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JADE/CETATEXT000047318510.xml
Vu la procédure suivante : Mme A... B... et M. D... C... ont demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 21 mai 2019 par lequel la maire de Paris a accordé à la Régie immobilière de la Ville de Paris (RIVP) un permis de construire un bâtiment à usage d'habitation. Par un jugement n° 1925515-1925711-1925718 1926432 du 17 décembre 2020, le tribunal administratif a rejeté leur demande. Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés les 17 février et 14 mai 2021 et les 31 mars et 1er décembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme B... et M. C... demandent au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) de mettre à la charge de la ville de Paris la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code de l'urbanisme ; - l'arrêté du 31 janvier 1986 relatif à la protection contre l'incendie des bâtiments d'habitation ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Joachim Bendavid, maître des requêtes, - les conclusions de M. Maxime Boutron, rapporteur public. La parole ayant été donnée, après les conclusions, au Cabinet Rousseau, Tapie, avocat de Mme B... et de M. C..., à la SCP Foussard, Froger, avocat de la Ville de Paris et à la SCP Thouvenin, Coudray, Grévy, avocat de la régie immobilière de la Ville de Paris. Considérant ce qui suit : 1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 21 mai 2019, la maire de Paris a accordé à la Régie immobilière de la Ville de Paris (RIVP) un permis de construire un bâtiment à usage d'habitation comprenant sept logements sociaux. Mme B... et M. C... se pourvoient en cassation contre le jugement du 17 décembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. Aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " (...) La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes (...). / Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux ". Il résulte de ces dispositions, destinées à garantir le caractère contradictoire de l'instruction, que la méconnaissance de l'obligation de communiquer un mémoire contenant des éléments nouveaux est en principe de nature à entacher la procédure d'irrégularité. Il n'en va autrement que dans le cas où il ressort des pièces du dossier que, dans les circonstances de l'espèce, cette méconnaissance n'a pu préjudicier aux droits des parties. 3. Il ressort des pièces de la procédure suivie devant le tribunal administratif que la RIVP a produit le 14 septembre 2020 un premier mémoire en défense, qui a été communiqué aux requérants, puis, le 20 novembre 2020, un second mémoire en défense, qui n'a pas été communiqué. Contrairement à ce qui est soutenu, ce second mémoire ne contenait aucun élément nouveau relatif au moyen tiré de l'édification irrégulière d'une clôture en limite séparative, auquel la RIVP avait déjà répondu dans son mémoire du 14 septembre 2020. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que l'absence de communication de ce nouveau mémoire a entaché la procédure d'irrégularité. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 4. En premier lieu, la circonstance que le dossier de demande de permis de construire ne comporterait pas l'ensemble des documents exigés par les dispositions du code de l'urbanisme, ou que les documents produits seraient insuffisants, imprécis ou comporteraient des inexactitudes, n'est susceptible d'entacher d'illégalité le permis de construire qui a été accordé que dans le cas où les omissions, inexactitudes ou insuffisances entachant le dossier ont été de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable. 5. En estimant, ainsi qu'il résulte des termes du jugement attaqué, qu'au vu du dossier de demande de permis de construire, les services instructeurs de la Ville de Paris étaient en mesure d'apprécier l'insertion de la partie du projet donnant sur la cour intérieure, en particulier son extension par l'élévation d'un bâtiment d'un étage et l'implantation d'une clôture en limite séparative, le tribunal administratif n'a pas dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis. 6. En second lieu, aux termes du b) de l'article UG.2.1 du règlement du plan local d'urbanisme de la Ville de Paris : " (...) Dans les zones d'anciennes carrières souterraines, dans les zones comportant des poches de gypse antéludien et dans la Zone de risque de dissolution du gypse antéludien, la réalisation de constructions ou d'installations et la surélévation, l'extension ou la modification de bâtiments existants sont, le cas échéant, subordonnées aux conditions spéciales imposées par l'Inspection générale des carrières en vue d'assurer la stabilité des constructions projetées et de prévenir tout risque d'éboulement ou d'affaissement (la Zone de risque de dissolution du gypse antéludien est délimitée sur le Plan des secteurs de risques figurant dans l'atlas général ; le plan délimitant les zones d'anciennes carrières souterraines et les zones comportant des poches de gypse antéludien, ainsi que les prescriptions qui s'y appliquent, figurent dans les annexes du PLU, servitudes d'utilité publique, § IV, B : servitudes relatives à la sécurité publique).(...) ". Aux termes du c) du même article : " Lorsque des travaux nécessitent des fouilles ou une intervention dans le tréfonds, le pétitionnaire doit être en mesure, avant toute mise en œuvre, de justifier des précautions préalables prises pour éviter de compromettre la stabilité des constructions sur les terrains contigus ". 7. Les dispositions du b) et du c) de l'article UG 2.1 imposent seulement au pétitionnaire de se conformer aux prescriptions pouvant être émises par l'inspection générale des carrières et, avant commencement des travaux, de justifier des mesures de précaution. Par suite, c'est sans commettre d'erreur de droit que, pour écarter le moyen tiré de la violation des dispositions du c) de cet article par l'arrêté du 26 avril 2019, lequel impose à la RIVP de se conformer aux prescriptions émises le 11 juillet 2018 par l'inspection générale des carrières, le tribunal administratif a jugé que ces dispositions n'imposent pas que le dossier de demande de permis de construire justifie des précautions préalables prises par la RIVP pour garantir la stabilité du terrain, et ne s'appliquent qu'à la mise en œuvre du permis. 8. En troisième lieu, aux termes de l'article UG 3.1 du règlement du PLU : " Le permis de construire peut être refusé sur un terrain qui ne serait pas desservi par une voie publique ou privée dans des conditions répondant à l'importance ou à la destination de la construction projetée, et notamment si les caractéristiques de la voie rendent difficiles la circulation ou l'utilisation des engins de lutte contre l'incendie ou l'enlèvement des ordures ménagères. Il peut également être refusé si les accès présentent un risque pour la sécurité des usagers des voies publiques ou des personnes utilisant ces accès. Cette sécurité doit être appréciée compte tenu, notamment, de la localisation des accès, de leur configuration ainsi que de la nature et de l'intensité du trafic (...)1°- accès piétons : Les constructions neuves doivent être aménagées de manière à permettre l'accès des bâtiments aux personnes à mobilité réduite (...) ". Les requérants ont soutenu que ces dispositions étaient méconnues du fait que l'édification d'un escalier extérieur desservant certains étages de la construction n'en permettrait pas l'accès aux personnes à mobilité réduite. Toutefois, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la construction est pourvue d'un accès de plain-pied sur la voie publique et que cet escalier assure une desserte interne à l'immeuble. En jugeant, après avoir relevé que les dispositions de l'article UG 3.1 s'appliquent aux conditions de desserte et d'accès des terrains par les voies publiques ou privées et non aux conditions de desserte intérieure des bâtiments situés sur les terrains, que les dispositions du 1° de l'article UG 3.1 n'ont pas été méconnues, le tribunal administratif n'a ainsi pas commis d'erreur de droit. 9. En quatrième lieu, en application de l'article R. 111-13 du code de la construction et de l'habitation, l'arrêté du 31 janvier 1986 relatif à la protection contre l'incendie des bâtiments d'habitation fixe les règles de droit commun de protection de ces bâtiments contre l'incendie. Aux termes des dispositions de l'article R*. 431-29 du code de l'urbanisme : " Lorsque les travaux projetés portent sur un immeuble de grande hauteur, la demande est accompagnée du récépissé du dépôt en préfecture du dossier prévu par l'article R. 146-14 du code de la construction et de l'habitation ", lequel dispose que : " Le dossier de la demande d'autorisation est établi en trois exemplaires et comporte (...) ;2° Des plans accompagnés d'états descriptifs précisant le degré de résistance au feu des éléments de construction, ( ...) ". Il ressort des termes mêmes du jugement attaqué que la construction à usage d'habitation autorisée par l'arrêté du 21 mai 2019 n'est pas un immeuble de grande hauteur. Par suite, les dispositions de l'arrêté du 31 janvier 1986 ne sont pas au nombre de celles dont il appartenait à l'administration d'assurer le respect lors de la délivrance du permis de construire. Il en résulte que le moyen tiré de ce que l'escalier extérieur assurant un accès interne à certains étages de la construction méconnaîtrait les prescriptions de l'arrêté du 31 janvier 1986 était inopérant. Ce motif, qui n'implique l'appréciation d'aucune circonstance de fait et justifie légalement le dispositif du jugement attaqué, doit être substitué à celui retenu par le tribunal administratif pour écarter le moyen en raison de son inopérance. 10. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 152-6 du code de l'urbanisme " Dans les communes appartenant à une zone d'urbanisation continue de plus de 50 000 habitants figurant sur la liste prévue à l'article 232 du code général des impôts (...), il peut être autorisé des dérogations au règlement du plan local d'urbanisme ou du document en tenant lieu, dans les conditions et selon les modalités définies au présent article. / En tenant compte de la nature du projet et de la zone d'implantation, l'autorité compétente pour délivrer le permis de construire peut, par décision motivée : / 1° Dans le respect d'un objectif de mixité sociale, déroger aux règles relatives au gabarit et à la densité pour autoriser une construction destinée principalement à l'habitation à dépasser la hauteur maximale prévue par le règlement, sans pouvoir dépasser la hauteur de la construction contiguë existante calculée à son faîtage et sous réserve que le projet s'intègre harmonieusement dans le milieu urbain environnant ; (...) ". 11. En jugeant que ces dispositions permettent à l'administration d'autoriser le projet à comporter deux niveaux en retrait dont l'un dépasse trois mètres de hauteur, par dérogation aux règles relatives à la hauteur et à la densité prévues par l'article UG 10.2.4 du règlement du plan local d'urbanisme qui n'autorisent en principe, dans ce secteur, qu'un seul niveau de retrait, dont la hauteur ne peut dépasser trois mètres, le tribunal administratif n'a pas commis d'erreur de droit. 12. En sixième lieu, en jugeant que le projet de construction litigieux, eu égard à ses caractéristiques, ne porte pas atteinte à la cohérence architecturale et à l'intérêt du quartier de la butte Montmartre, le tribunal administratif a porté sur les faits de l'espèce une appréciation souveraine, exempte de dénaturation. 13. Il résulte de tout ce qui précède que le pourvoi de Mme B... et de M. C... doit être rejeté, y compris, par voie de conséquence, leurs conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme B... et de M. C... la somme de 1 500 euros à verser à la régie immobilière de la ville de Paris et la somme de 1 500 euros à verser à la ville de Paris au titre des mêmes dispositions. D E C I D E : -------------- Article 1er : La requête de Mme B... et de M. C... est rejetée. Article 2 : Mme A... B... et M. D... C... verseront à la régie immobilière de la Ville de Paris et à la Ville de Paris la somme de 1 500 euros chacune au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. " Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme B..., à M. D... C..., à la régie immobilière de la Ville de Paris et à la Ville de Paris. Délibéré à l'issue de la séance du 16 février 2023 où siégeaient : Mme Fabienne Lambolez, assesseure, présidant ; M. Olivier Yeznikian, conseiller d'Etat et M. Joachim Bendavid, maître des requêtes-rapporteur. Rendu le 17 mars 2023. La présidente : Signé : Mme Fabienne Lambolez Le rapporteur : Signé : M. Joachim Bendavid Le secrétaire : Signé : M. Bernard Longieras
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Vu la procédure suivante : La Ligue pour la protection des oiseaux, l'Association pour la protection des animaux sauvages, l'Office pour les insectes et leur environnement et M. A... B... ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Melun de suspendre, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, l'exécution, d'une part, de la délibération du 30 novembre 2021 par laquelle le conseil d'administration de l'Office français de la biodiversité a approuvé la conclusion de la convention, prévue à l'article L. 421-14 du code de l'environnement, relative à la mise en œuvre, pour la période 2021-2026, du soutien financier de l'Office français de la biodiversité au profit des actions concourant directement à la protection et à la reconquête de la biodiversité coordonnées par la Fédération nationale des chasseurs et, d'autre part, de cette convention, conclue le 7 décembre 2021 entre l'Office français de la biodiversité et la Fédération nationale des chasseurs. Par une ordonnance n° 2202210 du 25 avril 2022, le juge des référés du tribunal administratif de Melun a rejeté cette demande. Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 11 et 27 mai 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Ligue pour la protection des oiseaux, l'Association pour la protection des animaux sauvages et l'Office pour les insectes et leur environnement demandent au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler cette ordonnance ; 2°) de mettre à la charge de l'Office français de la biodiversité et de la Fédération nationale des chasseurs la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; - le code de l'environnement ; - la loi n° 2019-773 du 24 juillet 2019 ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de Mme Catherine Moreau, conseillère d'Etat en service extraordinaire, - les conclusions de M. Nicolas Agnoux, rapporteur public ; La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Gaschignard, Loiseau, Massignon, avocat de la Ligue pour la protection des oiseaux et autres, à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de l'Office français de la biodiversité et à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de la Fédération nationale des chasseurs ; Considérant ce qui suit : 1. Aux termes de l'article L. 421-14 du code de l'environnement, dans sa rédaction issue de la loi du 24 juillet 2019 portant création de l'Office français de la biodiversité, modifiant les missions des fédérations des chasseurs et renforçant la police de l'environnement : " L'association dénommée Fédération nationale des chasseurs regroupe l'ensemble des fédérations départementales et régionales des chasseurs dont l'adhésion est constatée par le paiement d'une cotisation obligatoire. Elle assure la représentation des fédérations départementales et régionales des chasseurs à l'échelon national. / Elle est chargée d'assurer la promotion et la défense de la chasse, ainsi que la représentation des intérêts cynégétiques. Elle coordonne l'action des fédérations départementales et régionales des chasseurs. / Elle conduit des actions concourant directement à la protection et à la reconquête de la biodiversité ou apporte un soutien financier à leur réalisation. / Elle gère un fonds dédié à la protection et à la reconquête de la biodiversité qui apporte un soutien financier aux actions des fédérations départementales, régionales et nationale des chasseurs dans le cadre d'une convention avec l'Office français de la biodiversité. / Ce fonds est alimenté par le financement mentionné au sixième alinéa de l'article L. 421-5. L'Etat ou l'Office français de la biodiversité apportent, selon des modalités définies par convention, un soutien financier à la réalisation des actions mentionnées au même sixième alinéa et au troisième alinéa du présent article pour un montant de 10 € par permis de chasser validé dans l'année / (...) ". Selon le sixième alinéa de l'article L. 421-5 du même code, dans sa rédaction issue de la même loi, les fédérations départementales des chasseurs " conduisent des actions concourant directement à la protection et à la reconquête de la biodiversité ou apportent un soutien financier à leur réalisation. A cette fin, elles contribuent financièrement au fonds mentionné à l'article L. 421-14, pour un montant fixé par voie règlementaire et qui ne peut être inférieur à 5 € par adhérent ayant validé un permis de chasser dans l'année ". 2. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que le conseil d'administration de l'Office français de la biodiversité a approuvé, par délibération du 30 novembre 2021, la conclusion de la convention mentionnée au cinquième alinéa de l'article L. 421-14 du code de l'environnement pour la période 2021-2026. Cette convention a été conclue le 7 décembre 2021 entre l'Office français de la biodiversité et la Fédération nationale des chasseurs. La Ligue pour la protection des oiseaux, l'Association pour la protection des animaux sauvages, l'Office pour les insectes et leur environnement et M. A... B..., en sa qualité de membre du conseil d'administration de l'Office français de la biodiversité représentant la Ligue pour la protection des oiseaux, ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Melun de suspendre, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, l'exécution de cette délibération et de cette convention. Par une ordonnance du 25 avril 2022, le juge des référés a rejeté leur demande. La Ligue pour la protection des oiseaux, l'Association pour la protection des animaux sauvages et l'Office pour les insectes et leur environnement se pourvoient en cassation contre cette ordonnance. 3. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ". Il appartient au juge des référés, afin, notamment, de mettre le juge de cassation en mesure d'exercer son contrôle, de faire apparaître les raisons de droit et de fait pour lesquelles soit il considère que l'urgence justifie la suspension de l'acte attaqué, soit il estime qu'elle ne la justifie pas. Le respect de cette exigence s'apprécie, toutefois, au regard des justifications apportées dans la demande et de l'argumentation présentée en défense. Au nombre de ces justifications peut être invoqué l'intérêt public qui s'attache à ce qu'il soit mis fin immédiatement à une atteinte aux droits conférés par l'ordre juridique de l'Union européenne. 4. En premier lieu, les requérants avaient fait valoir devant le juge des référés du tribunal administratif, au titre de la condition d'urgence mentionnée par l'article L. 521-1 du code de justice administrative, l'intérêt public qui s'attachait à ce que fussent prises les mesures provisoires nécessaires pour faire cesser immédiatement l'atteinte aux droits conférés par les articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, en soutenant que le dispositif de soutien financier prévu au cinquième alinéa de l'article L. 421-14 du code de l'environnement en faveur des fédérations des chasseurs était constitutif d'un régime d'aides d'Etat au sens de l'article 107 du traité et que ce régime était illégal faute d'avoir fait l'objet d'une notification préalable à la Commission européenne comme l'exige son article 108. Toutefois, la seule circonstance que la décision en cause, à supposer qu'elle pût constituer une aide d'Etat, n'ait pas été notifiée préalablement à la Commission européenne est sans incidence sur le respect des droits conférés par le droit de l'Union européenne. Par suite, le juge des référés du tribunal administratif de Melun n'a pas commis d'erreur de droit ni insuffisamment motivé son ordonnance en ne se prononçant pas sur ce point pour statuer, en l'état de l'instruction, sur la condition d'urgence. 5. En deuxième lieu, le juge des référés du tribunal administratif n'a pas commis d'erreur de droit ni entaché son appréciation de dénaturation en relevant que les associations requérantes " ne peuvent soutenir raisonnablement " que la gestion par la seule Fédération nationale des chasseurs du fonds dédié à la protection et à la reconquête de la biodiversité " préjudicie à leur situation notamment financière alors qu'il s'agit d'associations à but non lucratif ", dès lors que ces associations ne précisaient pas, devant lui, la part de leurs ressources qu'elles retireraient d'une activité économique exercée en lien avec la conservation ou la restauration de la biodiversité. 6. En troisième lieu, le juge des référés n'a pas non plus commis d'erreur de droit ni entaché son appréciation de dénaturation en estimant que la convention-cadre en cause ne préjudiciait pas aux intérêts que ces associations se sont donné pour objet de représenter, dès lors que cette convention ne procède à aucun transfert financier. 7. Il résulte de ce qui précède que le pourvoi de la Ligue pour la protection des oiseaux et autres doit être rejeté, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. 8. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge des associations requérantes les sommes demandées au titre de ces mêmes dispositions par l'Office français de la biodiversité et la Fédération nationale des chasseurs. D E C I D E : -------------- Article 1er : Le pourvoi de la Ligue pour la protection des oiseaux et autres est rejeté. Article 2 : Les conclusions présentées par l'Office français de la biodiversité et par la Fédération nationale des chasseurs au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : La présente décision sera notifiée à la Ligue pour la protection des oiseaux, première dénommée, pour l'ensemble des requérants, à l'Office français de la biodiversité et à la Fédération nationale des chasseurs. Copie en sera adressée au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Délibéré à l'issue de la séance du 16 février 2023 où siégeaient : Mme Isabelle de Silva, présidente de chambre, présidant ; Mme Suzanne von Coester, conseillère d'Etat et Mme Catherine Moreau, conseillère d'Etat en service extraordinaire-rapporteure. Rendu le 17 mars 2023. La présidente : Signé : Mme Isabelle de Silva La rapporteure : Signé : Mme Catherine Moreau La secrétaire : Signé : Mme Laïla Kouas
JADE/CETATEXT000047375744.xml
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 22 avril 2021 par lequel le préfet de l'Eure a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans. Par un jugement n° 2104201 du 24 février 2022, le tribunal administratif de Rouen a annulé la décision d'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 16 juin 2022, M. B..., représenté par Me Cécile Madeline, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande ; 2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Eure du 22 avril 2021 en tant qu'il lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement ; 3°) d'enjoindre au préfet de l'Eure de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à défaut, de réexaminer sa situation et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour dans un délai de huit jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous la même astreinte ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son avocat de la somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, en contrepartie de sa renonciation au versement de l'aide juridictionnelle. Il soutient que : - la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour est insuffisamment motivée ; - elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation et d'une erreur de fait en ce qu'elle mentionne à tort qu'il doit être renvoyé au Liban, pays dont il tient sa nationalité alors que son vrai pays d'origine est le Koweit ; - elle méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'erreur d'appréciation au regard de cet article : - elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle et méconnaît également les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 et celles de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et du citoyen ; - la décision portant obligation de quitter le territoire est insuffisamment motivée ; - elle est illégale à raison de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour ; - elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et du citoyen et est aussi entachée d'erreur manifeste d'appréciation ; - la décision fixant le pays de destination est illégale à raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire ; - elle est entachée d'un défaut d'examen sérieux de sa situation. Par un mémoire en défense, enregistré le 22 septembre 2022, le préfet de l'Eure conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés. M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 mai 2022. Par un courrier, enregistré le 10 janvier 2023, M. B... a, en application de la décision n°441481 du Conseil d'Etat du 28 juillet 2022, confirmé sa volonté de lever le secret médical. Le dossier médical de M. B... a été produit par l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) le 12 janvier 2023 et l'Office a présenté des observations le 9 février 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le rapport de Mme Sylvie Stefanczyk, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. M. A... B..., ressortissant libanais né le 18 juin 1995, est entré en France, accompagné de son frère et de sa mère, le 3 septembre 2016, muni de son passeport revêtu d'un visa de court séjour pour subir une intervention chirurgicale. Il est de nouveau entré sur le territoire français avec son frère et sa mère, le 13 juin 2018, sous couvert d'un visa court séjour délivré par les autorités italiennes valable du 10 juin au 29 juillet 2018. Il a bénéficié d'une autorisation provisoire de séjour valant prorogation de visa valable jusqu'au 20 novembre 2018, pour raisons de santé. Puis, M. B... s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire français avant de solliciter, le 15 février 2019, le renouvellement de son autorisation de séjour pour raison de santé. Le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a rendu un avis négatif le 30 septembre 2019. Un an plus tard, l'intéressé a sollicité, le 27 novembre 2020, un titre de séjour portant la mention " salarié ". Par un arrêté en date du 22 avril 2021, le préfet de l'Eure a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour d'une durée de deux ans. Par un jugement du 24 février 2022, le tribunal administratif de Rouen a annulé l'interdiction de retour d'une durée de deux ans et a rejeté le surplus des conclusions de la demande. M. B... relève appel du jugement du 24 février 2022 du tribunal administratif de Rouen en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions de refus de titre de séjour, portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination. Sur la décision de refus de titre de séjour du 22 avril 2021 : 2. En premier lieu, M. B... réitère les moyens tirés de l'insuffisance de motivation de la décision portant refus de séjour, des erreurs de faits entachant cette décision et du défaut d'examen particulier de sa situation. Cependant, il n'apporte pas en appel d'éléments nouveaux de fait ou de droit de nature à remettre en cause l'appréciation portée par les premiers juges aux point 2 du jugement contesté. Par suite, il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges, de les écarter. 3. En deuxième lieu, si M. B... a sollicité, le 15 février 2019, le renouvellement de son autorisation de séjour pour raison de santé, il s'est borné, le 27 novembre 2020, à demander un titre de séjour portant la mention " salarié " sans saisir le préfet de l'Eure d'une demande de titre de séjour sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur. Or, le préfet n'est pas tenu d'examiner une demande sur un autre fondement que celui invoqué. Par suite, M. B... ne peut utilement soutenir que la décision de refus de séjour du 22 avril 2021 méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni qu'elle est entachée d'une erreur d'appréciation au regard de ces dispositions. Ces moyens doivent donc être écartés. 4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". 5. M. B... fait valoir qu'il réside sur le territoire français depuis 2018 et se prévaut de la présence en France de sa mère et de son frère, lequel a obtenu le 24 juin 2022, soit postérieurement à l'arrêté attaqué, un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " et a été recruté par le centre hospitalier Eure-Seine en qualité de praticien attaché pour une durée de six mois à compter du 23 mai 2022. Il soutient également être titulaire d'un diplôme de " web designer informatique ", avoir exercé une activité professionnelle au Koweit en tant qu'informaticien et avoir été autorisé en 2016 par son entreprise à s'expatrier pour continuer ses missions en télétravail, ce qui lui a permis à son arrivée en France, de fournir ses services " web designer " à plusieurs communes et particuliers. Il se prévaut également de deux promesses d'embauche comme graphiste, la première en date du 2 novembre 2020 pour une durée déterminée au sein de société LP Joaillerie et la seconde en date du 13 avril 2021 pour une durée indéterminée au sein de la société " Just throw it ". Il ressort toutefois des pièces du dossier que l'intéressé est célibataire et sans charge de famille, que sa mère fait également l'objet d'une mesure d'éloignement et qu'il ne justifie pas d'une particulière intégration dans la société française. En outre, l'intéressé, qui est entré sur le territoire français sous couvert d'une autorisation provisoire de séjour en qualité d'étranger malade, n'avait pas vocation à résider en France postérieurement aux soins qu'il a reçus. Dans ces conditions, le préfet de l'Eure n'a pas porté au droit de M. B... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels l'arrêté contesté a été pris et n'a, par suite, pas méconnu les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. 6. En quatrième lieu, il ressort des pièces du dossier et, notamment, du dossier médical de M. B... et des observations de l'OFII, que l'intéressé souffre d'une maladie congénitale rare provoquant une hyperlaxité tissulaire, en particulier ligamentaire, qui a nécessité la pose de prothèses totales de hanche. La prothèse gauche a été posée en Syrie en 2012 et a été reprise en 2016 et deux fois en 2019 en France tandis que la prothèse droite a été posée en France en 2018. M. B... présente des difficultés à marcher et un risque de luxation de ses prothèses, sa pathologie nécessite un suivi ainsi que l'intervention d'un chirurgien orthopédique en cas de luxation. Le collège de médecins de l'OFII, chargé de donner un avis sur sa demande du 15 février 2019 de renouvellement de son autorisation provisoire de séjour, a estimé dans son avis du 30 septembre 2021 que l'état de santé de l'intéressé nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut de traitement pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais qu'il pouvait bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine et pouvait y voyager sans risque. Par ailleurs, l'OFII a indiqué qu'il résultait de la base de données MedCoi (Medical Country of Origin Information) que la chirurgie orthopédique ainsi que la médecine physique que nécessite l'état de santé de M. B... sont disponibles au Liban, l'intéressé pouvant par exemple bénéficier au sein de l'hôpital Saint-Georges situé à Beyrouth d'un suivi ambulatoire ou hospitalier par un orthopédiste ou un chirurgien orthopédiste ainsi que par un kinésithérapeute et que l'hôpital général Al Makassad D Beyrouth offrait la possibilité d'être suivi en médecine physique et par un kinésithérapeute. Si M. B... a produit des attestations de deux médecins exerçant dans ces hôpitaux indiquant que la prise en charge de sa pathologie ne pourra pas être assurée au Liban en raison de l'absence de matériel orthopédique adéquat et d'un centre de rééducation approprié et de la crise économique du pays, ces documents ne permettent cependant pas de remettre en cause les éléments figurant dans la base de MedCoi et alors qu'à la date de l'arrêté attaqué, M. B... ne faisait l'objet que d'un suivi médical. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet de l'Eure, en refusant la délivrance à M. B... d'un titre de séjour, a commis une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle doit être écarté. 7. En cinquième lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vigueur à la date de la décision attaquée : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2 (...) ". 8. Il ne ressort pas des pièces du dossier, compte tenu de ce qui a été dit aux points 5 et 6, que le préfet de l'Eure, en estimant qu'aucun motif exceptionnel, ni aucune considération humanitaire ne justifiait l'admission au séjour de M. B..., aurait méconnu les dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Sur la décision portant obligation de quitter le territoire : 9. En premier lieu, en vertu du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable, dont les dispositions sont citées dans l'arrêté contesté, la motivation de l'obligation de quitter le territoire français se confond avec celle du refus de titre de séjour dont elle découle nécessairement. Par suite, la décision de refus de titre de séjour étant, ainsi qu'il a été dit au point 2, suffisamment motivée, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision faisant obligation à M. B... de quitter le territoire français doit être écarté comme manquant en fait. 10. En deuxième lieu, il résulte de ce qui a été énoncé aux points 2 à 8 du présent arrêt, que M. B... n'est pas fondé à se prévaloir de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour. 11. Enfin, pour les mêmes motifs que ceux retenus aux points 5 et 6, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés et de l'erreur manifeste d'appréciation dont serait entachée la décision portant obligation de quitter le territoire, doivent être écartés. Sur la décision fixant le pays de destination : 12. Il résulte de ce qui vient d'être dit que le moyen tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté à l'encontre de la décision fixant le pays de destination. 13. Il ressort par ailleurs des mentions de l'arrêté attaqué que le préfet de l'Eure a fixé le Liban comme pays de renvoi, pays dont le requérant a la nationalité, mais également tout pays hors Schengen dans lequel il serait légalement admissible. Par suite, le moyen tiré du défaut d'examen sérieux de la situation de M. B... doit être écarté. 14. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, assorties d'astreinte, ainsi que celles présentées au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doivent être rejetées. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer, à l'Office français de l'immigration et de l'intégration et à Me Cécile Madeline. Copie sera adressée au préfet de l'Eure. Délibéré après l'audience publique du 14 mars 2023 à laquelle siégeaient : - Mme Anne Seulin, présidente chambre, - M. Marc Baronnet, président-assesseur, - Mme Sylvie Stefanczyk, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mars 2023. La rapporteure, Signé : S. StefanczykLa présidente de chambre, Signé : A. Seulin La greffière, Signé : A.S. Villette La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme, La greffière Anne-Sophie Villette 2 N°22DA01287
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Vu la procédure suivante : Le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a demandé à la Cour nationale du droit d'asile de réviser sa décision n° 10014499 du 8 juillet 2011 reconnaissant à M. A... C... B... la qualité de réfugié. Par une ordonnance n° 21032193 du 29 décembre 2021, le président désigné par la présidente de la Cour nationale du droit d'asile a rejeté sa demande comme tardive. Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 28 février et 30 mai 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'OFPRA demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler cette ordonnance ; 2°) de renvoyer l'affaire devant la Cour nationale du droit d'asile. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - la convention de Genève du 28 juillet 1951 et le protocole signé à New-York le 31 janvier 1967 relatifs au statut des réfugiés ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Clément Tonon, auditeur, - les conclusions de M. Clément Malverti, rapporteur public, La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ; Considérant ce qui suit : 1. Il ressort des pièces du dossier soumis à la Cour nationale du droit d'asile que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a, le 25 juin 2021, saisi la Cour, sur le fondement du 2° de l'article L. 711-4 et des articles L. 711-5 et R. 733-36 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, devenus respectivement les articles L. 511-8, L 511-9 et R. 562-2, d'un recours en révision pour fraude de la décision du 8 juillet 2011 par laquelle la Cour nationale du droit d'asile a reconnu à M. B... la qualité de réfugié. 2. En vertu de l'article L. 711-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lorsque la reconnaissance de la qualité de réfugié résulte d'une décision de la Cour nationale du droit d'asile, l'OFPRA peut la saisir d'un recours dirigé contre cette décision s'il apparaît qu'elle a été obtenue par fraude. Aux termes de l'article R. 733-36 du même code, repris désormais à l'article R. 562-2, ce recours en révision " est exercé dans le délai de deux mois après la constatation des faits de nature à (...) caractériser une fraude ". 3. Il ressort des pièces du dossier soumis à la Cour nationale du droit d'asile que, par une note du 21 janvier 2021, la direction générale des étrangers en France du ministère de l'intérieur a transmis au directeur général de l'OFPRA des informations de nature à justifier de ce qu'il existait des raisons sérieuses de penser que M. B..., ressortissant russe d'origine tchétchène, constituait une menace grave pour la sûreté de l'Etat et l'a invité à examiner la situation de l'intéressé au regard des dispositions de l'article L. 711-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, permettant de mettre fin au statut de réfugié dans un tel cas. Par une décision du 29 avril 2021, le directeur général de l'OFPRA a mis fin au statut de réfugié de l'intéressé en application de ces dispositions, la décision énonçant notamment que les investigations menées avaient révélé que M. B... avait déposé plusieurs demandes d'asile auprès de l'Office, sous des identités différentes et reposant sur des récits distincts, démontrant ainsi une propension à la fraude. En jugeant, pour rejeter comme tardif le recours en révision enregistré le 25 juin 2021, que la computation du délai dans lequel devait être introduit un recours en révision avait commencé à courir à la date à laquelle les premiers éléments transmis par le ministère de l'intérieur avaient été reçus, sans rechercher s'ils étaient suffisants pour permettre de caractériser l'existence d'une fraude, la Cour a entaché sa décision d'erreur de droit. 4. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen du pourvoi, que l'OFPRA est fondé à demander l'annulation de l'ordonnance de la Cour nationale du droit d'asile du 29 décembre 2021. D E C I D E : -------------- Article 1er : L'ordonnance de la Cour nationale du droit d'asile du 29 décembre 2021 est annulée. Article 2 : L'affaire est renvoyée devant la Cour nationale du droit d'asile. Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et à M. A... C... B.... Délibéré à l'issue de la séance du 9 mars 2023 où siégeaient : M. Nicolas Boulouis, président de chambre, présidant ; Mme Anne Courrèges, conseillère d'Etat et M. Clément Tonon, auditeur-rapporteur. Rendu le 29 mars 2023. Le président : Signé : M. Nicolas Boulouis Le rapporteur : Signé : M. Clément Tonon La secrétaire : Signé : Mme Eliane Evrard
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Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse : 1°) d'annuler l'arrêté n° 3765396-82239 en date du 15 janvier 2020 par lequel la garde des sceaux, ministre de la justice, a prononcé sa réintégration dans le corps des greffiers au 1er janvier 2020, l'arrêté en date du 16 janvier 2020, extrait de la décision collective n° 3766608 du 16 janvier 2020, par lequel la garde des sceaux, ministre de la justice, a prononcé son détachement sortant du corps des greffiers au 1er janvier 2020, et l'arrêté n° 3768763-82239 en date du 17 janvier 2020 par lequel la garde des sceaux, ministre de la justice, a prononcé son détachement entrant au 1er janvier 2020 dans le statut d'emploi de greffier fonctionnel, ensemble la décision de rejet née du silence gardé par l'administration sur son recours gracieux à l'encontre de ces trois arrêtés, notifiés le 27 février 2020 ; 2°) d'enjoindre à l'État de procéder à la reconstitution de sa carrière en prenant les arrêtés nécessaires et en lui versant les sommes non-perçues ; 3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par une ordonnance n° 2004568 du 28 janvier 2021, le président de la 5ème chambre du tribunal administratif de Toulouse a rejeté ses demandes. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 1er mars 2021 sous le n° 21BX00939 au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux, puis le 11 avril 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n° 21TL20939, et un mémoire enregistré le 5 septembre 2022, Mme B... A..., représentée par Me Lecarpentier de la SCP Bouyssou et associés, demande à la cour : 1°) d'annuler cette ordonnance du 28 janvier 2021 ; 2°) d'annuler la décision implicite de rejet de la garde des sceaux, ministre de la justice, et, par voie de conséquence, les arrêtés contestés ; 3°) d'enjoindre à l'Etat de reconstituer sa carrière en prenant les arrêtés nécessaires, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - il y a lieu de se prononcer sur la requête d'appel dès lors que le ministre ne justifie pas de ce que les arrêtés pris en juillet 2021 lui auraient été notifiés et qu'au surplus elle n'a constaté aucune évolution sur sa fiche de paie ; - l'ordonnance est entachée d'erreur de droit en ce que seul l'article 7 de l'ordonnance n°2020-306 était applicable, et non son article 2 : la décision implicite de rejet du ministre sur son recours gracieux n'est intervenue que le 8 août 2020, de sorte que sa requête n'était pas tardive ; - les arrêtés contestés sont entachés à tout le moins d'erreurs matérielles. Par une ordonnance en date du 11 avril 2022, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué à la cour administrative d'appel de Toulouse la requête de Mme A.... Par un mémoire en défense, enregistré le 24 juin 2022, le garde des sceaux, ministre de la justice, conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que : - la requête de première instance de Mme A... était tardive ; - à titre subsidiaire, il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête dès lors que la situation de Mme A... a été régularisée : les arrêtés contestés ont été rapportés et de nouveaux arrêtés ont été pris le 23 juillet 2021. Par ordonnance du 5 septembre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 10 octobre 2022. Par un courrier du 1er février 2023, les parties ont été invitées, sur le fondement de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative, à apporter toutes précisions et justificatifs utiles sur le traitement indiciaire (indice majoré) dont a bénéficié Mme A... depuis le 1er janvier 2020, dans un délai de quinze jours. Mme A... a versé des pièces complémentaires par un mémoire enregistré le 6 février 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 2020-546 du 11 mai 2020 ; - l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Anne Blin, présidente-assesseure, - et les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. Mme A... exerçait des fonctions de greffière cheffe de greffe au conseil de prud'hommes de ... depuis le 1er mars 2013. Dans le cadre de la loi de programmation judiciaire entrée en vigueur le 1er janvier 2020, qui a procédé à la mutualisation des greffes, son poste a été supprimé à cette date. En septembre 2019, elle s'est positionnée par le biais d'une fiche de vœux à la demande de la sous-direction des greffes des services judiciaires, sur le poste de " greffier fonctionnel " du tribunal judiciaire de .... Par un arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice, du 15 janvier 2020, Mme A... a été réintégrée dans le corps des greffiers au 1er janvier 2020. Par un arrêté du 16 janvier 2020, le garde des sceaux, ministre de la justice, a prononcé son détachement sortant du corps des greffiers. Enfin, par un arrêté du 17 janvier 2020, le garde des sceaux, ministre de la justice, a prononcé son détachement entrant au 1er janvier 2020 dans le statut d'emploi de greffier fonctionnel. Par un courrier du 25 février 2020, dont il a été accusé réception le 27 février suivant, Mme A... a formé un recours à l'encontre de ces trois arrêtés en raison des erreurs et omissions qu'ils comportaient entre l'ancienne et la nouvelle situation. En l'absence de réponse à sa demande, elle a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler ces arrêtés ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux. Mme A... relève appel de l'ordonnance en date du 28 janvier 2021 par laquelle le président de la 5ème chambre du tribunal administratif de Toulouse a rejeté ses demandes. Sur l'exception de non-lieu à statuer : 2. Le ministre de la justice fait valoir que les arrêtés contestés, qui comportaient des erreurs et omissions, ont été rapportés par arrêtés des 17 mai 2021, 28 avril 2021 et 22 avril 2021 respectivement. En outre, par un premier arrêté du 23 juillet 2021 comportant les précisions concernant ses indices brut et majoré ainsi que son affectation, Mme A... a été réintégrée dans le corps des greffiers des services judiciaires à compter du 1er janvier 2020. Par un deuxième arrêté pris à la même date, elle a été nommée, dans le cadre d'un détachement, sur l'emploi des greffiers fonctionnels pour une période de quatre ans à compter du 1er janvier 2020 en précisant sa fonction de chef de service ainsi que ses indices brut et majoré. Par un troisième arrêté pris également à la même date, elle a été placée en position de détachement sortant pour une période de quatre ans à compter du 1er janvier 2020, avec les précisions concernant le ministère d'accueil, le statut d'emploi et le grade d'accueil de l'agent. Si Mme A... soutient que le ministre ne justifie pas de la notification de ces arrêtés, il ressort toutefois de l'extrait du logiciel " Harmonie " qu'elle produit que les arrêtés du 23 juillet 2021 lui ont été notifiés par le biais de ce logiciel à la même date et qu'elle en a pris connaissance le 7 octobre 2021. Si Mme A... soutient ensuite n'avoir constaté aucune évolution sur ses fiches de paie à la suite de ces arrêtés rectificatifs, il ressort des pièces du dossier que son traitement indiciaire, qui était calculé sur la base de l'indice majoré 569 depuis le 8 mai 2018, n'a subi aucune modification à compter du 1er janvier 2020, lors de son changement de fonctions du fait de la réforme résultant de la loi de programmation judiciaire. Ainsi, alors même que l'arrêté du 15 janvier 2020 était entaché d'une erreur concernant sa nouvelle situation en ce qu'il mentionnait qu'elle était réintégrée au 9ème échelon correspondant à un indice majoré 550, cette erreur n'a eu aucune conséquence quant à sa rémunération effective à l'indice majoré 569, comme mentionné dans l'arrêté du 17 janvier 2020. Dans ces conditions, les erreurs et omissions dont Mme A... a fait état dans son recours gracieux n'impliquaient, en tout état de cause, aucune régularisation de sa situation indemnitaire à compter du 1er janvier 2020. 3. Il résulte de ce qui précède que les conclusions de la requête de Mme A... dirigées à l'encontre des arrêtés des 15 janvier 2020, 16 janvier 2020 et 17 janvier 2020 et de la décision implicite de rejet de son recours gracieux sont devenues sans objet. Il n'y a plus lieu d'y statuer. Sur les frais de l'instance : 4. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de Mme A... présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. D E C I D E : Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête de Mme A... à fin d'annulation et d'injonction. Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au garde des sceaux, ministre de la justice. Délibéré après l'audience du 14 mars 2023, à laquelle siégeaient : Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre, Mme Blin, présidente assesseure, M. Teulière, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mars 2023. La rapporteure, A. Blin La présidente, A. Geslan-Demaret La greffière, M-M. Maillat La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. 1 N° 21TL20939 2
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Vu la procédure suivante : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler pour excès de pouvoir les décisions l'obligeant à quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de renvoi et lui interdisant d'y revenir pendant trente-six mois. Par un jugement n° 2113427 du 30 septembre 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a annulé pour excès de pouvoir l'arrêté du préfet de police du 24 juin 2021 déclarant caduc le droit au séjour de M. A..., l'obligeant à quitter le territoire sans délai et lui faisant interdiction de circuler sur le territoire français pendant trente-six mois. Par un arrêt n° 21PA05616 du 18 janvier 2022, la cour administrative d'appel de Paris a, sur appel du préfet de police, annulé le jugement du tribunal administratif de Paris et rejeté les conclusions présentées par M. A... tendant à l'annulation des arrêtés du préfet de police des 23 et 24 juin 2021. Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 10 mars et 9 juin 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler cet arrêt ; 2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Clément Tonon, auditeur, - les conclusions de M. Clément Malverti, rapporteur public, La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Delamarre, Jehannin, avocat de M. A... ; Considérant ce qui suit : 1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par deux arrêtés du 23 juin 2021, le préfet de police a fait obligation à M. A... de quitter le territoire français sans délai en fixant le pays de destination et lui a interdit d'y revenir pour une durée de trente-six mois. Par un arrêté du 24 juin 2021, pris après avoir été informé que l'intéressé, ressortissant algérien, était aussi de nationalité maltaise, le préfet de police a abrogé les arrêtés du 23 juin, puis a constaté la caducité de son droit au séjour, lui a de nouveau fait obligation de quitter le territoire français sans délai en fixant le pays de destination et lui a fait interdiction de circuler sur le territoire français pendant une durée de trente-six mois. Par un jugement du 30 septembre 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté du 24 juin 2021. M. A... se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 18 janvier 2022 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a, sur appel du préfet de police, annulé ce jugement et rejeté ses conclusions aux fins d'annulation des arrêtés des 23 et 24 juin 2021. 2. Pour rejeter comme tardives les conclusions d'annulation dirigées contre l'arrêté du 24 juin 2021, la cour administrative d'appel de Paris a relevé que la demande présentée le 24 juin pour M. A... était accompagnée d'un fichier intitulé " mesures contestées " contenant les deux arrêtés du préfet de police du 23 juin 2021 et que ce n'est que dans un mémoire complémentaire enregistré le 14 septembre 2021, soit au-delà du délai de recours de quarante-huit heures applicable, que l'intéressé avait demandé l'annulation de l'arrêté du 24 juin 2021. En statuant ainsi, alors qu'il ressortait des pièces du dossier qui lui était soumis que M. A... entendait contester les mesures prises à son encontre l'obligeant à quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de renvoi et lui interdisant de circuler sur le territoire français pour une durée de trente-six mois et que son recours pour excès de pouvoir, introduit alors qu'il était placé en rétention, dans le bref délai imparti, l'avait été quelques heures après la notification qui lui avait faite de l'arrêté du 24 juin 2021 abrogeant celui pris la veille et reprenant les mêmes mesures tout en tirant les conséquences de sa nationalité maltaise, la cour a méconnu la portée des écritures présentées devant le tribunal administratif de Paris par l'intéressé et qui devaient être regardées comme dirigées contre le dernier arrêté pris à son encontre, qui, seul, produisait des effets, ainsi que le confirmait le mémoire enregistré le 14 septembre 2021. Par suite, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen du pourvoi, M. A... est fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque. 3. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. D E C I D E : -------------- Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 18 janvier 2022 est annulé. Article 2 : L'affaire est renvoyée devant la cour administrative d'appel de Paris. Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Délibéré à l'issue de la séance du 9 mars 2023 où siégeaient : M. Nicolas Boulouis, président de chambre, présidant ; Mme Anne Courrèges, conseillère d'Etat et M. Clément Tonon, auditeur-rapporteur. Rendu le 29 mars 2023. Le président : Signé : M. Nicolas Boulouis Le rapporteur : Signé : M. Clément Tonon La secrétaire : Signé : Mme Eliane Evrard
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Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 22 avril 2021 par lequel le préfet de l'Eure a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans. Par un jugement n° 2104219 du 24 février 2022, le tribunal administratif de Rouen a annulé la décision d'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 16 juin 2022, Mme B..., représentée par Me Cécile Madeline, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande ; 2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Eure du 22 avril 2021 en tant qu'il lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement ; 3°) d'enjoindre au préfet de l'Eure de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à défaut, de réexaminer sa situation et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour dans un délai de huit jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous la même astreinte ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son avocat de la somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, en contrepartie de sa renonciation au versement de l'aide juridictionnelle. Elle soutient que : - la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour est insuffisamment motivée ; - elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ; - elle méconnaît les dispositions du 7° de de l'article L. 313-11 ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et du citoyen et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; - elle méconnaît aussi les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la décision portant obligation de quitter le territoire est insuffisamment motivée ; - elle est illégale à raison de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour ; - elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et du citoyen et est aussi entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; - la décision fixant le pays de destination est illégale à raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire ; - elle est entachée d'un défaut d'examen sérieux de sa situation. Par un mémoire en défense, enregistré le 22 septembre 2022, le préfet de l'Eure conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés. Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 mai 2022. Par une ordonnance du 31 janvier 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 17 février 2023 à 12h00. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le code de d'asile l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le rapport de Mme Sylvie Stefanczyk, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. Mme A... B..., ressortissante libanaise née le 9 septembre 1970, est entrée en France accompagnée de ses deux fils, le 3 septembre 2016, munie de son passeport revêtu d'un visa de court séjour. Elle a obtenu la prorogation de son visa le temps de la convalescence de l'un de ses fils qui avait bénéficié d'une intervention chirurgicale. L'intéressée est de nouveau revenue en France avec ses deux fils, le 13 juin 2018, sous couvert d'un visa court séjour délivré par les autorités italiennes valable du 10 juin au 29 juillet 2018. Elle a bénéficié d'une autorisation provisoire de séjour en qualité d'accompagnant d'étranger malade valable du 22 août au 20 novembre 2018. Mme B... a sollicité le 15 septembre 2019 le renouvellement de son autorisation de séjour puis un an après, le 27 novembre 2020, un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Par un arrêté du 22 avril 2021, le préfet de l'Eure a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement et a prononcé une interdiction de retour d'une durée de deux ans. Par un jugement du 24 février 2022, le tribunal administratif de Rouen a annulé l'interdiction de retour d'une durée de deux ans et a rejeté le surplus des conclusions de la demande. Mme B... relève appel du jugement du 24 février 2022 du tribunal administratif de Rouen en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions de refus de titre de séjour, portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination. Sur la décision de refus de titre de séjour du 22 avril 2021 : 2. En premier lieu, Mme B... réitère les moyens tirés de l'insuffisance de motivation de la décision portant refus de séjour, et du défaut d'examen particulier de sa situation. Cependant, elle n'apporte pas en appel d'éléments nouveaux de fait ou de droit de nature à remettre en cause l'appréciation portée par les premiers juges sur ces moyens au point 2 du jugement contesté. Par suite, il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges, de les écarter. 3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". 4. Mme B... fait valoir qu'elle réside sur le territoire français depuis l'année 2018 avec ses deux fils majeurs dont l'un présente une maladie chronique génétique rare provoquant une hyperlaxité tissulaire de l'intégralité de ses membres, ayant nécessité la pose de prothèses totales pour les deux hanches et qu'en raison de cette pathologie, sa présence à ses côtés est essentielle. Il ressort cependant des pièces du dossier que ce dernier fait également l'objet d'une mesure d'éloignement. Par ailleurs, l'appelante, qui n'établit aucune insertion sociale particulière, n'établit pas être dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine ou au Koweit, pays dans lequel elle serait résidente permanente et où réside également son mari. Dans ces conditions, le préfet de l'Eure n'a pas porté au droit de Mme B... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels l'arrêté contesté a été pris et n'a, par suite, pas méconnu les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Au vu de l'ensemble de la situation de l'intéressée, cette décision ne peut davantage être regardée comme entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de Mme B.... 5. En quatrième lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vigueur à la date de la décision attaquée : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2 (...) ". 6. Il ne ressort pas des pièces du dossier, compte tenu de ce qui a été dit aux point 4, que le préfet de l'Eure, en estimant qu'aucun motif exceptionnel, ni aucune considération humanitaire ne justifiait l'admission au séjour de Mme B..., aurait méconnu les dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Sur la décision portant obligation de quitter le territoire : 7. En premier lieu, en vertu du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable, dont les dispositions sont citées dans l'arrêté contesté, la motivation de l'obligation de quitter le territoire français se confond avec celle du refus de titre de séjour dont elle découle nécessairement. Par suite, la décision de refus de titre de séjour étant, ainsi qu'il a été dit au point 2, suffisamment motivée, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision faisant obligation à Mme B... de quitter le territoire français doit être écarté comme manquant en fait. 8. En deuxième lieu, il résulte de ce qui a été énoncé aux points 2 à 8 du présent arrêt, que Mme B... n'est pas fondée à se prévaloir de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour. 9. Enfin, pour les mêmes motifs que ceux retenus aux points 5 et 6, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés et de l'erreur manifeste d'appréciation dont serait entachée la décision portant obligation de quitter le territoire, doivent être écartés. Sur la décision fixant le pays de destination : 10. Il résulte de ce qui vient d'être dit que le moyen tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté à l'encontre de la décision fixant le pays de destination. 11. Il ressort par ailleurs des mentions de l'arrêté attaqué, que le préfet de l'Eure a fixé le Liban comme pays de renvoi, pays dont la requérante a la nationalité, mais également tout pays hors Schengen dans lequel elle serait légalement admissible. Par suite, le moyen tiré du défaut d'examen sérieux de la situation de Mme B... doit être écarté. 12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, assorties d'astreinte, ainsi que celles présentées au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. DÉCIDE : Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... née C..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Cécile Madeline. Copie sera adressée au préfet de l'Eure. Délibéré après l'audience publique du 14 mars 2023 à laquelle siégeaient : - Mme Anne Seulin, présidente chambre, - M. Marc Baronnet, président-assesseur, - Mme Sylvie Stefanczyk, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mars 2023. La rapporteure, Signé : S. StefanczykLa présidente de chambre, Signé : A. Seulin La greffière, Signé : A.S. Villette La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme, La greffière Anne-Sophie Villette 2 N°22DA01288
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Vu la procédure suivante : Par une requête, enregistrée le 6 mai 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... B... demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 3 mars 2022 portant refus d'acquisition de la nationalité française. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code civil ; - le code justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Clément Tonon, auditeur, - les conclusions de M. Clément Malverti, rapporteur public ; Considérant ce qui suit : 1. Aux termes de l'article 21-2 du code civil : " L'étranger (...) qui contracte mariage avec un conjoint de nationalité française peut, après un délai de quatre ans à compter du mariage, acquérir la nationalité française par déclaration à condition qu'à la date de cette déclaration la communauté de vie tant affective que matérielle n'ait pas cessé entre les époux depuis le mariage et que le conjoint français ait conservé sa nationalité (...) ". L'article 21-4 du même code prévoit toutefois que : " Le Gouvernement peut s'opposer par décret en Conseil d'Etat, pour indignité ou défaut d'assimilation, autre que linguistique, à l'acquisition de la nationalité française par le conjoint étranger dans un délai de deux ans à compter de la date du récépissé prévu au deuxième alinéa de l'article 26 ou, si l'enregistrement a été refusé, à compter du jour où la décision judiciaire admettant la régularité de la déclaration est passée en force de chose jugée (...) ". 2. M. B..., ressortissant congolais, a souscrit le 2 juillet 2020 une déclaration d'acquisition de la nationalité française par mariage. Par le décret attaqué, le Premier ministre s'est opposé à l'acquisition de la nationalité française au motif que M. B... ne pouvait être regardé comme digne de l'acquérir. 3. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a indûment perçu, d'une part, de Pôle emploi, de novembre 2016 à novembre 2018, la somme de 20 560,01 euros, et d'autre part, de la caisse d'allocations familiales de la Côte d'Or, de décembre 2016 à décembre 2018, la somme de 2910 euros, en omettant de déclarer à ces organismes l'activité professionnelle salariée qu'il a exercée au cours de ces périodes. Par ailleurs, l'intéressé a été condamné, les 19 février 2013 et 18 mai 2018, par le tribunal correctionnel de Dijon au paiement de deux amendes de 200 et 600 euros pour avoir conduit un véhicule sans permis, les 24 décembre 2012 et 3 février 2018. Il a également été condamné par ce même tribunal, le 19 décembre 2016, à une peine d'emprisonnement avec sursis de quatre mois pour avoir été auteur, le 29 septembre 2016, en tant que conducteur d'un véhicule, de blessures involontaires ayant causé à la victime une incapacité totale de travail n'excédant pas trois mois, commises avec au moins deux circonstances aggravantes, et pour omission de céder le passage. Les circonstances que M. B... a remboursé les sommes trop perçues de la part de la caisse d'allocations familiales et qu'un échéancier de remboursement a été établi avec Pôle emploi sont sans incidence sur la légalité du décret attaqué. Par suite, en estimant, à la date du décret attaqué, que ces faits, eu égard à leur gravité ainsi qu'à leur caractère répété et récent, rendaient M. B... indigne d'acquérir la nationalité française, le Premier ministre n'a pas fait une inexacte application des dispositions de l'article 21-4 du code civil. 4. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation pour excès de pouvoir du décret du 3 mars 2022 par lequel le Premier ministre lui a refusé l'acquisition de la nationalité française. D E C I D E : -------------- Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Délibéré à l'issue de la séance du 9 mars 2023 où siégeaient : M. Nicolas Boulouis, président de chambre, présidant ; Mme Anne Courrèges, conseillère d'Etat et M. Clément Tonon, auditeur-rapporteur. Rendu le 29 mars 2023. Le président : Signé : M. Nicolas Boulouis Le rapporteur : Signé : M. Clément Tonon La secrétaire : Signé : Mme Eliane Evrard
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Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme B... A... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler l'arrêté du 24 août 2022 par lequel le préfet du Nord a décidé son transfert aux autorités portugaises en vue de l'examen de sa demande d'asile. Par un jugement n° 2202918 du 22 septembre 2022, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés les 21 octobre et 24 novembre 2022, Mme A..., représentée par Me Antoine Tourbier, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Nord du 24 août 2022 ; 3°) d'enjoindre au préfet du Nord d'instruire sa demande d'asile dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans le même délai ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Elle soutient que : - l'arrêté attaqué est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 ; - il méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le père de son enfant séjournant régulièrement en France ; - il ne prend pas en considération l'intérêt supérieur de l'enfant, en méconnaissance de l'article 6 du règlement de Dublin et du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, l'enfant étant scolarisé en France et son père contribuant à son entretien et à son éducation. La requête a été communiquée au préfet du Nord, qui n'a pas produit de mémoire en défense. Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 décembre 2022. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention de Genève du 28 juillet 1951 ; - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; - le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ; - la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ; - le code de justice administrative. La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le rapport de M. Marc Baronnet, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. Mme B... A..., ressortissante angolaise née le 26 janvier 1984, entrée en France en mars 2022, a présenté le 10 juin 2022 une demande d'asile auprès de la préfecture de l'Oise. La consultation du fichier Visabio a révélé qu'elle détenait un visa périmé depuis moins de six mois, qui avait été délivré par les autorités portugaises. Les autorités portugaises ont explicitement accepté le 29 juillet 2022 de prendre en charge l'intéressée et, par un arrêté du 24 août 2022, le préfet du Nord a ordonné le transfert de Mme A... aux autorités portugaises. Mme A... relève appel du jugement du 22 septembre 2022 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté. 2. En premier lieu, aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / (...) ". 3. Mme A... soutient qu'elle séjourne sur le territoire français avec sa fille, qui est née en 2012 et scolarisée et dont le père, de nationalité portugaise, réside et travaille en France et que le préfet aurait dû faire usage du pouvoir dérogatoire d'examiner sa demande d'asile qu'il tient des dispositions précitées de l'article 17 du règlement du 26 juin 2013. Toutefois, la production d'une photographie, d'une attestation établie par le père datée du 22 octobre 2022 et d'un virement de 100 euros du 12 octobre 2022 ne suffit à établir ni que le père contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant, ni la réalité et l'intensité des liens allégués entre le père et l'enfant. Par suite, Mme A... n'établit pas que le préfet du Nord aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en s'abstenant de faire application du pouvoir discrétionnaire qu'il tient des dispositions citées au point 2. Le moyen doit donc être écarté. 4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". 5. Pour les mêmes raisons qu'exposées au point 3 du présent arrêt, Mme A... ne peut être regardée comme ayant fixé sa vie privée et familiale sur le territoire français. Dès lors, elle n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté attaqué méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. 6. En troisième lieu, aux termes des stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relatives aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, de autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Et aux termes de l'article 6 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " L'intérêt supérieur de l'enfant est une considération primordiale pour les États membres dans toutes les procédures prévues par le présent règlement (...) ". 7. Il ressort des pièces du dossier, d'une part, que les autorités portugaises ont accepté de prendre en charge Mme A... et sa fille et, d'autre part, qu'ainsi qu'il a été dit au point 3, la réalité et l'intensité des liens allégués entre l'enfant et son père, ressortissant portugais résidant en France, ne sont pas établis. Or, Mme A... ne justifie d'aucune autre circonstance qui s'opposerait à ce que sa fille l'accompagne au Portugal. Ainsi, elle n'est pas fondée à soutenir que le préfet du Nord n'aurait pas pris en compte l'intérêt supérieur de son enfant. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relatives aux droits de l'enfant et des dispositions de l'article 6 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté. 8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 24 août 2022. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. DÉCIDE : Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Antoine Tourbier. Copie sera adressée au préfet du Nord. Délibéré après l'audience du 14 mars 2023 à laquelle siégeaient : - Mme Anne Seulin, présidente de chambre, - M. Marc Baronnet, président-assesseur, - M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mars 2023. Le président-rapporteur, Signé : M. C...La présidente de chambre, Signé : A. Seulin La greffière, Signé : A.S. Villette La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme La greffière, Anne-Sophie Villette 2 N°22DA02167
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Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme C... A... épouse B... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a interdit de revenir en France pour une durée d'un an. Par un jugement n° 2200425 du 20 juin 2022, le tribunal administratif de Rouen a annulé la décision portant interdiction de retour et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 5 octobre 2022, Mme B..., représentée par Me Caroline Inquimbert, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il n'a fait droit que partiellement à sa demande ; 2°) d'annuler l'arrêté non daté du préfet de la Seine-Maritime en toutes ses décisions ; 3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans un délai de trente jours à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son avocate de la somme de 1 500 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, ladite condamnation valant renonciation au versement de l'aide juridictionnelle. Elle soutient que : - le préfet a omis de saisir la commission du titre de séjour ; - la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour est contraire à l'article L. 423-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la décision de refus de séjour et l'obligation de quitter le territoire français sont contraires à l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - la décision de refus de séjour, l'obligation de quitter le territoire français et la décision refusant d'octroyer un délai de départ volontaire sont entachées d'une erreur manifeste dans l'appréciation de leurs conséquences sur sa situation personnelle ; - la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour étant illégale, l'obligation de quitter le territoire français est privée de base légale, ce qui entache à son tour d'illégalité la décision refusant d'octroyer un délai de départ volontaire ; - la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire est contraire à l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un mémoire en défense, enregistré le 9 décembre 2022, le préfet de la Seine-Maritime conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés. Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du du 6 septembre 2022. Par ordonnance du 23 janvier 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 28 février 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le rapport de M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. Mme C... A... épouse B..., ressortissante camerounaise née le 15 juillet 1955, est entrée en France le 14 septembre 2010 sous couvert d'un passeport touristique. Le 10 octobre 2011, elle a sollicité un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable et a bénéficié de plusieurs autorisations provisoires de séjour jusqu'au 28 janvier 2014. Par arrêté du 16 avril 2014, le préfet de la Seine-Maritime a refusé de renouveler son droit au séjour et l'a obligée à quitter le territoire français. Le 14 octobre 2015, elle a sollicité à nouveau son admission au séjour sur le même fondement et un refus lui a été opposé le 31 mars 2016. Le 9 mai 2016, elle a sollicité son admission au séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable. Par arrêté du 9 octobre 2017, le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer le titre sollicité et l'a obligée à quitter le territoire français. Le 1er avril 2021, l'intéressée a sollicité un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 423-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile après s'être mariée le 13 mars 2021 avec M. B..., ressortissant français. Par l'arrêté attaqué, non daté et notifié le 2 juin 2021, le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui accorder le titre sollicité, l'a obligée à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour la durée d'un an. Mme B... relève appel du jugement du 20 juin 2022 en tant que le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions portant refus de délivrance d'un titre de séjour et obligation de quitter le territoire français sans délai. Sur le bien-fondé du jugement : 2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". 3. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... épouse B... vit en France de manière habituelle depuis le 14 septembre 2010, à l'exception des années 2015 et 2016 pour lesquelles aucune preuve de présence n'est produite. Elle a mis à profit ses trois années de séjour régulier de 2011 à 2014 pour se soigner et a été prise en charge par sa fille, agricultrice dans l'Orne, naturalisée française en 2008. Elle s'est mariée le 13 mars 2021 avec un ressortissant français avec qui elle vit en couple au Havre depuis au moins l'année 2018 comme en attestent la déclaration des revenus de l'année 2017 faite en 2018 avec son futur époux ainsi qu'une carte postale envoyée à l'adresse du couple le 15 octobre 2018. En outre, certaines attestations de ses proches précisent qu'ils vivent sous le même toit depuis le 4 août 2017. Ses attaches familiales se situent désormais majoritairement en France où vivent son mari, l'une de ses deux filles ainsi que ses deux petites-filles de nationalité française. Dès lors, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, Mme B... est fondée à soutenir que la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour porte à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus. 4. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de refus de séjour. Il y a lieu, par suite, d'annuler cette décision, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens soulevés par Mme B..., ainsi que, par voie de conséquence, les décisions subséquentes portant obligation de quitter le territoire français sans délai et fixant le pays de destination. Sur les conclusions à fin d'injonction : 5. Eu égard au motif d'annulation retenu au point 3, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement la délivrance, au profit de Mme B..., d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En conséquence, il y a lieu d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de délivrer à l'intéressée ce titre de séjour, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. En revanche il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte. Sur les frais liés au litige : 6. Mme B... ayant obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, son avocate peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Dans ces conditions, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Caroline Inquimbert d'une somme de 1 000 euros, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat. DÉCIDE : Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Rouen du 20 juin 2022 et l'arrêté notifié le 2 juin 2021 du préfet de la Seine-Maritime sont annulés. Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Maritime de délivrer à Mme B... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Article 3 : L'Etat versera à Me Inquimbert, avocate de Mme B..., une somme de 1 000 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat. Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... épouse B..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer, au préfet de la Seine-Maritime et à Me Caroline Inquimbert. Délibéré après l'audience publique du 14 mars 2023 à laquelle siégeaient : - Mme Anne Seulin, présidente de chambre, - M. Marc Baronnet, président-assesseur, - M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mars 2023. Le rapporteur, Signé : G. VandenbergheLa présidente de chambre, Signé : A. Seulin La greffière, Signé : A.S. Villette La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme La greffière, Anne-Sophie Villette 2 N°22DA02038
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Vu la procédure suivante : M. B... C... A... a demandé à la Cour nationale du droit d'asile d'annuler les décisions des 19 décembre 2018 et 31 juillet 2020 par lesquelles le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a mis fin à son statut de réfugié et de le rétablir dans ce statut. Par une décision n° 18057195, 20026424 du 25 janvier 2022, la Cour nationale du droit d'asile, après avoir constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions dirigées contre la décision de l'OFPRA en date du 19 décembre 2018, a annulé celle en date du 31 juillet 2020 et maintenu M. A... dans son statut de réfugié. Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 25 mars et 27 juin 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'OFPRA demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler cette décision ; 2°) de renvoyer l'affaire devant la Cour nationale du droit d'asile. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - la convention de Genève du 28 juillet 1951 et le protocole signé à New York le 31 janvier 1967 relatifs au statut des réfugiés ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Hadrien Tissandier, auditeur, - les conclusions de M. Clément Malverti, rapporteur public, La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, et à la SCP Zribi, Texier, avocat de M. A... ; Considérant ce qui suit : 1. Il ressort des pièces du dossier soumis à la Cour nationale du droit d'asile que M. A..., de nationalité russe, s'est vu reconnaître la qualité de réfugié par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 5 octobre 2009. Par une décision du 19 novembre 2018, prise sur le fondement du 2° de l'article L. 711-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, repris à l'article L. 511-7 du même code, l'OFPRA a mis fin au statut de réfugié de M. A... au motif qu'il avait été définitivement condamné le 23 juin 2017 pour participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un acte de terrorisme et que sa présence en France constituait une menace grave pour la société. Par une décision du 31 juillet 2020, l'Office a retiré cette première décision de fin de statut et a pris, sur le fondement du 3° de l'article L. 711-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, devenu l'article L. 511-8, une nouvelle décision mettant, cette fois, fin à la qualité de réfugié dont M. A... bénéficiait, au motif qu'il s'était rendu coupable d'agissements contraires aux buts et aux principes des Nations Unis au sens du c) du F de l'article 1er de la convention de Genève. Par une décision du 25 janvier 2022, contre laquelle l'OFPRA se pourvoit en cassation, la Cour nationale du droit d'asile, après avoir constaté à l'article 1er qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions dirigées contre la décision du 19 novembre 2018, a, aux articles 2 et 3, annulé la décision du 31 juillet 2020 et maintenu M. A... dans son statut de réfugié. 2. Aux termes du 2° du paragraphe A de l'article 1er de la convention de Genève, la qualité de réfugié est notamment reconnue à " toute personne (...) qui, craignant avec raison d'être persécutée du fait (...) de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut, ou du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays (...) ". Aux termes du F de cet article : " Les dispositions de cette Convention ne seront pas applicables aux personnes dont on aura des raisons sérieuses de penser : (...) c) qu'elles se sont rendues coupables d'agissements contraires aux buts et aux principes des Nations unies ". Aux termes de l'article L. 511-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile: " L'office met également fin à tout moment, de sa propre initiative ou à la demande de l'autorité administrative, au statut de réfugié lorsque [...] / 3° Le réfugié doit, compte tenu de circonstances intervenues après la reconnaissance de cette qualité, en être exclu en application des sections D, E ou F de l'article 1er de la convention de Genève, du 28 juillet 1951 (...) ". Enfin, aux termes de l'article L. 511-7 du même code : " Le statut de réfugié est refusé ou il est mis fin à ce statut lorsque : (...) 2° La personne concernée a été condamnée en dernier ressort en France, dans un Etat membre de l'Union européenne ou dans un Etat tiers figurant sur la liste, fixée par décret en Conseil d'Etat, des Etats dont la France reconnaît les législations et juridictions pénales au vu de l'application du droit dans le cadre d'un régime démocratique et des circonstances politiques générales, soit pour un crime, soit pour un délit constituant un acte de terrorisme ou puni de dix ans d'emprisonnement, et sa présence constitue une menace grave pour la société ". 3. Pour annuler la décision de l'OFPRA en date du 31 juillet 2020, la Cour nationale du droit d'asile s'est bornée à énoncer que la présence en France de M. A... ne constituait pas une menace grave pour la société au sens du 2° de l'article L. 511-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et que la situation de l'intéressé ne relevait d'aucune autre clause de cessation permettant de mettre fin au statut de réfugié. En statuant ainsi, alors que la décision de fin de protection du 31 juillet 2020 avait été prise sur le fondement du 3° de l'article L. 711-4 de ce code devenu l'article L. 511-8, portant fin de la qualité de réfugié, et que l'OFPRA demandait à titre principal à la Cour de faire application de la clause d'exclusion prévue par le c) du F de l'article 1er de la convention de Genève, la Cour nationale du droit d'asile a insuffisamment motivé sa décision et méconnu les règles gouvernant son office. 4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, que l'OFPRA est fondé à demander l'annulation de la décision de la Cour nationale du droit d'asile qu'il attaque en tant qu'elle annule sa décision du 31 juillet 2020 et maintient M. A... dans son statut de réfugié. 5. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'OFPRA, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. D E C I D E : -------------- Article 1er : Les articles 2 et 3 de la décision de la Cour nationale du droit d'asile du 25 janvier 2022 sont annulés. Article 2 : L'affaire est, dans cette mesure, renvoyée à la Cour nationale du droit d'asile. Article 3 : Les conclusions présentées par M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 4 : La présente décision sera notifiée à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et à M. B... C... A.... Délibéré à l'issue de la séance du 9 mars 2023 où siégeaient : M. Nicolas Boulouis, président de chambre, présidant ; Mme Anne Courrèges, conseillère d'Etat et M. Hadrien Tissandier, auditeur-rapporteur. Rendu le 29 mars 2023. Le président : Signé : M. Nicolas Boulouis Le rapporteur : Signé : M. Hadrien Tissandier La secrétaire : Signé : Mme Eliane Evrard
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Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler la décision du 8 juillet 2019 par laquelle la directrice générale du centre hospitalier universitaire (CHU) de Rouen Normandie a prononcé son licenciement pour insuffisance professionnelle à compter du 9 juillet 2019, d'enjoindre au CHU de Rouen Normandie de procéder à sa réintégration dans ses fonctions occupées précédemment au 8 juillet 2019 ou, à défaut, de procéder à un nouvel examen de sa situation dans un délai de trente jours suivant la notification du jugement, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de mettre à la charge du CHU de Rouen Normandie la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un jugement n° 1903207 du 6 janvier 2022, le tribunal administratif de Rouen a annulé la décision du 8 juillet 2019 de la directrice générale du CHU de Rouen Normandie, a enjoint au CHU de Rouen Normandie de procéder à la réintégration de M. B... dans un emploi de son grade dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, a mis à sa charge une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions des parties. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 7 mars 2022, le CHU de Rouen Normandie, représenté par Me Sandrine Gillet, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) de rejeter la demande présentée par M. B... devant le tribunal ; 3°) de mettre à la charge de M. B... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - le licenciement pour insuffisance professionnelle de M. B... est justifié eu égard aux difficultés récurrentes qu'il a rencontrées dans l'exercice de ses fonctions d'encadrement depuis septembre 2016 résultant en particulier d'un management inadapté l'exposant à des difficultés relationnelles avec ses subordonnées et d'un positionnement inadapté vis-à-vis de sa hiérarchie, en dépit des formations dont il a bénéficié, des remarques formulées par sa hiérarchie et des changements d'affectation destinés à lui permettre de faire valoir ses aptitudes ; - contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, les fonctions exercées par M. B... depuis 2013 étaient essentiellement managériales ; - les erreurs managériales de M. B... sont établies par les pièces du dossier ; - les moyens de première instance ne sont pas fondés. Par un mémoire en défense, enregistré 3 octobre 2022, M. A... B..., représenté par Me Philip Huon, demande à la cour : 1°) à titre principal, d'enjoindre au CHU de Rouen Normandie de produire, à la suite de l'avis de la commission d'accès aux documents administratifs (CADA) du 2 juin 2022, le compte-rendu de la séance de la commission administrative paritaire locale à l'attention de la directrice générale du CHU de Rouen Normandie synthétisant le sens des interventions des membres de la commission en vue de la décision du 8 juillet 2019 et tout document attestant de la traçabilité de la saisine de la directrice générale du CHU de Rouen Normandie avec les garanties d'informations objectives et du fait que la directrice a effectivement procédé au départage des voix ; 2°) de rejeter la requête du CHU de Rouen Normandie ; 3°) à titre subsidiaire, d'annuler la décision du 8 juillet 2019 de la directrice générale du CHU de Rouen Normandie ; 4°) d'enjoindre au CHU de Rouen Normandie de procéder à sa réintégration dans un emploi de son grade dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ; 5°) de mettre à la charge du CHU de Rouen Normandie la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de le condamner aux entiers dépens. Il soutient que : - les moyens soulevés par le CHU de Rouen Normandie ne sont pas fondés ; - la décision du 8 juillet 2019 émane d'un signataire incompétent ; - elle est insuffisamment motivée ; - elle est intervenue à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors que, d'une part, aucun avis ou procès-verbal motivé de la commission administrative locale paritaire ne lui a été communiqué préalablement à la décision du 8 juillet 2019 et le directeur des ressources humaines n'a pas mis en œuvre une procédure permettant à la directrice générale de prendre une décision de départage, en méconnaissance des articles 9 et 11 du décret du 7 novembre 1989 relatif à la procédure disciplinaire applicable aux fonctionnaires relevant de la fonction publique hospitalière et, d'autre part, ses droits de la défense ont été méconnus ; - elle méconnaît le principe général d'impartialité. Par ordonnance du 16 décembre 2022, la date de clôture de l'instruction a été fixée au 5 janvier 2023 à 12 heures. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 86633 du 9 janvier 1986 ; - le décret n° 2011-660 du 14 juin 2011e code de la santé publique ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Sylvie Stefanczyk, première conseillère, - les conclusions de M. Guillaume Toutias, rapporteur public, - et les observations de Me Philippe Huon, représentant M. B.... Considérant ce qui suit : 1. M. A... B... a été recruté par le centre hospitalier universitaire (CHU) de Rouen à compter du 2 mars 1992 en qualité d'agent du service intérieur contractuel et affecté au standard. Il a été titularisé dans ce grade le 1er mars 1994 puis a été reclassé respectivement dans le grade d'agent d'entretien spécialisé le 1er août 1995, de standardiste le 1er novembre 2000 et d'adjoint administratif hospitalier le 8 août 2007. A compter de 2013, des missions d'encadrement lui ont été confiées. L'intéressé a été titularisé, le 1er janvier 2016, dans le grade d'adjoint des cadres hospitaliers. A la suite d'une enquête administrative mettant en évidence des méthodes de management inadaptées, M. B... a été affecté, le 28 novembre 2016, à 50 % sur un poste d'adjoint des cadres au sein du service d'accueil de la clientèle de l'hôpital Charles Nicolle de Rouen et à 50 % sur un poste de responsable du standard du même établissement. Il a ensuite été affecté, à compter du 1er janvier 2017, au service d'accueil de la clientèle de l'hôpital Charles Nicolle, puis, à compter du 1er mars 2018, au service d'accueil de la clientèle de l'hôpital de Bois-Guillaume et, enfin, à compter du 1er décembre 2018, à 50 % au service d'accueil de la clientèle de l'hôpital Bois-Guillaume et à 50 % à l'accueil de la clientèle " Leschevin ". En décembre 2018, des agents des espaces d'accueil de la clientèle ont alerté la hiérarchie de M. B... sur son management inadapté et sur les difficultés relationnelles rencontrées avec l'intéressé dans un contexte de réorganisation du service. Des entretiens ont été menés en février et mars 2019 avec les agents du service et ont abouti à la rédaction, le 15 mars 2019, d'un rapport de synthèse transmis à la direction des ressources humaines du CHU de Rouen Normandie. Le 18 mars 2019, la directrice générale du CHU de Rouen Normandie a suspendu M. B... de ses fonctions à titre conservatoire, une enquête administrative étant parallèlement ouverte. Par courrier en date du 28 mai 2019, l'intéressé a été informé de la clôture de l'enquête administrative et de l'engagement d'une procédure de licenciement pour insuffisance professionnelle. Le 27 juin 2019, la commission administrative paritaire locale s'est réunie et un partage des voix a été constaté entre les représentants du personnel et les représentants de l'administration sur l'insuffisance professionnelle de M. B.... Par une décision du 8 juillet 2019, la directrice générale du CHU de Rouen-Normandie a prononcé le licenciement pour insuffisance professionnelle de M. B.... Le CHU de Rouen-Normandie relève appel du jugement du 6 janvier 2022 par lequel le tribunal administratif de Rouen a annulé cette décision et lui a enjoint de procéder à la réintégration de M. B.... Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 2. Le licenciement pour insuffisance professionnelle d'un agent public ne peut être fondé que sur des éléments révélant l'inaptitude de l'agent à exercer normalement les fonctions pour lesquelles il a été engagé, s'agissant d'un agent contractuel, ou correspondant à son grade, s'agissant d'un fonctionnaire, et non sur une carence ponctuelle dans l'exercice de ces fonctions. Lorsque la manière de servir d'un fonctionnaire exerçant des fonctions qui ne correspondent pas à son grade le justifie, il appartient à l'administration de mettre fin à ces fonctions. Une évaluation portant sur la manière dont l'agent a exercé de nouvelles fonctions correspondant à son grade durant une période suffisante et révélant son inaptitude à un exercice normal de ces fonctions peut, alors, être de nature à justifier légalement son licenciement. 3. Aux termes de l'article 3 du décret du 14 juin 2011 portant statuts particuliers des personnels administratifs de la catégorie B de la fonction publique hospitalière : " I. - Les membres du corps des adjoints des cadres hospitaliers assurent l'instruction des affaires qui leur sont confiées et exercent des missions de gestion et d'administration dans les établissements et services où ils sont affectés. / Ils peuvent également se voir confier l'animation d'une équipe ou la coordination d'une ou plusieurs unités administratives. / Ils bénéficient d'une formation d'adaptation à l'emploi propre aux fonctions qui leur sont confiées, dont l'organisation et le contenu sont fixés par arrêté du ministre chargé de la santé. / II. - Les adjoints des cadres hospitaliers de classe supérieure et les adjoints des cadres hospitaliers de classe exceptionnelle ont vocation à occuper des emplois qui correspondent à un niveau d'expertise acquis par la formation initiale, l'expérience professionnelle ou par la formation tout au long de la vie. Ils peuvent également être investis de responsabilités particulières et exercer notamment les fonctions d'assistant administratif de chef de pôle ". 4. Pour prononcer le licenciement de M. B... pour insuffisance professionnelle, la directrice générale du CHU Rouen Normandie s'est fondée sur son incapacité à accomplir des taches ou à assumer des responsabilités relevant de ses fonctions et sur ses carences professionnelles qui provoquent des troubles relationnels avec son environnement, les faits étant préjudiciables à la bonne marche du service. Elle s'appuie notamment sur le rapport d'enquête relative aux pratiques managériales du cadre du standard rédigé par la directrice de la clientèle et des services juridiques (DCSJ) du 16 septembre 2016 et sur le rapport circonstancié justifiant la demande d'ouverture d'une enquête administrative relative au comportement professionnel de M. B..., établi le 15 mars 2019 par la directrice adjointe des finances et du contrôle de gestion, lesquels font état des difficultés récurrentes rencontrées par l'intéressé dans l'exercice de ses fonctions d'encadrement, se traduisant par un management inadapté l'exposant à des difficultés relationnelles avec ses subordonnées de nature à perturber le bon fonctionnement du service et un positionnement inapproprié vis-à-vis de sa hiérarchie, ainsi que sur les attestations des 2 et 3 avril 2019 des agents des espaces d'accueil de la clientèle placés sous l'autorité de l'intéressé, se plaignant de son comportement et de la dégradation de l'ambiance de travail. Toutefois, les comptes rendus d'évaluation produits à l'instance ne comportent aucune critique concernant les compétences techniques de M. B... et ne font pas davantage état de difficultés de management avant 2017. Si la fiche de notation au titre de l'année 2017 indique que l'intéressé a été positionné, dans un contexte difficile, sur une grosse équipe et qu'il a pu se trouver en difficulté pour faire appliquer certains changements de pratiques et si celle établie pour 2018 mentionne qu'une nouvelle affectation lui a été proposée en début d'année pour l'extraire d'une situation difficile sur l'anneau central, sa note chiffrée a cependant été augmentée à deux reprises de 0,25 points, soit 23,25/25 pour 2017 et 23,75/25 pour 2018. De plus, les items " capacité à travailler en équipe " et " comportement adapté dans les relations avec autrui " figurant dans sa fiche de notation pour 2018 sont évalués comme " bons ". Par ailleurs, il ressort des attestations des agents du service d'accueil de la clientèle de l'hôpital de Bois-Guillaume que l'ambiance de travail s'est dégradée après qu'ils ont été informés fin 2018 par M. B... de la décision de la direction des finances et du contrôle de gestion d'instaurer des gardes obligatoires le week-end, pour les agents de ce service qui n'y étaient pas astreints auparavant. A cet égard, M. B... fait valoir, sans être contredit sur ce point, que les attestations relevant sa personnalité colérique, ses attitudes sexistes et son comportement injurieux envers sa hiérarchie sont sujettes à caution dès lors qu'elles ont été rédigées par les agents réfractaires à la généralisation des gardes le week-end. Celles-ci sont, au demeurant, peu circonstanciées et contradictoires avec les attestations des autres agents produites à l'instance qui ne font état d'aucun comportement vexatoire ou discriminatoire à raison du sexe des agents ou d'un non-respect de la hiérarchie par l'intéressé. Enfin, même si les difficultés de positionnement hiérarchique de M. B... sont établies, elles ne sauraient suffire à caractériser l'inaptitude de l'intéressé à exercer l'ensemble des fonctions correspondant au grade qu'il détient dans le cadre d'emplois, relevant de la catégorie B, des adjoints des cadres hospitaliers, lesquelles ne sont, pour l'essentiel, pas des fonctions d'encadrement au sens de l'article 3 précité du décret du 14 juin 2011, alors que l'intéressé n'a, au surplus, pas bénéficié depuis 2016 de formation en management, ni d'un réel accompagnement de sa hiérarchie dans l'exercice de ses fonctions. Dans ces conditions, l'inaptitude de M. B... à exercer l'ensemble des fonctions correspondant à son grade ne peut être regardée comme établie. Par suite, la décision du 8 juillet 2019 par laquelle la directrice générale du CHU de Rouen Normandie a prononcé le licenciement pour insuffisance professionnelle de M. B... est entachée d'une erreur d'appréciation. 5. Il résulte de ce qui précède que le CHU de Rouen Normandie n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a annulé la décision du 8 juillet 2019. Sur les conclusions de M. B... tendant au prononcé de mesures d'instruction : 6. M. B... demande à la cour d'enjoindre au CHU de Rouen Normandie de produire, à la suite de l'avis du 2 juin 2022 de la commission d'accès aux documents administratifs (CADA), le compte-rendu de la séance de la commission administrative paritaire locale à l'attention de la directrice générale du CHU de Rouen Normandie synthétisant le sens des interventions des membres de la commission en vue de la décision de licenciement pour insuffisance professionnelle du 8 juillet 2019 ainsi que tout document attestant de la traçabilité de la saisine de la directrice générale du CHU de Rouen Normandie avec les garanties d'informations objectives et de ce que la directrice a effectivement procédé au départage. Toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que la production de ces documents soit utile à la solution du litige. Par suite, de telles conclusions doivent être rejetées. Sur les dépens et les frais liés à l'instance : 7. La présente instance n'ayant pas comporté de dépens, les conclusions de M. B... tendant à l'application de l'article R. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées. 8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. B..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que le CHU de Rouen Normandie demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge du CHU de Rouen Normandie une somme de 2 000 euros à verser à M. B..., au même titre. DÉCIDE : Article 1er : La requête du centre hospitalier universitaire de Rouen Normandie est rejetée. Article 2 : Le centre hospitalier universitaire de Rouen Normandie versera à M. B... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le surplus des conclusions de M. B... est rejeté. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier universitaire de Rouen Normandie et à M. A... B.... Délibéré après l'audience publique du 14 mars 2023 à laquelle siégeaient : - Mme Anne Seulin, présidente de chambre, - M. Marc Baronnet Guillaume, président-assesseur, - Mme Sylvie Stefanczyk, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mars 2023. La rapporteure, Signé : S. StefanczykLa présidente de chambre, Signé : A. Seulin La greffière, Signé : A.S. Villette La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme, La greffière Anne-Sophie Villette 2 N°22DA00558
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Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... H... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision du 17 janvier 2020 par laquelle le colonel L... lui a infligé trente jours d'arrêts à titre de sanction disciplinaire, et d'enjoindre à la ministre des armées de retirer la sanction de son dossier administratif et de le rétablir rétroactivement dans l'ensemble de ses fonctions, de ses droits et prérogatives dont il a été privé du fait de la sanction litigieuse, dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard. Par un jugement n° 2001394 du 28 janvier 2021, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 25 mars 2021, sous le n° 21BX01249 au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux, puis le 11 avril 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n° 21TL21249, et un mémoire enregistré le 27 avril 2022, M. B... H..., représenté par la SELARL MDMH agissant par Me Maumont, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du 28 janvier 2021 ; 2°) d'annuler la décision du 17 janvier 2020 par laquelle le colonel L... lui a infligé trente jours d'arrêts à titre de sanction disciplinaire ; 3°) d'enjoindre au ministre des armées de retirer de tous ses dossiers administratifs toute pièce relative à la sanction qui lui a été infligée, de la détruire et d'en donner attestation, et de le rétablir rétroactivement dans l'ensemble de ses fonctions, droits, prérogatives et autres intérêts dont il aurait été privé par les effets de la décision en cause, sans délai, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - le jugement est entaché d'irrégularité en raison de la méconnaissance du caractère contradictoire de la procédure ; - le jugement est entaché d'une irrégularité en ce que le tribunal a omis de répondre aux moyens soulevés dans le mémoire du 23 décembre 2020 tirés de la méconnaissance des dispositions de l'article R.4137-15 du code de la défense ; - la décision a été prise en violation de la procédure et des droits de la défense ; - elle est entachée d'erreur de droit, d'erreur de fait et d'erreur d'appréciation ; - la sanction est disproportionnée. Par un mémoire en défense, enregistré le 28 mars 2022, la ministre des armées conclut au rejet de la requête. Elle fait valoir qu'aucun des moyens invoqués n'est fondé. Par une ordonnance en date du 11 avril 2022, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué à la cour administrative d'appel de Toulouse le jugement de la requête de M. H.... Par ordonnance du 23 mai 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 17 juin 2022. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de la défense ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Anne Blin, présidente-assesseure, - les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique, - et les observations de M. H.... Considérant ce qui suit : 1. M. H..., qui est entré en service en qualité de soldat le 2 décembre 2014 et a été nommé au grade de caporal de l'armée de terre, a été affecté le 1er juillet 2018 au 17ème régiment du génie parachutiste à ... en qualité de chef d'équipe combat du génie. Le 30 octobre 2019, le caporal H... a été envoyé en mission de courte durée au sein de la compagnie du génie du 43ème bataillon d'infanterie de marine (BiMA) des forces françaises en République de Côte d'Ivoire à .... Le 18 décembre 2019, le caporal H... a eu une vive altercation avec le sapeur 1ère classe G... qu'il avait pour mission d'encadrer en sa qualité de chef d'équipe. Sur la base de cette altercation et au vu des faits de harcèlement moral qui ont été rapportés par le sapeur 1ère classe G..., une enquête interne a été diligentée par le chef de corps du 43ème BiMA. A la suite du rapport d'enquête interne remis le 7 janvier 2020, M. H... a été informé qu'une procédure disciplinaire allait être initiée à son encontre. Par une décision du 17 janvier 2020, le commandant des forces françaises en Côte d'Ivoire, le colonel L..., a prononcé à son encontre une sanction disciplinaire de trente jours d'arrêts. M. H... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler cette décision. Il relève appel du jugement rendu le 28 janvier 2021 qui a rejeté sa demande. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. Aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " (...) La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes (...). / Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux ". 3. Il ressort des pièces du dossier que l'unique mémoire en défense de la ministre des armées a été enregistré par le greffe du tribunal administratif de Toulouse le 19 novembre 2020, avant la clôture de l'instruction fixée au 23 novembre 2020. S'il a été communiqué à M. H... par un courrier du 20 novembre 2020, il ressort des mentions du jugement que la clôture d'instruction n'a fait l'objet d'aucun report. En n'accordant pas à M. H... un délai raisonnable lui permettant de répondre aux observations formulées par la ministre des armées, le tribunal a méconnu les exigences qui découlent des dispositions de l'article R. 611-1 du code de justice administrative et qui sont destinées à garantir le caractère contradictoire de l'instruction. Il résulte de ce qui vient d'être exposé, sans qu'il soit besoin de statuer sur l'autre moyen de régularité invoqué, que le jugement attaqué est intervenu à la suite d'une procédure irrégulière. Par suite, il doit être annulé. 4. Il y a lieu pour la cour de se prononcer immédiatement par la voie de l'évocation sur la demande présentée par M. H... devant le tribunal administratif de Toulouse. Sur la légalité de la sanction : 5. Aux termes de l'article L. 4137-1 du code de la défense : " Sans préjudice des sanctions pénales qu'ils peuvent entraîner, les fautes ou manquements commis par les militaires les exposent : / 1° A des sanctions disciplinaires prévues à l'article L. 4137-2 (...) ". Selon l'article L. 4137-2 du même code : " Les sanctions disciplinaires applicables aux militaires sont réparties en trois groupes : 1° Les sanctions du premier groupe sont : / a) L'avertissement ; / b) La consigne ; / c) La réprimande ; / d) Le blâme ; / e) Les arrêts ; / f) Le blâme du ministre (...) ". L'article R. 4137-28 de ce code dispose que : " Les arrêts sont comptés en jours. Le nombre de jours d'arrêts susceptibles d'être infligés pour une même faute ou un même manquement ne peut être supérieur à quarante (...) ". 6. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes. 7. Pour infliger à M. H... la sanction disciplinaire de trente jours d'arrêts, l'autorité militaire s'est fondée sur le fait qu'il a été mis en cause par un militaire du rang de son unité pour un comportement, des paroles, des actes ou gestes inappropriés et répétés consécutifs à des brimades, tels que des insultes. Le rapport d'enquête interne en date du 7 janvier 2020 ayant mis en évidence les responsabilités de l'intéressé dans l'existence de faits graves à l'encontre de ce subordonné, l'autorité militaire a considéré qu'il avait fait preuve d'un manque de discernement et de lucidité de nature à compromettre durablement la relation de confiance qui le lie à ses supérieurs et à l'institution, qu'il avait en outre délibérément outrepassé ses prérogatives et que ses agissements étaient inacceptables, indignes d'un soldat professionnel et qu'ils portaient atteinte à l'image de l'institution et mettaient en péril l'exécution de la mission opérationnelle. 8. Il ressort des pièces du dossier, en particulier du rapport d'enquête établi par le lieutenant I... sur la base des dénonciations de Mme G..., que cette dernière ainsi que trois autres soldats de 1èr classe de la compagnie ont déclaré avoir été victimes de faits de harcèlement, d'humiliation et de brimades de la part de plusieurs caporaux, se traduisant notamment par des insultes, des demandes de corvées lors de la pause méridienne, le repassage de chemises, la rédaction de comptes rendus jusque tard dans la nuit, le triage de cailloux par taille ainsi que le chronométrage d'un personnel féminin lors de la prise de sa douche. Il ressort toutefois de ce rapport d'enquête qu'un autre caporal a été clairement identifié comme étant le principal auteur des faits par les quatre victimes, et que M. H... aurait eu un comportement de suiveur en jouant également un rôle dans cette affaire de harcèlement malgré le fait qu'il soit affecté à la section commandement. Les différents témoignages recueillis lors de cette enquête interne, en particulier des quatre victimes, ne permettent cependant pas d'établir que M. H... aurait eu un tel rôle. Ainsi, alors que les témoignages des sapeurs de 1ère classe D...,A... et C... ne citent à aucun moment des manquements qui auraient été commis par M. H..., le sapeur de 1ère classe G... évoque un fait unique concernant l'appelant. S'il est constant que, le 18 décembre 2019, le caporal H... a eu une vive altercation avec le sapeur 1ère classe G... au sujet du repassage des chemises de la section, aucun témoin des faits ne vient cependant corroborer les propos violents et inappropriés qu'aurait tenus l'appelant à l'encontre de la victime, hormis le caporal identifié comme étant le principal auteur des faits de harcèlement dénoncés. Si le rapport d'enquête relève que les faits relevés à l'encontre de M. H... ont été corroborés par des membres de l'encadrement et par des camarades des victimes, soit trois personnes, il ressort toutefois du témoignage du sapeur 1ère classe E... que celle-ci n'était pas présente au moment des faits et a relaté les dires de la victime qui s'était confiée à elle. Le rapport du caporal-chef J... n'apporte quant à lui aucune précision concernant les faits précis reprochés à M. H.... Enfin, le capitaine F... relate les faits qui ont été portés à sa connaissance concernant le caporal K..., principal auteur des manquements relevés, ajoutant avoir également été informé de difficultés relationnelles moins importantes avec trois autres caporaux, parmi lesquels M. H.... Celui-ci a par ailleurs reconnu dans ses observations du 15 janvier 2020 qu'il avait peut-être fauté en évacuant sa colère sur le fer à repasser afin d'éviter de porter un coup. Ainsi, si la teneur de ses propos formulés à l'encontre du sapeur 1ère classe G... lors de l'altercation du 18 décembre 2019 n'est corroborée par aucune pièce probante, son emportement envers celle-ci dans le contexte d'abus d'autorité dont elle était victime depuis plusieurs mois, peut cependant être tenu pour établi. Au regard des fonctions de responsabilité assurées par M. H... au sein du commandement, ce comportement non conforme au devoir d'exemplarité d'un militaire constitue un manquement de l'intéressé dans l'exercice de ses missions d'encadrement en tant que chef d'équipe qui justifiait le prononcé d'une sanction disciplinaire. 9. Toutefois, compte tenu des seuls faits matériellement établis, à savoir une altercation avec le sapeur 1ère classe G... au cours de laquelle il aurait fait preuve d'un accès de colère, au regard des excellents états de service de M. H..., de l'absence de tout antécédent disciplinaire, enfin de la circonstance que les faits reprochés n'ont présenté qu'un caractère ponctuel sans gravité particulière, la sanction retenue de trente jours d'arrêt revêt un caractère disproportionné et doit dès lors être annulée. 10. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que M. H... est fondé à demander l'annulation de la décision du 17 janvier 2020 par laquelle une sanction de trente jours d'arrêts lui a été infligée. Sur les conclusions à fin d'injonction : 11. Il y a lieu d'enjoindre au ministre des armées d'effacer du dossier de M. H... toute mention de la sanction illégale en cause et de rejeter le surplus des demandes d'injonction dès lors que la décision attaquée n'avait ni pour objet, ni pour effet, d'affecter, au-delà des trente jours d'arrêt qu'elle a infligés, les fonctions, droits, prérogatives et intérêts de ce militaire. Sur les frais liés aux litiges : 12. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. H... tant en première instance qu'en appel et non compris dans les dépens. D E C I D E : Article 1er : Le jugement n°2001394 du 28 janvier 2021 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse et la décision du 17 janvier 2020 par laquelle une sanction de trente jours d'arrêts a été infligée à M. H... sont annulés. Article 2 : Il est enjoint au ministre des armées d'effacer du dossier de M. H... toute mention de la sanction en cause. Article 3 : L'Etat versera à M. H... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. H... et de sa demande devant le tribunal administratif est rejeté. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié M. B... H... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 14 mars 2023, à laquelle siégeaient : Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre, Mme Blin, présidente assesseure, M. Teulière, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mars 2023. La rapporteure, A. Blin La présidente, A. Geslan-Demaret La greffière, M-M. Maillat La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. N° 21TL21249 2
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Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 13 août 2020 par laquelle la commission nationale d'agrément et de contrôle du Conseil national des activités privées de sécurité lui a refusé le renouvellement de sa carte professionnelle. Par un jugement n° 2006023 du 24 septembre 2021, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés les 17 mars 2022 et 9 février 2023, M. B..., représenté par Me Hélène Détrez-Cambrai, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) d'annuler la décision du 13 août 2020 ; 3°) d'enjoindre à l'administration de lui délivrer la carte professionnelle dans un délai de sept jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son avocate au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'elle renonce au versement de l'aide juridictionnelle. Il soutient que le tribunal s'est borné à constater l'existence d'une condamnation pénale sans examiner si les faits à l'origine de cette infraction, ancienne et de faible gravité, étaient contraires à l'honneur, à la probité, aux bonnes mœurs ou de nature à porter atteinte à la sécurité et étaient incompatibles avec l'exercice des fonctions d'agent de sécurité. Par un mémoire en défense, enregistré le 25 janvier 2023, le Conseil national des activités privées de sécurité, représenté par Me Jean-Alexandre Cano, demande à la cour ; 1°) de rejeter la requête ; 2°) de mettre à la charge de M. B... une somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il fait valoir que les moyens soulevés par l'appelant ne sont pas fondés. M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle au taux de 55 % par une décision du 25 janvier 2022. Par une ordonnance du 9 janvier 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 13 février 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de la sécurité intérieure ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller, - les conclusions de M. Guillaume Toutias, rapporteur public, - et les observations de Me Mathilde Reis, représentant le conseil national des activités privées de sécurité. Considérant ce qui suit : 1. M. A... B..., ressortissant de la République démocratique du Congo, a sollicité le renouvellement de sa carte professionnelle auprès de la commission locale d'agrément et de contrôle (CLAC) du Nord. Par délibération du 28 janvier 2020, sa demande a été rejetée. Saisie d'un recours administratif préalable obligatoire, par courrier reçu le 25 mai 2020, la commission nationale d'agrément et de contrôle (CNAC) du conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS) a rejeté la demande par décision du 13 août 2020, prise sur le fondement des 1° et 2° de l'article L. 612-20 du code de la sécurité intérieure. M. B... relève appel du jugement du 24 septembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette délibération. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 2. Aux termes de l'article L. 612-20 du code de la sécurité intérieure : " Nul ne peut être employé ou affecté pour participer à une activité mentionnée à l'article L. 611-1 : / 1° S'il a fait l'objet d'une condamnation à une peine correctionnelle ou à une peine criminelle inscrite au bulletin n° 2 du casier judiciaire ou, pour les ressortissants étrangers, dans un document équivalent, pour des motifs incompatibles avec l'exercice des fonctions ; / 2° S'il résulte de l'enquête administrative, ayant le cas échéant donné lieu à consultation, par des agents du Conseil national des activités privées de sécurité spécialement habilités par le représentant de l'Etat territorialement compétent et individuellement désignés, des traitements de données à caractère personnel gérés par les services de police et de gendarmerie nationales relevant des dispositions de l'article 31 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, à l'exception des fichiers d'identification, que son comportement ou ses agissements sont contraires à l'honneur, à la probité, aux bonnes mœurs ou sont de nature à porter atteinte à la sécurité des personnes ou des biens, à la sécurité publique ou à la sûreté de l'Etat et sont incompatibles avec l'exercice des fonctions susmentionnées ; (...) ". 3. Pour refuser le renouvellement de la carte professionnelle de M. B..., la CNAC s'est fondée sur les dispositions du 1° de l'article L. 632-20 du code de la sécurité intérieure en retenant que l'intéressé avait été condamné dans le cadre d'une procédure d'ordonnance pénale délictuelle par le tribunal correctionnel d'Avesnes-sur-Helpe le 28 novembre 2016, pour des faits de conduite d'un véhicule terrestre à moteur sans assurance commis le 9 novembre 2015. La CNAC s'est en outre fondée sur le 2° du même article pour retenir que l'intéressé avait été interpellé le 16 février 2016 pour des faits similaires, commis de surcroît à une date à laquelle M. B... était titulaire d'une carte professionnelle d'agent de sécurité et donc soumis à une exigence déontologique particulièrement élevée. Ces faits révèlent, compte tenu notamment de leur caractère répété, des agissements contraires à la probité et sont dès lors incompatibles avec l'exercice des fonctions d'agent de sécurité. Il s'ensuit que la CNAC n'a pas entaché sa décision d'une erreur d'appréciation en rejetant la demande présentée par M. B.... 4. Il résulte de ce qui précède que l'appelant n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées. Sur les frais liés au litige : 5. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du CNAPS, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. B... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'appelant la somme demandée par le CNAPS au titre de ces dispositions. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : Les conclusions présentées par le Conseil national des activités privées de sécurité au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au Conseil national des activités privées de sécurité et à Me Hélène Détrez-Cambrai. Délibéré après l'audience publique du 14 mars 2023 à laquelle siégeaient : - Mme Anne Seulin, présidente de chambre, - M. Marc Baronnet, président-assesseur, - M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mars 2023. Le rapporteur, Signé : G. VandenbergheLa présidente de chambre, Signé : A. Seulin La greffière, Signé : A.S. Villette La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme La greffière, Anne-Sophie Villette 2 N°22DA00624
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Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... C... a demandé au tribunal des pensions militaires d'invalidité de Rouen d'annuler la décision du 7 janvier 2019 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande d'octroi d'une pension militaire d'invalidité. Par courrier en date du 21 novembre 2019, M. C... a été informé qu'en application de la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 et de son décret d'application n° 2018-1291 du 28 décembre 2018, sa requête avait été transmise au tribunal administratif de Rouen. Par un jugement n° 1904164 du 28 décembre 2021, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés les 28 février et 8 décembre 2022, M. C..., représenté par Me Aïda Moumni, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) d'annuler la décision du 7 janvier 2019 de la ministre des armées ; 3°) d'enjoindre au ministre des armées de lui attribuer une pension militaire d'invalidité au taux de 30 % ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement, à son avocat, d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de la renonciation par celui-ci à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle. Il soutient que la décision attaquée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que, d'une part, les douleurs invalidantes qu'il présente sont consécutives à l'accident dont il a été victime le 12 mai 2012 et ne sont pas assimilables à ses antécédents et, d'autre part, les pièces médicales produites démontrent que le taux d'invalidité résultant de cet accident doit être évalué à minima à 10 % ; Par des mémoires en défense, enregistrés les 25 octobre 2022 et 9 janvier 2023, le ministre des armées demande à la cour de rejeter la requête. Il fait valoir que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés. Par ordonnance du 10 janvier 2023, la date de clôture de l'instruction a été fixée au 14 février 2023 à 12 heures. M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 28 février 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Sylvie Stefanczyk, première conseillère, - et les conclusions de M. Guillaume Toutias, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. M. A... C..., né le 29 avril 1986, militaire engagé dans l'armée de terre à compter du 5 avril 2011, a été radié des contrôles le 5 avril 2014. Le 9 août 2013, l'intéressé a sollicité le bénéfice d'une pension militaire d'invalidité pour une infirmité consécutive à des séquelles de lombosciatique S1 gauche qu'il rattache à une chute survenue le 21 mai 2012 dans son lieu d'hébergement. Par une décision du 7 janvier 2019, la ministre des armées a rejeté cette demande aux motifs que la lombosciatique S1 gauche sur discopathie L5-S1 avec arthrose interapophysaire déficitaire évaluée globalement au taux de 30 % résultait, d'une part, d'une maladie sans lien avec le service et, d'autre part, d'un accident du 21 mai 2022 dont les séquelles entraînaient un degré d'invalidité inférieur à 10 %, taux minimum requis pour la prise en considération d'une infirmité. M. C... relève appel du jugement du 28 décembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 2. Aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, dans sa rédaction applicable à l'espèce : " Ouvrent droit à pension : / 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'évènements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; / 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; / 3° L'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'infirmités étrangères au service ; (...) ". Aux termes de l'article L. 4 du même code : " Les pensions sont établies d'après le degré d'invalidité. / Sont prises en considération les infirmités entraînant une invalidité égale ou supérieure à 10 %. / Il est concédé une pension : / 1° Au titre des infirmités résultant de blessures, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse 10 % ; 2° Au titre d'infirmités résultant de maladies associées à des infirmités résultant de blessures, si le degré total d'invalidité atteint ou dépasse 30 % ; 3° Au titre d'infirmité résultant exclusivement de maladie, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse : 30 % en cas d'infirmité unique ; 40 % en cas d'infirmités multiples. / En cas d'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'une infirmité étrangère à celui-ci, cette aggravation seule est prise en considération, dans les conditions définies aux alinéas précédents. / Toutefois, si le pourcentage total de l'infirmité aggravée est égal ou supérieur à 60 %, la pension est établie sur ce pourcentage ". Pour l'application de ces dispositions, une infirmité doit être regardée comme résultant d'une blessure lorsqu'elle trouve son origine dans une lésion soudaine, consécutive à un fait précis de service. Dans le cas contraire, elle doit être regardée comme résultant d'une maladie. 3. Il résulte de l'instruction que le docteur B..., expert médical diligenté pour l'instruction de la demande de pension de M. C..., a estimé dans son rapport du 30 novembre 2016 que l'intéressé présentait une sciatalgie S1 gauche paraissant secondaire à un traumatisme lombo-sacré résultant d'une chute survenue le 21 mai 2012 avec douleurs neurogènes nettement prédominantes d'évolution chronique, invalidantes avec un retentissement fonctionnel majeur, un impact très important sur la vie personnelle, professionnelle et l'autonomie du patient dans sa vie courante. L'expert a décrit ainsi un patient hyperalgique avec impossibilité de marcher plus de quelques mètres sans canne, présentant une atrophie du mollet à gauche, un Laségue à 45, une démarche lente et un déficit de l'extenseur du gros orteil. Il a également relevé que l'intéressé n'avait pas d'antécédent particulier en dehors de pied plat et d'une certaine laxité ligamentaire, sans événement pathologique avant 2012. Au regard de ces éléments, il a évalué le taux d'invalidité de l'infirmité à 30 % après avoir indiqué précisément que ce taux était " en conformité avec le barème des pensions militaires ". A la suite d'un complément d'étude demandé le 20 avril 2018 par la commission consultative médicale, le docteur D..., chargé de réaliser la seconde expertise de M. C..., a noté dans son rapport du 30 juin 2018 que la gêne de l'intéressé ne s'était pas atténuée, celui-ci ne pouvant pas conduire, ni courir et prenant parfois une canne pour marcher. Il a estimé que l'ensemble des symptômes mettait en évidence un " tableau de lomboradiculalgies chronicisées sans hernie " et a conclu néanmoins à un taux d'invalidité de 10 %, en précisant que le taux antérieur ou étranger au service était de 0 %. Si la commission consultative médicale a émis un avis le 20 août 2018 indiquant que l'accident du 21 mai 2012 s'était compliqué d'une sciatique gauche avec paralysie du releveur du pied gauche qui était en lien direct et déterminant avec la maladie arthrosique du rachis lombaire dont l'évolution progressive avait pu être précipitée par les traumatismes de 2011 et 2012, cet avis est toutefois contradictoire avec les conclusions des deux experts nommés par la commission, qui n'ont pas retenu d'état antérieur. En outre, aucune pièce médicale versée au dossier en première instance comme en appel ne permet d'établir que la discopathie L5-S1 et l'arthrose inter-apophysaire mises en évidence le 11 octobre 2011 lors de la prise en charge aux urgences de l'hôpital Manchester de Charleville-Mézières, aurait participé au processus douloureux faisant suite à la chute de M. C... le 21 mai 2012, alors que l'IRM dorso-lombaire réalisée le 6 juin 2012 ne mettait en évidence qu'une discopathie dégénérative L5-S1 modérée avec une petite protusion discale postérieure médiane mais non conflictuelle. Il résulte de l'ensemble de ces éléments que M. C... doit être regardé comme souffrant d'une infirmité provoquée uniquement par une blessure résultant d'une lésion soudaine consécutive à un fait précis du service, et non d'une infirmité résultant d'une maladie associée à une blessure, dont le taux d'invalidité doit être fixé à 30 % conformément aux conclusions du premier rapport d'expertise. Par suite, c'est à tort que la ministre des armées a estimé, par la décision attaquée du 7 janvier 2019, que l'infirmité de M. C... évaluée globalement au taux de 30 % n'était pas de nature à lui ouvrir droit à une pension d'invalidité dès lors qu'elle résultait d'une maladie sans lien avec le service et d'un accident du 21 mai 2012 dont les séquelles entraînaient un degré d'invalidité inférieur à 10 %. 4. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 7 janvier 2019 de la ministre des armées. Il y a donc lieu de prononcer l'annulation du jugement du 28 décembre 2021 du tribunal administratif de Rouen et l'annulation de la décision du 7 janvier 2019 de la ministre des armées. Sur les conclusions à fin d'injonction : 5. Il résulte de ce qui a été dit au point 4 qu'il y a lieu d'enjoindre au ministre des armées de procéder à la liquidation de la pension de M. C... dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt, en prenant en compte le taux de 30 % applicable à son infirmité à compter du 14 août 2013, date de réception de sa première demande de concession de pension. Sur les frais liés à l'instance : 6. M. C... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Moumni de la somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle. DÉCIDE : Article 1er : Le jugement n° 1904164 du tribunal administratif de Rouen et la décision du 7 janvier 2019 de la ministre des armées sont annulés. Article 2 : Il est enjoint au ministre des armées de concéder à M. C... une pension militaire d'invalidité en tenant compte de son infirmité de 30 % à la date du 14 août 2013, dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt. Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à Me Moumni en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle, sous réserve que cette avocate renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., au ministre des armées et à Me Aïda Moumni. Délibéré après l'audience publique du 14 mars 2023 à laquelle siégeaient : - Mme Anne Seulin, présidente de chambre, - M. Marc Baronnet Guillaume, président-assesseur, - Mme Sylvie Stefanczyk, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mars 2023. La rapporteure, Signé : S. StefanczykLa présidente de chambre, Signé : A. Seulin La greffière, Signé : A.S. Villette La République mande et ordonne au ministre des armées, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme, La greffière Anne-Sophie Villette 2 N°22DA00485
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Vu la procédure suivante : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 31 juillet 2021 par lequel le ministre de l'intérieur a prolongé les mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance prononcées à son encontre le 3 mai 2021. Par un jugement n° 2107242 du 4 août 2021, le magistrat désigné du tribunal administratif a annulé cet arrêté. Par un arrêt n° 21PA04634, 21PA04635 du 30 décembre 2021, la cour administrative d'appel de Paris a, sur appel de M. B..., annulé ce jugement et rejeté la demande de celui-ci tendant à l'annulation de l'arrêté du 31 juillet 2021. Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 30 mai et 30 août 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler cet arrêt ; 2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros à verser à la SARL Cabinet Briard, son avocat, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - la Constitution ; - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le code de la sécurité intérieure ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Hadrien Tissandier, auditeur, - les conclusions de M. Clément Malverti, rapporteur public, La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL Cabinet Briard, avocat de M. B... ; Considérant ce qui suit : 1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que par un arrêté du 31 juillet 2021, le ministre de l'intérieur a, sur le fondement des articles L. 228-1 et suivants du code de la sécurité intérieure, renouvelé la mesure individuelle de contrôle administratif et de surveillance prise à l'encontre de M. B... pour une durée de trois mois. Par un jugement du 4 août 2021, le magistrat désigné du tribunal administratif de Melun a annulé cet arrêté. Par un arrêt du 30 décembre 2021, contre lequel M. B... se pourvoit régulièrement en cassation, la cour administrative d'appel de Paris a annulé ce jugement et rejeté la demande d'annulation en excès de pouvoir présentée en première instance par l'intéressé. 2. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 10 du code de justice administrative : " Les jugements sont publics. Ils mentionnent le nom des juges qui les ont rendus. " Il ne ressort pas des pièces de la procédure qu'une minute de l'arrêt attaqué comportant les noms des juges qui l'ont rendu ait été établie. Par suite, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, M. B... est fondé à demander l'annulation de cet arrêt. 3. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge l'Etat le versement à la SARL Cabinet Briard, avocat de M. B..., d'une somme de 1 500 euros, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat. D E C I D E : -------------- Article 1er : L'arrêt du 30 décembre 2021 de la cour administrative d'appel de Paris est annulé. Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Paris. Article 3 : L'Etat versera, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, une somme de 1 500 euros à la SARL Cabinet Briard, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat. Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Délibéré à l'issue de la séance du 9 mars 2023 où siégeaient : M. Nicolas Boulouis, président de chambre, présidant ; Mme Anne Courrèges, conseillère d'Etat et M. Hadrien Tissandier, auditeur-rapporteur. Rendu le 29 mars 2023. Le président : Signé : M. Nicolas Boulouis Le rapporteur : Signé : M. Hadrien Tissandier La secrétaire : Signé : Mme Eliane Evrard
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Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Par un arrêt du 19 décembre 2019, la cour administrative d'appel de Douai, saisie par le service départemental d'incendie et de secours (SDIS) du Nord, a annulé l'ordonnance du tribunal administratif de Lille du 30 octobre 2018 et a renvoyé l'affaire au tribunal pour qu'il soit statué sur la requête présentée par le SDIS du Nord. Cette affaire a été enregistrée sous le n° 1910986. Par une requête et des mémoires, enregistrés les 19 octobre 2018, 24 décembre 2019, 24 janvier 2020, 19 novembre 2020 et 25 février 2021, le service départemental d'incendie et de secours (SDIS) du Nord a demandé au tribunal administratif de Lille, à titre principal, de condamner le centre hospitalier de Dunkerque à lui verser la somme de 84 424 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis en raison des interventions réalisées, pour le compte de ce centre hospitalier, au cours du mois de mai 2018, à titre subsidiaire, d'ordonner une mesure d'expertise afin de déterminer le montant de ses préjudices et, enfin, de mettre à la charge du centre hospitalier de Dunkerque la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un jugement n° 1910986 du 16 février 2022, le tribunal administratif de Lille a rejeté la demande présentée par le SDIS du Nord et a mis à la charge du SDIS du Nord la somme de 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 16 février 2022, le SDIS du Nord, représenté par la SCP Manuel Gros - Héloïse Hicter et associés, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) à titre principal, de condamner le centre hospitalier de Dunkerque à lui verser la somme de 84 424 euros en réparation du préjudice qu'il a subi, assortie des intérêts de droit ; 3°) à titre subsidiaire, de désigner, au titre des mesures d'instruction, un expert afin d'établir le coût moyen réel d'une intervention du SDIS dans le cadre du service public hospitalier, ou la fraction de la dotation de financement des missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation (MIGAC) dont a bénéficié le centre hospitalier de Dunkerque pour l'aide médicale d'urgence et les transports qu'il n'a pas effectués en mobilisant les moyens du SDIS ; 4°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Dunkerque la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - lorsque le SDIS est sollicité par une structure mobile d'urgence et de réanimation (SMUR) pour assurer les transports de jonction médicalisés grâce à son véhicule de secours et d'assistance aux victimes (VSAV), il intervient en dehors de ses missions propres prévues par l'article L. 1424-2 du code général des collectivités territoriales, en particulier lorsqu'un médecin de la SMUR est présent dans son VSAV ; - ces interventions doivent dès lors donner lieu à indemnisation de la part du centre hospitalier de Dunkerque, sur le fondement du régime du collaborateur occasionnel du service public ou de l'enrichissement sans cause ; - l'article L. 1424-2 du code général des collectivités territoriales, tel qu'interprété par le Conseil d'Etat, méconnaît l'article 72 de la Constitution relatif au principe de libre administration des collectivités territoriales et l'article 72-2 de la Constitution relatif au principe de compensation de tout transfert de compétences entre l'Etat et les collectivités territoriales. Par un mémoire en défense, enregistré le 25 novembre 2022, le centre hospitalier de Dunkerque, représenté par Me Omar Yahia, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge du SDIS du Nord une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - à titre principal, les transports de jonction litigieux constituent des évacuations prolongeant les missions de secours du SDIS et doivent donc être à sa charge financière ; - à titre subsidiaire, une convention aurait dû être conclue pour la prise en charge des frais d'intervention ; - en tout état de cause, la somme demandée est disproportionnée. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code général des collectivités territoriales ; - le code de la sécurité intérieure ; - le code de la santé publique ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Anne Seulin, présidente de chambre, - les conclusions de M. Guillaume Toutias, rapporteur public, - et les observations de Me Manuel Gros, représentant le SDIS du Nord et de Me Anne Florence Faurre substituant Me Omar Yahia, représentant le centre hospitalier de Dunkerque. Considérant ce qui suit : 1. Par une délibération du 27 juin 2017, le conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours (SDIS) du Nord a approuvé la tarification de chaque transfert médicalisé réalisé par le moyen d'un véhicule de secours et d'assistance aux victimes (VSAV) suite à la demande de la structure médicale d'urgence et de réanimation (SMUR) sur place et/ou du centre de réception et de régulation des appels (" centre 15 ") du service d'aide médicale urgente (SAMU), vers un établissement de santé. Sur le fondement de cette délibération, le SDIS du Nord demande que le coût unitaire des interventions litigieuses soit calculé conformément à la délibération du 27 juin 2017 de son conseil d'administration, soit 346 euros, et demande la condamnation du centre hospitalier de Dunkerque à lui verser la somme de 84 424 euros au titre du préjudice subi en raison des interventions réalisées au cours du mois de mai 2018 à la demande du " centre 15 " du SAMU rattaché au centre hospitalier de Dunkerque . 2. Le SDIS du Nord fait appel du jugement du 16 février 2022 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Sur la question prioritaire de constitutionnalité : 3. Aux termes de l'article R.*771-3 du code de justice administrative : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est soulevé, conformément aux dispositions de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, à peine d'irrecevabilité, dans un mémoire distinct et motivé. Ce mémoire, ainsi que, le cas échéant, l'enveloppe qui le contient, portent la mention : " question prioritaire de constitutionnalité " ". L'article R.*771-4 du même code dispose : " L'irrecevabilité tirée du défaut de présentation, dans un mémoire distinct et motivé, du moyen visé à l'article précédent peut être opposée sans qu'il soit fait application des articles R. 611-7 et R. 612-1 ". Le SDIS du Nord n'a pas présenté dans un mémoire distinct le moyen tiré de ce que les dispositions de l'article L. 1424-2 du code général des collectivités territoriales portent atteinte à certains droits et libertés garantis par la Constitution. Ce moyen n'est, par suite, pas recevable et doit être écarté. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 4. D'une part, aux termes de l'article L. 1424-2 du code général des collectivités territoriales : " Les services d'incendie et de secours (...) concourent, avec les autres services et professionnels concernés, (...) aux secours d'urgence. / Dans le cadre de leurs compétences, ils exercent les missions suivantes : (...) / 4° Les secours d'urgence aux personnes victimes d'accidents, de sinistres ou de catastrophes ainsi que leur évacuation ". L'article L. 742-11 du code de la sécurité intérieure prévoit que : " Les dépenses directement imputables aux opérations de secours au sens des dispositions de l'article L. 1424-2 du code général des collectivités territoriales sont prises en charge par le service départemental d'incendie et de secours. (...) ". L'article L. 1424-42 du code général des collectivités territoriales dispose que : " Le service départemental d'incendie et de secours n'est tenu de procéder qu'aux seules interventions qui se rattachent directement à ses missions de service public définies à l'article L. 1424-2. / S'il a procédé à des interventions ne se rattachant pas directement à l'exercice de ses missions, il peut demander aux personnes bénéficiaires une participation aux frais, dans les conditions déterminées par délibération du conseil d'administration. / Les interventions effectuées par les services d'incendie et de secours à la demande de la régulation médicale du centre 15, lorsque celle-ci constate le défaut de disponibilité des transporteurs sanitaires privés, et qui ne relèvent pas de l'article L. 1424-2, font l'objet d'une prise en charge financière par les établissements de santé, sièges des services d'aide médicale d'urgence. / Les conditions de cette prise en charge sont fixées par une convention entre le service départemental d'incendie et de secours et l'hôpital siège du service d'aide médicale d'urgence, selon des modalités fixées par arrêté conjoint du ministre de l'intérieur et du ministre chargé de la sécurité sociale (...) ". 5. D'autre part, aux termes de l'article L. 6311-1 du code de la santé publique : " L'aide médicale urgente a pour objet, en relation notamment avec les dispositifs communaux et départementaux d'organisation des secours, de faire assurer aux malades, blessés et parturientes, en quelque endroit qu'ils se trouvent, les soins d'urgence appropriés à leur état " et l'article L. 6311-2 du même code prévoit que : " (...) Un centre de réception et de régulation des appels est installé dans les services d'aide médicale urgente (...) ". L'article R. 6311-1 de ce code précise que : " Les services d'aide médicale urgente ont pour mission de répondre par des moyens exclusivement médicaux aux situations d'urgence. / Lorsqu'une situation d'urgence nécessite la mise en œuvre conjointe de moyens médicaux et de moyens de sauvetage, les services d'aide médicale urgente joignent leurs moyens à ceux qui sont mis en œuvre par les services d'incendie et de secours " et l'article R. 6311-2 que : " Pour l'application de l'article R. 6311-1, les services d'aide médicale urgente : / (...) 2° Déterminent et déclenchent, dans le délai le plus rapide, la réponse la mieux adaptée à la nature des appels ; / (...) 4° Organisent, le cas échéant, le transport dans un établissement public ou privé en faisant appel à un service public ou à une entreprise privée de transports sanitaires (...) ". L'article D. 6124-12 de ce code permet aux SDIS de mettre des équipages et véhicules à disposition d'une SMUR dans le cadre, qui régit alors cette mise à disposition, d'une convention avec l'établissement de santé autorisé à disposer d'une telle structure. Il résulte aussi de l'article R. 6312-15 du même code que ces services, indépendamment de la conclusion d'une telle convention, peuvent être amenés à intervenir pour effectuer des transports sanitaires d'urgence faute de moyens de transport sanitaire. 6. Enfin, le paragraphe II.B.1 du titre I du référentiel commun du 25 juin 2008 relatif à l'organisation du secours à personne et de l'aide médicale urgente, annexé à l'arrêté de la ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales et de la ministre de la santé et des sports du 24 avril 2009, prévoit, pour renforcer la coordination des services publics de façon à apporter la réponse la plus adaptée aux situations d'urgence, d'une part, que tous les appels pour secours et soins d'urgence font l'objet de la régulation médicale par le SAMU et, d'autre part, que dans les situations de " départ réflexe ", correspondant notamment à l'urgence vitale identifiée à l'appel et aux interventions sur la voie publique ou dans les lieux publics, l'engagement des moyens des SDIS en vue de secours d'urgence précède la régulation médicale, laquelle se fait alors dans les meilleurs délais. En vertu de la circulaire interministérielle du 5 juin 2015 relative à l'application de l'arrêté du 24 avril 2009 relatif à la mise en œuvre du référentiel portant sur l'organisation du secours à personne et de l'aide médicale urgente : " En cas de départ réflexe des moyens du SIS, la régulation médicale par le SAMU intervient dans les meilleurs délais après le déclenchement des moyens du SIS afin de s'assurer de la pertinence des moyens déjà engagés (compétence mobilisée et vecteur utilisé) et de les compléter le cas échéant ". 7. Il résulte de l'ensemble de ces dispositions que les SDIS ne doivent supporter la charge que des interventions qui se rattachent directement aux missions de service public définies à l'article L. 1424-2 du code général des collectivités territoriales. Figurent au nombre de ces missions celles qui relèvent des secours d'urgence aux personnes victimes d'accidents, de sinistres ou de catastrophes, y compris l'évacuation de ces personnes vers un établissement de santé. 8. Il ressort des termes mêmes du deuxième alinéa de l'article L. 1424-42 du code général des collectivités territoriales que ces dispositions ne concernent pas les interventions des SDIS à la demande du " centre 15 " et régissent exclusivement les interventions des SDIS à la demande de particuliers, en dehors des situations de secours d'urgence aux personnes relevant du 4° de l'article L. 1424-2 du même code. De même, les troisième et quatrième alinéas de l'article L. 1424-42 s'appliquent lorsque le SDIS intervient en dehors de situation de secours d'urgence aux personnes, à la demande du " centre 15 " de régulation médicale qui souhaite envoyer un moyen de transport pour répondre à une situation médicalement justifiée tout en constatant le défaut de disponibilité des transporteurs sanitaires privés. Dans un tel cas, les interventions effectuées par le SDIS font l'objet d'une prise en charge financière par les établissements publics de santé, siège des SAMU, par voie conventionnelle. Les troisième et quatrième alinéas de cet article régissent ainsi l'ensemble des conditions de prise en charge financière, par les établissements de santé, des interventions du SDIS à la demande du " centre 15 ", lorsque ces interventions ne sont pas au nombre des missions de service public définies à l'article L. 1424-2 du même code. Cette prise en charge financière par voie conventionnelle est, par définition, différente de celle visée par l'article D. 6124-12 du code de la santé publique qui prévoit que le SDIS peut mettre à la disposition de la SMUR rattachée à un établissement de santé disposant d'un SAMU, certains de ses moyens, par voie de convention. Il suit de là qu'aucune disposition de l'article L.1424-42 du code général des collectivités territoriales n'autorise un SDIS à facturer unilatéralement une prise en charge financière à un établissement public de santé abritant un SAMU. 9. Par ailleurs, lorsque le SDIS, après avoir engagé ses moyens dans une situation de " départ réflexe ", laquelle relève de ses missions de service public au titre du 4° de l'article L. 1424-2 du code général des collectivités territoriales, procède à l'évacuation de la personne secourue vers un établissement de santé, il lui incombe d'assumer la charge financière de ce transport qui doit être regardé, en vertu des mêmes dispositions, quelle que soit la gravité de l'état de la personne secourue, comme le prolongement des missions de secours d'urgence aux accidentés ou blessés qui lui sont dévolues. La circonstance que la SMUR soit également intervenue sur décision du médecin coordonnateur du " centre 15 " pour assurer, au titre de ses missions propres, la prise en charge médicale urgente de la personne, est sans incidence sur les obligations légales du SDIS, parmi lesquelles figure celle d'assurer l'évacuation de la personne qu'il a secourue vers un établissement de santé. 10. Il résulte de ce qui vient d'être dit que le conseil d'administration du SDIS du Nord ne pouvait légalement, par sa délibération du 27 juin 2017, facturer unilatéralement aux centres hospitaliers abritant un SAMU, sur la base d'un forfait de 346 euros, les transports " de jonction " médicalisés à la demande de la SMUR sur place et/ou de la coordination médicale, réalisés au moyen de son VSAV vers l'établissement de santé désigné par le médecin coordinateur du " centre 15 " et qu'il lui incombe d'assumer la charge financière de ces interventions. Dès lors, le SDIS du Nord ne peut se prévaloir d'aucun préjudice financier résultant de la prise en charge de ces transports médicalisés au moyen de son VSAV. 11. De même, les évacuations réalisées par le SDIS du Nord relevant des missions qui lui sont imparties par le 4° de l'article L. 1424-2 du code général des collectivités territoriales, la charge financière qu'il supporte du fait de ces interventions résulte d'une obligation légale et ne saurait donc donner lieu à indemnisation sur le fondement de l'enrichissement sans cause. Pour les mêmes raisons ne peut-il être regardé, à l'occasion de ces évacuations, comme un collaborateur occasionnel du service public dès lors qu'il ne fait qu'exercer les missions qui lui sont légalement dévolues par la loi. 12. Il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la demande d'expertise, que le SDIS du Nord n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Sur les frais liés à l'instance : 13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que le centre hospitalier de Dunkerque, qui n'a pas la qualité de partie perdante à l'instance, verse au SDIS du Nord la somme que celui-ci réclame à ce titre. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner le SDIS du Nord à verser au centre hospitalier de Dunkerque la somme réclamée au même titre. DÉCIDE : Article 1er : La requête du service départemental d'incendie et de secours du Nord est rejetée. Article 2 : Les conclusions du centre hospitalier de Dunkerque au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au service départemental d'incendie et de secours du Nord etau centre hospitalier de Dunkerque. Copie sera adressée au préfet du Nord. Délibéré après l'audience du 14 mars 2023 à laquelle siégeaient : - Mme Anne Seulin, présidente de chambre, - M. Marc Baronnet, président-assesseur, - M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mars 2023. Le président-assesseur, Signé : M. A...La présidente de chambre Signé : A. Seulin La greffière, Signé : A.S. Villette La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention et au préfet du Nord en ce qui les concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme, La greffière Anne-Sophie Villette 2 N°22DA00357
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Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 26 novembre 2018 par lequel le président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours du Gard et le préfet du Gard l'ont affecté au service de la direction du service départemental au poste d'officier de prévention ainsi que la décision refusant sa réintégration sur le poste occupé initialement au centre de secours de Nîmes, et d'enjoindre à l'autorité compétente de prendre toutes les mesures nécessaires afin d'être réintégré dans son poste dans des conditions identiques à celles existant précédemment, dans le délai d'un mois à compter du jugement à intervenir et sous astreinte de 50 euros par jour de retard. Par un jugement n° 1804045 du 29 décembre 2020, le tribunal administratif de Nîmes a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions dirigées à l'encontre de l'arrêté du 26 novembre 2018 et rejeté le surplus de sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 26 février 2021, sous le n° 21MA00841 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, puis le 11 avril 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n° 21TL00841, et un mémoire enregistré le 11 octobre 2022, M. A... B..., représenté par Me Allegret-Dimanche, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du 29 décembre 2020 ; 2°) d'annuler l'arrêté du 26 novembre 2018 par lequel le président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours du Gard et le préfet du Gard l'ont affecté à la direction du service départemental au poste d'officier de prévention, ainsi que la décision refusant sa réintégration sur le poste occupé initialement au centre de secours de Nîmes ; 3°) d'enjoindre au service départemental d'incendie et de secours du Gard de prendre toutes les mesures nécessaires afin d'être réintégré dans son poste dans des conditions identiques à celles existant précédemment, dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 50 euros par jour de retard ; 4°) de mettre à la charge du service départemental d'incendie et de secours du Gard la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : En ce qui concerne la réformation du jugement : - le jugement contesté est entaché d'erreur de droit en ce qu'il a considéré que l'arrêté du 28 mars 2019 avait abrogé l'arrêté contesté du 26 novembre 2018 et que celui-ci n'avait pas connu d'exécution ; - c'est également à tort qu'il a considéré que la décision refusant sa réintégration au centre de secours de Nîmes était inexistante ; En ce qui concerne la légalité de l'arrêté du 26 novembre 2018 : - il est entaché d'insuffisance de motivation, s'agissant d'une sanction ; - il est entaché d'un vice de procédure en l'absence de saisine de la commission administrative paritaire ; - il est entaché d'irrégularité en l'absence de déclaration de vacance de poste auprès du centre de gestion ; - il est entaché d'erreur de droit en ce que le changement d'affectation n'est pas au nombre des sanctions disciplinaires prévues par les dispositions applicables ; il ne s'agit pas d'une décision prise dans l'intérêt du service mais d'une mutation d'office disciplinaire ; il repose sur des éléments erronés, non justifiés, est disproportionné et a pour but de le mettre en difficulté quant à son avenir professionnel ; En ce qui concerne la légalité de la décision de refus de le réintégrer sur son poste initial au centre de secours de Nîmes : - elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ; - le médecin de prévention n'a pas été informé de son changement d'affectation, le privant d'une garantie ; - elle est entachée d'une erreur de droit en ce que l'autorité n'a pas tenu compte de l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif du 31 octobre 2018 suspendant l'exécution de l'arrêté du 3 septembre 2018 l'affectant au groupement territorial de la vallée du Rhône à ..., et de ce qu'il a expressément confirmé sa volonté de retrouver son poste initial ; il appartenait à l'autorité de le réintégrer dans ses fonctions. Par des mémoires en défense, enregistrés le 4 novembre 2021 et le 7 novembre 2022, le dernier n'ayant pas été communiqué, le service départemental d'incendie et de secours du Gard, représenté par Me Journault, conclut au rejet de la requête et demande de mettre à la charge de M. B... le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il fait valoir que : - à titre principal, il y a absence d'objet à statuer en ce que l'arrêté du 28 mars 2019, devenu définitif, emporte nécessairement abrogation de l'arrêté du 26 novembre 2018 qui n'a pas reçu exécution ; - à titre subsidiaire, la décision contestée constitue une simple mesure d'organisation du service insusceptible de recours pour excès de pouvoir ; - la demande à fin d'annulation de la décision de refus de le réintégrer sur le poste qu'il occupait avant la première décision de changement d'affectation du 3 septembre 2018 est irrecevable, ainsi que l'a jugé le tribunal ; - aucun des moyens invoqués n'est fondé. Par une ordonnance en date du 11 avril 2022, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué à la cour administrative d'appel de Toulouse le jugement de la requête de M. B.... Par ordonnance du 11 octobre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 8 novembre 2022. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Anne Blin, présidente-assesseure, - les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique, - et les observations de Me Allegret, représentant M. B..., et de Me Journault, représentant le service départemental d'incendie et de secours du Gard. Considérant ce qui suit : 1. M. B..., capitaine stagiaire de sapeur-pompier en poste au centre de secours principal de Nîmes, a été affecté provisoirement pour une durée de six mois au groupement territorial de la vallée du Rhône à ... (Gard) par un arrêté conjoint du 3 septembre 2018 du président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours du Gard et du préfet du Gard. Par une ordonnance du 31 octobre 2018, le juge des référés du tribunal administratif de Nîmes a suspendu l'exécution de cet arrêté, lequel a été retiré par un arrêté du 14 novembre 2018 porté à la connaissance de l'intéressé par courrier du 15 novembre suivant. Par un arrêté conjoint du 26 novembre 2018, les mêmes autorités ont affecté M. B... au service de la direction du service départemental d'incendie et de secours en qualité d'officier de prévention. M. B... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler cet arrêté ainsi que la décision lui refusant sa réintégration sur le poste qu'il occupait initialement au centre de secours de Nîmes. M. B... relève appel du jugement rendu le 29 décembre 2020 qui a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 26 novembre 2018 et rejeté le surplus de sa demande. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. En premier lieu, pour prononcer un non-lieu à statuer sur les conclusions dirigées à l'encontre de l'arrêté du 26 novembre 2018, les premiers juges ont considéré que l'arrêté du 28 mars 2019, devenu définitif, par lequel le président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours du Gard et le préfet du Gard ont affecté M. B... au service infrastructure et matériel opérationnel du centre de secours principal ... à compter du 8 avril 2019, devait être regardé comme ayant abrogé l'arrêté contesté. Il est constant que l'intéressé ayant été placé en congé de maladie de manière continue du 26 novembre 2018 au 7 avril 2019, l'arrêté contesté n'a reçu aucune exécution pendant la période au cours de laquelle il était en vigueur. La circonstance que l'arrêté du 28 mars 2019 portant nouvelle affectation de M. B... ait pris effet à compter du 8 avril suivant, correspondant à la fin de son congé de maladie, ne permet pas de considérer qu'il n'a pas pour effet de remettre en cause l'affectation prononcée par l'arrêté contesté et, par suite, d'abroger cet arrêté. En l'absence de contestation par l'intéressé de l'arrêté du 28 mars 2019, lequel est par suite devenu définitif, le moyen tiré de ce que le jugement attaqué a prononcé à tort un non-lieu à statuer sur les conclusions dirigées à l'encontre de l'arrêté du 26 novembre 2018, doit être écarté. 3. En second lieu, le tribunal a rejeté comme irrecevable la demande dirigée à l'encontre de la décision portant refus de réintégrer M. B... sur son poste initialement occupé au centre de secours de Nîmes au motif que l'existence d'une telle mesure, distincte de l'arrêté du 26 novembre 2018 portant affectation de l'intéressé à la direction du service au poste d'officier de prévention, n'était pas établie. M. B... soutient qu'après l'ordonnance rendue par le juge des référés du tribunal administratif de Nîmes, le 31 octobre 2018, il a présenté une demande de réintégration sur son poste par le biais de son conseil par un courrier du 15 novembre 2018. Toutefois, par ce courrier indiquant que " M. B... reprendra ses fonctions en accord avec son médecin traitant ce lundi 19 novembre 2018 telles qu'exercées avant la décision contestée ", l'appelant ne peut être regardé comme ayant formé une demande formelle de réintégration sur le poste qu'il occupait au centre de secours de Nîmes. Par ailleurs, alors que ce poste avait été pourvu antérieurement à l'arrêté du 26 novembre 2018, il est constant que M. B... n'a pas contesté l'arrêté du 28 mars 2019 l'affectant au centre de secours principal .... Par suite, sa demande était irrecevable et c'est à bon droit que les premiers juges l'ont rejetée pour ce motif. 4. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a d'une part prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 26 novembre 2018 et, d'autre part, rejeté le surplus de sa demande. Sur les frais liés au litige : 5. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du service départemental d'incendie et de secours du Gard, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que M. B... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. 6. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B... une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par le service départemental d'incendie et de secours du Gard et non compris dans les dépens. D E C I D E : Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : M. B... versera au service départemental d'incendie et de secours du Gard une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié M. A... B..., au service départemental d'incendie et de secours du Gard et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Délibéré après l'audience du 14 mars 2023, à laquelle siégeaient : Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre, Mme Blin, présidente assesseure, M. Teulière, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mars 2023. La rapporteure, A. Blin La présidente, A. Geslan-Demaret La greffière, M-M. Maillat La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. N° 21TL00841 2
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Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : I. La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de l'Aisne a demandé au tribunal administratif d'Amiens de condamner le centre hospitalier de Laon à lui verser la somme de 236 117,10 euros au titre de ses débours définitifs et l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) a demandé au même tribunal de condamner solidairement le centre hospitalier de Laon et son assureur, la société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM), à lui verser la somme de 24 557,41 euros en application du protocole d'indemnisation transactionnelle du 7 juin 2017 conclu avec M. C... A... ainsi que la somme de 3 686,61 euros au titre de la pénalité de 15 % prévue par l'article L. 1142-15 du code de la santé publique. Par un jugement n° 1901050 du 11 mars 2021, le tribunal administratif d'Amiens a condamné le centre hospitalier de Laon à verser la somme de 217 828,36 euros à la CPAM de l'Aisne au titre du remboursement de ses débours et a condamné solidairement le centre hospitalier de Laon et la SHAM à verser la somme de 20 928 euros à l'ONIAM au titre de son recours subrogatoire, ainsi que la somme de 2 092,28 euros au titre de la pénalité prévue à l'article L. 1142-15 du code de la santé publique. II. La SHAM a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler le titre exécutoire n° 304 du 18 mai 2018 d'un montant de 24 577,41 euros émis par l'ONIAM à son encontre et de prononcer la décharge de cette somme. Par un jugement n° 1902454 du 24 mars 2022, le tribunal administratif d'Amiens a déchargé la SHAM de la somme de 3 649,41 euros et l'a condamnée à verser à l'ONIAM la somme de 2 092 euros au titre de la pénalité prévue par l'article L. 1142-15 du code de la santé publique, sous réserve qu'une telle pénalité n'ait pas déjà été versée à l'ONIAM. III. La SHAM a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler le titre exécutoire n° 305 du 18 mai 2018 d'un montant de 840 euros émis par l'ONIAM à son encontre et de prononcer la décharge de cette somme. Par un jugement n° 2001213 du 24 mars 2022, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté la requête de la SHAM. Procédure devant la cour : I. Par une requête, enregistrée sous le n° 21DA01028 le 11 mai 2021 et des mémoires enregistrés les 17 juin, 17 et 28 décembre 2021, le centre hospitalier de Laon et la SHAM, représentés par Me Didier Le Prado, demandent à la cour : 1°) d'annuler le jugement n° 1901050 du 11 mars 2021 ; 2°) de rejeter les demandes de la CPAM de l'Aisne et de l'ONIAM présentées devant le tribunal administratif d'Amiens ; 3°) subsidiairement, d'ordonner une expertise complémentaire visant à évaluer la perte de chance occasionnée par le retard de prise en charge. Ils soutiennent que : - le jugement est insuffisamment motivé ; - il n'y a pas eu de manquement dans la prise en charge pré-opératoire, l'indication opératoire était justifiée, le patient a été dûment informé et les autres critiques formulées par l'expert sont sans lien avec la prise en charge de la péritonite survenue au décours de l'intervention ; - le délai mis pour réopérer M. A... de la péritonite ne constitue pas un retard fautif de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier de Laon et n'est pas la cause directe et certaine des complications survenues, le patient n'a pas présenté de troubles respiratoires à la suite de l'intervention du 4 février 2010 pour le traitement de la péritonite mais seulement après la seconde intervention pratiquée le 22 février 2010 dans un autre établissement hospitalier ; - tout au plus, le retard ne pourrait être à l'origine que d'une perte de chance, très limitée, qui pourrait être évaluée par une expertise complémentaire ; - subsidiairement, dès lors que l'ONIAM a choisi de recouvrer les sommes exposées par l'émission d'un titre exécutoire, le 18 mai 2018, il n'est plus recevable à saisir le juge d'une requête tendant aux mêmes fins et ne peut pas non plus réclamer le remboursement de ces sommes en se greffant sur le recours en responsabilité introduit par la CPAM de l'Aisne, de sorte que le tribunal administratif ne pouvait légalement examiner la demande de l'ONIAM et le condamner avec la SHAM à l'indemniser au titre de son action subrogatoire ; - l'ONIAM ne peut poursuivre le recouvrement de la pénalité prévue à l'article L. 1142-15 du CSP qu'en présentant une demande reconventionnelle devant le tribunal administratif saisi de l'opposition de la SHAM au titre exécutoire et n'est pas recevable à saisir la juridiction d'une nouvelle requête tendant à la condamnation du débiteur au paiement de cette pénalité ; - subsidiairement encore, il convient de ramener les sommes allouées à de plus justes proportions, la somme de 2 500 euros au titre du préjudice d'incidence professionnelle n'est pas due, l'abcédation de l'escarre sacrée ayant nécessité une réintervention le 13 mars 2010 est imputable à la complication non fautive survenue en post-opératoire et non à un retard de prise en charge ; - en l'absence de faute ou de lien de causalité, il n'y a pas lieu de condamner la SHAM à verser la pénalité prévue à l'article L. 1142-15 du code de la santé publique, qui ne peut a fortiori être fixée au taux maximal de 15 % ; - il ne saurait être condamné à rembourser à un organisme de sécurité sociale les débours qui auraient en tout état de cause dû être engagés eu égard à l'état initial du patient, l'attestation d'imputabilité établie par le médecin conseil de la caisse n'est pas revêtue d'une valeur probante particulière ; - le transfert du patient est lié à la survenue d'une complication non fautive inhérente à la chirurgie bariatrique, il était médicalement justifié et il en va de même de la période d'hospitalisation du 4 au 11 février 2010 et du 22 février 2010. Par un mémoire, enregistré le 4 novembre 2021, la CPAM de l'Aisne, représentée par Me Benoît de Berny, demande à la cour : 1°) de rejeter la requête du centre hospitalier de Laon et de la SHAM, sauf à augmenter le montant de la condamnation aux débours ; 2°) de condamner le centre hospitalier de Laon à lui verser la somme de 236 117,10 euros au titre de ses débours définitifs avec les intérêts à compter du 25 février 2019, date de son recours préalable et capitalisation des intérêts dus pour une année entière, majorée de l'indemnité forfaitaire de gestion en application de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale ; 3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Laon la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - la prise en charge fautive, pré-opératoire et post-opératoire, associée à un défaut d'information sur les alternatives thérapeutiques et un défaut d'organisation et de fonctionnement du service pour un patient ayant un indice de masse corporelle supérieur à cinquante, sont de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier ; - les débours pris en charge par la caisse pour le compte de M. A..., imputables aux fautes du centre hospitalier de Laon ainsi que le confirme l'attestation d'imputabilité du médecin-conseil, constitués des frais d'hospitalisation, des frais médicaux, des frais pharmaceutiques, des frais de transport et des indemnités journalières, s'élèvent à la somme de 236 117,10 euros, il convient notamment de retenir le transfert du 4 février 2010 lié à l'accident ainsi que la totalité de la période d'hospitalisation du 4 février au 7 juin 2010 et des 26 et 27 juillet 2010. Par un mémoire en défense, enregistré le 1er mai 2022, l'ONIAM, représenté par Me Sylvie Welsch, demande à la cour : 1°) de rejeter la requête du centre hospitalier de Laon et de la SHAM ; 2°) de réformer le jugement n° 1901050 du 11 mars 2021 en ce qui concerne les sommes qui lui ont été allouées et de condamner in solidum le centre hospitalier de Laon et la SHAM à lui verser la somme de 24 577,41 euros qu'elle a exposée en application du protocole d'indemnisation transactionnelle du 7 juin 2017, la somme de 840 euros en remboursement des frais d'expertise et la somme de 3 686,61 euros correspondant à la pénalité de 15 % prévue par l'article L. 1142-15 du code de la santé publique ; 4°) de mettre à la charge in solidum du centre hospitalier de Laon et de la SHAM une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - la responsabilité pleine et entière du centre hospitalier de Laon est engagée en raison des manquements fautifs à l'origine des dommages, tant au niveau de la prise en charge pré-opératoire et du défaut d'information, qu'au niveau de la prise en charge post-opératoire ; - il a droit au remboursement de la somme totale de 24 577,41 euros, le déficit fonctionnel temporaire doit être indemnisé sur la base d'un montant quotidien de 15 euros, le patient s'est acquitté de 186 euros au titre des dépenses de santé actuelles, la différence entre ce qui a été perçu au titre des gains professionnels et des indemnités journalières s'élève à 477,11 euros, l'incidence professionnelle doit être évaluée à 4 700 euros ; - il a exposé des frais d'expertise au titre du rapport du médecin désigné par la commission de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux (CCI), pour un montant de 840 euros ; - il a droit au versement de la pénalité prévue par l'article L. 1142-15 du code de la santé publique pour un montant de 3 686,61 euros, correspondant à un taux de 15 %. II. Par une requête, enregistrée sous le n° 21DA01051 le 12 mai 2021 et un mémoire enregistré le 10 juin 2021, l' ONIAM, représenté par Me Sylvie Welsch, demande à la cour : 1°) de réformer le jugement n° 1901050 du 11 mars 2021 en ce qui concerne les sommes qui lui ont été allouées ; 2°) de condamner in solidum le centre hospitalier de Laon et la SHAM à lui verser la somme de 24 577,41 euros qu'il a exposée en application du protocole d'indemnisation transactionnelle du 7 juin 2017, et la somme de 3 686,61 euros au titre de la pénalité de 15 % prévue par l'article L. 1142-15 du code de la santé publique ; 3°) de mettre à la charge in solidum du centre hospitalier de Laon et de la SHAM une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - la responsabilité pleine et entière du centre hospitalier de Laon est engagée en raison des manquements fautifs à l'origine des dommages, tant au niveau de la prise en charge pré-opératoire et du défaut d'information, qu'au niveau de la prise en charge post-opératoire, sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise ; - il a droit au remboursement de la somme totale de 24 577,41 euros, le déficit fonctionnel temporaire doit être indemnisé sur la base d'un montant quotidien de 15 euros, le patient s'est acquitté de 186 euros au titre des dépenses de santé actuelles, la différence entre ce qui a été perçu au titre des gains professionnels et des indemnités journalières s'élève à 477,11 euros, l'incidence professionnelle doit être évaluée à 4 700 euros ; - il a exposé des frais d'expertise au titre du rapport du médecin désigné par la CCI, pour un montant de 840 euros ; - il a droit au versement de la pénalité prévue par l'article L. 1142-15 du code de la santé publique pour un montant de 3 686,61 euros correspondant à un taux de 15 %. Par un mémoire en défense, enregistrée le 17 décembre 2021, le centre hospitalier de Laon et la SHAM, représentés par Me Didier Le Prado, demandent à la cour : 1°) d'annuler le jugement n° 1901050 du 11 mars 2021 ; 2°) de rejeter les demandes de la CPAM de l'Aisne et de l'ONIAM présentées devant le tribunal administratif d'Amiens ; 3°) en toute hypothèse, de rejeter la requête de l'ONIAM. Ils soutiennent que : - l'ONIAM est intervenu par un mémoire du 21 juillet 2020 à l'instance engagée par la CPAM de l'Aisne le 29 mars 2019 alors qu'il avait déjà émis le 18 mai 2018 deux titres exécutoires n° 304 et 305 à l'encontre de la SHAM, ses conclusions sont donc irrecevables et c'est à tort que le tribunal administratif y a partiellement fait droit ; - l'ONIAM ne peut poursuivre le recouvrement de la pénalité prévue à l'article L. 1142-15 du CSP qu'en présentant une demande reconventionnelle devant le tribunal administratif saisi de l'opposition de la SHAM au titre exécutoire et n'est pas recevable à saisir la juridiction d'une nouvelle requête tendant à la condamnation du débiteur au paiement de cette pénalité ; - il n'y a pas eu de manquement dans la prise en charge pré-opératoire, l'indication opératoire était justifiée et le patient a été dûment informé, la complication survenue est propre à la chirurgie bariatrique et non spécifiquement à la sleeve gastrectomie, de sorte que le lien de causalité entre le prétendu défaut d'information sur l'alternative que constituait le by-pass et la complication survenue n'est pas établi ; - l'expert n'a retenu aucun manquement dans la qualité du geste chirurgical ; - le délai mis pour réopérer M. A... de la péritonite ne constituait pas un retard fautif de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier de Laon ; - l'expert n'a pas précisé dans quelle mesure les complications survenues à la suite de la réintervention pratiquée le 4 février 2010 auraient été évitées si M. A... avait été réopéré dès le 3 février, en l'espèce, le retard d'un jour ne pourrait être à l'origine tout au plus que d'une perte de chance, qui pourrait être évaluée par une expertise complémentaire ; - l'indemnité allouée au titre du déficit fonctionnel temporaire n'est pas insuffisante, les dépenses de santé de 186 euros résultent d'un aléa thérapeutique et ne sont pas imputables à une faute du centre hospitalier de Laon, les pertes de rémunération à hauteur de 477,11 euros résultent de la complication non fautive et auraient été identiques si M. A... avait été réopéré un jour plus tôt, la somme de 2 500 euros au titre du préjudice d'incidence professionnelle n'est pas due dès lors que l'abcédation de l'escarre sacrée ayant nécessité une réintervention le 13 mars 2010 est imputable à la complication non fautive survenue en post-opératoire et non à un retard de prise en charge, elle n'est en toute hypothèse pas insuffisante au regard du préjudice subi, M. A... ayant pu reprendre son activité professionnelle ; - en l'absence de faute ou de lien de causalité, il n'y a pas lieu de condamner la SHAM à verser la pénalité prévue à l'article L. 1142-15 du code de la santé publique, qui ne peut a fortiori être fixée au taux maximal de 15 %. III. Par une requête, enregistrée sous le n° 22DA01075 le 23 mai 2022 et un mémoire enregistré le 21 juin 2022, la SHAM, représentée par Me Didier Le Prado, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement n° 1902454 du 24 mars 2022 en tant qu'il n'a pas intégralement fait droit à ses demandes en la déchargeant seulement de la somme de 3 649,41 euros et en la condamnant à verser une pénalité de 2 092 euros au titre de l'article L. 1142-15 du code de la santé publique ; 2°) de faire droit à l'intégralité de ses demandes de première instance tendant à l'annulation du titre exécutoire n°304 du 18 mai 2018 et à la décharge de la somme correspondante de 24 577,41 euros ; 3°) de mettre à la charge de l'ONIAM une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le jugement est insuffisamment motivé ; - il n'y a pas eu de manquement dans la prise en charge pré-opératoire, l'indication opératoire était justifiée, le patient a bénéficié d'une prise en charge pluridisciplinaire et, surtout, la prise en charge pré-opératoire est sans incidence sur la péritonite survenue au décours de l'intervention, qui est un aléa de la chirurgie bariatrique survenant dans 5 % des cas ; - le délai mis pour réopérer M. A... de la péritonite ne constitue pas un retard fautif de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier de Laon, il n'est pas la cause directe et certaine des complications survenues, tout au plus, ce retard d'un jour ne pourrait être à l'origine que d'une perte de chance, très limitée, qui pourrait être évaluée par une expertise complémentaire ; - c'est à tort que le tribunal a limité la décharge prononcée à la somme de 3 649,41 euros car la somme de 2 500 euros au titre du préjudice d'incidence professionnelle n'est pas due, l'abcédation de l'escarre sacrée ayant nécessité une réintervention le 13 mars 2010 est imputable à la complication non fautive survenue en post-opératoire et non à un retard de prise en charge ; - en l'absence de faute ou de lien de causalité, il n'y a pas lieu de la condamner à verser la pénalité prévue à l'article L. 1142-15 du code de la santé publique ; - dès lors que l'ONIAM a choisi de recouvrer les sommes exposées par l'émission d'un titre exécutoire, le 18 mai 2018, il n'est plus recevable à saisir le juge d'une requête indemnitaire tendant aux mêmes fins ; - le titre exécutoire litigieux est illégal en l'absence de signature conforme aux dispositions de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration, ce qui l'a privée d'une garantie ; - le titre exécutoire ne comportait pas les informations relatives aux bases de liquidation et ne lui permettait pas d'en comprendre le fondement. Par un mémoire en défense, enregistré le 23 février 2023, l'ONIAM, représenté par Me Sylvie Welsch, conclut au rejet de la requête, à la condamnation de la SHAM à payer les intérêts légaux sur les sommes en litige à compter du 5 mars 2019 et leur capitalisation au 6 mars 2020 et à chaque échéance annuelle, à sa condamnation à payer la somme de 3 686,61 euros au titre de la pénalité de 15 % prévue par l'article L. 1142-15 du code de la santé publique et à la mise à la charge de la SHAM de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - si sa requête indemnitaire postérieure à l'émission d'un titre exécutoire est irrecevable, il en va différemment lorsque le contentieux est introduit par un tiers, à l'occasion duquel il est fondé à présenter des conclusions reconventionnelles indemnitaires ainsi que pour le recouvrement de la pénalité au titre de l'article L. 1142-15 du code de la santé publique ; - la responsabilité pleine et entière du centre hospitalier de Laon est engagée en raison des manquements fautifs à l'origine des dommages, tant au niveau pré-opératoire qu'au niveau post-opératoire et en raison aussi d'un défaut d'information ; - ces fautes présentent un lien de causalité avec les préjudices qu'il a indemnisés, une prise en charge pré-opératoire conforme aurait permis de confirmer la recommandation d'un by-pass plutôt que de la sleeve-gastrectomie et, valablement informé, le patient aurait choisi le by-pass plutôt que la sleeve-gastrectomie ; - si l'avis de sommes à payer ne comporte pas la signature de son auteur, un des autres volets portant la signature de son ordonnateur ou de son délégué peut être produit, l'avis des sommes à payer constitue seulement l'ampliation de l'ordre à recouvrer, il comporte le nom de l'auteur de l'acte et, en tout état de cause, un éventuel défaut d'identification de l'auteur de la décision n'a pas privé la SHAM d'une garantie ; - les titres détaillent les montants en cause pour la somme totale de 24 577,41 euros, ainsi que 840 euros au titre des frais d'expertise ; - il a droit au versement de la pénalité prévue par l'article L. 1142-15 du code de la santé publique pour un montant de 3 686,61 euros correspondant à un taux de 15 %. IV. Par une requête, enregistrée sous le n° 22DA01076 le 23 mai 2022, et un mémoire enregistré le 21 juin 2022, la SHAM, représentée par Me Didier Le Prado, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement n° 2001213 du 24 mars 2022 ayant rejeté sa demande ; 2°) de faire droit à l'intégralité de ses demandes de première instance tendant à l'annulation du titre exécutoire n° 305 du 18 mai 2018 et à la décharge de la somme correspondante de 840 euros ; 3°) de mettre à la charge de l'ONIAM une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le jugement est insuffisamment motivé ; - il n'y a pas eu de manquement dans la prise en charge pré-opératoire, l'indication opératoire était justifiée, le patient a bénéficié d'une prise en charge pluridisciplinaire et, surtout, la prise en charge pré-opératoire est sans incidence sur la péritonite survenue au décours de l'intervention, qui est un aléa de la chirurgie bariatrique survenant dans 5 % des cas, sans lien avec une quelconque faute médicale ; - dès lors que l'ONIAM a choisi de recouvrer les sommes exposées par l'émission d'un titre exécutoire, le 18 mai 2018, il n'est plus recevable à saisir le juge d'une requête indemnitaire tendant aux mêmes fins ; - le titre exécutoire ne comportait pas les informations relatives aux bases de liquidation et ne lui permettait pas d'en comprendre le fondement ; Par un mémoire en défense, enregistré le 23 février 2023, l'ONIAM, représenté par Me Sylvie Welsch, conclut au rejet de la requête, à la condamnation de la SHAM à payer les intérêts légaux sur les sommes en litige à compter du 5 mars 2019 et leur capitalisation au 6 mars 2020 et à chaque échéance annuelle, à sa condamnation à payer la somme de 3 686,61 euros correspondant à la pénalité de 15 % prévue par l'article L. 1142-15 du code de la santé publique et à la mise à la charge de la SHAM de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - si sa requête indemnitaire postérieure à l'émission d'un titre exécutoire est irrecevable, il en va différemment lorsque le contentieux est introduit par un tiers, à l'occasion duquel il est fondé à présenter des conclusions reconventionnelles indemnitaires ainsi que pour le recouvrement de la pénalité au titre de l'article L. 1142-15 du code de la santé publique ; - la responsabilité pleine et entière du centre hospitalier de Laon est engagée en raison des manquements fautifs à l'origine des dommages, tant au niveau pré-opératoire qu'au niveau post-opératoire et en raison aussi d'un défaut d'information ; - ces fautes présentent un lien de causalité avec les préjudices qu'il a indemnisés, une prise en charge pré-opératoire conforme aurait permis de confirmer la recommandation d'un by-pass plutôt que de la sleeve-gastrectomie et, valablement informé, le patient aurait choisi le by-pass plutôt que la sleeve-gastrectomie ; - les titres détaillent les montants en cause pour la somme totale de 24 577,41 euros, ainsi que 840 euros au titre des frais d'expertise ; - il a droit au versement de la pénalité prévue par l'article L. 1142-15 du code de la santé publique pour un montant de 3 686,61 euros correspondant à un taux de 15 %. Les requêtes n° 21DA01028 et n° 21DA01051 ont été communiquées à M. A..., qui n'a pas produit d'observations. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de la santé publique ; - le code de la sécurité sociale ; - le code des relations entre le public et l'administration ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Marc Baronnet, président-assesseur, - et les conclusions de M. Guillaume Toutias, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. M. C... A..., alors âgé de trente-huit ans, a été opéré d'une sleeve gastrectomie au centre hospitalier de Laon le 2 février 2010. A la suite de l'intervention, il a présenté une fistule en partie haute de la suture gastrique ayant entraîné une péritonite et il a été transféré le 4 février 2010 à l'hôpital Bichat où une endoprothèse a dû être mise en place. La commission de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux a émis à avis favorable à son indemnisation par le centre hospitalier de Laon. Toutefois, l'assureur de ce centre hospitalier ayant refusé de lui faire une offre, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) s'est substitué à celui-ci en application de l'article L. 1142-15 du code de la santé publique et a versé à l'intéressé, en vertu d'un protocole transactionnel du 7 juin 2017, une indemnité de 24 577,41 euros en réparation des préjudices subis. Le 18 mai 2018, l'ONIAM, en qualité de subrogé dans les droits de M. A..., a émis à l'encontre de la société hospitalière d'assurance mutuelle (SHAM) deux titres exécutoires n° 304 et n° 305 pour des montants respectifs de 24 577,41 euros et 840 euros, sur le fondement de l'article L. 1142-15 du code de la santé publique. 2. Par un jugement n° 1901050 rendu le 11 mars 2021, le tribunal administratif d'Amiens a condamné le centre hospitalier de Laon à verser la somme de 217 828,36 euros à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de l'Aisne au titre du remboursement de ses débours et a condamné solidairement le centre hospitalier de Laon et son assureur, la SHAM, à verser la somme de 20 928 euros à l'ONIAM au titre de son recours subrogatoire, ainsi que la somme de 2 092,28 euros au titre de la pénalité prévue à l'article L. 1142-15 du code de la santé publique. 3. Par un jugement n° 1902454 relatif au titre exécutoire n° 304, le tribunal administratif d'Amiens a déchargé la SHAM de la somme de 3 649,41 euros et l'a condamnée à verser à l'ONIAM la somme de 2 092 euros au titre de la pénalité prévue par l'article L. 1142-15 du code de la santé publique, sous réserve qu'une telle pénalité n'ait pas déjà été versée à l'ONIAM. Et par un jugement n° 2001213 relatif au titre exécutoire n° 305, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté la demande de la SHAM tendant à l'annulation de ce titre exécutoire émis par l'ONIAM le 18 mai 2018 pour le recouvrement d'une somme de 840 euros au titre des frais d'expertise devant la CCI et à la décharge de la somme correspondante. 4. Les requêtes visées ci-dessus n° 21DA01028 et n° 21DA01051, présentées pour le centre hospitalier de Laon et la SHAM d'une part, et pour l'ONIAM d'autre part, présentent à juger les mêmes questions. En outre, les requêtes visées ci-dessus n° 22DA01075 et n° 22DA01076, présentées pour la SHAM, présentent à juger des questions connexes. Il y a lieu de joindre ces quatre requêtes pour statuer par un seul arrêt. Sur la recevabilité des conclusions de l'ONIAM dans la requête n° 21DA01051 et des conclusions reconventionnelles de l'ONIAM dans la requête n° 21DA01028 : 5. Il résulte des dispositions de l'article R. 1142-53 du code de la santé publique que l'ONIAM peut émettre un titre exécutoire en vue du recouvrement de toute créance dont le fondement se trouve dans les dispositions d'une loi, d'un règlement ou d'une décision de justice, ou dans les obligations contractuelles ou quasi-délictuelles du débiteur. Les dispositions de l'article L. 1142-15 de ce code ne font pas obstacle à ce que l'ONIAM émette un tel titre à l'encontre de la personne responsable du dommage, de son assureur ou du fonds institué à l'article L. 426-1 du code des assurances afin de recouvrer les sommes versées à la victime, aux droits de laquelle il est subrogé. Il suit de là que l'office n'est pas recevable à saisir le juge d'une requête tendant à la condamnation du débiteur au remboursement de l'indemnité versée à la victime lorsqu'il a, préalablement à cette saisine, émis un titre exécutoire en vue de recouvrer la somme en litige. De même, dans le cas où l'ONIAM a déjà émis un titre exécutoire afin de procéder au recouvrement des sommes qu'il a exposées pour indemniser la victime et ses ayants droit et n'a pas encore été réglé par le débiteur, il ne peut soumettre au juge, dans le cadre du litige ouvert par l'action de la caisse de sécurité sociale, des prétentions indemnitaires portant sur les mêmes sommes à l'encontre du centre hospitalier ou de son assureur qu'à la condition d'avoir retiré expressément le titre exécutoire correspondant à la date de présentation de ses conclusions tendant à la condamnation des débiteurs au titre des mêmes sommes. 6. Par ailleurs, dès lors que la juridiction saisie statue dans le cadre des conclusions présentées au titre de l'appel en déclaration de jugement commun, l'ONIAM peut demander que soit prononcée la pénalité prévue par l'article L. 1142-15 du code de la santé publique contre, selon le cas, l'assureur ou le responsable des dommages. Toutefois, lorsque l'ONIAM a émis un titre exécutoire en vue du recouvrement de la somme versée à la victime en application de l'article L. 1142-15, le recours du débiteur tendant à la décharge de la somme ainsi mise à sa charge invite le juge administratif à se prononcer sur la responsabilité du débiteur à l'égard de la victime aux droits de laquelle l'office est subrogé, ainsi que sur le montant de son préjudice. Lorsque le débiteur a formé une opposition contre le titre exécutoire devant la juridiction compétente, l'ONIAM ne peut poursuivre le recouvrement de la pénalité prévue à l'article L. 1142-15 du code de la santé publique qu'en présentant une demande reconventionnelle devant la juridiction saisie de cette opposition. Il n'est donc pas recevable, dans cette hypothèse, à saisir ultérieurement la juridiction de nouvelles conclusions tendant à la condamnation du débiteur au paiement de cette pénalité. 7. D'une part, l'ONIAM ayant émis le 18 mai 2018 à l'encontre de la SHAM deux titres exécutoires n° 304 et n° 305 pour des montants respectifs de 24 577,41 euros et 840 euros, en qualité de subrogé dans les droits de M. A..., il résulte de ce vient d'être dit que les conclusions d'appel de l'ONIAM, présentées à titre incident dans l'instance n° 21DA01028 et à titre principal dans l'instance n° 21DA01051, tendant à ce que la cour condamne in solidum le centre hospitalier de Laon et son assureur la SHAM à lui verser la somme de 24 577,41 euros qu'il a exposée en application du protocole d'indemnisation transactionnelle du 7 juin 2017 et la somme de 840 euros en remboursement des frais d'expertise, sont irrecevables. 8. D'autre part, la SHAM ayant formé une opposition contre les titres exécutoires émis le 18 mai 2018, l'ONIAM ne pouvait poursuivre le recouvrement de la pénalité prévue à l'article L. 1142-15 du code de la santé publique qu'en présentant une demande reconventionnelle devant la juridiction saisie de cette opposition, ce qu'il a fait dans les instances n° 22DA01075 et n° 22DA01076. Par suite, les conclusions d'appel de l'ONIAM, présentées à titre incident dans l'instance n° 21DA01028 et à titre principal dans l'instance n° 21DA01051, tendant à ce que la cour condamne in solidum le centre hospitalier de Laon et son assureur la SHAM à lui verser la somme de 3 686,61 euros au titre de la pénalité prévue à l'article L. 1142-15 du code de la santé publique, sont irrecevables. Sur la régularité des jugements n°1901050, 1902454 et 2001213 : 9. Le moyen tiré du défaut de motivation des jugements n° 1901050 du 11 mars 2021 et n° 1902454 et n° 2001213 du 24 mars 2022, soulevé par l'ONIAM et la SHAM dans l'instance n° 21DA01028, et par la seule SHAM dans les instances n° 22DA1075 et n° 22DA01076, n'est pas assorti de précisions suffisantes pour permettre à la cour d'en apprécier le bien-fondé. En tout état de cause, le tribunal administratif d'Amiens, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par les parties, a expressément répondu aux moyens soulevés devant lui. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation de ces jugements doit être écarté. Sur le bien-fondé des jugements n°1901050, 1902454 et 2001213 : En ce qui concerne la responsabilité du centre hospitalier de Laon : 10. En premier lieu, aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I.- Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute (...) ". 11. Il résulte de l'instruction et, notamment, du rapport d'expertise du 2 mars 2015 ordonnée par la CCI qu'avant l'intervention du 2 février 2010, M. A... pesait 170 kg pour une taille de 1,79 m, soit un indice de masse corporelle de 53, ce qui caractérise une super-obésité. M. A..., s'il a été reçu à partir du mois de novembre 2009 par le chirurgien qui l'a opéré et, en janvier 2010, pour des consultations spécialisées de cardiologie et de pneumologie, n'a pas fait l'objet de la prise en charge multidisciplinaire requise pendant une période de six mois à un an avant l'intervention, comportant un suivi diététique et une prise en charge gastroentérologique avec fibroscopie et recherche d'helicobacter. En outre, le centre hospitalier de Laon, où est pratiquée la sleeve gastrectomie mais non le by-pass, et qui n'est pas à même d'assurer en cas de complications sérieuses la prise en charge post-opératoire de patients super-obèses, plus difficile que celle des patients obèses, n'est pas un centre de référence pour patients super-obèses et n'est ainsi pas une structure adaptée à la prise en charge de tels patients, qui doivent être opérés dans des centres hospitaliers capables d'assurer une prise en charge complète. Enfin, M. A... n'a été réopéré que le 4 février 2010 alors que, dès le 3 février, il présentait une température anormale et une dyspnée. Selon le rapport de l'expert du 2 mars 2015, non contredit par les parties sur ce point, ces symptômes chez un patient opéré pour une chirurgie bariatrique auraient dû imposer une ré-intervention immédiate. 12. Toutefois, il résulte du rapport d'expertise du 2 mars 2015 que le choix de la sleeve gastrectomie n'était pas formellement contre-indiqué dans le cas de M. A..., qu'elle restait une indication opératoire valide et que cette opération a été réalisée dans les règles de l'art, aucune faute technique ne pouvant être reprochée au centre hospitalier de Laon. Par ailleurs, il résulte de l'instruction et, notamment, du rapport d'expertise du 2 mars 2015 que l'ensemble des dommages subis par M. A... trouvent exclusivement leur origine dans la survenue d'une fistule, que cette complication est la réalisation d'un risque inhérent à la chirurgie bariatrique se produisant dans 5 % des cas et qu'il s'agit d'un accident médical non fautif. Il ne résulte pas du rapport d'expertise médicale ou d'autres éléments médicaux produits par les parties que ce risque ait été aggravé par les conditions de prise en charge pré ou post-opératoire de M. A..., ni que les conséquences de la réalisation de ce risque aient été aggravées par le retard de 24 heures de la réintervention réalisée le 4 février 2010. Aucun lien de causalité n'existe donc entre les dommages subis par M. A... et les manquements constatés lors de sa prise en charge pré et post-opératoire. 13. En second lieu, aux termes de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique : " Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus (...) ". Il résulte de ces dispositions que doivent être portés à la connaissance du patient, préalablement au recueil de son consentement à l'accomplissement d'un acte médical, les risques connus de cet acte qui, soit présentent une fréquence statistique significative, quelle que soit leur gravité, soit revêtent le caractère de risques graves, quelle que soit leur fréquence. 14. En cas de manquement à cette obligation d'information, si l'acte de diagnostic ou de soin entraîne pour le patient, y compris s'il a été réalisé conformément aux règles de l'art, un dommage en lien avec la réalisation du risque qui n'a pas été porté à sa connaissance, la faute commise en ne procédant pas à cette information engage la responsabilité de l'établissement de santé à son égard pour sa perte de chance de se soustraire à ce risque en renonçant à l'opération. Il n'en va autrement que s'il résulte de l'instruction que compte tenu de ce qu'était l'état de santé du patient et son évolution prévisible en l'absence de réalisation de l'acte, des alternatives thérapeutiques qui pouvaient lui être proposées ainsi que de tous autres éléments de nature à révéler le choix qu'il aurait fait, qu'informé de la nature et de l'importance de ce risque, il aurait consenti à l'acte en question. 15. Il résulte de l'instruction que M. A... a été correctement informé des risques connus de la sleeve gastrectomie, qu'il a en outre reçu un livret expliquant les différentes interventions chirurgicales pouvant être pratiquées en chirurgie bariatrique et qu'il a refusé l'intervention par by-pass en raison des risques importants que cette intervention comportait. Dès lors, M. A... n'a perdu aucune chance de se soustraire au risque qui s'est réalisé. 16. Il résulte de ce qui vient d'être dit, sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité des demandes de l'ONIAM devant le tribunal administratif d'Amiens dans l'instance n° 1901050 et sans qu'il soit utile d'ordonner une nouvelle expertise, que l'ONIAM n'est pas fondé à rechercher la responsabilité pour faute du centre hospitalier de Laon en raison des dommages subis par M. A... ni, par suite, à demander le remboursement des sommes qu'il a versées à M. A... dans le cadre du protocole transactionnel du 7 juin 2017. Il résulte également de ce qui vient d'être dit que la CPAM de l'Aisne n'est pas fondée à demander la condamnation du centre hospitalier de Laon au remboursement de ses débours. Par suite, il y a lieu de prononcer l'annulation du jugement n° 1901050 du 11 mars 2021 du tribunal administratif d'Amiens ayant condamné le centre hospitalier de Laon et la SHAM à verser à la CPAM de l'Aisne la somme de 217 828,36 euros au titre de ses débours et de 1 098 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion, à l'ONIAM la somme de 20 928 euros au titre de l'indemnisation des préjudices de M. A..., de 820 euros au titre des frais d'expertise et de 2 092 euros au titre de la pénalité prévue à l'article L. 1142-15 du code de la santé publique, de prononcer le rejet de la requête n° 21DA01051 de l'ONIAM et de rejeter la demande de la CPAM de l'Aisne et les conclusions reconventionnelles de l'ONIAM devant le tribunal administratif d'Amiens. En ce qui concerne les titres exécutoires n° 304 et n° 305 du 18 mai 2018 : 17. Lorsque le requérant choisit de présenter, outre des conclusions tendant à l'annulation d'un titre exécutoire, des conclusions à fin de décharge de la somme correspondant à la créance de l'administration, il incombe au juge administratif d'examiner prioritairement les moyens mettant en cause le bien-fondé du titre qui seraient de nature, étant fondés, à justifier le prononcé de la décharge. 18. Il résulte de ce qui a été dit au point 12 que les créances dont l'ONIAM a procédé au recouvrement par le titre exécutoire n° 304 d'un montant de 24 577,41 euros, se rattachent exclusivement aux conséquences de l'accident médical non fautif survenu au décours de l'opération du 2 février 2010, qui, ayant entraîné un arrêt temporaire des activités professionnelles de M. A... pendant une durée supérieure à six mois consécutifs, relève de la solidarité nationale en application des dispositions des articles L. 1142-1 et D. 1142-21 du code de la santé publique et qu'elles ne présentent pas de lien de causalité avec les manquements commis par le centre hospitalier de Laon dans le cadre de la prise en charge pré et post-opératoire de M. A.... Par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens des requêtes n° 22DA01075 et n° 22DA01076 dirigés contre ce titre, il y a lieu d'annuler le titre exécutoire n° 304 du 18 mai 2018 et de décharger la SHAM de l'obligation de payer la somme de 24 577,41 euros. 19. Il résulte par ailleurs de l'instruction que l'ONIAM a versé la somme de 840 euros à l'expert désigné par la CCI. Il résulte de ce qui a été exposé précédemment qu'il n'y a pas lieu de mettre à la charge du centre hospitalier de Laon et de son assureur, la SHAM, la somme de 840 euros réclamée par l'ONIAM en remboursement des frais d'expertise sur le fondement du quatrième alinéa de l'article L. 1142-15 du code de la santé publique. Par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens des requêtes n° 22DA01075 et n° 22DA01076 dirigés contre ce titre, il y a lieu d'annuler le titre exécutoire n° 305 du 18 mai 2018 et de décharger la SHAM de l'obligation de payer la somme de 840 euros. 20. Enfin, lorsque le débiteur a formé une opposition contre le titre exécutoire devant la juridiction compétente, l'ONIAM ne peut poursuivre le recouvrement de la pénalité prévue à l'article L. 1142-15 du code de la santé publique qu'en présentant une demande reconventionnelle devant la juridiction saisie de cette opposition. Dans les deux instances n° 22DA01075 et n° 22DA01076, l'ONIAM a présenté une demande reconventionnelle tendant au paiement de la somme de 3 686,61 euros correspondant à la pénalité de 15 % prévue par l'article L. 1142-15 du code de la santé publique. Le présent arrêt rejetant, pour les motifs précédemment exposés, les conclusions présentées par l'ONIAM au titre de son action subrogatoire, il n'y a pas lieu de condamner la SHAM, assureur du centre hospitalier de Laon, à verser à l'office la pénalité qu'il demande au titre du cinquième alinéa de l'article L. 1142-15 du code de la santé publique. 21. Il résulte de tout ce qui précède que la SHAM est fondée à demander l'annulation des jugements n° 1902454 et n° 2001213 du tribunal administratif d'Amiens l'ayant seulement déchargée de la somme de 3 649,41 euros, ayant rejeté le surplus de ses conclusions dirigées contre le titre exécutoire n°304 d'un montant de 24 577,41 euros, l'ayant condamnée à verser à l'ONIAM la somme de 2 092 euros au titre de la pénalité prévue à l'article L. 1142-15 du code de la santé publique et ayant rejeté sa demande dirigée contre le titre exécutoire n° 305 d'un montant de 840 euros. Sur les frais liés à l'instance : 22. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du centre hospitalier de Laon et de la SHAM, qui ne sont pas les parties perdantes à l'instance, le versement de sommes à l'ONIAM et à la CPAM de l'Aisne au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'ONIAM le versement d'une somme de 2 000 euros à la SHAM au titre de ces dispositions. DÉCIDE : Article 1er : Les jugements n° 1901050 du 11 mars 2021, n° 1902454 du 24 mars 2022 et n° 2001213 du 24 mars 2022 du tribunal administratif d'Amiens sont annulés. Article 2 : La demande de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Aisne et les conclusions reconventionnelles de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales devant le tribunal administratif d'Amiens, sont rejetées. Article 3 : Les titres exécutoires n° 304 et n° 305 émis par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales le 18 mai 2018 pour des montants respectifs de 24 577,41 euros et 840 euros, sont annulés. Article 4 : La société hospitalière d'assurances mutuelles est déchargée de l'obligation de payer les sommes respectives de 24 577,41 euros et de 840 euros. Article 5 : L'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales versera la somme de 2 000 euros à la société hospitalière d'assurances mutuelles au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 6 : La requête n° 21DA01051 de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et le surplus des conclusions des parties sont rejetés. Article 7 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier de Laon, à la société Relyens Mutual Insurance anciennement dénommée société hospitalière d'assurances mutuelles, à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Aisne, à la caisse d'assurance maladie de l'Oise, à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et à M. C... A.... Délibéré après l'audience publique du 14 mars 2023 à laquelle siégeaient : - Mme Anne Seulin, présidente de chambre, - M. Marc Baronnet, président-assesseur, - M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mars 2023. Le président-assesseur, Signé : M. B...La présidente de chambre, Signé : A. Seulin La greffière, Signé : A.S. Villette La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme La greffière, Anne-Sophie Villette 2 N°21DA01028,21DA01051,22DA01075,22DA01076
JADE/CETATEXT000047375733.xml
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Par un arrêt du 19 décembre 2019, la cour administrative d'appel de Douai, saisie par le service départemental d'incendie et de secours (SDIS) du Nord, a annulé l'ordonnance du tribunal administratif de Lille du 30 octobre 2018 et a renvoyé l'affaire au tribunal pour qu'il soit statué sur la requête présentée par le SDIS du Nord. Cette affaire a été enregistrée sous le n° 1910991. Par une requête et des mémoires, enregistrés les 19 octobre 2018, 24 décembre 2019, 24 janvier 2020 et 25 février 2021, le SDIS du Nord a demandé au tribunal administratif de Lille, à titre principal, de condamner le centre hospitalier de Roubaix à lui verser la somme de 52 592 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis en raison des interventions réalisées, pour le compte de ce centre hospitalier, au cours du mois de mai 2018, à titre subsidiaire, d'ordonner une mesure d'expertise afin de déterminer le montant de ses préjudices et, enfin, de mettre à la charge du centre hospitalier de Roubaix la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un jugement n° 1910991 du 22 décembre 2021, le tribunal administratif de Lille a rejeté la demande présentée par le SDIS du Nord et a mis à la charge du SDIS du Nord la somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 14 février 2022, le SDIS du Nord, représenté par la SCP Manuel Gros Héloïse Hicter et associés, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) à titre principal, de condamner le centre hospitalier de Roubaix à lui verser la somme de 52 592 euros en réparation du préjudice qu'il a subi, assortie des intérêts de droit ; 3°) à titre subsidiaire, de désigner, au titre des mesures d'instruction, un expert afin d'établir le coût moyen réel d'une intervention du SDIS dans le cadre du service public hospitalier, ou la fraction de la dotation de financement des missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation (MIGAC) dont a bénéficié le centre hospitalier de Roubaix pour l'aide médicale d'urgence et les transports qu'il n'a pas effectués en mobilisant les moyens du SDIS ; 4°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Roubaix la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - lorsque le SDIS est sollicité par une structure mobile d'urgence et de réanimation (SMUR) pour assurer les transports de jonction médicalisés grâce à son véhicule de secours et d'assistance aux victimes (VSAV), il intervient en dehors de ses missions propres prévues par l'article L. 1424-2 du code général des collectivités territoriales, en particulier lorsqu'un médecin de la SMUR est présent dans son VSAV ; - ces interventions doivent dès lors donner lieu à indemnisation de la part du centre hospitalier de Roubaix, sur le fondement du régime du collaborateur occasionnel du service public ou de l'enrichissement sans cause ; - l'article L. 1424-2 du code général des collectivités territoriales, à titre principal dans sa version issue de la loi n° 96-369 du 3 mai 1996 ou, à titre subsidiaire dans sa version issue de la loi n° 2021-1520 du 25 novembre 2021, tel qu'interprété par le Conseil d'Etat, méconnaît l'article 72 de la Constitution relatif au principe de libre administration des collectivités territoriales et l'article 72-2 de la Constitution relatif au principe de compensation de tout transfert de compétences entre l'Etat et les collectivités territoriales. Par un mémoire en défense, enregistré le 28 novembre 2022, le centre hospitalier de Roubaix, représenté par Me Omar Yahia, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge du SDIS du Nord une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - à titre principal, les transports de jonction litigieux constituent des évacuations prolongeant les missions de secours du SDIS et doivent donc être à sa charge financière ; - à titre subsidiaire, une convention aurait dû être conclue pour la prise en charge des frais d'intervention ; - en tout état de cause, la somme demandée est disproportionnée. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code général des collectivités territoriales ; - le code de la sécurité intérieure ; - le code de la santé publique ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Anne Seulin, présidente de chambre, - les conclusions de M. Guillaume Toutias, rapporteur public, - et les observations de Me Manuel Gros, représentant le SDIS du Nord et de Me Anne Florence Faurre substituant Me Omar Yahia, représentant le centre hospitalier de Roubaix. Considérant ce qui suit : 1. Par une délibération du 27 juin 2017, le conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours (SDIS) du Nord a approuvé la tarification de chaque transfert médicalisé réalisé par le moyen d'un véhicule de secours et d'assistance aux victimes (VSAV) suite à la demande de la structure médicale d'urgence et de réanimation (SMUR) sur place et/ou du centre de réception et de régulation des appels (" centre 15 ") du service d'aide médicale urgente (SAMU), vers un établissement de santé. Sur le fondement de cette délibération, le SDIS du Nord demande que le coût unitaire des interventions litigieuses soit calculé conformément à la délibération du 27 juin 2017 de son conseil d'administration, soit 346 euros et demande la condamnation du centre hospitalier de Roubaix à lui verser la somme de 52 592 euros au titre du préjudice subi en raison des interventions réalisées au cours du mois de mai 2018 à la demande du " centre 15 " du SAMU rattaché au centre hospitalier de Roubaix. 2. Le SDIS du Nord fait appel du jugement du 22 décembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Sur la question prioritaire de constitutionnalité : 3. Aux termes de l'article R.*771-3 du code de justice administrative : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est soulevé, conformément aux dispositions de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, à peine d'irrecevabilité, dans un mémoire distinct et motivé. Ce mémoire, ainsi que, le cas échéant, l'enveloppe qui le contient, portent la mention : " question prioritaire de constitutionnalité " ". L'article R.*771-4 du même code dispose : " L'irrecevabilité tirée du défaut de présentation, dans un mémoire distinct et motivé, du moyen visé à l'article précédent peut être opposée sans qu'il soit fait application des articles R. 611-7 et R. 612-1 ". Le SDIS du Nord n'a pas présenté dans un mémoire distinct le moyen tiré de ce que les dispositions de l'article L. 1424-2 du code général des collectivités territoriales portent atteinte à certains droits et libertés garantis par la Constitution. Ce moyen n'est, par suite, pas recevable et doit être écarté. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 4. D'une part, aux termes de l'article L. 1424-2 du code général des collectivités territoriales : " Les services d'incendie et de secours (...) concourent, avec les autres services et professionnels concernés, (...) aux secours d'urgence. / Dans le cadre de leurs compétences, ils exercent les missions suivantes : (...) / 4° Les secours d'urgence aux personnes victimes d'accidents, de sinistres ou de catastrophes ainsi que leur évacuation ". L'article L. 742-11 du code de la sécurité intérieure prévoit que : " Les dépenses directement imputables aux opérations de secours au sens des dispositions de l'article L. 1424-2 du code général des collectivités territoriales sont prises en charge par le service départemental d'incendie et de secours. (...) ". L'article L. 1424-42 du code général des collectivités territoriales dispose que : " Le service départemental d'incendie et de secours n'est tenu de procéder qu'aux seules interventions qui se rattachent directement à ses missions de service public définies à l'article L. 1424-2. / S'il a procédé à des interventions ne se rattachant pas directement à l'exercice de ses missions, il peut demander aux personnes bénéficiaires une participation aux frais, dans les conditions déterminées par délibération du conseil d'administration. / Les interventions effectuées par les services d'incendie et de secours à la demande de la régulation médicale du centre 15, lorsque celle-ci constate le défaut de disponibilité des transporteurs sanitaires privés, et qui ne relèvent pas de l'article L. 1424-2, font l'objet d'une prise en charge financière par les établissements de santé, sièges des services d'aide médicale d'urgence. / Les conditions de cette prise en charge sont fixées par une convention entre le service départemental d'incendie et de secours et l'hôpital siège du service d'aide médicale d'urgence, selon des modalités fixées par arrêté conjoint du ministre de l'intérieur et du ministre chargé de la sécurité sociale (...) ". 5. D'autre part, aux termes de l'article L. 6311-1 du code de la santé publique : " L'aide médicale urgente a pour objet, en relation notamment avec les dispositifs communaux et départementaux d'organisation des secours, de faire assurer aux malades, blessés et parturientes, en quelque endroit qu'ils se trouvent, les soins d'urgence appropriés à leur état " et l'article L. 6311-2 du même code prévoit que :" (...) Un centre de réception et de régulation des appels est installé dans les services d'aide médicale urgente (...) ". L'article R. 6311-1 de ce code précise que : " Les services d'aide médicale urgente ont pour mission de répondre par des moyens exclusivement médicaux aux situations d'urgence. / Lorsqu'une situation d'urgence nécessite la mise en œuvre conjointe de moyens médicaux et de moyens de sauvetage, les services d'aide médicale urgente joignent leurs moyens à ceux qui sont mis en œuvre par les services d'incendie et de secours " et l'article R. 6311-2 que : " Pour l'application de l'article R. 6311-1, les services d'aide médicale urgente : / (...) 2° Déterminent et déclenchent, dans le délai le plus rapide, la réponse la mieux adaptée à la nature des appels ; / (...) 4° Organisent, le cas échéant, le transport dans un établissement public ou privé en faisant appel à un service public ou à une entreprise privée de transports sanitaires (...) ". L'article D. 6124-12 de ce code permet aux SDIS de mettre des équipages et véhicules à disposition d'une SMUR dans le cadre, qui régit alors cette mise à disposition, d'une convention avec l'établissement de santé autorisé à disposer d'une telle structure. Il résulte aussi de l'article R. 6312-15 du même code que ces services, indépendamment de la conclusion d'une telle convention, peuvent être amenés à intervenir pour effectuer des transports sanitaires d'urgence faute de moyens de transport sanitaire. 6. Enfin, le paragraphe II.B.1 du titre I du référentiel commun du 25 juin 2008 relatif à l'organisation du secours à personne et de l'aide médicale urgente, annexé à l'arrêté de la ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales et de la ministre de la santé et des sports du 24 avril 2009, prévoit, pour renforcer la coordination des services publics de façon à apporter la réponse la plus adaptée aux situations d'urgence, d'une part, que tous les appels pour secours et soins d'urgence font l'objet de la régulation médicale par le SAMU et, d'autre part, que dans les situations de " départ réflexe ", correspondant notamment à l'urgence vitale identifiée à l'appel et aux interventions sur la voie publique ou dans les lieux publics, l'engagement des moyens des SDIS en vue de secours d'urgence précède la régulation médicale, laquelle se fait alors dans les meilleurs délais. En vertu de la circulaire interministérielle du 5 juin 2015 relative à l'application de l'arrêté du 24 avril 2009 relatif à la mise en œuvre du référentiel portant sur l'organisation du secours à personne et de l'aide médicale urgente : " En cas de départ réflexe des moyens du SIS, la régulation médicale par le SAMU intervient dans les meilleurs délais après le déclenchement des moyens du SIS afin de s'assurer de la pertinence des moyens déjà engagés (compétence mobilisée et vecteur utilisé) et de les compléter le cas échéant ". 7. Il résulte de l'ensemble de ces dispositions que les SDIS ne doivent supporter la charge que des interventions qui se rattachent directement aux missions de service public définies à l'article L. 1424-2 du code général des collectivités territoriales. Figurent au nombre de ces missions celles qui relèvent des secours d'urgence aux personnes victimes d'accidents, de sinistres ou de catastrophes, y compris l'évacuation de ces personnes vers un établissement de santé. 8. Il ressort des termes mêmes du deuxième alinéa de l'article L. 1424-42 du code général des collectivités territoriales que ces dispositions ne concernent pas les interventions des SDIS à la demande du " centre 15 " et régissent exclusivement les interventions des SDIS à la demande de particuliers, en dehors des situations de secours d'urgence aux personnes relevant du 4° de l'article L. 1424-2 du même code. De même, les troisième et quatrième alinéas de l'article L. 1424-42 s'appliquent lorsque le SDIS intervient en dehors de situation de secours d'urgence aux personnes, à la demande du " centre 15 " de régulation médicale qui souhaite envoyer un moyen de transport pour répondre à une situation médicalement justifiée tout en constatant le défaut de disponibilité des transporteurs sanitaires privés. Dans un tel cas, les interventions effectuées par le SDIS font l'objet d'une prise en charge financière par les établissements publics de santé, siège des SAMU, par voie conventionnelle. Les troisième et quatrième alinéas de cet article régissent ainsi l'ensemble des conditions de prise en charge financière, par les établissements de santé, des interventions du SDIS à la demande du " centre 15 ", lorsque ces interventions ne sont pas au nombre des missions de service public définies à l'article L. 1424-2 du même code. Cette prise en charge financière par voie conventionnelle est, par définition, différente de celle visée par l'article D. 6124-12 du code de la santé publique qui prévoit que le SDIS peut mettre à la disposition de la SMUR rattachée à un établissement de santé disposant d'un SAMU, certains de ses moyens, par voie de convention. Il suit de là qu'aucune disposition de l'article L.1424-42 du code général des collectivités territoriales n'autorise un SDIS à facturer unilatéralement une prise en charge financière à un établissement public de santé abritant un SAMU. 9. Par ailleurs, lorsque le SDIS, après avoir engagé ses moyens dans une situation de " départ réflexe ", laquelle relève de ses missions de service public au titre du 4° de l'article L. 1424-2 du code général des collectivités territoriales, procède à l'évacuation de la personne secourue vers un établissement de santé, il lui incombe d'assumer la charge financière de ce transport qui doit être regardé, en vertu des mêmes dispositions, quelle que soit la gravité de l'état de la personne secourue, comme le prolongement des missions de secours d'urgence aux accidentés ou blessés qui lui sont dévolues. La circonstance que la SMUR soit également intervenue sur décision du médecin coordonnateur du " centre 15 " pour assurer, au titre de ses missions propres, la prise en charge médicale urgente de la personne, est sans incidence sur les obligations légales du SDIS, parmi lesquelles figure celle d'assurer l'évacuation de la personne qu'il a secourue vers un établissement de santé. 10. Il résulte de ce qui vient d'être dit que le conseil d'administration du SDIS du Nord ne pouvait légalement, par sa délibération du 27 juin 2017, facturer unilatéralement aux centres hospitaliers abritant un SAMU, sur la base d'un forfait de 346 euros, les transports " de jonction " médicalisés à la demande de la SMUR sur place et/ou de la coordination médicale, réalisés au moyen de son VSAV vers l'établissement de santé désigné par le médecin coordinateur du " centre 15 " et qu'il lui incombe d'assumer la charge financière de ces interventions. Dès lors, le SDIS du Nord ne peut se prévaloir d'aucun préjudice financier résultant de la prise en charge de ces transports médicalisés au moyen de son VSAV. 11. De même, les évacuations réalisées par le SDIS du Nord relevant des missions qui lui sont imparties par le 4° de l'article L. 1424-2 du code général des collectivités territoriales, la charge financière qu'il supporte du fait de ces interventions résulte d'une obligation légale et ne saurait donc donner lieu à indemnisation sur le fondement de l'enrichissement sans cause. Pour les mêmes raisons ne peut-il être regardé, à l'occasion de ces évacuations, comme un collaborateur occasionnel du service public dès lors qu'il ne fait qu'exercer les missions qui lui sont légalement dévolues par la loi. 12. Il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la demande d'expertise, que le SDIS du Nord n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Sur les frais liés à l'instance : 13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que le centre hospitalier de Roubaix, qui n'a pas la qualité de partie perdante à l'instance, verse au SDIS du Nord la somme que celui-ci réclame à ce titre. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner le SDIS du Nord à verser au centre hospitalier de Roubaix la somme réclamée au même titre. DÉCIDE : Article 1er : La requête du service départemental d'incendie et de secours du Nord est rejetée. Article 2 : Les conclusions du centre hospitalier de Roubaix au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au service départemental d'incendie et de secours du Nord et au centre hospitalier de Roubaix. Copie sera adressée au préfet du Nord. Délibéré après l'audience du 14 mars 2023 à laquelle siégeaient : - Mme Anne Seulin, présidente de chambre, - M. Marc Baronnet, président-assesseur, - M. Vandenberghe, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mars 2023. Le président-assesseur, Signé : M. A...La présidente de chambre Signé : A. Seulin La greffière, Signé : A.S. Villette La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention et au préfet du Nord en ce qui les concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme, La greffière Anne-Sophie Villette 2 N°22DA00311
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Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Par un arrêt du 19 décembre 2019, la cour administrative d'appel de Douai, saisie par le service départemental d'incendie et de secours (SDIS) du Nord, a annulé l'ordonnance du tribunal administratif de Lille du 30 octobre 2018 et a renvoyé l'affaire au tribunal pour qu'il soit statué sur la requête présentée par le SDIS du Nord. Cette affaire a été enregistrée sous le n° 1910992. Par une requête et des mémoires, enregistrés les 19 octobre 2018, 24 décembre 2019, 24 janvier 2020 et 25 février 2021, le service départemental d'incendie et de secours (SDIS) du Nord, représenté par Me Gros, a demandé au tribunal administratif de Lille, à titre principal, de condamner le centre hospitalier de Tourcoing à lui verser la somme de 42 212 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis en raison des interventions réalisées, pour le compte de ce centre hospitalier, au cours des mois de mai et juin 2018, à titre subsidiaire, d'ordonner une mesure d'expertise afin de déterminer le montant de ses préjudices et, enfin, de mettre à la charge du centre hospitalier de Tourcoing la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un jugement n° 1910992 du 22 décembre 2021, le tribunal administratif de Lille a rejeté la demande présentée par le SDIS du Nord et a mis à la charge du SDIS du Nord la somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 14 février 2022, le SDIS du Nord, représenté par la SCP Manuel Gros Héloïse Hicter et associés, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) à titre principal, de condamner le centre hospitalier de Tourcoing à lui verser la somme de 52 592 euros en réparation des préjudices subis, assortie des intérêts de droit ; 3°) à titre subsidiaire, de désigner, au titre des mesures d'instruction, un expert afin d'établir le coût moyen réel d'une intervention du SDIS dans le cadre du service public hospitalier, ou la fraction de la dotation de financement des missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation (MIGAC) dont a bénéficié le centre hospitalier de Tourcoing pour l'aide médicale d'urgence et les transports qu'il n'a pas effectués en mobilisant les moyens du SDIS ; 4°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Tourcoing la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - lorsque le SDIS est sollicité par une structure mobile d'urgence et de réanimation (SMUR) pour assurer les transports de jonction médicalisés grâce à son véhicule de secours et d'assistance aux victimes (VSAV), il intervient en dehors de ses missions propres prévues par l'article L. 1424-2 du code général des collectivités territoriales, en particulier lorsqu'un médecin de la SMUR est présent dans son VSAV ; - ces interventions doivent dès lors donner lieu à indemnisation de la part du centre hospitalier de Tourcoing, sur le fondement du régime du collaborateur occasionnel du service public ou de l'enrichissement sans cause ; - l'article L. 1424-2 du code général des collectivités territoriales, à titre principal dans sa version issue de la loi n° 96-369 du 3 mai 1996 ou, à titre subsidiaire dans sa version issue de la loi n° 2021-1520 du 25 novembre 2021, tel qu'interprété par le Conseil d'Etat, méconnaît l'article 72 de la Constitution relatif au principe de libre administration des collectivités territoriales et l'article 72-2 de la Constitution relatif au principe de compensation de tout transfert de compétences entre l'Etat et les collectivités territoriales. Par un mémoire en défense, enregistré le 28 novembre 2022, le centre hospitalier de Tourcoing, représenté par Me Omar Yahia, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge du SDIS du Nord une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - à titre principal, les transports de jonction litigieux constituent des évacuations prolongeant les missions de secours du SDIS et doivent donc être à sa charge financière ; - à titre subsidiaire, une convention aurait dû être conclue pour la prise en charge des frais d'intervention ; - en tout état de cause, la somme demandée est disproportionnée. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code général des collectivités territoriales ; - le code de la santé publique ; - le code de la sécurité intérieure ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Anne Seulin, présidente de chambre, - les conclusions de M. Guillaume Toutias, rapporteur public, - et les observations de Me Manuel Gros, représentant le SDIS du Nord et de Me Anne Florence Faurre substituant Me Omar Yahia, représentant le centre hospitalier de Tourcoing. Considérant ce qui suit : 1. Par une délibération du 27 juin 2017, le conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours (SDIS) du Nord a approuvé la tarification de chaque transfert médicalisé réalisé par le moyen d'un véhicule de secours et d'assistance aux victimes (VSAV) suite à la demande de la structure médicale d'urgence et de réanimation (SMUR) sur place et/ou du centre de réception et de régulation des appels (" centre 15 ") du service d'aide médicale urgente (SAMU), vers un établissement de santé. Sur le fondement de cette délibération, le SDIS du Nord demande que le coût unitaire des interventions litigieuses soit calculé conformément à la délibération du 27 juin 2017 de son conseil d'administration, soit 346 euros, et demande la condamnation du centre hospitalier de Tourcoing à lui verser la somme de 52 592 euros au titre du préjudice financier subi en raison des interventions réalisées au cours des mois de mai à juin 2018 à la demande du centre 15 du SAMU rattaché au centre hospitalier de Tourcoing. 2. Le SDIS du Nord fait appel du jugement du 22 décembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Sur la question prioritaire de constitutionnalité : 3. Aux termes de l'article R.*771-3 du code de justice administrative : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est soulevé, conformément aux dispositions de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, à peine d'irrecevabilité, dans un mémoire distinct et motivé. Ce mémoire, ainsi que, le cas échéant, l'enveloppe qui le contient, portent la mention : " question prioritaire de constitutionnalité " ". L'article R.*771-4 du même code dispose : " L'irrecevabilité tirée du défaut de présentation, dans un mémoire distinct et motivé, du moyen visé à l'article précédent peut être opposée sans qu'il soit fait application des articles R. 611-7 et R. 612-1 ". Le SDIS du Nord n'a pas présenté dans un mémoire distinct le moyen tiré de ce que les dispositions de l'article L. 1424-2 du code général des collectivités territoriales portent atteinte à certains droits et libertés garantis par la Constitution. Ce moyen n'est, par suite, pas recevable et doit être écarté. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 4. D'une part, aux termes de l'article L. 1424-2 du code général des collectivités territoriales : " Les services d'incendie et de secours (...) concourent, avec les autres services et professionnels concernés, (...) aux secours d'urgence. / Dans le cadre de leurs compétences, ils exercent les missions suivantes : (...) / 4° Les secours d'urgence aux personnes victimes d'accidents, de sinistres ou de catastrophes ainsi que leur évacuation ". L'article L. 742-11 du code de la sécurité intérieure prévoit que : " Les dépenses directement imputables aux opérations de secours au sens des dispositions de l'article L. 1424-2 du code général des collectivités territoriales sont prises en charge par le service départemental d'incendie et de secours. (...) ". L'article L. 1424-42 du code général des collectivités territoriales dispose que : " Le service départemental d'incendie et de secours n'est tenu de procéder qu'aux seules interventions qui se rattachent directement à ses missions de service public définies à l'article L. 1424-2. / S'il a procédé à des interventions ne se rattachant pas directement à l'exercice de ses missions, il peut demander aux personnes bénéficiaires une participation aux frais, dans les conditions déterminées par délibération du conseil d'administration. / Les interventions effectuées par les services d'incendie et de secours à la demande de la régulation médicale du centre 15, lorsque celle-ci constate le défaut de disponibilité des transporteurs sanitaires privés, et qui ne relèvent pas de l'article L. 1424-2, font l'objet d'une prise en charge financière par les établissements de santé, sièges des services d'aide médicale d'urgence. / Les conditions de cette prise en charge sont fixées par une convention entre le service départemental d'incendie et de secours et l'hôpital siège du service d'aide médicale d'urgence, selon des modalités fixées par arrêté conjoint du ministre de l'intérieur et du ministre chargé de la sécurité sociale (...) ". 5. D'autre part, aux termes de l'article L. 6311-1 du code de la santé publique : " L'aide médicale urgente a pour objet, en relation notamment avec les dispositifs communaux et départementaux d'organisation des secours, de faire assurer aux malades, blessés et parturientes, en quelque endroit qu'ils se trouvent, les soins d'urgence appropriés à leur état " et l'article L. 6311-2 du même code prévoit que : " (...)Un centre de réception et de régulation des appels est installé dans les services d'aide médicale urgente (...) ". L'article R. 6311-1 de ce code précise que : " Les services d'aide médicale urgente ont pour mission de répondre par des moyens exclusivement médicaux aux situations d'urgence. / Lorsqu'une situation d'urgence nécessite la mise en œuvre conjointe de moyens médicaux et de moyens de sauvetage, les services d'aide médicale urgente joignent leurs moyens à ceux qui sont mis en œuvre par les services d'incendie et de secours " et l'article R. 6311-2 que : " Pour l'application de l'article R. 6311-1, les services d'aide médicale urgente : / (...) 2° Déterminent et déclenchent, dans le délai le plus rapide, la réponse la mieux adaptée à la nature des appels ; / (...) 4° Organisent, le cas échéant, le transport dans un établissement public ou privé en faisant appel à un service public ou à une entreprise privée de transports sanitaires (...) ". L'article D. 6124-12 de ce code permet aux SDIS de mettre des équipages et véhicules à disposition d'une SMUR dans le cadre, qui régit alors cette mise à disposition, d'une convention avec l'établissement de santé autorisé à disposer d'une telle structure. Il résulte aussi de l'article R. 6312-15 du même code que ces services, indépendamment de la conclusion d'une telle convention, peuvent être amenés à intervenir pour effectuer des transports sanitaires d'urgence faute de moyens de transport sanitaire. 6. Enfin, le paragraphe II.B.1 du titre I du référentiel commun du 25 juin 2008 relatif à l'organisation du secours à personne et de l'aide médicale urgente, annexé à l'arrêté de la ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales et de la ministre de la santé et des sports du 24 avril 2009, prévoit, pour renforcer la coordination des services publics de façon à apporter la réponse la plus adaptée aux situations d'urgence, d'une part, que tous les appels pour secours et soins d'urgence font l'objet de la régulation médicale par le SAMU et, d'autre part, que dans les situations de " départ réflexe ", correspondant notamment à l'urgence vitale identifiée à l'appel et aux interventions sur la voie publique ou dans les lieux publics, l'engagement des moyens des SDIS en vue de secours d'urgence précède la régulation médicale, laquelle se fait alors dans les meilleurs délais. En vertu de la circulaire interministérielle du 5 juin 2015 relative à l'application de l'arrêté du 24 avril 2009 relatif à la mise en œuvre du référentiel portant sur l'organisation du secours à personne et de l'aide médicale urgente : " En cas de départ réflexe des moyens du SIS, la régulation médicale par le SAMU intervient dans les meilleurs délais après le déclenchement des moyens du SIS afin de s'assurer de la pertinence des moyens déjà engagés (compétence mobilisée et vecteur utilisé) et de les compléter le cas échéant ". 7. Il résulte de l'ensemble de ces dispositions que les SDIS ne doivent supporter la charge que des interventions qui se rattachent directement aux missions de service public définies à l'article L. 1424-2 du code général des collectivités territoriales. Figurent au nombre de ces missions celles qui relèvent des secours d'urgence aux personnes victimes d'accidents, de sinistres ou de catastrophes, y compris l'évacuation de ces personnes vers un établissement de santé. 8. Il ressort des termes mêmes du deuxième alinéa de l'article L. 1424-42 du code général des collectivités territoriales que ces dispositions ne concernent pas les interventions des SDIS à la demande du " centre 15 " et régissent exclusivement les interventions des SDIS à la demande de particuliers, en dehors des situations de secours d'urgence aux personnes relevant du 4° de l'article L. 1424-2 du même code. De même, les troisième et quatrième alinéas de l'article L. 1424-42 s'appliquent lorsque le SDIS intervient en dehors de situation de secours d'urgence aux personnes, à la demande du " centre 15 " de régulation médicale qui souhaite envoyer un moyen de transport pour répondre à une situation médicalement justifiée tout en constatant le défaut de disponibilité des transporteurs sanitaires privés. Dans un tel cas, les interventions effectuées par le SDIS font l'objet d'une prise en charge financière par les établissements publics de santé, siège des services d'aide médicale d'urgence, par voie conventionnelle. Les troisième et quatrième alinéas de cet article régissent ainsi l'ensemble des conditions de prise en charge financière, par les établissements de santé, des interventions du SDIS à la demande du " centre 15 ", lorsque ces interventions ne sont pas au nombre des missions de service public définies à l'article L. 1424-2 du même code. Cette prise en charge financière par voie conventionnelle est, par définition, différente de celle visée par l'article D. 6124-12 du code de la santé publique qui prévoit que le SDIS peut mettre à la disposition de la SMUR rattachée à un établissement de santé disposant d'un SAMU, certains de ses moyens, par voie de convention. Il suit de là qu'aucune disposition de l'article L.1424-42 du code général des collectivités territoriales n'autorise un SDIS à facturer unilatéralement une prise en charge financière à un établissement public de santé abritant un SAMU. 9. Par ailleurs, lorsque le SDIS, après avoir engagé ses moyens dans une situation de " départ réflexe ", laquelle relève de ses missions de service public au titre du 4° de l'article L. 1424-2 du code général des collectivités territoriales, procède à l'évacuation de la personne secourue vers un établissement de santé, il lui incombe d'assumer la charge financière de ce transport qui doit être regardé, en vertu des mêmes dispositions, quelle que soit la gravité de l'état de la personne secourue, comme le prolongement des missions de secours d'urgence aux accidentés ou blessés qui lui sont dévolues. La circonstance que la SMUR soit également intervenue sur décision du médecin coordonnateur du " centre 15 " pour assurer, au titre de ses missions propres, la prise en charge médicale urgente de la personne, est sans incidence sur les obligations légales du SDIS, parmi lesquelles figure celle d'assurer l'évacuation de la personne qu'il a secourue vers un établissement de santé. 10. Il résulte de ce qui vient d'être dit que le conseil d'administration du SDIS du Nord ne pouvait légalement, par sa délibération du 27 juin 2017, facturer unilatéralement aux centres hospitaliers abritant un SAMU, sur la base d'un forfait de 346 euros, les transports " de jonction " médicalisés à la demande de la SMUR sur place et/ou de la coordination médicale, réalisés au moyen de son VSAV vers l'établissement de santé désigné par le médecin coordinateur du " centre 15 " et qu'il lui incombe d'assumer la charge financière de ces interventions. Dès lors, le SDIS du Nord ne peut se prévaloir d'aucun préjudice financier résultant de la prise en charge des transports médicalisés au moyen de son VSAV. 11. De même, les évacuations réalisées par le SDIS du Nord relevant des missions qui lui sont imparties par le 4° de l'article L. 1424-2 du code général des collectivités territoriales, la charge financière qu'il supporte du fait de ces interventions résulte d'une obligation légale et ne saurait donc donner lieu à indemnisation sur le fondement de l'enrichissement sans cause. Pour les mêmes raisons ne peut-il être regardé, à l'occasion de ces évacuations, comme un collaborateur occasionnel du service public dès lors qu'il ne fait qu'exercer les missions qui lui sont légalement dévolues par la loi. 12. Il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la demande d'expertise, que le SDIS du Nord n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Sur les frais liés à l'instance : 13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que le centre hospitalier de Valenciennes, qui n'a pas la qualité de partie perdante à l'instance, verse au SDIS du Nord la somme que celui-ci réclame à ce titre. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner le SDIS du Nord à verser au centre hospitalier de Tourcoing la somme réclamée au même titre. DÉCIDE : Article 1er : La requête du service départemental d'incendie et de secours du Nord est rejetée. Article 2 : Les conclusions du centre hospitalier de Tourcoing au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au service départemental d'incendie et de secours du Nord et au centre hospitalier de Tourcoing. Copie sera adressée au préfet du Nord. Délibéré après l'audience du 14 mars 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Anne Seulin, présidente de chambre, - M. Marc Baronnet, président-assesseur, - M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mars 2023. Le président-assesseur, Signé : M. A...La présidente de chambre Signé : A. Seulin La greffière, Signé : A.S. Villette La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention et au préfet du Nord en ce qui les concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme, La greffière Anne-Sophie Villette 2 N°22DA00310
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Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. E... C..., Mme F... C... et M. G... C... ont demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 12 décembre 2017 par lequel le maire de la commune de Norrent-Fontes a délivré à la société civile immobilière (SCI) B... un permis de construire un hangar situé rue nationale ainsi que la décision implicite de rejet de leur recours gracieux formé le 8 février 2018. Par un jugement n° 1804445 du 9 mars 2021, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 7 mai 2021, et un mémoire, enregistré les 1er mars 2022, M. E... C..., Mme F... C... et M. G... C..., représentés par Me Benjamin Ingelaere, demandent à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) d'annuler ce permis de construire ; 3°) de mettre à la charge de la commune de Norrent-Fontes la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ils soutiennent que : - le permis accordé méconnaît l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme et l'article U1 du plan local d'urbanisme de la commune ; - le risque d'inondations est avéré et il est accru par le projet autorisé. Par un mémoire en défense, enregistré le 28 octobre 2021, la SCI B... et M. D... B..., représentés par Me Gauthier Jamais, concluent au rejet de la requête et à la mise à la charge des requérants de la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ils font valoir que la demande des consorts C... n'est pas recevable faute pour eux de justifier de leur intérêt et de leur qualité pour agir et, subsidiairement, que les moyens de la requête ne sont pas fondés. Par deux mémoires en défense, enregistrés le 9 janvier 2022 et le 26 mars 2022, la commune de Norrent-Fontes, représentée par Me Pierre-Olivier Guilmain, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge des requérants de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que la demande des consorts C... n'est pas recevable faute pour eux de justifier de leur intérêt et de leur qualité pour agir et, subsidiairement, que les moyens de la requête ne sont pas fondés. La clôture d'instruction immédiate a été fixée au 8 novembre 2022 par une ordonnance du même jour, en application de l'article R. 611-11-1du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de l'environnement ; - le code l'urbanisme ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Denis Perrin, premier conseiller, - les conclusions de M. Aurélien Gloux-Saliou, rapporteur public, - et les observations de Me Pierre-Olivier Guilmain, représentant la commune de Norrent-Fontes et de Me Gauthier Jamais, représentant la SCI B... et M. B... D.... Considérant ce qui suit : 1. La commune de Norrent-Fontes a accordé un permis de construire à la société civile immobilière (SCI) B... le 12 décembre 2017 pour la construction d'un hangar sur un terrain situé rue nationale. Mme F... C..., MM. Philippe et Jean-Luc C... ont formé un recours gracieux contre ce permis. Faute de réponse, ils ont saisi le tribunal administratif de Lille qui a rejeté leurs demandes d'annulation de cet acte par un jugement du 9 mars 2021. Ils relèvent appel de ce jugement. Mme F... C... est décédée en cours d'instance. Sur le bien-fondé du jugement : 2. Aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations. ". 3. En vertu de cette disposition, lorsqu'un projet de construction est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique, le permis de construire ne peut être refusé que si l'autorité compétente estime, sous le contrôle du juge, qu'il n'est pas légalement possible, au vu du dossier et de l'instruction de la demande de permis, d'accorder le permis en l'assortissant de prescriptions spéciales qui, sans apporter au projet de modifications substantielles nécessitant la présentation d'une nouvelle demande, permettraient d'assurer la conformité de la construction aux dispositions législatives et réglementaires dont l'administration est chargée d'assurer le respect. 4. Aux termes de l'article U1 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune : " Sont interdits (...) les remblais ou aménagements susceptibles de contrarier le bon écoulement des eaux ou d'aggraver les risques d'inondation (...) ". En ce qui concerne le risque d'inondations au niveau de la commune et de la zone : 5. D'une part, si un plan de protection contre le risque inondations a été prescrit le 30 octobre 2001, la commune de Norrent-Fontes n'est soumise à aucune prescription s'imposant aux autorisations de construire à ce titre, aucun plan n'ayant été en définitive approuvé. 6. D'autre part, si ce plan a renvoyé à un site dressant une carte des zones d'inondations constatées et si la parcelle du projet est située pour partie dans une telle zone, le hangar vient s'implanter à l'extérieur de cette zone et le projet ne comporte ni caves ni sous-sols et a prévu une surélévation du hangar à cinquante centimètres au-dessus du niveau du terrain naturel. Dans ces conditions, le seul fait que la délimitation de la zone d'inondations constatées demeure imprécise est sans incidence sur la légalité de la décision contestée. En ce qui concerne le risque d'inondations généré par la construction : 7. Les appelants soutiennent également que le projet autorisé accroît le risque d'inondations de leur propriété située rue du 8 mai 1945. 8. D'une part, si la commune de Norrent-Fontes a fait l'objet de quatre arrêtés de catastrophes naturelles pour inondations au cours des trente dernières années, il n'est pas établi que ces phénomènes ont prioritairement concerné le secteur où se situe la parcelle des appelants. Leur habitation n'a d'ailleurs été touchée que par les inondations de 1982 et de 2005 alors pourtant qu'elle est située dans son intégralité en zone d'inondations constatées. En tout état de cause, ces circonstances ne suffisent pas à démontrer que les inondations proviennent de la parcelle de la société B.... 9. D'autre part, les appelants soutiennent que le bâtiment, par sa surface de 546,25 m2 venant s'ajouter au hangar existant d'une surface de 242,38 m2, crée un obstacle à l'écoulement des eaux qui entraîne un déversement d'eaux de ruissellement et de boues. 10. Toutefois, en premier lieu, il ressort des pièces du dossier que le hangar, qui n'est pas situé en limite de propriété, ne crée pas un barrage bâti sur la totalité de la parcelle de la pétitionnaire, permettant ainsi l'écoulement des eaux de part et d'autre. 11. En deuxième lieu, contrairement à ce qu'allèguent les appelants, aucune pièce du dossier ne permet d'établir que la parcelle du projet se situe à l'emplacement du lit d'une rivière. Les cadastres anciens qu'ils produisent mentionnent seulement un " courant " au droit de leur propriété et de la parcelle du projet mais ce courant est tracé sur ces cadastres en aval de ces parcelles de l'autre côté de la route départementale. La carte du schéma d'aménagement et de gestion des eaux du bassin de la Lys qu'ils produisent atteste seulement de l'existence d'un axe de ruissellement et non d'un cours d'eau comme le prétendent les appelants. De plus, cet axe est essentiellement identifiable de l'autre côté de la route départementale, par rapport au projet. 12. En troisième lieu, si, selon les dires des appelants, le projet supprime une retenue d'eau constituée par les fondations d'un précédent projet refusé par un arrêté du maire de Norrent-Fontes du 17 décembre 2012, cette retenue, à supposer même qu'elle ait été conforme aux prescriptions du code de l'environnement relatives à l'écoulement des eaux, ne résultait d'aucune prescription visant à réduire le risque d'inondation. 13. En quatrième lieu, alors que le bâtiment en cause est construit, les appelants ne démontrent pas qu'il en a résulté un accroissement du risque. En particulier, l'événement du 26 juillet 2021 qu'ils présentent comme un épisode de pluie normale a constitué, d'après le relevé de pluviométrie produit par la commune, un épisode dont la période de retour est supérieure à 100 ans. De plus, les photos produites pas les appelants, si elles démontrent des niveaux d'eau élevés en limite de leur propriété, n'établissent pas que cette circonstance a représenté un risque pour leur sécurité. 14. Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, il ne ressort pas des pièces du dossier que le maire de Norrent-Fontes aurait commis d'erreur manifeste d'appréciation en délivrant le permis de construire du 12 décembre 2017. 15. Les appelants ne sont donc pas fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Lille a rejeté leurs demandes d'annulation du permis de construire du 12 décembre 2017, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'intérêt et sur la qualité pour agir des appelants, ni sur la qualité pour agir en défense de M. D... B.... Sur les frais exposés et non compris dans les dépens : 16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soient mises à la charge de la commune de Norrent-Fontes, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que les appelants réclament au titre des frais liés au litige. 17. Il y a lieu dans les circonstances de l'espèce, en application des mêmes dispositions, de mettre à la charge de MM. Jean-Luc et Philippe C... une somme globale de 1 000 euros à verser à la commune de Norrent-Fontes et une somme identique à verser à la SCI B.... DÉCIDE : Article 1er : La requête de MM. Jean-Luc et Philippe C... est rejetée. Article 2 : MM. Jean-Luc et Philippe C... verseront à la commune de Norrent-Fontes la somme globale de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : MM. Jean-Luc et Philippe C... verseront à la SCI B... la somme globale de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à MM. Jean-Luc et Philippe C..., à la commune de Norrent-Fontes et à la SCI B... et à M. D... B.... Copie en sera transmise, pour information, au préfet du Pas-de-Calais. Délibéré après l'audience publique du 8 décembre 2022 à laquelle siégeaient : - M. Marc Heinis, président de chambre, - M. Denis Perrin, premier conseiller. - M. Stéphane Eustache, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 janvier 2023. Le rapporteur, Signé : D. PerrinLe président de la 1ère chambre, Signé : M. A... La greffière, Signé : C. Sire La République mande et ordonne au du préfet du Pas-de-Calais ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme, La greffière en chef, Par délégation, La greffière, Christine Sire N°21DA01014 2
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Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Par une requête enregistrée sous le n° 1910172, M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision en date du 22 octobre 2019 par laquelle le directeur des ressources humaines du centre hospitalier de Douai a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa pathologie. Par une requête enregistrée sous le n° 2003026, M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision en date du 5 février 2020 par laquelle le directeur des ressources humaines du centre hospitalier de Douai a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident du 12 mars 2013, de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident du 12 mars 2013 et de fixer son taux d'incapacité permanente partielle à 8 %. Par un jugement n° 1910172, 2003026 du 16 décembre 2021, le tribunal administratif de Lille, qui a joint ces deux requêtes, a annulé la décision du directeur des ressources humaines du centre hospitalier de Douai du 22 octobre 2019 refusant de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie de M. B... et a rejeté la requête n° 2003026. Procédure devant la cour : Par une requête et des mémoires, enregistrés les 2 février 2022, 3 janvier et 14 février 2023, M. B..., représenté par Me Manon Leuliet, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté sa requête n° 2003026 ; 2°) d'annuler la décision du directeur des ressources humaines du centre hospitalier de Douai du 5 février 2020 refusant de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident du 12 mars 2013 ; 3°) d'enjoindre au centre hospitalier de Douai de procéder au paiement des indemnités et primes qu'il aurait dû percevoir si l'accident de service avait été reconnu et de prendre en charge les frais médicaux engagés à la suite de cet accident à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ; 4°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Douai une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - il établit la réalité de son accident en produisant des témoignages et des documents médicaux ; - son accident s'étant déroulé sur son lieu de travail pendant ses heures de travail, il constitue, en application de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 portant disposition statutaires à la fonction publique hospitalière, un accident de service ; - l'absence de déclaration ou la déclaration tardive d'un accident n'est pas de nature à empêcher la reconnaissance d'un accident de service ; - les délais pour procéder à la déclaration d'accident de service qui sont imposés par le nouvel article 35-3-1 du décret du 13 mai 2020 relatif au congé pour invalidité temporaire imputable au service dans la fonction publique hospitalière, ne lui sont pas opposables dès lors qu'il a adressé sa demande le 29 mars 2018. Par des mémoires en défense, enregistrés les 23 janvier et 2 mars 2023, le centre hospitalier de Douai, représenté par Me Laurie Fréger, conclut au rejet de la requête et à la condamnation de M. B... à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés. Par une ordonnance du 14 février 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 2 mars 2023 à 12h00. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ; - le décret n° 88-386 du 19 avril 1988 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Sylvie Stefanczyk, première conseillère, - les conclusions de M. Guillaume Toutias, rapporteur public, - et les observations de Me Camille Ghesquiere substituant Me Manon Lieulet, représentant M. B..., et de Me Laurie Fréger Kneppert, représentant le centre hospitalier de Douai. Considérant ce qui suit : 1. M. A... B..., ouvrier professionnel spécialisé au centre hospitalier de Douai, a, par courrier du 29 mars 2018, sollicité la reconnaissance de l'imputabilité au service de l'accident dont il allègue avoir été victime le 12 mars 2013. Il a déclaré cet accident à sa hiérarchie le 11 juin 2018. La commission de réforme a diligenté, le 28 août 2018, une expertise médicale et, par une décision du 12 novembre 2018, le directeur des ressources humaines du centre hospitalier de Douai a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de cet accident. A la suite du recours gracieux qu'il a exercé le 5 janvier 2019, M. B... a été examiné par un expert rhumatologue le 16 avril 2019. La commission de réforme, après avoir pris connaissance du rapport d'expertise, a émis, lors de sa séance du 5 novembre 2019, un avis favorable à la l'imputabilité au service de l'accident du 12 mars 2013. Par une décision du 5 février 2020, le directeur des ressources humaines du centre hospitalier de Douai a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de cet accident. Parallèlement, par courrier du 9 novembre 2019, M. B... a également sollicité la reconnaissance de l'imputabilité au service de sa pathologie, laquelle a été refusée par une décision du directeur des ressources humaines du centre hospitalier de Douai du 22 octobre 2019. Par un jugement du 16 décembre 2021, le tribunal administratif de Lille, après avoir joint les demandes de M. B... tendant à l'annulation des décisions du directeur des ressources humaines du centre hospitalier de Douai des 22 octobre 2019 et 5 février 2020, a annulé la décision du 22 octobre 2019 et a rejeté le surplus des demandes. M. B... interjette appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du directeur des ressources humaines du centre hospitalier de Douai du 5 février 2020. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 2. Aux termes de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) /2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants (...) / Toutefois, si la maladie provient (...) d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à sa mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. / Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de la maladie ou de l'accident est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales ". Constitue un accident de service, pour l'application des dispositions précitées, un événement survenu à une date certaine, par le fait ou à l'occasion du service, dont il est résulté une lésion, quelle que soit la date d'apparition de celle-ci. 3. M. B... soutient avoir été victime d'une chute le 12 mars 2013 à 8h55 dans l'allée piétonne longeant le parking du centre hospitalier alors qu'il transportait, sur son dos, un sac de 25 kg de sel de déneigement, qui aurait été causée par la présence d'une plaque de verglas sous l'épaisseur de la neige. Cependant, cet accident n'a donné lieu à aucun arrêt de travail et l'intéressé ne l'a déclaré que plus de cinq ans après sa survenance, alors qu'il connaissait pourtant la procédure applicable en la matière pour avoir déclaré des accidents de service antérieurs. Par ailleurs, les documents médicaux qu'il produit à l'instance, à savoir une prescription médicale du 14 mars 2013 concernant un anti-inflammatoire, un compte-rendu d'un scanner lombaire du 7 août 2013 mentionnant une hernie discale médiane à l'étage L5S1, un certificat de son médecin traitant du 2 décembre 2013 faisant état d'un arrêt de travail depuis le 13 septembre 2013 pour lombosciatalgie hyperalgique et invalidante et pour hernie discale, opérée le 6 novembre 2013, un compte-rendu médical d'un praticien du centre de réadaptation fonctionnelle " Les Hautois " du 13 février 2015 indiquant qu'il se plaignait de lombalgies chroniques qu'il rattachait à une chute n'ayant pas été déclarée en accident de travail ainsi que de l'apparition d'une sciatique droite en février 2013 ayant justifié en novembre 2013 une cure de hernie discale et l'attestation d'un masseur kinésithérapeute du 10 avril 2019 faisant état d'une prise en charge pour le rachis à compter du 27 mai 2013 jusqu'au mois d'août 2015, ne permettent pas d'attester de la réalité de l'accident du 12 mars 2013 dès lors qu'ils sont fondés sur les seules déclarations de M. B.... Il en est de même du rapport d'expertise du 16 avril 2019 reconnaissant l'imputabilité au service de l'accident du 12 mars 2013, l'expert s'étant fondé sur les seuls propos de M. B..., sans autre élément de preuve établissant la réalité de cette chute, alors qu'il est constant que l'intéressé a été antérieurement victime de plusieurs accidents de service entre 2004 et 2012 dont il a omis de faire mention à l'expert. Si M. B... produit également une attestation d'un collègue du 4 septembre 2018 indiquant avoir été témoin de sa chute le 12 mars 2013 et l'avoir aidé à se relever, celle-ci est peu circonstanciée et a été recueillie plus de cinq ans après les faits allégués alors que l'intéressé n'avait jusqu'alors jamais fait mention de cette chute à sa hiérarchie. Elle ne permet donc pas, à elle seule, d'établir l'existence de l'accident de service dont M. B... fait état. Enfin, l'intéressé ne peut davantage se prévaloir de l'attestation du 5 janvier 2023 émanant d'un agent du service voirie-espaces vert du centre hospitalier de Douai mentionnant " avoir eu connaissance dès le 12 mars 2013 de la survenance de l'accident de M. B... " à la suite d'échanges verbaux, alors qu'il n'a pas été témoin de l'accident allégué. Par suite, le directeur des ressources humaines du centre hospitalier de Douai n'a commis aucune erreur d'appréciation en refusant de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident du 12 mars 2013. 4. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du directeur des ressources humaines du centre hospitalier de Douai du 5 février 2020 refusant de de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident du 12 mars 2013. Par suite, ses conclusions aux fins d'annulation de la décision attaquée ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, assorties d'astreinte, doivent être rejetées. Sur les frais liés à l'instance : 5. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier de Douai, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. B... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B... la somme que réclame le centre hospitalier de Douai au même titre. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : Les conclusions du centre hospitalier de Douai présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au centre hospitalier de Douai. Délibéré après l'audience publique du 14 mars 2023 à laquelle siégeaient : - Mme Anne Seulin, présidente chambre, - M. Marc Baronnet, président-assesseur, - Mme Sylvie Stefanczyk, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mars 2023. La rapporteure, Signé : S. StefanczykLa présidente de chambre, Signé : A. Seulin La greffière, Signé : A.S. Villette La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme, La greffière Anne-Sophie Villette 2 N°22DA00196
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Vu la procédure suivante : Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 26 mars 2021, et des mémoires enregistrés les 11 juin 2021 et 11 août 2022, la société Enertrag sud Artois I, représentée par Me Antoine Guiheux, demande à la cour : 1°) d'annuler l'arrêté du 1er février 2021 par lequel le préfet du Pas-de-Calais a rejeté sa demande présentée en vue d'obtenir l'autorisation unique pour le parc éolien de Capy situé sur la commune de Bancourt ; 2°) de lui délivrer l'autorisation sollicitée ; 3°) à titre subsidiaire, d'enjoindre à l'Etat de lui délivrer, sous astreinte, l'autorisation sollicitée, dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat, la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - l'arrêté est insuffisamment motivé ; - le choix de la variante d'implantation du projet, le risque de covisibiblité avec l'église de Rocquigny, l'impact du projet sur les cimetières militaires et enfin les risques de surplomb et de saturation visuelles retenus ne sont ni établis ni de nature à justifier un refus d'autorisation ; - l'étude d'impact a exposé les mesures prévues pour éviter, réduire ou compenser les impacts. Par un mémoire en défense, enregistré le 16 juin 2022, la ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête. Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés. Par une ordonnance du 28 septembre 2022, la clôture de l'instruction a été prononcée avec effet immédiat, en application des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de l'environnement ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Baes-Honoré présidente-assesseure, - les conclusions de M. Aurélien Gloux-Saliou, rapporteur public, - et les observations de Me Manon Boenec, représentant la société Enertrag sud Artois I. Considérant ce qui suit : Sur les conclusions à fin d'annulation : 1. La société Enertrag Sud Artois a déposé, le 22 décembre 2016, une demande d'autorisation unique pour l'installation de cinq aérogénérateurs et d'un poste de livraison sur le territoire de la commune de Bancourt. Elle demande à la cour d'annuler l'arrêté du 1er février 2021 par lequel le préfet du Pas-de-Calais a rejeté sa demande. En ce qui concerne l'atteinte aux paysages et monuments et à la commodité du voisinage : 2. Aux termes de l'article L. 181-3 du code de l'environnement : " I. - L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1, selon les cas (...) ". Aux termes de l'article L. 511-1 du même code : " Sont soumis aux dispositions du présent titre (...) d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, (...) soit pour la conservation des sites et des monuments (...) ". 3. Il résulte de ces dispositions que, pour statuer sur une demande d'autorisation environnementale, il appartient à l'autorité administrative de s'assurer que le projet ne méconnaît pas l'exigence de protection des paysages et de conservation des sites et monuments et ne porte pas atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants. 4. Pour rechercher si l'existence d'une atteinte à un paysage, à la conservation des sites et des monuments ou au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants est de nature à fonder un refus d'autorisation ou à fonder les prescriptions spéciales accompagnant la délivrance de cette autorisation, il appartient à l'autorité administrative d'apprécier, dans un premier temps, la qualité des paysages, sites et monuments du lieu d'implantation du projet et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette installation, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site, sur le monument ou sur le paysage. S'agissant de la qualité des paysages, sites et monuments du lieu d'implantation du projet : 5. Il résulte de l'instruction, et notamment de l'étude d'impact, que le projet en litige est localisé dans le sud du département du Pas-de-Calais, " en zone de plateau ouvert, sur le versant descendant de manière progressive vers la vallée de la Sensée ". Le plateau sur lequel se trouve le lieu d'implantation du projet est légèrement bombé et présente un caractère agricole. En outre, le territoire ne présente pas de massifs boisés d'importance. Par ailleurs, si le territoire possède un grand nombre d'éléments de patrimoine et de paysage de grand intérêt, ils restent au-delà d'un périmètre de 5 kilomètres et, pour la majorité, au-delà de 10 kilomètres. S'agissant de la forme et de l'orientation du projet : 6. Il résulte de l'instruction que l'implantation du projet, en forme de Y et suivant un axe nord-ouest/sud-est, sera différente de celle des parcs les plus proches, implantés selon une orientation nord-sud. Toutefois, et alors même que l'interdistance entre les différentes éoliennes n'est pas régulière, cette circonstance ne suffit pas à caractériser une atteinte aux paysages, tels que décrits au points précédents. S'agissant des risques de saturation visuelle et de surplomb : 7. La ministre fait valoir que dans les rayons de 10 kilomètres, de 15 kilomètres et de 20 kilomètres, et en tenant compte du parc en litige, se trouveront respectivement 36, 170 et 199 éoliennes appartenant à des parcs construits ou accordés. Elle souligne également que le projet se trouve au sein d'une zone de respiration paysagère, telle que prévue au schéma régional de l'environnement, lequel n'a cependant plus d'existence du fait de son annulation par la juridiction administrative. 8. Il résulte de l'étude d'impact, qui a analysé les phénomènes de saturation et d'enfermement, que les communes les plus touchées par le projet sont celles de Bancourt et de Villers-au-Flos, les angles complémentaires liés à l'implantation du projet étant de 85° et de 60°. Pour la commune d'Haplincourt, l'angle complémentaire sera de 40°. En tenant compte des parcs existants et des projets accordés, les communes de Riencourt-lès-Bapaume, Bancourt, Frémicourt, Beugnâtre et Beaulancourt auront des angles de respiration visuelle, sans éolienne à moins de 10 kilomètres, de 52°, 43°, 75°, 55° et 75° après intégration du projet. 9. Toutefois, en premier lieu, il résulte tant des photomontages versés au dossier que des cartes de saturation visuelle réalisées en juillet 2022 que, depuis ces mêmes villages, les éoliennes seront en réalité masquées, en grande partie, par le bâti ou par la végétation. 10. En deuxième lieu, les photomontages produits à l'instance ne montrent pas de covisibilité marquante entre le projet litigieux et d'autres parcs éoliens. 11. En troisième lieu, les photomontages versés au dossier ne sont pas davantage de nature à établir un phénomène de surplomb sur les communes de Frémicourt, Bancourt, Haplincourt, Barastre, Villers-au-Flos, Beaulancourt, Bapaume et Rocquigny. S'agissant de l'atteinte aux monuments et aux cimetières : Quant à l'église classée de Rocquigny : 12. Il résulte de l'instruction que l'église de Rocquigny, construite en béton armé et classée parmi les monuments historiques par un arrêté du 7 septembre 2001, est située à 4,5 kilomètres du projet. Si la départementale D72 est orientée vers l'église et le projet et si, depuis cette route, ainsi que depuis la départementale 10, l'église et le projet sont covisibles, les machines s'inscrivent dans un rapport d'échelle favorable au clocher. Quant à l'église de Bancourt : 13. Si le photomontage pris depuis la D930/A1 à l'est de Bapaume montre une éolienne à proximité de l'église de Bancourt qui se trouve dans un rapport d'échelle défavorable, cette église ne fait l'objet d'aucune protection particulière. Quant au cimetière de Bancourt : 14. Il résulte de l'instruction que le cimetière de Bancourt se trouve à 600 mètres de l'éolienne la plus proche et que l'ensemble des éoliennes sera nettement visible depuis le cimetière de Bancourt. Il résulte cependant de l'étude paysagère que les personnes placées dans le sens de la commémoration ne verront pas les éoliennes, situées à leur gauche. En outre, le pétitionnaire a prévu l'arrêt des éoliennes les jours de commémorations majeures. Quant au cimetière britannique au sud de Beugny : 15. Le cimetière britannique de Beugny ne fait l'objet d'aucune protection spécifique. S'il résulte de l'étude d'impact que le projet se trouve dans le sens de la commémoration, une distance de 1,6 kilomètre le sépare du cimetière. Par ailleurs, alors que d'autres parcs sont également visibles, les espaces de respiration paysagère restent suffisants. Quant au cimetière de Louverval : 16. Il résulte de l'instruction que le mémorial de Louverval fait partie des sites inscrits au projet de classement UNESCO des sites funéraires et mémoriels de la première guerre. L'éolienne la plus proche se trouve cependant à 8,2 kilomètres du projet, et le sens de la commémoration n'est pas tourné vers le projet. Quant au cimetière de Morchies : 17. Il résulte de l'étude d'impact que l'éolienne la plus proche du projet se trouve à 5,5 kilomètres du cimetière britannique de Morchies. Le projet est partiellement visible, mais compte tenu de la distance séparant le projet du cimetière, le niveau d'impact a pu être qualifié de modéré à faible. 18. Il résulte de ce qui précède que le préfet ne pouvait, sans commettre une erreur d'appréciation, estimer que le projet serait de nature à engendrer un impact sur le paysage, les monuments et la commodité du voisinage. En ce qui concerne les mesures prises pour éviter réduire ou compenser les impacts : 19. Aux termes de l'article R. 122-5 du code de l'environnement, dans sa rédaction alors applicable : " (...) II. - L'étude d'impact présente : (...) 7° Les mesures prévues par le pétitionnaire ou le maître de l'ouvrage pour : - éviter les effets négatifs notables du projet sur l'environnement ou la santé humaine et réduire les effets n'ayant pu être évités ; / - compenser, lorsque cela est possible, les effets négatifs notables du projet sur l'environnement ou la santé humaine qui n'ont pu être ni évités ni suffisamment réduits. S'il n'est pas possible de compenser ces effets, le pétitionnaire ou le maître d'ouvrage justifie cette impossibilité. (...) ". 20. En premier lieu, il résulte de l'étude d'impact que la pétitionnaire a envisagé plusieurs variantes d'implantation en tenant compte des enjeux paysagers. 21. En deuxième lieu, l'étude d'impact a compris également une rubrique consacrée aux mesures prévues pour éviter, réduire ou compenser les effets négatifs du projet sur l'environnement. Au titre de l'évitement, elle a prévu une stratégie d'implantation des éoliennes permettant l'utilisation de voies déjà existantes. Au nombre des mesures de réduction, elle a notamment prévu une mise à l'arrêt les jours de commémorations majeures et une couleur du poste de livraison adaptée au contexte paysager. 22. Dans ces conditions, et eu égard au faible impact du projet sur les paysages, ainsi qu'il a été dit, les mesures d'évitement, de réduction et de compensation étaient suffisantes pour limiter les impacts visuels. 23. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur le moyen tiré de l'insuffisante motivation de l'arrêté attaqué, que l'arrêté de refus d'autorisation du préfet du Pas-de-Calais du 1er février 2021 est entaché d'illégalité et doit donc être annulé. Sur les conclusions à fin d'injonction : 24. Lorsqu'il statue en vertu de l'article L. 514-6 du code de l'environnement, le juge administratif a le pouvoir d'autoriser la création et le fonctionnement d'une installation classée pour la protection de l'environnement en l'assortissant des conditions qu'il juge indispensables à la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 de ce code. Il a, en particulier, le pouvoir d'annuler la décision par laquelle l'autorité administrative a refusé l'autorisation sollicitée et, après avoir, si nécessaire, régularisé ou complété la procédure, d'accorder lui-même cette autorisation aux conditions qu'il fixe ou, le cas échéant, en renvoyant le bénéficiaire devant le préfet pour la fixation de ces conditions. 25. La ministre de la transition écologique ne se prévaut d'aucun autre motif de refus de l'autorisation de construire et d'exploiter les éoliennes du parc litigieux. 26. Eu égard aux motifs d'annulation retenus par le présent arrêt, il y a lieu pour la cour de faire usage de ses pouvoirs de pleine juridiction en délivrant à la société pétitionnaire l'autorisation de construire et d'exploiter le parc projeté et en la renvoyant devant le préfet du Pas-de-Calais pour fixer les conditions indispensables à la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement qui doivent assortir cette autorisation. 27. Il est donc enjoint au préfet du Pas-de-Calais de fixer ces conditions dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte. Sur les frais exposés et non compris dans les dépens : 28. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la société Enertrag sud Artois I et non compris dans les dépens. DÉCIDE : Article 1er : L'arrêté du préfet du Pas-de-Calais du 1er février 2021 est annulé. Article 2 : L'autorisation pour la construction et l'exploitation du parc éolien de Capy est accordée à la société Enertrag sud Artois I. Article 3 : L'autorisation délivrée à l'article 2 sera assortie des prescriptions indispensables à la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement qui seront fixés par le préfet du Pas-de-Calais dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt. Article 4 : L'Etat versera à la société Enertrag sud Artois I une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté. Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société Enertrag sud Artois I, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et au préfet du Pas-de-Calais. Délibéré après l'audience publique du 24 novembre 2022 à laquelle siégeaient : - M. Marc Heinis, président de chambre, - Mme Corinne Baes-Honoré, présidente-assesseure, - M. Denis Perrin, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 décembre 2022. La présidente- rapporteure, Signé: C. Baes-HonoréLe président de la 1ère chambre, Signé: M. A... La greffière, Signé: C. Sire La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme, La greffière en chef, Par délégation, La greffière, Christine Sire N°21DA00685 2
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Vu la procédure suivante : Par une requête, enregistrée le 24 février 2021, et un mémoire enregistré le 3 mars 2022, la société Parc éolien du Moulinet, représentée par Me François Versini-Campinchi, demande à la cour : 1°) d'annuler l'arrêté du 24 décembre 2020 en tant que le préfet du Pas-de-Calais a refusé de lui délivrer l'autorisation environnementale pour l'exploitation de l'éolienne E7, située sur le territoire de la commune de Ligny-lès-Aire ; 2°) de lui délivrer l'autorisation sollicitée et, en tant que de besoin, d'imposer au préfet de fixer les prescriptions applicables, dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - l'éolienne E7 n'a pas d'impact sur le château de Liettres, sur l'église de Febvin-Palfart et sur les villages avoisinants ; - il n'y a pas d'atteinte à l'avifaune. Par un mémoire en intervention enregistré le 5 mai 2021, l'association pour l'avenir de nos campagnes, la société pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France et M. et Mme B... C..., représentés par Me Monamy, s'associent aux conclusions et moyens présentés par le ministre de la transition écologique. Par un mémoire en défense, enregistré le 27 janvier 2022, la ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête. Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés. Par une ordonnance du 7 mars 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 24 mars 2022. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de l'environnement ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Baes-Honoré présidente-assesseure, - les conclusions de M. Aurélien Gloux-Saliou, rapporteur public, - et les observations de Me Jean-Baptiste Duclercq, représentant la société Parc éolien du Moulinet, et de Me Amandine Gargame, représentant l'association pour l'avenir de nos campagnes, la société pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France et M. et Mme B... C.... Une note en délibéré déposée par la société Parc éolien du Moulinet a été enregistrée le 19 décembre 2022. Considérant ce qui suit : 1. La société Parc éolien du Moulinet a présenté, le 27 octobre 2017, une demande d'autorisation environnementale afin d'exploiter un parc éolien composé de huit aérogénérateurs et un poste de livraison, situé sur le territoire des communes de Ligny-lès-Aire et de Westrehem. Par un arrêté du 24 décembre 2020, le préfet du Pas-de-Calais a refusé de délivrer l'autorisation sollicitée pour les machines E3, E7 et E8 et a autorisé le surplus de la demande. La société pétitionnaire demande à la cour d'annuler cet arrêté en tant qu'il a rejeté sa demande portant sur l'éolienne E7. Sur l'intervention de l'association pour l'avenir de nos campagnes, de la société pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France et de M. et Mme B... C... : 2. L'association pour l'avenir de nos campagnes a notamment pour objet statutaire la défense de l'environnement, des paysages, de la biodiversité et la lutte contre la prolifération des aérogénérateurs dans les Hauts-de-France. La société pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France a notamment pour objet statutaire d'empêcher que les sites naturels ou urbains qui font la beauté du visage de la France ne soient dégradés ou détruits par des constructions. Elles ont ainsi intérêt au maintien partiel de l'arrêté. Par suite, leur intervention en défense doit être admise. 3. M. et Mme B... C... soutiennent qu'ils sont propriétaires d'une maison située à 1 311 mètres de l'aérogénérateur en litige. Ils font valoir qu'elle sera visible de chez eux. Compte tenu des inconvénients que le projet est susceptible de présenter pour eux, M. et Mme C... justifient d'un intérêt suffisant leur donnant qualité pour intervenir au soutien des conclusions de la ministre. Ainsi, leur intervention doit être admise. Sur les conclusions à fin d'annulation : 4. Aux termes de l'article L. 181-3 du code de l'environnement : " I. - L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1, selon les cas (...) ". Aux termes de l'article L. 511-1 du même code : " Sont soumis aux dispositions du présent titre (...) d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, (...) soit pour la conservation des sites et des monuments (...) ". 5. Il résulte de ces dispositions que, pour statuer sur une demande d'autorisation environnementale, il appartient à l'autorité administrative de s'assurer que le projet ne méconnaît pas l'exigence de protection des paysages et de conservation des sites et monuments et ne porte pas atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants. Pour rechercher si l'existence d'une atteinte à un paysage, à la conservation des sites et des monuments ou au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants est de nature à fonder un refus d'autorisation ou à fonder les prescriptions spéciales accompagnant la délivrance de cette autorisation, il appartient à l'autorité administrative d'apprécier, dans un premier temps, la qualité des paysages, sites et monuments du lieu d'implantation du projet et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette installation, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site, sur le monument ou sur le paysage. 6. Il résulte de l'instruction et notamment de l'étude d'impact que le projet en litige se trouve en interface directe de plusieurs entités paysagères, soit les paysages du pays d'Aire à l'est, les paysages des hauts plateaux artésiens à l'ouest et les paysages du Ternois, du bassin minier et des belvédères artésiens au sud. Le parc s'implante sur un plateau majoritairement constitué de terres agricoles avec également la présence de prairies, de zones urbanisées et de petites zones boisées. En ce qui concerne l'atteinte au château de Liettres : 7. Il résulte du volet paysager de l'étude d'impact que le château de Liettres, classé monument historique, est situé à 4,5 kilomètres du projet du Moulinet et qu'il est ceinturé de boisements. Si le projet se positionne dans le cône de vue du château, l'exploitant a complété son dossier avec une étude plus fine des vues du château sur le projet. Il en résulte qu'il n'y a pas de vues sur le projet depuis la terrasse, mais que des vues partielles sur le projet apparaissent depuis la fenêtre située en haut du donjon sud-ouest du château. Dans son avis du 23 octobre 2019, la mission régionale d'autorité environnementale de la région Hauts de France a émis l'avis que " l'impact est minime depuis le château ". Dans ces conditions, la seule éolienne E7 n'est pas de nature à porter une atteinte au château de Liettres. En ce qui concerne l'atteinte à l'église de Febvin-Palfart : 8. Il résulte de l'instruction que le projet se trouve à 1,1 kilomètre de l'église de Febvin-Palfart, inscrite aux monuments historiques. Selon la description du volet paysager, elle se trouve blottie au sein de l'urbanisation, une vue partielle sur le site étant possible depuis la rue de l'église, et des vues ponctuelles sur le clocher depuis les environs de la commune. Il résulte du photomontage 3.1 que l'éolienne E7 n'est pas visible au pied de l'église. Aucune covisibilité n'apparaît à la sortie ouest de Febvin-Palfart et la seule covisiblité depuis l'entrée sud du village, apparaissant sur le photomontage 4.2, reste limitée. Si les pales de l'éolienne sont plus hautes que le clocher de l'église, il n'en résulte aucun effet de surplomb. Dans ces conditions, le préfet ne pouvait pas rejeter la demande en raison de l'atteinte à ce monument. En ce qui concerne l'atteinte aux villages avoisinants : 9. Il ne résulte pas des photomontages 3 et 4 que l'éolienne E7 serait particulièrement prégnante depuis le centre du village de Febvin-Palfart. La prégnance de cette éolienne n'est pas davantage établie depuis la frange de Ligny-lès-Aire. Si le photomontage 1.1 atteste qu'après les éoliennes E3 et E8 refusées par l'arrêté en litige, l'éolienne E7 est la plus proche de l'entrée nord-ouest du village de Westrehem, l'impact constaté reste limité et n'est pas suffisant pour justifier le refus opposé. En ce qui concerne l'atteinte à l'avifaune : 10. Il résulte des motifs de l'arrêté contesté que le préfet a limité le projet à cinq éoliennes afin de réduire tant l'obstacle aux déplacements de l'avifaune ainsi constitué que l'impact cumulé des huit éoliennes initialement prévues avec celui du parc en fonctionnement de la Carnoye. 11. Toutefois, l'étude d'impact a relevé que " La zone d'implantation du projet et sa périphérie sont survolées par une migration diffuse sur un large front à flux très faible. Aucun axe majeur de migration n'a été observé. L'attractivité du site en tant que zone de halte pour les migrateurs apparaît limitée. Les effectifs comptabilisés restent faibles et les stationnements relevés ne sont pas remarquables " et le ministre n'a apporté dans ses écritures aucun élément de nature à établir les risques pour l'avifaune. 12. Dans ces conditions, le préfet ne pouvait rejeter la demande pour les motifs énoncés au point 10. 13. Il résulte de tout ce qui précède que, aucun des motifs de refus du préfet n'étant fondé, l'arrêté du préfet du Pas-de-Calais du 24 décembre 2020 doit être annulé en tant qu'il a refusé la délivrance de l'autorisation pour l'éolienne E7. Sur les conclusions à fin d'injonction : 14. Par un arrêt n° 21DA00885 du 5 janvier 2023, la cour a sursis à statuer sur la requête tendant à l'annulation de l'arrêté en litige en tant qu'il a délivré l'autorisation pour cinq éoliennes du projet, jusqu'à l'expiration d'un délai de deux mois à compter de la notification de son arrêt. 15. Dans ces conditions, il y a seulement lieu d'enjoindre au préfet du Pas-de-Calais de procéder au réexamen de la demande de la société Parc éolien du Moulinet portant sur l'éolienne E7, dans le même délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir. Sur les frais exposés et non compris dans les dépens : 16. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'Etat, une somme réclamée au titre des frais exposés par la société Parc éolien du Moulinet et non compris dans les dépens. DÉCIDE : Article 1er : L'intervention de l'association pour l'avenir de nos campagnes, la société pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France et M. et Mme B... C... est admise. Article 2 : L'arrêté du préfet du Pas-de-Calais du 24 décembre 2020 est annulé en tant qu'il a refusé de délivrer l'autorisation d'exploiter l'éolienne E7. Article 3 : Il est enjoint au préfet du Pas-de Calais de procéder au réexamen de la demande d'autorisation environnementale portant sur l'éolienne E7, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Parc éolien du Moulinet, au ministre de la transition écologique et de la transition des territoires, au préfet de la région Hauts-de-France, au préfet du Pas-de-Calais, à M. et Mme B... C..., qui ont été désignés à cette fin dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 751-3 du code de justice administrative. Délibéré après l'audience publique du 8 décembre 2022 à laquelle siégeaient : - M. Marc Heinis, président de chambre, - Mme Corinne Baes-Honoré, présidente-assesseure, - M. Stéphane Eustache, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 janvier 2023. La présidente-rapporteure, Signé : C. Baes-HonoréLe président de la 1ère chambre, Signé : M. A... La greffière, Signé : C. Sire La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme, La greffière en chef, Par délégation, La greffière, Christine Sire N° 21DA00443 2
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Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Par un arrêt du 19 décembre 2019, la cour administrative d'appel de Douai, saisie par le service départemental d'incendie et de secours (SDIS) du Nord, a annulé l'ordonnance du tribunal administratif de Lille du 30 octobre 2018 et a renvoyé l'affaire au tribunal pour qu'il soit statué sur la requête présentée par le SDIS du Nord. Cette affaire a été enregistrée sous le n° 1910993. Par une requête et des mémoires, enregistrés les 19 octobre 2018, 24 décembre 2019, 24 janvier 2020 et 25 février 2021, le service départemental d'incendie et de secours (SDIS) du Nord a demandé au tribunal administratif de Lille, à titre principal, de condamner le centre hospitalier de Valenciennes à lui verser la somme de 80 964 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis en raison des interventions réalisées pour le compte de ce centre hospitalier au cours du mois de mai 2018, à titre subsidiaire, d'ordonner une mesure d'expertise afin de déterminer le montant de ses préjudices et, enfin, de mettre à la charge du centre hospitalier de Valenciennes la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un jugement n° 1910993 du 22 décembre 2021, le tribunal administratif de Lille a rejeté la requête présentée par le SDIS du Nord, a rejeté le surplus des conclusions des parties et a mis à la charge du SDIS du Nord la somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Procédure devant la cour : Par une requête et des mémoires, enregistrés les 14 février, 7 octobre et 22 novembre 2022, le SDIS du Nord, représenté par la SCP Manuel Gros Héloïse Hicter et associés, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) à titre principal, de condamner le centre hospitalier de Valenciennes à lui verser la somme de 80 964 euros en réparation du préjudice qu'il a subi, assortie des intérêts de droit ; 3°) à titre subsidiaire, de désigner, au titre des mesures d'instruction, un expert afin d'établir le coût moyen réel d'une intervention du SDIS dans le cadre du service public hospitalier, ou la fraction de la dotation de financement des missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation (MIGAC) dont a bénéficié le centre hospitalier de Valenciennes pour l'aide médicale d'urgence et les transports qu'il n'a pas effectués en mobilisant les moyens du SDIS ; 4°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Valenciennes la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - lorsque le SDIS est sollicité par une structure mobile d'urgence et de réanimation (SMUR) pour assurer les transports de jonction médicalisés grâce à son véhicule de secours et d'assistance aux victimes (VSAV), il intervient en dehors de ses missions propres prévues par l'article L. 1424-2 du code général des collectivités territoriales, en particulier lorsqu'un médecin de la SMUR est présent dans son VSAV ; - ces interventions doivent dès lors donner lieu à indemnisation de la part du centre hospitalier de Valenciennes, sur le fondement du régime du collaborateur occasionnel du service public ou de l'enrichissement sans cause. Par un mémoire distinct, enregistré le 28 février 2022, le SDIS du Nord, représenté par la SCP Manuel Gros Héloïse Hicter et associés, a demandé à la cour, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et à l'appui de sa requête enregistrée le 14 février 2022, de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article L. 1424-2 du code général des collectivités territoriales dans sa version, à titre principal, issue de la loi n° 96-369 du 3 mai 1996 ou, à titre subsidiaire, dans sa version issue de la loi n° 2021-1520 du 25 novembre 2021. Par une ordonnance du 14 avril 2022, la présidente de la 2ème chambre de la cour administrative d'appel de Douai a jugé que les questions soulevées ne présentaient pas un caractère sérieux et qu'il n'y avait donc pas lieu de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité relative à l'interprétation jurisprudentielle qu'il a donnée des dispositions de l'article L. 1424-2 du code général des collectivités territoriales. Par des mémoires en défense, enregistrés les 29 septembre et 16 novembre 2022, le centre hospitalier de Valenciennes, représenté par Me Omar Yahia, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge du SDIS du Nord une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - à titre principal, les transports de jonction litigieux constituent des évacuations prolongeant les missions de secours du SDIS du Nord et doivent donc être à sa charge financière ; - à titre subsidiaire, une convention aurait dû être conclue pour la prise en charge des frais d'intervention ; - en tout état de cause, la somme demandée est disproportionnée. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code général des collectivités territoriales ; - le code de la sécurité intérieure ; - le code de la santé publique ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Anne Seulin, présidente de chambre, - les conclusions de M. Guillaume Toutias, rapporteur public, - et les observations de Me Manuel Gros, représentant le SDIS du Nord et de Me Anne Florence Faurre substituant Me Omar Yahia, représentant le centre hospitalier de Valenciennes. Considérant ce qui suit : 1. Par une délibération du 27 juin 2017, le conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours (SDIS) du Nord a approuvé la tarification de chaque transfert médicalisé réalisé par le moyen d'un véhicule de secours et d'assistance aux victimes (VSAV) suite à la demande de la structure médicale d'urgence et de réanimation (SMUR) sur place et/ou du centre de réception et de régulation des appels (" centre 15 ") du service d'aide médicale urgente (SAMU), vers un établissement de santé. Sur le fondement de cette délibération, le SDIS du Nord a demandé, par un courrier du 26 juillet 2018, au centre hospitalier de Valenciennes de l'indemniser du préjudice subi en raison des interventions réalisées au cours du mois de mai 2018 à la demande du " centre 15 " du SAMU rattaché au centre hospitalier de Valenciennes, en lui versant la somme de 80 964 euros. Le centre hospitalier de Valenciennes a implicitement rejeté cette demande le 26 septembre 2018. 2. Le SDIS du Nord fait appel du jugement du 22 décembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la condamnation du centre hospitalier de Valenciennes à l'indemniser du préjudice financier subi en raison de ces interventions. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 3. D'une part, aux termes de l'article L. 1424-2 du code général des collectivités territoriales : " Les services d'incendie et de secours (...) concourent, avec les autres services et professionnels concernés, (...) aux secours d'urgence. / Dans le cadre de leurs compétences, ils exercent les missions suivantes : (...) / 4° Les secours d'urgence aux personnes victimes d'accidents, de sinistres ou de catastrophes ainsi que leur évacuation ". L'article L. 742-11 du code de la sécurité intérieure prévoit que : " Les dépenses directement imputables aux opérations de secours au sens des dispositions de l'article L. 1424-2 du code général des collectivités territoriales sont prises en charge par le service départemental d'incendie et de secours. (...) ". L'article L. 1424-42 du code général des collectivités territoriales dispose que : " Le service départemental d'incendie et de secours n'est tenu de procéder qu'aux seules interventions qui se rattachent directement à ses missions de service public définies à l'article L. 1424-2. / S'il a procédé à des interventions ne se rattachant pas directement à l'exercice de ses missions, il peut demander aux personnes bénéficiaires une participation aux frais, dans les conditions déterminées par délibération du conseil d'administration. / Les interventions effectuées par les services d'incendie et de secours à la demande de la régulation médicale du centre 15, lorsque celle-ci constate le défaut de disponibilité des transporteurs sanitaires privés, et qui ne relèvent pas de l'article L. 1424-2, font l'objet d'une prise en charge financière par les établissements de santé, sièges des services d'aide médicale d'urgence. / Les conditions de cette prise en charge sont fixées par une convention entre le service départemental d'incendie et de secours et l'hôpital siège du service d'aide médicale d'urgence, selon des modalités fixées par arrêté conjoint du ministre de l'intérieur et du ministre chargé de la sécurité sociale (...) ". 4. D'autre part, aux termes de l'article L. 6311-1 du code de la santé publique : " L'aide médicale urgente a pour objet, en relation notamment avec les dispositifs communaux et départementaux d'organisation des secours, de faire assurer aux malades, blessés et parturientes, en quelque endroit qu'ils se trouvent, les soins d'urgence appropriés à leur état " et l'article L. 6311-2 du même code prévoit que : " (...) Un centre de réception et de régulation des appels est installé dans les services d'aide médicale urgente (...) ". L'article R. 6311-1 de ce code précise que : " Les services d'aide médicale urgente ont pour mission de répondre par des moyens exclusivement médicaux aux situations d'urgence. / Lorsqu'une situation d'urgence nécessite la mise en œuvre conjointe de moyens médicaux et de moyens de sauvetage, les services d'aide médicale urgente joignent leurs moyens à ceux qui sont mis en œuvre par les services d'incendie et de secours " et l'article R. 6311-2 que : " Pour l'application de l'article R. 6311-1, les services d'aide médicale urgente : / (...) 2° Déterminent et déclenchent, dans le délai le plus rapide, la réponse la mieux adaptée à la nature des appels ; / (...) 4° Organisent, le cas échéant, le transport dans un établissement public ou privé en faisant appel à un service public ou à une entreprise privée de transports sanitaires (...) ". L'article D. 6124-12 de ce code permet aux SDIS de mettre des équipages et véhicules à disposition d'une SMUR dans le cadre, qui régit alors cette mise à disposition, d'une convention avec l'établissement de santé autorisé à disposer d'une telle structure. Il résulte aussi de l'article R. 6312-15 du même code que ces services, indépendamment de la conclusion d'une telle convention, peuvent être amenés à intervenir pour effectuer des transports sanitaires d'urgence faute de moyens de transport sanitaire. 5. Enfin, le paragraphe II.B.1 du titre I du référentiel commun du 25 juin 2008 relatif à l'organisation du secours à personne et de l'aide médicale urgente, annexé à l'arrêté de la ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales et de la ministre de la santé et des sports du 24 avril 2009, prévoit, pour renforcer la coordination des services publics de façon à apporter la réponse la plus adaptée aux situations d'urgence, d'une part, que tous les appels pour secours et soins d'urgence font l'objet de la régulation médicale par le SAMU et, d'autre part, que dans les situations de " départ réflexe ", correspondant notamment à l'urgence vitale identifiée à l'appel et aux interventions sur la voie publique ou dans les lieux publics, l'engagement des moyens des SDIS en vue de secours d'urgence précède la régulation médicale, laquelle se fait alors dans les meilleurs délais. En vertu de la circulaire interministérielle du 5 juin 2015 relative à l'application de l'arrêté du 24 avril 2009 relatif à la mise en œuvre du référentiel portant sur l'organisation du secours à personne et de l'aide médicale urgente : " En cas de départ réflexe des moyens du SIS, la régulation médicale par le SAMU intervient dans les meilleurs délais après le déclenchement des moyens du SIS afin de s'assurer de la pertinence des moyens déjà engagés (compétence mobilisée et vecteur utilisé) et de les compléter le cas échéant ". 6. Il résulte de l'ensemble de ces dispositions que les SDIS ne doivent supporter la charge que des interventions qui se rattachent directement aux missions de service public définies à l'article L. 1424-2 du code général des collectivités territoriales. Figurent au nombre de ces missions celles qui relèvent des secours d'urgence aux personnes victimes d'accidents, de sinistres ou de catastrophes, y compris l'évacuation de ces personnes vers un établissement de santé. 7. Il ressort des termes mêmes du deuxième alinéa de l'article L. 1424-42 du code général des collectivités territoriales que ces dispositions ne concernent pas les interventions des SDIS à la demande du " centre 15 " et régissent exclusivement les interventions des SDIS à la demande de particuliers, en dehors des situations de secours d'urgence aux personnes relevant du 4° de l'article L. 1424-2 du même code. De même, les troisième et quatrième alinéas de l'article L. 1424-42 s'appliquent lorsque le SDIS intervient en dehors de situation de secours d'urgence aux personnes, à la demande du " centre 15 " de régulation médicale qui souhaite envoyer un moyen de transport pour répondre à une situation médicalement justifiée tout en constatant le défaut de disponibilité des transporteurs sanitaires privés. Dans un tel cas, les interventions effectuées par le SDIS font l'objet d'une prise en charge financière par les établissements publics de santé, siège des SAMU, par voie conventionnelle. Les troisième et quatrième alinéas de cet article régissent ainsi l'ensemble des conditions de prise en charge financière, par les établissements de santé, des interventions du SDIS à la demande du " centre 15 ", lorsque ces interventions ne sont pas au nombre des missions de service public définies à l'article L. 1424-2 du même code. Cette prise en charge financière par voie conventionnelle est, par définition, différente de celle visée par l'article D. 6124-12 du code de la santé publique qui prévoit que le SDIS peut mettre à la disposition de la SMUR rattachée à un établissement de santé disposant d'un SAMU, certains de ses moyens, par voie de convention. Il suit de là qu'aucune disposition de l'article L.1424-42 du code général des collectivités territoriales n'autorise un SDIS à facturer unilatéralement une prise en charge financière à un établissement public de santé abritant un SAMU. 8. Par ailleurs, lorsque le SDIS, après avoir engagé ses moyens dans une situation de " départ réflexe ", laquelle relève de ses missions de service public au titre du 4° de l'article L. 1424-2 du code général des collectivités territoriales, procède à l'évacuation de la personne secourue vers un établissement de santé, il lui incombe d'assumer la charge financière de ce transport qui doit être regardé, en vertu des mêmes dispositions, quelle que soit la gravité de l'état de la personne secourue, comme le prolongement des missions de secours d'urgence aux accidentés ou blessés qui lui sont dévolues. La circonstance que la SMUR soit également intervenue sur décision du médecin coordonnateur du " centre 15 " pour assurer, au titre de ses missions propres, la prise en charge médicale urgente de la personne, est sans incidence sur les obligations légales du SDIS, parmi lesquelles figure celle d'assurer l'évacuation de la personne qu'il a secourue vers un établissement de santé. 9. Il résulte de ce qui vient d'être dit que le conseil d'administration du SDIS du Nord ne pouvait légalement, par sa délibération du 27 juin 2017, décider de facturer unilatéralement, sur la base d'un forfait de 346 euros, les transports " de jonction " médicalisés à la demande de la SMUR sur place et/ou de la coordination médicale, réalisés au moyen de son VSAV vers l'établissement de santé désigné par le médecin coordinateur du " centre 15 " et qu'il lui incombe d'assumer la charge financière de ces interventions. Dès lors, le SDIS du Nord ne peut se prévaloir d'aucun préjudice financier résultant de la prise en charge de ces transports médicalisés au moyen de son VSAV. 10. De même, les évacuations réalisées par le SDIS du Nord relevant des missions qui lui sont imparties par le 4° de l'article L. 1424-2 du code général des collectivités territoriales, la charge financière qu'il supporte du fait de ces interventions résulte d'une obligation légale et ne saurait donc donner lieu à indemnisation sur le fondement de l'enrichissement sans cause. Pour les mêmes raisons ne peut-il être regardé à l'occasion de ces évacuations, comme un collaborateur occasionnel du service public dès lors qu'il ne fait qu'exercer les missions qui lui sont légalement dévolues par la loi. 11. Il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la demande d'expertise, que le SDIS du Nord n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Sur les frais liés à l'instance : 12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que le centre hospitalier de Valenciennes, qui n'a pas la qualité de partie perdante à l'instance, verse au SDIS du Nord la somme que celui-ci réclame à ce titre. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner le SDIS du Nord à verser au centre hospitalier de Valenciennes la somme réclamée au même titre. DÉCIDE : Article 1er : La requête du service départemental d'incendie et de secours du Nord est rejetée. Article 2 : Les conclusions du centre hospitalier de Valenciennes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au service départemental d'incendie et de secours du Nord et au centre hospitalier de Valenciennes. Copie sera adressée au préfet du Nord. Délibéré après l'audience du 14 mars 2023 à laquelle siégeaient : - Mme Anne Seulin, présidente de chambre, - M. Marc Baronnet, président-assesseur, - M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mars 2023. Le président-assesseur, Signé : M. A...La présidente de chambre Signé : A. Seulin La greffière, Signé : A.S. Villette La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention et au préfet du Nord en ce qui les concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme, La greffière Anne-Sophie Villette 2 N°22DA00305
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Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Par un arrêt du 19 décembre 2019, la cour administrative d'appel de Douai, saisie par le service départemental d'incendie et de secours (SDIS) du Nord, a annulé l'ordonnance du tribunal administratif de Lille du 30 octobre 2018 et a renvoyé l'affaire au tribunal pour qu'il soit statué sur la requête présentée par le SDIS du Nord. Cette affaire a été enregistrée sous le n° 1910987. Par une requête et des mémoires, enregistrés les 18 octobre 2018, 24 décembre 2019, 24 janvier 2020, 19 novembre 2020 et 25 février 2021, le service départemental d'incendie et de secours (SDIS) du Nord a demandé au tribunal administratif de Lille, dans le dernier état de ses écritures, à titre principal, de condamner le centre hospitalier de Fourmies à lui verser la somme de 16 954 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis en raison des interventions réalisées, pour le compte de ce centre hospitalier, au cours du mois de mai 2018, à titre subsidiaire, d'ordonner une mesure d'expertise afin de déterminer le montant de ses préjudices et, enfin, de mettre à la charge du centre hospitalier de Fourmies la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un jugement n° 1910987 du 22 décembre 2021, le tribunal administratif de Lille a rejeté la demande présentée par le SDIS du Nord et a mis à la charge du SDIS du Nord la somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 14 février 2022, le SDIS du Nord, représenté par la SCP Manuel Gros Héloïse Hicter et associés, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) à titre principal, de condamner le centre hospitalier de Fourmies à lui verser la somme de 16 954 euros en réparation du préjudice qu'il a subi, assortie des intérêts de droit ; 3°) à titre subsidiaire, de désigner, au titre des mesures d'instruction, un expert afin d'établir le coût moyen réel d'une intervention du SDIS dans le cadre du service public hospitalier, ou la fraction de la dotation de financement des missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation (MIGAC) dont a bénéficié le centre hospitalier de Fourmies pour l'aide médicale d'urgence et les transports qu'il n'a pas effectués en mobilisant les moyens du SDIS ; 4°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Fourmies la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - lorsque le SDIS est sollicité par une structure mobile d'urgence et de réanimation (SMUR) pour assurer les transports de jonction médicalisés grâce à son véhicule de secours et d'assistance aux victimes (VSAV), il intervient en dehors de ses missions propres prévues par l'article L. 1424-2 du code général des collectivités territoriales, en particulier lorsqu'un médecin de la SMUR est présent dans son VSAV ; - ces interventions doivent dès lors donner lieu à indemnisation de la part du centre hospitalier de Fourmies, sur le fondement du régime du collaborateur occasionnel du service public ou de l'enrichissement sans cause ; - l'article L. 1424-2 du code général des collectivités territoriales, à titre principal dans sa version issue de la loi n° 96-369 du 3 mai 1996 ou, à titre subsidiaire dans sa version issue de la loi n° 2021-1520 du 25 novembre 2021, tel qu'interprété par le Conseil d'Etat, méconnaît l'article 72 de la Constitution relatif au principe de libre administration des collectivités territoriales et l'article 72-2 de la Constitution relatif au principe de compensation de tout transfert de compétences entre l'Etat et les collectivités territoriales. Par un mémoire en défense, enregistré le 5 décembre 2022, le centre hospitalier de Fourmies, représenté par Me Omar Yahia, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge du SDIS du Nord une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - à titre principal, les transports de jonction litigieux constituent des évacuations prolongeant les missions de secours du SDIS et doivent donc être à sa charge financière ; - à titre subsidiaire, une convention aurait dû être conclue pour la prise en charge des frais d'intervention ; - en tout état de cause, la somme demandée est disproportionnée. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code général des collectivités territoriales ; - le code de la sécurité intérieure ; - le code de la santé publique ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Anne Seulin, présidente de chambre, - les conclusions de M. Guillaume Toutias, rapporteur public, - et les observations de Me Manuel Gros, représentant le SDIS du Nord et de Me Anne Florence Faurre substituant Me Omar Yahia, représentant le centre hospitalier de Fourmies. Considérant ce qui suit : 1. Par une délibération du 27 juin 2017, le conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours (SDIS) du Nord a approuvé la tarification de chaque transfert médicalisé réalisé par le moyen d'un véhicule de secours et d'assistance aux victimes (VSAV) suite à la demande de la structure médicale d'urgence et de réanimation (SMUR) sur place et/ou du centre de réception et de régulation des appels (" centre 15 ") du service d'aide médicale urgente (SAMU), vers un établissement de santé. Sur le fondement de cette délibération, le SDIS du Nord demande que le coût unitaire des interventions litigieuses soit calculé conformément à la délibération du 27 juin 2017 de son conseil d'administration, soit 346 euros, et demande la condamnation du centre hospitalier de Fourmies à lui verser la somme de 16 954 euros au titre du préjudice subi en raison des interventions réalisées au cours du mois de mai 2018 à la demande du centre de réception et de régulation des appels (" centre 15 ") du SAMU rattaché au centre hospitalier de Fourmies. 2. Le SDIS du Nord fait appel du jugement du 22 décembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Sur la question prioritaire de constitutionnalité : 3. Aux termes de l'article R.*771-3 du code de justice administrative : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est soulevé, conformément aux dispositions de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, à peine d'irrecevabilité, dans un mémoire distinct et motivé. Ce mémoire, ainsi que, le cas échéant, l'enveloppe qui le contient, portent la mention : " question prioritaire de constitutionnalité " ". L'article R.*771-4 du même code dispose : " L'irrecevabilité tirée du défaut de présentation, dans un mémoire distinct et motivé, du moyen visé à l'article précédent peut être opposée sans qu'il soit fait application des articles R. 611-7 et R. 612-1 ". Le SDIS du Nord n'a pas présenté dans un mémoire distinct le moyen tiré de ce que les dispositions de l'article L. 1424-2 du code général des collectivités territoriales portent atteinte à certains droits et libertés garantis par la Constitution. Ce moyen n'est, par suite, pas recevable et doit être écarté. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 4. D'une part, aux termes de l'article L. 1424-2 du code général des collectivités territoriales : " Les services d'incendie et de secours (...) concourent, avec les autres services et professionnels concernés, (...) aux secours d'urgence. / Dans le cadre de leurs compétences, ils exercent les missions suivantes : (...) / 4° Les secours d'urgence aux personnes victimes d'accidents, de sinistres ou de catastrophes ainsi que leur évacuation ". L'article L. 742-11 du code de la sécurité intérieure prévoit que : " Les dépenses directement imputables aux opérations de secours au sens des dispositions de l'article L. 1424-2 du code général des collectivités territoriales sont prises en charge par le service départemental d'incendie et de secours. (...) ". L'article L. 1424-42 du code général des collectivités territoriales dispose que : " Le service départemental d'incendie et de secours n'est tenu de procéder qu'aux seules interventions qui se rattachent directement à ses missions de service public définies à l'article L. 1424-2. / S'il a procédé à des interventions ne se rattachant pas directement à l'exercice de ses missions, il peut demander aux personnes bénéficiaires une participation aux frais, dans les conditions déterminées par délibération du conseil d'administration. / Les interventions effectuées par les services d'incendie et de secours à la demande de la régulation médicale du centre 15, lorsque celle-ci constate le défaut de disponibilité des transporteurs sanitaires privés, et qui ne relèvent pas de l'article L. 1424-2, font l'objet d'une prise en charge financière par les établissements de santé, sièges des services d'aide médicale d'urgence. / Les conditions de cette prise en charge sont fixées par une convention entre le service départemental d'incendie et de secours et l'hôpital siège du service d'aide médicale d'urgence, selon des modalités fixées par arrêté conjoint du ministre de l'intérieur et du ministre chargé de la sécurité sociale (...) ". 5. D'autre part, aux termes de l'article L. 6311-1 du code de la santé publique : " L'aide médicale urgente a pour objet, en relation notamment avec les dispositifs communaux et départementaux d'organisation des secours, de faire assurer aux malades, blessés et parturientes, en quelque endroit qu'ils se trouvent, les soins d'urgence appropriés à leur état " et l'article L. 6311-2 du même code prévoit que : " (...) Un centre de réception et de régulation des appels est installé dans les services d'aide médicale urgente (...) ". L'article R. 6311-1 de ce code précise que : " Les services d'aide médicale urgente ont pour mission de répondre par des moyens exclusivement médicaux aux situations d'urgence. / Lorsqu'une situation d'urgence nécessite la mise en œuvre conjointe de moyens médicaux et de moyens de sauvetage, les services d'aide médicale urgente joignent leurs moyens à ceux qui sont mis en œuvre par les services d'incendie et de secours " et l'article R. 6311-2 que : " Pour l'application de l'article R. 6311-1, les services d'aide médicale urgente : / (...) 2° Déterminent et déclenchent, dans le délai le plus rapide, la réponse la mieux adaptée à la nature des appels ; / (...) 4° Organisent, le cas échéant, le transport dans un établissement public ou privé en faisant appel à un service public ou à une entreprise privée de transports sanitaires (...) ". L'article D. 6124-12 de ce code permet aux SDIS de mettre des équipages et véhicules à disposition d'une SMUR dans le cadre, qui régit alors cette mise à disposition, d'une convention avec l'établissement de santé autorisé à disposer d'une telle structure. Il résulte aussi de l'article R. 6312-15 du même code que ces services, indépendamment de la conclusion d'une telle convention, peuvent être amenés à intervenir pour effectuer des transports sanitaires d'urgence faute de moyens de transport sanitaire. 6. Enfin, le paragraphe II.B.1 du titre I du référentiel commun du 25 juin 2008 relatif à l'organisation du secours à personne et de l'aide médicale urgente, annexé à l'arrêté de la ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales et de la ministre de la santé et des sports du 24 avril 2009, prévoit, pour renforcer la coordination des services publics de façon à apporter la réponse la plus adaptée aux situations d'urgence, d'une part, que tous les appels pour secours et soins d'urgence font l'objet de la régulation médicale par le SAMU et, d'autre part, que dans les situations de " départ réflexe ", correspondant notamment à l'urgence vitale identifiée à l'appel et aux interventions sur la voie publique ou dans les lieux publics, l'engagement des moyens des SDIS en vue de secours d'urgence précède la régulation médicale, laquelle se fait alors dans les meilleurs délais. En vertu de la circulaire interministérielle du 5 juin 2015 relative à l'application de l'arrêté du 24 avril 2009 relatif à la mise en œuvre du référentiel portant sur l'organisation du secours à personne et de l'aide médicale urgente : " En cas de départ réflexe des moyens du SIS, la régulation médicale par le SAMU intervient dans les meilleurs délais après le déclenchement des moyens du SIS afin de s'assurer de la pertinence des moyens déjà engagés (compétence mobilisée et vecteur utilisé) et de les compléter le cas échéant ". 7. Il résulte de l'ensemble de ces dispositions que les SDIS ne doivent supporter la charge que des interventions qui se rattachent directement aux missions de service public définies à l'article L. 1424-2 du code général des collectivités territoriales. Figurent au nombre de ces missions celles qui relèvent des secours d'urgence aux personnes victimes d'accidents, de sinistres ou de catastrophes, y compris l'évacuation de ces personnes vers un établissement de santé. 8. Il ressort des termes mêmes du deuxième alinéa de l'article L. 1424-42 du code général des collectivités territoriales que ces dispositions ne concernent pas les interventions des SDIS à la demande du " centre 15 " et régissent exclusivement les interventions des SDIS à la demande de particuliers, en dehors des situations de secours d'urgence aux personnes relevant du 4° de l'article L. 1424-2 du même code. De même, les troisième et quatrième alinéas de l'article L. 1424-42 s'appliquent lorsque le SDIS intervient en dehors de situation de secours d'urgence aux personnes, à la demande du " centre 15 " de régulation médicale qui souhaite envoyer un moyen de transport pour répondre à une situation médicalement justifiée tout en constatant le défaut de disponibilité des transporteurs sanitaires privés. Dans un tel cas, les interventions effectuées par le SDIS font l'objet d'une prise en charge financière par les établissements publics de santé, siège des SAMU, par voie conventionnelle. Les troisième et quatrième alinéas de cet article régissent ainsi l'ensemble des conditions de prise en charge financière, par les établissements de santé, des interventions du SDIS à la demande du " centre 15 ", lorsque ces interventions ne sont pas au nombre des missions de service public définies à l'article L. 1424-2 du même code. Cette prise en charge financière par voie conventionnelle est, par définition, différente de celle visée par l'article D. 6124-12 du code de la santé publique qui prévoit que le SDIS peut mettre à la disposition de la SMUR rattachée à un établissement de santé disposant d'un SAMU, certains de ses moyens, par voie de convention. Il suit de là qu'aucune disposition de l'article L.1424-42 du code général des collectivités territoriales n'autorise un SDIS à facturer unilatéralement une prise en charge financière à un établissement public de santé abritant un SAMU. 9. Par ailleurs, lorsque le SDIS, après avoir engagé ses moyens dans une situation de " départ réflexe ", laquelle relève de ses missions de service public au titre du 4° de l'article L. 1424-2 du code général des collectivités territoriales, procède à l'évacuation de la personne secourue vers un établissement de santé, il lui incombe d'assumer la charge financière de ce transport qui doit être regardé, en vertu des mêmes dispositions, quelle que soit la gravité de l'état de la personne secourue, comme le prolongement des missions de secours d'urgence aux accidentés ou blessés qui lui sont dévolues. La circonstance que la SMUR soit également intervenue sur décision du médecin coordonnateur du " centre 15 " pour assurer, au titre de ses missions propres, la prise en charge médicale urgente de la personne, est sans incidence sur les obligations légales du SDIS, parmi lesquelles figure celle d'assurer l'évacuation de la personne qu'il a secourue vers un établissement de santé. 10. Il résulte de ce qui vient d'être dit que le conseil d'administration du SDIS du Nord ne pouvait légalement, par sa délibération du 27 juin 2017, facturer unilatéralement aux centres hospitaliers abritant un SAMU, sur la base d'un forfait de 346 euros, les transports " de jonction " médicalisés à la demande de la SMUR sur place et/ou de la coordination médicale, réalisés au moyen de son VSAV vers l'établissement de santé désigné par le médecin coordinateur du " centre 15 " et qu'il lui incombe d'assumer la charge financière de ces interventions. Dès lors, le SDIS du Nord ne peut se prévaloir d'aucun préjudice financier résultant de la prise en charge de ces transports médicalisés au moyen de son VSAV. 11. De même, les évacuations réalisées par le SDIS du Nord relevant des missions qui lui sont imparties par le 4° de l'article L. 1424-2 du code général des collectivités territoriales, la charge financière qu'il supporte du fait de ces interventions résulte d'une obligation légale et ne saurait donc donner lieu à indemnisation sur le fondement de l'enrichissement sans cause. Pour les mêmes raisons ne peut-il être regardé, à l'occasion de ces évacuations, comme un collaborateur occasionnel du service public dès lors qu'il ne fait qu'exercer les missions qui lui sont légalement dévolues par la loi. 12. Il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la demande d'expertise, que le SDIS du Nord n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Sur les frais liés à l'instance : 13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que le centre hospitalier de Fourmies, qui n'a pas la qualité de partie perdante à l'instance, verse au SDIS du Nord la somme que celui-ci réclame à ce titre. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner le SDIS du Nord à verser au centre hospitalier de Fourmies la somme réclamée au même titre. DÉCIDE : Article 1er : La requête du service départemental d'incendie et de secours du Nord est rejetée. Article 2 : Les conclusions du centre hospitalier de Fourmies au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au service départemental d'incendie et de secours du Nord et au centre hospitalier de Fourmies. Copie sera adressée au préfet du Nord. Délibéré après l'audience du 14 mars 2023 à laquelle siégeaient : - Mme Anne Seulin, présidente de chambre, - M. Marc Baronnet, président-assesseur, - M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mars 2023. Le président-assesseur, Signé : M. A...La présidente de chambre Signé : A. Seulin La greffière, Signé : A.S. Villette La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention et au préfet du Nord en ce qui les concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme, La greffière Anne-Sophie Villette 2 N°22DA00313
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Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Par un arrêt du 19 décembre 2019, la cour administrative d'appel de Douai, saisie par le service départemental d'incendie et de secours (SDIS) du Nord, a annulé l'ordonnance du tribunal administratif de Lille du 30 octobre 2018 et a renvoyé l'affaire au tribunal pour qu'il soit statué sur la requête présentée par le SDIS du Nord. Cette affaire a été enregistrée sous le n° 1910988. Par une requête et des mémoires, enregistrés les 19 octobre 2018, 24 décembre 2019 et 25 février 2021, le service départemental d'incendie et de secours (SDIS) du Nord a demandé au tribunal administratif de Lille, dans le dernier état de ses écritures, à titre principal, de condamner le centre hospitalier de Sambre Avesnois à lui verser la somme de 69 892 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis en raison des interventions réalisées, pour le compte de ce centre hospitalier, au cours du mois de mai 2018, à titre subsidiaire, d'ordonner une mesure d'expertise afin de déterminer le montant de ses préjudices et, enfin, de mettre à la charge du centre hospitalier de Sambre Avesnois la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un jugement n° 1910988 du 22 décembre 2021, le tribunal administratif de Lille a rejeté la demande présentée par le SDIS du Nord et a mis à la charge du SDIS du Nord la somme de 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 14 février 2022, le SDIS du Nord, représenté par la SCP Manuel Gros Héloïse Hicter et associés, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) à titre principal, de condamner le centre hospitalier de Sambre Avesnois à lui verser la somme de 69 892 euros en réparation du préjudice qu'il a subi, assortie des intérêts de droit ; 3°) à titre subsidiaire, de désigner, au titre des mesures d'instruction, un expert afin d'établir le coût moyen réel d'une intervention du SDIS dans le cadre du service public hospitalier, ou la fraction de la dotation de financement des missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation (MIGAC) dont a bénéficié le centre hospitalier de Sambre Avesnois pour l'aide médicale d'urgence et les transports qu'il n'a pas effectués en mobilisant les moyens du SDIS ; 4°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Sambre Avesnois la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - lorsque le SDIS est sollicité par une structure mobile d'urgence et de réanimation (SMUR) pour assurer les transports de jonction médicalisés grâce à son véhicule de secours et d'assistance aux victimes (VSAV), il intervient en dehors de ses missions propres prévues par l'article L. 1424-2 du code général des collectivités territoriales, en particulier lorsqu'un médecin de la SMUR est présent dans son VSAV ; - ces interventions doivent dès lors donner lieu à indemnisation de la part du centre hospitalier de Sambre Avesnois, sur le fondement du régime du collaborateur occasionnel du service public ou de l'enrichissement sans cause ; - l'article L. 1424-2 du code général des collectivités territoriales, à titre principal dans sa version issue de la loi n° 96-369 du 3 mai 1996 ou, à titre subsidiaire dans sa version issue de la loi n° 2021-1520 du 25 novembre 2021, tel qu'interprété par le Conseil d'Etat, méconnaît l'article 72 de la Constitution relatif au principe de libre administration des collectivités territoriales et l'article 72-2 de la Constitution relatif au principe de compensation de tout transfert de compétences entre l'Etat et les collectivités territoriales. Par un mémoire en défense, enregistré le 27 avril 2022, le centre hospitalier de Sambre Avesnois, représenté par Me Christophe Pichon, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge du SDIS du Nord une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - à titre principal, les transports de jonction litigieux constituent des évacuations prolongeant les missions de secours du SDIS et doivent donc être à sa charge financière ; - à titre subsidiaire, une convention aurait dû être conclue pour la prise en charge des frais d'intervention ; - en tout état de cause, la somme demandée est disproportionnée. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code général des collectivités territoriales ; - le code de la sécurité intérieure ; - le code de la santé publique ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Anne Seulin, présidente de chambre, - les conclusions de M. Guillaume Toutias, rapporteur public, - et les observations de Me Manuel Gros, représentant le centre hospitalier de Sambre en Avesnois. Considérant ce qui suit : 1. Par une délibération du 27 juin 2017, le conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours (SDIS) du Nord a approuvé la tarification de chaque transfert médicalisé réalisé par le moyen d'un véhicule de secours et d'assistance aux victimes (VSAV) suite à la demande de la structure médicale d'urgence et de réanimation (SMUR) sur place et/ou du centre de réception et de régulation des appels (" centre 15 ") du service d'aide médicale urgente (SAMU), vers un établissement de santé. Sur le fondement de cette délibération, le SDIS du Nord demande que le coût unitaire des interventions litigieuses soit calculé conformément à la délibération du 27 juin 2017 de son conseil d'administration, soit 346 euros, et demande la condamnation du centre hospitalier de Sambre Avesnois à lui verser la somme de 69 892 euros au titre du préjudice subi en raison des interventions réalisées au cours du mois de mai 2018 à la demande du " centre 15 " du SAMU rattaché au centre hospitalier de Sambre Avesnois. 2. Le SDIS du Nord fait appel du jugement du 22 décembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Sur la question prioritaire de constitutionnalité : 3. Aux termes de l'article R.*771-3 du code de justice administrative : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est soulevé, conformément aux dispositions de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, à peine d'irrecevabilité, dans un mémoire distinct et motivé. Ce mémoire, ainsi que, le cas échéant, l'enveloppe qui le contient, portent la mention : " question prioritaire de constitutionnalité " ". L'article R.*771-4 du même code dispose : " L'irrecevabilité tirée du défaut de présentation, dans un mémoire distinct et motivé, du moyen visé à l'article précédent peut être opposée sans qu'il soit fait application des articles R. 611-7 et R. 612-1 ". Le SDIS du Nord n'a pas présenté dans un mémoire distinct le moyen tiré de ce que les dispositions de l'article L. 1424-2 du code général des collectivités territoriales portent atteinte à certains droits et libertés garantis par la Constitution. Ce moyen n'est, par suite, pas recevable et doit être écarté. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 4. D'une part, aux termes de l'article L. 1424-2 du code général des collectivités territoriales : " Les services d'incendie et de secours (...) concourent, avec les autres services et professionnels concernés, (...) aux secours d'urgence. / Dans le cadre de leurs compétences, ils exercent les missions suivantes : (...) / 4° Les secours d'urgence aux personnes victimes d'accidents, de sinistres ou de catastrophes ainsi que leur évacuation ". L'article L. 742-11 du code de la sécurité intérieure prévoit que : " Les dépenses directement imputables aux opérations de secours au sens des dispositions de l'article L. 1424-2 du code général des collectivités territoriales sont prises en charge par le service départemental d'incendie et de secours. (...) ". L'article L. 1424-42 du code général des collectivités territoriales dispose que : " Le service départemental d'incendie et de secours n'est tenu de procéder qu'aux seules interventions qui se rattachent directement à ses missions de service public définies à l'article L. 1424-2. / S'il a procédé à des interventions ne se rattachant pas directement à l'exercice de ses missions, il peut demander aux personnes bénéficiaires une participation aux frais, dans les conditions déterminées par délibération du conseil d'administration. / Les interventions effectuées par les services d'incendie et de secours à la demande de la régulation médicale du centre 15, lorsque celle-ci constate le défaut de disponibilité des transporteurs sanitaires privés, et qui ne relèvent pas de l'article L. 1424-2, font l'objet d'une prise en charge financière par les établissements de santé, sièges des services d'aide médicale d'urgence. / Les conditions de cette prise en charge sont fixées par une convention entre le service départemental d'incendie et de secours et l'hôpital siège du service d'aide médicale d'urgence, selon des modalités fixées par arrêté conjoint du ministre de l'intérieur et du ministre chargé de la sécurité sociale (...) ". 5. D'autre part, aux termes de l'article L. 6311-1 du code de la santé publique : " L'aide médicale urgente a pour objet, en relation notamment avec les dispositifs communaux et départementaux d'organisation des secours, de faire assurer aux malades, blessés et parturientes, en quelque endroit qu'ils se trouvent, les soins d'urgence appropriés à leur état " et l'article L. 6311-2 du même code prévoit que : " (...) Un centre de réception et de régulation des appels est installé dans les services d'aide médicale urgente (...) ". L'article R. 6311-1 de ce code précise que : " Les services d'aide médicale urgente ont pour mission de répondre par des moyens exclusivement médicaux aux situations d'urgence. / Lorsqu'une situation d'urgence nécessite la mise en œuvre conjointe de moyens médicaux et de moyens de sauvetage, les services d'aide médicale urgente joignent leurs moyens à ceux qui sont mis en œuvre par les services d'incendie et de secours " et l'article R. 6311-2 que : " Pour l'application de l'article R. 6311-1, les services d'aide médicale urgente : / (...) 2° Déterminent et déclenchent, dans le délai le plus rapide, la réponse la mieux adaptée à la nature des appels ; / (...) 4° Organisent, le cas échéant, le transport dans un établissement public ou privé en faisant appel à un service public ou à une entreprise privée de transports sanitaires (...) ". L'article D. 6124-12 de ce code permet aux SDIS de mettre des équipages et véhicules à disposition d'une SMUR dans le cadre, qui régit alors cette mise à disposition, d'une convention avec l'établissement de santé autorisé à disposer d'une telle structure. Il résulte aussi de l'article R. 6312-15 du même code que ces services, indépendamment de la conclusion d'une telle convention, peuvent être amenés à intervenir pour effectuer des transports sanitaires d'urgence faute de moyens de transport sanitaire. 6. Enfin, le paragraphe II.B.1 du titre I du référentiel commun du 25 juin 2008 relatif à l'organisation du secours à personne et de l'aide médicale urgente, annexé à l'arrêté de la ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales et de la ministre de la santé et des sports du 24 avril 2009, prévoit, pour renforcer la coordination des services publics de façon à apporter la réponse la plus adaptée aux situations d'urgence, d'une part, que tous les appels pour secours et soins d'urgence font l'objet de la régulation médicale par le SAMU et, d'autre part, que dans les situations de " départ réflexe ", correspondant notamment à l'urgence vitale identifiée à l'appel et aux interventions sur la voie publique ou dans les lieux publics, l'engagement des moyens des SDIS en vue de secours d'urgence précède la régulation médicale, laquelle se fait alors dans les meilleurs délais. En vertu de la circulaire interministérielle du 5 juin 2015 relative à l'application de l'arrêté du 24 avril 2009 relatif à la mise en œuvre du référentiel portant sur l'organisation du secours à personne et de l'aide médicale urgente : " En cas de départ réflexe des moyens du SIS, la régulation médicale par le SAMU intervient dans les meilleurs délais après le déclenchement des moyens du SIS afin de s'assurer de la pertinence des moyens déjà engagés (compétence mobilisée et vecteur utilisé) et de les compléter le cas échéant ". 7. Il résulte de l'ensemble de ces dispositions que les SDIS ne doivent supporter la charge que des interventions qui se rattachent directement aux missions de service public définies à l'article L. 1424-2 du code général des collectivités territoriales. Figurent au nombre de ces missions celles qui relèvent des secours d'urgence aux personnes victimes d'accidents, de sinistres ou de catastrophes, y compris l'évacuation de ces personnes vers un établissement de santé. 8. Il ressort des termes mêmes du deuxième alinéa de l'article L. 1424-42 du code général des collectivités territoriales que ces dispositions ne concernent pas les interventions des SDIS à la demande du " centre 15 " et régissent exclusivement les interventions des SDIS à la demande de particuliers, en dehors des situations de secours d'urgence aux personnes relevant du 4° de l'article L. 1424-2 du même code. De même, les troisième et quatrième alinéas de l'article L. 1424-42 s'appliquent lorsque le SDIS intervient en dehors de situation de secours d'urgence aux personnes, à la demande du " centre 15 " de régulation médicale qui souhaite envoyer un moyen de transport pour répondre à une situation médicalement justifiée tout en constatant le défaut de disponibilité des transporteurs sanitaires privés. Dans un tel cas, les interventions effectuées par le SDIS font l'objet d'une prise en charge financière par les établissements publics de santé, siège des SAMU, par voie conventionnelle. Les troisième et quatrième alinéas de cet article régissent ainsi l'ensemble des conditions de prise en charge financière, par les établissements de santé, des interventions du SDIS à la demande du " centre 15 ", lorsque ces interventions ne sont pas au nombre des missions de service public définies à l'article L. 1424-2 du même code. Cette prise en charge financière par voie conventionnelle est, par définition, différente de celle visée par l'article D. 6124-12 du code de la santé publique qui prévoit que le SDIS peut mettre à la disposition de la SMUR rattachée à un établissement de santé disposant d'un SAMU, certains de ses moyens, par voie de convention. Il suit de là qu'aucune disposition de l'article L.1424-42 du code général des collectivités territoriales n'autorise un SDIS à facturer unilatéralement une prise en charge financière à un établissement public de santé abritant un SAMU. 9. Par ailleurs, lorsque le SDIS, après avoir engagé ses moyens dans une situation de " départ réflexe ", laquelle relève de ses missions de service public au titre du 4° de l'article L. 1424-2 du code général des collectivités territoriales, procède à l'évacuation de la personne secourue vers un établissement de santé, il lui incombe d'assumer la charge financière de ce transport qui doit être regardé, en vertu des mêmes dispositions, quelle que soit la gravité de l'état de la personne secourue, comme le prolongement des missions de secours d'urgence aux accidentés ou blessés qui lui sont dévolues. La circonstance que la SMUR soit également intervenue sur décision du médecin coordonnateur du " centre 15 " pour assurer, au titre de ses missions propres, la prise en charge médicale urgente de la personne, est sans incidence sur les obligations légales du SDIS, parmi lesquelles figure celle d'assurer l'évacuation de la personne qu'il a secourue vers un établissement de santé. 10. Il résulte de ce qui vient d'être dit que le conseil d'administration du SDIS du Nord ne pouvait légalement, par sa délibération du 27 juin 2017, facturer unilatéralement, sur la base d'un forfait de 346 euros, aux centres hospitaliers abritant un SAMU, les transports " de jonction " médicalisés à la demande de la SMUR sur place et/ou de la coordination médicale, réalisés au moyen de son VSAV vers l'établissement de santé désigné par le médecin coordinateur du " centre 15 " et qu'il lui incombe d'assumer la charge financière de ces interventions. Dès lors, le SDIS du Nord ne peut se prévaloir d'aucun préjudice financier résultant de la prise en charge de ces transports médicalisés au moyen de son VSAV. 11. De même, les évacuations réalisées par le SDIS du Nord relevant des missions qui lui sont imparties par le 4° de l'article L. 1424-2 du code général des collectivités territoriales, la charge financière qu'il supporte du fait de ces interventions résulte d'une obligation légale et ne saurait donc donner lieu à indemnisation sur le fondement de l'enrichissement sans cause. Pour les mêmes raisons ne peut-il être regardé, à l'occasion de ces évacuations, comme un collaborateur occasionnel du service public dès lors qu'il ne fait qu'exercer les missions qui lui sont légalement dévolues par la loi. 12. Il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la demande d'expertise, que le SDIS du Nord n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Sur les frais liés à l'instance : 13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que le centre hospitalier de Sambre Avesnois, qui n'a pas la qualité de partie perdante à l'instance, verse au SDIS du Nord la somme que celui-ci réclame à ce titre. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner le SDIS du Nord à verser au centre hospitalier de Sambre Avesnois la somme réclamée au même titre. DÉCIDE : Article 1er : La requête du service départemental d'incendie et de secours du Nord est rejetée. Article 2 : Les conclusions du centre hospitalier de Sambre Avesnois au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au service départemental d'incendie et de secours du Nord et au centre hospitalier de Sambre Avesnois. Copie sera adressée au préfet du Nord. Délibéré après l'audience du 14 mars 2023 à laquelle siégeaient : - Mme Anne Seulin, présidente de chambre, - M. Marc Baronnet, président-assesseur, - M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mars 2023. Le président-assesseur, Signé : M. A...La présidente de chambre Signé : A. Seulin La greffière, Signé : A.S. Villette La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention et au préfet du Nord en ce qui les concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme, La greffière Anne-Sophie Villette 2 N°22DA00312
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Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Par un arrêt du 19 décembre 2019, la cour administrative d'appel de Douai, saisie par le service départemental d'incendie et de secours (SDIS) du Nord, a annulé l'ordonnance du tribunal administratif de Lille du 30 octobre 2018 et a renvoyé l'affaire au tribunal pour qu'il soit statué sur la requête présentée par le SDIS du Nord. Cette affaire a été enregistrée sous le n° 1910985. Par une requête et des mémoires, enregistrés les 19 octobre 2018, 24 décembre 2019, 24 janvier 2020 et 25 février 2021, le service départemental d'incendie et de secours (SDIS) du Nord a demandé au tribunal administratif de Lille, dans le dernier état de ses écritures, à titre principal, de condamner le centre hospitalier de Douai à lui verser la somme de 48 440 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis en raison des interventions réalisées, pour le compte de ce centre hospitalier, au cours du mois de mai 2018, à titre subsidiaire, d'ordonner une mesure d'expertise afin de déterminer le montant de ses préjudices et, enfin, de mettre à la charge du centre hospitalier de Douai la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un jugement n° 1910985 du 22 décembre 2021, le tribunal administratif de Lille a rejeté la demande présentée par le SDIS du Nord. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 14 février 2022, le SDIS du Nord, représenté par la SCP Manuel Gros Héloïse Hicter et associés, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) à titre principal, de condamner le centre hospitalier de Douai à lui verser la somme de 48 440 euros en réparation du préjudice qu'il a subi, assortie des intérêts de droit ; 3°) à titre subsidiaire, de désigner, au titre des mesures d'instruction, un expert afin d'établir le coût moyen réel d'une intervention du SDIS dans le cadre du service public hospitalier, ou la fraction de la dotation de financement des missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation (MIGAC) dont a bénéficié le centre hospitalier de Douai pour l'aide médicale d'urgence et les transports qu'il n'a pas effectués en mobilisant les moyens du SDIS ; 4°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Douai la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - lorsque le SDIS est sollicité par une structure mobile d'urgence et de réanimation (SMUR) pour assurer les transports de jonction médicalisés grâce à son véhicule de secours et d'assistance aux victimes (VSAV), il intervient en dehors de ses missions propres prévues par l'article L. 1424-2 du code général des collectivités territoriales, en particulier lorsqu'un médecin de la SMUR est présent dans son VSAV ; - ces interventions doivent dès lors donner lieu à indemnisation de la part du centre hospitalier de Douai, sur le fondement du régime du collaborateur occasionnel du service public ou de l'enrichissement sans cause ; - l'article L. 1424-2 du code général des collectivités territoriales, à titre principal dans sa version issue de la loi n° 96-369 du 3 mai 1996 ou, à titre subsidiaire dans sa version issue de la loi n° 2021-1520 du 25 novembre 2021, tel qu'interprété par le Conseil d'Etat, méconnaît l'article 72 de la Constitution relatif au principe de libre administration des collectivités territoriales et l'article 72-2 de la Constitution relatif au principe de compensation de tout transfert de compétences entre l'Etat et les collectivités territoriales. Par un mémoire en défense, enregistré le 28 novembre 2022, le centre hospitalier de Douai, représenté par Me Omar Yahia, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge du SDIS du Nord une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - à titre principal, les transports de jonction litigieux constituent des évacuations prolongeant les missions de secours du SDIS et doivent donc être à sa charge financière ; - à titre subsidiaire, une convention aurait dû être conclue pour la prise en charge des frais d'intervention ; - en tout état de cause, la somme demandée est disproportionnée. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code général des collectivités territoriales ; - le code de la sécurité intérieure ; - le code de la santé publique ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Anne Seulin, présidente de chambre, - les conclusions de M. Guillaume Toutias, rapporteur public, - et les observations de Me Manuel Gros, représentant le SDIS du Nord et de Me Anne Florence Faurre substituant Me Omar Yahia, représentant le centre hospitalier de Douai. Considérant ce qui suit : 1. Par une délibération du 27 juin 2017, le conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours (SDIS) du Nord a approuvé la tarification de chaque transfert médicalisé réalisé par le moyen d'un véhicule de secours et d'assistance aux victimes (VSAV) suite à la demande de la structure médicale d'urgence et de réanimation (SMUR) sur place et/ou du centre de réception et de régulation des appels (" centre 15 ") du service d'aide médicale urgente (SAMU), vers un établissement de santé. Sur le fondement de cette délibération, le SDIS du Nord demande que le coût unitaire des interventions litigieuses soit calculé conformément à la délibération du 27 juin 2017 de son conseil d'administration, soit 346 euros, et demande la condamnation du centre hospitalier de Douai à lui verser la somme de 48 440 euros au titre du préjudice subi en raison des interventions réalisées au cours du mois de mai 2018 à la demande du " centre 15 " du SAMU rattaché au centre hospitalier de Douai. 2. Le SDIS du Nord fait appel du jugement du 22 décembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Sur la question prioritaire de constitutionnalité : 3. Aux termes de l'article R.*771-3 du code de justice administrative : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est soulevé, conformément aux dispositions de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, à peine d'irrecevabilité, dans un mémoire distinct et motivé. Ce mémoire, ainsi que, le cas échéant, l'enveloppe qui le contient, portent la mention : " question prioritaire de constitutionnalité " ". L'article R.*771-4 du même code dispose : " L'irrecevabilité tirée du défaut de présentation, dans un mémoire distinct et motivé, du moyen visé à l'article précédent peut être opposée sans qu'il soit fait application des articles R. 611-7 et R. 612-1 ". Le SDIS du Nord n'a pas présenté dans un mémoire distinct le moyen tiré de ce que les dispositions de l'article L. 1424-2 du code général des collectivités territoriales portent atteinte à certains droits et libertés garantis par la Constitution. Ce moyen n'est, par suite, pas recevable et doit être écarté. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 4. D'une part, aux termes de l'article L. 1424-2 du code général des collectivités territoriales : " Les services d'incendie et de secours (...) concourent, avec les autres services et professionnels concernés, (...) aux secours d'urgence. / Dans le cadre de leurs compétences, ils exercent les missions suivantes : (...) / 4° Les secours d'urgence aux personnes victimes d'accidents, de sinistres ou de catastrophes ainsi que leur évacuation ". L'article L. 742-11 du code de la sécurité intérieure prévoit que : " Les dépenses directement imputables aux opérations de secours au sens des dispositions de l'article L. 1424-2 du code général des collectivités territoriales sont prises en charge par le service départemental d'incendie et de secours. (...) ". L'article L. 1424-42 du code général des collectivités territoriales dispose que : " Le service départemental d'incendie et de secours n'est tenu de procéder qu'aux seules interventions qui se rattachent directement à ses missions de service public définies à l'article L. 1424-2. / S'il a procédé à des interventions ne se rattachant pas directement à l'exercice de ses missions, il peut demander aux personnes bénéficiaires une participation aux frais, dans les conditions déterminées par délibération du conseil d'administration. / Les interventions effectuées par les services d'incendie et de secours à la demande de la régulation médicale du centre 15, lorsque celle-ci constate le défaut de disponibilité des transporteurs sanitaires privés, et qui ne relèvent pas de l'article L. 1424-2, font l'objet d'une prise en charge financière par les établissements de santé, sièges des services d'aide médicale d'urgence. / Les conditions de cette prise en charge sont fixées par une convention entre le service départemental d'incendie et de secours et l'hôpital siège du service d'aide médicale d'urgence, selon des modalités fixées par arrêté conjoint du ministre de l'intérieur et du ministre chargé de la sécurité sociale (...) ". 5. D'autre part, aux termes de l'article L. 6311-1 du code de la santé publique : " L'aide médicale urgente a pour objet, en relation notamment avec les dispositifs communaux et départementaux d'organisation des secours, de faire assurer aux malades, blessés et parturientes, en quelque endroit qu'ils se trouvent, les soins d'urgence appropriés à leur état " et l'article L. 6311-2 du même code prévoit que : " (...) Un centre de réception et de régulation des appels est installé dans les services d'aide médicale urgente (...) ". L'article R. 6311-1 de ce code précise que : " Les services d'aide médicale urgente ont pour mission de répondre par des moyens exclusivement médicaux aux situations d'urgence. / Lorsqu'une situation d'urgence nécessite la mise en œuvre conjointe de moyens médicaux et de moyens de sauvetage, les services d'aide médicale urgente joignent leurs moyens à ceux qui sont mis en œuvre par les services d'incendie et de secours " et l'article R. 6311-2 que : " Pour l'application de l'article R. 6311-1, les services d'aide médicale urgente : / (...) 2° Déterminent et déclenchent, dans le délai le plus rapide, la réponse la mieux adaptée à la nature des appels ; / (...) 4° Organisent, le cas échéant, le transport dans un établissement public ou privé en faisant appel à un service public ou à une entreprise privée de transports sanitaires (...) ". L'article D. 6124-12 de ce code permet aux SDIS de mettre des équipages et véhicules à disposition d'une SMUR dans le cadre, qui régit alors cette mise à disposition, d'une convention avec l'établissement de santé autorisé à disposer d'une telle structure. Il résulte aussi de l'article R. 6312-15 du même code que ces services, indépendamment de la conclusion d'une telle convention, peuvent être amenés à intervenir pour effectuer des transports sanitaires d'urgence faute de moyens de transport sanitaire. 6. Enfin, le paragraphe II.B.1 du titre I du référentiel commun du 25 juin 2008 relatif à l'organisation du secours à personne et de l'aide médicale urgente, annexé à l'arrêté de la ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales et de la ministre de la santé et des sports du 24 avril 2009, prévoit, pour renforcer la coordination des services publics de façon à apporter la réponse la plus adaptée aux situations d'urgence, d'une part, que tous les appels pour secours et soins d'urgence font l'objet de la régulation médicale par le SAMU et, d'autre part, que dans les situations de " départ réflexe ", correspondant notamment à l'urgence vitale identifiée à l'appel et aux interventions sur la voie publique ou dans les lieux publics, l'engagement des moyens des SDIS en vue de secours d'urgence précède la régulation médicale, laquelle se fait alors dans les meilleurs délais. En vertu de la circulaire interministérielle du 5 juin 2015 relative à l'application de l'arrêté du 24 avril 2009 relatif à la mise en œuvre du référentiel portant sur l'organisation du secours à personne et de l'aide médicale urgente : " En cas de départ réflexe des moyens du SIS, la régulation médicale par le SAMU intervient dans les meilleurs délais après le déclenchement des moyens du SIS afin de s'assurer de la pertinence des moyens déjà engagés (compétence mobilisée et vecteur utilisé) et de les compléter le cas échéant ". 7. Il résulte de l'ensemble de ces dispositions que les SDIS ne doivent supporter la charge que des interventions qui se rattachent directement aux missions de service public définies à l'article L. 1424-2 du code général des collectivités territoriales. Figurent au nombre de ces missions celles qui relèvent des secours d'urgence aux personnes victimes d'accidents, de sinistres ou de catastrophes, y compris l'évacuation de ces personnes vers un établissement de santé. 8. Il ressort des termes mêmes du deuxième alinéa de l'article L. 1424-42 du code général des collectivités territoriales que ces dispositions ne concernent pas les interventions des SDIS à la demande du " centre 15 " et régissent exclusivement les interventions des SDIS à la demande de particuliers, en dehors des situations de secours d'urgence aux personnes relevant du 4° de l'article L. 1424-2 du même code. De même, les troisième et quatrième alinéas de l'article L. 1424-42 s'appliquent lorsque le SDIS intervient en dehors de situation de secours d'urgence aux personnes, à la demande du " centre 15 " de régulation médicale qui souhaite envoyer un moyen de transport pour répondre à une situation médicalement justifiée tout en constatant le défaut de disponibilité des transporteurs sanitaires privés. Dans un tel cas, les interventions effectuées par le SDIS font l'objet d'une prise en charge financière par les établissements publics de santé, siège des SAMU, par voie conventionnelle. Les troisième et quatrième alinéas de cet article régissent ainsi l'ensemble des conditions de prise en charge financière, par les établissements de santé, des interventions du SDIS à la demande du " centre 15 ", lorsque ces interventions ne sont pas au nombre des missions de service public définies à l'article L. 1424-2 du même code. Cette prise en charge financière par voie conventionnelle est, par définition, différente de celle visée par l'article D. 6124-12 du code de la santé publique qui prévoit que le SDIS peut mettre à la disposition de la SMUR rattachée à un établissement de santé disposant d'un SAMU, certains de ses moyens, par voie de convention. Il suit de là qu'aucune disposition de l'article L.1424-42 du code général des collectivités territoriales n'autorise un SDIS à facturer unilatéralement une prise en charge financière à un établissement public de santé abritant un SAMU. 9. Par ailleurs, lorsque le SDIS, après avoir engagé ses moyens dans une situation de " départ réflexe ", laquelle relève de ses missions de service public au titre du 4° de l'article L. 1424-2 du code général des collectivités territoriales, procède à l'évacuation de la personne secourue vers un établissement de santé, il lui incombe d'assumer la charge financière de ce transport qui doit être regardé, en vertu des mêmes dispositions, quelle que soit la gravité de l'état de la personne secourue, comme le prolongement des missions de secours d'urgence aux accidentés ou blessés qui lui sont dévolues. La circonstance que la SMUR soit également intervenue sur décision du médecin coordonnateur du " centre 15 " pour assurer, au titre de ses missions propres, la prise en charge médicale urgente de la personne, est sans incidence sur les obligations légales du SDIS, parmi lesquelles figure celle d'assurer l'évacuation de la personne qu'il a secourue vers un établissement de santé. 10. Il résulte de ce qui vient d'être dit que le conseil d'administration du SDIS du Nord ne pouvait légalement, par sa délibération du 27 juin 2017, facturer unilatéralement aux centres hospitaliers abritant un SAMU, sur la base d'un forfait de 346 euros, les transports " de jonction " médicalisés à la demande de la SMUR sur place et/ou de la coordination médicale, réalisés au moyen de son VSAV vers l'établissement de santé désigné par le médecin coordinateur du " centre 15 " et qu'il lui incombe d'assumer la charge financière de ces interventions. Dès lors, le SDIS du Nord ne peut se prévaloir d'aucun préjudice financier résultant de la prise en charge de ces transports médicalisés au moyen de son VSAV. 11. De même, les évacuations réalisées par le SDIS du Nord relevant des missions qui lui sont imparties par le 4° de l'article L. 1424-2 du code général des collectivités territoriales, la charge financière qu'il supporte du fait de ces interventions résulte d'une obligation légale et ne saurait donc donner lieu à indemnisation sur le fondement de l'enrichissement sans cause. Pour les mêmes raisons ne peut-il être regardé, à l'occasion de ces évacuations, comme un collaborateur occasionnel du service public dès lors qu'il ne fait qu'exercer les missions qui lui sont légalement dévolues par la loi. 12. Il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la demande d'expertise, que le SDIS du Nord n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Sur les frais liés à l'instance : 13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que le centre hospitalier de Douai, qui n'a pas la qualité de partie perdante à l'instance, verse au SDIS du Nord la somme que celui-ci réclame à ce titre. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner le SDIS du Nord à verser au centre hospitalier de Douai la somme réclamée au même titre. DÉCIDE : Article 1er : La requête du service départemental d'incendie et de secours du Nord est rejetée. Article 2 : Les conclusions du centre hospitalier de Douai au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au service départemental d'incendie et de secours du Nord et au centre hospitalier de Douai. Copie sera adressée au préfet du Nord. Délibéré après l'audience du 14 mars 2023 à laquelle siégeaient : - Mme Anne Seulin, présidente de chambre, - M. Marc Baronnet, président-assesseur, - M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mars 2023. Le président-assesseur, Signé : M. A...La présidente de chambre Signé : A. Seulin La greffière, Signé : A.S. Villette La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention et au préfet du Nord en ce qui les concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme, La greffière Anne-Sophie Villette 2 N°22DA00314
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Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Par un arrêt du 19 décembre 2019, la cour administrative d'appel de Douai, saisie par le service départemental d'incendie et de secours (SDIS) du Nord, a annulé l'ordonnance du tribunal administratif de Lille du 30 octobre 2018 et a renvoyé l'affaire au tribunal pour qu'il soit statué sur la requête présentée par le SDIS du Nord. Cette affaire a été enregistrée sous le n° 1910984. Par une requête et des mémoires, enregistrés les 19 octobre 2018, 24 décembre 2019, 24 janvier 2020 et 25 février 2021, le service départemental d'incendie et de secours (SDIS) du Nord a demandé au tribunal administratif de Lille, dans le dernier état de ses écritures, à titre principal, de condamner le centre hospitalier de Cambrai à lui verser la somme de 42 904 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis en raison des interventions réalisées, pour le compte de ce centre hospitalier, au cours du mois de mai 2018, à titre subsidiaire, d'ordonner une mesure d'expertise afin de déterminer le montant de ses préjudices et, enfin, de mettre à la charge du centre hospitalier de Cambrai la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un jugement n° 1910984 du 22 décembre 2021, le tribunal administratif de Lille a rejeté la requête présentée par le SDIS du Nord. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 14 février 2022, le SDIS du Nord, représenté par la SCP Manuel Gros Héloïse Hicter et associés, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) à titre principal, de condamner le centre hospitalier de Cambrai à lui verser la somme de 42 904 euros en réparation du préjudice qu'il a subi, assortie des intérêts de droit ; 3°) à titre subsidiaire, de désigner, au titre des mesures d'instruction, un expert afin d'établir le coût moyen réel d'une intervention du SDIS dans le cadre du service public hospitalier, ou la fraction de la dotation de financement des missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation (MIGAC) dont a bénéficié le centre hospitalier de Cambrai pour l'aide médicale d'urgence et les transports qu'il n'a pas effectués en mobilisant les moyens du SDIS ; 4°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Cambrai la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - lorsque le SDIS est sollicité par une structure mobile d'urgence et de réanimation (SMUR) pour assurer les transports de jonction médicalisés grâce à son véhicule de secours et d'assistance aux victimes (VSAV), il intervient en dehors de ses missions propres prévues par l'article L. 1424-2 du code général des collectivités territoriales, en particulier lorsqu'un médecin de la SMUR est présent dans son VSAV ; - ces interventions doivent dès lors donner lieu à indemnisation de la part du centre hospitalier de Cambrai, sur le fondement du régime du collaborateur occasionnel du service public ou de l'enrichissement sans cause ; - l'article L. 1424-2 du code général des collectivités territoriales, à titre principal dans sa version issue de la loi n° 96-369 du 3 mai 1996 ou, à titre subsidiaire dans sa version issue de la loi n° 2021-1520 du 25 novembre 2021, tel qu'interprété par le Conseil d'Etat, méconnaît l'article 72 de la Constitution relatif au principe de libre administration des collectivités territoriales et l'article 72-2 de la Constitution relatif au principe de compensation de tout transfert de compétences entre l'Etat et les collectivités territoriales. La requête a été communiquée au centre hospitalier de Cambrai, qui n'a pas produit de mémoire en défense. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code général des collectivités territoriales ; - le code de la sécurité intérieure ; - le code de la santé publique ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Anne Seulin, présidente de chambre, - les conclusions de M. Guillaume Toutias, rapporteur public, - et les observations de Me Manuel Gros, représentant le SDIS du Nord. Considérant ce qui suit : 1. Par une délibération du 27 juin 2017, le conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours (SDIS) du Nord a approuvé la tarification de chaque transfert médicalisé réalisé par le moyen d'un véhicule de secours et d'assistance aux victimes (VSAV) suite à la demande de la structure médicale d'urgence et de réanimation (SMUR) sur place et/ou du centre de réception et de régulation des appels (" centre 15 ") du service d'aide médicale urgente (SAMU), vers un établissement de santé. Sur le fondement de cette délibération, le SDIS du Nord demande que le coût unitaire des interventions litigieuses soit calculé conformément à la délibération du 27 juin 2017 de son conseil d'administration, soit 346 euros, et demande la condamnation du centre hospitalier de Cambrai à lui verser la somme de 42 904 euros au titre du préjudice subi en raison des interventions réalisées au cours du mois de mai 2018 à la demande du " centre 15 " du SAMU rattaché au centre hospitalier de Cambrai. 2. Le SDIS du Nord fait appel du jugement du 22 décembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Sur la question prioritaire de constitutionnalité : 3. Aux termes de l'article R.*771-3 du code de justice administrative : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est soulevé, conformément aux dispositions de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, à peine d'irrecevabilité, dans un mémoire distinct et motivé. Ce mémoire, ainsi que, le cas échéant, l'enveloppe qui le contient, portent la mention : " question prioritaire de constitutionnalité " ". L'article R.*771-4 du même code dispose : " L'irrecevabilité tirée du défaut de présentation, dans un mémoire distinct et motivé, du moyen visé à l'article précédent peut être opposée sans qu'il soit fait application des articles R. 611-7 et R. 612-1 ". Le SDIS du Nord n'a pas présenté dans un mémoire distinct le moyen tiré de ce que les dispositions de l'article L. 1424-2 du code général des collectivités territoriales portent atteinte à certains droits et libertés garantis par la Constitution. Ce moyen n'est, par suite, pas recevable et doit être écarté. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 4. D'une part, aux termes de l'article L. 1424-2 du code général des collectivités territoriales : " Les services d'incendie et de secours (...) concourent, avec les autres services et professionnels concernés, (...) aux secours d'urgence. / Dans le cadre de leurs compétences, ils exercent les missions suivantes : (...) / 4° Les secours d'urgence aux personnes victimes d'accidents, de sinistres ou de catastrophes ainsi que leur évacuation ". L'article L. 742-11 du code de la sécurité intérieure prévoit que : " Les dépenses directement imputables aux opérations de secours au sens des dispositions de l'article L. 1424-2 du code général des collectivités territoriales sont prises en charge par le service départemental d'incendie et de secours. (...) ". L'article L. 1424-42 du code général des collectivités territoriales dispose que : " Le service départemental d'incendie et de secours n'est tenu de procéder qu'aux seules interventions qui se rattachent directement à ses missions de service public définies à l'article L. 1424-2. / S'il a procédé à des interventions ne se rattachant pas directement à l'exercice de ses missions, il peut demander aux personnes bénéficiaires une participation aux frais, dans les conditions déterminées par délibération du conseil d'administration. / Les interventions effectuées par les services d'incendie et de secours à la demande de la régulation médicale du centre 15, lorsque celle-ci constate le défaut de disponibilité des transporteurs sanitaires privés, et qui ne relèvent pas de l'article L. 1424-2, font l'objet d'une prise en charge financière par les établissements de santé, sièges des services d'aide médicale d'urgence. / Les conditions de cette prise en charge sont fixées par une convention entre le service départemental d'incendie et de secours et l'hôpital siège du service d'aide médicale d'urgence, selon des modalités fixées par arrêté conjoint du ministre de l'intérieur et du ministre chargé de la sécurité sociale (...) ". 5. D'autre part, aux termes de l'article L. 6311-1 du code de la santé publique : " L'aide médicale urgente a pour objet, en relation notamment avec les dispositifs communaux et départementaux d'organisation des secours, de faire assurer aux malades, blessés et parturientes, en quelque endroit qu'ils se trouvent, les soins d'urgence appropriés à leur état " et l'article L. 6311-2 du même code prévoit que : " (...) Un centre de réception et de régulation des appels est installé dans les services d'aide médicale urgente (...) ". L'article R. 6311-1 de ce code précise que : " Les services d'aide médicale urgente ont pour mission de répondre par des moyens exclusivement médicaux aux situations d'urgence. / Lorsqu'une situation d'urgence nécessite la mise en œuvre conjointe de moyens médicaux et de moyens de sauvetage, les services d'aide médicale urgente joignent leurs moyens à ceux qui sont mis en œuvre par les services d'incendie et de secours " et l'article R. 6311-2 que : " Pour l'application de l'article R. 6311-1, les services d'aide médicale urgente : / (...) 2° Déterminent et déclenchent, dans le délai le plus rapide, la réponse la mieux adaptée à la nature des appels ; / (...) 4° Organisent, le cas échéant, le transport dans un établissement public ou privé en faisant appel à un service public ou à une entreprise privée de transports sanitaires (...) ". L'article D. 6124-12 de ce code permet aux SDIS de mettre des équipages et véhicules à disposition d'une SMUR dans le cadre, qui régit alors cette mise à disposition, d'une convention avec l'établissement de santé autorisé à disposer d'une telle structure. Il résulte aussi de l'article R. 6312-15 du même code que ces services, indépendamment de la conclusion d'une telle convention, peuvent être amenés à intervenir pour effectuer des transports sanitaires d'urgence faute de moyens de transport sanitaire. 6. Enfin, le paragraphe II.B.1 du titre I du référentiel commun du 25 juin 2008 relatif à l'organisation du secours à personne et de l'aide médicale urgente, annexé à l'arrêté de la ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales et de la ministre de la santé et des sports du 24 avril 2009, prévoit, pour renforcer la coordination des services publics de façon à apporter la réponse la plus adaptée aux situations d'urgence, d'une part, que tous les appels pour secours et soins d'urgence font l'objet de la régulation médicale par le SAMU et, d'autre part, que dans les situations de " départ réflexe ", correspondant notamment à l'urgence vitale identifiée à l'appel et aux interventions sur la voie publique ou dans les lieux publics, l'engagement des moyens des SDIS en vue de secours d'urgence précède la régulation médicale, laquelle se fait alors dans les meilleurs délais. En vertu de la circulaire interministérielle du 5 juin 2015 relative à l'application de l'arrêté du 24 avril 2009 relatif à la mise en œuvre du référentiel portant sur l'organisation du secours à personne et de l'aide médicale urgente : " En cas de départ réflexe des moyens du SIS, la régulation médicale par le SAMU intervient dans les meilleurs délais après le déclenchement des moyens du SIS afin de s'assurer de la pertinence des moyens déjà engagés (compétence mobilisée et vecteur utilisé) et de les compléter le cas échéant ". 7. Il résulte de l'ensemble de ces dispositions que les SDIS ne doivent supporter la charge que des interventions qui se rattachent directement aux missions de service public définies à l'article L. 1424-2 du code général des collectivités territoriales. Figurent au nombre de ces missions celles qui relèvent des secours d'urgence aux personnes victimes d'accidents, de sinistres ou de catastrophes, y compris l'évacuation de ces personnes vers un établissement de santé. 8. Il ressort des termes mêmes du deuxième alinéa de l'article L. 1424-42 du code général des collectivités territoriales que ces dispositions ne concernent pas les interventions des SDIS à la demande du " centre 15 " et régissent exclusivement les interventions des SDIS à la demande de particuliers, en dehors des situations de secours d'urgence aux personnes relevant du 4° de l'article L. 1424-2 du même code. De même, les troisième et quatrième alinéas de l'article L. 1424-42 s'appliquent lorsque le SDIS intervient en dehors de situation de secours d'urgence aux personnes, à la demande du " centre 15 " de régulation médicale qui souhaite envoyer un moyen de transport pour répondre à une situation médicalement justifiée tout en constatant le défaut de disponibilité des transporteurs sanitaires privés. Dans un tel cas, les interventions effectuées par le SDIS font l'objet d'une prise en charge financière par les établissements publics de santé, siège des SAMU, par voie conventionnelle. Les troisième et quatrième alinéas de cet article régissent ainsi l'ensemble des conditions de prise en charge financière, par les établissements de santé, des interventions du SDIS à la demande du " centre 15 ", lorsque ces interventions ne sont pas au nombre des missions de service public définies à l'article L. 1424-2 du même code. Cette prise en charge financière par voie conventionnelle est, par définition, différente de celle visée par l'article D. 6124-12 du code de la santé publique qui prévoit que le SDIS peut mettre à la disposition de la SMUR rattachée à un établissement de santé disposant d'un SAMU, certains de ses moyens, par voie de convention. Il suit de là qu'aucune disposition de l'article L.1424-42 du code général des collectivités territoriales n'autorise un SDIS à facturer unilatéralement une prise en charge financière à un établissement public de santé abritant un SAMU. 9. Par ailleurs, lorsque le SDIS, après avoir engagé ses moyens dans une situation de " départ réflexe ", laquelle relève de ses missions de service public au titre du 4° de l'article L. 1424-2 du code général des collectivités territoriales, procède à l'évacuation de la personne secourue vers un établissement de santé, il lui incombe d'assumer la charge financière de ce transport qui doit être regardé, en vertu des mêmes dispositions, quelle que soit la gravité de l'état de la personne secourue, comme le prolongement des missions de secours d'urgence aux accidentés ou blessés qui lui sont dévolues. La circonstance que la SMUR soit également intervenue sur décision du médecin coordonnateur du " centre 15 " pour assurer, au titre de ses missions propres, la prise en charge médicale urgente de la personne, est sans incidence sur les obligations légales du SDIS, parmi lesquelles figure celle d'assurer l'évacuation de la personne qu'il a secourue vers un établissement de santé. 10. Il résulte de ce qui vient d'être dit que le conseil d'administration du SDIS du Nord ne pouvait légalement, par sa délibération du 27 juin 2017, facturer unilatéralement aux centres hospitaliers abritant un SAMU, sur la base d'un forfait de 346 euros, les transports " de jonction " médicalisés à la demande de la SMUR sur place et/ou de la coordination médicale, réalisés au moyen de son VSAV vers l'établissement de santé désigné par le médecin coordinateur du " centre 15 " et qu'il lui incombe d'assumer la charge financière de ces interventions. Dès lors, le SDIS du Nord ne peut se prévaloir d'aucun préjudice financier résultant de la prise en charge de ces transports médicalisés au moyen de son VSAV. 11. De même, les évacuations réalisées par le SDIS du Nord relevant des missions qui lui sont imparties par le 4° de l'article L. 1424-2 du code général des collectivités territoriales, la charge financière qu'il supporte du fait de ces interventions résulte d'une obligation légale et ne saurait donc donner lieu à indemnisation sur le fondement de l'enrichissement sans cause. Pour les mêmes raisons ne peut-il être regardé, à l'occasion de ces évacuations, comme un collaborateur occasionnel du service public dès lors qu'il ne fait qu'exercer les missions qui lui sont légalement dévolues par la loi. 12. Il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la demande d'expertise, que le SDIS du Nord n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande. Sur les frais liés à l'instance : 13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que le centre hospitalier de Cambrai, qui n'a pas la qualité de partie perdante à l'instance, verse au SDIS du Nord la somme que celui-ci réclame à ce titre. DÉCIDE : Article 1er : La requête du service départemental d'incendie et de secours du Nord est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au service départemental d'incendie et de secours du Nord et au centre hospitalier de Cambrai. Copie sera adressée au préfet du Nord. Délibéré après l'audience du 14 mars 2023 à laquelle siégeaient : - Mme Anne Seulin, présidente de chambre, - M. Marc Baronnet, président-assesseur, - M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mars 2023. Le président-assesseur, Signé : M. A...La présidente de chambre Signé : A. Seulin La greffière, Signé : A.S. Villette La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention et au préfet du Nord en ce qui les concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme, La greffière Anne-Sophie Villette 2 N°22DA00315
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Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Par un arrêt du 19 décembre 2019, la cour administrative d'appel de Douai, saisie par le service départemental d'incendie et de secours (SDIS) du Nord, a annulé l'ordonnance du tribunal administratif de Lille du 30 octobre 2018 et a renvoyé l'affaire au tribunal pour qu'il soit statué sur la requête présentée par le SDIS du Nord. Cette affaire a été enregistrée sous le n° 1910982. Par une requête et des mémoires, enregistrés les 19 octobre 2018, 24 décembre 2019, 24 janvier 2020, 19 novembre 2020 et 25 février 2021, le service départemental d'incendie et de secours (SDIS) du Nord a demandé au tribunal administratif de Lille, à titre principal, de condamner le centre hospitalier régional universitaire (CHRU) de Lille à lui verser la somme de 149 126 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis en raison des interventions réalisées, pour le compte de ce centre hospitalier, au cours du mois de mai 2018, à titre subsidiaire, d'ordonner une mesure d'expertise afin de déterminer le montant de ses préjudices et, enfin, de mettre à la charge du CHRU de Lille la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un jugement n° 1910982 du 22 décembre 2021, le tribunal administratif de Lille a rejeté la demande présentée par le SDIS du Nord et le surplus des conclusions des parties et a mis à la charge du SDIS du Nord la somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 14 février 2022, le SDIS du Nord, représenté par Me Sophie Danset-Vergoten, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) à titre principal, de condamner le CHRU de Lille à lui verser la somme de 149 126 euros en réparation du préjudice qu'il a subi, assortie des intérêts de droit ; 3°) à titre subsidiaire, de désigner, au titre des mesures d'instruction, un expert afin d'établir le coût moyen réel d'une intervention du SDIS dans le cadre du service public hospitalier, ou la fraction de la dotation de financement des missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation (MIGAC) dont a bénéficié le CHRU de Lille pour l'aide médicale d'urgence et les transports qu'il n'a pas effectués en mobilisant les moyens du SDIS ; 4°) de mettre à la charge du CHRU de Lille la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - lorsque le SDIS est sollicité par une structure mobile d'urgence et de réanimation (SMUR) pour assurer les transports de jonction médicalisés grâce à son véhicule de secours et d'assistance aux victimes (VSAV), il intervient en dehors de ses missions propres prévues par l'article L. 1424-2 du code général des collectivités territoriales, en particulier lorsqu'un médecin de la SMUR est présent dans son VSAV ; - ces interventions doivent dès lors donner lieu à indemnisation de la part du CHRU de Lille, sur le fondement du régime du collaborateur occasionnel du service public ou de l'enrichissement sans cause ; - l'article L. 1424-2 du code général des collectivités territoriales, tel qu'interprété par le Conseil d'Etat, méconnaît l'article 72 de la Constitution relatif au principe de libre administration des collectivités territoriales et l'article 72-2 de la Constitution relatif au principe de compensation de tout transfert de compétences entre l'Etat et les collectivités territoriales. Par un mémoire en défense, enregistré le 28 novembre 2022, le CHRU de Lille, représenté par Me Omar Yahia, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge du SDIS du Nord une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - à titre principal, les transports de jonction litigieux constituent des évacuations prolongeant les missions de secours du SDIS et doivent donc être à sa charge financière ; - à titre subsidiaire, une convention aurait dû être conclue pour la prise en charge des frais d'intervention ; - en tout état de cause, la somme demandée est disproportionnée. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code général des collectivités territoriales ; - le code de la sécurité intérieure ; - le code de la santé publique ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Anne Seulin, présidente de chambre, - les conclusions de M. Guillaume Toutias, rapporteur public, - et les observations de Me Anne Florence Faurre substituant Me Omar Yahia, représentant le CHRU de Lille. Considérant ce qui suit : 1. Par une délibération du 27 juin 2017, le conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours (SDIS) du Nord a approuvé la tarification de chaque transfert médicalisé réalisé par le moyen d'un véhicule de secours et d'assistance aux victimes (VSAV) suite à la demande de la structure médicale d'urgence et de réanimation (SMUR) sur place et/ou du centre de réception et de régulation des appels (" centre 15 ") du service d'aide médicale urgente (SAMU), vers un établissement de santé. Sur le fondement de cette délibération, le SDIS du Nord demande que le coût unitaire des interventions litigieuses soit calculé conformément à la délibération du 27 juin 2017 de son conseil d'administration, soit 346 euros, et demande la condamnation du centre hospitalier régional universitaire (CHRU) de Lille à lui verser la somme de 149 126 euros au titre du préjudice subi en raison des interventions réalisées au cours du mois de mai 2018 à la demande du " centre 15 " du SAMU rattaché au CHRU de Lille. 2. Le SDIS du Nord fait appel du jugement du 22 décembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Sur la question prioritaire de constitutionnalité : 3. Aux termes de l'article R.*771-3 du code de justice administrative : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est soulevé, conformément aux dispositions de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, à peine d'irrecevabilité, dans un mémoire distinct et motivé. Ce mémoire, ainsi que, le cas échéant, l'enveloppe qui le contient, portent la mention : " question prioritaire de constitutionnalité " ". L'article R.*771-4 du même code dispose : " L'irrecevabilité tirée du défaut de présentation, dans un mémoire distinct et motivé, du moyen visé à l'article précédent peut être opposée sans qu'il soit fait application des articles R. 611-7 et R. 612-1 ". Le SDIS du Nord n'a pas présenté dans un mémoire distinct le moyen tiré de ce que les dispositions de l'article L. 1424-2 du code général des collectivités territoriales portent atteinte à certains droits et libertés garantis par la Constitution. Ce moyen n'est, par suite, pas recevable et doit être écarté. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 4. D'une part, aux termes de l'article L. 1424-2 du code général des collectivités territoriales : " Les services d'incendie et de secours (...) concourent, avec les autres services et professionnels concernés, (...) aux secours d'urgence. / Dans le cadre de leurs compétences, ils exercent les missions suivantes : (...) / 4° Les secours d'urgence aux personnes victimes d'accidents, de sinistres ou de catastrophes ainsi que leur évacuation ". L'article L. 742-11 du code de la sécurité intérieure prévoit que : " Les dépenses directement imputables aux opérations de secours au sens des dispositions de l'article L. 1424-2 du code général des collectivités territoriales sont prises en charge par le service départemental d'incendie et de secours. (...) ". L'article L. 1424-42 du code général des collectivités territoriales dispose que : " Le service départemental d'incendie et de secours n'est tenu de procéder qu'aux seules interventions qui se rattachent directement à ses missions de service public définies à l'article L. 1424-2. / S'il a procédé à des interventions ne se rattachant pas directement à l'exercice de ses missions, il peut demander aux personnes bénéficiaires une participation aux frais, dans les conditions déterminées par délibération du conseil d'administration. / Les interventions effectuées par les services d'incendie et de secours à la demande de la régulation médicale du centre 15, lorsque celle-ci constate le défaut de disponibilité des transporteurs sanitaires privés, et qui ne relèvent pas de l'article L. 1424-2, font l'objet d'une prise en charge financière par les établissements de santé, sièges des services d'aide médicale d'urgence. / Les conditions de cette prise en charge sont fixées par une convention entre le service départemental d'incendie et de secours et l'hôpital siège du service d'aide médicale d'urgence, selon des modalités fixées par arrêté conjoint du ministre de l'intérieur et du ministre chargé de la sécurité sociale (...) ". 5. D'autre part, aux termes de l'article L. 6311-1 du code de la santé publique : " L'aide médicale urgente a pour objet, en relation notamment avec les dispositifs communaux et départementaux d'organisation des secours, de faire assurer aux malades, blessés et parturientes, en quelque endroit qu'ils se trouvent, les soins d'urgence appropriés à leur état " et l'article L. 6311-2 du même code prévoit que : " (...) Un centre de réception et de régulation des appels est installé dans les services d'aide médicale urgente (...) ". L'article R. 6311-1 de ce code précise que : " Les services d'aide médicale urgente ont pour mission de répondre par des moyens exclusivement médicaux aux situations d'urgence. / Lorsqu'une situation d'urgence nécessite la mise en œuvre conjointe de moyens médicaux et de moyens de sauvetage, les services d'aide médicale urgente joignent leurs moyens à ceux qui sont mis en œuvre par les services d'incendie et de secours " et l'article R. 6311-2 que : " Pour l'application de l'article R. 6311-1, les services d'aide médicale urgente : / (...) 2° Déterminent et déclenchent, dans le délai le plus rapide, la réponse la mieux adaptée à la nature des appels ; / (...) 4° Organisent, le cas échéant, le transport dans un établissement public ou privé en faisant appel à un service public ou à une entreprise privée de transports sanitaires (...) ". L'article D. 6124-12 de ce code permet aux SDIS de mettre des équipages et véhicules à disposition d'une SMUR dans le cadre, qui régit alors cette mise à disposition, d'une convention avec l'établissement de santé autorisé à disposer d'une telle structure. Il résulte aussi de l'article R. 6312-15 du même code que ces services, indépendamment de la conclusion d'une telle convention, peuvent être amenés à intervenir pour effectuer des transports sanitaires d'urgence faute de moyens de transport sanitaire. 6. Enfin, le paragraphe II.B.1 du titre I du référentiel commun du 25 juin 2008 relatif à l'organisation du secours à personne et de l'aide médicale urgente, annexé à l'arrêté de la ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales et de la ministre de la santé et des sports du 24 avril 2009, prévoit, pour renforcer la coordination des services publics de façon à apporter la réponse la plus adaptée aux situations d'urgence, d'une part, que tous les appels pour secours et soins d'urgence font l'objet de la régulation médicale par le SAMU et, d'autre part, que dans les situations de " départ réflexe ", correspondant notamment à l'urgence vitale identifiée à l'appel et aux interventions sur la voie publique ou dans les lieux publics, l'engagement des moyens des SDIS en vue de secours d'urgence précède la régulation médicale, laquelle se fait alors dans les meilleurs délais. En vertu de la circulaire interministérielle du 5 juin 2015 relative à l'application de l'arrêté du 24 avril 2009 relatif à la mise en œuvre du référentiel portant sur l'organisation du secours à personne et de l'aide médicale urgente : " En cas de départ réflexe des moyens du SIS, la régulation médicale par le SAMU intervient dans les meilleurs délais après le déclenchement des moyens du SIS afin de s'assurer de la pertinence des moyens déjà engagés (compétence mobilisée et vecteur utilisé) et de les compléter le cas échéant ". 7. Il résulte de l'ensemble de ces dispositions que les SDIS ne doivent supporter la charge que des interventions qui se rattachent directement aux missions de service public définies à l'article L. 1424-2 du code général des collectivités territoriales. Figurent au nombre de ces missions celles qui relèvent des secours d'urgence aux personnes victimes d'accidents, de sinistres ou de catastrophes, y compris l'évacuation de ces personnes vers un établissement de santé. 8. Il ressort des termes mêmes du deuxième alinéa de l'article L. 1424-42 du code général des collectivités territoriales que ces dispositions ne concernent pas les interventions des SDIS à la demande du " centre 15 " et régissent exclusivement les interventions des SDIS à la demande de particuliers, en dehors des situations de secours d'urgence aux personnes relevant du 4° de l'article L. 1424-2 du même code. De même, les troisième et quatrième alinéas de l'article L. 1424-42 s'appliquent lorsque le SDIS intervient en dehors de situation de secours d'urgence aux personnes, à la demande du " centre 15 " de régulation médicale qui souhaite envoyer un moyen de transport pour répondre à une situation médicalement justifiée tout en constatant le défaut de disponibilité des transporteurs sanitaires privés. Dans un tel cas, les interventions effectuées par le SDIS font l'objet d'une prise en charge financière par les établissements publics de santé, siège des SAMU, par voie conventionnelle. Les troisième et quatrième alinéas de cet article régissent ainsi l'ensemble des conditions de prise en charge financière, par les établissements de santé, des interventions du SDIS à la demande du " centre 15 ", lorsque ces interventions ne sont pas au nombre des missions de service public définies à l'article L. 1424-2 du même code. Cette prise en charge financière par voie conventionnelle est, par définition, différente de celle visée par l'article D. 6124-12 du code de la santé publique qui prévoit que le SDIS peut mettre à la disposition de la SMUR rattachée à un établissement de santé disposant d'un SAMU, certains de ses moyens, par voie de convention. Il suit de là qu'aucune disposition de l'article L.1424-42 du code général des collectivités territoriales n'autorise un SDIS à facturer unilatéralement une prise en charge financière à un établissement public de santé abritant un SAMU. 9. Par ailleurs, lorsque le SDIS, après avoir engagé ses moyens dans une situation de " départ réflexe ", laquelle relève de ses missions de service public au titre du 4° de l'article L. 1424-2 du code général des collectivités territoriales, procède à l'évacuation de la personne secourue vers un établissement de santé, il lui incombe d'assumer la charge financière de ce transport qui doit être regardé, en vertu des mêmes dispositions, quelle que soit la gravité de l'état de la personne secourue, comme le prolongement des missions de secours d'urgence aux accidentés ou blessés qui lui sont dévolues. La circonstance que la SMUR soit également intervenue sur décision du médecin coordonnateur du " centre 15 " pour assurer, au titre de ses missions propres, la prise en charge médicale urgente de la personne, est sans incidence sur les obligations légales du SDIS, parmi lesquelles figure celle d'assurer l'évacuation de la personne qu'il a secourue vers un établissement de santé. 10. Il résulte de ce qui vient d'être dit que le conseil d'administration du SDIS du Nord ne pouvait légalement, par sa délibération du 27 juin 2017, facturer unilatéralement aux centres hospitaliers abritant un SAMU, sur la base d'un forfait de 346 euros, les transports " de jonction " médicalisés à la demande de la SMUR sur place et/ou de la coordination médicale, réalisés au moyen de son VSAV vers l'établissement de santé désigné par le médecin coordinateur du " centre 15 " et qu'il lui incombe d'assumer la charge financière de ces interventions. Dès lors, le SDIS du Nord ne peut se prévaloir d'aucun préjudice financier résultant de la prise en charge de ces transports médicalisés au moyen de son VSAV. 11. De même, les évacuations réalisées par le SDIS du Nord relevant des missions qui lui sont imparties par le 4° de l'article L. 1424-2 du code général des collectivités territoriales, la charge financière qu'il supporte du fait de ces interventions résulte d'une obligation légale et ne saurait donc donner lieu à indemnisation sur le fondement de l'enrichissement sans cause. Pour les mêmes raisons ne peut-il être regardé, à l'occasion de ces évacuations, comme un collaborateur occasionnel du service public dès lors qu'il ne fait qu'exercer les missions qui lui sont légalement dévolues par la loi. 12. Il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la demande d'expertise, que le SDIS du Nord n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Sur les frais liés à l'instance : 13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que le CHRU de Lille, qui n'a pas la qualité de partie perdante à l'instance, verse au SDIS du Nord la somme que celui-ci réclame à ce titre. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner le SDIS du Nord à verser au CHRU de Lille la somme réclamée au même titre. DÉCIDE : Article 1er : La requête du service départemental d'incendie et de secours du Nord est rejetée. Article 2 : Les conclusions du centre hospitalier régional universitaire de Lille au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au service départemental d'incendie et de secours du Nord et au centre hospitalier régional universitaire de Lille. Copie sera adressée au préfet du Nord. Délibéré après l'audience du 14 mars 2023 à laquelle siégeaient : - Mme Anne Seulin, présidente de chambre, - M. Marc Baronnet, président-assesseur, - M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mars 2023. Le président-assesseur, Signé : M. A...La présidente de chambre Signé : A. Seulin La greffière, Signé : A.S. Villette La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention et au préfet du Nord en ce qui les concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme, La greffière Anne-Sophie Villette 2 N°22DA00336
JADE/CETATEXT000047375738.xml
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Par un arrêt du 19 décembre 2019, la cour administrative d'appel de Douai, saisie par le service départemental d'incendie et de secours (SDIS) du Nord, a annulé l'ordonnance du tribunal administratif de Lille du 30 octobre 2018 et a renvoyé l'affaire au tribunal pour qu'il soit statué sur la requête présentée par le SDIS du Nord. Cette affaire a été enregistrée sous le n° 1910983. Par une requête et des mémoires, enregistrés les 18 octobre 2018, 24 décembre 2019, 24 janvier 2020 et 25 février 2021, le service départemental d'incendie et de secours (SDIS) du Nord a demandé au tribunal administratif de Lille, à titre principal, de condamner le centre hospitalier d'Armentières à lui verser la somme de 44 748 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis en raison des interventions réalisées, pour le compte de ce centre hospitalier, au cours du mois de mai 2018, à titre subsidiaire, d'ordonner une mesure d'expertise afin de déterminer le montant de ses préjudices et, enfin, de mettre à la charge du centre hospitalier d'Armentières la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un jugement n° 1910983 du 22 décembre 2021, le tribunal administratif de Lille a rejeté la demande présentée par le SDIS du Nord. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés les 14 février et 7 novembre 2022, le SDIS du Nord, représenté par la SCP Manuel Gros Héloïse Hicter et associés, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) à titre principal, de condamner le centre hospitalier d'Armentières à lui verser la somme de 44 748 euros en réparation du préjudice qu'il a subi, assortie des intérêts de droit ; 3°) à titre subsidiaire, de désigner, au titre des mesures d'instruction, un expert afin d'établir le coût moyen réel d'une intervention du SDIS dans le cadre du service public hospitalier, ou la fraction de la dotation de financement des missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation (MIGAC) dont a bénéficié le centre hospitalier d'Armentières pour l'aide médicale d'urgence et les transports qu'il n'a pas effectués en mobilisant les moyens du SDIS ; 4°) de mettre à la charge du centre hospitalier d'Armentières la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - lorsque le SDIS est sollicité par une structure mobile d'urgence et de réanimation (SMUR) pour assurer les transports de jonction médicalisés grâce à son véhicule de secours et d'assistance aux victimes (VSAV), il intervient en dehors de ses missions propres prévues par l'article L. 1424-2 du code général des collectivités territoriales, en particulier lorsqu'un médecin de la SMUR est présent dans son VSAV ; - ces interventions doivent dès lors donner lieu à indemnisation de la part du centre hospitalier d'Armentières, sur le fondement du régime du collaborateur occasionnel du service public ou de l'enrichissement sans cause ; - l'article L. 1424-2 du code général des collectivités territoriales, à titre principal dans sa version issue de la loi n° 96-369 du 3 mai 1996 ou, à titre subsidiaire dans sa version issue de la loi n° 2021-1520 du 25 novembre 2021, tel qu'interprété par le Conseil d'Etat, méconnaît l'article 72 de la Constitution relatif au principe de libre administration des collectivités territoriales et l'article 72-2 de la Constitution relatif au principe de compensation de tout transfert de compétences entre l'Etat et les collectivités territoriales. Par un mémoire en défense, enregistré le 1er novembre 2022, le centre hospitalier d'Armentières, représenté par Me Julien Briout, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge du SDIS du Nord une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - à titre principal, les transports de jonction litigieux constituent des évacuations prolongeant les missions de secours du SDIS et doivent donc être à sa charge financière ; - à titre subsidiaire, une convention aurait dû être conclue pour la prise en charge des frais d'intervention ; - en tout état de cause, la somme demandée est disproportionnée et est fondée sur une délibération illégale. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code général des collectivités territoriales ; - le code de la sécurité intérieure ; - le code de la santé publique ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Anne Seulin, présidente de chambre, - les conclusions de M. Guillaume Toutias, rapporteur public, - et les observations de Me Manuel Gros, représentant le SDIS du Nord. Considérant ce qui suit : 1. Par une délibération du 27 juin 2017, le conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours (SDIS) du Nord a approuvé la tarification de chaque transfert médicalisé réalisé par le moyen d'un véhicule de secours et d'assistance aux victimes (VSAV) suite à la demande de la structure médicale d'urgence et de réanimation (SMUR) sur place et/ou du centre de réception et de régulation des appels (" centre 15 ") du service d'aide médicale urgente (SAMU), vers un établissement de santé. Sur le fondement de cette délibération, le SDIS du Nord demande que le coût unitaire des interventions litigieuses soit calculé conformément à la délibération du 27 juin 2017 de son conseil d'administration, soit 346 euros, et demande la condamnation du centre hospitalier d'Armentières à lui verser la somme de 44 748 euros au titre du préjudice subi en raison des interventions réalisées au cours des mois de mai et juin 2018 à la demande du " centre 15 " du SAMU rattaché au centre hospitalier d'Armentières. 2. Le SDIS du Nord fait appel du jugement du 22 décembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Sur la question prioritaire de constitutionnalité : 3. Aux termes de l'article R.*771-3 du code de justice administrative : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est soulevé, conformément aux dispositions de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, à peine d'irrecevabilité, dans un mémoire distinct et motivé. Ce mémoire, ainsi que, le cas échéant, l'enveloppe qui le contient, portent la mention : " question prioritaire de constitutionnalité " ". L'article R.*771-4 du même code dispose : " L'irrecevabilité tirée du défaut de présentation, dans un mémoire distinct et motivé, du moyen visé à l'article précédent peut être opposée sans qu'il soit fait application des articles R. 611-7 et R. 612-1 ". Le SDIS du Nord n'a pas présenté dans un mémoire distinct le moyen tiré de ce que les dispositions de l'article L. 1424-2 du code général des collectivités territoriales portent atteinte à certains droits et libertés garantis par la Constitution. Ce moyen n'est, par suite, pas recevable et doit être écarté. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 4. D'une part, aux termes de l'article L. 1424-2 du code général des collectivités territoriales : " Les services d'incendie et de secours (...) concourent, avec les autres services et professionnels concernés, (...) aux secours d'urgence. / Dans le cadre de leurs compétences, ils exercent les missions suivantes : (...) / 4° Les secours d'urgence aux personnes victimes d'accidents, de sinistres ou de catastrophes ainsi que leur évacuation ". L'article L. 742-11 du code de la sécurité intérieure prévoit que : " Les dépenses directement imputables aux opérations de secours au sens des dispositions de l'article L. 1424-2 du code général des collectivités territoriales sont prises en charge par le service départemental d'incendie et de secours. (...) ". L'article L. 1424-42 du code général des collectivités territoriales dispose que : " Le service départemental d'incendie et de secours n'est tenu de procéder qu'aux seules interventions qui se rattachent directement à ses missions de service public définies à l'article L. 1424-2. / S'il a procédé à des interventions ne se rattachant pas directement à l'exercice de ses missions, il peut demander aux personnes bénéficiaires une participation aux frais, dans les conditions déterminées par délibération du conseil d'administration. / Les interventions effectuées par les services d'incendie et de secours à la demande de la régulation médicale du centre 15, lorsque celle-ci constate le défaut de disponibilité des transporteurs sanitaires privés, et qui ne relèvent pas de l'article L. 1424-2, font l'objet d'une prise en charge financière par les établissements de santé, sièges des services d'aide médicale d'urgence. / Les conditions de cette prise en charge sont fixées par une convention entre le service départemental d'incendie et de secours et l'hôpital siège du service d'aide médicale d'urgence, selon des modalités fixées par arrêté conjoint du ministre de l'intérieur et du ministre chargé de la sécurité sociale (...) ". 5. D'autre part, aux termes de l'article L. 6311-1 du code de la santé publique : " L'aide médicale urgente a pour objet, en relation notamment avec les dispositifs communaux et départementaux d'organisation des secours, de faire assurer aux malades, blessés et parturientes, en quelque endroit qu'ils se trouvent, les soins d'urgence appropriés à leur état " et l'article L. 6311-2 du même code prévoit que : " (...)Un centre de réception et de régulation des appels est installé dans les services d'aide médicale urgente (...) ". L'article R. 6311-1 de ce code précise que : " Les services d'aide médicale urgente ont pour mission de répondre par des moyens exclusivement médicaux aux situations d'urgence. / Lorsqu'une situation d'urgence nécessite la mise en œuvre conjointe de moyens médicaux et de moyens de sauvetage, les services d'aide médicale urgente joignent leurs moyens à ceux qui sont mis en œuvre par les services d'incendie et de secours " et l'article R. 6311-2 que : " Pour l'application de l'article R. 6311-1, les services d'aide médicale urgente : / (...) 2° Déterminent et déclenchent, dans le délai le plus rapide, la réponse la mieux adaptée à la nature des appels ; / (...) 4° Organisent, le cas échéant, le transport dans un établissement public ou privé en faisant appel à un service public ou à une entreprise privée de transports sanitaires (...) ". L'article D. 6124-12 de ce code permet aux SDIS de mettre des équipages et véhicules à disposition d'une SMUR dans le cadre, qui régit alors cette mise à disposition, d'une convention avec l'établissement de santé autorisé à disposer d'une telle structure. Il résulte aussi de l'article R. 6312-15 du même code que ces services, indépendamment de la conclusion d'une telle convention, peuvent être amenés à intervenir pour effectuer des transports sanitaires d'urgence faute de moyens de transport sanitaire. 6. Enfin, le paragraphe II.B.1 du titre I du référentiel commun du 25 juin 2008 relatif à l'organisation du secours à personne et de l'aide médicale urgente, annexé à l'arrêté de la ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales et de la ministre de la santé et des sports du 24 avril 2009, prévoit, pour renforcer la coordination des services publics de façon à apporter la réponse la plus adaptée aux situations d'urgence, d'une part, que tous les appels pour secours et soins d'urgence font l'objet de la régulation médicale par le SAMU et, d'autre part, que dans les situations de " départ réflexe ", correspondant notamment à l'urgence vitale identifiée à l'appel et aux interventions sur la voie publique ou dans les lieux publics, l'engagement des moyens des SDIS en vue de secours d'urgence précède la régulation médicale, laquelle se fait alors dans les meilleurs délais. En vertu de la circulaire interministérielle du 5 juin 2015 relative à l'application de l'arrêté du 24 avril 2009 relatif à la mise en œuvre du référentiel portant sur l'organisation du secours à personne et de l'aide médicale urgente : " En cas de départ réflexe des moyens du SIS, la régulation médicale par le SAMU intervient dans les meilleurs délais après le déclenchement des moyens du SIS afin de s'assurer de la pertinence des moyens déjà engagés (compétence mobilisée et vecteur utilisé) et de les compléter le cas échéant ". 7. Il résulte de l'ensemble de ces dispositions que les SDIS ne doivent supporter la charge que des interventions qui se rattachent directement aux missions de service public définies à l'article L. 1424-2 du code général des collectivités territoriales. Figurent au nombre de ces missions celles qui relèvent des secours d'urgence aux personnes victimes d'accidents, de sinistres ou de catastrophes, y compris l'évacuation de ces personnes vers un établissement de santé. 8. Il ressort des termes mêmes du deuxième alinéa de l'article L. 1424-42 du code général des collectivités territoriales que ces dispositions ne concernent pas les interventions des SDIS à la demande du " centre 15 " et régissent exclusivement les interventions des SDIS à la demande de particuliers, en dehors des situations de secours d'urgence aux personnes relevant du 4° de l'article L. 1424-2 du même code. De même, les troisième et quatrième alinéas de l'article L. 1424-42 s'appliquent lorsque le SDIS intervient en dehors de situation de secours d'urgence aux personnes, à la demande du " centre 15 " de régulation médicale qui souhaite envoyer un moyen de transport pour répondre à une situation médicalement justifiée tout en constatant le défaut de disponibilité des transporteurs sanitaires privés. Dans un tel cas, les interventions effectuées par le SDIS font l'objet d'une prise en charge financière par les établissements publics de santé, siège des SAMU, par voie conventionnelle. Les troisième et quatrième alinéas de cet article régissent ainsi l'ensemble des conditions de prise en charge financière, par les établissements de santé, des interventions du SDIS à la demande du " centre 15 ", lorsque ces interventions ne sont pas au nombre des missions de service public définies à l'article L. 1424-2 du même code. Cette prise en charge financière par voie conventionnelle est, par définition, différente de celle visée par l'article D. 6124-12 du code de la santé publique qui prévoit que le SDIS peut mettre à la disposition de la SMUR rattachée à un établissement de santé disposant d'un SAMU, certains de ses moyens, par voie de convention. Il suit de là qu'aucune disposition de l'article L.1424-42 du code général des collectivités territoriales n'autorise un SDIS à facturer unilatéralement une prise en charge financière à un établissement public de santé abritant un SAMU. 9. Par ailleurs, lorsque le SDIS, après avoir engagé ses moyens dans une situation de " départ réflexe ", laquelle relève de ses missions de service public au titre du 4° de l'article L. 1424-2 du code général des collectivités territoriales, procède à l'évacuation de la personne secourue vers un établissement de santé, il lui incombe d'assumer la charge financière de ce transport qui doit être regardé, en vertu des mêmes dispositions, quelle que soit la gravité de l'état de la personne secourue, comme le prolongement des missions de secours d'urgence aux accidentés ou blessés qui lui sont dévolues. La circonstance que la SMUR soit également intervenue sur décision du médecin coordonnateur du " centre 15 " pour assurer, au titre de ses missions propres, la prise en charge médicale urgente de la personne, est sans incidence sur les obligations légales du SDIS, parmi lesquelles figure celle d'assurer l'évacuation de la personne qu'il a secourue vers un établissement de santé. 10. Il résulte de ce qui vient d'être dit que le conseil d'administration du SDIS du Nord ne pouvait légalement, par sa délibération du 27 juin 2017, facturer unilatéralement aux centres hospitaliers abritant un SAMU, sur la base d'un forfait de 346 euros, les transports " de jonction " médicalisés à la demande de la SMUR sur place et/ou de la coordination médicale, réalisés au moyen de son VSAV vers l'établissement de santé désigné par le médecin coordinateur du " centre 15 " et qu'il lui incombe d'assumer la charge financière de ces interventions. Dès lors, le SDIS du Nord ne peut se prévaloir d'aucun préjudice financier résultant de la prise en charge de ces transports médicalisés au moyen de son VSAV. 11. De même, les évacuations réalisées par le SDIS du Nord relevant des missions qui lui sont imparties par le 4° de l'article L. 1424-2 du code général des collectivités territoriales, la charge financière qu'il supporte du fait de ces interventions résulte d'une obligation légale et ne saurait donc donner lieu à indemnisation sur le fondement de l'enrichissement sans cause. Pour les mêmes raisons ne peut-il être regardé, à l'occasion de ces évacuations, comme un collaborateur occasionnel du service public dès lors qu'il ne fait qu'exercer les missions qui lui sont légalement dévolues par la loi. 12. Il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la demande d'expertise, que le SDIS du Nord n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Sur les frais liés à l'instance : 13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que le centre hospitalier d'Armentières, qui n'a pas la qualité de partie perdante à l'instance, verse au SDIS du Nord la somme que celui-ci réclame à ce titre. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner le SDIS du Nord à verser au centre hospitalier d'Armentières la somme réclamée au même titre. DÉCIDE : Article 1er : La requête du service départemental d'incendie et de secours du Nord est rejetée. Article 2 : Les conclusions du centre hospitalier d'Armentières au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au service départemental d'incendie et de secours du Nord et au centre hospitalier d'Armentières. Copie sera adressée au préfet du Nord. Délibéré après l'audience du 14 mars 2023 à laquelle siégeaient : - Mme Anne Seulin, présidente de chambre, - M. Marc Baronnet, président-assesseur, - M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mars 2023. Le président-assesseur, Signé : M. A...La présidente de chambre Signé : A. Seulin La greffière, Signé : A.S. Villette La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention et au préfet du Nord en ce qui les concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme, La greffière Anne-Sophie Villette 2 N°22DA00316
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Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : La société par actions simplifiée (SAS) Tommasini Construction a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner la commune de Willems à lui verser la somme de 78 696,93 euros HT assortie des intérêts moratoires dans le cadre du règlement financier d'un marché d'aménagement de bureaux. Par un jugement n° 1902018 du 15 juin 2021, le tribunal administratif de Lille a condamné la commune de Willems à lui verser la somme de 17 595,88 euros avec intérêts et a rejeté le surplus des conclusions de la demande. Procédure devant la cour : Par une requête et des mémoires, enregistrés les 26 juillet 2021 et 17 octobre 2022, la société Tommasini Construction, représentée par Me Erwan Le Briquir, demande à la cour : 1°) de réformer ce jugement ; 2°) à titre principal, de condamner la commune de Willems à lui verser la somme de 78 696,93 euros HT, assortie des intérêts moratoires à compter du 16 octobre 2018, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ; 3°) à titre subsidiaire, de condamner la commune à lui verser la somme de 68 138,32 euros HT, outre les intérêts moratoires, sous la même astreinte ; 4°) de moduler les pénalités de retard à la somme de 10 558,61 euros correspondant à un retard de vingt-trois jours calendaires ; 5°) de mettre à la charge de la commune de Willems une somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - un décompte général et définitif est intervenu tacitement le 27 septembre 2018 ; - la découverte d'amiante en cours de chantier a nécessairement retardé le chantier sans que ce retard lui soit imputable ; - ce retard lui a causé un préjudice financier d'un montant de 13 856 euros HT ; - le montant des pénalités qui lui ont été infligées présente un caractère manifestement excessif et devra faire l'objet d'une modulation. Par un mémoire en défense, enregistré le 2 mai 2022, la commune de Willems, représentée par Me Chloé Schmidt-Sarels, demande à la cour : 1°) de réformer le jugement en ramenant la somme due à la société Tommasini Contruction à 9 035,28 euros au titre du solde définitif du marché ; 2°) de mettre à la charge de la société Tommasini Construction une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - aucun décompte général et définitif n'a pu intervenir tacitement ; - les pénalités, dont le montant doit être fixé à 55 643,90 euros, sont liées à un retard du chantier de cent trente jours dont la société appelante est responsable. Par une ordonnance du 19 octobre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 21 novembre 2022. Vu les autres pièces du dossier. Vu le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller, - les conclusions de M. Guillaume Toutias, rapporteur public, - et les observations de Me Alexandre Le Pallec substituant Me Erwan Le Briquir, représentant la société Tommasini Construction et de Me Chloé Schmidt-Sarels, représentant la commune de Willems. Considérant ce qui suit : 1. Par un acte d'engagement conclu le 27 janvier 2017, la commune de Willems a attribué à la SAS Tommasini Construction, pour un prix global et forfaitaire de 209 650 euros hors taxes (HT), la réalisation du lot n° 1 " clos couvert " portant sur les travaux de gros œuvre étendu de son projet d'aménagement de bureaux de l'incubateur Agrotech situé sur son territoire. La maîtrise d'œuvre du projet a été assurée par les sociétés Juxta Architectes et Moduo et le contrôle technique par la société Dekra. Alors que le chantier a débuté le 2 mai 2017 et devait en principe s'achever le 8 septembre 2017, la réception de l'ouvrage a été prononcée le 16 janvier 2018. 2. La société Tommasini Construction a demandé au tribunal administratif de Lille d'arrêter le solde du marché à la somme de 78 696,93 euros HT et de mettre cette somme à la charge de la commune de Willems. La société relève appel du jugement du 15 juin 2021 par lequel le tribunal administratif de Lille a condamné la commune à lui verser le montant du solde du marché arrêté à la somme de 17 595,88 euros HT. La commune de Willems, par la voie de l'appel incident, demande à la cour de réformer le jugement et de fixer le solde du marché à la somme de 9 035,28 euros HT en prenant en compte des pénalités de retard d'un montant total de 55 643,90 euros. Sur le bien-fondé du jugement : En ce qui concerne l'existence d'un décompte général définitif tacite : 3. L'ensemble des opérations auxquelles donne lieu l'exécution d'un marché public de travaux est compris dans un compte dont aucun élément ne peut être isolé et dont seul le solde arrêté lors de l'établissement du décompte définitif détermine les droits et obligations définitifs des parties. 4. Il résulte de l'instruction que la société Tommasini Construction a notifié son mémoire définitif le 9 mars 2018 au maître d'œuvre qui a décidé, par lettre du 30 mars 2018, de le rejeter. Par lettre du 11 septembre 2018, la société appelante a mis en demeure la commune de Willems de lui adresser le décompte définitif du marché dans un délai de quinze jours suivant la réception de cette lettre, soit le 12 septembre 2018. Il est constant que le maître de l'ouvrage n'a pas notifié le décompte définitif dans ce délai et ne l'a fait que par lettre du 17 octobre 2018. La société Tommasini Construction soutient que le silence gardé par la commune durant ce délai de quinze jours, expirant le 27 septembre 2018, a donné naissance à un décompte général définitif tacite et que, de ce fait, la personne publique ne peut plus lui imputer de pénalités de retard. 5. Il résulte des stipulations de l'article 2.2.3 du cahier des clauses administratives particulières (CCAP) du marché que, dans l'ordre de préséance des documents contractuels, le CCAP précède la norme NFP 03 001 de décembre 2000 et ses révisions et qu'en cas de contradiction entre ces documents, le CCAP prime sur cette norme. Aux termes de l'article 5.4 du CCAP : " Règlement des comptes définitifs / Par dérogation à ce qui est prévu à la NORME NFP 03 001 le règlement des comptes sera établi comme suit : / 5.4.1 Mémoire définitif / Le mémoire définitif des travaux exécutés par l'entrepreneur devra être remis au maître d'œuvre dans un délai de 60 jours à compter de la date de la réception (...) / (...) Le mémoire définitif de l'entreprise sera vérifié par le maître d'œuvre dans les 45 jours qui suivent la date de sa remise. / 5.4.2 Décompte définitif et décompte général / Le Maître d'œuvre établira le décompte définitif à partir du mémoire définitif de l'entrepreneur. / (...) Dans un délai de 30 jours après réception du mémoire définitif vérifié par le Maître d'œuvre, le maître d'ouvrage notifiera en LRAR à l'entrepreneur ce décompte définitif qui deviendra le décompte général définitif s'il est accepté ou non contesté par l'entrepreneur ". 6. Il ne résulte pas des stipulations précitées que le silence gardé par le maître de l'ouvrage après réception du mémoire définitif ou du décompte définitif établi par le maître d'œuvre ferait naître un décompte général et définitif tacite, ni que les dispositions de l'article 19.6.2 de la norme NFP 03 001 prévoyant un tel mécanisme de décompte général et définitif tacite, pourraient se substituer au CCAP. Ainsi, la société Tommasini Construction n'est pas fondée à soutenir que le silence gardé par la commune de Willems pendant les quinze jours suivant sa mise en demeure, a fait naître un décompte général définitif tacite. Sur le solde du marché : 7. S'agissant des frais supplémentaires d'un montant de 13 865 euros HT supportés par la société appelante en raison de l'interruption du chantier durant un mois à la suite de la découverte d'un joint amianté sur le moteur d'un monte-charge, il résulte de l'article 5.1 du CCAP que le prix forfaitaire du marché de la société appelante comprend les charges et aléas résultant de l'exécution des travaux ainsi que les sujétions particulières découlant de la nature des travaux, des lieux ou circonstances locales tandis que l'article 7.1.2 du même document relatif aux plannings et au délai d'exécution du marché, stipule que " l'entrepreneur supportera tous les suppléments de dépenses à engager afin de rattraper tous les retards ". Par ailleurs, le risque de découvrir de l'amiante sur le chantier a été porté à la connaissance de la société appelante. Ainsi, ce risque est mentionné au plan général de coordination et il résulte de l'article 2.2.1 du cahier des clauses administratives particulières qu'un dossier amiante figure dans les pièces contractuelles du marché. Enfin, la société n'établit pas l'impossibilité dans laquelle elle s'est trouvée de redéployer ses moyens humains et matériels sur un autre chantier au cours de l'interruption des travaux. Par suite, la demande de 13 865 euros HT au titre des frais supplémentaires ne peut pas être inscrite à son crédit. 8. Ensuite, il résulte des stipulations du marché que le respect du planning des travaux est une clause essentielle, l'article 7.2.2 du cahier des clauses administratives particulières stipulant notamment qu'aucune cause de prolongation du délai d'exécution ne sera admise, à l'exception des intempéries. L'article 7.3.2 du même cahier prévoit une pénalité automatique en cas de dépassement du délai contractuel, calculée au prorata du nombre de jour calendaire de retard et à partir d'un coefficient égal à 2/1000ème du montant total du marché et des travaux supplémentaires, ce qui représente 428,03 euros par jour de retard. Comme il a été dit au point 1, les travaux du lot dont la société Tommasini Construction était titulaire devaient théoriquement s'achever le 8 septembre 2017 mais n'ont été effectivement terminés que le 16 janvier 2018, cent trente jours plus tard, soit une durée d'exécution quasiment doublée par rapport à celle contractuellement prévue. La commune de Willems soutient qu'une somme de 55 643,90 euros, représentant cent trente jours de retard, doit être infligée au titulaire du marché qui, quant à lui, ne reconnaît être responsable que d'un retard de vingt-trois jours. 9. Il résulte de l'instruction que ce retard est d'abord imputable à l'interruption du chantier à partir de la découverte d'amiante le 16 mai 2017 sur le joint d'un monte-charge et jusqu'à la réalisation des travaux de désamiantage les 15 et 16 juin suivant par une entreprise tierce. Si, comme il a été dit au point 7, la société Tommasini Construction avait été informée du risque d'amiante et si elle devait en tenir compte pour le respect de ses engagements contractuels, y compris ceux relatifs au délai d'exécution, la commune de Willems n'apporte aucun élément supplémentaire en appel pour démontrer qu'elle avait réalisé les diagnostics complémentaires auxquels elle s'était engagée et qui étaient notamment rappelés dans le plan général de coordination. C'est donc à bon droit que les premiers juges ont déduit du total de cent trente jours de retard imputables à la société Tommasini Construction, vingt jours au titre de cette interruption. 10. En revanche, la société Tommasini Construction ne peut se prévaloir de la défaillance de son sous-traitant pour la pose d'un escalier intérieur au motif que celui-ci n'était plus disponible après la période d'interruption de vingt jours, dès lors qu'elle n'établit pas qu'elle ne pouvait pas faire appel à un autre sous-traitant ou réaliser les travaux elle-même. En outre, les travaux supplémentaires de menuiserie commandés par le maître d'ouvrage pour la mise en place de fourreaux contenant de la fibre optique, d'un montant total de 6 103,40 euros, ont une ampleur très limitée par rapport à l'objet du marché et il ne résulte pas de l'instruction qu'ils ne pouvaient être exécutés dans la limite du délai prévu contractuellement. Il s'ensuit que la société Tommasini Construction n'est pas fondée à demander la réduction du montant des pénalités de retard à ces deux titres. 11. En dernier lieu, si le juge du contrat doit, en principe, appliquer les clauses relatives aux pénalités dont sont convenues les parties en signant le contrat, il peut, à titre exceptionnel, saisi de conclusions en ce sens par une partie, modérer ou augmenter les pénalités de retard résultant du contrat si elles atteignent un montant manifestement excessif ou dérisoire, eu égard au montant du marché et compte tenu de l'ampleur du retard constaté dans l'exécution des prestations. 12. En l'espèce, la société Tommasini Construction n'apporte aucun élément relatif aux pratiques observées pour des marchés comparables ou aux caractéristiques particulières du marché en litige, de nature à établir que le montant des pénalités infligées présenterait un caractère manifestement excessif alors que la somme de 47 083,80 euros ne représente que 22 % du montant total du marché et que le retard de cent dix jours imputable à la société Tommasini Construction a contribué à quasiment doubler la durée du chantier. 13. Il résulte de ce qui vient d'être dit qu'il y a lieu de confirmer le montant de 47 083,80 euros retenu par les premiers juges au titre des pénalités de retard et de rejeter les conclusions d'appel incident de la commune de Willems tendant à ce que ce montant soit porté à 55 643,90 euros. Le décompte du marché doit ainsi être fixé à la somme de 166 933,48 euros HT résultant de la différence entre le montant total des travaux de 214 017,28 euros et le montant de 47 083,80 euros au titre des pénalités de retard et, compte tenu de la somme de 149 338,10 euros HT déjà versée au titulaire, le solde définitif du marché doit être fixé à la somme de 17 595,38 euros HT. Les conclusions de la société Tommasini Construction tendant à ce que ce solde soit porté à 78 696,93 euros HT et les conclusions d'appel incident de la commune de Willems tendant à ce que ce solde soit ramené à 9 035,28 euros HT, doivent donc être rejetées. Sur les frais liés au litige : 14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la commune de Willems qui n'est pas, dans la présente instance, la partie principalement perdante. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la société Tommasini Construction une somme de 2 000 euros à verser à la commune de Willems sur le fondement de ces dispositions. DÉCIDE : Article 1er : La requête de la société Tommasini Construction est rejetée. Article 2 : La société Tommasini Construction versera à la commune de Willems une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le surplus des conclusions de la commune de Willems est rejeté. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Tommasini Construction et à la commune de Willems. Délibéré après l'audience publique du 14 mars 2023 à laquelle siégeaient : - Mme Anne Seulin, présidente de chambre, - M. Marc Baronnet, président-assesseur, - M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mars 2023. Le rapporteur, Signé : G. VandenbergheLa présidente de chambre, Signé : A. Seulin La greffière, Signé : A.S. Villette La République mande et ordonne au préfet du Nord en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme La greffière, Anne-Sophie Villette 2 N°21DA01791
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Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner le centre hospitalier régional universitaire (CHRU) de Lille à lui verser la somme de 94 179 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis lors de sa prise en charge au sein de cet établissement. A... un jugement n° 1807208 du 16 juin 2021, le tribunal administratif de Lille a condamné le CHRU de Lille à lui verser la somme de 43 830,86 euros et la somme de 34 018,34 euros à la caisse primaire d'assurance maladie du Hainaut, assorties des intérêts et de leur capitalisation ainsi qu'une indemnité forfaitaire de gestion d'un montant de1 098 euros. Procédure devant la cour : A... une requête sommaire, un mémoire ampliatif et des mémoires, enregistrés les 16 août, 14 septembre 2021, 14 février et 31 mars 2022, le CHRU de Lille et la société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM), représentés A... Me Le Prado, demandent à la cour : 1°) de réformer ce jugement ; 2°) de réduire le montant des indemnités allouées. Ils soutiennent que : - les dépenses exposées pour l'utilisation de protections urinaires à compter du 13 mai 2017 n'ont pas de lien avec l'infection nosocomiale qui lui est imputable mais avec sa pathologie cancéreuse ; - les sommes allouées A... le tribunal au titre du déficit fonctionnel temporaire, des souffrances endurées, du préjudice esthétique temporaire et permanent, du déficit fonctionnel permanent, du préjudice d'agrément et du préjudice exceptionnel sont excessives dès lors que les troubles affectant M. B... sont avant tout imputables à la prostatectomie initiale, elle-même justifiée A... son cancer ; - les sommes demandées A... la caisse primaire d'assurance maladie du Hainaut ne sont pas justifiées. A... des mémoires, enregistrés les 23 décembre 2021, 24 février et 8 mars 2022, la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Hainaut, représentée A... Me Benoît de Berny, demande à la cour : 1°) de rejeter la requête ; 2°) de confirmer la somme de 34 018,34 euros allouée A... le tribunal ; 3°) de condamner le CHRU de Lille à lui verser la somme de 1 114 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion ; 4°) de mettre à la charge solidaire du CHRU de Lille et de la SHAM une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que les moyens soulevés A... le CHRU de Lille ne sont pas fondés. A... des mémoires, enregistrés les 31 janvier, 4 mars et 8 avril 2022, M. C... B..., représenté A... Me Pauline Collette, demande à la cour : 1°) de réformer le jugement en tant qu'il n'a pas intégralement fait droit à sa demande et de condamner solidairement le CHRU de Lille et la SHAM à lui verser la somme de 94 179 euros ; 2°) de mettre les dépens à la charge du CHRU de Lille et de la SHAM ; 3°) de mettre à la charge du CHRU de Lille et de la SHAM une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; 4°) de condamner solidairement le CHRU de Lille et la SHAM aux éventuels émoluments dus en vertu des articles A. 444-31 et suivants du code de commerce en cas d'exécution forcée. Il soutient que : - le CHRU de Lille est responsable de l'infection nosocomiale qu'il a subie ; - son entier préjudice doit être indemnisé, à savoir 4 440 euros pour le déficit fonctionnel temporaire, 37 500 euros pour le déficit fonctionnel permanent, 20 000 euros pour les souffrances endurées, 4 000 euros pour le préjudice esthétique temporaire, 2 000 euros pour le préjudice esthétique permanent, 5 000 euros pour le préjudice d'agrément, 10 239 euros pour les dépenses de santé futures et 11 000 euros pour les troubles d'une particulière gravité. M. B... a obtenu le maintien du bénéfice de l'aide juridictionnelle totale A... une décision du 22 février 2022. A... une ordonnance du 7 avril 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 9 mai 2022. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de la santé publique ; - le code de la sécurité sociale ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller, - et les conclusions de M. Guillaume Toutias, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. M. C... B..., né le 19 novembre 1952, atteint d'un cancer de la prostate, a subi, au cours de l'année 2007, un traitement chirurgical entraînant une incontinence urinaire et une insuffisance érectile. Pour remédier à ces troubles, l'intéressé a été admis le 14 juin 2010 au sein du centre hospitalier régional universitaire (CHRU) de Lille pour la pose d'un sphincter urinaire artificiel nécessitant une reprise chirurgicale le 25 novembre 2015 en raison d'une occlusion de la manchette de cette prothèse. Parallèlement, afin de remédier à son impuissance érectile, M. B... a été hospitalisé, le 17 janvier 2012, au sein du même établissement pour l'implantation d'une prothèse pénienne comportant plusieurs cylindres implantés dans les corps caverneux défaillants ainsi qu'une pompe et un réservoir. Le 1er juin 2016, il a été hospitalisé pour une chirurgie de changement de sa prothèse pénienne associée à une cavertonomie pratiquée en région sous glandulaire avec l'application d'un patch. Au cours des consultations post-opératoires des 9 et 13 juin 2016, M. B... présentait une désunion de la cicatrice réalisée au niveau du site opératoire ainsi qu'un œdème du fourreau. Les bilans biologiques réalisés les 4 et 19 août 2016 ont révélé une infection A... Escherichia coli et A... Enterobacter cloacae. Les 28 et 29 septembre 2016, M. B... a été hospitalisé au sein du CHRU de Lille où lui a été administré un traitement antibiotique et ont été posés des pansements locaux. En raison d'un processus infectieux au niveau des prothèses sphinctérienne et pénienne, M. B... a subi, le 4 octobre 2016, une explantation partielle de ces prothèses. Les 9 mars et 13 avril 2017, une ablation totale de la prothèse pénienne puis de la prothèse sphinctérienne de M. B... a été pratiquée au sein du même centre hospitalier. 2. Le 21 juillet 2017, M. B... a saisi la commission de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux (CCI) qui a confié au docteur D..., chirurgien urologue, une mission d'expertise afin d'apprécier l'origine du dommage du patient ainsi que l'existence d'une faute lors de sa prise en charge au sein du CHRU de Lille. Sur la base du rapport d'expertise établi le 20 novembre 2017, la CCI s'est prononcée le 25 janvier 2018 en faveur d'une indemnisation des préjudices de M. B... A... le CHRU. La Société hospitalière d'assurance mutuelle (SHAM) a alors présenté le 2 mai 2018 une offre d'indemnisation à hauteur de 8 760 euros qui a été refusée A... l'intéressé. Le CHRU de Lille relève appel du jugement n° 1807208 du 16 juin 2021 A... lequel le tribunal administratif de Lille l'a condamné à verser à M. B... une somme de 52 530,86 euros, sous déduction d'une provision de 8 700 euros, ainsi que les sommes de 34 018,34 euros et 1 098 euros à la caisse primaire d'assurance maladie du Hainaut. M. B... demande, A... la voie de l'appel incident, que cette somme soit portée à 94 179 euros Sur la responsabilité du CHRU de Lille : 3. Aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. / Les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère. (...) ". 4. Le CHRU de Lille ne conteste pas l'engagement de sa responsabilité sans faute pour l'apparition de l'infection nosocomiale à la suite de l'intervention du 1er juin 2016 destinée à remplacer la prothèse pénienne de M. B..., ni sa responsabilité pour faute en raison de la mauvaise prise en charge de cette infection qui aurait nécessité, selon le rapport d'expertise, l'ablation immédiate de la totalité de la prothèse pénienne et du sphincter artificiel alors que cette ablation totale n'a eu lieu, en l'espèce, que le 13 avril 2017. 5. S'agissant de la part des dommages qui est imputable à l'infection et aux fautes médicales, si le CHRU soutient que la plupart des postes de préjudices se rattachent en réalité à l'état antérieur de M. B..., dont il n'est pas responsable et que l'ablation des matériels prothétiques a seulement eu pour effet de remettre l'intéressé dans l'état qui était le sien après la prostatectomie réalisée dans les règles de l'art dans le cadre du traitement de son cancer, il résulte de l'instruction que les matériels prothétiques avaient permis de limiter les fuites urinaires et de reprendre une activité sexuelle et que l'établissement ne démontre pas que sans l'infection, les matériels auraient fini A... devoir être retirés ou qu'ils auraient fini A... perdre en efficacité. Il suit de là que le retrait de ces matériels est directement et exclusivement imputable à l'infection nosocomiale contractée au CHRU lors de l'intervention du 1er juin 2016 et à sa mauvaise prise en charge et qu'il a fait perdre à M. B... les bénéfices apportés A... les matériels prothétiques. Il existe donc un lien de causalité entre l'infection et les préjudices non seulement temporaires mais aussi permanents, subis A... M. B.... 6. En revanche, il résulte de l'instruction que les prothèses n'avaient pas permis de compenser intégralement les séquelles imputables à la prostatectomie, M. B... ayant lui-même déclaré devant l'expert que, même avec les prothèses, il souffrait encore ponctuellement de fuites urinaires et que le confort sexuel lors des rapports n'était pas optimal. Or, il n'est pas établi que ces troubles auraient fini A... être intégralement compensés A... les prothèses. Dès lors, seule la réparation de l'aggravation des troubles entraînée A... le retrait total des prothèses incombe au CHRU de Lille. Dans les circonstances de l'espèce, il sera fait une juste appréciation de la part de l'état de santé de M. B... imputable au retrait des prothèses en la fixant à 60 %. Sur l'indemnisation des préjudices : En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux : 7. Il résulte de l'instruction que le retrait du matériel prothétique rendu nécessaire A... l'infection nosocomiale et sa mauvaise prise en charge a conduit à une incontinence totale, obligeant M. B... à recourir à des protections urinaires dont le coût annuel représente la somme de 460 euros. Ainsi, de la date de consolidation fixée au 13 mai 2017 jusqu'à la date du présent arrêt, M. B... a dû exposer la somme de 2 300 euros. Pour la période postérieure, il y a lieu de retenir un coefficient de 15,294 pour un homme de soixante-dix ans selon le barème de capitalisation de la Gazette du Palais du 31 octobre 2022, soit une indemnité d'un montant total de 7 065,24 euros. Compte tenu du taux d'imputabilité partielle de 60 %, il y a lieu de fixer le préjudice patrimonial de M. B... à la somme de 5 619,14 euros. En ce qui concerne les préjudices extrapatrimoniaux : 8. En premier lieu, il résulte de l'instruction et, notamment, du rapport d'expertise du 20 novembre 2017 que l'infection nosocomiale contractée lors l'intervention chirurgicale du 1er juin 2016 a nécessité des soins qui ont eu pour effet de perturber l'activité quotidienne de M. B... et de restreindre son autonomie pendant la période comprise entre le 1er juin 2016 et le 13 mai 2017, date de consolidation des blessures. L'intéressé a subi un déficit fonctionnel temporaire de 100 % pendant les périodes d'hospitalisation des 18 au 29 septembre 2016, des 4 au 13 octobre 2016, du 20 octobre 2016, du 7 novembre 2016, puis des 9 au 14 mars 2017 et du 12 avril 2017. M. B... a été atteint d'un déficit fonctionnel temporaire partiel de 75 % du 30 septembre au 3 octobre 2016, puis de 50 % du 4 juin au 11 juillet 2016, du 14 au 19 octobre 2016, du 21 octobre au 6 novembre 2016, du 8 novembre 2016 au 8 mars 2017, du 15 mai au 11 avril 2017 et du 13 avril au 13 mai 2017. En retenant un taux mensuel d'indemnisation de 400 euros, il sera fait une juste appréciation du préjudice subi A... M. B... au titre du déficit fonctionnel temporaire partiel en l'évaluant à la somme de 2 026 euros, qui sera mise dans son intégralité à la charge du CHRU de Lille dès lors que le déficit temporaire partiel de l'intéressé est entièrement imputable à l'infection nosocomiale et à sa mauvaise prise en charge. 9. En deuxième lieu, il résulte de l'expertise du 20 novembre 2017 que les douleurs causées A... l'infection et les opérations successives jusqu'au retrait total des prothèses le 12 avril 2017, ont été cotées à 4 sur une échelle de 7 et que l'imputabilité à l'infection nosocomiale est totale. Il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en confirmant la somme de 7 000 euros allouée à ce titre A... les premiers juges. 10. En troisième lieu, il résulte de l'instruction que l'infection nosocomiale et le traitement de cette dernière ont occasionné des écoulements de pus, un œdème de la verge et des cicatrices du fait des différentes interventions subies et que le préjudice esthétique temporaire est entièrement imputable à l'infection nosocomiale et à sa mauvaise prise en charge. Dès lors que du fait de leur localisation, les troubles esthétiques temporaires sont demeurés peu visibles, il y a lieu de fixer le préjudice esthétique temporaire de la victime à la somme de 1 000 euros. Il ressort également du rapport d'expertise du 20 novembre 2017 que les cicatrices persistent de manière permanente et qu'il y ainsi lieu d'allouer une somme de 400 euros au titre du préjudice esthétique permanent subi A... M. B..., ce préjudice étant entièrement imputable à l'infection nosocomiale et sa mauvaise prise en charge. 11. En quatrième lieu, il résulte de l'instruction que M. B... subit, du fait du retrait des matériels prothétiques et de l'incontinence qu'il emporte, une incapacité fonctionnelle permanente de 25 %, dont l'imputabilité à l'infection nosocomiale et à sa mauvaise prise en charge est de 60 % compte tenu de la persistance des troubles antérieurs. Compte tenu de ce taux d'imputation partielle de 60 %, il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en l'évaluant à la somme de 20 155 euros. 12. En cinquième lieu, si M. B... se prévaut de ce qu'il subit du fait de son incontinence une limitation de ses activités physiques et sociales, ces troubles dans les conditions d'existence ont déjà été indemnisées au titre du déficit fonctionnel permanent. Or, l'intéressé n'établit pas qu'avant les faits litigieux, il pratiquait assidument et régulièrement une activité sportive ou de loisir qu'il aurait été empêché de reprendre. Dès lors, il y a lieu de confirmer les premiers juges sur ce point et d'écarter toute indemnisation au titre du préjudice d'agrément. 13. En dernier lieu, faute de bouleversement total dans les conditions d'existence de M. B..., il y a lieu de confirmer les premiers juges qui ont écarté l'indemnisation d'un préjudice extra-patrimonial exceptionnel. 14. Il résulte de tout ce qui précède que le montant total de l'indemnité à allouer à M. B... s'élève à 36 200,14 euros. Il y a lieu, A... suite, de ramener la somme de 52 530,86 euros mise à la charge du CHRU A... le jugement attaqué du tribunal administratif de Lille, sous déduction d'une provision de 8 760 euros, à la somme de 36 200,14 euros, sous déduction de la même provision. Sur le recours de la caisse primaire d'assurance maladie du Hainaut : 15. La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Hainaut exerce sur les réparations dues au titre des préjudices subis A... le requérant, le recours subrogatoire prévu à l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale. La caisse justifie, A... la production du relevé de débours définitif établi le 10 septembre 2019 et A... l'attestation d'imputabilité du médecin-conseil, avoir exposé pour le compte de son assuré des frais de santé d'un montant global de 26 117 euros correspondant aux périodes d'hospitalisation de M. B... au CHRU de Lille du 28 septembre 2016 au 12 avril 2017. Les débours de la caisse comprennent en outre des frais médicaux d'un montant de 2 318,32 euros correspondant à des consultations de médecine générale les 29 septembre 2016, 14 octobre 2016, 20 octobre 2016 et 15 mars 2017, une consultation d'anesthésie le 27 février 2017, des consultations en urologie les 17 janvier 2017, 27 février 2017 et 4 avril 2017, des actes techniques d'imagerie pratiqués les 27 et 28 mars 2017 et des actes infirmiers réalisés à compter du 28 septembre 2016. La caisse justifie, A... ailleurs, avoir exposé pour le compte de M. B... des frais pharmaceutiques d'un montant de 2 069,18 euros, des frais d'appareillage correspondant à du matériel de pansements pour 1 052,88 euros et des frais de transport d'un montant de 2 460,96 euros pour se rendre au CHRU de Lille les 28 et 29 septembre 2016, les 4, 13, 20 octobre 2016, le 7 novembre 2016, le 17 janvier 2017, le 27 février 2017, le 9 mars 2017 et les 4 et 12 avril 2017. Ces dépenses, d'un montant total de 34 018,34 euros, qui sont suffisamment détaillées, sont liées aux dommages entièrement imputables à l'infection nosocomiale contractée A... M. B... au CHRU de Lille et sa mauvaise prise en charge, pendant la période antérieure à la consolidation des blessures fixée le 13 mai 2017. Il y a donc lieu de confirmer la condamnation du CHRU de Lille prononcée A... les premiers juges à verser à la CPAM du Hainaut la somme de 34 018,34 euros. Sur l'indemnité forfaitaire de gestion : 16. Aux termes de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale : " (...) / En contrepartie des frais qu'elle engage pour obtenir le remboursement mentionné au troisième alinéa ci-dessus, la caisse d'assurance maladie à laquelle est affilié l'assuré social victime de l'accident recouvre une indemnité forfaitaire à la charge du tiers responsable et au profit de l'organisme national d'assurance maladie. Le montant de cette indemnité est égal au tiers des sommes dont le remboursement a été obtenu, dans les limites d'un montant maximum de 910 euros et d'un montant minimum de 91 euros. (...) ". Le jugement du 16 juin 2021 du tribunal administratif de Lille a accordé à la CPAM du Hainaut au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion, une somme de 1 098 euros correspondant au plafond fixé A... l'arrêté du 4 décembre 2020 alors en vigueur. La caisse ne peut pas prétendre à une augmentation du montant de l'indemnité forfaitaire de gestion dès lors que les sommes qui lui sont dues au titre des prestations versées à M. B... n'ont pas été majorées A... le présent arrêt. Sur les dépens : 17. La présente instance n'ayant pas donné lieu à des dépens au sens de l'article R. 761-1 du code de justice administrative, les conclusions présentées A... M. B... à ce titre doivent être rejetées. Sur les frais liés au litige : 18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge du CHRU de Lille et de la SHAM, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, au titre des frais exposés A... M. B... et la CPAM du Hainaut. A... ailleurs, il n'y a pas lieu de mettre à la charge des appelants les éventuels émoluments dus en vertu des articles A. 444-31 et suivants du code de commerce en cas d'exécution forcée. DÉCIDE : Article 1er : La somme de 52 530,86 euros, sous déduction d'une provision de 8 760 euros, que le CHRU de Lille a été condamné à verser à M. B... est ramenée à 36 200,14 euros, sous déduction de la même provision. Article 2 : Le jugement du 16 juin 2021 du tribunal administratif de Lille est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt. Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté. Article 4 : Les conclusions d'appel incident présentées A... M. B... sont rejetées. Article 5 : Les conclusions de M. B... et de la caisse primaire d'assurance maladie du Hainaut au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées. Article 6 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier régional universitaire de Lille, à la société Relyens Mutal Insurance anciennement dénommée société hospitalière d'assurances mutuelles, à M. C... B..., à la caisse primaire d'assurance maladie du Hainaut et à Me Pauline Collette. Délibéré après l'audience publique du 14 mars 2023 à laquelle siégeaient : - Mme Anne Seulin, présidente de chambre, - M. Marc Baronnet, président-assesseur, - M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller. Rendu public A... mise à disposition au greffe le 28 mars 2023. Le rapporteur, Signé : G. VandenbergheLa présidente de chambre, Signé : A. Seulin La greffière, Signé : A.S. Villette La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme La greffière, Anne-Sophie Villette 2 N°21DA01988
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Vu la procédure suivante : M. E... C... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'ordonner la suspension de l'exécution de la décision du 2 mars 2023 de l'Assistance publique-hôpitaux de Paris (AP-HP), portée à sa connaissance le 3 mars 2023, portant limitation des soins thérapeutiques dispensés à sa mère, Mme B... C.... Par une ordonnance n° 2302916 du 8 mars 2023, le juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande. Par une ordonnance n° 23VE00486 du 10 mars 2023, le président de la cour administrative d'appel de Versailles a transmis la requête de M. C... au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-3 du code de justice administrative. Par une requête, cinq nouveaux mémoires et un mémoire en réplique, enregistrés les 13, 14, 15 et 17 mars 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. C... doit être regardé comme demandant au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, en premier lieu, d'annuler l'ordonnance n° 2302916 du 8 mars 2023 du juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise, en deuxième lieu, de suspendre l'exécution de la décision de limitation des soins thérapeutiques prise le 2 mars 2023 à l'égard de Mme C..., en troisième lieu, d'enjoindre à l'AP-HP de réexaminer la situation de Mme C... sans délai et, en dernier lieu, de mettre à la charge de l'AP-HP la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. M. C... soutient que : - la condition d'urgence est satisfaite dès lors que, d'une part, Mme C... souffre de nombreuses pathologies et, d'autre part, la décision du 2 mars 2023 de limitation des soins n'a été ni abrogée ni retirée alors que l'état de santé de Mme C... peut se détériorer et en entraîner l'exécution à tout moment ; - la décision de limitation des soins contestée est entachée d'un vice de forme dès lors qu'elle n'a pas été produite par écrit ; - il est porté une atteinte grave et manifestement illégale au principe du consentement libre et éclairé du patient aux soins médicaux, au droit au respect de la vie et au droit de recevoir les traitements et soins les plus appropriés à son état de santé ; - l'administration n'a pas tenu compte de la volonté explicitement exprimée de sa mère de ne pas faire l'objet d'une procédure de limitation de soins thérapeutiques. Par un mémoire en défense, enregistré le 15 mars 2023, l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris conclut, d'une part, au non-lieu à statuer sur les conclusions de la requête et, d'autre part, à ce que soit mise à la charge de M. C... la somme de 150 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que la requête est devenue sans objet dès lors que la décision contestée n'est plus susceptible de recevoir exécution. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - la Constitution, et notamment son Préambule ; - le code de la santé publique ; - le code de justice administrative ; Vu le code de justice administrative ; Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, M. C... et d'autre part, l'AP-HP ; Ont été entendus lors de l'audience publique du 21 mars 2023, à 14 heures : - Me de la Burgade, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de M. C... ; - M. C... ; - les représentants de l'AP-HP ; à l'issue de laquelle le juge des référés a clos l'instruction ; Considérant ce qui suit : 1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. (...) ". Le juge administratif des référés, saisi d'une demande en ce sens justifiée par une urgence particulière, peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une autorité administrative aurait porté une atteinte grave et manifestement illégale. Ces dispositions législatives confèrent au juge des référés, qui statue, en vertu de l'article L. 511-1 du code de justice administrative, par des mesures qui présentent un caractère provisoire et le cas échéant en formation collégiale conformément à ce que prévoit le troisième alinéa de l'article L. 511-2 du code de justice administrative, le pouvoir de prendre, dans les délais les plus brefs et au regard de critères d'évidence, les mesures de sauvegarde nécessaires à la protection des libertés fondamentales. 2. Toutefois, il appartient au juge des référés d'exercer ses pouvoirs de manière particulière, lorsqu'il est saisi, comme en l'espèce, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'une décision, prise par un médecin, dans le cadre défini par le code de la santé publique, et conduisant à arrêter ou ne pas mettre en œuvre, au titre du refus de l'obstination déraisonnable, un traitement qui apparaît inutile ou disproportionné ou sans autre effet que le seul maintien artificiel de la vie, dans la mesure où l'exécution de cette décision porterait de manière irréversible une atteinte à la vie. Il doit alors prendre les mesures de sauvegarde nécessaires pour faire obstacle à son exécution lorsque cette décision pourrait ne pas relever des hypothèses prévues par la loi, en procédant à la conciliation des libertés fondamentales en cause, que sont le droit au respect de la vie et le droit du patient de consentir à un traitement médical et de ne pas subir un traitement qui serait le résultat d'une obstination déraisonnable. 3. Aux termes de l'article L. 1110-5 du code de la santé publique : " Toute personne a, compte tenu de son état de santé et de l'urgence des interventions que celui-ci requiert, le droit de recevoir, sur l'ensemble du territoire, les traitements et les soins les plus appropriés et de bénéficier des thérapeutiques dont l'efficacité est reconnue et qui garantissent la meilleure sécurité sanitaire et le meilleur apaisement possible de la souffrance au regard des connaissances médicales avérées. (...) ". 4. Aux termes de l'article L. 1110-5-1 du même code : " Les actes mentionnés à l'article L. 1110-5 ne doivent pas être mis en œuvre ou poursuivis lorsqu'ils résultent d'une obstination déraisonnable. Lorsqu'ils apparaissent inutiles, disproportionnés ou lorsqu'ils n'ont d'autre effet que le seul maintien artificiel de la vie, ils peuvent être suspendus ou ne pas être entrepris, conformément à la volonté du patient et, si ce dernier est hors d'état d'exprimer sa volonté, à l'issue d'une procédure collégiale définie par voie réglementaire (...) ". Aux termes de l'article L. 1111-4 du même code : " (...) Lorsque la personne est hors d'état d'exprimer sa volonté, la limitation ou l'arrêt de traitement susceptible d'entraîner son décès ne peut être réalisé sans avoir respecté la procédure collégiale mentionnée à l'article L. 1110-5-1 et les directives anticipées ou, à défaut, sans que la personne de confiance prévue à l'article L. 1111-6 ou, à défaut la famille ou les proches, aient été consultés. La décision motivée de limitation ou d'arrêt de traitement est inscrite dans le dossier médical (...) ". L'article R. 4127-37-2 du même code précise que : " (...) II. - Le médecin en charge du patient peut engager la procédure collégiale de sa propre initiative. (...) La personne de confiance ou, à défaut, la famille ou l'un des proches est informé, dès qu'elle a été prise, de la décision de mettre en œuvre la procédure collégiale. / III. - La décision de limitation ou d'arrêt de traitement est prise par le médecin en charge du patient à l'issue de la procédure collégiale ". 5. Aux termes de l'article L.1111-11 du même code : " Toute personne majeure peut rédiger des directives anticipées pour le cas où elle serait un jour hors d'état d'exprimer sa volonté. Ces directives anticipées expriment la volonté de la personne relative à sa fin de vie en ce qui concerne les conditions de la poursuite de la limitation, de l'arrêt ou du refus de traitement ou d'acte médicaux ". L'article R. 4127-37-3 de ce code prévoit que : " En l'absence de directives anticipées, le médecin en charge du patient recueille auprès de la personne de confiance ou, à défaut, auprès de la famille ou de l'un des proches, le témoignage de la volonté exprimée par le patient. (...)". 6. Il résulte de ces dispositions législatives, ainsi que de l'interprétation que le Conseil constitutionnel en a donnée dans sa décision n° 2017-632 QPC du 2 juin 2017, qu'il appartient au médecin en charge d'un patient hors d'état d'exprimer sa volonté d'arrêter ou de ne pas mettre en œuvre, au titre du refus de l'obstination déraisonnable, les traitements qui apparaissent inutiles, disproportionnés ou sans autre effet que le seul maintien artificiel de la vie. En pareille hypothèse, le médecin ne peut prendre une telle décision qu'à l'issue d'une procédure collégiale, destinée à l'éclairer sur le respect des conditions légales et médicales d'un arrêt du traitement et, sauf dans les cas mentionnés au troisième alinéa de l'article L. 1111-11 du code de la santé publique, dans le respect des directives anticipées du patient ou, à défaut de telles directives, après consultation de la personne de confiance désignée par le patient ou, à défaut, de sa famille ou de ses proches, ainsi que, le cas échéant, de son ou ses tuteurs. Sur la demande en référé : 7. Il résulte des pièces du dossier que Mme B... C..., âgée de 73 ans, a, après son admission aux urgences de l'hôpital Franco-Britannique en raison de difficultés respiratoires, avec des antécédents de pneumonectomie droite et de lymphome, été transférée en unité de soins intensifs au sein du service de réanimation de l'hôpital Louis-Mourier, afin qu'elle bénéficie de l'assistance d'une ventilation non invasive. Estimant ne pas être en mesure de recueillir de façon claire la volonté de Mme C..., et n'ayant pas connaissance de directives anticipées qu'elle aurait formulées quant aux suites à donner à sa prise en charge et, en particulier, quant à l'éventualité d'une limitation des soins thérapeutiques, l'équipe médicale de l'unité s'est réunie selon la procédure prévue à l'article L. 1111-4 du code de la santé publique. A l'issue de cette discussion collégiale, elle a, le 2 mars 2023, pris la décision de limiter les soins thérapeutiques prodigués à Mme C... en ne lui proposant pas de nouvelle réintubation en cas de nouvelle dégradation respiratoire et a inscrit cette décision motivée dans le dossier médical de l'intéressée. 8. M. C... relève appel de l'ordonnance du 8 mars 2023 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, s'est fondé sur l'absence d'urgence pour rejeter sa demande, après avoir relevé que l'AP-HP soutenait sans être contestée que l'amélioration de l'état de santé de Mme C..., lui permettant désormais d'exprimer sa volonté en matière de poursuite de soins, la conduisait à revenir sur la décision du 2 mars 2023 portant limitation des soins thérapeutiques, qui n'était dès lors plus susceptible d'être exécutée. 9. Si M. C... soutient que la décision contestée du 2 mars 2023 ne lui a pas été communiquée par écrit, il résulte des dispositions citées ci-dessus du code de la santé publique que, si elles prévoient que la personne de confiance ou, à défaut, la famille ou l'un des proches, est informée, dès qu'elle a été prise, de la décision de mettre en œuvre la procédure collégiale, elles ne prévoient pas que la décision collégiale motivée d'abstention thérapeutique doive être notifiée par écrit à l'intéressée ni à ses proches, mais seulement qu'elle soit inscrite au dossier médical. En l'espèce, il est constant que la décision collégiale du 2 mars 2023 a été communiquée à M. C... le jour même de son adoption et que les éléments du dossier médical de Mme C... communiqués par l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris dans le cadre de l'instruction conduite par le juge des référés du tribunal administratif établissent son inscription à celui-ci. 10. Si M. C... soutient que la décision contestée, qui n'a fait l'objet d'aucune abrogation, demeurerait encore susceptible d'être exécutée, il résulte de l'instruction, qu'un document intitulé " Ethique et Famille - D... A... " figurant au dossier médical de Mme C..., communiqué au dossier de la procédure, porte la mention, postérieure au 3 mars et antérieure au 6 mars mais non datée, suivant laquelle " la décision de limitation thérapeutique prise la semaine précédente [est] dorénavant caduque " et " il n'y a pour l'heure pas de mesure de limitation des thérapeutiques ". Ces mentions, inscrites, comme la décision contestée au dossier médical de Mme C..., et sur lesquelles le juge des référés du tribunal administratif s'est fondé pour rejeter la demande dont il était saisi, établissent que, à la date où celui-ci s'est prononcé, le 8 mars 2023, la décision contestée du 2 mars 2023 devait être regardée comme abrogée. 11. Il résulte de ce qui précède que, la décision contestée ayant cessé de produire ses effets à la date à laquelle le juge des référés du tribunal administratif s'est prononcé, M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que celui-ci a rejeté sa demande, dont les conclusions avaient perdu leur objet. Par suite, sa requête d'appel doit être rejetée, en toute ses conclusions, y comprises celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de l'AP-HP présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et tendant à ce que la somme de 150 euros soit mise à la charge de M. C.... O R D O N N E : ------------------ Article 1er : La requête de M. C... est rejetée. Article 2 : Les conclusions de l'AP-HP tendant à ce que soit mises à la charge de M. C... la somme de 150 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à M. E... C... et à l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris. Fait à Paris, le 27 mars 2023 Signé : Jean-Philippe Mochon
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Vu la procédure suivante : Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et deux nouveaux mémoires enregistrés les 4 novembre 2022, 21 décembre 2022, 24 février 2023 et 7 mars 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... B... demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 3 octobre 2022 par lequel la Première ministre a accordé son extradition aux autorités tunisiennes ; 2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 600 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - la convention entre la France et la Tunisie relative à l'entraide judiciaire en matière pénale et à l'extradition du 28 juin 1972 ; - le code des relations du public avec l'administration ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Hadrien Tissandier, auditeur, - les conclusions de M. Clément Malverti, rapporteur public, La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Zribi; Texier, avocat de M. B... ; Considérant ce qui suit : 1. Par le décret attaqué, la Première ministre a accordé aux autorités tunisiennes l'extradition de M. B..., de nationalité tunisienne, pour l'exécution d'une peine de réclusion criminelle à perpétuité pour des faits qualifiés de meurtre avec préméditation. 2. En premier lieu, il ressort des mentions de l'ampliation du décret attaqué, certifiée conforme par la secrétaire générale du Gouvernement, que le décret attaqué a été signé par la Première ministre et contresigné par le garde des sceaux, ministre de la justice. 3. En deuxième lieu, le décret attaqué comporte l'énoncé des considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement et satisfait ainsi à l'exigence de motivation prévue à l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration. 4. En troisième lieu, la convention entre la France et la Tunisie relative à l'entraide judiciaire en matière pénale et à l'extradition du 28 juin 1972 détermine les règles et les conditions selon lesquelles les parties contractantes s'engagent à se livrer réciproquement les individus qui sont poursuivis pour une infraction ou sont recherchés aux fins d'exécution d'une peine par les autorités judiciaires de la partie requérante. Il ressort des pièces du dossier que les autorités tunisiennes ont, en application de cette convention, adressé une demande d'extradition de M. B... en date du 7 janvier 2021 aux fins de poursuites pour évasion et bris de prison et un courrier en date du 21 janvier 2021 faisant mention d'une demande d'extradition de M. B... aux fins d'exécution de la peine de réclusion criminelle à perpétuité à laquelle il a été condamné. Les autorités tunisiennes, interrogées par les autorités françaises sur ce courrier et invitées à produire le cas échéant les pièces nécessaires pour une extradition aux fins d'exécution de la peine, ont confirmé leur demande d'extradition à ce titre en produisant les pièces en cause. M. B... n'est dès lors pas fondé à soutenir que le décret attaqué, qui a été pris aux fins d'exécution de la peine de réclusion criminelle à perpétuité, n'a pas été précédé d'une demande d'extradition à ce titre. 5. En quatrième lieu, le moyen tiré de ce que M. B... aurait subi une durée de détention préventive excessive, en violation de l'article 5 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales relatif au droit pour la personne arrêtée d'être traduite devant un juge, ne saurait être utilement invoqué à l'appui d'un recours en annulation du décret prononçant son extradition. 6. En cinquième lieu, M. B... soutient qu'en cas d'exécution du décret attaqué, il risque d'être exposé à des traitements inhumains ou dégradants en raison du caractère incompressible de la peine de réclusion criminelle à perpétuité à laquelle il a été condamné. Toutefois, l'article 353 du code de procédure pénale tunisien dispose que " Pourra être admis au bénéfice de la libération conditionnelle, tout condamné ayant à subir une ou plusieurs peines privatives de liberté qui aura témoigné de son amendement par sa conduite en détention, ou dont la libération aura été jugée utile à l'intérêt de la collectivité " et aux termes de l'article 354 du même code : " La libération conditionnelle ne peut être accordée qu'aux condamnés ayant déjà purgé une fraction de la peine ou du total des peines (...). / Le temps d'épreuve est de quinze ans, pour les condamnés à l'emprisonnement à vie ". Il résulte de ces dispositions que M. B..., à supposer même qu'il n'ait pas été précédemment informé de cette possibilité, pourra demander à bénéficier d'une liberté conditionnelle après avoir accompli une période probatoire d'au moins quinze ans, notamment s'il témoigne de son amendement par sa conduite en détention. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté. 7. En sixième et dernier lieu, si une décision d'extradition est susceptible de porter atteinte au droit au respect de la vie privée et familiale, au sens de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, cette mesure trouve, en principe, sa justification dans la nature même de la procédure d'extradition, qui est de permettre, dans l'intérêt de l'ordre public et sous les conditions fixées par les dispositions qui la régissent, tant le jugement de personnes se trouvant en France qui sont poursuivies à l'étranger pour des crimes ou des délits commis hors de France que l'exécution, par les mêmes personnes, des condamnations pénales prononcées contre elles à l'étranger pour de tels crimes ou délits. La circonstance que l'intéressé réside en France avec sa compagne, de nationalité française, et leurs deux enfants et a une sœur résidant en France n'est pas de nature à faire obstacle, dans l'intérêt de l'ordre public, à l'exécution de son extradition. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. 8. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation pour excès de pouvoir du décret du 3 octobre 2022 accordant son extradition aux autorités tunisiennes. Les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, en conséquence, qu'être rejetées. D E C I D E : -------------- Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A... B... et au garde des Sceaux, ministre de la justice. Délibéré à l'issue de la séance du 9 mars 2023 où siégeaient : M. Nicolas Boulouis, président de chambre, présidant ; Mme Anne Courrèges, conseillère d'Etat et M. Hadrien Tissandier, auditeur-rapporteur. Rendu le 29 mars 2023. Le président : Signé : M. Nicolas Boulouis Le rapporteur : Signé : M. Hadrien Tissandier La secrétaire : Signé : Mme Eliane Evrard
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Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 8 janvier 2019 par lequel le président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours du Gard lui a infligé une sanction d'exclusion temporaire de fonctions de trois jours, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux formé le 4 mars 2019, et d'enjoindre au président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours du Gard de procéder à la régularisation de sa situation administrative et financière. Par un jugement n° 1902306 du 4 février 2021, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 1er avril 2021, sous le n° 21MA01332 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, puis le 11 avril 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n° 21TL01332, et un mémoire enregistré le 11 octobre 2022, M. A... C..., représenté par Me Allegret-Dimanche, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du 4 février 2021 ; 2°) d'annuler l'arrêté du 8 janvier 2019 par lequel le président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours du Gard lui a infligé une sanction d'exclusion temporaire de fonctions de trois jours, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux formé le 4 mars 2019 ; 3°) d'enjoindre au service départemental d'incendie et de secours du Gard de régulariser sa situation administrative et financière ; 4°) de mettre à la charge du service départemental d'incendie et de secours du Gard la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - le tribunal a commis une erreur en considérant qu'il devait être obligatoirement en poste au centre de secours à 13h30 ; - aucune faute de nature à justifier une sanction disciplinaire ne peut être retenue à son encontre : la matérialité des faits retenus n'est pas établie ; en tout état de cause, son retard dans la prise de son poste ne justifie pas une telle sanction ; aucune intention délibérée ne peut être retenue ; - à supposer même que son comportement soit considéré comme fautif, la sanction prononcée est manifestement disproportionnée ; - la sanction constitue une sanction supplémentaire, en violation du principe " non bis in idem " dès lors que depuis l'accident, plus de dix comptes rendus ont été pris à son encontre ainsi que trois décisions de changement d'affectation et une prolongation de stage. Par un mémoire en défense, enregistré le 20 décembre 2021, le service départemental d'incendie et de secours du Gard, représenté par Me Journault, conclut au rejet de la requête et demande de mettre à la charge de M. C... le versement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il fait valoir qu'aucun des moyens invoqués n'est fondé. Par une ordonnance en date du 11 avril 2022, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué à la cour administrative d'appel de Toulouse le jugement de la requête de M. C.... Par ordonnance du 11 octobre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 8 novembre 2022. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; - l'ordonnance n° 2020-1402 du 18 novembre 2020 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Anne Blin, présidente-assesseure, - les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique, - et les observations de Me Allegret, représentant M. C..., et de Me Journault, représentant le service départemental d'incendie et de secours du Gard. Considérant ce qui suit : 1. M. C..., capitaine stagiaire de sapeur-pompier en poste au centre de secours principal de Nîmes, a fait l'objet d'une sanction d'exclusion temporaire de fonctions de trois jours par arrêté du 8 janvier 2019, au motif qu'il a, à la suite d'un accident de la circulation avec un véhicule de service, modifié l'horaire de survenance des faits sur le constat amiable et que, lors de l'évocation de cette situation par sa hiérarchie, il a eu un comportement agressif et a tenu des propos injurieux. M. C... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler cet arrêté ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux formé le 4 mars 2019. Il relève appel du jugement rendu le 4 février 2021 qui a rejeté sa demande. 2. Aux termes de l'article 29 de la loi du 13 juillet 1983 relative aux droits et obligations des fonctionnaires : " Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale. ". Aux termes de l'article 89 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : Premier groupe : l'avertissement ; le blâme ; l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de trois jours ; (...) / Parmi les sanctions du premier groupe, seuls le blâme et l'exclusion temporaire de fonctions sont inscrits au dossier du fonctionnaire. Ils sont effacés automatiquement au bout de trois ans si aucune sanction n'est intervenue pendant cette période ; (...) ". 3. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes. 4. Pour prononcer une sanction du premier groupe à l'encontre de M. Servent, le président du conseil d'administration du service d'incendie et de secours du Gard s'est fondé en premier lieu sur le fait que, lors de la rédaction du constat amiable, l'intéressé a modifié l'horaire de survenance de l'accident de la circulation dont il a été victime, le 16 juillet 2018, alors qu'il était au volant d'un véhicule de service et se rendait à son travail. Il ressort des pièces du dossier que le constat amiable établi sur les lieux de l'accident mentionne que celui-ci est survenu à 13 heures 15, et il apparaît que cet horaire a fait l'objet d'une réécriture au regard de la grosseur des traits. Il est constant que les secours ont été alertés à 14 heures 13, ainsi qu'il est mentionné dans le journal des interventions du service départemental d'incendie et de secours, et que deux agents sont arrivés sur place vers 14 heures 30. L'automobiliste responsable de l'accident a confirmé, dans un courriel du 6 septembre 2018 adressé au supérieur hiérarchique de M. C..., qu'ainsi qu'il l'avait indiqué le jour de l'accident à un autre agent du service, l'heure de l'accident mentionnée sur le constat était erronée et que celui-ci était en réalité survenu vers 14 heures 10. Contrairement à ce que soutient l'appelant, les attestations établies par cet automobiliste les 4 et 18 octobre 2018 ne viennent pas infirmer ses précédentes déclarations concernant l'heure approximative de survenance de l'accident. Dans un courriel adressé à son supérieur hiérarchique le 24 juillet 2018, M. C... a d'ailleurs reconnu avoir modifié l'heure du constat " de façon non délibérée ", exposant avoir rempli le document dans un état de stress émotionnel important. Alors qu'il devait prendre son service à 13 heures 30, ainsi qu'il est indiqué dans la fiche de renseignements administratifs qu'il a signée, et bien qu'il soutienne qu'il n'a pas modifié l'heure de survenance de l'accident de manière délibérée et qu'il l'a fait en présence de l'autre automobiliste, M. C... a cependant reconnu la matérialité de ce premier fait reproché. Dans ce même courriel du 24 juillet 2018, l'intéressé a également reconnu la matérialité des autres faits sur lesquels l'autorité administrative s'est fondée en second lieu pour prononcer la sanction contestée, portant sur son comportement agressif ainsi que sur les propos particulièrement injurieux et inacceptables qu'il a tenus envers sa hiérarchie directe. Il a ainsi reconnu s'être emporté lors de la conversation téléphonique avec son supérieur du 17 juillet 2018, lequel lui proposait de refaire le constat pour clore l'affaire, sans être en mesure de se souvenir des mots employés, et indiqué s'en être excusé lors de l'entretien du 24 juillet 2018. Il ressort en outre de l'attestation établie le 19 octobre 2018 par le commandant B..., qui était présent lors de l'altercation téléphonique, que M. C... a tenu des propos à caractère injurieux et insultant à l'encontre de son supérieur. Par suite, l'arrêté du 8 janvier 2019 n'est entaché d'aucune erreur dans la matérialité des faits reprochés à M. C.... 5. Au regard des faits qui viennent d'être exposés, lesquels sont constitutifs de fautes de nature à justifier une sanction, et alors même que M. C... n'a fait l'objet d'aucune sanction depuis sa prise de fonctions au sein du centre de secours de Nîmes le 15 septembre 1994 et a toujours eu un comportement exemplaire, la sanction prise à son encontre n'est pas disproportionnée aux faits ainsi relevés. 6. M. C... invoque la violation du principe " non bis in idem " au motif que depuis l'accident dont il a été victime le 16 juillet 2018, il a fait l'objet de trois changements d'affectation qui révèlent une sanction déguisée, ainsi que d'une décision de prolongation de son stage en raison de ses arrêts de travail. Il ressort toutefois des pièces du dossier que sa période de stage a dû faire l'objet d'une prolongation en raison de la seule circonstance qu'il a été placé en congé de maladie pendant une durée continue de 212 jours à compter du 11 septembre 2018. Si, par ordonnance du 31 octobre 2018, le juge des référés du tribunal administratif de Nîmes a prononcé la suspension de l'exécution de la première décision de changement d'affectation prononcée à son encontre, il est constant que l'autorité administrative a rapporté cette décision. S'il se prévaut de ce qu'il n'a jamais connu de difficultés relationnelles ni de comportement au centre de secours ... où il est affecté depuis le 8 avril 2019, comme dans le cadre de l'ensemble de sa carrière, il ne ressort pas des pièces produites que son changement d'affectation, qui a été pris dans l'intérêt du service, constituerait une sanction déguisée. Par suite, M. C... ne peut utilement soutenir que la sanction en litige a été prise dans le but de nuire à sa situation professionnelle, en méconnaissance du principe " non bis in idem ". 7. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande. Sur les frais liés au litige : 8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du service départemental d'incendie et de secours du Gard, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que M. C... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. 9. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. C... une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par le service départemental d'incendie et de secours du Gard et non compris dans les dépens. D E C I D E : Article 1er : La requête de M. C... est rejetée. Article 2 : M. C... versera au service départemental d'incendie et de secours du Gard une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié M. A... C... et au service départemental d'incendie et de secours du Gard. Délibéré après l'audience du 14 mars 2023, à laquelle siégeaient : Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre, Mme Blin, présidente assesseure, M. Teulière, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mars 2023. La rapporteure, A. Blin La présidente, A. Geslan-Demaret La greffière, M-M. Maillat La République mande et ordonne à la préfète du Gard en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. N° 21TL01332 2
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Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme D... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du préfet de l'Aude du 14 septembre 2018 portant déclaration d'utilité publique d'un projet de régularisation de l'emprise foncière d'un chemin et de mettre à la charge de la commune de Plavilla les entiers dépens ainsi que la somme de 6 000 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un jugement n° 1901225 du 15 décembre 2020, le tribunal administratif de Montpellier a annulé l'arrêté du préfet de l'Aude du 14 septembre 2018, mis à la charge de la commune de Plavilla une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et rejeté les conclusions présentées par la commune sur ce fondement. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 11 février 2021, un dépôt de pièces, enregistré le 17 février 2021, et un mémoire, enregistré le 25 janvier 2022 sous le n°21MA00573 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, puis le 11 avril 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n°21TL00573, la commune de Plavilla, représentée par la SCP Cabet-Biver-Spanghéro, agissant par Me Biver, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement en date du 15 décembre 2020 du tribunal administratif de Montpellier ; 2°) de rejeter la demande de première instance de Mme B... ; 3°) de mettre à la charge de Mme B... les dépens ainsi qu'une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le tribunal a commis une erreur manifeste d'appréciation et s'est fondé sur des faits matériellement inexacts en considérant les consorts E... comme propriétaires indivis de la parcelle A 686 et, par suite, comme n'étant pas enclavés et en regardant le chemin litigieux comme utilisé seulement depuis les années 2000 ; - il est impossible de raccorder la voie publique à la parcelle A 686 ; - l'arrêté contesté n'est pas entaché de détournement de pouvoir, eu égard à l'utilité publique du projet qui vise à désenclaver des propriétés du hameau de ... et à l'absence d'autres solutions alternatives ; - aucune erreur manifeste d'appréciation n'a été commise dès lors que l'antériorité de l'usage du chemin de ..., goudronné depuis 1967 et qui a fait l'objet d'une réfection en 1996, est incontestable, que le projet est incontestablement d'utilité publique, qu'il n'existait pas de solution alternative à moindre coût et que l'expropriation ne porte pas une atteinte majeure à la propriété de Mme B.... Par un mémoire en défense, enregistré le 18 mai 2021, un dépôt de pièces, enregistré le 24 novembre 2021, et un nouveau mémoire en défense, enregistré le 25 mai 2022, Mme D... B..., représentée par la SCP RSG Avocats, agissant par Me Ruff, conclut à la confirmation du jugement attaqué et à ce que les dépens et une somme de 6 000 euros soient mis à la charge de la commune de Plavilla au titre des articles R. 761-1 et L. 761-1 du code de justice administrative. Elle fait valoir que la finalité d'intérêt général de l'opération fait totalement défaut, que l'arrêté contesté procède d'un détournement de pouvoir et de procédure ainsi que d'une erreur manifeste d'appréciation. Par une ordonnance en date du 11 avril 2022, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué à la cour administrative d'appel de Toulouse le jugement de la requête de la commune de Plavilla. Une mise en demeure de produire dans un délai d'un mois un mémoire en défense a été adressée le 8 août 2022 au ministre de l'intérieur. Par une ordonnance du 7 septembre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 10 octobre 2022. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Thierry Teulière, premier conseiller, - les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique, - les observations de Me Bidois, représentant la commune de Plavilla et les observations de Me Cazaux, représentant Mme B.... Considérant ce qui suit : 1. Par une délibération du 29 janvier 2015, le conseil municipal de Plavilla (Aude) a approuvé le recours à une procédure d'expropriation pour la maîtrise foncière des terrains nécessaires à la desserte des habitants du hameau de ... correspondant aux parcelles cadastrées section A 456. Le 22 mars 2018, le commissaire enquêteur a remis son rapport d'enquête et formulé un avis favorable à l'acquisition par la commune de l'emprise de la voie actuelle d'accès au hameau de ..., représentant une surface d'environ 525 m². Par un arrêté du 14 septembre 2018, le préfet de l'Aude a déclaré d'utilité publique au profit de la commune de Plavilla le projet présenté en vue de la régularisation de l'emprise foncière du chemin desservant le hameau de ... et a déclaré cessible immédiatement la parcelle n°456, propriété de Mme B..., Par un jugement du 15 décembre 2020, dont la commune de Plavilla relève appel, le tribunal administratif de Montpellier a annulé cet arrêté du 14 septembre 2018. Sur le bien-fondé du jugement : 2. Il appartient au juge, lorsqu'il se prononce sur le caractère d'utilité publique d'une opération nécessitant l'expropriation d'immeubles ou de droits réels immobiliers, de contrôler successivement qu'elle répond à une finalité d'intérêt général, que l'expropriant n'était pas en mesure de réaliser l'opération dans des conditions équivalentes sans recourir à l'expropriation et, enfin, que les atteintes à la propriété privée, le coût financier et, le cas échéant, les inconvénients d'ordre social ou économique que comporte l'opération ne sont pas excessifs au regard de l'intérêt qu'elle présente. 3. En l'espèce, il est constant que le projet de régularisation de l'emprise foncière du chemin desservant le hameau de ... en vue de son classement dans le domaine public communal de Plavilla déclaré d'utilité publique par l'arrêté préfectoral contesté a pour objet d'assurer l'accès au hameau des quatre familles y résidant. Toutefois, il ressort de l'acte de vente du 30 mai 1988 que les consorts C... ont cédé l'intégralité des parcelles dont ils étaient propriétaires et constituant alors une unité foncière non enclavée voisine de celle de Mme B... à M. G..., à son épouse et à M. H..., le tout en indivision pour un tiers chacun. Par acte du 25 janvier 1992, les consorts F... ont procédé au partage de leur indivision. Dans ce cadre, la parcelle 670, désignée comme étant à usage de passage et de cour, a été cependant maintenue en indivision. Il ressort de documents d'arpentage versés au dossier qu'en 1999, les consorts F... ont opéré une division parcellaire et il n'est pas contesté que, dans ce cadre, a été créé un chemin sur l'assiette des parcelles nouvellement créées sous les numéros 681, 683, 685 et 686, ces deux dernières parcelles étant issues de la parcelle 670. Par acte de vente du 10 novembre 2000, M. H... a cédé à M. et Mme A..., outre une maison d'habitation, la moitié indivise d'une parcelle de terre à usage de chemin figurant au cadastre sous les n°681, 683, 686 et la moitié indivise d'une parcelle de terre en nature de chemin figurant au cadastre sous le n°685. Il n'est pas contesté que la parcelle 686, située en prolongement des parcelles 685, 683 et 681 est reliée à un chemin communal. Par acte de vente du 22 mai 1999, les consorts F... ont cédé à M. et Mme E..., outre une maison d'habitation, la moitié indivise d'une parcelle à usage de chemin d'accès figurant au cadastre sous les numéros 681 et 683 et le quart indivis d'une parcelle à usage de chemin d'accès figurant au cadastre sous le n°685. Si la commune de Plavilla soutient que la famille E... n'est ainsi pas propriétaire indivis de la parcelle 686 comme le montrent notamment l'acte du 22 mai 1999 ainsi qu'un relevé de propriété mis à jour du 17 décembre 2020, elle ne conteste pas qu'ainsi que le fait valoir Mme B..., ladite parcelle, issue de la parcelle 670 affectée à la desserte des parcelles issues du partage opéré en 1992 par les consorts F...et qui se trouvait déjà en indivision forcée, a le caractère d'accessoire indispensable de l'immeuble desservi et vendu et se trouve donc elle-même dans une indivision forcée et perpétuelle, peu important que l'acte de vente du 22 mai 1999 n'ait pas fait mention de ladite parcelle. 4. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent que les voisins de Mme B... bénéficient juridiquement d'un accès à la voirie communale, l'enclavement matériel des familles E... et A... ne résultant que de la construction d'une piscine et d'un bâtiment par les époux F... empiétant sur la parcelle 686 assiette du chemin d'accès, après les ventes réalisées en 1999 et 2000. Par ailleurs, si le chemin communal desservant la parcelle A 686 est étroit et pentu, les réserves de l'agence technique départementale de l'Aude quant à la réalisation d'un accès alternatif par ce chemin qui résultent d'une étude au demeurant postérieure à l'acte contesté, ne suffisent pas, à elles-seules, à établir que son aménagement se heurterait à des obstacles insurmontables du fait de ses caractéristiques en matière de déclivité ou de largeur. Dans ces conditions, l'opération, dont l'unique objet est de désenclaver les propriétés du hameau alors que celles-ci ne sont juridiquement pas enclavées, ne peut être regardée comme présentant un caractère d'utilité publique. 5. Au surplus, pour estimer, à la différence de la solution amiable proposée par Mme B... consistant à aménager un accès au hameau par l'arrière de sa maison regardée comme trop coûteuse, le projet de la commune économiquement soutenable, le préfet s'est fondé, ainsi que sa réponse au recours gracieux de Mme B... le confirme, sur un devis de travaux d'aménagement établi pour le compte d'une entreprise de travaux public par un salarié de celle-ci mais qui était également conseiller municipal de la commune et qui avait, en cours d'enquête publique, présenté des observations favorables au projet communal. Un tel document ne pouvait, dans ces conditions, être pris en considération. En conséquence et en l'absence d'autre élément sur le véritable coût financier de l'opération projetée, le préfet ne pouvait légalement conclure à l'absence de solutions alternatives permettant de réaliser l'opération dans des conditions équivalentes ainsi qu'à l'absence d'inconvénients excessifs de cette opération et la nécessité de cette dernière ne peut, en l'état, être vérifiée. 6. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Plavilla n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a annulé l'arrêté en date du 14 septembre 2018 pris par le préfet de l'Aude. Sur les frais liés au litige : 7. La présente instance n'ayant donné lieu à aucun dépens, les conclusions présentées par les parties sur le fondement de l'article R. 761-1 du code de justice administrative doivent, dans ces conditions, être rejetées. 8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que Mme B..., qui n'a pas la qualité de partie perdante, verse à la commune de Plavilla la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Plavilla le versement à Mme B... de la somme de 1 500 euros au titre des frais d'instance exposés et non compris dans les dépens. D E C I D E : Article 1er : La requête de la commune de Plavilla est rejetée. Article 2 : La commune de Plavilla versera à Mme B... la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... B..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à la commune de Plavilla. Délibéré après l'audience du 14 mars 2023 à laquelle siégeaient : Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre, Mme Blin, présidente assesseure, M. Teulière, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mars 2023. Le rapporteur, T. Teulière La présidente, A. Geslan-Demaret La greffière, M-M. Maillat La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. 2 N° 21TL00573
JADE/CETATEXT000047375772.xml
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Nîmes : - sous le n° 1901606, d'annuler l'arrêté du 22 novembre 2018 par lequel le président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours du Gard a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de son accident survenu le 16 juillet 2018 et la décision implicite de rejet de son recours gracieux formé le 8 janvier 2019, et d'enjoindre à l'autorité compétente de reconnaître l'imputabilité au service de son accident et de procéder au réexamen de sa situation administrative et financière dans un délai d'un mois sous astreinte de 50 euros par jour de retard ; - sous le n° 1901608, à titre principal, d'annuler l'arrêté du 15 mars 2019 par lequel le président du service départemental d'incendie et de secours du Gard a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de son accident déclaré le 11 septembre 2018, à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise médicale, et d'enjoindre à l'autorité compétente de reconnaître l'imputabilité au service de son accident et de procéder au réexamen de sa situation administrative et financière dans un délai d'un mois sous astreinte de 50 euros par jour de retard. Par un jugement n° 1901606, 1901608 du 28 mai 2021, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté ses demandes. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 27 juillet 2021, sous le n° 21MA03028 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, puis le 1er mars 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n° 21TL03028, et un mémoire enregistré le 29 avril 2022, M. B... D..., représenté par Me Allegret-Dimanche, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du 28 mai 2021 ; 2°) d'annuler la décision du 22 novembre 2018 par laquelle le président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours du Gard a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de son accident du 16 juillet 2018, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux formé le 8 janvier 2019 ; 3°) d'annuler la décision du 15 mars 2019 par laquelle le président du service départemental d'incendie et de secours du Gard a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de son accident du 11 septembre 2018 ; 4°) d'enjoindre au service départemental d'incendie et de secours du Gard de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident du 16 juillet 2018 ainsi que de celui du 11 septembre 2018, en procédant au réexamen de sa situation administrative et financière dans un délai d'un mois, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ; 5°) de mettre à la charge du service départemental d'incendie et de secours du Gard la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : En ce qui concerne l'illégalité de l'arrêté du 22 novembre 2018 : - la décision est entachée d'un vice de procédure tenant à l'irrégularité de l'avis de la commission de réforme du 18 octobre 2018 en raison du manque d'impartialité de M. A... et de l'absence d'information du médecin de prévention, en méconnaissance de l'article 18 du décret n°86-442 du 14 mars 1986 et de l'article 25 du décret du 10 juin 1985 relatif à l'hygiène et à la sécurité au travail dans la fonction publique territoriale ; la commission de réforme s'est fondée sur des faits inexacts, de sorte que son avis est vicié ; - elle est entachée d'erreur de droit en ce que le président du conseil d'administration s'est cru lié par l'avis de la commission de réforme ; - elle est entachée d'inexactitude des faits, d'erreur manifeste d'appréciation et de détournement de procédure dès lors qu'il se trouvait bien en situation de trajet domicile-travail au moment de l'accident et qu'aucun fait personnel ne peut lui être reproché ; En ce qui concerne l'illégalité de la décision du 15 mars 2019 : - elle est entachée d'irrégularités de procédure : le procès-verbal de la commission de réforme ne comporte pas la mention des nom et spécialité du médecin spécialiste, ne permettant pas de garantir qu'un médecin spécialiste de l'affection dont il souffre siégeait lors de la séance ; il appartenait à ce médecin de voter lors de cette séance ; les représentants des sapeurs-pompiers professionnels de catégorie A et B n'ont pas été désignés par tirage au sort comme le prévoit l'article 7 de l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière, entachant la procédure d'un vice substantiel ; - elle est entachée d'erreur de droit en ce que le président du conseil d'administration s'est cru lié par l'avis de la commission de réforme ; - elle est entachée d'erreur d'appréciation au regard de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 en raison du caractère brutal et soudain du changement d'affectation qui lui a été notifié le 11 septembre 2018, en représailles de l'accident de service. Par un mémoire en défense, enregistré le 20 décembre 2021, le service départemental d'incendie et de secours du Gard, représenté par Me Journault, conclut au rejet de la requête et demande de mettre à la charge de M. D... le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens. Il fait valoir qu'aucun des moyens invoqués n'est fondé. Par ordonnance du 11 avril 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 2 mai 2022. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; - le décret n° 85-603 du 10 juin 1985 ; - l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Anne Blin, présidente-assesseure, - les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique, - et les observations de Me Allegret, représentant M. D..., et de Me Journault, représentant le service départemental d'incendie et de secours du Gard. Considérant ce qui suit : 1. M. D..., capitaine stagiaire de sapeur-pompier en poste au centre de secours principal de Nîmes, a été victime d'un accident de la circulation, le 16 juillet 2018, en se rendant sur son lieu de travail. Par un arrêté du 22 novembre 2018, le président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours du Gard a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de cet accident. Le 11 septembre 2018, M. D... s'est vu notifier un changement d'affectation au sein du groupement territorial de la vallée du Rhône à ... (Gard) et a été placé en arrêt de travail à compter du même jour. Par un arrêté du 15 mars 2019, le président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours du Gard a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident déclaré le 11 septembre 2018. M. D... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler ces deux arrêtés ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux formé le 8 janvier 2019 à l'encontre du premier arrêté. Il relève appel du jugement rendu le 28 mai 2021 qui a rejeté ses demandes. Sur la légalité de l'arrêté du 22 novembre 2018 : 2. En premier lieu, aux termes de l'article 3 de l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière : " Le président de la commission de réforme est désigné par le préfet qui peut choisir soit un fonctionnaire placé sous son autorité, soit une personnalité qualifiée qu'il désigne en raison de ses compétences, soit un membre élu d'une assemblée délibérante dont le personnel relève de la compétence de la commission de réforme. Dans ce cas, un président suppléant, n'appartenant pas à la même collectivité, est désigné pour le cas où serait examinée la situation d'un fonctionnaire appartenant à la collectivité dont est issu le président. Le président dirige les délibérations mais ne participe pas au vote. / Cette commission comprend : 1. Deux praticiens de médecine générale, auxquels est adjoint, s'il y a lieu, pour l'examen des cas relevant de sa compétence, un médecin spécialiste qui participe aux débats mais ne prend pas part aux votes ; 2. Deux représentants de l'administration ; 3. Deux représentants du personnel. / Chaque titulaire a deux suppléants désignés dans les conditions prévues aux articles 5 et 6 ci-dessous ". 3. Le principe d'impartialité, qui s'impose à toute autorité administrative, fait obstacle à ce que participe à la séance de la commission de réforme toute personne susceptible d'avoir un intérêt personnel à l'affaire examinée ou une animosité particulière à l'égard de la personne concernée. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A... désigné conformément à l'article 3 de l'arrêté du 4 août 2004 pour siéger au sein de cette commission de réforme en qualité de représentant du personnel, ait manifesté une animosité particulière à l'égard de M. D..., alors qu'en septembre 2018 il a refusé d'être affecté au sein du groupement territorial Vallée du Rhône où est affecté M. A.... Si le requérant se prévaut ensuite d'un courrier en date du 13 septembre 2018 du chef du groupement territorial Cévennes-Aigoual adressé au directeur départemental concernant le litige qui l'oppose au service départemental d'incendie et de secours du Gard, il ressort de ce courrier que le chef du groupement territorial a indiqué que son adjoint, M. A..., l'avait alors informé d'" anomalies constatées sur le comptage par le major D... de son temps de travail en 2011 ", relatant ainsi des faits intervenus il y a plusieurs années et qui n'ont donné lieu à aucune procédure à l'encontre de M. D.... De plus, il ne ressort pas des termes de ce courrier que M. A... ait directement pris parti dans le litige l'opposant au service départemental d'incendie et de secours du Gard. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de l'avis émis par la commission de réforme dans sa séance du 18 octobre 2018 en méconnaissance du respect du principe d'impartialité doit être écarté. 4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 18 du décret du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires, dans ses dispositions applicables au litige : " Le médecin chargé de la prévention attaché au service auquel appartient le fonctionnaire dont le cas est soumis au comité médical ou à la commission de réforme est informé de la réunion et de son objet. Il peut obtenir, s'il le demande, communication du dossier de l'intéressé. Il peut présenter des observations écrites ou assister à titre consultatif à la réunion ; il remet obligatoirement un rapport écrit dans les cas prévus aux articles 26, 32, 34 et 43 ci-dessous. (...) ". Aux termes de l'article 25 du décret du 10 juin 1985 relatif à l'hygiène et à la sécurité du travail ainsi qu'à la médecine professionnelle et préventive dans la fonction publique territoriale : " Le service de médecine préventive est informé par l'autorité territoriale dans les plus brefs délais de chaque accident de service et de chaque maladie professionnelle ou à caractère professionnel ". Aux termes de l'article 15 de l'arrêté précité du 4 août 2004 : " Le secrétariat de la commission informe le médecin du service de médecine professionnelle et préventive, pour la fonction publique territoriale, le médecin du travail, pour la fonction publique hospitalière, compétent à l'égard du service auquel appartient le fonctionnaire dont le cas est soumis à la commission. (...) ". 5. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de cette décision ou s'il a privé les intéressés d'une garantie. 6. M. D..., qui relève de la fonction publique territoriale et non de celle de l'Etat, ne peut utilement invoquer la méconnaissance des dispositions du décret du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires, qui a été pris pour l'application des articles 34 et 35 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat. S'il soutient ensuite que l'accident dont il a été victime le 16 juillet 2018 aurait dû faire l'objet d'une information par le secrétariat de la commission de réforme, en application des dispositions prévues à l'article 25 du décret du 10 juin 1985 relatif à l'hygiène et à la sécurité au travail ainsi qu'à la médecine professionnelle et préventive dans la fonction publique territoriale, ce vice n'a cependant pas été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de l'arrêté contesté dès lors que l'administration s'est fondée sur le fait que cet accident a eu lieu en dehors du délai normal de trajet et que l'écart sensible entre l'horaire normal de trajet et l'horaire de l'accident est dû à un fait personnel de l'agent. Il ne saurait être regardé comme ayant, en l'espèce, privé M. D... d'une garantie. Par suite, ce moyen doit être écarté. 7. En troisième lieu, la commission de réforme relève que l'accident de circulation dont a été victime M. D... a eu lieu à 14 heures 15 alors que l'intéressé devait prendre son service à 13 heures 30. La circonstance que l'accident s'est nécessairement produit quelques minutes plus tôt dès lors que les secours ont été alertés par l'intéressé à 14 heures 13, est cependant dépourvu d'incidence sur la régularité de l'avis émis par la commission de réforme. 8. En quatrième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, notamment des termes mêmes de l'arrêté en litige, que le président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours du Gard se serait cru lié par l'avis de la commission de réforme en date du 18 octobre 2018. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit dont serait entaché l'arrêté contesté doit être écarté. 9. En cinquième lieu, est réputé constituer un accident de trajet tout accident dont est victime un agent public qui se produit sur le parcours habituel entre le lieu où s'accomplit son travail et sa résidence et pendant la durée normale pour l'effectuer, sauf si un fait personnel de cet agent ou toute autre circonstance particulière est de nature à détacher l'accident du service. 10. Il ressort des pièces du dossier que M. D... devait prendre son service à 13 heures 30, ainsi qu'il est mentionné dans la fiche de renseignements administratifs qu'il a signée. S'il se prévaut de la latitude dont il dispose dans ses déplacements, ne le contraignant pas à un horaire fixé à 13 heures 30, la pièce qu'il produit et qui se borne à lister ses missions, ne permet cependant pas d'en justifier. Il expose que son temps de trajet s'établit entre quinze et trente minutes et qu'il n'a fait aucun détour, sans faire état d'une circonstance particulière qui serait intervenue le jour de l'accident. Alors que celui-ci s'est produit à proximité de son lieu de travail peu avant qu'il ne fasse appel aux services de secours à 14 heures 13, ainsi qu'en a attesté l'autre automobiliste qui a indiqué que l'accident s'est produit à 14 heures 10, l'appelant n'apporte aucun élément probant de nature à contredire les motifs de l'arrêté contesté selon lesquels l'écart sensible entre l'horaire normal de trajet et l'horaire de l'accident est dû à un fait personnel de l'agent, détachable du service. Ainsi, en estimant que l'accident a eu lieu en dehors du délai normal de trajet, le président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours du Gard n'a pas entaché sa décision d'une erreur quant à l'exactitude matérielle des faits ou d'une erreur d'appréciation. 11. En dernier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le refus d'imputabilité au service de l'accident survenu le 16 juillet 2018 constituerait une sanction déguisée à l'encontre de M. D... ou qu'il procèderait d'un détournement de procédure. Sur la légalité de l'arrêté du 15 mars 2019 : 12. En premier lieu, aux termes de l'article 7 de l'arrêté précité du 4 août 2004 dont les dispositions de l'article 3 également applicables sont mentionnées au point 2 : " Par dérogation aux règles énoncées aux articles 5 et 6 (...), les représentants de l'administration du service départemental d'incendie et de secours sont désignés par les membres élus locaux de l'organe délibérant du service départemental en son sein. (...) / Les représentants des sapeurs-pompiers professionnels de catégorie A et de catégorie B sont désignés par tirage au sort parmi les sapeurs-pompiers professionnels, en fonction dans le département ou, à défaut, dans un département limitrophe et appartenant au même groupe hiérarchique que l'intéressé (...) ". Aux termes de l'article 16 de cet arrêté : " La commission de réforme doit être saisie de tous témoignages, rapports et constatations propres à éclairer son avis. / Elle peut faire procéder à toutes mesures d'instructions, enquêtes et expertises qu'elle estime nécessaires. / Dix jours au moins avant la réunion de la commission, le fonctionnaire est invité à prendre connaissance, personnellement ou par l'intermédiaire de son représentant, de son dossier, dont la partie médicale peut lui être communiquée, sur sa demande, ou par l'intermédiaire d'un médecin ; il peut présenter des observations écrites et fournir des certificats médicaux. / La commission entend le fonctionnaire, qui peut se faire assister d'un médecin de son choix. Il peut aussi se faire assister par un conseiller. ". Aux termes de l'article 17 du même arrêté : " La commission ne peut délibérer valablement que si au moins quatre de ses membres ayant voix délibérative assistent à la séance. / Deux praticiens, titulaires ou suppléants, doivent obligatoirement être présents. / Cependant, en cas d'absence d'un praticien de médecine générale, le médecin spécialiste a voix délibérative par dérogation au 1 de l'article 3. / Les médecins visés au 1 de l'article 3 et les médecins agréés ayant reçu pouvoir en application de l'article 8 ne peuvent pas siéger avec voix délibérative lorsque la commission examine le dossier d'un agent qu'ils ont examiné à titre d'expert ou de médecin traitant. / Les avis sont émis à la majorité des membres présents. Ils doivent être motivés, dans le respect du secret médical. / En cas d'égalité des voix, l'avis est réputé rendu. / Les avis sont communiqués aux intéressés dans les conditions fixées par les dispositions du livre III du code des relations entre le public et l'administration. ". 13. Il résulte des articles 3 et 16 de l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale que, dans les cas où il est manifeste, au vu des éléments dont dispose la commission de réforme, que la présence d'un médecin spécialiste de la pathologie invoquée par un agent est nécessaire pour éclairer l'examen de son cas, l'absence d'un tel spécialiste doit être regardée comme privant l'intéressé d'une garantie et comme entachant la procédure devant la commission d'une irrégularité justifiant l'annulation de la décision attaquée. 14. Il ressort des pièces du dossier que, dans sa séance du 21 février 2019, la commission départementale de réforme était composée de son président, de deux praticiens de médecine générale, d'un représentant de l'administration et de deux représentants du personnel. Si l'extrait du procès-verbal de cette séance comporte la mention suivante : " présence du médecin spécialiste ", il ne résulte d'aucune disposition législative ou réglementaire que le nom, la qualité et la signature de ce médecin doivent impérativement figurer sur ce même document. Contrairement à ce que persiste à soutenir l'appelant, il n'appartenait pas au médecin spécialiste présent ayant participé aux débats de prendre part au vote, en application des dispositions des articles 3 et 17 de l'arrêté précité du 4 août 2004. Ainsi qu'il a été exposé au point 6, M. D... ne peut utilement invoquer la méconnaissance des dispositions du décret du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires applicables à la fonction publique de l'Etat. En outre, les membres de la commission de réforme ont disposé des documents médicaux produits par M. D... ainsi que de l'expertise médicale rendue par un psychiatre le 23 janvier 2019. Dans ces conditions, les moyens tirés de l'irrégularité de la procédure suivie devant la commission de réforme au regard, d'une part de la présence d'un médecin spécialiste de la pathologie dont est atteint M. D..., d'autre part de l'absence de participation au vote de ce médecin, doivent être écartés. 15. La circonstance que l'arrêté préfectoral du 1er février 2019 portant composition de la commission départementale de réforme des sapeurs-pompiers professionnels du Gard indique dans ses visas : " Vu la désignation des représentants des sapeurs-pompiers professionnels des catégories A et B au sein du département " sans faire mention expresse d'un tirage au sort contrairement au précédent arrêté préfectoral du 29 juillet 2016, ne permet pas de remettre en cause les modalités de désignation de ces représentants et l'irrégularité de la composition de la commission de réforme dans sa séance du 21 février 2019. Par suite, le moyen tiré du vice substantiel entachant la procédure administrative doit être écarté. 16. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, eu égard en particulier aux termes mêmes de l'arrêté en litige, que le président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours du Gard se serait cru lié par l'avis de la commission de réforme en date du 21 février 2019. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté. 17. En troisième lieu, aux termes du II de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, applicable en l'espèce : " Est présumé imputable au service tout accident survenu à un fonctionnaire, quelle qu'en soit la cause, dans le temps et le lieu du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le fonctionnaire de ses fonctions ou d'une activité qui en constitue le prolongement normal, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant l'accident du service. (...) ". 18. Un accident survenu sur le lieu et dans le temps du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par un fonctionnaire de ses fonctions ou d'une activité qui en constitue le prolongement normal présente, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant cet événement du service le caractère d'un accident de service. Il appartient au juge administratif, saisi d'une décision de l'autorité administrative compétente refusant de reconnaître l'imputabilité au service d'un tel événement, de se prononcer au vu des circonstances de l'espèce. Doit être regardé comme un accident un événement précisément déterminé et daté, caractérisé par sa violence et sa soudaineté, à l'origine de lésions ou d'affections physiques ou psychologiques qui ne trouvent pas leur origine dans des phénomènes à action lente ou répétée auxquels on ne saurait assigner une origine et une date certaines. 19. M. D... soutient que le caractère brutal et soudain de l'entretien auquel il a été convié le 11 septembre 2018 au cours duquel son supérieur hiérarchique lui a notifié son changement d'affectation au sein du groupement territorial de la vallée du Rhône à ... est à l'origine de son arrêt de travail à compter de cette date, en raison des répercussions psychologiques et physiques graves qui en ont découlé. Selon le certificat médical de son médecin généraliste en date du 21 septembre 2018, l'appelant " présente un traumatisme psychique important en rapport avec un conflit professionnel et une décision vécue comme arbitraire qui impacte l'avenir professionnel du patient ". Dans un nouveau certificat de ce médecin en date du 16 novembre 2018, l'appelant " présente toujours un syndrome dépressif réactionnel ". En outre, selon un courrier d'une psychologue clinicienne du 21 octobre 2018, M. D... relate le récit des noyades vécues lors d'une opération de secours survenue en avril 2000 dans le périmètre d'intervention du groupement territorial au sein duquel il a été affecté le 11 septembre 2018, indiquant notamment que " Ces évènements sont actuels depuis toutes ces années. Le retour sur les lieux ont fait et fait ressurgir la journée dramatique. Il est évident que le lieu et le trauma sont associés ". Alors que la décision a été rapportée le 14 novembre 2018, à la suite de l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Nîmes du 31 octobre 2018, le rapport du médecin du service de santé et de secours médicaux du service d'incendie et de secours du Gard établi le 19 février 2019, qui a indiqué avoir examiné M. D... le 26 novembre 2018 dans le cadre d'une visite de reprise d'activité professionnelle, précise que le changement d'affectation en litige était mal vécu par ce dernier à la date de la visite, occasionnant des troubles du sommeil et de l'appétit selon les dires de l'intéressé, " exacerbant une anxiété généralisée avec des propos obsessionnels ". Le médecin ajoute : " il m'a semblé avoir une véritable peur de ce changement. Il restait combatif, avait un sentiment d'injustice et n'exprimait aucun sentiment de culpabilité ni idée suicidaire ". Il précise encore : " S'agit-il d'un accident ' L'annonce d'un changement de poste, certes brutale, ne me semble pas pouvoir être considérée comme un accident. L'ampleur de la réaction devrait nous faire nous questionner sur un état antérieur psychologique pour cet officier ". Enfin, l'expertise en date du 23 janvier 2019 du médecin psychiatre, en vue de la réunion de la commission de réforme, conclut à un traumatisme psychique et un souci professionnel imputables à l'activité professionnelle de M. D.... Toutefois, s'il ressort des pièces du dossier que M. D... a vécu des faits traumatisants à l'occasion d'une opération de sauvetage en eaux vives qui s'est déroulée en avril 2000 dans le périmètre d'intervention du groupement territorial auquel il a été affecté le 11 septembre 2018, aucune pièce ne vient attester de ce que l'entretien qui s'est tenu le même jour aurait donné lieu à un comportement ou à des propos de son supérieur excédant l'exercice normal du pouvoir hiérarchique. Celui-ci ne peut dès lors être regardé comme étant constitutif d'un évènement accidentel alors même que l'affectation choisie a ravivé chez l'intéressé des souvenirs douloureux. Eu égard notamment à la teneur du rapport précité du docteur C..., l'état psychologique antérieur de l'intéressé expliqué par un climat de tension et de défiance avec sa hiérarchie depuis plusieurs mois a pu contribuer à l'état d'anxiété qui a suivi l'annonce de son changement d'affectation. Par ailleurs, il ressort d'un courrier du 19 juillet 2018 adressé au directeur départemental du service d'incendie et de secours que le supérieur hiérarchique de l'appelant avait déjà proposé de mettre un terme à son affectation au centre de secours principal de Nîmes. M. D... a par ailleurs exposé dans ses observations à la commission de réforme en date du 14 octobre 2018 que son supérieur avait également évoqué ce fait lors de leur entretien téléphonique du 17 juillet précédent. Dans ces conditions et compte tenu des éléments médicaux versés aux débats, le syndrome dépressif réactionnel dont a souffert M. D... ne peut être regardé comme imputable au service, au sens et pour l'application des dispositions précitées de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983. Par suite, en refusant de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident déclaré par le requérant le 11 septembre 2018, le président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours du Gard n'a pas entaché sa décision d'une erreur d'appréciation. 20. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté ses demandes. Sur les frais liés au litige : 21. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du service départemental d'incendie et de secours du Gard, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que M. D... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. 22. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. D... une somme au titre des frais exposés par le service départemental d'incendie et de secours du Gard et non compris dans les dépens. D E C I D E : Article 1er : La requête de M. D... est rejetée. Article 2 : Les conclusions présentées par le service départemental d'incendie et de secours du Gard au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié M. B... D... et au service départemental d'incendie et de secours du Gard. Délibéré après l'audience du 14 mars 2023, à laquelle siégeaient : Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre, Mme Blin, présidente assesseure, M. Teulière, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mars 2023. La rapporteure, A. Blin La présidente, A. Geslan-Demaret La greffière, M-M. Maillat La République mande et ordonne à la préfète du Gard en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. N° 21TL03028 2
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Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté de la rectrice de l'académie de Montpellier daté du 4 novembre 2018 qui le place en disponibilité d'office du 4 novembre 2018 au 3 mai 2019, de condamner l'Etat à lui verser des dommages-intérêts pour préjudice moral et financier et atteinte à sa santé, d'enjoindre à la rectrice de lui communiquer la totalité de son dossier, de reconstituer sa carrière et de lui verser la totalité de son salaire, et de valider ses trimestres pour la retraite, d'annuler le refus de cette rectrice de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie et d'ordonner une enquête sur cette question. Par un jugement n°1901370 du 11 décembre 2020, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses demandes. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 13 février 2021, sous le n°21MA00624 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, puis le 11 avril 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n° 21TL00624, et deux mémoires enregistrés les 10 octobre et 2 novembre 2022, M. B..., représenté par la SELARL Trilles-Font agissant par Me Font, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures : A titre principal : 1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 11 décembre 2020 ; 2°) d'annuler l'arrêté du 4 novembre 2018 de la rectrice de l'académie de Montpellier portant placement en disponibilité d'office du 4 novembre 2018 au 3 mai 2019 ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. A titre subsidiaire et avant dire-droit : - d'ordonner une expertise médicale. Il soutient que : - la commission de réforme a émis, le 19 mars 2019, un avis d'ajournement, estimant une nouvelle expertise nécessaire, ce qui marque une volonté de s'émanciper des conclusions médicales du docteur C... ; ainsi, l'arrêté contesté, qui repose sur l'avis d'un comité médical insuffisamment éclairé, résulte d'une erreur manifeste d'appréciation en l'absence d'éléments suffisants pour statuer ; l'absence de médecin de prévention et d'éléments exploitables à son dossier ont conduit le médecin nouvellement désigné à entériner l'avis du docteur C... ; plusieurs médecins se contredisent sur son inaptitude absolue et définitive ainsi que le docteur C... lui-même ; - sa mise en disponibilité n'a pas été décidée après avis du comité médical, en méconnaissance de l'article 48 du décret du 14 mars 1986 ; - sa pathologie a un caractère professionnel ; l'arrêté du 4 novembre 2018 relève d'une erreur manifeste d'appréciation ; il n'était pas possible de statuer en l'état sur sa situation eu égard au caractère insuffisant du rapport du docteur C... dont l'attitude peu professionnelle a provoqué son départ en cours d'examen médical le 18 juillet 2017 et eu égard à l'ajournement de la procédure en cours par la commission de réforme en mars 2019 pour qu'une nouvelle expertise soit diligentée ; ses conditions de travail ont en partie contribué à la survenance de sa maladie ; - une nouvelle expertise devra être ordonnée. Par une ordonnance en date du 11 avril 2022, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué à la cour administrative d'appel de Toulouse le jugement de la requête de M. B.... Par un mémoire en défense enregistré le 10 octobre 2022, la rectrice de la région académique Occitanie, rectrice de l'académie de Montpellier, conclut au rejet de la requête. Elle fait valoir que les conclusions dirigées contre la décision de refus d'imputabilité au service de sa maladie sont tardives et qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé. Par une ordonnance du 3 novembre 2022, la clôture de l'instruction a été reportée au 7 décembre 2022. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; - le décret n° 84-1051 du 30 novembre 1984 ; - le décret n° 85-986 du 16 septembre 1985 - le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Thierry Teulière, premier conseiller, - et les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. B..., professeur agrégé en génie mécanique, affecté en zone de remplacement de Béziers, avec un rattachement administratif depuis le 1er septembre 2007 au lycée ..., a été placé en congé de maladie du 4 septembre au 20 octobre 2013, puis en congé de longue maladie du 4 novembre 2013 au 3 novembre 2014, et en congé de longue durée du 4 novembre 2014 jusqu'au 3 novembre 2018. Par une décision du 23 avril 2018, la rectrice de l'académie de Montpellier a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie de M. B.... M. B... a formé un recours gracieux, le 30 avril 2018, qui a fait l'objet d'une décision de rejet en date du 26 juin 2018. Par un arrêté du 4 novembre 2018, la rectrice a placé l'intéressé en disponibilité d'office du 4 novembre 2018 au 3 mai 2019. M. B... a notamment demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler cet arrêté daté du 4 novembre 2018 ainsi que le refus de de la rectrice de l'académie de Montpellier de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie. Par un jugement du 11 décembre 2020, dont M. B... relève appel, le tribunal a rejeté ses demandes. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 2. En vertu du dernier alinéa de l'article 51 de la loi susvisée du 11 janvier 1984, dans sa rédaction applicable à l'espèce : " La disponibilité est prononcée, soit à la demande de l'intéressé, soit d'office à l'expiration des congés prévus aux 2°, 3° et 4° de l'article 34.(...) ". Aux termes de l'article 43 du décret susvisé du 16 septembre 1985 : " La mise en disponibilité ne peut être prononcée d'office qu'à l'expiration des droits statutaires à congés de maladie prévus au premier alinéa du 2°, au premier alinéa du 3° et au 4° de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée et s'il ne peut, dans l'immédiat, être procédé au reclassement du fonctionnaire dans les conditions prévues à l'article 63 du la loi du 11 janvier 1984 susvisée. (...) ". Aux termes du deuxième alinéa de l'article 27 du décret susvisé du 14 mars 1986, dans sa rédaction applicable à l'espèce : " Lorsqu'un fonctionnaire a obtenu pendant une période de douze mois consécutifs des congés de maladie d'une durée totale de douze mois, il ne peut, à l'expiration de sa dernière période de congé, reprendre son service sans l'avis favorable du comité médical : en cas d'avis défavorable, il est soit mis en disponibilité, soit reclassé dans un autre emploi, soit, s'il est reconnu définitivement inapte à l'exercice de tout emploi, admis à la retraite après avis de la commission de réforme. (...) ". Aux termes du premier alinéa de l'article 47 du même décret : " Le fonctionnaire ne pouvant, à l'expiration de la dernière période de congé de longue maladie ou de longue durée, reprendre son service est soit reclassé dans un autre emploi, en application du décret n° 84-1051 du 30 novembre 1984 pris en application de l'article 63 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat en vue de faciliter le reclassement des fonctionnaires de l'Etat reconnus inaptes à l'exercice de leurs fonctions, soit mis en disponibilité, soit admis à la retraite après avis de la commission de réforme. ". Enfin, aux termes du premier alinéa de l'article 48 du même décret, dans sa version applicable au litige : " La mise en disponibilité prévue aux articles 27 et 47 du présent décret est prononcée après avis du comité médical ou de la commission de réforme sur l'inaptitude du fonctionnaire à reprendre ses fonctions. " 3. D'une part, M. B... expose que l'administration a méconnu les dispositions précitées de l'article 48 du décret du 14 mars 1986, en prononçant sa mise en disponibilité sans attendre l'avis du comité médical. Toutefois, la rectrice fait valoir en défense sans être contredite que son arrêté n'a été pris qu'après la réception de l'avis du comité médical du 5 décembre 2018 et qu'il est ainsi seulement entaché d'une erreur matérielle quant à sa date, sans incidence sur sa légalité, ce qui explique également qu'il ait été joint à sa lettre du 20 décembre 2018 adressée à M. B.... La circonstance que cet arrêté prenne effet dès le 4 novembre 2018 a pour seul objet de régulariser la situation de l'intéressé en lui donnant une position régulière, dès lors que son congé longue durée expirait le 3 novembre 2018. Par suite, le vice de procédure allégué n'est pas établi. 4. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que l'arrêté contesté prononçant la mise en disponibilité d'office de M. B... a été pris en considération de l'avis du comité médical de l'Hérault qui a, dans sa séance du 5 décembre 2018, estimé l'intéressé " inapte à ses fonctions et à toute fonction de façon absolue et définitive ". Si M. B... soutient que le comité médical était insuffisamment éclairé, il ressort des pièces du dossier que l'organisme collégial s'est appuyé sur le rapport établi le 19 novembre 2018 par le docteur C..., médecin psychiatre agréé, faisant suite à un examen du 7 novembre 2018. L'expert a conclu que l'état psychique de M. B... entraînait une inaptitude absolue et définitive à l'exercice de toute fonction. La circonstance que l'intéressé ait interrompu et quitté un précédent examen médical en date du 18 juillet 2017 conduit par le même médecin expert, alors appelé à donner un avis sur l'imputabilité au service de la maladie de l'agent est sans incidence sur l'expertise effectuée en novembre 2018. De même, la circonstance que le rapport d'expertise du 19 novembre 2018 reprenne, dans ses commémoratifs, les conclusions de la précédente expertise indiquant notamment que l'inaptitude de l'agent était à évaluer, n'est pas de nature à démontrer une contradiction de l'expert sur cette question. Les certificats médicaux en date des 16 et 19 avril 2019 versés au dossier par M. B..., l'un établi par sa psychiatre qui le regarde comme apte à une activité à temps partiel et l'autre par son médecin généraliste qui se borne à indiquer qu'il ne présente pas de contre-indication à l'emploi en général, au demeurant postérieurs à la décision attaquée, sont peu circonstanciés et ne permettent ainsi pas d'infirmer les conclusions du médecin agréé. Si M. B... soutient également que la commission de réforme a demandé, le 19 mars 2019, soit postérieurement à l'arrêté contesté, une nouvelle expertise, il ressort des pièces du dossier que cette expertise était destinée à vérifier l'imputabilité au service de la pathologie de l'agent et non son aptitude à l'exercice de toute fonction. Dès lors, cette circonstance n'est pas de nature à faire regarder comme insuffisantes les conclusions du rapport d'expertise du docteur C... sur l'inaptitude de l'agent. Il en est de même de la lettre du 1er avril 2019 du médecin conseiller technique informant la rectrice qu'elle ne pouvait rédiger de rapport circonstancié relatif à la demande de M. B... tendant à la reconnaissance d'une maladie professionnelle et qui s'est, au demeurant, rallié aux conclusions de l'expertise antérieure. 5. Enfin, la décision attaquée datée du 4 novembre 2018, qui est fondée sur l'inaptitude définitive de l'agent à toute fonction et, par suite, sur l'impossibilité d'un reclassement, n'a ni pour objet ni pour effet de refuser de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie. Par suite, M. B... ne peut utilement se prévaloir du caractère professionnel de sa pathologie ou soutenir que ses conditions de travail ont pour partie contribué à sa survenance pour en contester la légalité. En tout état de cause, il ressort des pièces du dossier de première instance que, par une décision du 23 avril 2018 notifiée le 28 avril suivant et comportant l'indication des voies et délais de recours, la rectrice de l'académie de Montpellier a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie de M. B.... M. B... a alors formé, à l'encontre de cette décision, un recours gracieux le 30 avril 2018, qui a lui-même fait l'objet d'une décision de rejet en date du 26 juin 2018 notifiée le 29 juin suivant et comportant également l'indication des voies et délais de recours. Dès lors et ainsi que le fait valoir la rectrice en défense, la décision de refus de reconnaissance de l'imputabilité au service de la pathologie du requérant en date du 23 avril 2018, a été tardivement contestée par le dépôt d'un recours devant le tribunal administratif le 19 mars 2019, et revêt, par suite, un caractère définitif. 6. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir qu'il n'était pas possible de statuer, en l'état, sur sa mise en disponibilité d'office et que le moyen tiré de l'erreur d'appréciation dont serait entaché l'arrêté du 4 novembre 2018 ne peut qu'être écarté. 7. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner l'expertise médicale sollicitée à titre subsidiaire, que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses demandes. Sur les frais liés au litige : 8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme demandée par M. B... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. D E C I D E : Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse. Copie en sera adressée à la rectrice de la région académique Occitanie, rectrice de l'académie de Montpellier. Délibéré après l'audience du 14 mars 2023 à laquelle siégeaient : Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre, Mme Blin, présidente assesseure, M. Teulière, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mars 2023. Le rapporteur, T. Teulière La présidente, A. Geslan-Demaret La greffière, M-M. Maillat La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. 2 N° 21TL00624
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Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la délibération du 30 juillet 2020 par laquelle le conseil municipal de Montpellier a décidé d'attribuer une subvention de 15 000 euros à l'association SOS Méditerranée France, d'enjoindre à l'association SOS Méditerranée France de restituer à la commune de Montpellier la somme de 15 000 euros correspondant à la subvention reçue ainsi que de mettre à la charge de la commune de Montpellier la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un jugement n°2004323 du 19 octobre 2021, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 21 décembre 2021, sous le n°21MA04860 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille puis le 1er mars 2022 sous le n°21TL04860 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, M. B..., représenté par Me Lambert, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 19 octobre 2021 ; 2°) d'annuler la délibération du 30 juillet 2020 par laquelle le conseil municipal de Montpellier a décidé d'attribuer une subvention de 15 000 euros à l'association SOS Méditerranée France ; 3°) d'enjoindre à l'association SOS Méditerranée France de restituer à la commune de Montpellier la somme de 15 000 euros correspondant à la subvention reçue ; 4°) de mettre à la charge de la commune de Montpellier une somme de 2 500 euros à lui verser au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - sa requête est recevable ; il a intérêt à agir en sa qualité de contribuable local dès lors que la subvention litigieuse n'est compensée par aucune recette ou retour sur investissement ; - aucune des conditions de légalité dégagées par la jurisprudence s'agissant de l'octroi des subventions des communes aux personnes morales de droit privé n'est réunie en l'espèce ; - la subvention est illégale en l'absence d'intérêt public local ; - l'article L. 1115-1 du code général des collectivités territoriales est inapplicable ; l'activité de l'association SOS Méditerranée France ne constitue pas une action internationale dès lors qu'elle ne bénéficie pas à une population étrangère locale identifiée ; la subvention ne respecte pas les engagements internationaux de la France ; - elle a été prise en violation du principe de neutralité du service public, compte tenu de l'action politique et des conflits internationaux suscités par l'association SOS Méditerranée France et de la manifestation d'un soutien politique et idéologique ainsi que de l'immixtion dans un conflit politique que constitue l'octroi de cette subvention ; - l'association, qui n'a pas qualité de partie, ne pouvait prétendre à des frais de procès au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un mémoire en défense, enregistré le 21 mars 2022, la commune de Montpellier représentée par la SCP CGCB et associés agissant par Me Geoffret et Me Rosier, conclut au rejet de la requête et à la condamnation de M. B... à lui verser une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle fait valoir que : - c'est à bon droit que les premiers juges ont déclaré le recours irrecevable, faute de conséquences significatives de la décision sur les finances de la collectivité ; - la délibération se fonde sur les dispositions de l'article L. 1115-1 du code général des collectivités territoriales, même si elle ne les vise pas explicitement ; la cour pourra si nécessaire procéder à une substitution de base légale ; - la décision étant prise en application de dispositions législatives spéciales, elle n'avait pas à rapporter l'existence d'un intérêt public local s'agissant d'une aide extérieure qu'elle peut librement apporter et qui ne viole pas le principe de neutralité. Par un mémoire en défense, enregistré le 22 avril 2022, l'association SOS Méditerranée France représentée par la SELARL Seattle Avocats agissant par Me Mabile, conclut au rejet de la requête et à la condamnation de M. B... à lui verser une somme de 7 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle fait valoir que le tribunal a justement retenu l'absence d'intérêt à agir de M. B..., que les dispositions spéciales de l'article L. 1115-1 du code général des collectivités territoriales autorisaient la commune de Montpellier à accorder la subvention en litige, excluant par principe une intervention au titre de la clause générale de compétence, qu'à titre subsidiaire, le moyen tiré du défaut d'intérêt public local doit être écarté, enfin, que le moyen tiré de la méconnaissance du principe de neutralité du service public est inopérant et également infondé. Par ordonnance du 2 mai 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 24 mai 2022. Un mémoire, enregistré le 6 mars 2023, a été présenté pour le requérant et n'a pas été communiqué. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code général des collectivités territoriales ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Thierry Teulière, premier conseiller, - les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique, - les observations de Me Lambert, représentant M. B..., les observations de Me Geoffret, représentant la commune de Montpellier et les observations de Me Philippe, représentant l'association SOS Méditerranée France. Considérant ce qui suit : 1. Par un jugement du 19 octobre 2021, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande de M. B... tendant à l'annulation de la délibération du 30 juillet 2020 par laquelle le conseil municipal de Montpellier a attribué une subvention de 15 000 euros à l'association SOS Méditerranée France et à ce qu'il soit enjoint à cette association de restituer à la commune la somme correspondant à la subvention reçue. M. B... relève appel de ce jugement. Sur le bien-fondé du jugement : 2. Lorsque la délibération d'un conseil municipal emporte une perte de recettes ou des dépenses supplémentaires, le contribuable de cette commune n'est recevable à en demander l'annulation pour excès de pouvoir que si les conséquences directes de cette délibération sur les finances communales sont d'une importance suffisante pour lui conférer un intérêt pour agir. 3. En l'espèce, il n'est pas contesté que le montant de la subvention litigieuse représente 0,34 % du montant total des subventions que la commune de Montpellier a accordées à des associations en 2020, 0,014 % de ses dépenses d'investissement ou encore 0,0032 % de son budget de l'année 2020. Dans ces conditions, ainsi que l'a relevé à juste titre le tribunal administratif, M. B... n'établit pas que les conséquences directes de la délibération litigieuse sur les finances communales seraient d'une importance suffisante pour lui conférer un intérêt à agir en sa qualité de contribuable local. 4. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de la délibération du conseil municipal de Montpellier en date du 30 juillet 2020 et à ce qu'il soit enjoint à l'association SOS Méditerranée France de restituer à la commune de Montpellier la somme correspondant à la subvention reçue. Sur les frais liés au litige : 5. D'une part, l'association SOS Méditerranée France, qui a produit des observations devant le tribunal, aurait eu qualité pour former tierce opposition si elle n'avait pas été mise en cause. Elle doit, par suite, être regardée comme une partie pour l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. M. B... n'est, dès lors, pas fondé à soutenir que l'association ne pouvait prétendre au paiement de frais devant le tribunal sur ce fondement au motif qu'elle n'aurait pas eu qualité de partie. 6. D'autre part, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Montpellier, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. B... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B... les sommes que demandent respectivement la commune de Montpellier et l'association SOS Méditerranée France sur ce fondement. D E C I D E : Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Montpellier et l'association SOS Méditerranée France au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à la commune de Montpellier et à l'association SOS Méditerranée France. Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault. Délibéré après l'audience du 14 mars 2023 à laquelle siégeaient : Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre, Mme Blin, présidente assesseure, M. Teulière, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mars 2023. Le rapporteur, T. Teulière La présidente, A. Geslan-Demaret La greffière, M-M. Maillat La République mande et ordonne au préfet de l'Hérault, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. 2 N° 21TL04860
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Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision du 8 février 2019 par laquelle le directeur de la caisse des dépôts et consignations a refusé de lui accorder treize jours de congés au titre des vingt années d'activité professionnelle en application de l'accord-cadre 2019-2021, ensemble le rejet de son recours gracieux du 24 avril 2019. Par un jugement n°1902461 du 6 novembre 2020, le tribunal administratif de Montpellier a annulé la décision du 8 février 2019 du directeur de la caisse des dépôts et consignations refusant de faire droit à la demande de dotation de treize jours de congés présentée par M. B..., ensemble le rejet de son recours gracieux. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés les 8 janvier et 4 août 2021, sous le n°21MA00075 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, puis le 11 avril 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n° 21TL00075, la caisse des dépôts et consignations, représentée par Me Rey, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montpellier en date du 6 novembre 2020 ; 2°) de rejeter les demandes de M. B... ; 3°) de mettre à la charge de M. B... les dépens ainsi qu'une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; Elle soutient que : - sa requête, suffisamment motivée, est recevable ; - l'analyse erronée du tribunal va à l'encontre de l'esprit des avantages offerts aux agents au titre de la reconnaissance de leur engagement professionnel ; contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, elle n'a commis aucune erreur de droit ; - M. B..., qui avait déjà bénéficié des avantages prévus par l'accord cadre 2015-2017 au titre d'une activité professionnelle de vingt ans, ne pouvait, de nouveau, bénéficier de l'attribution de la médaille du travail et des avantages en découlant pour une activité professionnelle d'une même durée ; la nature même de l'avantage, constitué par l'attribution d'une médaille du travail, induit que celle-ci ne peut être nécessairement allouée, au titre d'une même durée, qu'une seule fois ; l'objectif de la caisse, à travers la mise en place de ce dispositif, est de consacrer au profit des agents publics, par souci d'équité avec les personnels de droit privé, des modalités de reconnaissance professionnelle ; par analogie avec les dispositions du décret n°84-591 du 4 juillet 1984, les différentes dotations prévues par les accords-cadres ne peuvent être allouées aux agents qu'une fois au cours de leur carrière pour chaque période prévue ; elle a précisé, par une fiche technique, diffusée sur l'intranet, que les agents ne pouvaient bénéficier des différentes médailles " que s'ils n'ont pas déjà bénéficié d'une prime ou d'une dotation de jours au titre de la médaille considérée " ; - le dispositif repris par l'accord-cadre 2019-2021 visait à permettre aux agents justifiant d'une certaine ancienneté au cours de la période 2019-2021 de pouvoir en bénéficier ; le simple fait que les accords-cadres soient adoptés pour des périodes limitées ne saurait conférer un droit aux agents de bénéficier d'une même médaille du travail à l'occasion de chaque nouvel accord-cadre ; les stipulations de l'accord n'ont vocation à s'appliquer qu'aux agents remplissant les conditions pour bénéficier de la dotation de jours sur la période en question. Par deux mémoires en défense, enregistrés les 16 mars, 17 août 2021, et un dépôt de pièces, enregistré le 10 mars 2022, M. A... B..., représenté par Me Tisler, conclut au rejet de la requête, à la suppression de ses mentions diffamatoires et à ce que les dépens et une somme de 3 000 euros soient mis à la charge de la caisse des dépôts et consignations en application des dispositions des articles R. 761-1 et L. 761-1 du code de justice administrative. Il fait valoir que la requête est irrecevable en l'absence de motivation suffisante et qu'elle est mal fondée. Par une ordonnance en date du 11 avril 2022, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué à la cour administrative d'appel de Toulouse le jugement de la requête de la caisse des dépôts et consignations. Par une ordonnance du 7 septembre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 10 octobre 2022. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 96-452 du 28 mai 1996 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Thierry Teulière, premier conseiller, - les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique, - les observations de Me Riffard, représentant la caisse des dépôts et consignations et les observations de Me Tisler, représentant M. B.... Considérant ce qui suit : 1. M. B..., agent titulaire de la fonction publique, attaché principal d'administration, analyste financier contrôleur au sein de la direction régionale Occitanie de la caisse des dépôts et consignations, a demandé, le 30 janvier 2019, l'attribution d'une dotation de treize jours au titre de vingt ans d'activité professionnelle acquis à compter du 1er janvier 2012, sur le fondement du point 7 du chapitre 2 de l'accord-cadre conclu entre la caisse des dépôts et consignations et des organisations syndicales habilitées pour la période 2019-2021. Par une décision du 8 février 2019, la caisse des dépôts et consignations a refusé de faire droit à cette demande au motif que l'agent avait déjà bénéficié de cette mesure dans le cadre de l'application d'un accord cadre précédent. Le 24 avril 2019, le directeur général de la caisse des dépôts et consignations a rejeté le recours gracieux présenté par M. B.... Par un jugement du 6 novembre 2020, dont la caisse des dépôts et consignations relève appel, le tribunal administratif de Montpellier a annulé la décision du 8 février 2019 refusant de faire droit à la demande de dotation de treize jours de congés présentée par M. B..., ensemble la décision de rejet de son recours gracieux. Sur le bien-fondé du jugement : 2. Aux termes du cinquième alinéa de l'article 34 de la loi susvisée du 28 mai 1996, dans sa rédaction applicable à l'espèce : " La Caisse des dépôts et consignations, représentée par son directeur général, est habilitée à conclure des accords collectifs avec les organisations syndicales représentatives, qui ont pour objet d'assurer la mise en cohérence des règles sociales dont relèvent les personnels de la Caisse des dépôts et consignations. Approuvés par arrêté du directeur général de la Caisse des dépôts et consignations, ces accords s'appliquent de plein droit à l'ensemble de ces personnels. La Caisse des dépôts et consignations est par ailleurs habilitée à conclure des accords collectifs avec les organisations syndicales représentatives et une ou plusieurs des personnes morales liées à elle au sens du II l'article L. 2331-1 du code du travail. ". Aux termes du point 7 du chapitre 2 de l'accord-cadre 2019-2021 conclu le 18 octobre 2018 entre la caisse des dépôts et les organisations syndicales habilitées : " L'établissement public confirme pour la durée du présent accord sa volonté de reconnaître, pour tout agent, son engagement durant toute une vie professionnelle. (...) Il est prévu à cet effet que : - les personnels en fonction bénéficient sur demande s'ils justifient d'au moins 20 ans d'activité professionnelle, d'une dotation de 20 jours portées sur un compte temps spécifique. / Le bénéfice de la dotation au titre de 20 ans d'activité professionnelle est accordé uniquement aux personnels qui remplissent cette condition à compter du 1er janvier 2012. (...) ". 3. Il est constant que M. B... a bénéficié, conformément à la demande qu'il a présentée le 19 août 2016, d'une dotation de sept jours au titre de vingt années d'activité professionnelle, en application du précédent accord cadre 2015-2017 avant de présenter une nouvelle demande, le 30 janvier 2019, en vue de se voir attribuer une dotation de treize jours au même titre. Si la caisse des dépôts et consignations soutient que cet avantage ne pouvait être alloué qu'une fois, les stipulations du point 7 du chapitre 2 de l'accord-cadre 2019-2021 citées au point précédent ne subordonnent toutefois le bénéfice sur demande de la dotation de vingt jours qu'à la seule condition que les personnels en fonction justifient d'au moins vingt ans d'activité professionnelle à compter du 1er janvier 2012. Elles ne prévoient ainsi notamment pas que les agents qui auraient déjà bénéficié d'une dotation de jours à ce titre se trouveraient de ce fait exclus de ce dispositif. Dès lors, la seule circonstance que M. B... se soit vu accorder à l'occasion d'une précédente demande une dotation de sept jours dans le cadre de l'application d'un précédent accord-cadre ne faisait pas obstacle ce qu'il puisse obtenir un versement de treize jours supplémentaires et ainsi bénéficier de la dotation de vingt jours sur le compte épargne spécifique prévue par l'accord-cadre 2019-2021. Par suite, la caisse des dépôts et consignations n'est pas fondée à soutenir que M. B... n'aurait pas rempli les conditions prévues par cet accord pour bénéficier de la dotation de vingt jours au titre de la période considérée. Elle ne peut, par ailleurs, utilement invoquer l'esprit des avantages offerts aux agents au titre de la reconnaissance de leur engagement professionnel, ni les dispositions d'un décret n°84-591 du 4 juillet 1984 relatif à la médaille d'honneur du travail qui sont inapplicables aux fonctionnaires, ou encore une fiche technique interne diffusée sur l'intranet de la caisse des dépôts indiquant que les agents ne peuvent être bénéficiaires s'ils ont déjà bénéficié d'une dotation de jours à ce titre, qui ajoute ainsi une condition pour bénéficier de l'avantage qui n'a pas été prévue par l'accord-cadre applicable. 4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir, que la caisse des dépôts et consignations n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a annulé ses décisions des 8 février et 24 avril 2019. Sur les conclusions tendant à la suppression des écrits injurieux, outrageants ou diffamatoires : 5. En vertu des dispositions de l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881 reproduites à l'article L. 741-2 du code de justice administrative, les cours administratives d'appel peuvent, dans les causes dont elles sont saisies, prononcer, même d'office, la suppression des écrits injurieux, outrageants ou diffamatoires. 6. Le passage de la requête, dont la suppression est demandée en appel par M. B..., n'excède pas le droit à la libre discussion et ne présente pas un caractère outrageant ou diffamatoire. Les conclusions tendant à sa suppression doivent par suite être rejetées. Sur les frais liés au litige : 7. En l'absence de dépens, les conclusions des parties présentées sur le fondement de l'article R. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. 8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que M. B..., qui n'a pas la qualité de partie perdante, verse à la caisse des dépôts et consignations la somme que celle-ci réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la caisse des dépôts et consignations le versement à M. B... d'une somme de 1 500 euros au titre des mêmes dispositions. D E C I D E : Article 1er : La requête de la caisse des dépôts et consignations est rejetée. Article 2 : La caisse des dépôts et consignations versera à M. B... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le surplus des conclusions de M. B... est rejeté. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la caisse des dépôts et consignations et à M. A... B.... Délibéré après l'audience du 14 mars 2023 à laquelle siégeaient : Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre, Mme Anne Blin, présidente assesseure, M. Teulière, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mars 2023. Le rapporteur, T. Teulière La présidente, A. Geslan-Demaret La greffière, M-M. Maillat La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. 2 N° 21TL00075
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Vu la procédure suivante : Mme D... C..., agissant en qualité de représentante légale de sa fille mineure, Mlle B... A..., a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Montreuil, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'enjoindre au maire de la commune de Noisy-le-Grand ou, à défaut, au préfet de la Seine-Saint-Denis et au directeur académique des services de l'éducation nationale compétent, de procéder à la scolarisation de sa fille dans une école du secteur de la commune et de lui remettre un certificat de scolarité, dans un délai de sept jours à compter de la date de notification de l'ordonnance à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard. Par une ordonnance n° 2302447 du 3 mars 2023, le juge des référés du tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 16 et 23 mars 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme C... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : 1°) d'annuler l'ordonnance du 3 mars 2023 du juge des référés du tribunal administratif de Montreuil ; 2°) de faire droit à ses demandes ; 3°) de mettre à la charge de la commune de Noisy-le-Grand et, à titre subsidiaire, de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient : - que la condition d'urgence est satisfaite dès lors que sa fille n'est pas scolarisée ; - qu'il est porté une atteinte grave et manifestement illégale au droit à l'éduction de Maria A... ; - que, contrairement à ce qu'a considéré le juge des référés du tribunal administratif de Montreuil, d'une part, les dispositions du code de l'éducation n'excluent pas que la justification de domiciliation puisse être rapportée par une attestation sur l'honneur et, d'autre part, le domicile doit être entendu comme la résidence effective ; - qu'il y a lieu à statuer sur les conclusions de sa requête dès lors qu'au 23 mars, sa fille n'est toujours pas scolarisée, que la commune de Noisy-le-Grand ne produit aucun certificat permettant de justifier son inscription scolaire et, qu'au demeurant, le courrier de la commune de Noisy-le-Grand niant le refus de procéder à son inscription scolaire a été adressé à une adresse erronée. Par un mémoire en défense, enregistré le 23 mars 2023, le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse conclut, à titre principal, au non-lieu à statuer sur les conclusions de la requête et, à titre subsidiaire, au rejet de ses conclusions. Il soutient que la requête est devenue sans objet dès lors que la commune a accepté d'inscrire à l'école Mme A... à compter du 20 février 2023, que la condition d'urgence n'est pas satisfaite et qu'aucune atteinte grave et manifestement illégale n'est portée à une liberté fondamentale. Par un mémoire, enregistré le 23 mars 2023, la commune de Noisy-le-Grand conclut, d'une part, au non-lieu à statuer sur les conclusions de la requête et, d'autre part, au rejet des conclusions de Mme C... tendant à ce qu'une somme soit mise à sa charge au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que la requête est devenue sans objet dès lors que la commune a accepté d'inscrire Mme A... à compter du 20 février 2023, que la condition d'urgence n'est pas satisfaite et qu'aucune atteinte grave et manifestement illégale n'est portée à une liberté fondamentale. La Défenseure des droits a produit des observations, enregistrées le 22 mars 2023. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code de l'éducation ; - le code de justice administrative ; Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, Mme C... et d'autre part, le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse ainsi que la commune de Noisy-le-Grand ; Ont été entendus lors de l'audience publique du 24 mars 2023, à 11h30 : - Me de la Burgade, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de Mme C... ; - la représentante de Mme C... ; - Mme C... ; - les représentants du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse ; - le représentant de la commune de Noisy-le-Grand ; à l'issue de laquelle le juge des référés a clos l'instruction. Vu la note en délibéré, enregistrée le 24 mars 2023, présentée par la commune de Noisy-le-Grand ; Considérant ce qui suit : 1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. (...) ". 2. Mme D... C..., agissant au nom de sa fille mineure B... A..., relève appel de l'ordonnance du 3 mars 2023 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Montreuil, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, a rejeté sa demande d'enjoindre au maire de la commune de Noisy-le-Grand de procéder à la scolarisation de sa fille dans une école du secteur de la commune et de lui remettre un certificat de scolarité. 3. Il résulte de l'instruction que, postérieurement à l'introduction de la présente requête, Maria A... a été scolarisée à compter du 24 mars 2023 dans l'école primaire Clos de l'Arche à Noisy-le-Grand. Il résulte par ailleurs de l'instruction que la commune de Noisy-le-Grand a pris l'engagement, pendant l'audience, de délivrer dès l'après-midi du 24 mars un certificat de scolarité à Maria A.... Par suite, les conclusions présentées par Mme C... au nom de sa fille sont devenues sans objet. 4. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme que Mme C... demande au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. O R D O N N E : ------------------ Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête de Mme D... C.... Article 2 : Les conclusions présentées par Mme C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme D... C..., au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse ainsi qu'à la commune de Noisy-le-Grand. Copie en sera adressée à la Défenseure des droits. Fait à Paris, le 27 mars 2023 Signé : Jérôme Marchand-Arvier
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Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la délibération n° CP/010720/D/3 du 1er juillet 2020 de la commission permanente du conseil départemental de l'Hérault en tant qu'elle attribue une subvention de 20 000 euros à l'association SOS Méditerranée France au titre de l'aide sociale générale, d'enjoindre à l'association SOS Méditerranée France de restituer au département de l'Hérault la somme de 20 000 euros correspondant à la subvention reçue ainsi que de mettre à la charge du département de l'Hérault la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un jugement n°2003886 du 19 octobre 2021, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 17 décembre 2021, sous le n°21MA04824 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille puis le 1er mars 2022 sous le n°21TL04824 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, M. B..., représenté par Me Lambert, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 19 octobre 2021 ; 2°) d'annuler la délibération n° CP/010720/D/3 du 1er juillet 2020 de la commission permanente du conseil départemental de l'Hérault en tant qu'elle attribue une subvention de 20 000 euros à l'association SOS Méditerranée France au titre de l'aide sociale générale ; 3°) d'enjoindre à l'association SOS Méditerranée France de restituer au département de l'Hérault la somme de 20 000 euros correspondant à la subvention reçue ; 4°) de mettre à la charge du département de l'Hérault une somme de 3 500 euros à lui verser au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - le tribunal a commis des erreurs de droit et d'appréciation ; - la délibération, qui accorde une subvention qui ne se rattache à aucun domaine d'intervention du département et ne concerne pas les bénéficiaires de l'aide sociale apportée par le département, est entachée d'une erreur de droit et d'un défaut de base légale, au regard des articles L. 1111-2 alinéa 1 et L. 3211-1 alinéa 1 du code général des collectivités territoriales et de l'article L. 121-1 du code de l'action sociale et des familles ; - l'article L. 1115-1 du code général des collectivités territoriales est inapplicable ; l'activité de l'association SOS Méditerranée France ne constitue pas une action internationale dès lors qu'elle ne bénéficie pas à une population étrangère locale identifiée ; la subvention ne respecte pas les engagements internationaux de la France ; - elle a été prise en violation du principe de neutralité du service public, compte tenu de l'action politique et des conflits internationaux suscités par l'association SOS Méditerranée France et de la manifestation d'un soutien politique et idéologique que constitue l'octroi de cette subvention, révélant aussi l'immixtion de collectivités territoriales dans un domaine réservé exclusivement à l'action de l'Etat ; - l'association, qui n'a pas qualité de partie, ne pouvait prétendre à des frais de procès au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un mémoire en défense, enregistré le 12 avril 2022, le département de l'Hérault représenté par la SCP CGCB et associés agissant par Me Geoffret et Me Rosier, conclut au rejet de la requête et à la condamnation de M. B... à lui verser une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il fait valoir que : - la délibération se fonde sur les dispositions de l'article L. 1115-1 du code général des collectivités territoriales, même si elle ne les vise pas explicitement ; la cour pourra si nécessaire procéder à une substitution de base légale ; - la décision étant prise en application de dispositions législatives spéciales, elle n'avait pas à rapporter l'existence d'un intérêt public local s'agissant d'une aide extérieure qu'il peut librement apporter et qui ne viole pas le principe de neutralité. Par ordonnance du 17 juin 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 11 juillet 2022. Un mémoire en défense, enregistré le 25 août 2022, a été produit par l'association SOS Méditerranée France, représentée par la SELARL Seattle Avocats agissant par Me Mabile et n'a pas été communiqué. Un mémoire, enregistré le 7 mars 2023, a été présenté pour M. B... et n'a pas été communiqué. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de l'action sociale et des familles ; - le code général des collectivités territoriales ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Thierry Teulière, premier conseiller, - les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique, - les observations de Me Lambert, représentant M. B..., les observations de Me Geoffret, représentant le département de l'Hérault et les observations de Me Philippe, représentant l'association SOS Méditerranée France. Considérant ce qui suit : 1. Par un jugement du 19 octobre 2021, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande de M. Manogil, conseiller départemental de l'Hérault, tendant à l'annulation de la délibération du 1er juillet 2020 de la commission permanente du conseil départemental de l'Hérault en tant qu'elle a attribué une subvention de 20 000 euros à l'association SOS Méditerranée France et à ce qu'il soit enjoint à cette association de restituer au département la somme correspondant à la subvention reçue. M. B... relève appel de ce jugement. Sur le bien-fondé du jugement : 2. Aux termes de l'article L. 1115-1 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction applicable au litige : " Dans le respect des engagements internationaux de la France, les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent mettre en œuvre ou soutenir toute action internationale annuelle ou pluriannuelle de coopération, d'aide au développement ou à caractère humanitaire. / À cette fin, les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent, le cas échéant, conclure des conventions avec des autorités locales étrangères. Ces conventions précisent l'objet des actions envisagées et le montant prévisionnel des engagements financiers. (...) ". Il résulte de ces dispositions que le législateur a autorisé les collectivités territoriales à mettre en œuvre ou soutenir toute action internationale à caractère, en particulier, humanitaire au titre de leur action extérieure. 3. En premier lieu, si la délibération litigieuse du 1er juillet 2020 ne vise aucun texte, il ressort en particulier de ses écritures en défense que le conseil départemental de l'Hérault a entendu fonder son attribution sur les dispositions précitées de l'article L. 1115-1 du code général des collectivités territoriales. Selon ses statuts, l'association SOS Méditerranée France a en particulier pour objet de " sauver la vie des personnes en détresse en mer " et elle " est une association humanitaire indépendante de tout parti politique et de toute confession " qui inscrit son activité dans le cadre d'une action internationale à caractère humanitaire. Les tensions diplomatiques entre la France et l'Italie dont témoignent des pièces versées au dossier n'étaient toutefois pas assimilables à un conflit entre ces deux États. Il n'est en outre pas sérieusement contesté que l'association intervient dans le respect des engagements internationaux de la France alors que le requérant se limite à alléguer que son activité nuirait au respect de l'article 77 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. Par ailleurs, les dispositions précitées du premier alinéa de l'article L. 1115-1 du code général des collectivités territoriales ne faisaient pas obstacle à ce que la subvention soit accordée à une association, seules les conventions prévues au second alinéa de cet article devant être conclues avec des autorités locales étrangères. En outre, les dispositions de cet article ne subordonnent l'attribution de la subvention litigieuse ni à la condition qu'elle réponde à un intérêt public local, ni à celle qu'elle constitue un soutien à une collectivité locale étrangère. Par ailleurs, la légalité de cette délibération n'est pas plus subordonnée à la signature ultérieure d'une convention entre le département de l'Hérault et l'association. Enfin, les dispositions législatives spéciales de l'article L. 1115-1 du code général des collectivités territoriales autorisant expressément le département de l'Hérault à accorder un concours financier, la circonstance que la subvention soit sans lien avec les compétences qui lui sont dévolues en vertu des articles L. 3211-1 du code général des collectivités territoriales et L. 121-1 du code de l'action sociale et des familles est sans incidence sur la légalité de la délibération. Dès lors, le moyen tiré du défaut de base légale et de l'erreur de droit doit être écarté. 4. En second lieu, le requérant soutient que la délibération attaquée a été prise pour des motifs purement politiques, la collectivité manifestant ainsi un soutien politique et idéologique à l'association en méconnaissance du principe de neutralité du service public. Toutefois, comme il vient d'être indiqué, indépendamment de ses prises de position publiques, l'association bénéficiaire inscrit son activité dans le cadre d'une action internationale à caractère humanitaire, dans le respect des engagements internationaux de la France en sorte que les conditions posées par les dispositions spéciales de l'article L. 1115-1 du code général des collectivités territoriales sont remplies en l'espèce. Dans ces conditions, la seule circonstance que l'association ait pris des positions dans des débats publics ne faisait pas obstacle à ce que le département lui accorde légalement une subvention. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que la commission permanente aurait, en prenant la délibération attaquée, entendu s'associer aux prises de position publiques de l'association bénéficiaire ou s'immiscer dans un domaine exclusivement réservé à l'action de l'Etat. Pour ces motifs, le moyen tiré de la méconnaissance du principe de neutralité du service public doit être écarté. 5. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de la délibération de la commission permanente du conseil départemental de l'Hérault en date du 1er juillet 2020 et à ce qu'il soit enjoint à l'association SOS Méditerranée France de restituer au département de l'Hérault la somme correspondant à la subvention reçue. Sur les frais liés aux litiges : 6. D'une part, l'association SOS Méditerranée France, qui a produit des observations devant le tribunal, aurait eu qualité pour former tierce opposition si elle n'avait pas été mise en cause. Elle doit, par suite, être regardée comme une partie pour l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. M. B... n'est, dès lors, pas fondé à soutenir que l'association ne pouvait prétendre au paiement de frais devant le tribunal sur ce fondement au motif qu'elle n'aurait pas eu qualité de partie. 7. D'autre part, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du département de l'Hérault, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. B... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B... la somme que demande le département de l'Hérault sur ce fondement. D E C I D E : Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : Les conclusions présentées par le département de l'Hérault au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au département de l'Hérault et à l'association SOS Méditerranée France. Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault. Délibéré après l'audience du 14 mars 2023 à laquelle siégeaient : Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre, Mme Blin, présidente assesseure, M. Teulière, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mars 2023. Le rapporteur, T. Teulière La présidente, A. Geslan-Demaret La greffière, M-M. Maillat La République mande et ordonne au préfet de l'Hérault, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. 2 N°21TL04824
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Vu la procédure suivante : Par une requête sommaire, enregistrée le 11 février 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... A... demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 19 janvier 2022 accordant son extradition aux autorités russes. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - la convention européenne d'extradition du 13 décembre 1957 ; - le code pénal ; - le code de procédure pénale ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Clément Tonon, auditeur, - les conclusions de M. Clément Malverti, rapporteur public ; Considérant ce qui suit : 1. Par décret du 19 janvier 2022, le Premier ministre a accordé aux autorités russes l'extradition de M. B... A..., ressortissant russe, sur le fondement d'un mandat d'arrêt décerné le 18 juillet 2019 par le tribunal de district de la ville de Moscou pour des faits qualifiés de double meurtre commis en réunion avec préméditation par contrat, détention, transport et port illégaux d'armes à feu et de munitions, commis entre le 24 et le 25 juillet 2016 à Moscou. 2. En premier lieu, il ressort des mentions de l'ampliation du décret attaqué, certifiée conforme par le secrétaire général du Gouvernement, que le décret a été signé par le Premier ministre et contresigné par le garde des sceaux, ministre de la justice. L'ampliation notifiée à l'intéressé n'avait pas à être revêtue de ces signatures. 3. En deuxième lieu, le décret attaqué comporte l'énoncé des considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement. Il satisfait ainsi à l'exigence de motivation prévue par les articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration. 4. En troisième lieu, si M. A... se prévaut d'irrégularités qui entacheraient certains des actes de la procédure menée en Russie, il n'appartient pas au Conseil d'Etat statuant au contentieux d'apprécier la régularité des actes des autorités judiciaires étrangères pour l'exécution desquels l'extradition a été sollicitée. 5. En quatrième lieu, aux termes de l'article 12 de la convention européenne d'extradition du 13 décembre 1957 : " (...) / 2- Il sera produit à l'appui de la requête : / a) L'original ou l'expédition authentique soit d'une décision de condamnation exécutoire, soit d'un mandat d'arrêt ou de tout autre acte ayant la même force, délivré dans les formes prescrites par la loi de la Partie requérante / b) Un exposé des faits pour lesquels l'extradition est demandée. Le temps et le lieu de leur perpétration, leur qualification légale et les références aux dispositions légales qui leur sont applicables seront indiqués le plus exactement possible ; et / c) Une copie des dispositions légales applicables ou, si cela n'est pas possible, une déclaration sur le droit applicable, ainsi que le signalement aussi précis que possible de l'individu réclamé et tous autres renseignements de nature à déterminer son identité et sa nationalité ". Aux termes de l'article 23 de la même convention : " Les pièces à produire seront rédigées soit dans la langue de la Partie requérante, soit dans celle de la Partie requise. Cette dernière pourra réclamer une traduction dans la langue officielle du Conseil de l'Europe qu'elle choisira ". Par déclaration annexée à la convention, la France a indiqué qu'elle choisissait le français. Ces stipulations sont, s'agissant des pièces à produire à l'appui de la demande d'extradition, seules applicables en l'espèce, à l'exclusion des dispositions de l'article 696-8 du code de procédure pénale, qui n'ont qu'un caractère supplétif. 6. Il ressort des pièces du dossier qu'à la suite du premier supplément d'instruction diligenté par la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, les autorités russes ont transmis de nouvelles traductions de l'ordonnance de mise en détention provisoire du 18 juillet 2019 et de l'acte d'accusation du 8 août 2019, une note authentifiant les copies de ces pièces, un exposé des faits et un exposé des procédures de la cause. Les copies, ainsi authentifiées par les autorités de l'Etat requérant, constituent des expéditions authentiques au sens des stipulations du paragraphe 2 de l'article 12 de la convention européenne d'extradition. En dépit de certaines imperfections dans la traduction des pièces, les documents ainsi produits, dans leur version en français, sont de nature à permettre de comprendre la situation factuelle et juridique à l'origine de la demande d'extradition. Il résulte de ce qui a été dit au point 5 que les stipulations de l'article 12 § 2 de la convention européenne d'extradition n'imposaient nullement que les éléments produits permettent d'apprécier la régularité des actes des autorités judiciaires étrangères pour l'exécution desquels l'extradition a été sollicitée. Enfin, contrairement à ce qui est soutenu, ces stipulations n'imposaient pas la production de la décision du 29 janvier 2019 du tribunal de district de Timiryazevski, qui concerne un complice du requérant. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 12 de la convention européenne d'extradition ne peut qu'être être écarté. 7. En cinquième lieu, si M. A... soutient que les pièces du dossier de demande d'extradition ne justifient pas sa mise en cause, il résulte des principes généraux du droit applicables à l'extradition qu'il n'appartient pas aux autorités françaises, sauf en cas d'erreur évidente, de statuer sur le bien-fondé des charges retenues contre la personne recherchée. En l'espèce, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'une erreur évidente ait été commise en ce qui concerne les faits qui lui sont reprochés. 8. En sixième lieu, il ressort de la partie 2.1 de l'article 59 du code pénal de la Fédération de Russie que la peine de mort n'est pas applicable aux personnes extradées vers la Fédération de Russie par un Etat étranger en vertu d'un accord international, notamment si la législation de cet Etat ne prévoit pas la peine de mort pour les faits incriminés ou si la non-application de la peine de mort est une condition de l'extradition. Le procureur général de la Fédération de Russie a déclaré dans sa lettre du 6 juillet 2020 qu'en vertu de cette disposition du code pénal, la peine de mort n'était pas applicable à l'encontre de M. A.... Ainsi, le requérant n'est pas fondé à soutenir que son extradition ne serait pas assortie de garanties suffisantes et serait, par suite, contraire à l'article 11 de la convention européenne d'extradition. 9. En septième lieu, le décret attaqué accorde l'extradition de M. A... pour des faits qualifiés de double meurtre commis en réunion avec préméditation par contrat, détention, transport et port illégaux d'armes à feu et de munitions. Cette infraction n'est pas une infraction politique par sa nature et ne peut être regardée, compte tenu de sa gravité, comme ayant un caractère politique. En outre, il ne ressort pas des éléments versés au dossier que l'extradition aurait été demandée par les autorités russes dans un but autre que la répression, par les juridictions russes, des infractions de droit commun qui sont reprochées à l'intéressé. M. A... n'est, dès lors, pas fondé à soutenir que son extradition aurait été demandée dans un but politique. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne d'extradition ne peut, en tout état de cause, qu'être écarté. 10. En huitième lieu, le moyen tiré de ce qu'en cas d'exécution du décret attaqué, M. A... risquerait d'être exposé à des traitements inhumains ou dégradants n'est assorti d'aucun élément permettant d'en apprécier le bien-fondé. 11. En neuvième lieu, si une décision d'extradition est susceptible de porter atteinte au droit au respect de la vie privée et familiale, au sens de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, cette mesure trouve, en principe, sa justification dans la nature même de la procédure d'extradition, qui est de permettre, dans l'intérêt de l'ordre public et sous les conditions fixées par les dispositions qui la régissent, tant le jugement de personnes se trouvant en France qui sont poursuivies à l'étranger pour des crimes ou des délits commis hors de France que l'exécution, par les mêmes personnes, des condamnations pénales prononcées contre elles à l'étranger pour de tels crimes ou délits. Si M. A... fait valoir qu'il est marié et père de quatre enfants et que son épouse s'est vu accorder la protection subsidiaire, il ne ressort pas des pièces du dossier que ces circonstances ne permettraient pas aux membres de sa famille de lui rendre visite sur son lieu de détention en Russie. Par suite, elles ne sont pas de nature à faire obstacle, dans l'intérêt de l'ordre public, à l'exécution de son extradition. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. 12. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation pour excès de pouvoir du décret du 19 janvier 2022 accordant son extradition aux autorités russes. Ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, en conséquence, qu'être rejetées. D E C I D E : -------------- Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. B... A... et au garde des sceaux, ministre de la justice. Délibéré à l'issue de la séance du 9 mars 2023 où siégeaient : M. Nicolas Boulouis, président de chambre, présidant ; Mme Anne Courrèges, conseillère d'Etat et M. Clément Tonon, auditeur-rapporteur. Rendu le 29 mars 2023. Le président : Signé : M. Nicolas Boulouis Le rapporteur : Signé : M. Clément Tonon La secrétaire : Signé : Mme Eliane Evrard
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Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. C... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 26 février 2020 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour pour une durée de deux ans. Par un jugement n° 2012487 du 28 décembre 2021, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête et des pièces, enregistrées le 19 avril 2022 et le 27 février 2023, M. B..., représenté par Me Semak, demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ; 3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de quinze jours à compter de la décision à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation dans les mêmes conditions de délai, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ; 4°) de mettre fin à son signalement dans le système d'information Schengen ; 5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 400 euros TTC au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il soutient que : - le jugement est insuffisamment motivé ; En ce qui concerne les décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire et fixant le pays de destination : - elles sont entachées d'une insuffisance de motivation ; - le préfet n'a pas procédé à un examen complet de sa situation personnelle ; - elles méconnaissent les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment du fait de l'absence de saisine de la commission du titre de séjour alors qu'il justifie de plus de dix ans de séjour en France et du fait de l'erreur commise par le préfet s'agissant de la durée de sa présence en France ; - elles méconnaissent les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - elles sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ; En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français : - elle est illégale à raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ; - elle est entachée d'une insuffisance de motivation ; - elle est entachée d'un défaut d'examen sérieux de sa situation dès lors que le préfet a mentionné le quatrième alinéa du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile tout en citant les dispositions des deux premiers alinéas du III qui ne lui sont pas applicables ; - elle méconnaît les dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors notamment que le risque de soustraction à l'exécution d'une mesure d'éloignement ne constitue pas un critère permettant de fonder cette décision ; - le préfet ne pouvait pas fonder cette décision sur une précédente mesure d'éloignement dont il n'apporte pas la preuve de la notification régulière ; - la décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation. La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis qui n'a pas produit de mémoire en défense. Une pièce a été enregistrée pour le préfet de la Seine-Saint-Denis le 13 février 2023 et a été communiquée. Par une ordonnance du 27 février 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 8 mars 2023 à 23 heures 59. M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris en date du 18 mars 2022. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Mantz, rapporteur, - les observations de Me Ben Gadi substituant Me Semak, avocat de M. B.... Considérant ce qui suit : 1. M. C..., ressortissant mauritanien né le 31 décembre 1988, est entré en France en 2008 selon ses déclarations. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 20 novembre 2008, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) du 12 octobre 2010. Le 25 octobre 2018, M. B... a sollicité son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 26 février 2020, le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a refusé la délivrance du titre sollicité, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour d'une durée de deux ans. M. B... relève appel du jugement du 28 décembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Sur la régularité du jugement : 2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". 3. Il ressort des termes du jugement dont il est fait appel que les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à l'ensemble des arguments présentés par le requérant, ont suffisamment répondu, aux points 2 et 3 de ce jugement, aux moyens invoqués par le requérant tirés de l'insuffisance de motivation de l'arrêté attaqué et du défaut d'examen de sa situation personnelle. Sur la légalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination : 4. En premier lieu, M. B... reprend en appel ses moyens de première instance tirés de l'insuffisance de motivation des décisions attaquées et de ce que le préfet n'aurait pas procédé à un examen complet de sa situation personnelle. Toutefois et ainsi que l'ont relevé à bon droit les premiers juges, d'une part, les décisions attaquées comportent l'exposé des considérations de droit et de fait qui les fondent et, d'autre part, il ne ressort pas des pièces du dossier, notamment des termes de l'arrêté attaqué, que le préfet n'aurait pas procédé à un examen sérieux de la situation personnelle de l'intéressé, avant de prendre ces mesures. La circonstance que l'arrêté comporterait des considérations de fait ou de droit erronées au regard, notamment, du calcul des années de présence de M. B... sur le territoire français et de l'appréciation des motifs exceptionnels invoqués par lui, à la supposer établie, n'est en tout état de cause pas de nature à caractériser une insuffisance de motivation ou un défaut d'examen de sa situation personnelle. 5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur et désormais codifié à l'article L. 435-1 du même code : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. / L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans ". 6. D'une part, il résulte des dispositions combinées des articles L. 312-1 et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur, que le préfet de police, saisi d'une demande tendant à la délivrance d'une carte de séjour temporaire présentée sur le fondement de l'article L. 313-14, est tenu, lorsque le demandeur justifie d'une résidence habituelle en France depuis plus de dix ans, de saisir la commission du titre de séjour avant de se prononcer sur cette demande. 7. M. B... soutient qu'il réside en France depuis 2008 et en tout état de cause qu'il résidait depuis plus de dix ans en France à la date de l'arrêté en litige. Toutefois, en admettant même que M. B... soit entré en France en 2008, il ressort des pièces du dossier qu'il ne justifie pas d'une résidence continue en France depuis cette date, les pièces produites par lui, notamment au titre des années 2011, 2012, 2014 et 2015, étant insuffisantes à établir cette présence continue sur le territoire français. Dans ces conditions, le requérant ne justifiant pas résider habituellement en France depuis plus de dix ans à la date de l'arrêté contesté, le préfet n'était pas tenu de saisir la commission du titre de séjour avant de se prononcer sur sa demande de titre de séjour. Le moyen tiré d'un vice de procédure doit, en conséquence, être écarté. 8. D'autre part, en présence d'une demande de régularisation présentée sur le fondement de l'article L. 313-14, alors en vigueur, par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ". 9. Si M. B... soutient qu'il réside en France de manière continue depuis 2008, il ne l'établit pas ainsi qu'il a été dit au point 7. En outre, il ne justifie pas d'une insertion professionnelle, dès lors notamment qu'il n'occupait aucun emploi à la date de l'arrêté attaqué. S'il ressort des pièces du dossier que l'intéressé est investi dans plusieurs associations en qualité de bénévole, cette seule circonstance n'est pas suffisante pour établir une intégration particulière à la société française. De plus, M. B..., qui est célibataire et sans charge de famille en France, n'établit pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de 19 ans au moins. S'il fait valoir la présence en France d'un demi-frère, d'un oncle et de trois cousins, dont certains de nationalité française, cette circonstance, à la supposer même établie, n'est en tout état de cause pas de nature à démontrer qu'il aurait fixé en France le centre de ses intérêts familiaux. Il suit de là que M. B... ne justifie pas de l'existence de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels au sens des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en refusant son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement de ces dispositions. 10. En troisième lieu, le moyen tiré des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur, est inopérant au soutien des conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de destination. 11. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance (...) ". 12. Pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 7 et 9, le préfet de la Seine-Saint-Denis, en refusant la délivrance d'un titre de séjour à M. B..., n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni en tout état de cause les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, désormais codifiées à l'article L. 423-23 du même code, sur le fondement desquelles l'intéressé n'a pas présenté sa demande d'admission au séjour. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations et dispositions doit être écarté en tant qu'il est dirigé contre l'obligation de quitter le territoire français. 13. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier, au regard notamment de ce qui a été dit aux points 7 et 9, qu'en refusant à M. B... la délivrance d'un titre de séjour et en lui faisant obligation de quitter le territoire français avec fixation du pays de destination, le préfet de la Seine-Saint-Denis aurait commis une erreur manifeste d'appréciation. Sur la légalité de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français : 14. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision portant interdiction de retour prononcée à l'encontre de M. B... doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision l'obligeant à quitter le territoire, ne peut qu'être écarté. 15. En second lieu, aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version applicable au litige et désormais codifié aux articles L. 612-6, L. 612-8 et L. 612-10 du même code : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. / (...) Lorsqu'elle ne se trouve pas en présence du cas prévu au premier alinéa du présent III, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée maximale de deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. / (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ". 16. D'une part, la décision prononçant à l'encontre de M. B... une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans, qui vise, en particulier, le III de l'article L. 511-1 précité, mentionne, d'une part, que l'intéressé, qui déclare être entré en France en 2008, a fait l'objet d'une mesure d'éloignement le 6 décembre 2010, notifiée le 10 décembre 2010, et disposait, à compter de cette date, d'un délai de 30 jours pour quitter le territoire français. Elle précise à cet égard que M. B... ne pouvant " se prévaloir d'une présence en France en violation de la loi ", il ne peut être regardé comme séjournant en France depuis une date antérieure au 11 janvier 2011 et " ne peut donc se prévaloir d'une longue présence habituelle et continue sur le territoire national depuis lors ". Sur ce point, la circonstance que ce motif relatif à l'ancienneté de cette présence serait erroné en droit, n'est en tout état de cause pas de nature à caractériser un défaut ou une insuffisance de motivation de la décision en litige. D'autre part, la décision indique que M. B..., qui est célibataire et sans charge de famille, ne fait valoir aucune attache familiale en France et n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où résident notamment ses parents et où il a vécu jusque l'âge de 21 ans, " ne justifie ni de l'intensité, ni de l'ancienneté et de la stabilité de ses liens personnels et familiaux en France ". Elle indique, enfin, que M. B... s'est soustrait à l'exécution de la mesure d'éloignement ci-dessus mentionnée. Ainsi, la décision contestée comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui la fondent, et est, par suite, suffisamment motivée. 17. D'autre part, cette motivation révèle la prise en compte par l'autorité préfectorale des critères énumérés au huitième alinéa du III de l'article L. 511-1 précité. Le moyen tiré d'un défaut d'examen de la situation personnelle du requérant doit, par suite, être écarté. 18. Par ailleurs, si le requérant soutient que le préfet a motivé l'interdiction de retour d'une durée de deux ans en mentionnant le quatrième alinéa précité du III de l'article L. 511-1, tout en citant les dispositions précitées des deux premiers alinéas de ce III, qui ne lui sont pas applicables dès lors qu'elles visent l'étranger à qui aucun délai de départ volontaire n'a été accordé, cette circonstance, pour malencontreuse qu'elle soit, est toutefois sans incidence sur la légalité de la décision en litige dès lors qu'il ne ressort pas des motifs de l'arrêté attaqué que le préfet aurait fait application de ces deux premiers alinéas. De même, si le requérant fait valoir que l'arrêté attaqué fait état, de manière erronée en droit, de ce que l'autorité administrative peut décider d'assortir une obligation de quitter le territoire français prise à l'encontre d'un étranger d'une interdiction de retour " s'il existe un risque qu'il se soustraie à cette obligation ", cette seule mention est également sans incidence sur la légalité de la décision en litige dès lors qu'il ne ressort pas des termes de l'arrêté que le préfet se serait fondé sur un tel motif pour prendre cette décision. 19. Enfin, si la décision attaquée portant interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans indique, du fait d'une précédente mesure d'éloignement du 6 décembre 2010 non exécutée, que M. B... ne peut être regardé comme séjournant en France depuis une date antérieure au 11 janvier 2011, ce motif, qui est erroné en droit, est sans incidence sur la légalité de cette décision dès lors qu'il résulte de l'instruction que le préfet aurait pris la même décision en se fondant seulement sur les autres motifs qu'il a retenus, à savoir ceux relatifs au défaut d'intensité et d'ancienneté des liens du requérant avec la France et à la circonstance qu'il a fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement. Sur ce dernier point, si M. B... soutient que cette mesure d'éloignement du 6 décembre 2010 ne lui a pas été notifiée, il ne conteste pas l'existence de cette mesure, qui a été versée au dossier. Par suite, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, notamment des conditions du séjour en France de M. B... et de sa situation personnelle et familiale, le préfet de la Seine-Saint-Denis a pu, sans entacher sa décision d'une erreur d'appréciation, ni méconnaître les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, prononcer à son encontre une interdiction de retour pour une durée de deux ans. 20. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées. D E C I D E : Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis. Délibéré après l'audience du 14 mars 2023, à laquelle siégeaient : - M. d'Haëm, président, - M. Mantz, premier conseiller, - Mme d'Argenlieu, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mars 2023. Le rapporteur, P. MANTZLe président, R. d'HAËM La greffière, A. GASPARYAN La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. N° 22PA01773 2
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Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. F... E... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 15 décembre 2021 par lequel le préfet du Val-d'Oise l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et lui a fait interdiction de circuler sur le territoire français pour une durée de deux ans. Par un jugement n° 2111726 du 29 décembre 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Melun a annulé l'arrêté précité, a enjoint au préfet du Val-d'Oise ou à tout autre préfet territorialement compétent de réexaminer la situation de M. E... dans le délai d'un mois et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour. Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 26 janvier 2022, le préfet du Val d'Oise demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) de rejeter la demande présentée par M. E... devant le tribunal administratif de Melun. Il soutient que c'est à tort que le premier juge a considéré que le droit de l'intéressé d'être entendu avant l'édiction de la mesure litigieuse avait été méconnu. La requête a été communiquée à M. E... qui n'a pas présenté d'observations. Par une ordonnance du 16 septembre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 3 octobre 2022 à 12h00. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique, rapporteur. Considérant ce qui suit : 1. Le préfet du Val-d'Oise relève appel du jugement du 29 décembre 2021 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Melun a annulé l'arrêté du 15 décembre 2021 obligeant M. E..., ressortissant roumain né le 1er mars 1991, à quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de destination et faisant interdiction à l'intéressé de circuler sur le territoire français pendant une durée de deux années. Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif : 2. Aux termes l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " 1. Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union. / 2. Ce droit comporte notamment : / a) le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre (...) ". Aux termes du paragraphe 1 de l'article 51 de la charte : " Les dispositions de la présente Charte s'adressent aux institutions, organes et organismes de l'Union dans le respect du principe de subsidiarité, ainsi qu'aux Etats membres uniquement lorsqu'ils mettent en œuvre le droit de l'Union (...) ". 3. Si les dispositions de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ne sont pas en elles-mêmes invocables par un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement telle qu'une obligation de quitter le territoire français, celui-ci peut néanmoins utilement faire valoir que le principe général du droit de l'Union européenne, relatif au respect des droits de la défense, imposait qu'il soit préalablement entendu et mis à même de présenter toute observation utile sur la mesure d'éloignement envisagée. Toutefois, une atteinte à ce droit n'est susceptible d'affecter la régularité de la procédure à l'issue de laquelle la décision défavorable est prise que si la personne concernée a été privée de la possibilité de présenter des éléments pertinents qui auraient pu influer sur le contenu de la décision, ce qu'il lui revient, le cas échéant, d'établir devant la juridiction saisie. 4. Il ressort des pièces du dossier, notamment du procès-verbal d'audition par les services de police en date du 14 décembre 2021, qu'à la suite de son interpellation du chef de " faux et usage de faux document administratif ", M. E... a été interrogé, dans le cadre de sa garde à vue et en présence d'une interprète en langue roumaine, sur son identité, son pays d'origine, les conditions de son entrée et de son séjour sur le territoire français, sa situation familiale et professionnelle, ainsi que sur les circonstances dans lesquelles il a été mis en possession d'une fausse carte d'identité roumaine dont il a fait usage pour tenter de passer l'examen du permis de conduire. Ainsi, le requérant a été mis à même de présenter les observations qu'il estimait utiles et pertinentes sur les faits et les motifs qui auraient été susceptibles de justifier que l'autorité préfectorale s'abstienne de prendre à son égard une mesure d'éloignement à destination du pays dont il a la nationalité. Par suite, le préfet du Val d'Oise est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Melun a annulé l'arrêté en litige au motif que celui-ci avait méconnu, d'une part, le droit de M. E... d'être entendu et, d'autre part, le principe du contradictoire. 5. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. E... devant le tribunal administratif de Melun. Sur les autres moyens invoqués par M. E... en première instance : 6. En premier lieu, par un arrêté du 17 novembre 2020 publié au recueil des actes administratifs de l'État dans le département le même jour, le préfet du Val-d'Oise a donné délégation à Mme A... C..., cheffe du bureau du contentieux des étrangers, à l'effet de signer, notamment, les décisions portant obligation de quitter le territoire français avec fixation d'un pays de destination. Le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté attaqué manque ainsi en fait et doit, par suite, être écarté. 7. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 251-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative compétente peut, par décision motivée, obliger les étrangers dont la situation est régie par le présent livre, à quitter le territoire français lorsqu'elle constate les situations suivantes : / (...) 2° Leur comportement personnel constitue, du point de vue de l'ordre public ou de la sécurité publique, une menace réelle, actuelle et suffisamment grave à l'encontre d'un intérêt fondamental de la société (...). / L'autorité administrative compétente tient compte de l'ensemble des circonstances relatives à leur situation, notamment la durée du séjour des intéressés en France, leur âge, leur état de santé, leur situation familiale et économique, leur intégration sociale et culturelle en France, et l'intensité des liens avec leur pays d'origine ". 8. Pour faire obligation à M. E... de quitter le territoire français sur le fondement des dispositions citées au point précédent, le préfet du Val-d'Oise a retenu que l'intéressé avait été interpellé pour des faits de faux et usage de faux document le 14 décembre 2021 et que ces faits étaient de nature à faire regarder le comportement personnel de l'intéressé comme constituant une menace réelle, actuelle et suffisamment grave à l'encontre d'un intérêt fondamental de la société. Il a, en outre, relevé qu'" eu égard à la nature des faits commis, l'intéressé a été signalisé à neuf reprises au fichier automatisé des empreintes digitales pour des faits de trouble à l'ordre public " et, en conséquence, qu'" il y a urgence à éloigner sans délai M. E... du territoire français ". Enfin, le préfet a estimé que l'intéressé ne justifiant pas de lien stable, durable et continu sur le territoire français, il y avait également lieu de prononcer à son encontre une interdiction de circuler sur le territoire français pour une durée de deux ans. Par suite, M. E... n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté attaqué serait insuffisamment motivé. 9. En troisième lieu, il ressort de la motivation de la décision en litige, telle que rappelée au point précédent, que le préfet du Val-d'Oise a procédé à l'examen particulier de la situation de M. E... avant de prononcer à son encontre une obligation de quitter le territoire français sur le fondement de l'article L. 251-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors, le moyen tiré du défaut d'examen ne peut qu'être écarté. 10. En quatrième lieu, si M. E... n'a fait état dans ses écritures d'aucune vie familiale en France, il ressort de l'audition de l'intéressé mentionnée au point 4, ainsi que des pièces produites par lui, notamment l'attestation de l'association Aurore du 16 décembre 2021, qu'il est hébergé avec sa compagne et leurs deux enfants, nés en 2017 et 2020, au centre d'hébergement d'urgence géré par le CHU Cristino Garcia à Paris 20ème. Toutefois, il ne ressort des pièces du dossier aucun élément de nature à faire obstacle à la reconstitution de la famille dans le pays d'origine, la Roumanie. Par suite, en retenant les faits mentionnés au point 8 comme étant de nature à faire regarder le comportement personnel de M. E... comme constitutif d'une menace réelle, actuelle et suffisamment grave à l'encontre d'un intérêt fondamental de la société, et en prenant pour ce motif une mesure d'éloignement sans délai à son encontre, le préfet n'a commis aucune erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la mesure sur la situation personnelle de l'intéressé. 11. Enfin, les moyens tirés du défaut de base légale et de l'erreur de droit ne sont assortis d'aucune précision utile de nature à permettre à la Cour d'en apprécier la pertinence. 12. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Val d'Oise est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Melun a annulé son arrêté du 15 décembre 2021. D E C I D E : Article 1er : Le jugement n° 2111726 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Melun du 29 décembre 2021 est annulé. Article 2 : La demande présentée par M. E... devant le tribunal administratif de Melun est rejetée. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à M. F... E.... Copie en sera adressée au préfet du Val-d'Oise. Délibéré après l'audience du 14 mars 2023, à laquelle siégeaient : - M. d'Haëm, président, - M. Mantz, premier conseiller, - Mme d'Argenlieu, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mars 2023. Le rapporteur, P. B...Le président, R. d'HAËM La greffière, A. GASPARYAN La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. N° 22PA00367 2
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Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme H... E..., M. F... E..., Mme D... A... C... et M. I... E... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler les arrêtés des 30 août et 5 septembre 2022 par lesquels le préfet de Maine-et-Loire a décidé leur transfert aux autorités espagnoles. Par un jugement nos 2211920, 2211964, 2211966, 2212107 du 29 septembre 2022, la magistrate désignée du tribunal administratif de Nantes a rejeté leurs demandes. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 9 novembre 2022, Mme D... A... C..., et son mari M. F... E... ainsi que leurs deux enfants mineurs, représentés G..., demandent à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 29 septembre 2022 en tant qu'il a rejeté la demande présentée par Mme A... C... ; 2°) d'annuler l'arrêté du 30 août 2022 la concernant ; 3°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire de lui délivrer une attestation de demandeur d'asile en procédure normale et, à titre subsidiaire, de procéder à un nouvel examen de sa situation dans les meilleurs délais ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1 700 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991. Elle soutient que : - la décision contestée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 17 du règlement du 26 juin 2013 ; - cette décision est contraire aux stipulations de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ; Par un mémoire en défense, enregistré le 28 février 2023, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête et indique que le délai de transfert vers l'Espagne est reporté au 29 mars 2023. Il soutient que les moyens soulevés par Mme A... C... ne sont pas fondés. Mme A... C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 12 octobre 2022. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; - le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ; - le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le rapport de Mme B..., a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. Mme A... C..., ressortissante marocaine, relève appel du jugement du 29 septembre 2022 par lequel la magistrate désignée du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 30 août 2022 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités espagnoles, responsables de l'examen de sa demande d'asile. Sur les conclusions à fin d'annulation : 2. En premier lieu, aux termes de l'article 17 du règlement du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'Etat membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'Etat membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ". Il résulte de ces dispositions que si une demande d'asile est examinée par un seul Etat membre et qu'en principe cet Etat est déterminé par application des critères d'examen des demandes d'asile fixés par son chapitre III, dans l'ordre énoncé par ce chapitre, l'application de ces critères est toutefois écartée en cas de mise en œuvre de la clause dérogatoire énoncée au paragraphe 1 de l'article 17 du règlement, qui procède d'une décision prise unilatéralement par un Etat membre. Cette faculté laissée à chaque Etat membre est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile. Ces dispositions doivent être appliquées dans le respect des droits garantis par la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. 3. Lors de son entretien individuel, Mme A... C... a déclaré être entrée en France avec ses parents et ses jeunes frères et sœurs, sans mentionner la présence sur le territoire français de membres de sa famille. La circonstance, à la supposée établie, que son frère ainsi qu'un neveu résideraient en France et l'assisteraient dans ses démarches administratives, ne suffit pas à établir qu'elle présenterait une vulnérabilité au sens du règlement du 26 juin 2013. Par ailleurs, si l'intéressée souffre de diabète, les justificatifs qu'elle produit attestent que son suivi médical instauré en France est récent. En outre, ces pièces ne démontrent pas que sa pathologie serait invalidante et ferait obstacle à ce qu'elle soit transférée en Espagne où le système de soin est comparable à celui de la France. Dans ces conditions, et eu égard au fait que la décision contestée n'a pas pour effet de l'éloigner vers son pays d'origine, Mme A... C... n'établit pas qu'en ne dérogeant pas aux critères de détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile et en prononçant son transfert aux autorités espagnoles, ainsi que celui de son mari, le préfet de Maine-et-Loire aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Par suite ce moyen ne peut qu'être écarté. 4. En second lieu, aux termes des stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ". 5. Si Mme A... C... fait valoir que ses enfants sont scolarisés en France et bénéficient d'un cadre de vie sécurisant, la décision contestée n'a pas pour effet de séparer ses enfants de leurs deux parents, lesquels, ainsi qu'il a été dit, font chacun l'objet d'une mesure de transfert à destination de l'Espagne. Par suite, la requérante n'établit pas que le préfet aurait méconnu les stipulations précitées de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant. 6. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Sur le surplus des conclusions : 7. Les conclusions aux fins d'injonction présentées par Mme A... C... et celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées par voie de conséquence du rejet de ses conclusions principales. DÉCIDE : Article 1er : La requête de Mme A... C... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... A... C..., à M. F... E... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Une copie en sera adressée, pour information, au préfet de Maine-et-Loire. Délibéré après l'audience du 10 mars 2023 à laquelle siégeaient : - M. Gaspon, président de chambre, - M. Coiffet, président-assesseur, - Mme Gélard, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 28 mars 2023. La rapporteure, V. GELARDLe président, O. GASPON La greffière, P. BONNIEU La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 22NT03472
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Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... C... et le syndicat CFDT Chimie Energie Bretagne ont demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 22 août 2019 par laquelle l'inspectrice du travail a autorisé la société Bic Ecriture 2 000 (BE 2000) à procéder au licenciement pour motif économique de ce salarié. Par un jugement n° 1905247 du 17 janvier 2022, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire enregistrés les 7 mars 2022 et 3 février 2023, M. C..., représenté par Me Beziz, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 17 janvier 2022 ; 2°) d'annuler la décision du 22 août 2019 ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - les premiers juges ont omis de se prononcer sur le réel motif des licenciements autorisés et ont ainsi insuffisamment motivé leur jugement ; - la décision contestée, qui se fonde sur les motifs invoqués devant les représentants du personnel le 5 décembre 2018, est insuffisamment motivée ; - l'inspectrice du travail s'est abstenue de vérifier la réalité de la menace sur la compétitivité du secteur d'activité des instruments d'écriture du groupe Bic ; elle ne s'est pas assurée que les licenciements envisagés n'étaient pas la conséquence de la cession de la société Bic Sport ; - le motif des licenciements devait être apprécié au niveau du secteur des instruments d'écriture en France et non au niveau du groupe Bic ou du secteur de la papeterie au niveau mondial ; - la menace sur la compétitivité de la société BE 2000 n'est pas établie ; - il n'est pas davantage établi que les licenciements envisagés auraient permis d'enrayer une chute irréversible de la compétitivité du groupe Bic au regard de ses concurrents. Par un mémoire en intervention, enregistré le 16 mars 2022, le syndicat CFDT Chimie Energie Bretagne, représenté par Me Beziz, conclut aux mêmes fins que la requête présentée par M. C... et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761 1 du code de justice administrative. Il indique qu'il fait sien les moyens développés par M. C.... Par des mémoires, enregistrés les 8 juillet 2022 et 17 février 2023, la société Bic Ecriture 2000, représentée par Me Muchada, conclut au rejet de la requête présentée par M. C... et à ce que la somme de 1 000 euros soit mise à la charge de l'intéressé au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés. Par un mémoire en défense, enregistré le 8 juillet 2022, la société Bic Ecriture 2000, représentée par Me Muchada, conclut au rejet des conclusions présentées par le syndicat CFDT Chimie Energie Bretagne et à ce que la somme de 1 000 euros soit mise à la charge du syndicat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que les conclusions du syndicat CFDT sont irrecevables et infondées. En dépit d'une mise en demeure adressée au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion le 5 juillet 2022, ce dernier n'a pas produit de mémoire en défense. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code du travail ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme A..., - les conclusions de Mme Malingue, rapporteure publique, - les observations de Me Guyot, substituant Me Beziz, représentant M. C..., - et les observations de Me Muchada représentant la société BE 2000. Considérant ce qui suit : 1. Le Groupe Bic exerce son activité dans trois domaines distincts : la papeterie, les briquets et les rasoirs. La société Bic Ecriture 2000 (BE 2000), qui fait partie de ce groupe, intervient dans le premier secteur. Elle exerçait son activité au sein de deux établissements, l'un situé à Marne-la-Vallée, spécialisé dans la fabrication de stylos à bille, et l'autre situé à Vannes, spécialisé dans la fabrication de stylos 4 couleurs, de stylos " Atlantis " et " Velocity-Gelocity ". Le 20 novembre 2018, le comité social et économique (CSE) central et les CSE d'établissements de Vannes et de Marne-la-Vallée ont été informés d'un projet de réorganisation consistant à transférer une partie de la production de l'établissement de Vannes à Marne-la-Vallée et l'autre partie en Tunisie. Les 20 et 21 février 2019, ils ont émis un avis défavorable à cette restructuration, qui impliquait la fermeture du site de Vannes, la transformation de 6 postes permanents transférés à Marne-la-Vallée et la suppression de 30 emplois. Le 26 mars 2019, l'accord collectif majoritaire signé le 19 février 2019 et le document unilatéral relatif au projet de licenciement collectif ont néanmoins été validés et homologués par la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Bretagne. Le 5 juillet 2019, la société BE 2000 a sollicité l'autorisation de procéder au licenciement pour motif économique de M. C..., embauché en qualité de ..., membre suppléant du CSE de l'établissement de Vannes. Ce salarié, ainsi que le syndicat CFDT Chimie Energie Bretagne, ont saisi le tribunal administratif de Rennes d'une demande tendant à l'annulation de la décision du 22 août 2019 par laquelle l'inspectrice du travail a accordé l'autorisation de le licencier. Ils relèvent appel du jugement du 17 janvier 2022 du tribunal administratif rejetant leur requête. Sur l'intervention du syndicat CFDT Chimie Energie Bretagne : 2. Le 16 mars 2022, le syndicat CFDT Chimie Energie Bretagne a présenté un mémoire " en intervention " à l'appui des conclusions de M. C.... Il est toutefois constant qu'en première instance, il avait la qualité de " partie ". A ce titre, une notification du jugement rendu lui a été adressée, sans contestation en appel de la régularité du jugement sur ce point. Par suite, le syndicat avait qualité pour faire appel de ce jugement, et, ainsi que le soutient la société BIC, son intervention en appel n'est donc pas recevable. En revanche, dès lors que ce mémoire a été enregistré au greffe de la cour dans le délai d'appel, il doit être qualifié d'appel principal. Il est par suite recevable à ce titre. Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision contestée : 3. Aux termes de l'article L. 1233-3 du code du travail : " Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment : 1° A des difficultés économiques caractérisées soit par l'évolution significative d'au moins un indicateur économique tel qu'une baisse des commandes ou du chiffre d'affaires, des pertes d'exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l'excédent brut d'exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés (...) 3° A une réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité (...) Les difficultés économiques (...) ou la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise s'apprécient au niveau de cette entreprise si elle n'appartient pas à un groupe et, dans le cas contraire, au niveau du secteur d'activité commun à cette entreprise et aux entreprises du groupe auquel elle appartient, établies sur le territoire national, sauf fraude (...) Le secteur d'activité permettant d'apprécier la cause économique du licenciement est caractérisé, notamment, par la nature des produits biens ou services délivrés, la clientèle ciblée, ainsi que les réseaux et modes de distribution, se rapportant à un même marché (...) ". 4. En vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Lorsque l'employeur sollicite une autorisation de licenciement pour motif économique fondée sur le refus du salarié protégé d'accepter une modification de son contrat de travail, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si cette modification était justifiée par un motif économique. A cet égard, lorsque la demande d'autorisation de licenciement pour motif économique est fondée sur la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise, l'autorité administrative doit s'assurer du bien-fondé d'un tel motif, en appréciant la réalité de la menace pour la compétitivité de l'entreprise, le cas échéant, au niveau du secteur d'activité dont relève l'entreprise en cause au sein du groupe. Il appartient également à l'administration de vérifier que la modification du contrat de travail est, non " strictement nécessaire ", mais justifiée par le motif économique allégué. 5. Pour solliciter l'autorisation de licencier, la société BE 2000 a invoqué, dans sa demande d'autorisation de licenciement du 5 juillet 2019, la nécessité pour le groupe Bic de sauvegarder sa compétitivité sur le secteur des instruments d'écriture. Si M. C... soutient que ce motif doit être apprécié au niveau du secteur des instruments d'écriture uniquement en France, et non au niveau mondial, il est toutefois constant que la société BE 2000, spécialisée dans la fabrication de stylos, appartient au groupe Bic et que plus des trois quarts de la production française de ce groupe, pour le secteur des instruments d'écriture, sont destinés à l'exportation en Europe ou aux Etats-Unis. Ainsi 70 % des stylos Atlantis et 80 % des stylos Gelocity-Velocity produits à Vannes étaient exportés aux Etats-Unis. Par ailleurs, le secteur papeterie du groupe, plus large que celui des seuls instruments d'écriture, ne peut être retenu pour apprécier la réalité du motif économique invoqué par la société BE 2000 pour justifier le licenciement de M. C.... 6. Pour justifier sa demande, la société Bic se prévaut de la circonstance qu'en 2018, la gamme Atlantis a été déréférencée des magasins Sam's club, situés aux Etats-Unis, entraînant la perte d'un marché de 6 millions d'unités par an. Elle ajoute que la vente de stylos à bille a connu une baisse de près de 5 % sur le marché américain. Plus globalement, elle met en avant le fait qu'entre 2015 et 2017, le marché des instruments d'écriture a subi une forte régression face à la montée en puissance du numérique et a été directement affecté par l'augmentation du coût des matières premières. Le rapport d'expertise comptable Syndex, mandaté par le CSEC dans le cadre du projet de restructuration de la société BE 2000, a confirmé la dégradation des marges d'exploitation des fabricants dans ce domaine et les difficultés du groupe Bic à gagner des parts de marché dans les pays en croissance. La société BE 2000 fait également valoir que ses principaux concurrents disposent d'usines dans des pays où les coûts de production sont faibles, ce qui leur permet d'investir massivement dans des campagnes publicitaires onéreuses afin de mieux résister à la dégradation des marchés européens ou américains. La société précise enfin qu'entre 2015 et 2018, son concurrent Pilot a enregistré une croissance de 7% et que les ventes de son autre concurrent Stabilo ont stagné alors que celles de Bic ont chuté de 2,63 %. 7. Il ressort cependant des pièces du dossier que, si le secteur d'activité des instruments d'écriture subit depuis plusieurs années des aléas commerciaux emportant des conséquences sur la production, les ventes et les stocks, la baisse d'activité commerciale enregistrée, pour le secteur " instruments d'écriture ", par le groupe Bic et décrite, pour les années en cause, au point 6 restait, en volume, mesurée par rapport à celles de ses concurrents. Sa part de marché est en effet passée, en France, de 377 631 à 367 685 unités entre 2015 et 2018, alors que celle de Pilot restait limitée à moins de 25 000 unités et que celle du groupe " Tradebrand § Exclusive " chutait de 246 199 à 193 256 unités alors que les autres principaux concurrents (Newell et Stabilo) connaissaient également un recul. Les parts de marché relatives sur la zone Europe et pour la même période sont demeurées stables entre ces principaux concurrents. De ce fait, le groupe Bic restait à la date de la décision contestée le leader mondial du marché des instruments d'écriture et sa compétitivité relative, seule invoquée dans la demande d'autorisation de licenciement, ne faisait pas l'objet d'une menace rendant alors nécessaire une réorganisation, sur la base des éléments présentés. A cet égard, si la société fait valoir à juste titre, qu'il n'appartient pas à l'inspecteur du travail, ni d'ailleurs au juge administratif, de remettre en cause ses choix de gestion opérés lors de la cession de la société Bic Sport de Vannes intervenue quelques mois avant l'engagement de la procédure de licenciement litigieuse, elle n'apporte aucun autre élément de nature à démontrer, pour cette seule branche d'activité des instruments d'écriture, une menace sur sa compétitivité. 8. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens, et notamment celui se rapportant à la régularité du jugement attaqué, que M. C... ainsi que le syndicat CFDT Chimie Energie Bretagne sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 22 août 2019 autorisant son licenciement. Sur les frais liés au litige : 9. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. C... et au syndicat CFDT Chimie Energie Bretagne d'une somme de 1 000 euros chacun au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de M. C... et du syndicat CFDT Chimie Energie Bretagne qui ne sont pas, dans la présente instance, parties perdantes, le versement à la société Bic Ecriture 2000, des sommes qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. DÉCIDE : Article 1er : L'intervention du syndicat CFDT Chimie Energie Bretagne n'est pas admise. Article 2 : Le jugement n° 1905247 du tribunal administratif de Rennes en date du 17 janvier 2022 ainsi que la décision du 22 août 2019 par laquelle l'inspectrice du travail a autorisé la société Bic Ecriture 2 000 à procéder au licenciement pour motif économique de M. C... sont annulés. Article 3 : L'Etat versera, respectivement, à M. C... et au syndicat CFDT Chimie Energie Bretagne la somme de 1000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. C... et du syndicat CFDT Chimie Energie Bretagne est rejeté. Article 5 : Les conclusions de la société Bic Ecriture 2000 tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C..., à la CFDT Chimie Energie Bretagne, à la société Bic Ecriture 2000 et au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion. Délibéré après l'audience du 10 mars 2023, à laquelle siégeaient : - M. Gaspon, président de chambre, - M. Coiffet, président-assesseur, - Mme Gélard, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 28 mars 2023. La rapporteure, V. GELARDLe président, O. GASPON La greffière, P. BONNIEU La République mande et ordonne au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 22NT00705
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Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Caen d'ordonner, sur le fondement de l'article R. 532-1 du code de justice administrative, une expertise portant sur les lésions subies au pied droit et la pathologie qu'il a développée à la suite des remplacements effectués à la direction des ordures ménagères de la communauté urbaine de ... en 2015. Par une ordonnance n° 2102729 du 6 avril 2022 le juge des référés du tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 20 avril 2022, M. B... représenté par Me Letertre, demande à la cour : 1°) d'annuler cette ordonnance du 6 avril 2022 ; 2°) d'ordonner une mesure d'expertise médicale judiciaire contradictoire ; 3°) de mettre à la charge de la communauté d'agglomération du ... la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que le lien de causalité entre les préjudices physiques qu'il a subis et le travail effectué à la direction des ordures ménagères pour la communauté urbaine de ... est établi par les différents certificats médicaux qu'il produit. Par un mémoire en défense, enregistré le 1er août 2022, la communauté d'agglomération du ..., représentée par Me Tourbin, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de M. B... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que la demande relève de la juridiction judiciaire, est irrecevable car tardive, mal fondée car prescrite et que le lien de causalité entre l'accident et le service n'est pas établi. Vu les autres pièces du dossier. Vu le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. A..., - et les conclusions de Mme Malingue, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : Sur l'exception d'incompétence : 1. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a été employé en 2015 par la communauté urbaine de ..., fusionnée en 2017 au sein de la communauté d'agglomération du ..., sous couvert de différents contrats à durée déterminée en qualité d'agent technique de 2ème classe non-titulaire pour effectuer des remplacements au sein de la direction de la propreté, service et collecte en qualité de ripeur. Ainsi, les litiges concernant les faits liés au service et non détachable de celui-ci qui l'opposent à la communauté urbaine relèvent de la juridiction administrative. Dès lors l'exception d'incompétence opposée par la communauté urbaine de ... ne peut qu'être écartée. Sur les conclusions à fin d'expertise : 2. M. B... a été employé par la communauté urbaine de ..., en qualité de ripeur au sein de la direction de la propreté, service et collecte, par des arrêtés du 12 mai 2015, du 12 juin 2015, du 15 juin 2015 et du 5 novembre 2015 pour des périodes allant du 15 avril 2015 au 31 octobre 2015. Il a, d'une part, déclaré le 8 juin 2015 un " accident du travail " en raison d'une infection qu'il estimait causée par le port de chaussures de sécurité fournies par la communauté urbaine et qui a nécessité son hospitalisation au centre hospitalier de ... du 24 mars au 10 avril 2017 et a, d'autre part, souffert depuis septembre 2016 d'une arthrite septique ayant alors également nécessité sa prise en charge en juin 2017 par le centre hospitalier universitaire de Caen. Il sollicite une expertise permettant " d'établir un lien entre la pathologie dont il souffre et le port des chaussures de sécurité fournies par la communauté urbaine de ... ", en décrivant essentiellement les difficultés qu'il éprouve pour se déplacer et marcher des suites du retentissement fonctionnel de l'arthrectomie qu'il a subie du fait de l'arthrite septique à candida albicans du genou droit. 3. Aux termes de l'article R. 532-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, sur simple requête et même en l'absence de décision administrative préalable, prescrire toute mesure utile d'expertise ou d'instruction. (...) ". L'utilité d'une mesure d'instruction ou d'expertise qu'il est demandé au juge des référés d'ordonner sur le fondement de ces dispositions doit être appréciée, d'une part, au regard des éléments dont le demandeur dispose ou peut disposer par d'autres moyens et, d'autre part, bien que ce juge ne soit pas saisi du principal, au regard de l'intérêt que la mesure présente dans la perspective d'un litige principal, actuel ou éventuel, auquel elle est susceptible de se rattacher. A ce dernier titre, il ne peut faire droit à une demande d'expertise lorsque, en particulier, elle est formulée à l'appui de prétentions qui ne relèvent manifestement pas de la compétence de la juridiction administrative, qui sont irrecevables ou qui se heurtent à la prescription. De même, il ne peut faire droit à une demande d'expertise permettant d'évaluer un préjudice, en vue d'engager la responsabilité d'une personne publique, en l'absence manifeste de lien de causalité entre le préjudice à évaluer et la faute alléguée de cette personne. 4. D'une part, s'agissant des lésions cutanées sur le dessus du pied droit qui auraient résulté du port des chaussures de sécurité, s'il est constant que M. B... a, le 8 juin 2015, rempli une déclaration interne d'accident et produit un certificat médical de son médecin généraliste établi le lendemain ainsi que celui établi par un dermatologue, faisant état de la lésion cutanée à l'un de ses pieds, ces éléments n'ont pas été retenus par la caisse primaire d'assurance maladie du Calvados au titre d'une maladie qui aurait été imputable au service, la procédure suivie par le requérant étant celle de l'accident professionnel. A cet égard, le certificat médical du 9 juin 2015 se borne à indiquer que cet agent " avait déclaré avoir constaté des lésions cutanées du pied droit depuis le port de chaussures de sécurité ". De plus, s'il est justifié de traitements dermatologiques anti-inflammatoires et de soins cutanés, aucun traitement anti-fongique ne lui a été prescrit ni administré. D'autre part, s'il est également constant que M. B..., qui a été suivi à compter du mois de septembre 2016 pour une arthrite du genou droit, a fait l'objet en juin 2017 d'une prise en charge chirurgicale par le CHU de Caen pour arthrectomie, mise en place d'un spacer articulé et traitement antifongique prolongé, aucune pièce du dossier ne permet de conclure à l'existence du germe Candida Albicans avant le prélèvement biologique effectué au mois d'avril 2017. Il ne ressort ainsi d'aucun des documents produits, et notamment des certificats médicaux ou des comptes- rendus d'hospitalisation, que les pathologies dont il se plaint pourraient avoir un lien avec le port de chaussures de sécurité dans ses fonctions de ripeur exercées au service de la communauté urbaine de ... du 15 avril 2015 au 31 octobre 2015. Dès lors, la demande présentée par M. B... ne présente pas d'utilité au sens des dispositions de l'article R. 532-1 du code de justice administrative. 5. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées par la communauté d'agglomération du ..., que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le magistrat désigné du tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande. Sur les frais liés au litige : 6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la communauté d'agglomération du ..., le versement d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les conclusions présentées à ce titre par M. B... ne peuvent dès lors être accueillies. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de ce dernier le versement à la communauté d'agglomération du ... de la somme que celle-ci sollicite au titre des frais de même nature qu'il a supportés. DECIDE : Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : Les conclusions présentées par la communauté d'agglomération du ... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et à la communauté d'agglomération du .... Délibéré après l'audience du 10 mars 2023, à laquelle siégeaient : - M. Gaspon, président de chambre, - M. Coiffet, président-assesseur, - Mme Gélard, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mars 2023. Le rapporteur, O. A... Le président, O. GASPON La greffière, P. BONNIEU La République mande et ordonne à la ministre déléguée chargée des collectivités territoriales, en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 22NT01185
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Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... G... C... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 14 octobre 2021 par lequel le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné à l'expiration de ce délai. Par un jugement n° 2122790 du 24 décembre 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté, a enjoint au préfet de police de réexaminer la situation de M. C... dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros, en cas d'admission définitive de M. C... au bénéfice de l'aide juridictionnelle, à verser à son conseil, Me Rosin, au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et, en cas de non-admission, à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 25 janvier 2022, le préfet de police demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris du 24 décembre 2021 ; 2°) de rejeter la demande de M. C... présentée devant le tribunal administratif de Paris. Il soutient que : - c'est à tort que le premier juge a estimé que M. C... bénéficiait, à la date de l'arrêté en litige, du droit de se maintenir sur le territoire français alors qu'il ressort des données issues du traitement automatique " TelemOfpra " que la demande d'asile de l'intéressé a été rejetée par la Cour nationale du droit d'asile par une décision du 1er septembre 2021, date de lecture en audience publique de cette décision, laquelle est antérieure à l'arrêté en litige, qu'il n'avait pas à attendre que cette décision soit notifiée à M. C... pour l'obliger à quitter le territoire français et qu'il appartient à l'intéressé d'apporter la preuve contraire de nature à remettre en cause l'exactitude des données " TelemOfpra " ; - s'agissant des autres moyens soulevés par M. C..., il s'en réfère à ses écritures de première instance. Par un mémoire en défense, enregistré le 7 novembre 2022, M. C... conclut : 1°) au rejet de la requête ; 2°) à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il soutient que : - la requête du préfet de police, qui est tardive, est irrecevable ; - elle est irrecevable à défaut d'être signée et, à supposer qu'elle ait été signée par un procédé numérique, à défaut de l'être par une autorité compétente pour ce faire ; - la décision portant obligation de quitter le territoire a été signée par une autorité incompétente ; - elle est entachée d'une insuffisance de motivation ; - elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ; - elle méconnaît les dispositions de l'article L. 542-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il n'est pas établi qu'une décision de la Cour nationale du droit d'asile rejetant sa demande d'asile aurait été lue en audience publique ou même rendue le 1er septembre 2021 ; - elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ; - la décision fixant le pays de destination est entachée d'une insuffisance de motivation ; - elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ; - elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par une ordonnance du 9 novembre 2022, la clôture de l'instruction de l'affaire a été fixée au 30 novembre 2022 à 12h00. Par une décision du 23 mai 2022 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris, M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme d'Argenlieu, rapporteure. Considérant ce qui suit : 1. M. B... G... C..., ressortissant congolais, né le 22 juillet 1975 et entré en France, selon ses déclarations, en octobre 2019, a sollicité, le 15 novembre 2019, son admission au séjour au titre de l'asile. Le préfet de police fait appel du jugement du 24 décembre 2021 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 14 octobre 2021 obligeant M. C... à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel il pourra être éloigné à l'expiration de ce délai. Sur la recevabilité de l'appel : 2. D'une part, en vertu de l'article R. 776-9 du code de justice administrative, relatif aux appels dirigés contre les jugements statuant sur les demandes tendant à l'annulation des obligations de quitter le territoire français : " Le délai d'appel est d'un mois. Il court à compter du jour où le jugement a été notifié à la partie intéressée. Cette notification mentionne la possibilité de faire appel et le délai dans lequel cette voie de recours peut être exercée ". Il ressort des pièces du dossier que le jugement attaqué a été notifié au préfet de police, le 24 décembre 2021, par un courrier mis à disposition dans l'application Télérecours, dont il a accusé réception le jour même. Le délai de recours qui est un délai franc n'était donc pas échu le 25 janvier 2022, date de l'enregistrement de la requête. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par M. C..., tirée de la tardiveté de la requête, doit être écartée. 3. D'autre part, aux termes de l'article R. 414-4 du code de justice administrative : " L'identification de l'auteur de la requête (...) vaut signature pour l'application des dispositions du présent code (...) ". L'appel formé par le préfet de police a été présenté au moyen de l'application Télérecours. En vertu des dispositions précitées, la fin de non-recevoir tirée de l'absence de signature manuscrite de l'auteur de la requête doit donc être écartée. 4. Enfin, aux termes de l'arrêté n° 2021-01259 du 13 décembre 2021, publié le même jour au recueil des actes administratifs de la préfecture de police, Mme A... E..., adjointe au chef du bureau du contentieux et de l'excès de pouvoir est habilitée à signer au nom du préfet de police les recours relatifs au séjour et à l'éloignement des étrangers devant la Cour. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par M. C..., tirée de l'absence de délégation du signataire de la requête, doit être écartée. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 5. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / (...) / 4° La reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou il ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 542-1 et L. 542-2, à moins qu'il ne soit titulaire de l'un des documents mentionnés au 3° (...) ". Aux termes de l'article L. 541-1 du même code : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français ". Aux termes de l'article L. 542-1 du même code : " En l'absence de recours contre la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides dans le délai prévu à l'article L. 532-1, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin à la notification de cette décision. / Lorsqu'un recours contre la décision de rejet de l'office a été formé dans le délai prévu à l'article L. 532-1, le droit du demandeur de se maintenir sur le territoire français prend fin à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile ou, s'il est statué par ordonnance, à la date de la notification de celle-ci ". 6. Le premier juge a annulé l'arrêté du 14 octobre 2021 au motif que le préfet de police ne produisait aucun élément de nature à établir l'existence de la décision de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) en date du 1er septembre 2021 rejetant la demande d'asile de M. C.... Toutefois, le relevé de la base de données " TelemOfpra " relative à l'état des procédures de demande d'asile, produit par le préfet de police en appel, atteste que la CNDA, après une audience du 14 mai 2021, a statué sur cette demande d'asile, en la rejetant, par une décision lue en audience publique le 1er septembre 2021, soit antérieurement à l'arrêté préfectoral du 14 octobre 2021. Par ailleurs, M. C..., qui ne bénéficiait plus, à compter de cette date de lecture, du droit de se maintenir sur le territoire français, n'apporte aucun élément de nature à contredire les mentions figurant sur ce document. Dans ces conditions, le préfet de police a pu légalement, par son arrêté du 14 octobre 2021 et sur le fondement des dispositions du 4° de l'article L. 611-1 précité, obliger l'intéressé à quitter le territoire français. Par suite, le préfet est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 14 octobre 2021 au motif que les dispositions précitées de l'article L. 542-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile avaient été méconnues. 7. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. C... devant le tribunal administratif et devant la cour. Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français : 8. En premier lieu, par un arrêté n° 2021-00991 du 27 septembre 2021 régulièrement publié au recueil des actes administratifs spécial n° 75-2021-202 de la préfecture de Paris du même jour, le préfet de police a donné délégation à M. Pierre Villa, conseiller d'administration de l'intérieur et des outre-mer, pour signer tous actes dans la limite de ses attributions, au nombre desquels figure la police des étrangers. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté en litige doit être écarté. 9. En deuxième lieu, la décision contestée, qui vise, notamment, le 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mentionne la nationalité et la date de naissance de M. C... ainsi que celle de son entrée en France et précise que la demande d'asile de l'intéressé a été rejetée par une décision de l'office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 18 décembre 2020, confirmée par une décision de la CNDA du 1er septembre 2021. Elle indique également que, compte tenu des circonstances propres au cas d'espèce, la décision d'éloignement ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale. Ainsi, la décision en litige énonce les considérations de droit et de fait qui la fondent, et est ainsi suffisamment motivée. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation qui entacherait cette décision doit être écarté. Une telle motivation révèle, par ailleurs, qu'il a été procédé à un examen particulier de la situation de l'intéressé. 10. En dernier lieu, si M. C... soutient que la décision contestée est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle, il n'assortit ce moyen d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé. Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination : 11. En premier lieu, la décision attaquée, qui vise, notamment, l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, mentionne que l'intéressé n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à cette convention en cas de retour dans son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cette décision doit être écarté. 12. En deuxième lieu, il ne ressort d'aucune des pièces versées au dossier, notamment des motifs de la décision en litige rappelés au point 11, que le préfet de police n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de M. C..., avant de fixer le pays de destination. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit dont serait entachée de ce chef la décision en litige doit être écarté. 13. En dernier lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ". 14. M. C... soutient qu'il a fui la République démocratique du Congo en 2008 en raison de craintes de persécution et qu'il a obtenu le statut de réfugié en Afrique du Sud où il a subi de nombreuses agressions du fait de ses origines, ce qui l'a conduit en 2018 à rejoindre la France. Il ajoute que, venant de la région du Maniema, il sera victime, en cas de retour, de violences aveugles. Toutefois, en se bornant à se référer au rapport mensuel demonitoring de protection du HCR consacré au Sud Kivu et Maniema pour le mois de septembre 2021, il n'apporte aucun élément propre à sa situation personnelle permettant de considérer qu'il encourrait dans le cas d'un retour en RDC et, en particulier, dans la région du Maniema, de manière suffisamment certaine et actuelle, des menaces quant à sa vie ou sa personne ou des traitements prohibés par l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, en décidant que l'intéressé pourrait être éloigné à destination du pays dont il a la nationalité, le préfet de police n'a pas méconnu les stipulations précitées. 15. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 14 octobre 2021, lui a enjoint de réexaminer la situation de M. C... dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros, en cas d'admission définitive de M. C... au bénéfice de l'aide juridictionnelle, à verser à son conseil, Me Rosin, au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et, en cas de non-admission, à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par voie de conséquence, les conclusions présentées par M. C... sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées. D É C I D E : Article 1er : Les articles 2, 3 et 4 du jugement n° 2122790 du 24 décembre 2021 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris sont annulés. Article 2 : La demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Paris et ses conclusions présentées devant la Cour sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... G... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de police. Délibéré après l'audience du 14 mars 2023 à laquelle siégeaient : - M. d'Haëm, président, - M. Mantz, premier conseiller, - Mme d'Argenlieu, première conseillère. La rapporteure, L. d'ARGENLIEULe président, R. d'HAËM La greffière, A. GASPARYAN La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. N° 22PA00361 2
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Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 9 novembre 2021 par lequel le préfet de police a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans. Par un jugement n° 2124616 du 9 mars 2022, le tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté et enjoint au préfet de police de mettre fin au signalement de M. A... au sein du système d'information Schengen dans un délai d'un mois suivant la notification du jugement. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 8 avril 2022, le préfet de police demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris du 9 mars 2022 ; 2°) de rejeter la demande de M. A... présentée devant le tribunal administratif de Paris. Il soutient que : - c'est à tort que le tribunal administratif a estimé qu'en refusant de délivrer un titre de séjour à M. A... au motif que sa présence en France constituait une menace pour l'ordre public, il a commis une erreur d'appréciation alors que l'intéressé a fait l'objet d'un signalement pour des faits de viol et qu'arrivé en France depuis seulement cinq ans, il est déjà défavorablement connu des forces de l'ordre pour des faits graves et récents ; - pour les autres moyens soulevés par M. A..., il s'en réfère à ses écritures de première instance. La requête a été communiquée à M. A... qui n'a pas produit de mémoire en défense. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme d'Argenlieu, rapporteure. Considérant ce qui suit : 1. M. D... A..., ressortissant chinois, né le 17 décembre 1989 et entré en France, selon ses déclarations, le 21 octobre 2017, a sollicité le renouvellement de sa carte de séjour temporaire portant la mention " entrepreneur/profession libérale ". Par un arrêté du 9 novembre 2021, le préfet de police a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans. Le préfet de police fait appel du jugement du 9 mars 2022 par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté. 2. Aux termes de l'article L. 412-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La circonstance que la présence d'un étranger en France constitue une menace pour l'ordre public fait obstacle à la délivrance et au renouvellement de la carte de séjour temporaire, de la carte de séjour pluriannuelle et de l'autorisation provisoire de séjour prévue aux articles L. 425-4 ou L. 425-10 ainsi qu'à la délivrance de la carte de résident et de la carte de résident portant la mention " résident de longue durée - UE ". Aux termes de l'article 421-5 du même code : " L'étranger qui exerce une activité non salariée, économiquement viable et dont il tire des moyens d'existence suffisants, dans le respect de la législation en vigueur, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " entrepreneur/profession libérale " d'une durée maximale d'un an ". 3. Les infractions pénales commises par un étranger ne sauraient, à elles seules, justifier légalement une mesure de refus de délivrance ou de renouvellement de titre de séjour et d'éloignement et ne dispensent pas l'autorité compétente d'examiner, d'après l'ensemble des circonstances de l'affaire, si la présence de l'intéressé sur le territoire français est de nature à constituer une menace pour l'ordre public. Lorsque l'administration se fonde sur l'existence d'une telle menace, il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi d'un moyen en ce sens, de rechercher si les faits qu'elle invoque à cet égard sont de nature à justifier légalement sa décision. 4. S'il ressort des termes de l'arrêté en litige que M. A... a été placé en garde à vue le 29 mars 2021 dans le cadre d'une enquête préliminaire pour des faits de viol commis le 27 février 2021, le préfet de police n'apporte pas plus en appel qu'en première instance de précisions, ni d'éléments permettant de considérer, comme il l'affirme dans son arrêté, que M. A... a commis ces faits. En particulier, le seul fait d'avoir été placé en garde à vue dans le cadre d'une enquête préliminaire ne saurait suffire à établir la matérialité de ces faits ou à caractériser une menace pour l'ordre public au sens des dispositions de l'article L. 412-5 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. De surcroît, en première instance, M. A... a contesté ces faits en indiquant que ces faits correspondaient à de fausses accusations et qu'ils avaient fait l'objet d'un classement sans suite. Par ailleurs, si le préfet de police fait valoir, en appel, que l'intéressé est " déjà défavorablement connu des forces de l'ordre pour des faits graves et récents ", il ne fournit sur ce point, à supposer que ces faits soient distincts de ceux commis le 27 février 2021, aucune précision, ni aucun élément. Par suite, le préfet de police n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a estimé que l'arrêté du 9 novembre 2021 était entaché d'une erreur d'appréciation. 5. Il résulte tout de ce qui précède que le préfet de police n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 9 novembre 2021. D É C I D E : Article 1er : La requête du préfet de police est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de police. Délibéré après l'audience du 14 mars 2023 à laquelle siégeaient : - M. d'Haëm, président, - M. Mantz, premier conseiller, - Mme d'Argenlieu, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mars 2023. La rapporteure, L. d'ARGENLIEULe président, R. d'HAËM La greffière, A. GASPARYAN La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. N° 22PA01615 2
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Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 30 septembre 2020 par lequel le préfet de Seine-et-Marne lui a refusé la délivrance d'un certificat de résidence, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par un jugement n° 2100451 du 24 septembre 2021, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête et deux mémoires, enregistrés les 1er mars 2022, 18 juillet 2022 et 21 septembre 2022, M. A... B..., représenté par Me Frésard, demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) d'annuler cet arrêté ; 3°) d'enjoindre au préfet de Seine-et-Marne de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " ou, à défaut, de réexaminer sa situation, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, et, dans l'attente de ce réexamen, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat, au titre de la première instance, la somme de 500 euros à lui verser, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et la somme de 1 800 euros à verser à son conseil, sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, et, au titre de la présente instance, la somme de 500 euros à lui verser et la somme de 1 800 euros à son conseil, sur les mêmes fondements. Il soutient que : - la décision portant refus de titre de séjour méconnaît les stipulations des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 6-5 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ; - la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ; - elle est insuffisamment motivée ; - elle méconnaît l'article L. 511-4 (10°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - elle est entachée d'une erreur de droit dès lors qu'il pouvait prétendre à un titre de titre de séjour sur le fondement des stipulations des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 6-5 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ; - la décision fixant le pays de destination méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par un mémoire en défense enregistré le 25 avril 2022, le préfet de Seine-et-Marne conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés. Par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris en date du 14 janvier 2022, M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique, rapporteure. Considérant ce qui suit : 1. M. B..., ressortissant algérien, né le 5 août 2000 et entré en France le 31 juillet 2015, sous couvert d'un visa de court séjour, a demandé, le 17 janvier 2020, la délivrance d'un certificat de résidence sur le fondement des stipulations de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Par un arrêté du 30 septembre 2020, le préfet de Seine-et-Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. B... relève appel du jugement du 24 septembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Sur la légalité de la décision portant refus de titre de séjour : 2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / (...) 5. Au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ". 3. M. B... se prévaut de la durée de son séjour en France depuis le 31 juillet 2015, date de son entrée sur le territoire, et fait valoir que ses parents et ses trois frères, dont le dernier est né en France, y séjournent également, à l'instar de ses grands-parents maternels, qui les hébergent. Il fait valoir également qu'il est lui-même hébergé chez son oncle, de nationalité française et qui est invalide, et qu'il aide celui-ci dans les actes de la vie quotidienne. Il fait état également de sa scolarisation dès son arrivée sur le territoire français, d'abord au collège, puis au lycée, de l'obtention d'un baccalauréat professionnel en 2020, de son souhait de suivre une formation en soins infirmiers, nécessitant la régularisation de sa situation au regard du séjour, et, dans l'attente de cette régularisation, de son inscription en licence à l'université de Paris VIII depuis l'année universitaire 2020-2021. Enfin, il fait état d'une relation qu'il entretient avec une ressortissante française. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que si M. B... est entré en France le 31 juillet 2015 avec ses parents et deux de ses frères, ses parents se sont maintenus irrégulièrement sur le territoire et ont fait l'objet, le 29 novembre 2018, d'un refus de titre de séjour, assorti d'une obligation de quitter le territoire français. De même, son frère aîné est également en situation irrégulière sur le territoire. De plus, M. B..., âgé de vingt ans à la date de la décision contestée, ne vit pas avec ses parents. En outre, il ne démontre pas que sa présence auprès de son oncle revêtirait pour celui-ci un caractère indispensable. Par ailleurs, il n'est pas démontré, ni même allégué, que l'intéressé ne pourrait pas suivre, dans son pays d'origine, des études d'infirmier, dont il n'a d'ailleurs pu commencer le cursus en France. Enfin, M. B..., qui ne justifie pas de l'ancienneté de la relation dont il prévaut, n'établit, ni n'allègue sérieusement, l'existence d'une circonstance faisant obstacle à ce qu'il poursuive sa vie à l'étranger et, en particulier, dans son pays d'origine où il n'allègue pas être dépourvu de toute attache. Ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, la décision en litige portant refus de titre de séjour ne peut être regardée comme ayant porté au droit de M. B... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées doit être écarté. Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français : 4. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision portant refus de titre de séjour, ne peut qu'être écarté. 5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable : " (...) La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I, sans préjudice, le cas échéant, de l'indication des motifs pour lesquels il est fait application des II et III (...) ". 6. La décision portant refus de titre de séjour opposée à M. B... comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui la fondent, et est ainsi suffisamment motivée. Par suite, la décision portant obligation de quitter le territoire français qui l'assortit, n'avait pas à faire l'objet d'une motivation distincte. Le moyen tiré de son défaut de motivation doit, dès lors, être écarté. 7. En troisième lieu, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 511-4 (10°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable, n'est pas assorti des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé et ne peut, par suite, qu'être écarté. 8. Enfin, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 3, le requérant ne justifie pas qu'il pouvait prétendre à la délivrance de plein droit d'un titre de séjour sur le fondement des stipulations des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 6-5 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté. Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination : 9. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". 10. Il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B... serait exposé, dans son pays d'origine, à des traitements inhumains et dégradants. Le moyen tiré de la violation des stipulations précitées doit, par suite, être écarté. 11. Il résulte tout de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles portant sur les frais liés au litige ne peuvent qu'être rejetées. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de Seine-et-Marne. Délibéré après l'audience du 14 mars 2023, à laquelle siégeaient : - M. d'Haëm, président, - Mme d'Argenlieu, première conseillère, - Mme Saint-Macary, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mars 2023. La rapporteure, M. SAINT-MACARYLe président, R. d'HAËM La greffière, A. GASPARYAN La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 22PA00956
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Vu la procédure suivante : M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 24 juin 2019 par lequel le préfet de Lot-et-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire d'une durée d'un an. Par un jugement n° 1903669 du 6 novembre 2019, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Par une ordonnance n° 20BX01258 du 1er février 2021, la présidente de la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel formé par M. A... contre ce jugement. Par une décision n° 461868 du 12 décembre 2022, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a, saisi d'un pourvoi présenté par M. A..., annulé l'ordonnance n° 20BX01258 du 1er février 2021 et renvoyé l'affaire devant la cour administrative d'appel de Bordeaux. Procédure devant la cour : Par un mémoire enregistré le 18 janvier 2023, M. A..., représenté par Me Da Ros, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 6 novembre 2019 ; 2°) d'annuler l'arrêté du 24 juin 2019 par lequel le préfet de Lot-et-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination et prononcé une interdiction de retour sur le territoire d'une durée d'un an ; 3°) de lui accorder l'aide juridictionnelle ; 4°) d'enjoindre au préfet de Lot-et-Garonne à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour "mention vie privée et familiale", à titre subsidiaire, de procéder à un nouvel examen de sa situation et de lui délivrer dans cette attente une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail, et de procéder à l'effacement de l'interdiction de retour sur le territoire français, assorti d'une astreinte de 100 euros par jour de retard au profit du requérant, à compter de huit jours suivant la date de notification de l'arrêt à intervenir ; 5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros, à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il soutient que : En ce qui concerne le refus de titre de séjour : - le jugement attaqué est entaché d'une erreur de droit ; le juge ne peut se borner aux conclusions de l'enquête réalisée par la police de l'air et des frontières (PAF) pour établir que des actes de l'état civil ou documents d'identité seraient dépourvus d'authenticité alors que l'avis technique défavorable ne porte que sur l'authenticité du jugement supplétif et non sur l'extrait du registre des actes d'état civil ; la date de naissance est identique et concordante avec les autres éléments d'état civil produits, notamment les deux cartes consulaires ; il justifie par les documents d'état civil produits de la réalité de son identité et de sa minorité lors de son arrivée sur le territoire français ainsi que de sa prise en charge par le service de l'aide sociale à l'enfance ; le préfet de Lot-et-Garonne s'est abstenu de procéder aux vérifications utiles auprès des autorités guinéennes avant de contester la validité des actes d'état civils produits ; la comparaison des empreintes n'est pas de nature à établir une majorité et ne doit pas prévaloir sur la présomption édictée par l'article 47 du code civil ; - la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; - les dispositions de l'article L. 313-15 devenu L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ont été méconnues ; l'arrêté préfectoral attaqué n'a pas porté d'appréciation sur sa situation particulière au regard notamment du caractère réel et sérieux du suivi de la formation effectuée, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur son insertion dans la société française ; à la date de la décision de refus de séjour, il justifiait d'une formation professionnelle qualifiante de six mois, était inscrit en CAP charpente et disposait d'un contrat d'apprentissage depuis le mois d'octobre 2018 ; il a poursuivi sa formation en intégrant un CAP zinguerie en 2020 au CFA BTP du Lot-et-Garonne ; - le préfet n'a pas pris en compte l'ensemble des éléments se rapportant à sa situation personnelle et familiale ; - l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme a été méconnu ; En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français : - la décision est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour ; - l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme a été méconnu ; - la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français : - la décision est insuffisamment motivée ; - la décision est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français ; - la décision est entachée d'une erreur de droit ; - la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; - le préfet n'a pas pris en compte l'ensemble des éléments se rapportant à sa situation personnelle et familiale. Par un mémoire en défense, enregistré le 16 février 2023, le préfet de Lot-et-Garonne conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés. Par ordonnance du 13 février 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 1er mars 2023 à 12 heures. M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 9 février 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code civil ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteur publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme D... B..., - et les observations de Me Da Ros, représentant M. A.... Considérant ce qui suit : 1. M. A..., ressortissant guinéen, déclare être né le 17 mars 2001 et entré en France au mois de mai 2017. Il a été pris en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance du département de Lot-et-Garonne à compter du 3 juillet 2017 jusqu'à sa majorité et a demandé le 18 mars 2019 son admission au séjour en qualité de mineur placé de 16 à 18 ans. Par un arrêté du 24 juin 2019, le préfet de Lot-et-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination et l'a interdit de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an. Par un jugement n° 1903669 du 6 novembre 2019, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté la demande de M. A... tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 juin 2019. Par une ordonnance n° 20BX01258 du 1er février 2021, la présidente de la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel formé par M. A... contre ce jugement. Le Conseil d'Etat, statuant au contentieux sur saisine de M. A..., a annulé cette ordonnance par une décision n° 461868 du 12 décembre 2022 et a renvoyé l'affaire devant la cour administrative d'appel de Bordeaux. Sur la régularité du jugement : 2. Si M. A... soutient que le jugement serait entaché d'une erreur de droit, une telle critique du jugement relève de son bien-fondé et non de sa régularité. Sur les conclusions à fin d'annulation : En ce qui concerne le refus de titre de séjour : 3. En premier lieu, aux termes de l'article R. 311-2-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente les documents justifiant de son état civil et de sa nationalité (...) ". Aux termes de l'article L. 111-6 du même code, alors en vigueur : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil (...) ". L'article 47 du code civil, dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée, prévoit que : " Tout acte de l'état civil des français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. 4. L'article 47 du code civil pose une présomption de validité des actes d'état civil établis par une autorité étrangère dans les formes usitées dans ce pays. Il résulte également de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis. 5. D'une part, le refus de séjour litigieux est fondé sur le motif tiré de ce que l'intéressé a fait l'objet d'un placement au service d'aide sociale à l'enfance alors qu'il était majeur lors de son arrivée en France. M. A... produit un jugement supplétif tenant lieu d'acte de naissance du 22 novembre 2017 du tribunal de première instance de Conakry II, une transcription du jugement supplétif en date du 23 novembre 2017, faite par l'officier d'état civil de la commune de Ratoma, et deux cartes d'identité consulaires, délivrées l'une, le 27 juin 2019 par le ministère des affaires étrangères et des guinéens de l'étranger, l'autre, le 3 août 2018 par l'ambassade de Guinée à Paris le 23 novembre 2020, mentionnant qu'il est né le 17 mars 2001 à Conakry. Pour écarter ces documents au motif de leur caractère non authentique, le préfet s'est fondé sur un rapport d'examen technique documentaire de la police des frontières qui, s'il ne relève aucun problème matériel ou formel dans ces documents, émet un avis défavorable en raison de l'existence d'un réseau frauduleux de délivrance de jugements supplétifs alimentant les candidats au statut de mineur non accompagné. Toutefois, une telle circonstance est insuffisante pour retenir que la demande de titre de séjour de M. A... serait entachée d'une telle fraude et remettre en cause la date de naissance mentionnée sur l'acte d'état civil de l'intéressé, régulièrement établi en Guinée. D'autre part, si le préfet fait également valoir qu'en réponse à la demande de correspondance des empreintes digitales, formée par les autorités de police, dans le cadre d'une enquête diligentée pour escroquerie, identité imaginaire, faux et usage de faux, les autorités espagnoles ont indiqué qu'elles appartenaient à M. A..., né le 1er janvier 1998 à Conakry et entré illégalement à Ceuta, en Espagne le 23 février 2017, de tels faits, que le requérant admet et justifie par l'intention d'obtenir un laisser passer, qu'il n'aurait pu, selon lui obtenir en tant que mineur, ne sont pas de nature à remettre en cause les documents d'état civil produits. Dans ces conditions, l'administration ne peut être regardée comme établissant que la demande de titre de séjour de M. A... serait entachée d'une telle fraude. Dès lors le refus de titre en litige est entaché d'une erreur d'appréciation eu égard au jugement supplétif produit. 6. En second lieu, il ressort des pièces du dossier que M. A... a été pris en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance à compter du 23 août 2017. Il n'est ni établi, ni même allégué que sa présence en France constitue une menace pour l'ordre public. Le préfet ne conteste pas le sérieux de la scolarité professionnelle, dans le secteur de la charpente-zinguerie, suivie par l'intéressé, à l'origine d'une promesse d'embauche en contrat à durée indéterminée. Il ne ressort pas enfin des pièces du dossier que le requérant entretiendrait des liens avec sa famille adoptive, restée dans son pays d'origine. Dans ces conditions, le préfet de Lot-et-Garonne a, dans les circonstances de l'espèce, compte tenu de la situation de l'intéressé prise dans sa globalité et, en particulier, des éléments favorables sur son intégration dans la société française, entaché son refus de titre de séjour, d'une erreur d'appréciation. 7. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Dès lors, il y a lieu d'annuler la décision de refus de titre de séjour du 24 juin 2019 ainsi que, par voie de conséquence, les décisions du même jour portant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, fixant le pays de renvoi et l'interdisant de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an. Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte : 8. Eu égard aux motifs qui la fondent, l'annulation de l'arrêté du préfet de Lot-et-Garonne implique nécessairement la délivrance d'une carte de séjour à l'intéressé. Par suite, il y a lieu, en l'absence de changement de circonstances de droit ou de fait y faisant obstacle, d'enjoindre au préfet de Lot-et-Garonne de délivrer à M. A... un titre de séjour dans un délai de deux mois à compter de la date de notification du présent arrêt, sans qu'il y ait lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte. Sur les frais liés au litige : 9. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son conseil peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros à verser à Me Da Ros. DECIDE : Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux n° 1903669 du 6 novembre 2019 et l'arrêté du préfet de Lot-et-Garonne du 24 juin 2019 sont annulés. Article 2 : Il est enjoint au préfet de Lot-et-Garonne, dans un délai de deux mois à compter de la date de notification du présent arrêt, de délivrer à M. A... un titre de séjour, et, dans l'attente, de le munir d'une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler. Article 3 : L'Etat versera à Me Da Ros une somme de 1 200 euros en application des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A..., à Me Mylène Da Ros et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de Lot-et-Garonne. Délibéré après l'audience du 7 mars 2023 à laquelle siégeaient : Mme Bénédicte Martin, présidente, M. Michaël Kauffmann, premier conseiller, Mme Pauline Reynaud, première conseillère, Rendu public par mise à disposition au greffe, le 28 mars 2023. Le premier conseiller, Michaël KauffmannLa présidente-rapporteure, Bénédicte B...La greffière, Caroline Brunier La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. 2 N° 22BX03043
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Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; - le règlement n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ; - le règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. M. C..., ressortissant soudanais né le 1er janvier 1995 à N'Geineina (Soudan), a déclaré être entré en France le 17 février 2022, après avoir fait l'objet d'un précédent transfert en Italie le 14 février 2022. Sa nouvelle demande d'asile a été présentée et enregistrée le 28 février 2022 par les services de la préfecture de la Loire-Atlantique. La consultation du système Eurodac a révélé que ses empreintes digitales avaient été relevées par les autorités italiennes le 18 mai 2021 lors de son entrée dans ce pays sous le n° IT 2 AG. Consécutivement à leur saisine le 1er mars 2022 sur le fondement du paragraphe 1 de l'article 13 du règlement (UE) n° 604/2013, les autorités italiennes ont implicitement accepté de reprendre en charge l'intéressé. Par deux arrêtés du 6 mai 2022, le préfet de Maine-et-Loire a ordonné le transfert de M. C... aux autorités italiennes et l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours. M. C... a sollicité auprès du tribunal administratif de Nantes l'annulation de ces deux arrêtés. Il relève appel du jugement du 17 juin 2022 par lequel le magistrat désigné a rejeté sa demande. En ce qui concerne l'arrêté de transfert : 2. D'une part, aux termes de l'article 29 du règlement n° 604-2013 du Parlement européen et du Conseil en date du 26 juin 2013 : " Le transfert du demandeur ou d'une autre personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point c) ou d), de l'Etat membre requérant vers l'Etat membre responsable s'effectue conformément au droit national de l'Etat membre requérant, après concertation entre les Etats membres concernés, dès qu'il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre Etat membre de la requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l'effet suspensif est accordé conformément à l'article 27, paragraphe 3. /2. Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'Etat membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'Etat membre requérant. Ce délai peut être porté à un an au maximum s'il n'a pas pu être procédé au transfert en raison d'un emprisonnement de la personne concernée ou à dix-huit mois au maximum si la personne concernée prend la fuite. ". 3. D'autre part, l'introduction d'un recours devant le tribunal administratif contre la décision de transfert a pour effet d'interrompre le délai de six mois fixé à l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013, qui courait à compter de l'acceptation du transfert par l'Etat requis, délai qui recommence à courir intégralement à compter de la date à laquelle le tribunal administratif statue au principal sur cette demande, quel que soit le sens de sa décision. Ni un appel, ni d'ailleurs le sursis à exécution du jugement accordé par le juge d'appel sur une demande présentée en application de l'article R. 811-15 du code de justice administrative n'ont pour effet d'interrompre ce nouveau délai. Son expiration a pour conséquence qu'en application des dispositions du paragraphe 2 de l'article 29 du règlement, l'Etat requérant devient responsable de l'examen de la demande de protection internationale. 4. Le délai initial de six mois dont disposait le préfet de Maine-et-Loire pour procéder à l'exécution du transfert de M. C... vers l'Italie a été interrompu par la saisine du tribunal administratif de Nantes. Ce délai a recommencé à courir à compter de la notification à l'administration du jugement du 17 juin 2022 rendu par ce dernier. Il ressort des pièces du dossier que ce délai n'a pas fait l'objet d'une prolongation et que cet arrêté n'a pas reçu exécution pendant sa période de validité. Par suite, la décision de transfert litigieuse est devenue caduque sans avoir reçu de commencement d'exécution à la date du présent arrêt et la France est, ainsi que l'admet d'ailleurs le préfet de Maine-et-Loire dans son mémoire du 19 décembre 2022, devenue responsable de la demande d'asile de M. C... sur le fondement des dispositions du 2 de l'article 29 du règlement n° 604-2013 rappelées ci-dessus. Par suite, les conclusions de M. C... tendant à l'annulation de l'arrêté de transfert et du jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes en tant qu'il a rejeté les conclusions dirigées contre cet arrêté sont devenues sans objet. Il n'y a plus lieu d'y statuer. En ce qui concerne l'arrêté portant assignation à résidence : 5. L'arrêté portant assignation à résidence de M. C... ayant reçu exécution, les conclusions tendant à son annulation conservent leur objet et il y a dès lors lieu d'y statuer. Sur l'exception d'illégalité de l'arrêté de transfert : 6. En premier lieu, aux termes du 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entrainent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable ". Ces dispositions doivent être appliquées dans le respect des droits garantis par la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. 7. Par ailleurs, eu égard au niveau de protection des libertés et des droits fondamentaux dans les Etats membres de l'Union européenne, lorsque la demande de protection internationale a été introduite dans un Etat autre que la France, que cet Etat a accepté de prendre ou de reprendre en charge le demandeur et en l'absence de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, les craintes dont le demandeur fait état quant au défaut de protection dans cet Etat membre doivent en principe être présumées non fondées, sauf à ce que l'intéressé apporte, par tout moyen, la preuve contraire. La seule circonstance qu'à la suite du rejet de sa demande de protection par cet Etat membre l'intéressé serait susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement ne saurait caractériser la méconnaissance par cet Etat de ses obligations. 8. M. C... soutient qu'ayant fait l'objet d'une mesure d'éloignement par les autorités italiennes, il craint d'être nécessairement renvoyé vers le Soudan où sa vie est menacée et fait état de l'existence de défaillances qui affecteraient les conditions d'accueil et de prise en charge des demandeurs d'asile en Italie. Il invoque le risque que sa demande d'asile ne soit pas traitée dans ce pays et avance qu'il n'a pu consulter de médecin en Italie. Il fait état de la situation très dégradée du dispositif d'accueil et de prise en charge des demandeurs d'asile en Italie en raison d'une forte pression migratoire et de ce qu'il existe des raisons de croire à des défaillances systémiques en Italie. 9. Il convient, tout d'abord, de rappeler que la décision de transfert de l'intéressé aux autorités italiennes ne constitue pas une mesure d'éloignement vers le Soudan. Ensuite, il ne ressort pas des éléments du dossier, en particulier du " décret d'expulsion " du 16 février 2022 pris à son encontre, qui relève que l'intéressé ne justifie pas d'un droit au séjour au regard tant de la législation en vigueur que des obligations constitutionnelles et internationales, que le requérant ferait l'objet d'une mesure d'éloignement automatique et immédiatement exécutoire. A supposer que la décision d'éloignement du 16 février 2022 prise à son encontre revête un caractère définitif, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que M. C... ne serait pas en mesure de faire valoir auprès des autorités italiennes tout élément nouveau relatif à l'évolution de sa situation personnelle et à la situation qui prévaut au Soudan, ni que les autorités italiennes n'évalueront pas d'office les risques réels de mauvais traitements auxquels il serait exposé en cas de renvoi dans son pays d'origine. Aucun élément produit au débat ne permet ainsi de tenir pour établi que sa demande d'asile serait exposée à un risque sérieux de ne pas être traitée par les autorités italiennes dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile, alors que l'Italie est un Etat membre de l'Union européenne, partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Si le rapport de l'organisation non gouvernementale OSAR du 20 janvier 2020 versé aux débats fait état, en termes très généraux, des difficultés des demandeurs d'asile renvoyés en Italie en termes d'accès à un hébergement, à des soins et à des moyens de subsistance et recommande, comme d'autres rapports internationaux produits, la suspension des transferts vers l'Italie, ces rapports comme les articles de presse également produits, au demeurant de portée générale sur les conditions d'accueil en Italie et qui datent, ne corroborent pas l'existence de défaillances systémiques affectant la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs d'asile en Italie, entraînant un risque de traitement inhumain et dégradant. Eu égard à ce qui vient d'être dit, le requérant ne démontre pas non plus qu'il serait personnellement exposé à des risques de traitements inhumains ou dégradants en Italie. Faute d'établir ainsi qu'il serait exposé au risque de subir en Italie des traitements contraires aux dispositions des articles 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, les moyens tirés d'une erreur de fait et de la méconnaissance de ces dispositions ainsi que de l'article 3 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté. 10. En deuxième lieu, aux termes de l'article 17 du même règlement : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...)". La faculté laissée aux autorités françaises, par les dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, de décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le règlement précité, est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile. 11. M. C..., au soutien de ce moyen, se prévaut d'une situation de vulnérabilité qui serait caractérisée par son parcours, sa situation de demandeur d'asile et son état de santé. M. C... fait valoir sa situation de " particulière vulnérabilité ", au sens des normes qui régissent l'accueil des demandeurs d'asile, en raison de son état de santé et de son parcours migratoire difficile, notamment au regard des persécutions subies dans son pays d'origine et les violences dont il a fait l'objet en Libye. Toutefois, aucune pièce du dossier ne permet d'établir que la situation du requérant serait incompatible avec la mesure de transfert contestée ou qu'il ne pourrait bénéficier en Italie d'une prise en charge adaptée à son état, compte tenu de l'accord explicite donné par l'Italie à sa prise en charge. Si le requérant soutient avoir des problèmes de santé, il ressort des éléments versés aux débats qu'il souffre de problèmes oculaires qui ne sont pas incompatibles avec son transfert en Italie et il n'est pas davantage établi en appel qu'en première instance qu'il ne pourrait pas recevoir dans ce pays un traitement adapté à son état, lequel ne s'est pas aggravé depuis son entrée sur le territoire français. Dans ces conditions, et eu égard, par ailleurs, à ce qui a été rappelé au point précédent, il n'est pas établi que M. C... se trouverait dans une situation de vulnérabilité imposant d'instruire sa demande d'asile en France. Dès lors, le moyen tiré de ce que l'arrêté de transfert contesté du 6 mai 2022 serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté. 12. Pour le surplus, M. C... se borne à reprendre devant le juge d'appel le même moyen que celui invoqué en première instance sans plus de précisions ou de justifications et sans l'assortir d'éléments nouveaux. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par le premier juge et tirés de ce que l'arrêté du 6 mai 2022 décidant son transfert aux autorités italiennes ne méconnaît pas les articles 4 et 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, n'est entaché ni d'un défaut d'examen suffisant ni d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation. 13. Il résulte de ce qui a été dit aux points précédents que M. C... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision de transfert aux autorités italiennes du 6 mai 2022 contre l'arrêté l'assignant à résidence du même jour. Sur les autres moyens dirigés contre l'arrêté d'assignation à résidence : 14. Aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger : (...) 1° bis Fait l'objet d'une décision de transfert en application de l'article L. 742-3 ou d'une requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge en application du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ; (...) ". 15. En premier lieu, l'arrêté d'assignation à résidence contesté, vise le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et notamment les articles L. 571-1, L. 573-2, L. 751-4, L.751-2, L. 572-1 à L. 573-1 ainsi que l'arrêté portant transfert de M. C... aux autorités italiennes du 6 mai 2022, indique qu'il est nécessaire de s'assurer de la disponibilité du requérant pour répondre aux convocations de l'administration réalisées dans le cadre de la mise en œuvre de la procédure de transfert, qu'il y a un risque sérieux que M. C... n'exécute pas de lui-même ce transfert et que la durée maximale de quarante-cinq jours est nécessaire pour organiser le transfert compte tenu des exigences en la matière. Cet arrêté précise également que l'intéressé dispose, du fait de sa domiciliation, de garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque qu'il se soustraie à l'exécution de la décision de transfert et conclut que le requérant répond aux conditions de l'article L. 751-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dans ces conditions, l'arrêté attaqué comprend les motifs de droit et les considérations de fait qui le fondent. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de sa motivation doit être écarté. 16. En deuxième lieu, la décision de transfert aux autorités italiennes n'étant affectée d'aucune des illégalités invoquées par M. C..., le moyen tiré de l'exception d'illégalité de cette décision, invoqué à l'appui des conclusions dirigées contre la décision d'assignation à résidence, ne peut qu'être écarté. 17. En dernier lieu, et pour le surplus, M. C... se borne à reprendre devant le juge d'appel le même moyen que celui invoqué en première instance sans plus de précisions ou de justifications et sans l'assortir d'éléments nouveaux. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par le premier juge et tirés de ce que l'arrêté du 6 mai 2022 l'assignant à résidence ne méconnaît pas les articles L. 573-2 et L. 751-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ne revêt pas un caractère disproportionné et n'est pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation. 18. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué qui n'est entaché d'aucune irrégularité, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 mai 2022 décidant son assignation à résidence. Sur les conclusions à fin d'injonction : 19. Si, compte tenu de la caducité de la décision de transfert contestée, la France est l'Etat membre responsable de l'examen de la demande d'asile présentée par M. C..., le présent arrêt, n'implique, par lui-même, aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions aux fins d'injonction doivent être rejetées. Sur les frais liés au litige : 20. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par M. C... au profit de son avocate au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. DECIDE : Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions aux fins d'annulation en tant qu'elles se rapportent à l'arrêté du 6 mai 2022 du préfet de Maine-et-Loire décidant du transfert de M. C... aux autorités italiennes. Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. C... est rejeté. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Une copie en sera adressée, pour information, au préfet de Maine-et-Loire. Délibéré après l'audience du 10 mars 2023, à laquelle siégeaient : - M. Gaspon, président de chambre, - M. Coiffet, président-assesseur, - Mme Gélard, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mars 2023. Le rapporteur, O. B...Le président, O. GASPON La greffière, P. BONNIEU La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. N° 22NT01909 2
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Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; - le règlement n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ; - le règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le rapport de M. C... a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. Mme B..., ressortissante tunisienne née le 25 octobre 1981 à Sfax (Tunisie), est entrée en France le 23 novembre 2021 en compagnie de ses deux filles nées le 14 décembre 2011 et le 30 juillet 2014. Sa demande d'asile a été enregistrée le 14 février 2022 par les services de la préfecture de la Loire-Atlantique. La consultation du système Eurodac a révélé que ses empreintes digitales avaient été relevées par les autorités italiennes le 11 octobre 2021 lors de son entrée dans ce pays. Consécutivement à leur saisine le 18 février 2022 sur le fondement du paragraphe 1 de l'article 13 du règlement (UE) n° 604/2013, les autorités italiennes ont, le 12 avril 2022, expressément accepté de reprendre en charge l'intéressée et ses deux enfants. Par deux arrêtés du 27 avril 2022, le préfet de Maine-et-Loire a ordonné le transfert de Mme B... aux autorités italiennes et l'a assignée à résidence pour une durée de quarante-cinq jours. Mme B... a sollicité auprès du tribunal administratif de Nantes l'annulation de ces deux arrêtés. Elle relève appel du jugement du 11 mai 2022 par lequel le magistrat désigné a rejeté sa demande. Le préfet a informé la cour que le délai d'exécution de la décision de transfert était reporté jusqu'au 11 novembre 2023. En ce qui concerne l'arrêté de transfert : 2. En premier lieu, aux termes du 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entrainent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable ". Ces dispositions doivent être appliquées dans le respect des droits garantis par la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. 3. Par ailleurs, eu égard au niveau de protection des libertés et des droits fondamentaux dans les Etats membres de l'Union européenne, lorsque la demande de protection internationale a été introduite dans un Etat autre que la France, que cet Etat a accepté de prendre ou de reprendre en charge le demandeur et en l'absence de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, les craintes dont le demandeur fait état quant au défaut de protection dans cet Etat membre doivent en principe être présumées non fondées, sauf à ce que l'intéressé apporte, par tout moyen, la preuve contraire. La seule circonstance qu'à la suite du rejet de sa demande de protection par cet Etat membre l'intéressé serait susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement ne saurait caractériser la méconnaissance par cet Etat de ses obligations. 4. Mme B... fait état de l'existence de défaillances qui affecteraient les conditions d'accueil et de prise en charge des demandeurs d'asile en Italie et les violences conjugales dont elle a été victime de la part de son époux qu'elle a fui. Elle évoque la situation très dégradée du dispositif d'accueil et de prise en charge des demandeurs d'asile en Italie en raison d'une forte pression migratoire et de ce qu'il existe des raisons de croire à des défaillances systémiques en Italie. 5. Il convient, tout d'abord, de rappeler que la décision de transfert de l'intéressée aux autorités italiennes ne constitue pas une mesure d'éloignement vers la Tunisie où séjourne son mari qui fait l'objet d'une plainte pour violences aggravées et contre lequel une demande de divorce est en cours. Ensuite, la nature des risques auxquels un demandeur d'asile soutient être exposée dans son pays d'origine est, par elle-même, sans incidence, sur la détermination de l'Etat membre responsable de la demande d'asile, de sorte que Mme B... ne peut utilement s'en prévaloir. Enfin, aucun élément produit au débat ne permet de tenir pour établi que sa demande d'asile serait exposée à un risque sérieux de ne pas être traitée par les autorités italiennes dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile, alors que l'Italie est un Etat membre de l'Union européenne, partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. En se bornant, comme en première instance à faire état de la situation des demandeurs d'asile en Italie durant les années 2015 à 2020, la requérante n'étaye pas suffisamment ses allégations relatives aux conditions de traitement des demandes d'asile en Italie à la date de la décision contestée. Aucun élément ne permet de corroborer l'existence de défaillances systémiques affectant la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs d'asile en Italie, entraînant des risques de traitements inhumains ou dégradants en Italie. Faute d'établir ainsi qu'elle serait exposée au risque de subir en Italie des traitements contraires aux dispositions des articles 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, les moyens tirés d'une erreur de fait et de la méconnaissance de ces dispositions ainsi que de l'article 3 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté. Pour les mêmes motifs, le premier juge ne s'est pas mépris sur la portée des dispositions du 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. 6. En second lieu, aux termes de l'article 17 du même règlement : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...)". La faculté laissée aux autorités françaises, par les dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, de décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le règlement précité, est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile. 7. Mme B..., au soutien de ce moyen, se prévaut d'une situation de vulnérabilité qui serait caractérisée par son parcours et en particulier les circonstances et les raisons de son départ de Tunisie. Elle indique ainsi qu'elle a fui son pays d'origine en compagnie de ses filles mineures compte tenu du comportement violent de son époux contre lequel elle a déposé plainte auprès du parquet de Sfax en 2019 pour violences aggravées, qu'elle ne parle pas la langue italienne, qu'elle n'a aucune famille dans ce pays alors que son frère, qu'elle voit avec ses filles chaque fin de semaine, et sa sœur résident régulièrement en France, que ses filles qu'elle a souhaité protéger sont scolarisées en France et que son époux pourrait plus facilement les retrouver en Italie. 8. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que la requérante et ses filles sont désormais hébergées à Angers depuis le 11 avril 2022 et qu'il n'existe pas de lien de dépendance particulier avec son frère qui résiderait également en France, à Nantes selon ses dires. Mme B..., arrivée très récemment sur le territoire français avec ses filles le 23 novembre 2021, ne justifie pas ainsi de l'existence de liens personnels et familiaux suffisamment anciens, intenses et stables. Aucune pièce du dossier ne permet ainsi d'établir que la situation de Mme B... serait incompatible avec la mesure de transfert contestée ou qu'elle ne pourrait bénéficier en Italie d'une prise en charge adaptée à sa situation et à celle de ses filles, compte tenu de l'accord explicite donné par l'Italie à sa prise en charge. Dans ces conditions, et eu égard, par ailleurs, à ce qui a été rappelé au point précédent, il n'est pas établi que Mme B... se trouverait dans une situation de vulnérabilité imposant d'instruire sa demande d'asile en France. Dès lors, le moyen tiré de ce que l'arrêté de transfert contesté du 27 avril 2022 serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté. Sur l'arrêté d'assignation à résidence : 9. Aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger : (...) 1° bis Fait l'objet d'une décision de transfert en application de l'article L. 742-3 ou d'une requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge en application du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ; (...) ". Selon les termes de l'article R. 733-1 du même code : " L'autorité administrative qui a ordonné l'assignation à résidence de l'étranger (...) lui désigne le service auquel il doit se présenter, selon une fréquence qu'elle fixe dans la limite d'une présentation par jour, en précisant si l'obligation de présentation s'applique les dimanches et les jours fériés ou chômés (...) ". 10. Mme B... soutient que la fréquence de l'obligation de présentation, chaque mardi à 8 heures à l'exception des jours fériés, est injustifiée au regard de sa situation familiale ainsi que de son état de santé et de celui de ses enfants. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que le commissariat de police où doit se rendre Mme B... est situé à Angers, commune où se trouve également son domicile. Mme B..., en dehors d'une simple évaluation réalisée sur l'une de ses filles le 10 octobre 2019 par un psychologue en Tunisie, n'apporte pas davantage en appel qu'en première instance de pièce médicale de nature à étayer ses allégations de sorte qu'il n'est pas justifié, qu'à la date de la décision contestée, l'état de santé de la requérante et celui de ses enfants ferait obstacle à l'exécution d'une fréquence hebdomadaire de présentation. Par suite, le moyen tiré du défaut de justification de cette obligation ne peut qu'être écarté. 11. Il résulte l'ensemble de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 27 avril 2022 du préfet de Maine-et-Loire ordonnant son transfert aux autorités italiennes et de celui du même jour décidant son assignation à résidence. Par voie de conséquence doivent être rejetées les conclusions de la requérante aux fins d'injonction ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative. DECIDE : Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Une copie en sera adressée, pour information, au préfet de Maine-et-Loire. Délibéré après l'audience du 10 mars 2023, à laquelle siégeaient : - M. Gaspon, président de chambre, - M. Coiffet, président-assesseur, - Mme Gélard, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mars 2023. Le rapporteur, O. C...Le président, O. GASPON La greffière, P. BONNIEU La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. N° 22NT01750 2
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Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 6 novembre 2017 par laquelle le directeur académique des services départementaux de l'éducation nationale de Maine-et-Loire l'a informé de sa décision de ne pas reconnaître comme fondé l'exercice de son droit de retrait pour la période du 31 mars au 9 avril 2015 et d'enjoindre à l'administration de rétablir son salaire pour cette période, en assortissant la somme versée des intérêts au taux légal. Par un jugement n° 1800052 du 11 mai 2021 le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés les 6 juillet 2021 et 10 février 2023, M. C..., représenté par Me Salquain, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du 11 mai 2021 ; 2°) d'annuler la décision du 6 novembre 2017 par laquelle le directeur académique des services départementaux de l'éducation nationale de Maine-et-Loire l'a informé de sa décision de ne pas reconnaître comme fondé l'exercice de son droit de retrait pour la période du 31 mars au 9 avril 2015 ; 3°) d'enjoindre à l'administration, à titre principal, de lui accorder le bénéfice du droit de retrait pour cette période et de rétablir son salaire, en assortissant la somme versée des intérêts au taux légal et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros pour résistance abusive ; 5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 750 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - la décision est insuffisamment motivée ; - la décision contestée n'a pas réellement fait l'objet d'une nouvelle instruction, sa situation personnelle n'ayant pas été examinée ; - l'administration, qui s'est fondée sur des éléments postérieurs aux faits en cause pour justifier sa décision, a commis une erreur de droit ; - l'administration aurait dû saisir l'inspection du travail en application de l'article 5-7 du décret du 28 mai 1982 ; - le refus d'accorder le bénéfice du droit de retrait est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation. Par un mémoire en défense, enregistré le 14 avril 2022, le recteur de l'académie de Nantes conclut au rejet de la requête. Il soutient qu'aucun moyen dirigé contre la décision contestée n'est fondé. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le décret n° 82-453 du 28 mai 1982 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. B..., - et les conclusions de Mme Malingue, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. C..., professeur ..., était affecté jusqu'en septembre 2015 au collège ... à .... Le 30 mars 2015, avec d'autres collègues, il a informé la principale de ce collège qu'il allait exercer son droit de retrait, à partir du 31 mars 2015. Par un courrier du 31 mars 2015, le directeur académique des services de l'Education nationale (DASEN) de Maine-et-Loire l'a informé qu'il n'estimait pas fondé l'exercice de son droit de retrait et qu'il en tirerait les conséquences de droit. Une retenue sur le traitement du requérant pour absence de service fait a été opérée par l'administration pour la période du 31 mars au 9 avril 2015 correspondant à la période pendant laquelle M. C... n'a pas exercé ses fonctions d'enseignant au collège. Le 29 mai 2015, M. C... a formé contre la décision du 31 mars 2015 un recours gracieux auprès du directeur des services académiques et des recours hiérarchiques auprès du ministre de l'éducation nationale et du recteur de l'académie de Nantes qui sont restés sans réponse et ont donc été implicitement rejetés, puis un recours contentieux par une requête enregistrée le 31 mars 2015. Par un jugement du 10 octobre 2017, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision du 31 mars 2015 du directeur académique des services de l'Education nationale de Maine-et-Loire et a enjoint au recteur de l'académie de Nantes et au directeur académique des services de l'Education nationale de Maine-et-Loire, chacun pour ce qui le concerne, de statuer, après une nouvelle instruction, sur l'exercice par M. C... du droit de retrait pour la période du 31 mars au 9 avril 2015. Par une décision du 6 novembre 2017, le directeur académique des services de l'Education nationale de Maine-et-Loire a maintenu son refus de reconnaître comme fondé l'exercice du droit de retrait pour la période du 31 mars au 9 avril 2015. M. C... relève appel du jugement du 11 mai 2021 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 6 novembre 2017. Sur les conclusions à fin d'annulation : 2. En premier lieu, il ressort des termes de la décision contestée du 6 novembre 2017, que, pour refuser de reconnaître comme fondé l'exercice du droit de retrait par M. C... du 31 mars au 9 avril 2015, le directeur académique des services de l'Education nationale de Maine-et-Loire a estimé, d'une part, qu'après audition des personnels par le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, la gravité d'un danger et l'imminence de celui-ci n'étaient pas cumulativement réunis, et, d'autre part, que si M. C... avait déposé plainte au mois d'avril 2009 puis de janvier 2015 et que son état de santé justifiait qu'il soit arrêté pour raison de santé, il n'y avait pour autant pas de raison de penser, lorsqu'il a cessé ses fonctions le 31 mars 2015, que la situation au travail du requérant présentait un danger grave et imminent. Le directeur académique des services de l'Education nationale de Maine-et-Loire a également précisé que " c'était sa capacité personnelle à supporter ses conditions de travail qui s'était dégradée au fil du temps ". Par suite, M. C... n'est pas fondé à soutenir que la décision contestée serait entachée d'une insuffisance de motivation. Le moyen doit être écarté. 3. En deuxième lieu, M. C... soutient que le directeur académique des services de l'Education nationale de Maine-et-Loire s'est abstenu de procéder à une nouvelle instruction du dossier, en exécution de l'injonction juridictionnelle, avant de prendre la décision contestée du 6 novembre 2017. Toutefois, l'injonction adressée à l'administration d'instruire de nouveau la demande du requérant, procédure qui a été effectivement conduite, n'impliquait pas nécessairement qu'il fût procédé à de nouvelles investigations dès lors que l'administration disposait des éléments pour prendre sa décision. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté. 4. En troisième lieu, M. C... fait grief à la décision contestée du 6 novembre 2017 de viser des éléments postérieurs à l'exercice du droit de retrait litigieux, à savoir la reconnaissance de l'imputabilité au service de sa maladie et la circonstance qu'il a été accédé à sa demande de mutation. Toutefois, ces éléments sont antérieurs à la décision contestée du 6 novembre 2017 et étaient de nature à éclairer l'administration sur l'état de santé du requérant à la date à laquelle il a exercé son droit de retrait. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté. 5. En quatrième lieu, aux termes de l'article 5-7 du décret n° 82-453 du 28 mai 1982 relatif à l'hygiène et à la sécurité du travail ainsi qu'à la prévention médicale dans la fonction publique : " Le représentant du personnel au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail qui constate qu'il existe une cause de danger grave et imminent, notamment par l'intermédiaire d'un agent, en alerte immédiatement le chef de service ou son représentant selon la procédure prévue au premier alinéa de l'article 5-5 et consigne cet avis dans le registre établi dans les conditions fixées à l'article 5-8. /Le chef de service procède immédiatement à une enquête avec le représentant du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail qui lui a signalé le danger et prend les dispositions nécessaires pour y remédier. Il informe le comité des décisions prises. /En cas de divergence sur la réalité du danger ou la façon de le faire cesser, notamment par arrêt du travail, de la machine ou de l'installation, le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail compétent est réuni d'urgence, dans un délai n'excédant pas vingt-quatre heures. L'inspecteur du travail est informé de cette réunion et peut y assister. / Après avoir pris connaissance de l'avis émis par le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail compétent, l'autorité administrative arrête les mesures à prendre. / A défaut d'accord entre l'autorité administrative et le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail sur les mesures à prendre et leurs conditions d'exécution, l'inspecteur du travail est obligatoirement saisi. ". 6. M. C..., qui invoque le bénéfice de ces dispositions, soutient que le directeur académique des services de l'Education nationale de Maine-et-Loire, constatant, à l'issue de la séance du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail extraordinaire tenue le 31 mars 2015, l'absence d'accord entre l'autorité administrative et les membres de ce comité sur les mesures à prendre et leurs conditions d'exécution, aurait dû saisir l'inspection du travail. Il ne ressort effectivement d'aucune pièce du dossier que le directeur académique des services de l'Education nationale de Maine-et-Loire a saisi l'inspection du travail avant de prendre la décision initiale du 31 mars 2015 puis la décision contestée du 6 novembre 2017, intervenue à l'issue d'un nouvel examen de la situation sur injonction juridictionnelle et refusant le droit de retrait. Si cette circonstance constitue une irrégularité susceptible de priver le requérant d'une garantie, il ressort toutefois des termes de son rapport du 8 avril 2015 que l'inspection du travail, directement alertée par des enseignants du collège le 2 avril 2015, a procédé à une analyse détaillée de la situation après avoir entendu les différentes parties dès le 3 avril 2015 et a livré au directeur académique des services de l'Education nationale de Maine-et-Loire des constats et préconisations précis. Compte tenu de ces éléments, M. C... n'a pas été privé, en l'espèce, de la garantie que représente, pour les personnels faisant état de leur intention d'exercer un droit de retrait à compter du 31 mars 2015, la saisine de l'inspection du travail. Le moyen doit, par suite être écarté. 7. En cinquième et dernier lieu, aux termes de l'article 5-6 du décret du 28 mai 1982 : " I. - L'agent alerte immédiatement l'autorité administrative compétente de toute situation de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu'elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé ainsi que de toute défectuosité qu'il constate dans les systèmes de protection. / Il peut se retirer d'une telle situation. / L'autorité administrative ne peut demander à l'agent qui a fait usage de son droit de retrait de reprendre son activité dans une situation de travail où persiste un danger grave et imminent résultant notamment d'une défectuosité du système de protection. /II. - Aucune sanction, aucune retenue de salaire ne peut être prise à l'encontre d'un agent ou d'un groupe d'agents qui se sont retirés d'une situation de travail dont ils avaient un motif raisonnable de penser qu'elle présentait un danger grave et imminent pour la vie ou la santé de chacun d'eux. (...) ". 8. Il ressort des pièces du dossier, en particulier des termes du procès-verbal du comité d'hygiène et sécurité et des conditions de travail qui s'est tenu le 31 mars 2015, qu'il a été constaté " qu'un climat de violence règne au sein du collège Lurçat classé en REP + et qu'un certain nombre d'enseignants ont fait l'objet de menaces, de violences physiques et verbales ". Par ailleurs, le rapport de l'inspection du travail cité au point 6 indique que " la pression est plus importante depuis environ six mois ". C'est dans ce contexte que plusieurs enseignants de ce collège, dont le requérant, ont décidé d'exercer leur droit de retrait à partir du 31 mars 2015. Il est également constant que M. C..., qui indique avoir été victime d'incidents, notamment de menaces de mort de la part d'élèves de l'établissement au mois d'avril 2009 puis en novembre 2014 et janvier 2015, événements à l'origine de deux dépôts de plainte, a consulté son médecin traitant le 30 mars 2015, soit la veille de l'exercice de son droit de retrait. Ce dernier lui a proposé à raison d'un risque de décompensation anxio-dépressive au regard des événements rappelés ci-dessus un arrêt de travail qu'il a cependant refusé. Ainsi, si la situation de travail des personnels au sein du collège ... au mois de mars 2015, qui était particulièrement difficile et s'était dégradée, pouvait présenter un caractère de gravité, notamment pour M. C..., il n'est cependant pas davantage en appel qu'en première instance fait état d'éléments relatifs aux conditions de travail de cet agent, de nature à caractériser un risque imminent pour lui au moment où il a exercé son droit de retrait. Dès lors, en refusant de reconnaître comme fondé l'exercice par M. C... de son droit de retrait, le directeur académique des services de l'Education nationale de Maine-et-Loire n'a pas entaché sa décision d'une erreur d'appréciation. 9. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Sur les conclusions à fin d'injonction : 10. L'exécution du présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions présentées par M. C... tendant à ce que ses droits à rémunération soient rétablis pour la période du 31 mars au 9 avril 2015 ne peuvent qu'être rejetées. Sur les conclusions tendant à ce que l'Etat soit condamné pour résistance abusive : 11. Les conclusions indemnitaires de M. C... n'ont, comme cela a été opposé en première instance par le directeur académique des services de l'Education nationale de Maine-et-Loire, été précédées d'aucune réclamation préalable, et n'ont pas fait l'objet d'une régularisation postérieure. Par suite, elles sont irrecevables et doivent, en tout état de cause, être rejetées. Sur les frais liés au litige : 12. Les dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, le versement d'une somme au titre des frais exposés par M. C... et non compris dans les dépens. DECIDE : Article 1er : La requête de M. C... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et à la rectrice de l'académie de Nantes. Une copie sera transmise au directeur académique des services de l'éducation nationale de Maine-et-Loire. Délibéré après l'audience du 10 mars 2023, à laquelle siégeaient : - M. Gaspon, président de chambre, - M. Coiffet, président-assesseur, - Mme Gélard, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mars 2023. Le rapporteur, O. B... Le président, O. GASPON Le greffier, P. BONNIEU La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 21NT01808
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Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 17 septembre 2021 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Par un jugement n° 2122438 du 23 février 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 26 mars 2022, ainsi que des pièces enregistrées le 10 octobre 2022, M. B..., représenté par Me Camus, demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) d'annuler cet arrêté ou, à défaut, l'obligation de quitter le territoire français ; 3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la date de notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation, dans les mêmes conditions de délai et sous astreinte de 100 euros par jours de retard, et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour : - elle est entachée d'une insuffisance de motivation ; - le préfet n'a pas procédé à un examen complet de sa situation ; - le préfet n'a pas examiné sa demande de titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors même que la préfecture a accusé réception de sa demande ; - elle méconnait les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ; En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français : - elle méconnait les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle. Par un mémoire en défense, enregistré le 19 avril 2022, le préfet des Hauts-de-Seine conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés et s'en remet à ses écritures de première instance. Par une ordonnance du 1er décembre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 19 décembre 2022 à 12h00. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Mantz, rapporteur, - les observations de Me Camus, avocat de M. B.... Considérant ce qui suit : 1. M. B..., ressortissant malien né le 21 avril 1999, est entré en France en octobre 2015 selon ses déclarations, à l'âge de seize ans, et a été pris en charge par l'aide sociale à l'enfance du Finistère. S'étant marié le 22 juin 2020 à Saint-Pierre-d'Exideuil (Vienne) avec Mme E... A..., de nationalité française, il a sollicité le 3 juin 2021 un titre de séjour en qualité de conjoint d'une ressortissante française, sur le fondement des dispositions des articles L. 423-1 et L. 423-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 17 septembre 2021, le préfet des Hauts-de-Seine lui a refusé la délivrance du titre sollicité, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. B... relève appel du jugement du 23 février 2022 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Sur les conclusions à fin d'annulation : 2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". 3. Il ressort des pièces du dossier que M. B..., après avoir bénéficié de contrats " jeune majeur " dans le cadre de son suivi éducatif, a obtenu un certificat d'aptitude professionnelle (CAP) d'électricien en 2018, un brevet d'études professionnelles en 2019 puis un baccalauréat professionnel en 2020, formation complétée par une habilitation en électricité et une formation de secouriste au travail, également obtenues en 2020. Il justifie par ailleurs, par de nombreuses pièces probantes, d'une vie commune continue depuis novembre 2018 avec Mme A..., avec laquelle il s'est marié le 22 juin 2020. Dans les circonstances particulières de l'espèce, eu égard notamment aux gages sérieux d'insertion sociale et professionnelle que présente l'intéressé et à la circonstance qu'il a fixé en France le centre de ses intérêts personnels et familiaux, l'arrêté attaqué du 17 septembre 2021 portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels ces deux mesures ont été prises et, en conséquence, a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, M. B... est fondé, pour ce motif, à demander l'annulation de cet arrêté. 4. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte : 5. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ". 6. Eu égard au motif d'annulation retenu au point 3, l'exécution du présent arrêt implique que soit délivré à M. B... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ". Il y a lieu, par suite, en application des dispositions précitées de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, d'enjoindre au préfet de police, territorialement compétent, de délivrer le titre de séjour sollicité par l'intéressé dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu, en revanche, d'assortir cette injonction d'une astreinte. Sur les frais liés au litige : 7. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ". 8. En application de ces dispositions, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à M. B... au titre des frais d'instance non compris dans les dépens. DECIDE : Article 1er : Le jugement n° 2122438 du tribunal administratif de Paris du 23 février 2022 et l'arrêté du préfet des Hauts-de-Seine du 17 septembre 2021 sont annulés. Article 2 : Il est enjoint au préfet de police de délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " à M. B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer, au préfet des Hauts-de-Seine et au préfet de police. Délibéré après l'audience du 14 mars 2023, à laquelle siégeaient : - M. d'Haëm, président, - M. Mantz, premier conseiller, - Mme d'Argenlieu, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mars 2023. Le rapporteur, P. MANTZLe président, R. d'HAËM La greffière, A. GASPARYAN La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. N° 22PA01425 2
JADE/CETATEXT000047375669.xml
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : La SELARL Pharmacie du Château a demandé au tribunal administratif de Poitiers de prononcer la décharge, en droits et majorations, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices 2014 et 2015. Par un jugement n° 1903157 du 11 mars 2021, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté la demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 20 avril 2021, et des mémoires enregistrés les 7 décembre 2022 et 13 janvier 2023, ce dernier mémoire n'ayant pas fait l'objet de communication, la société d'exercice libéral à responsabilité limitée (SELARL) Pharmacie du Château, représentée par Me Nicolaou et Me Belouis, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement n° 1903157 du 11 mars 2021 du tribunal administratif de Poitiers ; 2°) de prononcer la décharge, en droits et majorations, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos les 30 septembre 2014 et 2015 ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - elle a été privée d'une garantie substantielle, dès lors que le vérificateur a adressé sa proposition de rectification le 29 septembre 2017, sans que l'entretien demandé avec le chef de brigade avant la clôture du contrôle sur place et de l'envoi de la proposition de rectification n'ait pu avoir lieu ; cette demande a été expressément refusée ; la procédure est irrégulière, au regard de la charte du contribuable ; - les provisions en cause ont été comptabilisées sur la base d'une dépréciation effective, appréciée à partir d'éléments objectifs; la constatation des deux provisions pour dépréciation du fonds de commerce en 2014 et 2015 est motivée par le constat qu'elle a connu une baisse significative de 17,43 % de son chiffre d'affaires HT ; son estimation a été confortée par les publications d'un cabinet d'expertise indépendant, dont les études démontrent une baisse du taux de chiffre d'affaires retenu pour le calcul de la valeur de cessions des officines ; le secteur de la pharmacie est en crise profonde ; elle a dû prendre des décisions radicales, notamment de licenciements, afin d'éviter la cessation des paiements et la procédure collective, de maintenir une rentabilité conforme aux exigences posées par ses partenaires bancaires ; le fait que la rentabilité ne se soit pas fortement dégradée n'est pas due à une valorisation stable de son fonds de commerce, et à une exploitation conforme au passé, mais aux mesures exceptionnelles prises par le dirigeant. Par des mémoires en défense, enregistrés les 19 octobre 2021 et 5 janvier 2023, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens soulevés par la société Pharmacie du Château ne sont pas fondés. Par ordonnance du 1er décembre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 1er février 2023 à 12 heures. Vu : - les autres pièces du dossier. Vu : - le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme B... A..., - et les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. La société Pharmacie du Château, qui exerce l'activité de vente au détail de produits pharmaceutiques dans une officine à Jarnac (Charente), a fait l'objet d'une vérification de comptabilité sur la période du 1er octobre 2012 au 30 septembre 2015, à l'issue de laquelle le service a remis en cause, au titre des exercices clos les 30 septembre 2014 et 2015, la déductibilité de provisions pour dépréciation du fonds de commerce d'un montant respectif de 137 000 euros et de 291 000 euros. La société Pharmacie du Château relève appel du jugement du 11 mars 2021 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté la demande de décharge, en droits et majorations, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mis à sa charge, pour un montant total de 61 093 euros, au titre des exercices clos les 30 septembre 2014 et 2015. Sur la procédure d'imposition : 2. Aux termes du dernier alinéa de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales, : " Les dispositions contenues dans la charte des droits et obligations du contribuable vérifié mentionnée au troisième alinéa de l'article L. 47 sont opposables à l'administration. ". La charte remise au contribuable prévoit que : " En cas de difficultés, vous pouvez vous adresser à l'inspecteur divisionnaire ou principal et ensuite à l'interlocuteur désigné par le directeur. Leur rôle vous est précisé plus loin (...). Vous pouvez les contacter pendant le contrôle ". Elle précise qu'en cas de désaccord avec le vérificateur, le contribuable peut saisir l'inspecteur divisionnaire ou principal. Elle énonce, à cet égard : " Si le vérificateur a maintenu totalement ou partiellement les rectifications envisagées, des éclaircissements supplémentaires peuvent vous être fournis si nécessaire par l'inspecteur divisionnaire ou principal ", puis, " Si, après ces contacts des divergences importantes subsistent, vous pouvez faire appel à l'interlocuteur spécialement désigné par le directeur dont dépend le vérificateur ". 3. La possibilité pour le contribuable de s'adresser, dans les conditions précisées par les passages précédemment cités de la charte, au supérieur hiérarchique du vérificateur puis, le cas échéant, à l'interlocuteur départemental ou régional constitue une garantie substantielle ouverte à l'intéressé à deux moments distincts de la procédure de rectification, en premier lieu, au cours de la vérification et avant l'envoi de la proposition de rectification ou la notification des bases d'imposition d'office pour ce qui a trait aux difficultés affectant le déroulement des opérations de contrôle et, en second lieu, pour les contribuables faisant l'objet d'une procédure de rectification contradictoire, après la réponse faite par l'administration fiscale à leurs observations sur la proposition de rectification en cas de persistance d'un désaccord sur le bien-fondé des rectifications envisagées. 4. Il résulte de l'instruction que la vérification de comptabilité de la société appelante s'est déroulée du 8 juin 2016 au 27 septembre 2017 et a fait l'objet d'une réunion de synthèse le 27 septembre 2017. Par son courrier du 27 septembre 2017, transmis par courriel le même jour à l'inspecteur des finances publiques, la société Pharmacie du Château, par le biais de son conseil, a sollicité un entretien avec le chef de brigade " dans les meilleurs délais (...) pour exposer ces difficultés dans le déroulement de cette procédure ". Cette demande, dont il a été accusé réception le 28 septembre 2017, a été formulée avant que le vérificateur n'adresse la proposition de rectification en date du 28 septembre 2017, distribuée le 30 septembre suivant. Le 2 octobre 2017, l'inspecteur principal des finances publiques a proposé au contribuable, pour faire suite à sa demande, émise le 27 septembre 2017, deux dates d'entrevue les 13 ou 16 octobre 2017. Par courriel du même jour, le conseil de la société Pharmacie du Château a répondu que le vérificateur ayant entretemps adressé la proposition de rectification, il allait y répondre prochainement et demanderait une prorogation de délai. Aucune disposition légale ni aucune énonciation de la charte du contribuable vérifié n'impose que l'entretien avec le supérieur hiérarchique du vérificateur, demandé par le contribuable, intervienne avant la réception de la proposition de rectification. Il résulte de l'instruction que la société Pharmacie du Château doit ainsi être regardée comme ayant expressément renoncé à la demande d'entretien formée le 27 septembre 2017. Dès lors que la société appelante n'a pas été irrégulièrement privée de l'une des garanties procédurales offertes par la charte des droits et obligations du contribuable vérifié, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure d'imposition doit être écarté. Sur le bien-fondé de l'imposition : 5. Aux termes de l'article 39 du code général des impôts, applicable à l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 206 du même code : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : (...) / 5° Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables, à condition qu'elles aient été effectivement constatées dans les écritures de l'exercice. (...) ". Aux termes de l'article 38 sexies de l'annexe III au code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l'imposition en litige : " La dépréciation des immobilisations qui ne se déprécient pas de manière irréversible, notamment les terrains, les fonds de commerce, les titres de participation, donne lieu à la constitution de provisions dans les conditions prévues au 5° du 1 de l'article 39 du code général des impôts ". 6. Il résulte de ces dispositions qu'une entreprise peut valablement porter en provision et déduire des bénéfices imposables des sommes correspondant à des pertes ou charges qui ne seront supportées qu'ultérieurement par l'entreprise, à la condition que ces pertes ou charges soient nettement précisées quant à leur nature et susceptibles d'être évaluées avec une approximation suffisante, qu'elles apparaissent en outre comme probables eu égard aux circonstances de fait constatées à la date de clôture de l'exercice, et qu'enfin, elles se rattachent aux opérations de toute nature déjà effectuées à cette date par l'entreprise. Il appartient au contribuable, indépendamment des règles qui régissent la charge de la preuve pour des raisons de procédure, d'établir le bien-fondé et de justifier du montant d'une telle provision au regard des caractéristiques de l'exploitation au cours de la période en litige. 7. Il résulte de l'instruction que le 15 janvier 2010, la société Pharmacie du Château a acquis le fonds de commerce de pharmacie appartenant à la SNC Pharmacie du Château pour une valeur de 1 720 000 euros, dont 1 678 000 euros pour les éléments incorporels. Ce fonds de commerce a été porté au titre des exercices clos, à l'actif de la société pour les montants de 1 266 693 euros en 2014 et de 1 249 083 euros pour l'exercice clos en 2015, et la société a déduit de son résultat fiscal des dotations de provisions pour dépréciation du fonds de commerce pour des montants respectifs de 137 000 euros pour l'exercice clos en 2014 et 291 000 euros pour l'exercice clos en 2015. 8. Pour justifier, lors de la vérification de comptabilité, des provisions ainsi comptabilisées, la société Pharmacie du Château a produit une étude réalisée par le cabinet d'expertise Interfimo, utilisant deux méthodes de valorisation du fonds de commerce, la première fondée sur la valeur vénale et la seconde sur la valeur d'usage. La valeur vénale a été déterminée en fonction du marché de la négociation des officines, tel qu'il ressort des données recueillies par la société Interfimo, en appliquant aux chiffres d'affaires moyens calculés sur les trois derniers exercices, le taux moyen Interfimo, établi au mois de mars de chaque année (84 % pour 2014 et 2015). La valeur d'usage a été calculée par l'application de la méthode dite EBE, consistant à appliquer à l'excédent brut d'exploitation retraité, le coefficient de référence, retenu par Interfimo de 7,7 % en 2014 et de 7,4 % en 2015, la valorisation du fonds ainsi obtenue s'élevant à 1 099 876 euros pour l'exercice 2014 et à 1 119 879 euros pour l'exercice 2015. Les montants des provisions retenus ont respectivement représenté 33 % et 68 % de la dépréciation estimée sur la base la moins défavorable au titre de chaque exercice. Le service vérificateur a remis en cause la provision pour dépréciation du fonds de commerce en l'absence d'élément concret, qui résulterait d'évènements en cours à la clôture de chaque exercice et au motif que des statistiques sont établies sans qu'il soit tenu compte des particularités et spécificités du fonds exploité. 9. Pour justifier des provisions litigieuses, la société appelante se prévaut de la situation du marché des officines en France, en baisse depuis plusieurs années, d'une baisse de son chiffre d'affaires HT évaluée à 17,43 % et de mesures exceptionnelles, telles que des licenciements, que les dirigeants ont dû mettre en œuvre pour maintenir une rentabilité exigée par les partenaires bancaires et éviter la cessation de paiements. La société ne produit toutefois aucune pièce propre à son exploitation et aux caractéristiques de son officine. Il résulte de l'instruction que si le résultat comptable déclaré a baissé de 18 % au titre de l'exercice clos au 30 septembre 2015, ledit résultat est en hausse constante depuis la clôture de l'exercice en 2012 et le chiffre d'affaires marque une augmentation de 2,24 % en 2014 et 7,01 % en 2015. Si le montant des salaires a effectivement diminué entre la clôture 2013 et la clôture 2014, avant d'être de nouveau en hausse à la clôture 2015, la société ne démontre pas que les choix en matière de ressources humaines et de rémunération auraient été motivés par des difficultés économiques de l'entreprise. Ainsi, c'est à bon droit que le service vérificateur a considéré que la probabilité de la dépréciation du fonds de commerce n'était pas avérée eu égard aux circonstances de fait constatées à la date de clôture des exercices en cause et a réintégré les provisions litigieuses aux résultats imposables. 10. Il résulte de tout ce qui précède que la société Pharmacie du Château n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande. Sur les frais liés à l'instance : 11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que la société Pharmacie du Château demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. DECIDE : Article 1er : La requête de la société Pharmacie du Château est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Pharmacie du Château et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Copie en sera adressée à la direction spécialisée de contrôle fiscal Sud-Ouest. Délibéré après l'audience du 7 mars 2023 à laquelle siégeaient : Mme Bénédicte Martin, présidente, M. Michaël Kauffmann, premier conseiller, Mme Pauline Reynaud, première conseillère, Rendu public par mise à disposition au greffe, le 28 mars 2023. Le premier conseiller, Michaël Kauffmann La présidente-rapporteure, Bénédicte A... La greffière, Caroline Brunier La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. 2 N° 21BX01666
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Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. C... E... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 26 octobre 2021 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné à l'expiration de ce délai. Par un jugement n° 2125610 du 11 avril 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête et trois mémoires, enregistrés respectivement le 11 mai 2022, le 20 juin 2022, le 26 septembre 2022 et le 12 novembre 2022, M. E..., représenté par Me Oudy, demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ; 3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer le titre de séjour sollicité dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement, au titre de la première instance, de la somme de 1 500 euros et, au titre de la présente instance, de la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - l'arrêté attaqué méconnaît le principe de loyauté de l'administration ; - il est entaché d'un défaut de motivation s'agissant de l'abrogation de la décision lui accordant un titre de séjour ; - il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - il méconnaît les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - il méconnaît le paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. Par un mémoire en défense, enregistré le 7 octobre 2022, le préfet de police conclut au rejet de la requête. Il soutient que : - les moyens soulevés par M. E... et tirés d'une prétendue méconnaissance du principe de loyauté et d'un défaut de motivation de l'abrogation d'une décision lui accordant un titre de séjour, sont inopérants ; - les autres moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés. Par une ordonnance du 14 novembre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 7 décembre 2022 à 12h00. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - l'accord du 17 mars 1988 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Tunisie en matière de séjour et de travail ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. d'Haëm, président-rapporteur. Considérant ce qui suit : 1. M. E..., ressortissant tunisien, né le 29 novembre 1981 et entré en France, selon ses déclarations, le 27 mai 2015, a sollicité, le 29 juin 2021, son admission exceptionnelle au séjour au titre de sa vie privée et familiale sur le fondement des dispositions des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 26 octobre 2021, le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné à l'expiration de ce délai. M. E... fait appel du jugement du 11 avril 2022 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Sur les conclusions à fin d'annulation : 2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". 3. Il ressort des pièces du dossier et il n'est pas sérieusement contesté en défense que M. E..., qui établit séjourner en France depuis au moins le mois de juin 2015, justifie, par les pièces produites en première instance et en appel, qu'il y a vécu depuis lors avec son épouse, Mme D... H..., et leurs trois enfants, A... née en Tunisie le 19 août 2012, G... né en France le 11 mai 2017 et B... né en France le 31 octobre 2019. En outre, son épouse, qui a été admise au séjour, était titulaire, à la date de l'arrêté attaqué du 26 octobre 2021, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", valable jusqu'au 16 juin 2022, et, au surplus, s'est vue délivrer, postérieurement à cet arrêté, une carte pluriannuelle portant la mention " vie privée et familiale ", valable du 17 juin 2022 au 16 juin 2024. Par ailleurs, alors que les enfants A... et G... ont été scolarisés sur le territoire, l'enfant B..., qui a fait l'objet d'une longue hospitalisation en 2019, a bénéficié, depuis sa naissance, d'une prise en charge médicale pour une trisomie 21 avec canal atrioventriculaire intermédiaire et asthme du nourrisson. Enfin, M. E... justifie, notamment par des encaissements réguliers de chèques, avoir travaillé pour la société " LCBAT ", afin de subvenir aux besoins de sa famille, alors qu'au demeurant, son épouse a trouvé, moins de deux mois après l'arrêté contesté, un emploi d'agent contractuel auprès de la caisse des écoles de la mairie du 13ème arrondissement de Paris. Ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances particulières de l'espèce, notamment de l'intensité des liens personnels et familiaux dont M. E... peut se prévaloir en France ainsi que de l'intérêt de sa présence auprès de son fils B... et alors même qu'il a fait l'objet, en 2016 et 2018, de deux mesures d'éloignement, qui n'ont pas été exécutées, l'arrêté attaqué du 26 octobre 2021 portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels ces mesures ont été prises et a ainsi méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, M. E... est fondé, pour ce motif, à demander l'annulation de cet arrêté. 4. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés par le requérant, que M. E... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Sur les conclusions à fin d'injonction : 5. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution (...) ". 6. Eu égard au motif d'annulation retenu au point 3, le présent arrêt implique nécessairement que le préfet de police délivre à M. E... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ". Ainsi et en l'absence d'un changement dans les circonstances de droit ou de fait propres à la présente espèce invoqué par l'autorité préfectorale, il y a lieu d'ordonner au préfet de police de procéder à la délivrance de ce titre de séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. En revanche, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte. Sur les frais liés au litige : 7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. E... et non compris dans les dépens. DÉCIDE : Article 1er : Le jugement n° 2125610 du 11 avril 2022 du tribunal administratif de Paris et l'arrêté du 26 octobre 2021 du préfet de police refusant à M. E... la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel il pourra être éloigné à l'expiration de ce délai, sont annulés. Article 2 : Il est enjoint au préfet de police de délivrer à M. E... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Article 3 : L'Etat versera à M. E... une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. E... est rejeté. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... E..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au préfet de police. Délibéré après l'audience du 14 mars 2023, à laquelle siégeaient : - M. d'Haëm, président, - Mme d'Argenlieu, première conseillère, - Mme Saint-Macary, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mars 2023. Le président-rapporteur, R. d'HAËML'assesseure la plus ancienne, L. d'ARGENLIEU La greffière, A. GASPARYAN La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 22PA02170
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Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... C... et le syndicat CFDT Chimie Energie Bretagne ont demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 22 août 2019 par laquelle l'inspectrice du travail a autorisé la société Bic Ecriture 2 000 (BE 2000) à procéder au licenciement pour motif économique de ce salarié. Par un jugement n° 1905246 du 17 janvier 2022, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire enregistrés les 7 mars 2022 et 3 février 2023, M. C..., représenté par Me Beziz, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 17 janvier 2022 ; 2°) d'annuler la décision du 22 août 2019 ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - les premiers juges ont omis de se prononcer sur le réel motif des licenciements autorisés et ont ainsi insuffisamment motivé leur jugement ; - la décision contestée, qui se fonde sur les motifs invoqués devant les représentants du personnel le 5 décembre 2018, est insuffisamment motivée ; - l'inspectrice du travail s'est abstenue de vérifier la réalité de la menace sur la compétitivité du secteur d'activité des instruments d'écriture du groupe Bic ; elle ne s'est pas assurée que les licenciements envisagés n'étaient pas la conséquence de la cession de la société Bic Sport ; - le motif des licenciements devait être apprécié au niveau du secteur des instruments d'écriture en France et non au niveau du groupe Bic ou du secteur de la papeterie au niveau mondial ; - la menace sur la compétitivité de la société BE 2000 n'est pas établie ; - il n'est pas davantage établi que les licenciements envisagés auraient permis d'enrayer une chute irréversible de la compétitivité du groupe Bic au regard de ses concurrents. Par un mémoire en intervention, enregistré le 16 mars 2022, le syndicat CFDT Chimie Energie Bretagne, représenté par Me Beziz, conclut aux mêmes fins que la requête présentée par M. C... et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761 1 du code de justice administrative. Il indique qu'il fait siens les moyens développés par M. C.... Par des mémoires, enregistrés les 8 juillet 2022 et 17 février 2023, la société Bic Ecriture 2000, représentée par Me Muchada, conclut au rejet de la requête présentée par M. C... et à ce que la somme de 1 000 euros soit mise à la charge de l'intéressé au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés. Par un mémoire en défense, enregistré le 8 juillet 2022, la société Bic Ecriture 2000, représentée par Me Muchada, conclut au rejet des conclusions présentées par le syndicat CFDT Chimie Energie Bretagne et à ce que la somme de 1 000 euros soit mise à la charge du syndicat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que les conclusions du syndicat CFDT sont irrecevables et infondées. En dépit d'une mise en demeure adressée au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion le 5 juillet 2022, ce dernier n'a pas produit de mémoire en défense. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code du travail ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme A..., - les conclusions de Mme Malingue, rapporteure publique, - les observations de Me Guyot, substituant Me Beziz, représentant M. C..., - et les observations de Me Muchada représentant la société BE 2000. Considérant ce qui suit : 1. Le Groupe Bic exerce son activité dans trois domaines distincts : la papeterie, les briquets et les rasoirs. La société Bic Ecriture 2000 (BE 2000), qui fait partie de ce groupe, intervient dans le premier secteur. Elle exerçait son activité au sein de deux établissements, l'un situé à Marne-la-Vallée, spécialisé dans la fabrication de stylos à bille, et l'autre situé à Vannes, spécialisé dans la fabrication de stylos 4 couleurs, de stylos " Atlantis " et " Velocity-Gelocity ". Le 20 novembre 2018, le comité social et économique (CSE) central et les CSE d'établissements de Vannes et de Marne-la-Vallée ont été informés d'un projet de réorganisation consistant à transférer une partie de la production de l'établissement de Vannes à Marne-la-Vallée et l'autre partie en Tunisie. Les 20 et 21 février 2019, ils ont émis un avis défavorable à cette restructuration, qui impliquait la fermeture du site de Vannes, la transformation de 6 postes permanents transférés à Marne-la-Vallée et la suppression de 30 emplois. Le 26 mars 2019, l'accord collectif majoritaire signé le 19 février 2019 et le document unilatéral relatif au projet de licenciement collectif ont néanmoins été homologués par la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Bretagne. Le 5 juillet 2019, la société BE 2000 a sollicité l'autorisation de procéder au licenciement pour motif économique de M. C..., embauché en qualité de ..., membre du CSE de l'établissement de Vannes, délégué syndical CFDT et représentant syndical CFDT au CSE central. Ce salarié, ainsi que le syndicat CFDT Chimie Energie Bretagne, ont saisi le tribunal administratif de Rennes d'une demande tendant à l'annulation de la décision du 22 août 2019 par laquelle l'inspectrice du travail a accordé l'autorisation de le licencier. Ils relèvent appel du jugement du 17 janvier 2022 du tribunal administratif rejetant leur requête. Sur l'intervention du syndicat CFDT Chimie Energie Bretagne : 2. Le 16 mars 2022, le syndicat CFDT Chimie Energie Bretagne a présenté un mémoire " en intervention " à l'appui des conclusions de M. C.... Il est toutefois constant qu'en première instance, il avait la qualité de " partie ". A ce titre, une notification du jugement rendu lui a été adressée, sans contestation en appel de la régularité du jugement sur ce point. Par suite, le syndicat avait qualité pour faire appel de ce jugement, et, ainsi que le soutient la société BIC, son intervention en appel n'est donc pas recevable. En revanche, dès lors que ce mémoire a été enregistré au greffe de la cour dans le délai d'appel, il doit être qualifié d'appel principal. Il est par suite recevable à ce titre. Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision contestée : 3. Aux termes de l'article L. 1233-3 du code du travail : " Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment : 1° A des difficultés économiques caractérisées soit par l'évolution significative d'au moins un indicateur économique tel qu'une baisse des commandes ou du chiffre d'affaires, des pertes d'exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l'excédent brut d'exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés (...) 3° A une réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité (...) Les difficultés économiques (...) ou la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise s'apprécient au niveau de cette entreprise si elle n'appartient pas à un groupe et, dans le cas contraire, au niveau du secteur d'activité commun à cette entreprise et aux entreprises du groupe auquel elle appartient, établies sur le territoire national, sauf fraude (...) Le secteur d'activité permettant d'apprécier la cause économique du licenciement est caractérisé, notamment, par la nature des produits biens ou services délivrés, la clientèle ciblée, ainsi que les réseaux et modes de distribution, se rapportant à un même marché (...) ". 4. En vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Lorsque l'employeur sollicite une autorisation de licenciement pour motif économique fondée sur le refus du salarié protégé d'accepter une modification de son contrat de travail, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si cette modification était justifiée par un motif économique. A cet égard, lorsque la demande d'autorisation de licenciement pour motif économique est fondée sur la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise, l'autorité administrative doit s'assurer du bien-fondé d'un tel motif, en appréciant la réalité de la menace pour la compétitivité de l'entreprise, le cas échéant, au niveau du secteur d'activité dont relève l'entreprise en cause au sein du groupe. Il appartient également à l'administration de vérifier que la modification du contrat de travail est, non " strictement nécessaire ", mais justifiée par le motif économique allégué. 5. Pour solliciter l'autorisation de licencier, la société BE 2000 a invoqué, dans sa demande d'autorisation de licenciement du 5 juillet 2019, la nécessité pour le groupe Bic de sauvegarder sa compétitivité sur le secteur des instruments d'écriture. Si M. C... soutient que ce motif doit être apprécié au niveau du secteur des instruments d'écriture uniquement en France, et non au niveau mondial, il est toutefois constant que la société BE 2000, spécialisée dans la fabrication de stylos, appartient au groupe Bic et que plus des trois quarts de la production française de ce groupe, pour le secteur des instruments d'écriture, sont destinés à l'exportation en Europe ou aux Etats-Unis. Ainsi 70 % des stylos Atlantis et 80 % des stylos Gelocity-Velocity produits à Vannes étaient exportés aux Etats-Unis. Par ailleurs, le secteur papeterie du groupe, plus large que celui des seuls instruments d'écriture, ne peut être retenu pour apprécier la réalité du motif économique invoqué par la société BE 2000 pour justifier le licenciement de M. C.... 6. Pour justifier sa demande, la société Bic se prévaut de la circonstance qu'en 2018, la gamme Atlantis a été déréférencée des magasins Sam's club, situés aux Etats-Unis, entraînant la perte d'un marché de 6 millions d'unités par an. Elle ajoute que la vente de stylos à bille a connu une baisse de près de 5 % sur le marché américain. Plus globalement, elle met en avant le fait qu'entre 2015 et 2017, le marché des instruments d'écriture a subi une forte régression face à la montée en puissance du numérique et a été directement affecté par l'augmentation du coût des matières premières. Le rapport d'expertise comptable Syndex, mandaté par le CSEC dans le cadre du projet de restructuration de la société BE 2000, a confirmé la dégradation des marges d'exploitation des fabricants dans ce domaine et les difficultés du groupe Bic à gagner des parts de marché dans les pays en croissance. La société BE 2000 fait également valoir que ses principaux concurrents disposent d'usines dans des pays où les coûts de production sont faibles, ce qui leur permet d'investir massivement dans des campagnes publicitaires onéreuses afin de mieux résister à la dégradation des marchés européens ou américains. La société précise enfin qu'entre 2015 et 2018, son concurrent Pilot a enregistré une croissance de 7% et que les ventes de son autre concurrent Stabilo ont stagné alors que celles de Bic ont chuté de 2,63 %. 7. Il ressort cependant des pièces du dossier que, si le secteur d'activité des instruments d'écriture subit depuis plusieurs années des aléas commerciaux emportant des conséquences sur la production, les ventes et les stocks, la baisse d'activité commerciale enregistrée, pour le secteur " instruments d'écriture ", par le groupe Bic et décrite, pour les années en cause, au point 6 restait, en volume, mesurée par rapport à celles de ses concurrents. Sa part de marché est en effet passée, en France, de 377 631 à 367 685 unités entre 2015 et 2018, alors que celle de Pilot restait limitée à moins de 25 000 unités et que celle du groupe " Tradebrand § Exclusive " chutait de 246 199 à 193 256 unités alors que les autres principaux concurrents (Newell et Stabilo) connaissaient également un recul. Les parts de marché relatives sur la zone Europe et pour la même période sont demeurées stables entre ces principaux concurrents. De ce fait, le groupe Bic restait à la date de la décision contestée le leader mondial du marché des instruments d'écriture et sa compétitivité relative, seule invoquée dans la demande d'autorisation de licenciement, ne faisait pas l'objet d'une menace rendant alors nécessaire une réorganisation, sur la base des éléments présentés. A cet égard, si la société fait valoir à juste titre, qu'il n'appartient pas à l'inspecteur du travail, ni d'ailleurs au juge administratif, de remettre en cause ses choix de gestion opérés lors de la cession de la société Bic Sport de Vannes intervenue quelques mois avant l'engagement de la procédure de licenciement litigieuse, elle n'apporte aucun autre élément de nature à démontrer, pour cette seule branche d'activité des instruments d'écriture, une menace sur sa compétitivité. 8. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens, et notamment celui se rapportant à la régularité du jugement attaqué, que M. C... ainsi que le syndicat CFDT Chimie Energie Bretagne sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 22 août 2019 autorisant son licenciement. Sur les frais liés au litige : 9. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement, respectivement, à M. C... et au syndicat CFDT Chimie Energie Bretagne d'une somme de 1 000 euros chacun au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de M. C... et du syndicat CFDT Chimie Energie Bretagne, qui ne sont pas, dans la présente instance, parties perdantes, le versement à la société Bic Ecriture 2000, des sommes qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. DÉCIDE : Article 1er : L'intervention du syndicat CFDT Chimie Energie Bretagne n'est pas admise. Article 2 : Le jugement n° 1905246 du tribunal administratif de Rennes en date du 17 janvier 2022 ainsi que la décision du 22 août 2019 par laquelle l'inspectrice du travail a autorisé la société Bic Ecriture 2 000 à procéder au licenciement pour motif économique de M. C... sont annulés. Article 3 : L'Etat versera, respectivement, à M. C... et au syndicat CFDT Chimie Energie Bretagne la somme de 1000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. C... et du syndicat CFDT Chimie Energie Bretagne est rejeté. Article 5 : Les conclusions de la société Bic Ecriture 2000 tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C..., à la CFDT Chimie Energie Bretagne, à la société Bic Ecriture 2000 et au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion. Délibéré après l'audience du 10 mars 2023, à laquelle siégeaient : - M. Gaspon, président de chambre, - M. Coiffet, président-assesseur, - Mme Gélard, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 28 mars 2023. La rapporteure, V. GELARDLe président, O. GASPON La greffière, P. BONNIEU La République mande et ordonne au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 22NT00701
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Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... C... et le syndicat CFDT Chimie Energie Bretagne ont demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 4 septembre 2019 par laquelle l'inspectrice du travail a autorisé la société Bic Ecriture 2 000 (BE 2000) à procéder au licenciement pour motif économique de ce salarié. Par un jugement n° 1905249 du 17 janvier 2022, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire enregistrés les 7 mars 2022 et 3 février 2023, M. C..., représenté par Me Beziz, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 17 janvier 2022 ; 2°) d'annuler la décision du 4 septembre 2019 ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - les premiers juges ont omis de se prononcer sur le réel motif des licenciements autorisés et ont ainsi insuffisamment motivé leur jugement ; - la décision contestée, qui se fonde sur les motifs invoqués devant les représentants du personnel le 5 décembre 2018, est insuffisamment motivée ; - l'inspectrice du travail s'est abstenue de vérifier la réalité de la menace sur la compétitivité du secteur d'activité des instruments d'écriture du groupe Bic ; elle ne s'est pas assurée que les licenciements envisagés n'étaient pas la conséquence de la cession de la société Bic Sport ; - le motif des licenciements devait être apprécié au niveau du secteur des instruments d'écriture en France et non au niveau du groupe Bic ou du secteur de la papeterie au niveau mondial ; - la menace sur la compétitivité de la société BE 2000 n'est pas établie ; - il n'est pas davantage établi que les licenciements envisagés auraient permis d'enrayer une chute irréversible de la compétitivité du groupe Bic au regard de ses concurrents. Par un mémoire en intervention, enregistré le 16 mars 2022, le syndicat CFDT Chimie Energie Bretagne, représenté par Me Beziz, conclut aux mêmes fins que la requête présentée par M. C... et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il indique qu'il fait siens les moyens développés par M. C.... Par des mémoires, enregistrés les 8 juillet 2022 et 17 février 2023, la société Bic Ecriture 2000, représentée par Me Muchada, conclut au rejet de la requête présentée par M. C... et à ce que la somme de 1 000 euros soit mise à la charge de l'intéressé au titre de l'article L. 761 1 du code de justice administrative. Elle soutient que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés. Par un mémoire en défense, enregistré le 8 juillet 2022, la société Bic Ecriture 2000, représentée par Me Muchada, conclut au rejet des conclusions présentées par le syndicat CFDT Chimie Energie Bretagne et à ce que la somme de 1 000 euros soit mise à la charge du syndicat au titre de l'article L. 761 1 du code de justice administrative. Elle soutient que les conclusions du syndicat CFDT sont irrecevables et infondées. En dépit d'une mise en demeure adressée au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion le 5 juillet 2022, ce dernier n'a pas produit de mémoire en défense. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code du travail ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme B..., - les conclusions de Mme Malingue, rapporteure publique, - les observations de Me Guyot, substituant Me Beziz, représentant M. C..., - et les observations de Me Muchada représentant la société BE 2000. Considérant ce qui suit : 1. Le Groupe Bic exerce son activité dans trois domaines distincts : la papeterie, les briquets et les rasoirs. La société Bic Ecriture 2000 (BE 2000), qui fait partie de ce groupe, intervient dans le premier secteur. Elle exerçait son activité au sein de deux établissements, l'un situé à Marne-la-Vallée, spécialisé dans la fabrication de stylos à bille, et l'autre situé à Vannes, spécialisé dans la fabrication de stylos 4 couleurs, de stylos " Atlantis " et " Velocity-Gelocity ". Le 20 novembre 2018, le comité social et économique (CSE) central et les CSE d'établissements de Vannes et de Marne-la-Vallée ont été informés d'un projet de réorganisation consistant à transférer une partie de la production de l'établissement de Vannes à Marne-la-Vallée et l'autre partie en Tunisie. Les 20 et 21 février 2019, ils ont émis un avis défavorable à cette restructuration, qui impliquait la fermeture du site de Vannes, la transformation de 6 postes permanents transférés à Marne-la-Vallée et la suppression de 30 emplois. Le 26 mars 2019, l'accord collectif majoritaire signé le 19 février 2019 et le document unilatéral relatif au projet de licenciement collectif ont néanmoins été homologués par la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Bretagne. Le 5 juillet 2019, la société BE 2000 a sollicité l'autorisation de procéder au licenciement pour motif économique de M. C..., embauché en qualité de ..., membre du CSE de l'établissement de Vannes et du CSE central, ont saisi le tribunal administratif de Rennes d'une demande tendant à l'annulation de la décision du 4 septembre 2019 par laquelle l'inspectrice du travail a accordé l'autorisation de le licencier. Ils relèvent appel du jugement du 17 janvier 2022 du tribunal administratif rejetant leur requête. Sur l'intervention du syndicat CFDT Chimie Energie Bretagne : 2. Le 16 mars 2022, le syndicat CFDT Chimie Energie Bretagne a présenté un mémoire " en intervention " à l'appui des conclusions de M. C.... Il est toutefois constant qu'en première instance, il avait la qualité de " partie ". A ce titre, une notification du jugement rendu lui a été adressée, sans contestation en appel de la régularité du jugement sur ce point. Par suite, le syndicat avait qualité pour faire appel de ce jugement, et, ainsi que le soutient la société BIC, son intervention en appel n'est donc pas recevable. En revanche, dès lors que ce mémoire a été enregistré au greffe de la cour dans le délai d'appel, il doit être qualifié d'appel principal. Il est par suite recevable à ce titre. Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision contestée : 3. Aux termes de l'article L. 1233-3 du code du travail : " Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment : 1° A des difficultés économiques caractérisées soit par l'évolution significative d'au moins un indicateur économique tel qu'une baisse des commandes ou du chiffre d'affaires, des pertes d'exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l'excédent brut d'exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés (...) 3° A une réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité (...) Les difficultés économiques (...) ou la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise s'apprécient au niveau de cette entreprise si elle n'appartient pas à un groupe et, dans le cas contraire, au niveau du secteur d'activité commun à cette entreprise et aux entreprises du groupe auquel elle appartient, établies sur le territoire national, sauf fraude (...) Le secteur d'activité permettant d'apprécier la cause économique du licenciement est caractérisé, notamment, par la nature des produits biens ou services délivrés, la clientèle ciblée, ainsi que les réseaux et modes de distribution, se rapportant à un même marché (...) ". 4. En vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Lorsque l'employeur sollicite une autorisation de licenciement pour motif économique fondée sur le refus du salarié protégé d'accepter une modification de son contrat de travail, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si cette modification était justifiée par un motif économique. A cet égard, lorsque la demande d'autorisation de licenciement pour motif économique est fondée sur la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise, l'autorité administrative doit s'assurer du bien-fondé d'un tel motif, en appréciant la réalité de la menace pour la compétitivité de l'entreprise, le cas échéant, au niveau du secteur d'activité dont relève l'entreprise en cause au sein du groupe. Il appartient également à l'administration de vérifier que la modification du contrat de travail est, non " strictement nécessaire ", mais justifiée par le motif économique allégué. 5. Pour solliciter l'autorisation de licencier, la société BE 2000 a invoqué, dans sa demande d'autorisation de licenciement du 5 juillet 2019, la nécessité pour le groupe Bic de sauvegarder sa compétitivité sur le secteur des instruments d'écriture. Si M. C... soutient que ce motif doit être apprécié au niveau du secteur des instruments d'écriture uniquement en France, et non au niveau mondial, il est toutefois constant que la société BE 2000, spécialisée dans la fabrication de stylos, appartient au groupe Bic et que plus des trois quarts de la production française de ce groupe, pour le secteur des instruments d'écriture, sont destinés à l'exportation en Europe ou aux Etats-Unis. Ainsi 70 % des stylos Atlantis et 80 % des stylos Gelocity-Velocity produits à Vannes étaient exportés aux Etats-Unis. Par ailleurs, le secteur papeterie du groupe, plus large que celui des seuls instruments d'écriture, ne peut être retenu pour apprécier la réalité du motif économique invoqué par la société BE 2000 pour justifier le licenciement de M. C.... 6. Pour justifier sa demande, la société Bic se prévaut de la circonstance qu'en 2018, la gamme Atlantis a été déréférencée des magasins Sam's club, situés aux Etats-Unis, entraînant une perte de 6 millions d'unités par an. Elle ajoute que la vente de stylos à bille a connu une baisse de près de 5 % sur le marché américain. Plus globalement, elle met en avant le fait qu'entre 2015 et 2017, le marché des instruments d'écriture a subi une forte régression face à la montée en puissance du numérique et a été directement affecté par l'augmentation du coût des matières premières. Le rapport d'expertise comptable Syndex, mandaté par le CSEC dans le cadre du projet de restructuration de la société BE 2000, a confirmé la dégradation des marges d'exploitation des fabricants dans ce domaine et les difficultés du groupe Bic à gagner des parts de marché dans les pays en croissance. La société BE 2000 fait également valoir que ses principaux concurrents disposent d'usines dans des pays où les coûts de production sont faibles, ce qui leur permet d'investir massivement dans des campagnes publicitaires onéreuses afin de mieux résister à la dégradation des marchés européens ou américains. La société précise enfin qu'entre 2015 et 2018, son concurrent Pilot a enregistré une croissance de 7% et que les ventes de son autre concurrent Stabilo ont stagné alors que celles de Bic ont chuté de 2,63 %. 7. Il ressort cependant des pièces du dossier que, si le secteur d'activité des instruments d'écriture subit depuis plusieurs années des aléas commerciaux emportant des conséquences sur la production, les ventes et les stocks, la baisse d'activité commerciale enregistrée, pour le secteur " instruments d'écriture ", par le groupe Bic et décrite, pour les années en cause, au point 6 restait, en volume, mesurée par rapport à celles de ses concurrents. Sa part de marché est en effet passée, en France, de 377 631 à 367 685 unités entre 2015 et 2018, alors que celle de Pilot restait limitée à moins de 25 000 unités et que celle du groupe " Tradebrand § Exclusive " chutait de 246 199 à 193 256 unités alors que les autres principaux concurrents (Newell et Stabilo) connaissaient également un recul. Les parts de marché relatives sur la zone Europe et pour la même période sont demeurées stables entre ces principaux concurrents. De ce fait, le groupe Bic restait à la date de la décision contestée le leader mondial du marché des instruments d'écriture et sa compétitivité relative, seule invoquée dans la demande d'autorisation de licenciement, ne faisait pas l'objet d'une menace rendant alors nécessaire une réorganisation, sur la base des éléments présentés. A cet égard, si la société fait valoir à juste titre, qu'il n'appartient pas à l'inspecteur du travail, ni d'ailleurs au juge administratif, de remettre en cause ses choix de gestion opérés lors de la cession de la société Bic Sport de Vannes intervenue quelques mois avant l'engagement de la procédure de licenciement litigieuse, elle n'apporte aucun autre élément de nature à démontrer, pour cette seule branche d'activité des instruments d'écriture, une menace sur sa compétitivité. 8. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens, et notamment celui se rapportant à la régularité du jugement attaqué, que M. C... ainsi que le syndicat CFDT Chimie Energie Bretagne sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 4 septembre 2019 autorisant son licenciement. Sur les frais liés au litige : 9. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. C... et au syndicat CFDT Chimie Energie Bretagne d'une somme de 1 000 euros chacun au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de M. C... et du syndicat CFDT Chimie Energie Bretagne, qui ne sont pas, dans la présente instance, parties perdantes, le versement à la société Bic Ecriture 2000, des sommes qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. DÉCIDE : Article 1er : L'intervention du syndicat CFDT Chimie Energie Bretagne n'est pas admise. Article 2 : Le jugement n° 1905249 du tribunal administratif de Rennes en date du 17 janvier 2022 ainsi que la décision du 4 septembre 2019 par laquelle l'inspectrice du travail a autorisé la société Bic Ecriture 2 000 à procéder au licenciement pour motif économique de M. C... sont annulés. Article 3 : L'Etat versera, respectivement, à M. C... et au syndicat CFDT Chimie Energie Bretagne la somme de 1000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. C... et du syndicat CFDT Chimie Energie Bretagne est rejeté. Article 5 : Les conclusions de la société Bic Ecriture 2000 tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., à la CFDT Chimie Energie Bretagne, à la société Bic Ecriture 2000 et au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion. Délibéré après l'audience du 10 mars 2023, à laquelle siégeaient : - M. Gaspon, président de chambre, - M. Coiffet, président-assesseur, - Mme Gélard, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 28 mars 2023. La rapporteure, V. GELARDLe président, O. GASPON La greffière, P. BONNIEU La République mande et ordonne au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 22NT00703
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Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. F... E... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 9 juillet 2021 par lequel le préfet de police de Paris a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné à l'expiration de ce délai. Par un jugement n° 2127633 du 23 mars 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 22 avril 2022, M. E..., représenté par Me Delavay, demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ; 3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " membre de la famille d'un citoyen de l'Union / EEE / Suisse - Toutes activités professionnelles " d'une durée de cinq ans ou, à défaut, de réexaminer sa situation et, dans l'attente de ce réexamen, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que la décision portant refus de titre de séjour méconnaît les dispositions des articles L. 200-4, L. 233-1 et L. 233-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. La requête a été communiquée au préfet de police qui n'a pas produit d'observations. Par une ordonnance du 12 décembre 2012, la clôture de l'instruction a été fixée au 2 janvier 2023 à 12h00. Un mémoire, enregistré le 14 mars 2023, a été présenté par le préfet de police, soit après la clôture de l'instruction. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. d'Haëm, président-rapporteur, - les conclusions de M. Doré, rapporteur public, - et les observations de Me Delavay, avocat de M. E.... Considérant ce qui suit : 1. M. E..., ressortissant sénégalais, né le 7 décembre 1994 et entré en France, selon ses déclarations, le 20 octobre 2018, a sollicité, le 16 juin 2021, la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 233-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté 9 juillet 2021, le préfet a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné à l'expiration de ce délai. M. E... fait appel du jugement du 23 mars 2022 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté. 2. D'une part, aux termes de l'article 2 de la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 relative au droit des citoyens de l'Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres : " Aux fins de la présente directive, on entend par : / (...) 2) " membre de la famille " : / a) le conjoint ; / b) le partenaire (...) ; / c) les descendants directs qui sont âgés de moins de vingt-et-un ans ou qui sont à charge, et les descendants directs du conjoint ou du partenaire tel que visé au point b) (...) ". Aux termes de l'article 7 de la même directive : " 1. Tout citoyen de l'Union a le droit de séjourner sur le territoire d'un autre État membre pour une durée de plus de trois mois : / a) s'il est un travailleur salarié ou non salarié dans l'Etat membre d'accueil, ou / b) s'il dispose, pour lui et pour les membres de sa famille, de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale de l'État membre d'accueil au cours de son séjour, et d'une assurance maladie complète dans l'État membre d'accueil (...). / 2. Le droit de séjour prévu au paragraphe 1 s'étend aux membres de la famille n'ayant pas la nationalité d'un État membre lorsqu'ils accompagnent ou rejoignent dans l'État membre d'accueil le citoyen de l'Union, pour autant que ce dernier satisfasse aux conditions énoncées au paragraphe 1, points a), b) ou c) (...) ". 3. D'autre part, aux termes de l'article L. 233-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les citoyens de l'Union européenne ont le droit de séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois s'ils satisfont à l'une des conditions suivantes : / 1° Ils exercent une activité professionnelle en France ; / 2° Ils disposent pour eux et pour leurs membres de famille de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale, ainsi que d'une assurance maladie (...) ". Aux termes de l'article L. 233-2 du même code : " Les ressortissants de pays tiers, membres de famille d'un citoyen de l'Union européenne satisfaisant aux conditions énoncées aux 1° ou 2° de l'article L. 233-1, ont le droit de séjourner sur le territoire français pour une durée supérieure à trois mois (...) ". Aux termes de l'article L. 200-4 du même code : " Par membre de famille d'un citoyen de l'Union européenne, on entend le ressortissant étranger, quelle que soit sa nationalité, qui relève d'une des situations suivantes : / (...) 2° Descendant direct âgé de moins de vingt-et-un ans du citoyen de l'Union européenne ou de son conjoint ; / 3° Descendant direct à charge du citoyen de l'Union européenne ou de son conjoint (...) ". 4. Il résulte de ces dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, transposant les dispositions précitées de la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004, telles qu'interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne, notamment par son arrêt du 16 janvier 2014, Flora May Reyes c/ Migrationsverket (C-423/12), que, pour qu'un descendant direct d'un citoyen de l'Union ou de son conjoint, âgé de vingt-et-un ans ou plus, puisse être considéré comme étant " à charge " de celui-ci, l'existence d'une situation de dépendance réelle doit être établie. Cette dépendance résulte d'une situation de fait caractérisée par la circonstance que le soutien matériel du membre de la famille est assuré par le citoyen de l'Union ayant fait usage de la liberté de circulation ou par son conjoint. Afin de déterminer l'existence d'une telle dépendance, l'Etat membre d'accueil doit apprécier si, eu égard à ses conditions économiques et sociales, le descendant d'un citoyen de l'Union ou de son conjoint ne subvient pas à ses besoins essentiels. La nécessité du soutien matériel doit exister dans l'Etat d'origine ou de provenance d'un tel descendant au moment où il demande à rejoindre ce citoyen. En revanche, il n'est pas nécessaire de déterminer les raisons de cette dépendance, et donc du recours à ce soutien. La preuve de la nécessité d'un soutien matériel peut être faite par tout moyen approprié, alors que le seul engagement de prendre en charge ce même membre de la famille, émanant du citoyen de l'Union ou de son conjoint, peut ne pas être regardé comme établissant l'existence d'une situation de dépendance réelle de celui-ci. En revanche, le fait qu'un citoyen de l'Union procède régulièrement, pendant une période considérable, au versement d'une somme d'argent à ce descendant, nécessaire à ce dernier pour subvenir à ses besoins essentiels dans l'Etat d'origine, est de nature à démontrer qu'une situation de dépendance réelle de cet ascendant par rapport audit citoyen existe. 5. En l'espèce, M. E..., né le 7 décembre 1994 et qui est entré en France, selon ses déclarations, le 20 octobre 2018, pour y rejoindre sa mère, Mme D... A... épouse B..., ressortissante sénégalaise mariée depuis le 10 juillet 2005 à un ressortissant espagnol, et son beau-père, M. C... A... H..., ayant fait usage de la liberté de circulation en s'installant en France où il exerce une activité salariée, soutient qu'âgé de plus de vingt-et-un ans, il doit être considéré comme étant " à charge " de son beau-père et de sa mère. Toutefois, le requérant n'apporte pas de précisions, ni d'éléments suffisamment probants permettant d'établir la situation de dépendance réelle dont il se prévaut à l'égard de son beau-père et de sa mère. En particulier, il ne fournit pas d'éclaircissement suffisant sur ses conditions d'existence au Sénégal jusqu'en 2018. A cet égard, il se borne à indiquer qu'il y a vécu auprès de sa grand-mère maternelle, jusqu'à l'âge de vingt-trois ans, et qu'il n'aurait aujourd'hui plus d'attaches dans ce pays, sans fournir la moindre précision complémentaire sur son environnement familial, la composition de sa famille, la situation de son père ou encore sa ou ses lieux de résidence au Sénégal, ni sur ses conditions économiques et sociales dans ce pays, qui ne lui auraient pas permis de subvenir à ses besoins essentiels. En outre, les seules attestations de prise en charge de l'intéressé, établies le 4 juin 2021, par son beau-père et par sa mère ne sauraient suffire à démontrer l'existence, dans son pays d'origine, d'une situation de dépendance réelle vis-à-vis d'eux. Par ailleurs, si le requérant produit un document attestant de transferts d'argent, au nombre de quarante, effectués par sa mère à son bénéfice entre les mois d'avril 2016 et mai 2018, alors qu'il était âgé de vingt-et-un ans à vingt-trois ans, pour des montants variant entre 30 et 300 euros environ, à l'exception d'une somme de 2 286,74 euros transférée le 28 mai 2018, ainsi que quatre bordereaux de transferts d'argent effectués par son beau-père à son bénéfice, aux mois d'octobre 2017, février 2018 et mars 2018, pour des montants respectivement de 159,35 euros, 34,39 euros, 1 548,99 euros et 817,91 euros, ces éléments, qui ne s'inscrivent d'ailleurs pas dans la durée, ne permettent pas à eux seuls, en l'absence de tout développement circonstancié sur sa situation familiale, sociale et économique au Sénégal avant son arrivée en France, de démontrer que ces transferts de sommes d'argent lui auraient été nécessaires pour subvenir à ses besoins essentiels dans son pays, alors qu'il ne verse aucun autre élément sur le soutien matériel dont il aurait bénéficié avant le mois d'avril 2016 ou après le mois de mai 2018. Enfin et au surplus, M. E... n'apporte aucun élément de justification sur les raisons, l'organisation et les modalités de son départ de son pays d'origine à une date qu'il ne précise pas, sur les conditions de son arrivée en France, selon ses déclarations, au mois d'octobre 2018 et sur la durée de son séjour sur le territoire français depuis lors. Par suite, M. E..., qui ne démontre pas qu'il devrait être regardé comme étant à la charge de son beau-père ou de sa mère, n'est pas fondé à soutenir qu'en lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, le préfet de police aurait fait une inexacte application des dispositions précitées. 6. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. E... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... E... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de police. Délibéré après l'audience du 14 mars 2023, à laquelle siégeaient : - M. d'Haëm, président, - M. Mantz, premier conseiller, - Mme d'Argenlieu, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mars 2023. Le président-rapporteur, R. d'HAËML'assesseur le plus ancien, P. MANTZ La greffière, A. GASPARYAN La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. N° 22PA01821 2
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Vu la procédure suivante : Par une requête, enregistrée le 31 août 2015, et un mémoire complémentaire, enregistré le 18 janvier 2017, la société civile immobilière (SCI) L'étoile et Mme E... D..., représentées par Me Cambot, demandent au tribunal : 1°) de condamner l'Etat à payer, d'une part, la somme de 47 689,76 euros à la SCI L'étoile et, d'autre part, la somme de 20 000 euros à la SCI L'étoile et à Mme D..., en réparation des préjudices qu'elles estiment avoir subis, assorties des intérêts au taux légal ; 2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un jugement n° 1503914 du 23 février 2017, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté la demande. Procédure initiale devant la cour : Par une requête et des mémoires, enregistrés les 6 avril 2017, 17 octobre 2017 et 20 novembre 2018, la SCI L'Etoile et Mme D..., représentées par Me Cambot, demandent à la cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 23 février 2017 ; 2°) de condamner l'Etat à payer la somme de 47 689,76 euros à la SCI L'étoile en remboursement des frais de dépollution engagés et la somme de 20 000 euros à la SCI L'étoile et à Mme D..., en réparation des préjudices qu'elles estiment avoir subis, assorties des intérêts au taux légal ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elles soutiennent que : - les frais de remise en état à raison de la pollution du site où est exploitée une station-service ne pouvaient être mis à la charge de la SCI L'étoile, en sa qualité de propriétaire, dans la mesure où elle n'a pas contribué à la pollution du site et où la négligence qui a été à l'origine des frais de remise en état ne lui est donc pas imputable ; les sols pollués ne sont pas des déchets au sens de l'article L. 541-4-1 du code de l'environnement ; au sens du droit antérieur, la responsabilité du propriétaire du terrain au titre de la police des déchets revêt un caractère subsidiaire par rapport à celle du détenteur ou producteur des déchets ; - si l'exploitant doit prendre en charge les frais de remise en état d'un site pollué, en l'espèce, la SCI L'étoile est propriétaire du site mais n'est pas le dernier exploitant connu de l'activité, dès lors qu'elle a conclu un bail commercial en 2005 avec la société à responsabilité limitée (SARL) A... qui exploitait le site jusqu'à son expulsion en raison du non-paiement de ses loyers par le gérant M. A..., ex-mari de Mme D... ; les frais en litige ne lui sont donc pas imputables ; - son préjudice financier est établi par l'ensemble des factures produites et son préjudice moral par la défaillance de l'Etat qui a rendu impossible la location du site et a contraint la SCI L'étoile à vendre. Par un mémoire en défense, enregistré le 8 octobre 2018, le ministre de la transition écologique et solidaire conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que : - la jurisprudence considère de façon constante qu'il incombe en application du code de l'environnement à l'exploitant d'une installation classée, qui est le titulaire d'une autorisation, de remettre en état le site qui a été le siège de l'exploitation dans l'intérêt de la sécurité publique, de la santé publique ou de la protection de l'environnement ; la société MDMH devenue SCI L'étoile est le dernier exploitant du site ; un récépissé le 25 octobre 2001 a été délivré à M. A..., gérant de la société suite à sa déclaration de changement d'exploitant du 24 octobre 2001 ; par lettre du 17 août 2009, la SCI L'étoile a informé le préfet de sa cessation d'activité de la station-service ; en l'absence de changement d'exploitant déclaré en préfecture depuis 2001, la SCI L'étoile ne saurait contester sa qualité de dernier exploitant du site ; - subsidiairement, le préjudice moral dont les requérantes s'estiment victimes n'est pas établi. Par une ordonnance du 20 novembre 2018, la clôture d'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 17 décembre 2018 à 12h00. Par un arrêt n° 17BX01116 du 9 juillet 2019, la cour administrative d'appel de Bordeaux a annulé le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 23 février 2017, condamné l'Etat à verser à la SCI L'étoile la somme de 23 844,88 euros, assortie des intérêts au taux légal courant à compter du 27 mai 2015 et portant capitalisation à chaque échéance annuelle à compter du 27 mai 2016, mis à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au titre des frais exposés en première instance et en appel et rejeté le surplus des conclusions de la demande. Par une décision n° 434497 en date du 26 mars 2021, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, saisi d'un pourvoi présenté par la ministre de la transition écologique et solidaire, a annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 9 juillet 2019 en tant qu'il condamne l'Etat à verser à la SCI L'étoile la somme de 23 844,88 euros avec intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts et renvoyé l'affaire, dans cette mesure, à la cour administrative d'appel de Bordeaux. Procédure devant la cour après renvoi du Conseil d'Etat : Par une requête enregistrée le 29 juin 2021 sous le n° 21BX01379, la SCI L'Etoile et Mme D..., représentées par Me Cambot, demandent à la cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 23 février 2017 ; 2°) de condamner l'Etat à payer la somme de 47 689,76 euros à la SCI L'étoile en remboursement des frais de dépollution engagés et la somme de 20 000 euros à la SCI L'étoile et à Mme D..., en réparation des préjudices qu'elles estiment avoir subis, assorties des intérêts au taux légal ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elles soutiennent que : - les frais de remise en état ne peuvent être mis à la charge de la SCI l'étoile en sa qualité de propriétaire ; il incombait réglementairement à la société See A... de procéder à la remise en état des lieux, en application des dispositions des articles L. 512-12-1, R. 512-66-1 et R. 512-68 du code de l'environnement ; - aucune négligence ne peut être imputée à la SCI L'étoile, qui n'a pas contribué à la pollution du site ; à aucun moment, il n'a été soutenu que la société était responsable de la pollution du site ; la qualification de déchets des sols pollués est aujourd'hui close ; - les sols pollués ne sont pas qualifiables juridiquement de déchets au sens de l'article L. 541-4-1 du code de l'environnement, introduit par l'ordonnance n° 2010-1579 du 17 décembre 2010 qui a transposé la directive cadre sur les déchets 2008/98/CE du 19 novembre 2008 ; - dans l'état du droit antérieur, la responsabilité du propriétaire du terrain au titre de la police des déchets ne revêtait qu'un caractère subsidiaire par rapport à celle encourue par le producteur ou les autres détenteurs de ces déchets et ne pouvait être recherchée que s'il apparaissait que tout autre détenteur de ces déchets était inconnu ou avait disparu ; il appartenait aux services de l'Etat d'exiger de la société A..., qui n'était alors pas défaillante, qu'elle satisfasse à ses obligations de remise en état du site qu'elle avait exploité sur le fondement de la législation sur les installations classées et de l'article L. 514-1 du code de l'environnement ; - ce n'est pas en qualité de dernier exploitant mais en qualité de propriétaire que la SCI l'étoile a été poursuivie au titre de la remise en état du site ; elle n'était pas le dernier exploitant connu ; c'est à tort que la préfecture a interprété le courrier de M. A... du 24 octobre 2001 comme valant déclaration de changement d'exploitant ; ce courrier confirme que la SARL Aquitaine Energies Services demeure l'exploitante de l'installation classée, la SCI MDMH n'étant que la propriétaire des murs ; il appartiendra aux services de l'Etat de produire le formulaire de cessation d'activité de la SARL Aquitaine Energie Service ; - il n'était pas démontré que le récépissé aurait été notifié à la SCI L'étoile et aurait eu un effet juridique ; elle ne peut être tenue pour responsable d'une erreur administrative manquant en fait puisqu'un autre exploitant était déjà en place ; le récépissé ne peut avoir quelque portée juridique puisqu'il reconnaît une situation factuellement inexistante ; la SCI MDMH n'a jamais donné suite à cette mise en demeure dans la mesure où elle n'était pas l'exploitante alors même qu'elle devait régulariser sa situation ; - l'Etat a commis une illégalité fautive en imposant à la SCI L'étoile l'obligation de dépollution, en n'exigeant pas de la SARL A... qu'elle régularise sa situation d'exploitante, puisqu'il savait que cette société exploitait l'installation classée et que la SCI MDMH n'était que la propriétaire des murs, et en ne faisant pas usage de ses pouvoirs de contrainte à l'égard de la SARL A... au titre de la dépollution du site ; - elle doit être indemnisée du préjudice subi ; aucune faute de négligence ne pouvait être reprochée à la SCI L'étoile qui a contesté l'obligation de dépollution mise à sa charge ; en tout état de cause, de nombreux courriers de l'Etat lui ont prescrit de procéder aux travaux de remise en état du site ce qu'elle a été acculée à faire, à l'origine d'une situation financière critique. La requête a été communiquée le 30 juin 2021 au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Par ordonnance du 6 avril 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 25 mai 2022 à 12h00. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de l'environnement ; - le décret n° 77-1133 du 21 septembre 1977 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme C... B..., - et les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. La société civile immobilière (SCI) L'étoile, dont Mme D..., décédée le 8 avril 2022, était la gérante, est propriétaire d'un terrain situé route départementale n° 932 à Bazas (Gironde), sur lequel était implantée une station-service. Par un jugement du 23 février 2017, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté les demandes de la SCI L'étoile et de Mme D... tendant à ce que l'Etat soit condamné, d'une part, à réparer le préjudice financier que la société estime avoir subi, à hauteur de 47 689,76 euros, au titre des frais de dépollution du site, qui auraient été indûment mis à sa charge, d'autre part, à indemniser, à hauteur de 20 000 euros, le préjudice moral dont celle-ci et sa gérante estiment avoir été victimes. Par un arrêt du 9 juillet 2019, la cour administrative d'appel de Bordeaux a condamné l'Etat à verser à celle-ci la somme de 23 844,88 euros avec intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts. Par une décision n° 434497 du 26 mars 2021, le Conseil d'Etat, saisi d'un pourvoi présenté par la ministre de la transition écologique et solidaire a annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 9 juillet 2019 en tant qu'il condamne l'Etat à verser à la SCI L'étoile la somme de 23 844,88 euros avec intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts et renvoyé l'affaire devant la cour. 2. En premier lieu, aux termes de l'article 34 du décret du 21 septembre 1977 pris pour l'application de la loi du 19 juillet 1976 relative aux installations classées pour la protection de l'environnement, alors applicable, dont les dispositions ont été reprises à l'article R. 512-68 du code de l'environnement : " (...) lorsqu'une installation classée change d'exploitant, le nouvel exploitant en fait la déclaration au préfet dans le mois qui suit la prise en charge de l'exploitation. / Cette déclaration mentionne, s'il s'agit d'une personne physique, les nom, prénoms et domicile du nouvel exploitant et, s'il s'agit d'une personne morale, sa dénomination ou sa raison sociale, sa forme juridique, l'adresse de son siège social ainsi que la qualité du signataire de la déclaration. / Il est délivré un récépissé sans frais de cette déclaration ". Aux termes de l'article 34-1 du même décret dont les dispositions ont été reprises à l'article R. 512-66-1 du code de l'environnement : " I. Lorsqu'une installation classée est mise à l'arrêt définitif, l'exploitant notifie au préfet la date de cet arrêt trois mois au moins avant celui-ci. (...) Il est donné récépissé sans frais de cette notification. / II. La notification prévue au I indique les mesures prises ou prévues pour assurer, dès l'arrêt de l'exploitation, la mise en sécurité du site. Ces mesures comportent notamment :/- l'évacuation ou l'élimination des produits dangereux, et, pour les installations autres que les installations de stockage de déchets, celle des déchets présents sur le site ;/ - des interdictions ou limitations d'accès au site ;/ - la suppression des risques d'incendie et d'explosion ;/ - la surveillance des effets de l'installation sur son environnement. / III. En outre, l'exploitant doit placer le site de l'installation dans un état tel qu'il ne puisse porter atteinte aux intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 et qu'il permette un usage futur du site déterminé selon les dispositions des articles 34-2 et 34-3. ". Il résulte de ces dispositions que l'obligation de remettre en état le site d'une installation classée qui a fait l'objet d'une déclaration pèse sur l'exploitant, c'est-à-dire le titulaire de cette autorisation, sachant que tout changement d'exploitant est soumis à une procédure d'autorisation préfectorale. 3. Les requérantes soutiennent que c'est en qualité de propriétaire des murs et non comme exploitante que la société L'étoile a été mise en demeure par les services de l'Etat de remettre en état le site. En réponse à la demande de Mme D..., souhaitant connaître les démarches à effectuer à la suite de la cessation d'activité de la station-service située aire de Chasie-est sur le territoire de la commune de Bazas, le sous-préfet de Langon, par courrier du 9 mai 2007, a rappelé les termes de l'article 34-1 du décret n° 77-1133 du 21 septembre 1977 et précisé qu'en cas de défaillance de l'ancien exploitant, il revient au propriétaire des murs d'effectuer les démarches liées à la cessation d'activité. Un récépissé de déclaration de cessation d'activité de la station-service a été délivré le 18 août 2010. Il résulte de l'instruction que, le 25 octobre 2001, récépissé a été donné par la sous-préfecture de Langon à M. A..., gérant de la société MDMH, identifiée sous le n° SIREN 433 841 244, de sa déclaration du 24 octobre 2001 portant changement d'exploitant de l'établissement situé lieu-dit Chasie-est départementale 932 à Bazas, en lieu et place de la SARL Aquitaine Energies Services. Etait joint à ce récépissé le récépissé de déclaration initial n° 1222 en date du 10 décembre 1999. Par lettre du 17 août 2009, reçue en sous-préfecture le 20 août 2009, la gérante de la SCI l'étoile, " anciennement SCI MDMH ", comportant le même n° SIREN, a déclaré la fermeture définitive de la station SCI L'étoile, aire de Chasie à Bazas. Si le 29 septembre 2005, la société civile immobilière MDMH a donné à bail commercial, résilié le 3 septembre 2006, à la société See A... un immeuble à usage de station-service situé lieu-dit Chasie-est départementale 932 à Bazas, une telle circonstance est sans incidence sur la désignation de la société requérante comme dernière exploitante, dès lors que le récépissé de déclaration d'installations classées n° 1222, afférent au bail commercial, avait été délivré par la sous-préfecture de Langon le 10 avril 2001, soit antérieurement à la date du 25 octobre 2001, désignant la société MDMH comme exploitante. Les requérantes ne peuvent davantage se prévaloir du courrier du 20 mai 2005 par lequel M. A... a informé le préfet que l'installation en litige ne distribuerait désormais plus de carburant super mais seulement du gazole et de l'essence sans plomb, lequel ne peut être regardé comme constituant une déclaration de changement d'exploitant au sens des dispositions précitées de l'article 34 du décret du 21 septembre 1977. Dans ces conditions, c'est sans commettre d'erreur de droit que l'Etat a désigné la SCI L'étoile comme dernière exploitante, chargée de la mise en sécurité du site. 4. En deuxième lieu, si les requérantes soutiennent que les services de l'Etat ont fait preuve de négligence, en n'exigeant pas de la SARL A... qu'elle régularise sa situation d'exploitante et qu'en cette qualité, elle procède à la dépollution du site, il résulte toutefois de l'instruction qu'en vertu des dispositions précitées de l'article R. 512-68 du code de l'environnement, il appartient au nouvel exploitant de déclarer au préfet le changement. Par suite, l'administration n'était soumise à aucune obligation de régularisation. Le moyen doit être écarté. 5. En troisième lieu, les requérantes font valoir que c'est à tort que l'obligation de dépollution du site a été mise à la charge de la SCI L'étoile, laquelle a subi des injonctions de la part des services de l'Etat, la plaçant dans une situation financière délicate. Dès lors qu'ainsi qu'il a été dit au point 3, la société requérante a été désignée comme dernière exploitante, l'administration s'étant bornée à lui rappeler ses obligations en matière de mise en sécurité du site et de préservation des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement, à la suite de la cessation d'activité déclarée par lettre du 18 août 2010. Le 4 avril 2014, l'inspecteur de l'environnement en charge des installations classées a dressé le procès-verbal de récolement, constatant que les travaux de dépollution des sols au droit de la cuve de 73 m3, demandés le 19 juillet 2013, avaient été réalisés les 28 et 29 janvier 2014, permettant de retenir l'absence d'impact environnemental et de risque sanitaire liés à la pollution sur le terrain, situé aire de Chasie-est. Par suite, sans que les requérantes puissent utilement faire valoir que les sols pollués, propriété de la SCI L'étoile, ne peuvent être qualifiés de déchets au sens du code de l'environnement, ce qui relève d'un litige distinct, il ne résulte pas de l'instruction qu'en procédant ainsi, l'administration aurait commis une illégalité fautive. 6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée en défense et de diligenter la mesure d'instruction sollicitée, que l'Etat n'ayant commis aucune illégalité fautive, les conclusions indemnitaires présentées par la SCI L'étoile et Mme D... ne peuvent qu'être rejetées. Par suite, les requérantes ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande. Par voie de conséquence, leurs conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées. DECIDE : Article 1er : La requête de la SCI L'étoile et Mme D... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI L'étoile et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Copie en sera communiquée au préfet de la Gironde Délibéré après l'audience du 7 mars 2023 à laquelle siégeaient : Mme Bénédicte Martin, présidente, M. Michaël Kauffmann, premier conseiller, Mme Pauline Reynaud, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 28 mars 2023. Le premier conseiller, Michaël KauffmannLa présidente-rapporteure, Bénédicte B... La greffière, Caroline Brunier La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. 2 N° 21BX01379
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Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. G... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 22 mars 2022 par lequel le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de destination, ensemble l'arrêté du même jour par lequel le préfet a prononcé à son encontre une mesure d'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. Par un jugement n° 2206942 du 9 mai 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 19 mai 2022, M. A..., représenté par Me Garcia, demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ces deux arrêtés ; 3°) d'enjoindre au préfet de police de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, et, dans l'attente de ce réexamen, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ; 4°) d'enjoindre au préfet de police de prendre toute mesure propre à mettre fin à son signalement dans le système d'information Schengen procédant de l'interdiction de retour, dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ; 5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - l'absence de communication du dossier contenant les pièces sur la base desquelles les décisions en litige ont été prise méconnaît le droit à un procès équitable et les dispositions des articles L. 614-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - les arrêtés attaqués ont été pris en méconnaissance de son droit d'être entendu, garanti par les stipulations de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et les dispositions de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration ; - ils ont été pris en méconnaissance de son droit d'être assisté par un avocat préalablement à la mesure d'éloignement ; - la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'une insuffisance de motivation ; - elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle ; - elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire n'est fondée sur aucun risque de fuite ; - la décision fixant le pays de destination est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; - la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ; - elle est insuffisamment motivée ; - elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation. Par un mémoire en défense, enregistré le 12 octobre 2022, le préfet de police conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés. Un mémoire, enregistré le 13 mars 2023, a été présenté pour M. A..., soit après la clôture de l'instruction. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - la directive n° 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme d'Argenlieu, rapporteure, - et les observations de Me Garcia, avocat de M. A.... Considérant ce qui suit : 1. Par un arrêté du 22 mars 2022, le préfet de police a obligé M. G... A..., ressortissant malien, né le 15 janvier 1975, à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de destination. Par un arrêté du même jour, le préfet a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. M. A... fait appel du jugement du 9 mai 2022 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux arrêtés. Sur les conclusions tendant à la production par l'administration de l'entier dossier de M. A... : 2. Aux termes des dispositions de l'article L. 614-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas assortie d'un délai de départ volontaire, le président du tribunal administratif peut être saisi dans le délai de quarante-huit heures suivant la notification de la mesure. / Il est statué sur ce recours selon la procédure et dans les délais prévus, selon le fondement de la décision portant obligation de quitter le territoire français, aux articles L. 614-4 ou L. 614-5 ". Aux termes de cet article L. 614-5 : " (...) L'étranger peut demander au président du tribunal administratif ou au magistrat désigné à cette fin (...) la communication du dossier contenant les pièces sur la base desquelles la décision contestée a été prise (...) ". 3. En l'espèce, il ressort du dossier de première instance que le préfet de police a joint à son mémoire en défense devant le tribunal administratif de Paris le dossier au vu duquel les décisions contestées ont été prises, et que ce mémoire a été communiqué à M. A.... Par suite, la demande de communication de ce dossier, qui est sans objet, ne peut qu'être rejetée. Sur les conclusions à fin d'annulation : En ce qui concerne le moyen commun aux décisions attaquées : 4. En premier lieu, il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union. En outre, ainsi que la Cour de justice l'a jugé dans ses arrêts C-166/13 et C-249/13 des 5 novembre et 11 décembre 2014, le droit d'être entendu préalablement à l'adoption d'une décision de retour implique que l'autorité administrative mette le ressortissant étranger en situation irrégulière à même de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur l'irrégularité du séjour et les motifs qui seraient susceptibles de justifier que l'autorité s'abstienne de prendre à son égard une décision de retour. Il n'implique toutefois pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français ou sur la décision le plaçant en rétention dans l'attente de l'exécution de la mesure d'éloignement, dès lors qu'il a pu être entendu sur l'irrégularité du séjour ou la perspective de l'éloignement. Enfin, une atteinte au droit d'être entendu n'est susceptible d'entraîner l'annulation de la décision en litige que si la procédure administrative en cause aurait pu, en fonction des circonstances de fait et de droit de l'espèce, aboutir à un résultat différent du fait des observations et éléments que l'étranger a été privé de faire valoir. 5. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier et, notamment, du procès-verbal d'audition du 22 mars 2022 par les services de police que M. A..., qui, au demeurant, ne pouvait ignorer qu'il se maintenait irrégulièrement sur le territoire français, a été interrogé sur son identité, son pays d'origine, les conditions de son entrée et de son séjour en France, sa situation professionnelle et familiale ainsi que la perspective d'un éloignement vers son pays d'origine. Ainsi, M. A... a été mis à même de présenter son point de vue sur l'irrégularité de son séjour et les motifs qui auraient été susceptibles de justifier que l'autorité préfectorale s'abstienne de prendre à son égard une décision de retour. Au surplus, M. C... ne justifie, pas plus en appel qu'en première instance, d'aucun élément propre à sa situation qu'il aurait été privé de faire valoir lors de son audition et qui, s'il avait été en mesure de l'invoquer préalablement, aurait été de nature à influer sur le sens des décisions prises par le préfet. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu, doit être écarté. 6. En second lieu, il ressort des pièces du dossier et, notamment, du procès-verbal du 21 mars 2022 de placement en retenue aux fins de vérification de son droit de circulation ou de séjour sur le territoire français que M. A... a été informé des droits afférents à cette mesure, parmi lesquels le droit d'être assisté par un avocat, choisi par lui ou commis d'office, et de s'entretenir avec lui dès son arrivée. Par suite et en tout état de cause, le moyen tiré de la méconnaissance du droit de M. A... d'être assisté par un avocat ne peut qu'être écarté. En ce qui concerne la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français : 7. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / 1° L'étranger, ne pouvant justifier être entré régulièrement sur le territoire français, s'y est maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; / (...) 4° La reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou il ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 542-1 et L. 542-2, à moins qu'il ne soit titulaire de l'un des documents mentionnés au 3° (...) ". 8. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que si M. A... justifie être entré régulièrement sur le territoire français le 11 novembre 2009 et ne pouvait, par suite, faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sur le fondement des dispositions du 1° de l'article L. 611-1, il résulte de l'instruction que le préfet de police aurait pris la même décision, fondée également sur les dispositions du 4° du même article, en se fondant sur l'autre motif qu'il a retenu et tiré de ce que la demande d'asile de l'intéressé a été définitivement rejetée par une décision du 10 avril 2013 de l'office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), confirmée par une décision du 22 octobre 2013 de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA). 9. En deuxième lieu, la décision attaquée portant obligation de quitter le territoire français, qui vise, notamment, les dispositions des 1° et 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mentionne que M. A... ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français et est également dépourvu de titre de séjour en cours de validité et que sa demande d'asile a été définitivement rejetée ainsi qu'il a été dit au point 10. Elle indique également que l'intéressé est célibataire et sans enfant, de sorte qu'aucune atteinte disproportionnée n'est portée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Ainsi, cette décision, qui n'avait pas à faire état de l'ensemble des éléments caractérisant la situation de l'intéressé, comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui la fondent, et est, par suite, suffisamment motivée, alors même qu'elle comporte une mention erronée quant à l'entrée irrégulière de l'intéressé en France. 10. En troisième lieu, il ne ressort ni des motifs de l'arrêté attaqué, ni des autres pièces du dossier que le préfet de police n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation du requérant, notamment au titre de sa vie privée ou de son insertion professionnelle, avant de l'obliger à quitter le territoire français. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit dont serait entachée la décision en litige doit être écarté. 11. En dernier lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sécurité publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". 12. Si M. A... se prévaut de la durée de son séjour en France depuis le mois de novembre 2009, il s'y est maintenu en situation irrégulière depuis le rejet de sa demande par une décision du 10 avril 2013 de l'OFPRA, confirmée par une décision du 22 octobre 2013 de la CNDA. De plus, il a fait l'objet d'une mesure d'éloignement le 10 juin 2013 et n'a jamais sollicité depuis lors la régularisation de sa situation au regard du séjour. En outre, l'intéressé, qui est célibataire et sans enfant et qui n'apporte aucun élément précis sur les liens de toute nature qu'il aurait noués en France, ne justifie pas davantage d'une insertion sociale et professionnelle stable et ancienne. A cet égard, si M. A... produit des bulletins de salaire pour des missions d'intérim effectuées, entre 2015 et 2021, au sein de la société d'intérim Job Center Massy, ces bulletins de salaire sont établis au nom de M. D... B..., son hébergeant, et la seule attestation de concordance du 15 novembre 2021 du président de cette société, qui indique que c'est M. A... qui, à leur insu, a réalisé les missions confiées à M. D... B..., ne saurait suffire à démontrer que l'intéressé a effectivement travaillé durant ces années. Enfin, le requérant n'établit pas qu'il serait dépourvu de toute attache privée et familiale dans son pays d'origine. Par suite, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, notamment des conditions du séjour en France de M. A..., la décision attaquée portant obligation de quitter le territoire français ne peut être regardée comme ayant porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels cette mesure a été prise. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées doit être écarté. En ce qui concerne la légalité de la décision portant refus de délai de départ volontaire : 13. Aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : / (...) 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet ". Aux termes de l'article L. 612-3 du même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / (...) 4° L'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ; / 5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; / (...) 8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu'il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d'empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au 3° de l'article L. 142-1, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 721-6 à L. 721-8, L. 731-1, L. 731-3, L. 733-1 à L. 733-4, L. 733-6, L. 743-13 à L. 743-15 et L. 751-5 ". 14. Si M. A... se prévaut de la directive n° 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 et soutient que le préfet ne caractérise nullement un quelconque risque de fuite, il ressort des pièces du dossier et il n'est pas sérieusement contesté, d'une part, que M. A... a explicitement déclaré, lors de son audition par les services de police, que si une mesure d'éloignement lui était notifiée, il n'accepterait pas de quitter le territoire français, d'autre part, que l'intéressé s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement en date du 10 juin 2013 et, enfin, qu'il ne présente pas de garanties de représentation suffisantes dès lors qu'il n'a pas été en mesure de fournir des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ni de justifier d'une résidence effective et permanente. Par suite, le préfet de police a pu légalement refuser à l'intéressé un délai de départ volontaire. En ce qui concerne la légalité de la décision fixant le pays de renvoi : 15. Si M. A... soutient que la décision fixant le pays de destination est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, il n'assortit ses allégations d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé. Par suite, le moyen doit être écarté. En ce qui concerne la légalité de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français : 16. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que l'interdiction de retour sur le territoire français doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français doit être écarté. 17. En second lieu, aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ". 18. D'une part, la décision portant interdiction de retour sur le territoire français prononcée à l'encontre de M. A... vise notamment les articles L. 612-6 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle indique également les éléments de la situation personnelle de M. A... qui ont été pris en compte, notamment le fait qu'il a allégué être entré en France en 2009 ainsi que les circonstances qu'il est célibataire et sans enfant et qu'il ne justifie pas de liens personnels et familiaux caractérisés en France et qu'il a déjà fait l'objet d'une mesure d'éloignement le 10 juin 2013, à laquelle il s'est soustrait. Cette motivation atteste de la prise en compte par le préfet de police de l'ensemble des critères prévus par les dispositions précitées pour fixer la durée de l'interdiction de retour. Par suite, la décision en litige, qui comporte l'énoncé des considérations de fait et de droit qui la fondent, est suffisamment motivée. 19. D'autre part, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 12, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision portant interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an aurait été prise en violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et serait entachée d'une erreur d'appréciation quant à ses conséquences sur la situation personnelle de M. A.... 20. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées. D É C I D E : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. G... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de police. Délibéré après l'audience du 14 mars 2023, à laquelle siégeaient : - M. E... d'Haëm, président, - M. Mantz, premier conseiller, - Mme F... d'Argenlieu, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mars 2023. La rapporteure, L. d'ARGENLIEULe président, R. d'HAËM La greffière, A. GASPARYAN La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. N° 22PA02315 2
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Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme C... A... et le syndicat CFDT Chimie Energie Bretagne ont demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 4 septembre 2019 par laquelle l'inspectrice du travail a autorisé la société Bic Ecriture 2 000 (BE 2000) à procéder au licenciement pour motif économique de cette salariée. Par un jugement n° 1905250 du 17 janvier 2022, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire enregistrés les 7 mars 2022 et 3 février 2023, Mme A..., représentée par Me Beziz, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 17 janvier 2022 ; 2°) d'annuler la décision du 4 septembre 2019 ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - les premiers juges ont omis de se prononcer sur le réel motif des licenciements autorisés et ont ainsi insuffisamment motivé leur jugement ; - la décision contestée, qui se fonde sur les motifs invoqués devant les représentants du personnel le 5 décembre 2018, est insuffisamment motivée ; - l'inspectrice du travail s'est abstenue de vérifier la réalité de la menace sur la compétitivité du secteur d'activité des instruments d'écriture du groupe Bic ; elle ne s'est pas assurée que les licenciements envisagés n'étaient pas la conséquence de la cession de la société Bic Sport ; - le motif des licenciements devait être apprécié au niveau du secteur des instruments d'Ecriture en France et non au niveau du groupe Bic ou du secteur de la papeterie au niveau mondial ; - la menace sur la compétitivité de la société BE 2000 n'est pas établie ; - il n'est pas davantage établi que les licenciements envisagés auraient permis d'enrayer une chute irréversible de la compétitivité du groupe Bic au regard de ses concurrents. Par un mémoire en intervention, enregistré le 16 mars 2022, le syndicat CFDT Chimie Energie Bretagne, représenté par Me Beziz, conclut aux mêmes fins que la requête présentée par Mme A... et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il indique qu'il fait siens les moyens développés par Mme A.... Par des mémoires, enregistrés les 8 juillet 2022 et 17 février 2023, la société Bic Ecriture 2000, représentée par Me Muchada, conclut au rejet de la requête présentée par Mme A... et à ce que la somme de 1 000 euros soit mise à la charge de l'intéressée au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés. Par un mémoire en défense, enregistré le 8 juillet 2022, la société Bic Ecriture 2000, représentée par Me Muchada, conclut au rejet des conclusions présentées par le syndicat CFDT Chimie Energie Bretagne et à ce que la somme de 1 000 euros soit mise à la charge du syndicat au titre de l'article L. 761 1 du code de justice administrative. Elle soutient que les conclusions du syndicat CFDT sont irrecevables et infondées. En dépit d'une mise en demeure adressée au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion le 5 juillet 2022, ce dernier n'a pas produit de mémoire en défense. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code du travail ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme B..., - les conclusions de Mme Malingue, rapporteure publique, - les observations de Me Guyot, substituant Me Beziz, représentant Mme A..., - et les observations de Me Muchada, représentant la société BE 2000. Considérant ce qui suit : 1. Le Groupe Bic exerce son activité dans trois domaines distincts : la papeterie, les briquets et les rasoirs. La société Bic Ecriture 2000 (BE 2000), qui fait partie de ce groupe, intervient dans le premier secteur. Elle exerçait son activité au sein de deux établissements, l'un situé à Marne-la-Vallée, spécialisé dans la fabrication de stylos à bille, et l'autre à Vannes, spécialisé dans la fabrication de stylos " 4 couleurs ", " Atlantis " et " Velocity-Gelocity ". Le 20 novembre 2018, le comité social et économique Central (CSEC) et les CSE d'établissements de Vannes et de Marne-la-Vallée ont été informés d'un projet de réorganisation consistant à transférer une partie de la production de l'établissement de Vannes à Marne-la-Vallée et l'autre partie en Tunisie. Les 20 et 21 février 2019, ils ont émis un avis défavorable à cette restructuration, qui impliquait la fermeture du site de Vannes, la transformation de 6 postes permanents transférés à Marne-la-Vallée et la suppression de 30 emplois. Le 26 mars 2019, l'accord collectif majoritaire signé le 19 février 2019 et le document unilatéral relatif au projet de licenciement collectif ont néanmoins été homologués par la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Bretagne. Le 5 juillet 2019, la société BE 2000 a sollicité l'autorisation de procéder au licenciement pour motif économique de Mme A..., ..., membre du CSE de l'établissement de Vannes. Cette salariée, ainsi que le syndicat CFDT Chimie Energie Bretagne, ont saisi le tribunal administratif de Rennes d'une demande tendant à l'annulation de la décision du 4 septembre 2019 par laquelle l'inspectrice du travail a accordé l'autorisation de la licencier. Ils relèvent appel du jugement du 17 janvier 2022 du tribunal administratif rejetant leur requête. Sur l'intervention du syndicat CFDT Chimie Energie Bretagne : 2. Le 16 mars 2022, le syndicat CFDT Chimie Energie Bretagne a présenté un mémoire " en intervention " à l'appui des conclusions de Mme A.... Il est toutefois constant qu'en première instance, il avait la qualité de " partie ". A ce titre, une notification du jugement rendu lui a été adressée, sans contestation en appel de la régularité du jugement sur ce point. Par suite, le syndicat avait qualité pour faire appel de ce jugement, et, ainsi que le soutient la société BIC, son intervention en appel n'est donc pas recevable. En revanche, dès lors que ce mémoire a été enregistré au greffe de la cour dans le délai d'appel il doit être qualifié d'appel principal. Il est par suite recevable à ce titre. Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision contestée : 3. Aux termes de l'article L. 1233-3 du code du travail : " Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment : 1° A des difficultés économiques caractérisées soit par l'évolution significative d'au moins un indicateur économique tel qu'une baisse des commandes ou du chiffre d'affaires, des pertes d'exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l'excédent brut d'exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés (...) 3° A une réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité (...) Les difficultés économiques (...) ou la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise s'apprécient au niveau de cette entreprise si elle n'appartient pas à un groupe et, dans le cas contraire, au niveau du secteur d'activité commun à cette entreprise et aux entreprises du groupe auquel elle appartient, établies sur le territoire national, sauf fraude (...) Le secteur d'activité permettant d'apprécier la cause économique du licenciement est caractérisé, notamment, par la nature des produits biens ou services délivrés, la clientèle ciblée, ainsi que les réseaux et modes de distribution, se rapportant à un même marché (...) ". 4. En vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Lorsque l'employeur sollicite une autorisation de licenciement pour motif économique fondée sur le refus du salarié protégé d'accepter une modification de son contrat de travail, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si cette modification était justifiée par un motif économique. A cet égard, lorsque la demande d'autorisation de licenciement pour motif économique est fondée sur la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise, l'autorité administrative doit s'assurer du bien-fondé d'un tel motif, en appréciant la réalité de la menace pour la compétitivité de l'entreprise, le cas échéant, au niveau du secteur d'activité dont relève l'entreprise en cause au sein du groupe. Il appartient également à l'administration de vérifier que la modification du contrat de travail est, non " strictement nécessaire ", mais justifiée par le motif économique allégué. 5. Pour solliciter l'autorisation de licencier, la société BE 2000 a invoqué, dans sa demande d'autorisation de licenciement du 5 juillet 2019, la nécessité pour le groupe Bic de sauvegarder sa compétitivité sur le secteur des instruments d'écriture. Si Mme A... soutient que ce motif doit être apprécié au niveau du secteur des instruments d'écriture uniquement en France, et non au niveau mondial, il est toutefois constant que la société BE 2000, spécialisée dans la fabrication de stylos, appartient au groupe Bic et que plus des trois quarts de la production française de ce groupe, pour le secteur des instruments d'écriture, sont destinés à l'exportation en Europe ou aux Etats-Unis. Ainsi 70 % des stylos Atlantis et 80 % des stylos Gelocity-Velocity produits à Vannes étaient exportés aux Etats-Unis. Par ailleurs, le secteur papeterie du groupe, plus large que celui des seuls instruments d'écriture, ne peut être retenu pour apprécier la réalité du motif économique invoqué par la société BE 2000 pour justifier le licenciement de Mme A.... 6. Pour justifier sa demande, la société Bic se prévaut de la circonstance qu'en 2018, la gamme Atlantis a été déréférencée des magasins Sam's club, situés aux Etats-Unis, entraînant la perte d'un marché de 6 millions d'unités par an. Elle ajoute que la vente de stylos à bille a connu une baisse de près de 5 % sur le marché américain. Plus globalement, elle met en avant le fait qu'entre 2015 et 2017, le marché des instruments d'écriture a subi une forte régression face à la montée en puissance du numérique et a été directement affecté par l'augmentation du coût des matières premières. Le rapport d'expertise comptable Syndex, mandaté par le CSEC dans le cadre du projet de restructuration de la société BE 2000, a confirmé la dégradation des marges d'exploitation des fabricants dans ce domaine et les difficultés du groupe Bic à gagner des parts de marché dans les pays en croissance. La société BE 2000 fait également valoir que ses principaux concurrents disposent d'usines dans des pays où les coûts de production sont faibles, ce qui leur permet d'investir massivement dans des campagnes publicitaires onéreuses afin de mieux résister à la dégradation des marchés européens ou américains. La société précise enfin qu'entre 2015 et 2018, son concurrent Pilot a enregistré une croissance de 7% et que les ventes de son autre concurrent Stabilo ont stagné alors que celles de Bic ont chuté de 2,63 %. 7. Il ressort cependant des pièces du dossier que, si le secteur d'activité des instruments d'écriture subit depuis plusieurs années des aléas commerciaux emportant des conséquences sur la production, les ventes et les stocks, la baisse d'activité commerciale enregistrée, pour le secteur " instruments d'écriture ", par le groupe Bic et décrite, pour les années en cause, au point 6 restait, en volume, mesurée par rapport à celles de ses concurrents. Sa part de marché est en effet passée, en France, de 377 631 à 367 685 unités entre 2015 et 2018, alors que celle de Pilot restait limitée à moins de 25 000 unités et que celle du groupe " Tradebrand § Exclusive " chutait de 246 199 à 193 256 unités alors que les autres principaux concurrents (Newell et Stabilo) connaissaient également un recul. Les parts de marché relatives sur la zone Europe et pour la même période sont demeurées stables entre ces principaux concurrents. De ce fait, le groupe Bic restait à la date de la décision contestée le leader mondial du marché des instruments d'écriture et sa compétitivité relative, seule invoquée dans la demande d'autorisation de licenciement, ne faisait pas l'objet d'une menace rendant alors nécessaire une réorganisation, sur la base des éléments présentés. A cet égard, si la société fait valoir à juste titre, qu'il n'appartient pas à l'inspecteur du travail, ni d'ailleurs au juge administratif, de remettre en cause ses choix de gestion opérés lors de la cession de la société Bic Sport de Vannes intervenue quelques mois avant l'engagement de la procédure de licenciement litigieuse, elle n'apporte aucun autre élément de nature à démontrer, pour cette seule branche d'activité des instruments d'écriture, une menace sur sa compétitivité. 8. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens, et notamment celui se rapportant à la régularité du jugement attaqué, que Mme A... ainsi que le syndicat CFDT Chimie Energie Bretagne sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 4 septembre 2019 autorisant son licenciement. Sur les frais liés au litige : 9. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement, respectivement à Mme A... et au syndicat CFDT Chimie Energie Bretagne d'une somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de Mme A... et du syndicat CFDT Chimie Energie Bretagne, qui ne sont pas, dans la présente instance, parties perdantes, le versement à la société Bic Ecriture 2000, des sommes qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. DÉCIDE : Article 1er : L'intervention du syndicat CFDT Chimie Energie Bretagne n'est pas admise. Article 2 : Le jugement n° 1905250 du tribunal administratif de Rennes en date du 17 janvier 2022 ainsi que la décision du 4 septembre 2019 par laquelle l'inspectrice du travail a autorisé la société Bic Ecriture 2 000 à procéder au licenciement pour motif économique de Mme A... sont annulés. Article 3 : L'Etat versera, respectivement, à Mme A... et au syndicat CFDT Chimie Energie Bretagne la somme de 1000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A... et du syndicat CFDT Chimie Energie Bretagne est rejeté. Article 5 : Les conclusions de la société Bic Ecriture 2000 tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A..., à la CFDT Chimie Energie Bretagne, à la société Bic Ecriture 2000 et au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion. Délibéré après l'audience du 10 mars 2023, à laquelle siégeaient : - M. Gaspon, président de chambre, - M. Coiffet, président-assesseur, - Mme Gélard, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 28 mars 2023. La rapporteure, V. GELARDLe président, O. GASPON La greffière, P. BONNIEU La République mande et ordonne au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 22NT00698
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Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : La société Grassfields a demandé au tribunal administratif de Caen, tout d'abord, d'annuler le titre de perception d'un montant de 35 700 euros émis le 20 décembre 2019 par la direction départementale des finances publiques de l'Essonne, faisant suite à la décision du 2 juillet 2019 par laquelle l'Office français de l'immigration et de l'intégration lui a appliqué la contribution spéciale mentionnée à l'article L. 8253-1 du code du travail pour l'emploi irrégulier de deux ressortissants étrangers, ensuite, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un jugement n° 2002604 du 20 décembre 2021, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête et des mémoires complémentaires, enregistrés le 11 février, 19 septembre et 19 décembre 2022, la société Grassfields, représentée par Me Goldszal demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du 20 décembre 2021 ; 2°) à titre principal, d'annuler le titre de perception d'un montant de 35 700 euros émis le 20 décembre 2019 par la direction départementale des finances publiques de l'Essonne ; 3°) à titre subsidiaire, de réduire a minima la contribution réclamée par l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le jugement attaqué, qui ne vise qu'une seule pièce communiquée par elle-même, n'a pas pris en considération les éléments versés aux débats justifiant de réelles relations contractuelles des deux salariés de la société B... intervenant dans le haras de la société Grassfields ; - le titre de perception contesté est dépourvu de fondement du fait de l'autorité de la chose jugée qui s'attache à l'arrêt du 7 septembre 2022 de la cour d'appel de Caen qui a estimé qu'aucun lien de subordination direct ne pouvait être retenu entre la société Grassfields et les employés argentins concernés qui étaient les salariés de M. B... ; - l'Office français de l'immigration et de l'intégration a fait une appréciation erronée des circonstances de l'espèce, en particulier des événements survenus le 22 octobre 2018 au haras géré par la société qui met à disposition de tiers des chevaux de course ; la société ... dirigée par M. B... a dépêché deux de ses salariés au haras pour récupérer des chevaux ; le représentant de la société ... a déposé les deux demandes d'autorisation de travail pour conclure un contrat de travail avec MM. D... et Pera Alcaraz, tous deux engagés en qualité de cavalier soigneur ; l'OFII a accordé les autorisations pour la période du 15 juin 2018 au 1er novembre 2018 par une décision du 7 juin 2018 ; les déclarations préalables à l'embauche ont été transmise à la MSA par un courrier du 28 juillet 2018 ; des contrats de travail ont été établis pour la période considérée ; c'est dans ces conditions que M. D... se rendant au haras pour récupérer des chevaux a subi un accident de travail le 22 octobre 2018 ; l'accident de travail survenu dans les locaux d'un tiers n'a pas pour effet de transférer le contrat de travail audit tiers ; les deux salariés ont été valablement déclarés et réglés de leur salaire par leur seul et unique employeur. Par un mémoire en défense, enregistré le 2 décembre 2022, l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), représenté par Me De Froment, conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par la société Grassfields ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code du travail ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendu au cours de l'audience publique : - le rapport de M. C..., - et les conclusions de Mme Malingue, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. La société Grassfields, spécialisée dans l'élevage, le dressage et la location de chevaux de polo, exerce son activité au sein notamment de l'exploitation agricole le " ... " située à ... (Calvados). A la suite d'un contrôle opéré le 24 octobre 2018 par les services de l'inspection du travail au sein de ce haras, consécutivement à un accident du travail survenu dans la carrière le 22 octobre précédent, l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a, par un courrier du 18 mars 2019, invité la société Grassfields à présenter ses observations sur l'emploi de deux ressortissants argentins dépourvus de titre les autorisant à travailler. Par une décision du 2 juillet 2019, l'OFII a mis à la charge de la société Grassfields une somme de 35 700 euros au titre de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail. Un titre de perception a été émis le 20 décembre 2019 par la direction générale départementale des finances publiques de l'Essonne pour avoir paiement de cette somme. 2. La société Grassfields a, le 23 décembre 2020, saisi le tribunal administratif de Caen d'une demande tendant à l'annulation de ce titre de perception. Elle relève appel du jugement du 20 décembre 2021 par lequel cette juridiction a rejeté sa demande qu'elle maintient en sollicitant, à titre subsidiaire, la réduction de la somme totale mise à sa charge. Sur la contribution spéciale : 3. Aux termes de l'article L. 8251-1 du code du travail : " Nul ne peut, directement ou indirectement, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France (...) ". Aux termes de l'article L. 8253-1 du même code : " Sans préjudice des poursuites judiciaires pouvant être intentées à son encontre, l'employeur qui a employé un travailleur étranger en méconnaissance des dispositions du premier aliéna de l'article L. 8251-1 acquitte une contribution spéciale. Le montant de cette contribution spéciale est déterminé dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Il est, au plus, égal à 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12 (...) ". Aux termes de l'article L. 1221-10 du même code : " L'embauche d'un salarié ne peut intervenir qu'après déclaration nominative accomplie par l'employeur auprès des organismes de protection sociale désignés à cet effet (...) ". Enfin, aux termes de l'article L. 3221-3 du même code : " Constitue une rémunération au sens du présent chapitre, le salaire ou traitement ordinaire de base ou minimum et tous les autres avantages et accessoires payés, directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l'employeur au salarié en raison de l'emploi de ce dernier ". 4. La société Grassfields soutient que l'OFII a porté une appréciation erronée sur les circonstances de l'espèce en estimant, sans tenir compte des éléments qu'elle lui avait communiqués, que les deux ressortissants argentins dont la présence a été constatée le 24 octobre 2018 au sein du ..., étaient ses salariés. La société se prévaut également, dans ses dernières écritures, de l'arrêt du 7 septembre 2022 de la cour d'appel de Caen qui, sur la base des éléments produits par elle aux débats, l'a relaxée des fins de poursuite pour travail dissimulé et pour emploi d'étrangers non munis d'une autorisation de travail pour des faits commis à ... au cours du mois de juin 2018 et jusqu'au 24 octobre 2018 concernant les deux ressortissants argentins qui ont fait l'objet du contrôle litigieux. 5. En premier lieu, toutefois, si les faits constatés par le juge pénal saisi de poursuites pour infraction aux articles L. 8251-1 et L. 8253-1 du code du travail, et qui commandent nécessairement le dispositif d'un jugement ayant acquis force de chose jugée s'imposent à l'administration comme au juge administratif, la même autorité ne saurait s'attacher aux motifs d'un jugement de relaxe tiré de ce que les faits reprochés ne sont pas établis ou de ce qu'un doute subsiste sur leur réalité. Il appartient dans ce cas à l'autorité administrative d'apprécier si les mêmes faits sont suffisamment établis et, dans l'affirmative, s'ils justifient l'application de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du même code. Il résulte de ce qui vient d'être rappelé que le moyen tiré de ce que la décision de l'OFII, puis, par voie de conséquence, le titre de perception émis pour avoir paiement de la contribution spéciale prévue par l'article L. 8253-1 du code du travail, serait illégale en ce qu'elle méconnaîtrait l'arrêt du 7 septembre 2022 par lequel la cour d'appel de Caen a relaxé la société Grassfields doit être écarté. 6. En second lieu, il résulte de l'instruction que les autorisations de travailler en France pour MM. D... et Pera Alcaraz ont été sollicitées le 25 mai 2018 par M. A... B... en sa qualité d'employeur domicilié au ... et accordées, par une décision du 7 juin 2018, par l'unité départementale de l'Oise de la direction régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi des Hauts de France pour la période du 15 juin au 1er novembre 2018, pour exercer les fonctions d'entraîneur soigneur de chevaux. Les déclarations unique d'embauche et les déclarations préalable d'embauche, produites au dossier, ont été souscrites par le même employeur respectivement les 28 juillet et 1er août 2018. Les contrats de travail de chacun des deux salariés, également produits, ont été signés le 23 mai 2018 par M. B... en sa qualité d'employeur et mentionnent les lieu et horaires de travail, ainsi que la rémunération. Les bulletins de salaires produits sont conformes à ces contrats. De plus, la déclaration d'accident du travail de M. D... fait état de la qualité d'employeur de M. B... et les deux salariés en cause sont absent du tableau de suivi mensuel des effectifs tenu par la société Grassfields. Dans ces conditions, les deux employés - MM. Perez et Pera Alcaraz - ressortissants argentins, présents sur le " ... " situé à ... n'étaient pas, contrairement à ce qu'a estimé le directeur de l'OFII, des étrangers non autorisés à travailler en France. Par voie de conséquence, l'OFII ne pouvait mettre à la charge de la société requérante la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail, laquelle fonde le titre de perception litigieux. Il convient, par suite, d'annuler la décision du 2 juillet 2019 par laquelle l'OFII a mis à la charge de la société Grassfields la somme de 35 700 euros au titre de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail, ainsi que le titre de perception du 20 décembre 2019 dépourvu de fondement légal, et, par voie de conséquence, de décharger la même société du paiement de cette somme mise à sa charge par ce titre de perception émis par la direction départementale des finances publiques de l'Essonne. 7. Il résulte de tout ce qui précède que la société Grassfields est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation du titre de perception émis le 20 décembre 2019 par la direction départementale des finances publiques de l'Essonne. Sur les frais liés au litige : 8. Il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de condamner l'OFII à verser à la société Grassfields la somme de 2 000 euros qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. DÉCIDE : Article 1er : Le jugement n° 2002604 du 20 décembre 2021 du tribunal administratif de Caen, ainsi que la décision de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 2 juillet 2019 et le titre de perception émis le 20 décembre 2019 par la direction départementale des finances publiques de l'Essonne sont annulés. Article 2 : La société Grassfields est déchargée du paiement de la somme de 35 700 euros mise à sa charge au titre de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail. Article 3 : L'Office français de l'immigration et de l'intégration versera la somme de 2000 euros à la société Grassfields en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Grassfields et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Copie en sera transmise, pour information, à la direction départementale des finances publiques de l'Essonne. Délibéré après l'audience du 10 mars 2023, à laquelle siégeaient : - M. Gaspon, président de chambre, - M. Coiffet, président-assesseur, - Mme Gélard, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mars 2023. Le rapporteur, O. C...Le président, O. GASPON La greffière, P. BONNIEU La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. N° 22NT00412 2
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Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 31 janvier 2022 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné à l'expiration de ce délai. Par un jugement n° 2204995 du 12 mai 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés respectivement le 23 mai 2022 et le 6 octobre 2022, M. B..., représenté par Me Patureau, demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté en tant qu'il lui refuse la délivrance d'un titre de séjour et l'oblige à quitter le territoire français dans le délai de trente jours ; 3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ou, à défaut, de réexaminer sa situation et, dans l'attente de ce réexamen, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - en écartant ses moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le tribunal administratif a commis une erreur de droit et une erreur manifeste d'appréciation ; - l'arrêté attaqué portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français a été signé par une autorité incompétente ; - il est insuffisamment motivé ; - il est entaché d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle ; - il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - il est entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle. Par un mémoire en défense, enregistré le 27 septembre 2022, le préfet de police conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés. Par une ordonnance du 14 octobre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 14 novembre 2022 à 12h00. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. d'Haëm, président-rapporteur, - et les observations de Me Desouches, substituant Me Patureau, avocat de M. B.... Considérant ce qui suit : 1. M. B..., ressortissant guinéen, né le 25 mars 1969 et entré en France, selon ses déclarations, le 30 mai 2013, a sollicité, le 25 octobre 2021, la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 31 janvier 2022, le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné à l'expiration de ce délai. M. B... fait appel du jugement du 12 mai 2022 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté en tant qu'il lui refuse la délivrance d'un titre de séjour et l'oblige à quitter le territoire français dans le délai de trente jours. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. Si le requérant soutient que le tribunal administratif de Paris, en écartant ses moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a commis une erreur de droit et une erreur manifeste d'appréciation, de tels moyens, qui se rattachent au bien-fondé du raisonnement suivi par le juge de première instance, ne sont pas de nature à affecter la régularité du jugement attaqué. Ils doivent, par suite, être écartés. Sur la légalité de l'arrêté attaqué : 3. En premier lieu, si M. B... reprend en appel ses moyens de première instance tirés de l'incompétence du signataire de l'arrêté attaqué et de l'insuffisance de sa motivation, il ne développe, toutefois, au soutien de ces moyens aucun argument de droit ou de fait complémentaire et pertinent de nature à remettre en cause l'analyse et la motivation retenues par le tribunal administratif. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par les premiers juges aux points 2 et 3 de leur jugement. 4. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'avant de refuser à M. B... la délivrance d'un titre de séjour et l'obliger à quitter le territoire français, le préfet de police aurait omis de procéder à un examen particulier de l'ensemble des éléments de sa situation personnelle et familiale et, en particulier, de sa relation avec une compatriote, en situation régulière au regard du séjour. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit dont seraient entachées de ce chef les décisions en litige doit être écarté. 5. En dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ". 6. M. B... se prévaut de la durée de son séjour sur le territoire français depuis le 30 mai 2013 et fait valoir qu'il vit maritalement, depuis 2014, avec une compatriote, Mme E... A..., née le 5 janvier 1986, titulaire d'une carte de séjour pluriannuelle portant la mention " vie privée et familiale ", valable du 7 octobre 2020 au 6 octobre 2022 et dont l'état de santé nécessite sa présence à ses côtés. Il fait valoir également qu'il travaille depuis le mois de juillet 2019 et qu'il est bien intégré en France. Toutefois, le requérant n'établit pas l'ancienneté de la relation maritale dont il se prévaut. A cet égard, s'il indique qu'il s'est marié religieusement avec sa compagne en 2012, le certificat de mariage religieux qu'il produit, mentionne un mariage célébré en décembre 2015. De même, s'il soutient justifier d'une vie commune depuis 2014, les quelques pièces qu'il produit au titre des années 2014 et 2015, notamment une convocation de la préfecture de police et une carte individuelle d'admission à l'aide médicale d'Etat, attestent tout au plus d'une adresse commune et ne peuvent être regardés comme justifiant d'une vie maritale. De plus, à supposer que M. B... puisse être regardé, par les autres pièces produites, comme justifiant d'une vie maritale depuis l'année 2016 et si les documents d'ordre médical fournis permettent d'attester que sa compagne est suivie, depuis le mois de janvier 2011, auprès du groupe hospitalier universitaire Pitié Salpêtrière-Charles Foix pour la maladie de Takayesu, les certificats médicaux des 9 octobre 2017, 27 janvier 2020, 27 avril 2022 et 27 mai 2022, indiquant notamment, en des termes très peu circonstanciés, que l'état de santé de Mme A... nécessite sa présence à ses côtés " lors de ses venues dans le service pour la prise en charge de ses soins ", ne sauraient suffire à démontrer, en l'absence de précisions sur la gravité et l'évolution de la pathologie de l'intéressée ainsi que les soins et les traitements qu'elle nécessite, que la présence de M. B... auprès de sa concubine revêtirait, pour elle, un caractère indispensable. De même, si le requérant fait valoir qu'il a initié, avec sa compagne, une procédure d'assistance médicale à la procréation en 2016, il ne ressort pas des pièces versées au dossier que cette procédure aurait été poursuivie après le mois de mai 2019. Par ailleurs, en faisant valoir qu'il travaille depuis le mois de juillet 2019, sous un nom d'emprunt, celui de M. F... B..., en qualité d'" agent de propreté " auprès de la société " MP Rea SAS " et en produisant un contrat de travail à durée indéterminée du 26 juin 2019 ainsi que des bulletins de salaire à ce nom, pour la période du mois de juillet 2019 au mois de mai 2021, le requérant, qui n'apporte aucune autre précision sur ses conditions d'existence avant le mois de juillet 2019 ou après le mois de mai 2021, et qui, de surcroît, n'a pas fait état d'une activité salariée à l'appui de sa demande de titre de séjour, ne saurait être regardé comme justifiant d'une insertion professionnelle stable et ancienne sur le territoire. Enfin, M. B... n'allègue pas qu'il serait dépourvu de toute attache privée et familiale dans son pays d'origine où, en particulier, résident ses cinq enfants, dont trois sont mineurs, et où lui-même a vécu au moins jusqu'à l'âge de quarante-quatre ans, de sorte qu'il y dispose d'attaches personnelles et familiales au moins aussi fortes qu'en France. Ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, notamment des conditions du séjour en France de M. B..., l'arrêté attaqué portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ne peut être regardé comme ayant porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquelles ces deux mesures ont été prises. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations et dispositions précitées doit être écarté. Pour les mêmes motifs, l'arrêté en litige n'est pas davantage entaché d'une erreur manifeste quant à l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé. 7. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de police. Délibéré après l'audience du 14 mars 2023, à laquelle siégeaient : - M. d'Haëm, président, - Mme d'Argenlieu, première conseillère, - Mme Saint-Macary, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mars 2023. Le président-rapporteur, R. d'HAËML'assesseure la plus ancienne, L. d'ARGENLIEU La greffière, A. GASPARYAN La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 22PA02366
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Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 18 novembre 2021 par lequel la préfète de la Charente l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination, et d'enjoindre à la préfète de la Charente de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale ". Par un jugement n° 2103177, du 7 janvier 2022, la magistrate désignée du tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 7 février 2022, et un mémoire complémentaire, enregistré le 14 septembre 2022, M. A..., représenté par Me Coustenoble, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures : 1°) d'annuler le jugement du 7 janvier 2022 de la magistrate désignée du tribunal administratif de Poitiers ; 2°) d'annuler l'arrêté du 18 novembre 2021 par lequel la préfète de la Charente l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ; 3°) d'enjoindre à la préfète de la Charente de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, ou à défaut de procéder au réexamen de sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, et ce sous astreinte de 100 euros par jour de retard ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 300 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 19 juillet 1991. Il soutient que : En ce qui concerne la régularité du jugement : - le premier juge a méconnu le caractère contradictoire de l'instruction et entaché son jugement d'irrégularité en communiquant le premier mémoire en défense de la préfète de la Charente moins de quarante-huit heures avant la tenue de l'audience ; - l'arrêté attaqué a été pris par une autorité incompétente ; - il est insuffisamment motivé ; - il est entaché d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle ; - il méconnaît les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ; - le code de justice administrative. La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme B... C.... Considérant ce qui suit : 1. M. D... A..., ressortissant angolais né le 20 août 1988, déclare être entré irrégulièrement en France le 9 novembre 2019. Sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) par une décision du 25 novembre 2020, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 19 mai 2021. Par un arrêté du 18 novembre 2021, la préfète de la Charente lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination. M. A... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler cet arrêté. L'intéressé relève appel du jugement par lequel la magistrate désignée du tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande. Sur la régularité du jugement : 2. Aux termes de l'article L. 5 du code de justice administrative : " L'instruction des affaires est contradictoire (...) ". Aux termes de l'article R. 611-1 du même code : " (...) La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes dans les conditions prévues aux articles R. 611-2 à R. 611-6 (...) ". Aux termes de l'article R. 776-26 du code de justice administrative, applicable à cette procédure : " L'instruction est close soit après que les parties ont formulé leurs observations orales, soit, si ces parties sont absentes ou ne sont pas représentées, après appel de leur affaire à l'audience ". 3. Il ressort des pièces du dossier que le premier mémoire en défense produit par la préfète de la Charente le 3 janvier 2022, à 15h36, a été communiqué au conseil de M. A... le même jour à 16h59, soit moins de 48 heures avant la tenue de l'audience le 5 janvier 2022 à 10h30. En se fondant sur ce mémoire, accompagné de pièces jointes, pour rejeter la demande de M. A..., qui n'a pu disposer d'un délai suffisant pour y répondre, le premier juge a méconnu le caractère contradictoire de l'instruction et a entaché son jugement d'irrégularité. Dès lors M. A... est fondé, dans les circonstances de l'espèce, à soutenir que le jugement attaqué est intervenu à la suite d'une procédure irrégulière et à en demander, pour ce motif, l'annulation. 4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Poitiers. Sur la légalité de l'arrêté du 18 novembre 2021 : En ce qui concerne les moyens communs aux décisions attaquées : 5. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que Mme Nathalie Valleix, secrétaire générale de la préfecture de la Charente, bénéficiait, par un arrêté préfectoral 12 mars 2021, régulièrement publié au recueil des actes administratifs, d'une délégation à l'effet de signer tous les arrêtés relevant des attributions de l'Etat dans le département de la Charente, parmi lequel figure l'arrêté en litige. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'acte attaqué doit être écarté comme manquant en fait. 6. En deuxième lieu, l'arrêté attaqué vise le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en particulier son article L. 511-1 et les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il indique que M. A... a déclaré être entré en France le 9 novembre 2019 sans passeport ni visa, que la demande d'asile formée par l'intéressé a été rejetée par une décision de l'OFPRA du 25 novembre 2020, confirmée par une décision de la CNDA du 19 mai 2021. Il mentionne également les éléments relatifs à sa situation privée et familiale et le fait que l'intéressé n'établit pas être exposé à des traitements inhumains en cas de retour dans son pays d'origine. Dans ces conditions, l'arrêté attaqué, qui comporte les considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde, est suffisamment motivé. Par suite, ce moyen doit être écarté. 7. En troisième lieu, contrairement à ce que soutient le requérant, cette motivation ne révèle pas un défaut d'examen particulier de sa demande. 8. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". 9. Il ressort des pièces du dossier que M. A... ne résidait en France que depuis deux ans à la date de l'arrêté attaqué. Par ailleurs, en se bornant à se prévaloir de son investissement dans des activités bénévoles et à sa participation à des cours de français, l'intéressé ne justifie pas d'une insertion sociale, économique et culturelle dans la société française. Enfin, M. A..., n'est pas dépourvu d'attaches dans son pays d'origine, où il a vécu la majorité de sa vie et où résident notamment son épouse et leurs deux enfants. Dans ces conditions, compte tenu de la durée et des conditions du séjour du requérant sur le territoire français, la préfète de la Charente n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels l'arrêté attaqué a été pris et n'a ainsi pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Cet arrêté n'est pas davantage entaché d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé. En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination : 10. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". 11. En se bornant à produire un " récit de vie ", deux articles et un rapport de l'OFPRA relatifs à la situation des opposants au pouvoir politique en Angola, M. A... n'établit pas que son éloignement l'exposerait personnellement au risque de subir des traitements inhumains et dégradant en raison de ses opinions politiques. Au demeurant, la demande d'asile de l'intéressé a été rejetée par une décision de l'OFPRA, confirmée par une décision de la CNDA. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés doit être écarté. 12. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 18 novembre 2021 par lequel la préfète de la Charente l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte et celles tendant à ce que l'Etat soit condamné au versement d'une somme d'argent au titre des frais de justice ne peuvent qu'être rejetées. DECIDE : Article 1er : Le jugement n° 2103177 du 7 janvier 2022 du tribunal administratif de Poitiers est annulé. Article 2 : La demande de M. A... devant le tribunal et le surplus des conclusions de sa requête devant la cour sont rejetés. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée à la préfète de la Charente. Délibéré après l'audience du 7 mars 2023 à laquelle siégeaient : Mme Bénédicte Martin, présidente, M. Michaël Kauffmann, premier conseiller, Mme Pauline Reynaud, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mars 2023. La rapporteure, Pauline C... La présidente, Bénédicte Martin, La greffière, Caroline Brunier La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. 2 N° 22BX00422
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Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 25 mai 2022 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai d'un mois et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné à l'expiration de ce délai. Par un jugement n° 2210443 du 8 novembre 2022, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés les 13 et 19 décembre 2022, M. B..., représenté par Me Besse, demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté en tant qu'il lui refuse la délivrance d'un titre de séjour et l'oblige à quitter le territoire français ; 3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou " étudiant " ou, à défaut, de réexaminer sa situation, dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, et, dans l'attente de ce réexamen, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - la décision portant refus de titre de séjour est entachée d'une insuffisance de motivation ; - elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle ; - elle est entachée d'une erreur de fait ; - elle méconnaît les dispositions des articles L. 422-1, L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; - la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ; - elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation. La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis qui n'a pas produit d'observations. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. d'Haëm, président-rapporteur. Considérant ce qui suit : Sur les conclusions à fin d'annulation : 1. M. B..., ressortissant égyptien, né le 1er octobre 2002 et entré en France, selon ses déclarations, le 1er août 2017, a sollicité, le 3 septembre 2021, son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 25 mai 2022, le préfet a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné à l'expiration de ce délai. M. B... relève appel du jugement du 8 novembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté. 2. Aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 (...) ". 3. Par l'arrêté attaqué, le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de délivrer à M. B... un titre de séjour, sur le fondement des dispositions précitées, aux motifs, d'une part, que l'intéressé, qui déclare être entré en France le 1er août 2017, sans le justifier, et qui n'apporte pas d'éléments suffisamment probants pour justifier de sa présence sur le territoire depuis son arrivée, notamment pour l'année 2018 pour laquelle il ne produit qu'un certificat de scolarité, ne peut se prévaloir d'une longue présence habituelle et continue en France, d'autre part, que si M. B..., célibataire et sans enfant, fait valoir la présence en France de son père, il ne démontre pas la nécessité de rester auprès de lui et qu'ainsi, rien ne l'empêche de poursuivre sa vie privée et familiale dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de quinze ans, enfin, que si l'intéressé présente quatre bulletins de salaire en qualité de peintre pour le compte de la société " Hamid Star ", aucun contrat de travail ne les corrobore, qu'il ne peut ainsi justifier d'une insertion professionnelle effective et suffisamment stable et qu'au vu de ces éléments, il ne peut prétendre à une admission exceptionnelle au séjour au titre du travail. 4. Toutefois, le requérant soutient, sans être contredit en défense par le préfet de la Seine-Saint-Denis qui n'a pas produit d'observations en appel, ni en première instance, qu'il a fourni, à l'appui de sa demande de titre de séjour, des bulletins de salaire de son père, M. A... B..., qui travaille en qualité de peintre en bâtiment pour la société " Hamid Star ", afin de justifier que celui-ci était en mesure de subvenir à ses besoins, le temps de ses études, et que lui-même n'a jamais travaillé pour cette société, ni entendu le faire, mais a poursuivi, depuis son entrée en France, sa scolarité, notamment entre 2018 et 2022, et a d'ailleurs obtenu, au mois de juillet 2022, un baccalauréat professionnel, spécialité " maintenance des véhicules option A - voitures particulières ", et a sollicité une admission exceptionnelle au séjour à raison, en particulier, des études qu'il poursuivait. De plus, M. B... fournit les bulletins de salaire de son père, salarié de la société " Hamid Star ", ainsi que, par ailleurs, différents documents attestant de sa scolarité entre 2018 et 2022 et de l'obtention d'un baccalauréat professionnel. Par suite, la décision attaquée portant refus de titre de séjour est fondée sur des faits entachés d'inexactitude matérielle. En outre, il ne résulte pas de l'instruction et il n'est d'ailleurs pas allégué en défense que le préfet aurait pris la même décision en se fondant sur les autres motifs retenus dans l'arrêté attaqué. Dès lors, M. B... est fondé à demander, pour ce motif, l'annulation de cette décision portant refus de titre de séjour et, par voie de conséquence, celle portant obligation de quitter le territoire français qui l'assortit. 5. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 25 mai 2022 du préfet de la Seine-Saint-Denis en tant qu'il lui refuse la délivrance d'un titre de séjour et l'oblige à quitter le territoire français. Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte : 6. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution (...) ". Aux termes de l'article L. 911-2 du même code : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé (...) ". Enfin, aux termes de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si la décision portant obligation de quitter le territoire français est annulé, (...) l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas ". 7. Eu égard au motif d'annulation retenu au point 4, le présent arrêt n'implique pas nécessairement la délivrance d'un titre de séjour à M. B..., mais seulement le réexamen de sa situation. Il y a donc lieu d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de réexaminer, dans un délai de trois mois à compter de la notification de l'arrêt, la situation de l'intéressé et de lui accorder, dans l'attente de ce réexamen, une autorisation provisoire de séjour. En revanche, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte. Sur les frais liés au litige : 8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros à M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. DÉCIDE : Article 1er : Le jugement n° 2210443 du 8 novembre 2022 du tribunal administratif de Montreuil et l'arrêté du 25 mai 2022 du préfet de la Seine-Saint-Denis refusant de délivrer à M. B... un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français, sont annulés. Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de réexaminer la situation de M. B... dans le délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt et, dans l'attente de ce réexamen, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour. Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à M. B... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au préfet de la Seine-Saint-Denis. Délibéré après l'audience du 14 mars 2023, à laquelle siégeaient : - M. d'Haëm, président, - Mme d'Argenlieu, première conseillère, - Mme Saint-Macary, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mars 2023. Le président-rapporteur, R. d'HAËML'assesseure la plus ancienne, L. d'ARGENLIEU La greffière, A. GASPARYAN La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. N° 22PA05288 2
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Vu la procédure suivante : Par une requête et un mémoire, enregistrés les 16 mars 2021 et 12 septembre 2022, la société Sassierges Energie, représentée par Me Guiheux, demande à la cour : 1°) d'annuler l'arrêté du 8 février 2021 par lequel le préfet de l'Indre a refusé de lui délivrer une autorisation environnementale pour l'installation et l'exploitation d'un parc éolien sur le territoire de la commune de Sassierges-Saint-Germain ; 2°) de lui délivrer l'autorisation sollicitée ou, à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de l'Indre de lui délivrer l'autorisation sollicitée, dans le délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé au regard de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration dès lors qu'il n'est pas assorti des précisions suffisantes pour permettre de le contester utilement ; - le site du projet d'implantation du parc éolien ne présente pas de sensibilité ou de qualité justifiant une protection particulière au regard de l'article L. 181-3 du code de l'environnement ; - le phénomène de covisibilité indirecte, reproché par le préfet de l'Indre entre le projet de parc et l'église Saint-Germain, est non significatif et n'est pas de nature à entraîner une concurrence visuelle préjudiciable à la conservation des perspectives visuelles du monument ; - le préfet de l'Indre a commis une erreur d'appréciation en estimant que la visibilité du projet de parc éolien depuis le parvis de l'église Saint-Germain est de nature à altérer la perception de la silhouette du bourg et de son église et à porter atteinte au cadre de vie de ses habitants ; - la circonstance que les éoliennes projetées et celles de deux parcs existants seraient visibles simultanément, ne suffit pas à fonder une décision de refus d'autorisation environnementale ; - le projet de parc éolien n'entraîne pas d'impact significatif sur les hameaux les plus proches, ni d'effet d'écrasement sur les hameaux les plus proches ; - le préfet de l'Indre a commis une erreur d'appréciation en estimant que le choix de la variante du projet de parc éolien ne permet pas une intégration lisible dans le paysage ni une insertion visuelle optimale. Par un mémoire en défense enregistré le 30 juin 2022, la ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête. Elle fait valoir que les moyens invoqués par la société requérante ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de l'environnement ; - l'ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme A... B..., - les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteure publique, - et les observations de Me Bonnin, représentant la société Sassierges Energie. Considérant ce qui suit : 1. La société Sassierges Energie a déposé le 17 juillet 2019 une demande d'autorisation environnementale pour la construction et l'exploitation d'un parc éolien composé de quatre aérogénérateurs d'une hauteur de 180 mètres en bout de pâle, et d'un poste double de livraison, sur le territoire de la commune de Sassierges-Saint-Germain. Par un arrêté du 8 février 2021, le préfet de l'Indre a rejeté sa demande. La société Sassierges Energie demande à la cour l'annulation de cet arrêté. Sur la légalité de l'arrêté du 8 février 2021 : 2. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'environnement : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique. (...) ". Aux termes de l'article L. 512-1 du même code, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 26 janvier 2017 relative à l'autorisation environnementale, applicable en l'espèce : " Sont soumises à autorisation les installations qui présentent de graves dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés à l'article L. 511-1. / L'autorisation, dénommée autorisation environnementale, est délivrée dans les conditions prévues au chapitre unique du titre VIII du livre Ier. " Par ailleurs, aux termes de l'article L. 181-3 du même code, créé par la même ordonnance : " I. - L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1, selon les cas. (...) ". 3. Il résulte de l'instruction, notamment du volet paysager de l'étude d'impact, que le site d'implantation du parc éolien en litige, composé de quatre aérogénérateurs et d'un poste double de livraison, se situe sur le territoire de la commune de Sassierges-Saint-Germain, inscrit en zone favorable à l'éolien du schéma régional éolien de la région Centre, situé au sud de l'aire paysagère de la Champagne berrichonne, dans la plaine d'Ardentes, constituée essentiellement de vastes plaines agricoles se mêlant à d'importants espaces boisés. Le relief de la zone d'implantation du projet se présente sous la forme de légers vallonnements, s'échelonnant entre 150 et 170 mètres d'altitude. Au sud et à l'est de l'unité paysagère, les lisières forestières des grandes forêts domaniales de Bommiers, de Chœurs, et le bois de Mâron, marquent l'horizon en direction de la zone d'implantation du projet. Par ailleurs, le territoire d'implantation du projet est déjà marqué par des éléments anthropiques tels que plusieurs routes départementales et autres axes routiers secondaires ainsi que des lignes à haute tension, une usine de stockage de déchets, et des silos à grains. Enfin, les monuments historiques du secteur se situent en majorité dans l'aire d'étude éloignée, qui s'étend sur un rayon de 20 km autour du projet, seuls six d'entre eux étant situés dans l'aire rapprochée du projet éolien. Dans ces conditions, le paysage entourant le projet, s'il n'est pas dépourvu de tout intérêt, ne peut être regardé comme présentant un caractère ou un intérêt particulier à l'identité ou à l'attractivité desquelles le parc éolien porterait atteinte. En ce qui concerne la covisibilité indirecte avec l'église Saint-Germain : 4. Pour refuser de délivrer l'autorisation sollicitée, le préfet de l'Indre a relevé l'existence d'une covisibilité indirecte entre l'église Saint-Germain et l'ensemble du projet éolien, entraînant " une concurrence visuelle préjudiciable à la conservation des perspectives visuelles du monument dont le clocher constitue le repère visuel pour les habitants accédant quotidiennement au village de Sassierges-Saint-Germain par cette route ". 5. L'église Saint-Germain de la commune de Sassierges-Saint-Germain, inscrite au titre des monuments historiques, se situe à environ 700 mètres de la zone d'implantation du projet éolien et présente une sensibilité potentielle forte au projet. S'il résulte de l'instruction, notamment du photomontage n°12 du carnet de photomontages de l'étude d'impact, qu'il existe depuis la route départementale n°19 une covisibilité entre l'église Saint-Germain et le projet de parc éolien, celle-ci reste limitée, les éoliennes s'assimilant relativement bien à l'horizon bocager et la taille des machines n'étant pas le seul point d'appel visuel, compte tenu de la présence de lignes à haute tension. Dans ces conditions, la covisibilité entre les éoliennes et l'église Saint-Germain n'apparaît pas de nature à entraîner une concurrence visuelle qui serait préjudiciable à la conservation des perspectives visuelles de ce monument. Par suite, le préfet de l'Indre ne pouvait pas se fonder sur ce motif pour refuser l'autorisation sollicitée. En ce qui concerne la visibilité du projet éolien depuis le parvis de l'église Saint-Germain : 6. Il résulte de l'instruction, en particulier du photomontage n° 13 du carnet de photomontages de l'étude d'impact, qu'il existe des vues directes depuis le parvis de l'église Saint-Germain et depuis une route d'accès à la commune de Sassierges-Saint-Germain sur le parc éolien en litige, lequel, ainsi que l'ont relevé les auteurs de l'étude d'impact, apporte une nouvelle dimension à cet environnement et transforme les perceptions depuis les abords de ce lieu. Toutefois il n'apparaît pas, compte tenu, d'une part, du caractère partiel de ces vues, dès lors que les éoliennes E3 et E4 sont occultées par une maison créant un masque visuel, et que l'éolienne E1 est partiellement masquée par le bâti et la présence d'un poteau électrique, d'autre part, de la hauteur apparente des machines, qui ne dépassent pas les éléments composant ce paysage urbain, excluant ainsi tout effet d'écrasement, que le projet de parc éolien porterait une atteinte significative à l'église Saint-Germain, une telle atteinte ne pouvant se déduire de la seule circonstance que les éoliennes seront visibles depuis ses abords ou en covisibilité. Par suite, le préfet de l'Indre ne pouvait se fonder sur ce motif pour refuser l'autorisation sollicitée. En ce qui concerne la covisibilité du projet avec les parcs éoliens existants : 7. Pour refuser l'autorisation sollicitée, le préfet de l'Indre s'est fondé sur l'existence d'une covisibilité entre les parcs de Vouillon et de Champagne Berrichonne et le projet éolien en litige depuis les routes départementales n° 12 et n° 14, mettant en évidence une lecture confuse du projet ainsi qu'une superposition visuelle des silhouettes des machines. Il résulte de l'instruction, notamment de l'étude d'impact, que les parcs éoliens de Vouillon et de Champagne Berrichonne, situés respectivement à environ 2 et 3 kilomètres de la zone d'implantation du projet éolien, se trouvent en situation de covisibilité depuis certains points de vue, notamment depuis les routes départementales n° 12 et n° 14. Toutefois, la présence, à l'est et à l'ouest, de grandes forêts domaniales qui se dessinent à l'horizon permet, en certains endroits, de faire office d'écran visuel. Il résulte également des photomontages n° 50 et 51 de l'étude d'impact, pris depuis la routes départementales n° 12 et n° 14 au niveau de la sortie du bourg d'Ardentes, situé à environ 5 kilomètres de la zone d'implantation du projet, que si celui-ci est bien visible à l'horizon, et qu'il s'ajoute aux deux autres parcs visibles en arrière-plan, ces parcs proposent toutefois une implantation relativement régulière avec des machines qui s'égrènent à l'horizon sans effet de brouillage. Par ailleurs, l'impact global du projet sur la route départementale n° 12 est qualifié de modéré et celui sur la route départementale n°14 est quant à lui qualifié de faible. Enfin, la circonstance que certaines éoliennes se superposent avec les machines des parcs existants, et que la lecture du parc en litige apparaît légèrement plus confuse que celle des parcs existants, ne suffit pas à engendrer un impact cumulé significatif. Dans ces conditions, le préfet de l'Indre ne pouvait se fonder sur ce motif pour refuser l'autorisation sollicitée. En ce qui concerne l'impact sur les hameaux les plus proches : 8. Pour refuser de délivrer l'autorisation sollicitée, le préfet de l'Indre a également relevé une visibilité importante du projet depuis les hameaux les plus proches, à savoir les hameaux du Grand Villemongin, du Grand Liennet, du Petit Villemongin, du Petit Liennet et de Châtre, ainsi qu'une rupture d'échelle entraînant un effet d'écrasement. Il résulte toutefois de l'instruction qu'un seul des hameaux concernés, le hameau du Petit Villemongin, subit un impact théorique fort au plan visuel du fait de la proximité au lieu de présence du projet éolien, situé à environ 800 mètres, les autres hameaux ne subissant qu'un impact modéré à faible. Si la ligne d'éolienne sera clairement visible depuis le hameau du Petit Villemongin, les auteurs de l'étude d'impact ont toutefois relevé que l'implantation du parc est lisible et qu'il n'existe aucun effet de brouillage, limitant ainsi l'effet de barrière à l'horizon. Il résulte par ailleurs de l'instruction, ainsi que l'a relevé la mission d'autorité environnementale dans son avis du 16 juin 2020, que la société requérante a prévu de mettre en œuvre une mesure d'accompagnement consistant en la plantation de haies pour masquer les éoliennes dans les lieux de vie les plus exposés, à raison de 500 mètres de linéaires de haies bocagères multistrates pour les aménagements intérieurs de hameaux et jardins. Enfin, la seule circonstance que le projet demeurerait visible depuis certains abords des hameaux les plus proches n'est pas, par elle-même, de nature à caractériser un effet d'écrasement, ni une atteinte significative sur les paysages. Dans ces conditions, le préfet de l'Indre ne pouvait se fonder sur l'impact du projet éolien sur les hameaux les plus proches pour refuser l'autorisation sollicitée. En ce qui concerne l'absence d'intégration lisible du projet de parc éolien : 9. Il résulte de l'instruction que les auteurs de l'étude d'impact ont procédé à une analyse et une comparaison de chacune des variantes proposées, et que la variante 3 qui a été retenue, composée de quatre éoliennes disposées en quinconce, sous forme de losange, répond notamment à la volonté de réduire l'emprise visuelle horizontale du parc, afin d'assurer une intégration paysagère plus optimale depuis les hameaux et bourgs proches des éoliennes. La commission d'enquête a d'ailleurs relevé dans son avis émis le 27 novembre 2020 qu'une attention particulière a été portée sur le positionnement, le nombre et la taille des éoliennes, et que la variante retenue s'est imposée comme étant celle de moindre impact, constituant un compromis satisfaisant au vu des nombreux critères pris en compte. Il résulte de l'étude d'impact que si la lecture du parc apparaît souvent brouillée, du fait de la superposition des silhouettes des machines, l'implantation choisie propose toutefois un projet globalement lisible. En effet, la variante n° 3, qui comporte quatre éoliennes groupées, donne à voir un projet spatialement mieux maîtrisé, et des inter distances globalement homogènes et sans brouillage entre les silhouettes des machines. Dans ces conditions, le préfet de l'Indre ne pouvait se fonder sur le motif tiré de l'absence d'insertion lisible du projet dans le paysage pour refuser l'autorisation sollicitée par la société Sassierges Energie. 10. Il résulte de tout ce qui précède que la société requérante est fondée à demander l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Indre du 8 février 2021 refusant la délivrance d'une autorisation environnementale pour l'installation et l'exploitation d'un parc éolien sur le territoire de la commune de Sassierges-Saint-Germain. Sur les conclusions à fin d'injonction : 11. Lorsqu'il statue en vertu de l'article L. 514-6 du code de l'environnement, le juge administratif a le pouvoir d'autoriser la création et le fonctionnement d'une installation classée pour la protection de l'environnement en l'assortissant des conditions qu'il juge indispensables à la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1. Il a, en particulier, le pouvoir d'annuler la décision par laquelle l'autorité administrative a refusé l'autorisation sollicitée et, après avoir, si nécessaire, régularisé ou complété la procédure, d'accorder lui-même cette autorisation aux conditions qu'il fixe ou, le cas échéant, en renvoyant le bénéficiaire devant le préfet pour la fixation de ces conditions. 12. La ministre de la transition écologique ne se prévaut d'aucun autre motif de refus de l'autorisation d'exploiter les éoliennes du parc litigieux. 13. Eu égard aux motifs d'annulation retenus au présent arrêt, il y a lieu pour la cour de faire usage de ses pouvoirs de pleine juridiction en délivrant à la société Sassierges Energie l'autorisation environnementale dont relève le projet de parc éolien en vertu les dispositions de l'article L. 181-3 du code de l'environnement issues de l'ordonnance n° 2017-640 du 26 janvier 2017. La société requérante est renvoyée devant le préfet de l'Indre aux fins de fixation par ce dernier des conditions qui, le cas échéant, doivent assortir l'autorisation environnementale. 14. Aux termes de l'article R. 181-50 du code de l'environnement : " Les décisions mentionnées aux articles L. 181-12 à L. 181-15-1 peuvent être déférées à la juridiction administrative : /1° Par les pétitionnaires ou exploitants, dans un délai de deux mois à compter du jour où la décision leur a été notifiée ; / 2° Par les tiers intéressés en raison des inconvénients ou des dangers pour les intérêts mentionnés à l'article L. 181-3, dans un délai de quatre mois à compter de : / a) L'affichage en mairie dans les conditions prévues au 2° de l'article R. 181-44 ; / b) La publication de la décision sur le site internet de la préfecture prévue au 4° du même article. / Le délai court à compter de la dernière formalité accomplie. Si l'affichage constitue cette dernière formalité, le délai court à compter du premier jour d'affichage de la décision. (...) ". 15. Il y a lieu d'enjoindre au préfet de l'Indre de mettre en œuvre les mesures de publicité nécessaires prévues aux articles R. 181-44 et R. 181-50 du code de l'environnement s'agissant de l'autorisation environnementale délivrée. Sur les frais liés au litige : 16. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à la société Sassierges Energie de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés non compris dans les dépens, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. DECIDE : Article 1er : L'arrêté du 8 février 2021 par lequel le préfet de l'Indre a refusé de délivrer à la société Sassierges Energie l'autorisation environnementale sollicitée pour l'installation et l'exploitation d'un parc de quatre éoliennes sur le territoire de la commune de Sassierges-Saint-Germain est annulé. Article 2 : Il est délivré à la société Sassierges Energie l'autorisation environnementale sollicitée pour son projet. La société Sassierges Energie est renvoyée devant le préfet de l'Indre pour fixation des conditions qui devront, le cas échéant, assortir ladite autorisation. Article 3 : Il est prescrit au préfet de l'Indre de mettre en œuvre les mesures de publicité prévues aux articles R. 181-44 et R. 181-50 du code de l'environnement s'agissant de l'autorisation environnementale délivrée au présent arrêt. Article 4 : L'Etat versera à la société Sassierges Energie une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Sassierges Energie, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et au préfet de l'Indre. Délibéré après l'audience du 7 mars 2023 à laquelle siégeaient : Mme Bénédicte Martin, présidente, M. Michaël Kauffmann, premier conseiller, Mme Pauline Reynaud, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mars 2023. La rapporteure, Pauline B...La présidente, Bénédicte Martin La greffière, Caroline Brunier La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. N° 21BX01156 2
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Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. D... A... a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler l'arrêté du 28 janvier 2021 par lequel le préfet de la Guadeloupe lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et d'enjoindre au préfet de lui délivrer une carte de séjour temporaire. Par un jugement n° 2100155, 2100255 du 17 mai 2022, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 13 juin 2022, M A..., représenté par Me Navin, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du 17 mai 2022 du tribunal administratif de la Guadeloupe ; 2°) d'annuler l'arrêté du 28 janvier 2021 par lequel le préfet de la Guadeloupe lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours ; 3°) d'enjoindre au préfet de la Guadeloupe de lui délivrer une carte de séjour temporaire à compter de l'arrêt à intervenir, ou à titre subsidiaire de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente du réexamen de sa situation, et ce sous astreinte de 50 euros par jour de retard ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé ; - il est entaché d'erreur d'appréciation ; - il méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - il méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par un mémoire en défense, enregistré le 2 décembre 2022, le préfet de la Guadeloupe conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens invoqués par le requérant ne sont pas fondés. Par une ordonnance du 7 février 2023, la clôture de l'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 15 février 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code des relations entre le public et l'administration ; - le code de justice administrative. La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme B... C.... Considérant ce qui suit : 1. M. A..., ressortissant haïtien né le 11 mars 1988, déclare être entré en France en avril 2014. Il a déposé une demande d'asile qui a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides par une décision du 10 février 2015, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 3 décembre 2015. Par un arrêté du 28 janvier 2021, le préfet de la Guadeloupe a fait obligation à M. A... de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. M. A... a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe l'annulation de l'arrêté du 28 janvier 2021. L'intéressé relève appel du jugement n° 2100155 et n° 2100255 par lequel le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande. Sur le bien-fondé du jugement : 2. En premier lieu, l'arrêté attaqué vise le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en particulier ses articles L. 313-11 1° et L. 511-1, et les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il indique que M. A..., interpellé et placé en retenue administrative pour vérification du droit de circulation ou de séjour, n'a pas été en mesure de présenter un document lui permettant de séjourner légalement sur le territoire national. Il mentionne également que l'intéressé déclare être entré clandestinement sur le territoire français depuis environ 5 ans et s'y est maintenu. L'arrêté précise que M. A... est célibataire, parent d'un enfant de treize mois résidant avec sa mère, qu'il travaille en toute illégalité pour subvenir à ses besoins et qu'il a déjà fait l'objet d'un refus de sa demande d'asile auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmé par une décision de la Cour nationale du droit d'asile. Dans ces conditions, l'arrêté attaqué, qui comporte les considérations de droit et de fait qui la fondent, est suffisamment motivé. Le moyen tiré du défaut de motivation de cet arrêté doit par suite être écarté. 3. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...)/ 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ". 4. M. A... soutient qu'il réside en France depuis plus de sept ans à la date de l'arrêté attaqué, et se prévaut de la présence en Guadeloupe de sa compagne, titulaire d'une carte de séjour, avec qui il entretient une relation depuis décembre 2018 et avec laquelle il a eu un enfant en décembre 2019. L'intéressé ne conteste toutefois pas l'absence de communauté de vie avant la date de l'arrêté attaqué, et ne démontre pas, en se bornant à produire quelques factures, et des reçus de versements mensuels effectués auprès de sa compagne entre janvier 2020 et janvier 2021, sans aucune précision sur la nature de ces versements, qu'à la date de l'arrêté attaqué, il contribuait effectivement à l'éducation et à l'entretien de son enfant. Par ailleurs, la présence régulière en Guadeloupe d'une partie de la fratrie de l'intéressé, de cousins et oncles, ne lui confère pas un droit au séjour sur le territoire français. Enfin, M. A..., qui n'est pas dépourvu d'attaches dans son pays d'origine, où il a vécu la majorité de sa vie et où réside notamment sa mère, ne justifie pas d'une insertion sociale, économique et culturelle dans la société française. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pour ces mêmes motifs, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué serait entaché d'erreur manifeste d'appréciation doit aussi être écarté. 5. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de La Guadeloupe a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte et celles tendant à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme d'argent au titre des frais de justice ne peuvent qu'être rejetées. DECIDE : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de la Guadeloupe. Délibéré après l'audience du 7 mars 2023 à laquelle siégeaient : Mme Bénédicte Martin, présidente, M. Michaël Kauffmann, premier conseiller, Mme Pauline Reynaud, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mars 2023. La rapporteure, Pauline C... La présidente, Bénédicte Martin Le greffier, Caroline Brunier La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. 2 N° 22BX01660
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Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. C... E... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 9 août 2022 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de douze mois. Par un jugement n° 2212856 du 3 octobre 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistré le 2 novembre 2022, M. E..., représenté par Me Le Gall, demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 200 euros à son conseil au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il soutient que : - le tribunal administratif ayant omis de répondre au moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le jugement attaqué est entaché d'irrégularité ; - le tribunal a dénaturé les pièces du dossier en écartant le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; - l'arrêté attaqué a été pris en méconnaissance des stipulations de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; - la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - elle est entachée d'erreurs manifestes d'appréciation dès lors qu'il est entré régulièrement sur le territoire français, qu'il n'a pas cherché à dissimuler son identité, ni le lieu de son domicile et que son comportement ne constitue pas une menace pour l'ordre public ; - la décision refusant un délai de départ volontaire méconnaît les dispositions des 1° et 3° de l'article L. 612-2 et 8° de l'article L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que son comportement ne constitue pas une menace pour l'ordre public et qu'il a présenté des garanties de représentation, notamment son identité et son adresse, l'administration n'ayant pas jugé utile de le placer en rétention administrative ou de l'assigner à résidence ; - la décision fixant le pays de destination méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision refusant un délai de départ volontaire ; - sa durée revêt un caractère disproportionné ; - elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis qui n'a pas produit d'observations. Les parties ont été informées par un courrier du 13 février 2023 de ce que le juge d'appel était susceptible de procéder d'office à une substitution de base légale. Par un courrier du 13 février 2023, une mesure d'instruction a été diligentée par la cour. Par un mémoire en production de pièces, enregistré le 16 février 2023, le préfet de la Seine-Saint-Denis a répondu à cette mesure. Par une décision du 23 janvier 2023 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris, M. E... a été admis à l'aide juridictionnelle partielle (25%). Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. d'Haëm, président-rapporteur. Considérant ce qui suit : 1. M. E..., ressortissant tunisien, né le 3 septembre 1994 et entré en France, selon ses déclarations, en 2017, fait appel du jugement du 3 octobre 2022 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 9 août 2022 du préfet de la Seine-Saint-Denis l'obligeant à quitter le territoire français sans délai, fixant le pays à destination duquel il pourra être éloigné et prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de douze mois. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. Il ressort du jugement attaqué que le magistrat désigné par le tribunal administratif de Montreuil a omis de se prononcer sur le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales que M. E... avait invoqué en première instance à l'appui de sa demande et qui n'était pas inopérant. Par suite, le jugement attaqué est irrégulier et doit être annulé. 3. Il y a lieu, pour la cour, de se prononcer immédiatement, par la voie de l'évocation, sur la demande de M. E... tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 9 août 2022. Sur les moyens communs aux décisions attaquées : 4. En premier lieu, Mme A... B..., adjointe au chef de la plateforme interrégionale de la main d'œuvre étrangère et signataire de l'arrêté en litige, bénéficiait d'une délégation de signature du préfet de la Seine-Saint-Denis en date du 25 avril 2022, régulièrement publiée au bulletin des informations administratives du 26 avril suivant, à l'effet de signer, notamment, les décisions attaquées portant obligation de quitter le territoire français, refusant un délai de départ volontaire, fixant le pays de destination et portant interdiction de retour sur le territoire français. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de ces décisions manque en fait et doit, dès lors, être écarté. 5. En second lieu, les stipulations de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ne sont pas en elles-mêmes invocables par un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement telle qu'une obligation de quitter le territoire français. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations doit être écarté comme inopérant. En admettant que le requérant ait entendu se prévaloir du droit d'être entendu, qui fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union, préalablement à l'adoption d'une décision de retour, ce droit implique que l'autorité administrative mette le ressortissant étranger en situation irrégulière à même de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur l'irrégularité du séjour et les motifs qui seraient susceptibles de justifier que l'autorité s'abstienne de prendre à son égard une décision de retour. Il n'implique toutefois pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français ou sur la décision le plaçant en rétention dans l'attente de l'exécution de la mesure d'éloignement, dès lors qu'il a pu être entendu sur l'irrégularité du séjour ou la perspective de l'éloignement. 6. En l'espèce, si le requérant se borne à soutenir qu'il " n'a pas été informé des décisions dont il risquait de faire l'objet, et n'a pas été en mesure de faire valoir ses observations orales à l'autorité administrative ", il ressort des pièces du dossier et, notamment, du procès-verbal d'audition en date du 9 août 2022 que M. E... a été interrogé, lors de sa garde à vue, sur son identité, son pays d'origine, sa situation familiale et les conditions de son entrée et de son séjour sur le territoire français. Ainsi et contrairement à ce que soutient le requérant, celui-ci a été mis à même de présenter son point de vue sur l'irrégularité de son séjour et les motifs qui auraient été susceptibles de justifier que l'autorité préfectorale s'abstienne de prendre à son égard une décision de retour. De surcroît, il a expressément indiqué vouloir, en cas de mesure d'éloignement, être reconduit en Tunisie. Par suite, le moyen tiré de ce que M. E... aurait été privé du droit d'être entendu, avant l'intervention des décisions en litige, manque en fait et doit, dès lors, être écarté. Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français : 7. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / 1° L'étranger, ne pouvant justifier être entré régulièrement sur le territoire français, s'y est maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) ". 8. D'une part, si M. E... soutient qu'il est entré régulièrement en France en 2017, il se borne à produire la copie de deux pages de son passeport, dont l'une revêtue d'un visa Schengen de court séjour, valable du 29 décembre 2016 au 24 juin 2017, mais n'indique, ni ne justifie, par aucun autre élément, de la date et des conditions de son entrée régulière sur le territoire au cours de l'année 2017. En outre, il est constant que l'intéressé n'était pas titulaire d'un titre de séjour en cours de validité. Par suite, il entrait dans le cas où, sur le fondement des dispositions du 1° de l'article L. 611-1 précité, le préfet de la Seine-Saint-Denis pouvait prendre à son encontre une décision l'obligeant à quitter le territoire français. 9. D'autre part, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". 10. M. E... se prévaut de la durée de son séjour en France depuis 2017 ainsi que de son intégration professionnelle et fait valoir qu'il y a tissé des liens d'une particulière intensité. Toutefois, le requérant ne justifie pas de l'ancienneté et de la continuité de son séjour en France depuis son entrée alléguée en 2017, à une date qu'il ne précise pas. En particulier, au titre de l'année 2017, il se borne à produire une ordonnance médicale du 20 mars 2017 et, au titre de l'année 2018, un formulaire de transfert d'argent du 23 février 2018, le requérant ne fournissant aucun autre document susceptible d'attester d'une présence habituelle au cours de ces deux années. En outre, il est constant que M. E..., qui n'apporte d'ailleurs aucune précision sur ses conditions d'existence entre 2017 et le mois de septembre 2021, n'a entrepris aucune démarche en vue de régulariser sa situation au regard du séjour. Par ailleurs, en produisant un contrat de travail à durée indéterminée, à compter du 4 octobre 2021, en qualité d'" employé de chantier " auprès de la société " Accès BTP ", ainsi que des bulletins de salaire, à compter de cette date et jusqu'en juillet 2022, il ne saurait être regardé comme justifiant d'une insertion professionnelle stable et ancienne sur le territoire. Enfin, si le requérant produit plusieurs attestations établies au mois de septembre 2022 par des proches ou des connaissances, M. E..., qui est célibataire et sans enfant, n'établit, ni n'allègue d'ailleurs, aucune circonstance particulière faisant obstacle à ce qu'il poursuive sa vie à l'étranger et, en particulier, dans son pays d'origine où il n'allègue pas être dépourvu de toute attache privée et familiale et où il a vécu au moins jusqu'à l'âge de vingt-trois ans. Ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, notamment des conditions du séjour en France de M. E..., la décision attaquée portant obligation de quitter le territoire français ne peut être regardée comme ayant porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquelles cette mesure a été prise. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, doit être écarté. 11. Enfin, alors que les seules circonstances que M. E... n'aurait pas cherché à dissimuler son identité, ni le lieu de son domicile et que son comportement ne constituerait pas une menace pour l'ordre public, sont sans incidence sur la décision en litige, qui n'est pas fondée sur une telle dissimulation ou menace, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en l'obligeant à quitter le territoire français, le préfet de la Seine-Saint-Denis aurait commis une erreur manifeste dans son appréciation de la situation personnelle de l'intéressé. Sur la légalité de la décision refusant un délai de départ volontaire : 12. Aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : / 1° Le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ; / (...) 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet ". Aux termes de l'article L. 612-3 du même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / 1° L'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; / (...) 8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu'il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d'empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au 3° de l'article L. 142-1, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 721-6 à L. 721-8, L. 731-1, L. 731-3, L. 733-1 à L. 733-4, L. 733-6, L. 743-13 à L. 743-15 et L. 751-5 ". 13. Le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé à M. E... un délai de départ volontaire aux motifs que le comportement de l'intéressé, interpellé pour des faits de conduite sous l'empire d'un état alcoolique, constitue une menace pour l'ordre public et qu'il existe un risque qu'il se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet, dès lors que l'intéressé ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français et n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour, qu'il est dépourvu d'un document de voyage en cours de validité et qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective et permanente. 14. Si M. E... se borne à soutenir qu'il ne constitue pas une menace pour l'ordre public et qu'il a présenté à l'administration des garanties de représentation, notamment son identité et son adresse, il ne conteste pas avoir été interpellé pour des faits de conduite sous l'empire d'un état alcoolique. De plus, en admettant que ces faits ne puissent pas suffire à caractériser une menace pour l'ordre public, il résulte de ce qui a été dit au point 8 que l'intéressé ne justifie pas être entré régulièrement sur le territoire français et n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour. En outre, en se bornant à produire la copie de deux pages de son passeport, il ne présente pas un document d'identité ou de voyage en cours de validité. De surcroît, il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente. Ainsi, le risque qu'il se soustraie à son obligation de quitter le territoire doit être regardé comme établi, en application des dispositions précitées du 3° de l'article L. 612-2 et des 1° et 8° de l'article L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dans ces conditions et alors même qu'aucune mesure de placement en rétention ou d'assignation à résidence n'aurait été prise à son encontre, le préfet de police pouvait légalement décider de ne pas lui accorder de délai de départ volontaire. Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination : 15. Le moyen tiré de ce que cette décision aurait été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, n'est pas assorti des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé et doit, par suite, être écarté. Sur la légalité de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de douze mois : 16. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision portant interdiction de retour prononcée à l'encontre de M. E... doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision lui refusant un délai de départ volontaire, ne peut qu'être écarté. 17. En second lieu, aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ". 18. M. E... ne démontre aucune circonstance humanitaire de nature à faire obstacle au prononcé d'une interdiction de retour qui doit assortir en principe, en application des dispositions de l'article L. 612-6 précité, l'obligation faite à un ressortissant étranger de quitter le territoire français sans délai. En particulier, ainsi qu'il a été dit au point 10, il ne justifie ni de son séjour en France depuis 2017, ni d'une insertion professionnelle ancienne sur le territoire, ni de liens familiaux. Par suite, en se fondant sur les conditions irrégulières de son séjour en France et sur l'absence de liens privés ou familiaux caractérisés dans ce pays, le préfet de la Seine-Saint-Denis a pu, sans entacher sa décision d'une erreur d'appréciation, ni méconnaître les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, prononcer à son encontre une interdiction de retour pour une durée de douze mois. 19. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 9 août 2022. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées. DÉCIDE : Article 1er : Le jugement n° 2212856 du 3 octobre 2022 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil est annulé. Article 2 : La demande présentée par M. E... devant le tribunal administratif de Montreuil et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... E... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis. Délibéré après l'audience du 14 mars 2023, à laquelle siégeaient : - M. d'Haëm, président, - Mme d'Argenlieu, première conseillère, - Mme Saint-Macary, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mars 2023. Le président-rapporteur, R. d'HAËML'assesseure la plus ancienne, L. d'ARGENLIEU La greffière, A. GASPARYAN La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. N° 22PA04684 2
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Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : La société Laboratoires Copmed a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler les décisions des 20 mai, 24 mai et 3 juillet 2019 par lesquelles la direction départementale de la protection des populations de Charente-Maritime a refusé de lui délivrer une attestation à l'exportation complète pour les produits " Candibiotic " et " Candinat ", d'annuler les décisions des 20 et 24 mai 2019 en tant qu'elles lui imposent d'exclure la phrase : " fabrication et la vente des produits ci-dessus sont légalement autorisées en France " de l'attestation pour l'exportation délivrée pour les dix produits qu'elle mentionne, et d'enjoindre à la direction départementale de protection des populations de Charente-Maritime de signer les attestations à l'exportation présentées pour les produits " Candibiotic " et " Candinat " et pour les dix autres produits concernés. Par un jugement n° 1902070 du 20 avril 2021, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 16 juin 2021, la société Laboratoires Copmed, représentée par Me Ciussi, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement n° 1902070 du tribunal administratif de Poitiers du 20 avril 2021 ; 2°) d'annuler les décisions des 20 mai, 24 mai et 3 juillet 2019 de la direction départementale de la protection des populations de Charente-Maritime ; 3°) d'enjoindre à la direction départementale de la protection des populations de Charente-Maritime de signer les attestations à l'exportation présentées pour les produits Candinat et Candibiotic, et pour les dix autres produits concernés, comportant toutes les mentions et, en particulier pour ces derniers, l'autorisation de fabrication et de vente en France, et ce sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir ; 4°) de mettre à la charge de de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : En ce qui concerne le produit " Candibiotic " : - la décision de refus opposée le 3 juillet 2019 de signer l'attestation à l'exportation portant sur les produits Candinat et Candibiotic n'est pas suffisamment motivée ; - les décisions de refus de signer l'attestation à l'exportation pour ces produits sont entachées d'une erreur d'appréciation, d'une erreur de droit et d'un abus de pouvoir, dès lors que la direction départementale de protection des populations retient à tort que le Candibiotic pourrait être regardé comme un médicament par présentation au sens de l'article L. 5111-1 du code de la santé publique ; - les mentions figurant sur l'étiquetage du produit Candibiotic gélules respectent les dispositions de l'article 7 du règlement (UE) n° 1169/2011 ; En ce qui concerne le produit Candinat : - le refus n'est pas suffisamment motivé ; - aucun manquement légal ni réglementaire n'a été reproché au produit Candinat, de sorte que la direction départementale ne pouvait légalement refuser de signer l'attestation à l'exportation sollicitée ; En ce qui concerne les dix autres produits : - les manquements à la réglementation évoqués pour le seul produit Candibiotic ne pouvaient justifier le refus de signature d'une attestation à l'exportation complète, mentionnant en particulier que les produits sont légalement fabriqués et vendus en France, pour les dix autres produits faisant l'objet de la demande présentée le 16 mai 2019 ; - la décision procède d'un détournement de pouvoir et d'une erreur de droit. Par un mémoire en défense, enregistré le 8 décembre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens invoqués par la société Laboratoires Copmed ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le règlement (UE) n° 1169/2011 du Parlement européen et du conseil du 25 octobre 2011 ; - le code des relations entre le public et l'administration ; - le code de la santé publique ; - le décret n° 2006-352 du 20 mars 2006 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme A... B..., - et les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. La société Laboratoires Copmed exerce une activité de fabrication et de vente de compléments alimentaires et cosmétiques, de produits diététiques et de produits d'hygiène corporelle. Le 25 avril 2018, elle a fait l'objet d'un contrôle de première mise sur le marché pour plusieurs de ses produits par les services de la direction départementale de la protection des populations de Charente-Maritime, à l'issue duquel ont été constatés plusieurs manquements. Le 17 mai 2019, la société Laboratoires Copmed a demandé aux services de la direction de la protection des populations de Charente-Maritime de signer une " attestation pour l'exportation " pour douze compléments alimentaires qu'elle souhaitait commercialiser au Vietnam, dont les produits Candinat et Candibiotic. Par une décision du 20 mai 2019, la direction départementale de la protection des populations de Charente-Maritime a rejeté sa demande. Le 24 mai 2019, la société Laboratoires Copmed a alors demandé à l'administration de lui délivrer une attestation d'exportation pour les douze produits concernés sans la mention, dans l'attestation à l'exportation, que la vente et la fabrication de ces produits étaient légalement autorisés en France. La direction départementale a accepté la demande de la société et signé l'attestation le 27 mai 2019. La société requérante a demandé le 25 juin 2019 à l'administration de signer une nouvelle attestation à l'exportation des produits Candibiotic et Candinat à destination du Vietnam. Par un courriel du 3 juillet 2019 se référant aux précédents échanges concernant ces mêmes produits, la direction départementale de la protection des populations a refusé de signer l'attestation d'exportation. La société Laboratoires Copmed relève appel du jugement n° 1902070 du 20 avril 2021 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 20 mai 2019 portant refus de signature de l'attestation à l'exportation présentée, de celle du 24 mai 2019 en tant qu'elle a imposé la suppression de la mention relative à la légalité de la fabrication et de la vente des produits litigieux et de celle du 3 juillet 2019 portant refus de la seconde demande de signature d'une attestation d'exportation. Sur les conclusions à fin d'annulation : En ce qui concerne le moyen commun invoqué à l'encontre des décisions attaquées : 2. Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. (...) ". Pour l'application de ces dispositions, l'administration doit indiquer soit dans sa décision elle-même, soit par référence à un document joint ou précédemment adressé, les considérations de fait sur lesquelles elle se fonde. 3. La décision du 3 juillet 2019 de refus de signature de l'attestation d'exportation pour les produits Candibiotic et Candinat à destination du Viêtnam, à laquelle sont jointes les décisions attaquées des 20 mai et 24 mai 2019, indique que " pour les mêmes raisons développées ci-dessous, je ne peux de nouveau instruire cette demande en l'état ". La première décision du 20 mai 2019 mentionne que l'attestation d'exportation demandée par la société ne pouvait être signée dès lors que l'administration ne pouvait attester que le produit Candibiotic pouvait être légalement vendu en France, son étiquetage n'étant pas conforme à la réglementation, ainsi qu'il lui avait été signalé lors du contrôle du 26 avril 2018. Cette décision indique également que le même constat s'applique au produit Candinat. Cette décision fait ainsi référence au rapport de contrôle établi pour la première mise sur le marché du produit Candibiotic, dont il n'a pas été sérieusement contesté qu'il avait été communiqué à la société requérante et précise que les constats dressés pour le produit Candibiotic sont applicables au produit Candinat, dont la déclaration de mise sur le marché est intervenue le 27 juillet 2018, soit postérieurement au contrôle. La décision du 24 mai 2019 mentionne quant à elle l'accord de l'administration pour signer l'attestation d'exportation, sous réserve de la suppression de la mention que " la fabrication et la vente des produits ci-dessous sont légalement autorisés en France ". Dans ces conditions, la société Laboratoires Copmed a pu connaître les raisons pour lesquelles la direction départementale de la protection des populations avait refusé de signer les deux attestations d'exportation demandées. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation des décisions attaquées doit être écarté. En ce qui concerne le produit Candibiotic : 4. D'une part, selon l'article 7 du règlement n° 1169/2011 du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011 concernant l'information des consommateurs sur les denrées alimentaires prévoit : " (...) / 3. Sauf dérogations prévues par la législation de l'Union applicable aux eaux minérales naturelles et aux denrées alimentaires destinées à un usage nutritionnel particulier, les informations sur les denrées alimentaires n'attribuent pas à celles-ci des propriétés de prévention, de traitement ou de guérison d'une maladie humaine, ni n'évoquent de telles propriétés. / 4. Les paragraphes 1, 2 et 3 s'appliquent également à : / a) la publicité ; / b) la présentation des denrées alimentaires et notamment à la forme ou à l'aspect donné à celles-ci (...) ". Aux termes de l'article L. 5111-1 du code de la santé publique : " On entend par médicament toute substance ou composition présentée comme possédant des propriétés curatives ou préventives à l'égard des maladies humaines ou animales, ainsi que toute substance ou composition pouvant être utilisée chez l'homme ou chez l'animal ou pouvant leur être administrée, en vue d'établir un diagnostic médical ou de restaurer, corriger ou modifier leurs fonctions physiologiques en exerçant une action pharmacologique, immunologique ou métabolique (...). Lorsque, eu égard à l'ensemble de ses caractéristiques, un produit est susceptible de répondre à la fois à la définition du médicament (...) et à celle d'autres catégories de produits régies par le droit communautaire ou national, il est, en cas de doute, considéré comme un médicament ". 5. D'autre part, aux termes de l'article 8 du décret du 20 mars 2006 relatif aux compléments alimentaires : " L'étiquetage des compléments alimentaires, leur présentation et la publicité qui en est faite n'attribuent pas à ces produits des propriétés de prévention, de traitement ou de guérison d'une maladie humaine, ni n'évoquent ces propriétés ". L'article 15 de ce décret prévoit que : " Le responsable de la première mise sur le marché d'un complément alimentaire ne relevant pas de la procédure prévue à l'article 16 informe la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes de la mise sur le marché du produit en lui transmettant un modèle de son étiquetage ". Selon l'article 16 de ce décret : " La première mise sur le marché français d'un complément alimentaire contenant une substance à but nutritionnel ou physiologique, une plante ou une préparation de plante, (...) donne lieu à la procédure suivante : / 1° L'importateur ou le fabricant (...) doit faire une déclaration à la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (...) / 4° Dans un délai maximal de deux mois après la réception du dossier complet de la déclaration mentionnée au 1°, la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes fait savoir au déclarant si le produit peut être commercialisé et dans quelles conditions. (...). / 5° Le refus d'autorisation de commercialisation est motivé : / a) Soit par l'absence des documents et informations mentionnés au c du 2° du présent article ; / b) Soit par des éléments scientifiques, délivrés notamment par l'Agence française de sécurité des aliments, démontrant que le produit présente un risque pour la santé. L'article 20 de ce décret dispose enfin que : " Il est interdit d'importer pour la mise en libre pratique, de détenir en vue de la vente ou de la distribution à titre gratuit, de mettre en vente, de vendre ou de distribuer à titre gratuit des compléments alimentaires qui ne répondent pas aux dispositions du présent décret ". 6. Il ressort tout d'abord des pièces du dossier, en particulier du rapport de contrôle du 26 avril 2018 de la première mise sur le marché établi par la direction départementale de la protection des populations, que le produit Candibiotic est présenté sur le livret d'informations produits de 2018, disponible sur le site internet de la société, comme destiné à soutenir le système immunitaire en cas de candidose, maladie humaine. Dans ces conditions, la direction départementale de la protection des populations a pu légalement estimer, sans que la circonstance que l'étiquetage du produit ne comportait pas de mention relative au soutien du système immunitaire ait une incidence, que ce produit indiquait des allégations thérapeutiques, en méconnaissance des dispositions précitées de l'article 7 du règlement du 25 octobre 2011. Il ressort par ailleurs du rapport de contrôle que l'utilisation de la racine " Candi " fait clairement référence à une maladie humaine, la candidose, et que la dénomination de ce produit est ainsi de nature à lui conférer le statut de médicament par présentation, au sens de l'article L. 5111-1 du code de la santé publique. Les deux demandes d'autorisations de complément alimentaire présentées les 4 avril et 7 juin 2018 par la société Laboratoires Copmed pour le produit " Candibiotic / gélule ", en application des dispositions précitées de l'article 16 du décret du 20 mars 2006, ont d'ailleurs été rejetées par des décisions de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes des 2 juillet 2018 et 3 août 2018, qui a estimé que le produit Candibiotic constituait un médicament par présentation. Ces décisions, qui emportaient interdiction de vendre ou distribuer ce produit, n'ont pas été contestées par la société Laboratoires Copmed. La circonstance que la dénomination Candibiotic est une marque déposée, déjà utilisée pour un produit similaire, le Candibiotic sachets, dont la mise sur le marché a été autorisée le 24 juin 2015, est sans incidence sur la qualification juridique du produit Candibiotic en litige, au sens du code de la santé publique. Par suite, c'est sans commettre d'erreur d'appréciation que la direction départementale de la protection des populations a refusé de signer l'attestation d'exportation pour le produit Candibiotic. En ce qui concerne le produit Candinat : 7. Il est constant que le produit Candinat n'a pas été visé par le contrôle de première mise sur le marché effectué par la direction départementale de la protection des populations en avril 2018. Le produit Candinat est toutefois également présenté sur le livret d'informations produits de 2018, disponible sur le site internet de la société Laboratoires Copmed, comme destiné à soutenir le système immunitaire en cas de candidose, maladie humaine. A cet égard, la circonstance que le produit Candinat a fait l'objet le 27 août 2018 d'une attestation de déclaration par la société Laboratoires Copmed, en application des dispositions de l'article 15 du décret du 20 mars 2006 précité, ne constitue pas une garantie de conformité aux dispositions de l'article 7 du règlement du 25 octobre 2010. Dans ces conditions, c'est sans commettre d'erreur d'appréciation ni d'abus de droit que la direction départementale de la protection des populations a refusé de signer l'attestation d'exportation pour le produit Candinat. En ce qui concerne les autres produits : 8. Il ressort des pièces du dossier que, dès lors qu'elles emportaient reconnaissance par l'administration que tous les produits listés étaient légalement vendus et fabriqués en France, c'est sans commettre d'erreur de droit ni d'abus de droit que la direction départementale de la protection des populations a refusé de signer les attestations d'exportation en litige, qui, compte tenu de leur présentation globale, ne permettaient pas de distinguer les produits conformes et ceux posant une difficulté. Dans ces conditions, l'administration a pu légalement, dans la décision du 20 mai 2019, inviter la société Laboratoires Copmed à exclure de l'attestation d'exportation les produits posant difficulté ou à supprimer la mention relative à la conformité de leur vente sur le territoire français. 9. Il résulte de tout ce qui précède que la société Laboratoires Copmed n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions des 20 mai, 24 mai et 3 juillet 2019 par lesquelles la direction départementale de la protection des populations a refusé de signer les attestations d'exportation sollicitées. Sur les frais liés à l'instance : 10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par la société Laboratoires Copmed au titre des frais exposés non compris dans les dépens, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. DECIDE : Article 1er : La requête de la société Laboratoires Copmed est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Laboratoires Copmed et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Délibéré après l'audience du 7 mars 2023 à laquelle siégeaient : Mme Bénédicte Martin, présidente, M. Michaël Kauffmann, premier conseiller, Mme Pauline Reynaud, première conseillère, Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mars 2023. La rapporteure, Pauline B...La présidente, Bénédicte Martin La greffière, Caroline Brunier La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. N° 21BX02571 2
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Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 12 mai 2022 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de vingt-quatre mois. Par une ordonnance n° 2207662 du 18 mai 2022, le président du tribunal administratif de Montreuil a constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur cette demande. Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 18 juin 2022, M. A..., représenté par Me Nait Mazi, demande à la Cour d'annuler cette ordonnance et de renvoyer l'affaire au tribunal administratif de Montreuil. Il soutient que : - en constatant qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur sa demande, alors qu'il réside habituellement en France depuis le mois de novembre 2020, que son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il ne pourrait pas bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine, le premier juge a entaché l'ordonnance attaquée d'irrégularité ; - l'arrêté attaqué méconnaît les stipulations du 7 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis qui n'a pas produit d'observations. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. d'Haëm, président-rapporteur ; - et les observations de Me Nait Mazi, avocat de M. A.... Considérant ce qui suit : 1. M. A..., ressortissant algérien, né le 19 juillet 1992 et entré en France, selon ses déclarations, au mois de novembre 2020, fait appel de l'ordonnance du 18 mai 2022 par lequel le président du tribunal administratif de Montreuil a constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 12 mai 2022 du préfet de la Seine-Saint-Denis l'obligeant à quitter le territoire français sans délai, fixant le pays à destination duquel il pourra être éloigné et prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de vingt-quatre mois. 2. Aux termes l'article R. 776-15 du code de justice administrative, le président du tribunal " peut, par ordonnance : / (...) 3° Constater qu'il n'y a pas lieu de statuer sur un recours (...) ". 3. Pour estimer que la demande présentée par M. A... était devenue sans objet, le président du tribunal administratif de Montreuil a relevé que l'intéressé, " placé en rétention administrative à la date de l'introduction de sa requête le 13 mai 2022, en a été libéré le 14 mai 2022 par une décision prononcée par le juge des libertés et de la détention " et considéré qu'" il ne ressort pas des pièces du dossier que le requérant, qui n'a pas d'adresse fixe en France et n'en a pas laissé à la suite de sa sortie du centre de rétention, soit encore présent sur le territoire national, ni qu'il n'ait manifesté un quelconque intérêt à la poursuite de la procédure qu'il avait initiée alors qu'il était retenu ". 4. Cependant, ni la circonstance que l'autorité judiciaire a mis fin à la rétention dont faisait l'objet M. A..., ni l'absence d'une adresse fixe, d'éléments permettant de considérer que l'intéressé était encore présent en France, à la suite de sa sortie du centre de rétention, ou d'une manifestation de sa part quant à l'intérêt que son recours conservait pour lui, n'ont privé d'effet l'arrêté attaqué portant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixation du pays de destination et interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de vingt-quatre mois, ni, par suite, privé d'objet les conclusions de l'intéressé, présentées devant le tribunal administratif, tendant à l'annulation de cet arrêté. Il suit de là que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le président du tribunal administratif a estimé que la demande dont il était saisi était devenue sans objet et a constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur cette demande. Dès lors, cette ordonnance doit être annulée. 5. Ni M. A..., qui d'ailleurs demande que l'affaire soit renvoyée au tribunal administratif, ni le préfet de la Seine-Saint-Denis n'ont présenté de conclusions sur le fond. Dès lors, il y a lieu de renvoyer l'affaire devant le tribunal administratif de Montreuil pour qu'il statue à nouveau sur la demande de M. A.... DÉCIDE : Article 1er : L'ordonnance n° 2207662 du 18 mai 2022 du président du tribunal administratif de Montreuil est annulée. Article 2 : L'affaire est renvoyée devant le tribunal administratif de Montreuil. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis. Délibéré après l'audience du 14 mars 2023, à laquelle siégeaient : - M. d'Haëm, président, - Mme d'Argenlieu, première conseillère, - Mme Saint-Macary, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mars 2023. Le président-rapporteur, R. d'HAËML'assesseure la plus ancienne, L. d'ARGENLIEULa greffière, A. GASPARYAN La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. N° 22PA02818 2
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Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le préfet de police sur sa demande du 13 avril 2021, réceptionnée le 20 avril 2021, tendant à l'obtention d'un certificat de résidence. Par un jugement n° 2122889 du 25 avril 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête et des pièces, enregistrées le 14 juin 2022 et le 18 juillet 2022, M. C..., représenté par Me Serhane, demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) d'annuler cette décision ; 3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un certificat de résidence ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande dans un délai de quinze jours à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 300 euros par jour du retard ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient qu'au regard de son ancienneté de séjour sur le territoire français et de son insertion professionnelle, la décision attaquée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle. Par un mémoire en défense, enregistré le 26 septembre 2022, le préfet de police conclut au rejet de la requête. Il soutient que : - la requête est irrecevable dès lors qu'elle est dépourvue d'objet ; - l'unique moyen soulevé n'est, en tout état de cause, pas fondé. Par une ordonnance du 1er décembre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 19 décembre 2022 à 12h00. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. M. C..., ressortissant algérien né le 23 juillet 1988, est entré en France le 22 novembre 2008 sous couvert d'un visa de long séjour en qualité de conjoint d'une ressortissante française, à la suite de son mariage le 12 juin 2008 en Algérie. Il a bénéficié d'un titre de séjour en cette qualité, valable du 15 janvier 2009 au 14 janvier 2010. Son divorce a été prononcé par jugement du tribunal de grande instance de Lille du 9 février 2012. Par courrier du 13 avril 2021, réceptionné le 20 avril 2021, M. C... a sollicité du préfet de police la délivrance d'un certificat de résidence à raison de la durée de son séjour en France et de son activité professionnelle. Cette demande a été implicitement rejetée par le préfet de police. M. C... relève appel du jugement du 25 avril 2022 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision. 2. Si M. C... soutient résider en France de manière continue depuis l'année 2008, les pièces éparses produites par lui, notamment au titre des années 2010 et 2011 et entre 2013 et 2019, ne permettent pas de l'établir. En outre, si l'intéressé se prévaut d'un contrat de travail à durée indéterminée en date du 1er novembre 2020 en qualité " d'employé polyvalent " auprès de la société " Pizza Five ", ainsi que de trois bulletins de paie au titre des mois de février, mars et avril 2021, ces éléments ne sont pas de nature à établir une insertion professionnelle durable sur le territoire français. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que le préfet de police aurait, en refusant son admission exceptionnelle au séjour, commis une erreur manifeste d'appréciation au regard de la durée de son séjour en France et de son activité professionnelle doit être écarté. 3. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par le préfet de police, que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doivent être rejetées. D E C I D E : Article 1er : La requête de M. C... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de police. Délibéré après l'audience du 14 mars 2023, à laquelle siégeaient : - M. d'Haëm, président, - M. Mantz, premier conseiller, - Mme d'Argenlieu, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mars 2023. Le rapporteur, P. B...Le président, R. d'HAËMLa greffière, A. GASPARYAN La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. N° 22PA02734 2
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Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Me Marc Leray, agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société par actions simplifiée unipersonnelle (SASU) B... et Co, a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de prononcer la décharge, en droits et majorations, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels la société B... et Co a été assujettie au titre des années 2014 à 2016. Par un jugement n° 1904343 du 18 mars 2020, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés les 18 mai 2021 et 18 juin 2021, la société par actions simplifiée unipersonnelle (SASU) B... et Co, représentée par Me Leray, en qualité de liquidateur judiciaire, et par Me Jany, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement n° 1904343 du tribunal administratif de Bordeaux du 18 mars 2020 ; 2°) de prononcer la décharge, en droits et majorations, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels la société B... et Co a été assujettie au titre des années 2014 à 2016 ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : En ce qui concerne la TVA collectée : - l'écart de chiffre d'affaires constaté par l'administration fiscale résulte, d'une part, du fait que les crédits portés au compte courant du compte bancaire ouvert auprès de la Caisse d'Epargne est un compte mixte, ouvert par Mme A..., gérante de la société B..., et affecté pour partie à l'activité professionnelle de la société, d'autre part, de remboursements clients non enregistrés en comptabilité ; En ce qui concerne la TVA déductible : - les dépenses pour lesquelles l'administration a remis en cause le caractère déductible de la TVA, à savoir l'acquisition du petit mobilier et d'appareils enregistrés en compte d'immobilisations, et autres biens de service, ont un caractère professionnel ; En ce qui concerne l'impôt sur les sociétés : - elle est fondée à solliciter la décharge des rehaussements notifiés au titre du profit sur le trésor ; - c'est à tort que l'administration n'a pas admis en déduction un certain nombre de charges pourtant exposées dans l'intérêt direct de l'entreprise ; - le passif injustifié d'un montant de 5 000 euros au titre de l'exercice 2015 correspond à un versement de dividendes au profit de la gérante de la société B... et Co, qui a été enregistré à tort dans les résultats imposables de la société ; il en est de même concernant le passif constaté pour un montant de 232 885 euros au titre de l'exercice 2016, inscrit au crédit du compte courant de la gérante de la société, correspondant à la prise en charge personnelle de dettes de la société afin de permettre la poursuite de l'activité. Par un mémoire en défense, enregistré le 2 décembre 2021, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que : - les conclusions tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée pour le montant excédant 25 928 euros, et celles tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés pour le montant excédant 93 057 euros, sont irrecevables ; - les moyens invoqués par la société requérante ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme C... D..., - et les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. La société par actions simplifiée unipersonnelle (SASU) B... et Co, créée le 18 mars 2013 et dont Mme B... épouse A... est l'unique associée, exerce une activité tous travaux de toiture, plomberie, frigoriste, chauffage, de vente et installation de pompes à chaleur, climatisation réversible, ballons thermodynamiques et de vente de tous produits d'isolation. Cette société a été placée en liquidation judiciaire le 8 novembre 2017. En 2017, elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre des années 2014 à 2016 en matière d'impôt sur les sociétés, et au titre de la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2016 en matière de taxe sur la valeur ajoutée (TVA). A l'issue de ce contrôle, après avoir constaté des écarts entre le chiffre d'affaires déclaré et le chiffre d'affaires effectivement réalisé, le service vérificateur a assujetti la société B... et Co à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre desdites années, ces rectifications étant assorties, outre des intérêts de retard, d'une majoration de 40 % pour manquement délibéré en application des dispositions de l'article 1729 du code général des impôts, le montant total dû en droits et majorations s'élevant à la somme totale de 259 723 euros, soit 31 176 euros au titre de la TVA et 228 547 euros au titre de l'impôt sur les sociétés. Me Marc Leray en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SASU B... et Co, a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de prononcer la décharge, en droits et majorations, de ces impositions. La société B... et Co relève appel du jugement du 18 mars 2021 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Sur le bien-fondé du jugement : En ce qui concerne les rappels de TVA : S'agissant de la TVA collectée : 2. Aux termes de l'article 256 du code général des impôts : " I. - Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel (...) ". En application de l'article 269 du même code, le fait générateur de la taxe se produit au moment où la livraison du bien ou la prestation de services est effectuée et la taxe est exigible lors de la réalisation du fait générateur pour les livraisons de biens et lors de l'encaissement des acomptes, du prix, de la rémunération ou, sur option du redevable, d'après les débits pour les prestations de services. Aux termes de l'article 266 du même code : " 1. La base d'imposition est constituée : / a. Pour les livraisons de biens, les prestations de services et les acquisitions intracommunautaires, par toutes les sommes, valeurs, biens ou services reçus ou à recevoir par le fournisseur ou le prestataire en contrepartie de ces opérations, de la part de l'acheteur, du preneur ou d'un tiers, y compris les subventions directement liées au prix de ces opérations (...) ". 3. Il résulte de l'instruction qu'après avoir fait usage de son droit de communication auprès de clients de la société requérante, l'administration fiscale a constaté au titre de la période courant du 1er au 31 décembre 2016 des insuffisances de déclaration de TVA exigible correspondant à une minoration de recettes déclarées d'un montant de 173 228 euros, mise en évidence par la comparaison des recettes déclarées et les mouvements figurant sur le compte bancaire ouvert au nom de la société auprès de la Caisse d'Epargne. 4. D'une part, si la société requérante soutient que l'écart constaté de chiffre d'affaires résulte du fait que le compte ouvert auprès de la Caisse d'Epargne était un compte à usage mixte, également utilisé à des fins personnelles par la gérante de la société, elle ne produit aucun élément de preuve, qu'elle est seule en mesure d'apporter, de nature à établir que les sommes en cause, versées sur un compte bancaire ouvert au nom de la société B... et Co, dont la nature professionnelle est dès lors présumée, présentaient un caractère personnel. L'administration a d'ailleurs établi à l'issue du contrôle opéré un relevé détaillé des encaissements bancaires au titre de l'année 2016, démontrant le caractère professionnel de ces opérations. Dans ces conditions, c'est à bon droit que l'administration fiscale a regardé le compte bancaire ouvert à la Caisse d'Epargne au nom de la société B... et Co, dont le patrimoine est distinct de celui de son unique associée et gérante, comme un compte retraçant les opérations professionnelles de cette société et qu'elle a procédé à la rectification en litige. 5. D'autre part, la société requérante soutient que l'écart de chiffre d'affaires résulte également pour partie de remboursements effectués par des clients n'ayant jamais été enregistrés en comptabilité. La société se prévaut tout d'abord de la commande passée par la société Cosme à hauteur de 16 000 euros, qui aurait fait l'objet d'une annulation et donc d'un remboursement, et produit à ce titre un document financier et un courrier du groupe Cetelem portant sur le décompte du 28 juillet 2016 des opérations de financement. Il ressort toutefois de ce courrier que la société requérante n'a été remboursée qu'à hauteur de 1 400 euros, le solde de 14 600 euros est inscrit comme restant à prélever sur les prochains financements de la société requérante, et qu'une opération soldée de 15 000 euros est également inscrite comme " doss. à annuler ". Dans ces conditions, dès lors qu'il n'existe pas de correspondance entre les documents produits par la société, celle-ci ne justifie pas de la réalité des remboursements allégués. Par ailleurs, le financement concernant la société Benamara d'un montant de 16 968 euros figurant sur le relevé de financement produit ne figure pas dans les encaissements professionnels détaillés en annexe de la proposition de rectification adressée à la société requérante, et cette dernière ne produit aucun justificatif comptable établissant l'enregistrement de cette opération de vente et d'annulation alléguée, ainsi que le traitement de la TVA correspondante. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a considéré que l'écart de chiffre d'affaires ne résulte pas des remboursements effectués par des clients de la société requérante. S'agissant de la TVA déductible : 6. Aux termes de l'article 271 du code général des impôts : " I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération (...) ". Aux termes de l'article 205 de l'annexe 2 au code général des impôts : " La taxe sur la valeur ajoutée grevant un bien ou un service qu'un assujetti à cette taxe acquiert, importe ou se livre à lui-même est déductible à proportion de son coefficient de déduction ". Aux termes du 2 du IV de l'article 206 de l'annexe 2 au code précité : " Le coefficient d'admission est nul (...) : / 1° Lorsque le bien ou le service est utilisé par l'assujetti à plus de 90 % à des fins étrangères à son entreprise (...) ". 7. Il résulte de l'instruction que le service a remis en cause le caractère déductible de la TVA ayant grevé des acquisitions de petit mobilier et appareils enregistrés en compte d'immobilisations, à savoir une centrale de repassage, un buffet, trois télévisions, une tablette Ipad et une tondeuse à cheveux, et a procédé aux rappels de TVA correspondants, soit 217 euros pour 2014, 724 euros pour 2015 et 657 euros pour 2017, après avoir constaté l'absence de ces biens lors des interventions sur place et considéré que leur utilisation pour les besoins de l'entreprise n'était pas avérée. Le service a également remis en cause le caractère déductible de la TVA ayant grevé des acquisitions de biens et services enregistrés en comptes de charges, sous les intitulés " cadeaux à la clientèle ", " sponsoring ", " petit matériel ", " entretien réparation ", " voyages et déplacements ", " fournitures petit équipement ", " fournitures matériel à 5,5 % ", " vêtements de travail ", " frais d'hôtel ", " redevances concessions ", " achats études ", " fournitures administratives ", " entretien matériel de transport ", " déplacements et missions ", et a procédé aux rappels de TVA correspondants, soit 2 743 euros pour 2014, 2 310 euros pour 2015 et 6 469 euros pour 2016, après avoir estimé que ces biens et services étaient utilisés à plus de 90 % à des fins étrangères à l'entreprise. 8. Si la société requérante soutient tout d'abord que les justificatifs apportés attestent du caractère professionnel des dépenses enregistrées en compte d'immobilisation, les photographies produites pour la première fois en appel par la société requérante et non datées, sur lesquelles les biens en litige figurent dans les locaux de la société ou sur des foires, ne suffisent toutefois pas à établir l'utilisation de ces biens pour l'activité de la société requérante. Par ailleurs, la société requérante ne remet pas utilement en cause le bien-fondé des rappels opérés, qui concernent principalement des dépenses dont la nature est, comme le fait valoir l'administration, sans rapport manifeste avec l'activité de l'entreprise tels qu'une centrale de repassage, une tondeuse à cheveux, des " repas réveillons " ou des " menus Saint Valentin ", des boissons et des bonbons, des dépenses de déplacements non assorties de factures ou encore des dépenses effectuées à Bilbao au cours de l'été 2016 ou au Maroc. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a estimé que les dépenses en cause avaient été exposées à des fins étrangères à l'entreprise et, par suite, remis en cause le caractère déductible de la taxe sur la valeur ajoutée correspondante. En ce qui concerne les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés : S'agissant du profit sur le trésor : 9. Lorsqu'un contribuable a fait l'objet de rehaussements en matière de TVA, ses bases d'imposition à l'impôt sur les sociétés peuvent être rehaussées d'un " profit sur le Trésor " chaque fois que le droit qui lui est ouvert, de déduire de ces bases la TVA rappelée aboutirait, à défaut de la constatation à due concurrence d'un tel profit, à ce que le contribuable soit imposé à l'impôt sur les sociétés sur une assiette plus réduite que celle sur laquelle il aurait été imposé s'il avait acquitté régulièrement la TVA. 10. Compte tenu de ce qui précède sur le bien-fondé des rappels de TVA auxquels la société B... et Co a été assujettie au titre des années 2014 à 2016, c'est à bon droit que les bases d'imposition à l'impôt sur les sociétés de la société B... et Co ont été rehaussées d'un " profit sur le Trésor " à raison de la réintégration dans les résultats des rappels de TVA mentionnées aux points 3 et 8. S'agissant des charges non admises en déduction : 11. Aux termes de l'article 39 du code général des impôts : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : / 1° Les frais généraux de toute nature (...) ". Il résulte de ces dispositions que les charges d'une société pouvant être admises en déduction du bénéfice imposable, en application des dispositions précitées de l'article 39 du code général des impôts, doivent avoir été exposées dans l'intérêt direct de l'entreprise ou se rattacher à sa gestion normale, correspondre à des charges effectives et être appuyées de justificatifs. 12. Si, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité. Le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée. Dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive. 13. Il résulte de l'instruction que l'administration a remis en cause le caractère déductible du bénéfice net des charges mentionnées au point 7 comme n'ayant pas été exposées dans l'intérêt direct de l'entreprise ou comme n'étant justifiées ni dans leur principe ni dans leur montant et a procédé à leur réintégration en base dans les résultats imposables de la société, soit 45 588 euros pour 2014, 71 370 euros pour 2015 et 39 587 euros pour 2016. Si la société requérante soutient une nouvelle fois que les justificatifs produits attestent du caractère professionnel de ces dépenses, ainsi qu'il a été dit au point 8, les photographies produites ne suffisent pas à établir que ces dépenses ont été engagées dans l'intérêt direct de l'entreprise. Dans ces conditions, la société requérante ne remet pas sérieusement en cause le bien-fondé de la réintégration des charges en litige dans ses résultats imposables. Par suite, c'est à bon droit que l'administration fiscale n'a pas admis ces charges en déduction. S'agissant du passif injustifié : 14. Aux termes du 2 de l'article 38 du code général des impôts : " Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés ". Aux termes de l'article 54 du même code : " Les contribuables (...) sont tenus de représenter à toute réquisition de l'administration tous documents comptables, inventaires, copies de lettres, pièces de recettes et de dépenses de nature à justifier l'exactitude des résultats indiqués dans leur déclaration (...) ". En vertu de ces dispositions applicables en matière d'impôt sur les sociétés conformément à l'article 209 du même code, il appartient au contribuable de justifier de l'exactitude des écritures comptables passées, tant dans leur principe, que dans leur montant. En particulier, il lui appartient, quelle que soit la procédure d'imposition suivie, de justifier l'inscription d'une dette au passif du bilan de son entreprise. 15. Il résulte de l'instruction que le service a réintégré aux résultats imposables de la société requérante, la somme de 5 000 euros au titre de 2015, et la somme de 232 885 euros au titre de 2016, toutes deux inscrites au crédit du compte courant de l'unique associée ouvert dans les livres de la société, au motif que le passif correspondant à ces écritures n'était pas justifié. 16. La société requérante soutient d'une part que la somme de 5 000 euros inscrite au compte courant d'associé le 31 décembre 2015 et libellée " virement par mobile " correspond à un versement de dividendes au profit de la gérante et unique associée, Mme A.... Si elle produit un procès-verbal d'assemblée générale daté du 31 décembre 2015 accordant à Mme A... un dividende de 5 000 euros, ce document, qui a été communiqué pour la première fois le 10 janvier 2019 après la mise en recouvrement de l'impôt, n'est pas suffisamment probant en l'absence de date certaine et n'est d'ailleurs pas corroboré par la comptabilité de l'entreprise, dont il n'est pas contesté qu'elle ne contient aucune écriture relative à une quelconque distribution de dividende. 17. D'autre part, la société requérante soutient que la somme de 232 885 euros correspond à la prise en charge personnelle par les époux A..., sur leurs propres deniers, de dettes de la société afin de permettre la poursuite de son activité. Toutefois, d'une part, ni l'extrait du journal des achats de 2016, ni les relevés bancaires produits, ne permettent de justifier que l'inscription de la somme de 208 289,70 euros au crédit du compte courant d'associé au titre de l'année 2016 correspondrait à des règlements en espèces, par chèques ou virements, sur les propres deniers des époux A..., de dettes vis-à-vis de fournisseurs de la société. D'autre part, les attestations rédigées par Mme A... et les relevés bancaires de l'époux de la gérante de la société pour le mois de juin 2016 ne permettent pas de justifier que la somme de 26 080,87 euros inscrite au crédit du compte courant d'associé sous le libellé " note de frais + attestations espèces " correspondrait à des dépenses de la société, réglées sur les deniers personnels de l'associé. Dans ces conditions, la société requérante n'apportant aucun élément probant de nature à justifier, comme il lui incombe, ni d'une telle prise en charge personnelle de dépenses sociales, ni du principe et du montant d'une telle dette de la société à l'égard de son unique associée, c'est à bon droit que l'administration a regardé ces transferts de dettes comme étant injustifiés et a réintégré les sommes correspondantes dans les résultats imposables de la société. 18. Il résulte de tout ce qui précède que la société B... et Co n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et majorations, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre des années 2014 à 2016. Sur les frais liés au litige : 19. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement à la société B... et Co de la somme qu'elle demande sur ce fondement. DECIDE : Article 1er : La requête de la société B... et Co est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Me Leray, liquidateur judiciaire de la SASU B... et Co, à la société par actions simplifiées B... et Co et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Copie en sera adressée à la direction spécialisée de contrôle fiscal Sud-Ouest. Délibéré après l'audience du 7 mars 2023 à laquelle siégeaient : Mme Bénédicte Martin, présidente, M. Michaël Kauffmann, premier conseiller, Mme Pauline Reynaud, première conseillère, Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mars 2023. La rapporteure, Pauline D...La présidente, Bénédicte Martin La greffière, Caroline Brunier La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. N° 21BX02070 2
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Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 9 décembre 2020 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné à l'expiration de ce délai. Par un jugement n° 2100298 du 19 septembre 2022, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 18 octobre 2022, M. C..., représenté par Me Dujoncquoy, demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ; 3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou, à défaut, de réexaminer sa situation et de saisir la commission du titre de séjour, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - la décision portant refus de titre de séjour est entachée d'un vice de procédure en l'absence de consultation préalable de la commission du titre de séjour en application de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - l'arrêté attaqué méconnaît les dispositions de cet article L. 313-14 ; - il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 313-11 (7°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - il méconnaît les dispositions de l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, du 10ème alinéa du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, de l'article 66 de la Constitution du 4 octobre 1958 et de l'article 9 du code civil ; - il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation. La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis qui n'a pas produit d'observations. Par une ordonnance du 6 février 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 3 mars 2023 à 12h00. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. d'Haëm, président-rapporteur, - et les observations de Me Dujoncquoy, avocate de M. C.... Considérant ce qui suit : 1. M. C..., ressortissant tunisien, né le 12 avril 1987 et entré en France, selon ses déclarations, le 17 mars 2008, a sollicité, le 6 décembre 2018, son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 9 décembre 2020, le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné à l'expiration de ce délai. M. C... fait appel du jugement du 19 septembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Sur les conclusions à fin d'annulation : 2. Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. / L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans ". 3. Il ressort des mentions de l'arrêté attaqué que, pour rejeter la demande de titre de séjour de M. C..., le préfet de la Seine-Saint-Denis a notamment considéré que l'intéressé, qui a déclaré être entré en France le 17 mars 2008, n'apporte pas d'éléments suffisamment probants propres à justifier de sa présence réelle et continue sur le territoire français depuis son arrivée, notamment pour les années 2010 à 2016, et ne peut donc se prévaloir de dix ans de résidence habituelle sur le territoire. Toutefois, il ressort des pièces versées au dossier, notamment en appel, que le requérant, en produisant des documents suffisamment nombreux, variés et probants, y compris s'agissant des années 2010 à 2016, notamment une photocopie de son passeport tunisien délivré à Paris en 2010, des formulaires de transfert d'argent, des factures, des documents d'ordre médical, des bulletin de situation, fiche de circulation ou confirmation de rendez-vous d'hôpitaux, une carte individuelle d'admission à l'aide médicale d'Etat ainsi que des courriers d'administration, des documents et relevés bancaires et des documents fiscaux, justifie qu'à la date de l'arrêté contesté, il résidait en France habituellement depuis plus de dix ans. En particulier, si les pièces produites pour l'année 2014 sont moins nombreuses, elles constituent avec celles correspondant aux années 2010 à 2013 et aux années suivantes un ensemble d'éléments de justification attestant, de manière suffisamment probante, de l'ancienneté et de la continuité de la présence de l'intéressé sur le territoire français. Ainsi, le préfet de la Seine-Saint-Denis a méconnu les dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicables aux ressortissants tunisiens en tant qu'elles prévoient la possibilité de bénéficier d'une admission exceptionnelle au séjour au titre de la vie privée et familiale, en ne faisant pas précéder la décision de refus de titre de séjour en litige de la saisine de la commission du titre de séjour, constitutive d'une garantie pour l'intéressé. Par suite, M. C... est fondé à demander, pour ce motif, l'annulation de la décision portant refus de titre de séjour ainsi que, par voie de conséquence, la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de destination. 4. Il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte : 5. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution (...) ". Aux termes de l'article L. 911-2 du même code : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé (...) ". 6. Eu égard au motif d'annulation retenu au point 3, le présent arrêt n'implique pas nécessairement la délivrance à M. C... d'un titre de séjour, mais seulement le réexamen de sa situation. Il y a donc lieu d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de réexaminer la situation de M. C... dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt, après avoir saisi la commission du titre de séjour du cas de l'intéressé au titre de sa résidence habituelle en France. Il n'y a pas lieu, en revanche, d'assortir cette injonction d'une astreinte. Sur les frais liés au litige : 7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. C... d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. DÉCIDE : Article 1er : Le jugement n° 2100298 du 19 septembre 2022 du tribunal administratif de Montreuil et l'arrêté du 9 décembre 2020 du préfet de la Seine-Saint-Denis refusant de délivrer à M. C... un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel il pourra être éloigné à l'expiration de ce délai, sont annulés. Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de réexaminer la situation de M. C... et, au préalable, de saisir pour avis la commission du titre de séjour, dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt. Article 3 : L'Etat versera à M. C... la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. C... est rejeté. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., au ministre de l'intérieur et de l'outre-mer et au préfet de la Seine-Saint-Denis. Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mars 2023. Le président-rapporteur, R. d'HAËML'assesseure la plus ancienne, L. d'ARGENLIEU La greffière, A. GASPARYAN La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 22PA04503
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Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme E... A... veuve B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 25 février 2021 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé le renouvellement de son titre de séjour. Par un jugement n° 2104001 du 10 décembre 2021, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 8 février 2022, Mme A... veuve B..., représentée par Me André, demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) d'annuler cet arrêté ; 3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis d'exécuter l'arrêt à intervenir dans les plus brefs délais, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le jugement attaqué est insuffisamment motivé ; - l'arrêté contesté a été signé par une autorité incompétente ; - il est insuffisamment motivé au regard des exigences des dispositions de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration ; - il méconnaît les dispositions de l'article L. 313-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, devenu l'article L. 426-20 du même code ; - il méconnaît les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3 de la déclaration universelle des droits de l'homme. La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis qui n'a pas produit de mémoire. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme D..., - et les observations de Me André, avocat de Mme A... veuve B.... Considérant ce qui suit : 1. Mme A... veuve B..., ressortissante chinoise, née le 27 avril 1944 et entrée en France le 23 octobre 2014, s'est vu délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " visiteur ", dont elle a demandé le renouvellement le 26 décembre 2018. Par un arrêté du 25 février 2021, le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande. Mme A... veuve B... fait appel du jugement du 10 décembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Sur les conclusions à fin d'annulation : 2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". 3. Il ressort des pièces du dossier et il n'est d'ailleurs pas contesté en défense, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'ayant produit aucune observation, qu'à la suite du décès de son époux le 19 août 2014, Mme A... veuve B... est entrée en France le 23 octobre 2014 pour y rejoindre ses quatre enfants, titulaires d'une carte résident ou d'une carte de résident de longue durée-UE, et ses neuf petits-enfants, dont certains sont de nationalité française. En outre, âgée de soixante-seize ans à la date de l'arrêté contesté, l'intéressée, qui a bénéficié d'un titre de séjour régulièrement renouvelé jusqu'en 2018, est hébergée par l'un de ses fils. Enfin, la requérante soutient, sans être contredite, qu'elle est aujourd'hui prise en charge par ses enfants et qu'elle n'a plus d'attaches effectives dans son pays d'origine. Ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances particulières de l'espèce, notamment de l'intensité des liens personnels et familiaux dont Mme A... veuve B... peut se prévaloir en France et alors même qu'elle a vécu en Chine jusqu'à l'âge de soixante-dix ans, l'arrêté contesté du 25 février 2021 portant refus de renouvellement de titre de séjour a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels cette mesure a été prise et a ainsi méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, Mme A... veuve B... est fondée, pour ce motif, à demander l'annulation de cet arrêté. 4. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme A... veuve B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte : 5. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution (...) ". 6. Eu égard au motif d'annulation retenu au point 3, le présent arrêt implique nécessairement que le préfet de la Seine-Saint-Denis délivre à Mme A... veuve B... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ". Ainsi, il y a lieu d'ordonner au préfet de procéder à la délivrance de ce titre de séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. En revanche, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte. Sur les frais du litige : 7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. DECIDE : Article 1er : Le jugement n° 2104001 du 10 décembre 2021 du tribunal administratif de Montreuil et l'arrêté du 25 février 2021 du préfet de la Seine-Saint-Denis sont annulés. Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de délivrer à Mme A... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Article 3 : L'Etat versera une somme de 1 500 euros à Mme A... veuve B... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A... veuve B... est rejeté. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... A... veuve B..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au préfet de la Seine-Saint-Denis. Délibéré après l'audience du 14 mars 2023, à laquelle siégeaient : - M. d'Haëm, président, - Mme d'Argenlieu, première conseillère, - Mme Saint-Macary, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mars 2023. La rapporteure, M. SAINT-MACARYLe président, R. d'HAËM La greffière, A. GASPARYAN La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. N° 22PA00563 2
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Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme A... B... épouse E... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 29 mai 2020 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans. Par un jugement n° 2106954 du 31 mai 2022, le tribunal administratif de Montreuil, d'une part, a annulé les décisions du 29 mai 2020 du préfet de la Seine-Saint-Denis refusant un délai de départ volontaire et portant interdiction de retour sur le territoire français et lui a enjoint de prendre toute mesure propre à mettre fin au signalement de Mme B... épouse E... dans le système d'information Schengen, d'autre part, a rejeté le surplus des conclusions de sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 24 juin 2022, Mme B... épouse E..., représentée par Me Pierre, demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il rejette le surplus des conclusions de sa demande ; 2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté en tant qu'il lui refuse la délivrance d'un titre de séjour et l'oblige à quitter le territoire français ; 3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir, ou, à défaut, de réexaminer sa situation, dans le délai de deux mois à compter de cette notification ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - l'arrêté attaqué est entaché d'une insuffisance de motivation ; - il est entaché d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle ; - il est entaché d'une erreur de droit ; - il méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - il méconnaît les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; - il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle. La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis qui n'a pas produit d'observations. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 décembre 1990 ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. d'Haëm, président-rapporteur, - et les observations de Me Grolleau, substituant Me Pierre, avocate de Mme B.... Considérant ce qui suit : 1. Mme B... épouse E..., ressortissante égyptienne, née le 25 août 1996 et entrée en France, selon ses déclarations, le 12 décembre 2014, a sollicité, le 26 novembre 2019, son admission exceptionnelle au séjour en application de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable. Par un arrêté du 29 mai 2020, le préfet a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans. Par un jugement du 31 mai 2022, le tribunal administratif de Montreuil a, à la demande de Mme B... épouse E..., annulé les décisions du 29 mai 2020 du préfet de la Seine-Saint-Denis refusant un délai de départ volontaire et portant interdiction de retour sur le territoire français. Mme B... épouse E... fait appel de ce jugement par lequel le tribunal administratif a rejeté le surplus des conclusions de sa demande tendant à l'annulation de la décision portant refus de titre de séjour et de celle portant obligation de quitter le territoire français. 2. En premier lieu, l'arrêté attaqué portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de ces deux mesures et est, par suite, suffisamment motivé. 3. En deuxième lieu, il ne ressort ni de cette motivation, ni d'aucune autre pièce du dossier que le préfet de la Seine-Saint-Denis n'aurait pas, avant de rejeter la demande de titre de séjour de Mme B... épouse E... et de l'obliger à quitter le territoire français, procédé à un examen particulier de sa situation personnelle et familiale. 4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2 (...) ". 5. D'une part, si Mme B... épouse E... soutient que le préfet de la Seine-Saint-Denis a entaché l'arrêté en litige portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français d'une erreur de droit en estimant que, du seul fait de sa soustraction à la précédente mesure d'éloignement prise à son encontre le 17 décembre 2015, les années antérieures " à la date d'exécution d'office " de cette mesure d'éloignement ne peuvent être prises en compte pour apprécier la durée de sa présence en France, cette appréciation, certes erronée en droit, est, en l'espèce, dépourvue d'incidence sur la légalité des décisions attaquées dès lors qu'il résulte de l'instruction que le préfet aurait pris les mêmes décisions s'il s'était fondé sur les autres motifs qu'il a retenus et tirés de la situation personnelle et familiale de l'intéressée, qui ne caractérise pas l'existence de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels susceptibles de justifier son admission exceptionnelle au séjour. 6. D'autre part, Mme B... épouse E... se prévaut de la durée de son séjour en France depuis le 12 décembre 2014, date de son entrée sur le territoire, et fait valoir qu'elle y séjourne avec son époux, M. C... E..., titulaire d'une carte de séjour temporaire valable du 16 septembre 2019 au 15 septembre 2020, qui s'est vu délivrer par la suite une carte de séjour pluriannuelle valable du 8 juillet 2022 au 7 juillet 2026 et avec qui elle a eu deux enfants nés en France respectivement le 28 juin 2018 et le 25 février 2022. Elle fait valoir également que sa présence auprès de son époux, diabétique, est nécessaire et que sa sœur et son beau-frère séjournent aussi en France. Toutefois, à la date de l'arrêté attaqué, soit le 29 mai 2020, la requérante ne justifie, par les différentes pièces qu'elle produit, que d'un séjour en France d'une durée d'un peu plus de cinq années, de surcroît dans des conditions irrégulières à la suite du rejet de sa demande d'asile, et a fait l'objet d'une mesure d'éloignement le 17 décembre 2015 qu'elle n'a pas exécutée. De plus, elle ne justifie d'aucune insertion sociale ou professionnelle ancienne et stable sur le territoire. En outre, elle n'établit pas que sa présence auprès de son époux revêtirait pour lui, à raison de son état de santé, un caractère indispensable. Par ailleurs, à la date de l'arrêté en litige, elle ne démontre, ni n'allègue sérieusement aucune circonstance particulière de nature à faire obstacle à ce qu'elle poursuive normalement, avec son époux et son enfant né le 28 juin 2018, sa vie privée et familiale à l'étranger et, en particulier, dans son pays d'origine où elle n'allègue pas être dépourvue de toute attache privée et familiale et où elle a vécu jusqu'à l'âge de dix-huit ans, ni qu'elle serait, avec son conjoint, dans l'impossibilité de s'y réinsérer. Enfin, la double circonstance que le couple a eu un second enfant né en France le 25 février 2022 et que le conjoint de la requérante s'est vu délivrer une carte de séjour pluriannuelle valable du 8 juillet 2022 au 7 juillet 2026, postérieure à l'arrêté attaqué du 29 mai 2020, est sans incidence sur sa légalité, qui s'apprécie à la date de son édiction. Dans ces conditions, en estimant que Mme B... épouse E... ne pouvait se prévaloir d'aucune considération humanitaire ni d'aucun motif exceptionnel permettant son admission exceptionnelle au séjour en application des dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a commis aucune erreur manifeste dans son appréciation de la situation de l'intéressée au regard de ces dispositions. 7. Enfin, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée (...) ". Enfin, aux termes de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale (...) ". 8. Ainsi qu'il a été dit au point 6, Mme B... épouse E..., alors même qu'elle justifie séjourner en France depuis le mois de décembre 2014, ne justifie pas, à la date de l'arrêté attaqué, d'une insertion sociale et professionnelle stable et ancienne, ni d'aucun obstacle à la reconstitution de sa cellule familiale, avec son époux qui est également de nationalité égyptienne et leur enfant qui est en bas âge, dans leur pays d'origine où elle n'allègue pas être dépourvue de toute attache privée et familiale. Ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, notamment des conditions du séjour en France de Mme B... épouse E..., l'arrêté attaqué portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ne peut être regardé comme ayant porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquelles ces deux mesures ont été prises ou comme ayant méconnu l'intérêt supérieur de son enfant né en France le 28 juin 2018, ni, en tout état de cause, de celui né le 25 février 2022, soit postérieurement à cet arrêté. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations et dispositions précitées doivent être écartés. Pour les mêmes motifs, l'arrêté en litige n'est pas davantage entaché d'une erreur manifeste quant à l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée. 9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à demander l'annulation du jugement par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 29 mai 2020 du préfet de la Seine-Saint-Denis en tant qu'il lui refuse la délivrance d'un titre de séjour et l'oblige à quitter le territoire français. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées. DÉCIDE : Article 1er : La requête de Mme B... épouse E... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... épouse E... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis. Délibéré après l'audience du 14 mars 2023, à laquelle siégeaient : - M. d'Haëm, président, - Mme d'Argenlieu, première conseillère, - Mme Saint-Macary, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mars 2023. Le président-rapporteur, R. d'HAËML'assesseure la plus ancienne, L. d'ARGENLIEU La greffière, A. GASPARYAN La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. N° 22PA02931 2
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Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme E... D... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 16 juillet 2021 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, et sa décision du 23 octobre 2021 rejetant son recours gracieux et d'enjoindre à la préfète de la Gironde de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Par un jugement n° 2106353, du 14 avril 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 1er juillet 2022, Mme D..., représentée par Me Cesso, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du 14 avril 2022 du tribunal administratif de Bordeaux ; 2°) d'annuler l'arrêté du 16 juillet 2021 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour ainsi que la décision de rejet du recours gracieux formé contre cet arrêté ; 3°) d'enjoindre à la préfète de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou à défaut de se prononcer à nouveau sur son droit au séjour, dans un délai d'un mois à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir, et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991. La requérante soutient que : - l'arrêté attaqué a été pris par une autorité incompétente ; - il méconnait les dispositions des articles L. 423-7 et L. 423-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - il méconnait l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ; - il méconnait l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. Par un mémoire en défense, enregistré le 8 novembre 2022, la préfète de la Gironde conclut au rejet de la requête. Elle fait valoir que les moyens invoqués par la requérante ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code civil ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ; - le code de justice administrative. La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme F... G.... Considérant ce qui suit : 1. Mme E... D..., ressortissante marocaine née le 4 février 1984, déclare être entrée en France le 7 février 2015. L'intéressée s'est vue délivrer un titre de séjour en qualité de parent d'enfant français, sur le fondement de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, valable du 8 mars 2019 au 7 mars 2020. Mme D... a sollicité le renouvellement de son titre de séjour le 15 janvier 2020. Par une décision du 16 juillet 2021, la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour. Mme D... relève appel du jugement du 14 avril 2022 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 16 juillet 2021 et de la décision de rejet du recours gracieux formé contre cette décision. Sur les conclusions à fin d'annulation : 2. En premier lieu, Mme D... reprend en appel, sans apporter d'éléments de fait ou de droit nouveaux par rapport à l'argumentation développée en première instance et sans critiquer utilement la réponse qui lui a été apportée par les premiers juges, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué a été pris par une autorité incompétente. Dès lors, il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges. 3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France et qui établit contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil, depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 ". Aux termes de l'article L. 423-8 de ce code : " Pour la délivrance de la carte de séjour prévue à l'article L.423-7, lorsque la filiation est établie à l'égard d'un parent en application de l'article 316 du code civil, le demandeur, s'il n'est pas l'auteur de la reconnaissance de paternité ou de maternité, doit justifier que celui-ci contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant, dans les conditions prévues à l'article 371-2 du code civil, ou produire une décision de justice relative à la contribution à l'éducation et à l'entretien de l'enfant ". Aux termes de l'article 371-2 du code civil : " Chacun des parents contribue à l'entretien et à l'éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l'autre parent, ainsi que des besoins de l'enfant ". Aux termes de l'article L. 373-2-2 du code civil : " I. - En cas de séparation entre les parents, ou entre ceux-ci et l'enfant, la contribution à son entretien et à son éducation prend la forme d'une pension alimentaire versée, selon le cas, par l'un des parents à l'autre, ou à la personne à laquelle l'enfant a été confié. Les modalités et les garanties de cette pension alimentaire sont fixées par : / 1° Une décision judiciaire ; / 2° Une convention homologuée par le juge ; / 3° Une convention de divorce ou de séparation de corps par consentement mutuel selon les modalités prévues à l'article 229-1 ; / 4° Un acte reçu en la forme authentique par un notaire ; / 5° Une convention à laquelle l'organisme débiteur des prestations familiales a donné force exécutoire en application de l'article L. 582-2 du code de la sécurité sociale. / Il peut être notamment prévu le versement de la pension alimentaire par virement bancaire ou par tout autre moyen de paiement ". 4. Pour refuser de délivrer à Mme D... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", en qualité de parent d'enfant français, la préfète de la Gironde s'est fondée sur l'absence de justification que M. B..., père français de sa fille mineure, contribuait à son entretien et à son éducation depuis sa naissance ainsi que de toute décision de justice. 5. Mme D... soutient que le père de sa fille contribue effectivement à l'éducation de sa fille et se prévaut à cet égard de l'exercice d'un droit de visite chez la mère de celui-ci à Coutras, une fois par mois. Toutefois, si la requérante produit des justificatifs de voyages en train entre Bordeaux et Montpellier, où réside M. B..., à l'exception des voyages effectués le 4 juin et le 1er juillet 2021, tous les autres justificatifs sont postérieurs à la décision attaquée. Les attestations rédigées par M. B..., par la mère de celui-ci et par un ami se bornent quant à elles à certifier que l'intéressé se rend souvent chez sa mère pour voir sa fille. Par ailleurs, si Mme D... produit des photographies sur lesquelles M. B... figure aux côtés de sa fille, celles-ci ne sont pas datées. Mme D... soutient également que le père de sa fille contribue à l'entretien de celle-ci, et produit un justificatif de paiement de soins médicaux pour sa fille, un virement Western Union d'un montant de 50 euros, et une attestation rédigée par un membre de la Croix-Rouge datée, certifiant que M. B... procède, avec Mme D..., à des achats réguliers de vêtements et d'accessoires de puériculture. Toutefois, dès lors que le virement Western Union et le justificatif de soins médicaux sont postérieurs à la date de la décision attaquée, et que les tickets de caisse produits portant sur l'achat de vêtements pour enfant ne sont pas nominatifs, les éléments produits ne suffisent à établir la participation effective de M. B... à l'entretien de sa fille. Enfin, si Mme D... produit une ordonnance d'homologation de convention parentale, celle-ci, datée du 24 mars 2022, est toutefois postérieure à l'arrêté attaqué. Dans ces conditions, la préfète de la Gironde a pu légalement estimer, sans méconnaitre les dispositions précitées des articles L. 423-7 et L. 423-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que Mme D... ne remplissait pas les conditions pour obtenir le renouvellement de son titre de séjour en qualité de parent d'un enfant français. 6. Dès lors, le droit au séjour de Mme D... doit s'apprécier au regard du respect de sa vie privée et familiale et au regard de l'intérêt supérieur de l'enfant. 7. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". 8. Mme D... soutient que le centre de ses intérêts privés et familiaux se trouve désormais en France, dès lors que les pères respectifs de ses deux derniers enfants ont vocation à demeurer en France, le premier étant de nationalité française, et le second, avec qui elle réside, étant un ressortissant marocain titulaire d'une carte de résident. Toutefois, d'une part, ainsi qu'il a été dit au point 5, Mme D... n'établit pas que le père de son deuxième enfant contribuerait à son entretien et à son éducation, d'autre part, l'intéressée n'apporte aucun élément établissant la réalité et l'ancienneté de sa relation avec son compatriote marocain. Par ailleurs, contrairement à ce que soutient Mme D..., l'arrêté attaqué n'a pas pour objet de séparer Mme D... de sa fille. Compte tenu du caractère récent de la scolarisation, l'intéressée n'apporte aucun élément de nature à justifier l'impossibilité pour son enfant alors âgée de quatre ans de poursuivre sa scolarité au Maroc. Enfin, Mme D... n'est pas dépourvue d'attaches dans son pays d'origine, où elle a vécu la majorité de sa vie et où résident notamment son premier enfant, ses parents et sa fratrie. Dans ces conditions, compte tenu de la durée et des conditions du séjour de la requérante sur le territoire, la préfète de la Gironde n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels l'arrêté attaqué a été pris et n'a ainsi pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Cette décision n'est pas davantage entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée. 9. En quatrième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale (...) ". 10. Ainsi qu'il a été dit aux points 5 et 8, la requérante n'établit pas que M. B..., le père de sa fille A..., participait effectivement à son entretien et à son éducation à la date de l'arrêté attaqué, ni que le père de son fils C..., de nationalité marocaine, résidait avec elle à cette date ou qu'il serait dans l'impossibilité de la suivre dans leur pays d'origine afin de se maintenir auprès de son fils. L'intéressée n'apporte par ailleurs aucun élément de nature à justifier l'impossibilité pour son enfant alors âgée de quatre ans de poursuivre sa scolarité au Maroc. Dans ces conditions, en prenant l'arrêté attaqué, la préfète de la Gironde n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant. 11. Il résulte de ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 16 juillet 2021 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, et sa décision du 23 octobre 2021 rejetant son recours gracieux. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme d'argent au titre des frais de justice ne peuvent qu'être rejetées. DECIDE : Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... D... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de la Gironde. Délibéré après l'audience du 7 mars 2023 à laquelle siégeaient : Mme Bénédicte Martin, présidente, M. Michaël Kauffmann, premier conseiller, Mme Pauline Reynaud, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mars 2023. La rapporteure, Pauline G... La présidente, Bénédicte Martin, La greffière, Caroline Brunier La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. 2 N° 22BX01775
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Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme C... A... épouse B... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 29 novembre 2021 par lequel la préfète de la Haute-Vienne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être éloignée. Par un jugement n° 2200056 du 13 avril 2022, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 7 juillet 2022 sous le n° 22BX01870, Mme B..., représentée par Me Marty, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement n° 2200056 du tribunal administratif de Limoges du 13 avril 2022 ; 2°) d'annuler l'arrêté de la préfète de la Haute-Vienne du 29 novembre 2021 ; 3°) d'enjoindre à la préfète de la Haute-Vienne de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de vingt jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ; 4°) de mettre à la charge de l'État le versement à son conseil de la somme de 2 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Elle soutient que : En ce qui concerne la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour : - elle remplit l'ensemble des conditions pour se voir délivrer un titre de séjour en application des dispositions de l'article L. 423-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et justifie, notamment, d'une entrée régulière sur le territoire français ; - elle remplit, en outre, les conditions prévues pour se voir délivrer un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 423-1 du même code ; - eu égard à sa situation familiale et personnelle, la décision lui refusant le séjour méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ; En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français : - elle est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision lui refusant le séjour ; - la préfète s'est estimée, à tort, liée par la décision de refus de titre de séjour et a méconnu le pouvoir qui lui est conféré d'apprécier s'il y a lieu ou non de l'obliger à quitter le territoire français et de lui accorder un délai de départ volontaire de trente jours ; - eu égard à sa situation personnelle et familiale, elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle et porte une atteinte manifestement excessive au droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination : - elle est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision lui refusant le séjour ; - eu égard à sa situation personnelle et familiale, elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle et porte une atteinte manifestement excessive au droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par un mémoire en défense, enregistré le 15 novembre 2022, la préfète de la Haute-Vienne conclut au rejet de la requête en faisant valoir que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés. Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 9 juin 2022. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - la convention franco-suisse du 4 juillet 1949 relative à la construction et à l'exploitation de l'aéroport de Bâle-Mulhouse, publiée par décret n° 53-537 du 13 mai 1953 ; - la convention d'application de l'accord de Schengen, signée le 19 juin 1990 ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le rapport de M. D... a été entendu au cours de l'audience publique. Les notes en délibéré présentées par Mme A... épouse B... ont été enregistrées les 20, 21, 23 et 24 mars 2023. Considérant ce qui suit : 1. Mme A... épouse B..., ressortissante marocaine née le 17 juillet 1976, a déclaré être entrée en France le 3 mai 2018 sous couvert d'un visa Schengen de court séjour délivré par les autorités consulaires françaises et a sollicité, le 23 mars 2021, son admission au séjour en qualité de conjointe d'un ressortissant français, sur le fondement des dispositions des articles L. 423-1 ou L. 423-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 29 novembre 2021, la préfète de la Haute-Vienne a rejeté sa demande de titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours à destination de son pays d'origine. Mme B... relève appel du jugement du 13 avril 2022 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Sur le refus de délivrance d'un titre de séjour : 2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 423-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger marié avec un ressortissant français, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an lorsque les conditions suivantes sont réunies : / 1° La communauté de vie n'a pas cessé depuis le mariage ; / 2° Le conjoint a conservé la nationalité française ; / 3° Lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, il a été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français. ". Aux termes de l'article L. 412-1 du même code : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues aux articles L. 412-2 et L. 412-3, la première délivrance d'une carte de séjour temporaire ou d'une carte de séjour pluriannuelle est subordonnée à la production par l'étranger du visa de long séjour mentionné aux 1° ou 2° de l'article L. 411-1. ". 3. Il est constant que Mme B..., qui est mariée avec un ressortissant de nationalité française, ne disposait pas d'un visa de long séjour mentionné aux 1° ou 2° de l'article L. 411-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à la date de la décision susvisée de la préfète de la Haute-Vienne lui refusant le séjour. Dès lors, contrairement à ce qu'elle soutient, elle ne peut prétendre à la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 423-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. 4. En deuxième lieu et d'une part, aux termes de l'article L. 423-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, entré régulièrement et marié en France avec un ressortissant français avec lequel il justifie d'une vie commune et effective de six mois en France, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. ". Il résulte de ces dispositions que la délivrance de plein droit d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " à un étranger marié avec un ressortissant français n'est dispensée de la production d'un visa de long séjour qu'à la triple condition que le mariage ait été célébré en France, que l'étranger justifie d'une vie commune et effective de six mois en France et qu'il soit entré régulièrement sur le territoire français. 5. D'autre part, aux termes de l'article 22 de la convention d'application de l'accord de Schengen, signée le 19 juin 1990 : " Les étrangers entrés régulièrement sur le territoire d'une des parties contractantes sont tenus de se déclarer, dans les conditions fixées par chaque partie contractante, aux autorités compétentes de la partie contractante sur le territoire de laquelle ils pénètrent. Cette déclaration peut être souscrite au choix de chaque partie contractante, soit à l'entrée, soit, dans un délai de trois jours ouvrables à partir de l'entrée, à l'intérieur du territoire de la partie contractante sur lequel ils pénètrent (...) ". La souscription de la déclaration prévue par cet article 22 et dont l'obligation figure aux articles L. 621-2 et L. 621-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est une condition de la régularité de l'entrée en France de l'étranger soumis à l'obligation de visa et en provenance directe d'un Etat partie à cette convention qui l'a admis à entrer ou à séjourner sur son territoire. 6. La requérante soutient qu'elle est entrée régulièrement en France, le 3 mai 2018, en provenance directe du Maroc sous couvert de son visa Schengen de court séjour dès lors qu'elle a atterri à l'aéroport international de " Bâle-Mulhouse ", aéroport binational, géographiquement situé en France, et que la circonstance que son passeport est revêtu d'un tampon suisse est sans incidence. Il ressort toutefois de la convention franco-suisse relative à la construction et à l'exploitation de l'aéroport Bâle-Mulhouse conclue à Berne le 4 juillet 1949, notamment de son article 8, qu'" il sera créé dans l'enceinte de l'aéroport une zone nettement délimitée à l'intérieur de laquelle les Autorités suisses auront le droit de contrôler, à tous points de vue, les voyageurs et les marchandises provenant ou à destination de la Suisse. " L'aéroport est ainsi séparé en deux secteurs, français et suisse, le contrôle étant, au sein du secteur suisse, assuré par les gardes-frontières suisses. Dès lors, le tampon apposé par les autorités douanières suisses figurant sur le passeport de Mme B... signifie qu'elle a fait l'objet d'un contrôle par les autorités suisses, contrôle qui concerne les voyageurs en provenance ou à destination de la Suisse. La requérante n'apporte aucun élément ou pièce de nature à démontrer qu'elle aurait quitté cet aéroport en France, se rendant ainsi directement en France après un bref passage dans le secteur suisse, et non du côté de la frontière suisse. Par suite, bien que l'aéroport Bâle-Mulhouse soit géographiquement situé en France, la requérante doit être regardée comme étant entrée au sein de l'espace Schengen via la Suisse et non directement en France en provenance du Maroc. Ainsi, comme l'ont relevé à bon droit les premiers juges, il lui appartenait, en application de l'article 22 de la convention d'application de l'accord de Schengen, d'effectuer une déclaration d'entrée sur le sol français à son entrée sur le territoire français, que la requérante n'établit pas avoir souscrite. De plus, aucune des pièces produites par Mme B... n'atteste qu'elle serait entrée sur le territoire national, depuis la Suisse, pendant la durée de validité de son visa, qui expirait le 30 mai 2018. Dans ces conditions, c'est à bon droit que la préfète de la Haute-Vienne a considéré que la requérante ne remplissait pas la condition tenant à l'entrée régulière sur le territoire, telle que prévue par les dispositions précitées de l'article L. 423-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions ne peut dès lors qu'être écarté. 7. En troisième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". 8. Mme B..., par les pièces qu'elle verse au dossier, ne justifie pas de sa présence en France depuis le mois de mai 2018 et n'établit la continuité de son séjour sur le territoire au mieux que depuis le mois de janvier 2019. Si la requérante, qui s'est soustraite à une précédente mesure d'éloignement en date du 11 septembre 2019, s'est mariée à un ressortissant français le 22 décembre 2020, la vie commune du couple, qui n'a pas d'enfant, n'est établie que depuis quelques mois à la date de la décision attaquée. En outre, l'intéressée n'établit pas être dépourvue d'attaches familiales ou personnelles dans son pays d'origine où elle a vécu jusqu'à l'âge de 41 ans. Enfin, si Mme B... soutient qu'en raison du handicap de son conjoint, placé sous tutelle, elle est empêchée de pouvoir travailler et de se prévaloir d'une insertion professionnelle stable sur le territoire, elle ne l'établit pas. Par suite, compte tenu des conditions et de la durée du séjour en France de la requérante, la préfète de la Haute-Vienne n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels la décision lui refusant le séjour a été prise et n'a ainsi pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Cette décision n'est pas davantage entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée. Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français : 9. En premier lieu, ainsi qu'il été précédemment exposé, la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour n'est pas entachée d'illégalité. Dès lors, le moyen invoqué par la voie de l'exception, par Mme B..., de son illégalité ne peut qu'être écarté. 10. En deuxième lieu et d'une part, si la décision portant obligation de quitter le territoire français est fondée sur le 3° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile visant notamment les étrangers à qui la délivrance d'un titre de séjour a été refusée, il résulte des motifs de l'arrêté préfectoral du 29 novembre 2021 que la préfète a examiné l'ensemble de la situation de l'intéressée et a exercé son pouvoir d'appréciation sans s'estimer tenue de prononcer une mesure d'éloignement du seul fait de son refus de délivrer un titre de séjour à Mme B.... Le moyen tiré de l'erreur de droit doit donc être écarté. 11. D'autre part, en application de l'article L. 612-1 code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le délai de trente jours accordé à un étranger pour exécuter une obligation de quitter le territoire constitue le délai de droit commun le plus long susceptible d'être accordé. Dans ces conditions, la fixation à trente jours du délai de départ volontaire accordé à Mme B... n'avait pas à faire l'objet d'une motivation spécifique, distincte de celle du principe même de ladite obligation, dès lors notamment qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle aurait expressément demandé à la préfète de la Haute-Vienne à bénéficier d'une prolongation de ce délai, ni qu'elle aurait été empêchée de former une telle demande. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision de la préfète de lui accorder un tel délai serait entachée d'un défaut d'examen de sa situation particulière. 12. En dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 8, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que la décision l'obligeant à quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle. Sur la décision fixant le pays de renvoi : 13. En premier lieu, ainsi qu'il été précédemment exposé, la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour n'est pas entachée d'illégalité. Dès lors, le moyen invoqué par la voie de l'exception, par Mme B..., de son illégalité ne peut qu'être écarté. 14. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 8, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que la décision fixant le pays de destination méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle. 15. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande. Les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique doivent être rejetées par voie de conséquence. DECIDE : Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... épouse B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée à la préfète de la Haute-Vienne. Délibéré après l'audience du 7 mars 2023 à laquelle siégeaient : Mme Bénédicte Martin, présidente, M. Michaël Kauffmann, premier conseiller, Mme Pauline Reynaud, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mars 2023. Le rapporteur, Michaël D... La présidente, Bénédicte Martin La greffière, Caroline Brunier La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. N° 22BX018702
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Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme D... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 4 novembre 2020 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée à l'expiration de ce délai. Par un jugement n° 2013733 du 27 juin 2022, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête enregistrée le 27 juillet 2022, Mme A..., représentée par Me Koszczanski, demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ; 3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou, à défaut, de réexaminer sa situation et, dans l'attente de ce réexamen, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - la décision portant refus de titre de séjour est entachée d'une insuffisance de motivation ; - elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ; - elle méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ; - la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis qui n'a pas présenté de mémoire en défense. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme d'Argenlieu, rapporteure. Considérant ce qui suit : 1. Mme A..., ressortissante chinoise, née le 21 août 1996 et entrée en France en septembre 2013, a sollicité son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 4 novembre 2020, le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée. Mme A... relève appel du jugement du 27 juin 2022 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Sur les conclusions à fin d'annulation : 2. Il ressort des pièces du dossier et il n'est d'ailleurs pas contesté en défense, le préfet n'ayant pas produit d'observations, que Mme A... est entrée en France au mois de septembre 2013, alors âgée de 17 ans, accompagnée de son petit frère, âgé de 13 ans, pour rejoindre leurs parents, en situation régulière sur le territoire depuis 2015, titulaires de cartes de séjour pluriannuelles portant la mention " vie privée et familiale ", propriétaires de leur logement et qui exercent une activité professionnelle. Mme A... a vécu depuis lors avec ses parents et son frère dont la situation au regard du séjour a été régularisée à sa majorité, en 2018, et a fait preuve d'une volonté réelle d'insertion, notamment en suivant des cours de français ainsi que des cours d'hôtellerie, dans le cadre d'une formation en alternance sous contrat d'apprentissage au sein de l'école Ecofih, et en travaillant entre le mois de janvier 2020 et le mois d'avril 2021 en qualité de serveuse dans un restaurant situé à Montreuil. Enfin, elle justifie d'une promesse d'embauche à durée indéterminée, auprès de la SARL " Villette 27 ", en qualité de serveuse à temps complet. Ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances particulières de l'espèce, notamment de la durée de son séjour en France et de l'intensité des liens personnels et familiaux dont Mme A... peut se prévaloir sur le territoire et alors même qu'elle est célibataire et sans charge de famille, le préfet de la Seine-Saint-Denis, en lui refusant, par l'arrêté attaqué du 4 novembre 2020, la délivrance d'un titre de séjour, a commis une erreur manifeste dans son appréciation de la situation personnelle et familiale de l'intéressée. Par suite, Mme A... est fondée, pour ce motif, à demander l'annulation de cet arrêté. 3. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte : 4. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution (...) ". 5. Eu égard au motif d'annulation retenu au point 2, le présent arrêt implique nécessairement que le préfet de la Seine-Saint-Denis délivre à Mme A... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ". Ainsi et en l'absence d'un changement dans les circonstances de droit ou de fait propres à la présente espèce invoqué par l'autorité préfectorale, il y a lieu d'ordonner au préfet de la Seine-Saint-Denis de procéder à la délivrance de ce titre de séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. En revanche, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte. Sur les frais de l'instance : 6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Mme A... de la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. DÉCIDE : Article 1er : Le jugement n° 2013733 du tribunal administratif de Montreuil du 27 juin 2022 et l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 4 novembre 2020 sont annulés. Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de délivrer à Mme A... une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Article 3 : L'Etat versera à Mme A... la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A... est rejeté. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Madame D... A..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au préfet de la Seine-Saint-Denis. Délibéré après l'audience du 14 mars 2023, à laquelle siégeaient : - M. d'Haëm, président, - M. Mantz, premier conseiller, - Mme d'Argenlieu, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mars 2023. La rapporteure, L. d'ARGENLIEULe président, R. d'HAËMLa greffière, A. GASPARYAN La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 22PA03503
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Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... E... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 26 novembre 2021 par lequel le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de destination. Par un jugement n° 2125365 du 11 janvier 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 8 février 2022, M. C..., représenté par Me Bello, demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) d'annuler cet arrêté ; 3°) d'enjoindre au préfet de police de procéder au réexamen de sa situation et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il soutient que : - le jugement est insuffisamment motivé ; - l'obligation de quitter le territoire français contestée est insuffisamment motivée ; - le motif tiré du défaut de demande de titre de séjour est entaché d'erreur de fait dès lors qu'il a déposé une demande de régularisation peu de temps après son entrée sur le territoire français et a sollicité par la suite à plusieurs reprises un titre de séjour ; - l'arrêté attaqué est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ; - l'arrêté méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - l'arrêté méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ; - l'arrêté méconnaît l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et la circulaire du 28 novembre 2012 du ministre de l'intérieur. Par un mémoire en défense, enregistré le 29 septembre 2022, le préfet de police conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés. Par une ordonnance du 29 septembre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 24 octobre 2022 à 12 heures. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 décembre 1990 ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le rapport de M. A... a été entendu au cours de l'audience publique, rapporteur. Considérant ce qui suit : 1. M. C..., ressortissant ivoirien, né le 1er janvier 1994 et entré en France, selon ses déclarations, en novembre 2019, a été interpellé le 25 février 2020 à la suite d'un contrôle d'identité et placé en garde à vue du chef de détention et usage de faux documents administratifs. Il a fait l'objet d'une première mesure d'éloignement du préfet de police le 26 février 2020. S'étant maintenu sur le territoire français, il a fait l'objet d'un contrôle d'identité le 26 novembre 2021 à la suite duquel, le même jour, le préfet de police a pris à son encontre un arrêté l'obligeant à quitter le territoire français sans délai et fixant le pays de destination. M. C... relève appel du jugement du 11 janvier 2022 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Sur la régularité du jugement : 2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". 3. Si M. C... invoque les dispositions qui précèdent, il n'apporte aucune précision utile de manière à permettre à la Cour d'apprécier la pertinence de ce moyen. En tout état de cause, il ressort du jugement attaqué que les premiers juges ont rappelé tant les textes applicables que les faits de l'espèce et énoncé les motifs pour lesquels ils ont rejeté la demande de M. C..., répondant ainsi à l'ensemble des conclusions et des moyens opérants présentés par ce dernier. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation du jugement doit être écarté. Sur la légalité de l'arrêté attaqué : 4. En premier lieu, M. C... reprend en appel son moyen de première instance tiré de l'insuffisance de motivation de l'obligation de quitter le territoire français. Toutefois, le requérant ne développe au soutien de ce moyen aucun argument de droit ou de fait nouveau de nature à remettre en cause l'analyse et la motivation retenues par le tribunal administratif. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par le premier juge. 5. En deuxième lieu, si M. C... se prévaut, au soutien de ses conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français, de ce que le motif tiré du défaut de demande de titre de séjour serait entaché d'erreur de fait, il résulte de l'examen de l'arrêté attaqué que le préfet de police ne s'est pas fondé sur un tel motif pour prendre cette mesure d'éloignement. 6. En troisième lieu, si M. C... soutient qu'il a déposé une demande de régularisation peu de temps après son entrée sur le territoire français et a sollicité par la suite, à plusieurs reprises, un titre de séjour, il n'apporte aucune pièce de nature à l'établir. Il ne justifie, en tout état de cause, pas être entré régulièrement sur le territoire français, ayant notamment déclaré à cet égard lors de son audition par les services de police du 25 février 2020 que son passeport était resté en Côte d'Ivoire, ni être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité. Par suite, le préfet a pu légalement l'obliger à quitter le territoire français sur le fondement du 1° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. 7. En quatrième lieu, M. C... invoque l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Un tel moyen est toutefois inopérant au soutien de ses conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français. 8. En cinquième lieu, M. C... ne peut utilement se prévaloir des orientations générales de la circulaire du 28 novembre 2012 du ministre de l'intérieur. 9. En sixième lieu, M. C... se prévaut d'une vie familiale en France en déclarant qu'il a " une femme et un enfant à naître en France ". Toutefois, ces allégations ne sont établies par aucun document. S'il soutient qu'il travaille depuis son entrée en France, il ne résulte pas des pièces produites par le requérant, notamment ses bulletins de paye, qu'il travaillait à la date de la décision attaquée. La circonstance que l'intéressé aurait travaillé comme agent de sécurité puis comme manœuvre depuis son entrée en France n'est au demeurant pas de nature à faire regarder la décision attaquée comme entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, alors en outre qu'il ressort des pièces du dossier que l'intéressé a été interpellé le 25 février 2020 en possession d'un titre de séjour et d'une carte vitale contrefaites, portant son identité. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. 10. Enfin, il résulte des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant que dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Toutefois, ces stipulations ne peuvent être utilement invoquées dans le cas d'un enfant à naître. Par suite, à supposer même établie l'allégation de M. C... selon laquelle il aurait une épouse qui serait enceinte, l'enfant de M. C... n'étant pas né à la date de l'arrêté attaqué, le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations est inopérant et ne peut qu'être écarté. 11. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent être que rejetées. D E C I D E : Article 1er : La requête de M. C... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... E... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de police. Délibéré après l'audience du 14 mars 2023, à laquelle siégeaient : - M. d'Haëm, président, - M. Mantz, premier conseiller, - Mme d'Argenlieu, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mars 2023. Le rapporteur, P. A...Le président, R. d'HAËMLa greffière, A. GASPARYAN La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. N° 22PA00564 2
JADE/CETATEXT000047375677.xml
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : L'association France Nature Environnement (FNE) et l'association Guyane Nature Environnement (GNE) ont demandé au tribunal administratif de la Guyane d'annuler l'arrêté du 22 octobre 2020 par lequel le préfet de la Guyane a délivré à la société Electricité de France - production électrique insulaire (EDF-PEI) un permis de construire une centrale électrique composée de bâtiments industriels, de bâtiments tertiaires, d'ouvrages et installations industrielles, d'auvents, abris et conteneurs ainsi que d'ouvrages d'infrastructure, sur un terrain situé RD 191 lieu-dit Le Larivot à Matoury, et l'a assorti d'une série de prescriptions. Par un jugement n° 2001348 du 18 juillet 2022, le tribunal administratif de la Guyane a admis l'intervention en défense de la collectivité territoriale de Guyane, a annulé l'arrêté du 22 octobre 2020 du préfet de la Guyane et mis à la charge solidaire de l'Etat et de la société EDF-PEI le versement aux associations FNE et GNE de la somme globale de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Procédure devant la cour : I. Par une requête et un mémoire, enregistrés les 29 juillet 2022 et 4 janvier 2023, ce dernier n'ayant pas été communiqué, sous le n° 22BX02010, la société EDF-PEI, représentée par Me Hercé, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement n° 2001348 du tribunal administratif de la Guyane du 18 juillet 2022 ; 2°) de rejeter les demandes présentées par les associations FNE et GNE devant le tribunal administratif de la Guyane ; 3°) de mettre à la charge des associations FNE et GNE une somme globale de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : En ce qui concerne la régularité du jugement : - le jugement est irrégulier dès lors que le rapporteur public mentionné sur le rôle n'est pas celui qui a prononcé ses conclusions à l'audience ; En ce qui concerne le bien-fondé du jugement : - le premier motif d'annulation retenu par le tribunal est erroné dès lors que la commune de Matoury n'est pas une commune littorale telle que définie à l'article L. 121-1 du code de l'urbanisme et qu'en tout état de cause, le terrain d'emprise du projet ne constitue pas un espace naturel remarquable du littoral, au sens de l'article L. 121-23 du même code et de son décret d'application ; le schéma d'aménagement régional de la Guyane, approuvé le 6 juillet 2016, a d'ailleurs exclu le terrain d'assiette du projet de centrale du Larivot des espaces remarquables du littoral alors que le plan local d'urbanisme de Matoury ne classe pas le terrain d'emprise du projet en zone naturelle ; - contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, l'étude d'impact du projet n'est pas entachée d'insuffisances substantielles en ce qui concerne la comparaison des incidences sur l'environnement des solutions de substitution envisagées par le maître d'ouvrage, justifiant l'annulation du permis de construire ; - en tout état de cause, en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, le tribunal aurait dû surseoir à statuer en vue de permettre la régularisation du vice tiré de l'insuffisance de l'étude d'impact. Par un mémoire en défense, enregistré le 15 décembre 2022, les associations FNE et GNE, représentées par Me Victoria, concluent au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la société EDF-PEI, de l'Etat et de la collectivité territoriale de Guyane la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elles soutiennent que : - leur requête de première instance était recevable ; - les moyens soulevés par la société EDF-PEI ne sont pas fondés ; - le dossier de demande de permis de construire est irrégulier dès lors que l'étude d'impact jointe au dossier est entachée d'insuffisances s'agissant des impacts du projet sur les risques naturels, notamment le risque d'inondation par ruissellement pluvial, submersion marine ou remontée de nappe ; - le permis a été délivré sur la base d'un plan local d'urbanisme entaché d'illégalité en tant qu'il classe les parcelles d'emprise du projet en zone AUx, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 121-23 du code de l'urbanisme et des orientations du schéma de mise en valeur de la mer ; - il méconnaît également l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme dès lors que l'emprise du projet se trouve au sein d'une zone dite de précaution sur la cartographie du plan de prévention des risques d'inondation et du plan des risques naturels littoraux sur laquelle, à l'instar des zones à protéger d'aléa faible, sont interdites les constructions telle que la centrale en litige ; l'île de Cayenne est, en outre, considérée comme un territoire à risque important d'inondation suivant arrêté du préfet de Guyane du 21 novembre 2013, pour les risques d'inondation pluviale et de submersion marine, l'emprise du projet se situant en zone d'aléa inondation pluviale et submersion marine et en secteur de forte probabilité d'occurrence des inondations, tous aléas confondus ; le risque d'inondation est beaucoup plus réduit sur la zone industrielle de Dégrad-des-Cannes. II. Par un recours, enregistré le 7 septembre 2022 sous le n° 22BX02423, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement n° 2001348 du tribunal administratif de la Guyane du 18 juillet 2022 ; 2°) de rejeter les demandes présentées par les associations FNE et GNE devant le tribunal administratif de la Guyane. Il soutient que : En ce qui concerne la régularité du jugement : - le jugement est insuffisamment motivé en ce qui concerne la réponse à la fin de non-recevoir opposée par le préfet de la Guyane et par la société EDF-PEI, tirée de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme ; il l'est également dès lors que le tribunal n'a pas explicité les motifs pour lesquels il a considéré que l'insuffisance alléguée par les associations de l'étude d'impact a nui à l'information complète de la population ou a exercé une influence sur la décision de l'autorité administrative ; En ce qui concerne le bien-fondé du jugement : - contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, l'étude d'impact du projet n'est pas entachée d'insuffisances substantielles en ce qui concerne la comparaison des incidences sur l'environnement des solutions de substitution envisagées par le maître d'ouvrage, justifiant l'annulation du permis de construire ; en tout état de cause, l'insuffisance alléguée n'a pas nui à l'information complète de la population ni même exercé une influence sur la décision de l'autorité administrative ; - en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, le tribunal aurait dû surseoir à statuer en vue de permettre la régularisation du vice tiré de l'insuffisance de l'étude d'impact ; - le premier motif d'annulation retenu par le tribunal est erroné dès lors que la commune de Matoury n'est pas une commune littorale telle que définie à l'article L. 121-1 du code de l'urbanisme et qu'en tout état de cause, le terrain d'emprise du projet ne constitue pas un espace naturel remarquable du littoral, au sens de l'article L. 121-23 du même code et de son décret d'application ; le schéma d'aménagement régional de la Guyane, approuvé le 6 juillet 2016, a d'ailleurs exclu le terrain d'assiette du projet de centrale du Larivot des espaces remarquables du littoral. Par un mémoire en défense, enregistré le 15 décembre 2022, les associations FNE et GNE, représentées par Me Victoria, concluent au rejet du recours et à ce que soit mise à la charge d'EDF-PEI, de l'Etat et de la collectivité territoriale de Guyane la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elles soutiennent que : - leur requête de première instance était recevable ; - les moyens soulevés par le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires ne sont pas fondés ; - le dossier de demande de permis de construire est irrégulier dès lors que l'étude d'impact jointe au dossier est entachée d'insuffisances s'agissant des impacts du projet sur les risques naturels, notamment le risque d'inondation par ruissellement pluvial, submersion marine ou remontée de nappe ; - le permis a été délivré sur la base d'un plan local d'urbanisme entaché d'illégalité en tant qu'il classe les parcelles d'emprise du projet en zone AUx, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 121-23 du code de l'urbanisme et des orientations du schéma de mise en valeur de la mer ; - il méconnaît également l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme dès lors que l'emprise du projet se trouve au sein d'une zone dite de précaution sur la cartographie du plan de prévention des risques d'inondation et du plan des risques naturels littoraux sur laquelle, à l'instar des zones à protéger d'aléa faible, sont interdites les constructions telle que la centrale en litige ; l'île de Cayenne est, en outre, considérée comme un territoire à risque important d'inondation suivant arrêté du préfet de Guyane du 21 novembre 2013, pour les risques d'inondation pluviale et de submersion marine, l'emprise du projet se situant en zone d'aléa inondation pluviale et submersion marine et en secteur de forte probabilité d'occurrence des inondations, tous aléas confondus ; le risque d'inondation est beaucoup plus réduit sur la zone industrielle de Dégrad-des-Cannes. III. Par une requête, enregistrée le 19 août 2022 sous le numéro 22BX02204, la collectivité territoriale de Guyane, représentée par Me Meghenini, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement n° 2001348 du tribunal administratif de la Guyane du 18 juillet 2022 ; 2°) de rejeter les demandes présentées par les associations FNE et GNE devant le tribunal administratif de la Guyane : 3°) de mettre à la charge solidaire des associations FNE et GNE une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : En ce qui concerne la régularité du jugement : - le jugement est irrégulier dès lors que le rapporteur public mentionné sur le rôle n'est pas celui qui a prononcé ses conclusions à l'audience ; de plus, le sens des conclusions du nouveau rapporteur public n'a pas été publié ; En ce qui concerne le bien-fondé du jugement : - le premier motif d'annulation retenu par le tribunal est erroné dès lors que la commune de Matoury n'est pas une commune littorale telle que définie à l'article L. 121-1 du code de l'urbanisme et qu'en tout état de cause, le terrain d'emprise du projet ne constitue pas un espace naturel remarquable du littoral, au sens de l'article L. 121-23 du même code et de son décret d'application ; le schéma d'aménagement régional de la Guyane, approuvé le 6 juillet 2016, a d'ailleurs exclu le terrain d'assiette du projet de centrale du Larivot des espaces remarquables du littoral alors que le plan local d'urbanisme de Matoury ne classe pas le terrain d'emprise du projet en zone naturelle ; - contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, l'étude d'impact du projet n'est pas entachée d'insuffisances substantielles en ce qui concerne la comparaison des incidences sur l'environnement des solutions de substitution envisagées par le maître d'ouvrage, justifiant l'annulation du permis de construire. Par un mémoire en défense, enregistré le 15 décembre 2022, les associations FNE et GNE, représentées par Me Victoria, concluent au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge d'EDF-PEI, de l'Etat et de la collectivité territoriale de Guyane la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elles soutiennent que : - leur requête de première instance était recevable ; - les moyens soulevés par la collectivité territoriale de Guyane ne sont pas fondés ; - le dossier de demande de permis de construire est irrégulier dès lors que l'étude d'impact jointe au dossier est entachée d'insuffisances s'agissant des impacts du projet sur les risques naturels, notamment le risque d'inondation par ruissellement pluvial, submersion marine ou remontée de nappe ; - le permis a été délivré sur la base d'un plan local d'urbanisme entaché d'illégalité en tant qu'il classe les parcelles d'emprise du projet en zone AUx, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 121-23 du code de l'urbanisme et des orientations du schéma de mise en valeur de la mer ; - il méconnaît également l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme dès lors que l'emprise du projet se trouve au sein d'une zone dite de précaution sur la cartographie du plan de prévention des risques d'inondation et du plan des risques naturels littoraux sur laquelle, à l'instar des zones à protéger d'aléa faible, sont interdites les constructions telle que la centrale en litige ; l'île de Cayenne est, en outre, considérée comme un territoire à risque important d'inondation suivant arrêté du préfet de Guyane du 21 novembre 2013, pour les risques d'inondation pluviale et de submersion marine, l'emprise du projet se situant en zone d'aléa inondation pluviale et submersion marine et en secteur de forte probabilité d'occurrence des inondations, tous aléas confondus ; le risque d'inondation est beaucoup plus réduit sur la zone industrielle de Dégrad-des-Cannes. Vu les autres pièces des dossiers. Vu : - le code de l'environnement ; - le code de l'urbanisme ; - le code général des collectivités territoriales ; - la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 ; - le décret n° 2017-457 du 30 mars 2017 ; - l'arrêté du 13 juin 2017 autorisant l'exploitation d'une installation de production d'électricité ; - l'arrêté du 5 juillet 2019 relatif à la détermination, qualification et représentation cartographique de l'aléa de référence et de l'aléa à échéance 100 ans s'agissant de la submersion marine, dans le cadre de l'élaboration ou de la révision des plans de prévention des risques concernant les " aléas débordement de cours d'eau et submersion marine " ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. C... D..., - les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteure publique, - et les observations de Me Hercé, représentant la société EDF-PEI et de Me Victoria, représentant les associations FNE et GNE, ainsi que les explications de M. B..., représentant la collectivité territoriale de Guyane. Des notes en délibéré, présentées pour les associations FNE et GNE, ont été enregistrées les 17 et 28 mars 2023 dans chacun des dossiers n° 22BX02010, n° 22BX02204 et n° 22BX02423. Considérant ce qui suit : 1. L'article 7 du décret du 30 mars 2017 relatif à la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) de la Guyane a prévu le remplacement de la centrale thermique de Dégrad-des-Cannes par une nouvelle centrale thermique, dont le principe de l'installation sur le territoire de la commune de Matoury a été arrêté par une délibération de la collectivité territoriale de Guyane du 10 février 2017 et dont l'exploitation par la société EDF-PEI a été autorisée par un arrêté du ministre en charge de l'énergie le 13 juin 2017. Le 17 juillet 2020, la société EDF-PEI a déposé à la préfecture de la Guyane une demande de permis de construire relatif à la nouvelle centrale, composée de bâtiments industriels, de bâtiments tertiaires, d'ouvrages et installations industrielles, d'auvents, abris et conteneurs ainsi que d'ouvrages d'infrastructure, sur un terrain situé RD 191, lieu-dit Le Larivot, à Matoury. Par un arrêté du 19 octobre 2020 portant déclaration de projet, le préfet de la Guyane a déclaré le projet d'intérêt général et mis en compatibilité le plan local d'urbanisme (PLU) de la commune de Matoury. Par un arrêté du 22 octobre 2020, le préfet a délivré le permis de construire sollicité par la société EDF-PEI et l'a assorti d'une série de prescriptions. Par un arrêté du même jour, complété par un arrêté du 30 mars 2022, qui a acté la conversion à la biomasse liquide de la future centrale thermique, le préfet a délivré une autorisation environnementale pour l'exploitation de l'installation. La société EDF-PEI, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires ainsi que la collectivité territoriale de Guyane relèvent appel du jugement du 18 juillet 2022 par lequel le tribunal administratif de la Guyane, sur demande des associations FNE et GNE, a annulé le permis de construire délivré le 22 octobre 2020 par le préfet de la Guyane. Sur la jonction : 2. Les requêtes de la société EDF-PEI et de la collectivité territoriale de Guyane ainsi que le recours du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires sont dirigés contre le même jugement. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt. Sur les moyens d'annulation retenus par les premiers juges : En ce qui concerne la composition du dossier de permis de construire : 3. Aux termes de l'article R. 431-16 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable à la date de la décision contestée : " Le dossier joint à la demande de permis de construire comprend en outre, selon les cas : / a) L'étude d'impact ou la décision de l'autorité chargée de l'examen au cas par cas dispensant le projet d'évaluation environnementale lorsque le projet relève du tableau annexé à l'article R. 122-2 du code de l'environnement (...) ". Aux termes de l'article L. 122-1 du code de l'environnement : " (...) / II. Les projets qui, par leur nature, leur dimension ou leur localisation, sont susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement ou la santé humaine font l'objet d'une évaluation environnementale en fonction de critères et de seuils définis par voie réglementaire et, pour certains d'entre eux, après un examen au cas par cas. / (...) / III. L'évaluation environnementale est un processus constitué de l'élaboration, par le maître d'ouvrage, d'un rapport d'évaluation des incidences sur l'environnement, dénommé ci-après " étude d'impact " (...) ". Le contenu de l'étude d'impact, en fonction des caractéristiques spécifiques du projet et du type d'incidences sur l'environnement qu'il est susceptible de produire, est défini à l'article R. 122-5 du même code. Aux termes du 7° du II de cet article, l'étude d'impact doit notamment comporter une description des solutions de substitution raisonnables qui ont été examinées par le maître d'ouvrage, en fonction du projet proposé et de ses caractéristiques spécifiques, et une indication des principales raisons du choix effectué, notamment une comparaison des incidences sur l'environnement et la santé humaine. Les inexactitudes, omissions ou insuffisances d'une étude d'impact ne sont susceptibles de vicier la procédure et donc d'entraîner l'illégalité de la décision prise au vu de cette étude que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative notamment en la conduisant à sous-estimer l'importance des conséquences du projet sur l'environnement. 4. Il est constant que, conformément aux dispositions du tableau annexé à l'article R. 122-2 du code de l'environnement, dans sa partie relative aux installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE), combinées aux dispositions de l'article L. 515-28 du même code, l'exploitation de la centrale en litige par la société EDF-PEI, dont les activités relèvent notamment des rubriques 4734, 3110 et 1434 de la nomenclature ICPE, est soumise à autorisation environnementale comprenant une étude d'impact. Les associations FNE et GNE soutiennent que l'étude d'impact ainsi réalisée par la société, dont il ressort des pièces du dossier qu'elle a été jointe au dossier de demande de permis de construire le 29 septembre 2020, est entachée d'insuffisances substantielles en ce qui concerne la comparaison des incidences sur l'environnement des solutions de substitution envisagées par le maître d'ouvrage, s'agissant tant des hypothèses alternatives de production d'électricité en Guyane que du lieu d'implantation de la future centrale. 5. Toutefois, d'une part, les dispositions du 7° de l'article R. 122-5 du code de l'environnement n'ont ni pour objet ni pour effet d'imposer à la société EDF-PEI, dont la demande concerne la mise en service d'une centrale thermique et d'une centrale photovoltaïque, de décrire dans l'étude d'impact jointe au dossier de demande d'autorisation environnementale les hypothèses alternatives de production d'électricité en Guyane invoquées par les associations requérantes et qui n'ont pas été envisagées par le maître d'ouvrage. 6. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que le document intitulé " Choix du projet et scénario de référence " annexé à la demande d'autorisation environnementale déposée par la société EDF-PEI, qui a été joint au dossier d'enquête publique et était en possession du service instructeur de la préfecture de Guyane lors de l'examen de la demande du permis de construire, consacre des développements aux alternatives envisagées. Le point 3.2.2. portant sur la justification du choix du terrain mentionne ainsi la nécessité d'implanter la centrale électrique sur la presqu'île de Cayenne, principale zone de consommation d'électricité et le fait qu'outre le terrain du Larivot, ont été envisagés le terrain de l'actuelle centrale de Dégrad-des-Cannes et un terrain situé dans la zone d'activité du Grand port maritime de Guyane dit terrain " parc avenir ". Il y est indiqué que, pour la première de ces alternatives, l'emplacement s'est révélé inadapté à la construction d'une nouvelle centrale car la zone est incluse dans la zone d'aléas forts du plan de prévention des risques technologiques (PPRT) de l'établissement de la société SARA, qui exploite une raffinerie, et, pour la seconde, que la quasi-totalité du terrain est situé en zone d'aléa inondation du plan de prévention des risques d'inondation (PPRI) de la presqu'ile de Cayenne, que la présence d'un mont sur le terrain nécessiterait des travaux conséquents d'arasement de terre et que la société EDF-PEI n'a pu obtenir aucune garantie sur la possibilité d'acquisition du terrain, propriété de la chambre de commerce et d'industrie de Guyane (CCIG) ainsi que sur la date de mise à disposition du terrain viabilisé. Ce document expose, en outre, les avantages que présente le choix du site du Larivot tenant notamment à la taille du terrain, à ce qu'il constitue la seule option foncière immédiatement disponible à la vente recensée sur la presqu'ile de Cayenne, à sa proximité avec le réseau de lignes haute tension et à ce qu'il correspond à des parcelles qui ne sont pas concernées par des aléas inondation au titre du PPRI. L'étude d'impact comporte également une étude de la faune, de la flore et des habitats réalisée par le bureau d'études Biotope qui analyse précisément l'état initial de l'environnement sur le site du Larivot et recense notamment les espèces protégées d'oiseaux et de mammifères qui ont été inventoriées sur la zone. Il ne ressort pas des pièces du dossier que les autres sites qui ont pu être étudiés à titre d'alternatives présenteraient un contexte plus favorable d'un point de vue environnemental. Dès lors, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, le public comme l'administration doivent être regardés comme ayant été suffisamment informés des solutions de substitution raisonnables qui ont été examinées par le maître d'ouvrage et le moyen soulevé par les intimées, tiré de ce que le choix du site du Larivot serait insuffisamment justifié au sein de l'étude d'impact par rapport aux alternatives envisagées, notamment du point de vue de l'environnement, manque en fait et doit être écarté. En ce qui concerne la méconnaissance des articles L. 121-23 et L. 121-24 du code de l'urbanisme : S'agissant du caractère opérant du moyen : 7. D'une part, lorsqu'un permis de construire a été délivré en méconnaissance des dispositions législatives ou réglementaires relatives à l'utilisation du sol ou sans que soient respectées des formes ou formalités préalables à la délivrance des permis de construire, l'illégalité qui en résulte peut être régularisée par la délivrance d'un permis modificatif dès lors que celui-ci assure le respect des règles de fond applicables au projet en cause, répond aux exigences de forme ou a été précédé de l'exécution régulière de la ou des formalités qui avaient été omises. Il peut, de même, être régularisé par un permis modificatif si la règle relative à l'utilisation du sol qui était méconnue par le permis initial a été entretemps modifiée. Les irrégularités ainsi régularisées ne peuvent plus être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre le permis initial. 8. D'autre part, aux termes de l'article L. 121-1 du code de l'urbanisme : " Les dispositions du présent chapitre déterminent les conditions d'utilisation des espaces terrestres, maritimes et lacustres : / 1° Dans les communes littorales définies à l'article L. 321-2 du code de l'environnement ; (...) ". L'article L. 121-38 du même code dispose : " Les dispositions des sections 1 et 2 du présent chapitre sont applicables, en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique et à La Réunion, aux communes littorales définies à l'article L. 321-2 du code de l'environnement, et à Mayotte, à l'ensemble des communes, à l'exception des articles L. 121-12, L. 121-13, L. 121-16, L. 121-17 et L. 121-19, et sous réserve des dispositions ci-après. ". Aux termes de l'article L. 321-2 du code de l'environnement : " Sont considérées comme communes littorales, au sens du présent chapitre, les communes de métropole et des départements d'outre-mer : / 1° Riveraines des mers et océans, des étangs salés, des plans d'eau intérieurs d'une superficie supérieure à 1 000 hectares ; / 2° Riveraines des estuaires et des deltas lorsqu'elles sont situées en aval de la limite de salure des eaux et participent aux équilibres économiques et écologiques littoraux. La liste de ces communes est fixée par décret en Conseil d'Etat, après consultation des conseils municipaux intéressés. (...) ". 9. Il appartient au juge administratif de vérifier, le cas échéant d'office, que les dispositions invoquées devant lui sont applicables au litige qui lui est soumis et en particulier, s'agissant des articles L. 121-1 et suivants du code de l'urbanisme, de s'assurer que la commune dans laquelle a été délivré un permis de construire contesté sur le fondement de ces dispositions peut être regardée comme littorale, au sens de l'article L. 321-2 du code de l'environnement. S'il résulte du 2° de cet article que les communes riveraines des estuaires ne peuvent être classées comme communes littorales par décret en Conseil d'Etat que si elles sont situées en aval de la limite de salure des eaux, ni ces dispositions ni aucun autre texte ne définissent la limite en aval de laquelle les communes doivent être considérées comme " littorales " en application du 1° du même article, c'est-à-dire comme riveraines de la mer. Cette dernière limite doit être regardée comme correspondant à la limite transversale de la mer (LTM), déterminée, en application de l'article L. 2111-5 du code général de la propriété des personnes publiques, conformément aux dispositions des articles R. 2111-5 à R. 2111-14 du même code. La délimitation de la mer à l'embouchure des cours d'eaux repose sur l'observation combinée de plusieurs indices, tels que la configuration des côtes et notamment l'écartement des rives, la proportion respective d'eaux fluviales et d'eaux de mer, l'origine des atterrissements, le caractère fluvial ou maritime de la faune et de la végétation. La part relative de chacun de ces indices, dont se dégage l'influence prépondérante ou non de la mer, doit être appréciée en fonction des circonstances propres à chaque espèce. Eu égard au caractère recognitif d'un tel acte, la délimitation à laquelle celui-ci procède peut être contestée à toute époque. 10. Il ressort des pièces du dossier que, par deux arrêtés du 4 avril 2022 publiés le lendemain au recueil des actes administratifs spécial de la préfecture de Guyane, le préfet de la Guyane a abrogé les arrêtés préfectoraux du 25 février 1983 et du 16 juillet 1978 fixant les LTM sur le fleuve Mahury et sur la rivière de Cayenne, qui bordent la commune de Matoury au sud et au nord et a fixé les nouvelles LTM sur ces deux fleuves. Il résulte de ces deux arrêtés que les deux LTM, précédemment situées en amont des limites administratives de la commune de Matoury, ont été déplacées plus en aval sur le fleuve Mahury et sur la rivière de Cayenne et en tout état de cause en aval des limites administratives séparant la commune de Matoury de la commune de Cayenne du côté de la rivière de Cayenne, et de la commune de Rémire-Montjoly du côté du fleuve Mahury. Par un arrêté du 4 mai 2022 le préfet de la Guyane a, en conséquence, accordé à la société EDF-PEI un permis de construire modificatif actant cette modification des LTM sur le fleuve du Mahury et sur la rivière de Cayenne, en estimant " qu'en conséquence la commune de Matoury n'est plus soumise aux dispositions de la loi Littoral " et que " le permis modificatif peut acter la prise en compte de cette nouvelle règle ". 11. Il résulte des termes de l'arrêté précité du préfet de la Guyane en date du 4 avril 2022 relatif à la nouvelle LTM sur la rivière de Cayenne que celle-ci relie l'extrémité d'une cale de béton située sur la rive nord-ouest du fleuve du côté de la commune de Macouria, à l'embouchure du canal de la crique Fouillée située sur la rive sud-est du fleuve, au niveau de la limite administrative séparant Matoury et Cayenne. Ce faisant, la nouvelle limite se trouve à l'aval de la zone naturelle d'intérêt écologique, faunistique et floristique (ZNIEFF) maritime de type I " rivière de Cayenne ". D'après la fiche descriptive de cette ZNIEFF maritime établie par le groupe d'étude et de protection des oiseaux en Guyane, cette ZNIEFF de type I " correspond aux masses d'eaux les plus salées du fleuve (zone polyhaline) dont l'étendue a été définie à partir des mesures physico-chimiques effectuées dans le cadre de la directive cadre eau (...) la faune associée à cette ZNIEFF vit sous l'influence des marées et d'un apport en eau douce qui modifient son niveau de salinité. (...) Des pêches scientifiques ont été réalisées dans cette ZNIEFF et ont permis d'obtenir des listes de poissons marins présents dans la zone. ". Par ailleurs, il ressort du " résumé non technique de l'étude d'impact " réalisé par la direction générale des territoires et de la mer de Guyane dans le cadre du projet, porté par l'Etat, de construction d'un nouveau pont routier situé en aval du pont routier actuel, lequel servait de point d'ancrage sur la rive sud de la rivière de Cayenne pour la LTM avant sa modification, et situé en amont de la nouvelle LTM, que, s'agissant de l'hydrologie " au niveau du secteur du nouveau pont du Larivot, le régime d'écoulement est sous-influence maritime. Ainsi le débit qui transite dans la rivière de Cayenne provient essentiellement du volume de la marée et non des débits d'apport fluviaux ". 12. Si la société EDF-PEI et le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires justifient le déplacement en aval de la LTM en faisant valoir que l'embouchure du canal de la crique Fouillée, correspondant à la limite administrative entre les communes de Matoury et Cayenne, est le premier point fixe sur la rive sud de la rivière de Cayenne, cet élément ne peut à lui-seul justifier le déplacement de cette limite alors, au demeurant, que le projet de construction d'un nouveau pont routier ne prévoit pas la destruction de l'actuel pont du Larivot, point fixe avec lequel se confondait l'ancienne LTM. De même, en se fondant sur des données historiques ainsi que sur les conditions de navigation et de sécurité des embarcations fluviales, le dossier technique élaboré à l'occasion de la modification des LTM sur la rivière Cayenne et le fleuve Mahury ne se base, contrairement à ce qui y est indiqué, sur aucun procédé scientifique répondant à la réalité du terrain, notamment sur un traitement de données topographiques, météorologiques, marégraphiques, houlographiques, morpho-sédimentaires, botaniques, zoologiques ou bathymétriques, permettant d'appréhender avec précision, en amont et en aval des nouvelles LTM envisagées, la proportion respective d'eaux fluviales et d'eaux de mer, l'origine des atterrissements ainsi que le caractère fluvial ou maritime de la faune et de la végétation. 13. Il en résulte qu'eu égard à l'influence prépondérante de la mer en amont de la nouvelle LTM sur la rivière Cayenne, les associations FNE et GNE sont fondées à soutenir que l'arrêté du 4 avril 2022 relatif à cette nouvelle LTM, qui constitue la base légale du permis de construire modificatif délivré le 4 mai 2022, contrairement à ce que soutiennent les appelants, est entaché d'une erreur de qualification juridique des faits. Il y a donc lieu de statuer sur la légalité de l'acte attaqué du 22 octobre 2020 en écartant l'application de l'arrêté du 4 avril 2022 du préfet de la Guyane fixant la nouvelle LTM sur la rivière de Cayenne et sans tenir compte du permis de construire modificatif délivré à la société EDF-PEI. La LTM sur la rivière de Cayenne adoptée par arrêté préfectoral du 16 octobre 1978 se confondant avec le pont routier du Larivot reliant les communes de Macouria et de Matoury, cette dernière doit donc être regardée comme littorale au sens des dispositions précitées de l'article L. 321-2 du code de l'environnement. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions des articles L. 121-23 et L. 121-24 du code de l'urbanisme est opérant. S'agissant du bien-fondé du moyen : 14. D'une part, aux termes de l'article L. 121-23 du code de l'urbanisme : " Les documents et décisions relatifs à la vocation des zones ou à l'occupation et à l'utilisation des sols préservent les espaces terrestres et marins, sites et paysages remarquables ou caractéristiques du patrimoine naturel et culturel du littoral, et les milieux nécessaires au maintien des équilibres biologiques. / Un décret fixe la liste des espaces et milieux à préserver, comportant notamment, en fonction de l'intérêt écologique qu'ils présentent, les dunes et les landes côtières, les plages et lidos, les forêts et zones boisées côtières, les îlots inhabités, les parties naturelles des estuaires, des rias ou abers et des caps, les marais, les vasières, les zones humides et milieux temporairement immergés ainsi que les zones de repos, de nidification et de gagnage de l'avifaune désignée par la directive 79/409 CEE du 2 avril 1979 concernant la conservation des oiseaux sauvages. ". Aux termes de l'article L. 121-24 du même code : " Des aménagements légers, dont la liste limitative et les caractéristiques sont définies par décret en Conseil d'Etat, peuvent être implantés dans ces espaces et milieux lorsqu'ils sont nécessaires à leur gestion, à leur mise en valeur notamment économique ou, le cas échéant, à leur ouverture au public, et qu'ils ne portent pas atteinte au caractère remarquable du site. (...) ". Aux termes de l'article R. 121-4 de ce code : " En application de l'article L. 121-23, sont préservés, dès lors qu'ils constituent un site ou un paysage remarquable ou caractéristique du patrimoine naturel et culturel du littoral et sont nécessaires au maintien des équilibres biologiques ou présentent un intérêt écologique : (...) /2° Les forêts et zones boisées proches du rivage de la mer (...)/ 4° Les parties naturelles des estuaires, des rias ou abers et des caps ; / 5° Les marais, les vasières, les tourbières, les plans d'eau, les zones humides et milieux temporairement immergés ; (...) ". Enfin, aux termes de l'article R. 121-35 du code de l'urbanisme : " Pour l'application en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à La Réunion et à Mayotte, l'article R. 121-4 est complété par les mots : " 9° Les récifs coralliens, les lagons et les mangroves. " ". 15. D'autre part, aux termes de l'article L. 4433-7 du code général des collectivités territoriales : " (...) les collectivités territoriales de Guyane et de Martinique (...) élaborent un schéma d'aménagement régional qui fixe les orientations fondamentales à moyen terme en matière de développement durable, de mise en valeur du territoire et de protection de l'environnement, eu égard aux objectifs assignés à l'action des collectivités publiques en matière d'urbanisme par l'article L. 101-2 du code de l'urbanisme. / Il définit les principes de l'aménagement de l'espace qui en résultent et il détermine notamment la destination générale des différentes parties du territoire de la région, l'implantation des grands équipements d'infrastructures et de transport, ainsi que la localisation préférentielle des extensions urbaines, des activités économiques et commerciales, agricoles, forestières, touristiques et relatives aux énergies renouvelables. (...) ". Aux termes de l'article L. 4433-7-2 du même code : " Le schéma d'aménagement régional fixe les orientations fondamentales de l'aménagement, de la protection et de la mise en valeur du littoral. / Il tient lieu, pour les secteurs qu'il détermine, de schéma de mise en valeur de la mer au sens de l'article 57 de la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 relative à la répartition de compétences entre les communes, les départements, les régions et l'Etat. / A ce titre, il définit pour ces secteurs les orientations, vocations, principes, mesures et sujétions particulières prévus à ce même article et comporte des documents graphiques représentant les vocations, protections, aménagements et équipements prévus. (...) ". Enfin, aux termes de l'article L. 4433-8 du même code : " Le schéma d'aménagement régional respecte : / 1° Les règles générales d'aménagement et d'urbanisme à caractère obligatoire prévues au titre Ier du livre Ier du code de l'urbanisme, les dispositions particulières au littoral prévues au chapitre Ier du titre II du même livre (...) ". 16. Il ressort des annexes cartographiques du schéma d'aménagement régional de Guyane (SARG), qui vaut également schéma de mise en valeur de la mer (SMVM), que le terrain d'assiette du projet n'est pas situé au sein de l'un des espaces naturels remarquables du littoral (ENRL) répertorié au sein du SARG mais dans un " espace d'activités économiques futur ". Les requérantes soutiennent que ces dispositions du SARG ne respectent pas les dispositions précitées des articles L. 121-23 et L. 121-24 du code de l'urbanisme et que le permis de construire délivré le 22 octobre 2020 l'a été en méconnaissance de ces dispositions dès lors qu'eu égard à l'absence d'urbanisation et d'artificialisation du site, entièrement couvert d'espaces naturels et partiellement couvert par une ZNIEFF de type 2, à sa sensibilité sur le plan écologique et environnementale ainsi qu'à sa proximité du rivage et de l'ENRL n° 10 identifié par le SARG, le terrain d'assiette du projet présente toutes les caractéristiques d'un ENRL sur lequel, en application de l'article L. 121-24 du même code, le projet, qui ne peut être qualifié d'aménagement léger, ne peut dès lors s'implanter. 17. Toutefois, il ressort des pièces du dossier et notamment des prescriptions dont est assortie l'autorisation environnementale délivrée le 22 octobre 2020 à la société EDF-PEI, auxquelles renvoient les prescriptions qui assortissent le permis de construire litigieux, que les zones de mangrove identifiées sur le site du Larivot seront entièrement préservées par la société EDF-PEI qui s'abstiendra d'y implanter l'emprise de la nouvelle installation en les sanctuarisant. Ainsi, à supposer qu'eu égard à leurs caractéristiques propres, ces zones de mangrove puissent être regardées comme constituant un ENRL au sens et pour l'application des dispositions combinées des articles L. 121-23, R. 121-4 et R. 121-35 du code de l'urbanisme, le projet ne portera aucune atteinte à leur préservation. S'il résulte des termes de l'étude sur la faune, la flore et les habitats réalisée par le bureau d'études Biotope que les parcelles d'implantation de la centrale électrique incluent également d'autres types de végétation comme des zones d'arrière-mangrove, de forêts marécageuses, de pinotières claires sur pégasse et de marécages ouverts, il ne ressort pas des pièces du dossier que cette végétation, qui est commune en Guyane, présenterait un caractère paysager remarquable ou caractéristique de son patrimoine naturel en raison de sa singularité, de ses qualités intrinsèques ou de son intérêt écologique. Par ailleurs, il résulte des termes de cette même étude, que, s'agissant de l'avifaune, sur les 36 espèces possédant un statut de conservation observées sur l'aire d'étude, seules trois espèces protégées disposent d'un statut de protection s'étendant à leurs habitats, le Fregata magnificens, dont aucune zone de nidification favorable à l'espèce n'a été observée sur le site, le Toucan toco, qui n'est pas nicheur sur la zone mais uniquement en marge de celle-ci, et le Milan à long bec dont l'étude indique qu'un seul individu a été observé et relève qu'il est peu probable qu'il soit nicheur sur la zone. Les quatre autres espèces d'oiseaux dont l'étude mentionne qu'elles présentent un enjeu de conservation fort n'ont pas été observées sur le site ou uniquement de manière très ponctuelle alors qu'aucun indice de nidification sur le site n'a été récolté. En outre, en ce qui concerne la mammalofaune, cette étude indique que la Biche des palétuviers, le Raton crabier et la Loutre à longue queue, qui sont trois espèces protégées en Guyane, ont toutes les capacités de déplacement vers des habitats plus favorables et notamment vers la mangrove ou les groupements d'arrière-mangrove qui seront en quasi-totalité préservés par le projet alors que le Grison est abondant sur l'ensemble du territoire. Enfin, s'agissant de la flore, il résulte de cette étude que l'Astrocaryum murumuru, espèce déterminante ZNIEFF mais qui n'est pas protégée en Guyane, est implanté sur cinq autres sites dans l'Ile de Cayenne alors que la présence sur le site de l'Aristolochia stahelii et du Crinum erubescens n'est pas déterminante pour le maintien de ces espèces en Guyane ou sur l'Ile de Cayenne. Il ne ressort pas, par ailleurs, des pièces du dossier que la zone du projet constitue avec l'ENRL n° 10 identifié par le SARG, qui comprend notamment la mangrove Leblond, une unité paysagère justifiant dans son ensemble la qualification de site ou paysage remarquable à préserver. Dans ces conditions, eu égard à la spécificité du littoral guyanais et à la richesse écologique et paysagère de l'ensemble de ce territoire, il ne ressort pas des pièces du dossier que le secteur d'implantation du projet, situé à proximité immédiate de zones déjà partiellement anthropisées, telles la zone industrielle du port de Larivot ainsi que plusieurs quartiers résidentiels, et cerné sur trois côtés par des routes ouvertes à la circulation automobile, présenterait un intérêt écologique spécifique ou serait nécessaire au maintien des équilibres biologiques. Ainsi, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, les associations intimées ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que le SARG ne l'a pas reconnu en tant qu'ENRL ni que le permis de construire litigieux méconnaitrait les dispositions des articles L. 121-23 et L. 121-24 du code de l'urbanisme. 18. Il résulte de ce qui précède que la société EDF-PEI, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires ainsi que la collectivité territoriale de Guyane sont fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de la Guyane a, pour les deux motifs précédemment exposés, annulé le permis de construire délivré le 22 octobre 2020 par le préfet de la Guyane. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par les associations FNE et GNE en première instance et devant la cour. Sur les autres moyens invoqués par les associations FNE et GNE : En ce qui concerne la composition du dossier de demande de permis de construire : 19. La circonstance que le dossier de demande de permis de construire ne comporterait pas l'ensemble des documents exigés par les dispositions du code de l'urbanisme, ou que les documents produits seraient insuffisants, imprécis ou comporteraient des inexactitudes, n'est susceptible d'entacher d'illégalité le permis de construire qui a été accordé que dans le cas où les omissions, inexactitudes ou insuffisances entachant le dossier ont été de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable. S'agissant de la méconnaissance de l'article R. 431-23-1 du code de l'urbanisme : 20. Aux termes de l'article R. 431-23-1 du code de l'urbanisme : " Lorsque les travaux projetés portent sur une construction à édifier dans une opération d'intérêt national, la demande est accompagnée, le cas échéant, de l'attestation de l'aménageur certifiant qu'il a réalisé ou prendra en charge l'intégralité des travaux mentionnés à l'article R. 331-5. ". Aux termes de l'article R. 331-5 du même code : " A l'intérieur des opérations d'intérêt national, l'exonération prévue au 4° de l'article L. 331-7 s'applique lorsque les équipements suivants ont été réalisés ou seront pris en charge par l'aménageur ou le constructeur, autre qu'une collectivité territoriale : / a) Les voies publiques intérieures à la ou les zones concernées et les réseaux publics nécessités par la ou les opérations d'aménagement et de construction et desservant la ou les zones concernées ; / b) Les espaces verts et les aires de stationnement publics correspondant aux seuls besoins des futurs habitants ou usagers des constructions à édifier dans la ou les zones concernées. ". 21. Ces dispositions ont pour seul objet de permettre au pétitionnaire d'un projet situé dans une opération d'intérêt national d'être exonéré de la taxe d'aménagement si sa demande de permis de construire est accompagnée de l'attestation de l'aménageur certifiant prendre en charge la construction de certains équipements. Ainsi et alors, au demeurant, que la société EDF-PEI n'a pas entendu bénéficier de l'exonération de taxe d'aménagement prévue par l'article R. 331-5 du code de l'urbanisme, les associations FNE et GNE ne peuvent utilement s'en prévaloir pour soutenir que l'arrêté attaqué serait illégal faute pour le pétitionnaire d'avoir joint à son dossier de demande de permis de construire une telle attestation. S'agissant du caractère insuffisant de l'étude d'impact : 22. Il résulte des dispositions citées au point 3 que les inexactitudes, omissions ou insuffisances d'une étude d'impact ne sont susceptibles de vicier la procédure et donc d'entraîner l'illégalité de la décision prise au vu de cette étude que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative notamment en la conduisant à sous-estimer l'importance des conséquences du projet sur l'environnement. 23. Les intimées se prévalent, en premier lieu, de l'absence d'inventaire des populations de chiroptères dans l'analyse de l'état initial de l'environnement. Il ressort toutefois des pièces du dossier que la diversité des chauves-souris en Guyane s'exprime essentiellement en milieu forestier primaire, connecté avec le grand massif de l'intérieur, les mangroves n'abritant pour leur part qu'environ 1/5ème des espèces du département dont aucune n'est protégée. Si la société EDF-PEI admet que le Petit Noctilion et le Sténoderme à tête large, respectivement classés " vulnérable " et " quasi-menacé " au niveau régional par l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), sont susceptibles de fréquenter les forêts du Larivot, elle affirme également, sans être sérieusement contredite, en se fondant sur les études fournies par le bureau d'études en environnement Biotope ayant réalisé le volet faune/flore de l'étude d'impact, que le premier n'a jamais été identifié sur la presqu'île de Cayenne et que l'habitat privilégié du second, qui fait partie d'une espèce de lisière boisée de savanes, ne se retrouve pas sur l'aire d'étude. De même, si la mangrove âgée représente un habitat plus favorable pour les chiroptères, cet habitat a vocation à être protégé dans sa quasi-intégralité par la mesure de sanctuarisation environnementale mise en place par le pétitionnaire à l'ouest de la zone d'étude. Enfin, il n'est pas établi que cette zone constituerait un territoire de chasse privilégié pour la colonie de chiroptères établie sous le pont du Larivot abritant deux espèces de Pteronotus. Dans ces conditions, eu égard aux enjeux environnementaux marginaux en lien avec la présence de chiroptères sur l'aire d'étude du projet, les associations FNE et GNE ne sont pas fondées à soutenir que la description de l'état initial est entachée d'omissions ou d'imprécisions au regard des prescriptions du 3° du II de l'article R. 122-5 du code de l'environnement, qui n'exigent une description que des aspects pertinents de l'état initial de l'environnement. 24. En deuxième lieu, les associations FNE et GNE soutiennent que l'inventaire floristique est insuffisant en raison de la destruction anticipée d'une partie du peuplement forestier lors de la pose, par EDF-PEI, d'une clôture en 2018 qui a conduit à l'absence de prise en compte de la présence de l'espèce protégée d'arbre Crudia tomentosa au sud d'une route départementale, dans l'emprise de l'aire d'étude. Les intéressées n'établissent toutefois pas la présence de cette espèce d'arbre lors des travaux d'édification de cette clôture, en se bornant à se référer aux avis du Conseil scientifique régional du patrimoine naturel de la région Guyane (CSRPN) et du Conseil national de la protection de la nature (CNPN). Au demeurant, à la supposer avérée, cette circonstance n'aurait pas d'incidence sur l'information complète de la population dès lors qu'il est constant qu'à la date de présentation au public de l'étude sur la faune, la flore et les habitats, en mai et juin 2020, la présence des arbres en cause n'était plus constatée. 25. En troisième lieu, les associations soutiennent que les inventaires avifaunistiques ne prendraient pas en compte la présence de plusieurs espèces d'oiseaux, dont certaines sont protégées, telles le martin-pêcheur nain, le martin-pêcheur bicolore, l'engoulevent à queue courte, le héron agami, le savacou huppé ou l'élénie à couronne d'or. Il résulte des termes de l'étude sur la faune, la flore et les habitats réalisée par le bureau d'études Biotope que ce dernier a procédé aux inventaires des espèces d'oiseaux présents sur la parcelle acquise par EDF-PEI entre les années 2017 et 2019 à différentes saisons, afin de maximiser le nombre d'espèces observables, et s'est également fondé sur les données issues de la base de données Faune Guyane. Il ne ressort pas des pièces du dossier que parmi les 114 espèces qui ont ainsi pu être mises en évidence, dont 36 sont protégées, les espèces ci-dessus répertoriées par les associations FNE et GNE auraient été observées au sein de la zone d'étude du projet et non, ainsi que l'affirme la société EDF-PEI, à l'arrière de cette zone. 26. En quatrième lieu, les associations requérantes soutiennent que l'étude d'impact du projet serait insuffisante, dès lors qu'elle ne précise pas les origines et volumes annuels d'approvisionnement en fioul léger du projet de centrale. Toutefois, dans son mémoire en réponse à l'avis de l'Autorité environnementale du 31 janvier 2020, versé au dossier d'enquête publique et joint au dossier de demande de permis de construire, la société EDF-PEI a précisé que la consommation annuelle de fioul léger de la centrale du Larivot sur sa durée de vie est évaluée à environ 86 000 tonnes et que les fournisseurs de fioul léger seront sélectionnés au terme d'appels d'offres entre les différents fournisseurs présents sur le marché. Il ne ressort pas des pièces du dossier que ces éléments seraient insuffisants au regard de la nature du projet et de ses incidences prévisibles sur l'environnement ou la santé humaine. 27. En cinquième lieu, le document intitulé " Choix du projet et scénario de référence " annexé à la demande d'autorisation environnementale déposée par la société EDF-PEI, qui a été joint au dossier d'enquête publique et était en possession du service instructeur de la préfecture de Guyane lors de l'examen de la demande du permis de construire, prévoit, conformément aux dispositions de l'article 7 du décret du 30 mars 2017 relatif à la PPE de la Guyane, la possibilité de convertir la centrale thermique au gaz naturel, qui a été intégrée dans la conception du site thermique afin que le dimensionnement et les choix d'implantation puissent permettre cette conversion si ce schéma d'approvisionnement était retenu à l'avenir. Dans son mémoire en réponse à l'avis de l'Autorité environnementale du 31 janvier 2020, la société EDF-PEI a précisé que, la région n'étant actuellement pas alimentée en gaz naturel et la mise en œuvre d'un tel approvisionnement pour la Guyane étant trop incertaine, il a été convenu avec la direction de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DEAL) de Guyane, de ne pas traiter du gaz naturel dans les pièces du dossier de demande d'autorisation environnementale et qu'un nouveau dossier de demande d'autorisation environnementale serait déposé en cas de conversion de la centrale au gaz naturel. Dès lors, l'étude d'impact doit être regardée comme comportant les informations suffisantes s'agissant de l'approvisionnement en gaz naturel. 28. En sixième lieu, dans son mémoire en réponse à l'avis de l'Autorité environnementale du 31 janvier 2020, la société EDF-PEI a procédé à l'analyse de la compatibilité du projet avec la loi dite " Littoral ". Dès lors, en tout état de cause, les associations FNE et GNE ne peuvent se prévaloir d'une insuffisance de l'étude d'impact sur ce point. 29. En septième lieu, il est soutenu que l'étude d'impact serait insuffisante dans la mesure où elle ne comporterait pas de justification de la compatibilité des besoins en remblais du projet avec le schéma départemental des carrières (SDC) et les capacités de production existantes sur l'île de Cayenne. Toutefois, conformément aux dispositions de l'article L. 515-3 du code de l'environnement, seules les autorisations et enregistrements d'exploitations de carrières délivrés en application du titre VIII du livre Ier et du titre Ier du livre V de ce code doivent être compatibles avec ce schéma. Dès lors que l'autorisation environnementale délivrée à la société EDF-PEI ne porte pas sur l'exploitation d'une carrière, l'étude d'impact relative à cette autorisation n'avait pas à justifier de sa compatibilité avec le schéma départemental des carrières. Par ailleurs, en évoquant un maximum de 320 000 m3 de remblais, soit 250 000 m3 pour la centrale thermique et 70 000 m3 pour les autres zones, en rappelant les besoins pour le bassin de Cayenne, identifiés par le schéma régional et en comparant la capacité des gisements autorisés sur l'île de Cayenne avec celle effectivement extraite en 2017 et 2018, le dossier d'enquête publique comporte une information de la population suffisante sur les capacités de production existantes sur l'île de Cayenne, quand bien même ces chiffres ont pu être affinés, à la baisse, à la suite de l'enquête publique. Dès lors, le moyen doit être écarté. 30. En huitième lieu, les associations FNE et GNE soutiennent que l'étude d'impact du projet est lacunaire en ce qu'elle ne précise pas comment la mise en place de la nouvelle centrale thermique permettra de respecter les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES), d'autonomie énergétique en Guyane à l'horizon 2030 et de la part des énergies renouvelables dans la production d'énergie, résultant de l'article 1er de la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte et repris par l'article L. 100-4 du code de l'énergie et la PPE de la Guyane. Toutefois, il ne résulte pas des termes de l'article R. 122-5 du code de l'environnement, qui définit le contenu de l'étude d'impact, que cette dernière devrait contenir de tels développements. Dès lors, le moyen doit être écarté. 31. En neuvième lieu, les associations FNE et GNE soutiennent que l'analyse des incidences climatiques du projet effectuée dans le cadre de l'étude d'impact serait insuffisante, tant pour la phase de travaux que durant la phase d'exploitation de l'installation. 32. De première part, il est constant que le volet de l'étude d'impact consacré à l'état actuel et les effets du projet sur l'environnement comporte une analyse consacrée à l'estimation des émissions de gaz à effet de serre (GES) induits par le projet durant la phase de travaux. Selon cette analyse, durant cette phase, les émissions tant pour le site thermique que pour le site photovoltaïque seront principalement issues de la circulation des camions, notamment pour l'apport du matériel et des matériaux de remblais nécessaires à la réalisation de la plateforme du site thermique. Eu égard à l'ampleur relativement faible des travaux dans le temps et l'espace pour la future centrale du Larivot, les impacts résiduels sur le climat de ces émissions ont, par suite, été jugés négligeables. S'il est vrai, ainsi que le soutiennent les intimées, que la société EDF-PEI n'a pas exposé dans l'étude d'impact les conséquences du relargage de CO2 résultant du défrichement et de l'assèchement de zone humide ou de forêts, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'opération de défrichement nécessaire à l'implantation de la nouvelle centrale, eu égard à son caractère ponctuel et proportionnellement modeste, aurait un impact autre qu'infiniment résiduel sur le climat en Guyane, de sorte que le défaut de précision du pétitionnaire sur ce point n'est pas susceptible d'avoir nui à l'information du public ou exercé une influence sur la décision de l'autorité administrative. De même, l'absence de données chiffrées permettant d'apprécier l'intensité de l'impact desdites émissions de GES en phase chantier n'a pas eu, en l'espèce et eu égard à l'effet quasi nul de ces émissions au regard de l'impact global des émissions générées par le transport routier en Guyane, pour effet d'altérer la bonne compréhension par le public et par l'administration des enjeux liés à ces émissions sur le climat. 33. De deuxième part, le volet de l'étude d'impact consacré à l'état actuel et les effets du projet sur l'environnement expose, en phase d'exploitation, les prévisions attendues d'émission de GES tant en ce qui concerne le site photovoltaïque que le site thermique. S'agissant de ce dernier, la société EDF-PEI y indique que, selon une estimation prudente basée sur les données des constructeurs (émissions de CO2 pour un fonctionnement à Pmax - 0,7 kg/kWh) et sur le scénario de fonctionnement majorant de la centrale (650 GWh/an), les émissions sont évaluées à 455 000 tonnes par an de CO2. Ce scénario de fonctionnement majorant y est exposé comme n'étant rencontré que dans le cas d'une très faible production d'électricité des moyens de production hydraulique de la région, en particulier le barrage de Petit Saut ou en cas de forte augmentation des besoins électriques de la région. Le scénario de fonctionnement moyen est, pour sa part, estimé à 420 GWh/an. L'étude d'impact conclut à un effet faible de ces émissions, dès lors que la centrale de Larivot contribuera à réduire les émissions de CO2 de 30% par rapport à la centrale électrique actuelle de Dégrad-des-Cannes. Dans son mémoire en réponse à l'avis de l'Autorité environnementale du 31 janvier 2020, la société expose, en outre, les origines et les volumes annuels d'approvisionnement en fioul lourd de la centrale Dégrad-des-Cannes et en fioul léger de la future installation. Si les associations FNE et GNE soutiennent que les émissions de GES du projet sont plus élevées que si un mix d'énergies renouvelables (ENR) avait été envisagé pour remplacer la centrale de Dégrad-des-Cannes, cette hypothèse, dont la possibilité de réalisation n'est, au demeurant, pas établie, n'avait pas à figurer dans l'étude des impacts du fonctionnement de la future centrale du Larivot en cas de réalisation de celle-ci. De même, si les intimées soutiennent que l'étude d'impact n'expose pas les émissions de GES résultant du démantèlement concomitant de la centrale thermique de Dégrad-des-Cannes, cette information n'avait pas à figurer dans l'étude d'impact. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en raisonnant à partir d'hypothèses de fonctionnement similaires à compter de la mise en service de la centrale du Larivot et en tenant compte des besoins prévisibles croissants de production d'électricité dans la région et du rendement supérieur de la nouvelle centrale, l'écart mentionné de 30 % d'émission de CO2 résultant de la mise en fonctionnement de la centrale du Larivot par rapport à la centrale électrique actuelle de Dégrad-des-Cannes serait erroné et aurait contribué à une information inexacte de la population. Enfin, les émissions liées à l'approvisionnement de l'installation, résultant de la production, de la transformation, du transport de la matière première jusqu'à l'installation ne résultent pas directement du fonctionnement de la nouvelle centrale et n'avaient, ainsi, pas à être exposées dans l'étude d'impact alors, au demeurant, que le fonctionnement de la centrale se fera, en définitive, à la biomasse liquide, dont les associations ne contestent pas sérieusement le caractère moins impactant sur les émissions directes de CO2 que le fioul léger initialement envisagé. Dès lors, le moyen tiré de ce que l'analyse des incidences climatiques du projet serait insuffisante doit être écarté. 34. De dernière part, dans son mémoire en réponse à l'avis de l'Autorité environnementale du 31 janvier 2020, la société EDF-PEI indique qu'un fonctionnement de la centrale du Larivot avec de la biomasse liquide est également envisagé à terme par la société, qui effectue des tests sur des centrales similaires de son parc de production. Il y est également indiqué que cette conversion de la centrale à la biomasse liquide permettra, à partir de cette installation, de produire une électricité renouvelable bénéficiant d'un très faible contenu en carbone. Eu égard au caractère encore hypothétique de ce fonctionnement à la biomasse liquide au stade de l'enquête publique, auquel il convient de se placer pour l'appréciation du caractère suffisant de l'étude d'impact, la population doit être regardée comme ayant été suffisamment informée, contrairement à ce qui est soutenu par les associations FNE et GNE, des effets éventuels de ce mode de fonctionnement alternatif sur les prévisions attendues d'émissions de GES dans l'environnement, qui seront nécessairement moindres que celles envisagées dans l'hypothèse d'un fonctionnement au fioul léger. 35. En dixième lieu, il ressort des pièces du dossier que la description géotechnique de l'état du sol réalisée par le bureau d'étude spécialisé GINGER LBTPG, comprenant une description du contexte géologique et des caractéristiques hydrogéologiques du sol, ainsi que des impacts potentiels du projet sur les sols, les sous-sols et les eaux souterraines ont été retranscrits de manière suffisante dans le dossier soumis à enquête publique au sein du rapport de base et dans l'étude d'impact. Les intimées soutiennent que le contexte géomorphologique du site et la nature des matériaux présents dans le sol ne répondraient pas aux exigences de qualité géotechnique nécessaires pour la réalisation de la plateforme prévue pour la mise hors d'eau du projet, tant en termes de réutilisation des matériaux retirés du site que de stabilité de la plateforme. Toutefois, il ne résulte pas de l'analyse des études de terrassement pour la réalisation de la plateforme de la centrale du Larivot, menées sur la base du plan topographique du site et de l'étude géotechnique préalable aux travaux qui a été réalisée entre octobre et novembre 2017, qu'eu égard à la nature des sols, aux différences altimétriques relevées et aux sondages de reconnaissance qui ont été menés, les fragilités relevées par les associations seraient avérées et, en tout état de cause, que le public aurait été insuffisamment informé sur ce point. De même, en indiquant que les déblais pourront être évacués dans les carrières locales pour leur réaménagement ou être stockés dans la zone complémentaire chantier, conformément à la réglementation, l'étude d'impact est suffisamment précise. Par ailleurs, l'étude d'impact détaille les apports en remblais nécessaires à la réalisation du projet de centrale photovoltaïque et expose l'impact du projet sur le secteur du transport et ses répercussions sur les riverains. Enfin, les travaux de réalisation de la plateforme ne nécessitant aucun rabattement de nappe, l'étude d'impact n'avait pas à être plus précise sur ce point. Dès lors, le moyen tiré de ce que l'étude d'impact est insuffisante en ce qui concerne l'analyse des effets du projet de centrale thermique sur les sols et sous-sols doit être écarté. 36. En onzième lieu, les associations FNE et GNE soutiennent que le contenu de l'étude d'impact est insuffisant en ce qu'elle omettrait d'analyser les effets indirects du projet liés à l'approvisionnement de la centrale en combustible. Toutefois, les intimées ne précisent ni la nature de ces effets indirects ni les facteurs sur lesquels ils sont susceptibles d'avoir une incidence, au sens et pour l'application des dispositions précitées de l'article R. 122-5 du code de l'environnement, et ne permettent pas à la cour d'apprécier le bien-fondé de cette branche du moyen. Par ailleurs, l'étude d'impact contient une analyse de l'état actuel et des effets du projet sur l'environnement au sein de laquelle sont analysées les émissions de gaz à effet de serre (GES) issues de la circulation des camions pour l'apport du matériel durant la phase de travaux et, notamment, des matériaux de remblais nécessaires à la réalisation de la plateforme du site thermique ainsi que leurs effets sur l'environnement, jugés faibles au regard du caractère temporaire de la phase chantier. Dès lors, en se bornant à indiquer que l'étude d'impact ne procède pas à l'analyse des effets indirects du projet, liés à l'approvisionnement de la centrale en matériaux destinés à permettre le remblaiement de l'emprise du projet, les associations ne critiquent pas utilement son caractère complet. 37. En douzième lieu, il est soutenu que la mesure de réduction référencée M.RE.01, consistant en la transplantation d'une partie de la population d'Astrocaryum murumuru au sein d'un habitat favorable et protégé est insuffisamment présentée au sein de l'étude d'impact dès lors qu'aucun site précis n'est proposé pour cette mesure, dont l'efficacité n'est, en outre, pas établie. Toutefois, contrairement à ce qu'affirment les associations, le site proposé pour la mise en application de cette mesure est précisé au sein de l'étude sur la faune, la flore et les habitats comme étant la parcelle n° AB 80 située à proximité du terrain d'assiette du projet, sanctuarisée au titre de la mesure de compensation M.CO.02, dont les caractéristiques sont présentées dans le mémoire en réponse d'EDF-PEI à l'avis du CSRPN et du CNPN du 31 janvier 2020, versé au dossier de l'enquête publique. Par ailleurs, la circonstance que la transplantation à grande échelle de ce type de palmier n'aurait encore jamais été suivie scientifiquement en Guyane est sans influence sur le caractère suffisant de l'étude d'impact alors, au demeurant, que la société EDF-PEI fait état des résultats favorables d'une expérimentation menée en ce sens par la pépinière l'Agro Forestière. 38. En treizième lieu, les associations critiquent la présentation de la mesure référencée M.CO.01 destinée à compenser la perte d'habitats de certaines espèces protégées induite par la construction de la centrale par la sanctuarisation et la mise en gestion de 80 hectares de parcelles du terrain du Larivot acquis par la société EDF-PEI, composé de mangroves à divers stades, de zones marécageuses à palmiers pinots et de marais d'arrière-mangrove. Aux termes de l'étude sur la faune, la flore et les habitats, la sanctuarisation de cet espace s'accompagnera de la mise en place d'un plan de gestion, d'une durée minimale équivalente à celle de l'exploitation estimée de la centrale, soit 25 années, visant à conserver et restaurer ces espaces naturels et à maintenir l'avifaune ainsi que la mammalofaune protégées, caractéristiques des habitats de la mangrove. 39. D'une part, il résulte des termes du mémoire en réponse d'EDF-PEI à l'avis du CSRPN et du CNPN du 31 janvier 2020, versé au dossier de l'enquête publique, que la société prévoit la mise en place d'une obligation réelle environnementale, prévue à l'article L. 132-3 du code de l'environnement, avec la collectivité territoriale de la Guyane pour garantir la sanctuarisation dans le temps de l'espace concerné par la mesure référencée M.CO.01 pour une durée de 99 ans et précise que la zone fera l'objet d'un classement en espace naturel sensible. Dès lors, le moyen tiré de ce que le public n'aurait pas été suffisamment informé du cadre règlementaire dans lequel s'inscrit la mesure de sanctuarisation et de gestion de la mangrove et du marais du Larivot proposée par le pétitionnaire manque en fait. 40. D'autre part, ainsi que l'indique le guide sur les mesures d'évitement, de réduction et de compensation en Guyane, élaboré par la préfecture de la région Guyane, quand bien même il ne présenterait pas un caractère réglementaire, les mesures de compensation peuvent, selon le contexte et notamment lorsque la rareté des zones dégradées ne permet pas la mise en place d'actions de restauration, viser à la préservation d'un habitat en bon état de conservation d'un milieu ou d'un écosystème soumis à un risque avéré de dégradation voire de destruction, par une sécurisation foncière, accompagnée par une action visant à garantir cet état de conservation, notamment en assurant une surveillance régulière et une lutte active contre les dégradations constatées. La mesure de compensation référencée M.CO.01 ainsi que la mesure complémentaire référencée M.CO.02, mentionnée au point 37, qui sont toutes deux détaillées dans l'étude sur la faune, la flore et les habitats ainsi que dans le mémoire en réponse d'EDF-PEI à l'avis du CSRPN et du CNPN du 31 janvier 2020 soumis au dossier de l'enquête publique, permettront de sanctuariser et, ainsi, de préserver des zones contiguës d'une superficie de plus de 150 hectares présentant des habitats et des caractéristiques environnementales et patrimoniales similaires ou très proches de celles du terrain d'emprise de la centrale. Ces mesures, portant sur des terrains soumis à des fortes pressions urbanistiques ainsi qu'à des potentielles dégradations liées à des dépôts sauvages de déchets qui ont pu y être constatés, seront de nature à assurer un ratio de compensation de 1 ha pour 6,5 ha et à préserver la continuité du corridor écologique situé entre la mangrove Leblond et le reste de la mangrove de l'estuaire de la rivière de Cayenne, en amont. Dès lors, les associations FNE et GNE ne sont pas fondées à soutenir que l'étude d'impact ne serait pas suffisamment détaillée quant à la prise en compte de la perte nette d'habitats pour les espèces d'oiseaux et de mammifères protégées ni, en tout état de cause, à se prévaloir de la méconnaissance de l'objectif visant à éviter une perte nette de biodiversité exigé à l'article L. 163-1 du code de l'environnement. 41. Enfin, il ressort des pièces du dossier que la surface de zones humides impactées par le projet correspond à 19 hectares. Eu égard aux mesures de compensation exposées au point précédent, mises en œuvre en l'absence de toute autre possibilité d'action de restauration, les intimées ne sont pas fondées à soutenir que l'étude d'impact ne comporte pas de justification de la compatibilité du projet avec les objectifs qu'impose le schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) du Bassin Guyane, et notamment le point 3.2 de l'orientation n° 5 relative à l'amélioration de la connaissance et de la gestion de la ressource en eau et des milieux aquatiques guyanais qui, s'agissant des conséquences dommageables d'un projet sur l'environnement, indique que la compensation intervient en dernier lieu et préconise une compensation à fonctions et surface équivalentes, dans le même sous-bassin versant, et si cela s'avère impossible, une compensation surfacique de l'ordre de 200 %. 42. En quatorzième lieu et d'une part, les associations FNE et GNE soutiennent que l'étude d'impact est insuffisante s'agissant des incidences du projet sur les eaux superficielles en ce qu'elle ne décrit pas les effets du projet sur les macro-invertébrés répertoriés par l'UICN ainsi que les mesures d'évitement, de réduction ou de compensation des effets concernés. Toutefois, l'étude d'impact sur le milieu aquatique réalisée par le bureau d'études Hydreco présente les populations échantillonnées pour cette étude, soit 12 020 individus récoltés et déterminés, répartis en 37 taxa différents. Le bureau d'études ajoute que cette présentation ne peut être complétée par les statuts UICN car ceux-ci s'appliquent aux espèces alors que le niveau de détermination atteint pour les macro-invertébrés en Guyane est, en majorité, la famille. Il conclut que la détermination n'a majoritairement pas pu être menée jusqu'à l'espèce mais que les cortèges spécifiques trouvés ne semblent pas héberger d'espèces aux statuts UICN prioritaires. Par ailleurs, Hydreco indique, dans son analyse des effets du projet, que, même en tenant compte de ces espèces non identifiées dont le statut n'est pas déterminé, les effets sur la faune invertébrée sont négligeables au regard de l'impact jugé faible des rejets sur la qualité de l'eau et qu'il n'y a pas lieu de prendre des mesures d'évitement, de réduction ou de compensation. Les intimées ne précisent, pour leur part, ni la ou les espèces de macro-invertébrés qui n'auraient pas été recensées ni les mesures d'évitement, de réduction ou de compensation qu'il conviendrait, le cas échéant, de mettre en œuvre. Dès lors, l'étude d'impact ne saurait être critiquée en raison de son insuffisance sur ce point. 43. D'autre part, pour critiquer le caractère complet de l'étude d'impact, les associations FNE et GNE se prévalent de la contribution du comité français de l'UICN selon laquelle, alors que le projet prévoit le rejet d'eaux usées dans la mangrove, aucune étude n'a été réalisée localement pour évaluer correctement l'impact du rôle auto-épurateur de la mangrove vis à vis des eaux de rejet alors que l'impact sur la fonctionnalité de l'écosystème de mangrove dans sa globalité n'a jamais été évalué. Toutefois, il résulte de l'analyse de la description détaillée des caractéristiques des rejets liquides de la centrale exposée au paragraphe 2.3 de l'annexe 2b de l'étude d'impact et qui est reprise au paragraphe 3.3.3.1 de celle-ci que l'absence d'incidences significatives des rejets dans le milieu naturel ne résulte pas principalement de la capacité auto-épuratrice de la mangrove, quand bien même celle-ci est évoquée par le bureau Biotope dans son étude d'impact sur le milieu aquatique, mais des choix de conception et de contrôle qui ont été réalisés au niveau des installations de la centrale ainsi que de la localisation du point de rejet des eaux. L'étude d'impact expose ainsi dans le détail des traitements et des contrôles effectués préalablement au rejet des effluents, afin de garantir que les valeurs limites de rejet soient conformes aux exigences réglementaires et indique que le point de rejet a été localisé sur un écoulement naturel situé dans une zone de battement de marée permettant un export plusieurs fois par jour dans la masse d'eau littorale de la rivière Cayenne, qui possède un fort débit, de sorte que sera évité le phénomène d'évacuation d'eau sur la zone de rejet. Dans ces conditions, eu égard au caractère accessoire du phénomène auto-épurateur de la mangrove sur la qualité des eaux de rejet, les associations ne sont pas fondées à soutenir que la population n'aurait pas été suffisamment informée sur ce point. 44. Enfin, ainsi qu'il a été exposé aux points 37 et 38, la société EDF-PEI a décidé de sanctuariser des zones de mangrove situées à l'ouest de l'aire d'étude du projet en s'abstenant d'y implanter l'emprise de la nouvelle installation et de préserver, en outre, l'essentiel des groupements d'arrière-mangrove, qui ne sera impacté que de manière marginale. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la réalisation du projet, et notamment les mesures prises en matière de rejets des eaux et des effluents, entraînerait une destruction du milieu naturel de mangroves et de forêts marécageuses sur le site de la centrale électrique et porterait atteinte à la faune et à la flore de ces habitats spécifiques. Dès lors, l'étude d'impact n'est entachée d'aucune insuffisance sur ce point. 45. En quinzième lieu, les associations FNE et GNE soutiennent que les risques naturels, et en particulier le risque inondation par ruissellement pluvial, submersion marine ou remontée de nappe, n'auraient pas été suffisamment analysés par l'étude d'impact. Il ressort des pièces du dossier qu'une étude hydraulique de la zone du projet, jointe à l'étude d'impact, a été réalisée par le bureau d'études Artelia qui, contrairement à ce qu'affirment les associations, analyse l'hypothèse de la possibilité d'occurrence d'un évènement fréquent, moyen ou rare combinant pluie et submersion marine, en indiquant qu'il n'y a pas lieu de déterminer le risque pour un événement qui combinerait un événement maritime exceptionnel et une pluie centennale ou millénale. En se bornant à se référer aux informations d'ordre général contenues dans le rapport du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat des Nations unies (GIEC) du 9 août 2021 qui, au demeurant, est postérieur à la date du permis de construire litigieux, et dans son rapport spécial portant sur les effets relatifs à l'océan et à la cryosphère dans le contexte du réchauffement climatique, publié en 2019, les intimées n'établissent pas que la mesure de précaution consistant en la surélévation de l'emprise du projet de centrale thermique à une côte de + 3,00 m A..., prenant en compte la cote maximale calculée de 2,95 m A... en cas de submersion marine selon une hypothèse d'une augmentation du niveau marin égale à 60 centimètres à l'horizon de l'année 2100, serait insuffisante. A cet égard, les associations ne peuvent utilement se prévaloir des dispositions de l'article R. 562-11-5 du code de l'environnement et de l'arrêté du 5 juillet 2019 pris pour son application, relatif à la marge supplémentaire à appliquer à l'aléa de référence mentionné à l'article R. 562-11-3 du même code, qui sont applicables à l'élaboration des nouveaux PPRI. Si les intimées affirment que le projet de centrale photovoltaïque sera, pour sa part, surélevée à 1,80 m A... soit en-dessous de la cote maximale calculée en cas de submersion marine, elles n'en tirent aucune conséquence quant à l'information complète de la population, alors que l'étude hydraulique préconise que seuls les aménagements sensibles, tels les bâtiments et les installations de production, soient surélevés à une cote supérieure à 3,00 m A... et qu'il ressort des termes de l'autorisation environnementale délivrée à la société EDF-PEI que les panneaux et équipements sensibles tels les onduleurs et les transformateurs seront disposés au-dessus de la cote d'inondation de référence. De même, en se bornant à affirmer que l'étude hydraulique ne prend pas en compte le risque d'inondation des secteurs sensibles du port du Larivot par blocage des submersions marines au niveau des remblais envisagés pour mettre hors d'eau l'emprise du projet ainsi que le risque d'inondation par remontée de nappe, sans préciser davantage la nature exacte de ces risques, les intimées ne critiquent pas utilement la pertinence de cette étude. Par ailleurs, les associations ne produisent aucun élément de nature à contredire les indications de l'étude hydraulique selon laquelle le projet n'aura aucun impact sensible sur les écoulements maximaux des eaux dans le secteur d'implantation et sur les habitats naturels aquatiques. Les associations ne se prévalent, en outre, d'aucune difficulté technique particulière quant à l'entretien des buses dont la mise en place est prévue sur certaines voiries afin d'assurer la transparence hydraulique du projet, prescrit par l'autorisation environnementale délivrée à la société EDF-PEI, qui eût rendu nécessaire une information précise du public sur ce point. Enfin, contrairement à ce qui est également soutenu, l'analyse complète des eaux de ruissellement pluvial en provenance du Mont Petit Matoury et la conséquence de ce phénomène sur les installations de la centrale, le milieu naturel, notamment les zones de mangroves, et la voirie a été menée par le bureau d'études Artelia, sans que les associations ne démontrent que le réchauffement climatique aggraverait ce phénomène. Dès lors, le moyen doit être écarté. 46. En seizième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 23, 24 et 25, les associations FNE et GNE ne sont pas fondées à soutenir que les incidences du projet sur les chiroptères, l'espèce protégée d'arbre Crudia tomentosa et plusieurs espèces d'oiseaux dont elles soutiennent qu'elles n'ont, à tort, pas été inventoriées dans l'analyse de l'état initial de l'environnement n'auraient pas été étudiées. Par ailleurs, si les associations contestent l'analyse du bureau d'études Biotope selon laquelle certaines espèces d'oiseaux dont l'habitat sera impacté par la réalisation du projet de centrale, comme le Toucan toco ou le Milan à long bec, pourront s'installer pendant la phase de travaux puis au-delà dans les habitats de mangrove situés en dehors de l'emprise de la centrale électrique et faisant notamment l'objet de la mesure de compensation M.CO.01 ou dans les forêts marécageuses situées au sud de la RN 1, elles n'étayent cette critique d'aucun élément précis. De même, si les intimées soutiennent que le pétitionnaire n'a pas évalué le risque d'impact lié à la mise en œuvre de la mesure d'évitement M.EV.02 de la population de l'espèce végétale protégée Ouratea cardiosperma, laquelle pourrait avoir pour conséquence une extension du périmètre déforesté autour de la centrale thermique et donc une forte incidence sur le peuplement de palmiers Astrocaryum murumuru, elles ne l'établissent pas en se bornant à se référer à l'avis du CNPN, qui n'est pas suffisamment circonstancié sur ce point, alors qu'ainsi qu'il a été rappelé au point 37, l'Astrocaryum murumuru fait l'objet d'une mesure de réduction spécifique. Il ressort, en outre, des pièces du dossier que l'habitat naturel de la Biche des palétuviers, du Raton crabier et de la Loutre à longue queue est essentiellement situé dans les mangroves et groupements d'arrière-mangrove qui, eu égard, notamment, aux mesures de sanctuarisation mises en place ainsi qu'à la réduction surfacique de la centrale photovoltaïque finalement actée par EDF-PEI, seront très faiblement impactés par le projet. Dès lors, les associations ne sont pas fondées à critiquer la présentation, dans l'étude d'impact, de l'incidence du projet sur ces mammifères, qualifiée de modérée en raison de la conservation d'un large pan de forêt propice à leur maintien à l'ouest de la zone d'étude et de la mise en place de mesures de sanctuarisation et de gestion de la mangrove. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'insuffisance de l'étude d'impact relativement aux incidences du projet sur les milieux naturels, la faune, la flore et les continuités écologiques doit être écarté. 47. En dernier lieu, si les intimées soutiennent que l'étude d'impact n'aborde que très succinctement la question de l'approvisionnement en biomasse liquide, qu'elle sous-estime l'importance des milieux naturels présents sur le site, notamment la superficie des zones humides, ainsi que les surfaces affectées et qu'elle ne contient aucune évaluation des risques sanitaires et des impacts environnementaux liés à une combustion anormale et aux scénarios accidentels retenus par l'étude de dangers, elles n'assortissent ces moyens d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé. En ce qui concerne la procédure de participation du public : 48. En premier lieu, aux termes de l'article L. 123-1 du code de l'environnement : " L'enquête publique a pour objet d'assurer l'information et la participation du public ainsi que la prise en compte des intérêts des tiers lors de l'élaboration des décisions susceptibles d'affecter l'environnement mentionnées à l'article L. 123-2. (...) ". Aux termes de l'article L. 123-2 du même code : " I. - Font l'objet d'une enquête publique soumise aux prescriptions du présent chapitre préalablement à leur autorisation, leur approbation ou leur adoption : / 1° Les projets de travaux, d'ouvrages ou d'aménagements exécutés par des personnes publiques ou privées devant comporter une évaluation environnementale en application de l'article L. 122-1 à l'exception : / (...) /- des demandes de permis de construire et de permis d'aménager portant sur des projets de travaux, de construction ou d'aménagement donnant lieu à la réalisation d'une évaluation environnementale après un examen au cas par cas effectué par l'autorité environnementale. Les dossiers de demande pour ces permis font l'objet d'une procédure de participation du public par voie électronique selon les modalités prévues à l'article L. 123-19 ; (...) ". (...) ". Enfin, aux termes de l'article L. 122-1-1 du même code : " (...) III. Les incidences sur l'environnement d'un projet dont la réalisation est subordonnée à la délivrance de plusieurs autorisations sont appréciées lors de la délivrance de la première autorisation. (...) ". 49. Il ressort des pièces du dossier, notamment des termes du rapport de la commission d'enquête élaboré postérieurement à l'enquête publique organisée entre le 15 mai et le 15 juin 2020, que le public a été informé des incidences sur l'environnement du projet de centrale du Larivot qui ont été évaluées dans l'étude d'impact qui accompagnait la demande d'autorisation environnementale déposée par la société EDF-PEI et qui a été jointe au dossier d'enquête publique. Le préfet de la Guyane a fait valoir devant le tribunal administratif de la Guyane, sans être contesté, que l'étude paysagère, jointe au dossier d'enquête publique, comprenait les schémas représentant les perspectives de localisation des différentes zones de la centrale et de ses bâtiments ainsi que l'insertion du projet dans son environnement proche. Dès lors, les associations FNE et GNE, qui ne font état d'aucun élément de nature à établir que les incidences du projet sur l'environnement n'auraient pas été complètement identifiées ni appréciées par l'étude d'impact réalisée avant l'octroi de l'autorisation environnementale, délivrée le même jour que le permis de construire, ne sont pas fondées à soutenir que la décision qu'elles contestent serait irrégulière faute, pour le dossier de permis de construire, d'avoir été joint au dossier de cette enquête publique. 50. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 123-19 du code de l'environnement : " I. - La participation du public s'effectue par voie électronique. Elle est applicable : / 1° Aux projets qui font l'objet d'une évaluation environnementale et qui sont exemptés d'enquête publique en application du 1° du I de l'article L. 123-2 ; (...) ". 51. Les associations FNE et GNE soutiennent que, dès lors que le permis de construire litigieux permet la création d'une surface de plancher supérieure à 10 000 m², le projet de la centrale du Larivot est soumis à une évaluation environnementale après un examen au cas par cas, conformément au tableau annexé à l'article R. 122-2 du code de l'environnement et, partant, à la procédure de participation du public par voie électronique prévue par l'article L. 123-19 du code de l'environnement. Toutefois, il résulte des dispositions combinées des article L. 123-2 et L. 123-19 du code de l'environnement que la procédure de participation du public par voie électronique ne s'applique que pour les projets exemptés d'enquête publique, en application du 1° du I de l'article L. 123-2. En l'espèce, dès lors que le projet litigieux a été soumis à enquête publique au titre de l'autorisation environnementale sollicitée sur le fondement de la législation sur les ICPE, le moyen tiré de la méconnaissance des formalités prévues par l'article L. 123-19 du code de l'environnement ne peut être utilement soulevé à l'encontre du permis de construire attaqué. 52. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 103-1 du code de l'urbanisme : " Lorsque des décisions des autorités publiques ayant une incidence sur l'environnement relevant du présent code n'appartiennent pas à une catégorie de décisions pour lesquelles des dispositions législatives particulières ont prévu les cas et conditions dans lesquelles elles doivent être soumises à participation du public, les dispositions des articles L. 123-19-1 à L. 123-19-6 du code de l'environnement leur sont applicables. ". Aux termes de l'article L. 123-19-2 du code de l'environnement : " (...) le présent article définit les conditions et limites dans lesquelles le principe de participation du public prévu à l'article 7 de la Charte de l'environnement est applicable aux décisions individuelles des autorités publiques ayant une incidence sur l'environnement qui n'appartiennent pas à une catégorie de décisions pour lesquelles des dispositions législatives particulières ont prévu les cas et conditions dans lesquels elles doivent, le cas échéant en fonction de seuils et critères, être soumises à participation du public. (...) ". 53. Eu égard à l'objet de l'enquête publique tel qu'il est défini par les dispositions précitées au point 48 de l'article L. 123-1 du code de l'environnement, les dispositions des articles L. 123-1 à L. 123-18 du même code, qui concernent les enquêtes publiques relatives aux projets, plans et programmes ayant une incidence sur l'environnement, constituent, au sens des articles L. 103-1 du code de l'urbanisme et L. 123-19-2 du code de l'environnement, des dispositions particulières prévoyant les cas dans lesquels les décisions qu'elles énumèrent doivent, le cas échéant en fonction de seuils et critères, être soumises à participation du public. Dès lors, le projet litigieux relevant de ces dispositions particulières et ayant été soumis à enquête publique, ainsi qu'il a été exposé au point précédent, les associations intimées ne peuvent utilement se prévaloir de la méconnaissance des dispositions des articles L. 103-1 du code de l'urbanisme et L. 123-19-2 du code de l'environnement. En ce qui concerne la méconnaissance des dispositions du code de l'urbanisme particulières au littoral : 54. En premier lieu, aux termes de l'article L. 121-40 du code de l'urbanisme, applicable en Guyane : " Dans les espaces proches du rivage, sont autorisées : / 1° L'extension de l'urbanisation dans les secteurs déjà occupés par une urbanisation diffuse ; / 2° Les opérations d'aménagement préalablement prévues par le chapitre particulier valant schéma de mise en valeur de la mer du schéma d'aménagement régional prévu par l'article L. 4433-7 du code général des collectivités territoriales. ". Aux termes de l'article L. 300-1 du même code : " Les actions ou opérations d'aménagement ont pour objets (...) d'organiser la mutation, le maintien, l'extension ou l'accueil des activités économiques (...) de réaliser des équipements collectifs (...) ". 55. Il ressort des pièces du dossier qu'en périphérie de secteurs déjà urbanisés présentant un nombre significatif de constructions au nord-ouest de la commune de Matoury, le site d'implantation de la centrale de Larivot est bordé, à moins de 300 mètres à l'est et au sud, par les quartiers résidentiels de la Persévérance, des Hauts de la Chaumière et de Palikour ainsi que par les installations d'une ancienne carrière et se trouve voisin de quelques centaines de mètres du quartier résidentiel de Larivot et des installations de la zone industrielle du port du Larivot. Au regard de la configuration des lieux et des constructions d'ores et déjà existantes et nonobstant la présence d'espaces naturels, le site d'implantation du projet doit être regardé comme présentant les caractéristiques d'un secteur déjà occupé par une urbanisation diffuse. En outre, le SARG, approuvé par le décret n° 2016-931 du 6 juillet 2016, qui, tenant compte de l'évolution démographique et de la croissance de la demande énergétique en Guyane, identifie l'accès à l'énergie comme une priorité absolue et un préalable au développement, répertorie précisément au sein de la carte du schéma de mise en valeur de la mer (SMVM) pour le secteur de l'île de Cayenne les parcelles d'implantation du projet en litige comme constituant un espace d'activités économiques futur destiné, notamment, à l'accueil des activités industrielles et commerciales. Dès lors, la construction de la centrale du Larivot, qui est un équipement collectif destiné, en outre, à l'accueil d'une activité économique, constitue une opération d'aménagement au sens de l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme et doit être regardée comme ayant été préalablement prévue par le SARG en tant qu'il vaut SMVM. Dans ces conditions, les associations requérantes ne sont pas fondées à soutenir que le permis de construire contesté méconnaîtrait les dispositions précitées de l'article L. 121-40 du code de l'urbanisme. 56. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 121-42 du code de l'urbanisme : " Des espaces naturels ouverts sur le rivage et présentant le caractère d'une coupure d'urbanisation sont ménagés entre les zones urbanisables. ". Ces dispositions, si elles imposent aux auteurs de documents d'urbanisme de prévoir des coupures d'urbanisation, n'impliquent pas qu'une telle protection soit étendue à tous les espaces existants préservés de l'urbanisation. 57. Il ressort des pièces du dossier que le terrain d'assiette de la centrale du Larivot ne se situe pas dans l'un des six secteurs identifiés par le schéma de cohérence territoriale (SCOT) de la communauté de communes du Centre Littoral comme constituant des coupures d'urbanisation dans lesquelles toute nouvelle construction est en principe interdite. Par ailleurs, les constructions envisagées sont implantées en retrait du rivage de la rivière de Cayenne, à plus de 500 mètres en moyenne de celui-ci, alors que les mesures de sanctuarisation M.CO.01 et M.CO.02 des zones de mangrove situées à l'ouest de l'aire d'étude du projet, à proximité du rivage, mentionnés aux points 24 et 25, contribueront au maintien du corridor écologique entre la mangrove Leblond et le reste de la mangrove de l'estuaire de la rivière de Cayenne, située en amont. Dès lors, le projet en litige ne peut être regardé comme entravant une coupure d'urbanisation sur la rivière de Cayenne et le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 121-42 du code de l'urbanisme doit, en tout état de cause, être écarté. 58. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme : " L'extension de l'urbanisation se réalise en continuité avec les agglomérations et villages existants. (...) ". 59. Les dispositions de l'article L. 121-40 du code de l'urbanisme, qui, dans les espaces proches du rivage, autorisent notamment en Guyane l'extension de l'urbanisation dans les secteurs déjà occupés par une urbanisation diffuse ou les opérations d'aménagement préalablement prévues par le chapitre particulier valant SMVM du schéma d'aménagement régional prévu par l'article L. 4433-7 du code général des collectivités territoriales, se substituent nécessairement, au sein de ces espaces, aux dispositions de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, qui n'autorisent l'extension de l'urbanisation qu'en continuité avec les agglomérations et villages existants. Il ressort des pièces du dossier et est d'ailleurs admis par l'ensemble des parties que le terrain d'emprise du projet, distant du rivage d'environ 400 mètres à son extrémité nord et 950 mètres à son extrémité sud, qui dispose d'une vue sur la mer et se trouve visible depuis le littoral et qui, dans sa partie ouverte en direction du rivage, se situe dans un secteur qui n'est que partiellement urbanisé, constitue un espace proche du rivage au sens de l'article L. 121-40 du code de l'urbanisme. Ainsi qu'il a été exposé au point 55, le site d'implantation du projet doit être regardé comme présentant les caractéristiques d'un secteur déjà occupé par une urbanisation diffuse et la construction de la centrale du Larivot comme ayant été préalablement prévue par le SARG en tant qu'il vaut SMVM. Des lors, les associations intimées ne peuvent utilement se prévaloir de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 121-8 du même code. En ce qui concerne le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité du PLU de la commune de Matoury : 60. En vertu de l'article L. 600-12-1 du code de l'urbanisme, l'annulation ou la déclaration d'illégalité d'un document local d'urbanisme n'entraine pas l'illégalité des autorisations d'urbanisme délivrées lorsque cette annulation ou déclaration d'illégalité repose sur un motif étranger aux règles d'urbanisme applicables au projet en cause. Il appartient au juge, saisi d'un moyen tiré de l'illégalité du document local d'urbanisme à l'appui d'un recours contre une autorisation d'urbanisme, de vérifier d'abord si l'un au moins des motifs d'illégalité du document local d'urbanisme est en rapport direct avec les règles applicables à l'autorisation d'urbanisme. Un vice de légalité externe est étranger à ces règles, sauf s'il a été de nature à exercer une influence directe sur des règles d'urbanisme applicables au projet. En revanche, sauf s'il concerne des règles qui ne sont pas applicables au projet, un vice de légalité interne ne leur est pas étranger. 61. En outre, lorsqu'un motif d'illégalité non étranger aux règles d'urbanisme applicables au projet est susceptible de conduire à remettre en vigueur tout ou partie du document local d'urbanisme immédiatement antérieur, le moyen tiré de l'exception d'illégalité du document local d'urbanisme à l'appui d'un recours en annulation d'une autorisation d'urbanisme ne peut être utilement soulevé que si le requérant soutient également que cette autorisation méconnaît les dispositions pertinentes ainsi remises en vigueur. 62. Il ressort des pièces du dossier que, par un arrêté préfectoral du 19 octobre 2020 portant déclaration de projet de la centrale électrique du Larivot, valant mise en compatibilité du PLU de la commune de Matoury, les parcelles BI 0002 et BH 0002 sur lesquelles s'implanteront les futures constructions de la centrale ont été classées en zone AUx, qui est définie par le règlement modifié du PLU comme étant une zone destinée à la production d'électricité. 63. Les associations FNE et GNE soutiennent, en premier lieu, par la voie de l'exception, que ces dispositions du PLU modifié de la commune de Matoury sont incompatibles avec les dispositions du code de l'urbanisme particulières au littoral dès lors que le site présente les caractéristiques physiques d'un espace naturel remarquable du littoral (ENRL) et ne pouvait donc être classé en zone urbanisable, qu'il doit être regardé comme entravant une coupure d'urbanisation sur la rivière de Cayenne, qu'il ne se trouve pas dans un secteur d'urbanisation diffuse sur lequel une extension de l'urbanisation est autorisé et qu'aucune opération d'aménagement liée à de la production d'électricité n'est prévue sur ce site au chapitre valant SMVM du SARG. Toutefois, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 7 à 17 et 54 à 59, il y a lieu d'écarter ces moyens. 64. En second lieu, aux termes de l'article L. 131-4 du code de l'urbanisme : " Les plans locaux d'urbanisme et les documents en tenant lieu (...) sont compatibles avec : / (...) /2° Les schémas de mise en valeur de la mer prévus à l'article 57 de la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 relative à la répartition de compétences entre les communes, les départements, les régions et l'Etat ; (...) ". Aux termes de l'article L. 4433-9 du code général des collectivités territoriales : " Les schémas de cohérence territoriale et, en l'absence de schéma de cohérence territoriale, les plans locaux d'urbanisme, les documents en tenant lieu et les cartes communales ainsi que les chartes de parcs nationaux et les chartes des parcs naturels régionaux sont compatibles avec le schéma d'aménagement régional. (...) ". 65. D'une part, il est constant que le territoire de la commune de Matoury est couvert par le SCOT de la communauté de communes du Centre Littoral. Il résulte des dispositions citées au point précédent que les dispositions du SARG autres que celles valant SMVM sont, dans ces conditions, opposables au SCOT selon un rapport de compatibilité mais non au PLU. Dès lors, le moyen tiré de ce que l'arrêté préfectoral du 19 octobre 2020 valant mise en compatibilité du PLU serait incompatible avec le SARG, en tant que ce document ne vaut pas SMVM, doit être écarté comme inopérant. 66. D'autre part, les associations FNE et GNE soutiennent que l'arrêté préfectoral du 19 octobre 2020 valant mise en compatibilité du PLU est incompatible avec le SARG en tant qu'il vaut SMVM dès lors que ce dernier ne prévoit pas d'activité de production d'électricité dans le secteur d'implantation du projet. Toutefois, la circonstance que ce document ne liste pas parmi les enjeux principaux du secteur de la rive droite de la rivière de Cayenne celui de la production d'électricité n'est pas, à elle-seule, de nature à justifier de ce que le classement des parcelles en cause en zone AUx serait incompatible avec le SMVM alors qu'ainsi qu'il a été exposé au point 55 la carte du SMVM pour le secteur de l'île de Cayenne identifie précisément les parcelles d'implantation du projet en litige comme constituant un espace d'activités économiques futur destiné, notamment, à l'accueil d'activités industrielles et commerciales. Par ailleurs, contrairement à ce qui est soutenu, le PLU modifié est compatible avec l'objectif du SMVM de protection des zones d'interface terre-mer constituées par la mangrove et la forêt littorale ainsi que des savanes humides imbriquées à ces milieux dès lors qu'il ressort des pièces du dossier que les zones de mangrove comprises dans l'aire d'étude du projet ont été classées en zone naturelle sanctuarisée (Ns) qui, aux termes du règlement du PLU modifié, a pour vocation la préservation d'ensembles naturels de grandes valeurs patrimoniales et écologiques et que l'essentiel des groupements d'arrière-mangrove est également préservé par ce classement. Si les parcelles BI 0002 et BH 0002, classées en zone AUx, incluent également des zones de forêts marécageuses et de forêts dégradées denses de terre ferme, il résulte de l'étude sur la faune, la flore et les habitats réalisée par le bureau d'études Biotope que les habitats forestiers bordant les zones marécageuses observées sur le site ne sont pas rares en Guyane, où il en existe de vastes étendues, et que les forêts dégradées qui peuplent les mornes en lisière de mangrove sont composées d'espèces relativement fréquentes. Enfin, il ressort des pièces du dossier que les parcelles dont s'agit sont situées hors des zones d'aléa identifiées dans le PPRI et le plan de prévention des risques littoraux (PPRL) en cours de validité dans la presqu'ile de Cayenne et séparées de la zone à protéger délimitée par le PPRI par une zone dite " de précaution " qui rompt la continuité entre les zones d'aléa et ces parcelles. La seule circonstance que le site du Larivot est concerné par des risques d'inondation par débordement de cours d'eau et par submersion marine dans les zonages établis en 2017 dans le cadre de l'identification de la presqu'île de Cayenne comme territoire à risque important d'inondation (TRI) ne rend pas incompatible le classement des parcelles litigieuses en zone AUx avec l'orientation générale consistant à assurer la protection des personnes et des biens contre les risques majeurs, qui, au demeurant, concerne l'implantation des aménagements et non le classement des parcelles. Dès lors, le moyen doit être écarté. En ce qui concerne la méconnaissance de l'article R. 111-26 du code de l'urbanisme : 67. Aux termes de l'article R. 111-26 du code de l'urbanisme : " Le permis (...) doit respecter les préoccupations d'environnement définies aux articles L. 110-1 et L. 110-2 du code de l'environnement. Le projet peut n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si, par son importance, sa situation ou sa destination, il est de nature à avoir des conséquences dommageables pour l'environnement. Ces prescriptions spéciales tiennent compte, le cas échéant, des mesures mentionnées à l'article R. 181-43 du code de l'environnement. ". Aux termes de l'article R. 181-43 du code de l'environnement : " L'arrêté d'autorisation environnementale fixe les prescriptions nécessaires au respect des dispositions des articles L. 181-3 et L. 181-4. Il comporte notamment les mesures d'évitement, de réduction et de compensation et leurs modalités de suivi qui, le cas échéant, sont établies en tenant compte des prescriptions spéciales dont est assorti le permis de construire, le permis d'aménager, le permis de démolir ou la décision prise sur la déclaration préalable en application de l'article R. 111-26 du code de l'urbanisme. (...) ". Il résulte de ces dispositions qu'elles ne permettent pas à l'autorité administrative de refuser un permis de construire, mais seulement de l'accorder sous réserve du respect de prescriptions spéciales relevant de la police de l'urbanisme, telles que celles relatives à l'implantation ou aux caractéristiques des bâtiments et de leurs abords, si le projet de construction est de nature à avoir des conséquences dommageables pour l'environnement. A ce titre, s'il n'appartient pas à cette autorité d'assortir le permis de construire délivré pour une installation classée de prescriptions relatives à son exploitation et aux nuisances qu'elle est susceptible d'occasionner, il lui incombe, en revanche, le cas échéant, de tenir compte des prescriptions édictées au titre de la police des installations classées ou susceptibles de l'être. 68. Il résulte des termes de l'article 3 du permis de construire attaqué qu'au titre des prescriptions spéciales dont cette autorisation de construire est assortie, le préfet de la Guyane a indiqué que les mesures ERC (éviter, réduire, compenser) présentées par la société EDF-PEI dans l'étude d'impact jointe au dossier de permis de construire, la réponse du 31 janvier 2020 apportée à l'avis de l'autorité environnementale ainsi que celle du 25 août 2020 à l'avis défavorable de la commission d'enquête et les prescriptions figurant dans l'autorisation environnementale délivrée à la société le 22 octobre 2020 devront être respectées par le pétitionnaire. 69. En premier lieu, ainsi que le soutiennent les associations FNE et GNE, il ressort des pièces du dossier, notamment des termes de l'étude sur la faune, la flore et les habitats réalisée par le bureau d'études Biotope que, malgré la mise en place de la mesure de réduction M.RE.01, qui consiste à la transplantation d'une partie de la population d'Astrocaryum murumuru qui sera impactée par le projet, le niveau d'impact résiduel est indiqué comme restant fort dès lors que cette population sera détruite par le construction de la centrale. Toutefois, cette même étude relève qu'en cas de réussite de la transplantation, qui pourrait être mise en évidence lors du suivi de la reprise des plants, l'impact résiduel pourrait être réévalué à un niveau modéré. Par ailleurs, le redimensionnement du projet photovoltaïque, postérieurement à la réalisation de l'enquête publique, permettra de préserver des colonies d'Astrocaryum murumuru situées à l'ouest de la centrale photovoltaïque. Dans ces conditions, les associations FNE et GNE ne sont pas fondées à soutenir que les mesures de réduction mises en place pour la préservation de l'Astrocaryum murumuru, espèce déterminante de la ZNIEFF mais qui n'est pas protégée en Guyane, et reprises dans l'autorisation environnementale délivrée à la société EDF-PEI, auxquelles renvoient les dispositions de l'article 3 du permis de construire attaqué, seraient insuffisantes et nécessiteraient des prescriptions supplémentaires au titre de l'article R. 111-26 du code de l'urbanisme. 70. En deuxième lieu, l'étude sur la faune, la flore et les habitats réalisée par le bureau d'études Biotope qualifie de modéré l'impact résiduel des mesures de compensation M.CO.01 et M.CO.02 prévues afin de compenser la perte d'habitat engendrée par la construction de la centrale électrique, qui consistent respectivement en la sanctuarisation et la gestion de la mangrove et du marais du site du Larivot ainsi que de la parcelle AB 80 située, à proximité, sur la commune de Matoury. Il ressort des pièces du dossier que les espèces d'oiseaux et de mammifères protégées bénéficiant de cette mesure sont caractéristiques des habitats préservés par cette mesure, similaires à ceux impactés par le projet, tels l'Ibis rouge, l'Ibis vert, la Buse buson, le Raton crabier, la Biche des palétuviers, le Grison ou la Loutre à longue queue. La sanctuarisation de ces espaces s'accompagnera de la mise en place d'un plan de gestion, sur une période prévue par l'autorisation environnementale de 25 ans, visant à les conserver et à les restaurer et permettra le maintien de l'avifaune et de la mammalofaune protégée, caractéristiques des habitats notamment de mangrove. Cette sanctuarisation contribuera, en outre, au maintien du corridor écologique entre la mangrove Leblond et le reste de la mangrove de l'estuaire de la rivière de Cayenne, située en amont et permettra aux espèces survolant ou parcourant la zone, susceptibles d'être impactées par le projet, de pouvoir se mouvoir dans ces zones. Dès lors, les associations intimées ne sont pas fondées à soutenir que ces mesures de compensation, auxquelles renvoient les dispositions de l'article 3 du permis de construire attaqué à titre de prescriptions, seraient insuffisantes au regard de l'article R. 111-26 du code de l'urbanisme. 71. En dernier lieu, l'étude réalisée par Biotope indique, s'agissant de la flore, qu'outre l'Astrocaryum murumuru évoqué au point 69, parmi les quatre espèces végétales protégées identifiées lors des inventaires de la centrale, le Crudia tomentosa n'a jamais été concerné par le projet, de même que le Rhabdadenia macrostoma qui occupe les marais de la Crique Fouillée et du canal Beauregard et les spécimens de Swartzia leblondii situés au pied de la Montagne Cabassou, qui ont également été évités. L'étude relève que la population d'Ouratea cardiosperma localisée au sud de la RN1 dans le secteur du Larivot est située dans une des zones d'implantation initialement identifiées pour le site photovoltaïque mais qu'à la suite de la découverte de cette population, une autre zone d'implantation, située autour du site thermique et moins impactante a été choisie, permettant ainsi d'éviter la destruction de cette population. Par ailleurs, si les associations contestent l'analyse du bureau d'études Biotope selon laquelle certaines espèces d'oiseaux dont l'habitat sera impacté par la réalisation du projet de centrale, comme le Toucan toco ou le Milan à long bec, pourront s'installer pendant la phase de travaux dans les habitats de mangrove situés en dehors de l'emprise de la centrale électrique et faisant notamment l'objet de la mesure de compensation M.CO.01 ou dans les forêts marécageuses situées au sud de la RN 1, elles n'étayent cette critique d'aucun élément précis. Il ressort, en outre, des pièces du dossier que l'habitat naturel de la Biche des palétuviers, du Raton crabier et de la Loutre à longue queue est essentiellement situé dans les mangroves et groupements d'arrière-mangrove qui, eu égard, notamment, aux mesures de sanctuarisation mises en place ainsi qu'à la réduction surfacique de la centrale photovoltaïque finalement actée par EDF-PEI, seront très faiblement impactés par le projet. L'incidence du projet sur ces mammifères est ainsi qualifiée de modérée par l'étude d'impact en raison de la conservation d'un large pan de forêt propice à leur maintien à l'ouest de la zone d'étude et de la mise en place de mesures de sanctuarisation et de gestion de la mangrove. Enfin, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 23, 24 et 25, les associations FNE et GNE ne sont pas fondées à soutenir que les incidences du projet sur les chiroptères, l'espèce protégée d'arbre Crudia tomentosa et plusieurs espèces d'oiseaux dont elles soutiennent qu'elles n'ont, à tort, pas été inventoriées dans l'analyse de l'état initial de l'environnement n'auraient pas été étudiées. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que le permis de construire ne contient pas de prescriptions suffisantes visant à éviter, réduire ou compenser les impacts du projet sur ces espèces doit être écarté. En ce qui concerne la méconnaissance de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : 72. Aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations. ". En vertu de ces dispositions, lorsqu'un projet de construction est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique, le permis de construire ne peut être refusé que si l'autorité compétente estime, sous le contrôle du juge, qu'il n'est pas légalement possible, au vu du dossier et de l'instruction de la demande de permis, d'accorder le permis en l'assortissant de prescriptions spéciales qui, sans apporter au projet de modifications substantielles nécessitant la présentation d'une nouvelle demande, permettraient d'assurer la conformité de la construction aux dispositions législatives et réglementaires dont l'administration est chargée d'assurer le respect. 73. Il résulte des termes de l'article 2 du permis de construire attaqué qu'au titre des prescriptions spéciales dont cette autorisation est assortie, le préfet de la Guyane a indiqué que le porteur de projet devra respecter les mesures décrites dans l'étude hydraulique de la zone du projet du 29 mars 2019 réalisée par le bureau d'études Artelia, annexée au dossier de demande d'autorisation environnementale, qui conclut au respect de la transparence hydraulique du projet sous condition. 74. Il ressort des pièces du dossier que l'implantation de la future centrale thermique est située sur des parcelles comprises hors des zones d'aléa identifiées dans le PPRI et le PPRL en cours de validité dans la presqu'ile de Cayenne, et que, postérieurement au redimensionnement de son projet photovoltaïque, il en est de même pour la centrale photovoltaïque. L'emprise de ces installations sera, de plus, séparée de la zone à protéger délimitée par le PPRI par une zone dite " de précaution " qui rompt la continuité entre les zones d'aléa et le terrain d'emprise. A cet égard, les associations ne peuvent utilement se prévaloir des dispositions des articles R. 562-11-6 et R. 562-11-7 du code de l'environnement qui sont applicables à l'élaboration des nouveaux PPRI. Par ailleurs, si les associations FNE et GNE se prévalent des zonages établis en 2017 dans le cadre de l'identification de la presqu'île de Cayenne comme TRI, en application des dispositions des articles L. 566-5 et L. 566-6 du code de l'environnement, il ressort des pièces du dossier que, dans son étude hydraulique de la zone du projet, le bureau d'études Artelia a pris en compte le modèle hydraulique mis en œuvre dans le cadre du TRI de l'Ile de Cayenne ainsi que les risques d'inondation tels qu'ils ont été modélisés par les nouvelles cartographies des surfaces inondables et des risques d'inondation arrêtées par le préfet de Guyane le 26 janvier 2017. Ainsi, alors qu'il ressort de ces cartographies, qui, contrairement à ce que font valoir les intimées, ne sauraient être génératrices de prescriptions au titre du PPRI ou du PPRL en cours de validité dans la presqu'ile de Cayenne, que le site du projet se trouve exposé à une hauteur d'eau maximale d'un mètre en ce qui concerne les inondations pluviales et, ponctuellement, de deux mètres s'agissant du risque de submersion marine, cette étude préconise que tous les aménagements sensibles, tels les bâtiments et installations de production, seront situés à une cote supérieure à 3,00 m A... alors que les aménagements moins sensibles seront implantés à la cote centennale identifiée. Par ailleurs, s'agissant de la centrale photovoltaïque, les panneaux et équipements sensibles, tels les onduleurs et les transformateurs, seront, pour leur part, disposés au-dessus de la cote d'inondation de référence. Si la réalisation de la plateforme est susceptible de modifier le libre écoulement des eaux pluviales, les aménagements spécifiques qui seront réalisés, tels les fossés et les buses, permettront de garantir la transparence hydraulique. Dès lors, eu égard, en outre, à ce qui a été exposé au point 45, le moyen tiré de ce que, en application des dispositions de l'article R. 111-2, le préfet aurait dû assortir le permis de construire litigieux de prescriptions spéciales complémentaires à celles déjà préconisées par le bureau d'études Artelia, auxquelles se réfère l'autorisation de construire, doit être écarté. 75. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la régularité du jugement attaqué ni sur les fins de non-recevoir opposées en défense devant le tribunal administratif de la Guyane, que la société EDF-PEI, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et la collectivité territoriale de Guyane sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guyane a annulé l'arrêté du 22 octobre 2020 par lequel le préfet de la Guyane a délivré à la société EDF-PEI un permis de construire. Sur les frais liés à l'instance : 76. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société EDF-PEI, de l'Etat et de la collectivité territoriale de Guyane, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, la somme demandée par les associations FNE et GNE au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge des associations FNE et GNE une somme globale de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société EDF-PEI et non compris dans les dépens tant devant le tribunal administratif de la Guyane que devant la cour. A ce même titre, il y a lieu de mettre à leur charge une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la collectivité territoriale de Guyane dans le cadre de la présente instance. DECIDE : Article 1er : Le jugement n° 2001348 du 18 juillet 2022 du tribunal administratif de la Guyane est annulé. Article 2 : Les demandes présentées par les associations FNE et GNE devant le tribunal administratif de la Guyane et le surplus de leurs conclusions devant la cour sont rejetés. Article 3 : Les associations FNE et GNE verseront à la société EDF-PEI, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme globale de de 1 500 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens tant devant le tribunal administratif de la Guyane que devant la cour. Article 4 : Les associations FNE et GNE verseront à la collectivité territoriale de Guyane une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 5 : Le surplus des conclusions des parties devant le tribunal administratif de la Guyane et devant la cour est rejeté. Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société Electricité de France - production électrique insulaire, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, à la ministre de la transition énergétique, à la collectivité territoriale de Guyane et aux associations France Nature Environnement et Guyane Nature Environnement. Copie en sera adressée au préfet de la Guyane. Délibéré après l'audience du 7 mars 2023 à laquelle siégeaient : Mme Bénédicte Martin, présidente, M. Michaël Kauffmann, premier conseiller, Mme Pauline Reynaud, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mars 2023. Le rapporteur, Michaël D... La présidente, Bénédicte Martin La greffière, Caroline Brunier La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et à la ministre de la transition énergétique, chacun en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. 2 N°s 22BX02010, 22BX02204, 22BX02423
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Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 14 septembre 2021 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un certificat de résidence, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné à l'expiration de ce délai. Par un jugement n° 2120793 du 12 juillet 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 8 août 2022, M. A..., représenté par Me Boudjellal, demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ; 3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - l'arrêté attaqué est entaché d'une insuffisance de motivation ; - il est entaché d'un défaut d'examen particulier de sa situation ; - il méconnaît les stipulations de l'article 6-1 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Par un mémoire en défense, enregistré le 30 septembre 2022, le préfet de police conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code des relations entre le public et l'administration ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme d'Argenlieu, rapporteure, - et les observations de Me Boudjellal, avocat de M. A.... Considérant ce qui suit : 1. M. B... A..., ressortissant algérien, né le 4 novembre 1966 et entré en France, selon ses déclarations, le 2 janvier 2002, a sollicité, le 20 avril 2021, la délivrance d'un certificat de résidence sur le fondement des stipulations de l'article 6-1 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Par un arrêté du 14 septembre 2021, le préfet de police a refusé de faire droit à sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné à l'expiration de ce délai. M. A... relève appel du jugement du 12 juillet 2022 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté. 2. En premier lieu, si M. A... reprend en appel ses moyens de première instance tirés de l'insuffisance de motivation de l'arrêté attaqué et du défaut d'examen particulier de sa situation, il ne développe au soutien de ces moyens aucun argument de droit ou de fait complémentaire et pertinent de nature à remettre en cause l'analyse et la motivation retenues par le tribunal administratif. Il y a donc lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par le tribunal aux points 3 et 4 de son jugement. 3. En second lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien susvisé : " Les dispositions du présent article ainsi que celles des deux articles suivants, fixent les conditions de délivrance et de renouvellement du certificat de résidence aux ressortissants algériens établis en France ainsi qu'à ceux qui s'y établissent, sous réserve que leur situation matrimoniale soit conforme à la législation française. / Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / 1. Au ressortissant algérien, qui justifie par tout moyen résider en France depuis plus de dix ans (...) ". 4. Si M. A... soutient qu'il justifie d'une résidence sur le territoire français depuis plus de dix ans, les différents documents qu'il produit à l'appui de cette assertion ne sont pas de nature, compte tenu de leur nombre limité et de leur caractère insuffisamment probant, à établir sa présence habituelle en France au cours des années en cause. En particulier, pour la période d'octobre 2013 à octobre 2014, il ne produit qu'un relevé bancaire du 10 janvier 2014, qui ne mentionne aucune opération, une demande d'aide médicale d'Etat du 29 janvier 2014 ainsi que trois courriers du 20 février 2014, du 13 mars 2014 et du 21 mai 2014, documents épars qui ne permettent d'attester de la continuité de sa résidence au cours de cette période. De même, pour le second semestre 2016, le requérant se borne à fournir une décision de commission d'office d'un avocat sous bénéfice d'aide juridictionnelle en date des 7 avril 2016 et 29 septembre 2016 ainsi qu'une attestation d'hébergement manuscrite du 10 octobre 2016, mentionnant un hébergement du 1er novembre 2014 à cette date, ces documents étant insuffisamment probants pour attester de la présence en France de l'intéressé au cours de ce semestre. Enfin, pour la période d'avril 2019 à mars 2020, l'intéressé ne produit que quelques documents, à savoir quatre courriers des 3 mai 2019, 28 mai 2019, 15 juin 2019 et 20 juillet 2019, deux avis de taxe d'habitation pour 2019 et 2020 ainsi qu'un justificatif de déplacement professionnel du 20 mars 2020, au demeurant non signé par l'employeur. Compte tenu de leur nombre limité ou épars, les documents versés par M. A... ne couvrant que partiellement les années en cause, ou de leur caractère insuffisamment probant, de telles pièces ne suffisent pas à établir sa résidence habituelle sur le territoire au cours de ces années. Par suite, en estimant que l'intéressé n'établissait pas qu'il résidait en France depuis plus de dix ans à la date de l'arrêté attaqué, le préfet de police n'a pas fait une inexacte application des stipulations précitées. 5. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. D E C I D E : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de police. Délibéré après l'audience du 14 mars 2023, à laquelle siégeaient : - M. d'Haëm, président, - M. Mantz, premier conseiller, - Mme d'Argenlieu, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mars 2023. La rapporteure, L. d'ARGENLIEULe président R. d'HAËM La greffière, A. GASPARYAN La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. N° 22PA03729 2
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Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 12 mai 2022 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités espagnoles, responsables de l'examen de sa demande d'asile, ainsi que l'arrêté du même jour l'assignant à résidence. Par un jugement n° 2206511 du 7 juillet 2022, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 7 juillet 2022, Mme A..., représentée par Me Lechat-Blin, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 7 juin 2022 ; 2°) d'annuler les arrêtés du 12 mai 2022 ; 3°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire de lui délivrer une attestation de demandeur d'asile en procédure normale dans le délai de 8 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et, à titre subsidiaire, de procéder à un nouvel examen de sa situation dans les meilleurs délais ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991. Elle soutient que : - l'arrêté de transfert méconnaît les stipulations de l'article 4 du règlement du 26 juin 2013 ; - cette décision méconnaît les stipulations de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 ; - le préfet n'a pas procédé à un examen complet de sa situation ; - cette décision méconnaît les stipulations des articles 3.2 du règlement du 26 juin 2013, 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; - cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 17 du règlement du 26 juin 2013 ; - l'illégalité de l'arrêté de transfert entache d'illégalité l'arrêté portant assignation à résidence et justifie l'annulation de ces deux décisions. Par des mémoires, enregistrés les 14 septembre et 7 décembre 2022, le préfet de Maine-et-Loire indique que l'Espagne est désormais libérée de son obligation de reprise en charge de Mme A... et conclut pour le surplus au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés. Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 juin 2022. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; - le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ; - le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le rapport de Mme B..., a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. Mme A..., ressortissant guinéenne, relève appel du jugement du 7 juin 2022 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 12 mai 2022 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités espagnoles, responsables de l'examen de sa demande d'asile, ainsi que de l'arrêté du même jour l'assignant à résidence. Sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté de transfert : 2. Aux termes de l'article 29 du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil en date du 26 juin 2013 : " Le transfert du demandeur ou d'une autre personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point c) ou d), de l'Etat membre requérant vers l'Etat membre responsable s'effectue conformément au droit national de l'Etat membre requérant, après concertation entre les Etats membres concernés, dès qu'il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre Etat membre de la requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l'effet suspensif est accordé conformément à l'article 27, paragraphe 3. /2. Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'Etat membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'Etat membre requérant. Ce délai peut être porté à un an au maximum s'il n'a pas pu être procédé au transfert en raison d'un emprisonnement de la personne concernée ou à dix-huit mois au maximum si la personne concernée prend la fuite. ". 3. Il résulte de ces dispositions que lorsque le délai de six mois fixé pour l'exécution de la mesure de transfert a été interrompu par l'introduction d'un recours, il recommence à courir à compter de la décision juridictionnelle qui n'est plus susceptible de faire obstacle à la mise en œuvre de la procédure de remise. Quel que soit le sens de la décision rendue par le premier juge, ce délai court à compter du jugement qui, l'appel étant dépourvu de caractère suspensif, rend à nouveau la mesure de transfert susceptible d'exécution. 4. Il ressort des pièces du dossier que le délai initial de six mois dont disposait le préfet de Maine-et-Loire pour procéder à l'exécution de sa décision de transférer Mme A... aux autorités espagnoles a été interrompu par la saisine du tribunal administratif de Nantes. Ce délai a recommencé à courir à compter de la notification à l'administration du jugement du 7 juin 2022 rendu par cette juridiction. Il n'a fait l'objet d'aucune prolongation ainsi qu'il ressort du courrier adressé par le préfet à la cour le 7 décembre 2022. Par suite, l'arrêté de transfert du 12 mai 2022 est devenu caduc sans avoir reçu de commencement d'exécution et les conclusions de Mme A... à fin d'annulation de cette décision sont devenues sans objet. Il n'y a plus lieu d'y statuer. 5. L'arrêté portant assignation à résidence de l'intéressée ayant été exécuté, il y a lieu en revanche de statuer sur les conclusions tendant à son annulation. Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision d'assignation à résidence : 6. A l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de la décision d'assignation à résidence, Mme A... excipe de l'illégalité de la décision de transfert pour l'exécution de laquelle elle a été assignée à résidence. 7. Aux termes de l'article 17 du règlement du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'Etat membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'Etat membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ". Il résulte de ces dispositions que si une demande d'asile est examinée par un seul Etat membre et qu'en principe cet Etat est déterminé par application des critères d'examen des demandes d'asile fixés par son chapitre III, dans l'ordre énoncé par ce chapitre, l'application de ces critères est toutefois écartée en cas de mise en œuvre de la clause dérogatoire énoncée au paragraphe 1 de l'article 17 du règlement, qui procède d'une décision prise unilatéralement par un Etat membre. Cette faculté laissée à chaque Etat membre est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile. Ces dispositions doivent être appliquées dans le respect des droits garantis par la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. 8. Lors de son entretien individuel qui s'est tenu le 4 mars 2022 à la préfecture de la Loire-Atlantique, Mme A... a déclaré avoir des problèmes de santé et notamment des difficultés à respirer et des maux de tête. L'intéressée a produit une convocation datée du 27 avril 2022 pour une consultation au service oto-rhino-laryngologique (ORL) du centre hospitalier universitaire de Nantes fixée au 19 mai suivant ainsi que les convocations pour de nouveaux rendez-vous prévus les 7, 21 et 30 juin 2022. Le 19 mai 2022, un médecin ORL a en effet confirmé que Mme A..., alors âgée de 24 ans seulement, présentait une pathologie nécessitant des investigations complémentaires en vue d'une chirurgie sous anesthésie générale. La requérante justifie en outre d'une hospitalisation aux services des urgences, le 10 juin 2022, à la suite d'une hémorragie abondante. Le compte-rendu rédigé à cette occasion mentionne la présence d'une tuméfaction nasale gauche en cours d'exploration. Un examen d'IRM lui a été prescrit le 17 juin suivant avant une intervention chirurgicale programmée le 13 juillet 2022. Si certains de ces éléments médicaux sont postérieurs aux arrêtés pris par le préfet le 12 mai 2022, ils révèlent néanmoins un état de santé antérieur, qui à la date de ces décisions, faisait obstacle au transfert de Mme A... vers l'Espagne. Il n'est pas contesté par ailleurs, que l'intervention qu'elle a subie nécessite un suivi post-opératoire qui doit être assuré par les médecins qui ont pris en charge cette patiente. Dans ces conditions, et alors même que l'intéressée n'avait pas apporté au préfet les justificatifs médicaux confirmant la réalité de ses problèmes de santé, la requérante doit être regardée comme établissant qu'en ne dérogeant pas aux critères de détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile et en prononçant son transfert aux autorités espagnoles, le préfet de Maine-et-Loire a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. L'illégalité de cette décision entache d'illégalité l'arrêté portant assignation à résidence de l'intéressée. Par suite, cette décision doit être annulée. 9. Il résulte de tout ce qui précède, que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de Mme A... tendant à l'annulation de l'arrêté du 12 mai 2022 l'assignant à résidence. Sur les conclusions à fin d'injonction : 10. Compte tenu du courrier du préfet du 7 décembre 2022 et de ce qui a été dit ci-dessus, la présente décision, n'implique aucune autre mesure d'injonction. Sur les frais liés au litige : 11. Mme A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Son avocate peut ainsi se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, à la condition de renoncer à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Lechat-Blin, avocate de la requérante, d'une somme de 1 000 euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. DÉCIDE : Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de Mme A... tendant à l'annulation de la décision portant transfert. Article 2 : Le jugement n° 2206511, du tribunal administratif de Nantes du 7 juin 2022 en tant qu'il concerne l'arrêté d'assignation à résidence de Mme A..., ainsi que cette décision, sont annulés. Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête présentée par Mme A... est rejeté. Article 4 : L'Etat versera à Me Lechat-Blin, conseil de Mme A..., la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Une copie en sera adressée, pour information, au préfet de Maine-et-Loire. Délibéré après l'audience du 10 mars 2023 à laquelle siégeaient : - M. Gaspon, président de chambre, - M. Coiffet, président-assesseur, - Mme Gélard, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 28 mars 2023. La rapporteure, V. GELARDLe président, O. GASPON La greffière, P. BONNIEU La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 22NT02215
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Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; - le règlement n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ; - le règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le rapport de M. A... a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. Mme B..., ressortissante guinéenne née le 18 juillet 1995 à Fria (Guinée), a déclaré être entrée en France le 2 mars 2022. Sa demande d'asile a été présentée et enregistrée le 7 mars 2022 par les services de la préfecture de la Loire-Atlantique. La consultation du système Eurodac a révélé que ses empreintes digitales avaient été relevées par les autorités espagnoles le 18 janvier 2022 lors de son entrée dans ce pays sous le n° ES 2 1843942986. Consécutivement à leur saisine le 8 mars 2022 sur le fondement du paragraphe 1 de l'article 13 du règlement (UE) n° 604/2013, les autorités espagnoles ont, le 18 mars 2022, accepté de reprendre en charge l'intéressée. Par deux arrêtés du 20 mai 2022, le préfet de Maine-et-Loire a ordonné le transfert de Mme B... aux autorités espagnoles et l'a assignée à résidence pour une durée de quarante-cinq jours. Mme B... a sollicité auprès du tribunal administratif de Nantes l'annulation de ces deux arrêtés. Elle relève appel du jugement du 17 juin 2022 par lequel le magistrat désigné a rejeté sa demande. En ce qui concerne l'arrêté de transfert : 2. D'une part, aux termes de l'article 29 du règlement n° 604-2013 du Parlement européen et du Conseil en date du 26 juin 2013 : " Le transfert du demandeur ou d'une autre personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point c) ou d), de l'Etat membre requérant vers l'Etat membre responsable s'effectue conformément au droit national de l'Etat membre requérant, après concertation entre les Etats membres concernés, dès qu'il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre Etat membre de la requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l'effet suspensif est accordé conformément à l'article 27, paragraphe 3. /2. Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'Etat membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'Etat membre requérant. Ce délai peut être porté à un an au maximum s'il n'a pas pu être procédé au transfert en raison d'un emprisonnement de la personne concernée ou à dix-huit mois au maximum si la personne concernée prend la fuite. ". 3. D'autre part, l'introduction d'un recours devant le tribunal administratif contre la décision de transfert a pour effet d'interrompre le délai de six mois fixé à l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013, qui courait à compter de l'acceptation du transfert par l'Etat requis, délai qui recommence à courir intégralement à compter de la date à laquelle le tribunal administratif statue au principal sur cette demande, quel que soit le sens de sa décision. Ni un appel, ni d'ailleurs le sursis à exécution du jugement accordé par le juge d'appel sur une demande présentée en application de l'article R. 811-15 du code de justice administrative n'ont pour effet d'interrompre ce nouveau délai. Son expiration a pour conséquence qu'en application des dispositions du paragraphe 2 de l'article 29 du règlement, l'Etat requérant devient responsable de l'examen de la demande de protection internationale. 4. Le délai initial de six mois dont disposait le préfet de Maine-et-Loire pour procéder à l'exécution du transfert de Mme B... vers l'Espagne a été interrompu par la saisine du tribunal administratif de Nantes. Ce délai a recommencé à courir à compter de la notification à l'administration du jugement du 8 juin 2022 rendu par ce dernier. Il ressort des pièces du dossier que ce délai n'a pas fait l'objet d'une prolongation et que cet arrêté n'a pas reçu exécution pendant sa période de validité. Par suite, la décision de transfert litigieuse est devenue caduque sans avoir reçu de commencement d'exécution à la date du présent arrêt et la France est, ainsi que l'admet d'ailleurs le préfet de Maine-et-Loire dans son mémoire du 8 décembre 2022, devenue responsable de la demande d'asile de Mme B... sur le fondement des dispositions du 2 de l'article 29 du règlement n° 604-2013 rappelées ci-dessus. Il en résulte que les conclusions de Mme B... tendant à l'annulation de l'arrêté de transfert et du jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes en tant qu'il a rejeté les conclusions dirigées contre cet arrêté sont devenues sans objet. Il n'y a plus lieu d'y statuer. En ce qui concerne l'arrêté portant assignation à résidence : 5. L'arrêté portant assignation à résidence de Mme B... ayant reçu exécution, les conclusions tendant à son annulation conservent leur objet et il y a dès lors lieu d'y statuer. 6. Toutefois, ces conclusions dirigées contre l'arrêté d'assignation à résidence, qui ne sont assorties d'aucun moyen, ne peuvent qu'être rejetées. Sur les conclusions à fin d'injonction : 7. Si, compte tenu de la caducité de la décision de transfert contestée, la France est l'Etat membre responsable de l'examen de la demande d'asile présentée par Mme B..., le présent arrêt, n'implique, par lui-même, aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions aux fins d'injonction doivent être rejetées. Sur les frais liés au litige : 8. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par Mme B... au profit de son avocate au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. DECIDE : Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions aux fins d'annulation en tant qu'elles sont dirigées contre l'arrêté du 20 mai 2022 du préfet de Maine-et-Loire décidant du transfert de Mme B... aux autorités espagnoles. Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme B... est rejeté. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Une copie en sera adressée, pour information, au préfet de Maine-et-Loire. Délibéré après l'audience du 10 mars 2023, à laquelle siégeaient : - M. Gaspon, président de chambre, - M. Coiffet, président-assesseur, - Mme Gélard, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mars 2023. Le rapporteur, O. A...Le président, O. GASPON La greffière, P. BONNIEU La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. N° 22NT02567 2
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Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. E... C... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 8 avril 2022 par lequel le préfet de police a rejeté sa demande de renouvellement de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trente-six mois. Par un jugement n° 2208691 du 29 juin 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement le 27 juillet 2022 et le 17 janvier 2023, M. C..., représenté par Me Dubois, demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ; 3°) d'enjoindre au préfet de police de lui renouveler son titre de séjour dans le délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - la décision portant refus de renouvellement de titre de séjour est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public ; - elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision portant refus de renouvellement de son titre de séjour ; - elle est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation ; - elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - la décision fixant le pays de destination doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision portant refus de renouvellement de titre de séjour et de celle portant obligation de quitter le territoire français ; - elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - la décision portant interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trente-six mois doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation des décisions portant refus de renouvellement de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination ; - elle est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation. Par un mémoire en défense, enregistré le 20 décembre 2022, le préfet de police conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés. Par une ordonnance du 6 février 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 3 mars 2023 à 12h00. Par un courrier du 23 février 2023, une mesure d'instruction a été diligentée par la cour. Par un mémoire en production de pièces, enregistré le 27 février 2023, le préfet de police a répondu à cette mesure. Par un mémoire, enregistré le 27 février 2023, M. C... a répondu à cette mesure. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. d'Haëm, président-rapporteur, - et les observations de Me Dubois, avocat de M. C.... Considérant ce qui suit : 1. M. C..., ressortissant marocain, né le 4 mai 1971 et entré régulièrement en France le 10 octobre 2012 au titre d'un regroupement familial sollicité par son épouse, Mme B... A... épouse C..., avec qui il s'est marié au Maroc en 2007, s'est vu délivrer par la suite une carte de séjour temporaire, sur le fondement des dispositions du 1° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable, qui a été régulièrement renouvelée jusqu'au 1er mai 2017, date à laquelle une carte de séjour pluriannuelle, valable du 24 août 2017 au 23 août 2021, lui a été délivrée. Le 23 juin 2021, il a sollicité le renouvellement de son titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 433-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 8 avril 2022, le préfet de police a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trente-six mois. M. C... fait appel du jugement du 29 juin 2022 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Sur la décision portant refus de renouvellement de titre de séjour : 2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 433-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) L'étranger bénéficie, à sa demande, du renouvellement de cette carte de séjour pluriannuelle s'il continue de remplir les conditions de délivrance de la carte de séjour temporaire dont il été précédemment titulaire ". Aux termes de l'article L. 432-1 du même code : " La délivrance d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle ou d'une carte de résident peut, par une décision motivée, être refusée à tout étranger dont la présence en France constitue une menace pour l'ordre public ". 3. Par ailleurs, en principe, l'autorité de la chose jugée au pénal s'impose aux autorités et juridictions administratives en ce qui concerne les constatations de fait que les juges répressifs ont retenues et qui sont le support nécessaire de leurs décisions. 4. Par l'arrêté attaqué du 8 avril 2022, le préfet de police a refusé de renouveler le titre de séjour de M. C... aux motifs que sa présence en France constituait une menace pour l'ordre public, l'intéressé ayant commis, le 22 septembre 2018, des faits d'agression sexuelle, qui lui ont valu d'être condamné, par un jugement du 12 avril 2019 du tribunal correctionnel de Paris, à une peine de quatre mois d'emprisonnement avec sursis. 5. D'une part, il résulte de ce qui a été dit au point 3 que M. C... ne saurait utilement faire valoir qu'il aurait toujours contesté les faits qui lui sont reprochés et pour lesquels il a été condamné par le jugement du 12 avril 2019 du tribunal correctionnel de Paris. 6. D'autre part, le requérant soutient que ces faits revêtent un caractère isolé et ancien, que le tribunal correctionnel a décidé de ne pas l'inscrire au fichier automatisé des auteurs d'infractions sexuelles, qu'il n'a fait l'objet d'aucune autre condamnation et que la commission du titre de séjour a rendu, le 16 mars 2022, un avis favorable au renouvellement de son titre de séjour. Toutefois, il ressort des pièces du dossier qu'eu égard à la nature et à la gravité des faits en cause qui ne sauraient être regardés comme anciens à la date de la décision en litige et alors que le requérant, qui persévère à nier les avoir commis ou à les minimiser, ne présente pas de gages sérieux et avérés de distanciation ou de remise en question par rapport à ces faits ainsi que de réinsertion et de non réitération, le préfet de police a pu, sans entacher sa décision d'une erreur de droit ou d'une erreur d'appréciation, estimer que la présence en France de M. C... constituait une menace pour l'ordre public et, en conséquence, refuser de lui renouveler son titre de séjour. 7. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". 8. M. C... se prévaut de la durée de son séjour en France depuis le 10 octobre 2012, date de son entrée sur le territoire, et fait valoir qu'il y vit avec son épouse, une compatriote titulaire d'une carte de séjour pluriannuelle valable du 30 avril 2021 au 29 avril 2023, et que plusieurs membres de sa famille y résident, notamment sa mère, titulaire d'une carte de résident, ainsi qu'une sœur et un frère, de nationalité française. Il fait valoir également qu'il justifie d'une insertion sociale et professionnelle sur le territoire français et qu'en cas de retour au Maroc, il serait exposé à une situation de précarité. Toutefois, le requérant, qui justifie, notamment, avoir travaillé, en tant qu'agent de sécurité, d'abord auprès de la société " Continentale protection services " des mois de juillet 2014 à mai 2016, puis auprès de la société " Agence royale services sécurité " des mois de mars 2017 à avril 2017 et, enfin, auprès de la société " YG sécurité privée " des mois de décembre 2017 à février 2019, ne saurait être regardé comme justifiant d'une insertion professionnelle stable et ancienne sur le territoire. De plus, il ne saurait sérieusement soutenir que son dernier employeur, la société " YG sécurité privée ", l'a licencié au mois de février 2019 du seul fait d'un " retard de renouvellement pris par le conseil national des activités privées de sécurité de sa carte professionnelle ". En outre, il a connu par la suite, ainsi qu'il le reconnaît, une longue période de chômage entre les mois de mars 2019 et avril 2022 et se borne à produire un contrat de travail à durée déterminée pour une activité de " porteur " auprès de la société " Média Presse " du 21 avril 2022 au 7 mai 2022, sans justifier, de surcroît, de la réalité de cette activité, ainsi qu'une promesse d'embauche du 9 décembre 2022 de son ancien employeur, la société " YG sécurité privée ", éléments qui sont postérieurs à la décision attaquée dont la légalité s'apprécie à la date de son édiction. Par ailleurs, s'il fait état de la présence en France de son épouse depuis l'année 2002 et produit également plusieurs attestations de membres de sa famille, de proches ou de connaissances, établies notamment au mois de mai 2022, au demeurant très peu circonstanciées et dont aucune ne mentionne les faits qui lui sont reprochés, le requérant, âgé de cinquante ans à la date de la décision attaquée et qui est sans enfant, n'établit, ni n'allègue sérieusement aucune circonstance particulière de nature à faire obstacle à ce qu'il poursuive normalement, notamment avec son épouse, sa vie privée et familiale à l'étranger et, en particulier, au Maroc où résident deux de ses sœurs et où lui-même a vécu jusqu'à l'âge de quarante-et-un ans. Enfin, il ne démontre pas qu'il serait dans l'impossibilité de se réinsérer dans son pays d'origine. A cet égard, la seule production de quelques articles de presse sur les secteurs du gardiennage et du nettoyage au Maroc ne saurait suffire à établir qu'il ne pourrait retrouver un emploi dans ce pays où il a vécu de nombreuses années. Ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, notamment de la nature et de la gravité des faits commis par l'intéressé, la décision en litige portant refus de renouvellement de titre de séjour ne peut être regardée comme ayant porté au droit de M. C... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts, notamment de préservation de l'ordre public, en vue desquels cette mesure a été prise. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées doit être écarté. Sur la décision portant obligation de quitter le territoire : 9. D'une part, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision obligeant M. C... à quitter le territoire français doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision portant refus de renouvellement de titre de séjour qui lui a été opposée ne peut qu'être écarté. 10. D'autre part, M. C... n'invoque aucun argument distinct de ceux énoncés à l'encontre de la décision portant refus de renouvellement de titre de séjour, à l'appui des moyens tirés de ce que la décision l'obligeant à quitter le territoire français aurait été prise en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et serait entachée d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation. Dans ces conditions, ces moyens doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 5 à 8. Sur la décision fixant le pays de destination : 11. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays à destination duquel M. C... pourra être éloigné doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation des décisions portant refus de renouvellement de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté. 12. En second lieu, M. C... n'invoque aucun argument distinct de celui énoncé à l'encontre de la décision portant refus de renouvellement de titre de séjour, à l'appui du moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination aurait été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Dans ces conditions et pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 8, ce moyen doit être écarté. Sur la décision prononçant une interdiction de retour : 13. D'une part, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision portant interdiction de retour sur le territoire français prononcée à l'encontre de M. C... doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation des décisions portant refus de renouvellement de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français et de celle fixant le pays de destination ne peut qu'être écarté. 14. D'autre part, aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ". 15. Pour prononcer une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trente-six mois, le préfet de police s'est notamment fondé sur le fait que la présence de M. C... sur le territoire national représente une menace à l'ordre public, eu égard à la nature et à la gravité des faits d'agression sexuelle qu'il a commis le 22 septembre 2018 et pour lesquels il a été condamné par un jugement du 12 avril 2019 du tribunal correctionnel de Paris. Le requérant ne démontre aucune circonstance humanitaire de nature à faire obstacle au prononcé d'une interdiction de retour qui doit assortir en principe, en application des dispositions de l'article L. 612-6 précité, l'obligation faite à un ressortissant étranger de quitter le territoire français sans délai. Par suite, eu égard à la menace pour l'ordre public que représente la présence sur le territoire de M. C... qui, par ailleurs, n'établit aucune circonstance particulière de nature à faire obstacle à ce qu'il poursuive normalement sa vie privée et familiale à l'étranger et, en particulier, au Maroc, ni qu'il serait dans l'impossibilité de se réinsérer dans ce pays, le préfet de police a pu, sans méconnaître les dispositions précitées et sans entacher sa décision d'une erreur d'appréciation, prononcer à son encontre une interdiction de retour d'une durée de trente-six mois. 16. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. C... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de police. Délibéré après l'audience du 14 mars 2023, à laquelle siégeaient : - M. d'Haëm, président, - Mme d'Argenlieu, première conseillère, - Mme Saint-Macary, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mars 2023. Le président-rapporteur, R. d'HAËML'assesseure la plus ancienne, L. d'ARGENLIEU La greffière, A. GASPARYAN La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. N° 22PA03514 2
JADE/CETATEXT000047375676.xml
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme A... D... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 7 juin 2021 par lequel la préfète de la Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour. Par un jugement n° 2103209 du 13 mai 2022, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête et des pièces, enregistrées les 22 juillet et 22 novembre 2022, Mme D..., représentée par Me Desroches, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement n° 2103209 du tribunal administratif de Poitiers du 13 mai 2022 ; 2°) d'annuler l'arrêté du 7 juin 2021 de la préfète de la Vienne ; 3°) d'enjoindre au préfet de la Vienne, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire d'une durée d'un an dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, dans le même délai et sous la même astreinte, de procéder au réexamen de sa situation administrative et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, jusqu'à ce que l'autorité administrative ait statué sur sa situation administrative ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 2 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ou, dans l'hypothèse où l'aide juridictionnelle ne lui serait pas accordée, de mettre à la charge de l'Etat la même somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - l'arrêté contesté est insuffisamment motivé quant à l'appréciation sur l'intérêt supérieur des enfants et est entaché d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ; - il méconnaît les dispositions de l'article L. 441-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'elle n'est pas entrée directement sur le territoire métropolitain en provenance de B... mais qu'elle a transité par la Tanzanie, en vertu d'un visa de court séjour ; - les dispositions des articles L. 423-7 et L. 423-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ont été méconnues dès lors que le père de son fils, né en France le 6 juin 2020, ressortissant de nationalité française, contribue à son entretien et son éducation ; - l'arrêté méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ; il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle. Par une ordonnance du 3 novembre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 3 janvier 2023 à 12h00. Un mémoire en défense, présenté par le préfet de la Vienne, a été enregistré le 2 mars 2023, soit après la clôture d'instruction, et n'a pas été communiqué. Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 juillet 2022. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code civil ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. C... E..., - et les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. Mme D..., ressortissante comorienne née le 7 décembre 1994 et mère d'une enfant française née à B... en novembre 2015, a obtenu un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " délivré par la préfecture de B..., valable du 13 avril 2018 au 12 avril 2019. Elle est entrée sur le territoire métropolitain, selon ses déclarations, au cours de l'année 2019. Le 6 juin 2020, elle a donné naissance, à Poitiers, à un second enfant de nationalité française et a déposé, le 24 juillet 2020, une demande de titre de séjour sans restriction territoriale en qualité de parent d'enfant français. Mme D... relève appel du jugement du 13 mai 2022 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 juin 2021 par lequel la préfète de la Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour. 2. En premier lieu, la décision portant refus de titre de séjour opposée à Mme D... mentionne sa nationalité ainsi que les faits relatifs à sa situation personnelle et administrative et indique de manière suffisamment précise les motifs de fait et de droit pour lesquels la préfète de la Vienne a pris la décision contestée lui refusant le séjour, sans qu'elle soit tenue de mentionner l'ensemble des circonstances personnelles ou familiales relatives à l'entrée et au séjour en métropole de l'intéressée. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de cette décision doit être écarté. 3. En deuxième lieu, il ne ressort ni des termes de l'arrêté attaqué, ni des autres éléments du dossier que la préfète de la Vienne n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation personnelle de Mme D.... Par suite, le moyen tiré du défaut d'examen de sa situation doit être écarté. 4. En troisième lieu et d'une part, aux termes de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France et qui établit contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil, depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1.". Aux termes de l'article L. 423-8 du même code : " Pour la délivrance de la carte de séjour prévue à l'article L. 423-7, lorsque la filiation est établie à l'égard d'un parent en application de l'article 316 du code civil, le demandeur, s'il n'est pas l'auteur de la reconnaissance de paternité ou de maternité, doit justifier que celui-ci contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant, dans les conditions prévues à l'article 371-2 du code civil, ou produire une décision de justice relative à la contribution à l'éducation et à l'entretien de l'enfant. / Lorsque le lien de filiation est établi mais que la preuve de la contribution n'est pas rapportée ou qu'aucune décision de justice n'est intervenue, le droit au séjour du demandeur s'apprécie au regard du respect de sa vie privée et familiale et au regard de l'intérêt supérieur de l'enfant. ". Enfin, aux termes de l'article 371-2 du code civil : " Chacun des parents contribue à l'entretien et à l'éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l'autre parent, ainsi que des besoins de l'enfant. (...) ". 5. D'autre part, aux termes de l'article L. 441-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) les titres de séjour délivrés par le représentant de l'Etat à B... (...) n'autorisent le séjour que sur le territoire de B.... / Les ressortissants de pays figurant sur la liste, annexée au règlement (CE) n° 539/2001 du Conseil du 15 mars 2001 des pays tiers dont les ressortissants sont soumis à l'obligation de visa pour franchir les frontières extérieures des Etats membres, qui résident régulièrement à B... sous couvert d'un titre de séjour n'autorisant que le séjour à B... et qui souhaitent se rendre dans un autre département doivent obtenir un visa. Ce visa est délivré, pour une durée et dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat, par le représentant de l'Etat à B... après avis du représentant de l'Etat dans le département où ils se rendent, en tenant compte notamment du risque de maintien irrégulier des intéressés hors du territoire de B... et des considérations d'ordre public. (...) ". Les Comores figurent sur la liste établie à l'annexe 1 au règlement communautaire n° 539/2001 des États dont les ressortissants sont assujettis à l'obligation de visa au franchissement des frontières extérieures de l'espace Schengen. 6. Sous la qualification de " visa ", les dispositions de l'article L. 441-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile instituent une autorisation spéciale, délivrée par le représentant de l'Etat à B..., que doit obtenir l'étranger titulaire d'un titre de séjour délivré à B... dont la validité est limitée à ce département, lorsqu'il entend se rendre dans un autre département. Ces dispositions, qui subordonnent ainsi l'accès aux autres départements de l'étranger titulaire d'un titre de séjour délivré à B... à l'obtention de cette autorisation spéciale, font obstacle à ce que cet étranger, s'il gagne un autre département sans avoir obtenu cette autorisation, puisse prétendre dans cet autre département à la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions de droit commun et en particulier de plein droit de la carte de séjour temporaire telle que prévue à l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. 7. Il ressort des pièces du dossier que la préfète de la Vienne, pour refuser à Mme D... la délivrance d'un titre de séjour sollicité sur le fondement de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, s'est fondée, d'une part, sur l'absence de preuve de la contribution effective du père de son enfant né à Poitiers, de nationalité française, à son entretien et à son éducation, et, d'autre part, sur l'absence de visa prévu par les dispositions précitées de l'article L. 441-8 du même code délivrée à l'intéressée à B.... La requérante soutient que la préfète ne pouvait légalement se fonder sur ce second motif dès lors qu'elle n'est pas entrée directement sur le territoire métropolitain en provenance de B... mais a transité par la Tanzanie, en vertu d'un visa de court séjour valable du 9 février au 9 août 2019. Toutefois, la seule circonstance que l'intéressée ait été munie d'un tel visa ne la dispensait pas de solliciter et d'obtenir un visa au titre de l'article L. 441-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'en définitive, elle s'est rendue dans un département autre que celui de B... alors qu'elle y était titulaire d'un titre de séjour dont la validité était limitée à ce département. A cet égard, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'ainsi qu'elle l'affirme, elle aurait résidé en Tanzanie jusqu'au 9 août 2019, date d'expiration du visa lui permettant de circuler dans ce pays, et serait ainsi entrée sur le territoire métropolitain postérieurement à l'expiration du titre de séjour délivré à B..., valable jusqu'au 12 avril 2019, les tampons apposés sur la copie de son passeport faisant état d'une sortie du territoire tanzanien le 27 février 2019 et d'une entrée, le même jour, aux Pays-Bas. Par suite, la préfète pouvait, pour ce seul motif, refuser la délivrance du titre de séjour sollicité par Mme D... sur le fondement de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il ressort des pièces du dossier qu'elle aurait légalement pris la même décision en se fondant sur ce seul motif. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions combinées de cet article et de l'article L. 423-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté. 8. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". 9. Il ressort des pièces du dossier que Mme D... n'était présente en métropole que depuis environ deux ans à la date de l'arrêté contesté. L'intéressée fait néanmoins état de ce que M. F..., père français de son fils né à Poitiers en juin 2020, contribue à l'éducation et à l'entretien de celui-ci depuis sa naissance, que cet enfant a d'importants problèmes de santé et que sa fille est scolarisée en classe de cours préparatoire au titre de l'année 2021/2022 et bénéficie d'un suivi orthophonique. Toutefois, si les quelques photographies et factures versées à l'instance, portant notamment sur l'achat de produits alimentaires, vestimentaires et de puériculture, ainsi que la preuve d'un virement d'un montant de 86,59 euros effectué au bénéfice de Mme D..., sont de nature à établir qu'à la date de la décision attaquée, M. F... participait ponctuellement à l'entretien de son fils, ces éléments sont insuffisants pour caractériser un lien d'une intensité telle que la décision refusant à la requérante le droit au séjour sur le territoire métropolitain, qui, au demeurant, n'a en elle-même ni pour objet ni pour effet de séparer l'enfant de ses parents, porterait une atteinte disproportionnée à son droit, ou à celui de son fils, à une vie privée et familiale normale. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que les difficultés de santé de ce dernier, si elles sont avérées, ne pourraient être prises efficacement en charge que sur le territoire métropolitain ni que la scolarité débutante de la fille de l'appelante devrait nécessairement s'y poursuivre. Enfin, la requérante n'établit pas avoir exercé une activité professionnelle depuis son entrée en France et ne justifie ni du développement d'un réseau particulièrement dense de relations sociales sur le territoire ni de l'absence d'attaches personnelles et familiales dans son pays d'origine ou à B.... Par suite, compte tenu de la durée et des conditions de son séjour, la préfète de la Vienne n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels la décision lui refusant le séjour a été prise et n'a ainsi pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, la préfète n'a pas plus entaché cette décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de Mme D.... 10. En dernier lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale sur les droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ". 11. La décision contestée, qui se borne à refuser de régulariser la situation administrative de la requérante au regard de son droit au séjour, n'a ni pour objet, ni pour effet de séparer son fils, né sur le territoire métropolitain, de l'un ou l'autre de ses parents. En tout état de cause, Mme D..., qui ne vit pas avec le père de son fils, ne fait état d'aucune circonstance faisant obstacle à ce que ce dernier qui, ainsi qu'il a été exposé au point 9, ne participe que de manière ponctuelle à son entretien et à son éducation, rende visite à son fils à B... ou dans un autre pays. Par suite, le moyen tiré d'une méconnaissance des stipulations précitées de l'article 3-1 la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté. 12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande. Il y a lieu de rejeter, par voie de conséquence, les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. DECIDE : Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... D... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de la Vienne. Délibéré après l'audience du 7 mars 2023 à laquelle siégeaient : Mme Bénédicte Martin, présidente, M. Michaël Kauffmann, premier conseiller, Mme Pauline Reynaud, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mars 2023. Le rapporteur, Michaël E... La présidente, Bénédicte Martin La greffière, Caroline Brunier La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. N° 22BX019122
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Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 26 novembre 2020 par lequel le préfet de police a refusé de lui renouveler son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai d'un mois et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné à l'expiration de ce délai. Par un jugement n° 2116000 du 17 novembre 2021, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 6 avril 2022, M. A..., représenté par Me Rochiccioli, demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté en tant qu'il lui refuse le renouvellement de son titre de séjour et l'oblige à quitter le territoire français ; 3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans le même délai ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il soutient que : - au point 14 du jugement attaqué, le tribunal administratif a commis une erreur de fait quant à sa situation familiale ; - alors qu'il démontre qu'il ne pourrait pas bénéficier effectivement d'un traitement approprié à sa pathologie dans son pays d'origine, la décision portant refus de nouvellement de titre de séjour méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par un mémoire en défense, enregistré le 8 novembre 2022, le préfet de police conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés. Par une ordonnance du 6 février 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 3 mars 2023 à 12h00. Par une décision du 18 février 2022 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris, M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. d'Haëm, président-rapporteur, - et les observations de Me Sainte Fare Garnot, substituant Me Rochiccioli, avocate de M. A.... Considérant ce qui suit : 1. M. A..., ressortissant malien, né le 7 juin 1994 et entré en France, selon ses déclarations, le 1er janvier 2016, s'est vu délivrer, sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", valable du 25 novembre 2019 au 24 août 2020. Il a sollicité, le 4 août 2020, le renouvellement de son titre de séjour. Au vu d'un avis du 28 octobre 2020 du collège de médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) et par un arrêté du 26 novembre 2020, le préfet de police a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné à l'expiration de ce délai. M. A... fait appel du jugement du 17 novembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté en tant qu'il lui refuse le renouvellement de son titre de séjour et l'oblige à quitter le territoire français. Sur les conclusions à fin d'annulation : 2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ". 3. Pour refuser de renouveler le titre de séjour en qualité d'étranger malade de M. A..., le préfet de police s'est fondée, notamment, sur l'avis du 28 octobre 2020 du collège de médecins de l'OFII, lequel a estimé que si l'état de santé de M. A... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il peut, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé au Mali, y bénéficier d'un traitement approprié. Toutefois, il ressort des pièces du dossier et, notamment, des certificats médicaux établis les 6 juillet 2017, 4 décembre 2017, 5 août 2020, 9 décembre 2020, 7 juillet 2021 et 21 décembre 2021 que M. A... souffre d'une schizophrénie indifférenciée qui a nécessité plusieurs hospitalisations en 2017, une prise en charge médicale et un traitement médicamenteux comprenant l'Abilify Maintena 400mg par injection, soit un neuroleptique atypique et antipsychotique, ainsi qu'un suivi par le centre médico-psychologique Vaugirard à Paris, lui permettant de bénéficier de ce traitement ainsi que d'un suivi social. De plus, ces certificats médicaux, au demeurant circonstanciés sur la pathologie de l'intéressé, sa gravité et son évolution, indiquent qu'" il semble difficilement envisageable que [l'intéressé] rentre vivre au Mali alors que (...) le contexte sanitaire (...) dans ce pays rendrait ses soins difficiles à poursuivre ". En outre, le requérant produit un certain nombre de documents ou rapports de l'OCHA, de l'USAID et de l'OMS et d'articles de presse sur la carence de l'offre de soins et du système de santé dans ce pays en matière de prise en charge des maladies mentales, en particulier dans sa région d'origine, celle de Kayes, et fait état, par ailleurs, de l'importance de la continuité du lien thérapeutique avec l'équipe médicale qui le suit depuis 2017, attestée par les certificats médicaux précités, et de l'absence de tout contact avec sa famille au Mali. M. A... justifie également, en produisant l'annexe de l'arrêté du 26 août 2019 fixant la liste nationale des médicaments essentiels au Mali ainsi qu'une attestation du 30 mars 2022 de la société Otsuka, fabricant de l'Abifily Maintena, que ce médicament, dont il bénéficie depuis plusieurs années et qui lui a permis de récupérer de manière très satisfaisante sur le plan clinique, n'est pas disponible au Mali. En défense, le préfet se borne à indiquer, notamment, que le requérant ne démontre pas qu'il n'existerait pas dans son pays d'origine des traitements appropriés à sa pathologie et susceptibles d'être substitués aux spécialités prescrites en France et non disponibles au Mali, sans apporter la moindre précision, ni le moindre élément portant sur l'effectivité d'un traitement approprié à la pathologie de M. A..., qui, au surplus, s'est vu délivré précédemment un titre de séjour à raison de son état de santé. Dans ces conditions, le requérant est fondé à soutenir que le préfet de police a commis une erreur d'appréciation de sa situation au regard des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et à demander, pour ce motif, l'annulation de la décision refusant de lui renouveler son titre de séjour ainsi que, par voie de conséquence, la décision l'obligeant à quitter le territoire français qui l'assortit. 4. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 26 novembre 2020 du préfet de police en tant qu'il lui refuse le renouvellement de son titre de séjour et l'oblige à quitter le territoire français. Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte : 5. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution (...) ". 6. Eu égard au motif d'annulation retenu au point 3, le présent arrêt implique nécessairement que soit délivrée à M. A... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ". Il y a lieu, dès lors, d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer ce titre de séjour dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. En revanche, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte. Sur les frais liés à l'instance : 7. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Son avocat peut ainsi se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Rochiccioli, avocat de M. A..., de la somme de 1 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation au bénéfice de la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle. DÉCIDE : Article 1er : Le jugement n° 2116000 du 17 novembre 2021 du tribunal administratif de Paris et l'arrêté du 26 novembre 2020 du préfet de police refusant à M. A... le renouvellement de son titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français, sont annulés. Article 2 : Il est enjoint au préfet de police de délivrer à M. A... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Article 3 : L'Etat versera à Me Rochiccioli, avocat de M. A..., la somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation au bénéfice de la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle. Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au préfet de police. Délibéré après l'audience du 14 mars 2023, à laquelle siégeaient : - M. d'Haëm, président, - M. Mantz, premier conseiller, - Mme d'Argenlieu, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mars 2023. Le président-rapporteur, R. d'HAËML'assesseur le plus ancien, P. MANTZ La greffière, A. GASPARYAN La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. N° 22PA01536 2
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Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : La société BTSG2 a demandé au tribunal administratif de Nice, qui a transmis sa demande au tribunal administratif de Marseille, d'annuler ou de réformer l'avis du 19 décembre 2017 par lequel la chambre régionale des comptes Provence-Alpes-Côte d'Azur a refusé de constater le caractère obligatoire d'une créance issue d'un protocole d'accord conclu le 1er février 2001 entre la commune de Nice et Me Cauzette-Rey, agissant en qualité de liquidateur judiciaire de l'association le CACEL, ainsi que de condamner la commune de Nice à lui verser la somme de 1 898 656 euros. Par un jugement n° 2200587 du 30 mars 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés le 25 mai et le 22 novembre 2022, la société BTSG2, représentée par Me Ciussi, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du 30 mars 2022 du tribunal administratif de Marseille ; 2°) d'annuler ou de réformer l'avis du 19 décembre 2017 de la chambre régionale des comptes Provence-Alpes-Côte d'Azur ; 3°) de condamner la commune de Nice à lui verser la somme de 1 898 656 euros ; 4°) d'enjoindre à la chambre régionale des comptes de mettre la commune de Nice en demeure d'inscrire cette somme à son budget en tant que dépense obligatoire, ou, à défaut, de demander au représentant de l'État d'inscrire cette dépense au budget ; 5°) à titre subsidiaire, de surseoir à statuer ; 6°) de mettre la somme de 5 000 euros à la charge de la commune de Nice en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - la justice administrative est compétente pour connaître du litige ; - la créance est certaine, liquide et non sérieusement contestée dans son principe et dans son montant. Par des observations en défense, enregistrées le 7 juillet 2022, la chambre régionale des comptes Provence-Alpes-Côte d'Azur conclut au rejet de la requête présentée par la société BTSG2. Elle soutient que le moyen de fond soulevé par la société BTSG2 n'est pas fondé. Par des observations en défense, enregistrées le 19 octobre 2022, la commune de Nice, représentée par Me Abrassart, demande à cour : 1°) à titre principal, d'annuler le jugement du 30 mars 2022 du tribunal administratif de Marseille en tant qu'il s'est déclaré compétent pour connaître des conclusions de la société BTSG2 tendant à ce que la justice administrative règle directement le litige l'opposant à la commune de Nice, et de rejeter ces conclusions comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître ; 2°) à titre subsidiaire, de rejeter ces conclusions au fond ; 3°) de rejeter le surplus des conclusions de la société BTSG2 ; 4°) de mettre la somme de 8 000 euros à la charge de la société BTSG2 en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - la justice administrative est incompétente pour connaître du litige résultant d'un contrat de droit privé homologué par le juge judiciaire ; - les conclusions à fin d'injonction présentées à titre principal et les conclusions tendant à la réformation de l'avis contesté sont irrecevables ; - la créance est prescrite ; - le moyen de fond soulevé par la société BTSG2 n'est pas fondé. La requête a été communiquée au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, qui n'a pas produit d'observations. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code général des collectivités territoriales ; - le code de justice administrative. Après avoir entendu en audience publique : - le rapport de M. A..., - les conclusions de M. Pecchioli, rapporteur public, - et les observations de Me Desbrueres-Abrassart, représentant la commune de Nice. Considérant ce qui suit : 1. La commune de Nice et Me Cauzette-Rey, alors mandataire liquidateur de l'association le CACEL, ont conclu un protocole d'accord le 1er décembre 1999 tirant les conséquences d'une action en comblement de passif engagée devant le juge judiciaire et fixant la somme définitivement due par la commune de Nice à 110 millions de francs. Le tribunal de grande instance de Nice a homologué cette transaction par un jugement du 13 février 2001. Faisant valoir que Me Cauzette-Rey avait versé à tort à la commune une somme de 1 898 656 euros correspondant aux intérêts de retard sur les sommes déjà versées par cette dernière avant la conclusion du protocole d'accord, la société BTSG2, devenue mandataire liquidatrice de l'association le CACEL en 2016, a saisi la chambre régionale des comptes Provence-Alpes-Côte d'Azur d'une demande tendant à l'inscription de cette créance au budget de la commune de Nice. La chambre régionale des comptes a rejeté cette demande par un avis du 19 décembre 2017 au motif que la créance faisait l'objet d'une contestation sérieuse et ne présentait donc pas un caractère obligatoire. 2. La société BTSG2 fait appel du jugement du 30 mars 2022 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses conclusions dirigées contre l'avis du 19 décembre 2017 et tendant à la condamnation de la commune de Nice à lui verser la somme de 1 898 656 euros. Sur l'incompétence de la justice pour connaître du litige opposant la société BTSG2 à la commune de Nice : 3. Contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, la demande présentée devant lui par la société BTSG2 ne tendait pas seulement à l'annulation de l'avis de la chambre régionale des comptes, mais tendait également, en substance, à ce que le tribunal règle directement le litige opposant la société à la commune de Nice, en condamnant cette dernière à lui verser la somme de 1 898 656 euros. Toutefois, ce litige, relatif à un contrat de droit privé, visant à régler un différend porté devant les juridictions judiciaires et homologué par une juridiction judiciaire, relève de la compétence des juridictions judiciaires. 4. En conséquence, il convient d'annuler le jugement attaqué en tant qu'il rejette au fond les conclusions de la société BTSG2 tendant à ce que la justice administrative règle directement le litige l'opposant à la commune de Nice et à la condamnation de cette dernière à lui verser la somme de 1 898 656 euros, et de statuer immédiatement sur ces conclusions par la voie de l'évocation pour les rejeter comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître. Sur la légalité de l'avis du 19 décembre 2017 de la chambre régionale des comptes Provence-Alpes-Côte d'Azur : 5. Les deux premiers alinéas de l'article L. 1612-15 du code général des collectivités territoriales prévoient que : " Ne sont obligatoires pour les collectivités territoriales que les dépenses nécessaires à l'acquittement des dettes exigibles et les dépenses pour lesquelles la loi l'a expressément décidé. / La chambre régionale des comptes saisie, soit par le représentant de l'Etat dans le département, soit par le comptable public concerné, soit par toute personne y ayant intérêt, constate qu'une dépense obligatoire n'a pas été inscrite au budget ou l'a été pour une somme insuffisante. Elle opère cette constatation dans le délai d'un mois à partir de sa saisine et adresse une mise en demeure à la collectivité territoriale concernée. " 6. Ainsi que l'ont déjà relevé la chambre régionale des comptes, puis le tribunal administratif, les termes du protocole d'accord transactionnel du 1er décembre 1999, selon lesquels les intérêts de retard sur les sommes antérieurement versées " pourront également être utilisés " par le mandataire liquidateur au profit de la liquidation judiciaire, sont ambiguës. Les termes du jugement d'homologation du 13 février 2001 ne sont pas plus décisifs. Ils ne permettent pas de prédéterminer de façon univoque les conséquences à tirer de la restitution de ces intérêts par le mandataire liquidateur à la commune. L'interprétation défendue par la société BTSG2, qui porte sur un contrat ancien, dans le cadre d'un litige complexe, ne correspond pas à celle initialement mise en œuvre par les parties au contrat. En outre, la société BTSG2 ne conteste pas que la créance dont elle se prévaut est susceptible d'être prescrite. Celle-ci est donc sérieusement contestée, non seulement dans son montant, mais également dans son principe. En définitive, il n'appartient qu'au juge judiciaire, enfin saisi par une assignation du 11 octobre 2022 devant le tribunal judiciaire de Nice, de se prononcer sur son bien-fondé. 7. Il résulte de ce qui précède que la société BTSG2 n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses conclusions dirigées contre l'avis du 19 décembre 2017 de la chambre régionale des comptes Provence-Alpes-Côte d'Azur. Sur les frais liés au litige : 8. Il y a lieu, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de la société BTSG2 le versement de la somme de 3 000 euros à la commune de Nice au titre des frais qu'elle a exposés et non compris dans les dépens. 9. En revanche, les dispositions de cet article font en conséquence obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées par la société BTSG2 sur le même fondement. D É C I D E : Article 1er : Le jugement du 30 mars 2022 du tribunal administratif de Marseille est annulé en tant qu'il a rejeté au fond les conclusions de la société BTSG2 tendant à ce que la justice administrative règle directement le litige l'opposant à la commune de Nice et à la condamnation de cette dernière à lui verser la somme de 1 898 656 euros. Article 2 : Les conclusions mentionnées à l'article 1er sont rejetées comme devant une juridiction incompétente pour en connaître. Article 3 : Le surplus des conclusions de la société BTSG2 est rejeté. Article 4 : La société BTSG2 versera la somme de 3 000 euros à la commune de Nice en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société BTSG2, à la commune de Nice, à la chambre régionale des comptes Provence-Alpes-Côte d'Azur et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Délibéré après l'audience du 13 mars 2023, où siégeaient : - M. Bocquet, président, - Mme Vincent, présidente assesseure, - M. Mérenne, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 mars 2023. 2 No 22MA01506
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Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 23 novembre 2020 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné à l'expiration de ce délai et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans. Par un jugement n° 2014419 du 8 mars 2022, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une ordonnance n° 22VE00795 du 14 avril 2022, le président de la 3ème chambre de la cour administrative d'appel de Versailles a transmis à la cour administrative d'appel de Paris, en application des dispositions de l'article R. 351-3 du code de justice administrative, la requête, enregistrée le 7 avril 2022, présentée par M. C..., représenté par Me Bekel, qui demande : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ; 3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de réexaminer sa situation ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - l'arrêté attaqué méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - il méconnaît le paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; - il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation. La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis qui n'a pas produit d'observations. Par une ordonnance du 6 février 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 3 mars 2023 à 12h00. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. d'Haëm, président-rapporteur. Considérant ce qui suit : 1. M. C..., ressortissant algérien, né le 20 juillet 1987 et entré en France le 24 mars 2014, a sollicité, le 17 juin 2020, son admission exceptionnelle au séjour au titre de sa vie privée et familiale. Par un arrêté du 23 novembre 2020, le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné à l'expiration de ce délai et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans. M. C... fait appel du jugement du 8 mars 2022 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Sur les conclusions à fin d'annulation : 2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". 3. Il ressort des pièces du dossier et il n'est d'ailleurs pas contesté en défense, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'ayant produit aucune observation, que M. C... est entré en France au mois de mars 2014 et s'est marié le 28 octobre 2017 à une compatriote, qui y séjourne depuis 2007 et qui y a poursuivi ses études universitaires. Son épouse, dont les parents et quatre de ses six frères et sœurs, de nationalité française ou titulaires d'un titre de séjour, résident également sur le territoire et qui est elle-même titulaire d'une carte de résident, valable du 24 septembre 2019 au 23 septembre 2029, est architecte et travaille auprès de la société " SUPD'AD " depuis le 6 janvier 2016, en dernier lieu sous contrat à durée indéterminée et en qualité de chargée de projet. En outre, M. C... a eu, avec son épouse, deux enfants qui sont nés en France, respectivement, le 26 novembre 2018 et le 8 août 2020 et, par ailleurs, justifie d'une communauté de vie depuis leur mariage. Enfin, le requérant soutient, sans être contredit, qu'il a travaillé et, au surplus, fournit une promesse d'embauche en date du 18 décembre 2020 ainsi qu'au surplus, un contrat de travail à durée indéterminée en date du 5 novembre 2022 ainsi que des bulletins de salaire. Ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, notamment de l'intensité des liens personnels et familiaux dont M. C... peut se prévaloir en France et alors même qu'il peut bénéficier de la procédure du regroupement familial, l'arrêté attaqué du 23 novembre 2020 portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels ces mesures ont été prises et a ainsi méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, M. C... est fondé, pour ce motif, à demander l'annulation de cet arrêté. 4. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés par le requérant, que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Sur les conclusions à fin d'injonction : 5. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution (...) ". 6. Eu égard au motif d'annulation retenu au point 3, le présent arrêt implique nécessairement que le préfet de la Seine-Saint-Denis délivre à M. C..., en application des stipulations du 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 susvisé, un certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale ". Ainsi et en l'absence d'un changement dans les circonstances de droit ou de fait propres à la présente espèce invoqué par l'autorité préfectorale, il y a lieu d'ordonner au préfet de la Seine-Saint-Denis de procéder à la délivrance de ce titre de séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Sur les frais liés au litige : 7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. C... et non compris dans les dépens. DÉCIDE : Article 1er : Le jugement n° 2014419 du 8 mars 2022 du tribunal administratif de Montreuil et l'arrêté du 23 novembre 2020 du préfet de la Seine-Saint-Denis refusant à M. C... la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, fixant le pays à destination duquel il pourra être éloigné à l'expiration de ce délai et prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans, sont annulés. Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de délivrer à M. C... un certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Article 3 : L'Etat versera à M. C... une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. C... est rejeté. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au préfet de la Seine-Saint-Denis. Délibéré après l'audience du 14 mars 2023, à laquelle siégeaient : - M. d'Haëm, président, - M. Mantz, premier conseiller, - Mme d'Argenlieu, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mars 2023. Le président-rapporteur, R. d'HAËML'assesseur le plus ancien, P. MANTZ La greffière, A. GASPARYAN La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 22PA01695
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Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : La société SNCF Réseau a demandé au tribunal administratif de Rouen, par une requête n° 1801853, d'annuler les décisions du 28 mai 2017 et du 26 mars 2018 par lesquelles le président du conseil départemental de la Seine-Maritime a implicitement rejeté ses demandes, de condamner le département de la Seine-Maritime à lui verser la somme de 1 402 071,41 euros au titre du solde de la convention de financement du 15 décembre 2004 relative à la desserte ferroviaire de Port 2000 et de la zone industrialo-portuaire du Havre, assortie de l'intérêt aux taux légal augmenté de deux points et de la capitalisation des intérêts. La société SNCF Réseau a demandé au tribunal administratif de Rouen, par une requête n° 1802848, d'annuler la décision du 28 mai 2018 par laquelle le président du conseil régional de Normandie a implicitement rejeté sa demande, de condamner la région à lui verser la somme de 1 671 793,99 euros au titre du solde de la convention de financement du 15 décembre 2004 relative à la desserte ferroviaire de Port 2000 et de la zone industrialo-portuaire du Havre, assortie de l'intérêt aux taux légal augmenté de deux points à compter du 28 janvier 2017 et de la capitalisation des intérêts. Par un jugement n° 1801853, 1802848 du 5 mars 2021, le tribunal administratif de Rouen a rejeté ses demandes, ainsi que celles présentées par le département de la Seine-Maritime au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative dans l'instance n° 1801853 et a mis à la charge de la société SNCF Réseau une somme de 1 500 euros à verser à la région Normandie sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Procédure devant la cour : Par une requête et des mémoires, enregistrés les 4 mai 2021, 7 juillet et 18 octobre 2022, la société SNCF Réseau, représentée par Me Symchowicz, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) de condamner la région Normandie à lui verser la somme de 1 671 793,99 euros, assortie des intérêts au taux légal augmentée de deux points, à compter du 28 janvier 2017 et de la capitalisation des intérêts ; 3°) de condamner le département de la Seine-Maritime à lui verser la somme de 1 402 071,41 euros, assortie des intérêts au taux légal augmentée de deux points, à compter du 28 janvier 2017 et de la capitalisation des intérêts ; 4°) de mettre à la charge de la région Normandie et du département de la Seine-Maritime, chacun, la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le jugement est irrégulier faute pour le tribunal administratif d'avoir communiqué au département de la Seine-Maritime son dernier mémoire qui comportait des éléments nouveaux ; il doit être annulé dans sa totalité en dépit de la jonction prononcée par le tribunal administratif ; - la présente instance ne tend qu'à l'annulation du jugement en tant que le tribunal administratif a rejeté sa demande faute de justificatifs suffisants ; le principe de la créance, admis par le tribunal, ne peut pas être contesté par la voie de l'appel incident par le département et la région dès lors qu'il s'agit d'un litige distinct de l'appel principal ; - contrairement à ce que soutiennent les intimés, ses requêtes de première instance étaient recevables ; - elle n'était pas tenue de saisir le comité technique de suivi prévu par l'article 6 de la convention, lequel n'institue pas une conciliation préalable obligatoire ; - sa créance n'était pas prescrite à la date d'émission des factures, ni a fortiori à la date d'introduction de son recours devant le tribunal administratif dès lors qu'elle n'a eu connaissance de l'ensemble des éléments constitutifs de sa créance qu'à compter de l'établissement du décompte général définitif ; - le département et la région ont méconnu les stipulations de la convention en refusant de payer les factures ; - la preuve de la réalité des dépenses engagées est apportée ; - les montants indiqués à l'article 8.1 de la convention ne sont qu'indicatifs et nécessairement évolutifs dès lors qu'ils sont calculés sur la base d'un besoin estimatif ; le département et la région demeuraient engagés à hauteur respectivement de 17,31 % et 20,64 % du solde des dépenses de travaux ; - aucun dépassement du montant prévisionnel de l'opérationnel n'étant constaté, aucun accord préalable des financeurs formalisé dans un accord tel que prévu à l'article 9.2 de la convention, relatif à la gestion des écarts, n'était requis ; - aucune stipulation du contrat cadre Etat-Région 2000-2006 ne permet d'affirmer que la participation financière du département était plafonnée ; - la faute résultant du non-paiement des factures lui a causé un préjudice, correspondant au montant de ces factures ; - ces sommes doivent être assorties des intérêts au taux conventionnel en application de l'article 8.2.1 de la convention. Par des mémoires en défense, enregistrés les 1er avril et 31 août 2022, la région Normandie, représentée par Me Cuzzi, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la société SNCF Réseau de la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - à supposer que le jugement soit irrégulier à raison de la non communication du dernier mémoire produit par la société SNCF Réseau, l'annulation du jugement ne la concerne pas ; - l'interprétation des stipulations de la convention par le tribunal administratif est erronée dès lors qu'elle revient à recalculer le montant initialement convenu à la discrétion de la société SNCF Réseau ; elle ne saurait être engagée par des montants supérieurs aux plafonds fixés en euros courants à l'article 8.1 de la convention de financement et au montant mis à sa charge par l'accord-cadre ; - la créance réclamée par la société SNCF Réseau est prescrite, le point de départ de la prescription étant la date d'achèvement des travaux ; - la requête de la société SNCF Réseau devant le tribunal administratif est tardive, car présentée au-delà d'un délai raisonnable d'un an après son opposition au paiement des factures ; - la société SNCF Réseau n'a pas préalablement réuni le comité de suivi technique institué par la convention, avant de saisir le tribunal administratif ; - elle n'a commis aucune faute contractuelle en refusant de payer les factures réclamées dès lors que les montants de financement indiqués dans la convention ne sont pas indicatifs mais constituent bien des plafonds de financement qui ne peuvent être dépassés ; les factures n'invoquent pas une demande de paiement au titre de la gestion des écarts prévue par l'article 9 de la convention, dont la procédure est en tout état de cause très encadrée ; - l'exactitude du montant figurant au " décompte général et définitif " est sujette à caution ; - le préjudice invoqué par la société SNCF Réseau n'est pas établi ; - en tout état de cause, la lecture erronée de la convention conduirait la région à consentir une libéralité, ce qui est illégal. Par des mémoires en défense, enregistrés les 17 juin, 31 août, 30 septembre et 7 novembre 2022, le département de la Seine-Maritime, représenté par Me Cano, conclut dans le dernier état de ses écritures au rejet de la requête et à la mise à la charge de la société SNCF Réseau de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - le moyen tiré de l'irrégularité du jugement n'est pas fondé ; - le principe de la créance peut être contesté dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel ; aucun appel incident ne pouvait être formé dès lors que le département n'a pas d'intérêt à faire appel du jugement, qui a rejeté la requête de la société SNCF Réseau ; - la société SNCF Réseau n'établit pas, par les pièces produites, la réalité des dépenses qu'elle a engagées ; les travaux du commissaire aux comptes ont été nécessairement limités ; - aux termes de la convention, il s'est engagé à financer les travaux sous maîtrise d'ouvrage de RFF, devenu la société SNCF Réseau, et de la SNCF dans la limite du plafond prévu à l'article 8 de la convention ; le montant ainsi fixé a été réglé ; - la requête de première instance est irrecevable car tardive ; - la créance invoquée par la société SNCF Réseau est prescrite ; - il n'a commis aucune faute contractuelle ; les plafonds de financement indiqués à l'article 8.1 de la convention ne sont pas indicatifs ; SNCF Réseau n'a produit aucun justificatif probant de nature à lui permettre de s'assurer du montant total des dépenses constatées ; - la société SNCF Réseau a elle-même manqué à ses obligations contractuelles en ne saisissant pas le comité de suivi prévu à l'article 6 de la convention ; - l'Etat, autre co-financeur, devrait être invité à présenter ses observations sur le litige quant à l'interprétation de la convention de financement et son exécution et plus largement sur l'exécution d'un contrat de plan. Par une ordonnance du 20 octobre 2022, l'instruction a été rouverte et la clôture a été reportée au 7 novembre 2022, à 12 heures. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Ghislaine Borot, présidente-rapporteure, - les conclusions de M. Nil Carpentier-Daubresse, rapporteur public, - les observations de Me Scanvic pour la société SNCF Réseau ; - les observations de Me Thauvin pour le département de la Seine-Maritime ; - et les observations de Me Duvernois pour la région Normandie. Considérant ce qui suit : 1. L'Etat, la région Haute-Normandie, aux droits de laquelle vient la région Normandie, le département de la Seine-Maritime, le port autonome du Havre, SNCF et Réseau Ferré de France, auquel s'est substituée la société SNCF Réseau, ont conclu le 15 décembre 2004 une convention portant sur le financement de la première étape du projet de desserte ferroviaire de Port 2000 et de la zone industrialo-portuaire du Havre. Un avenant a été conclu entre les mêmes parties le 10 janvier 2007 ayant pour objet, notamment, de modifier la participation financière de la région Haute-Normandie ainsi que celle de l'Union européenne au titre du fonds européen de développement régional. A l'issue de la mise en service des ouvrages, la société SNCF Réseau a établi le 7 décembre 2016 un document intitulé " décompte général et définitif " comportant les dépenses engagées telles que constatées au mois d'octobre 2015. Elle a émis le 12 décembre 2016 des factures en vue du paiement par le département de la Seine-Maritime et par la région Normandie des sommes respectives de 1 402 071,41 euros et de 1 671 793,99 euros, au titre du solde de la convention de financement. La région Normandie et le département de la Seine-Maritime ont refusé de régler ces factures. La société SNCF Réseau relève appel du jugement du 5 mars 2021 en tant que le tribunal administratif de Rouen, après avoir procédé à une jonction, a rejeté ses demandes indemnitaires tendant à la condamnation du département de la Seine-Maritime et de la région Normandie à lui verser respectivement les sommes de 1 402 071,41 euros et de 1 671 793,99 euros, au titre du solde de la convention de financement du 15 décembre 2004. Sur l'étendue du litige : 2. Contrairement à ce que soutient la société SNCF Réseau, le département de la Seine-Maritime et la région Normandie n'ont pas formé de conclusions d'appel incident, lesquelles auraient été en tout état de cause irrecevables, eu égard au dispositif du jugement qui rejette les requêtes de la société SNCF Réseau. Mais la circonstance que la société SNCF Réseau ne critique que le point 9 du jugement attaqué relatif à la justification des dépenses ne fait pas obstacle à ce que les intimés puissent eux-mêmes contester l'analyse des premiers juges quant à l'interprétation des stipulations de la convention de financement. Sur la régularité du jugement attaqué : 3. Aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes dans les conditions prévues aux articles R. 611-3, R. 611-5 et R. 611-6. / Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux ". 4. La société SNCF Réseau a produit un mémoire enregistré au greffe du tribunal administratif de Rouen le 8 février 2021, soit avant la clôture d'instruction intervenue trois jours francs avant l'audience. Ce mémoire n'a pas été communiqué au département de la Seine-Maritime. Toutefois, la société SNCF Réseau ne peut utilement soutenir que l'absence de communication au département de la Seine-Maritime de son propre mémoire du 8 février 2021, parvenu avant la clôture automatique d'instruction trois jours francs avant l'audience, a méconnu le principe du contradictoire quand bien même il contenait des éléments nouveaux dès lors que cette absence de communication ne l'a pas personnellement lésée. Au demeurant, ce mémoire ne contenait pas d'éléments nouveaux. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité du jugement doit être écarté. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : En ce qui concerne les fins de non-recevoir opposées en première instance par le département de la Seine-Maritime et la région Normandie : 5. En premier lieu, aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative applicable à la date d'introduction des requêtes : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. / Lorsque la requête tend au paiement d'une somme d'argent, elle n'est recevable qu'après l'intervention de la décision prise par l'administration sur une demande préalablement formée devant elle ". L'article R. 421-2 du code de justice administrative alors applicable dispose : " Sauf disposition législative ou réglementaire contraire, dans les cas où le silence gardé par l'autorité administrative sur une demande vaut décision de rejet, l'intéressé dispose, pour former un recours, d'un délai de deux mois à compter de la date à laquelle est née une décision implicite de rejet. Toutefois, lorsqu'une décision explicite de rejet intervient avant l'expiration de cette période, elle fait à nouveau courir le délai de recours. / La date du dépôt de la demande à l'administration, constatée par tous moyens, doit être établie à l'appui de la requête ". 6. Par un courrier du 12 décembre 2016, la société SNCF Réseau a adressé au département de la Seine-Maritime deux factures pour paiement correspondant au solde du financement des travaux de la desserte ferroviaire de Port 2000. Par un courrier du 23 décembre 2016, notifié le 27 décembre 2016, le département de la Seine-Maritime a refusé de payer ces factures. S'il résulte de l'instruction qu'un courrier a été rédigé le 28 mars 2017 par la société SNCF Réseau demandant au département de régler la somme en question et l'informant qu'à défaut une action judiciaire serait engagée, la société SNCF Réseau n'apporte aucun élément quant à la date à laquelle ce courrier aurait été reçu par le département qui en conteste la réception. Par suite, aucune décision implicite de rejet n'a pu naître du silence gardé sur la demande formulée dans ce courrier. En revanche, il résulte de l'instruction que la société SNCF Réseau a adressé une réclamation préalable par courrier du 26 mars 2018, reçu le 28 mars 2018 par le département. Le contentieux a ainsi été lié. La circonstance que la société SNCF Réseau demande également dans ce courrier l'accord du département pour une médiation n'est pas de nature à lui ôter le caractère d'une demande préalable indemnitaire. Et la décision implicite de rejet née du silence gardé sur cette demande ne saurait avoir un caractère purement confirmatif dès lors qu'aucune autre décision implicite de rejet n'était précédemment née. Par suite, la requête de la société SNCF Réseau dirigée contre le département de la Seine-Maritime, enregistrée le 28 mai 2018 au greffe du tribunal administratif, n'était pas tardive. La fin de non-recevoir opposée par le département de la Seine-Maritime doit donc être écartée. 7. Par un courrier du 12 janvier 2017, la région Normandie a également refusé de procéder au règlement de deux factures que lui a adressées, par courrier du 12 décembre 2016, la société SNCF Réseau. A supposer que ce refus puisse être regardé comme le point de départ d'un délai de recours contentieux, la région Normandie ne peut utilement se prévaloir du principe de sécurité juridique qui ne trouve pas à s'appliquer aux recours tendant à la mise en jeu de la responsabilité d'une personne publique qui, s'ils doivent être précédés d'une réclamation à l'administration, tendent non pas à l'annulation ou à la réformation de la décision rejetant tout ou partie de cette réclamation mais à la condamnation de la personne publique à réparer les préjudices qui lui sont imputés. La prise en compte de la sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause indéfiniment des situations consolidées par l'effet du temps, est alors assurée par les règles de prescription prévues par la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics. Le 26 mars 2018, la société SNCF Réseau a adressé une réclamation indemnitaire préalable, reçue par la région le 28 mars 2018. La circonstance que la société SNCF Réseau demande également dans ce courrier l'accord de la région pour une médiation n'est pas de nature à lui ôter le caractère d'une demande préalable indemnitaire. Par suite, la requête de la société SNCF Réseau, dirigée contre la région Normandie, enregistrée le 24 juillet 2018 au greffe du tribunal administratif, n'était pas tardive. La fin de non-recevoir opposée par la région Normandie doit donc être écartée. 8. En second lieu, aux termes de l'article 6 de la convention de financement : " En vertu des dispositions de la convention d'application du volet ferroviaire du contrat de plan Etat/Région, le suivi de l'exécution est assuré par le comité technique de suivi du volet ferroviaire du contrat de plan au sein duquel les signataires de la présente convention sont représentés. / L'objectif du comité est de veiller notamment à la bonne information des co-financeurs. / Ce comité se réunit : - pour se faire présenter l'avancement de l'opération par les maîtres d'ouvrage / - à la demande des maîtres d'ouvrage ou de l'une des autres parties, en cas de besoin, pour s'accorder sur des orientations en cours de réalisation, et en particulier pour décider des mesures à prendre dans le cas où un maître d'ouvrage est amené à prévoir une modification du programme ou un risque de dépassement de l'enveloppe prévue pour l'opération ". Contrairement à ce que soutient la région Normandie, il ne résulte pas de l'examen des stipulations précitées que la société SNCF Réseau aurait été tenue contractuellement de saisir ce comité technique préalablement à son recours contentieux. Par suite, la fin de non-recevoir ainsi opposée doit également être écartée. En ce qui concerne l'exception de prescription quadriennale : 9. Aux termes de de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : " Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis (...) ". L'article 2 de la même loi énonce que : " La prescription est interrompue par : / Toute demande de paiement ou toute réclamation écrite adressée par un créancier à l'autorité administrative, dès lors que la demande ou la réclamation a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, alors même que l'administration saisie n'est pas celle qui aura finalement la charge du règlement. / Tout recours formé devant une juridiction, relatif au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, quel que soit l'auteur du recours et même si la juridiction saisie est incompétente pour en connaître, et si l'administration qui aura finalement la charge du règlement n'est pas partie à l'instance ; / Toute communication écrite d'une administration intéressée, même si cette communication n'a pas été faite directement au créancier qui s'en prévaut, dès lors que cette communication a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance ; / Toute émission de moyen de règlement, même si ce règlement ne couvre qu'une partie de la créance ou si le créancier n'a pas été exactement désigné. / Un nouveau délai de quatre ans court à compter du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle a eu lieu l'interruption. Toutefois, si l'interruption résulte d'un recours juridictionnel, le nouveau délai court à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle la décision est passée en force de chose jugée. ". Selon l'article 3 de la même loi : " La prescription ne court ni contre le créancier qui ne peut agir, soit par lui-même ou par l'intermédiaire de son représentant légal, soit pour une cause de force majeure, ni contre celui qui peut être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance ou de la créance de celui qu'il représente légalement ". 10. Aux termes de l'article 8.2.1 de la convention : " (...) Solde : Après achèvement de l'intégralité des travaux, RFF établira le relevé de dépenses final sur la base des dépenses constatées incluant notamment les prestations de maître d'ouvrage et maîtrise d'œuvre ainsi que les frais liés à la maîtrise d'ouvrage et à la mission coordination sécurité. Sur la base de celui-ci et des clés de financement définies à l'article 8.1, RFF procédera, selon le cas, soit au remboursement du trop-perçu, soit à la présentation d'un appel de fonds du règlement du solde. (...) ". 11. Il résulte de ces stipulations que la créance de la société SNCF Réseau doit être regardée comme se rattachant à l'exercice au cours duquel elle a été en mesure d'établir le relevé de dépenses final en fonction des dépenses réellement engagées, rendant ainsi la créance liquide et exigible. Il résulte de l'instruction que la société SNCF Réseau n'a pu établir son relevé de dépenses final qu'au cours de l'année 2015, en fonction des dépenses constatées à fin octobre 2015, le tableau recensant les dépenses pour les tranches 1 et 2, produit par la société SNCF Réseau, faisant notamment état de factures datées de l'année 2015. Le point de départ de la prescription quadriennale doit, par suite, être fixé au plus tôt au 1er janvier 2016. La prescription a été interrompue par les demandes de paiement adressées par la société SNCF Réseau au département de la Seine-Maritime et à la région Normandie. Par suite, le moyen tiré de ce que les créances réclamées par la société SNCF Réseau sont prescrites doit être écarté. En ce qui concerne le manquement contractuel commis par le département de la Seine-Maritime et la région Normandie : S'agissant de l'interprétation et de la licéité de la convention de financement : 12. Lorsque les parties soumettent au juge un litige relatif à l'exécution du contrat qui les lie, il incombe en principe à celui-ci, eu égard à l'exigence de loyauté des relations contractuelles, de faire application du contrat. Toutefois, dans le cas seulement où il constate une irrégularité invoquée par une partie ou relevée d'office par lui, tenant au caractère illicite du contenu du contrat ou à un vice d'une particulière gravité relatif notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement, il doit écarter le contrat et ne peut régler le litige sur le terrain contractuel. 13. L'article 7 de la convention relative au financement de la réalisation de la desserte ferroviaire de Port 2000 et de la zone industrialo-portuaire du Havre, modifiée par un avenant conclu en 2007, retient un coût prévisionnel de l'opération, toutes maîtrises d'ouvrage confondues, estimé à 79,066 millions d'euros hors taxes aux conditions économiques de janvier 2001. L'article 8.1 fixe quant à lui le besoin de financement pour l'intégralité des travaux à 86 262 555 millions d'euros courants hors taxes et précise que les parties s'engagent à participer au financement de la réalisation du projet " selon les clés de répartition et dans la limite des montants indiqués en euros courants ". Le même article 8.1 stipule que : " Les dépenses de travaux seront ramenées aux conditions économiques d'origine de janvier 2001 en fonction de la variation de l'index TP01 publié par " Le Bulletin Officiel de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes". (...) ". Concernant les travaux réalisés sous la maîtrise d'ouvrage de RFF, pour lesquels les dépenses ont été estimées à 64 923 000 euros constants de 2001 par l'article 7 de la convention, l'article 8.1 fixe un besoin de financement évalué à hauteur de 70 684 514 euros courants et détermine le montant de la participation en fonction de ce besoin à une somme de 12 236 855 euros courants pour le département de la Seine-Maritime et de 14 580 000 euros courants pour la région Normandie, soit des participations respectives de 17,31 % et 20,64 %. 14. L'article 8.2.1 de cette convention de financement précise l'échéancier selon lequel RFF procède aux appels de fonds auprès de chaque financeur. S'agissant du solde, il prévoit qu'" après achèvement de l'intégralité des travaux, RFF établira le relevé de dépenses final sur la base des dépenses constatées (...) Sur la base de celui-ci et des clés de financement définies à l'article 8.1, RFF procèdera, selon le cas, soit au remboursement du trop-perçu, soit à la présentation d'un appel de fonds pour règlement du solde ". 15. Aux termes de l'article 9.1 de la convention de financement : " Tant que le montant global des dépenses, ramené en euros constants aux conditions économiques de référence de janvier 2001 selon les dispositions fixées à l'article 7, reste inférieur ou égal à l'estimation initiale du coût de l'opération en euros constants, il n'y a pas dépassement du coût, et l'ensemble des partenaires s'engagent à mettre en place les financements correspondants dus au seul titre de l'actualisation au prorata de leur participation respective ". Aux termes de l'article 9 de la convention intitulé " gestion des écarts " : " Si le montant global des dépenses, ramené en euros constants aux conditions économiques de référence de janvier 2001 selon les dispositions fixées à l'article 7, est supérieur à l'estimation initiale du coût de l'opération en euros constants, il y a dépassement de coût, les maîtres d'ouvrage devront obtenir l'accord préalable de dépassement et de financement afin de mettre en place les financements complémentaires. Les partenaires seront informés selon les dispositions de l'article 6 et un avenant à la présente convention devra formaliser cet accord au préalable ". Aux termes de l'article 9.3 de la convention : " En cas d'économie, la participation des partenaires sera réduite, en conséquence au prorata de leur participation respective. En cas de trop perçu, celle-ci fera l'objet d'un reversement à due concurrence ". 16. Il résulte de ces stipulations que la convention de financement prévoit en son article 8 une clé de répartition entre chaque financeur, fixée sur la base de taux et par référence à une contribution fixée en valeur absolue. Toutefois, le même article prévoit également en son premier alinéa que les dépenses de travaux seront ramenées aux conditions économiques d'origine de janvier 2001, en fonction de la variation de l'index TP01. Il en résulte que la contribution fixée par financeur prévue par cet article 8 doit être fixée sur la base d'un taux et que le montant mentionné en valeur absolue, qui n'est que la traduction de ce taux, doit s'apprécier au regard de dépenses ramenées aux conditions d'origine de janvier 2001. La convention de financement prévoit d'ailleurs en son point 9, que lorsque le montant global des dépenses ramenées en euros constants reste inférieur au montant des dépenses prévisionnelles estimées, il n'y a pas de dépassement de coût et pas de nécessité d'un accord préalable. La circonstance que la convention-cadre du 18 juin 2001 relative à l'exécution du volet ferroviaire du contrat de plan Etat-Région mentionne que " les engagements des cofinanceurs s'entendent comme des autorisations de programme ou des autorisations budgétaires " et prévoit pour la région, en son article 4.1.2, une participation à un niveau forfaitaire de 145 millions de francs courants n'est pas de nature à remettre en cause cette interprétation de la convention de financement en litige. 17. Il ne résulte pas de l'interprétation des stipulations précitées que le contenu de cette convention de financement serait illicite, ni que celle-ci serait entachée d'un vice d'une particulière gravité au regard des conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement. Il n'y a donc pas lieu d'écarter le terrain contractuel pour examiner le présent litige. 18. Il résulte de l'instruction que la société SNCF Réseau établit que le montant global des dépenses ramené en euros constants aux conditions économiques de référence de janvier 2001, correspond aux clés de financements définies à l'article 8.1 et qu'il reste inférieur à l'estimation initiale du coût de l'opération en euros constants. Par conséquent, pour chaque financeur, le montant des travaux ramené en euros constants reste inférieur au plafond de contribution fixé par l'article 8 de la convention. Le solde réclamé au département et à la région ne traduit pas un dépassement de coût au sens des stipulations de l'article 9.1 de la convention, et ne nécessitait pas d'accord préalable des parties. La seule circonstance que les factures adressées au département et à la région n'aient pas expressément visé l'article 9.1.de la convention de financement est sans incidence sur l'application de ces stipulations. S'agissant de la justification des montants réclamés au département de la Seine-Maritime et à la région Normandie : 19. La société SNCF Réseau a joint à ses demandes de paiement de factures adressées au département de la Seine-Maritime et à la région Normandie, un document intitulé " décompte général et définitif ", émis le 7 décembre 2016. Il en ressort que les dépenses totales, arrêtées au mois d'octobre 2015, représentent un total de 78 784 291,06 euros courants pour les deux tranches de la première étape du projet de desserte ferroviaire de Port 2000 et de la zone industrialo-portuaire du Havre. Ce décompte correspond au relevé de dépenses final visé à l'article 8.2.1 de la convention de financement. 20. Les stipulations de l'article 8.2.1 exigent implicitement mais nécessairement que la société SNCF Réseau justifie les sommes inscrites dans son relevé de dépenses final et démontre la réalité des dépenses effectivement engagées pour l'exécution des travaux. Mais la convention de financement ne précise pas le formalisme attendu de la part de SNCF Réseau pour démontrer la réalité des " dépenses constatées " ni durant l'exécution de la convention et des travaux, ni à la fin. 21. Pour justifier des montants des travaux, la société SNCF Réseau produit, d'une part, deux tableaux recensant le suivi comptable des dépenses pour les tranches 1 et 2 dans lesquels sont notamment mentionnés la nature des dépenses, les fournisseurs, les numéros et dates des factures, ainsi que, d'autre part, quelques exemples de factures pour corroborer le contenu de ces tableaux. La société SNCF Réseau verse en appel une attestation de l'un de ses commissaires aux comptes établie le 18 mars 2022 relative aux dépenses acquittées au titre du projet de réalisation de la desserte ferroviaire de Port 2 000 et de la zone industrialo-portuaire du Havre pour la période d'octobre 2004 à juin 2015. Les circonstances que le commissaire aux comptes ait relevé une discordance mineure d'un montant de 1 094,16 entre les informations produites par la société SNCF Réseau et sa comptabilité, qu'il n'ait pas disposé des factures antérieures au 31 décembre 2007, compte tenu de leur ancienneté et alors que la société SNCF Réseau n'était pas tenue de les conserver au-delà de l'obligation légale de dix ans, et qu'il ait procédé par sondage pour vérifier la concordance des informations présentées par la société SNCF Réseau et les enregistrements des paiements dans le système informatique de la société SNCF Réseau ne suffisent pas à démontrer que les éléments comptables produits par la société SNCF Réseau ne seraient pas probants. De même, le fait que certaines factures ont été émises en 2015, soit postérieurement à la mise en service des ouvrages, ne permet pas non plus de remettre en cause la réalité des dépenses engagées dès lors que ces factures concernent des prestations réalisées antérieurement et se rattachant bien à cette opération. Enfin, les quelques erreurs de dates de factures relevées par le département de la Seine-Maritime, dans le tableau recensant les dépenses pour les tranches 1 et 2, ou l'écart mineur de 200 euros entre les mentions d'une facture et le tableau, ne suffisent pas à remettre en cause la réalité des dépenses engagées par la société SNCF Réseau dans le cadre des différents marchés passés pour la réalisation du projet. Par suite, eu égard à l'ampleur, à la nature et à la durée des travaux et en l'absence de tout formalisme exigé par la convention, ces éléments de comptabilité produits en appel permettent de considérer que la société SNCF Réseau établit à la réalité des dépenses qu'elle a engagées et réglées auprès à ses cocontractants. 22. Les stipulations de la convention de financement mentionnées et explicitées aux points 12 à 16 n'ont pas conduit la société SNCF Réseau à consentir une libéralité dès lors que les sommes réclamées correspondent à des dépenses réellement engagées. 23. En dernier lieu, ainsi qu'il a été dit point 8, la société SNCF Réseau n'était pas tenue de saisir le comité de technique de suivi prévu à l'article 6 de la convention de financement. Par suite, contrairement à ce que soutient le département de la Seine-Maritime, la société SNCF Réseau n'a pas commis de faute qui serait de nature à faire obstacle au paiement des sommes qu'elle réclame. 24. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'appeler en la cause l'Etat pour observations, que la société SNCF Réseau est fondée à soutenir que le département de la Seine-Maritime et la région Normandie ont méconnu les stipulations combinées des articles 8.1, 8.2.1 et 9.1 de la convention de financement en refusant de procéder au paiement des factures pour un montant respectivement de 1 402 071,41 euros et de 1 671 793,99 euros. Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts : 25. Aux termes de l'article 8.2.1 de la convention de financement : " (...) Les sommes dues à RFF au titre de la présente convention sont réglées dans un délai de 45 jours à compter de la date de réception de la facture. A défaut, le montant dû est passible d'intérêts moratoires calculés en utilisant le taux légal majoré de deux points ". 26. Il y a lieu de faire droit à la demande d'intérêts moratoires présentée par la société SNCF Réseau, à compter du 28 janvier 2017. 27. La capitalisation des intérêts a été demandée pour la première fois le 28 mai 2018, qui correspond à la date d'enregistrement au greffe du tribunal administratif de la requête introductive d'instance de la société SNCF Réseau dirigée contre le département de la Seine-Maritime. A cette date, il était dû au moins une année d'intérêts. Dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande à cette date. 28. La capitalisation des intérêts a été demandée le 24 juillet 2018, qui correspond à la date d'enregistrement au greffe du tribunal administratif de sa requête introductive d'instance dirigée contre la région Normandie. A cette date, il était dû au moins une année d'intérêts. Dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil, il y a lieu également de faire droit à cette demande à cette date. Sur les frais liés à l'instance : 29. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société SNCF Réseau, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, les sommes que le département de la Seine-Maritime et la région Normandie demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce et sur le fondement des mêmes dispositions, de mettre à la charge du département de la Seine-Maritime et de la région Normandie, chacun, le versement à la société SNCF Réseau d'une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la société SNCF Réseau et non compris dans les dépens. DÉCIDE : Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Rouen du 5 mars 2021 est annulé. Article 2 : Le département de la Seine-Maritime est condamné à verser à la société SNCF Réseau la somme de 1 402 071,41 euros, avec intérêts au taux légal augmenté de deux points à compter du 28 janvier 2017. Les intérêts échus à la date du 28 mai 2018 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts. Article 3 : La région Normandie est condamnée à verser à la société SNCF Réseau la somme de 1 671 793,99 euros, assortie des intérêts au taux légal augmenté de deux points à compter du 28 janvier 2017. Les intérêts échus à la date du 24 juillet 2018 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts. Article 4 : Le département de la Seine-Maritime et la région Normandie verseront, chacun, à la société SNCF Réseau la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 5 : Les conclusions présentées par le département de la Seine-Maritime et la région Normandie au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société SNCF Réseau, au département de la Seine-Maritime et à la région Normandie. Délibéré après l'audience publique du 7 mars 2023 à laquelle siégeaient : - Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre, - M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur, - Mme Dominique Bureau, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 mars 2023. Le président-assesseur, Signé : M. A... La présidente de chambre, présidente-rapporteure, Signé : G. BorotLa greffière, Signé : C. Huls-Carlier La République mande et ordonne au préfet de la Seine-Maritime en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme La greffière, C. Huls-Carlier 1 2 N° 21DA00966 1 3 N°"Numéro"
JADE/CETATEXT000047370789.xml
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : La SELARL Grave-Randoux, mandataire liquidateur de la société Noiret-Bohain, a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 19 juillet 2018 par lequel le préfet du Nord l'a mise en demeure de placer le site de l'usine située 4 rue de Mascara à Roubaix dans un état tel qu'il ne puisse porter atteinte aux intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement. Cette société a également demandé au tribunal administratif de Lille, par une requête distincte, d'annuler l'arrêté du 4 octobre 2018 par lequel le préfet du Nord lui a imposé la réalisation d'un diagnostic environnemental des environs immédiats de l'usine située 4 rue de Mascara à Roubaix, la mise à jour du schéma conceptuel du site définissant les dimensions de la pollution et ses conséquences ainsi que la mise à jour du plan de gestion visant la maîtrise des sources de pollutions et de leurs impacts sanitaires. Par deux jugements n° 1808604 et n° 1811054 du 18 mars 2021, le tribunal administratif de Lille a rejeté ses demandes. Procédure devant la cour : I - Par une requête enregistrée le 19 mai 2021, sous le n° 21DA01118, et un mémoire enregistré le 23 mai 2022 la SELARL Grave-Randoux, représentée par Me Frédéric Mangel, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement n° 1808604 du 18 mars 2021 et l'arrêté du 19 juillet 2018 ; 2°) de mettre à la charge de l'Etat, la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761 1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - l'arrêté attaqué est entaché d'incompétence ; - le liquidateur de la société, qui représente l'intérêt des créanciers, ne peut être confondu avec l'exploitant, ainsi l'arrêté de mise en demeure aurait dû être adressé au dirigeant de la société et non pas au liquidateur judiciaire ; - l'arrêté est entaché d'excès de pouvoir en tant que le préfet ne pouvait opposer au liquidateur judiciaire la mise en demeure de placer le site dans un état tel qu'il ne puisse porter atteinte aux intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement ; - la société n'a pas les fonds nécessaires pour mettre en œuvre les mesures prescrites par l'arrêté et elle ne peut procéder à des dépenses qu'après saisine pour autorisation du juge-commissaire ; - elle a commandé la réalisation d'un mémoire de mise en sécurité du site et d'un rapport de synthèse afin de répondre aux obligations imposées par l'administration. Par un mémoire en défense, enregistré le 19 avril 2022, la ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête. Elle fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés. La requête a été communiquée le 3 juin 2021 au préfet du Nord. Par ordonnance du 10 février 2023, la clôture d'instruction a été fixée avec effet immédiat en application des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative. II - Par une requête enregistrée le 19 mai 2021 sous le n° 21DA01119, et un mémoire enregistré le 23 mai 2022, la SELARL Grave-Randoux, représentée par Me Frédéric Mangel, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement n°1811054 du 18 mars 2021 et l'arrêté du 4 octobre 2018 ; 2°) de mettre à la charge de l'Etat, la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761 1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le liquidateur de la société, qui représente l'intérêt des créanciers, ne peut être confondu avec l'exploitant, ainsi l'arrêté de mise en demeure aurait dû être adressé au dirigeant de la société et non pas au liquidateur judiciaire ; - elle a commandé la réalisation d'un mémoire de mise en sécurité du site et d'un rapport de synthèse afin de répondre aux obligations imposées par l'administration ; - la société n'a pas les fonds nécessaires pour mettre en œuvre les mesures prescrites par le préfet et elle ne peut procéder à des dépenses qu'après saisine pour autorisation du juge-commissaire ; - les règles relatives à la procédure judiciaire applicables au recouvrement des créances ont été méconnues. Par un mémoire en défense, enregistré le 19 avril 2022, la ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête. Elle fait voir que les moyens de la requête ne sont pas fondés. La requête a été communiquée le 3 juin 2021 au préfet du Nord. Par ordonnance du 10 février 2023, la clôture d'instruction a été fixée avec effet immédiat en application des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces des dossiers. Vu : - le code de l'environnement ; - le code de commerce ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Denis Perrin, premier conseiller, - les conclusions de M. Aurélien Gloux-Saliou, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. Les requêtes n° 21DA01118 et n° 21DA01119 de la SELARL Grave-Randoux, mandataire liquidateur de la société Noiret-Bohain, présentent à juger des questions semblables et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour y être statué par un seul arrêt. Sur l'objet du litige : 2. La société Noiret-Bohain exerçait l'activité de tissage notamment au sein d'un établissement situé 4 rue de Mascara à Roubaix. Par jugement du 5 juillet 2013, le tribunal de commerce de Saint-Quentin a prononcé la liquidation judiciaire de cette société et a désigné en qualité de liquidateur la société d'exercice libéral à responsabilité limitée (SELARL) Grave-Randoux. Par arrêté du 19 juillet 2018, le préfet du Nord a mis en demeure la société Noiret-Bohain, représentée par la SELARL Grave-Randoux, en sa qualité de mandataire liquidateur, de placer le site dans un état tel qu'il ne puisse porter atteinte aux intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement. Par arrêté du 4 octobre 2018, le préfet du Nord a imposé la réalisation d'un diagnostic environnemental des environs immédiats de l'usine située 4 rue de Mascara à Roubaix, la mise à jour du schéma conceptuel du site définissant les dimensions de la pollution et ses conséquences ainsi que la mise à jour du plan de gestion visant la maîtrise des sources de pollutions et de leurs impacts sanitaires. Par deux demandes distinctes, le mandataire liquidateur a demandé l'annulation de ces deux arrêtés. Par deux jugements du 18 mars 2021, le tribunal administratif de Lille a rejeté ces demandes. La SELARL Grave-Randoux, agissant en qualité de mandataire liquidateur de la société Noiret-Bohain, relève appel de ces deux jugements par deux requêtes distinctes. Sur la légalité de l'arrêté du 19 juillet 2018 : 3. Aux termes de l'article L. 171-8 du code de l'environnement : " I. Indépendamment des poursuites pénales qui peuvent être exercées, en cas d'inobservation des prescriptions applicables en vertu du présent code aux installations, ouvrages, travaux, aménagements, opérations, objets, dispositifs et activités, l'autorité administrative compétente met en demeure la personne à laquelle incombe l'obligation d'y satisfaire dans un délai qu'elle détermine. (...) ". 4. Il résulte des dispositions précitées, éclairées par les travaux préparatoires de la loi du 19 juillet 1976 relative aux installations classées et de l'ordonnance du 11 janvier 2012 portant simplification, réforme et harmonisation des dispositions de police administrative et de police judiciaire du code de l'environnement dont elles sont issues, qu'en cas d'inobservation de prescriptions applicables à une installation classée, le préfet est tenu d'adresser à la personne à laquelle incombe l'obligation d'y satisfaire une mise en demeure de satisfaire à ces conditions dans un délai déterminé. Si le II de l'article L. 171-8 du code de l'environnement laisse au préfet un choix entre plusieurs catégories de sanctions en cas de non-exécution de son injonction, cela n'affecte pas la compétence liée du préfet pour édicter la mise en demeure. 5. Il résulte de l'instruction que l'arrêté de mise en demeure du 19 juillet 2018 a été pris à la suite d'un rapport du 27 juin 2018 de l'inspection des installations classées, dont les constats n'ont pas été sérieusement contestés, établissant notamment qu'un forage de 116 mètres de profondeur alimentant l'établissement en eau n'avait pas été rebouché après l'arrêt de l'activité. Le préfet se trouvait donc en situation de compétence liée pour mettre en demeure la personne responsable c'est-à-dire, contrairement à ce que soutient l'appelante, l'exploitant la société Noiret-Bohain représentée par son liquidateur judiciaire, de combler ce forage. Aucun des moyens soulevés ne mettant en cause cette situation de compétence liée, tous les moyens soulevés par la SELARL Grave-Randoux doivent donc être écartés comme inopérants. 6. Au surplus, le juge peut régulièrement se fonder, pour écarter un moyen tiré de l'incompétence de l'auteur d'une décision, sur des délégations de compétence ou de signature, s'agissant d'actes réglementaires qui ont régulièrement été publiés. En l'espèce, l'arrêté du 19 juillet 2018 a été signé par M. C... B... chargé de l'intérim des fonctions de secrétaire général de la préfecture du Nord, qui disposait, par un arrêté du 9 juillet 2018, publié au recueil spécial n° 152 des actes administratifs de la préfecture du Nord le 10 juillet 2018, d'une délégation du préfet du Nord à l'effet de signer tous arrêtés, décisions, circulaires, rapports, correspondances et documents en toutes matières, à l'exception de la réquisition du comptable. Sur la légalité de l'arrêté du 4 octobre 2018 : En ce qui concerne l'opposabilité des prescriptions à la liquidation judiciaire : 7. Aux termes du I de l'article L. 641-9 du code de commerce : " Le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire emporte de plein droit, à partir de sa date, dessaisissement pour le débiteur de l'administration et de la disposition de ses biens même de ceux qu'il a acquis à quelque titre que ce soit tant que la liquidation judiciaire n'est pas clôturée. Les droits et actions du débiteur concernant son patrimoine sont exercés pendant toute la durée de la liquidation judiciaire par le liquidateur. / (...) / Le débiteur accomplit également les actes et exerce les droits et actions qui ne sont pas compris dans la mission du liquidateur ou de l'administrateur lorsqu'il en a été désigné. ". 8. Il résulte de ces dispositions que lorsque les biens du débiteur comprennent une installation classée pour la protection de l'environnement dont celui-ci est l'exploitant, il appartient au liquidateur judiciaire, qui en assure l'administration, de veiller au respect des obligations découlant de la législation sur les installations classées pour la protection de l'environnement. 9. En l'espèce, la SELARL Grave-Randoux a été désignée en la personne de Me Guillaume Randoux comme liquidateur de la société Noiret-Bohain par un jugement du tribunal de commerce de Saint-Quentin du 5 juillet 2013. Il n'est pas contesté que la société Noiret-Bohain exploitait l'installation classée située 4 rue de Mascara à Roubaix. Par suite, c'est sans erreur de droit que le préfet a adressé des prescriptions, par l'arrêté du 4 octobre 2018, à la société Noiret-Bohain, exploitante représentée par Me Guillaume Randoux et a adressé cette mise en demeure à la SELARL Grave-Randoux sur laquelle pesaient, en sa qualité de mandataire-liquidateur, les obligations découlant de la législation sur les installations classées pour la protection de l'environnement. En ce qui concerne les conséquences financières des prescriptions : 10. Si les dispositions du code de commerce régissent les conditions dans lesquelles peuvent être produites puis payées les créances détenues sur une entreprise qui fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire, elles ne font pas obstacle à ce que l'administration fasse usage de ses pouvoirs de police administrative, qui peuvent la conduire, dans les cas où la loi le prévoit, à mettre à la charge de particuliers ou d'entreprises, par voie de décision unilatérale, des sommes dues aux collectivités publiques. Ces dispositions ne font pas davantage obstacle à ce que le juge administratif statue sur les contestations auxquelles ces actes donnent lieu ou sur les litiges qui opposent les particuliers à l'administration en ce qui concerne le principe et l'étendue des droits de cette dernière. En revanche, il appartient à l'administration, pour obtenir le paiement des sommes qui lui sont dues, de suivre les règles relatives à la procédure judiciaire applicable au recouvrement des créances. 11. Il résulte de ce qui précède que si l'appelante soutient que, en sa qualité de liquidateur, elle est dans l'incapacité financière de satisfaire aux prescriptions de l'arrêté du 4 octobre 2018, ce moyen est sans influence sur la légalité des arrêtés en litige qui ne présentent qu'un caractère préalable aux mesures coercitives tendant au paiement des sommes nécessaires à la réalisation des mesures prévues par ces mêmes arrêtés. Si le juge-commissaire du tribunal de commerce de Saint-Quentin a jugé, dans son ordonnance du 6 décembre 2018, que le liquidateur se trouvait dans l'impossibilité de satisfaire aux injonctions de l'administration, compte tenu de l'actif disponible, cette ordonnance ne saurait remettre en cause la légalité des arrêtés contestés même si, pour leur exécution financière, le préfet est soumis à la procédure prévue par le code de commerce. Par suite, ce moyen, commun aux deux requêtes, doit être écarté. 12. De même si le liquidateur fait valoir que les obligations mises à sa charge par le préfet du Nord ne sont pas nées pour les besoins du déroulement de la procédure de liquidation, cette circonstance à la supposer établie est sans incidence sur la légalité des mesures prises par le préfet au titre de la police administrative des installations classées. Par ailleurs, les obligations résultant de l'arrêté du 4 octobre 2018 n'imposent pas le paiement immédiat de créances. La circonstance que le préfet n'ait pas déclaré de créances dans les conditions posées par l'article L. 622-24 du code de commerce est également sans incidence sur la légalité des arrêtés précités. Par suite, ce moyen, également commun aux deux requêtes, doit aussi être écarté. Sur les mesures prises par le liquidateur : 13. Si le liquidateur établit avoir obtenu l'autorisation du juge-commissaire du tribunal de commerce de Saint-Quentin pour faire réaliser un mémoire de mise en sécurité du site ainsi qu'un rapport de synthèse sur la sécurité du site et des investigations complémentaires notamment sur la qualité des eaux souterraines et de l'air ambiant, il n'établit pas que ces mesures suffisaient à assurer la mise en sécurité du site après la cessation de l'activité notamment en procédant au comblement d'un forage d'alimentation en eau pompant dans la nappe du carbonifère. Ce moyen, également commun aux deux requêtes, doit donc être écarté. 14. Il résulte de tout ce qui précède que la SELARL Grave-Randoux, liquidateur judiciaire de la société Noiret-Bohain, n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par les jugements du 18 mars 2021, le tribunal administratif de Lille a rejeté ses demandes tendant à l'annulation des arrêtés des 19 juillet et 4 octobre 2018 par lesquels le préfet du Nord l'a mise en demeure de placer le site de l'usine située 4 rue de Mascara à Roubaix dans un état tel qu'il ne puisse porter atteinte aux intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement et lui a imposé la réalisation d'un diagnostic environnemental des environs immédiats de cette usine, la mise à jour du schéma conceptuel du site définissant les dimensions de la pollution et ses conséquences ainsi que la mise à jour du plan de gestion visant la maîtrise des sources de pollutions et de leurs impacts sanitaires. 15. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent aussi être rejetées. DÉCIDE : Article 1er : Les requêtes de la SELARL Grave-Randoux, liquidateur judiciaire de la société Noiret-Bohain sont rejetées. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SELARL Grave-Randoux, liquidateur judiciaire de la société Noiret-Bohain, et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Copie en sera adressée pour information au préfet du Nord. Délibéré après l'audience publique du 9 mars 2023 à laquelle siégeaient : - M. Marc Heinis, président de chambre, - Mme Corinne Baes-Honoré, présidente-assesseure, - M. Denis Perrin, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 mars 2023. Le rapporteur, Signé: D. Perrin Le président de la 1ère chambre, Signé: M. A... La greffière, Signé: C. Sire La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme, La greffière en chef, Par délégation, La greffière, Christine Sire N° 21DA01118, 21DA01119 2
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Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler la décision implicite du 30 novembre 2019 par laquelle la garde des sceaux, ministre de la justice, a refusé d'indemniser le préjudice qu'il a subi à raison du maintien en vigueur de la suspension de ses fonctions du 15 mars 2018 au 11 avril 2019, de condamner l'Etat à l'indemniser du préjudice matériel qu'il a subi à raison du maintien en vigueur de cette suspension, à hauteur de 10 547,64 euros, de condamner l'Etat à l'indemniser du préjudice moral qu'il a subi à raison du maintien en vigueur de cette suspension, à hauteur de 3 000 euros et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et les dépens. Par un jugement n° 2000215 du 22 décembre 2021 le tribunal administratif d'Amiens a condamné l'Etat à verser une somme de 300 euros au titre du préjudice moral subi par M. A... à raison de l'illégalité fautive de l'arrêté du 10 juillet 2018. L'intéressé a été en outre renvoyé devant le garde des sceaux, ministre de la justice afin qu'il soit procédé au calcul de l'indemnité définie au point 9 du jugement correspondant à sa perte de rémunération durant la période de suspension dont il a fait l'objet du 15 juillet 2018 au 11 avril 2019. Ce jugement a, en outre, mis à la charge de l'Etat le versement à M. A... d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions de la requête de M. A.... Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 24 février 2022, le garde des sceaux, ministre de la justice demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) de rejeter la demande de M. A.... Il soutient que le tribunal administratif d'Amiens a entaché son jugement d'une erreur d'appréciation en estimant qu'il ne résultait pas de l'instruction que l'intérêt du service ou les obligations du contrôle judiciaire s'opposaient à ce qu'il soit affecté ou détaché provisoirement sur un autre poste. Par des mémoires en défense enregistrés le 20 mai 2022 et le 2 février 2023, ce dernier n'ayant pas été communiqué, M. B... A..., représenté par Me Camail, demande à la cour : 1°) de réformer ce jugement en ce qu'il a limité à la somme de 300 euros l'indemnisation de son préjudice moral, et de porter à la somme de 3 000 euros l'indemnisation de ce préjudice; 2°) de rejeter la requête ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et les dépens. Il soutient que : - la décision implicite du 30 novembre 2019 par laquelle la garde des sceaux, ministre de la justice, a refusé d'indemniser le préjudice subi n'est pas motivée ; - l'administration a engagé sa responsabilité pour faute en méconnaissant l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires car compte tenu de la gravité des faits qui lui sont reprochés et alors qu'aucune mesure judiciaire ne l'empêchait de reprendre ses fonctions, il aurait dû être réintégré ou affecté ou détaché provisoirement sur un autre poste à l'issue du délai de quatre mois courant à compter de sa suspension par l'arrêté du 14 mars 2018 ; - l'administration a commis une faute en ne saisissant pas immédiatement le conseil de discipline en méconnaissance de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et le délai pris par l'administration pour statuer sur sa situation est fautif ; - sa mutation d'office au sein du tribunal de grande instance de Beauvais lui occasionne des coûts de transport importants. Par ordonnance du 17 janvier 2023 la date de clôture de l'instruction a été fixée au 3 février 2023 à 12 heures. Les parties ont été informées, par courrier du 29 novembre 2022, que l'arrêt à intervenir était susceptible d'être fondé sur le moyen relevé d'office tiré de l'irrecevabilité des conclusions résultant de la saisine tardive fautive du conseil discipline car il s'agit d'un fait générateur distinct et nouveau par rapport à celui développé dans la demande indemnitaire préalable. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur, - les conclusions de M. Nil Carpentier-Daubresse, rapporteur public, - et les observations Me Suxe, représentant M. B... A.... Considérant ce qui suit : 1.M. Dominique Valt, greffier principal, a été affecté au sein du greffe du tribunal de police du tribunal de grande instance de ... à compter de janvier 2018. A la suite d'une altercation, le 12 mars 2018, avec la directrice des services de greffe judiciaire chargée du greffe pénal et avec le directeur de greffe de la juridiction, il a été suspendu de ses fonctions à compter du 15 mars 2018 par un arrêté de la veille de la garde des sceaux, ministre de la justice. Cette mesure a été maintenue en vigueur par un arrêté du 10 juillet 2018 de la même autorité prévoyant, par ailleurs, que M. A... percevrait à compter du 15 juillet 2018 les trois quarts de son traitement. A raison des mêmes faits, M. A... a également fait l'objet de poursuites pénales qui ont donné lieu à un jugement du tribunal d'Evreux du 10 juillet 2018 puis à un arrêt de la cour d'appel de Caen du 8 mars 2019 le reconnaissant coupable de violence n'ayant pas entrainé d'interruption temporaire de travail de plus de huit jours et le condamnant à une amende de 500 euros dont 300 avec sursis. Le 11 avril 2019, M. A... a été réintégré au sein du tribunal de grande instance de .... Par un courrier du 26 septembre 2019, M. A... a demandé l'indemnisation, à hauteur de 10 547,64 euros, du préjudice matériel lié au maintien en vigueur de sa suspension au-delà du 15 juillet 2018, à la garde des sceaux, ministre de la justice, qui a implicitement refusé le 30 novembre 2019. Par un jugement du 22 décembre 2021 le tribunal administratif d'Amiens a, notamment, condamné l'Etat à verser une somme de 300 euros au titre du préjudice moral subi par M. A... à raison de l'illégalité fautive de l'arrêté du 10 juillet 2018. L'intéressé a été, en outre, renvoyé devant le garde des sceaux, ministre de la justice afin qu'il soit procédé au calcul de l'indemnité définie au point 9 du jugement correspondant à sa perte de rémunération durant la période de suspension du 15 juillet 2018 au 11 avril 2019. Ce jugement a rejeté le surplus des conclusions de la requête de M. A.... Le garde des sceaux, ministre de la justice relève appel de ce jugement. M. A... demande à la cour de réformer ce jugement en ce qu'il a limité à la somme de 300 euros l'indemnisation de son préjudice moral, de porter à la somme de 3 000 euros l'indemnisation de ce préjudice et de rejeter la requête. Sur la responsabilité : 2. En premier lieu, aux termes de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983 : " En cas de faute grave commise par un fonctionnaire, qu'il s'agisse d'un manquement à ses obligations professionnelles ou d'une infraction de droit commun, l'auteur de cette faute peut être suspendu par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire qui saisit, sans délai, le conseil de discipline. / Le fonctionnaire suspendu conserve son traitement, l'indemnité de résidence, le supplément familial de traitement et les prestations familiales obligatoires. Sa situation doit être définitivement réglée dans le délai de quatre mois. / Si, à l'expiration d'un délai de quatre mois, aucune décision n'a été prise par l'autorité ayant le pouvoir disciplinaire, le fonctionnaire qui ne fait pas l'objet de poursuites pénales est rétabli dans ses fonctions. S'il fait l'objet de poursuites pénales et que les mesures décidées par l'autorité judicaire ou l'intérêt du service n'y font pas obstacle, il est également rétabli dans ses fonctions à l'expiration du même délai. Lorsque, sur décision motivée, il n'est pas rétabli dans ses fonctions, il peut être affecté provisoirement par l'autorité investie du pouvoir de nomination, sous réserve de l'intérêt du service, dans un emploi compatible avec les obligations du contrôle judiciaire auquel il est, le cas échéant, soumis. A défaut, il peut être détaché d'office, à titre provisoire, dans un autre corps ou cadre d'emplois pour occuper un emploi compatible avec de telles obligations. L'affectation provisoire ou le détachement provisoire prend fin lorsque la situation du fonctionnaire est définitivement réglée par l'administration ou lorsque l'évolution des poursuites pénales rend impossible sa prolongation. / (...) Le fonctionnaire qui, en raison de poursuites pénales, n'est pas rétabli dans ses fonctions, affecté provisoirement ou détaché provisoirement dans un autre emploi peut subir une retenue, qui ne peut être supérieure à la moitié de la rémunération mentionnée au deuxième alinéa. Il continue, néanmoins, à percevoir la totalité des suppléments pour charges de famille ". 3. Il résulte des dispositions citées au point précédent que si, à l'expiration d'un délai de quatre mois, aucune décision n'a été prise par l'autorité ayant le pouvoir disciplinaire à l'encontre d'un fonctionnaire suspendu, celui-ci est rétabli dans ses fonctions, sauf s'il fait l'objet de poursuites pénales. Un fonctionnaire doit pour l'application de ces dispositions être regardé comme faisant l'objet de poursuites pénales lorsque l'action publique a été mise en mouvement à son encontre et ne s'est pas éteinte. Lorsque c'est le cas, l'autorité administrative peut, au vu de la situation en cause et des conditions prévues par ces dispositions, le rétablir dans ses fonctions, lui attribuer provisoirement une autre affectation, procéder à son détachement ou encore prolonger la mesure de suspension en l'assortissant, le cas échéant, d'une retenue sur traitement. 4. M. A... a fait l'objet d'une mesure de suspension de ses fonctions à compter du 15 mars 2018 par un arrêté du 14 mars 2018 de la garde des sceaux, ministre de la justice pour avoir critiqué de façon virulente, le 12 mars 2018, la directrice des services de greffe judiciaire, chargée du greffe pénal dans lequel il servait et agressé le directeur de greffe de sa juridiction, faits ayant donné lieu à sa condamnation au paiement d'une amende de 500 euros dont 300 euros avec sursis pour violence n'ayant pas entraîné d'interruption temporaire de travail de plus de huit jours par la cour d'appel de Caen du 8 mars 2019. Par un arrêté du 13 juillet 2018 la garde des sceaux, ministre de la justice a maintenu M. A... dans la position de suspension de ses fonctions. Le 11 avril 2019, M. A... a été réintégré au sein du tribunal de grande instance de .... Le conseil de discipline n'a été finalement saisi que le 5 juin 2019. 5. Il résulte de l'instruction que s'agissant de l'altercation du 12 mars 2018 entre M. A... et notamment le directeur de greffe de la juridiction, le jugement du tribunal correctionnel d'Evreux du 10 juillet 2018 a retenu " qu'il y a eu une altercation violente et a minima une bousculade qui est d'ailleurs reconnue par le mis en cause " tandis que la cour d'appel de Caen a également reconnu " l'infraction de violences " en retenant notamment que l'intéressé avait " effectivement poussé [le directeur de greffe] au point que ce dernier, propulsé en arrière, a renversé [un] siège, ce que M. A... a finalement admis en confrontation ". Dans ces conditions, l'intérêt du service a pu justifier que M. A... ne soit pas réintégré dans son service à l'issue de la période de suspension de quatre mois dont il a fait l'objet, alors qu'il faisait l'objet de poursuites pénales. 6. Toutefois, M. A... souligne qu'il aurait pu faire l'objet d'une affectation dans un autre service à l'issue de ce délai de quatre mois. Le ministre produit des éléments émanant notamment d'une avocate ou d'un substitut du procureur faisant état de relations parfois difficiles. Toutefois il résulte de l'instruction, et notamment de l'arrêt de la cour d'appel que M. A... était confronté à des problèmes d'organisation de son service par manque de moyens et de formation. Même s'il manque de pondération, ses feuilles d'évaluation mentionnent qu'il est un agent compétent, investi dans ses fonctions, qui entretient de bonnes relations avec ses collègues. Dans ces conditions, alors que M. A... soutient sans être contredit qu'il existait plusieurs postes vacants dans d'autres services, en ne lui proposant pas une affectation provisoire sur un autre emploi ou, à défaut, un détachement d'office, à titre provisoire également, dans un autre corps ou cadre d'emplois, l'administration a entaché son arrêté du 10 juillet 2018 d'une erreur manifeste d'appréciation et commis une illégalité fautive. Le tribunal administratif a pu à juste titre estimer que l'administration, en maintenant la suspension de M. A... du 18 juillet 2018 au 10 avril 2019, en méconnaissance des dispositions de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983, a engagé la responsabilité de l'Etat pour faute. 7. En deuxième lieu, M. A... invoque l'illégalité fautive de la décision du 30 novembre 2019 rejetant implicitement sa demande indemnitaire préalable en raison de son absence de motivation, malgré la demande de communication des motifs qu'il a présentée le 12 décembre 2019. Mais cette décision implicite du 30 novembre 2019 a eu pour seul effet de lier le contentieux à l'égard de l'objet de la demande du requérant qui, en formulant les conclusions ci-dessus analysées, a donné à l'ensemble de sa requête le caractère d'un recours de plein contentieux. Au regard de l'objet d'une telle demande qui conduit le juge à se prononcer sur le droit de l'intéressé à percevoir la somme qu'il réclame, les vices dont serait, le cas échéant, entachée la décision qui a lié le contentieux, sont sans incidence sur la solution du litige. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le défaut de motivation d'une telle décision est susceptible d'engager la responsabilité de l'administration à son égard. 8. En troisième lieu, si M. A... se prévaut de la faute qu'aurait commise l'administration en mettant un délai exagérément long pour saisir le conseil de discipline, ce fait générateur n'était pas exposé dans sa demande indemnitaire préalable du 26 septembre 2019 et les conclusions indemnitaires fondées sur ce nouveau fait générateur distinct sont irrecevables. Sur la réparation du préjudice : 9. En vertu des principes généraux qui régissent la responsabilité de la puissance publique, un agent public irrégulièrement évincé a droit à la réparation intégrale du préjudice qu'il a effectivement subi du fait de la mesure illégalement prise à son encontre. Sont ainsi indemnisables les préjudices de toute nature avec lesquels l'illégalité commise présente, compte tenu de l'importance respective de cette illégalité et des fautes relevées à l'encontre de l'intéressé, un lien direct de causalité. Pour l'évaluation du montant de l'indemnité due, doivent être prises en compte la perte du traitement ainsi que celle des primes et indemnités dont l'intéressé avait, pour la période en cause, une chance sérieuse de bénéficier, à l'exception de celles qui, eu égard à leur nature, à leur objet et aux conditions dans lesquelles elles sont versées, sont seulement destinées à compenser les frais, charges ou contraintes liés à l'exercice effectif des fonctions. Enfin, il y a lieu de déduire, le cas échéant, le montant des rémunérations que l'agent a pu se procurer par son travail au cours de la période d'éviction. 10. M. A... a été illégalement privé de la possibilité éventuelle de travailler du 15 juillet 2018 au 11 avril 2019, ce qui a été pour lui une source d'anxiété. Il sera fait une juste appréciation de son préjudice moral en fixant sa réparation à la somme de 800 euros. 11. En revanche, la circonstance que sa mutation d'office au sein du tribunal de grande instance de Beauvais qui a été prononcée le 5 juillet 2019 lui occasionne des coûts de transport importants est dépourvue de lien de causalité avec l'illégalité fautive de l'arrêté du 10 juillet 2018. L'indemnisation de ce chef de préjudice doit donc être écartée. 12. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a limité à la somme de 300 euros l'indemnisation de son préjudice moral. Sur les frais de procédure : 13. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. A... et non compris dans les dépens. DÉCIDE : Article 1er : La requête du garde des sceaux, ministre de la justice est rejetée. Article 2 : La somme de 300 euros mise à la charge de l'Etat par le tribunal administratif d'Amiens en réparation du préjudice moral subi par M. A... à raison de l'illégalité fautive de l'arrêté du 10 juillet 2018 est portée à la somme de 800 euros. Article 3 : L'Etat versera à M. A... une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Le jugement du tribunal administratif d'Amiens du 22 décembre 2021 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt. Article 5 : Le surplus des conclusions incidentes de M. A... est rejeté. Article 6 : Le présent arrêt sera notifié au garde des sceaux, ministre de la justice et à M. B... A.... Délibéré après l'audience publique du 7 mars 2023 à laquelle siégeaient : - Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre, - M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur, - M. Frédéric Malfoy, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 23 mars 2023. Le président-rapporteur, Signé : M. C...La présidente de chambre, Signé : G. Borot La greffière, Signé : C. Huls-Carlier La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice en ce qui le concerne ou à tous commissaires à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme La greffière, C. Huls-Carlier 2 N° 22DA00417
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Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 11 septembre 2020 par lequel le ministre de l'intérieur a prononcé sa révocation et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un jugement n° 2003804 du 26 octobre 2021 le tribunal administratif de Rouen a annulé l'arrêté du 11 septembre 2020 par lequel le ministre de l'intérieur a prononcé la révocation de M. B..., mis à la charge de l'Etat le versement à M. B... de la somme de 1 300 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et rejeté le surplus de la requête. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 28 décembre 2021, le ministre de l'intérieur et des outre-mer demande à la cour d'annuler ce jugement. Il soutient que : - le jugement est entaché d'une erreur d'appréciation sur la gravité des faits ; - les faits reprochés sont établis et de nature à justifier la révocation. Par un mémoire en défense enregistré le 13 juillet 2022, M. C... B..., représenté par Me Suxe, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - la requête est tardive ; - il n'y a plus lieu à statuer sur la requête ; - les moyens ne sont pas fondés. Par ordonnance du 19 juillet 2022, la date de clôture de l'instruction a été fixée au 25 août 2022 à 12 heures. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; - le décret n° 95-654 du 9 mai 1995 ; - le décret n° 2004-1439 du 23 décembre 2004 ; - le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ; - l'arrêté du 6 juin 2006 portant règlement général d'emploi de la police nationale ; - le code de la sécurité intérieure ; - le code de justice administrative ; Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Marc Lavail Dellaporta, président assesseur, - les conclusions de M. Nil Carpentier-Daubresse, rapporteur public, - et les observations de Me Suxe, représentant M. C... B.... Considérant ce qui suit : 1. M. B..., gardien de la paix exerçant ses fonctions dans l'unité d'aide et d'assistance judiciaire de la police de ..., a fait l'objet d'un arrêté du 11 septembre 2020 par lequel le ministre de l'intérieur a prononcé sa révocation. Par un jugement du 26 octobre 2021 le tribunal administratif de Rouen a annulé cette décision et mis à la charge de l'Etat le versement à M. B... de la somme de 1 300 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Le ministre de l'intérieur relève appel de ce jugement. Sur la fin de non-recevoir opposée par M. B... tirée de la tardiveté de la requête : 2. Aux termes de l'article R. 811-2 du code de justice administrative : " Sauf disposition contraire, le délai d'appel est de deux mois. Il court contre toute partie à l'instance à compter du jour où la notification a été faite à cette partie dans les conditions prévues aux articles R. 751-3 à R. 751-4-1 ". Sauf texte contraire, les délais de recours devant les juridictions administratives sont, en principe, des délais francs, leur premier jour étant le lendemain du jour de leur déclenchement et leur dernier jour étant le lendemain du jour de leur échéance, et les recours doivent être enregistrés au greffe de la juridiction avant l'expiration du délai. 3. Il ressort des pièces du dossier que le jugement du 26 octobre 2021 du tribunal administratif de Rouen a été notifié le 27 octobre 2021. Ainsi, la requête du ministre de l'intérieur et des outre-mer, enregistrée le 28 décembre 2021, n'est pas tardive. Dès lors, la fin de non-recevoir opposée par M. B... doit être écartée. Sur l'exception de non-lieu : 4. Par un arrêté du 31 décembre 2021, le ministre de l'intérieur et des outre-mer a retiré l'arrêté du 11 septembre 2020 prononçant la révocation de M. B... et prononcé à son encontre une nouvelle sanction disciplinaire d'exclusion temporaire de vingt-quatre mois. Lorsque l'autorité administrative, en exécution d'un jugement d'annulation, prend une nouvelle décision qui n'est motivée que par le souci de se conformer à ce jugement d'annulation, cette délivrance ne prive pas d'objet l'appel dirigé contre ce jugement. Or l'arrêté du 31 décembre 2021 mentionne expressément qu'il a été pris en exécution du jugement du tribunal administratif de Rouen du 26 octobre 2021 qui a annulé pour disproportion la sanction de révocation dont a fait l'objet M. B.... Dès lors, la requête du ministre de l'intérieur et des outre-mer introduite contre ce jugement n'est pas dépourvue d'objet et l'exception de non-lieu opposée par M. B... doit être écartée. Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal : 5. D'une part aux termes de l'article 29 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale ". Aux termes de l'article 66 de la loi visée ci-dessus du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes. / Premier groupe : / - l'avertissement ; / - le blâme. / Deuxième groupe : / - la radiation du tableau d'avancement ; / - l'abaissement d'échelon ; / - l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de quinze jours ; / - le déplacement d'office. / Troisième groupe : / - la rétrogradation ; / - l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de trois mois à deux ans. / Quatrième groupe : / - la mise à la retraite d'office ; / - la révocation. (...) ". 6. D'autre part aux termes de l'article R 434-12 du code de la sécurité intérieure : " Le policier (...) ne se départ de sa dignité en aucune circonstance. / En tout temps, dans ou en dehors du service y compris lorsqu'il s'exprime à travers les réseaux de communication électronique sociaux, il s'abstient de tout acte, propos ou comportement de nature à nuire à la considération portée à la police nationale et à la gendarmerie nationale. Il veille à ne porter, par la nature de ses relations, aucune atteinte à leur crédit ou à leur réputation ". L'article R. 434-14 de ce même code dispose que : " Le policier (...) est au service de la population. / (...) Respectueux de la dignité des personnes, il veille à se comporter en toute circonstance d'une manière exemplaire, propre à inspirer en retour respect et considération ". Aux termes de l'article R. 434-27 de ce code : " Tout manquement du policier ou du gendarme aux règles et principes définis par le présent code de déontologie l'expose à une sanction disciplinaire en application des règles propres à son statut, indépendamment des sanctions pénales encourues le cas échéant ". Aux termes de l'article 29 du décret du 9 mai 1995 fixant les dispositions communes applicables aux fonctionnaires actifs des services de la police nationale : " Le fonctionnaire actif des services de la police nationale doit, en tout temps, qu'il soit ou non en service, s'abstenir en public de tout acte ou propos de nature à porter la déconsidération sur le corps auquel il appartient ou à troubler l'ordre public ". Enfin, aux termes de l'article 113-2 de l'arrêté du 6 juin 2006 portant règlement général d'emploi de la police nationale : " Les fonctionnaires actifs de la police nationale (...) se départissent de leur dignité en aucune circonstance. Placés au service du public, ils se comportent envers celui-ci d'une manière exemplaire. (...) ". En application des dispositions précitées, les faits commis par un fonctionnaire en dehors du service peuvent constituer une faute passible d'une sanction disciplinaire lorsque, eu égard à leur gravité, à la nature des fonctions de l'intéressé et à l'étendue de ses responsabilités, ils ont eu un retentissement sur le service, jeté le discrédit sur la fonction exercée par l'agent ou sur l'administration, ou encore si ces faits sont incompatibles avec la qualité d'agent public. 7. II appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes. 8. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a, entre novembre et décembre 2019, dans le fil d'une discussion sur un réseau social, au sein d'un groupe composé notamment de plusieurs collègues de son unité, tenu à quatre reprises des propos racistes et discriminatoires, en partie sur son temps de travail, dont notamment un de ses collègues faisait l'objet. De plus, il n'a eu aucun comportement modérateur ou dissuasif des commentaires comportant des propos violemment racistes, misogynes, antisémites et discriminatoires émis par les autres membres du groupe, dont il ne peut sérieusement soutenir qu'il n'avait pas connaissance alors que certains de ces propos ont été tenus après qu'il eut intégré ce groupe. Par un jugement du 5 novembre 2021 le tribunal de police d'Evreux a reconnu M. B... coupable des faits qui lui étaient reprochés et l'a condamné au paiement d'une amende de 150 euros pour l'infraction prévue à l'article R. 625-8-1 du code pénal d'" injure non publique commise envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une prétendue race ou une religion déterminée ". Les faits reprochés à M. B... sont ainsi établis. 9. Si M. B... a commis pour partie les faits en cause en dehors de l'exercice de ses fonctions, un policier ne doit se départir de sa dignité en aucune circonstance et à aucun moment, que ce soit en service ou en dehors du service, y compris lorsqu'il s'exprime à travers les réseaux de communication électronique sociaux, et doit s'abstenir de tout acte, propos ou comportement de nature à nuire à la considération portée à la police nationale. Les faits reprochés à M. B... constituent ainsi des manquements caractérisés de l'intéressé à ses obligations statutaires et déontologiques, notamment rappelés aux articles R. 434-1 et suivants du code de la sécurité intérieure, et en particulier aux devoirs de dignité, d'intégrité et d'exemplarité qui s'imposent à tout fonctionnaire de police, et ils ont porté une atteinte grave à l'image du service public de la police nationale. Ainsi, ils sont de nature à justifier une sanction disciplinaire. 10. Eu égard à la nature et à la gravité des manquements commis par M. B..., par nature incompatibles avec la qualité de fonctionnaire de police, et alors même que ce dernier justifiait de bons états de service, le ministre de l'intérieur, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, n'a pas entaché son arrêté du 11 septembre 2020 d'une erreur d'appréciation en lui infligeant la sanction disciplinaire de révocation. Le jugement attaqué du 26 octobre 2021 doit par conséquent être annulé. 11. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés à l'encontre de la décision du 11 septembre 2020. Sur les autres moyens : 12. En premier lieu, aux termes de l'article 1er du décret du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du Gouvernement, " A compter du jour suivant la publication au Journal officiel de la République française de l'acte les nommant dans leurs fonctions ou à compter du jour où cet acte prend effet, si ce jour est postérieur, peuvent signer, au nom du ministre ou du secrétaire d'Etat et par délégation, l'ensemble des actes, à l'exception des décrets, relatifs aux affaires des services placés sous leur autorité : (...) 1° Les secrétaires généraux des ministères, les directeurs d'administration centrale, les chefs des services à compétence nationale mentionnés au premier alinéa de l'article 2 du décret du 9 mai 1997 susvisé et les chefs des services que le décret d'organisation du ministère rattache directement au ministre ou au secrétaire d'Etat ; (...) ". 13. Il ressort des pièces du dossier que M. D... A..., signataire de l'arrêté en litige, a été nommé directeur général de la police nationale au sein de l'administration centrale du ministère de l'intérieur à compter du 3 février 2020, par un décret du 29 janvier 2020, régulièrement publié au Journal officiel de la République française n° 0025 du 30 janvier 2020. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence signataire de l'arrêté contesté manque en fait et doit être écarté. 14. En deuxième lieu, aux termes de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " (...) la décision prononçant une sanction disciplinaire doivent être motivés ". Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. À cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) 2° Infligent une sanction ; (...) ". L'article L. 211-5 du même code prévoit que : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ". 15. Il ressort des termes de l'arrêté en litige que celui-ci énonce les textes dont il fait application, il énumère précisément les différents manquements reprochés à M. B... et les motifs pour lesquels ils justifient le prononcé d'une sanction. L'ensemble de ces éléments n'est nullement stéréotypé. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté. 16. En troisième lieu, l'autorité de la chose jugée au pénal s'impose à l'administration comme au juge administratif en ce qui concerne les constatations de fait que les juges répressifs ont retenues et qui sont le support nécessaire du dispositif d'un jugement devenu définitif. Les faits en cause sont établis par les pièces du dossier et par le jugement du 5 novembre 2021 du tribunal de police d'Evreux. Le moyen tiré d'une inexactitude matérielle des faits doit donc être écarté. 17. En quatrième lieu, la circonstance que le groupe Whatsapp sur lequel s'échangeaient les messages écrits incriminés de M. B... ait eu un caractère privé et non public et que ces échanges soient intervenus, en partie, en dehors du service n'empêchait pas l'autorité administrative de les prendre en compte pour apprécier le comportement de son agent et son caractère fautif. Le moyen tiré d'une erreur de droit doit donc être écarté. 18. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'intérieur et des outre-mer est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 26 octobre 2021, le tribunal administratif de Rouen a annulé l'arrêté du 11 septembre 2020 et que la demande de première instance de M. B... doit être rejetée. Les conclusions de M. B... présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence. DÉCIDE : Article 1er : Le jugement du 26 octobre 2021 du tribunal administratif de Rouen est annulé. Article 2 : La demande présentée en première instance par M. B... et ses conclusions présentées en appel sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à M. C... B.... Délibéré après l'audience publique du 7 mars 2023 à laquelle siégeaient : - Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre, - M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur, - M. Frédéric Malfoy, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 23 mars 2023. Le président-rapporteur, Signé : M. E... La présidente de chambre, Signé : G. Borot La greffière, Signé : C. Huls-Carlier La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme La greffière, C. Huls-Carlier 2 N° 21DA02968
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Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme C... a demandé au tribunal administratif de Versailles de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2013 et de prononcer le sursis de paiement de ces impositions. Par un jugement n° 1807078 du 9 avril 2021, le tribunal administratif de Versailles a jugé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions de Mme C... tendant au sursis de paiement et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire enregistrés le 7 juin 2021 et le 24 février 2022, Mme C..., représentée par Me Dumont, avocat, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des impositions en litige ; 3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le jugement attaqué est irrégulier car entaché d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation ; - les indemnités d'occupation qui lui ont été versées par l'association Le Pont de Saussay doivent être qualifiées de revenus fonciers et non de bénéfices non commerciaux, dès lors que les locaux étaient loués meublés ; elle peut opposer sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales une position formelle concernant ces indemnités d'occupation, prise par deux fois par l'administration ; - l'administration a considéré à tort qu'elle était la gérante de fait de l'association Le Pont de Saussay et que la gestion de cette association n'était pas désintéressée ; - l'administration l'a imposée à tort sur le fondement de l'article 111 c du code général des impôts alors qu'elle ne peut être considérée comme le maître de l'affaire de l'association Le Pont de Saussay ; les virements d'argent qu'elle a perçus correspondent à des remboursements de travaux d'aménagement qu'elle a effectués sur ses deniers propres ; - les pénalités ne sont pas motivées, ni justifiées ; le manquement relatif aux indemnités d'occupation est seulement qualifié matériellement, mais pas intentionnellement ; - elle a été empêchée de contrôler et de comprendre les montants réclamés dès lors que l'administration a procédé à une présentation différente des sommes à payer dans l'avis d'imposition et dans la proposition de rectification du 29 février 2016. Par un mémoire en défense, enregistré le 26 janvier 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que : - les conclusions de Mme C... ne peuvent tendre à la décharge de l'ensemble des suppléments d'impôt mis à sa charge, alors qu'elle n'a pas contesté la remise en cause de son quotient familial ; - les moyens soulevés par Mme C... ne sont pas fondés. Par ordonnance du 26 janvier 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 16 mars 2022 à 12 heures. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme A..., - et les conclusions de Mme Bobko, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. L'association Le Pont de Saussay, dont Mme E... C... était directrice salariée, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité, à l'issue de laquelle lui ont été proposées des rectifications par lettre du 19 février 2016. L'administration a par ailleurs consulté des pièces des procédures judiciaires ouvertes à l'encontre de cette association et de Mme C.... La situation fiscale de cette dernière a fait l'objet d'un contrôle sur pièces, à l'issue duquel des rectifications lui ont été proposées, par proposition de rectification du 29 février 2016, en matière d'impôt sur le revenu au titre des années 2013 et 2014. L'administration a rejeté la réclamation préalable de Mme C... puis, par décision du 18 décembre 2016 prise suite à recours hiérarchique, a abandonné la rectification relative aux travaux financés par l'association Le Pont de Saussay au titre de l'année 2014. Mme C... a contesté les suppléments d'impôt mis à sa charge et relatifs aux indemnités d'occupation et aux revenus distribués devant le tribunal administratif de Versailles et en a demandé également le sursis de paiement. Par un jugement n° 1807078 du 9 avril 2021, dont Mme C... relève appel, le tribunal administratif de Versailles a jugé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur ses conclusions tendant au sursis de paiement de ces suppléments d'impôt et a rejeté sa demande. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. Les moyens tirés de ce que les premiers juges auraient entaché le jugement attaqué d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation concernent le bien-fondé du jugement attaqué, et non sa régularité. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition : 3. En premier lieu, si Mme C... soutient que la procédure d'imposition est irrégulière, dès lors que l'administration a pris à deux reprises une position formelle concernant la qualification des indemnités d'occupation qui lui étaient versées par l'association Le Pont de Saussay, un tel moyen concerne le bien-fondé des impositions litigieuses, et non la régularité de la procédure d'imposition. 4. En deuxième lieu, Mme C... soutient qu'elle a été empêchée de contrôler et de comprendre les montants réclamés dès lors que l'administration a procédé à une présentation différente des sommes à payer dans l'avis d'imposition et dans la proposition de rectification du 29 février 2016. Toutefois, la proposition de rectification du 29 février 2016 comprend un récapitulatif concernant la détermination du revenu imposable dont les éléments sont identiques à ceux figurant dans l'avis d'imposition. Le moyen avancé doit ainsi être écarté comme manquant en fait. En ce qui concerne le bien-fondé des impositions : S'agissant des bénéfices non commerciaux : 5. Aux termes de l'article 92 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme provenant de l'exercice d'une profession non commerciale ou comme revenus assimilés aux bénéfices non commerciaux, les bénéfices des professions libérales, des charges et offices dont les titulaires n'ont pas la qualité de commerçants et de toutes occupations, exploitations lucratives et sources de profits ne se rattachant pas à une autre catégorie de bénéfices ou de revenus (...) ". Les profits réalisés par des personnes qui sous-louent à des tiers des immeubles nus dont elles sont locataires relèvent de la catégorie des bénéfices non commerciaux et non de celle des revenus fonciers. 6. Il est constant que Mme C... sous-louait une partie de son habitation à l'association Le Pont de Saussay moyennant des indemnités d'occupation que celle-ci lui versait. L'administration fiscale a considéré que cette sous-location concernait des locaux nus, dès lors que la vérification de comptabilité de cette association avait fait apparaître que cette dernière avait exposé, au titre de l'année 2013, des dépenses d'ameublement consistant en l'achat d'une machine à laver, d'un frigo, de mobilier, d'une cabine hydro et d'un chauffe-eau. Si Mme C... soutient que les locaux étaient forcément meublés lors de la visite de l'association ou du représentant du Conseil général en 2010, il ne résulte pas de l'instruction que l'accord de ces organismes était conditionné par le caractère meublé des locaux. Elle ne produit aucun contrat signé entre elle et l'association Le Pont de Saussay permettant de déterminer la consistance des locaux loués, ni aucune facture relative à l'achat de mobilier, alors que les locaux étaient destinés à accueillir dix personnes mineures. L'attestation produite en première instance de Mme B..., assistante embauchée par l'association Le Pont de Saussay, indiquant qu'elle a aidé la requérante pour l'achat de meubles et l'aménagement des chambres, ne permet pas d'établir si Mme C... a alors agi en son nom propre ou en sa qualité de directrice salariée de l'association. Par suite, c'est à bon droit que l'administration, se fondant sur les seuls éléments en sa possession en l'absence de tout document fourni par la requérante, a considéré que les locaux sous-loués étaient nus et a imposé les indemnités d'occupation dans la catégorie des bénéfices non commerciaux. S'agissant des revenus distribués : 7. Aux termes de l'article 108 du code général des impôts : " Les dispositions des articles 109 à 117 fixent les règles suivant lesquelles sont déterminés les revenus distribués par : / 1° Les personnes morales passibles de l'impôt prévu au chapitre II du présent titre (...). ". Aux termes de l'article 206 1 bis du même code : " (...) ne sont pas passibles de l'impôt sur les sociétés prévu au 1 les associations régies par la loi du 1er juillet 1901 (...) dont la gestion est désintéressée, lorsque leurs activités non lucratives restent significativement prépondérantes (...). / Les organismes mentionnés au premier alinéa deviennent passibles de l'impôt sur les sociétés prévu au 1 à compter du 1er janvier de l'année au cours de laquelle l'une des trois conditions prévues à l'alinéa précité n'est plus remplie. ". L'article 261-7 du même code dispose : " Sont exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée : (...) 7. (Organismes d'utilité générale) :1° a. les services de caractère social, éducatif, culturel ou sportif rendus à leurs membres par les organismes légalement constitués agissant sans but lucratif, et dont la gestion est désintéressée. (...) d. le caractère désintéressé de la gestion résulte de la réunion des conditions ci-après : / L'organisme doit, en principe, être géré et administré à titre bénévole par des personnes n'ayant elles-mêmes, ou par personne interposée, aucun intérêt direct ou indirect dans les résultats de l'exploitation. / Toutefois, lorsqu'une association régie par la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association (...) décide que l'exercice des fonctions dévolues à ses dirigeants justifie le versement d'une rémunération, le caractère désintéressé de sa gestion n'est pas remis en cause si ses statuts et ses modalités de fonctionnement assurent sa transparence financière, l'élection régulière et périodique de ses dirigeants, le contrôle effectif de sa gestion par ses membres et l'adéquation de la rémunération aux sujétions effectivement imposées aux dirigeants concernés (...) ". 8. Il est constant que Mme C... a pris l'initiative de créer l'association du Pont de Saussay à qui elle sous-louait une partie de son habitation et dans laquelle elle exerçait les fonctions de directrice salariée. Il ressort des procès-verbaux d'audition recueillis par l'autorité judiciaire que la présidente de l'association, Mme D..., ne rencontrait Mme C... qu'une fois par an, ne lui parlait que rarement au téléphone et se contentait de vérifier que l'association n'était pas endettée. Mme C... a reconnu au cours de son audition que Mme D... n'exerçait aucune prérogative dans le domaine éducatif, ni en ce qui concerne la gestion du site. Mme D... avait donné pouvoir à Mme C... pour prendre toute décision qu'elle jugera utile pour le fonctionnement de l'association, administratif, financier et humain, ainsi que délégation de signature sur tous les documents concernant l'association, y compris les comptes bancaires. Mme C... établissait les factures de l'association au nom du conseil général de l'Essonne, communiquait chaque mois au cabinet comptable les éléments permettant l'établissement des bulletins de salaires et effectuait le règlement des paies. Au vu de l'ensemble de ces éléments, elle doit être considérée comme la gérante de fait de l'association Le Pont de Saussay. 9. Il résulte de l'instruction que Mme C... a bénéficié, en 2013, non seulement de son salaire de directrice, d'un montant brut annuel de 47 654 euros, mais également de quatre virements provenant de l'association Le Pont de Saussay, pour un montant total de 31 680 euros. Si Mme C... soutient que ces versements correspondaient au remboursement de travaux d'aménagement qu'elle aurait effectués sur ses deniers propres pour le compte de l'association, elle n'établit pas la réalité de cette allégation en se bornant à affirmer qu'elle recherchait les pièces justificatives afférentes. Par ailleurs, l'association a payé en 2013 des dépenses privatives de Mme C... à hauteur de 5 009,35 euros, comportant, outre l'entretien et l'assurance de son véhicule personnel, la nourriture pour ses chevaux, ainsi que l'achat et l'installation, dans la salle de bain privative de l'intéressée, d'un sauna, pour un coût de 890 euros. 10. Il résulte de ce qui précède que la gestion de l'association Le Pont de Saussay ne peut être regardée comme désintéressée et que cette association était dès lors soumise à l'impôt sur les sociétés en application de l'article 206 1 bis du code général des impôts. Par suite, Mme C... pouvait être imposée dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers à raison des sommes que lui a versées cette association. 11. D'autre part, aux termes de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : (...) / c. Les rémunérations et avantages occultes ". Pour l'application de ces dispositions, il appartient à l'administration d'individualiser les sommes ou opérations qu'elle entend qualifier de revenus distribués. 12. Il résulte de ce qui a été dit au point 10 que Mme C... a bénéficié de virements d'argent de l'association Le Pont de Saussay qu'elle n'a pas été en mesure de justifier, et que cette association a pris à sa charge certaines des dépenses personnelles de la requérante, ce qu'elle ne conteste pas. Celle-ci ne peut utilement soutenir qu'elle n'est pas le maître de l'affaire de cette association, dès lors que l'administration a démontré qu'elle avait appréhendé directement les avantages occultes litigieux. Au vu de l'ensemble de ces circonstances, c'est à bon droit que l'administration a qualifié ces avantages " de rémunérations ou avantages occultes " au sens du c de l'article 111 du code général des impôts. En ce qui concerne les pénalités : 13. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré ". Pour établir le manquement délibéré, l'administration fiscale a relevé la qualité de gérante de fait de l'association Le Pont de Saussay de Mme C..., la réitération de l'omission de déclaration des indemnités d'occupation perçues, l'absence de déclaration des désinvestissements constatés et l'importance des montants encaissés par rapport aux montants déclarés. Elle a ainsi suffisamment motivé les pénalités infligées. Contrairement à ce que soutient la requérante, le manquement concernant les indemnités d'occupation est caractérisé intentionnellement par la répétition des omissions déclaratives. Enfin, Mme C... ne peut utilement soutenir que la plupart des manquements se situent au niveau de l'association et non au niveau de sa personne, dès lors que l'administration fiscale a fait ressortir, dans sa motivation, sa qualité de gérante de fait de cette association. 14. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée en défense, que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande. Par suite, sa requête doit être rejetée, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. D É C I D E : Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... C... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Délibéré après l'audience du 14 mars 2023, à laquelle siégeaient : M. Beaujard, président de chambre, Mme Dorion, présidente assesseure, Mme Pham, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mars 2023. La rapporteure, C. A... Le président, P. BEAUJARDLa greffière, A. GAUTHIER La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, La greffière, 2 N° 21VE01667
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Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. et Mme A... B... et M. C... D... ont demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du 10 février 2020 par lequel le maire de la commune Le-Malesherbois a délivré à la SCI SLA un permis de construire un ensemble de huit logements situé rue Saint Guillaume, ainsi que la décision du 29 mai 2020 rejetant leur recours gracieux, et de mettre à la charge de la commune Le-Malesherbois une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un jugement n° 2002299 du 29 avril 2021, le tribunal administratif d'Orléans a sursis à statuer sur la légalité de ce permis de construire un ensemble de huit logement collectifs sur les parcelles cadastrées AL 229, 230, 443 et 445 sur le territoire de la commune Le-Malesherbois délivré par l'arrêté du 10 février 2020, jusqu'à l'expiration d'un délai de trois mois pour permettre la notification au tribunal administratif d'Orléans d'un permis de construire modificatif régularisant les vices relevés aux points 7 et 14 dudit jugement. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés le 1er juillet 2021 et le 15 novembre 2021, M. et Mme B... et M. D..., représentés par Me Ramdenie, avocat, demandent à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) d'annuler l'arrêté du 10 février 2020, ainsi que la décision du 29 mai 2020 rejetant leur recours gracieux ; 3°) de mettre à la charge de la commune Le-Malesherbois une somme de 2 000 euros à leur verser sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les requérants soutiennent que : - l'arrêté attaqué méconnaît les dispositions énoncées par l'article UC 4 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune Le-Malesherbois ; - l'arrêté attaqué méconnaît les dispositions de l'article UC 11 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune Le-Malesherbois et de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme ; - l'arrêté attaqué méconnaît les dispositions de l'article UC 11.4 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune Le-Malesherbois relatives aux toitures ; - l'arrêté attaqué méconnaît les dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme en raison du risque de mouvements de terrain. Par un mémoire en défense, enregistré le 17 novembre 2021, la commune Le-Malesherbois, représentée par Me Touche, avocat, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de chacun des requérants une somme de 2 000 euros à lui verser sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - les requérants ne justifient pas d'un intérêt leur donnant qualité pour agir au sens de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme ; - les moyens de la requête ne sont pas fondés. Par une ordonnance du 25 novembre 2021, la clôture de l'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 30 janvier 2022, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de l'urbanisme ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme E..., - les conclusions de M. Frémont, rapporteur public, - et les observations de Me Bourdin, substituant Me Ramdenie, pour M. et Mme B... et M. D.... Considérant ce qui suit : 1. Le maire de la commune Le-Malesherbois a, par un arrêté du 10 février 2020, délivré à la SCI SLA un permis de construire un ensemble de huit logements sur un terrain situé 12 rue Saint Guillaume. Par un jugement n° 2002299 du 29 avril 2021, le tribunal administratif d'Orléans a sursis à statuer sur la demande de première instance jusqu'à la régularisation des vices retenus tirés de l'insuffisance du dossier de demande et de la méconnaissance de l'article UC 10 du règlement du plan local d'urbanisme relatif à la hauteur des constructions. M. et Mme B... et M. D... demandent l'annulation de ce jugement en tant qu'il a écarté les autres moyens soulevés à l'encontre du permis de construire accordé par un arrêté du 10 février 2020. 2. Le maire de la commune Le-Malesherbois a, par un arrêté du 15 septembre 2021, délivré un permis de construire modificatif tendant à régulariser lesdits vices. Par un jugement n° 2002299 du 22 juin 2022, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté la demande de M. et Mme B... et M. D.... Aucune requête d'appel n'a été déposée à l'encontre de ce second jugement. Sur les conclusions dirigées contre le jugement du 29 avril 2021 en tant qu'il écarte comme non fondés plusieurs moyens dirigés contre le permis de construire initial : 3. Aux termes de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme : " Sans préjudice de la mise en œuvre de l'article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation, même après l'achèvement des travaux. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. Le refus par le juge de faire droit à une demande de sursis à statuer est motivé ". 4. Lorsqu'un tribunal administratif, après avoir écarté comme non fondés des moyens de la requête, a cependant retenu l'existence d'un vice entachant la légalité du permis de construire, de démolir ou d'aménager dont l'annulation lui était demandée et a alors décidé de surseoir à statuer en faisant usage des pouvoirs qu'il tient de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme pour inviter l'administration à régulariser ce vice, l'auteur du recours formé contre ce jugement avant dire droit peut contester le jugement en tant qu'il a écarté comme non-fondés les moyens dirigés contre l'autorisation initiale d'urbanisme et également en tant qu'il a fait application de ces dispositions de l'article L. 600-5-1. Toutefois, à compter de la délivrance du permis modificatif en vue de régulariser le vice relevé, dans le cadre du sursis à statuer prononcé par le jugement avant dire droit, les conclusions dirigées contre ce jugement en tant qu'il met en œuvre les pouvoirs que le juge tient de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme sont privées d'objet. 5. En premier lieu, aux termes de l'article UC 4 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune Le-Malesherbois : " 4.2.2 Eaux pluviales / 4.2.2.1 Lorsque le réseau existe, les aménagements réalisés sur tous les terrains doivent être tels qu'ils garantissent l'écoulement des eaux pluviales dans le réseau les collectant. / 4.2.2.2 En l'absence de réseau, les constructions ou installations seront autorisées, sous réserve que le constructeur réalise à sa charge les aménagements permettant l'écoulement ou l'absorption des eaux pluviales. / 4.2.2.3 Les aménagements réalisés sur un terrain ne doivent pas faire obstacle au libre écoulement des eaux pluviales. / 4.2.2.4 Lorsque la nature du sol le permet, sur les terrains d'une surface supérieure ou égale à 300 m2, les eaux pluviales des constructions seront traitées localement (pas de rejet dans le réseau public), sauf difficultés techniques reconnues (...) ". 6. En l'espèce, si la notice paysagère et le plan de masse joints au dossier de demande du permis de construire initial prévoyaient expressément un raccordement au réseau d'assainissement pour l'évacuation des eaux pluviales, l'article 3 de l'arrêté attaqué du 10 février 2020 prévoit, conformément à l'article 4.2.2.4 précité, que les " eaux pluviales devront être infiltrées à la parcelle et recueillies à l'aide de gouttières non débordantes ", sans que ces dispositions n'imposent au pétitionnaire de réaliser une étude de sol préalablement à la délivrance du permis de construire. Si les requérants soutiennent que la nature du sol ne permettra pas cette infiltration des eaux pluviales, ils n'apportent aucun élément de nature à étayer cette allégation. Par suite, la conformité de l'autorisation de construire aux règles du plan local d'urbanisme devant être appréciée en prenant en considération les prescriptions dont le permis de construire est assorti, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées doit être écarté. 7. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales ". Aux termes de l'article UC 11.1 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune Le-Malesherbois : " 11.1.1 Compte tenu du caractère ancien du secteur UCc, en aucun cas, les constructions et installations ne doivent, par leur situation, leurs dimensions ou leur aspect extérieur, porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales. / 11.1.2 Les constructions doivent présenter une simplicité de volume, une unité d'aspect et de matériaux, en harmonie avec les constructions avoisinantes ; cette règle s'appliquant plus précisément au secteur UCc. / 11.1.3 Les constructions à édifier ou à modifier, intégrées dans un ensemble, doivent tenir compte tout particulièrement de l'ordonnance architecturale des constructions voisines. (...) ". Selon l'article 11.3 dudit règlement, relatif aux façades : " (...) 11.3.3 Les enduits doivent être de tonalité neutre et respecter les caractéristiques de l'architecture locale traditionnelle. / 11.3.4 La couleur " blanc pur " est interdite. / Dans le secteur UCc, / 11.3.5 Les matériaux utilisés pour les murs et les façades seront identiques à ceux utilisés pour les bâtiments voisins existants, en tenant compte du caractère général du site ". En vertu de l'article 11.4 de ce même règlement, relatif aux toitures : " (...) 11.4.7 Les lucarnes sont admises à l'exception des "chiens assis" et des lucarnes rampantes. Les châssis de toit peuvent être admis. / (...) Dans le secteur UCc, / 11.4.9 les matériaux utilisés pour les toitures seront identiques à ceux utilisés pour les bâtiments voisins existants, en tenant compte du caractère général du site. / 11.4.10 Un seul niveau de comble est autorisé dans la toiture. / (...) 11.4.12 Les toitures seront à l'exclusion de tous autres matériaux traditionnels ou modernes, couvertes en petites tuiles plates de terre cuite naturelle ou des matériaux d'aspect et de teinte similaires, respectant une densité de 62 tuiles au m2, de ton brun-rouge ou en ardoises naturelles ". Les dispositions précitées de l'article UC 11 ont le même objet que celles de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme et posent des exigences qui ne sont pas moindres. Dès lors, c'est par rapport aux dispositions du règlement du plan local d'urbanisme que doit être appréciée la légalité du permis de construire attaqué. 8. Il résulte de ces dispositions que, si les constructions projetées portent atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ou encore à la conservation des perspectives monumentales, l'autorité administrative compétente peut refuser de délivrer le permis de construire sollicité ou l'assortir de prescriptions spéciales. Pour rechercher l'existence d'une atteinte de nature à fonder le refus de permis de construire ou les prescriptions spéciales accompagnant la délivrance de ce permis, il lui appartient d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site sur lequel la construction est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette construction, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site. Les dispositions de cet article excluent qu'il soit procédé, dans le second temps du raisonnement, à une balance d'intérêts divers en présence, autres que ceux mentionnés par cet article et, le cas échéant, par le plan local d'urbanisme de la commune. 9. Il ressort du règlement de la zone UC du plan local d'urbanisme de la commune Le-Malesherbois que le secteur " UCc " correspond aux " hameaux originels de Malesherbes : Pinson, Trézan et Rouville " dans lesquels " l'habitat ancien prédomine. Les constructions sont majoritairement à l'alignement de la voie. Leur hauteur ne dépasse pas 7 m au faîtage, soit rez-de-chaussée + combles ". 10. En l'espèce, le hameau est composé d'anciennes constructions, composées pour certaines de plusieurs volumes accolés, ne présentant pas une unité architecturale affirmée. Il ressort des pièces du dossier que le projet prévoit la réalisation de huit logements individuels en duplex répartis en trois volumes accolés. D'une part, la circonstance que le projet prévoit la réalisation de logements collectifs alors que le quartier n'héberge que des logements individuels est sans incidence sur le respect des dispositions de l'article UC 11 qui ne visent que l'insertion du projet dans son environnement. D'autre part, la composition du bâtiment en trois volumes de type " R + combles " ne porte pas atteinte au caractère des lieux avoisinants dès lors qu'il ressort des pièces du dossier que plusieurs constructions voisines présentent un tel gabarit et que la composition en volumes permet des décrochés qui évitent une linéarité de façade trop importante. La circonstance que l'accès aux habitations se ferait par des baies vitrées, contrairement à ce qui se pratique dans le quartier, n'est pas non plus de nature à caractériser une atteinte aux lieux avoisinants. Par ailleurs, contrairement à ce que soutiennent les requérants, il ressort des pièces du dossier que plusieurs constructions voisines sont implantées en retrait par rapport à la voie publique de telle sorte que l'implantation retenue par le projet, au demeurant conforme à l'article UC 6 du règlement du plan local d'urbanisme, n'est pas de nature à porter atteinte aux lieux avoisinants. Enfin, si les requérants soutiennent que la couleur retenue pour les façades et la réalisation de la toiture en ardoise ne sont pas en harmonie avec les constructions existantes, il ressort des différentes photographies produites par les parties que plusieurs constructions implantées dans l'environnement immédiat du projet sont revêtues d'une toiture en ardoise tandis que la couleur " ton pierre " retenue pour les façades, au demeurant expressément autorisée par le règlement du plan local d'urbanisme, n'est pas incohérente avec les teintes déjà constatées dans le hameau. 11. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que par un arrêté du 15 septembre 2021, le maire de la commune Le-Malesherbois a accordé à la SCI SLA un permis de construire modificatif aux termes duquel les lucarnes ont été supprimées au profit d'ouvertures en châssis de toit et l'escalier extérieur a été supprimé au profit d'escaliers intérieurs. Par suite, les moyens tirés de ce que les lucarnes et l'escalier extérieur initialement prévus par le permis de construire initial porteraient atteinte au caractère des lieux avoisinants doivent être écartés alors, au surplus, qu'il ressort des pièces du dossier que de nombreuses constructions voisines disposent de châssis de toit équivalents. 12. En dernier lieu, aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations ". 13. Les requérants soutiennent que le terrain d'assiette du projet est situé dans une zone de mouvements de terrain liés à la présence d'anciennes carrières. S'il ressort en effet des pièces du dossier que la commune Le-Malesherbois est en partie située en zone d'aléa faible à moyen pour les retraits et gonflements d'argile et est concernée par la présence de cavités, aucune cavité ou carrière ne se situe au droit du terrain d'assiette du projet et le risque de mouvement de terrain allégué n'est pas établi dans ce secteur. En outre, la circonstance, à la supposer avérée, qu'une décharge sauvage ait été constituée à proximité du terrain d'assiette du projet ne suffit pas à justifier que le projet ferait courir un risque pour la salubrité publique en raison d'infiltrations dans la nappe phréatique. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que le maire aurait entaché son arrêté d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions précitées de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme doit être écarté, alors qu'il n'était en outre pas tenu de solliciter la réalisation d'une étude de sol préalablement à la délivrance dudit permis. 14. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la demande de première instance, que M. et Mme B... et M. D... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté leur demande. Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : 15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune Le-Malesherbois, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que les requérants demandent à ce titre. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge solidaire de M. et Mme B... et M. D... une somme de 2 000 euros à verser à la commune Le-Malesherbois sur le fondement des mêmes dispositions. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. et Mme B... et M. D... est rejetée. Article 2 : M. et Mme B... et M. D... verseront solidairement à la commune Le-Malesherbois une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme F... A... B..., à M. C... D..., à la commune Le Malesherbois et à la SCI SLA. Délibéré après l'audience du 9 mars 2023, à laquelle siégeaient : M. Even, président de chambre, Mme Bonfils, première conseillère, Mme Houllier, première conseillère, Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 mars 2023. La rapporteure, S. E...Le président, B. EVENLa greffière, C. RICHARD La République mande et ordonne au préfet du Loiret en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme La greffière, 2 N° 21VE02054
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Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. et Mme C... D... ont demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler la délibération du 28 janvier 2020, par laquelle le conseil municipal de la commune de la Forêt-le-Roi a approuvé le plan local d'urbanisme de cette commune, en tant qu'elle classe la parcelle cadastrée ZA 556 en zone naturelle, d'enjoindre à la commune de la Forêt-le-Roi de classer ladite parcelle en zone Ub ou, à titre subsidiaire, de désigner le bâtiment situé sur cette parcelle comme pouvant faire l'objet d'un changement d'usage sur le fondement de l'article L. 151-11 du code de l'urbanisme ou de classer ladite parcelle en zone AU et, en tout état de cause, de mettre à la charge de la commune de la Forêt-le-Roi une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens de l'instance. Par un jugement n° 2002302 du 3 mai 2021, le tribunal administratif de Versailles a rejeté cette demande et les conclusions présentées par la commune de la Forêt-le-Roi sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés le 1er juillet 2021 et le 18 octobre 2022, M. et Mme D..., représentés par Me Moncalis, avocate, demandent à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) d'annuler cette délibération en tant qu'elle classe en zone naturelle la parcelle cadastrée ZA 556 ; 3°) d'enjoindre à la commune de la Forêt-le-Roi de classer la parcelle cadastrée ZA 556 en zone Ub ou, à titre subsidiaire, de désigner le bâtiment situé sur cette parcelle comme pouvant faire l'objet d'un changement d'usage sur le fondement de l'article L. 151-11 du code de l'urbanisme ou de classer ladite parcelle en zone AU ; 4°) de mettre à la charge de la commune de la Forêt-le-Roi une somme de 3 000 euros à leur verser sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens de l'instance. M. et Mme D... soutiennent que : - ils justifient d'un intérêt leur donnant qualité pour agir ; - leur requête est recevable dès lors qu'elle a été introduite dans le délai de recours de deux mois et qu'elle est dispensée de notification au titre de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme ; - le classement en zone naturelle de la parcelle cadastrée ZA 556 est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ; - l'accès au terrain se fait directement par la voie publique ; - le terrain ne présente pas une forte déclivité ; - il n'est pas situé dans une zone naturelle à protéger ; - son classement ne correspond pas aux objectifs du projet d'aménagement et de développement durables, ni aux caractéristiques de la zone naturelle décrite par le règlement ; - le terrain est desservi par les réseaux ; - le bâtiment présent sur la parcelle pourrait faire l'objet d'un changement de destination et aurait pu être identifié à ce titre sur le fondement de l'article L. 151-11 du code de l'urbanisme ; - le classement en zone AU de la parcelle correspondrait aux objectifs du projet d'aménagement et de développement durable et aux caractéristiques du terrain. Par un mémoire en défense, enregistré le 29 novembre 2021, la commune de la Forêt-le-Roi, représentée par Me de Broissia, avocate, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge des requérants une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés. Par une ordonnance du 25 octobre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 14 novembre 2022, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de l'urbanisme ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme A..., - les conclusions de M. Frémont, rapporteur public, - et les observations de Me Moncalis, pour M. et Mme D... et E... pour la commune de La Forêt-le-Roi. Considérant ce qui suit : 1. Le conseil municipal de la commune de la Forêt-le-Roi a, par une délibération du 28 janvier 2020, approuvé le plan local d'urbanisme de cette commune. M. et Mme D..., propriétaires d'une parcelle cadastrée ZA 556, demandent à la cour d'annuler le jugement n° 2002302 du 3 mai 2021 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté leur demande tendant à l'annulation de cette délibération en tant qu'elle classe leur parcelle en zone naturelle. Sur la légalité de la délibération attaquée : 2. Aux termes de l'article R. 151-24 du code de l'urbanisme : " Les zones naturelles et forestières sont dites " zones N ". Peuvent être classés en zone naturelle et forestière, les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison : / 1° Soit de la qualité des sites, milieux et espaces naturels, des paysages et de leur intérêt, notamment du point de vue esthétique, historique ou écologique ; / 2° Soit de l'existence d'une exploitation forestière ; / 3° Soit de leur caractère d'espaces naturels ; / 4° Soit de la nécessité de préserver ou restaurer les ressources naturelles ; / 5° Soit de la nécessité de prévenir les risques notamment d'expansion des crues ". 3. Il appartient aux auteurs d'un plan local d'urbanisme de déterminer le parti d'aménagement à retenir pour le territoire concerné par le plan, en tenant compte de la situation existante et des perspectives d'avenir, et de fixer en conséquence le zonage et les possibilités de construction. Il résulte des dispositions précitées que le classement en zone naturelle peut concerner des zones à protéger en raison de leur caractère naturel et de la nécessité de préserver ou restaurer les ressources naturelles, alors même qu'elles seraient desservies ou destinées à être desservies par des équipements publics et seraient situées à proximité immédiate de zones construites et que les auteurs du plan peuvent classer en zone naturelle, pour les motifs énoncés à l'article R. 151-24, un secteur qu'ils entendent soustraire, pour l'avenir, à l'urbanisation. Leur appréciation sur ces différents points ne peut être censurée par le juge administratif qu'au cas où elle serait entachée d'une erreur manifeste ou fondée sur des faits matériellement inexacts. 4. Il ressort du projet d'aménagement et de développement durables que les auteurs du plan local d'urbanisme ont entendu " maîtriser le développement du village dans le respect du cadre de vie " en définissant " une enveloppe bâtie " et de " modérer la consommation de l'espace et lutter contre l'étalement urbain " en limitant le mitage et en opérant " le développement uniquement sur le village ". A cet égard, le règlement de la zone " N " définit cette zone comme correspondant " aux secteurs à protéger en raison de la qualité des sites, des milieux naturels et des paysages ". 5. Or, en l'espèce, la parcelle cadastrée ZA 556, qui ne supporte pour seule construction qu'un hangar agricole et est autrement aménagée en jardin et en potager, est située à l'extérieur de l'enveloppe bâtie définie par le règlement graphique du plan local d'urbanisme de la commune de la Forêt-le-Roi pour éviter l'étalement urbain et a été désignée comme une zone de protection des boisements. Si cette parcelle, qui était au demeurant déjà classée en zone naturelle sous l'empire du précédent document d'urbanisme, est en lisière, au Sud et à l'Ouest, de quelques parcelles classées en zone urbaine, elle ne saurait être regardée comme une " dent creuse " dès lors qu'elle se situe dans la continuité d'une vaste zone naturelle et d'un espace boisé classé. En outre, la circonstance que la parcelle serait desservie par les réseaux et par une voie d'accès carrossable ne fait pas obstacle à ce qu'elle puisse être classée en zone naturelle alors, au demeurant, que l'accès au terrain pour les véhicules se fait au moyen d'une ruelle étroite se prolongeant en un chemin rural engazonné au droit de la propriété. Dans ces conditions, eu égard notamment au parti d'aménagement retenu par les auteurs du plan local d'urbanisme, à la situation de la parcelle et à la configuration des lieux, le classement en zone naturelle de cette parcelle n'est entaché ni d'une erreur de fait, ni d'une erreur manifeste d'appréciation. 6. En outre, si les requérants soutiennent que leur parcelle aurait pu être classée en zone AU afin de leur permettre d'envisager un changement de destination du bien, il résulte de ce qui précède, et plus particulièrement du point 3, qu'il appartient aux auteurs d'un document d'urbanisme de déterminer le classement applicable aux parcelles en fonction des partis d'aménagement retenus, sans qu'il ne ressorte en l'espèce des pièces du dossier que le classement en zone naturelle serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation. 7. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 151-11 du code de l'urbanisme : " I. - Dans les zones agricoles, naturelles ou forestières, le règlement peut : (...) / 2° Désigner, en dehors des secteurs mentionnés à l'article L. 151-13, les bâtiments qui peuvent faire l'objet d'un changement de destination, dès lors que ce changement de destination ne compromet pas l'activité agricole ou la qualité paysagère du site. Le changement de destination est soumis, en zone agricole, à l'avis conforme de la commission départementale de la préservation des espaces agricoles, naturels et forestiers prévue à l'article L. 112-1-1 du code rural et de la pêche maritime, et, en zone naturelle, à l'avis conforme de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites. / (...) ". 8. Si les requérants doivent être regardés comme soutenant que le plan local d'urbanisme aurait dû identifier le hangar agricole édifié sur leur parcelle cadastrée ZA 556 comme un bâtiment pouvant faire l'objet d'un changement de destination, la commune n'était pas tenue de procéder à cette identification alors que le projet de changement de destination n'est au demeurant pas clairement déterminé par les requérants. 9. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme D... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté leur demande. Par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées. Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : 10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de la Forêt-le-Roi, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. et Mme D... demandent à ce titre. Par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. et Mme D... le versement de la somme que commune de la Forêt-le-Roi demande sur le fondement des mêmes dispositions. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. et Mme D... est rejetée. Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de la Forêt-le-Roi sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D..., à Mme B... D... et à la commune de la Forêt-le-Roi. Délibéré après l'audience du 9 mars 2023, à laquelle siégeaient : M. Even, président de chambre, Mme Bonfils, première conseillère, Mme Houllier, première conseillère, Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 mars 2023. La rapporteure, S. A...Le président, B. EVENLa greffière, C. RICHARD La République mande et ordonne au préfet de l'Essonne en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme La greffière, 2 N° 21VE01914