdit que soient apportées des modifications au contrat de travail autres que l'identité du nouvel employeur et prohibe donc la stipulation nouvelle critiquée par la salariée ; enfin, s'il n'est pas contesté, en l'espèce, que la société VORTEX a toléré que la salariée effectif les trajets entre son domicile et le lieu de démarrage et de fin de tournée avec son véhicule de service et le conserve à proximité en stationnement, conformément à la possibilité explicitée dans le contrat de travail (article IV lieu de travail ‘le lieu de dépôt du véhicule de service est précisé dans l'annexe au contrat de travail.
Cour d'appel d'Aix-en-Provence 9A, Cour de cassation Chambre sociale, décision 19-12.272 du 30/09/2020, partie 8
Par exception aux dispositions précédentes, le véhicule de service utilisé par Mme Q... S... pourra, après autorisation expresse de la direction de la société VORTEX, être remisé au domicile de Mme Q... S..., tel que défini dans le présent contrat, et permettre de joindre le domicile de Mme Q... S... et le lieu de prise en charge du client, et inversement'), force est de constater qu'elle ne justifie nullement de son autorisation expresse donnée à la salariée de remiser le véhicule à son domicile, laquelle n'a donc pas été en mesure de donner exprès tel que visé par l'accord 3C de l'accord du 7 juillet 2009 à la non-rémunération du temps moyen nécessaire au trajet entre son domicile et ses première et dernière prises de service ; la société intimée ne saurait se prévaloir de la signature apposée sur l'avenant stipulant une disposition hypothétique car subordonnée à une autorisation expresse, non effective au jour de sa conclusion ; il convient d'en déduire que cette stipulation n'est pas opposable à Madame Q... et que ce temps de conduite constitue du temps de travail effectif ; cependant, la demande de paiement de ce temps de travail, qui n'est pas invoqué comme effectué au-delà de la durée légale de travail, ne saurait être accueillie, en l'état de la requalification du contrat à temps complet, dans lequel il se fond » ; ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES « les sommes réclamées par Mme S... Q... au titre de rappel de (la demi-heure de travail quotidien, et du paiement des heures effectuées au titre des travaux annexes et le paiement de la journée formation), sont liées à la requalification à temps complet de son contrat de travail, sont donc incorporées, dans la somme allouée au titre de rappel de salaire » ; 1°) ALORS QUE le juge ne peut dénaturer l'objet de la cause ; que dans ses conclusions soutenues oralement lors de l'audience, la salariée demandait, à titre principal, la condamnation de l'employeur à un rappel de salaires lié à la requalification à temps complet de son contrat de travail ainsi qu'un rappel de salaires au titre de la demi-heure de travail quotidienne non payée par l'employeur en indiquant expressément que cette demande n'avait aucun lien et était totalement indépendante du chef de demande liée à la requalification du temps partiel en temps complet dans la mesure où le temps de travail dont rappel était sollicité venait en sus du temps de travail à temps complet ; qu'en affirmant toutefois, pour rejeter la demande de la salariée au titre de la demi-heure litigieuse, que ce temps de travail n'était pas invoqué par la salariée comme effectué au-delà de la durée légale du travail, la cour d'appel a dénaturé lesdites conclusions et violé l'article 4 du Code de procédure civile ; 2°) ALORS QUE le temps de travail effectué doit être payé par l'employeur ; qu'en l'espèce dès lors qu'elle constatait que l'employeur avait, à tort, retenu une demi-heure de travail quotidien, par fausse application de l'article 3 de l'accord du 7 juillet 2009 relatif à l'activité de transport de personnes à mobilité réduite, dont les conditions n'étaient pas remplies en l'espèce, il s'en déduisait nécessairement que le paiement de cette retenue indue s'ajoutait au paiement du temps complet de travail effectué par la salariée ; qu'en jugeant que ce temps de conduite constitue du temps de travail effectif, sans pour autant condamner l'employeur à son paiement, la cour d'appel a violé l'article L. 1221-1 du Code du travail et l'article 3 C de l'accord du 7 juillet 2009.
Cour d'appel d'Aix-en-Provence 9A, Cour de cassation Chambre sociale, décision 19-12.272 du 30/09/2020, partie 9
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 30 SEPTEMBRE 2020 Mme O... A..., domiciliée [...] , a formé le pourvoi n° P 18-24.073 contre l'arrêt rendu le 6 septembre 2018 par la cour d'appel d'Angers (chambre sociale), dans le litige l'opposant à l'association Centre de l'étoile, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Le Lay, conseiller, les observations de la SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, avocat de Mme A..., après débats en l'audience publique du 30 juin 2020 où étaient présents Mme Leprieur, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Le Lay, conseiller rapporteur, M. Pietton, conseiller, et Mme Piquot, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Angers, 6 septembre 2018), Mme A... a été engagée le 15 avril 2003 par l'association Centre de l'étoile en qualité d'aide-comptable puis employée comme comptable. 2. Elle a été licenciée par lettre du 12 février 2014 pour motif économique. 3. Contestant son licenciement, elle a saisi la juridiction prud'homale. Examen des moyens Sur le premier moyen Enoncé du moyen 4. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes d'indemnisation pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors : « 1°/ que les juges sont tenus de répondre aux conclusions des parties ; que la salariée faisait valoir que son licenciement fondé sur un motif économique était dépourvu de cause réelle et sérieuse dès lors que le diocèse du Mans, dont relève l'association Centre de l'étoile qui l'emploie, a réalisé à la même période une opération immobilière touchant à la structure du Centre de l'étoile pour un investissement de 9 millions d'euros ; qu'en se dispensant de répondre à ce moyen péremptoire des conclusions de la salariée, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de réponse à conclusions en violation de l'article 455 du code de procédure civile ; 2°/ que la salariée faisait valoir que postérieurement à son licenciement, la nouvelle structure ainsi créée suite à la réalisation du projet immobilier avait recruté un comptable ; que faute de répondre à ce moyen péremptoire des conclusions de la salariée, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de réponse à conclusions en violation de l'article 455 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 5. La cour d'appel n'était pas tenue de répondre à une argumentation tirée de la situation d'une personne morale autre que l'employeur, dès lors qu'il n'était pas allégué que l'association Centre de l'étoile faisait partie d'un groupe. 6. Le moyen n'est donc pas fondé. Sur le second moyen Enoncé du moyen 7. La salariée fait grief à l'arrêt de juger que l'employeur a satisfait à son obligation de reclassement, alors : « 1°/ que le licenciement économique d'un salarié ne peut intervenir que si l'employeur a recherché au préalable toutes les possibilités de reclassement existantes et que ce dernier est impossible ; qu'en jugeant que l'association le centre de l'Etoile avait satisfait à son obligation de reclassement après avoir pourtant constaté que la suppression du poste de la salariée avait été décidée par le conseil d'administration le 15 janvier 2014 suite à la réception du courrier du 13 janvier 2014 du diocèse alertant sur la nécessité de procéder à une réorganisation de l'association en raison de la subvention exceptionnelle versée en 2013 et que le licenciement était intervenu le 12 février 2014 ce dont il s'évinçait que les recherches de reclassement de la salariée n'avaient pu être loyalement effectuées, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en violation de l'article L. 1233-4 du code du travail ; 2°/ que le licenciement économique d'un salarié ne peut intervenir que si, au préalable, l'employeur a fait une recherche sérieuse et loyale de reclassement et que ce dernier est impossible ; qu'en jugeant que l'association le centre de l'Etoile avait satisfait à son obligation de reclassement au regard des propositions faites à la salariée postérieurement à son licenciement, la cour d'appel a violé L. 1233-4 du code du travail. » Réponse de la Cour 8. La cour d'appel a constaté l'absence de poste disponible dans l'association à l'époque du licenciement. Le moyen, qui critique des motifs surabondants en sa seconde branche, est dès lors inopérant en sa première branche.
Cour d'appel d'Angers, Cour de cassation Chambre sociale, décision 18-24.073 du 30/09/2020, partie 1
9. Le moyen ne peut donc être accueilli. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne Mme A... aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme A... ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente septembre deux mille vingt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, avocat aux Conseils, pour Mme A... PREMIER MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Mme A... de l'ensemble de ses demandes ; AUX MOTIFS PROPRES QU' « aux termes des dispositions de l'article L. 1233 - 3 du code du travail dans sa rédaction applicable au présent litige, "constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques" ; il appartient au juge du fond de vérifier le caractère sérieux du motif économique du licenciement invoqué ; une réorganisation de l'entreprise ne peut constituer une cause économique de licenciement, si elle n'est pas justifiée par des difficultés économiques ou une mutation technologique, qu'à la condition d'être nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise ou du secteur d'activité dont elle relève ; en l'espèce, la lettre de licenciement du 12 février 2014 est notamment ainsi rédigée : " À titre de préalable, nous rappelons que vous comptabilisez, au sein de notre association, une ancienneté remontant à la date du 15 avril 2003 et qu'à la date des présentes, vous occupez un poste de comptable classé employé, en référence au statut du personnel du Centre de l'Étoile. Le Centre de l'Étoile, constitué en association loi 1901, clôture son exercice social au 31 décembre de chaque année. Au titre de l'exercice social 2012, notre association relevait : - un chiffre d'affaires de : 657'154 € - un résultat d'exploitation négatif de : 99'273 € - un résultat net comptable négatif de : 95'820 € (pertes financières) Au titre de l'exercice social 2013, notre association devrait relever (chiffre provisoire) : - un produit d'exploitation de : 668'000 € - une charge d'exploitation de : 725'000 € - un résultat d'exploitation négatif de : 57'000 € - un produit exceptionnel de : 140'000 € - un résultat net comptable positif de : 83'000 € Si au titre de l'exercice social 2013 notre association devrait ainsi constater un déficit de moindre importance (de l'ordre de 57'000 €) par rapport à celui relevé à la clôture de l'exercice social 2012 (99'273 €) c'est du fait d'une subvention exceptionnelle laquelle a été octroyée à notre association, pour un montant de 140 000 € par l'association diocésaine du Mans courant 2013. Pour autant, une telle mise « sous perfusion » n'a pas vocation à perdurer. Ainsi, l'association du Centre de l'Étoile est en situation de difficultés économiques. Elle se voit contrainte de procéder à une restructuration aux fins d'enrayer la dégradation de ses indicateurs économiques notamment en terme de résultat d'exploitation, laquelle restructuration a été décidée à l'occasion du conseil d'administration s'étant tenue le 15 janvier 2014. À ce titre, elle prend décision de confier à un cabinet comptable tout à la fois la tenue de sa comptabilité ainsi que l'établissement des bulletins de salaire des salariés inscrits à son effectif. À cet égard, outre les honoraires d'un cabinet comptable, honoraires de l'ordre de 3940€ par période annuelle ayant trait à l'établissement du bilan, la tenue de la comptabilité en interne et l'établissement des bulletins de salaires du personnel inscrit à l'effectif de notre association, représente un coût pour cette dernière de l'ordre de 36'000 €. Parallèlement, la tenue de la comptabilité et l'établissement des bulletins de salaire, par un cabinet comptable extérieur, bilan annuel inclus, représente une charge d'exploitation de l'ordre de 8 à 9 000 €. Ainsi, cette mesure permet à notre association une économie de charges d'exploitation de plus de 30'000 € par période annuelle. Cette restructuration consistant à confier à un cabinet comptable la tenue de la comptabilité et l'élaboration des bulletins de salaire des salariés inscrits à l'effectif de notre association entraîne la suppression du poste de comptable auquel vous êtes affectée étant considéré que vous constituez à vous seule une catégorie professionnelle et qu'ainsi la règle des critères permettant de fixer l'ordre des licenciements n'a pas vocation à s'appliquer. Compte tenu de la structure de l'effectif de notre association et de ses difficultés économiques, aucune solution de reclassement interne à votre profit ne peut être envisagée. Comme vous ayant été indiqué à l'occasion de notre entretien préalable, nous avons multiplié les prises de contact à titre de recherche reclassement externe.
Cour d'appel d'Angers, Cour de cassation Chambre sociale, décision 18-24.073 du 30/09/2020, partie 2
À la date des présentes, nous ont répondu l'association diocésaine du Mans, pour son compte ainsi que pour le compte de toute autre structure qui en relève, ainsi que les sociétés JDC (la Ferté-Bernard) et B. Fleurs (Alonnes), ou encore l'association d'Hygiène Sociale de la Sarthe (Le Mans). L'association diocésaine du Mans ainsi que lesdites sociétés nous ont indiqué ne pas disposer actuellement de poste de travail correspondant à votre profil. À noter parallèlement qu'il vous était remis, lors de notre entretien, un courriel du cabinet STREGO faisant état que vous pouviez prendre contact directement avec la société SNEG laquelle recherche actuellement un (e) comptable. Pour autant, et considérant la suppression de votre poste de travail, nous vous notifions, par la présente, votre licenciement pour motif d'ordre économique" ; le Centre de l'Étoile verse au débat les documents comptables qui attestent de ses difficultés économiques en 2012 et 2013. Le compte de résultat de l'exercice 2012 fait effectivement apparaître un résultat négatif de 99'273 euros et celui de 2013 un résultat négatif définitif de 46'183 euros, un peu meilleur que celui provisoire indiqué dans la lettre de licenciement. À la lecture des comptes de résultats des années précédentes (2010 et 2011), il apparaît que la situation financière de l'association s'est nettement dégradée en 2012 et 2013. Si l'association a toujours bénéficié du soutien financier du diocèse par le biais d'une subvention d'exploitation entre 130 000 et 150 000 euros, il convient de souligner qu'en 2012 et 2013 le diocèse a été obligé d'augmenter cette subvention, la portant à plus de 159 000 euros et d'augmenter dans des proportions très importantes, en 2013, la subvention exceptionnelle (de 4000 à 6000 euros, elle est passée à 135'906 euros). Cette subvention exceptionnelle a permis de limiter les pertes financières de l'association Centre de l'Étoile ; compte tenu de cette situation, l'association diocésaine du Mans a adressé le 13 janvier 2014 un courrier à l'association Centre de l'Étoile indiquant que cette situation ne pouvait perdurer et l'invitant à se restructurer ; la décision de suppression du poste de Mme A... a été prise par le conseil d'administration du 15 janvier 2014 dans le contexte nécessaire de restructuration et de diminution de la masse salariale. La suppression du poste de comptable s'explique par le choix du recours à un cabinet comptable externe qui se révèle effectivement bien moins coûteux que le salaire de Mme A... ; compte tenu de l'ensemble de ces éléments, il convient de considérer que les difficultés économiques de l'association Centre de l'Étoile sont parfaitement avérées et que le licenciement pour motif économique est justifié » (cf. arrêt p. 3, antépénultième § – p.5, § 5) ; ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « en droit, l'article L 1233-3 du code du travail énonce : "Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression soit transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques. Les dispositions du présent chapitre sont applicables à toute rupture du contrat de travail à l'exclusion de la rupture conventionnelle visée aux articles L 1237-11 et suivants, résultant de l'une des causes énoncées au premier alinéa." en l'espèce, Madame A... O... a été licenciée au motif pris par l'association Centre De L'étoile de remplacer le poste de Madame A... O... en l'externalisant auprès du cabinet comptable "STREGO", lequel assurait déjà la clôture des comptes de l'association depuis 2003 ; cette décision faisait suite aux différents déficit comptable de l'association, en 2011, moins 99 273 €, en 2012, moins 95 820 €, en 2013, moins 57 000 €, cette situation de déficit répété a obligé l'association diocésaine du Mans à subventionner l'association CENTRE DE L'ETOILE, dont elle était le garant, en recapitalisant son capital régulièrement, en 2011, une subvention exceptionnelle de 6 948€, en 2012, une subvention de 3 702 €,et en 2013, une subvention de 135 906 € ; en l'espèce, il est clairement établit que la situation comptable de l'association CENTRE DE L'ETOILE ne pouvait perdurer ; en droit, le licenciement pour motif économique doit avoir une cause réelle et sérieuse, en l'occurrence cette cause s'avère réelle et sérieuse ; le licenciement est justifié par un motif économique, la réorganisation opérée dans l'intérêt de l'entreprises apparaît justifié ; cette décision a été prise par le conseil d'administration de l'association CENTRE DE L'ETOTLE du 15 janvier 2014, dont l'ordre du jour était, entre autre, de "... prendre les mesures nécessaires à l'amélioration du résultat dans tes meilleurs délai... " ; l'association DIOCESAINE ayant fait savoir qu'elle ne pourrait plus recapitaliser l'Association CENTRE DE L'ETOILE comme elle l'a fait en 2013 pour un montant total de 140000€ ; celle-ci indiquait ainsi par courrier le 13 janvier 2014 que ".. le niveau de chiffre d'affaires des activités de location de salles et d'hébergement se situe à des niveaux très faibles. Ce constat pour 2013 intervient après une année 2012 elle aussi très difficile.
Cour d'appel d'Angers, Cour de cassation Chambre sociale, décision 18-24.073 du 30/09/2020, partie 3
Ceci a contraint l'Association DIOCESAINE du Mans à soutenir financièrement le CENTRE DE L ‘ETOILE bien au-delà de ce qui est légalement possible. Je me dois de vous mettre en garde par rapport à cette situation qui ne peut perdurer. Des mesures urgentes doivent être prises afin que les activités économique du CENTRE DE L'ETOILE retrouve un strict équilibre" ; en conséquence, le licenciement pour motif économique de Madame A... O... apparaît réel et sérieux » (cf. jugement p. 4) ; ALORS QUE, d'une part, les juges sont tenus de répondre aux conclusions des parties ; que Mme A... faisait valoir que son licenciement fondé sur un motif économique était dépourvu de cause réelle et sérieuse dès lors que le diocèse du Mans, dont relève l'Association le Centre de l'Etoile qui l'emploie, a réalisé à la même période une opération immobilière touchant à la structure du Centre de l'Etoile pour un investissement de 9 millions d'euros (cf. ses conclusions p. 6, § 1 à 3) ; qu'en se dispensant de répondre à ce moyen péremptoire des conclusions de l'exposante, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de réponse à conclusions en violation de l'article 455 du code de procédure civile ; ALORS QUE, d'autre part, Mme A... faisait valoir que postérieurement à son licenciement, la nouvelle structure ainsi créée suite à la réalisation du projet immobilier avait recruté un comptable (cf. ses conclusions p. 6, § 4) ; que faute de répondre à ce moyen péremptoire des conclusions de l'exposante, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de réponse à conclusions en violation de l'article 455 du code de procédure civile. SECOND MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt d'AVOIR dit que l'association Centre de l'Etoile a respecté son obligation de reclassement ; AUX MOTIFS PROPRES QUE « par application de l'article L. 1233-4 du code du travail dans sa version applicable au présent litige, la recherche d'un reclassement, avant tout interne, est un préalable à tout licenciement pour motif économique. La recherche en vue du reclassement du salarié concerné doit être effective. Les offres de reclassement proposées doivent être écrites et précises. Les possibilités de reclassement doivent être recherchées à l'intérieur du groupe auquel appartient l'employeur concerné parmi les entreprises dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation leur permettent la permutation de tout ou partie du personnel. Enfin l'employeur doit proposer ensuite aux salariés dont le licenciement est envisagé tous les emplois disponibles de la même catégorie ou, à défaut, d'une catégorie inférieure ; compte tenu de la taille de l'association et de l'absence de poste disponible, le reclassement interne de Mme A... n'était pas possible ; un poste de secrétaire assistante en CDD a été transformé en CDI à la fin de l'année 2013, mais avant la décision de suppression du poste de comptable ; dès lors, il ne pouvait être proposé à Mme A... au titre du reclassement interne ; par ailleurs, l'association justifie des démarches qu'elle a effectuées dans le cadre d'une recherche de reclassement externe et des 8 courriers qu'elle a adressés les 24 et 27 janvier 2014 à d'autres associations et des sociétés attirant leur attention sur la situation particulière de Mme A... et faisant état de ses compétences, notamment en matière de contrôle de gestion ; elle justifie également du message électronique adressé le 28 janvier 2014 par le cabinet STREGO concernant un de leur client, la société SNEG, recherchant alors un comptable. Mme A... n'a répondu à cette sollicitation que le 12 mai 2014 alors que le poste avait été pourvu le 5 mai 2014 ; le 4 juillet 2014, l'association Centre de l'Etoile a proposé à Mme A... un poste de maîtresse de maison en contrat à durée déterminée pour 9 mois ; Mme A... a refusé ce poste compte tenu des conditions proposées ; le 10 octobre 2014, l'association Centre de l'Etoile a également proposé à Mme A... de postuler sur le poste de chef comptable de l'association diocésaine ; ce poste n'était pas disponible au moment du licenciement économique de Mme A..., s'agissant d'un départ à la retraite ; Mme A... indique son intention, dans un courrier en date du 20 octobre 2014, de décliner cette proposition au motif qu'il avait été évoqué qu'elle prenne un jour ce poste à la retraite du titulaire et qu'elle n'acceptait pas aujourd'hui de devoir postuler via un cabinet de recrutement extérieur ; il résulte de l'ensemble de ces éléments que l'association Centre de l'Etoile a procédé de manière loyale et attentive à la recherche d'un reclassement pour Mme A..., recherche qui s'est poursuivie bien au delà de la procédure de licenciement ; il apparaît que Mme A... n'a pas donné suite à deux postes proposés correspondant pourtant parfaitement à ses qualifications » ; ET AUX MOTIFS ADOPTES QU' « en l'espèce, Madame A... O... a été licenciée le 12 février 2014 ; n'ayant pas opté pour le Contrat de Sécurisation Professionnel (CSP), elle a dû effectuer les deux mois de préavis inclus dans son contrat de travail, ce qui l'a fait partir de l'association CENTRE DE L'ETOILE le 14 avril 2014 ;
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lors de l'entretien de licenciement, l'association avait déjà fait état d'une proposition de poste de comptable par le cabinet STREGO, courrier envoyé le 24janvier 2014 ; l'association a par ailleurs envoyé plusieurs courriers de reclassement pour proposer Madame A... O... à différentes structures, le 24 janvier 2014, à la DIRECTION DE L'ENSEIGNEMENT CATHOLIQUE, à l'Association d'HYGIENNE SOCIALE DE LA SARTRE, au cabinet comptable FITEGO, à l'association RCF, ou le 27 janvier 2014, auprès des Sociétés JDC et BIGOT FLEURS (voir les pièces 24 à 31 du défendeur) ; l'ensemble de ses propositions n'ont pas donné de suite favorable, faute de poste à pourvoir correspondant à la qualification de Madame A... O... ; en l'espèce, Madame A... O... n'enverra son Curriculum Vitae à la société SNEG (le cabinet STREGO) que le 12 mai 2014, alors que le poste qui correspondait pourtant à sa qualification sera pris à cette date ; l'association CENTRE DE L'ETOJLE va proposer le 4 juillet 2014, à Madame A... O... un poste de maîtresse de maison, qui certes ne correspondait pas à ses qualifications, sur un CDD de 6 mois, ce qu'elle refusera ; elle lui proposera également de postuler à un poste de chef comptable, le 10 octobre 2014, auprès de l'Association DIOCESAINE, qui correspond parfaitement aux qualifications de Madame A... O..., poste qu'elle a également refusé ; en l'espèce, sept propositions de reclassement ont été antérieurs au départ de Madame A... O..., et par ailleurs, plusieurs propositions lui ont été faites postérieurement à son départ et qu'elle a refusée ; en droit, le licenciement pour motif économique ne peut intervenir que lorsque les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé dans l'entreprise, ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient, n'est pas possible ; ce texte consacre la jurisprudence qui avait fait du reclassement un préalable à tout licenciement pour motif économique et l'article L1233-4 du code du travail édicte : " Le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous tes efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles, situés sur le territoire national dans l'entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l'entreprise fait partie. Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s ‘effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure. Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises" ; en l'espèce, le Conseil de céans considère que l'association CENTRE DE L'ETOILE a respecté cette procédure » (cf. jugement p. 5) ; 1/ALORS QUE, d'une part, le licenciement économique d'un salarié ne peut intervenir que si l'employeur a recherché au préalable toutes les possibilités de reclassement existantes et que ce dernier est impossible ; qu'en jugeant que l'Association le centre de l'Etoile avait satisfait à son obligation de reclassement après avoir pourtant constaté que la suppression du poste de Mme A... avait été décidée par le conseil d'administration le 15 janvier 2014 suite à la réception du courrier du 13 janvier 2014 du diocèse alertant sur la nécessité de procéder à une réorganisation de l'association en raison de la subvention exceptionnelle versée en 2013 et que le licenciement de Mme A... était intervenu le 12 février 2014 ce dont il s'évinçait que les recherches de reclassement de Mme A... n'avaient pu être loyalement effectuées, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en violation de l'article L. 1233-4 du code du travail ; 2/ALORS QUE, d'autre part, le licenciement économique d'un salarié ne peut intervenir que si, au préalable, l'employeur a fait une recherche sérieuse et loyale de reclassement et que ce dernier est impossible ; qu'en jugeant que l'Association le centre de l'Etoile avait satisfait à son obligation de reclassement au regard des propositions faites à Mme A... postérieurement à son licenciement, la cour d'appel a violé L. 1233-4 du code du travail.
Cour d'appel d'Angers, Cour de cassation Chambre sociale, décision 18-24.073 du 30/09/2020, partie 5
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 30 SEPTEMBRE 2020 M. F... P..., domicilié chez Mme D... O..., [...] , a formé le pourvoi n° V 19-16.953 contre l'ordonnance rendue le 26 novembre 2018 par le premier président de la cour d'appel de Pau, dans le litige l'opposant au préfet des Pyrénées-Atlantiques, dont le siège est [...] , défendeur à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Gargoullaud, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. P..., et l'avis de Mme Caron-Deglise, avocat général, après débats en l'audience publique du 7 juillet 2020 où étaient présentes Mme Batut, président, Mme Gargoullaud, conseiller référendaire rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Berthomier, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Pau, 26 novembre 2018), et les pièces de la procédure, le 20 novembre 2018, une personne étrangère se présentant sous l'identité de M. P..., de nationalité ivoirienne, en situation irrégulière sur le territoire national, a fait l'objet d'une décision du préfet portant obligation de quitter le territoire, puis d'un placement en rétention administrative. 2. Le 22 novembre 2018, le préfet a saisi le juge des libertés et de la détention aux fins de prolongation de la mesure. Examen des moyens Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche Enoncé du moyen 3. M. P... fait grief à l'ordonnance de déclarer recevable l'appel du préfet et de prolonger la rétention, alors « que le juge d'appel doit statuer dans les 48 h de sa saisine, délai au terme duquel il est dessaisi ; que faute de toute précision quant à l'heure à laquelle le préfet a interjeté appel le vendredi 23 novembre, l'ordonnance d'appel ne permet pas de s'assurer que le premier président, en statuant le lundi 26 novembre à 14 h 39, a statué dans le délai prévu ; qu'elle est ainsi privée de base légale au regard des articles L. 552-9 et R. 552-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. » Réponse de la Cour Vu l'article L. 552-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les articles 640 et 642 du code de procédure civile : 4. Il résulte du premier de ces textes que le premier président, saisi sans forme de l'appel d'une ordonnance du juge des libertés et de la détention, doit statuer dans le délai de quarante-huit heures de sa saisine. 5. L'ordonnance attaquée, rendue le lundi 26 novembre 2018, à 14 h 39, indique que l'appel est « parvenu au greffe de la cour le 23 novembre 2018 ». 6. En se déterminant ainsi, sans indiquer l'heure de sa saisine, qui ne résulte pas davantage des pièces du dossier, alors qu'il devait rendre sa décision dans le délai de quarante-huit heures de celle-ci, le premier président, qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, a privé sa décision de base légale. Portée et conséquences de la cassation 7. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1er, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile. 8. La cassation n'implique pas, en effet, qu'il soit statué sur le fond, dès lors que, les délais légaux pour statuer sur la mesure étant expirés, il ne reste plus rien à juger. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 26 novembre 2018, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Pau ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance cassée ;
Cour d'appel de Pau 05, Cour de cassation Première chambre civile, décision 19-16.953 du 30/09/2020, partie 1
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente septembre deux mille vingt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour M. P.... PREMIER MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'ordonnance attaquée d'avoir déclaré recevable l'appel du préfet des Pyrénées Atlantiques et d'avoir infirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention qui a fait droit aux exceptions de nullité soulevées par l'intéressé et qui a rejeté la requête en prolongation de la rétention administrative de M. C... se disant F... P... ; Sur la constatation QUE « par acte d'appel parvenu au greffe de la cour le 23 novembre 2018, Monsieur le Préfet des Pyrénées Atlantiques a formé appel en sollicitant la réformation [de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention] » ; 1°/ ALORS QUE le délai d'appel d'une ordonnance relative à la prolongation de la rétention administrative est de 24h à compter de sa notification ; que l'ordonnance du juge des libertés et de la détention ayant été notifiée au préfet le 22 novembre 2018 à 17h52, l'absence de toute précision quant à l'heure à laquelle le préfet a interjeté appel le 23 novembre 2018 prive l'ordonnance d'appel de base légale au regard de l'article R. 552-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; 2°/ ALORS QUE le juge d'appel doit statuer dans les 48h de sa saisine, délai au terme duquel il est dessaisi ; que faute de toute précision quant à l'heure à laquelle le préfet a interjeté appel le vendredi 23 novembre, l'ordonnance d'appel ne permet pas de s'assurer que le premier président, en statuant le lundi 26 novembre à 14h39, a statué dans le délai prévu ; qu'elle est ainsi privée de base légale au regard des articles L. 552-9 et R. 552-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. DEUXIEME MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'ordonnance attaquée d'avoir infirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention qui a fait droit aux exceptions de nullité soulevées par l'intéressé et qui a rejeté la requête en prolongation de la rétention administrative de M. C... se disant F... P... ; Sur les constatations QUE « l'avis de la présente date d'audience [a été] donné à Monsieur le Procureur Général, au représentant du Préfet, à l'intéressé » ; ET QUE « par acte d'appel parvenu au greffe de la cour le 23 novembre 2018, Monsieur le Préfet des Pyrénées Atlantiques a formé appel en sollicitant la réformation [de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention] » ; 1°/ ALORS QU' il résulte de l'article R. 552-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que l'avocat de l'étranger dont la prolongation de la rétention est demandée par le préfet doit être informé de la date de l'audience d'appel ; qu'il ressort des mentions de l'ordonnance du premier président que le conseil de M. C... se disant F... P... n'a pas été informé de la date d'audience et qu'il n'a pu en conséquence s'y présenter ou produire des écritures, de sorte que l'ordonnance a été rendue en violation de l'article R. 552-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ensemble l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ; 2°/ ALORS QUE l'ordonnance attaquée, dont les mentions sont insuffisantes pour vérifier la régularité de l'avis de la date d'audience donné à l'intéressé et tout particulièrement l'adresse à laquelle cet avis aurait été envoyé, est privée de base légale au regard de l'article R. 552-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ensemble l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et les droits de la défense ; 3°/ ALORS QUE le premier président, qui statue sans constater que l'intéressé ou son avocat auraient eu accès au dossier préalablement à l'audience, a violé l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme. TROISIEME MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'ordonnance attaquée d'avoir infirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention qui avait fait droit aux exceptions de nullité soulevées par l'intéressé et qui avait rejeté la requête en prolongation de la rétention administrative de M. C... se disant F... P... ; AUX MOTIFS QUE « les expertises effectuées sur les différents documents d'identité présentés par l'intéressé ont démontré leur fausseté, les documents fournis sont tous contrefaits tant en ce qui concerne les extraits d'actes de naissance que pour le certificat de nationalité ivoirienne ; il va de soi que si l'intéressé avait effectivement été mineur, il aurait présenté ces documents d'identité authentiques au lieu de pièces falsifiées ;
Cour d'appel de Pau 05, Cour de cassation Première chambre civile, décision 19-16.953 du 30/09/2020, partie 2
Il ressort par ailleurs du rapport médical de l'intéressé établi par le centre hospitalier de Pau, que les résultats de son examen radiologique et de son étude endobuccale sont compatibles avec un âge physiologique de plus de 18 ans » ; 1°/ ALORS QUE le mineur faisant l'objet d'une mesure d'assistance éducative ne peut faire l'objet d'une mesure d'éloignement du territoire ni être placé en rétention administrative ; que M. C... se disant K... Y... et F... P... ayant été confié au conseil départemental des Pyrénées Atlantiques par un jugement en assistance éducative du 19 décembre 2018, l'ordonnance prolongeant sa rétention administrative viole l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; 2°/ ALORS QUE le premier président a statué par motifs hypothétiques en violation de l'article 455 du code de procédure civile ; 3°/ ALORS QU' en l'absence de documents d'identité valables, les conclusions des examens radiologiques ne peuvent permettre à elles seules d'établir si l'intéressé est mineur et le doute profite à ce dernier ; qu'en déduisant la majorité de l'intéressé du seul fait que ses documents d'identité n'étaient pas valables et de ce que les examens réalisés étaient compatibles avec un âge de plus de 18 ans, le premier président de la cour d'appel a violé l'article 388 du code civil.
Cour d'appel de Pau 05, Cour de cassation Première chambre civile, décision 19-16.953 du 30/09/2020, partie 3
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 23 SEPTEMBRE 2020 La société Diedis, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° G 18-23.217 contre l'arrêt rendu le 5 septembre 2018 par la cour d'appel de Nancy (chambre sociale), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. R... P..., domicilié [...] , 2°/ à Pôle emploi, dont le siège est [...] , défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Silhol, conseiller référendaire, les observations de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de la société Diedis, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. P..., après débats en l'audience publique du 23 juin 2020 où étaient présents Mme Farthouat-Danon, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Silhol, conseiller référendaire rapporteur, M. Ricour, conseiller et Mme Dumont, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Nancy, 5 septembre 2018), M. P..., engagé le 17 mars 2008 en qualité d'employé commercial par la société Diedis, exploitant son activité commerciale sous l'enseigne E. Leclerc, a été déclaré inapte à son poste par le médecin du travail à l'issue de deux examens des 5 et 22 janvier 2015. 2. Licencié, le 6 mars 2015, pour inaptitude et impossibilité de reclassement, M. P... a saisi la juridiction prud'homale de demandes en paiement de diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture du contrat de travail. Sur le premier moyen, ci-après annexé 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Mais sur le second moyen Enoncé du moyen 4. La société fait grief à l'arrêt de lui ordonner de rembourser à Pôle emploi un mois d'indemnités de chômage alors « que le juge peut ordonner à l'employeur de rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage perçues par le salarié dans la limite de six mois, sauf lorsque le licenciement a été notifié en violation des règles particulières aux victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle ; qu'en condamnant la société Diedis à rembourser à Pôle emploi un mois d'indemnités de chômage perçues par M. P..., après avoir dit que son inaptitude était d'origine professionnelle, la cour d'appel a violé les article L. 1235-4, L. 1226-10 et L. 1226-15 du code du travail. » Réponse de la Cour Vu l'article L. 1235-4 du code du travail, en sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 : 5. Aux termes de ce texte, dans les cas prévus aux articles L. 1235-3 et L. 1235-11, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé. 6. Après avoir dit que l'inaptitude est d'origine professionnelle et condamné l'employeur au paiement d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en raison d'un manquement à l'obligation de reclassement, l'arrêt ordonne à l'employeur de rembourser à Pôle emploi un mois d'indemnités de chômage. 7. En statuant ainsi, alors que les dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail ne sont pas applicables au licenciement intervenu en violation des règles particulières aux victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, prévues par les articles L. 1226-10 et L. 1226-15 du code du travail, la cour d'appel a violé le texte susvisé. Portée et conséquences de la cassation 8. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1er, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile. 9. La cassation prononcée n'implique pas, en effet, qu'il soit à nouveau statué sur le fond. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il ordonne à la société Diedis de rembourser à Pôle emploi un mois d'indemnités de chômage, l'arrêt rendu le 5 septembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Nancy ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Cour d'appel de Nancy, Cour de cassation Chambre sociale, décision 18-23.217 du 23/09/2020, partie 1
DIT n'y avoir lieu à application de l'article L. 1235-4 du code du travail ; Condamne la société Diedis aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, prononcé et signé par le président et M. Ricour, conseiller le plus ancien en ayant délibéré conformément aux dispositions des articles 452 et 1021 du code de procédure civile, en remplacement du conseiller référendaire rapporteur empêché, en l'audience publique du vingt-trois septembre deux mille vingt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat aux Conseils, pour la société Diedis. PREMIER MOYEN DE CASSATION IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir dit le licenciement pour inaptitude de M. P... sans cause réelle et sérieuse, d'avoir confirmé le jugement entreprise en ce qu'il avait condamné la société Diedis au paiement des sommes de 18.400 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement injustifié, 600 euros au titre des frais irrépétibles de première instance, ordonné le remboursement à Pôle Emploi d'un mois d'indemnité de chômage ; AUX MOTIFS QUE « selon l'article L. 1232-6 du code du travail, l'employeur est tenu d'énoncer le ou les motifs du licenciement dans la lettre de licenciement ; qu'en l'espèce, il résulte de la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, que M. R... P... a été licencié pour inaptitude physique, l'employeur précisant à cet égard : "Suite à notre entretien du 02 mars 2015, nous avons le regret de vous informer par la présente que nous avons pris la décision de vous licencier et que vous ne ferez plus partie de notre Société DIEDIS SAS, à la date d'envoi de ce courrier pour les motifs suivants : Vous êtes employé en contrat à durée indéterminée en tant qu'employé commercial vendeur depuis le 17 mars 2008. Le médecin du travail vous a déclaré inapte suite aux visites médicales du 05 et 22fanvier 2015 à votre poste de travail ainsi qu'à tout poste dans notre Société, hormis boulanger, pâtissier et agent administratif. Les membres des Délégués du Personnel ont passé en revue avec la Direction l'ensemble des postes existants dans notre magasin. Ces postes sont principalement constitués par des emplois en Surface de Vente et en Caisse. Les postes d'employés libre service, poste principal de notre activité, ne sont pas compatibles avec votre état de santé, tout comme les postes de vendeurs techniques. Les postes administratifs, boulangers et pâtissiers nécessitent des compétences que vous n'avez pas, la formation nécessaire à l'acquisition de ces compétences nous rendrait hors délai. Enfin, ces postes sont en nombre limité et intégralement pourvus, aucune création de poste n'est envisagée. Enfin, le médecin vous a déclaré inapte à tout autre poste dans l'entreprise même par le biais d'un aménagement de poste ou de réduction d'horaires. Nos différentes solutions de reclassement (employé commercial, vendeur technique, hôte de caisse) ne nous ont pas permis de vous reclasser à un autre poste, le Médecin du travail ayant confirmé par courrier du 10 février 2015 que votre état de santé n'était pas compatible à ces postes. Lors de la réunion exceptionnelle des Délégués du Personnel en date du 14 février 2015, ces derniers ont pris connaissance de votre dossier et ont conclu qu'il n'existait pas de poste pouvant convenir à votre état de santé, même en contrat à durée déterminée sur une courte période" ; qu'il résulte de ces termes que le salarié a été licencié pour inaptitude physique et impossibilité de le reclasser ; que contrairement à ce que soutient M. R... P..., cette lettre est suffisamment précise pour justifier le licenciement ; que M. R... P... entend toutefois reprocher à l'employeur de ne pas avoir exécuté avec sérieux et loyauté son obligation de reclassement ; que suivant l'article L.1226-2 du code du travail, lorsque le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités ; qu'en l'espèce, l'avis médical d'inaptitude indiquant "inapte au poste, serait apte à un poste sans port répété de charges", la société Diedis devait donc rechercher un poste de reclassement au sein de son entreprise et de celles du groupe auquel elle appartient ; qu'or, en l'espèce, malgré les préconisations du médecin du travail, la société Diedis n'a pas proposé de postes administratifs, boulangers ou pâtissiers dans le magasin au sein duquel le salarié était déjà affecté et n'a pas pris attache avec un quelconque magasin exploitant sous l'enseigne E. Leclerc pour permettre au salarié de retrouver un poste identique à son poste antérieur ; que la société Diedis explique qu'elle n'appartient pas à un groupe de sociétés, qu'elle ne fait partie que d'un réseau de commerçants indépendants qui n'ont en commun que la possibilité d'utiliser l'enseigne E.
Cour d'appel de Nancy, Cour de cassation Chambre sociale, décision 18-23.217 du 23/09/2020, partie 2
Leclerc et de bénéficier d'une centrale d'achat, sans être liés par un contrat de franchise leur imposant des modalités d'organisation du magasin, de service, de compétences requises ou encore de gestion du personnel ; mais que le seul fait de revendiquer son indépendance juridique et financière ne permet pas à l'employeur de caractériser l'impossibilité d'assurer une permutation du personnel avec d'autres entreprises participant au même réseau de distribution et ayant des activités, des objectifs et des emploi identiques ; que dès lors que la société est défaillante à démontrer qu'elle s'est acquittée de son obligation de reclassement, le licenciement de M.. R... P... doit donc être considéré sans cause réelle et sérieuse ; que ce défaut de cause réelle et sérieuse du licenciement ouvre droit pour M. R... P... à une indemnité qui, au regard de l'ancienneté du salarié, de son âge, des conditions de la rupture, et de ses difficultés à retrouver un emploi, doit être évaluée à la somme de 18.400 € ; que le jugement entrepris sera en conséquence confirmé » ; 1°) ALORS QUE lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur est tenu de lui proposer l'ensemble des postes vacants dans l'entreprise et appropriés à ses capacités à la date du licenciement ; qu'en jugeant que l'employeur aurait manqué à son obligation de reclassement en ne proposant aucun poste conforme aux préconisations du médecin du travail, parmi les possibilités de lui offrir d'occuper un poste administratif, de boulanger ou de pâtissier, quand il était constant et non contesté par M. P... qu'aucun de ces postes n'était vacant dans l'entreprise à la date du licenciement, ce dont il résultait que l'employeur était dans l'impossibilité d'en proposer l'un d'entre eux, la cour d'appel a violé l'article L. 1226-10 du code du travail ; 2°) ALORS QUE l'évolution du droit du licenciement du salarié inapte, résultant des ordonnances n°2017-1386 du 22 septembre 2017 et n°2017-1718 du 20 décembre 2017, conduit à apprécier différemment, dans les relations de travail, le périmètre de l'obligation de reclassement qui pèse sur l'employeur dont le salarié est licencié pour inaptitude à son poste, en raison d'un accident ou d'une maladie qu'elle soit d'origine professionnelle ou non ; que le périmètre de l'obligation de reclassement doit s'étendre au groupe, entendu au sens des articles L. 233-1, L. 233-3 et L. 233-16 du code de commerce, comme l'ensemble des entreprises ayant des liens capitalistiques entre elle, auquel appartient l'entreprise employeur et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel ; qu'en jugeant que la société Diedis aurait dû rechercher les possibilités de reclassement au sein de toutes les sociétés exerçant leur activité sous l'enseigne E. Leclerc et ce, en dépit de l'absence de tout lien capitalistique entre elles, la cour d'appel a violé l'article L. 1226-10 du code du travail. SECOND MOYEN DE CASSATION IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir dit le licenciement pour inaptitude de M. P... avait une origine professionnelle et d'avoir confirmé le jugement entrepris en ce qu'il avait ordonné à la société Diedis le remboursement à Pôle Emploi d'un mois d'indemnités de chômage ; AUX MOTIFS QUE « sur l'origine professionnelle de l'inaptitude : Par lettre du 06 mars 2015, faisant suite à un entretien préalable du 02 mars 2015, la société Diedis a notifié à M. P... son licenciement pour inaptitude ; quel es règles protectrices applicables aux victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle s'appliquent dès lors que l'inaptitude du salarié, quel que soit le moment où celle-ci est constatée ou invoquée a, au moins partiellement, pour origine cet accident et que l'employeur avait connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement ; que la circonstance que le salarié ait été au moment du licenciement dans l'attente de la décision de reconnaissance par la caisse primaire d'assurance maladie et pris en charge par les organismes sociaux au titre de la maladie n'est pas de nature à faire perdre au salarié le bénéfice de la législation protectrice des accidentés du travail ; qu'en l'espèce, une déclaration de maladie professionnelle a été établie par M. R... P... le 09 novembre 2014, dont l'origine professionnelle a été reconnue au titre de la législation relative aux risques professionnels ; que par formulaire du 22janvier 2015, le médecin du travail a rempli une demande d'indemnité temporaire d'inaptitude à laquelle l'employeur a fait droit en versant l'indemnité ; qu'enfin, il ressort de l'attestation de paiement, des indemnités journalières de M. P... qu'il a été indemnisé au taux majoré au titre d'un accident du travail du 09 novembre 2014 au 08 décembre 2014 ; qu'aux termes de ses écritures, l'employeur rappelle d'ailleurs avoir versé à M. P... la somme de 4 600,44 € au titre de l'indemnisation du préavis et d'un complément d'indemnité de licenciement et avoir fait le nécessaire pour qu'il perçoive l'indemnité temporaire d'inaptitude ;
Cour d'appel de Nancy, Cour de cassation Chambre sociale, décision 18-23.217 du 23/09/2020, partie 3
que dans ces conditions, l'employeur ne peut soutenir avoir ignoré la déclaration de maladie professionnelle effectuée par le salarié ; qu'il convient donc de compléter le jugement en ce qu'il a omis de dire l'inaptitude d'origine professionnelle » ; ALORS QUE le juge peut ordonner à l'employeur de rembourser à Pôle Emploi les indemnités de chômage perçues par le salarié dans la limite de six mois, sauf lorsque le licenciement a été notifié en violation des règles particulières aux victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle ; qu'en condamnant la société Diedis à rembourser à Pôle emploi un mois d'indemnités de chômage perçues par M. P..., après avoir dit que son inaptitude était d'origine professionnelle, la cour d'appel a violé les article L. 1235-4, L. 1226-10 et L. 1226-15 du code du travail.
Cour d'appel de Nancy, Cour de cassation Chambre sociale, décision 18-23.217 du 23/09/2020, partie 4
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 15 SEPTEMBRE 2020 Le tribunal correctionnel de Lyon, par jugement en date du 16 juin 2020, reçu le 30 juin 2020 à la Cour de cassation, a transmis une question prioritaire de constitutionnalité dans la procédure suivie contre MM. O... K..., Y... N... et Mme Q... G..., du chef de diffamation publique envers des particuliers. Sur le rapport de Mme Ménotti, conseiller, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de MM. A... T..., L... H..., la société Alterna, parties civiles et les conclusions de M. Lagauche, avocat général, après débats en l'audience publique du 15 septembre 2020 où étaient présents M. Soulard, président, Mme Ménotti, conseiller rapporteur, M. Bonnal, conseiller de la chambre, et M. Bétron, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. 1. La question prioritaire de constitutionnalité est ainsi rédigée : « L'article 179-2 du code de procédure pénale créé par l'article 56 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 porte-t-il atteinte aux droits et libertés garantis par les articles 2, 11 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoven ? » 2. La disposition législative contestée est applicable à la procédure et n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel. 3. La question, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, n'est pas nouvelle. 4. La question posée ne présente pas un caractère sérieux, dès lors que, lorsque la date de l'audience est précisée dans l'ordonnance de renvoi, les prévenus ne sont pas privés de la possibilité qui leur est reconnue par l'article 55 de la loi du 29 juillet 1881 de faire signifier leur offre de preuve, mais qu'il résulte de l'article 179-2 du code de procédure pénale, dans sa rédaction issue de la loi du 23 mars 2019, que le délai de dix jours qui leur est imparti pour ce faire court à compter de la notification de l'ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel. PAR CES MOTIFS, la Cour : DIT N'Y AVOIR LIEU DE RENVOYER au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en audience publique du quinze septembre deux mille vingt.
décision 20-90.015 du 15/09/2020, partie 1
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 17 SEPTEMBRE 2020 1°/ M. L... E..., 2°/ Mme W... G..., épouse E..., tous deux domiciliés [...] , ont formé le pourvoi n° H 19-23.059 contre l'arrêt rendu le 25 juin 2019 par la cour d'appel d'Angers (chambre A - civile), dans le litige les opposant : 1°/ à M. M... V..., domicilié [...] , 2°/ à Mme P... K..., domiciliée [...] , défendeurs à la cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Parneix, conseiller, les observations écrites de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. et Mme E..., de la SCP Ohl et Vexliard, avocat de M. V..., de Mme K..., et l'avis de M. Sturlèse, avocat général, après débats en l'audience publique du 16 juin 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Parneix, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Berdeaux, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision. 1. Les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. 2. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi. EN CONSÉQUENCE, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne M. et Mme E... aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. et Mme E... et les condamne in solidum à payer à M. V... et Mme K... la somme de 3 000 euros ; Ainsi décidé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept septembre deux mille vingt. Le conseiller rapporteur le president Le greffier de chambre MOYENS ANNEXES à la présente décision Moyens produits par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour M. et Mme E.... PREMIER MOYEN DE CASSATION Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté l'exception de nullité du rapport d'expertise soulevée par les propriétaires d'une parcelle cadastrée [...] (M. et Mme E..., les exposants), homologuant ainsi ce rapport et ordonnant le bornage de ladite parcelle avec celle cadastrée [...] appartenant au propriétaire voisin (M. V...) conformément au plan établi par l'expert ; AUX MOTIFS QUE M. et Mme E... reprochaient tout d'abord à l'expert d'avoir méconnu le principe de la contradiction en ce qu'il avait procédé à un relevé des parcelles hors leur présence et sans soumettre le résultat de ses investigations aux parties ; que M. O... n'avait organisé qu'une réunion d'expertise le 27 novembre 2015, en présence des parties et de leur conseil, au cours de laquelle il avait visité les parcelles et procédé au relevé des lieux ; que s'il avait procédé à des superpositions et à des calculs hors leur présence, il avait établi un plan qu'il avait joint à son pré-rapport, de sorte que les parties avaient été en mesure d'en prendre connaissance et de faire toutes observations qu'elles considéraient nécessaires, ce qu'elles avaient fait ; que M. O... avait répondu à leurs dires et que s'il n'avait pas estimé utile d'organiser un nouveau accedit, sa décision pouvait influer sur la force probante de son rapport non sur sa validité ; que l'expert n'avait donc pas méconnu le principe de la contradiction ; ALORS QUE l'expert judiciaire qui procède à des investigations techniques hors la présence des parties est tenu de leur en soumettre les résultats afin de leur permettre d'être à même d'en débattre contradictoirement avant le dépôt de son rapport ; qu'en se bornant à relever que si l'expert avait procédé à des superpositions et à des calculs hors la présence des parties, il avait établi un plan qu'il avait joint à son pré-rapport de sorte que les parties avaient pu en prendre connaissance et présenter leurs observations, quand le plan sur le fondement duquel elle a ordonné le bornage des propriétés était dépourvu de toute cote, et sans constater que le relevé des lieux réalisé hors leur présence avait été communiqué aux parties, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile. SECOND MOYEN DE CASSATION Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir homologué le rapport d'expertise judiciaire et ordonné le bornage des parcelles [...] et [...] , conformément au plan de délimitation établi par l'expert ;
Cour d'appel d'Angers, Cour de cassation Troisième chambre civile, décision 19-23.059 du 17/09/2020, partie 1