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AUX MOTIFS QU' il était de principe, conformément au recueil d'usages ruraux (article 9), que le talus appartenait au propriétaire du fonds supérieur dont il soutenait les terres ; que ce principe constituait un élément d'appréciation ; qu'en outre, M. O... avait également relevé que la haie se trouvait à 0,50 mètre du fonds voisin, ce qui était conforme aux usages ruraux selon lesquels « la haie privative est plantée à 0,50 m du fonds voisin » ; que M. O... avait établi sa proposition en superposant les fonds de plans cadastraux actuel et de 1831 en tenant compte du décrochement présenté sur ces plans ; que les époux E... soutenaient qu'il existait une différence entre les limites cadastrales et les limites retenues par l'expert ; qu'ils avaient soumis par voie de dire cette contestation à M. O..., qui avait répondu que l'extrait de son plan avait été modifié volontairement, l'échelle ayant été réduite, de sorte qu'il ne pouvait être comparé à un plan cadastral dépourvu d'échelle précise ; qu'ils avaient également consulté M. J..., expert-géomètre à Besançon, lequel avait noté une différence entre la limite cadastrale et celle proposée par M. O..., mais avait précisé que l'écart moyen de plus ou moins 30 cm « rentrait parfaitement dans les tolérances fournies par le service du cadastre sur les différences entre les distances réelles mesurées et celles graphiques » ; qu'il avait certes relevé une incohérence dans le plan établi par l'expert, qui faisait passer la limite par certains arbres, et la coupe sur laquelle la limite était implantée au bas du talus ; que, néanmoins, elle résultait manifestement de l'imprécision du dessin des têtes couvertes de feuilles des arbres ; qu'il était constant qu'il avait existé pendant un temps deux clôtures ; que, néanmoins, l'expert avait noté que ces clôtures étaient avant tout destinées à assurer le pacage des animaux sur les prairies et n'étaient pas des éléments de délimitation très pertinents, les usages ruraux prévoyant même qu'elles devaient être en retrait de la limite de propriété quand elles n'étaient pas mitoyennes ; que, s'agissant de la possession des lieux, M. et Mme E... produisaient l'attestation de M. Y... qui indiquait avoir fait l'entretien de la parcelle [...] du 1er mai 1956 au 1er mai 1991 ; qu'il résultait des attestations de I... E... et de C... X..., ainsi que du procès-verbal de M. R..., que la clôture de M. et Mme E... se situait en haut du talus ; que, cependant, ces attestations étaient imprécises puisque ni l'un, ni l'autre n'indiquait depuis quand cette clôture était en haut du talus, M. X..., né en [...], se bornant à dire « toujours », sans aucune référence temporelle ; que, dans deux courriers des 21 et 23 mai 2014, M. V... avait demandé à ses voisins de remettre la clôture à la même place que l'ancienne, c'est-à-dire en bas du talus ; que ces éléments apparaissaient en conséquence insuffisants pour remettre en cause la limite de propriété telle que fixée par M. O... en considération, à la fois, des usages ruraux et du cadastre ; que les époux E... invoquaient également avoir acquis la partie de parcelle sur laquelle se trouvaient les arbres par l'effet de la prescription ; qu'ils admettaient ainsi que la limite de propriété se trouvait initialement au pied du talus ; que cette demande, à la supposer recevable comme ne se heurtant pas au principe dit de l'estoppel, s'analysait en une demande en revendication et il appartenait aux époux E... de démontrer l'existence d'une possession paisible, continu, et non équivoque pendant trente ans ; que les attestations et le procès-verbal d'huissier étaient insuffisamment précis et circonstanciés pour démontrer qu'ils avaient possédé, à titre de propriétaire, pendant trente ans de manière continue le talus et la haie qu'ils revendiquaient (arrêt attaqué, pp. 8 à 10) ; ALORS QUE, de première part, il est interdit au juge de dénaturer les documents de la cause ; qu'en affirmant que l'expert avait relevé que la haie vive implantée au sommet du talus se trouvait à 0,50 mètre du fonds voisin conformément aux usages ruraux selon lesquels « la haie privative est plantée à 0,50 mètre du fonds voisin », pour en déduire que la règle selon laquelle le talus appartenait au propriétaire du fonds supérieur se trouvait ainsi confirmée dans les faits, quand, dans son rapport, le technicien évoquait la distance des seules clôtures pour ensuite leur dénier toute valeur probante dans la détermination de la limite séparative des propriétés, la cour d'appel a dénaturé cet écrit en violation de l'article 1103 nouveau du code civil ;
Cour d'appel d'Angers, Cour de cassation Troisième chambre civile, décision 19-23.059 du 17/09/2020, partie 2
ALORS QUE, de deuxième part, en déclarant qu'il ressortait du rapport de M. J... qu'une différence de plus ou moins 30 centimètres entre les limites cadastrales et celles proposées par l'expert judiciaire « rentrait parfaitement dans les tolérances fournies par le service du cadastre sur les différences entre les distances réelles mesurées et celles graphiques », quand le géomètre faisait ainsi référence aux points d'appui constitués par les bâtiments figurant tant sur les plans cadastraux que sur celui établi par l'expert judiciaire, puis constatait formellement une différence de plus ou moins trois mètres entre la limite cadastrale et celle proposée par le technicien, la cour d'appel a dénaturé cet écrit en violation de l'article 1103 nouveau du code civil ; ALORS QUE, de troisième part, si l'action en bornage n'a pas le même objet que l'action en revendication de propriété, le juge du bornage a le pouvoir de statuer sur toute exception ou moyen de défense impliquant l'examen d'une question de nature immobilière pétitoire et dont dépend la fixation de l'étendue des propriétés ; qu'en considérant que les défendeurs à l'action au bornage ne pouvaient, sauf à se contredire au détriment d'autrui, invoquer l'acquisition du talus par possession trentenaire, tout en contestant que la limite des propriétés aurait été initialement fixée au pied de ce talus, la cour d'appel a violé les articles R. 221-12 et R. 221-40 du code de l'organisation judiciaire, ensemble les articles 544 et 646 du code civil ; ALORS QUE, de quatrième part, le bénéfice de la possession utile pour prescrire, établie à l'origine par des actes matériels d'occupation réelle, se conserve ensuite tant que son cours n'est pas interrompu ou suspendu par un acte ou un fait contraire ; qu'en affirmant que les attestations produites n'étaient pas de nature à administrer la preuve d'une possession continue pendant trente ans du talus et de la haie, tout en constatant que les défendeurs à l'action en bornage produisaient celle d'un fermier indiquant avoir entretenu la parcelle [...] , plus précisément la clôture ainsi que la haie vive, du 1er mai 1956 au 1er mai 1991, ce dont il résultait que la possession légale utile pour prescrire se trouvait établie à l'origine par des actes d'occupation réelle accomplis pendant trente-cinq ans, et s'était poursuivie ensuite, la cour d'appel a violé les articles 2261 et 2272 du code civil ; ALORS QUE, de cinquième part, pour pouvoir prescrire, il faut une possession continue et non interrompue ; qu'en déclarant que les attestations produites n'étaient pas de nature à administrer la preuve d'une possession continue pendant trente ans du talus et de la haie, tout en relevant que les défendeurs à l'action en bornage produisaient le témoignage d'un fermier indiquant avoir entretenu la parcelle [...] , plus précisément la clôture ainsi que la haie vive, du 1er mai 1956 au 1er mai 1991, se prévalant ainsi d'actes matériels de possession selon ce que la destination du terrain en nature de prairie commandait, la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision au regard de l'article 2261 du code civil ; ALORS QUE, enfin, en affirmant que les attestations versées aux débats ne comportaient aucune référence temporelle permettant de préciser depuis quelle époque une clôture avait été installée au sommet du talus, quand M. X... avait indiqué exploiter la parcelle n° [...] depuis le 1er janvier 2002, apportant ainsi la preuve qu'une clôture existait au sommet du talus depuis au moins cette date, tandis que M. Y... certifiait avoir entretenu la haie vive ainsi que la clôture du 1er mai 1956 au 1er mai 1991, la cour d'appel a dénaturé ces écrits en violation de l'article 1103 nouveau du code civil. Le greffier de chambre
Cour d'appel d'Angers, Cour de cassation Troisième chambre civile, décision 19-23.059 du 17/09/2020, partie 3
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 17 SEPTEMBRE 2020 1°/ M. R... W..., domicilié [...] , 2°/ la société Cristal, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , ont formé le pourvoi n° F 19-20.896 contre l'arrêt rendu le 20 juin 2019 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-7), dans le litige les opposant à M. U... E..., domicilié [...] , défendeur à la cassation. M. E... a formé un pourvoi incident contre le même arrêt. Les demandeurs au pourvoi principal invoquent, à l'appui de leur recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le demandeur au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Provost-Lopin, conseiller, les observations de la SCP Boulloche, avocat de M. W... et de la société Cristal, de la SCP Spinosi et Sureau, avocat de M. E..., après débats en l'audience publique du 16 juin 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Provost-Lopin, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Berdeaux, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 20 juin 2019), M. E... a donné à bail en renouvellement à Mme E... un local commercial à usage de restaurant, bar et dancing pour neuf ans à compter du 21 octobre 2013. 2. Invoquant la réalisation de travaux dans les lieux loués sans son autorisation, le bailleur a saisi le juge des référés qui a, par décision du 9 mars 2015, ordonné une expertise. 3. Dans la nuit du 29 au 30 mars 2015, un incendie a détruit en partie les locaux. 4. Un jugement du 19 octobre 2015 a prononcé la liquidation judiciaire de Mme E... et désigné un liquidateur judiciaire. 5. Le 8 janvier 2016, la mission de l'expert a été étendue aux désordres résultant de l'incendie et l'expertise rendue opposable au liquidateur judiciaire. 6. Le 19 février 2016, M. W... s'est porté adjudicataire du fonds de commerce pour le compte de la société Cristal en formation. 7. Les 24 et 25 novembre 2016, M. E... a assigné M. W... et la société Cristal en résiliation de plein droit du bail au 30 mars 2015. 8. Les 28 et 29 novembre 2016, M. E... leur a délivré un congé avec refus de renouvellement pour le 30 juin 2017 et sans offre d'indemnité d'éviction. M. E... a assigné M. W... et la société Cristal en validation du congé. Examen des moyens Sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche Enoncé du moyen 9. M. W... et la société Cristal font grief à l'arrêt de prononcer la résiliation de plein droit du bail à la date de l'incendie, alors « que si, pendant la durée du bail, la chose louée est détruite par cas fortuit, le bail peut être résilié ; que l'incendie dont la cause n'est pas déterminée ne caractérise pas un cas fortuit ; qu'en affirmant, pour prononcer la résiliation de plein droit du bail en application de l'article 1722 du code civil, qu'il ressortait du rapport d'expertise que l'incendie, dont la cause est indéterminée et qui s'est déclaré au cours de la nuit du 29 au 30 mars 2015, avait détruit deux fermes de la charpente de la couverture du local, fortement détérioré une troisième et détruit les faux plafonds de la piste de danse, que le local était en l'état inexploitable, après avoir néanmoins constaté que la cause de l'incendie était indéterminée, ce qui ne caractérisait aucun cas fortuit, la cour d'appel a violé l'article 1722 du code civil. » Réponse de la Cour Vu l'article 1722 du code civil : 10. Il résulte de ce texte que, si, pendant la durée du bail, la chose louée est détruite en totalité par cas fortuit, le bail est résilié de plein droit ; si elle n'est détruite qu'en partie, le preneur peut, suivant les circonstances, demander ou une diminution du prix, ou la résiliation même du bail. Dans l'un et l'autre cas, il n'y a lieu à aucun dédommagement. 11. Pour prononcer la résiliation de plein droit du bail, l'arrêt retient que l'incendie a endommagé la charpente de la couverture et détruit les faux plafonds de la piste de danse, rendant les locaux loués inexploitables, de sorte que la chose louée a été détruite en totalité par cas fortuit. 12 .
Cour d'appel d'Aix-en-Provence A1, Cour de cassation Troisième chambre civile, décision 19-20.896 du 17/09/2020, partie 1
En statuant ainsi, après avoir constaté que la cause de l'incendie était indéterminée, ce qui ne caractérisait aucun cas fortuit, la cour d'appel a violé le texte susvisé. Sur le second moyen Enoncé du moyen 13. M. W... et la société Cristal font grief à l'arrêt de condamner le premier à payer à M. E... une somme de 2 000 euros au titre de l'indemnité d'occupation due à compter du 19 février 2016 et jusqu'au 23 mai 2018, alors « que la cassation s'étend également à l'ensemble des dispositions du jugement cassé ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire ; que la cassation qui ne manquera pas d'être prononcée sur le premier moyen, en ce que la cour d'appel a prononcé la résiliation de plein droit du bail commercial, entraînera par voie de conséquence la cassation du chef de l'arrêt condamnant M. W... à payer à M. E... une somme de 2 000 euros à titre d'indemnité d'occupation, en application de l'article 624 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Vu l'article 624 du code de procédure civile : 14. Selon ce texte, la portée de la cassation est déterminée par le dispositif de l'arrêt qui la prononce et s'étend également à l'ensemble des dispositions du jugement cassé ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire. 15. La cassation prononcée sur le premier moyen entraîne, par voie de conséquence, la cassation de l'arrêt en ce qu'il condamne M. W... à payer à M. E... une indemnité d'occupation du 19 février 2016 au 23 mai 2018. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi principal ni sur le pourvoi incident, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il prononce la résiliation du bail au 30 mars 2015 et condamne M. W... à payer à M. E... une indemnité d'occupation due à compter du 19 février 2016 au 23 mai 2018, l'arrêt rendu le 20 juin 2019, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée ; Condamne M. E... aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, signé par M. Echappé, conseiller doyen, conformément aux dispositions des articles 456 et 1021 du code de procédure civile, en remplacement du conseiller empêché, et signé et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept septembre deux mille vingt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits au pourvoi principal par la SCP Boulloche, avocat aux Conseils, pour M. W... et la société Cristal. Le premier moyen de cassation fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir prononcé au 30 mars 2015 la résiliation du bail concernant le local situé [...] , en application de l'article 1722 du code civil ; AUX MOTIFS QUE « l'article 1722 du code civil dispose que si, pendant la durée du bail, la chose louée est détruite en totalité par cas fortuit, le bail est résilié de plein droit ; si elle n'est détruite qu'en partie, le preneur peut, suivant les circonstances, demander ou une diminution du prix ou une résiliation du bail ; dans l'un et l'autre cas, il n'y a lieu à aucun dédommagement ; qu'est assimilée à une perte totale de la chose louée l'impossibilité absolue et définitive d'en user conformément à sa destination ou la nécessité d'effectuer des travaux dont le coût excède sa valeur ; que le bail commercial a pour destination un usage de « restauration-bar-dancing » ; qu'il ressort du rapport d'expertise que l'incendie, dont la cause est indéterminée et qui s'est déclaré au cours de la nuit du 29 au 30 mars 2015, a détruit deux fermes de la charpente de la couverture du local, fortement détérioré une troisième et détruit les faux plafonds de la piste de danse ; ce même rapport indique que le local est en l'état inexploitable et ne peut être loué par l'effet combiné de l'incendie qui s'est déclaré dans le local et de malfaçons liés à des travaux effectués par un sous-locataire non autorisé de l'ancien preneur en liquidation judiciaire ;
Cour d'appel d'Aix-en-Provence A1, Cour de cassation Troisième chambre civile, décision 19-20.896 du 17/09/2020, partie 2
que dès lors, il convient de considérer que les locaux ont été détruits par cas fortuit en totalité, compte tenu de l'impossibilité absolue et définitive d'user du local conformément à sa destination, alors que le coût des travaux de remise en état du bien, qui ne peuvent s'analyser en de simples réparations, chiffré à une somme supérieure à 180.000 € excède très largement le montant du loyer annuel qui s'élevait à la somme de 69.432 € ; qu'en conséquence, en application de l'article 1722 du code civil, il y a lieu de dire que le bail est résilié de plein droit ; que le jugement sera infirmé sur ce point ; que le bail étant résilié de plein droit, le jugement du 24 janvier 2017 sera infirmé en ce qu'il a condamné M. E... à effectuer des travaux de remise en état du local et en ce qu'il a ordonné une diminution du loyer » (arrêt p.9 et 10) ; 1/ ALORS QUE le juge ne peut fonder sa décision sur un moyen de droit qu'il a relevé d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations sur son bien-fondé ; qu'en l'espèce, pour prononcer la résiliation de plein droit du bail commercial en application de l'article 1722 du code civil, la cour a retenu qu'il ressortait du rapport d'expertise que l'incendie avait détruit deux fermes de la charpente de la couverture du local, fortement détérioré une troisième et détruit les faux plafonds de la piste de danse, que le local était en l'état inexploitable et ne pouvait être loué par l'effet combiné de l'incendie qui s'était déclaré dans le local et de malfaçons liés à des travaux effectués par un sous-locataire non autorisé de l'ancien preneur en liquidation judiciaire, que les locaux avaient été détruits par cas fortuit en totalité, que le coût des travaux de remise en état du bien, qui ne pouvaient s'analyser en de simples réparations, chiffré à une somme supérieure à 180.000 €, excédait très largement le montant du loyer annuel qui s'élevait à la somme de 69.432 € ; que pourtant, aucune des parties n'a invoqué le moyen pris de la destruction de la chose louée par cas fortuit permettant la résiliation de plein droit du bail, en application de l'article 1722 du code civil ; qu'en prononçant cette résiliation compte tenu de la destruction de la chose louée, sans avoir invité les parties à s'expliquer sur ce moyen relevé d'office, la cour d'appel a violé les articles 6 de la convention européenne des droits de l'homme et 16 du code de procédure civile ; 2/ ALORS QUE si, pendant la durée du bail, la chose louée est détruite par cas fortuit, le bail peut être résilié ; que l'incendie dont la cause n'est pas déterminée ne caractérise pas un cas fortuit ; qu'en affirmant, pour prononcer la résiliation de plein droit du bail en application de l'article 1722 du code civil, qu'il ressortait du rapport d'expertise que l'incendie, dont la cause est indéterminée et qui s'est déclaré au cours de la nuit du 29 au 30 mars 2015, avait détruit deux fermes de la charpente de la couverture du local, fortement détérioré une troisième et détruit les faux plafonds de la piste de danse, que le local était en l'état inexploitable, après avoir néanmoins constaté que la cause de l'incendie était indéterminée, ce qui ne caractérisait aucun cas fortuit, la cour d'appel a violé l'article 1722 du code civil ; 3/ ALORS QUE la destruction de la chose louée peut être caractérisée lorsque le coût de sa remise en état dépasse sa valeur ; qu'en l'espèce, pour juger que le bail était résilié de plein droit, la cour a retenu que le coût des travaux de remise en état excédait largement le montant du loyer annuel ; qu'en fondant ainsi sa décision sur le montant du loyer et non sur la valeur du bien loué, la cour d'appel a violé l'article 1722 du Code civil. Le second moyen de cassation fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné M. W... à payer à M. E... une somme de 2000 € au titre de l'indemnité d'occupation due à compter du 19 février 2016 et jusqu'au 23 mai 2018 ; AUX MOTIFS QUE « le bail étant résilié à la date du sinistre (soit le 30 mars 2015), il convient de condamner M. W... à verser une indemnité d'occupation pour la période courant du 19 février 2016 (date de la vente du fonds de commerce) jusqu'à la restitution des lieux, intervenue le 23 mai 2018 (selon les écritures du 4 décembre 2018 de M. E... dans l'affaire enregistrée sous le RG n°18.02468) ; que M. E... ne chiffre pas le montant de l'indemnité d'occupation qu'il sollicite ; que cette indemnité, déterminable, est destinée à réparer le préjudice du bailleur lié à la privation de son local ; ce dernier a récupéré les lieux loués le 23 mai 2018 ; les locaux ne pouvaient permettre à un locataire commercial d'exercer un commerce depuis l'incendie du 30 mars 2015 ;
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le préjudice du bailleur est donc uniquement constitué par son impossibilité d'avoir pu reprendre son local afin, le cas échéant, d'y faire des travaux de remise en état ; que lorsque M. W... est devenu adjudicataire des lieux loués en février 2016, le local commercial était déjà sinistré ; dès lors, l'indemnité d'occupation sera justement réparée par la somme de 2000 € à laquelle sera condamné M. W... » (arrêt, p. 10 et 11) ; ALORS QUE la cassation s'étend également à l'ensemble des dispositions du jugement cassé ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire ; que la cassation qui ne manquera pas d'être prononcée sur le premier moyen, en ce que la cour d'appel a prononcé la résiliation de plein droit du bail commercial, entraînera par voie de conséquence la cassation du chef de l'arrêt condamnant M. W... à payer à M. E... une somme de 2000 € à titre d'indemnité d'occupation, en application de l'article 624 du code de procédure civile. Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Spinosi et Sureau, avocat aux Conseils, pour M. E.... Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir condamné M. W... à verser à M. E... la seule somme de 2.000 euros au titre de l'indemnité d'occupation due à compter du 19 février 2016 et jusqu'au 23 mai 2018 ; Aux motifs que « Monsieur E... ne chiffre pas le montant de l'indemnité d'occupation qu'il sollicite. Cette indemnité, déterminable, est destinée à réparer le préjudice du bailleur lié à la privation de son local. Ce dernier a récupéré les lieux loués le 23 mai 2018. Les locaux ne pouvaient permettre à un locataire commercial d'exercer un commerce depuis l'incendie du 30 mars 2015. Le préjudice du bailleur est donc uniquement constitué par son impossibilité d'avoir pu reprendre son local afin, le cas échéant, d'y faire des travaux de remise en état. Lorsque Monsieur W... est devenu adjudicataire des lieux loués en février 2016, le local commercial était déjà sinistré. Dès lors, l'indemnité d'occupation sera justement réparée par la somme de 2000 euros à laquelle sera condamné Monsieur W... » ; Alors que dans ses conclusions d'appel (conclusions, p. 13, La confirmation de la validité du congé et de ses conséquences), M. E... sollicitait une indemnité d'occupation correspondant au montant du dernier loyer, soit 6.596 euros ; qu'en retenant pourtant que le bailleur ne chiffrait pas le montant de l'indemnité d'occupation qu'il sollicitait, pour fixer une telle indemnité à la seule somme de 2.000 euros, la cour d'appel a dénaturé les conclusions de M. E..., en violation de l'article 4 du code de procédure civile.
Cour d'appel d'Aix-en-Provence A1, Cour de cassation Troisième chambre civile, décision 19-20.896 du 17/09/2020, partie 4
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 9 SEPTEMBRE 2020 La société STP Champagne-Sciage Toutes Prestations, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° N 18-22.508 contre l'arrêt rendu le 10 juillet 2018 par la cour d'appel de Reims (chambre civile, 1re section), dans le litige l'opposant : 1°/ la société Q... H..., société civile professionnelle, dont le siège est [...] , anciennement dénommée O... H..., prise en qualité de liquidateur de la société STP Champagne-Sciages Toutes Prestations, 2°/ à M. F... Y..., domicilié [...] , pris en qualité d'administrateur à la procédure collective de la société STP Champagne-Sciage Toutes Prestations, défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Riffaud, conseiller, les observations de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société STP Champagne-Sciage Toutes Prestations, de la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat de la société Q... H..., ès qualités, après débats en l'audience publique du 3 juin 2020 où étaient présents Mme Mouillard, président, M. Riffaud, conseiller rapporteur, M. Rémery, conseiller doyen, et Mme Labat, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Reims, 10 juillet 2018), la société STP Champagne-Sciage Toutes Prestations (la société STP) a été mise en redressement judiciaire le 13 décembre 2016, la société O... H... étant désignée mandataire judiciaire. La période d'observation a été renouvelée et M. Y... a été désigné administrateur judiciaire avec mission d'assistance puis de représentation. 2. M. Y..., ès qualités, a demandé la conversion de la procédure de redressement judiciaire en liquidation judiciaire. Examen des moyens Sur le premier moyen Enoncé du moyen 3. La société STP fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande d'annulation du jugement, de mettre fin à la période d'observation et de prononcer sa liquidation judiciaire alors « que le tribunal ne peut prononcer la liquidation judiciaire au cours de la période d'observation qu'après avoir recueilli l'avis du ministère public ; qu'en convertissant la procédure de redressement judiciaire de la société STP en liquidation judiciaire alors qu'il résultait de ses constatations que le ministère public, auquel la procédure avait été communiquée, n'avait pas donné son avis, la cour d'appel a violé l'article L. 631-15, II, du code de commerce. » Réponse de la Cour Vu l'article L. 631-15 II du code de commerce : 4. Il résulte de ce texte que la cour d'appel ne peut confirmer le prononcé de la liquidation judiciaire au cours de la période d'observation qu'après avoir recueilli l'avis du ministère public. 5. L'arrêt rejette la demande d'annulation du jugement, met fin à la période d'observation de la société STP et prononce sa liquidation judiciaire après avoir relevé que le ministère public, auquel l'affaire a été régulièrement communiquée, n'a pas conclu. 6. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que le procureur général n'avait pas donné d'avis, la cour d'appel a violé le texte susvisé. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 juillet 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Reims ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nancy ; Laisse les dépens à la charge du Trésor public ; En application l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du neuf septembre deux mille vingt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour la société STP Champagne-Sciage Toutes Prestations. PREMIER MOYEN DE CASSATION
Cour d'appel de Reims 11, Cour de cassation Chambre commerciale financière et économique, décision 18-22.508 du 09/09/2020, partie 1
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté la demande en nullité du jugement formée par la Sarl STP Champagne - Sciage Toutes Prestations et d'AVOIR confirmé en toutes ses dispositions le jugement rendu le 20 décembre 2017 par le tribunal de commerce de Reims ayant mis fin à la période d'observation et prononcé la liquidation judiciaire de la société STP Champagne ; AUX MOTIFS QUE MINSITERE PUBLIC : auquel l'affaire a été régulièrement communiquée ; ET QUE le ministère public n'a pas conclu ; ALORS QUE le tribunal ne peut prononcer la liquidation judiciaire au cours de la période d'observation qu'après avoir recueilli l'avis du ministère public ; qu'en convertissant la procédure de redressement judiciaire de la société STP Champagne en liquidation judiciaire alors qu'il résultait de ses constatations que le ministère public, auquel la procédure avait été communiquée, n'avait pas donné son avis, la cour d'appel a violé l'article L. 631-15 II du code de commerce. SECOND MOYEN DE CASSATION (subsidiaire) Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement en toutes ses dispositions ayant notamment constaté que le redressement de l'entreprise était manifestement impossible, mis fin à la période d'observation et prononcé la liquidation judiciaire de la Sarl STP Champagne - Sciage Toutes Prestations, et désigné la SCP O... H... en qualité de liquidateur judiciaire ; AUX MOTIFS QUE l'appelante soutient que la requête en liquidation judiciaire présentée par Me Y... le 18 octobre 2017 ne caractérise pas l'impossibilité d'un redressement et que le projet de plan qu'elle verse aux débats – plan de redressement sur neuf ans avec un premier paiement au 1er janvier 2019 par mensualité – est parfaitement viable ; que la SCP O... H..., ès qualités, soutient de son côté : - que le projet de plan transmis par la société trois jours avant l'audience était manifestement irrecevable et tardif, - qu'il est en tout état de cause dépourvu de sérieux, le redressement de la société étant manifestement impossible dans la mesure où : * il existe des incohérences et des doutes non levés pesant sur la sincérité des comptes présentés, * les chiffres exposés par la société sont en totalement contradiction avec la situation financière réellement constatée, * malgré l'effet bénéfique de la période d'observation, la société n'a pu dégager que très peu de trésorerie nette alors que le passif à apurer demeure important ; qu'il ressort de l'examen de la requête de conversion en liquidation judiciaire présentée par Me Y... le 18 octobre 2017 que celle-ci est motivée, l'administrateur expliquant, pièces comptables à l'appui, que la situation de la Sarl STP Champagne - Sciage Toutes Prestations lui apparait irrémédiablement compromis compte tenu de l'importance et de la nature des difficultés de l'entreprise qu'il prend soin de détailler ; qu'aucune critique ne peut donc être émise de ce chef, que le fait que l'article L. 631-9 du code de commerce donne à l'administrateur judiciaire le soin d'élaborer un plan ne rend pas pour autant irrecevable le plan de redressement que propose la société concernée ; que si le tribunal a pu constater que le projet de plan élaboré par la Sarl STP Champagne Sciage Toutes Prestations était manifestement tardif pour avoir été déposé dans sa version définitive seulement trois jours avant l'audience, il convient d'examiner dans le cadre de cet appel, si ce plan peut sérieusement assurer le redressement judiciaire de la société ; qu'or force est de constater à l'examen des documents versées aux débats : - que le prévisionnel d'exploitation sur neuf ans présenté par la Sarl STP Champagne Sciage Toutes Prestations repose sur un chiffre d'affaires et des résultats en constante augmentation, les dividendes passant progressivement de 3 à 17%, - que le passif à apurer reste important (plus de 230 000 euros), - que la société était débitrice avant le redressement judiciaire de sommes très importantes auprès d'autres sociétés du groupe – la société Forbeton Est et la STP Lorraine qui la fournissait pour cette dernière en main d'oeuvre -, mais que curieusement à compter de l'exercice 2015/2016, les comptes fournisseurs n'ont plus été crédités d'aucune opération et ce sans que la Sarl STP Champagne Sciage Toutes Prestations ne justifie de cette anomalie, les demandes d'explication des mandataires à ce titre étant restées sans réponse, - qu'il en est de même des comptes courants débiteurs au profit des autres sociétés du groupe dont l'origine n'a pas davantage été expliquée, - que ces éléments révèlent des incohérences et une opacité dans la situation financière présentée par cette société qui apparaît faussée, - que la capacité d'autofinancement à hauteur de 104 455 euros dont se prévalait la société au 30 juin 2016 est totalement contredite par la situation réelle dans laquelle elle était au moment de son placement en redressement judiciaire, - que la société ne dispose pas actuellement de la trésorerie indispensable pour payer les créances super privilégiées et autres créances hors plan (plus de 29 000 euros) ;
Cour d'appel de Reims 11, Cour de cassation Chambre commerciale financière et économique, décision 18-22.508 du 09/09/2020, partie 2
qu'il ressort de l'ensemble de ces éléments que le redressement de la Sarl STP Champagne Sciage Toutes Prestations est manifestement impossible et que c'est par conséquent à bon droit qu'il a été jugé que le redressement judiciaire de cette société devait être converti en liquidation judiciaire ; que le jugement sera donc confirmé sur ce point ; ALORS QUE la liquidation judiciaire ne peut être prononcée qu'à l'égard du débiteur dont le redressement est manifestement impossible ; qu'en se bornant à relever, pour convertir la procédure de redressement judiciaire ouverte à l'encontre de la Sarl STP Champagne en liquidation judiciaire, que le projet de plan présenté par celle-ci n'était pas de nature à assurer le redressement de l'entreprise et que la requête en conversion présentée par l'administrateur était « motivée » par des « pièces comptables » et « détaill(ait) » « l'importance et de la nature des difficultés de l'entreprise », sans caractériser l'impossibilité de redressement de la SARL STP Champagne, la cour d'appel a violé les articles L. 631-15 II et L. 640-1 du code de commerce.
Cour d'appel de Reims 11, Cour de cassation Chambre commerciale financière et économique, décision 18-22.508 du 09/09/2020, partie 3
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 9 SEPTEMBRE 2020 M. D... W..., partie civile, a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 6e section, en date du 14 novembre 2019, qui, dans l'information suivie, sur sa plainte, contre personne non-dénommée, du chef de tentative d'escroquerie, a confirmé l'ordonnance de non-lieu rendue par le juge d'instruction. Un mémoire personnel a été produit. Sur le rapport de M. Wyon, conseiller, et les conclusions de M. Valat, avocat général, après débats en l'audience publique du 24 juin 2020 où étaient présents M. Soulard, président, M. Wyon, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et Mme Coste-Floret, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision. Vu l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : Après avoir examiné tant la recevabilité du recours que les pièces de procédure, la Cour de cassation constate qu'il n'existe, en l'espèce, aucun moyen de nature à permettre l'admission du pourvoi. EN CONSÉQUENCE, la Cour : DÉCLARE le pourvoi NON ADMIS ; Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du neuf septembre deux mille vingt.
décision 20-80.497 du 09/09/2020, partie 1
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 8 SEPTEMBRE 2020 L'officier du ministère public près le tribunal de police de Paris a formé un pourvoi contre le jugement n° D 2411 dudit tribunal, en date du 4 octobre 2019, qui a relaxé M. G... P... du chef de dépôt ou abandon d'objet hors des emplacements autorisés. Un mémoire a été produit. Sur le rapport de Mme Méano, conseiller référendaire, et les conclusions de Mme Le Dimna, avocat général, après débats en l'audience publique du 26 mai 2020 où étaient présents M. Soulard, président, Mme Méano, conseiller rapporteur, M. Pers, conseiller de la chambre, et M. Bétron, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision. Vu l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : Après avoir examiné tant la recevabilité du recours que les pièces de procédure, la Cour de cassation constate qu'il n'existe, en l'espèce, aucun moyen de nature à permettre l'admission du pourvoi. EN CONSÉQUENCE, la Cour : DÉCLARE le pourvoi NON ADMIS ; Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du huit septembre deux mille vingt.
décision 19-87.297 du 08/09/2020, partie 1
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 1ER SEPTEMBRE 2020 REJET du pourvoi formé par la société TTLS a formé un pourvoi contre l'arrêt n° 682 de la cour d'appel de Rennes, 10e chambre, en date du 3 juin 2019, qui, pour non-transmission de l'identité et de l'adresse du conducteur du véhicule, l'a condamnée à 450 euros d'amende. Un mémoire a été produit. Sur le rapport de M. Barbier, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de la société TTLS, et les conclusions de M. Quintard, avocat général, après débats en l'audience publique du 3 juin 2020 où étaient présents M. Soulard, président, M. Barbier, conseiller rapporteur, Mme Durin-Karsenty, M. Bonnal, Mme Ménotti, M. Maziau, Mme Labrousse, M. Seys, conseillers de la chambre, M. Violeau, conseiller référendaire, M. Croizier, avocat général, et Mme Lavaud, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. Un procès-verbal a été établi le 24 mars 2017 relevant à l'encontre de la société TTLS, qui a pour activité la location de véhicules, la contravention de non-transmission de l'identité et de l'adresse du conducteur du véhicule immatriculé [...] , qui avait été contrôlé en excès de vitesse le 23 mars 2017. 3. Par jugement du 15 novembre 2018, le tribunal de police a déclaré la société TTLS coupable de cette infraction et a prononcé une peine. 4. L'intéressée, ainsi que le ministère public, ont interjeté appel de cette décision. Examen du moyen Enoncé du moyen 5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé le jugement du 15 novembre 2018 en ce qu'il a déclaré la société TTLS coupable des faits qui lui sont reprochés et l'a condamnée à une amende contraventionnelle de 450 euros, alors : « 1°/ que lorsque la personne morale titulaire du certificat d'immatriculation a loué à une autre personne morale le véhicule ayant servi à l'infraction, c'est le dirigeant de la personne morale locataire qui doit désigner le conducteur du véhicule et c'est la personne morale locataire, non la personne morale loueuse, qui peut être poursuivie si son représentant légal ne désigne pas le conducteur ; qu'en retenant dans les liens de la prévention la société TTLS, laquelle soutenait qu'elle avait loué à une personne morale le véhicule ayant servi à l'excès de vitesse, au prétexte qu'il incombait à son représentant légal de dénoncer la personne physique qui conduisait le véhicule ou qui le détenait et que cela n'avait pas été fait, la cour d'appel a violé les articles L. 121-6 du code de la route et 121-2 du code pénal ; 2°/ qu'en toute hypothèse, en ne s'expliquant pas sur le point de savoir si le véhicule ayant servi à l'excès de vitesse avait été loué par la société TTLS à une autre personne morale au moment des faits, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 121-6 du code de la route et 121-2 du code pénal ; 3°/ que la personne morale poursuivie sur le fondement de l'article L. 121-6 du code de la route peut parfaitement démontrer qu'elle avait loué le véhicule à une autre personne morale au moment des faits, sans avoir à préalablement soumettre ce moyen au service indiqué dans l'avis de contravention à la faveur de la requête en exonération visée par l'article 529-2 du code de procédure pénale ; qu'à supposer qu'elle ait adopté le motif du premier juge selon lequel, si la société TTLS entendait se prévaloir d'un contrat de location du véhicule à une autre personne morale il lui appartenait de former sur ce fondement une requête en exonération dans les 45 jours conformément à l'article 529-2 du code de procédure pénale, la cour d'appel a violé ce texte. » Réponse de la Cour 6. Il résulte de l'article L. 121-6 du code de la route, qui prévoit la responsabilité pénale du représentant légal de la personne morale bailleresse, titulaire du certificat d'immatriculation, comme celle de celui de la personne morale qui détient le véhicule, que peuvent être poursuivies tant la personne morale titulaire du certificat d'immatriculation que la personne morale locataire du véhicule.
décision 19-85.465 du 01/09/2020, partie 1
7. Il se déduit de l'article L. 121-6 du code de la route que, lorsqu'une infraction constatée selon les modalités prévues à l'article L. 130-9 du même code a été commise avec un véhicule dont le titulaire du certificat d'immatriculation est une personne morale ayant donné en location ledit véhicule à une autre personne morale, il appartient au représentant légal de la première d'indiquer, dans le délai de quarante-cinq jours à compter de l'envoi ou de la remise de l'avis de contravention, l'identité et l'adresse de la personne physique qui conduisait ce véhicule. 8. Dans le cas où ledit représentant ne connaît pas l'identité du conducteur, il ne peut s'exonérer de sa responsabilité pénale qu'en indiquant, dans les mêmes conditions, l'identité et l'adresse de la personne morale ayant pris ledit véhicule en location. 9. Cette interprétation des textes est la seule à même de permettre à l'autorité de poursuite d'avoir connaissance de l'identité du conducteur du véhicule, et de respecter ainsi l'intention du législateur comme l'intérêt des usagers de la route. 10. Pour écarter l'argumentation de la prévenue, qui soutenait que seul le locataire du véhicule pouvait être poursuivi, à l'exclusion du bailleur, et qu'en tout état de cause le moyen de défense pris de l'existence d'un contrat de location pouvait être produit pour la première fois devant le tribunal, les juges retiennent qu'il appartenait au représentant légal de la société TTLS d'indiquer, dans le délai de quarante-cinq jours suivant l'envoi ou la remise des avis de contravention d'excès de vitesse à la société, l'identité et l'adresse de la personne physique qui conduisait le véhicule contrôlé en excès de vitesse ou à défaut celui qui le détenait. 11. En prononçant ainsi, et dès lors qu'il résulte des pièces de procédure, ainsi que la Cour de cassation a pu s'en assurer, que la prévenue n'a indiqué à l'autorité mentionnée sur l'avis, dans le délai imparti, ni le nom et l'adresse du conducteur, ni ceux de la personne morale ayant pris le véhicule en location, la cour d'appel a justifié sa décision. 12. Il s'ensuit que le moyen ne saurait être accueilli. 13. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le premier septembre deux mille vingt.
décision 19-85.465 du 01/09/2020, partie 2
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 22 JUILLET 2020 M. J... I... a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 18 mars 2020, qui a autorisé sa remise aux autorités judiciaires suédoises, en exécution d'un mandat d'arrêt européen. Un mémoire a été produit. Sur le rapport de Mme Labrousse, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. J... I..., et les conclusions de Mme Bellone, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 22 juillet 2020 où étaient présents Mme de la Lance, conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, Mme Labrousse, conseiller rapporteur, Mme Planchon, conseiller de la chambre, et Mme Coste-Floret, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. M. I... a fait l'objet d'un mandat d'arrêt européen, délivré le 18 octobre 2019, par les autorités judiciaires suédoises, en vue de l'exécution de la peine de trois ans d'emprisonnement pour des faits d'escroquerie aggravée et entrave à un contrôle fiscal prononcée par un jugement du tribunal de Stockholm du 30 janvier 2018. 3. M.I... n'a pas consenti à sa remise. 4. Par arrêt en date du 26 février 2020, la chambre de l'instruction a ordonné un complément d'information sur les recours qu'aurait exercés la personne recherchée contre le jugement précité. 5. Les autorités suédoises ont répondu que M.I... avait fait appel du jugement le condamnant mais qu'il n'avait pas comparu lors de la réunion précédant l'audience au cours de laquelle son appel devait être examiné, bien que cité en personne, et qu'il n'avait fait valoir aucune excuse. En conséquence, son appel avait été déclaré caduc par la cour d'appel. 6. Elles ont également précisé que, saisie à nouveau par l'intéressé, la cour d'appel avait refusé de réexaminer son appel et que cette décision avait été confirmée par la Cour suprême. Examen du moyen Enoncé du moyen 7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a accordé la remise de M. I... aux autorités judiciaires suédoises en exécution d'un mandat d'arrêt européen émis le 18 octobre 2019 pour l'exécution d'une peine d'emprisonnement de trois ans prononcée par un jugement du 30 janvier 2018 du tribunal de district de Stockholm pour des faits d'escroquerie à grande échelle et entrave au contrôle fiscal, infraction aggravée, alors : « 1°/ qu'au terme de l'article 695-22-1 du code de procédure pénale, lorsque le mandat d'arrêt européen est émis aux fins d'exécution d'une peine, l'exécution est refusée dans le cas où l'intéressé n'a pas comparu en personne lors du procès à l'issue duquel la peine a été prononcée sauf, notamment (3°) s'il n'a pas exercé un recours à lui ouvert, permettant à une autre juridiction de statuer au fond en sa présence ; qu'il résulte de ces textes que lorsqu'un appel est ouvert par la législation de l'Etat requérant, il ne peut être fait droit à un mandat d'arrêt européen aux fins d'exécution de la peine résultant de ce recours que dans la mesure où ce dernier a été examiné sur le fond ; que dès lors qu'il est certain que les recours de M. I... ouverts par la législation suédoise n'ont jamais été examinés sur le fond, son appel ayant été déclaré caduc faute de comparution personnelle lors d'une audience préliminaire, la chambre de l'instruction devait refuser la remise ; qu'elle a ainsi violé le texte précité ; la cassation interviendra sans renvoi ; 2°/ qu'aux termes de l'article 2 du protocole n° 7 à la Convention européenne des droits de l'homme « toute personne déclarée coupable d'une infraction pénale par un tribunal a le droit de faire examiner par une juridiction supérieure la déclaration de culpabilité ou la condamnation. L'exercice de ce droit y compris les motifs pour lesquels il peut être exercé, est régi par la loi. Ce droit peut faire l'objet d'exceptions pour des infractions mineures telles qu'elles sont définies par la loi ou lorsque l'intéressé a été jugé en première instance par la plus haute juridiction ou a été déclaré coupable et condamné à la suite d'un recours contre son acquittement » ; que M. I... ne se trouvant dans aucune des exceptions prévues par ce dernier alinéa, son appel devait être examiné sur le fond, ce qui n'a pas été le cas de l'aveu même des autorités suédoises (« l'appel n'a pas été examiné ») ;
décision 20-82.379 du 22/07/2020, partie 1
que contrairement à ce qu'écrit l'arrêt attaqué, la loi suédoise qui érige un appel n'est pas conforme aux dispositions conventionnelles susvisées qui imposent un double degré de juridiction sur le fond, ni à l'article 6 de la Convention européenne qui exclut que le droit à un recours effectif puisse être subordonné à la présence de l'intéressé, dès lors qu'il a le droit de se faire représenter ; que la remise devait donc être refusée ; que la chambre de l'instruction a violé les articles 6, § 1, de la Convention européenne et 2 du protocole additionnel n° 7, outre les droits de la défense ; la cassation interviendra sans renvoi ; 3°/ en toute hypothèse, que la remise sur le fondement d'un mandat d'arrêt européen doit être refusée si la décision dont l'exécution est poursuivie a été rendue dans des conditions totalement contraires aux principes généraux résultant du droit européen et aux droits de la défense ; lorsque l'Etat d'émission a organisé une procédure d'appel d'une condamnation pénale, il ne peut, sans méconnaître le droit à un recours effectif, subordonner l'examen de ce recours à la comparution personnelle de l'intéressé, sans lui donner la possibilité de se faire représenter par un avocat et sans accepter sa demande de renvoi pour motif médical ; qu'en statuant par un motif impropre à justifier sa décision, tiré de ce que les dispositions européennes n'imposeraient pas un double degré de juridiction, quand ce double degré est organisé par la loi suédoise, mais dans des conditions non conformes aux exigences de la Convention européenne, la chambre de l'instruction a violé les articles 6, § 1, de la Convention européenne et 2 du protocole additionnel n° 7 à ladite convention outre les droits de la défense ; la cassation interviendra sans renvoi. » Réponse de la Cour 8. Pour ordonner la remise aux autorités suédoises de M. I... qui faisait valoir que l'absence d'examen de son recours par la cour d'appel constituait une atteinte au droit à un procès équitable, l'arrêt énonce que si la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit qu'il appartient à l'autorité judiciaire d'exécution appelée à décider de la remise d'une personne faisant l'objet d'un mandat d'arrêt européen de vérifier, de manière concrète et précise, s'il existe des motifs sérieux de croire que la personne court un risque réel de violation du droit fondamental à un procès équitable, encore convient-il que ce droit soit garanti par l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et que la juridiction d'exécution dispose d'éléments tendant à démontrer l'existence de ce risque. 9. Les juges relèvent que la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ne prévoit pas que le droit d'appel participe aux principales règles du procès équitable. 10. Ils ajoutent que l'article 2 du protocole n° 7 de la Convention européenne des droits de l'homme n'érige pas le droit à un double degré de juridiction en matière pénale comme constituant un droit absolu dès lors qu'il prévoit que l'exercice de ce droit, y compris les motifs pour lesquels il peut être exercé, est régi par la loi de chaque Etat membre. 11. Ils en déduisent qu'il n'y a pas lieu de demander des informations complémentaires à l'autorité judiciaire suédoise sur la procédure exacte qui a été suivie. 12. Ils énoncent encore que les dispositions de l'article 695-22-1 du code de procédure pénale n'exigent un recours effectif qu'au seul cas où l'intéressé n'a pas comparu à l'audience à l'issue de laquelle a été prononcée la peine pour l'exécution de laquelle le mandat d'arrêt a été émis. 13. Ils soulignent enfin qu'il résulte de la réponse fournie par l'autorité judiciaire suédoise que le mandat d'arrêt européen est fondé sur un jugement de condamnation exécutoire prononcé à l'issue d'une audience à laquelle M. I... avait comparu en personne, de sorte que les dispositions de l'article 695-22-1 du code de procédure pénale ne sont pas applicables. 14. En l'état de ces énonciations, la cour d'appel a justifié sa décision sans méconnaître les dispositions de droit interne et les stipulations conventionnelles invoquées. 15. En effet, d'une part, M. I..., recherché en vertu d'un mandat d'arrêt européen, délivré aux fins d'exécution d'une peine, a comparu en personne lors du procès à l'issue duquel il a été statué de manière définitive, après un examen en fait et en droit de l'affaire, sur sa culpabilité et sur la peine privative de liberté qui lui a été infligée. 16. D'autre part, le droit à un double degré de juridiction en matière pénale n'est pas garanti par la Charte des droits fondamentaux et l'exercice de ce droit, lorsqu'il est prévu, est régi par la loi de chaque Etat.
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17. Enfin, il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que seule l'absence de comparution personnelle est, sauf exceptions, un motif de non-exécution obligatoire du mandat d'arrêt, le principe de reconnaissance mutuelle des décisions pénales par les Etats membres supposant que les droits fondamentaux que la Charte de l'Union européenne garantit, en particulier le droit à un procès équitable, ont été respectés. 18. Dès lors, le moyen ne peut être accueilli. 19. Par ailleurs l'arrêt est régulier en la forme. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-deux juillet deux mille vingt.
décision 20-82.379 du 22/07/2020, partie 3
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 8 JUILLET 2020 M. B... A... , domicilié [...] , a formé le pourvoi n° J 18-25.403 contre l'arrêt rendu le 4 octobre 2018 par la cour d'appel de Rouen (chambre sociale et des affaires de sécurité sociale), dans le litige l'opposant à la société Centrimex France, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Mariette, conseiller, les observations écrites de Me Balat, avocat de M. A... , de la SCP Spinosi et Sureau, avocat de la société Centrimex France, après débats en l'audience publique du 28 mai 2020 où étaient présents M. Cathala, président, Mme Mariette, conseiller rapporteur, Mme Cavrois, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision. 1. Le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. 2. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi. EN CONSÉQUENCE, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne M. A... aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du huit juillet deux mille vingt. MOYEN ANNEXE à la présente décision Moyen produit par Me Balat, avocat aux Conseils, pour M. A... . Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. B... A... de toutes ses demandes dirigées contre la société Centrimex France et de l'avoir condamné à payer à celle-ci la somme de 500 € au titre des frais irrépétibles en appel ; AUX MOTIFS QUE les primes ont une origine légale, conventionnelle, contractuelle ou résultent de la volonté de l'employeur ; que pour qu'une prime d'usage ait valeur contraignante, elle doit résulter d'une pratique constante, générale et fixe ; que le salarié qui se prévaut d'un usage doit rapporter la preuve de son contenu, mais également qu'il présente les trois caractères précités ; qu'il est versé au débat le contrat à durée déterminée du 29 juin 2001 pour une durée du 2 juillet au 31 août 2001, et le contrat à durée indéterminée du 24 août 2001 à effet du 1er septembre 2001 ; que selon ce dernier contrat, le salarié exerçait les fonctions d'employé de transit débutant groupe 4 coefficient 115 de la convention collective nationale des transports routiers et des activités auxiliaires de transport ; que la rémunération du salarié était alors fixée à la somme mensuelle de 9.000 francs bruts pour 169 heures, plus une prime annuelle correspondant à un douzième des salaires servis durant l'année, payable au mois de décembre ; que les seuls bulletins de salaire produits au débat par le salarié, concernent les mois de décembre 2012, de juin, juillet, octobre et décembre 2013, juin, novembre et décembre 2014 et d'avril 2015 ; que si le salarié prétend qu'il bénéficiait d'une prime d'objectif de. 4 euros sur container, dénommé également « teus » depuis 2008, il ne produit aucun élément antérieur au bulletin de salaire de décembre 2012 ; qu'il a perçu les sommes suivantes qualifiées sur les bulletins de salaire de primes d'objectif ou de prime exceptionnelle : - décembre 2012 = 20.000 € : prime sur objectif, - juin 2013 = 15.000 € : prime sur objectif, - juillet 2013 = 15.000 € : prime sur objectif, - octobre 2013 = 14.900 € : prime sur objectif, - décembre 2013 = 25.000 € : prime exceptionnelle, - juin 2014 = 37.160 € : prime sur objectif, - novembre 2014 = 17.088 € : prime sur objectif, - décembre 2014 = 25.000 € : prime sur objectif ; qu'il a également perçu les primes annuelles suivantes : - décembre 2012 = 7.739,41 €, - décembre 2013 = 9.845 €, - décembre 2014 = 10.696,17 €, - avril 2015 = 1.275 € ; que les primes annuelles versées correspondent à un douzième de la rémunération annuelle versée, conformément aux dispositions du contrat du 24 août 2001 précité ; que le mail du 7 octobre 2013 émanant de Mme E... I... du service du personnel de la société Centrimex, adressé à M. A... , indiquant que la prime sur objectif 2012 s'élève à la somme de 64.900 €, avec le nombre de containers (ou teus) pour l'année 2012 (14.350), ne permet pas de calculer une prime sur objectif comme le prétend le salarié à 4 euros par container ;
Cour d'appel de Rouen, Cour de cassation Chambre sociale, décision 18-25.403 du 08/07/2020, partie 1
que les primes sur objectif qui ne sont ni légales, ni conventionnelles, ni contractuelles, ont été versées irrégulièrement, en 2013 et 2014, et qu'il n'est pas justifié de leur versement avant décembre 2012 ; qu'elles ne résultent pas d'une pratique constante, générale et fixe, de sorte qu'elles ne peuvent être qualifiées de primes d'usage et n'ont ainsi pas de valeur contraignante ; ALORS, D'UNE PART, QU' une prime qui présente un caractère de fixité, de constance et de généralité est un élément du salaire ; qu'en affirmant que « le mail du 7 octobre 2013 émanant de Mme E... I... du service du personnel de la société Centrimex, adressé à M. A... , indiquant que la prime sur objectif 2012 s'élève à la somme de 64 900,00 euros, avec le nombre de containers (ou teus) pour l'année 2012 (14350), ne permet pas de calculer une prime sur objectif comme le prétend le salarié à 4 euros par container » (arrêt attaqué, p. 5, alinéa 2), cependant que le rapport entre le montant total de la prime sur objectif (64.900 €) et le nombre de containers (14350) représente un montant unitaire de 4,5 euros, venant confirmer, à quelques décimales près, l'évaluation faite par le salarié, de sorte que la preuve de l'existence de la prime litigieuse et de son montant se trouvait rapportée, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé les articles 1103 et 1194 du code civil, dans leur rédaction résultant de l'ordonnance nº 2016-131 du 10 février 2016 ; ALORS, D'AUTRE PART, QU' une prime qui présente un caractère de fixité, de constance et de généralité est un élément du salaire ; qu'en considérant que la prime d'objectif dont M. A... revendiquait le versement n'avait pas le caractère de constance nécessaire à la reconnaissance d'une « prime d'usage » (arrêt attaqué, p. 5, alinéa 4), tout en constatant que des primes d'objectif avaient été régulièrement versées au salarié au cours des années 2012 à 2015 (arrêt attaqué, p. 4, in fine) et qu'un mail émanant du service du personnel de la société Centrimex France faisait état d'une prime d'objectif calculée en fonction du nombre de containers traités (arrêt attaqué, p. 5, alinéa 2), la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les articles 1103 et 1194 du code civil, dans leur rédaction résultant de l'ordonnance nº 2016-131 du 10 février 2016.
Cour d'appel de Rouen, Cour de cassation Chambre sociale, décision 18-25.403 du 08/07/2020, partie 2
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 9 JUILLET 2020 La société Domaine des Ormes, société anonyme, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° E 19-18.112 contre l'arrêt rendu le 26 mars 2019 par la cour d'appel de Rennes (1re chambre), dans le litige l'opposant à la société APH, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Dagneaux, conseiller, les observations écrites de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de la société Domaine des Ormes, de la SCP Spinosi et Sureau, avocat de la société APH, après débats en l'audience publique du 19 mai 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Dagneaux, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Berdeaux, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision. 1. Les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. 2. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi. EN CONSÉQUENCE, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société Domaine des Ormes aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi décidé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, signé par M. Echappé, conseiller doyen, conformément aux dispositions des articles 456 et 1021 du code de procédure civile, en remplacement du conseiller empêché, et signé et prononcé par le président en son audience publique du neuf juillet deux mille vingt. MOYENS ANNEXES à la présente décision Moyens produits par la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat aux Conseils, pour la société Domaine des Ormes PREMIER MOYEN DE CASSATION IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué de condamner la société des Ormes à payer à la société APH la somme de 120 000 euros au titre de l'accession ; AUX MOTIFS QUE la société Domaines de Ormes expose s'être heurtée au refus de la société APH d'enlever les chalets et avoir alors demandé en vertu de la théorie de l'accession à être déclarée propriétaire de ceux-ci en indemnisant la société APH ; qu'elle constate qu'en cause d'appel, la société APH ne s'oppose plus à sa demande d'accession ; qu'elle opte pour une indemnité calculée selon la seconde branche de l'alinéa 3 de l'article 555 du code civil soit le coût des matériaux et de la main d'oeuvre, compte tenu de leur état et demande à la cour de fixer le coût total des dix chalets à la somme de 40 511,10 euros, somme obtenue après déduction à la valeur des chalets du coût de leur remise en état, peu important l'usage qu'elle compte faire de ceux-ci ; que la société APH fait valoir que l'indemnité qui doit lui être versée correspond à la valeur des matériaux et de la main d'oeuvre compte tenu de l'état des chalets, soit une indemnité globale de 157 075 euros ; que selon les termes de l'alinéa 3 de l'article 555 du code civil, le propriétaire doit à son choix rembourser le tiers soit une somme égale à celle du fonds augmenté de valeur soit le coût des matériaux et le prix de la main d'oeuvre estimés à la date du remboursement, compte tenu de l'état dans lequel se trouvent lesdites constructions ; que la société Domaines des Ormes a opté pour la seconde branche, que la société APH ne peut critiquer ce choix qui appartient à la demanderesse à l'accession ; que selon le rapport déposé le 12 novembre 2014, l'expert a étudié le coût d'un chalet de même superficie à démonter et à monter au regard de différentes annonces, qu'il a fixé le coût des matériaux et de la main d'oeuvre à la somme de 15 707 euros, qu'il a également précisé quel était l'état des chalets en indiquant que les constructions sur le site du domaine exigeaient quelques travaux de mises aux normes (électricité, escalier) et de remise en état (toiture et reprise structurelle du plancher) pour un montant global de 4 150 euros environ ; que compte tenu de ces éléments établis il y a cinq ans, la cour fixera la somme de 12 000 euros l'indemnité due par la société Domaine des Ormes pour chaque chalet, soit 120 000 euros pour les dix chalets ;
Cour d'appel de Rennes 1A, Cour de cassation Troisième chambre civile, décision 19-18.112 du 09/07/2020, partie 1
1°) ALORS QUE si le propriétaire du fonds préfère conserver la propriété des constructions, il doit, à son choix, rembourser au tiers qui les a édifiées, soit une somme égale à celle dont le fonds a augmenté de valeur, soit le coût des matériaux et le prix de la main-d'oeuvre estimés à la date du remboursement, compte tenu de l'état dans lequel se trouvent lesdites constructions ; qu'il revient au propriétaire de faire le choix entre l'une ou l'autre de ces méthodes de fixation de l'indemnité ; que l'arrêt attaqué relève que la société Domaine des Ormes a fait le choix de voir fixer l'indemnité au regard du coût des matériaux et du prix de la main d'oeuvre estimés à la date du remboursement ; qu'il retient ensuite l'évaluation de l'expert judiciaire des chalets qui tient compte du coût de leur démontage ; qu'en fixant ainsi l'indemnité au regard d'un poste de coût inopérant, qu'elle aurait dû déduire de l'évaluation retenue par l'expert, la cour d'appel a violé l'article 555 du code civil ; 2°) ALORS QU'en fixant à la somme de 15 075 euros par chalet le montant de l'indemnité que la société Domaine des Ormes devait verser à la société APH pour les chalets que cette dernière avait construits et dont elle conservait la propriété, sans répondre aux conclusions de la société Domaine des Ormes soulignant que, dans ce montant évalué par l'expert judiciaire, il était tenu compte d'une somme de 7 500 euros relative au coût de montage et démontage du chalet qui n'avait pas lieu d'être remboursée à la société APH puisque la société propriétaire avait décidé de les conserver, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. SECOND MOYEN DE CASSATION IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué de débouter la société Domaine des Ormes de sa demande de condamnation de la société APH à lui payer une indemnité d'occupation ; AUX MOTIFS QUE la société Domaines des Ormes estime que celle-ci doit être fixée sur la base du loyer fixé par le dernier contrat à 2 947,47 euros par mois jusqu'à libération effective des lieux, soit depuis le 31 octobre 2012 jusqu'au 31 janvier 2017 en tout 153 850,07 euros ; que la société APH expose que la société Domaines des Ormes l'a empêchée, lui a interdit d'exploiter les chalets à compter de 2013, ce qui justifie qu'elle ne lui ait plus payé quoique ce soit ; que par ailleurs, étant propriétaire des chalets par l'accession, elle ne saurait lui demander une indemnité ; mais que le propriétaire accède à la propriété des constructions en fin de bail, et non, comme le soutient à tort et le demande la société Domaine des Ormes, à la date du jugement ; qu'en l'espèce, la location des emplacements a cessé, selon les écritures de la société Domaines des Ormes le 31 octobre 2012 ; que, dès lors que l'accession a permis à la société des Ormes d'être propriétaire des chalets sur les emplacements qu'elle avait loués à la société APH jusqu'au 31 octobre 2012, elle ne saurait solliciter une quelconque indemnité d'occupation à la société APH au-delà de cette date ; qu'elle sera déboutée de sa demande ; ALORS QUE tout occupant sans droit ni titre est redevable d'une indemnité d'occupation ; qu'en rejetant la demande de la société Domaine des Ormes tendant à voir condamner la société APH à lui verser une indemnité d'occupation à compter du 31 octobre 2012, date de fin de la jouissance légitime des lieux, en se bornant à constater qu'elle était devenue propriétaire par accession des chalets construits par la société APH dès le 31 octobre 2012, sans rechercher comme il le lui était demandé si, après cette date, la société APH n'avait pas interdit à la société Domaine des Ormes d'occuper les chalets ce qui la rendait redevable d'une indemnité d'occupation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382, devenu 1240 du code civil.
Cour d'appel de Rennes 1A, Cour de cassation Troisième chambre civile, décision 19-18.112 du 09/07/2020, partie 2
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 9 JUILLET 2020 La société Ferro France, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° W 19-11.940 contre l'arrêt rendu le 13 décembre 2018 par la cour d'appel de Dijon (chambre sociale (sécurité sociale)), dans le litige l'opposant à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de Haute-Marne, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Vieillard, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Ferro France, et l'avis de M. Gaillardot, avocat général, après débats en l'audience publique du 19 mai 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Vieillard, conseiller rapporteur, M. Prétot, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Dijon, 13 décembre 2018), et les productions, M. X..., salarié de 1974 à 1987 de la société Ferro France (l'employeur), a souscrit une déclaration de maladie professionnelle accompagnée d'un certificat médical initial faisant état de plaques pleurales. Après une enquête, la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Marne (la caisse) a notifié à l'employeur, le 25 novembre 2015, sa décision de prendre en charge cette pathologie au titre du tableau n° 30 des maladies professionnelles. 2. L'employeur a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale en contestant l'opposabilité de cette décision. Examen du moyen Enoncé du moyen 3. L'employeur fait grief à l'arrêt de déclarer opposable la décision de la caisse de prendre en charge au titre de la législation professionnelle la pathologie déclarée, alors « que la maladie doit être considérée comme contractée au service du dernier employeur chez lequel la victime a été exposée au risque, avant sa constatation médicale, sauf à cet employeur à rapporter la preuve que la victime a également été exposée au risque chez d'autres employeurs ; qu'il incombe donc à la caisse primaire d'assurance maladie d'instruire la demande de prise en charge de la maladie auprès du dernier employeur de l'assuré, à peine d'inopposabilité de sa décision à l'égard des autres employeurs ; qu'au cas présent, la société Ferro France faisait valoir qu'il ressortait de l'enquête établie par la caisse primaire d'assurance maladie que M. X... avait, après avoir quitté la société Ferro France, été employé dans d'autres sociétés (les sociétés Aslo en tant que bûcheron puis ouvrier, Cousance Les Forges en tant qu'ouvrier en charge du perçage de pièces en fond, et N... en tant qu'ouvrier en charge du pressage de panneaux) ; qu'elle faisait valoir que la caisse primaire d'assurance maladie n'avait diligenté aucune investigation auprès des autres employeurs de M. X..., de sorte que la décision de prise en charge de la maladie au titre de la législation professionnelle devait lui être déclarée inopposable ; que la cour d'appel a constaté que la société Ferro France n'était pas le dernier employeur de M. X... ; qu'en énonçant pourtant, pour débouter la société Ferro France de son recours, que le fait que « M. X... a ensuite successivement travaillé, selon ses dires, comme bûcheron, ouvrier, ouvrier en charge du perçage de pièces en fonte et ouvrier en charge du pressage de panneaux, même si la caisse primaire d'assurance maladie n'a pas mené d'investigations auprès des employeurs qui l'ont fait travailler après 1987 » n'était pas de nature à remettre en cause la présomption d'imputabilité prévue par les articles L. 461-1 et L. 461-2 du code de la sécurité sociale, tandis que la circonstance que la société Ferro France n'était pas le dernier employeur du salarié et que la caisse primaire d'assurance maladie n'ait pas diligenté une enquête à l'encontre du dernier employeur devait conduire à l'inopposabilité de la décision de prise en charge de la maladie au titre de la législation professionnelle et avait une incidence sur la solution du litige, la cour d'appel a violé les articles L. 461-1, alinéa 2, et R. 441-14 du code de la sécurité sociale. » Réponse de la Cour Vu l'article 619 du code de procédure civile : 4. Il ne ressort ni des énonciations de l'arrêt, ni des productions que la demande en inopposabilité soutenue par l'employeur était assortie d'un moyen de droit tiré de l'irrégularité de la procédure d'instruction de la déclaration de maladie professionnelle à l'égard de l'entreprise que celui-ci tenait pour être la dernière à avoir employé la victime. 5. Il s'ensuit que, nouveau, mélangé de fait et de droit, le moyen est irrecevable.
Cour d'appel de Dijon, Cour de cassation Deuxième chambre civile, décision 19-11.940 du 09/07/2020, partie 1
PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société Ferro France aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par société Ferro France ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf juillet deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société Ferro France Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la société Ferro France de ses différents motifs d'inopposabilité invoqués et d'avoir dit que la prise en charge au titre de la législation sur les risques professionnels, et spécialement au titre du tableau n°30 des maladies professionnelles, de la pathologie de M. F... X..., en rapport à des plaques pleurales, médicalement constatées le 17 décembre 2014, était juridiquement fondée, d'avoir en conséquence confirmé la décision de la commission de recours amiable de la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Marne et d'avoir déclaré opposable à la société Ferro France la décision intervenue de prise en charge au titre de la maladie professionnelle de la pathologie affectant M. F... X... ; AUX MOTIFS PROPRES QU' il résulte des dispositions des articles L. 461-1 et L. 461-2 que, pour bénéficier de la présomption d'imputabilité, la victime doit établir qu'elle est atteinte d'une maladie considérée comme professionnelle, inscrite à l'un des tableaux annexés au code de la sécurité sociale, qu'elle a été exposée de façon habituelle à l'action des agents nocifs, dans l'exercice de sa profession, à l'occasion d'une activité susceptible, selon les tableaux, d'entraîner la maladie en question, et que la date de cessation de l'exposition au risque ne dépasse pas le délai de prise en charge fixé par le tableau ; que la charge de cette preuve incombe à la caisse primaire d'assurance maladie lorsque l'employeur conteste l'opposabilité de sa décision de prise en charge de la maladie au titre de la législation relative aux risques professionnels ; que le tableau n° 30 B des maladies professionnelles, tel qu'il est annexé à l'article R. 461-3 du code de la sécurité sociale, envisage les plaques pleurales associées, avec un délai d'exposition de 40 ans, aux travaux exposant à l'inhalation de poussières d'amiante, notamment la manipulation et l'utilisation de l'amiante brut dans des opérations de fabrication, la confection de produits contenant de l'amiante, l'application, la destruction ou l'élimination de produits à base d'amiante, des travaux dans des locaux contenant des matériaux à base d'amiante, la conduite de four et des travaux nécessitant le port habituel de vêtements contenant de l'amiante ; que l'existence de plaques pleurales, établie par certificat médical et, selon le « colloque médico-administratif , par scanner thoracique, n'est pas discutée ; que la société Ferro France reconnaît (page 14 de ses conclusions) que M. X... a travaillé à son service : - du 3 juillet 1974 au 31 décembre 1975 comme manutentionnaire, - puis du 1" janvier 1976 au 31 décembre 1987 en qualité de couleur au sein de l'atelier réfractaire ; que la société Ferro France établit qu'entre 1997 et 2011, la société Apave, chargée de rechercher l'amiante et de vérifier l'état de conservation des bâtiments, a constaté l'existence d'amiante dans certains faux-plafonds tout en indiquant que leur état de conservation était bon et ne nécessitait qu'une vérification périodique ; que rien ne permet de penser que l'état de ces éléments était différent à l'époque antérieure où M. X... a été employé par la société Ferro France ; que la CPAM ne démontre pas que la société Ferro France utilisait de l'amiante pour fabriquer les supports de cuissons produits dans l'atelier « réfractaire » où était employé M. X... ; que l'amiante n'apparaît pas dans la liste des matières premières fournie par la société ; Attendu cependant que M. X... a déclaré à l'agent enquêteur assermenté de la CPAM que dans son emploi de couleur : - il devait couler des pièces à l'aide d'un mélange appelé [...], consistant en une pâte malaxée et versée dans des moules sur des bancs de coulage ; que - il travaillait dans un grand atelier traversé par un grand four tunnel protégé par des tresses et des joints d'amiante, - des wagonnets remplis de pièces entraient et sortaient régulièrement de ce four qui dégageait une très forte chaleur, de l'ordre de plusieurs centaines de degrés, - les pièces cuites étaient stockées sur des plaques en amiante pour être refroidies, - il devait contrôler ces pièces, nettoyer les plaques du support en les grattant ou en enlevant la poussière à l'aide d'une soufflette, -comme ses collègues, il utilisait des gants de protection anti chaleur en amiante, il n'était pas rare qu'ils les tapent l'un contre l'autre pour évacuer la poussière, - en fin de journée, les salariés devaient nettoyer leur poste de travail en balayant le sol ou en nettoyant les wagonnets à froid ;
Cour d'appel de Dijon, Cour de cassation Deuxième chambre civile, décision 19-11.940 du 09/07/2020, partie 2
que lors de l'enquête, le salarié S..., employé à l'atelier réfractaire comme contrôleur à l'époque où M. X... y travaillait, a confirmé que : - le four tunnel était protégé par des tresses d'amiante ainsi que par des joints qu'il fallait régulièrement changer en les grattant avant remplacement, - après leur cuisson, les pièces étaient déposées sur des plaques de support en amiante utilisées jusqu'en 1987 et régulièrement nettoyées, grattées, soufflées voire découpées par les couleurs, - pour se prémunir de la chaleur du four et des pièces, les agents devaient s'équiper de gants anti chaleur en amiante, - le poste de travail était nettoyé à chaque fin de cycle par balayage du sol, dépoussiérage, nettoyage des moules en plâtre, entonnoirs et plaques, - les couleurs travaillaient à proximité du four et étaient exposés aux émanations du four, à des nuages de poussières volatiles chargées de diverses particules y compris l'amiante ; qu'à l'occasion d'autres enquêtes, les anciens salariés K... W... et B... G..., respectivement électricien de 1978 à 2002 et couleur dans la décennie 1970, ont également mentionné le garnissage intérieur des fours par des plaques, tresses et rubans en amiante, le second faisant état des supports pour séchage en amiante, de l'utilisation de gants en amiante, d'une atmosphère poussiéreuse et du nettoyage des plaques avec un produit dénommé [...] et une soufflette ; que l'agent enquêteur a relevé que les services de prévention de la CARSAT avaient retenu la présence d'amiante, entre 1973 et 1990, au niveau du four tunnel, des plaques de refroidissement et de certains équipements de protection individuels ; qu'une représentante de la société a soutenu que l'amiante n'entrait pas dans la composition des produits fabriqués et n'était pas présent dans le four, mais a déclaré ne pas être en mesure de justifier de la date de début d'utilisation des matériaux du four et n'avoir aucune traçabilité sur les gants anti chaleur et leur composition exacte à l'époque ; que si les documents techniques que communique cette société sont de nature à établir qu'il n'y avait d'amiante ni dans ses matières premières, ni dans les agents de démoulage, les isogels et le catalyseur, ils n'envisagent pas les accessoires de fabrication comme les supports en cause ; que de même, le document intitulé « Procédés M... » que la société communique n'est destiné qu'à décrire les produits proposés à sa clientèle et ne contient aucune indication sur ses méthodes de fabrication ; que les documents intitulés « [...] », relatifs à des nappes et à des panneaux isolants, sont postérieurs à l'année 2003 de sorte qu'ils ne peuvent pas être rapprochés de la période d'emploi de M. X... qui s'est achevée dès la fin de 1987 ; que les cahiers de plans communiqués ne constituent en réalité qu'un simple catalogue des plans techniques établis dans l'entreprise dont l'objet n'est désigné que de façon sommaire, sans aucune description des modes de fabrication ; que loin d'avoir été simplement présumée par la CPAM, l'exposition de M. X... à l'inhalation de poussières d'amiante est démontrée par l'enquête et les témoignages précités que les documents communiqués par la société Ferro France ne permettent pas de mettre en doute ; que même si l'amiante n'entrait pas dans la composition des produits fabriqués par cette société, M. X... a été exposé de façon régulière, durant douze ans, à l'inhalation des poussières d'amiante dégagées par les tresses et joints qui garnissaient le four, les opérations nécessaires à leur entretien, la manipulation et le nettoyage des supports mis à sa disposition pour recevoir les pièces qu'il contribuait à produire et la manipulation des gants de protection en amiante ; que les témoignages montrent l'absence ou pour le moins l'insuffisance de dispositifs d'aération ; que le procès-verbal de contrôles d'atmosphères de travail, poussières et aérosols daté du 5 janvier 1977 (pièce n° 45) concerne essentiellement les risques de maladie liés à l'inhalation de poussières minérales provenant des matières premières (chamottes, kaolin, argile, talc, feldspath) lors de l'ouverture de sacs, du déversement dans des trémies et de la fabrication de la pâte, des dispositifs d'aspiration étant signalés non près du four, mais seulement vers la machine d'ouverture des sacs, la trémie de répartition des matières premières, les lieux de chutes des produits en poudre, des concasseurs et des broyeurs ; que les analyses n'ont concerné que le poste de la machine à ouvrir les sacs, le poste de commande du chargement des trémies, les diverses trémies, l'atelier des mélanges, le poste d'ensachage des émaux et ne se sont concentrées que sur les risques de silicose et de pneumoconiose ; que ces données ne rendent donc pas compte de la situation du poste de travail de M. X... ; que les témoins attestent de l'existence d'une atmosphère empoussiérée contenant notamment des poussières d'amiante ; qu'eu égard à la date d'apparition de la maladie, toutes les conditions prévues par le tableau n° 30, dans sa version applicable en la cause, sont réunies de sorte que l'affection développée par M. X... a bien un caractère professionnel ;
Cour d'appel de Dijon, Cour de cassation Deuxième chambre civile, décision 19-11.940 du 09/07/2020, partie 3
qu'à supposer même que cette victime ait pu être exposée à des poussières d'amiante dans l'immeuble collectif qui abritait son habitation, ce fait ne serait pas de nature à remettre en cause la présomption d'imputabilité prévue par les articles L. 461-1 et L. 461-2 du code de la sécurité sociale ; qu'il en va de même du fait que M. X... a ensuite successivement travaillé, selon ses dires, comme bûcheron, ouvrier, ouvrier en charge du perçage de pièces en fonte et ouvrier en charge du pressage de panneaux, même si la CPAM n'a pas mené d'investigations auprès des employeurs qui l'ont fait travailler après 1987 ; qu'il en résulte que les premiers juges ont exactement apprécié la situation en estimant que la maladie de ce salarié devait être présumée d'origine professionnelle et que la décision de prise en charge de la CPAM était opposable à la société Ferro France ; ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'il est constant que Monsieur F... X..., qui a travaillé du 3 juillet 1974 au 31 décembre 1987 au sein de la Société FERRO FRANCE, sur son site industriel de [...], y exerçant successivement les fonctions de manutentionnaire pendant dix-huit mois, puis celles de couleur pendant onze années, a souscrit le 17 juin 2015 une déclaration de maladie professionnelle pour une pathologie contractée dans le cadre de son activité passée auprès de cette société ; que le certificat médical initial joint à cette déclaration mentionnait des plaques pleurales, pathologie relevant du tableau 30 des maladies professionnelles résultant de l'inhalation de poussières d'amiante, lequel indique, au titre de la condition d'exposition au risque, une liste indicative des principaux travaux ou situations de travail susceptibles de provoquer ces maladies, et fixe le délai de prise en charge de la maladie à 35 ans, sous réserve d'une durée d'exposition au risque d'au moins 5 ans ; que Monsieur F... X... invoque une exposition au risque de l'amiante subie durant la totalité de sa présence professionnelle chez FERRO FRANCE ; qu'il résulte de l'enquête administrative conduite dans le cadre de la procédure d'instruction de la demande de reconnaissance de la maladie professionnelle de Monsieur F... X..., le recueil de déclarations extrêmement circonstanciées de celui-ci, notamment sur la nature des travaux effectués, ainsi que des données précises sur son environnement professionnel de cette période, et tendant à établir qu'il a alors été exposé aux risques de l'amiante dans les conditions suivantes : - d'abord dans le cadre de l'exercice de sa fonction de couleur, exercée au sein de l'atelier réfractaire, et impliquant qu'il coule des pièces à l'aide d'un mélange appelé [...] ; qu'il travaillait de la sorte à proximité d'un grand four, appelé four-tunnel dont il est fortement suggéré qu'à l'époque il était protégé par de l'amiante, notamment au niveau des joints ; que les pièces cuites ressortant de ce four, et dont Monsieur F... X... assurait le démoulage, étaient déposées sur des plaques en amiante afin d'y être refroidies ; qu'il est à cet égard communément rapporté, et au demeurant conforme au processus physico-chimique alors à l'oeuvre, que ces plaques, sous l'effet de la chaleur émanant des pièces sortant du four, se désagrégeaient progressivement, provoquant sous l'effet des soufflets utilisés pour leur nettoyage, la mise en suspension de poussières d'amiante que les employés présents inhalaient nécessairement, - qu'au demeurant, Monsieur F... X... était confronté dans son activité professionnelle, et de manière quasi permanente au risque de l'amiante sous différentes formes, celui-ci se trouvant incorporé sous forme non friable dans des produits en ciment, ou encore dans des liants tels que colle, joints, peinture, mortier à base de plâtre, voire encore dans des isolants en forme de rubans ou de tresses, tous matériaux susceptibles d'émietter des particules et des poussières dangereuses à l'occasion d'une quelconque intervention sur leur substance, ainsi qu'il résulte des acquis actuels, des recherches effectuées par l'Institut National de la Recherche et de la Sécurité, - qu'en outre, et dans une perspective de protection, Monsieur F... X... se trouvait doté de gants en amiante, voire d'un tablier en amiante ; qu'à tous égards, il s'est trouvé être en situation fréquente de respirer des poussières d'amiante dans le contexte de son activité professionnelle, - ensuite dans un contexte d'environnement général des lieux dont l'atmosphère était viciée par des particules d'amiante tel qu'il résulte des acquis de l'enquête administrative mettant en évidence cette exposition professionnelle de l'assuré à l'amiante, - enfin en raison de la présence d'amiante dans la structure des ateliers et locaux du site M... de [...] à l'époque de sa présence professionnelle dans les lieux, lesquels incorporaient, et continuent à incorporer une importante quantité d'amiante dans leurs structures ;
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que nonobstant les diagnostics rassurant de l'APAVE intervenus depuis 1997 et faisant état d'un bon état de conservation de l'amiante contenu dans les bâtiments composant ce parc immobilier, et spécialement situé dans certaines toitures, il n'en demeure pas moins que celui-ci est l'objet d'un processus naturel de dégradation à l'oeuvre, et ce de longue date, et qui fonde dès lors la présomption suffisante que ce salarié ait été exposé de ce chef, à une époque antérieure à ces contrôles, à un risque sérieux d'intoxication environnementale par l'effet d'une inhalation prolongée des poussières et particules d'amiante provenant de ce phénomène de dégradation ; qu'à ces divers titres, Monsieur F... X... s'avérant avoir été fortement, et de manière permanente, exposé au risque professionnel résultant de l'inhalation des poussières d'amiante durant tout le temps de sa relation professionnelle avec l'entreprise FERRO FRANCE, cette dernière ne saurait sérieusement et valablement se prévaloir de l'absence de caractérisation de cette condition, nécessaire à la reconnaissance de la maladie professionnelle ; qu'il convient en conséquence de débouter la Société FERRO FRANCE de son présent motif d'inopposabilité ; que sur une prétendue cause extérieure d'exposition à l'amiante : l'employeur prétend faire le constat que l'essentiel des salariés ayant formulé des demandes de reconnaissance de maladie professionnelle de cette nature auraient été domiciliés [...] , tel qu'il en est de Monsieur F... X... qui a résidé dans ce quartier depuis plus de 40 ans ; que la société FERRO FRANCE prétend soutenir que compte tenu de la date de construction de ce quartier intervenue entre 1953 et 1976, l'amiante aurait nécessairement été utilisé dans la construction, et qu'il est donc plus que probable que ce salarié a été exposé à son domicile à de l'amiante, et ce d'une façon continue et habituelle, ce qui serait de nature à expliquer la survenue de sa pathologie ; que cependant il est vain pour l'employeur de prétendre que les habitations du [...] à [...] sont à l'origine de cette pathologie, qui apparaît sévir de manière endémique dans les effectifs passés ou actuels de ses salariés ; que cette simple suspicion selon laquelle il y aurait eu de l'amiante dans la structure et les revêtements de construction de ce quartier dans lequel habitait et continue d'habiter Monsieur F... X..., et que cet amiante serait à l'origine de sa maladie, quand bien même elle serait justifiée, n'est pas suffisante dès lors que l'employeur ne démontre pas que la pathologie concernée a une cause totalement étrangère au travail du salarié ; qu'en tout état de cause, l'amiante inerte situé dans une construction ne saurait être assimilé, dans ses effets pathogènes, à un environnement de poussières d'amiante tel qu'il a été mis en évidence sur le site industriel de la Société FERRO FRANCE à [...] ; qu'en conséquence la Société FERRO FRANCE ne saurait prospérer dans ce motif d'inopposabilité ; qu'il résulte dés lors de l'ensemble des développements qui précèdent que les conditions juridiques sont réunies pour déclarer opposable à la Société FERRO FRANCE la prise en charge au titre de la législation sur les risques professionnels, et spécialement au titre du tableau n° 30 des maladies professionnelles, de la pathologie de Monsieur F... X... en rapport à des plaques pleurales, médicalement constatées le 17 décembre 2014 ; ALORS QUE la maladie doit être considérée comme contractée au service du dernier employeur chez lequel la victime a été exposée au risque, avant sa constatation médicale, sauf à cet employeur à rapporter la preuve que la victime a également été exposée au risque chez d'autres employeurs ; qu'il incombe donc à la CPAM d'instruire la demande de prise en charge de la maladie auprès du dernier employeur de l'assuré, à peine d'inopposabilité de sa décision à l'égard des autres employeurs ; qu'au cas présent, la société Ferro France faisait valoir qu'il ressortait de l'enquête établie par la CPAM que M. X... avait, après avoir quitté la société Ferro France, été employé dans d'autres sociétés (les sociétés Aslo en tant que bûcheron puis ouvrier, Cousance Les Forges en tant qu'ouvrier en charge du perçage de pièces en fond, et N... en tant qu'ouvrier en charge du pressage de panneaux) ; qu'elle faisait valoir que la CPAM n'avait diligenté aucune investigation auprès des autres employeurs de M. X..., de sorte que la décision de prise en charge de la maladie au titre de la législation professionnelle devait lui être déclarée inopposable (concl, p. 4 à 6) ; que la cour d'appel a constaté que la société Ferro France n'était pas le dernier employeur de M. X... (arrêt, p. 5 § 6) ;
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qu'en énonçant pourtant, pour débouter la société Ferro France de son recours, que le fait que « M. X... a ensuite successivement travaillé, selon ses dires, comme bûcheron, ouvrier, ouvrier en charge du perçage de pièces en fonte et ouvrier en charge du pressage de panneaux, même si la CPAM n'a pas mené d'investigations auprès des employeurs qui l'ont fait travailler après 1987 » n'était pas de nature à remettre en cause la présomption d'imputabilité prévue par les articles L. 461-1 et L. 461-2 du code de la sécurité sociale, (arrêt, p. 5 § 5 et 6), tandis que la circonstance que la société Ferro France n'était pas le dernier employeur du salarié et que la CPAM n'ait pas diligenté une enquête à l'encontre du dernier employeur devait conduire à l'inopposabilité de la décision de prise en charge de la maladie au titre de la législation professionnelle et avait une incidence sur la solution du litige, la cour d'appel a violé les articles L. 461-1 alinéa 2 et R. 441-14 du code de la sécurité sociale.
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R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 2 JUILLET 2020 1°/ Mme J... H..., épouse X..., domiciliée [...] , 2°/ Mme K... H..., domiciliée [...] ), 3°/ Mme V... N... H... , domiciliée [...] , 4°/ Mme P... S... H... , domiciliée [...] , 5°/ Mme Q... H..., domiciliée [...] , 6°/ la société Too'Gezer, dont le siège est [...] , ont formé le pourvoi n° H 19-16.159 contre l'arrêt rendu le 20 décembre 2018 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 8), dans le litige les opposant : 1°/ à la société LMBO, société par actions simplifiée, dont le siège est chez la société Vezam Conseil, [...] , 2°/ à M. L... U..., domicilié [...] , défendeurs à la cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Jollec, conseiller référendaire, les observations écrites de la SCP L. Poulet-Odent, avocat de Mmes J..., K..., V..., P... et Q... H... et de la société Too'Gezer, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société LMBO et de M. U..., et l'avis de M. Aparisi, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 27 mai 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Jollec, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision. 1. Le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. 2. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi. EN CONSÉQUENCE, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne Mmes J..., K..., V..., P... et Q... H... et la société Too'Gezer aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mmes J..., K..., V..., P... et Q... H... et la société Too'Gezer et les condamne à payer à la société LMBO et à M. U... la somme globale de 3 000 euros ; Ainsi décidé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du deux juillet deux mille vingt, et signé par lui et Mme Martinel, conseiller doyen, en remplacement du conseiller référendaire rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile. MOYEN ANNEXE à la présente décision Moyen produit par la SCP L. Poulet-Odent, avocat aux Conseils, pour Mmes J..., K..., V..., P... et Q... H... et la société Too'Gezer. Le pourvoi fait grief à l'arrêt attaqué, en cela infirmatif, D'AVOIR rétracté les ordonnances du 11 juillet 2017 (n° RG 17/1477 à 17/1482) en ce qu'elles avaient autorisé les exposants à prendre des mesures conservatoires à l'encontre de M. L... U... et ordonné la mainlevée des saisies prises en vertu de ces ordonnances, AUX MOTIFS QUE la société LMBO et M. U... soutiennent que l'absence de patrimoine de ladite société n'est pas un motif pour prétendre que le recouvrement de la créance des consorts H... serait en péril dès lors que cette société est une société de gestion et n'a jamais eu pour finalité de détenir un quelconque patrimoine mais de gérer celui de fonds d'investissement ; que cette seule affirmation de la société LMBO, qui admet ne pas avoir de patrimoine permettant de répondre de l'éventuelle créance des consorts H..., établit la menace pesant sur le recouvrement de celle-ci ; qu'en ce qui concerne M. U..., les consorts H... se bornent à affirmer que M. U... ne détient pas directement de patrimoine immobilier mais par l'intermédiaire de diverses sociétés qu'il contrôle ; que ces affirmations, au demeurant non contredites, sont insuffisantes à démontrer la menace pesant sur le recouvrement de la créance à l'égard de M. U... alors même que les intimées, sur lesquelles repose la charge de la preuve de cette menace, admettent qu'il détient un important patrimoine par le biais de ces sociétés ; 1° ALORS QUE toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut solliciter du juge l'autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie de circonstances susceptibles d'en menacer le recouvrement ;
Cour d'appel de Paris G8, Cour de cassation Deuxième chambre civile, décision 19-16.159 du 02/07/2020, partie 1
qu'en l'espèce, la cour a admis que les exposants justifiaient d'une créance d'environ 4,5 millions d'euros, tant à l'égard de la société LMBO que de M. U... et que l'absence de patrimoine de ladite société lui permettant de répondre de cette créance établissait une menace pesant sur le recouvrement de celle-ci ; qu'elle a, dès lors, refusé de rétracter les ordonnances du 11 juillet 2017 qui avaient autorisé plusieurs saisies conservatoires à l'encontre de cette société ; qu'en revanche, la cour a décidé de les rétracter en ce qu'elles avaient autorisé les exposants à prendre des mesures conservatoires à l'encontre de M. U..., et a de chef ordonné la mainlevée des saisies prises en vertu de ces ordonnances ; que, pour justifier cette décision, la cour a retenu que M. U... ne détenait pas de patrimoine immobilier directement mais uniquement un important patrimoine par le biais de sociétés qu'il contrôlait ; qu'en se déterminant ainsi, quand il résultait de ce constat, d'une part, que M. U... avait toute latitude de faire vendre ce patrimoine sous couvert de ces sociétés et que, d'autre part, un péril certain pesait sur le recouvrement de la créance des exposants, M. U... n'ayant pas directement de patrimoine pouvant répondre de cette créance, la cour n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, en violation de l'article L. 511-1 du code des procédures civiles d'exécution ; 2° ALORS QUE toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut solliciter du juge l'autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie de circonstances susceptibles d'en menacer le recouvrement ; qu'en l'espèce, les exposants avaient souligné, pour justifier la menace qui pesait sur le recouvrement de sa créance, à l'égard de M. U..., que ce dernier possédait peu de biens directement, l'essentiel de son patrimoine étant placé dans ses sociétés qu'il contrôlait, ce patrimoine échappant ainsi à tout risque d'une procédure d'exécution de la part des créanciers personnels de M. U... ; qu'ainsi, ils avaient donné l'exemple d'un hôtel particulier situé dans 5e arrondissement de Paris, qui constituait jusque-là la résidence principale de M. U..., et qu'il venait de faire vendre par la société Bordemer qui en était détenteur ; qu'en se déterminant dès lors comme elle l'a fait, sans rechercher, comme elle y était invitée, si l'absence organisée de bien immobilier dans le patrimoine personnel de M. U... ne constituait pas une circonstance susceptible de menacer auprès de lui le recouvrement de la créance des exposants, la cour a privé sa décision de base légale au regard de l'article . 511-1 du code des procédures civiles d'exécution.
Cour d'appel de Paris G8, Cour de cassation Deuxième chambre civile, décision 19-16.159 du 02/07/2020, partie 2
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 24 JUIN 2020 Mme Q... M..., domiciliée [...] , a formé le pourvoi n° T 19-13.524 contre l'arrêt rendu le 28 novembre 2017 par la cour d'appel d'Amiens (5e chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société Canapo, dont le siège est [...] , ayant un établissement secondaire [...] , défenderesse à la cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Valéry, conseiller référendaire, les observations écrites de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de Mme M..., après débats en l'audience publique du 12 mai 2020 où étaient présents Mme Farthouat-Danon, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Valéry, conseiller référendaire rapporteur, Mme Van Ruymbeke, conseiller, et Mme Piquot, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision. 1. Le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. 2. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi. EN CONSÉQUENCE, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne Mme M... aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la SCP Célice, Texidor, Périer ; Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre juin deux mille vingt. MOYEN ANNEXE à la présente décision Moyen produit par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour Mme M.... Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR débouté Madame M... de l'ensemble de ses demandes ; AUX MOTIFS QU' « il n'est plus contesté que le courrier de Madame M... adressé à son employeur le 17 avril 2014, invoquant différents manquements de celui-ci dans l'exécution du contrat de travail pour justifier la rupture, n'est pas constitutif de démission et doit être qualifié de prise d'acte. Dès lors qu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail et cesse son travail à raison de faits qu'il reproche son employeur, cette rupture produit les effets soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission. Pour justifier de la légitimité de sa prise d'acte, il appartient au salarié de rapporter la preuve d'un manquement suffisamment gave de l'employeur faisant obstacle à la poursuite du contrat de travail. A l'appui de sa prise d'acte, Madame M... invoque quatre manquements. S'agissant en premier lieu de l'absence de déclaration préalable d'embauche auprès de l'URSSAF, il résulte des pièces produites par la SCI CANAPO, que Madame M... a bien fait l'objet d'une telle déclaration, et de cotisations, à tout le moins au titre des 3ème et 4ème trimestres 2013, tel que confirmé par le courrier de ladite administration en date du 28 novembre 2014. Le manquement invoqué n'est pas constitué. S'agissant de l'absence de visite médicale d'embauche, cette carence n'est pas contestée par l'employeur. Il sera néanmoins retenu que le présent contrat de travail intervenait suite à une mise à disposition par l'association intermédiaire, demeurée l'employeur principal, qui avait fait réaliser un tel examen concluant à l'aptitude de Madame M... aux tâches ménagères. Surtout, l'absence d'un tel examen préalable à la prise de poste, susceptible d'ouvrir droit à réparation en cas de préjudice distinct, n'est pas constitutif d'un manquement gave empêchant la poursuite du contrat de travail, la rupture intervenant près de 10 mois après cette carence. Madame M... évoque l'exécution de tâches incompatibles avec son état de santé et son aptitude. Madame M... conteste avoir été en capacité de réaliser les travaux d'entretien extérieurs mis à sa charge par la SCI CANAPO, non réalisés lors de sa simple mise à disposition précédente. L'inaptitude physique de Madame M... à de telles tâches ne peut cependant pas être médicalement établie par les seuls documents médicaux versés, précisément par les certificats du docteur E... de mai 2014, ceux-ci consignant peu clairement "aussi le médecin du travail a statué sur ses possibilités professionnelles qui ne lui permettent d'effectuer des tâches lourdes". De surcroît, il sera relevé que le contrat de travail dûment signé par Madame M..., stipule en son article « qualification » : la salariée est engagée comme femme de ménage afin de remplir les fonctions suivantes : nettoyage des locaux des immeubles et entretien du jardin du centre d'affaires sis au [...] . Il ne peut en être retenu que des tâches indues ont été ajoutées, du fait de la définition contractuelle du poste.
Cour d'appel d'Amiens, Cour de cassation Chambre sociale, décision 19-13.524 du 24/06/2020, partie 1
Enfin, Madame M... invoque l'existence d'un contexte de maltraitance psychologique pouvant revêtir la qualification de harcèlement moral. Aux termes de l'article L 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa Santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Selon L 1154-1 du code du même code, applicable en matière de discrimination et de harcèlement, tel qu'interprété à la lumière de la directive CE/2000/78 du 27 novembre 2000, et modifié par la loi du 8 août 2016, le salarié a la charge de présenter des éléments de fait laissant supposer permettant de présumer l'existence d'un harcèlement et il incombe ensuite à la partie défenderesse de prouver que les faits qui lui sont imputés ne sont pas constitutifs de harcèlement et qu'ils sont justifiés par des éléments objectifs étrangers et à tout harcèlement. Il résulte du premier de ces textes que les faits susceptibles de laisser présumer une situation de harcèlement moral au travail sont caractérisés, lorsqu'ils émanent de l'employeur, par des décisions, actes ou agissements répétés, révélateurs d'un abus d'autorité, ayant pour objet ou pour effet d'emporter une dégradation des conditions de travail du salarié dans des conditions susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; Une situation de harcèlement moral se déduit ainsi essentiellement de la constatation d'une dégradation préjudiciable au salarié de ses conditions de travail consécutive à des agissements répétés de l'employeur révélateurs d'un exercice anormal et abusif par celui-ci de ses pouvoirs d'autorité, de direction, de contrôle et de sanction. En l'espèce, Madame M... invoque trois témoignages au soutien de sa demande de reconnaissance de harcèlement moral. Les attestations de Madame N... et Madame L... consignent le constat d'une dégradation de l'état psychologique de la salariée, rapportée, selon elle, au contexte de son travail au profit de la SCI CANOPO. Ces attestations sont insuffisantes à établir un lien entre cet état et des conditions de travail objectivement dégradées consécutives à des faits imputables à l'employeur. L'attestation de Madame Y... fait état de mauvaises conditions de travail et d'un état préoccupant de la salariée mais est insuffisante à établir des faits particuliers émanant de l'employeur. L'existence d'une main courante déposée par Madame M... le 29 mars 2014, par nature non contradictoire, ne peut pas objectiver des éléments matériels constitutif du harcèlement moral. Enfin il n'existe pas d'élément médical au soutien de la demande de reconnaissance de harcèlement moral, l'arrêt de travail en date du 28 mars 2014, ne comportant aucune précision, si ce n'est une absence de rapport avec une maladie professionnelle. En conséquence, le harcèlement moral qui justifierait la prise d'acte n'est pas établi. Il échet des précédents développements que la salariée ne rapporte pas la preuve des manquements de son employeur qui auraient rendu impossible la poursuite du contrat de travail. Dès lors, elle doit être déboutée de sa demande de voir faire produire à sa prise d'acte les effets d'un licenciement sans cause réelle ni sérieuse, en réformation de la décision des premiers juges. Il n'y a pas lieu à octroi des dommages et intérêts pour préjudices spécifiques distincts qui auraient été causés par les différents manquements examinés. Les dispositions concernant la remise de documents de fin de contrat rectifiés seront également réformées. Il n'y a donc pas lieu à indemniser un quelconque préjudice » ; ALORS, DE PREMIERE PART, QUE la prise d'acte de la rupture du contrat de travail produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse en cas de manquement suffisamment grave de l'employeur qui empêche la poursuite de ce contrat ; que constitue un tel manquement le fait pour l'employeur de faire exécuter à son salarié des tâches incompatibles avec son état de santé ; qu'en énonçant, pour écarter la faute de la société CANAPO tirée de l'exécution de tâches de jardinage incompatibles avec l'état de santé et l'aptitude de Madame M..., que les documents médicaux versés aux débats par la salariée ne permettent pas d'établir l'inaptitude physique de la salariée, alors qu'il appartenait à l'employeur de faire procéder à la visite médicale d'embauche qui aurait permis de déterminer si les tâches de jardinage étaient dès l'origine compatibles ou non avec l'état de santé de la salariée, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve de l'inaptitude sur la seule salariée, a violé les articles L.1222-1, L.1231-1, L.1232-1, L.1237-1 et R.4624-11 du code du travail et l'article 1315 du code civil dans leur rédaction alors en vigueur ; ALORS, DE DEUXIEME PART, QUE la prise d'acte de la rupture du contrat de travail produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse en cas de manquement suffisamment grave de l'employeur qui empêche la poursuite de ce contrat ; que constitue un tel manquement le fait pour l'employeur de faire exécuter à son salarié des tâches incompatibles avec son état de santé ;
Cour d'appel d'Amiens, Cour de cassation Chambre sociale, décision 19-13.524 du 24/06/2020, partie 2
que le fait que le contrat de travail du salarié mentionne des tâches de jardinage ne préjuge pas de sa capacité à les exercer, cette appréciation incombant au médecin du travail dans le cadre de la visite médicale d'embauche ; qu'en énonçant encore, pour écarter la faute de la société CANAPO tirée de l'exécution par Madame M... de tâches de jardinage incompatibles avec son état de santé et son aptitude, que « le contrat de travail dûment signé par Madame M... stipule en son article « qualification » : la salariée est engagée comme femme de ménage afin de remplir les fonctions suivantes : nettoyage des locaux des immeubles et l'entretien du jardin du centre d'affaires sis au [...] » et qu' « il ne peut être retenu que des tâches indues ont été ajoutée, du fait de la définition contractuelle du poste » alors que ces mentions du contrat de travail ne dispensaient pas l'employeur d'organiser la visite médicale d'embauche, la cour d'appel, qui a statué par des motifs inopérants, a violé les articles L.1222-1, L.1231-1, L.1232-1, L.1237-1 et R.4624-11 du code du travail dans leur rédaction alors en vigueur ; ALORS, DE TROISIEME PART, QUE la prise d'acte de la rupture du contrat de travail produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse en cas de manquement suffisamment grave de l'employeur qui empêche la poursuite de ce contrat ; que constitue une telle faute le fait pour l'employeur de ne pas organiser la visite médicale d'embauche ; qu'en énonçant, pour écarter la faute tirée de l'absence de mise en place de la visite médicale d'embauche, que le contrat avec la société CANAPO intervenait à la suite d'une mise à disposition par l'association intermédiaire qui avait fait réaliser un tel examen concluant à l'aptitude de Madame M... aux tâches ménagères, quand l'inaptitude concernait les tâches de jardinage exécutées en vertu d'un contrat de travail conclu non plus avec l'association intermédiaire mais directement avec la société CANAPO, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants et a violé les articles L.1222-1, L.1231-1, L.1232-1, L.1237-1 et R.4624-11 du code du travail dans leur rédaction alors en vigueur ; ALORS, DE QUATRIEME PART, QU'en écartant encore ce manquement au motif que la rupture du contrat de travail était intervenue 10 mois après cette carence, cependant que la salariée reprochait à la société CANAPO l'exécution jusqu'à la prise d'acte de tâches incompatibles avec son état de santé du fait de l'absence de visite médicale d'embauche, lesquelles avaient conduit à un arrêt de travail, la cour d'appel a de nouveau violé les articles L.1222-1, L.1231-1, L.1232-1, L.1237-1 et R.4624-11 du code du travail dans leur rédaction alors en vigueur.
Cour d'appel d'Amiens, Cour de cassation Chambre sociale, décision 19-13.524 du 24/06/2020, partie 3
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 25 JUIN 2020 La société Renault, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° E 19-18.802 contre l'arrêt rendu le 18 avril 2019 par la cour d'appel de Toulouse (3e chambre), dans le litige l'opposant : 1°/ à Mme X... R..., domiciliée [...] , 2°/ à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Haute-Garonne, dont le siège est [...] , défenderesses à la cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Bouvier, conseiller, les observations écrites de la SCP Spinosi et Sureau, avocat de la société Renault, de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de Mme R..., et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 13 mai 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Bouvier, conseiller rapporteur, Mme Gelbard-Le Dauphin, conseiller doyen, et Mme Cos, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision. 1. Le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. 2. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi. EN CONSÉQUENCE, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société Renault aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Renault à payer à Mme R... la somme de 3 000 euros ; rejette les autres demandes ; Ainsi décidé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq juin deux mille vingt. MOYEN ANNEXE à la présente décision Moyen produit par la SCP Spinosi et Sureau, avocat aux Conseils, pour la société Renault Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement entrepris en ce qu'il a dit que la SAS Renault est entièrement responsable du préjudice subi par Mme R... lors de l'accident du 4 novembre 2013 et, en conséquence, d'avoir condamné la SAS Renault à payer à la CPAM de la Haute Garonne la somme de 80 363,20 euros à valoir sur sa créance au titre des prestations servies à Mme R..., ordonné une expertise médicale, et désigné un expert avec la mission habituelle en matière de réparation du préjudice corporel ; Aux motifs propres qu'« aux termes de l'article 1386-4 ancien du code civil, applicable au présent litige, un produit est défectueux au sens du présent titre lorsqu'il n'offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre. Dans l'appréciation de la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre, il doit être tenu compte de toutes les circonstances et notamment de la présentation du produit, de l'usage qui peut en être raisonnablement attendu et du moment de sa mise en circulation. Un produit ne peut être considéré comme défectueux par le seul fait qu'un autre, plus perfectionné, a été mis postérieurement en circulation. Aux termes de l'article 1386-4 ancien du même code, le demandeur doit prouver le dommage, le défaut et le lien de causalité entre le défaut et le dommage. Aux termes de l'article 1386-11 ancien du même code, le producteur est responsable de plein droit à moins qu'il ne prouve : 1° Qu'il n'avait pas mis le produit en circulation ; 2° Que, compte tenu des circonstances, il y a lieu d'estimer que le défaut ayant causé le dommage n'existait pas au moment où le produit a été mis en circulation par lui ou que ce défaut est né postérieurement ; 3° Que le produit n'a pas été destiné à la vente ou à toute autre forme de distribution ; 4 ° Que l'état des connaissances scientifiques et techniques, au moment où il a mis le produit en circulation, n'a pas permis de déceler l'existence du défaut ; 5° Ou que le défaut est dû à la conformité du produit avec des règles impératives d'ordre législatif ou réglementaire. Le producteur de la partie composante n'est pas non plus responsable s'il établit que le défaut est imputable à la conception du produit dans lequel cette partie a été incorporée ou aux instructions données par le producteur de ce produit.
Cour d'appel de Toulouse 30, Cour de cassation Deuxième chambre civile, décision 19-18.802 du 25/06/2020, partie 1
Aux termes de l'article 1386-13 ancien du même code, la responsabilité du producteur peut être réduite ou supprimée, compte tenu de toutes les circonstances, lorsque le dommage est causé conjointement par un défaut du produit et par la faute de la victime ou d'une personne dont la victime est responsable. Il ressort du rapport d'expertise judiciaire I... déposé le 16 mars 2015 que : - le véhicule était en parfait état général ; - le choc s'est produit en partie inférieure de l'avant droit du véhicule : on observe un léger impact en partie inférieure du bouclier avant droit ; après dépose du bouclier, on observe une très légère déformation de la traverse de l'armature avant, déformation de la tôle support et du support avant droit boulonné au niveau du berceau moteur, le berceau et le train avant droit ne présentant aucun dommage. Le sens de la déformation va de l'avant vers l'arrière, dans une amplitude oblique de 45 degrés, provoquée contre le séparateur béton de forme trapézoïdale. Il n'y a pas de déformation des éléments de liaison au sol, ni de dommage sur le capot moteur, ni l'aile avant droit ; - l'examen de la position de conduite de Mademoiselle R... permet de relever que l'assise du siège est placée au niveau 2/4 et les distances entre la conductrice et les éléments de conduite du véhicule ne laisse apparaître aucun défaut de position de conduite ; - il n'existe pas de réglage en hauteur de la ceinture de sécurité sur le pied de caisse en fonction de la position du siège et de la taille du conducteur, seulement un renvoi par point fixe. La sangle baudrier est très proche de la blessure sur la base du cou de la conductrice, la sangle de bassin est bien portée à plat sur les cuisses et contre le bassin, selon les préconisations du constructeur. Le prétentionneur de ceinture a opéré un retrait de 15 mm ; - les données informatiques relevées au niveau de l'airbag, les déformations relevées sur le véhicule permettent d'établir que sa vitesse au moment du choc était de l'ordre de 10 ou 18 km/h et en tout cas largement inférieure à 30 km/h. Les déclarations de la conductrice permettent de retenir que le véhicule circulait sous la pluie, qu'alors qu'elle aborde le virage prononcé à droite de la bretelle d'accès à la rocade extérieure, elle a perdu le contrôle du véhicule qui a glissé sur la chaussée, elle a procédé à un contre braquage, le véhicule a amorcé une rotation dans le sens inverse des aiguilles d'une montre et a percuté le séparateur en béton situé à gauche par rapport à son sens de circulation, avec la partie avant droit du véhicule, et s'est trouvé dans une position finale inverse au sens initial de circulation, le véhicule poursuivant sa rotation après le choc. Ce choc produit à faible vitesse présente la particularité de s'être produit contre un obstacle indéformable, le point d'impact sur le véhicule se trouvant sur une zone peu déformable du véhicule, au niveau de la liaison de la traverse avant droite et de l'embout du longeron avant droit, zone de déformation très limitée par rapport aux autres zones du véhicule. Il en résulte une décélération plus importante et plus brutale que sur les zones à déformation programmée. Compte tenu de cette particularité de l'espèce, les comptes rendus de crash tests avancés par le constructeur ne sont pas opérants en ce qu'ils sont relatifs à des chocs frontaux. Le choc a déclenché les éléments de sécurité, airbag et prétentionneur de ceinture de sécurité. L'opercule du sac de l'airbag est intact, l'expert en déduit que la contrainte d'opposition s'est trouvée captée par la ceinture de sécurité notamment au niveau de la sangle de baudrier passant près du cou, ainsi que latéralement à gauche et droite du bassin. Les préconisations du constructeur quant à l'emploi de la ceinture sont claires : "ajustement des ceintures de sécurité : tenez-vous bien appuyé contre le dossier. La sangle de baudrier 1 doit être rapprochée le plus possible de la base du cou. La sangle de bassin 2 doit être portée à plat sur les cuisses et contre le bassin. La ceinture doit porter le plus directement possible sur le corps " Mademoiselle R... s'est installée au volant devant l'expert qui a constaté qu'elle respectait les règles d'utilisation de la ceinture. Il apparaît alors que la sangle baudrier passe à proximité immédiate de la cicatrice de la blessure causée par l'accident. La taille de la conductrice, 1,62m et sa morphologie ont permis de constater que sa tête lors du choc n'a pas pu heurter le sac de l'airbag déployé, ce qui aurait entraîné son dégonflement.
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Concernant le téléphone portable, les constatations de l'expert ne permettent pas de considérer que la conductrice était en communication avec le téléphone positionné sur le côté gauche entre l'épaule et le cou, compte tenu de la déformation du téléphone - incurvé dans le sens de la longueur - de l'absence d'élément tranchant sur le téléphone retrouvé, et en l'absence de toute esquille en provenance de cet appareil dans la plaie. La déformation du pare-brise n'est pas en lien avec une déformation de la caisse du véhicule, ni avec le déclenchement de l'airbag passager, elle résulte de la projection d'un objet sur le pare-brise. L'expert conclut que les causes de l'accident du 4 novembre 2013 résultent de la conjugaison des paramètres suivants : - le pied latéral gauche de la caisse ne comporte pas de réglage en hauteur du point de renvoi fixe de la ceinture de sécurité ; - le réglage de la hauteur de l'assise du siège ne permet pas à une conductrice de petite taille de pouvoir compenser l'impossibilité de régler la hauteur de renvoi de la sangle inadaptée, afin de permettre un positionnement adéquat lors d'un accident, quand le prétentionneur actionne la sangle pour supprimer le "jeu" et "plaquer" la conductrice sur son siège ; - la configuration et la position du siège de la conductrice, eu égard à l'ancrage non réglable du renvoi de la sangle, sont des facteurs suffisants, lors de la mise à feu du prétentionneur, pour que la sangle de la ceinture provoque, lorsque celle-ci se rétracte, une compression importante au niveau du cou et de la gorge, et génère les lésions, telles que subies par Mademoiselle R... selon les constatations des médecins. La SAS Renault fait valoir qu'elle produit des éléments nouveaux qui permettent de contester les conclusions de l'expert judiciaire et de justifier l'organisation d'une contre-expertise. *Sur les blessures : les éléments relevés par l'expert sont confirmés par les déclarations du témoin, de la victime et les constatations médicales corroborées par les photographies produites, l'entaille du cou est sur le côté gauche. Le choc sur le cou a été d'une violence suffisante pour entraîner un écrasement laryngé, et une dégradation de l'ensemble des organes situés à proximité du cou de sorte que la compression sur la gauche du cou n'est pas incompatible avec la formation d'un hématome de la loge thyroïdienne à droite associé au "fracas laryngé". Il ne peut être considéré que le siège des lésions à droite du cou est étranger à un écrasement du cou par la gauche. L'absence de sang sur la sangle s'explique par le fait que l'hémorragie s'est produite après la descente de voiture. * Sur les nouveaux éléments techniques relatifs à l'analyse des accidents : - la vitesse a été établie par les données enregistrées par le calculateur installé sur le véhicule, elle est compatible avec les dommages causés au véhicule. Cependant, compte tenu de la résistance des points en contact, béton du séparateur et longeron du véhicule, cette faible vitesse n'en a pas moins causé une forte décélération ; - les éléments nouveaux relatifs à des accidents du même type visent des chocs frontaux qui ne présentent pas la particularité du choc objet du présent litige entre deux points indéformables, et ne sont produits que pour l'analyse des déformations du pare-brise suite au déclenchement des airbags. * Sur l'hypothèse de lésions causées par la ceinture, il n'existe pas de contradiction dans les conclusions de l'expert, qui relève une forte décélération due au choc entre deux points non déformables, les mouvements du corps de la conductrice résultant d'une première part du déclenchement du prétentionneur plaquant le thorax sur le siège et prévenant sa projection vers la droite, puis d'une seconde part de la projection du corps vers l'avant, étant précisé que la ceinture doit être positionnée selon les préconisations du constructeur au plus près du cou et au contact du corps. * Sur l'hypothèse de lésions causées par le téléphone, l'hypothèse d'une blessure de la conductrice par son téléphone portable a bien été soumise à l'expert qui, bien que le téléphone ne lui soit pas présenté, a envisagé pour l'écarter l'hypothèse d'une projection du téléphone sur le cou de la victime. Le téléphone est réapparu après l'expertise, il apparaît que la conductrice a émis un SMS à 13h42mn9s soit moins de 3mn avant l'heure supposée de l'accident, estimée à 13h45. La conductrice a indiqué avoir adressé ce message d'un parking d'un centre commercial. La SAS Renault a fait mesurer les temps de parcours entre ledit parking et le point d'impact, temps compris entre 2 minutes 39 et 5 minutes 13 selon les trajets, par temps sec. Les écarts relevés ne sont pas assez significatifs pour considérer que l'envoi du SMS depuis le parking est erroné. Compte tenu de la vitesse établie lors du choc, il ne peut être considéré que l'aquaplaning à l'origine de la perte de contrôle résulte d'une distraction de la conductrice qui serait en train de téléphoner, alors qu'elle avait raccroché depuis plus de trois minutes.
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Le téléphone retrouvé présente un écran faïencé et une déformation, il serait incurvé, il n'est pas relevé qu'il présente une section coupante, et aucun élément et provenance de l'écran ou du corps de l'appareil n'a été retrouvé dans la plaie de la victime. En outre l'envoi d'un SMS ne nécessite pas de porter le téléphone à proximité de son visage et rien ne permet de considérer que la conductrice tenait en main ledit téléphone trois minutes après l'envoi dudit message. Enfin si la SAS Renault a fait établir devant la cour que le téléphone ne peut être à l'origine du choc particulier relevé sur le pare-brise et dont l'origine n'est pas déterminée, elle n'établit pas que le téléphone a été projeté sur la gauche du cou de la conductrice, le long de la ceinture. Au vu de ces éléments, il n'apparaît pas que les conclusions de l'expert judiciaire soient sérieusement contestées. Il n'y a donc pas lieu d'ordonner une contre-expertise, et il convient de retenir que la cause de l'accident résulte du fonctionnement de la ceinture de sécurité du véhicule Twingo. Le premier juge en a justement déduit qu'est nécessairement dépourvue de la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre une ceinture de sécurité qui, au lieu de protéger le conducteur lors d'un accident, lui cause, par l'effet du frottement, des lésions corporelles graves, même en cas de choc initial de faible intensité. Il n'est pas justifié que la cause d'exonération de l'article 1386-11 ancien ci-dessus rappelé était établit et que le défaut ayant causé le dommage n'existait pas au moment où ce type de ceinture de sécurité a été mis en circulation sur ce modèle de véhicule. Le jugement est confirmé en ce qu'il retient que la responsabilité de plein droit de la SAS Renault, qui ne conteste pas sa qualité de producteur ou de fournisseur et ne rapporte pas la preuve d'une cause exonératoire ou limitative de responsabilité, est donc engagée, de sorte que la SAS Renault est tenue d'indemniser totalement le préjudice subi par Mademoiselle R... lors de l'accident du 4 novembre 2013. Sur la liquidation du préjudice, il n'apparaît pas de bonne justice d'évoquer sur ce point et de priver les parties du double degré de juridiction. La cour constate que Mademoiselle R... ne réclame pas la confirmation du jugement sur la provision, à titre subsidiaire au cas où la cour n'évoquerait pas sur la liquidation de son préjudice. Le jugement est confirmé sur la demande de la caisse, justifiée et dont le montant n'est pas sérieusement contesté » ; Et aux motifs éventuellement adoptés qu'« aux termes de l'article 1386-1 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 applicable à la présente procédure, "le producteur est responsable du dommage causé par un défaut de son produit, qu'il soit ou non lié par un contrat avec la victime". L'article 1386-4 dispose qu'"un produit est défectueux au sens du présent titre lorsqu'il n'offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre. Dans l'appréciation de la sécurité à laquelle on peut légitiment s'attendre, il doit être tenu compte de toutes les circonstances et notamment de la présentation du produit, de l'usage qui peut en être raisonnablement attendu et du moment de sa mise en circulation. Un produit ne peut être considéré comme défectueux par le seul fait qu'un autre, plus perfectionné, a été mis postérieurement en circulation". L'article 1386-9 énonce quant à lui que "le demandeur doit prouver le dommage, le défaut et le lien de causalité entre le défaut et le dommage". L'article 1386-11 précise qu'il s'agit d'une responsabilité de plein droit mais prévoit des causes d'exonération, tandis que l'article 1386-13 prévoit des causes de limitation de responsabilité. En l'espèce, Mme R... soutient que la SAS, Renault est responsable de plein droit de son préjudice lié au caractère défectueux de la sangle de sécurité qui l'a égorgée lors de l'accident. La SAS Renault ne conteste pas l'applicabilité des dispositions des articles 1386-1 et suivants du Code civil au cas d'espèce, mais fait valoir que Mme R... ne rapporte pas la preuve d'un défaut de fabrication de la sangle de ceinture de sécurité ni celle d'un lien de causalité entre le prétendu défaut de la ceinture de sécurité et sa blessure. Il ressort du rapport d'expertise judiciaire que : -le choc a été d'une intensité légère, de prépondérance avant droit, en partie inférieure ; - le pare-brise présente un impact interne AVD avec des fissurations circulaires, déformation qui n'a pu se produire que de l'intérieur vers l'extérieur, du fait de la projection d'un "objet" ; il ne peut s'agir du déploiement du sac airbag ; - il n'apparaît aucun défaut de position de conduite dans l'utilisation de la ceinture de sécurité; il n'existe pas de réglage en hauteur sur le pied de caisse, seulement un renvoi par point fixe ;
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la sangle baudrier est très proche de la blessure sur la base du cou de la requérante, la sangle de bassin est bien portée à plat sur les cuisses et contre le bassin, selon les préconisations du constructeur ; sur ce véhicule, il n'existe pas au niveau du montant latéral gauche du renvoi de la ceinture, de réglage pour adapter sa hauteur, en fonction de la position assise siège, "taille" de la conductrice ; un retrait de 15 mm du prétensionneur de la ceinture de sécurité AVG a été constaté ; - compte tenu des constatations effectuées, la conductrice avait bien la ceinture de sécurité active au moment des faits, étant ici précisé que certaines constatations sur la ceinture ont été réalisées au moment où Mme R... était positionnée sur son siège, afin de situer les zones d'effort sur les composants, au moment de la rétractation de la sangle et de l'impact. L'expert estime, au vu des éléments qui lui ont été soumis, que Mme R... circulait à une vitesse réduite de 20 à 30 km/h, que la ceinture de sécurité, sous l'effet du prétensionneur pyrotechnique, s'est rétractée, plaquant la conductrice contre son siège, avant que le corps de cette dernière ne se mette en mouvement dans le sens opposé du choc. Il estime que la contrainte "d'opposition" s'est retrouvée captée par la ceinture de sécurité. notamment au niveau de la sangle baudrier près du cou, ainsi que latéralement à gauche et à droite du bassin de Mme R.... Il précise, s'agissant de l'hypothèse évoquée par la SAS Renault lors des investigations selon laquelle Mme R... était en communication avec le téléphone positionné sur le côté gauche entre l'épaule et le cou, qu'elle n'est étayée par aucun élément technique, ni par l'endroit de la lésion, tout comme l'hypothèse d'une projection du téléphone sur la base du cou de Mme R..., eu égard à la déformation importante que présente le corps du téléphone, les champs latéraux n'étant nullement tranchants et ne pouvant induire les lésions corporelles telles que constatées par les médecins. Il ajoute que le téléphone a été brisé au niveau de son écran et qu'aucun éclat de verre n'a été constaté dans la plaie ou dans l'épiderme du cou de la victime. Pour lui, le lien de causalité peut être établi entre le déclenchement du prétensionneur, lors de l'action de rétractation de la ceinture de sécurité, et la lésion corporelle au niveau du cou que Mme R... a subie. C'est à tort que la SAS Renault soutient que la blessure de Mme R... ne peut pas être due à la sangle de la ceinture de sécurité, dans la mesure où l'expert judiciaire a constaté que la ceinture se trouvait au niveau de la lésion, que les photographies n° 19 à 21 jointes à son rapport confirment que la ceinture est positionnée à la base du cou de Mme R..., et que l'enquête de police mentionne que selon le médecin légiste réquisitionné, il n'est pas impossible que la blessure occasionnée au larynx ait été occasionnée par la ceinture de sécurité. Les Drs G... et O... ont certes vu la victime postérieurement aux faits mais n'ont pas émis de doutes sur la compatibilité entre les lésions constatées au niveau du cou de Mme R... et les faits tels que relatés par cette dernière, le Dr O... estimant au contraire que "l'étude du mécanisme accidentel montre qu'à l'évidence il s'agit d'un traumatisme induit par la ceinture de sécurité". L'hypothèse d'une blessure occasionnée par le téléphone n'est accréditée par aucun élément, sachant que rien n'indique que Mlle R... utilisait son téléphone au moment de l'accident, le dernier SMS ayant été envoyé trois minutes avant l'accident, alors qu'elle se trouvait sur le parking du Carrefour Purpan situé à proximité des lieux de l'accident et qu'une projection du téléphone contre son cou aurait certes entrainé des lésions mais certainement pas tranché nettement sa gorge comme cela apparaît sur le procès-verbal de transport de la police et les photographies versées aux débats. L'expert judiciaire, qui est accidentologue, a mis la victime en situation afin de vérifier la compatibilité de sa version avec les lésions qu'elle a présentées, a étudié de façon détaillée la cinématique et la dynamique de l'accident et a répondu aux diverses hypothèses et objections émises par la SAS Renault. La SAS Renault produit une note technique établie le 1er mars 2016 par M. T... A..., accidentologue, qui estime que Mme R... roulait plutôt à une vitesse de 60 km/h, que suite au choc son corps ne pouvait qu'être projeté vers l'avant, s'écartant donc de la ceinture de sécurité, et que la sangle n'a pu occasionner les blessures subies.
Cour d'appel de Toulouse 30, Cour de cassation Deuxième chambre civile, décision 19-18.802 du 25/06/2020, partie 5
Ces éléments avaient déjà été soumis à l'expert judiciaire qui les avait écartés en effectuant des développements précis sur la cinématique de l'accident, et aucun des médecins consultés n'a remis en cause le fait que les lésions présentées aient pu être causées par la ceinture de sécurité. M. A... estime que le téléphone portable n'a pas pu causer l'impact sur le pare-brise, mais n'explique pas ce qui aurait pu causer un tel impact alors que M. I... a relevé qu'il n'y avait aucun autre objet dans la voiture susceptible d'en être la cause et a écarté l'hypothèse d'un impact dû à l'airbag. L'analyse de M. I... va par ailleurs dans le même sens que celle précédemment faite par M. B... à la demande de Mme R..., qui avait constaté que la sangle baudrier était très proche de la base du cou et qu'il n'y avait pas de réglage en hauteur possible. Cet expert avait estimé qu'un lien de causalité pouvait être établi entre le déclenchement du prétensionneur (l'action de rétractation de la ceinture de sécurité) et la lésion corporelle de la conductrice au niveau inférieur de son cou, et écarté l'hypothèse soulevée par la SAS Renault d'une blessure occasionnée par le téléphone portable. Dans ces conditions, faute d'éléments suffisants pour contredire sérieusement l'appréciation de l'expert judiciaire, il y a lieu de rejeter la demande de contre-expertise formée par la SAS Renault. Est nécessairement dépourvue de la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre une ceinture de sécurité qui, au lieu de protéger le conducteur lors d'un accident, lui cause par l'effet du frottement des lésions corporelles graves, alors que le choc initial était de faible intensité et n'aurait jamais causé de telles blessures. La responsabilité de plein droit de la SAS Renault, qui ne conteste pas sa qualité de producteur ou de fournisseur et ne rapporte pas la preuve d'une cause exonératoire ou limitative de responsabilité, est donc engagée. La SAS Renault sera donc tenue d'indemniser totalement le préjudice subi par Mme R... lors de l'accident du 4 novembre 2013 » ; Alors, d'une part, que le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; qu'en l'espèce, dans ses conclusions d'appel (p. 14 à 17), la SAS Renault faisait valoir que l'expert judiciaire aurait dû identifier précisément les lésions subies par Mme R... à la suite de l'accident de la circulation survenue le 4 novembre 2013 afin de pouvoir seulement ensuite en déterminer la cause, qu'il n'avait pas disposé du pré-rapport du docteur Y... et des pièces médicales qui ont été établies seulement plus tard, que ces éléments font uniquement état de blessures internes symptomatiques d'un écrasement provoqué par un coup violent au niveau du larynx, que, par conséquent, l'expert judiciaire a commis une erreur en considérant que la lésion située au bas du cou était positionnée exactement sur le bord de la ceinture de sécurité ainsi que le révèlent ses propres photographies et qu'il a confondu la blessure de Mme R... avec la cicatrice chirurgicale le long du cou ; qu'en ne répondant pas à ce moyen péremptoire de la SAS Renault, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; Alors, d'autre part, que le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; qu'en l'espèce, dans ses conclusions d'appel (p. 22-23), la SAS Renault faisait valoir que l'expert judiciaire n'expliquait pas comment la ceinture avait pu se déplacer et causer des dommages au niveau du larynx, partie supérieure du cou, par le simplet effet de l'action du prétensionneur, que l'accident s'était produit avec un angle de choc frontal de 35° ou 45° et que, dans ces conditions, la projection de tout occupant ou objet à l'intérieur de véhicule n'avait pu se produire que vers l'avant droit et que, par conséquent, au moment de l'impact précédant l'action du prétensionneur le cou de Mme R... n'avait pu que s'écarter de la sangle de la ceinture ; qu'en ne répondant pas à ce moyen péremptoire de la SAS Renault, la cour d'appel a, de nouveau, violé l'article 455 du code de procédure civile ; Alors, enfin, que le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; qu'en l'espèce, dans ses conclusions d'appel (p. 34-35), la SAS Renault rappelait que le code la route impose au conducteur de respecter les vitesses autorisées et d'adapter celle-ci en fonction des conditions circulations, qu'il ressort du témoignage de la personne qui circulait derrière le véhicule de Mme R... que cette dernière roulait à la même vitesse qu'elle, soit environ 60 km/h, avant la perte de contrôle, qu'il ressort du procès-verbal de police que la vitesse est limitée à 50 km/h dans la zone de l'accident, et que les services de police ont constaté à l'encontre de Mme R... l'infraction de « conduite d'un véhicule à une vitesse excessive eu égard aux circonstances (chaussée humide) » ;
Cour d'appel de Toulouse 30, Cour de cassation Deuxième chambre civile, décision 19-18.802 du 25/06/2020, partie 6
qu'en ne répondant pas à ce moyen péremptoire de la SAS L..., la cour d'appel a, une énième fois, violé l'article 455 du code de procédure civile.
Cour d'appel de Toulouse 30, Cour de cassation Deuxième chambre civile, décision 19-18.802 du 25/06/2020, partie 7
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 2 DÉCEMBRE 2020 Le syndicat CGT agro-production Limagrain, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° P 19-60.141 contre le jugement rendu le 14 février 2019 par le tribunal d'instance de Riom (contentieux des élections professionnelles), dans le litige l'opposant : 1°/ à la société Limagrain, société civile agricole, 2°/ à la société Selia, société anonyme, ayant toutes deux leur siège [...] , 3°/ à la société Tardif Tivagrain, société anonyme, dont le siège est [...] , 4°/ au syndicat CFDT, dont le siège est [...] , 5°/ au syndicat FO, dont le siège est [...] , défendeurs à la cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Les parties ou leurs mandataires ont produit des mémoires. Sur le rapport de Mme Lanoue, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat des sociétés Limagrain, Selia et Tardif Tivagrain, après débats en l'audience publique du 14 octobre 2020 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Lanoue, conseiller référendaire rapporteur, Mme Ott, conseiller, et Mme Piquot, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Attendu, selon le jugement attaqué, que, le 7 janvier 2019, des négociations ont été engagées au sein de l'unité économique et sociale Limagrain (l'UES) pour l'organisation de l'élection des représentants du personnel au sein du comité social et économique ; que, contestant la liste des salariés communiquée par l'employeur, le syndicat CGT agro-production Limagrain a refusé de signer le protocole préélectoral et a saisi le tribunal d'instance afin que soit fixé l'effectif de l'entreprise ; Sur les premier et quatrième moyens réunis : Vu l'article L. 1111-2 du code du travail, ensemble l'article L. 2314-23, second alinéa, du même code ; Attendu que pour rejeter la demande de communication des pièces permettant le décompte des effectifs et fixer l'effectif au nombre de salariés calculé par l'employeur, le jugement retient, s'agissant de la société GSF, que l'employeur a transmis la réponse de la société extérieure concernant les trois salariés mis à disposition ainsi que leur option, que c'est donc de manière justifiée qu'ils n'ont pas été pris en compte dans les effectifs ; Qu'en statuant ainsi, alors qu'aux termes du premier des textes susvisés, les salariés mis à la disposition de l'entreprise par une entreprise extérieure qui sont présents dans les locaux de l'entreprise utilisatrice et y travaillent depuis au moins un an sont pris en compte dans l'effectif de l'entreprise à due proportion de leur temps de présence au cours des douze mois précédents, peu important le choix exercé quant au droit de vote, le tribunal a violé les textes susvisés ; Et attendu qu'en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation sur les premier et quatrième moyens emporte la cassation par voie de conséquence sur le troisième moyen du chef de dommages-intérêts ; PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres moyens, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 14 février 2019, entre les parties, par le tribunal d'instance de Riom ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ce jugement et les renvoie devant le tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande des sociétés Limagrain, Selia et Tardif Tivagrain et les condamne, chacune, à payer la somme de 1 000 euros au syndicat CGT agro-production Limagrain ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du deux décembre deux mille vingt.
Tribunal d'instance de Riom, Cour de cassation Chambre sociale, décision 19-60.141 du 02/12/2020, partie 1
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 24 JUIN 2020 MM. U... B..., K... B... ont formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, 5ème chambre, en date du 3 juillet 2019, qui, pour recel, les a condamnés, le premier à trois ans d'emprisonnement et 3 000 euros d'amende, le second à deux ans d'emprisonnement dont un an avec sursis et 3 000 euros d'amende et a prononcé à leur encontre une interdiction définitive de gérer une entreprise commerciale. Les pourvois sont joints en raison de la connexité. Un mémoire personnel a été produit. Sur le rapport de Mme Fouquet, conseiller référendaire, et les conclusions de M. Salomon, avocat général, après débats en l'audience publique du 13 mai 2020 où étaient présents M. Soulard, président, Mme Fouquet, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision. Vu l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : Après avoir examiné tant la recevabilité du recours que les pièces de procédure, la Cour de cassation constate qu'il n'existe, en l'espèce, aucun moyen de nature à permettre l'admission des pourvois. EN CONSÉQUENCE, la Cour : DÉCLARE les pourvois NON ADMIS ; Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre juin deux mille vingt.
décision 19-85.500 du 24/06/2020, partie 1
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 17 JUIN 2020 M. I... O... et Mme F... T... épouse O... ont formé une requête tendant au renvoi, pour cause de suspicion légitime devant une autre juridiction du même ordre, de la connaissance de la procédure suivie contre eux devant le tribunal correctionnel de Grenoble des chefs de harcèlement moral et menaces ou actes d'intimidation. Sur le rapport de Mme Issenjou, conseiller, et les conclusions de Mme Bellone, avocat général référendaire, après débats en chambre du conseil du 17 juin 2020 où étaient présents M. Soulard, président, Mme Issenjou, conseiller rapporteur, M. Moreau, Mme Drai, M. de Larosière de Champfeu, Mme Slove, MM. Guéry, Turbeaux, conseillers de la chambre, Mmes Carbonaro, Barbé, M. Mallard, conseillers référendaires, Mme Bellone, avocat général référendaire, et Mme Lavaud, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Sur la recevabilité : Attendu que la requête est régulière en la forme ; qu'elle a été signifiée ; qu'elle est donc recevable. Au fond : Vu les moyens invoqués par les demandeurs à l'appui de sa requête. Attendu qu'il n'existe pas, en l'espèce, de motif de renvoi pour cause de suspicion légitime. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE la requête ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le dix-sept juin deux mille vingt.
décision 20-82.799 du 17/06/2020, partie 1
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 11 JUIN 2020 M. O... M..., domicilié [...] , a formé le recours n° W 19-60.263 en annulation d'une décision rendue le 14 novembre 2019 par l'assemblée générale des magistrats du siège de la cour d'appel de Paris. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Dumas, conseiller référendaire, et l'avis de M. Girard, avocat général, après débats en l'audience publique du 12 mars 2020 où étaient présents Mme Martinel, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Dumas, conseiller référendaire rapporteur, Mme Maunand, conseiller, M. Girard, avocat général, et Mme Cos, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. M. M... a sollicité son inscription initiale sur la liste des experts judiciaires de la cour d'appel de Paris dans la rubrique estimations immobilières. 2. Par décision du 14 novembre 2019, contre laquelle M. M... a formé un recours, l'assemblée générale des magistrats du siège de cette cour d'appel a rejeté sa demande aux motifs que les conditions de moralité requises n'étaient pas réunies en raison de faits commis contraires à l'honneur, à la probité et aux bonnes moeurs consistant en des violences conjugales et violences sur mineur commises en 2019 pour lesquelles il avait reçu un rappel à la loi, dont il n'avait pas fait état, et signé une déclaration sur l'honneur, dissimulant ce récent passé à l'autorité judiciaire qu'il prétend vouloir servir. Elle a ajouté que son expérience professionnelle comme ses travaux scientifiques ou techniques étaient insuffisants au regard des qualifications requises pour être inscrit dans la discipline demandée sur la liste des experts près la cour d'appel, sa société n'ayant été créée que cette année, et qu'enfin, les besoins des juridictions du ressort dans la rubrique visée étaient suffisamment satisfaits. Examen du grief Exposé du grief 3. M. M... fait valoir qu'il ne peut lui être reproché une tentative de dissimulation d'un fait qui s'est produit postérieurement à sa demande d'inscription, et qu'il n'a fait l'objet que d'un rappel à la loi, ce qui ne constitue nullement une décision de culpabilité, étant précisé que les faits se seraient produits dans le cadre d'une séparation conflictuelle. Pour ce qui concerne l'absence de qualifications suffisantes, il indique qu'il a créé une société dédiée récemment, mais qu'il a acquis des compétences en la matière depuis 20 ans. Réponse de la Cour 4. C'est par des motifs exempts d'erreur manifeste d'appréciation que l'assemblée générale a décidé de ne pas inscrire M. M... sur la liste des experts judiciaires de la cour d'appel. 5. Le grief ne peut donc pas être accueilli. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le recours ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze juin deux mille vingt.
décision 19-60.263 du 11/06/2020, partie 1
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 3 JUIN 2020 L'association La Maison de Beau Louis, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° P 19-11.841 contre l'arrêt rendu le 14 novembre 2018 par la cour d'appel de Nancy (chambre sociale, section 1), dans le litige l'opposant à Mme B... S..., domiciliée [...] , défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Gilibert, conseiller, les observations de la SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot, avocat de l'association La Maison de Beau Louis, de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de Mme S..., après débats en l'audience publique du 3 mars 2020 où étaient présentes Mme Farthouat-Danon, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Gilibert, conseiller rapporteur, Mme Van Ruymbeke, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Nancy, 14 novembre 2018), Mme S..., engagée à compter du 1er février 2010 par l'association La Maison de Beau Louis (l'association), a été placée en arrêt de travail à compter du 30 mars 2016. 2. Elle a saisi la juridiction prud'homale le 6 mai 2016 d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail et en paiement d'indemnités liées à ce contrat, puis a été licenciée le 19 septembre 2016. Examen du moyen Sur le moyen, pris en ses première, deuxième, troisième, quatrième cinquième et sixième branches, ci-après annexé 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le moyen, pris en sa septième branche, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail, de condamner l'association à payer à la salariée diverses sommes au titre de la rupture de ce contrat, au titre des heures supplémentaires et complémentaires outre les congés payés afférents, au titre d'indemnité de repos compensateur pour dépassement du contingent Enoncé du moyen 4. L'association fait grief à l'arrêt de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail à ses torts et de la condamner, en conséquence, à verser à Mme S... diverses sommes au titre de la rupture de ce contrat, au titre des heures supplémentaires et complémentaires, au titre d'indemnité de repos compensateur pour dépassement du contingent alors « que la contradiction entre les motifs et le dispositif équivaut à un défaut de motifs ; que la cour d'appel qui, après avoir, dans ses motifs, débouté la salariée de sa demande en paiement d'une somme de 4 142,52 euros pour le non respect du repos compensateur sur sujétions pour travail de nuit, a néanmoins, dans son dispositif, condamné l'association la Maison de Beau Louis à lui verser la somme de 4 142,52 euros à titre d'indemnité de repos compensateur sur sujétions du travail de nuit, a entaché sa décision d'une contradiction entre les motifs et le dispositif et a ainsi violé l'article 455 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 5. La contradiction entre les motifs et le dispositif dénoncée par le moyen n'a pas d'incidence sur les chefs de dispositif de l'arrêt prononçant la résiliation judiciaire du contrat de travail et condamnant l'association au paiement d'indemnités de rupture et de sommes au titre des heures supplémentaires, des congés payés afférents, et d'indemnités de repos compensateur pour dépassement du contingent. 6. Le moyen est donc inopérant en ce qu'il vise ces chefs de dispositif. Mais sur le moyen, pris en sa septième branche, en ce qu'il vise la condamnation au paiement d'indemnités de repos compensateur sur sujétions du travail de nuit Enoncé du moyen 7. L'association fait grief à l'arrêt de la condamner à verser à Mme S... une somme au titre d'indemnité de repos compensateur sur sujétions du travail de nuit alors « que la contradiction entre les motifs et le dispositif équivaut à un défaut de motifs ;
Cour d'appel de Nancy, Cour de cassation Chambre sociale, décision 19-11.841 du 03/06/2020, partie 1
que la cour d'appel qui, après avoir, dans ses motifs, débouté la salariée de sa demande en paiement d'une somme de 4 142,52 euros pour le non respect du repos compensateur sur sujétions pour travail de nuit, a néanmoins, dans son dispositif, condamné l'association La Maison de Beau Louis à lui verser la somme de 4 142,52 euros à titre d'indemnité de repos compensateur sur sujétions du travail de nuit, a entaché sa décision d'une contradiction entre les motifs et le dispositif et a ainsi violé l'article 455 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Vu l'article 455 du code de procédure civile : 8. Aux termes de ce texte, le jugement doit être motivé. Il énonce la décision sous forme de dispositif. 9. Après avoir retenu dans ses motifs que la salariée, qui ne justifie pas de la somme réclamée serait déboutée à ce titre, la cour d'appel, dans son dispositif, a condamné l'employeur à verser à Mme S... la somme de 4 142,52 euros à titre d'indemnité de repos compensateur sur sujétions de travail de nuit. 10. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui a entaché sa décision d'une contradiction entre les motifs et le dispositif, n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne l'association La Maison de Beau Louis à verser à Mme S... la somme de 4 142,52 euros à titre d'indemnité de repos compensateur sur sujétions travail de nuit, l'arrêt rendu le 14 novembre 2018 , entre les parties, par la cour d'appel de Nancy ; Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Metz ; Condamne l'association La Maison de Beau Louis aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trois juin deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot, avocat aux Conseils, pour l'association La Maison de Beau Louis L'association La Maison de Beau Louis fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail à ses torts et de l'avoir condamnée, en conséquence, à verser à Mme S... la somme de 2.058,11 euros au titre de l'indemnité de licenciement, celle de 2.744,16 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents, celle de 13.720 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail, celle de 31.027,05 euros au titre des heures supplémentaires et complémentaires, outre les congés payés afférents, celle de 10.739,38 euros à titre d'indemnité de repos compensateur pour dépassement du contingent et celle de 4.142,52 euros à titre d'indemnité de repos compensateur sur sujétions du travail de nuit ; AUX MOTIFS QUE sur le non-respect de la visite médicale obligatoire, Mme S... reproche à son employeur de ne pas avoir respecté ses obligations en termes de visites médicales, telles qu'elles sont prévues à l'article 4 de l'accord du 7 avril 2002 ; que l'employeur ne conteste pas que Mme S... n'ait pas bénéficié des deux visites médiales annuelles prévues par l'accord collectif mais oppose à la salariée l'absence de toute demande de sa part tendant à bénéficier de ce suivi ; qu'il appartient à l'employeur d'organiser le suivi médical de ses salariés, qu'il s'agisse des obligations légales ou conventionnelles auxquelles il est soumis ; qu'en s'abstenant d'organiser le suivi médical de Mme S..., pourtant affectée à du travail de nuit, l'employeur a manqué à ses obligations conventionnelles ; que ce grief est établi ; que sur le non-respect de l'obligation de sécurité, suivant l'article L. 4121-1 du code du travail, l'employeur doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la sécurité physique et mentale de ses salariés ; qu'en l'espèce, Mme S... reproche à son employeur de l'avoir laissée travailler dans des conditions de travail difficiles et violentes compte tenu du comportement des jeunes accueillis par l'association, malgré ses alertes ; que pour justifier de ses conditions de travail, elle verse la convocation qu'elle a reçue de se présenter devant le juge des enfants le 15 novembre 2012, suite à la plainte qu'elle a déposée contre un des mineurs accueillis au lieu de vie et l'attestation de M. X... P..., le maire de la commune de [...], qui a déclaré, le 6 avril 2016, que les jeunes du lieu de vie de la maison du Beau Louis avaient dérobé une mobylette le 14 mars 2016 ;
Cour d'appel de Nancy, Cour de cassation Chambre sociale, décision 19-11.841 du 03/06/2020, partie 2
qu'il précise avoir rencontré Mme S... qui lui a expliqué « avoir essayé de joindre à plusieurs reprises par téléphone Monsieur D..., directeur du lieu de vie, mais sans succès » ; qu'il conclut en constatant « un défaut d'encadrement évident qui nuit à la tranquillité du village » ; qu'elle soutient avoir alerté son employeur à plusieurs reprises et produit les courriers qu'elle lui a adressés : - un courrier du 7 décembre 2015 aux termes duquel elle « sollicite un entretien » dans ses heures de travail, « suite à divers événements au sein de l'association » ; - un mail du 2 avril 2016 aux termes duquel elle écrit : « à cause de votre manque de réactivité sur les problèmes que je rencontre avec les jeunes du lieu de vie depuis plusieurs mois, je suis en arrêt de travail et en dépression ! Cela fait des mois maintenant que je vous dis que les jeunes deviennent incontrôlables, cela fait des mois que je vous appelle quand il y a des soucis pour que vous puissiez calmer les choses mais généralement personne ne se déplace » ; - un courrier du 11 avril 2016 ainsi rédigé : « cela fait plusieurs mois que je suis confrontée à des problèmes de plus en plus importants et grave avec les jeunes. Malgré mes différentes demandes auprès de M. D... ainsi que de Mme D... pour trouver des solutions durables rien n'a été fait. Je suis insultée tous les soirs, des agressions physiques ont déjà eu lieu et malgré mes différentes alertes rien n'a été engagé pour changer ces agissements » ; qu'elle rappelle avoir fait face à un refus de prise de congés payés et soutient que ce refus a abouti à son burn-out, pour lequel elle a été placée en arrêt de travail du 30 mars 2016 au 8 avril 2016, puis du 8 avril 2016 au 9 mai 2016 pour syndrome anxio-dépressif sévère ; qu'en défense, l'employeur relève que le dépôt de plainte date de 2012, sans qu'il est contraint la salariée à cesser son activité et soutient que M. et Mme D... géraient avec sérieux l'association ; qu'il verse l'attestation du Dr U... du 8 oût 2016, qui félicite le couple pour l'élaboration de cette structure qui peut « sans nul doute répondre à des situations d'enfants et d'adolescents en difficultés » ; que le cadre du projet lui « paraît rigoureux et clair », de sorte qu'il soutient cette initiative ; qu'il verse par ailleurs les comptes-rendus de réunions des 12 juin 2015 et 17 février 2016 et relève l'absence de toutes remarques de la part de Mme S... au cours de ces réunions alors qu'au contraire, les adolescents critiquent le comportement de cette dernière, lui reprochant de rester sur son ordinateur ; qu'il apparaît en effet que T... a fait état de « soucis avec B... à savoir sa présence sur Facebook » et H... ajoute également que « B... est toujours sur Facebook, elle a le droit et pas nous » ; qu'enfin, il vise l'avis d'inaptitude du 1er août 2016 aux termes duquel le médecin du travail n'a pas fait mention de la situation de « bur-nout » de la salariée ; qu'il convient toutefois de relever que le médecin du travail a déclaré Mme S... inapte définitivement au poste de travail et tous les postes dans l'entreprise suivant la procédure en une seule visite pour danger immédiat, précisant qu'elle pourrait « occuper des activités similaires, sans contrainte psychologique forte, en horaires de journée », de sorte que le médecin a établi un lien entre le travail de Mme S... et des pressions psychologiques ; qu'il ressort de tout ce qui précède que la salariée a dénoncé ses conditions de travail dès le 7 décembre 2015, que les jeunes accueillis ont confirmé des difficultés relationnelles en février 2016 et que l'employeur n'a proposé à la salariée de la recevoir pour échanger sur ses conditions de travail que le 14 avril 2016 alors que la salariée était déjà en arrêt de travail pour burn-out, sans qu'il soit justifié qu'elle ait pu reprendre son travail avant d'être déclarée inapte par avis du 1er août 2016 ; que dans ces conditions, l'employeur ne justifie pas avoir accompagné Mme S... dans la gestion des difficultés qu'elle rencontrait avec les jeunes du lieu de vie où elle travaillait alors qu'elle était présente dans l'entreprise depuis près de 5 ans sans jamais avoir fait l'objet d'une sanction et qu'elle avait dénoncé ses conditions de travail qui se dégradaient ; que l'employeur a donc manqué à son obligation de sécurité ; que le grief est établi ; [...] que sur la discrimination, suivant l'article L. 1132-1 du code du travail, aucune personne ne peut faire l'objet d'une mesure discriminatoire, notamment en matière de rémunération en raison de son sexe ; que l'article L. 1134-1 du même code précise que lorsque survient un litige en méconnaissance des dispositions du chapitre II, le salarié présente des éléments de faits laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte ; que Mme S... soutient avoir été victime d'une discrimination salariale fondée sur son sexe et produit le contrat de travail de M. V... ;
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qu'elle explique que ce dernier, également embauché en qualité d'animateur, est rémunéré au taux horaire de 12,73 euros alors qu'elle ne perçoit qu'un salaire au taux horaire de 12,177 euros suivant ses bulletins de salaire ; que ces éléments laissent supposer l'existence d'une discrimination ; que l'association La maison de Beau Louis rappelle quant à elle que Mme S... exerçait en réalité les fonctions de surveillante de nuit, des fonctions clairement différentes de celles occupées par M. V... qui travaille de jour et de nuit aux côtés des adolescents ; qu'elle ne verse toutefois aucun élément pour justifier de la différence de fonctions entre les deux salariés alors que leurs contrats de travail font tous deux mentions d'une embauche en qualité d'animateur sans qu'un coefficient les distingue, ni leur ancienneté ; que Mme S... a donc été victime d'une discrimination fondée sur son sexe. Le grief est établi ; [...] qu'en conclusions, il ressort de l'ensemble des éléments ci-dessus analysés que Mme S... s'est vu imposer un régime d'équivalence qui ne lui était pas applicable, a demandé à l'employeur de régulariser le décompte de son temps de travail en avril 2016 et avait alerté son employeur sur la dégradation de ses conditions de travail à compter de décembre 2015 avant d'être placée en arrêt de travail pour burn-out et dépression ; que bien que l'application du régime d'équivalence soit ancien, comme le relève l'employeur, il convient de relever la concomitance des plaintes de la salariée relatives à ce régime, ainsi que l'alerte sur ses conditions de travail à sa saisine du conseil de prud'homme pour demander la résiliation judiciaire aux torts de l'employeur ; qu'en outre, bien qu'il apparaisse que l'employeur ait proposé de rencontrer la salariée pour discuter de ces problèmes par courrier des 25 mars 2016, 14 et 17 avril 2016, cette tentative de discussion apparaît trop tardive pour exonérer l'employeur de sa responsabilité, dans la mesure où la salariée était déjà placée en arrêt de travail, de sorte que le contrat ne pouvait plus s'exécuter en raison des manquements de l'employeur ; qu'il convient donc de dire que l'employeur a commis des manquements suffisamment graves pour justifier la rupture du contrat à ses torts ; que la rupture doit, dès lors, produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ; que le jugement sera infirmé en ce qu'il avait débouté Mme S... de sa demande en résiliation judiciaire du contrat ; qu'au regard de son ancienneté, Mme S... peut prétendre au paiement d'une indemnité compensatrice de préavis d'un montant de 3.102,70 euros, outre 310,27 euros au titre des congés payés afférents ; que comme l'ont justement accordé les premiers juges, Mme S... a également droit à une indemnité de licenciement d'un montant de 2.058,11 euros ; que l'association La maison de Beau Louis, comptant moins de 11 salariés, Mme S... peut prétendre à la réparation du préjudice subi du fait du licenciement sans cause réelle et sérieuse ; qu'elle ne justifie pas de sa situation professionnelle postérieure au licenciement, rappelant seulement son âge et la conjoncture actuelle ; qu'eu égard à l'âge de Mme S... au jour de la rupture (50 ans), de son ancienneté (5 ans), et des conditions de la rupture, il convient de fixer son préjudice à la somme de 13.720 euros [...] ; que sur le rappel d'heures complémentaires, la cour ayant rappelé qu'il n'était pas possible d'appliquer un horaire d'équivalence aux salariés à temps partiel, il s'en déduit qu'il y a lieu de rémunérer comme temps de travail effectif les heures de nuit, pendant lesquelles, Mme S..., en sa qualité d'éducatrice, assurait la surveillance des enfants mineurs, dans la mesure où elle devait être à la disposition permanente des enfants confiés à l'association pour répondre à leur éventuelle sollicitation ; que Mme S... sollicite ainsi le paiement d'un rappel de salaire à hauteur de 31.027,05 euros, montant que l'association ne remet pas en cause ; qu'il convient donc de condamner l'association la maison de Beau Louis à verser à Mme S... la somme de 31.027,05 euros au titre des heures complémentaires accomplies entre le mois d'avril 2013 et le mois d'avril 2016 et celle de 3.102,70 euros au titre des congés payés y afférents ; que la cour ayant confirmé la réalité des heures complémentaires qui induit le dépassement du contingent annuel, et le calcul produit par la salariée n'étant pas contesté par l'employeur, il convient de faire droit à la demande de Mme S... au titre du repos compensateur et de lui accorder la somme de 10.739,38 euros net ; [...] que sur l'indemnité de sujétion pour travail de nuit, Mme S... sollicite la somme de 4.142,52 euros pour le non-respect du repos compensateur sur sujétions du travail de nuit en produisant un calcul sur la base de 4,20 minutes par heure de nuit au taux de 115,07 euros sans expliquer la référence à ces chiffres et sans expliquer en quoi ils correspondent aux dispositions de l'article 5 de l'accord du 17 avril 2002 sur le travail de nuit ; qu'à défaut pour la cour de pouvoir apprécier le calcul ainsi produit, il convient de débouter Mme S... de ce chef de demande ;
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1°) ALORS QUE un manquement ancien, qui n'a pas été dénoncé par le salarié pendant plusieurs années, n'est pas d'une gravité suffisante pour faire obstacle à la poursuite du contrat de travail et justifier la résiliation judiciaire de celui-ci ; que la cour d'appel qui, bien qu'elle ait constaté que l'application du régime de l'équivalence était ancien, la salariée ayant été embauchée en février 2010 et ayant demandé à l'employeur de régulariser le décompte de son temps de travail en avril 2016, a néanmoins, pour prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur, énoncé que cette dernière s'était vu imposer un régime d'équivalence qui ne lui était pas applicable et que ses plaintes relatives à ce régime étaient concomitantes à sa saisine du conseil de prud'hommes, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations dont il résultait que le manquement imputé à l'employeur, qui était ancien et n'avait pas été dénoncé par la salariée pendant plusieurs années, n'était pas d'une gravité suffisante pour faire obstacle à la poursuite du contrat de travail et justifier la résiliation judiciaire de celui-ci, violant ainsi les articles 1134 et 1184 du code civil, dans leur version antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, applicable en la cause, ensemble l'article L. 1231-1 du code du travail ; 2°) ALORS QUE le seul défaut d'organisation de visites médicales obligatoires ne constitue pas en soi un manquement suffisamment grave pour justifier la résiliation judiciaire du contrat de travail ; qu'en se bornant, pour prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur, à se fonder sur la seule circonstance que la salariée, embauchée en février 2010, n'avait pas bénéficié des deux visites médiales annuelles prévues par l'accord collectif, circonstance qui ne permettait pourtant pas de caractériser un manquement de l'employeur rendant impossible la poursuite du contrat de travail, a violé les articles 1134 et 1184 du code civil, dans leur version antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, applicable en la cause, ensemble l'article L. 1231-1 du code du travail ; 3°) ALORS QU' un manquement imputé à l'employeur n'ayant qu'une faible incidence sur la rémunération du salarié n'est pas d'une gravité suffisante pour faire obstacle à la poursuite du contrat de travail et justifier la résiliation judiciaire de celui-ci ; que la cour d'appel qui, bien qu'elle ait constaté que Mme S..., qui soutenait qu'elle ne percevait qu'un salaire au taux horaire de 12,177 euros et qu'un autre salarié également embauché en qualité d'animateur était rémunéré à un taux horaire de 12,73 euros, présentait ainsi des éléments laissant supposer l'existence d'une discrimination, a néanmoins, pour prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur, retenu que la salariée avait été victime d'une discrimination fondée sur son sexe, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations dont il résultait que le manquement imputé à l'employeur, qui reposait sur une différence de taux horaire de 0,55 euros de heure, n'était pas d'une gravité suffisante pour faire obstacle à la poursuite du contrat de travail et justifier la résiliation judiciaire de celui-ci, violant ainsi les articles 1134 et 1184 du code civil, dans leur version antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, applicable en la cause, ensemble l'article L. 1231-1 du code du travail ; 4°) ALORS QUE l'employeur ne méconnaît son obligation de préserver la santé physique ou mentale de ses salariés qu'à la condition d'être informé d'une situation mettant en danger la santé de ses salariés, et de ne pas y mettre fin ; qu'en se bornant, pour dire que l'employeur avait manqué à son obligation de sécurité, à se fonder sur la seule circonstance qu'il avait été informé par les courriers de la salariée de l'existence de problèmes auxquels cette dernière était confrontée avec les jeunes du lieu de vie, de ce qu'elle était insultée et de ce que des agressions physiques avaient déjà eu lieu, la cour d'appel n'a pas caractérisé que l'association exposante avait effectivement eu connaissance de l'existence d'un risque avéré pour la santé de la salariée justifiant qu'elle prenne des mesures pour remédier à une prétendue souffrance de celle-ci et a ainsi privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 4121-1 du code du travail ; 5°) ALORS QU' en tout état de cause, la résiliation judiciaire du contrat de travail ne peut être prononcée qu'en cas de manquement suffisamment grave de l'employeur empêchant la poursuite du contrat de travail ;
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qu'en se bornant, pour prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur, à relever l'existence de difficultés relationnelles avec les jeunes résidents et énoncer que la salariée avait alerté son employeur sur la dégradation de ses conditions de travail à compter de décembre 2015 avant d'être placée en arrêt de travail pour burn-out et dépression et que ce dernier, qui ne justifiait pas avoir accompagné la salariée dans la gestion des difficultés qu'elle rencontrait avec les jeunes du lieu de vie où elle travaillait depuis 5 ans, avait manqué à son obligation de sécurité, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé l'existence d'un manquement de l'association qui soit suffisamment grave pour justifier la rupture du contrat de travail, a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1184 du code civil, dans leur version antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, applicable en la cause, ensemble l'article L. 1231-1 du code du travail ; 6°) ALORS QUE le juge ne peut procéder par voie de considérations générales et abstraites et doit apprécier concrètement les faits nécessaires à la solution du litige ; qu'en se bornant, pour allouer à Mme S... un rappel de salaire au titre des heures complémentaires de nuit et une indemnité de repos compensateur pour dépassement du contingent, à affirmer péremptoirement qu' il convenait de condamner l'association la Maison de Beau Louis à verser à la salariée la somme de 31.027,05 euros au titre des heures complémentaires accomplies entre le mois d'avril 2013 et le mois d'avril 2016 et de faire droit à sa demande au titre du repos compensateur et de lui accorder la somme de 10.739,38 euros net, sans déduire aucun motif à l'appui de cette allégation et préciser les calculs qui lui permettaient d'aboutir à de tels montants, la cour d'appel qui s'est ainsi déterminée par voie de considérations générales et abstraites a violé les dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ; 7°) ALORS QUE la contradiction entre les motifs et le dispositif équivaut à un défaut de motifs ; que la cour d'appel qui, après avoir, dans ses motifs, débouté la salariée de sa demande en paiement d'une somme de 4.142,52 euros pour le non respect du repos compensateur sur sujétions pour travail de nuit, a néanmoins, dans son dispositif, condamné l'association la Maison de Beau Louis à lui verser la somme de 4.142,52 euros à titre d'indemnité de repos compensateur sur sujétions du travail de nuit, a entaché sa décision d'une contradiction entre les motifs et le dispositif et a ainsi violé l'article 455 du code de procédure civile.
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R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 28 MAI 2020 La société [...], société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , anciennement dénommée Garage M..., a formé le pourvoi n° H 18-24.895 contre l'arrêt rendu le 25 septembre 2018 par la cour d'appel de Besançon (chambre sociale), dans le litige l'opposant : 1°/ à Mme R... J..., domiciliée [...] , 2°/ à Mme V... J..., épouse H..., domiciliée [...] , 3°/ à M. D... J..., domicilié [...] , 4°/ à M. Q... J..., domicilié [...] , 5°/ à Mme B... J..., épouse P..., domiciliée [...] , 6°/ à Mme C... H..., 7°/ à Mme X... H..., domiciliées toutes deux [...], représentées par leur mère Mme V... H..., 8°/ à M. U... J..., domicilié [...] , représenté par son père M. D... J..., 9°/ à M. Y... J..., 10°/ à Mme W... J..., domiciliés tous deux [...], représentés par leur père M. Q... J..., 11°/ à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de Besançon, dont le siège est [...] , défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Palle, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de la société [...], de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de MM. D... J..., Q... J..., Y... J..., U... J..., Mmes R... J..., B... J..., W... J..., V... J..., X... H... et C... H..., et l'avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 mars 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Palle, conseiller référendaire rapporteur, M. Prétot, conseiller doyen, et Mme Szirek, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Besançon, 25 septembre 2018), T... J... (la victime), salarié de la société Garage M..., aux droits de laquelle vient la société [...] (l'employeur), a déclaré, le 18 juin 2008, une maladie qui a été prise en charge au titre du tableau n° 4 des maladies professionnelles par la caisse primaire d'assurance maladie de Besançon, aux droits de laquelle vient la caisse primaire d'assurance maladie du Doubs (la caisse). 2. Par jugement mixte du 30 avril 2013, une juridiction de sécurité sociale a reconnu la faute inexcusable de l'employeur dans la survenance de la maladie professionnelle et, avant dire droit sur l'indemnisation des préjudices complémentaires, a ordonné une expertise médicale. 3. La victime étant décédée le [...], ses ayants droit ont repris l'instance engagée par cette dernière. L'employeur a contesté, comme étant prescrite, la recevabilité de la demande des ayants droit en indemnisation de leur préjudice moral consécutif au décès. Examen du moyen Enoncé du moyen 4. L'employeur fait grief à l'arrêt de déclarer recevable l'action des ayants droit de la victime, alors : « 1°/ que l'action des ayants droit de la victime d'un accident du travail contre l'employeur au titre de sa faute inexcusable se prescrit par deux ans à compter, soit de la date à laquelle la victime est informée par un certificat médical du lien possible entre sa maladie et une activité professionnelle, soit de la cessation du travail en raison de la maladie constatée, soit de la cessation du paiement des indemnités journalières, soit encore de la reconnaissance du caractère professionnel de la maladie ; que la détermination du point de départ de la prescription s'impose, y compris pour l'ouverture, postérieurement au décès de la victime, des droits des ayants droit de celle-ci ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a considéré, s'agissant de la demande d'indemnisation du préjudice moral invoqué par les ayants droit, qu'il ne pouvait « être soutenu que le délai de prescription concernant leur action en réparation du préjudice subi, avait commencé à courir dès le 30 octobre 2010, avant même le décès, qui a donné naissance au droit dont ils se prévalent » ;
Cour d'appel de Besançon 03, Cour de cassation Deuxième chambre civile, décision 18-24.895 du 28/05/2020, partie 1
qu'en se prononçant ainsi, tandis qu'il résultait de ses propres constatations que le caractère professionnel de la maladie de M. J... avait été reconnu le 30 octobre 2010, de sorte que les ayants droit de M. J... disposaient de deux ans à compter de cette date pour obtenir la réparation du préjudice qu'ils estimaient avoir subi du fait de la faute inexcusable imputée à l'employeur, de sorte que leurs prétentions étaient prescrites, la cour d'appel a violé les articles L. 431-2, L. 461-1 et L. 461-3 du code de la sécurité sociale. 2°/ que l'action des ayants droit de la victime d'un accident du travail contre l'employeur au titre de sa faute inexcusable se prescrit par deux ans à compter, soit de la date à laquelle la victime est informée par un certificat médical du lien possible entre sa maladie et une activité professionnelle, soit de la cessation du travail en raison de la maladie constatée, soit de la cessation du paiement des indemnités journalières, soit encore de la reconnaissance du caractère professionnel de la maladie ; que la détermination du point de départ de la prescription s'impose, y compris pour l'ouverture, postérieurement au décès de la victime, des droits des ayants droit de celle-ci ; que, pour considérer que l'action indemnitaire introduite par les consorts J... n'était pas prescrite, la cour d'appel s'est bornée à considérer qu'il ne pouvait « être soutenu que le délai de prescription concernant leur action en réparation du préjudice subi, avait commencé à courir dès le 30 octobre 2010, avant même le décès, qui a donné naissance au droit dont ils se prévalent » ; qu'en se prononçant ainsi, sans déterminer quel était le point de départ de la prescription biennale applicable à l'action indemnitaire des consorts J..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 431-2, L. 461-1 et L. 461-3 du code de la sécurité sociale. 3°/ qu'à supposer même que la date du décès de la victime d'un accident du travail constitue le point de départ de l'action indemnitaire de ses ayants droit, au titre de leur préjudice moral propre, la société [...] faisait valoir que les consorts J... n'avaient formulé de demande indemnitaire au titre de leur préjudice moral d'affection que par des conclusions en date du 27 juillet 2017 ; qu'en décidant néanmoins que cette demande n'était pas prescrite au motif à lui seul inopérant qu'il ne pouvait être soutenu que le délai de prescription avait commencé à courir dès le 30 octobre 2010, avant même le décès « qui a donné naissance au droit dont ils se prévalent », sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si cette demande indemnitaire ne résultait pas en tout état de cause de conclusions notifiées le 27 juillet 2017, soit plus de deux ans après le décès de M. J..., intervenu le [...], la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 431-2, L. 461-1 et L. 461-3 du code de la sécurité sociale. 4°/ qu'à supposer adoptés les motifs du jugement selon lesquels aucun délai de prescription ne pouvait être opposé aux consorts J... dès lors que « la reprise de l'instance par les ayants droit ne vise pas à introduire une procédure en faute inexcusable, mais à solliciter l'indemnisation de leur préjudice consécutif au décès de M. J... liée à sa pathologie reconnue en maladie professionnelle et à une faute inexcusable de la société Garage M... reconnue le 30 avril 2013 », et « qu'avant cette date aucune possibilité n'était ouverte aux consorts J... », tandis que l'action indemnitaire dont disposaient les consorts J... était soumise à une prescription biennale, peu important que la faute inexcusable de l'employeur ait été déjà reconnue par une précédente décision, la cour d'appel a violé les articles L. 431-2, L. 461-1 et L. 461-3 du code de la sécurité sociale. » Réponse de la Cour 5. Il résulte de l'application des articles L. 431-2 du code de la sécurité sociale et 2242 du code civil que la prescription biennale des droits de la victime ou de ses ayants droit aux prestations et indemnités figurant au livre IV du même code est interrompue par l'introduction d'une action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur et en indemnisation des préjudices complémentaires. Cet effet interruptif se poursuit jusqu'à l'extinction de l'instance. 6. L'arrêt relève, par motifs adoptés, que l'action en faute inexcusable a été engagée par la victime dans les délais de la prescription biennale visés à l'article L. 431-2 du code de la sécurité sociale et qu'au décès de celle-ci, ses ayants droit ont repris l'instance en indemnisation consécutive à la faute inexcusable, reconnue le 30 avril 2013. 7. Il en résulte que, formée au cours de l'instance en indemnisation des préjudices personnels complémentaires de la victime, alors que la prescription biennale était interrompue, la demande des ayants droit en indemnisation de leur préjudice moral imputable à la faute inexcusable de l'employeur n'était pas prescrite.
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8. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues à l'article 620, alinéa 1er, et 1015 du code de procédure civile, la décision déférée se trouve légalement justifiée. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société [...] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société [...] et la condamne à payer à MM. D... J..., Q... J..., Y... J..., U... J..., Mmes R... J..., B... J..., W... J..., V... J..., X... H... et C... H... la somme globale de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit mai deux mille vingt, et signé par lui et M. Prétot, conseiller doyen, en remplacement du conseiller référendaire rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452, 456 et 1021 du code de procédure civile, et par Mme Caratini, greffier de chambre, qui a assisté au prononcé de l'arrêt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour la société [...]. Il est fait grief à l'arrêt attaqué, partiellement confirmatif, d'AVOIR déclaré recevable l'action des ayants droit de M. T... J... à l'encontre de la société [...], d'AVOIR en conséquence, attribué, au titre des préjudices personnels des ayants droit de M. J..., à Mme R... J... une somme de 25.000 € en réparation de son préjudice moral, à Mme V... H... une somme de 12.000 € en réparation de son préjudice moral, à M. Q... J... une somme de 12.000 € en réparation de son préjudice moral, à M. D... J... une somme de 12.000 € en réparation de son préjudice moral, à Mme B... P... une somme de 12.000 € en réparation de son préjudice moral, et aux petits enfants de M. T... J..., X... et C... H..., U... J..., Y... et W... J... une somme de 5.000 € chacun en réparation de leur préjudice moral, et d'AVOIR fixé à la somme de 8.000 € le montant du préjudice d'accompagnement de Mme R... J... ; AUX MOTIFS QUE la société [...] fait valoir que l'action des ayants droit en réparation de leur préjudice moral est prescrite, dès lors que lors que le point de départ du délai de prescription biennale de l'article L 431-2 du code de la sécurité sociale doit être fixé au 30 octobre 2010, date à laquelle M. J... a perçu les dernières indemnités journalières et ce, y compris en ce qui concerne le préjudice moral consécutif des ayants droit consécutif au décès de ce dernier ; que la faute inexcusable de l'employeur a été reconnue par le jugement du 30 avril 2013 ; que les ayants droit sollicitent uniquement l'indemnisation du préjudice moral subi à la suite du décès de M. J..., survenu le [...], et il ne peut être soutenu que le délai de prescription concernant leur action en réparation du préjudice subi, avait commencé à courir dès le 30 octobre 2010, avant même le décès, qui a donné naissance au droit dont ils se prévalent ; que le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a rejeté l'exception de prescription sur ce point (arrêt, p. 5) ; ET AUX MOTIFS ÉVENTUELLEMENT ADOPTÉS QU'en l'espèce, la société [...] estime que la demande des ayants droit de M. J... serait prescrite au motif que les consorts J... disposaient d'un délai pour agir qui courait jusqu'au 30 octobre 2012 ; qu'il convient de relever que l'action en faute inexcusable a été engagée par feu M. J... dans les délais de la prescription biennale visée à l'article L. 431-2 du code de la sécurité sociale ; que la faute inexcusable, introduite dans les délais, a été reconnue par jugement du tribunal [des affaires de sécurité sociale de Besançon le 30 avril 2013 ; que M. J... est décédé de sa pathologie le [...] ; que la reprise de l'instance par les ayants droit ne vise pas à introduire une procédure en faute inexcusable mais à solliciter l'indemnisation de leur préjudice consécutif au décès de M. J... liée à sa pathologie reconnue en maladie professionnelle, et à une faute inexcusable de la société Garage M... reconnue le 30 avril 2013 ; qu'avant cette date, aucune possibilité n'était ouverte aux consorts J... ; que la rente viagère servie à Mme J... lui a été attribuée à compter du décès de son époux ; qu'au décès de M. J..., ses ayants droit étaient donc fondés à reprendre l'instance de la victime consécutive à la reconnaissance de la faute inexcusable de la société Garage M..., et aucun délai de prescription ne peut leur être opposé ; que, dans ces conditions, il convient de déclarer recevable l'action des ayants droit de M. T... J... (jugement, p. 6) ;
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1) ALORS QUE l'action des ayants droit de la victime d'un accident du travail contre l'employeur au titre de sa faute inexcusable se prescrit par deux ans à compter, soit de la date à laquelle la victime est informée par un certificat médical du lien possible entre sa maladie et une activité professionnelle, soit de la cessation du travail en raison de la maladie constatée, soit de la cessation du paiement des indemnités journalières, soit encore de la reconnaissance du caractère professionnel de la maladie ; que la détermination du point de départ de la prescription s'impose, y compris pour l'ouverture, postérieurement au décès de la victime, des droits des ayants droit de celle-ci ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a considéré, s'agissant de la demande d'indemnisation du préjudice moral invoqué par les ayants droit, qu'il ne pouvait « être soutenu que le délai de prescription concernant leur action en réparation du préjudice subi, avait commencé à courir dès le 30 octobre 2010, avant même le décès, qui a donné naissance au droit dont ils se prévalent » (arrêt, p. 5 § 5) ; qu'en se prononçant ainsi, tandis qu'il résultait de ses propres constatations que le caractère professionnel de la maladie de M. J... avait été reconnu le 30 octobre 2010, de sorte que les ayants droit de M. J... disposaient de deux ans à compter de cette date pour obtenir la réparation du préjudice qu'ils estimaient avoir subi du fait de la faute inexcusable imputée à l'employeur, de sorte que leurs prétentions étaient prescrites, la cour d'appel a violé les articles L. 431-2, L. 461-1 et L. 461-3 du code de la sécurité sociale ; 2) ALORS QUE, SUBSIDIAIREMENT, l'action des ayants droit de la victime d'un accident du travail contre l'employeur au titre de sa faute inexcusable se prescrit par deux ans à compter, soit de la date à laquelle la victime est informée par un certificat médical du lien possible entre sa maladie et une activité professionnelle, soit de la cessation du travail en raison de la maladie constatée, soit de la cessation du paiement des indemnités journalières, soit encore de la reconnaissance du caractère professionnel de la maladie ; que la détermination du point de départ de la prescription s'impose, y compris pour l'ouverture, postérieurement au décès de la victime, des droits des ayants droit de celle-ci ; que, pour considérer que l'action indemnitaire introduite par les consorts J... n'était pas prescrite, la cour d'appel s'est bornée à considérer qu'il ne pouvait « être soutenu que le délai de prescription concernant leur action en réparation du préjudice subi, avait commencé à courir dès le 30 octobre 2010, avant même le décès, qui a donné naissance au droit dont ils se prévalent » (arrêt, p. 5 § 5) ; qu'en se prononçant ainsi, sans déterminer quel était le point de départ de la prescription biennale applicable à l'action indemnitaire des consorts J..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 431-2, L. 461-1 et L. 461-3 du code de la sécurité sociale ; 3) ALORS QU'A TITRE PLUS SUBSIDIAIRE, à supposer même que la date du décès de la victime d'un accident du travail constitue le point de départ de l'action indemnitaire de ses ayants droit, au titre de leur préjudice moral propre, la société [...] faisait valoir que les consorts J... n'avaient formulé de demande indemnitaire au titre de leur préjudice moral d'affection que par des conclusions en date du 27 juillet 2017 (concl., p. 7) ; qu'en décidant néanmoins que cette demande n'était pas prescrite au motif à lui seul inopérant qu'il ne pouvait être soutenu que le délai de prescription avait commencé à courir dès le 30 octobre 2010, avant même le décès « qui a donné naissance au droit dont ils se prévalent » (arrêt, p. 5 § 5), sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si cette demande indemnitaire ne résultait pas en tout état de cause de conclusions notifiées le 27 juillet 2017, soit plus de deux ans après le décès de M. J..., intervenu le [...], la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 431-2, L. 461-1 et L. 461-3 du code de la sécurité sociale ; 4) ALORS QU'À TITRE INFINIMENT SUBSIDIAIRE, à supposer adoptés les motifs du jugement selon lesquels aucun délai de prescription ne pouvait être opposé aux consorts J... dès lors que « la reprise de l'instance par les ayants droit ne vise pas à introduire une procédure en faute inexcusable, mais à solliciter l'indemnisation de leur préjudice consécutif au décès de M. J... liée à sa pathologie reconnue en maladie professionnelle et à une faute inexcusable de la société Garage M... reconnue le 30 avril 2013 », et « qu'avant cette date aucune possibilité n'était ouverte aux consorts J... » (jugement, p. 6), tandis que l'action indemnitaire dont disposaient les consorts J... était soumise à une prescription biennale, peu important que la faute inexcusable de l'employeur ait été déjà reconnue par une précédente décision, la cour d'appel a violé les articles L. 431-2, L. 461-1 et L. 461-3 du code de la sécurité sociale.
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R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 20 MAI 2020 M. R... E..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° X 18-19.067 contre l'arrêt rendu le 27 mars 2018 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 1), dans le litige l'opposant : 1°/ à Mme I... A..., épouse B..., domiciliée [...], 2°/ à la société Classiques G, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , défenderesses à la cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Canas, conseiller référendaire, les observations écrites de Me Bouthors, avocat de M. E..., de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de Mme A..., après débats en l'audience publique du 10 mars 2020 où étaient présentes Mme Batut, président, Mme Canas, conseiller référendaire rapporteur, Mme Kamara, conseiller doyen, et Mme Randouin, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision. 1. Les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. 2. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi. EN CONSÉQUENCE, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne M. E... aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. E... et le condamne à payer à Mme A..., épouse B..., la somme de 3 000 euros ; Ainsi décidé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt mai deux mille vingt. MOYENS ANNEXES à la présente décision Moyens produits par Me Bouthors, avocat aux Conseils, pour M. E.... Premier moyen de cassation Le moyen reproche à la cour d'avoir condamné in solidum M. E... et son éditeur à payer 4.000 € à Mme A... en réparation de l'atteinte portée à son droit de divulgation en ce qui concerne son mémoire « L'origine au laboratoire de la fiction » ; aux motifs que M. E... et la société Classique G soutiennent que le droit de divulgation de Mme A... est épuisé par la divulgation qu'a fait Mme A... de son mémoire ; qu'ils font valoir à cet égard que malgré la prétendue volonté de Mme A... de ne pas éditer son mémoire au sein d'une maison d'édition, ce mémoire a bel et bien fait l'objet de sa part de communications à la communauté universitaire et scientifique aux fins d'obtention de qualifications à des fonctions professorales, en Allemagne en 2003 et en France en 2006, et qu'il a ainsi fait l'objet d'une publication en vertu du règlement de l'habilitation de l'Université de Halle-Wittenberg, d'une soutenance publique en Allemagne, d'un colloque qui s'est tenu à l'Université de Genève en décembre 2000 et d'une communication aux rapporteurs et membres du Conseil national des Universités en France, tous ces événements traduisant la volonté de Mme A... de révéler son oeuvre au public, à tout le moins à ses pairs ; que les appelants ajoutent qu'en toute hypothèse, ils n'ont pas divulgué le mémoire de Mme A..., l'oeuvre étant divulguée lorsqu'elle est dévoilée, révélée, portée à la connaissance du public alors que la reprise de quelques passages ne peut emporter divulgation, ne permettant pas aux lecteurs de l'ouvrage de M. E... d'avoir accès au contenu et à la substance du mémoire de Mme A... ; que Mme A... répond que son oeuvre était inédite avant d'être reprise par M. E... puisque le manuscrit n'était ni publié, ni déposé en Allemagne ou en France, comme l'autorisent les règles universitaires, que son mémoire n'a pas été déposé à la bibliothèque de l'Université de Hallc-Wittenberg, que les documents transmis aux membres siégeant au Conseil national des Universités en France sont confidentiels et ne sauraient être utilisés à d'autres fins que celles pour laquelle ils ont été transmis aux commissions, à savoir l'examen du mémoire et de l'aptitude de son auteur à être qualifié ; qu'elle ajoute que son mémoire n'a pas non plus été présenté oralement et que sa reprise même partielle par M. E... constitue une violation de son droit de divulgation ; Que l'article L. 111 -1 du code de la propriété intellectuelle dispose que l'auteur d'une oeuvre de l'esprit jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création, d'un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous, comportant des attributs d'ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d'ordre patrimonial ;
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que l'article 121-2 énonce que l'auteur seul a le droit de divulguer son oeuvre et qu'il détermine le procédé de divulgation et fixe les conditions de celle-ci ; que l'article L. 122-5 du même code prévoit que : "Lorsque l'oeuvre ci été divulguée, l'auteur ne peut interdire (...) 3 ° Sous réserve que soient indiqués clairement le nom de l'auteur et la source : a) Les analyses et courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d'information de l'oeuvre à laquelle elles sont incorporées ; Qu'en l'espèce, il sera retenu que le mémoire de Mme A... n'avait pas fait l'objet de divulgation dès lors que son auteur avait choisi de ne pas le faire publier dans sa version initiale, telle que présentée aux instances universitaires allemande et française, et qu'il est établi que cette publication a eu lieu en 2017 seulement (pièces 30 et 38 de l'intimée) ; que Mme A... justifie par ailleurs qu'elle n'avait pas déposé son mémoire dans la librairie de l'Université de Halle-Wittenberg en Allemagne, les thèses d'habilitation n'étant pas soumises à ce type de dépôt (sa pièce 17) ; que l'intimée justifie également que les bases de données de plusieurs bibliothèques universitaires ne référencent pas son mémoire (sa pièce 18) et qu'elle produit des attestations de deux universitaires (attestations L... et V...) qui font état de l'obligation de confidentialité à laquelle sont soumis les membres des commissions de qualification ou de recrutement quant au contenu des dossiers des candidats (lettre de motivation, articles, ouvrages, thèses...) sauf accord du candidat intéressé, de sorte que les appelants ne peuvent se prévaloir du fait que M. E... a obtenu communication du travail de Mme A... par un rapporteur du Conseil national des universités, cette communication purement officieuse n'ayant pu avoir lieu que du fait du non-respect de cette règle de confidentialité ; que le témoignage de M. N..., ancien président de section au CNU, produit par les appelants, ne vient pas contredire les témoignages fournis par Mme A... puisqu'il confirme la confidentialité des débats lors des sessions du CNU et ne conteste cette confidentialité que pour les pièces remises par les candidats "qui sont dans notre domaine en grande partie des articles ou des ouvrages déjà publiés ou en voie de publication" alors qu'il vient d'être dit que le mémoire de Mme A..., adressé au CNU en 2005, n'a été publié par l'intéressée qu'en 2017 ; Que la circonstance que le mémoire de Mme A... se trouve cité dans la partie bibliographique d'une revue scientifique allemande de 2003 (pièce 90 des appelants) ne démontre pas l'accord de Mme A... pour une telle citation ; que l'intervention de Mme A... lors d'un colloque en décembre 2000 à l'Université de Genève sur le sujet de "Reproduire l'origine du langage dans le laboratoire de la fiction. Histoire et fonction des spéculations sur l'expérience d'« isolement enfantin » n'est pas révélatrice de la divulgation du mémoire en cause, les thèmes du mémoire et de l'intervention invoquée auraient-ils un champ commun ; qu'enfin, la soutenance publique de son mémoire par Mme A... ne sera pas retenue comme constitutive de divulgation, la preuve n'étant pas rapportée que l'auteure avait manifesté sa volonté de ne pas modifier son mémoire à l'issue de sa soutenance et l'intimée expliquant au surplus qu'en Allemagne, l'examen oral correspondant à la soutenance française porte sur un sujet différent de celui du mémoire présenté ; Que par conséquent, comme les premiers juges l'ont retenu, M. E... et son éditeur ne peuvent se prévaloir de l'exception d'analyse ou de courte citation prévue par l'article L. 122-5, 3°, a) du code de la propriété intellectuelle ; que, contrairement à ce que soutiennent les appelants, la reprise même très partielle du mémoire de Mme A... ou la citation de ce mémoire et du nom de son auteure en notes de bas de page dans l'ouvrage de M. E... constituent une violation du droit de divulgation dont bénéficie l'auteur, qui seul peut choisir l'opportunité, le moment et les modalités de la publication de son oeuvre (arrêt p. 10 à 12) ; 1°) alors que, d'une part, le droit de divulgation prévu à l'article L.121-2 du code de la propriété intellectuelle s'épuise au premier usage qui en est fait ; que la soutenance publique d'une thèse par un candidat lui-même soumis à l'obligation académique de mettre son travail à disposition de la communauté des chercheurs, constitue un acte matériel de divulgation épuisant sur ce point le droit de son auteur ; qu'il importe peu à cet égard que cette thèse ait fait l'objet d'une édition ultérieure par son auteur ; qu'en se déterminant comme elle l'a fait, motif inopérant pris du caractère prétendument restreint de la première divulgation, la cour a méconnu les exigences du texte précité ;
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2°) alors, d'autre part, que le fait, dans une oeuvre critique, d'indiquer l'existence d'une thèse universitaire soutenue publiquement ainsi que le nom de son auteur, et d'en discuter certaines perspectives, ne constitue pas un acte de divulgation de la thèse elle-même mais participe du débat propre à la libre recherche scientifique garantie par l'article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'en se déterminant comme elle l'a fait sous couvert d'une interprétation extensive de l'article L.121-2 du code de la propriété intellectuelle, la cour n'a pas établi la balance des intérêts en présence et a méconnu en conséquence l'article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme. Second moyen de cassation Le moyen reproche à la cour d'avoir confirmé le jugement en ce qu'il a, d'une part, retenu que dans l'ouvrage « Educations négatives », M. E... et son éditeur ont reproduit sans autorisation des écrits de Mme A... et ont ainsi commis des actes de contrefaçon, alloué à ce titre à Mme A... 2.000 € en réparation de l'atteinte portée à son droit de paternité, outre 6.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; d'autre part, dit que la reconnaissance du caractère illicite des reprises litigieuses ne portait pas une atteinte disproportionnée aux principes de liberté d'expression et de libre recherche scientifique ; de troisième part, enjoint sous astreinte à M. E... et son éditeur d'annexer aux ouvrages litigieux déjà édités une note avertissant le lecteur que 9 passages de l'ouvrage « Educations négatives » sont des citations du mémoire de Mme A... intitulé « L'origine au laboratoire de la fiction » soutenu en 2003 à l'université [...], [...] [ ] et enjoint à M. E... et à son éditeur, si l'ouvrage litigieux devait être réédité, d'y inclure les citations ci-dessus en en précisant la source ; aux motifs, sur la contrefaçon, que M. E... et la société Classique G contestent la protection par le droit d'auteur du mémoire de Mme A... ; qu'ils font valoir que celle-ci ne démontre pas, pour chacun des 55 passages invoqués, l'originalité de son texte, les prétendus choix opérés par Mme A... découlant nécessairement, selon eux, de son travail de recherche ; que Mme A... expose que partant d'Hérodote qui raconte que "le pharaon Psammétique fit élever des enfants nouveau-nés à l'écart de toute société humaine pour savoir quelle langue ils parleraient spontanément", elle a étudié de manière systématique les expériences d'isolement, de l'Antiquité à G... K... et W... M..., en passant par C... K..., une partie essentielle de son ouvrage étant consacrée à la littérature du XVIII ème siècle, qu'elle qualifie d'"âge d'or'' des spéculations sur l'isolement enfantin ; qu'elle ajoute que cette identification du motif par-delà ses variations lui permet de montrer sa fertilité épistémologique, c'est-à-dire son rôle dans le développement de la réflexion sur l'individu et la société aux différentes époques où il apparaît ; qu'elle précise qu'elle a analysé minutieusement ces textes, utilisant un langage riche et châtié, et distingué les différents modes opératoires des récits historiques et fictifs de l'expérience, décrivant comment des textes souvent commentés comme des manifestations du mythe du bon sauvage ou du mythe de l'enfant de la nature, étaient en réalité des réitérations fictives de l'expérience de Psammétique et qu'elle s'est attachée à dégager la structure de l'expérience d'isolement conformément à une typologie originale et inédite de variables qu'elle a élaborée en particulier dans l'introduction de son mémoire ; Considérant que le droit de l'article L. 111-1 susmentionné du code de la propriété intellectuelle est conféré, selon l'article L. 112-1 du même code, à l'auteur de toute oeuvre de l'esprit, quels qu'en soit le genre, la forme d'expression, le mérite ou la destination ; qu'il se déduit de ces dispositions le principe de la protection d'une oeuvre sans formalité et du seul fait de la création d'une forme originale ; que lorsque cette protection est contestée en défense, l'originalité d'une oeuvre doit être explicitée par celui qui s'en prétend auteur, seul ce dernier étant à même d'identifier les éléments traduisant sa personnalité ; Que les premiers juges ont retenu à raison que l'oeuvre revendiquée par Mme A... est à l'évidence, considérée globalement, une oeuvre protégeable par le droit d'auteur en ce qu'elle a été validée comme thèse universitaire et a permis à son auteure d'enseigner dans les universités allemandes ; que néanmoins, comme le tribunal, la cour examinera au cas par cas, pour chacune des similitudes invoquées, si elle constitue la reprise de caractéristiques originales de l'oeuvre de Mme A... ; Qu'en ce qui concerne les 7 passages du mémoire de Mme A... pour lesquels le tribunal a retenu la contrefaçon, que l'article L.122-4 du code de la propriété intellectuelle dispose que : "Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droits ou ayants cause est illicite. Il en est de même pour la traduction, l'adaptation ou la transformation, l'arrangement ou la reproduction par un art ou un procédé quelconque" ;
Cour d'appel de Paris I1, Cour de cassation Première chambre civile, décision 18-19.067 du 20/05/2020, partie 3
que l'article L. 335-3 du même code indique que : "Est également un délit de contrefaçon toute reproduction, représentation ou diffusion, par quelque moyen que ce soit, d'une oeuvre de l'esprit en violation des droits de l'auteur, tels qu'ils sont définis et réglementés par la loi "; Que c'est par des motifs exacts et pertinents que la cour adopte que le tribunal a retenu comme contrefaisantes les reprises par M. E..., dans son ouvrage « Educations négatives », des six passages suivants tirés du mémoire de Mme A... : - en p. 14 du mémoire (reprise n°7 dans les écritures de Mme A...) : « A défaut d'un personnage qui incarnerait l'instance expérimentale dans le texte, c 'est le récit lui-même (...) " ; - en p. 266 du mémoire (reprise n° 39) : "un autre enfant, qui porte le nom programmatique d'F..., par un philosophe qui, lui, répond au nom d'P..., comme l'élève de la nature de Y... T... . " ; qu'il sera ajouté que M. E... reprend également, sans nécessité, la construction de la phrase de Mme A... ("par un philosophe (...) qui, lui, répond au nom d'P..., comme (...) Y... T... " ) ; - en p. 266 et p. 267 (reprise n° 42) : "Dans un premier temps, les enfants ont les yeux bandés, ils sont au pain et à l'eau et ne s'orientent que grâce au toucher (...) Le bandeau, machine "artistement ajustée" (,..)Les enfants découvrent alors l'univers de la cave "; - en p. 268 (reprise n° 52) : « Au bout d'un certain temps, se sentant trop vieux pour l''amour, P... tire F... de la cave. U... et F... s'aiment à nouveau. A la mort d'P..., ils héritent de sa fortune et finissent leurs jours en marge de la société, dans une retraite philosophique très voltairienne, qui convient à ces esprits forts mais bons, que, du fait de leur absence de préjugés, ils n'ont jamais cessé d'être. " ; qu'il sera ajouté que le texte de O..., dont le passage en cause constitue un commentaire, ne comprend pas les expressions "se sentant trop vieux pour l'amour, P... tire F... de la cave" ni "en marge de la société" que M. E... reprend sans nécessité dans le passage litigieux de son ouvrage ; - en p. 283 (reprise n° 51 ) : "U... (...) découvre avec stupeur et horreur la violence, le code de l'honneur (...), l'emmaillotage des enfants, l'hypocrisie des moeurs (...), la misère (...) " ; qu'il sera ajouté que le texte de O..., dont le passage en cause constitue un commentaire, ne comprend pas les expressions "U... découvre avec stupeur la violence (...) code de l'honneur, l'emmaillotage des enfants, l'hypocrisie des moeurs (...) la misère", termes que M. E... reprend sans nécessité, dans l'ordre même adopté par Mme A... ; - en p. 305 : " X... n'en propose pas moins (...) : enfants des deux sexes totalement isolés ; couples ; enfants des deux sexes isolés mais suffisamment proches pour pouvoir se rencontrer ; et enfin deux groupes mixtes, mais avec une proportion inégale de garçons et de filles (...). " ; qu'il sera ajouté que M. E... reprend également, sans nécessité, la ponctuation utilisée par Mme A... (deux points, points virgules) ; Qu'en revanche, la cour estime que le rapprochement de la formulation par Mme A... en page p.272 (reprise n° 44) : "Le langage intérieur d'P..., ce "mentalais " dont le développement est présenté par le texte comme inné, possède encore une propriété traditionnellement attribuée à la langue adamique (ou encore recherchée par les créateurs de langues philosophiques), puisqu'il donne accès directement aux choses (...)" de la formulation de M. E... en p.176 : "(...) L'Elève de la nature postule un langage intérieur, adamique et universel, qui donnerait un accès direct aux choses et serait le moyen de faire l'économie de la désignation (...)" ne révèle pas de reprise fautive dès lors que M. E... justifie que la notion de "langue adamique" se retrouve dans l'ouvrage de Q... H... « La recherche de la langue parfaite dans la culture européenne » paru en 1993 et que lui-même l'a utilisée dans son ouvrage paru en 2005 « Leçons de choses. Remarques sur les pouvoirs de l'objet dans quelques fictions d'expérimentations pédagogiques », soit avant d'avoir connaissance, en février 2006, du mémoire de Mme A... (arrêt p. 13 et 14) ; Qu'en ce qui concerne les 48 autres passages du mémoire de Mme A... [ ], en application de l'article 6 du code de procédure civile, les parties ont la charge d'alléguer les faits propres à fonder leurs prétentions ; que Mme A... invoque dans le dispositif de ses conclusions 48 autres passages de l'ouvrage de M. E... dont elle estime qu'ils constituent des reprises contrefaisantes de son mémoire ; que cependant, dans le corps de ses conclusions, elle n'explicite ses demandes que pour 32 de ces passages, soit au titre de "reprises quasi à l'identique " soit au titre de "reprises de quelques termes " et de "paraphrase " ; que seuls ces 32 passages seront donc examinés ci-après ;
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Qu'au titre des autres reprises « quasi à l'identique » [ ] : reprise n° 35 - formulation de Mme A... en page 358 : "D... se place (...). Mais sa démarche se veut véritablement empirique et rigoureuse. " - formulation de M. E... en page 166 : "Sans doute la démarche de D... se veut-elle véritablement empirique et rigoureuse" Qu'à la différence du tribunal, la cour estime que c'est sans nécessité que M. E... a repris les termes "se veut (...) véritablement empirique et rigoureuse'' dans son commentaire de la "démarche" de D... : reprise n° 40 - formulation de Mme A... en page 267 : " O... ne s'embarrasse pas de tous les développements romanesques conçus par Y... T... . Chez lui, l'intention expérimentale s'affirme sans détours et sans scrupules quant aux moyens : U... est une enfant achetée ! " - formulation de M. E... en page 173 : "À l'inverse de la duplicité du dispositif imaginé par T... dans la première édition de L'Elève de la nature, l'intention expérimentale s'exprime ici sans détours : U... est une enfant achetée (...) " ; Que M. E... a repris ici, en des termes très similaires et sans nécessité (« l'intention expérimentale s 'affirme [s'exprime] sans détours " ; "U... est une enfant achetée "), l'analyse personnelle de Mme A... de l'oeuvre de O... ; que ces reprises sont contrefaisantes (arrêt p. 15) ; Qu'au titre des « reprises de quelques termes et la paraphrase » : [ ] - reprise n° 18 - formulation de Mme A... en pages 31-32 : " À la différence des fictions qui se déploient tout d'abord sans la contrainte d'une quelconque vérification empirique, les hypothèses, qui sont aussi des constructions mentales, contiennent une présomption de réalité : ce sont des descriptions de la réalité en attente d'une vérification empirique (...) - formulation de M. E... en page 108 : "Comme hypothèses expérimentales, ces appels entretiennent avec le « réel » un rapport a priori plus direct et contraignant que les expériences de pensée puisqu'ils contiennent une présomption de réalité : les constructions mentales et les scénarios fictifs qu'ils élaborent sont des descriptions anticipées d'une réalité en attente d'une confirmation ou d'une infirmation empirique. " Qu'au sein d'un court passage, M. E... reprend plusieurs expressions contenues dans un même paragraphe du mémoire de Mme A... ("contiennent une présomption de réalité : » ; « descriptions (...) réalité en attente" ; "constructions mentales"), les termes de "confirmation ou infirmation empirique" ne constituant que la paraphrase de ceux de "vérification empirique " choisis par Mme A... ; que ces reprises sont contrefaisantes ; [ ] et aux motifs, sur le contrôle de proportionnalité entre les droits en balance, que les appelants soutiennent, au visa notamment de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, que la mise en oeuvre du droit d'auteur, et notamment du droit de divulgation, de Mme A... porte une atteinte disproportionnée aux libertés d'expression et de recherche scientifique, ce que le tribunal n'a pas pris en compte ; qu'ils font valoir que la liberté de la recherche scientifique implique de pouvoir citer des données et des oeuvres, y compris des thèses non publiées à partir du moment où elles ont été soutenues, et que l'intention de M. E... était purement scientifique, celle de la discussion des opinions scientifiques, et non le pillage systématique allégué par Mme A... ; que celle-ci oppose notamment que M. E... a choisi de reprendre des mots, des phrases, des concepts, des plans de son oeuvre originale inédite sans toujours citer ses sources en violation du droit de courte citation, et sans expliquer pourquoi il n'a pu faire autrement et que rien ne justifie la reprise de son oeuvre, sans son autorisation ni sa citation, pour le travail de recherche de M. E... ; que comme il a été dit, le mémoire de Mme A... n'ayant pas été, au jour des reprises litigieuses, divulgué par son auteure qui souhaitait y apporter des amendements - cette liberté d'amélioration de son travail par l'auteure devant être prise en considération dans l'appréciation des droits en balance, pour les raisons scientifiques mêmes qui sont mises en avant par M. E... -, ce dernier ne peut utilement invoquer son droit de citation ; que pour les autres reprises contrefaisantes retenues par la cour, consistant en des emprunts au travail de Mme A... sans citation de celle-ci, M. E... ne saurait se prévaloir d'un quelconque intérêt scientifique ; que la reconnaissance du caractère illicite des reprises opérées par M. E... ne porte donc aucune atteinte disproportionnée aux principes dont il se réclame de liberté d'expression et liberté de recherche scientifique (arrêt p. 23) ; et aux motifs adoptés des premiers juges selon lesquels le tribunal a retenu comme contrefaisantes les reprises par M. E..., dans son ouvrage « Educations négatives », des six passages suivants tirés du mémoire de Mme A... :
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En revanche, le tribunal a relevé [sept] passages écrits par Madame I... A... qui peuvent être qualifiés d'originaux et qui ont été repris textuellement par Monsieur R... E... sans citer correctement leur auteur. 1 - formulation de Madame I... A... en p. 14 : « A défaut d'un personnage qui incarnerait l'instance expérimentale dans le texte, c'est le récit lui-même qui assume cette fonction de preuve (pseudo-) expérimentale. » - formulation de Monsieur R... E... en p.101-102 : « [...] à défaut d'un personnage qui incarnerait l'instance expérimentale dans le texte, le récit lui-même est conçu comme une expérimentation. » Ce passage est attribué dans le livre de Monsieur E... à Madame I... A... dont le nom et la thèse sont mentionnés en bas de page ; cependant, les défendeurs ne peuvent pas bénéficier de l'exception de courte citation prévue par l'article L 122-5 du code de propriété intellectuelle pour cette thèse non divulguée par Madame A.... Cette reprise est donc contrefaisante. 2 - formulation de Madame I... A... en p.305 : « X... n'en propose pas moins de poursuivre ironiquement la spéculation : il faudrait grouper les enfants de diverses manières de manière à pouvoir faire des comparaisons : enfants des deux sexes totalement isolés ; couples ; enfants des deux sexes isolés mais suffisamment proches pour pouvoir se rencontrer ; et enfin deux groupes mixtes, mais avec une proportion inégale de garçons et de filles (vingt garçons pour six ou huit filles et vice versa). » - formulation de Monsieur R... E... en p. 145 : « X... n'en développe pas moins la fiction virtuelle et ironique de cette entreprise en élaborant un complexe programme d'expérimentations, fondé [...] sur des groupes d'enfants méthodiquement constitués : enfants des deux sexes totalement isolés les uns des autres ; couples d'enfants ; enfants des deux sexes suffisamment proches pour pouvoir se rencontrer ; et enfin deux groupes mixtes, mais avec des proportions inégales de garçons et de filles [...] » La demanderesse décrit de façon originale l'expérience pensée par X... et il n'est pas justifié du fait que l'expression textuellement reprise par Monsieur R... E... soit tirée de l'oeuvre primaire commentée. Ce passage est donc contrefaisant. 3 - formulation de Madame I... A... en p.266 : « un autre enfant, qui porte le nom programmatique d'F..., par un philosophe qui, lui, répond au nom d'P..., comme l'élève de la nature de Y... T... . » - formulation de Monsieur R... E... en p.173 : « [...] un garçon portant le prénom programmatique d'F..., par un philosophe expérimentateur qui, lui, répond au nom d'P..., comme le héros du roman de [...]. » Il s'agit d'une expression peu commune qui peut être qualifiée d'originale et qui a été reprise à l'identique par Monsieur R... E... sans citer ni même faire référence à son auteur. Ce passage est donc contrefaisant. 4 - formulation de Madame I... A... en p.266 et p.267 : « Dans un premier temps, les enfants ont les yeux bandés, ils sont au pain et à l'eau et ne s‘orientent que grâce au toucher [...] Le bandeau, machine "artistement ajustée", n'est pas sans évoquer de futures machines sadiennes. Par la suite, le philosophe fait ôter le bandeau. Les enfants découvrent alors l'univers de la cave [...] Un somnifère est parfois mêlé à l'eau, ce qui permet à l'expérimentateur de leur donner les soins nécessaires. » - formulation de Monsieur R... E... en p. 173-174 : « Dans un premier temps, les enfants ont les yeux bandés, ils sont au pain [...] et à l'eau [...] et ne s'orientent que grâce au toucher. Une « machine de cuir artistement ajustée » les aveugle. On finit par la leur ôter (on les endort en mettant de l'arcane dans leur eau pour qu'ils ne se rendent compte de rien). Les enfants découvrent alors l'univers de la cave. » Monsieur R... E... reprend sans la citer la manière originale qu'a Madame I... A... de présenter l'extrait de l'oeuvre de Du O.... Ce passage est donc contrefaisant. 5 - [ ] 6 - formulation de Madame I... A... en p.283 : "U... [...] découvre avec stupeur et horreur la violence, le code de l'honneur et les duels, l'emmaillotage des enfants, l'hypocrisie des moeurs, les inégalités sociales, la misère, les enfants estropiés qui mendient. - formulation de Monsieur R... E... en p.207 : "U... découvre avec stupeur la violence, l'absurdité du code de l'honneur, l'emmaillotage des enfants, l'hypocrisie des moeurs, la misère, etc". Madame I... A... a choisi de commenter un passage de l'oeuvre de Du O... de façon originale et Monsieur R... E... a repris cette énumération de façon quasi-textuelle : même liste et même ordre. Il s'agit d'une reprise contrefaisante. 7 - formulation de Madame I... A... en p.268 : « Au bout d'un certain temps, se sentant trop vieux pour l'amour, P... tire F... de la cave. U... et F... s'aiment à nouveau.
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A la mort d'P..., ils héritent de sa fortune et finissent leurs jours en marge de la société, dans une retraite philosophique très voltairienne, qui convient à ces esprits forts mais bons, que, du fait de leur absence de préjugés, ils n'ont jamais cessé d'être. » - formulation de Monsieur R... E... en p.207 : « Se sentant trop vieux pour l'amour, P... tire F... de sa cave. [...] F... et U... choisissent alors de vivre en marge de la société dans une position d'extériorité critique, qui ne les empêche pas de se faire les bienfaiteurs de l'humanité. Avec une tonalité moins satirique et plus utopique, c'est à nouveau sur une critique « sauvage » de la société que débouche le deuxième tome de L'Élève de la nature. L 'isolement expérimental permet, dans les deux cas, la métamorphose des enfants-cobayes en philosophes critiques dans la perspective d'une refondation politique. » Le défendeur a repris une expression peu commune créée par Madame I... A... alors qu'il n'est pas démontré que c'est une expression tirée de l'oeuvre primaire commentée. Il s'agit encore d'un passage contrefaisant. Par conséquent, dans son ouvrage "Educations négatives", Monsieur R... E... a reproduit sans son autorisation des écrits de Madame I... A... et a ainsi commis des actes de contrefaçon au préjudice de celle-ci. 1°) alors qu'aux termes de l'article L.122-4 du code de la propriété intellectuelle définissant la contrefaçon comme la représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur d'une oeuvre originale, il appartient aux juges du fond de rechercher et d'apprécier les ressemblances avec les éléments essentiels de l'oeuvre citée en tenant compte de leur existence et de leur domaine ; qu'en l'état d'études universitaires portant toutes deux sur un corpus limité d'oeuvres primaires objet d'analyse, la cour n'a pas précisé si et en quoi les seuls fragments désarticulés qu'elle a retenus au titre de la contrefaçon, en dépit de leur banalité (« prénom programmatique », « découvre avec stupeur », « se sentant trop vieux pour l'amour », « des marges véritablement empiriques et rigoureuses », « et intentions expérimentales », « présomption de réalité », « constructions mentales », « réalité en attente d'une confirmation ou d'une infirmation empirique » ), eussent porté sur des éléments essentiels de la thèse prétendument citée, privant ainsi son arrêt de toute base légale au regard du texte précité, ensemble l'article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; 2°) alors en tout état de cause qu'il appartient au juge du fond, expressément requis d'établir in concreto la balance des intérêts en présence, de s'assurer que, sous couvert de protection du droit d'auteur, il n'avait pas été porté d'atteinte excessive à la libre recherche scientifique et à la liberté d'expression du professeur requérant ; qu'au regard des intentions loyales de M. E... qui avait cité sa collègue sans le moindre pillage intellectuel ou formel du mémoire de cette dernière, et en l'état du très faible nombre des éléments finalement incriminés au regard des prétentions adverses, la cour s'est bornée à faire prévaloir le droit d'auteur pour un objet peu significatif contre les droits fondamentaux de l'exposant, méconnaissant ainsi derechef l'article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
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R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 19 MARS 2020 Le tribunal d'instance de Nancy a transmis à la Cour de cassation, par jugement RG : n° 11-19-000268 rendu le 28 novembre 2019, trois questions prioritaires de constitutionnalité, reçu le 23 décembre 2019, dans l'instance mettant en cause : d'une part, le Conseil national des barreaux, dont le siège est [...] , d'autre part, Mme U... E..., domiciliée [...] . Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Le Gall, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat du Conseil national des barreaux, et l'avis de Mme Ab-Der-Halden, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 10 mars 2020 où étaient présentes Mme Batut, président, Mme Le Gall, conseiller référendaire rapporteur, Mme Kamara, conseiller doyen, et Mme Randouin, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Par déclaration au greffe du 12 décembre 2018, le Conseil national des barreaux (CNB) a saisi le tribunal d'instance de Nancy afin d'obtenir la condamnation de Mme E..., avocat, à lui payer la somme de 460 euros au titre des cotisations dues pour les années 2013 et 2014. 2. En défense, Mme E... a présenté trois questions prioritaires de constitutionnalité. Enoncé des questions prioritaires de constitutionnalité 3. Par jugement du 28 novembre 2019, le tribunal d'instance a transmis les trois questions prioritaires de constitutionnalité ainsi rédigées : « 1°/ Les articles 21-1, 21-2, 14-1, 14-2, 17, 18 et 53, alinéa 3, de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portent-ils atteinte au principe constitutionnel de l'indépendance des barreaux ? 2°/ Les articles 21-1, 21-2, 14-1, 14-2, 17, 18 et 53, alinéa 3, de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portent-ils atteinte aux droits et libertés garantis par l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ? 3°/ L'article 53, alinéa 3, de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, renvoyant au règlement le soin de fixer le financement de l'établissement, porte-il atteinte aux droits et libertés garantis par l'article 34 de la Constitution de 1958 ? » 4. L'article 53 de la loi du 31 décembre 1971 ne comportant pas de troisième alinéa, il convient de rectifier les questions en ce qu'elles visent, en réalité, l'article 53, alinéa 2, 3°. Examen des questions prioritaires de constitutionnalité 5. Les articles 21-2, 14-1, 14-2, 17 et 18 de la loi du 31 décembre 1971, qui traitent respectivement de la composition du CNB, du financement des centres régionaux de formation professionnelle, de la formation continue, des attributions du conseil de l'ordre et des problèmes d'intérêt commun, ne sont pas applicables au litige qui porte sur une demande formée par le CNB contre un avocat en vue du paiement de cotisations qui lui sont destinées. 6. Les alinéas 2 et 3 de l'article 21-1 ont déjà été déclarés conformes à la Constitution (CC., décision n° 2012-231/234 QPC du 13 avril 2012). 7. En revanche, l'article 21-1, alinéa 1er, de la loi précitée, qui définit le rôle du CNB, et l'article 53, alinéa 2, 3°, de la même loi, qui renvoie au pouvoir réglementaire l'organisation professionnelle, sont applicables au litige. 8. Ces deux dispositions n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel. 9. Cependant, d'une part, les questions posées, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, ne sont pas nouvelles. 10. D'autre part, elles ne présentent pas un caractère sérieux. 11. En effet, en premier lieu, l'indépendance des barreaux n'est pas un principe à valeur constitutionnelle. 12. En deuxième lieu, les cotisations dues au CNB, en ce qu'elles assurent le fonctionnement de celui-ci, dont les missions sont distinctes de celles des ordres qui recouvrent des cotisations pour leur propre fonctionnement, ne sont pas contraires à la liberté d'entreprendre.
Tribunal d'instance de Nancy, Cour de cassation Première chambre civile, décision 19-40.044 du 19/03/2020, partie 1
13. En dernier lieu, les cotisations dues au CNB n'ayant pas la nature d'un impôt, le législateur n'a pas méconnu sa compétence en confiant au pouvoir réglementaire le soin de fixer, par des décrets en Conseil d'Etat, les règles d'organisation professionnelle, notamment la composition des conseils de l'ordre et les modes d'élection, de fonctionnement, de financement et les attributions du CNB, de sorte que la disposition législative critiquée par la troisième question n'est entachée d'aucune incompétence négative du législateur affectant par elle-même un droit ou une liberté que la Constitution garantit. 14. En conséquence, il n'y a pas lieu de renvoyer les questions prioritaires de constitutionnalité au Conseil constitutionnel. PAR CES MOTIFS, la Cour : DIT N'Y AVOIR LIEU DE RENVOYER au Conseil constitutionnel les questions prioritaires de constitutionnalité ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf mars deux mille vingt.
Tribunal d'instance de Nancy, Cour de cassation Première chambre civile, décision 19-40.044 du 19/03/2020, partie 2
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 31 MARS 2020 M. H... U... et Mme B... Q... épouse U... ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel de Rennes, chambre correctionnelle, en date du 2 mai 2019, qui a prononcé sur une requête en incident contentieux d'exécution. Les pourvois sont joints en raison de la connexité. Un mémoire a été produit. Sur le rapport de Mme Schneider, conseiller, les observations de la SCP Richard, avocat de M. H... U..., Mme B... Q... U... , et les conclusions de M. Lemoine, avocat général, après débats en l'audience publique du 3 mars 2020 où étaient présents M. Soulard, président, Mme Schneider, conseiller rapporteur, M. Pers, conseiller de la chambre, et M. Bétron, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. Par jugement contradictoire définitif du 1er décembre 2016, le tribunal correctionnel a déclaré M. H... U... et son épouse, Mme B... Q... coupables d'exécution irrégulière de travaux soumis à déclaration préalable et infraction aux dispositions du plan local d'urbanisme , pour avoir entre le 9 octobre et le 4 novembre 2015, édifié une clôture d'une hauteur supérieure à 1 m 50 , à savoir un mur d'une hauteur de 2 mètres. 3.Le tribunal a notamment ordonné la mise en conformité des lieux dans un délai de trente jours sous astreinte de 10 euros par jour de retard. 4.Le 5 février 2018 , le procureur de la République de Lorient a déposé une requête en difficulté d'exécution sur le fondement des articles 710 et 711 du code de procédure pénale, afin d'obtenir le relèvement du montant de l'astreinte à 50 euros jusqu'à parfaite exécution de la remise en état des lieux. 5. Le tribunal correctionnel a fait droit à la requête . 6.Les époux U... et le procureur de la République ont relevé appel. Examen des moyens Sur le premier moyen Enoncé du moyen 7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a ordonné le relèvement des astreintes prononcées à l'encontre de Mme B... Q... épouse U... et de M. H... U... par jugement du tribunal correctionnel de Lorient en date du 1er décembre 2016, à hauteur de cinquante euros par jour de retard à compter de la signification du jugement du 24 juillet 2018, alors ; « 1°/ qu'en se bornant à affirmer que M. et Mme U... ne pouvaient se prévaloir utilement de l'alinéa 2 de l'article Ub11-II du règlement du plan local d"urbanisme de la commune de Locmiquelic, pour soutenir qu'ils n"étaient pas en droit d'édifier un mur d'une hauteur de deux mètres, motifs pris qu'il était « inapplicable en l'espèce », sans indiquer en quoi une telle disposition, aux termes de laquelle « les clôtures édifiées en arrière des constructions sur les limites séparatives peuvent atteindre une hauteur maximale de 2 mètres » n'était pas applicable, la cour d'appel a privé sa décision de motifs et violé les articles L. 480-7 du code de l'urbanisme et 593 du code de procédure pénale ; 2°/ qu'en se bornant à affirmer que M. et Mme U... ne pouvaient se prévaloir utilement du décret n° 2007-18 du 5 janvier 2007, motifs pris que la commune de Locmiquelic a « par une délibération du 28 juin 2007 imposé à tout propriétaire qui souhaiterait réaliser une clôture l'obligation de déposer en mairie une déclaration préalable », sans indiquer en quoi ce décret ne pouvaient être utilement invoqué par M. et Mme U..., la cour d'appel a privé sa décision de motifs et violé les articles L. 480-7 du code de l'urbanisme et 593 du code de procédure pénale ; 3°/ que par jugement devenu définitif, en date du 1er décembre 2016, le tribunal correctionnel de Lorient a déclaré M. et Mme U... coupables des faits d'exécution irrégulière de travaux soumis à déclaration préalable et d'infraction aux dispositions du plan local d'urbanisme ou du plan d"occupation des sols et a ordonné à leur encontre « la mise en conformité des lieux ou des ouvrages dans un délai de 30 jours », et ce sous astreinte ;
décision 19-84.756 du 31/03/2020, partie 1
qu'en affirmant, pour ordonner le relèvement de l'astreinte prononcée, qu'il n'y avait plus lieu à discussion au fond, les infractions ayant été sanctionnées définitivement, bien que la circonstance que M. et Mme U... aient été définitivement condamnés pour les faits reprochés à une obligation « de mise en conformité des lieux ou des ouvrages » aux normes en vigueur n'ait pas été de nature à exclure toute discussion quant au point de savoir quelle norme était en l'occurrence applicable, afin de déterminer si les lieux et l'ouvrage se trouvaient désormais en conformité avec les normes applicables, la cour d'appel a violé l'article L. 480-7 du code de l'urbanisme. » Réponse de la Cour Vu les articles 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme et L. 480-7 du code de l'urbanisme ; 8. Aucune disposition du code de l'urbanisme ne déroge à la règle de publicité des débats lorsque la juridiction correctionnelle est saisie de toute demande relative à une astreinte prononcée en application de l'article L. 480-7 du code de l'urbanisme . 9. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que l'affaire portant sur une requête en relèvement d'astreinte prononcée en matière d'urbanisme a été appelée à une audience en chambre du conseil le 20 mars 2019 et l'arrêt prononcé en cette chambre le 2 mai 2019. 11. En examinant la demande et en rendant sa décision en chambre du conseil la cour d'appel a méconnu le sens et la portée des textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé . 12. La cassation est encourue. PAR CES MOTIFS et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens, la Cour : CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Rennes, en date du 2 mai 2019, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Rennes, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres de la cour d'appel de Rennes et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le trente et un mars deux mille vingt.
décision 19-84.756 du 31/03/2020, partie 2
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 25 MARS 2020 M. RC... M..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° U 18-26.700 contre l'arrêt rendu le 6 décembre 2018 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 7), dans le litige l'opposant à la société Essilor Luxottica, société anonyme, dont le siège est [...] , anciennement dénommée société Essilor international, défenderesse à la cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Joly, conseiller référendaire, les observations écrites de la SCP Krivine et Viaud, avocat de M. M..., de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Essilor Luxottica, après débats en l'audience publique du 26 février 2020 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Joly, conseiller référendaire rapporteur, Mme Ott, conseiller, Mme Laulom, avocat général, et Mme Piquot, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision. 1. Les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. 2. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi. EN CONSÉQUENCE, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne M. M... aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq mars deux mille vingt. MOYENS ANNEXES à la présente décision Moyens produits par la SCP Krivine et Viaud, avocat aux Conseils, pour M. M... PREMIER MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR jugé que le licenciement pour faute grave de M. M... était justifié et, en conséquence, débouté M. M... de l'ensemble de ses demandes ; AUX MOTIFS QUE, sur le licenciement pour harcèlement sexuel et moral : selon l'article L. 1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles ; si un doute subsiste, il profite au salarié ; qu'ainsi l'administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n'incombe pas spécialement à l'une ou l'autre des parties, l'employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables ; que la lettre de licenciement fixe les limites du litige ; qu'en l'espèce, la lettre de licenciement adressée le 11 octobre 2012 par la société Essilor à M. M..., indique : « il a ainsi été porté à notre connaissance que vous avez de façon régulière tenu des propos et adopté un comportement ouvertement sexistes et obscènes concernant les caractéristiques physiques et la vie intime de plusieurs de vos collaboratrices. Les invitations douteuses et comportements auxquels vous vous êtes livré pour tenter d'obtenir des actes de nature sexuelle tout comme les humiliations que vous avez infligées à vos collaboratrices sont particulièrement choquantes. Vos agissements, qui ont concerné de façon régulière des collaboratrices placées sous votre autorité hiérarchique et fonctionnelle, ont porté atteinte à leur dignité et ont nui à leurs conditions de travail dans l'entreprise. Il ressort également de nos investigations que votre comportement ne s'est malheureusement pas limité aux agissements inacceptables ci-dessus. En effet, il apparaît que vous avez régulièrement, par le biais de quolibets, imitations, moqueries, et autres humiliations porté atteinte à la dignité et aux conditions de travail d'autres collaborateurs auxquels vous témoigniez le plus grand mépris » ; que les faits reprochés par l'employeur à M. M... dans la lettre de licenciement sont donc des faits de harcèlement sexuel et de harcèlement moral à l'encontre de collaboratrices, ce qui constituent des griefs matériellement vérifiables et une motivation suffisante, au vu de l'article L. 1232-6 du code du travail ; que l'article L. 1153-1 du code du travail dispose qu'aucun salarié ne doit subir des faits : 1° soit de harcèlement sexuel, constitué par des propos ou comportements à connotation sexuelle répétés qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante;
Cour d'appel de Paris, Cour de cassation Chambre sociale, décision 18-26.700 du 25/03/2020, partie 1
2° soit assimilés au harcèlement sexuel, consistant en toute forme de pression grave, même non répétée, exercée dans le but réelle ou apparent d'obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l'auteur des faits ou au profit d'un tiers ; que l'article L. 1153-4 du code du travail précise que l'employeur doit prendre toutes les dispositions nécessaires en vue de prévenir les faits de harcèlement sexuel, d'y mettre un terme et de les sanctionner ; qu'en l'espèce, la société Essilor verse aux débats pour étayer les griefs de harcèlement sexuel les attestations de trois salariées : - une attestation datée du 30 septembre 2012 de Mme D... S..., chef de produit, dans laquelle celle-ci indique : « alors que nous avions rendez-vous devant Essilor pour du co-voiturage afin de se rendre au salon [SILMO 2011], j'arrive et je suis seule avec RC... et là commence une demande bien particulière de celui-ci : « tu peux me simuler un orgasme ? » ; je lui réponds « c'est quoi cette question ? » et ensuite du départ de Charenton et malgré la présence de B..., il a insisté pour que je simule un orgasme en criant et avec son prénom si ça pouvait m'aider. Lors d'une pause au SILMO 2011, il nous demande à B... et à moi de l'accompagner pour fumer sa cigarette et la discussion vient ensuite vers moi. RC... me dit : « tu sais que ton pantalon blanc te fait un très beau cul ? » (...). Toujours lors du SILMO 2011, retour du salon en voiture avec RC..., B..., Q..., E... et moi-même, RC... dit à B... de profiter de faire l'amour à son mari, qu'elle profite de se faire prendre avant de partir en voyage » ; « une fois, lors du passage en revue de contrats, le sujet arrive sur mes seins en disant qu'il aimait les petits seins, et que je pourrai connaître l'effet des mains d'un homme de 50 ans sur mes petits seins » ; « tout cela a pris du temps à le dévoiler car il est dur de se rendre compte immédiatement de ce que l'on subit. J'ai tourné à chaque fois ces événements sur le ton de l'humour et de la dérision pour les rendre communs, malgré tout, je ne le souhaite à personne » ; - une attestation datée du 1er octobre 2012 de Mme B... Y..., responsable marketing, qui indique : « à plusieurs reprises, JY M... s'est publiquement moqué de cette opération [sponsoring de l'élection de Miss Cameroun] et m'a interpellé pour savoir « je peux me la faire Miss Cameroun pour 4.000 € ? », « je peux la niquer ? ». Je lui ai demandé de cesser de mentionner cet événement, de surcroît devant tout le monde. JY M... n'a pas apprécié et s'en est plaint à T... V..., son prédécesseur : « elle me gonfle la B..., elle dégage, je mets N... à sa place ». Ses propos m'ont perturbé, j'ai eu une semaine d'arrêt et ai cherché à quitter le service sans succès car n'ayant pas expliqué clairement au RH le vrai motif de mon souhait de mobilité, je suis donc restée avec la crainte de me voir à nouveau dégagée sans motif valable (...). A partir de ce moment, j'ai compris qu'il pouvait être une menace à ma vie professionnelle. J'ai donc accepté tout ce qui va suivre, sa grossièreté, ses remarques déplacées, ses excès d'humour... Dans la même époque, il me demandait si je suçais le fils de notre partenaire grec. J'ai ignoré ou tenté d'esquiver pour éviter de le froisser à nouveau. Il me disait fréquemment qu'il adorait mon pantalon blanc « il te fait un cul d'enfer », « j'ai envie de t'attraper ». Il voulait savoir : « il t'a prise SN... ce week-end ? » (SN... est mon mari). (...) Lors d'un dîner à Paris organisé pour l'arrivée dans le service de K... U..., au cours de l'apéritif, il a demandé à chacun avec qui nous coucherions dans le service, à tour de rôle : « tu coucherais avec I... ? Et avec L... ? Et avec moi ? ». Une autre fois, à Istambul, nous étions à table avec notre filiale, il s'est penché derrière le dos de P. J..., et m'a murmuré : « allez embrasse-moi ». (...) J'ai été témoin d'une scène avec ma collaboratrice. Elle était assise à l'avant de sa voiture, nous partions pour le salon d'optique, c'était l'année dernière. Il a lourdement insisté pour qu'elle lui imite un orgasme, en criant son prénom. Nous n'avons pas osé lui dire de se taire. C'est un service entier qui a été balloté au gré de ses conspirations » ; - une attestation datée du 1er octobre 2012 de Mme Q... F..., animatrice commerciale export, qui rapporte les échanges avec M. M... sur messagerie professionnelle, notamment le 24 février 2011, au cours duquel M. M..., qui est toujours à l'initiative des échanges produits (versés aux débats par ailleurs), lui demande ce qu'elle est prête à accepter, y compris « me marier avec moi ? » ;
Cour d'appel de Paris, Cour de cassation Chambre sociale, décision 18-26.700 du 25/03/2020, partie 2
l'échange du 25 novembre 2010 au cours duquel M. M... indique à Mme F... qu'il y avait « Emmanuelle 2 à la télé en deuxième partie de soirée », et « est ce qu'il y avait un symposium chez les F... ce soir-là ? » ; l'échange du 6 juin 2012, au cours duquel M. M... demande « j'ai le droit de te dire que tu es magnifiquement belle aujourd'hui ? » et « peut-être quand même que les bas résilles sont un peu de trop » ; que dans son attestation, Mme F... expose également « qu'un matin en arrivant à 7h30, M. M... m'a attrapé le bras et m'a fait entrer dans une salle de réunion, à 10 cm de mon visage, il m'a dit « tu es taureau moi scorpion, il y a 5% de chance pour que ça marche mais si ça marche, ce sera explosif » ; que M. M... conteste avoir tenu une partie de ces propos, et indique qu'il s'agissait d'une ambiance de familiarités réciproques, les trois collaboratrices se montrant elles-mêmes familières et parfois provocantes avec lui ; que toutefois, il résulte des échanges de courriels et de messageries professionnelles versés aux débats que même si les relations entre M. M... et Mme Y... sont clairement familières et amicales, et que si Mme F... répond aux « chats » professionnels de M. M..., les allusions sexuelles et les propos déplacés ne sont tenus que par M. M..., et ne sont jamais relancés ou provoqués par les deux collaboratrices ; que par ailleurs, M. M... ne justifie pas d'une proximité avec Mme S..., alors que les faits rapportés par celle-ci sont précis, datés et circonstanciés, et confirmés en partie par l'attestation de Mme Y... ; que M. M... soutient également que ses collaboratrices n'ont jamais fait état de ces faits antérieurement à septembre 2012, et indique qu'aucune remarque n'a jamais été faite lors des entretiens d'évaluation ; que toutefois, ces entretiens d'évaluation étant menés par M. M... lui-même de sorte qu'il ne peut être tiré aucune conséquence de l'absence de remarques par les collaboratrices évaluées compte tenu de la qualité de supérieur hiérarchique de l'intéressé ; que d'ailleurs, Mme Y... et Mme S... précisent n'avoir pas osé auparavant faire état de ces propos déplacés en raison de leur rapport hiérarchique avec M. M... et de la supposée passivité du service des ressources humaines de la société Essilor, la révélation de ces faits par les salariées étant intervenue lors d'entretiens de carrière organisés par un intervenant extérieur avec les membres de l'équipe de M. M... ; qu'au vu des attestations circonstanciées et corroborées par les échanges de messageries professionnelles, il apparaît que M. M... entretenait une confusion entre sphères privée et professionnelle avec ses subordonnées hiérarchiques et collaboratrices directes, et tenait des propos à connotation sexuelle totalement inadaptés à leur égard, ce qui caractérise les faits de harcèlement sexuel ; que quant au grief de harcèlement moral, la société Essilor verse aux débats l'attestation datée du 1er octobre 2012 de Mme H... G..., responsable support commercial international, qui indique « dans le cadre de l'organisation Amera ; isolement, aucune participation aux réunions, dénigrement systématique de mon service, propos rapportés « les nuls du bail office », « elle sert à rien », « je vais la virer », « la douairière », « la vieille » » ; qu'elle précise qu'il tient des propos systématiquement négatifs vis à vis des nouveaux entrants, qu'il l'accuse de « poser mes gros seins sur l'épaule de W... », qu'il la dénigre de manière répété auprès de P. O..., qu'il l'a chaque fois poussé aux larmes sans aucune raison valable si ce n'est celle d'arriver à cette situation où, fragilisée, elle ne pouvait ou ne savais que faire ; qu'elle ajoute qu'il a tout fait pour l'isoler, sans aucun respect pour le travail accompli et qu'il a exercé une pression morale insidieuse et en ayant des mots difficiles à entendre en ce qui concernait son aspect physique ; que cette attestation est corroborée par l'attestation de Mme S..., qui indique que M. M... dénigrait quasi quotidiennement certaines personnes de l'équipe en disant qu'il virerait H... car elle était nulle, que R... et A... ne servaient à rien et qu'il les dégagerait, qu'il imitait de manière permanente des personnes de l'équipe ; que Mme Y... indique que chacun notre tour, ils ont fait partie de sa liste noire « H..., la mère supérieure, qu'il allait renvoyer chez 3BGR, R... qu'il enculait profond, W... le petit comptable de merde, cette conne de X... qui ne sait rien foutre, I... qu'il allait faire tomber de son piédestal, etc... qu'elle précise que leur peur à tous, la sienne dans tous les cas, était liée à son pouvoir de manipulation et à sa force de conviction dont il usait et abusait auprès de la direction générale ; que M. M... conteste le harcèlement moral à l'encontre de Mme G..., en indiquant que celle-ci a qualifié l'entretien professionnel du 14 mars 2011 de « convivial et constructif, points de vue et conclusions partagées », et précisé, concernant celui du 24 avril 2012 « bon niveau d'échange global avec JYD » ;
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que toutefois, le bon déroulement de ces entretiens professionnels ponctuels ne suffit pas à anéantir les attestations multiples et concordantes versées aux débats, qui font état de propos injurieux et insultants à l'égard de collaborateurs directs, et notamment de Mme H... G... ; qu'il résulte de ces éléments que les propos et agissements de M. M... ont eu pour effet de porter atteinte à la dignité de Mme H... G..., et de créer à son endroit un environnement humiliant, dégradant ses conditions de travail, au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail ; que le grief de harcèlement moral inscrit dans la lettre de licenciement est donc démontré ; qu'au vu de la preuve de l'existence des deux griefs de harcèlement sexuel et de harcèlement moral invoqués dans la lettre de licenciement du 11 octobre 2012 à l'encontre de M. M..., son licenciement pour faute grave est justifié ; qu'il convient donc d'infirmer le jugement de première instance sur ce point ; que les demandes financières de M. M... découlant du licenciement sans cause réelle et sérieuse seront rejetées, et le jugement de première instance sera infirmé également sur les condamnations prononcées de ce chef ; que sur les actions de performance : le licenciement de M. M... pour faute grave étant justifié, il n'y a pas lieu de l'indemniser pour la perte des 1425 actions qu'il aurait obtenues s'il avait encore été présent dans la société Essilor au 25 novembre 2012, et les 2310 actions qu'il aurait obtenues s'il avait encore été présent au 24 novembre 2013 ; que le jugement de première instance est donc infirmé en ce qu'il a condamné la société Essilor à verser à M. M... la somme de 420.000 € au titre de la perte de chance ; 1°) ALORS QUE la lettre de licenciement doit énoncer des griefs précis et matériellement vérifiables ; qu'après avoir rappelé que « la lettre de licenciement adressée le 11 octobre 2012 par la société Essilor à M. M..., indiqu[ait] : « il a ainsi été porté à notre connaissance que vous avez de façon régulière tenu des propos et adopté un comportement ouvertement sexiste et obscène concernant les caractéristiques physiques et la vie intime de plusieurs de vos collaboratrices. Les invitations douteuses et comportements auxquels vous vous êtes livré pour tenter d'obtenir des actes de nature sexuelle tout comme les humiliations que vous avez infligées à vos collaboratrices sont particulièrement choquantes. Vos agissements, qui ont concerné de façon régulière des collaboratrices placées sous votre autorité hiérarchique et fonctionnelle, ont porté atteinte à leur dignité et ont nui à leurs conditions de travail dans l'entreprise. Il ressort également de nos investigations que votre comportement ne s'est malheureusement pas limité aux agissements inacceptables ci-dessus. En effet, il apparaît que vous avez régulièrement, par le biais de quolibets, imitations, moqueries, et autres humiliations porté atteinte à la dignité et aux conditions de travail d'autres collaborateurs auxquels vous témoigniez le plus grand mépris » », la cour d'appel a considéré que « les faits reprochés par l'employeur à M. M... dans la lettre de licenciement sont donc des faits de harcèlement sexuel et de harcèlement moral à l'encontre de collaboratrices, ce qui constituent des griefs matériellement vérifiables et une motivation suffisante, au vu de l'article L. 1232-6 du code du travail » ; qu'en statuant ainsi, quand la lettre de licenciement ne mentionnait, ni la date des faits imputés à faute, ni la nature exacte des agissements reprochés, ni l'identité des salariés qui en auraient été victimes - cependant pourtant que les attestations de Mmes G..., S..., Y... et F... versées aux débats par l'employeur au soutien de la mesure de licenciement étaient toutes datées, soit du 30 septembre, soit du 1er octobre 2012, de sorte que l'employeur disposait à la date du congédiement de tous les éléments utiles à la description des faits imputés à faute -, si bien que les motifs de la lettre de licenciement n'étaient pas suffisamment précis et matériellement vérifiables pour fixer les limites du litige, la cour d'appel a violé l'article L. 1232-6 du code du travail en sa rédaction applicable au litige ; 2°) ALORS QUE la loi nouvelle prévoyant une sanction ayant le caractère d'une punition n'a pas d'effet rétroactif ; qu'en faisant dès lors application de l'article L. 1153-1 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n° 2012-954 du 6 août 2012, quand ce texte, qui prévoyait la sanction des agissements de harcèlement sexuel ayant un caractère de punition, ne pouvait s'appliquer à des faits antérieurs à son entrée en vigueur, la cour d'appel, qui n'a pas constaté que les faits de harcèlement sexuel prétendument commis par M. M... auraient été commis le 8 août 2012 ou postérieurement, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 8 7 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, ensemble l'article 7 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; 3°) ALORS, subsidiairement, QUE la loi nouvelle, à laquelle le législateur n'a pas expressément reconnu d'effet rétroactif , n'est pas applicable aux faits commis antérieurement à son entrée en vigueur ;
Cour d'appel de Paris, Cour de cassation Chambre sociale, décision 18-26.700 du 25/03/2020, partie 4
qu'en faisant dès lors application de l'article L. 1153-1 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n° 2012-954 du 6 août 2012, pour dire le harcèlement sexuel caractérisé et constitutif de la faute grave, quand ce texte n'était pas applicable au litige, la cour d'appel, qui n'a pas constaté que les faits de harcèlement sexuel imputés à M. M... auraient été commis le 8 août 2012 ou postérieurement, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2 du code civil, ensemble la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002, la loi n° 2012-954 du 6 août 2012 et le principe de non-rétroactivité de la loi nouvelle ; 4°) ALORS, en tout état de cause, QUE selon l'article L. 1153-1 du code du travail dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2012-954 du 6 août 2012 « les agissements de harcèlement de toute personne dans le but d'obtenir des faveurs de nature sexuelle à son profit ou au profit d'un tiers sont interdits » ; que, pour dire que M. M... avaient commis des actes de harcèlement sexuel, la cour d'appel a retenu qu'il « entretenait une confusion entre sphères privée et professionnelle avec ses subordonnées hiérarchiques et collaboratrices directes, et tenait des propos à connotation sexuelle totalement inadaptés à leur égard, ce qui caractérise les faits de harcèlement sexuel » ; qu'en statuant ainsi, sans caractériser l'existence d'agissements commis par M. M... dans le but d'obtenir des faveurs de nature sexuelle à son profit ou au profit d'un tiers, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 1153-1 du code du travail dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2012-954 du 6 août 2012 ; 5°) ALORS, en tout état de cause, QUE la preuve de la faute grave pèse sur l'employeur ; qu'en décidant, au contraire, que « selon l'article L. 1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles ; si un doute subsiste, il profite au salarié », si bien que « l'administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n'incombe pas spécialement à l'une ou l'autre des parties, l'employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables », la cour d'appel a violé les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ; 6°) ET ALORS, en tout état de cause, QUE la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; qu'en se bornant dès lors à retenir, pour dire la faute grave caractérisée, qu'« au vu de la preuve de l'existence des deux griefs de harcèlement sexuel et de harcèlement moral invoqués dans la lettre de licenciement du 11 octobre 2012 à l'encontre de M. M..., son licenciement pour faute grave est justifié », sans caractériser précisément et concrètement en quoi les faits imputés à faute à M. M... rendaient impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée limitée du préavis, la cour d'appel a derechef violé les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail. SECOND MOYEN DE CASSATION (subsidiaire) Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté M. RC... M... de sa demande de dommages et intérêts en raison de la perte de ses actions de performance ; AUX MOTIFS QUE, sur les actions de performance : le licenciement de M. M... pour faute grave étant justifié, il n'y a pas lieu de l'indemniser pour la perte des 1425 actions qu'il aurait obtenues s'il avait encore été présent dans la société Essilor au 25 novembre 2012, et les 2310 actions qu'il aurait obtenues s'il avait encore été présent au 24 novembre 2013 ; que le jugement de première instance est donc infirmé en ce qu'il a condamné la société Essilor à verser à M. M... la somme de 420.000 € au titre de la perte de chance ; 1. ALORS QUE la privation de l'attribution d'actions de performance résultant du prononcé du licenciement est une sanction pécuniaire prohibée par les dispositions de l'article L. 1331-2 du code du travail ; qu'en déboutant dès lors M. RC... M... de sa demande de dommages et intérêts en raison de la perte de ses actions de performance, motifs pris de la légalité du licenciement pour faute grave prononcée à son encontre l'ayant contraint à quitter l'entreprise avant la date de réalisation des actions de performance qui lui était attribuée au 25 novembre 2012 et au 24 novembre 2013, la cour d'appel a violé l'article L. 1331-2 du code du travail; 2. ALORS QUE l'employeur n'est pas admis à sanctionner deux fois les mêmes faits ;
Cour d'appel de Paris, Cour de cassation Chambre sociale, décision 18-26.700 du 25/03/2020, partie 5
que la privation de l'attribution d'actions de performance en raison du prononcé d'un licenciement disciplinaire s'analyse en une seconde sanction reposant sur les mêmes faits que ceux ayant justifié la notification du congédiement ; que, dès lors, en déboutant M. RC... M... de sa demande de dommages-intérêts en raison de la perte de ses actions de performance, motifs pris de la légalité du licenciement pour faute grave prononcée à son encontre, la cour d'appel a donc violé l'article L. 1331-2 du code du travail ; 3. ALORS, subsidiairement, QUE la privation de l'attribution d'actions de performance résultant du prononcé du licenciement ne peut être mise en oeuvre que dans le respect du principe de proportionnalité ; qu'en l'espèce, pour débouter M. RC... M... de sa demande de dommages et intérêts en raison de la perte de ses actions de Performance, la cour d'appel s'est bornée à constater que « le licenciement de M. M... pour faute grave étant justifié, il n'y a[vait] pas lieu de l'indemniser pour la perte des 1.425 actions qu'il aurait obtenues s'il avait encore été présent dans la société Essilor au 25 novembre 2012, et les 2.310 actions qu'il aurait obtenues s'il avait encore été présent au 24 novembre 2013 » ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le principe de proportionnalité, ensemble l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ; 4. ALORS, plus subsidiairement, QUE la privation de l'attribution d'actions de performance résultant du prononcé du licenciement ne peut être mise en oeuvre que dans le respect du principe de proportionnalité ; qu'en l'espèce, pour débouter M. RC... M... de sa demande de dommages et intérêts en raison de la perte de ses actions de Performance, la cour d'appel s'est bornée à constater que « le licenciement de M. M... pour faute grave étant justifié, il n'y a[vait] pas lieu de l'indemniser pour la perte des 1.425 actions qu'il aurait obtenues s'il avait encore été présent dans la société Essilor au 25 novembre 2012, et les 2.310 actions qu'il aurait obtenues s'il avait encore été présent au 24 novembre 2013 » ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu le principe de proportionnalité au regard du droit de chacun au respect de ses biens, partant a violé l'article 1er du protocole n° 1 additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
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R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 18 MARS 2020 La société Presstalis, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , a formé les pourvois n° X 19-12.493, Y 19-12.494, Z 19-12.495, A 19-12.496, B 19-12.497 et C 19-12.498 contre six arrêts rendus le 18 décembre 2018 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 11), dans les litiges l'opposant respectivement : 1°/ à M. L... V..., domicilié [...] , 2°/ à M. X... U..., domicilié [...] , 3°/ à M. J... T..., domicilié [...] , 4°/ à M. K... R..., domicilié [...] , 5°/ à M. I... N..., domicilié [...] , 6°/ à M. Q... B..., domicilié [...] , défendeurs à la cassation. La demanderesse aux pourvois invoque, à l'appui de ses recours, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Ala, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat de la société Presstalis, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de MM. V..., U..., T..., R..., N... et B..., après débats en l'audience publique du 12 février 2020 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Ala, conseiller référendaire rapporteur, Mme Monge, conseiller, Mme Rémery, avocat général, et Mme Dumont, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Jonction 1. En raison de leur connexité, les pourvois n° X 19-12.493 à C 19-12.498 sont joints. Faits et procédure 2. Selon les arrêts attaqués ( Paris, 18 décembre 2018), M. V... et cinq autres salariés de la société Nouvelles messageries de la presse parisienne (ci-après la NMPP) ont été affectés au sein de l'établissement Paris diffusion presse (ci-après l'établissement PDP). 3. Au cours de l'année 2003, la société NMPP a créée une filiale, la société presse Paris service ( ci-après la société SPPS), à laquelle a été transférée, à compter du 1er juillet 2004, l'activité de l'établissement PDP. 4. Le 2 décembre 2003, la société NMPP et les organisations syndicales, ont signé un protocole d'accord prévoyant le statut du personnel de la filiale mentionnant qu'entre le 1er janvier 2004 et le 30 juin 2006 les salariés de la société NMPP seraient détachés, conserveraient le bénéfice de leur statut NMPP et percevraient une prime différentielle destinée à garantir leur niveau de rémunération. 5. Cet accord, qui prévoyait la possibilité pour les salariés d'anticiper la date de leur transfert, a été suivi d'un plan de modernisation daté du 8 avril 2004 prévoyant, au bénéfice des salariés qui feraient ce choix, le versement d'une indemnité forfaitaire à condition de renoncer à certaines garanties au moment de leur transfert. 6. M. V... et cinq autres salariés ont opté pour un transfert immédiat au 1er juillet 2004 au sein de la société SPPS moyennant le versement de l'indemnité forfaitaire. 7. Le 21 avril 2006, un protocole concernant les salariés transférés le 30 juin 2006 a été conclu. Les salariés transférés à cette date ont intégré la société SPPS au sein d'un « groupe fermé ». 8. Dans le courant de l'année 2009 la société Presstalis est venue aux droits de la société NMPP. 9. A la suite d'une opération de restructuration, il a été décidé, à compter du 1er octobre 2013, de la fermeture de la filiale SPPS et du transfert des contrats de travail à la société Presstalis. 10. Se plaignant d'une différence de traitement injustifiée avec les salariés appartenant au « groupe fermé », M. V... et cinq autres salariés ont saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes. Examen des moyens Sur le troisième moyen, ci-après annexé 11. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen Enoncé du moyen 12. L'employeur fait grief aux arrêts de rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription des demandes et de le condamner au paiement de sommes, alors « qu''il résulte de la combinaison des articles L 1471-1, L. 3245-1 du code du travail et 2224 du code civil que la prescription de l'action en paiement du salaire et de l'action en paiement de dommages-intérêts court à compter du jour où le salarié a connu ou aurait dû connaître les faits qui lui permettent de l'exercer ;
Cour d'appel de Paris L2, Cour de cassation Chambre sociale, décision 19-12.493 du 18/03/2020, partie 1
qu'il était constant en l'espèce que les salariés défendeurs au pourvoi, transférés de la société NMPP dès le 1er juillet 2004 au sein de la société SPPS moyennant le versement d'une indemnité forfaitaire nette de 72 000 euros, fondent leurs demandes de rappels de salaires et indemnitaires sur une prétendue inégalité de traitement par rapport aux salariés de la société NMPP dont le transfert au sein de la société SPPS avait été retardé au 30 juin 2006 à l'issue d'une période transitoire, lesquels avaient perçu à compter de cette date une « prime différentielle » destinée à compenser la perte du statut NMPP, que les salariés défendeurs au pourvoi ne percevaient pas ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt que selon les termes de l'accord du 2 décembre 2003, les salariés ayant opté pour un transfert retardé devaient être au plus tard transférés le 30 juin 2006 au sein de la société SPPS et percevoir à compter de cette date la « prime différentielle » si bien que les défendeurs au pourvoi avaient au moins dès cette date été en mesure de constater la différence de rémunération avec leurs collègues ; qu'en affirmant que les défendeurs au pourvoi n'avaient pu disposer des éléments de comparaison mettant en évidence la différence de traitement qu'au moment de leur réintégration au sein de la société NMPP, soit en octobre 2013, sans expliquer ce qui les avait empêchés de connaître le montant de la rémunération perçue par leurs collègues depuis que ces derniers avaient fait leur entrée au sein de la société SPPS au plus tard le 30 juin 2006 soit sept ans plus tôt, ni préciser comment la différence de traitement leur avait été révélée le 1er octobre 2013, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L 1471-1, L. 3245-1 du code du travail et 2224 du code civil. » Réponse de la Cour 13. La cour d'appel, qui a retenu que ni le protocole d'accord du 2 décembre 2003, ni le plan de modernisation du 8 avril 2004 ne permettaient aux salariés transférés le 1er juillet 2004 d'être éclairés sur la nature de leurs droits, que la preuve n'était pas rapportée qu'ils aient eu connaissance des termes du protocole du 21 avril 2006 concernant les salariés transférés après eux emportant maintien des droits auxquels le premier accord emportait renonciation, et qu'ils n'avaient pu disposer des éléments de comparaison mettant en évidence la différence de traitement qu'au moment de la réintégration le 1er octobre 2013 a, sans avoir à procéder à une recherche qui ne lui était pas demandée, et précisant l'événement par lequel les salariés avaient eu connaissance des faits leur permettant d'exercer leur action, légalement justifié sa décision. Sur le deuxième moyen Enoncé du moyen 14. L'employeur fait grief aux arrêts de le condamner au paiement de rappels de salaires, congés payés afférents et dommages-intérêts pour inexécution de bonne foi des contrats de travail alors : « 1°/ que les salariés qui bénéficient tous, en vertu d'un accord collectif portant sur une opération de transfert d'activité, d'une option entre deux modalités de transfert, ne peuvent imputer à l'employeur la différence de traitement qui résulte de l'exercice de cette option ; que le protocole d'accord sur la modernisation de Paris diffusion presse (PDP) conclu le 2 décembre 2003 par la société NMPP avec les organisations syndicales prévoyait dans le cadre du transfert de l'activité de la société NMPP au profit de la société SPPS de différer le transfert des contrats de travail à l'issue d'une période transitoire, pendant laquelle les salariés seraient détachés au sein de la société SPPS, tout en laissant la possibilité aux salariés concernés d'opter pour leur transfert immédiat dès le 1er juillet 2004 ; que dans le prolongement de cet accord, le plan de modernisation de PDP du 8 avril 2004 élaboré dans le cadre du Livre III prévoyait que les salariés pourraient opter entre leur transfert dès le 1er juillet 2004 au sein de la société SPSS moyennant le versement d'une indemnité nette de 72 000 euros en contrepartie de leur renonciation à bénéficier de certaines garanties de transfert, et le bénéfice d'une période transitoire de détachement prenant fin au plus tard le 30 juin 2006 à l'issue de laquelle ils seraient transférés au sein de la société SPPS et bénéficieraient d'une prime différentielle à titre d'avantage acquis destinée à compenser la perte du statut NMPP, dont le montant serait évalué lors de leur transfert ; qu'en retenant que l'allocation d'une indemnité forfaitaire aux salariés optant pour un transfert immédiat les privait du bénéfice de la prime différentielle réservée aux salariés ayant opté pour le transfert différé, pour en déduire l'existence d'une différence de traitement injustifiée imputable à la société NMPP et devant être réparée, lorsque la différence de traitement trouvait sa source non pas dans l'accord collectif et le plan élaboré en concertation avec les organisations syndicales qui offraient à tous les salariés la même faculté de choix entre les deux options, mais dans l'exercice de ce choix effectué par chaque salarié, la cour d'appel a violé le principe d'égalité ;
Cour d'appel de Paris L2, Cour de cassation Chambre sociale, décision 19-12.493 du 18/03/2020, partie 2
2°/ que le principe d'égalité n'a lieu de s'appliquer qu'aux salariés placés dans une situation identique au regard de l'avantage en cause ; que sont dans des situations différentes les salariés dont le transfert est intervenu de manière anticipée auprès de l'entreprise d'accueil moyennant le bénéfice d'une indemnité forfaitaire globale nette en contrepartie de la soumission au statut de cette dernière, et ceux qui, détachés dans un premier temps auprès de l'entreprise d'accueil, sont demeurés salariés de l'entreprise d'origine jusqu'à leur transfert intervenu plusieurs années après; qu'il était constant en l'espèce que selon le protocole d'accord sur la modernisation PDP du 2 décembre 2003 et le plan de modernisation PDP devenu SPPS du 8 avril 2004, les salariés ayant été immédiatement transférés dès le 1er juillet 2004 au sein de la société SPPS avaient perçu en contrepartie de leur renonciation au statut NMPP le versement d'une indemnité forfaitaire nette de 72 000 euros, tandis que ceux dont le transfert avait été différé à l'issue de leur période de détachement au sein de la société SPPS au 30 juin 2006, devaient bénéficier d'une prime différentielle mensuelle qui serait calculée au moment de leur transfert destinée à compenser la perte du statut NMPP ; qu'en retenant que l'allocation d'une indemnité forfaitaire aux salariés optant pour un transfert immédiat les privait du bénéfice de la prime différentielle réservée aux salariés ayant opté pour le transfert différé, pour en déduire l'existence d'une différence de traitement injustifiée et imputable à la société NMPP devant être réparée, lorsque les salariés n'étaient pas dans une situation identique au regard de la compensation de la perte du statut NMPP, la cour d'appel a violé le principe d'égalité de traitement par fausse application ; 3°/ que le principe d'égalité n'a lieu de s'appliquer qu'aux salariés placés dans une situation identique au regard de l'avantage en cause ; que sont dans des situations différentes au regard de la structure de leur rémunération, les salariés ayant fait le choix d'anticiper de deux ans leur transfert auprès de l'entreprise d'accueil moyennant le bénéfice d'une indemnité forfaitaire globale nette et la soumission au statut de cette dernière, et ceux qui, détachés dans un premier temps auprès de l'entreprise d'accueil, sont demeurés salariés de l'entreprise d'origine conservant ainsi leur structure de rémunération d'origine jusqu'à leur transfert ; qu'il était constant en l'espèce que les salariés ayant fait le choix, en contrepartie du versement d'une indemnité forfaitaire nette de 72 000 euros, d'être transférés dès le 1er juillet 2004 au sein de la société SPPS, avaient renoncé à la structure de leur rémunération NMPP, tandis que ceux dont le transfert avait été différé à l'issue de leur période de détachement au sein de la société SPPS au 30 juin 2006, qui étaient demeurés salariés de la société NMPP, l'avaient conservée ; qu'en jugeant que le fait pour l'accord du 21 avril 2006 d'exclure les salariés ayant opté pour un transfert dès le 1er juillet 2004, de la mesure conservant la structure de la rémunération NMPP aux salariés dont le transfert allait intervenir à l'issue de leur période de détachement, ne se justifiait par aucun élément objectif et pertinent qui ne pouvait résulter de la seule antériorité de leur transfert, lorsque les salariés n'étaient pas dans une situation identique au regard de la structure de leur rémunération à la date de conclusion de l'accord, la cour d'appel a violé le principe d'égalité de traitement par fausse application. » Réponse de la Cour 15. La cour d'appel a retenu que le dispositif initial prévu par le protocole du 2 décembre 2003 ne créait pas, en lui même, une inégalité de traitement. Elle a, en revanche, estimé qu'il apparaissait, d'une part, que la différence de salaire entre les salariés et ceux appartenant au « groupe fermé » n'était couverte, par l'indemnité forfaitaire, que jusqu'au 5 février 2013 et, d'autre part, que l'adoption du protocole d'accord du 21 avril 2006 avait créé une différence de traitement tant à l'égard de la structure de la rémunération que des garanties statuaires accordées aux salariés ce dont elle a déduit que les salariés avaient, au moins à partir de 2006, été victimes d'une inégalité de traitement qui s'était aggravée au mois de février 2013. Il en ressort qu'elle n'a pas retenu que le versement d'une indemnité forfaitaire en lieu et place de l'indemnité différentielle prévu par le dispositif initial était constitutif d'une inégalité de traitement injustifiée. Le moyen, pris en ses deux premières branches, manque par le fait qui lui sert de base. 16. La cour d'appel a retenu que l'adoption du protocole d'accord du 21 février 2006 avait créé une différence de traitement tant au regard de la structure de la rémunération que des garanties statutaires accordées aux salariés et estimé que l'exclusion, par cet accord, des salariés ayant opté pour un transfert immédiat ne reposait sur aucune justification objective et pertinente. Le moyen, pris en sa troisième branche, qui critique uniquement les motifs se rapportant à la structure de la rémunération sans porter sur les motifs par lesquels la cour d'appel a retenu que la différence de traitement concernant les garanties statutaires à laquelle aboutissait l'accord du 21 février 2006 n'était pas justifiée, est inopérant.
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17. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE les pourvois ; Condamne la société Presstalis aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Presstalis et la condamne à payer à MM. V..., U..., T..., R..., N... et B... la somme globale de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit mars deux mille vingt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits aux pourvois par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Presstalis. PREMIER MOYEN DE CASSATION IL EST FAIT GRIEF aux arrêts attaqués d'AVOIR rejeté la fin de non-recevoir issue d'une prescription des demandes, et d'AVOIR en conséquence condamné la société Presstalis à payer aux salariés diverses sommes à titre de rappels de salaires, congés payés afférents, dommages et intérêts en réparation de leur préjudice pour inexécution de bonne foi du contrat de travail, et au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel AUX MOTIFS QUE « En 2003, la société NMPP a créé une filiale, la société Presse Paris Services (SPPS), à laquelle a été transférée l'activité de l'établissement PDP à compter du 1er juillet 2004. Ce transfert a fait l'objet de négociations préalables avec les organisations syndicales représentatives qui ont abouti le 2 décembre 2003 à la signature d'un protocole d'accord d'entreprise prévoyant notamment le statut du personnel de la filiale créée et, pour les ouvriers: - le montant de la rémunération (salaire brut annuel fixé à 36.658 € pour un travail de nuit et à 31.877 € pour un travail de jour) (article 2.1) ; - une période transitoire où les salariés «seront détachés et pourront à ce titre conserver leur statut NMPP» entre le 1er janvier 2004 et le 30 juin 2006, date à laquelle les contrats de travail seront transférés «dans le respect des dispositions légales» ; - la précision que «les salariés pourront demander la cessation de leur détachement et anticiper leur transfert dans la nouvelle filiale au plus tard jusqu'au 31 décembre 2005» ; - l'article 3.2.1 prévoyait qu'en complément de la rémunération définie à l'article 2.1, les ouvriers transférés bénéficieraient «d'une prime différentielle», leur garantissant un niveau de rémunération équivalent à celui du coefficient 133 du barème NMPP, ancienneté comprise à hauteur de 20%, plus la prime de fonction de commis ; cette prime serait évaluée à la date du transfert, indexée sur les augmentations générales du barème, les parties convenant que cette prime différentielle, attribuée à titre individuel en tant qu'avantage acquis fera partie intégrante du contrat de travail et en tant que telle octroyée à durée indéterminée. Dans le plan de modernisation du 8 avril 2004 présenté aux institutions représentatives du personnel, il a été prévu une modalité particulière pour les salariés faisant le choix, moyennant le versement d'une indemnité de 72.000 € nets de CSG et de CRDS, de renoncer, dès leur transfert (mis en oeuvre le 1er juillet 2004) aux garanties suivantes : - période de détachement, - garanties de reclassement, - garanties de rémunération, - garanties du droit à réintégration (pour candidater sur un emploi au sein de la société NMPP ou bénéficier des mesures d'âge y étant mises en oeuvre), - indemnité de filialisation de 4.000 €. Le salarié a opté pour un transfert immédiat au 1er juillet 2004 au sein de la société Presse Paris Services et a perçu l'indemnité de 72.000 €. Il a signé un nouveau contrat de travail avec la société PPS le 19 juillet 2014 mentionnant qu'il « a accepté ce transfert en toute connaissance de cause et en particulier, après avoir pris connaissance des dispositions du protocole d'accord et du plan de sauvegarde de l'emploi. En signant ce contrat, Monsieur A. adhère au nouveau statut individuel et collectif de la société SPPS». A l'issue de la période transitoire, un nouveau protocole a été conclu avec les organisations syndicales concernant le transfert des salariés qui étaient restés «détachés», prévoyant notamment pour ces salariés et à l'exclusion de ceux ayant, tel l'appelant, opté pour un transfert immédiat : - le maintien des rubriques de paie de la société NMPP, - un maintien «d'un lien contractuel suspendu» avec la société NMPP, - le droit à réintégration pour bénéficier des mesures d'âge prises au sein de la société NMPP, -le droit à réintégration au cas où SPPS connaîtrait des difficultés économiques la contraignant à se restructurer ou à réduire ses effectifs » ET AUX MOTIFS QUE « Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription des demandes
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Rappelant que le conseil de prud'hommes a été saisi le 23 janvier 2014, la société Presstalis soutient que les demandes découlant du contrat de travail transféré le 1er juillet 2004 sont prescrites pour les demandes indemnitaires relatives à l'exécution du contrat de travail, depuis le 19 juin 2013, et pour les revendications salariales depuis le 1er juillet 2009. Le salarié soutient qu'il n'a pu avoir connaissance de l'inégalité de traitement qu'à compter du jour où il a eu l'information de la différence de rémunération avec les salariés «du groupe fermé» soit au jour de son retour dans la société Presstalis le 1er janvier 2014, jour où les montants salariaux ont été portés à sa connaissance par l'accord d'entreprise Presstalis, soutenant que son consentement a été vicié par les manoeuvres de la société qui lui a fait croire que l'application des principes légaux de transfert des contrats de travail s'effectuait par la signature d'un nouveau contrat. Les délais de prescription applicables aux demandes du salarié ont fait l'objet, depuis la date du transfert de modifications successives par l'effet des lois n° 2008-561 du 17 juin 2008 et n° 2013-504 du 14 juin 2013. L'article L. 3245-1 du code du travail, dans ses dispositions applicables à la date de la saisine, dispose que l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou lorsque le contrat est rompu, sur les sommes dues au titre des années précédant la rupture du contrat. S'agissant des demandes indemnitaires, en vertu de l'article L. 1471-1, le délai de prescription est de deux ans pour toute action portant sur l'exécution ou la rupture du contrat, le délai courant à compter du jour où le salarié a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit. Enfin, les dispositions réduisant les délais de prescription s'appliquent à celles qui sont en cours à compter de la promulgation de la loi nouvelle sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure. Il ne peut être valablement soutenu que le salarié a eu connaissance de la différence de traitement qu'il invoque en signant «en toute connaissance de cause le contrat conclu avec la SPPS». En effet, d'une part, il ne résulte ni des termes de ce contrat, ni de ceux du protocole d'accord du 2 décembre 2003 ni du plan de modernisation présenté aux institutions représentatives du personnel en avril 2004 que l'ensemble de ces documents emportaient renonciation du salarié aux dispositions d'ordre public de l'article L. 1224-1 du code du travail dont les parties reconnaissent qu'il était normalement applicable ; la mention dans le contrat selon laquelle celui-ci «devrait être transféré en l'état en application des dispositions légales» était en effet en parfaite contradiction avec celle portée au protocole d'accord qui mentionnait lui que les transferts avaient lieu «dans le respect des dispositions légales» (page 12 du protocole), cette contradiction étant de nature à créer une confusion sur l'étendue des droits du salarié. D'autre part, les modalités de calcul de la «prime différentielle» qui seraient appliquées, certes précisées dans l'accord collectif et dans le plan de modernisation, ne permettaient pas au salarié de comparer utilement l'indemnité qui lui était offerte en cas d'option pour un transfert immédiat avec une prime qui serait éventuellement ultérieurement attribuée aux candidats à un transfert postérieur. Enfin, le salarié ne pouvait évidemment pas avoir connaissance du protocole qui ne serait signé que deux ans plus tard (le 21 avril 2006) qui en réalité a amélioré le sort des salariés transférés en 2006 en leur maintenant des droits auxquels le 1er accord emportait renonciation. Aucune pièce ne permet par ailleurs de retenir que cet accord a été porté à la connaissance du salarié. En conséquence, la cour retiendra que le salarié n'a pu disposer des éléments de comparaison mettant en évidence la différence de traitement qu'au moment de la réintégration au sein de la société NMPP, soit en octobre 2013. Ses demandes sont par conséquent recevables » ALORS QU' il résulte de la combinaison des articles L 1471-1, L. 3245-1 du Code du travail et 2224 du Code civil que la prescription de l'action en paiement du salaire et de l'action en paiement de dommages et intérêts court à compter du jour où le salarié a connu ou aurait dû connaître les faits qui lui permettent de l'exercer ;
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qu'il était constant en l'espèce que les salariés défendeurs au pourvoi, transférés de la société NMPP dès le 1er juillet 2004 au sein de la société SPPS moyennant le versement d'une indemnité forfaitaire nette de 72 000 euros, fondent leurs demandes de rappels de salaires et indemnitaires sur une prétendue inégalité de traitement par rapport aux salariés de la société NMPP dont le transfert au sein de la société SPPS avait été retardé au 30 juin 2006 à l'issue d'une période transitoire, lesquels avaient perçu à compter de cette date une « prime différentielle » destinée à compenser la perte du statut NMPP, que les salariés défendeurs au pourvoi ne percevaient pas; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt que selon les termes de l'accord du 2 décembre 2003, les salariés ayant opté pour un transfert retardé devaient être au plus tard transférés le 30 juin 2006 au sein de la société SPPS et percevoir à compter de cette date la « prime différentielle » si bien que les défendeurs au pourvoi avaient au moins dès cette date été en mesure de constater la différence de rémunération avec leurs collègues ; qu'en affirmant que les défendeurs au pourvoi n'avaient pu disposer des éléments de comparaison mettant en évidence la différence de traitement qu'au moment de leur réintégration au sein de la société NMPP, soit en octobre 2013, sans expliquer ce qui les avait empêché de connaitre le montant de la rémunération perçue par leurs collègues depuis que ces derniers avaient fait leur entrée au sein de la société SPPS au plus tard le 30 juin 2006 soit sept ans plus tôt, ni préciser comment la différence de traitement leur avait été révélée le 1er octobre 2013, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L 1471-1, L. 3245-1 du Code du travail et 2224 du Code civil. DEUXIEME MOYEN DE CASSATION IL EST FAIT GRIEF aux arrêts attaqués d'AVOIR condamné la société Presstalis à payer aux salariés diverses sommes à titre de rappels de salaires, congés payés afférents, dommages et intérêts en réparation de leur préjudice pour inexécution de bonne foi du contrat de travail, et au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel AUX MOTIFS QUE « En 2003, la société NMPP a créé une filiale, la société Presse Paris Services (SPPS), à laquelle a été transférée l'activité de l'établissement PDP à compter du 1er juillet 2004. Ce transfert a fait l'objet de négociations préalables avec les organisations syndicales représentatives qui ont abouti le 2 décembre 2003 à la signature d'un protocole d'accord d'entreprise prévoyant notamment le statut du personnel de la filiale créée et, pour les ouvriers: - le montant de la rémunération (salaire brut annuel fixé à 36.658 € pour un travail de nuit et à 31.877 € pour un travail de jour) (article 2.1) ; - une période transitoire où les salariés «seront détachés et pourront à ce titre conserver leur statut NMPP» entre le 1er janvier 2004 et le 30 juin 2006, date à laquelle les contrats de travail seront transférés «dans le respect des dispositions légales» ; - la précision que «les salariés pourront demander la cessation de leur détachement et anticiper leur transfert dans la nouvelle filiale au plus tard jusqu'au 31 décembre 2005» ; - l'article 3.2.1 prévoyait qu'en complément de la rémunération définie à l'article 2.1, les ouvriers transférés bénéficieraient «d'une prime différentielle», leur garantissant un niveau de rémunération équivalent à celui du coefficient 133 du barème NMPP, ancienneté comprise à hauteur de 20%, plus la prime de fonction de commis ; cette prime serait évaluée à la date du transfert, indexée sur les augmentations générales du barème, les parties convenant que cette prime différentielle, attribuée à titre individuel en tant qu'avantage acquis fera partie intégrante du contrat de travail et en tant que telle octroyée à durée indéterminée. Dans le plan de modernisation du 8 avril 2004 présenté aux institutions représentatives du personnel, il a été prévu une modalité particulière pour les salariés faisant le choix, moyennant le versement d'une indemnité de 72.000 € nets de CSG et de CRDS, de renoncer, dès leur transfert (mis en oeuvre le 1er juillet 2004) aux garanties suivantes : - période de détachement, - garanties de reclassement, - garanties de rémunération, - garanties du droit à réintégration (pour candidater sur un emploi au sein de la société NMPP ou bénéficier des mesures d'âge y étant mises en oeuvre), - indemnité de filialisation de 4.000 €. Le salarié a opté pour un transfert immédiat au 1er juillet 2004 au sein de la société Presse Paris Services et a perçu l'indemnité de 72.000 €. Il a signé un nouveau contrat de travail avec la société PPS le 19 juillet 2014 mentionnant qu'il « a accepté ce transfert en toute connaissance de cause et en particulier, après avoir pris connaissance des dispositions du protocole d'accord et du plan de sauvegarde de l'emploi. En signant ce contrat, Monsieur A. adhère au nouveau statut individuel et collectif de la société SPPS».
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A l'issue de la période transitoire, un nouveau protocole a été conclu avec les organisations syndicales concernant le transfert des salariés qui étaient restés «détachés», prévoyant notamment pour ces salariés et à l'exclusion de ceux ayant, tel l'appelant, opté pour un transfert immédiat : - le maintien des rubriques de paie de la société NMPP, - un maintien «d'un lien contractuel suspendu» avec la société NMPP, - le droit à réintégration pour bénéficier des mesures d'âge prises au sein de la société NMPP, -le droit à réintégration au cas où SPPS connaîtrait des difficultés économiques la contraignant à se restructurer ou à réduire ses effectifs » ET AUX MOTIFS QUE « Sur les demandes au fond Le salarié soutient que la société Presstalis a délibérément éludé l'application des dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail sur le transfert des contrats de travail : - l'ensemble des activités de la branche PDP a en effet été transféré dans la nouvelle filiale créée, la Société Presse Paris Service, au terme d'un protocole d'accord du 26 novembre 2003 (pièce n°PC2) qui prévoit le transfert des salariés entre le 1er janvier 2004 et le 1er juillet 2006 (pièces n° PC 2 à PC4)'; - le transfert des contrats de travail était une obligation légale dont la société Presstalis s'est, par des manoeuvres frauduleuses, soustraite en créant deux modalités de rémunération, la première par une prime différentielle évaluée à la date du transfert, la seconde par une indemnité nette de 72.000 € ; - or, la perception de la prime de 72.000 € entraînait renonciation aux garanties d'un reclassement interne, à la rémunération, à la réintégration dans la société «mère», à l'indemnité de filialisation ; - la société Presstalis a réitéré ses manoeuvres frauduleuses en établissant un nouveau contrat de travail mentionnant «En application des dispositions légales, son contrat de travail devrait donc être transféré au sein de SPPS»'; - le véritable motif du refus d'un statut collectif pour tous les salariés était une fraude aux organismes sociaux, la prime de 72.000 € n'étant pas soumise à cotisations alors que les avantages substantiels contenus dans le statut collectif sont des salaires et éléments de salaires. Le salarié ajoute qu'au regard d'une jurisprudence constante, un accord d'entreprise ne peut déroger au principe «à travail égal, salaire égal» alors que la société Presstalis a instauré une différence illicite d'une part de rémunération entre le «groupe fermé» bénéficiant du maintien de la structure de sa rémunération par une prime différentielle, d'autre part, de garanties statutaires pour les salariés transférés en 2006 et ceux transférés en 2004. Par ailleurs, la différence de rémunération a été réitérée lors du transfert, en 2013 des salariés de la SPPS chez Presstalis. La société Presstalis conclut au rejet des prétentions du salarié aux motifs suivants : - les conditions de transfert du contrat ont fait l'objet de négociations collectives et ont mené à la conclusion du protocole d'accord d'entreprise sur la modernisation de PDP ; - le salarié a expressément choisi l'indemnité de 72.000 € et ne peut arguer d'une modification unilatérale de sa rémunération ; - la société n'a fait l'objet d'aucun redressement relatif au versement des indemnités aux salariés transférés ; - le transfert du contrat s'est effectué dans le strict cadre des demandes formulées par les partenaires sociaux, dans le respect des accords collectifs d'entreprise conclus à cet effet, avec l'accord des salariés qui ont sollicité leur transfert effectif et le bénéfice de l'indemnité spécifique et au travers d'une procédure d'information collective (comité central d'entreprise et comité d'établissement) et individuelle exhaustive (signature de l'avenant au contrat et explications explicites sur le principe et le montant de la prime différentielle ou l'indemnité forfaitaire). Par ailleurs, la société Presstalis soutient qu'il n'existe aucune inégalité de traitement entre les deux groupes de salariés, la différence reposant sur des motifs objectifs, pertinents et matériellement vérifiables ou violation du principe d'égalité de traitement, les deux groupes de salariés se trouvant dans des conditions différentes de rémunération, soit la prime forfaitaire de 72.000 €, soit la prime différentielle. Il résulte du principe «à travail égal, salaire égal», dont s'inspirent les articles L.1242-14, L.1242-15, L. 2261-22.9°, L.2271-1.8° et L.3221-2 du code du travail, que tout employeur est tenu d'assurer, pour un même travail ou pour un travail de valeur égale, l'égalité de rémunération entre tous ses salariés placés dans une situation identique et effectuant un même travail ou un travail de valeur égale. En application de l'article 1315 du code civil devenu l'article 1353, s'il appartient au salarié qui invoque une atteinte au principe «à travail égal, salaire égal» de soumettre au juge les éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération, il incombe à l'employeur de rapporter la preuve d'éléments objectifs, pertinents et matériellement vérifiables justifiant cette différence.
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Il ressort des pièces et explications produites que si le dispositif initial prévu par le protocole du 2 décembre 2003 ne créait pas en lui-même une inégalité de traitement, d'une part, l'allocation d'une indemnité forfaitaire aux salariés optant pour un transfert immédiat, les privait du bénéfice de l'article 3.2.1 de l'accord qui prévoyait «que la prime différentielle, attribuée à titre individuel en avantage acquis, fera partie intégrante du contrat et en tant que telle sera octroyée à durée indéterminée». Les parties conviennent en effet que l'indemnité forfaitaire de 72.000 € couvrait la différence de salaire entre le groupe fermé et le salarié pendant 8,6 années représentant huit ans, sept mois et cinq jours soit jusqu'au 5 février 2013. D'autre part, à la suite de l'adoption du protocole d'accord du 21 avril 2006, a été créée une différence de traitement tant à l'égard de la structure de la rémunération que des garanties statutaires accordées aux salariés. Or, l'exclusion par cet accord des salariés ayant opté pour un transfert immédiat ne se justifie par aucun élément objectif et pertinent qui ne peut résulter de la seule antériorité de leur transfert. Il sera donc considéré que le salarié a, au moins à partir de 2006, été victime d'une inégalité de traitement, qui s'est aggravée à partir de février 2013 et qui a perduré, lors de sa réintégration au sein de la société Presstalis et jusqu'à la rupture du contrat. La décision déférée sera en conséquence infirmée. Sur les demandes financières Sur les demandes liées au transfert de son contrat de travail Le salarié soutient que le transfert de son contrat de travail le conduit à solliciter un rappel de salaire au titre de la prime d'ancienneté (20%), de la prime de fonction, d'un complément semestriel été, d'un complément semestriel hiver et d'un 14ème mois. Il chiffre ses moyennes de salaires sans et avec primes dues pour des périodes d'un an de juillet 2012 à juin 2013 et d'octobre 2012 à septembre 2013 et forme les demandes suivantes : La société Presstalis soutient que les demandes du salarié sont exorbitantes, injustifiées et demandées pour une période de dix ans alors que le salarié reconnaît, lui-même, que l'indemnité forfaitaire correspond à 8,6 années de ses demandes salariales. La société Presstalis conclut à titre subsidiaire que les demandes indemnitaires devront être calculées, déduction faite des 72.000 € de l'indemnité forfaitaire. En l'espèce, comme il l'a déjà été indiqué, les parties conviennent que l'indemnité de 72.000 € couvre la différence de salaire entre le «groupe fermé» et le salarié pendant 8,6 années représentant huit ans et sept mois et cinq jours soit jusqu'au 5 février 2013. La différence de rémunération alléguée n'est donc établie qu'à partir de cette date. Par ailleurs, le salarié a perçu à nouveau la prime d'ancienneté à compter du 1er décembre 2013. La société Presstalis ne critiquant pas le détail des sommes dues mais seulement le quantum final, la cour fixe les sommes au titre des salaires dus au salarié pour la période du 5 février 2013 au 30 novembre 2013 pour la prime d'ancienneté et jusqu'au départ du salarié le 30 mars 2016 pour les autres demandes, aux sommes de La cour infirme en conséquence le jugement déféré en ce qu'il a débouté le salarié de ses demandes au titre de rappel de salaires. Sur les demandes de dommages et intérêts Le salarié soutient que la société Presstalis n'a pas exécuté de bonne foi son contrat de travail. La société Presstalis conclut à titre subsidiaire à l'absence de démonstration du préjudice allégué et donc au rejet de cette demande. Il résulte des éléments retenus précédemment qu'au moins à partir de 2006, la société ne pouvait ignorer qu'il existait une différence de traitement non justifiée entre les salariés. Par ailleurs, si les conséquences sur la rémunération sont réparées par la présente décision depuis le 5 février 2013, le salarié a subi néanmoins un préjudice financier reposant sur l'impossibilité de profiter immédiatement d'une partie de la rémunération due et il lui sera alloué en réparation de l'inexécution de bonne foi du contrat de travail, la somme de 2.000 €. Sur les autres demandes Il n'y a pas lieu de déroger aux dispositions des articles 1153 et 1153-1 du code civil, recodifiés sous les articles 1231-6 et 1231-7 du même code par l'ordonnance° 2016-131 du 10 février 2016, en application desquelles les créances salariales produisent intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le conseil de prud'hommes et les créances indemnitaires produisent intérêts au taux légal à compter du prononcé de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant, la capitalisation des intérêts étant ordonnée conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, devenu l'article 1343-2. La société Presstalis devra délivrer au salarié un bulletin de paie récapitulatif des sommes allouées à titre de salaires, dans un délai de deux mois à compter de la signification de la présente, sans que la mesure d'astreinte sollicitée soit en l'état justifiée.
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La société Presstalis, qui succombe à l'instance, sera condamnée aux dépens ainsi qu'à payer au salarié la somme de 1.500 € au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel » 1/ ALORS QUE les salariés qui bénéficient tous, en vertu d'un accord collectif portant sur une opération de transfert d'activité, d'une option entre deux modalités de transfert, ne peuvent imputer à l'employeur la différence de traitement qui résulte de l'exercice de cette option ; que le protocole d'accord sur la modernisation de Paris Diffusion Presse (PDP) conclu le 2 décembre 2003 par la société NMPP avec les organisations syndicales prévoyait dans le cadre du transfert de l'activité de la société NMPP au profit de la société SPPS de différer le transfert des contrats de travail à l'issue d'une période transitoire, pendant laquelle les salariés seraient détachés au sein de la société SPPS, tout en laissant la possibilité aux salariés concernés d'opter pour leur transfert immédiat dès le 1er juillet 2004 ; que dans le prolongement de cet accord, le plan de modernisation de PDP du 8 avril 2004 élaboré dans le cadre du Livre III prévoyait que les salariés pourraient opter entre leur transfert dès le 1er juillet 2004 au sein de la société SPSS moyennant le versement d'une indemnité nette de 72 000 euros en contrepartie de leur renonciation à bénéficier de certaines garanties de transfert, et le bénéfice d'une période transitoire de détachement prenant fin au plus tard le 30 juin 2006 à l'issue de laquelle ils seraient transférés au sein de la société SPPS et bénéficieraient d'une prime différentielle à titre d'avantage acquis destinée à compenser la perte du statut NMPP, dont le montant serait évalué lors de leur transfert; qu'en retenant que l'allocation d'une indemnité forfaitaire aux salariés optant pour un transfert immédiat les privait du bénéfice de la prime différentielle réservée aux salariés ayant opté pour le transfert différé, pour en déduire l'existence d'une différence de traitement injustifiée imputable à la société NMPP et devant être réparée, lorsque la différence de traitement trouvait sa source non pas dans l'accord collectif et le plan élaboré en concertation avec les organisations syndicales qui offraient à tous les salariés la même faculté de choix entre les deux options, mais dans l'exercice de ce choix effectué par chaque salarié, la cour d'appel a violé le principe d'égalité ; 2/ ALORS QUE le principe d'égalité n'a lieu de s'appliquer qu'aux salariés placés dans une situation identique au regard de l'avantage en cause ; que sont dans des situations différentes les salariés dont le transfert est intervenu de manière anticipée auprès de l'entreprise d'accueil moyennant le bénéfice d'une indemnité forfaitaire globale nette en contrepartie de la soumission au statut de cette dernière, et ceux qui, détachés dans un premier temps auprès de l'entreprise d'accueil, sont demeurés salariés de l'entreprise d'origine jusqu'à leur transfert intervenu plusieurs années après; qu'il était constant en l'espèce que selon le protocole d'accord sur la modernisation PDP du 2 décembre 2003 et le plan de modernisation PDP devenu SPPS du 8 avril 2004, les salariés ayant été immédiatement transférés dès le 1er juillet 2004 au sein de la société SPPS avaient perçu en contrepartie de leur renonciation au statut NMPP le versement d'une indemnité forfaitaire nette de 72 000 euros, tandis que ceux dont le transfert avait été différé à l'issue de leur période de détachement au sein de la société SPPS au 30 juin 2006, devaient bénéficier d'une prime différentielle mensuelle qui serait calculée au moment de leur transfert destinée à compenser la perte du statut NMPP ; qu'en retenant que l'allocation d'une indemnité forfaitaire aux salariés optant pour un transfert immédiat les privait du bénéfice de la prime différentielle réservée aux salariés ayant opté pour le transfert différé, pour en déduire l'existence d'une différence de traitement injustifiée et imputable à la société NMPP devant être réparée, lorsque les salariés n'étaient pas dans une situation identique au regard de la compensation de la perte du statut NMPP, la Cour d'appel a violé le principe d'égalité de traitement par fausse application ; 3/ ALORS QUE le principe d'égalité n'a lieu de s'appliquer qu'aux salariés placés dans une situation identique au regard de l'avantage en cause ; que sont dans des situations différentes au regard de la structure de leur rémunération, les salariés ayant fait le choix d'anticiper de deux ans leur transfert auprès de l'entreprise d'accueil moyennant le bénéfice d'une indemnité forfaitaire globale nette et la soumission au statut de cette dernière, et ceux qui, détachés dans un premier temps auprès de l'entreprise d'accueil, sont demeurés salariés de l'entreprise d'origine conservant ainsi leur structure de rémunération d'origine jusqu'à leur transfert; qu'il était constant en l'espèce que les salariés ayant fait le choix, en contrepartie du versement d'une indemnité forfaitaire nette de 72 000 euros, d'être transférés dès le 1er juillet 2004 au sein de la société SPPS, avaient renoncé à la structure de leur rémunération NMPP, tandis que ceux dont le transfert avait été différé à l'issue de leur période de détachement au sein de la société SPPS au 30 juin 2006, qui étaient demeurés salariés de la société NMPP, l'avaient conservée;
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qu'en jugeant que le fait pour l'accord du 21 avril 2006 d'exclure les salariés ayant opté pour un transfert dès le 1er juillet 2004, de la mesure conservant la structure de la rémunération NMPP aux salariés dont le transfert allait intervenir à l'issue de leur période de détachement, ne se justifiait par aucun élément objectif et pertinent qui ne pouvait résulter de la seule antériorité de leur transfert, lorsque les salariés n'étaient pas dans une situation identique au regard de la structure de leur rémunération à la date de conclusion de l'accord, la Cour d'appel a violé le principe d'égalité de traitement par fausse application. TROISIEME MOYEN DE CASSATION IL EST FAIT GRIEF aux arrêts attaqués d'AVOIR condamné la société Presstalis à payer aux salariés des dommages et intérêts en réparation de leur préjudice pour inexécution de bonne foi du contrat de travail, et au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel AUX MOTIFS QUE « Il sera donc considéré que le salarié a, au moins à partir de 2006, été victime d'une inégalité de traitement, qui s'est aggravée à partir de février 2013 et qui a perduré, lors de sa réintégration au sein de la société Presstalis et jusqu'à la rupture du contrat. La décision déférée sera en conséquence infirmée. Sur les demandes financières Sur les demandes liées au transfert de son contrat de travail Le salarié soutient que le transfert de son contrat de travail le conduit à solliciter un rappel de salaire au titre de la prime d'ancienneté (20%), de la prime de fonction, d'un complément semestriel été, d'un complément semestriel hiver et d'un 14ème mois. Il chiffre ses moyennes de salaires sans et avec primes dues pour des périodes d'un an de juillet 2012 à juin 2013 et d'octobre 2012 à septembre 2013 et forme les demandes suivantes : La société Presstalis soutient que les demandes du salarié sont exorbitantes, injustifiées et demandées pour une période de dix ans alors que le salarié reconnaît, lui-même, que l'indemnité forfaitaire correspond à 8,6 années de ses demandes salariales. La société Presstalis conclut à titre subsidiaire que les demandes indemnitaires devront être calculées, déduction faite des 72.000 € de l'indemnité forfaitaire. En l'espèce, comme il l'a déjà été indiqué, les parties conviennent que l'indemnité de 72.000 € couvre la différence de salaire entre le «groupe fermé» et le salarié pendant 8,6 années représentant huit ans et sept mois et cinq jours soit jusqu'au 5 février 2013. La différence de rémunération alléguée n'est donc établie qu'à partir de cette date. Par ailleurs, le salarié a perçu à nouveau la prime d'ancienneté à compter du 1er décembre 2013. La société Presstalis ne critiquant pas le détail des sommes dues mais seulement le quantum final, la cour fixe les sommes au titre des salaires dus au salarié pour la période du 5 février 2013 au 30 novembre 2013 pour la prime d'ancienneté et jusqu'au départ du salarié pour les autres demandes, aux sommes de La cour infirme en conséquence le jugement déféré en ce qu'il a débouté le salarié de ses demandes au titre de rappel de salaires. Sur les demandes de dommages et intérêts Le salarié soutient que la société Presstalis n'a pas exécuté de bonne foi son contrat de travail. La société Presstalis conclut à titre subsidiaire à l'absence de démonstration du préjudice allégué et donc au rejet de cette demande. Il résulte des éléments retenus précédemment qu'au moins à partir de 2006, la société ne pouvait ignorer qu'il existait une différence de traitement non justifiée entre les salariés. Par ailleurs, si les conséquences sur la rémunération sont réparées par la présente décision depuis le 5 février 2013, le salarié a subi néanmoins un préjudice financier reposant sur l'impossibilité de profiter immédiatement d'une partie de la rémunération due et il lui sera alloué en réparation de l'inexécution de bonne foi du contrat de travail, la somme de 2.000 €. » ALORS QUE les dommages et intérêts résultant du retard dans l'exécution d'une obligation au paiement d'une somme d'argent ne consistent jamais que dans la condamnation aux intérêts au taux légal, lesquels ne courent que du jour de la sommation de payer ; que le juge ne peut allouer au créancier des dommages et intérêts distincts des intérêts moratoires qu'à la condition de caractériser un préjudice indépendant du retard de paiement, dû à la mauvaise foi de l'employeur ; qu'en retenant, pour allouer aux salariés des dommages et intérêts pour inexécution de bonne foi du contrat de travail, que le non-versement par l'employeur des rappels de salaires alloués par la cour d'appel avait empêché les salariés de profiter immédiatement d'une partie de la rémunération due, la cour d'appel qui n'a pas caractérisé l'existence d'un préjudice distinct de celui résultant du retard de paiement dû à la mauvaise foi de l'employeur, a violé l'article 1153 devenu 1231-6 du code civil.
Cour d'appel de Paris L2, Cour de cassation Chambre sociale, décision 19-12.493 du 18/03/2020, partie 10
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 18 MARS 2020 Le Conseil supérieur de l'Ordre des Experts Comptables, partie civile, a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, 5e chambre, en date du 2 avril 2019, qui l'a débouté de ses demandes après relaxe de Mme U... Q... et de la société Conseil Gestion aux Entreprises 13 du chef d'exercice illégal de la profession d'expert-comptable. Un mémoire a été produit. Sur le rapport de Mme Planchon, conseiller, les observations de la SARL Cabinet Briard, avocat du Conseil supérieur de l'Ordre des Experts Comptables, et les conclusions de M. Valat, avocat général, après débats en l'audience publique du 29 janvier 2020 où étaient présents M. Soulard, président, Mme Planchon, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. Le 17 novembre 2015, le Conseil supérieur de l'ordre des experts-comptables a fait dresser un constat d'huissier qui a établi que le système informatique de la société Conseil Gestion aux Entreprises 13 (CGE 13), dirigée par Mme Q..., était équipé de logiciels de comptabilité et il a été remis à l'huissier une liste de 30 clients extraite du logiciel « Cador Dorac ». 3. Les investigations ont révélé la pratique habituelle d'une activité comptable par la société CGE13 et ses associées qui détenaient l'ensemble des pièces comptables de tous leurs clients depuis 2012, telles que les factures, les bilans, les devis, les liasses fiscales, les relevés bancaires, les souches de factures fournisseurs. 4. Mme Q... et son associée, Mme S... A..., qui ne contestent pas effectuer des prestations de comptabilité, ont invoqué une activité de sous-traitance avec le cabinet Le Vinci conseil jusqu'en 2014, puis, à partir de 2015, sans contrat de sous-traitance, avec un autre cabinet comptable. 5. Ces derniers ont toutefois contesté tout lien avec les prévenues. 6. Le 14 février 2017, le conseil supérieur de l'ordre des experts-comptables a fait citer Mme Q... et la société CGE13, devant le tribunal correctionnel d'Aix-en-Provence pour avoir à Berre-l'Etang, de janvier 2014 au 17 novembre 2015, exercé illégalement la profession d'expert-comptable. 7. Le tribunal correctionnel, après les avoir reconnues coupables du chef susvisé, les a condamnées chacune à 2 000 euros d'amende par un jugement du 7 mai 2018 dont les prévenues ont interjeté appel. Examen du moyen Enoncé du moyen 8. Le moyen est pris de la violation des articles 2, 3 et 20 de l'ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945 portant institution de l'ordre des experts-comptables et réglementant le titre et la profession d'expert-comptable, 1240 du code civil, 433-17, 433-22 et 433-25 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale. 9. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a relaxé Mme Q... et la société CGE 13 des faits d'exercice illégal de la profession d'expert-comptable commis respectivement du 1er janvier 2014 au 17 novembre 2015 et du 1er février 2014 au 7 novembre 2015 à Berre-l'Etang, alors « que selon le premier aliéna de l'article 2 de l'ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945, est expert-comptable ou réviseur comptable celui qui fait profession habituelle de réviser et d'apprécier les comptabilités des entreprises et organismes auxquels il n'est pas lié par un contrat de travail ; qu'il est également habilité à attester de la régularité et de la sincérité des comptes de résultats ; qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 2 précité, l'expert-comptable fait aussi profession de tenir, centraliser, ouvrir, arrêter, surveiller, redresser et consolider les comptabilités des entreprises et organismes auxquels il n'est pas lié par un contrat de travail ; qu'ainsi, la tenue de comptabilité pour le compte de tiers, serait-ce dans le cadre d'un contrat de sous-traitance conclu avec un cabinet d'experts-comptables, est protégée par l'article 2 de l'ordonnance précitée ;
décision 19-83.062 du 18/03/2020, partie 1
que dès lors, en constatant que les prévenues « ont réalisé, pour le compte de tiers, des opérations de tenue de comptabilité, au cours de la période visée aux poursuites » (arrêt attaqué, p. 6) mais en les relaxant au motif que la comptabilité n'est visée par l'article 2 de l'ordonnance de 1945 précitée qu'à « titre accessoire dans la mesure où l'essence même de la profession d'expert-comptable, qui justifie sa protection et son monopole, n'est pas là mais est relative aux activités de révision, de redressement, de consolidation, d'appréciation des comptabilités, d'attestation de régularité et de sincérité des comptes » (arrêt attaqué, p. 6), la cour d'appel a méconnu les articles 2, 3 et 20 de l'ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945 portant institution de l'ordre des experts-comptables et réglementant le titre et la profession d'expert-comptable dans ses rédactions applicables au litige, 1240 du code civil, 433-17, 433-22 et 433-25 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour Vu les articles 2 et 20 de l'ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945 portant institution de l'ordre des experts-comptables et réglementant le titre et la profession d'expert-comptable : 10. Il résulte de ces articles que les activités réservées aux experts-comptables et comptables agréés inscrits au tableau de l'Ordre incluent la vérification et le redressement des comptes ainsi que la tenue, la centralisation, l'ouverture et l'arrêt de ceux-ci. 11. Pour relaxer les prévenues du chef d'exercice illégal de la profession d'expert-comptable, l'arrêt énonce que si le Conseil supérieur des experts-comptables établit que les prévenues, qui ne le contestent pas, ont réalisé, pour le compte de tiers, des opérations de tenue de comptabilité, au cours de la période visée aux poursuites, c'est à juste titre que celles-ci soutiennent que les faits incriminés relèvent de la tenue complète d'une comptabilité avec des contacts directs avec les clients et des paiements faits au nom de ces derniers, mais sans opération de vérification ou de certification, que la partie civile n'invoque d'ailleurs pas. 12. Ils ajoutent que si la tenue de comptabilité est visée par l'article 2 de l'ordonnance du 19 septembre 1945, ce n'est qu'à titre accessoire dans la mesure où l'essence même de la profession d'expert-comptable, qui justifie sa protection et son monopole, est relative aux activités de révision, de redressement, de consolidation, d'appréciation des comptabilités, d'attestation de régularité et de sincérité des comptes. 13. Ils en déduisent que les faits visés aux poursuites relatifs à l'exécution par les prévenues de travaux de comptabilité, ne relèvent pas à eux seuls des tâches dont les experts comptables se sont vus confier le monopole. 14. En se déterminant ainsi, alors que les dispositions des articles 2 et 20 de l'ordonnance du 19 septembre 1945 n'ont établi aucune distinction selon la nature, l'objet et la finalité des documents et des prestations comptables, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés. 15. La cassation est par conséquent encourue. Portée de la cassation 16. En l'absence de pourvoi du ministère public, la cassation sera limitée aux intérêts civils. 17. Il appartiendra à la juridiction de renvoi, de prononcer, à partir et dans la limite des faits objet de la poursuite, sur l'existence d'une éventuelle faute civile de nature à justifier la réparation des préjudices invoqués. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 2 avril 2019, mais en ses seules dispositions civiles, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ; Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée, RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel d'Aix-en-Provence et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le dix-huit mars deux mille vingt.
décision 19-83.062 du 18/03/2020, partie 2
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 12 MARS 2020 1°/ M. H... C..., domicilié [...] , 2°/ M. U... C..., domicilié [...] , 3°/ la société de la Faucherie, société civile immobilière, dont le siège est [...] , 4°/ Mme Q... K... veuve C..., domiciliée [...] , ont formé le pourvoi n° Q 19-18.995 contre l'arrêt rendu le 14 mai 2019 par la cour d'appel de Poitiers (1re chambre civile), dans le litige les opposant : 1°/ à la chambre de commerce et d'industrie de La Rochelle, dont le siège est [...] , 2°/ au syndicat mixte des aéroports de La Rochelle Ile de Ré et Rochefort Charente Maritime, dont le siège est [...] , défendeurs à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les sept moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Jessel, conseiller, les observations de la SCP Marc Lévis, avocat des consorts C... et de la SCI de la Faucherie, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la chambre de commerce et d'industrie de La Rochelle et du syndicat mixte des aéroports de La Rochelle Ile de Ré et Rochefort Charente Maritime, la plaidoirie de M. Lévis, et l'avis de Mme Guilguet-Pauthe, avocat général, auquel les parties, invitées à le faire n'ont pas souhaité répliquer, après débats en l'audience publique du 4 février 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Jessel, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, Mme Guilguet-Pauthe, avocat général, et Mme Besse, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 14 mai 2019), le plan de servitudes aéronautiques de dégagement de l'aéroport de La Rochelle a été approuvé par décret en Conseil d'Etat du 7 décembre 1984, puis modifié par arrêté ministériel du 13 mars 2003. 2. Par arrêté du 21 août 2017, le préfet de Charente-Maritime a ordonné aux consorts C... et à la SCI de la Faucherie (la SCI) de supprimer "les obstacles (arbres) identifiés comme dépassant les cotes limites fixées par le plan de servitudes de dégagement de l'aéroport". 3. En avril 2018, la chambre de commerce et d'industrie de La Rochelle (la CCI), alors gestionnaire de l'aéroport, a assigné en référé les consorts C... et la SCI, sur le fondement des articles 808 et 809 du code de procédure civile, en réalisation forcée des travaux prescrits par l'arrêté préfectoral du 21 août 2017. Le syndicat mixte des aéroports de La Rochelle Ile de Ré et Rochefort Charente-Maritime (SYMA), nouveau gestionnaire désigné par arrêté préfectoral du 12 décembre 2018 en remplacement de la CCI, est intervenu volontairement à l'instance. Examen des moyens Sur les premier, deuxième, troisième et quatrième moyens, ci-après annexés 4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le cinquième moyen Enoncé du moyen 5. Les consorts C... font grief à l'arrêt de constater la présence d'obstacles dans les zones de dégagement de l'aéroport et de surseoir à statuer dans l'attente de la production de divers documents techniques, alors : « 1°/ que la police des aérodromes et des installations aéronautiques relève de la compétence du Préfet ; qu'en disant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 6332-2 du code des transports ; 2°/ que la mise en oeuvre des servitudes aéronautiques de dégagement relève de la compétence du « représentant du ministre de l'aviation civile » ; qu'en disant le contraire, la cour d'appel a encore violé l'article D. 242-11 du code de l'aviation civile ; 3°/ qu'en ne s'expliquant pas, comme elle y était pourtant invitée, sur l'impossibilité de procéder à une délégation en matière d'activité de police, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 122 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour
Cour d'appel de Poitiers, Cour de cassation Troisième chambre civile, décision 19-18.995 du 12/03/2020, partie 1
6. Sans méconnaître les pouvoirs reconnus au préfet pour mettre en oeuvre le plan de servitudes de dégagement établi par décret en Conseil d'Etat, au moyen de mesures administratives individuelles définies par le représentant de l'Etat pour assurer la suppression des obstacles existants, la cour d'appel, se fondant sur l'arrêté préfectoral du 21 août 2017, a constaté que cette décision administrative individuelle, exécutoire et impérative ordonnait la suppression des obstacles présents dans la zone de dégagement, travaux dont le gestionnaire chargé de l'exploitation et de l'entretien de l'aéroport demande la réalisation forcée en justice. 7. Les travaux nécessaires ont ainsi été prescrits, sans délégation de pouvoir, par l'autorité administrative compétente et non par le gestionnaire de l'aéroport. 8. Le moyen n'est donc pas fondé. Sur les sixième et septième moyens, réunis 9. Les consorts C... font encore grief à l'arrêt de statuer ainsi, alors : « 1°/ qu'en statuant en référé tout en relevant que l'aéroport de La Rochelle Ile de Ré bénéficiait d'une autorisation (DAAD n° 5) lui permettant une exploitation en l'état jusqu'en décembre 2022, de nature à exclure l'urgence ou le péril imminent, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles 808 et 809 du code de procédure civile ; 2°/ que la CCI de La Rochelle fondait son action en référé sur l'urgence ou le péril imminent tirés de l'expiration du certificat de sécurité aéroportuaire de l'aéroport La Rochelle Ile de Ré au mois de novembre 2017 et de la certitude qu'il ne serait pas reconduit en l'état des obstacles présents sur les parcelles des consorts C... ; qu'en statuant en référé sur cette demande tout en relevant que les certificats de sécurité aéroportuaire avaient été renouvelés régulièrement en décembre 2017 et décembre 2018, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles 808 et 809 du code de procédure civile ; 3°/ qu'en ne s'expliquant pas, comme elle y était pourtant invitée, sur les perspectives limitées de développement de l'aéroport de La Rochelle Ile de Ré, compte tenu des nombreuses irrégularités comptables et des marchés publics irréguliers, des poursuites désormais diligentées contre le président de la CCI de La Rochelle qui pourraient engendrer une remise en cause des accords avec la société Ryanair et de l'impossibilité pour l'aéroport La Rochelle Ile de Ré, en l'état de sa longueur totale de piste, de recevoir une grande partie des avions de ligne compte tenu des distances de décollage et d'atterrissage nécessaire, même en l'absence de tout seuil décalé, la cour d'appel a encore privé sa décision de base légale au regard des articles 808 et 809 du code de procédure civile ; 4°/ qu'en statuant sans préciser le fondement juridique de sa décision, la cour d'appel a violé l'article 12 du code de procédure civile ; 5°/ qu'en se disant compétente pour procéder à l'abattage des arbres au sein du parc de la Faucherie, mesures définitives tranchant l'intégralité du fond du litige, la cour d'appel a méconnu l'office du juge des référés et violé l'article 484 du code de procédure civile ; 6°/ qu'en ne s'expliquant pas, comme elle y était pourtant invitée, sur le caractère irréversible des travaux envisagés, à savoir l'abattage de 1 130 arbres pour la plupart pluricentenaires, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 484 du code de procédure civile ; 7°/ qu'en ne tirant pas les conséquences des manoeuvres déloyales de la CCI de La Rochelle dans les débats, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article 10, alinéa 1er, du code civil et l'article 3 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 10. C'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation que la cour d'appel a constaté la présence d'obstacles dans les zones de dégagement, avant de surseoir à statuer dans l'attente de la production de documents techniques, peu important la période de validité de l'autorisation d'exploitation et des certificats de sécurité aéronautiques. 11. Après avoir constaté l'inobservation du plan de servitudes de dégagement et analysé le rapport d'un géomètre-expert daté du 24 août 2017 et préconisant des hauteurs de coupe avec une impossibilité de conserver 1 130 arbres, sans en entériner les conclusions, la cour d'appel, qui s'est estimée insuffisamment éclairée sur la localisation des arbres concernés et la hauteur de coupe à pratiquer, a invité les parties à produire les documents techniques nécessaires, sans ordonner une mesure d'élagage ou d'abattage, de sorte qu'elle n'était tenue de se prononcer ni sur le fondement juridique de la décision à intervenir ni sur le caractère définitif ou irréversible de la mesure sollicitée. 12. La cour d'appel n'a pas constaté de manoeuvres déloyales de la part de la CCI au cours des débats.
Cour d'appel de Poitiers, Cour de cassation Troisième chambre civile, décision 19-18.995 du 12/03/2020, partie 2
Si elle a ordonné un sursis à statuer dans l'attente de la production de pièces complémentaires, elle n'a pas retenu que le gestionnaire de l'aéroport avait tenté, par une dissimulation de pièces, de l'induire en erreur sur l'étendue des travaux d'abattage à réaliser. 13. Le moyen n'est donc fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne les consorts C... aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé le douze mars deux mille vingt par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Marc Lévis, avocat aux Conseils, pour les consorts C... et la SCI de la Faucherie PREMIER MOYEN DE CASSATION : DEFAUT DE MANDAT AD AGENDUM Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR constaté l'intervention volontaire à l'instance du Syndicat mixte des aéroports de la Rochelle île de Ré et Rochefort Charente-Maritime et d'AVOIR constaté la reprise de l'instance par l'effet de cette intervention volontaire, AUX MOTIFS QUE l'arrêté du 12 décembre 2018 du préfet de la Charente-Maritime porte création du Syndicat mixte des aéroports de la Rochelle île de Ré et Rochefort Charente-Maritime et approbation des statuts. Il a été stipulé à l'article 5 de ces derniers que « le Syndicat mixte est substitué de plein droit, à la date du transfert des compétences, dans tous les actes approuvés par des anciens gestionnaires des aéroports liés directement à l'exploitation des aéroports » et que « sauf accord contraire entre les membres intéressés, les anciens gestionnaires restent toutefois responsables des contentieux nés ou qui trouvent leur cause antérieurement à la création du Syndicat mixte » ; il n'est pas contesté que les compétences de la Chambre de Commerce et d'industrie ont été transférées au Syndicat mixte qui vient désormais à ses droits. Ce transfert emporte interruption de l'instance, reprise par l'intervention volontaire du Syndicat mixte. L'ambiguïté du dernier paragraphe des statuts ne peut être utilement opposée, l'accord des parties sur la prise en charge du contentieux par le Syndicat mixte résultant de la présence à l'instance de l'ancien et de l'actuel gestionnaire de l'aéroport (arrêt, p.11) : 1/ ALORS QU'en accueillant l'intervention volontaire du Syndicat mixte sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si l'assemblée délibérante du Syndicat mixte avait accordé un mandat ad agendum à sa présidente, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 416 du code de procédure civile ; 2/ ALORS SUBSIDIAIREMENT QUE même si la cour d'appel s'était fondée sur la théorie, développée dans les conclusions en intervention volontaire du 20 mars 2019, selon laquelle le mandat ad agendum du Syndicat mixte résulterait du transfert de celui de la Chambre de commerce et d'industrie de la Rochelle par l'effet du transfert de compétences, le transfert de ce mandat n'étant pas possible, elle aurait alors violé, par fausse interprétation, l'article 416 du code de procédure civile. DEUXIEME MOYEN DE CASSATION : DEFAUT DE MANDAT AD LITEM Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR constaté l'intervention volontaire à l'instance du Syndicat mixte des aéroports de la Rochelle île de Ré et Rochefort Charente-Maritime et d'AVOIR constaté la reprise de l'instance par l'effet de cette intervention volontaire, AUX MOTIFS QUE l'arrêté du 12 décembre 2018 du préfet de la Charente-Maritime porte création du Syndicat mixte des aéroports de la Rochelle île de Ré et Rochefort Charente-Maritime et approbation des statuts. Il a été stipulé à l'article 5 de ces derniers que « le Syndicat mixte est substitué de plein droit, à la date du transfert des compétences, dans tous les actes approuvés par des anciens gestionnaires des aéroports liés directement à l'exploitation des aéroports » et que « sauf accord contraire entre les membres intéressés, les anciens gestionnaires restent toutefois responsables des contentieux nés ou qui trouvent leur cause antérieurement à la création du Syndicat mixte » ; il n'est pas contesté que les compétences de la Chambre de Commerce et d'industrie ont été transférées au Syndicat mixte qui vient désormais à ses droits. Ce transfert emporte interruption de l'instance, reprise par l'intervention volontaire du Syndicat mixte. L'ambiguïté du dernier paragraphe des statuts ne peut être utilement opposée, l'accord des parties sur la prise en charge du contentieux par le Syndicat mixte résultant de la présence à l'instance de l'ancien et de l'actuel gestionnaire de l'aéroport (arrêt, p.11) : 1/ ALORS QU'en l'absence de toute délibération de l'assemblée délibérante du Syndicat mixte décidant de son intervention volontaire, de la reprise d'instance et du choix d'un conseil pour y procéder, le cabinet [...] ne pouvait pas se prévaloir d'un mandat ad litem pour représenter et intervenir au nom de ce Syndicat ;
Cour d'appel de Poitiers, Cour de cassation Troisième chambre civile, décision 19-18.995 du 12/03/2020, partie 3
qu'en accueillant cependant l'intervention volontaire et la reprise d'instance par le cabinet [...] au nom du Syndicat mixte, sans s'expliquer sur l'absence de toute délibération préalable, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 416 du code de procédure civile ; 2/ ALORS QUE la cour d'appel a relevé des indices démontrant que le mandat ad litem du cabinet [...] était douteux en l'état de la tardiveté de l'intervention au nom du Syndicat (trois mois après la prise de fonctions du Syndicat et à la veille de l'audience de plaidoirie), de son manque de spontanéité (interruption préalable de l'instance par les consorts C...), et de l'attitude déloyale du cabinet [...] (production de pièces tronquées et rétentions de pièces nécessitant la réouverture des débats) ; qu'en accueillant cependant cette intervention volontaire et la reprise d'instance, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article 416 du code de procédure civile ; TROISIEME MOYEN DE CASSATION : IRREGULARITE DE LA REPRISE D'INSTANCE Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR constaté l'intervention volontaire à l'instance du Syndicat mixte des aéroports de la Rochelle île de Ré et Rochefort Charente-Maritime et d'AVOIR constaté la reprise de l'instance par l'effet de cette intervention volontaire, AUX MOTIFS QUE l'arrêté du 12 décembre 2018 du préfet de la Charente-Maritime porte création du Syndicat mixte des aéroports de la Rochelle île de Ré et Rochefort Charente-Maritime et approbation des statuts. Il a été stipulé à l'article 5 de ces derniers que « le Syndicat mixte est substitué de plein droit, à la date du transfert des compétences, dans tous les actes approuvés par des anciens gestionnaires des aéroports liés directement à l'exploitation des aéroports » et que « sauf accord contraire entre les membres intéressés, les anciens gestionnaires restent toutefois responsables des contentieux nés ou qui trouvent leur cause antérieurement à la création du Syndicat mixte » ; il n'est pas contesté que les compétences de la Chambre de Commerce et d'industrie ont été transférées au Syndicat mixte qui vient désormais à ses droits. Ce transfert emporte interruption de l'instance, reprise par l'intervention volontaire du Syndicat mixte. L'ambiguïté du dernier paragraphe des statuts ne peut être utilement opposée, l'accord des parties sur la prise en charge du contentieux par le Syndicat mixte résultant de la présence à l'instance de l'ancien et de l'actuel gestionnaire de l'aéroport (arrêt, p.11) : ALORS QU'en statuant au fond sans constater préalablement l'accomplissement des formalités de reprise de l'instance interrompue, la cour d'appel a violé les articles 373 et 376 du code de procédure civile ; QUATRIEME MOYEN DE CASSATION : CONSEQUENCES DES QUESTIONS PRIORITAIRES DE CONSTITUTIONNALITE Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR constaté la présence d'obstacles perçant les surfaces de dégagement de l'aéroport la Rochelle île de Ré sur les parcelles situées à la Rochelle, cadastrées section BX n° [...], [...], [...] et [...], ALORS QUE les dispositions des articles L. 281-1 du code de l'aviation civile et L. 6351-2 du code des transports portent atteinte au droit de propriété tel que protégé par les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, au droit à un recours effectif garanti par l'article 16 de cette même Déclaration et aux exigences constitutionnelles posées par l'article 7 de la Charte de l'environnement ; que les Consorts C... ont procédé au dépôt de deux questions prioritaires de constitutionnalité par mémoires distincts et que les déclarations d'inconstitutionnalité qui interviendront priveront de fondement légal la décision attaquée, par laquelle la cour d'appel entend mettre en oeuvre les servitudes aéronautiques édictées et mises en application sur le fondement de ces dispositions ; CINQUIEME MOYEN DE CASSATION : DEFAUT DE QUALITE A AGIR Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré la Chambre de Commerce et d'industrie de la Rochelle île de Ré puis le Syndicat mixte des aéroports de la Rochelle île de Ré et Rochefort Charente-Maritime poursuivant en lieu et place de cette première l'exploitation, l'entretien et le développement de l'aéroport de la Rochelle île de Ré, recevables en leurs demandes formées à l'encontre de Monsieur H... C..., Monsieur U... O... C..., Madame Q... K... veuve C... et la SCI La Faucherie, AUX MOTIFS QUE le Syndicat mixte a pour objet « l'exploitation, l'entretien et le développement des aéroports de la Rochelle île de Ré et de Rochefort Charente-Maritime ». La Chambre de Commerce et d'industrie puis le Syndicat mixte, en charge successivement de l'exploitation et l'entretien de l'aéroport, ont dans l'exercice de cette activité et pour la maintenir, qualité pour veiller au respect du plan de servitudes aéronautiques et de l'arrêté n° 17-1720 du préfet de la Charente-Maritime. La compétence ministérielle visée au code de l'aviation civile a trait à l'élaboration du plan de servitudes aéronautiques, laquelle n'est pas l'objet du litige. L'exception d'irrecevabilité soulevée n'est pour ces motifs pas fondée. 1/ ALORS QUE la police des aérodromes et des installations aéronautiques relève de la compétence du Préfet ;
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qu'en disant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 6332-2 du code des transports ; 2/ ALORS QUE la mise en oeuvre des servitudes aéronautiques de dégagement relève de la compétence du « représentant du ministre de l'aviation civile » ; qu'en disant le contraire, la cour d'appel a encore violé l'article D. 242-11 du code de l'aviation civile ; 3/ ALORS QU'en ne s'expliquant pas, comme elle y était pourtant invitée, sur l'impossibilité de procéder à une délégation en matière d'activité de police (conclusions d'appel des consorts C..., p.7 et 8), la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 122 du code de procédure civile. SIXIEME MOYEN DE CASSATION : ABSENCE D'URGENCE DUE AU DEVELOPPEMENT DE L'AEROPORT Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR constaté la présence d'obstacles perçant les surfaces de dégagement de l'aéroport la Rochelle île de Ré sur les parcelles situées à la Rochelle, cadastrées section BX n° [...], [...], [...] et [...], AUX MOTIFS QUE Par courrier en date du 20 novembre 2017 adressé au directeur de l'aéroport, le directeur de sécurité de l'aviation civile Sud-Ouest a notamment indiqué : « [ ] Je vous informe par la présente que l'approbation du DAAD n° 5 sera assorti de conditions et que, conformément à l'article 7-2 du règlement numéro 139/2014 la période de validité est fixée au 31 décembre 2022. » (arrêt, p.13) : 1/ ALORS QU'en statuant en référé tout en relevant que l'aéroport de la Rochelle Ile de Ré bénéficiait d'une autorisation (DAAD n° 5) lui permettant une exploitation en l'état jusqu'en décembre 2022, de nature à exclure l'urgence ou le péril imminent, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles 808 et 809 du code de procédure civile ; ET AUX MOTIFS QUE Les certificats de sécurité aéroportuaire postérieure, des 18 décembre 2017 et 28 décembre 2018, tels que produits sur une page, ne font pas rappel de la mention figurant à celui du 16 juillet 2014. (arrêt, p.13) : 2/ ALORS QUE la CCI de la Rochelle fondait son action en référé sur l'urgence ou le péril imminent tirés de l'expiration du certificat de sécurité aéroportuaire de l'aéroport la Rochelle île de Ré au mois de novembre 2017 et de la certitude qu'il ne serait pas reconduit en l'état des obstacles présents sur les parcelles des consorts C... ; qu'en statuant en référé sur cette demande tout en relevant que les certificats de sécurité aéroportuaire avaient été renouvelés régulièrement en décembre 2017 et décembre 2018, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles 808 et 809 du code de procédure civile ; 3/ ALORS QU'en ne s'expliquant pas, comme elle y était pourtant invitée, sur les perspectives limitées de développement de l'aéroport de la Rochelle Ile de Ré, compte tenu des nombreuses irrégularités comptables et des marchés publics irréguliers (conclusions d'appel des consorts C..., p. 39 et 40), des poursuites désormais diligentées contre le président de la CCI de la Rochelle qui pourraient engendrer une remise en cause des accords avec la société Ryanair et de l'impossibilité pour l'aéroport la Rochelle île de Ré, en l'état de sa longueur totale de piste, de recevoir une grande partie des avions de ligne compte tenu des distances de décollage et d'atterrissage nécessaire, même en l'absence de tout seuil décalé (conclusions d'appel des consorts C..., p.37), la cour d'appel a encore privé sa décision de base légale au regard des articles 808 et 809 du code de procédure civile SEPTIEME MOYEN DE CASSATION : MESURES PRISES PAR LE JUGE DES REFERES Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR constaté la présence d'obstacles perçant les surfaces de dégagement de l'aéroport la Rochelle île de Ré sur les parcelles situées à la Rochelle, cadastrées section BX n° [...], [...], [...] et [...], AUX MOTIFS QUE l'article 808 du code de procédure civile dispose que « dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal de grande instance peut ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend » et l'article 809 que « Le président peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite » (arrêt, p.12) 1/ ALORS QU'en statuant de la sorte, sans préciser le fondement juridique de sa décision, la cour d'appel a violé l'article 12 du code de procédure civile ; ET AUX MOTIFS QUE la servitude aéronautique de dégagement grève le fonds des appelants ; le classement de celui-ci au plan local d'urbanisme dans la zone de protection du patrimoine architectural urbain paysager (« ZPPAUP »), en zone de patrimoine naturel, n'exclut pas la soumission à la servitude précitée. [
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] Il se déduit de ces développements que les arbres du domaine de la Faucherie excèdent les hauteurs maximales imposées par le plan de servitudes aéronautiques de dégagement. [ ] Il résulte de ces développements que si est acquis l'irrespect du plan de servitudes aéronautiques de dégagement par les appelants, des arbres implantés sur leurs parcelles excédant les hauteurs maximales admises, la localisation des arbres concernés et la détermination des hauteurs de coupe ne peuvent être réalisées à défaut de production aux débats des documents précités (arrêt, p.12 à 14) 2/ ALORS QU'en se disant compétente pour procéder à l'abattage des arbres au sein du Parc de la Faucherie, mesures définitives tranchant l'intégralité du fond du litige, la cour d'appel a méconnu l'office du juge des référés et violé l'article 484 du code de procédure civile ; 3/ ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QU'en ne s'expliquant pas, comme elle y était pourtant invitée, sur le caractère irréversible des travaux envisagés, à savoir l'abattage de 1130 arbres pour la plupart pluricentenaires (conclusions d'appel des consorts C..., p.41 et 42), la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 484 du code de procédure civile ; 4/ ALORS QU'en ne tirant pas les conséquences des manoeuvres déloyales de la CCI de la Rochelle dans les débats, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article 10, alinéa 1er, du Code civil et l'article 3 du Code de procédure civile.
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R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 12 MARS 2020 M. S... F..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° D 19-13.442 contre le jugement rendu le 16 juillet 2018 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Metz, dans le litige l'opposant à la caisse locale déléguée de sécurité sociale des indépendants de Lorraine, agissant pour le compte de l'URSSAF, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Taillandier-Thomas, conseiller, les observations écrites de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. F..., et l'avis de Mme Ceccaldi, avocat général, après débats en l'audience publique du 5 février 2020 où étaient présents M. Prétot, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Taillandier-Thomas, conseiller rapporteur, Mme Vieillard, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision. 1. Le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. 2. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi. EN CONSÉQUENCE, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne M. F... aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. F... ; Ainsi décidé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze mars deux mille vingt. MOYEN ANNEXE à la présente décision Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour M. F... Il est reproché au jugement attaqué d'avoir validité la contrainte délivrée à M. F... pour la somme de 2 625,24 € ; AUX MOTIFS QUE M. S... F... soutient que la contrainte du 10 septembre 2015, qui lui a été signifiée par la Caisse RSI Centre -- contentieux est sur délégation de la caisse nationale du RSI selon acte d'huissier du 23 septembre 2015, n'a été précédée d'aucune mise en demeure, de sorte qu'elle n'est pas valable ; QUE la contrainte litigieuse fait bien suite aux mises en demeure des 16 février 2009 et 12 avril 2011, dont l'ensemble des accusés de réception ont bien été retournés signés ; QU'il sera observé d'une part que l'adresse figurant sur les mises en demeure est la même que celle figurant sur la contrainte, qui lui a été correctement signifiée, et que d'autre part, la signature apposée sur les accusés de réception est identique à celle de l'assuré, figurant dans les pièces produites par ce dernier aux débats ; que ces mises en demeure, restées sans effet, précisent les montants et natures des cotisations dues ainsi que les périodes auxquelles elles se rapportent ; QUE de même, la contrainte, qui fait référence aux mises en demeure précitées, permet ainsi à l'assuré de connaître le montant et la nature des cotisations dues ainsi que les périodes auxquelles elles se rapportent ; QUE dès lors, il convient de constater que la contrainte litigieuse est régulière ; QUE M. S... F... a été affilié au régime des travailleurs indépendants de Lorraine du 1er juin 2005 au 31 décembre 2009, en qualité de commerçant ; QU'il était donc redevable à ce titre de cotisations et contributions sociales pour toute sa période d'affiliation ; QU'en vertu de la contrainte litigieuse, la Caisse réclame à M. S... F... le paiement des cotisations et contributions sociales dues pour les échéances des « ANNEE 2008 », 2ème et 4ème trimestres 2009, « REGUL 2009 » et 4éme trimestre 2010, outre des majorations de retard ; QU'il est en effet souligné qu'aucune somme n'est réclamée au titre de la première mise en demeure du 16 février 2009, portant sur les 4ème trimestre 2007, 1er et 2éme trimestres 2008, la contrainte comprenant à ce titre la mention suivante: « sommes restant dues: 0,00 » ; QUE, sur l'année 2008, la Caisse réclame à M. S... F... le paiement des cotisations et contributions sociales dues au titre de l'échéance «ANNEE 2008 » ; QUE la Caisse indique que M. F... était redevable, au titre de l'année 2008, de la régularisation des cotisations d'allocations familiales et des contributions 2007, conformément à l'article 1er du décret n° 2008-1137 du 4 novembre 2008 ; QUE la Caisse explique que la régularisation des cotisations d'allocations familiales et CSG/CRDS 2007 s'élevait à 772,00 euros ;
Tribunal des affaires de sécurité sociale de la Moselle, Cour de cassation Deuxième chambre civile, décision 19-13.442 du 12/03/2020, partie 1
QUE compte-tenu du versement enregistré (414,76 euros), M. F... reste redevable de la somme de (772,00 - 414,76) = 357,24 euros ; QUE, sur l'année 2009, la Caisse réclame à M. S... F... le paiement des cotisations et contributions sociales dues au titre des échéances des 2ème, 4ème trimestres 2009 et « REGUL 2009 », outre des majorations de retard ; QUE la Caisse indique qu'il était redevable, au cours de l'année 2009, de la régularisation des cotisations retraite 2007, conformément à l'article 8 II du Décret nD2007-703 du 3 mai 2007, des cotisations et contributions sociales provisionnelles et définitives 2009 ainsi que de la régularisation des cotisations 2009, outre des majorations de retard ; QUE la Caisse fait savoir qu'elle a enregistré la radiation de l'assuré à effet du 31 décembre 2009 après communication des éléments nécessaires par ce dernier le 2 mai 2013, ayant permis de régulariser les cotisations et contributions sociales réclamées au titre de l'année 2009 ; QUE la Caisse explique que : la régularisation des cotisations retraite 2007, résultant de la différence entre les cotisations retraite provisionnelles 2007 calculées sur le revenu 2005 et les cotisations retraite définitives 2007 calculées sur le revenu 2007, s'élevait à 461 euros ; QUE les cotisations et contributions provisionnelles 2009, calculées sur le revenu 2007 de 4 651 euros et 1 863 euros de charges sociales, s'élevaient à 2 332 euros ; QUE les cotisations et contributions définitives 2009, calculées sur le revenu réel 2009 de 4 292 euros et 528 euros de charges sociales, s'élevaient à 2 123 euros ; QUE la régularisation des cotisations et contributions 2009, résultant de la différence entre l'appel provisionnel 2009 (2 332 euros) et le montant définitif 2009 (2123 euros), a entraîné un crédit de cotisations allocations familiales et retraite complémentaire et de contributions de 718 euros à déduire de l'appel provisionnel et un débit de cotisations maladie-maternité, indemnités journalières, retraite de base et invalidité-décès de 509 euros, appelés sur l'échéance du 4ème trimestre 2010 ; QUE M. F... était donc redevable, au titre de l'année 2009, de la somme totale de (461 + 2332 -718 =) 2075 euros, dont notamment: - 207 euros appelés sur l'échéance du 2eme trimestre 2009 ; - 786 euros appelés sur l'échéance complémentaire « RECUL 2009 » ; QU'en l'absence de paiement il échéance, ces sommes ont été majorées comme suit : - (207 + 21 )= 228 euros au titre du 2ème trimestre 2009 ; - (531 + 94)= 625 euros au titre du 4èmc trimestre 2009 ; - (786 + 79 =) 865 euros au titre de la «RECUL 2009 » ; QUE sur l'année 2010, la Caisse réclame à M. S... F... le paiement des cotisations sociales dues au titre de l'échéance du 4eme trimestre 2010, outre des majorations de retard ; QUE la Caisse indique que, bien que M. S... F... ait été radié à effet du 31 décembre 2009, il reste redevable de l'échéance du 4 me trimestre 2010, correspondant à la régularisation débitrice des cotisations maladie-maternité, indemnités journalières, retraite de base et invalidité-décès 2009 d'un montant de 509 euros ; QU'en l'absence de paiement à échéance, cette somme a été majorée de 68 euros, portant le solde dû à (509 + 68 =) 577 euros ; QUE M. S... F... fait valoir qu'il relevait du régime micro-fiscal (BIC)', de sorte que l'ensemble des bases de calcul de la Caisse est erroné ; Or, QU'il ,est rappelé qu'à cette époque, les régimes micro-fiscal et micro-social étaient déconnectés, de sorte qu'à défaut d'option pour le régime micro-social, les entreprises individuelles et micro-entreprises relevant du régime micro-fiscal devaient payer les cotisations sociales de droit commun, M. S... F... ne démontre pas qu'il avait opté pour ce régime micro-social. En outre, M. S... F... ne fait état d'aucun paiement, relatif aux périodes litigieuses, qui n'aurait pas été pris en compte par la Caisse en déduction des sommes réclamées, de sorte que la créance alléguée par celle-ci apparaît fondée ; QUE dès lors, M. F... reste redevable des sommes suivantes : - 357,24 euros au titre de l'échéance complémentaire de régularisation « année 2008 », relative aux cotisations d'allocations familiales et à la CSG/CRDS 2007 ; - 228,00 euros au titre de l'échéance du 4ème trimestre 2009, y compris des majorations de retard; 625,00 euros au titre de l'échéance du 4ème trimestre 2009, y compris des majorations de retard; 865,00 euros au titre de l'échéance complémentaire « REGUL 2009 », y compris des majorations de retard ; - 577,00 euros au titre de l'échéance du 4ème trimestre 2010, relative à la régularisation débitrice des cotisations 2009, y compris des majorations de retard, QUE par conséquent, il convient de valider la contrainte du 10 septembre 2015 signifiée le 17 septembre 2015 à M. S... F... par la CAISSE NATIONALE DU RSI, pour son entier montant de (357,24 + 228 + 625 + 865 + 577 =) 2 652,24 euros ; 1- ALORS QUE la contrainte doit permettre à l'intéressé d'avoir connaissance de la nature, de la cause et de l'étendue de son obligation ;
Tribunal des affaires de sécurité sociale de la Moselle, Cour de cassation Deuxième chambre civile, décision 19-13.442 du 12/03/2020, partie 2
qu'à cette fin, il importe qu'elle précise, à peine de nullité, outre la nature et le montant des cotisations réclamées, la période à laquelle elles se rapportent, sans que soit exigée la preuve d'un préjudice ; que le tribunal ne pouvait donc valider une contrainte qui comporte seulement en annexe un tableau précisant quatre montants dont chacun est afférent à plusieurs trimestres distincts et à plusieurs cotisations distinctes ; qu'il a ainsi violé les articles L. 244-2 et R. 133-3 du code de la sécurité sociale ; 2- ALORS QUE de la même façon, le tribunal ne pouvait valider la contrainte à laquelle était annexé un tableau des cotisation ayant fait l'objet des mises en demeure, des majorations, pénalités, sommes versées et sommes déduites, précisant globalement les périodes auxquelles elles se réfèrent, dès lors que les sommes mises en recouvrement ne correspondaient pas à celles mentionnées dans ce tableau et ne comportaient pas de précision relative à la période concernée ; qu'il a ainsi violé les articles L. 244-2 et R. 133-3 du code de la sécurité sociale 3- ALORS QUE dans ses écritures (avant dernière page, lignes 6 et 7) M. F... avait invoqué la prescription; qu'en omettant de s'expliquer sur ce point, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile.
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R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 4 MARS 2020 1°/ Mme C... L..., domiciliée [...] , 2°/ le syndicat CGT des hôtels de prestige et économiques, dont le siège est [...] , ont formé le pourvoi n° J 18-10.637 contre l'arrêt rendu le 14 novembre 2017 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 4), dans le litige les opposant : 1°/ à M. E... K..., domicilié [...] , pris en qualité de liquidateur de la société Global Facility services, venant aux droits de la Société française de services groupe, 2°/ à l'UNEDIC délégation de l'AGS CGEA d'Île-de-France Est, dont le siège est [...] , 3°/ à M. E... A..., domicilié [...] , pris en qualité d'administrateur judiciaire de la société Global Facility service, venant aux droits de la Société française de services groupe, défendeurs à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Monge, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de Mme L..., du syndicat CGT des hôtels de prestige et économiques, de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de M. K..., et l'avis de M. Liffran, avocat général, après débats en l'audience publique du 29 janvier 2020 où étaient présents M. Cathala, président, Mme Monge, conseiller rapporteur, M. Schamber, conseiller doyen, Mmes Aubert-Monpeyssen, Cavrois, MM. Sornay, Rouchayrole, Mme Mariette, conseillers, M. David, Mmes Ala, Prieur, Thomas-Davost, conseillers référendaires, M. Liffran, avocat général, et Mme Lavigne, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme L... a été engagée en qualité d'agent de service par la société Française de services groupe (la société FSG) suivant contrat à temps partiel soumis à la convention collective des entreprises de propreté ; que son lieu d'affectation a été l'hôtel Sofitel Paris-Bercy, devenu l'hôtel Pullmann Paris-Bercy, puis l'hôtel [...] ; que licenciée le 18 octobre 2011 pour inaptitude sans possibilité de reclassement, elle a, le 8 mars 2012, avec le syndicat CGT des hôtels de prestige et économiques ( le syndicat ) saisi la juridiction prud'homale à l'effet d'obtenir paiement d'un rappel de salaire, d'indemnités et de dommages-intérêts ; qu'en cours de procédure, la société FSG, devenue la société Global facility services, a fait l'objet d'une liquidation judiciaire, M. K... étant désigné en qualité de liquidateur ; Sur les premier et troisième moyens : Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les moyens annexés qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ; Sur le deuxième moyen : Attendu que le premier moyen ayant fait l'objet d'un rejet, le moyen pris d'une cassation par voie de conséquence est sans portée ; Mais sur le quatrième moyen : Vu l'article 4 du code de procédure civile ; Attendu que pour rejeter la demande de la salariée relative à la minoration de ses droits sociaux, l'arrêt retient que l'article 9 de l'arrêté du 20 décembre 2002, dans sa rédaction issue de l'arrêté du 25 juillet 2005, n'ouvre la possibilité de bénéficier de la déduction forfaitaire spécifique pour frais qu'aux professions prévues à l'article 5 de l'annexe IV du code général des impôts, lequel ne vise pas nommément les ouvriers de nettoyage des locaux, que si ces ouvriers sont assimilés par la doctrine fiscale aux ouvriers du bâtiment expressément visés par ces textes, c'est à la seule condition, comme ces derniers, qu'ils travaillent sur plusieurs chantiers, qu'une simple circulaire ne peut contredire les textes susvisés, qu'il s'ensuit que les conditions de travail des salariés (en l'occurrence, des ouvriers d'une entreprise de nettoyage) ne leur permettaient pas de bénéficier de la déduction supplémentaire pour frais professionnels ; Qu'en statuant ainsi alors que, dans ses écritures reprises oralement, la salariée ne demandait pas le bénéfice d'une déduction supplémentaire pour frais professionnels mais la condamnation de l'employeur au paiement de dommages-intérêts pour avoir pratiqué sur l'assiette de calcul des cotisations sociales un abattement pour frais professionnels non applicable aux entreprises de nettoyage, la cour d'appel, qui a modifié l'objet du litige, a violé le texte susvisé ; PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de Mme L... au titre de la minoration de ses droits sociaux, l'arrêt rendu le 14 novembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Cour d'appel de Paris K4, Cour de cassation Chambre sociale, décision 18-10.637 du 04/03/2020, partie 1
Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ; Condamne M. K..., liquidateur à la liquidation judiciaire de la société Global Facility services, aux dépens ; Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatre mars deux mille vingt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour Mme L... et le syndicat CGT des hôtels de prestige et économiques PREMIER MOYEN DE CASSATION IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR débouté Mme L... de ses demandes d'indemnité pour travail dissimulé, d'indemnité de nourriture, de rappel de salaire au titre du 13ème mois, de dommages et intérêts pour minoration de ses droits sociaux et marchandage ; AUX MOTIFS QU'en application de l'article L 8231-1 du code du travail, pour être qualifiée de marchandage, une opération doit être à but lucratif et doit avoir pour effet soit de porter préjudice au salarié qu'elle concerne soit d'aboutir à éluder l'application de dispositions légales ou de stipulations d'une convention ou d'un accord collectif ; que la sous-traitance doit assurer l'exécution d'une tâche objectivement définie dans le cadre de laquelle la main d'oeuvre, mise à disposition de l'entreprise utilisatrice mais sur laquelle le prestataire conserve l'autorité, permet d'obtenir un résultat que l'entreprise utilisatrice n'aurait pas obtenu de son personnel par un manque avéré de savoir-faire ou de compétence technique spécifique ; qu'en présence d'un tel contrat de sous-traitance ou de prestation de service, le caractère licite d'une telle convention dépend du maintien du lien de subordination avec la société d'origine, du caractère forfaitaire du coût de la prestation qui doit être nettement définie, de la mise en oeuvre par le salarié mis à la disposition d'un savoir-faire spécifique distinct de celui des salariés de l'entreprise d'accueil ; qu'en l'espèce, il ressort des éléments du débat que si C... L... déclare être d'origine étrangère, elle a indiqué dans la déclaration d'appel avoir la nationalité française ; qu'elle a travaillé pour deux hôtels distincts mais de même catégorie de luxe ou grand luxe, elle effectue les mêmes prestations que ses collègues salariées de ces hôtels qui figurent elles aussi sur les plannings définis par la gouvernante générale qui en a témoigné, enfin C... L... ne perçoit pas le 13ème mois ni l'indemnité pour jours fériés prévus par la convention HCR ; qu'il appartenait à C... L... d'apporter la preuve que le lien de subordination avec sa société d'origine n'aurait pas été maintenu, ce qu'elle ne fait pas, du caractère forfaitaire du coût de la prestation, et de la mise en oeuvre d'un savoir-faire spécifique alors qu'elle intervient dans des hôtels de luxe ou grand luxe aux côtés de salariés ayant les mêmes fonctions ; qu'il est constant que l'activité unique de son employeur recouvre le nettoyage des hôtels de luxe et grand luxe, cette activité étant réalisée avec son propre matériel et son savoir-faire ; que l'appelant relève à bon droit que le syndicat CGT a signé le 07.05.2014 une Charte sur la sous-traitance de nettoyage Louvre Hôtels Groupe et a ainsi admis l'existence d'une sous-traitance de ce type dans les grands hôtels ; que dès lors la SA FRANCAISE DE SERVICES GROUPE a exercé son activité en tant que prestataire de services, sans que le choix de gestion de l'entreprise utilisatrice puisse être remise en cause par le juge prud'homal ; 1°) ALORS QU' est interdit tout marchandage défini comme une opération à but lucratif de fourniture de main d'oeuvre qui a pour effet de causer un préjudice au salarié qu'elle concerne ou d'éluder l'application de dispositions légales ou de stipulations d'une convention ou d'un accord collectif de travail ; qu'il y a fourniture de main d'oeuvre à but lucratif lorsque la nature des prestations exécutées par la personne mise à disposition ne se caractérise pas par une spécificité ou un savoir-faire particulier de l'entreprise prêteuse et que les prestations fournies moyennant rémunération entrent dans les tâches habituellement exécutées par les salariés de l'entreprise utilisatrice ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt que Mme L... effectuait les mêmes prestations que ses collègues salariées de l'hôtel qui figuraient elles aussi sur les plannings définis par la gouvernante générale mais sans qu'elle ne bénéficie des mêmes avantages prévus par la convention collective HCR ;
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qu'en déboutant la salariée par des motifs impropres à écarter le marchandage la cour d'appel, à laquelle il incombait de rechercher si la mise à disposition de la salariée réalisait une opération de fourniture illicite de main d'oeuvre en procurant à l'entreprise utilisatrice des facilités et des économies dans la gestion du personnel, n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L 8231-1 du code du travail ; 2°) ALORS QU' est interdit tout marchandage défini comme une opération à but lucratif de fourniture de main d'oeuvre qui a pour effet de causer un préjudice au salarié qu'elle concerne ou d'éluder l'application de dispositions légales ou de stipulations d'une convention ou d'un accord collectif de travail ; qu'il y a fourniture de main d'oeuvre à but lucratif lorsque la nature des prestations exécutées par la personne mise à disposition ne se caractérise pas par une spécificité ou un savoir-faire particulier de l'entreprise prêteuse et que les prestations fournies moyennant rémunération entrent dans les tâches habituellement exécutées par les salariés de l'entreprise utilisatrice ; qu'en énonçant que Mme L... devait rapporter la preuve, à l'appui de sa demande au titre du marchandage, de la mise en oeuvre d'un savoir-faire spécifique quand au contraire le marchandage est constitué lorsque les prestations exécutées par la personne mise à disposition ne caractérise pas par un savoir-faire ou une spécificité particulière par rapport à celles réalisées par les salariés de l'entreprise utilisatrice, la cour d'appel a violé l'article L 8231-1 du code du travail ; 3°) ALORS QU' il appartient au juge saisi par un salarié d'une demande de dommages et intérêts pour marchandage de rechercher, par l'analyse des conditions factuelles dans lesquelles il a effectué sa prestation, la véritable nature de la convention intervenue entre l'entreprise prêteuse et l'entreprise utilisatrice ; qu'en retenant, pour débouter Mme L... de ses demandes au titre du marchandage, que le syndicat CGT avait signé le 7 mai 2014 une charte sur la sous-traitance de nettoyage Louvre Hôtels Groupe et avait ainsi admis l'existence d'une sous-traitance de ce type dans les grands hôtels, la cour d'appel, à laquelle il incombait de rechercher si les conditions factuelles dans lesquelles la salariée a exécuté sa prestation relevait d'une opération de fourniture de main d'oeuvre constitutive du délit de marchandage, a statué par un motif inopérant et a violé l'article L 8231-1 du code du travail ; 4°) ALORS QU'il résulte des constatations de l'arrêt que Mme L... effectuait les mêmes prestations que ses collègues salariées de l'hôtel qui figuraient elles aussi sur les plannings définis par la gouvernante et qu'elle intervenait dans les hôtels de luxe ou grand luxe aux côtés de salariés ayant les mêmes fonctions ; qu'en affirmant péremptoirement que l'activité de nettoyage des hôtels de luxe et de grand luxe de la société Française de services groupe était réalisée avec son savoir-faire sans préciser en quoi ce savoir-faire était spécifique par rapport à celui mis en oeuvre par les salariés de l'entreprise utilisatrice, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article L 8231-1 du code du travail ; 5°) ALORS, en tout état de cause, QU'il appartient au sous-traitant de prouver que le lien de subordination avec le salarié mis à disposition a été maintenu ; qu'en faisant grief à Mme L... de ne pas avoir apporté la preuve que le lien de subordination avec sa société d'origine n'avait pas été maintenu, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et a violé l'article 1315 devenu 1353 du code civil. DEUXIÈME MOYEN DE CASSATION IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR débouté Mme L... de ses demandes en paiement de l'indemnité pour travail dissimulé, de l'indemnité de nourriture applicable dans l'industrie hôtelière ainsi que du treizième mois et des compensations financières des jours fériés prévus par la convention collective HCR ; AUX MOTIFS QUE C... L... sollicite l'application de l'article D 3231-10 du code du travail, dès lors que l'emploi occupé caractérise l'appartenance à l'industrie hôtelière et non pas l'activité principale de l'entreprise employeur ; que Me K... es qualité rappelle que, selon l'article L 2261-2 du code du travail, la convention collective applicable est celle dont relève l'activité principale de l'employeur, en l'espèce il s'agit du nettoyage d'hôtel de luxe et grand luxe ; que l'industrie hôtelière qui inclut les hôtels, cafés, restaurants, présente des particularismes comprenant l'obligation pour l'employeur de nourrir le personnel ou à défaut de lui verser une indemnité compensatrice ; que l'arrêté du 22.02.1946 modifié par l'arrêté du 01.10.1947 s'applique au personnel travaillant dans tous les hôtels, cafés, restaurants, établissements de vente de denrées alimentaires ou de boissons à consommer sur place et ressortissant de l'industrie hôtelière notamment, ainsi qu'au personnel de l'industrie hôtelière, mais où s'effectue cependant à titre accessoire la vente de denrées ou de boissons à consommer sur place ; que ce texte impose à l'employeur soit de nourrir gratuitement l'ensemble de son personnel soit de lui allouer une indemnité compensatrice ;
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que néanmoins la SA FRANCAISE DE SERVICES GROUPE, aux droits de laquelle vient la SA GLOBAL FACILITY SERVICES, est une entreprise dont l'activité principale est le nettoyage qui ne correspond pas à la définition des établissements dans lesquels l'employeur est tenu de fournir des repas ou à défaut une indemnité à ses salariés ; que dès lors C... L... exerçait son activité d'entretien des chambres pour le compte de la SA FRANCAISE DE SERVICES GROUPE dans des hôtels, sans pour autant que cette activité ressortisse de l'activité hôtelière ; qu'en conséquence elle ne peut prétendre au bénéfice de l'indemnité qu'elle sollicite et le jugement rendu doit être complété ; que C... L... réclame en outre l'application des dispositions conventionnelles dont bénéficient les salariés de l'hôtellerie en termes de compensations financières au titre des jours fériés, compensations qui ne sont pas prévues par la convention collective qui lui est appliquée et qui est celle de son employeur, à savoir la convention collective des entreprises de propreté ; que la salariée était parfaitement informée de son statut et ne peut réclamer l'application de dispositions distinctes. Cette demande sera rejetée et le jugement infirmé ; que sur le 13ème mois de 2008 à 2011 ; que le raisonnement est identique sur ce point, la demande de C... L... sera rejetée et le jugement infirmé ; ALORS QUE la cassation à intervenir sur le premier moyen relatif au marchandage entrainera par voie de conséquence l'annulation des chefs de dispositif de l'arrêt ayant débouté Mme L... de ses demandes en paiement de l'indemnité de nourriture applicable dans l'industrie hôtelière, du treizième mois et des compensations financières des jours fériés prévus par la convention collective HCR ainsi que de sa demande en paiement d'une indemnité pour travail dissimulé en application de l'article 624 du code de procédure civile. TROISIEME MOYEN DE CASSATION IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté Mme L... de sa demande relative au travail dissimulé ; AUX MOTIFS QU'en l'espèce le premier juge a constaté que seul le nombre d'heures de travail journalier était fixé, soit 3h par jour initialement, avec une très large amplitude horaire allant de 6h à 21h chaque jour, puis que dans les avenants seul le nombre d'heures par mois étant mentionné, ces avenants ne respectant pas le délai légal de prévenance ; que l'attestation délivrée par la gouvernante générale ne saurait pallier l'absence de communication par la partie appelante des plannings ; qu'il résulte de ces éléments que la salariée était dans la totale impossibilité de prévoir ses horaires de travail ou encore de compléter ces horaires par un autre emploi à temps partiel, ce qui la contraignait à rester à disposition de son employeur de façon permanente ; que la requalification de la relation de travail en contrat de travail à temps plein s'impose donc dans ces circonstances ; en conséquence il y a lieu de faire droit au rappel de salaire qui résulte d'un décompte précis et non contesté ; que le jugement sera confirmé, sans que l'astreinte soit nécessaire ; qu'à défaut pour les intimés de démontrer l'intention frauduleuse de l'employeur au sens des articles L 8221-3 et L 8221-5 du code du travail même si sa négligence est démontrée, il convient de rejeter cette prétention qui est nouvelle en cause d'appel ; ALORS QU'en s'abstenant de répondre aux conclusions d'appel de Mme L... (p.12), reprises oralement à l'audience, qui faisaient valoir que son employeur avait en réalité mis en place un système de rémunération à la tâche totalement déconnecté du temps de travail effectif, qui avait pour conséquence de dissimuler le nombre de travail effectivement réalisé dès lors qu'elle devait réaliser quotidiennement le nettoyage d'un certain nombre de chambres indépendamment du temps de travail qu'elle devait y consacrer, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile. QUATRIÈME MOYEN DE CASSATION IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté Mme L... de se demande relative à la minoration des droits sociaux ; AUX MOTIFS QUE les intimés font observer que les entreprises de propreté pratiquent un abattement sur l'assiette de calcul des cotisations sociales des salariés de la branche par assimilation avec les ouvriers du bâtiment dont le statut spécifique avait été fixé par le décret du 17.11.1936, alors qu'elles n'ont plus d'activité dans le bâtiment, et que par ailleurs les ouvriers de nettoyage ne supportent plus de charge de caractère spécial au titre de l'accomplissement de leur mission compte tenu de l'article 1 de l'arrêté du 10.12.2002, et alors enfin que les salariés des entreprises de propreté ne figurent pas dans la liste de l'article 1er du décret du 17.11.1936 ; que l'appelante conteste cette interprétation en se fondant notamment sur la circulaire prise par les ministres des affaires sociales et des finances en date du 08.11.2012 ; que dans le cadre de leur appréciation souveraine il appartient aux juges du fond de juger la portée des éléments de preuve qui leur sont apportés en la matière ;
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que l'article 9 de l'arrêté du 20.12.2002, dans sa rédaction issue de l'arrêté du 25.07.2005, n'ouvre la possibilité de bénéficier de la déduction forfaitaire spécifique pour frais qu'aux professions prévues à l'article 5 de l'annexe IV du C.C.I., lequel ne vise pas nommément les ouvriers de nettoyage des locaux ; que si ces ouvriers sont assimilés par la doctrine fiscale aux ouvriers du bâtiment expressément visés par ces textes, c'est à la seule condition, comme ces derniers, qu'ils travaillent sur plusieurs chantiers ; qu'une simple circulaire ne peut contredire les textes susvisés ; qu'il s'ensuit que les conditions de travail des salariés (en l'occurrence, des ouvriers d'une entreprise de nettoyage) ne leur permettaient pas de bénéficier de la déduction supplémentaire pour frais professionnels ; que cette demande nouvelle en cause d'appel sera rejetée ; 1°) ALORS QUE dans ses conclusions d'appel (p.15 à 18) reprises oralement à l'audience, Mme L... ne sollicitait pas le bénéfice d'une déduction supplémentaire pour frais professionnels mais demandait la condamnation de son employeur à lui verser des dommages et intérêts pour minoration illicite de ses droits sociaux dès lors que la société Française de services groupe avait pratiqué illégalement sur l'assiette de calcul de ses cotisations sociales une déduction forfaitaire spécifique pour frais professionnels en application des dispositions de l'arrêté du 20 décembre 2002, relatif aux frais professionnels déductibles pour le calcul des cotisations de sécurité sociale, lesquelles ne visent pas les ouvriers de nettoyage de locaux ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et a violé l'article 4 du code de procédure civile ; 2°) ALORS QUE l'employeur est tenu de s'acquitter de l'intégralité du salaire dû au salarié et des cotisations sociales y afférentes ; qu'à défaut il engage sa responsabilité contractuelle ; qu'en s'abstenant de rechercher, ainsi qu'elle était invitée à le faire, si la société Française de services groupe n'avait pas commis une faute en pratiquant illégalement sur l'assiette de calcul des cotisations sociales de ses salariés une déduction forfaitaire spécifique pour frais professionnels qui n'est pas applicable aux ouvriers de nettoyage de locaux et s'il n'en n'avait pas résulté pour Mme S... un préjudice constitué par une minoration de sa rémunération et de ses droits sociaux, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision en violation de l'article 1147 du code civil devenu 1231-1 du code civil.
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R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 4 MARS 2020 La société Bellecour, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° S 18-14.370 contre l'arrêt rendu le 25 janvier 2018 par la cour d'appel de Lyon (3e chambre A), dans le litige l'opposant : 1°/ à Mme O... Y..., domiciliée [...] , 2°/ à M. J... Y..., 3°/ à Mme B... D..., épouse Y..., 4°/ à M. R... Y..., domiciliés tous trois [...] 5°/ à la société Caisse fédérale de crédit mutuel, société coopérative à forme anonyme, dont le siège est [...] , 6°/ à la société Toutravo, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme de Cabarrus, conseiller référendaire, les observations de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat de la société Bellecour, de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de M. J... Y..., Mme B... Y..., Mme O... Y... et M. R... Louis, de Me Le Prado, avocat de la société Caisse fédérale de crédit mutuel, et l'avis de M. Debacq, avocat général, après débats en l'audience publique du 14 janvier 2020 où étaient présents Mme Mouillard, président, Mme de Cabarrus, conseiller référendaire rapporteur, M. Guérin, conseiller doyen, et Mme Labat, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. J... Y... et Mme B... Y... étaient respectivement gérant et comptable de la société Toutravo ; que, par un acte du 13 décembre 2011, M. J... Y..., Mme B... Y..., Mme O... Y... et M. R... Y... ont cédé l'intégralité des actions qu'ils détenaient dans le capital de la société Toutravo à la société Bellecour ; que par un second acte, du même jour, ils lui ont consenti une garantie de passif et d'actif, dont la société Caisse fédérale de crédit mutuel s'est rendue caution solidaire, dans la limite de 60 000 euros ; que soutenant que les comptes de la société Toutravo n'étaient pas sincères, la société Bellecour a mis en oeuvre la garantie souscrite ; Sur le premier et le deuxième moyens : Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ; Mais sur le troisième moyen, pris en sa première branche : Vu l'article 565 du code de procédure civile ; Attendu que pour déclarer irrecevable la demande de la société Bellecour fondée sur la réticence dolosive de M. J... Y... et de Mme B... Y..., formée pour la première fois en cause d'appel, l'arrêt retient que la demande, fondée sur des fautes délictuelles, est nouvelle comme ne tendant pas aux mêmes fins que la réclamation formée sur la garantie d'actif et de passif ; Qu'en statuant ainsi, alors que les deux demandes soumises à la cour d'appel tendaient à la réparation du même préjudice résultant pour le cessionnaire des inexactitudes et omissions commises par les cédants, la cour d'appel a violé le texte susvisé ; Et sur le troisième moyen, pris en sa troisième branche : Vu l'article 565 du code de procédure civile ; Attendu que pour statuer comme il fait, l'arrêt retient encore que la demande est nouvelle comme ne tendant pas aux mêmes fins que la première, s'agissant, dans un cas pour la société Bellecour d'obtenir une condamnation à l'encontre de ses cocontractants, cessionnaires de la société Toutravo, à savoir M. J... Y..., Mme B... Y..., Mme O... Y... et M. R... Y..., et, dans l'autre cas, d'obtenir une condamnation à l'encontre des seuls M. J... Y... et Mme B... Y... ; Qu'en statuant ainsi, alors que les prétentions ne sont pas nouvelles en appel dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises aux premiers juges, même si elles ne sont pas dirigées contre la totalité des parties mises en cause en première instance, la cour d'appel a violé le texte susvisé ; PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief, la Cour :
Cour d'appel de Lyon 3A, Cour de cassation Chambre commerciale financière et économique, décision 18-14.370 du 04/03/2020, partie 1
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit irrecevable la demande de la société Bellecour de condamnation de M. J... Y... et de Mme B... D..., épouse Y..., à lui payer la somme de 70 000 euros à titre de dommages-intérêts sur le fondement du dol, et statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 25 janvier 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon autrement composée ; Met hors de cause, sur sa demande, la société Caisse fédérale de crédit mutuel, dont la présence devant la cour de renvoi n'est plus nécessaire à la solution du litige ; Condamne M. J... Y..., Mme B... Y..., Mme O... Y... et M. R... Y... aux dépens ; Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par M. J... Y..., Mme B... Y..., Mme O... Y... et M. R... Y... et les condamne à payer la somme globale de 3 000 euros à chacune des sociétés Bellecour et Caisse fédérale de crédit mutuel ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatre mars deux mille vingt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat aux Conseils, pour la société Bellecour PREMIER MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué, confirmatif de ce chef, d'avoir débouté la SARL Bellecour de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions fondées sur la mise en jeu de la convention de garantie souscrite à son profit par M. J... Y..., Mme B... D... épouse Y..., Mlle O... Y... et M. R... Y... à l'exception de sa demande concernant l'affaire V.. ; Aux motifs propres que « Sur l'application de la garantie : Attendu que l'acte sous seing privé intitulé "contrat de garantie" conclu entre les parties le 13 décembre 2011 stipule en l'article 1 de la convention que les garants consentent au bénéficiaire une garantie de bilan tant relative aux postes d'actif que de passif ; que le § d) "mise en oeuvre" prévoit que "le bénéficiaire devra informer l'un et/ou l'autre des garants par lettre(s) recommandée(s) avec demande(s) d'avis de réception ou acte(s) extrajudiciaire(s) dans les trente jours de la survenance des faits pouvant mettre en jeu cette garantie et en leur fournissant toutes les informations nécessaires pour leur permettre d'étudier en coopération avec lui la suite qu'il convient de donner à une telle réclamation. [ ] Le défaut d'information et/ou de notification de l'un au moins des garants par le bénéficiaire emportera déchéance de la garantie. ..." ; Attendu que l'article 2 de la convention stipule que "en complément de la garantie d'actif et de passif qui précède, les garants s'engagent solidairement à indemniser le bénéficiaire, sous forme de dommages et intérêts, dans les conditions indiquées aux paragraphes c) et d) de l'article premier ci-dessus," ; Attendu que contrairement à ce que concluent (sic) la société Bellecour, il résulte de la simple lecture de ces stipulations que les conditions de la mise en oeuvre de la garantie prévue à l'article 2 sont identiques à celle de la mise en oeuvre de la garantie prévue à l'article 1 ; Attendu qu'en deuxième lieu, la société Bellecour rajoute au texte en soutenant que le délai de trente jours n'est opposable que dans l'hypothèse de la survenance d'un fait et en cas de réclamation d'un tiers ; Attendu que ces stipulations sont parfaitement claires et ne laissent place à aucune interprétation, le point de départ du délai de trente jours étant la survenance de faits susceptibles de mettre en jeu la garantie et étant distinct du délai de trois ans ; qu'il n'était pas interdit à la société Bellecour de présenter plusieurs réclamations distinctement mais en un seul envoi ; Attendu que le tribunal a, à juste titre, retenu que les réclamations au titre de la garantie n'avaient pas été faites dans le délai de trente jours, les lettres recommandées avec accusé de réception produites des 1er février et 11 mars 2013 faisant état d'éléments connus en 2011 et 2012 ; que le mail de l'expert-comptable de la société Bellecour du 13 février 2013 n'établit pas davantage que la société n'aurait eu connaissance des faits qu'à cette date, ce mail indiquant notamment que le comptable a répondu à l'avocat pour la GAP, qu'une situation serait établie au 28 février 2013 et que l'objectif est de sortir des chiffres pour fin mars au plus tard ;
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Attendu qu'enfin, la déchéance de garantie prévue à l'article 1 n'était en rien conditionnée à la connaissance des faits qu'en auraient eus les cédants ni à l'existence d'un préjudice résultant d'un défaut d'information ; Attendu en conséquence que la décision déférée sera confirmée de ce chef, les parties s'étant librement engagées contractuellement à mettre en oeuvre la clause de garantie dans un délai donné sous peine de déchéance de celle-ci ». Et aux motifs, éventuellement adoptés, que « Attendu qu'un contrat de garantie d'actif et de passif en date du 13 décembre 2011 a été signé par les consorts Y... et la SARL BELLECOUR lors de l'acte de cession d'action ; Attendu que le déclenchement de la garantie de bilan, tant en ce qui concerne les postes d'actif que ceux du passif, est précisé à l'article premier de la convention au paragraphe (d) intitulé « Mise en oeuvre », pièce N°2 du défendeur page 6 ; Attendu qu'il est indiqué dans ce paragraphe : « Pour mettre en oeuvre la présente garantie, le bénéficiaire devra informer l'un ou l'autre des garants par lettre(s) recommandée(s) avec demande d'avis de réception ou acte(s) extrajudiciaire(s) dans les trente jours de la survenance des faits pouvant mettre en jeu cette garantie, et en leur fournissant toutes les informations nécessaires pour leur permettre d'étudier en coopération avec lui la suite qu'il convient de donner à une telle réclamation... » ; Attendu que « une telle réclamation », objet du litige, est la réclamation du demandeur, du bénéficiaire de la garantie, et non celle d'un tiers ; Attendu que ceci est confirmé en page 13, ARTICLE 3, dans le paragraphe a) Exécution des engagements de garantie ; « Dans le cas où une réclamation du bénéficiaire ou de ses successeurs à raison de l'une quelconque des garanties... » ; Attendu que ce contrat de garantie, page 7, précise « Le défaut d'information et/ou de notification de l'un au moins des garants par le bénéficiaire emportera déchéance de la garantie » ; En conséquence, chaque réclamation du bénéficiaire, au titre de la garantie, impose une information du/des garant(s) dans les trente jours ; En conséquence et en application de la convention de garantie, pour l'affaire V..., l'information par le bénéficiaire, la société Bellecour, à l'un des garants est à la date du 10 avril 2012 pour des faits en date du 29 mars 2012, pièce n°4, soit dans les 30 jours, la garantie de passif s'appliquera ; pour la subvention Pôle Emploi, soulevé par l'audit le 13 décembre 2011, date non contestée, dont l'information par le bénéficiaire, la société Bellecour, à l'un des garants est à la date du 11 mars 2013, le délai est dépassé ; la garantie de passif ne s'appliquera pas ; pour le compte courant débiteur de Monsieur J... Y..., soulevé par l'audit en date du 13 décembre 2011 et dont l'information par le bénéficiaire à l'un des garants est en date du 1er février 2013, le délai est dépassé ; la garantie de passif ne s'appliquera pas ; pour le contrat Pyramide, assurance RCP 2010, suite à un courrier en date du 23 mai 2012 et dont l'information par le bénéficiaire à l'un des garants est en date du 1er février 2013, le délai est dépassé ; la garantie de passif ne s'appliquera pas ; pour les factures fournisseurs et les créances clients, qui sont antérieures à la cession du 13 décembre 2011, qui ont fait l'objet de réclamation par le bénéficiaire de la garantie en date du 11 mars 2013, le délai est dépassé ; la garantie de passif ne s'appliquera pas ; En conséquence la SARL Bellecour sera déchue de ses droits à l'encontre des consorts Y... pour l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions, à l'exception de la garantie de passif qui s'appliquera pour l'affaire V..., ce que reconnaissent les consorts Y..., pour la somme de 12 000 euros suite à condamnation par la chambre sociale de la cour d'appel de Lyon en date du 21 mars 2012 ; Attendu qu'une franchise de 10 000 euros a été convenue au contrat de garantie du 13 décembre 2011, la somme due sera réduite à 2000 euros outre intérêts au taux légal à compter du 11 avril 2012 ; Attendu que la CAISSE FEDERALE DE CREDIT MUTUEL n'a pas consenti à la société Bellecour une garantie à première demande mais un cautionnement dont le sort dépend de l'instance principale ; Attendu que les consorts Y... ont reconnu devoir la somme de 2 000 euros, franchise déduite, outre intérêts au taux légal, à compter du 11 avril 2012 ; En conséquence la société Bellecour n'est pas fondée à réclamer 60 000 euros de cautionnement à la CAISSE FEDERALE DE CREDIT MUTUEL, Et le Tribunal : Déboutera la société Bellecour de sa demande de 60 000 euros au CREDIT MUTUEL ». 1°) Alors que le contrat dont les clauses sont contradictoires est ambigu et requiert une interprétation ;
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qu'en affirmant que les clauses du contrat étaient claires et précises quant au délai de mise en oeuvre de la garantie lorsque les articles 1 et 3 prévoyaient des délais distincts, la cour d'appel, en refusant d'exercer son pouvoir d'interprétation et en ne recherchant pas la volonté des parties, a violé l'article 1134 du code civil dans sa rédaction applicable à la cause ; 2°) Alors, subsidiairement, que les conventions doivent être exécutées de bonne foi ; qu'il en résulte que le garant qui, au moment de la cession, a connaissance et a omis de signaler un fait permettant la mise en jeu de la garantie, ne peut pas se prévaloir d'une clause prévoyant la déchéance de la garantie du fait d'un défaut d'information ; qu'en faisant droit à la demande de déchéance de la garantie pour non-respect, par le cessionnaire, du délai d'information des cédants sans rechercher si la connaissance, par les cédants, des éléments déclenchant la garantie ne les privaient pas du droit d'invoquer la déchéance de la garantie, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil dans sa rédaction applicable à la cause. DEUXIEME MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la SARL Bellecour de sa demande tendant à la condamnation de la Caisse fédérale de crédit mutuel à lui payer la somme de 60.000 euros en sa qualité de caution solidaire des consorts Y... ; Aux motifs propres que « Sur l'application de la garantie : Attendu que l'acte sous seing privé intitulé "contrat de garantie" conclu entre les parties le 13 décembre 2011 stipule en l'article 1 de la convention que les garants consentent au bénéficiaire une garantie de bilan tant relative aux postes d'actif que de passif ; que le § d) "mise en oeuvre" prévoit que "le bénéficiaire devra informer l'un et/ou l'autre des garants par lettre(s) recommandée(s) avec demande(s) d'avis de réception ou acte(s) extrajudiciaire(s) dans les trente jours de la survenance des faits pouvant mettre en jeu cette garantie et en leur fournissant toutes les informations nécessaires pour leur permettre d'étudier en coopération avec lui la suite qu'il convient de donner à une telle réclamation. [ ] Le défaut d'information et/ou de notification de l'un au moins des garants par le bénéficiaire emportera déchéance de la garantie. ..." ; Attendu que l'article 2 de la convention stipule que "en complément de la garantie d'actif et de passif qui précède, les garants s'engagent solidairement à indemniser le bénéficiaire, sous forme de dommages et intérêts, dans les conditions indiquées aux paragraphes c) et d) de l'article premier ci-dessus," ; Attendu que contrairement à ce que concluent (sic) la société Bellecour, il résulte de la simple lecture de ces stipulations que les conditions de la mise en oeuvre de la garantie prévue à l'article 2 sont identiques à celle de la mise en oeuvre de la garantie prévue à l'article 1 ; Attendu qu'en deuxième lieu, la société Bellecour rajoute au texte en soutenant que le délai de trente jours n'est opposable que dans l'hypothèse de la survenance d'un fait et en cas de réclamation d'un tiers ; Attendu que ces stipulations sont parfaitement claires et ne laissent place à aucune interprétation, le point de départ du délai de trente jours étant la survenance de faits susceptibles de mettre en jeu la garantie et étant distinct du délai de trois ans ; qu'il n'était pas interdit à la société Bellecour de présenter plusieurs réclamations distinctement mais en un seul envoi ; Attendu que le tribunal a, à juste titre, retenu que les réclamations au titre de la garantie n'avaient pas été faites dans le délai de trente jours, les lettres recommandées avec accusé de réception produites des 1er février et 11 mars 2013 faisant état d'éléments connus en 2011 et 2012 ; que le mail de l'expert-comptable de la société Bellecour du 13 février 2013 n'établit pas davantage que la société n'aurait eu connaissance des faits qu'à cette date, ce mail indiquant notamment que le comptable a répondu à l'avocat pour la GAP, qu'une situation serait établie au 28 février 2013 et que l'objectif est de sortir des chiffres pour fin mars au plus tard ; Attendu qu'enfin, la déchéance de garantie prévue à l'article 1 n'était en rien conditionnée à la connaissance des faits qu'en auraient eus les cédants ni à l'existence d'un préjudice résultant d'un défaut d'information ; Attendu en conséquence que la décision déférée sera confirmée de ce chef, les parties s'étant librement engagées contractuellement à mettre en oeuvre la clause de garantie dans un délai donné sous peine de déchéance de celle-ci » ; Et aux motifs, éventuellement adoptés, que « Attendu qu'un contrat de garantie d'actif et de passif en date du 13 décembre 2011 a été signé par les consorts Y... et la SARL BELLECOUR lors de l'acte de cession d'action ;
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Attendu que le déclenchement de la garantie de bilan, tant en ce qui concerne les postes d'actif que ceux du passif, est précisé à l'article premier de la convention au paragraphe (d) intitulé « Mise en oeuvre », pièce N°2 du défendeur page 6 ; Attendu qu'il est indiqué dans ce paragraphe : « Pour mettre en oeuvre la présente garantie, le bénéficiaire devra informer l'un ou l'autre des garants par lettre(s) recommandée(s) avec demande d'avis de réception ou acte(s) extrajudiciaire(s) dans les trente jours de la survenance des faits pouvant mettre en jeu cette garantie, et en leur fournissant toutes les informations nécessaires pour leur permettre d'étudier en coopération avec lui la suite qu'il convient de donner à une telle réclamation... » ; Attendu que « une telle réclamation », objet du litige, est la réclamation du demandeur, du bénéficiaire de la garantie, et non celle d'un tiers ; Attendu que ceci est confirmé en page 13, ARTICLE 3, dans le paragraphe a) Exécution des engagements de garantie ; « Dans le cas où une réclamation du bénéficiaire ou de ses successeurs à raison de l'une quelconque des garanties... » ; Attendu que ce contrat de garantie, page 7, précise « Le défaut d'information et/ou de notification de l'un au moins des garants par le bénéficiaire emportera déchéance de la garantie » ; En conséquence, chaque réclamation du bénéficiaire, au titre de la garantie, impose une information du/des garant(s) dans les trente jours ; En conséquence et en application de la convention de garantie, pour l'affaire V..., l'information par le bénéficiaire, la société Bellecour, à l'un des garants est à la date du 10 avril 2012 pour des faits en date du 29 mars 2012, pièce n°4, soit dans les 30 jours, la garantie de passif s'appliquera ; pour la subvention Pôle Emploi, soulevé par l'audit le 13 décembre 2011, date non contestée, dont l'information par le bénéficiaire, la société Bellecour, à l'un des garants est à la date du 11 mars 2013, le délai est dépassé ; la garantie de passif ne s'appliquera pas ; pour le compte courant débiteur de Monsieur J... Y..., soulevé par l'audit en date du 13 décembre 2011 et dont l'information par le bénéficiaire à l'un des garants est en date du 1er février 2013, le délai est dépassé ; la garantie de passif ne s'appliquera pas ; pour le contrat Pyramide, assurance RCP 2010, suite à un courrier en date du 23 mai 2012 et dont l'information par le bénéficiaire à l'un des garants est en date du 1er février 2013, le délai est dépassé ; la garantie de passif ne s'appliquera pas ; pour les factures fournisseurs et les créances clients, qui sont antérieures à la cession du 13 décembre 2011, ont fait l'objet de réclamation par le bénéficiaire de la garantie en date du 11 mars 2013, le délai est dépassé ; la garantie de passif ne s'appliquera pas ; En conséquence la SARL Bellecour sera déchue de ses droits à l'encontre des consorts Y... pour l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions, à l'exception de la garantie de passif qui s'appliquera pour l'affaire V..., ce que reconnaissent les consorts Y..., pour la somme de 12 000 euros suite à condamnation par la chambre sociale de la cour d'appel de Lyon en date du 21 mars 2012 ; Attendu qu'une franchise de 10 000 euros a été convenue au contrat de garantie du 13 décembre 2011, la somme due sera réduite à 2 000 euros outre intérêts au taux légal à compter du 11 avril 2012 ; Attendu que la CAISSE FEDERALE DE CREDIT MUTUEL n'a pas consenti à la société Bellecour une garantie à première demande mais un cautionnement dont le sort dépend de l'instance principale ; Attendu que les consorts Y... ont reconnu devoir la somme de 2 000 euros, franchise déduite, outre intérêts au taux légal, à compter du 11 avril 2012 ; En conséquence la société Bellecour n'est pas fondée à réclamer 60 000 euros de cautionnement à la CAISSE FEDERALE DE CREDIT MUTUEL, Et le Tribunal : Déboutera la société Bellecour de sa demande de 60 000 euros au CREDIT MUTUEL » ; Alors que la cassation à intervenir du chef de l'arrêt ayant débouté la société Bellecour de ses demandes fondées sur l'exécution, par les consorts Y..., des contrats de garantie d'actif et de passif à l'exception de l'affaire V.., entraînera, par voie de conséquence, la cassation du chef de l'arrêt ayant débouté la société Bellecour de sa demande fondée sur la mise en jeu du cautionnement solidaire des consorts Y... souscrit par le Crédit mutuel, et ce par application de l'article 624 du code de procédure civile. TROISIEME MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevable comme nouvelle en cause d'appel la demande de la société Bellecour de condamnation de M. J... Y... de Mme B... D..., épouse Y..., à lui payer la somme de 70.000 euros à titre de dommages-intérêts sur le fondement du dol ; Aux motifs que « Sur les réticences dolosives de M. et Mme Y... : Attendu que les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions ;
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