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Indonésie : comment les secours s’organisent-ils après le tsunami ?
Caroline Scholtes, de Médecins sans frontières, fait le point sur la situation en Indonésie après le tsunami qui a frappé le pays le 22 décembre et fait 430 morts.
morts. Six jours après le raz-de-marée qui a frappé l’Indonésie le 22 décembre, les pluies diluviennes ralentissent les secouristes à la recherche de rescapés et des milliers de personnes sont toujours déplacées. Le dernier bilan fait état de 430 morts et 1 495 blessés. L’Indonésie est souvent victime d’éruptions volcaniques et de séismes. Il y a seulement trois mois, un tremblement de terre avait tué plus de 2 000 personnes autour de la ville de Palu. Alors, comment s’organisent les secours ? Nous avons posé la question à Caroline Scholtes, l’une des responsables des programmes médicaux de Médecins sans frontières, qui suit l’équipe de MSF sur place.
27/12/2018
planete
https://www.lemonde.fr/planete/video/2018/12/27/comment-les-secours-s-organisent-ils-apres-le-tsunami-en-indonesie_5402817_3244.html
« Il existe en France une conscience collective que le dérèglement climatique est déjà là »
Le succès de la pétition « L’Affaire du siècle » montre que la société française a pris la mesure de l’enjeu, explique Lucile Schmid, vice-présidente du think tank La Fabrique écologique.
Marche pour le climat à Paris le 8 décembre. JACQUES DEMARTHON / AFP Lancée par quatre associations de défense de l’environnement, la pétition « L’Affaire du siècle » a récolté plus de 1,8 million de signatures favorables à une action en justice contre l’Etat. Lucile Schmid, vice-présidente du think tank La Fabrique écologique, auteure avec Catherine Larrère et Olivier Fressard de L’écologie est politique (Les Petits Matins, 2011), et ancienne membre du bureau exécutif d’Europe Ecologie-Les Verts, analyse les raisons de cet engouement. Comment expliquez-vous cette forte mobilisation ? C’est un témoignage frappant du moment de cristallisation que nous vivons. Il existe désormais en France une conscience collective que le dérèglement climatique est déjà là, que les arbres, les oiseaux, les espèces autour de nous disparaissent. Ce n’est plus une menace, c’est une réalité et les citoyens l’ont compris. Pour eux, les déclarations politiques ne créent aucun changement de cap. Ce sont l’incohérence et la négligence des pouvoirs qui sont dénoncées. Le mouvement des « gilets jaunes » joue un rôle d’accélérateur de l’entrée dans la réalité de l’écologie. Jusqu’à présent, cette transformation avait été mise en œuvre de façon technocratique. Lors du référendum sur l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, par exemple, le pouvoir avait misé sur le camp hostile à l’écologie. Mais en deux ans, la société a changé. Les citoyens s’intéressent aux enjeux écologiques avec plus de force que le pouvoir. Il est frappant que des « gilets jaunes » aient dénoncé l’injustice fiscale et non l’écologie, et que la jonction se soit faite entre manifestations le 8 décembre. Mais il reste à inventer une écologie populaire, qui repose sur la justice sociale. Quel est le profil des signataires ? Le site de la pétition ne communique pas les noms des signataires. Mais il est clair que lorsqu’un texte recueille un tel nombre de signatures, toutes les générations et tous les milieux sociaux sont concernés. Il y a les jeunes et des youtubeurs. En associant Juliette Binoche et Marion Cotillard à Pablo Servigne, l’un des créateurs du concept de « collapsologie », cette pétition s’adresse à un public divers. L’idée d’attaquer l’Etat – inspirée de l’action de l’ONG néerlandaise Urgenda – est de nature à plaire à des personnes issues d’horizons variés. Nous avons en France la nostalgie d’un Etat-providence. Quoi de plus tentant que de le transposer à l’écologie ! Le problème, c’est que nous assistons à un rétrécissement des pouvoirs de l’Etat, à une dérégulation qui interdit le contrôle de certains lobbies et à une perte de contenu de ce qu’on appelait « intérêt général ».
27/12/2018
climat
https://www.lemonde.fr/climat/article/2018/12/27/il-existe-en-france-une-conscience-collective-que-le-dereglement-climatique-est-deja-la_5402811_1652612.html
Alexandre Benalla n’a pas restitué ses passeports diplomatiques
Contrairement à ce qu’il avait dit, l’ex-chargé de mission a obtenu ces documents trois semaines après sa mise à pied.
L’ancien chargé de mission de l’Elysée Alexandre Benalla, devant la commission d’enquête du Sénat, en septembre 2018. ALAIN JOCARD / AFP Mercredi 26 décembre, alors qu’Alexandre Benalla répondait au Monde au sujet de ses différents déplacements en Afrique, il déclarait qu’il ne disposait plus de passeport diplomatique français. Contrairement à ce qu’il affirmait, c’est pourtant bien avec un document de ce type que l’ancien chargé de mission de l’Elysée a effectué plusieurs voyages ces derniers mois, comme l’a révélé Mediapart. Le Monde a pu consulter une copie de l’un des deux documents. Le passeport diplomatique a été délivré le 24 mai 2018, soit plus de trois semaines après la mise à pied décidée par l’Elysée – consécutive aux violences qu’il avait commises le 1er mai et pour lesquelles il est notamment mis en examen pour « violences volontaires ». Le document est valide jusqu’au 19 septembre 2022. Selon nos informations, c’est avec ce passeport qu’il a voyagé dans certains pays d’Afrique qu’il a visités en tant que « consultant » (comme il définit aujourd’hui ses nouvelles fonctions) en novembre et en décembre, période durant laquelle il s’est entre autres rendu au Congo-Brazzaville, au Cameroun et au Tchad. Pour chacun de ces déplacements, il était accompagné de l’homme d’affaires franco-israélien Philippe Hababou Solomon, spécialisé dans la diplomatie privée sur le continent. Celui qui a « pris M. Benalla en apprentissage », comme il l’a expliqué au Monde, conseille notamment le Qatar en matière de diplomatie et d’investissement en Afrique. Tous deux comptent prochainement se rendre au Sénégal pour y rencontrer le chef d’Etat, Macky Sall, disposé, assurent-ils, à les recevoir. Lire notre enquête : Comment Alexandre Benalla s’est reconverti dans la diplomatie privée en Afrique Engagé à les restituer Interrogé jeudi sur ces nouvelles révélations, Alexandre Benalla n’a pas donné suite aux sollicitations du Monde. Tout comme l’Elysée, qui a laissé le ministère des affaires étrangères expliquer dans un communiqué que les documents lui avaient été officiellement réclamés le 26 juillet, soit après son licenciement. La lettre, adressée par recommandé avec accusé de réception, a été retirée par une personne munie d’un pouvoir de M. Benalla le 6 août. En outre, note le ministère, le 23 mai, Alexandre Benalla s’était engagé à restituer ses deux passeports après avoir quitté ses fonctions. Dans son communiqué, le Quai d’Orsay précise que « le passeport diplomatique est un titre de voyage, visant à faciliter les déplacements de son titulaire, dans le cadre de ses fonctions officielles », et conclut : « Toute utilisation depuis lors de ces passeports aurait été faite en dépit des engagements pris par l’intéressé. » Lors de son audition sous serment devant la commission d’enquête du Sénat, le 19 septembre, M. Benalla avait confirmé le renouvellement de son passeport diplomatique le 24 mai 2018, « une procédure administrative classique » selon lui. « Les titres dont il s’agit sont restés dans le bureau que j’occupais à l’Elysée », assurait-il alors. Sur son audition du mois de septembre : face aux sénateurs, un homme finalement prolixe et « précis » Ces révélations interviennent au plus mauvais moment pour la présidence de la République alors que des questions se posent sur les missions exercées dans des pays d’Afrique francophone par Alexandre Benalla depuis son départ de l’Elysée. Sa présence au Tchad début décembre, où il a rencontré le président Idriss Déby, trois semaines avant la visite officielle d’Emmanuel Macron, a profondément embarrassé l’Elysée. Le 22 décembre, le directeur du cabinet de la présidence de la République a enjoint fermement Alexandre Benalla à ne pas se revendiquer « d’une quelconque recommandation ou appui tacite de la présidence de la République ». Une lettre transmise « pour information » au procureur de la République de Paris. « C’est eux qui créent la polémique » Entre Paris et Londres, où il s’est établi avec son épouse et son jeune enfant, M. Benalla dénonce une « cabale » de la part de certains conseillers « technos » d’Emmanuel Macron à l’Elysée. « Quand j’apprends qu’une des plus hautes autorités de l’Elysée a appelé un ministre à Bercy il y a douze jours pour demander à [la cellule de renseignement financier] Tracfin de faire des vérifications me concernant, je me pose des questions », a-t-il déclaré au Monde le 26 décembre sans plus de précisions. Et de moquer la stratégie de communication de la présidence : « C’est eux qui créent la polémique. » Le ministère des affaires étrangères n’exclut pas de donner des suites, « y compris judiciaires », sur l’usage des passeports diplomatiques par M. Benalla pour des déplacements personnels ou dans le cadre de missions pour le compte de sociétés privées. Au Cameroun comme au Tchad, l’ancien chargé de mission de l’Elysée était, selon nos informations, dans une délégation mandatée par des sociétés détenues notamment par des acteurs gouvernementaux du Qatar et de la Turquie.
27/12/2018
societe
https://www.lemonde.fr/societe/article/2018/12/27/alexandre-benalla-utilise-un-passeport-diplomatique-pour-voyager-selon-mediapart_5402808_3224.html
Au Mali, l’amour impossible de Mariame la noble et Oumar le griot
Amour et sexualité : avoir 20 ans en Afrique de l’Ouest (5). Aminata Adama Keïta a recueilli le témoignage d’une jeune femme dont l’idylle a été brisée par le tabou du mariage intercaste.
Bande de copains à Bamako, au Mali en décember 2017. Vincent Tremeau/FFMuskoka Dans mon pays, le Mali, beaucoup de jeunes s’interdisent de rêver à une union avec l’élu de leur cœur ou voient leur projet de mariage avorté parce qu’ils sont issus de clans différents. Pourtant, ce système d’organisation sociale, hérité de la période médiévale, est aboli depuis longtemps. Et il n’avait pas été institué pour créer une hiérarchie de valeur des individus, comme le croient encore moult personnes aujourd’hui, mais pour organiser les devoirs des uns et des autres au sein de la société malienne. Présentation de notre série Amour et sexualité : avoir 20 ans en Afrique de l’Ouest Selon la tradition orale de mon pays, il existait trente clans : les hommes libres, les griots, les marabouts, les artisans, les forgerons, etc. Ces groupes familiaux étaient fondés sur l’appartenance à un ancêtre commun. Dans mon cas, c’est Soudjata Keïta, le premier des nobles, roi de l’empire du Mali. Mariages prohibés Ces clans ont été répertoriés lors de la constitution de la toute première charte de droits fondamentaux, en 1236. La charte dite de Kurukan Fuga, ou du Manden, fut établie par le roi Soundjata Keïta et un collège de généraux, de sages et de hauts dignitaires de l’empire. Un homme libre n’était guère supérieur à un griot. Les deux n’avaient tout simplement pas les mêmes fonctions sociales. Extrait du manuscrit de la charte du Manden datant de 1236. CC 2.0 Le griot était la mémoire des faits passés, le réconciliateur. L’homme libre, lui, était considéré comme un valeureux guerrier, une personne qui avait la mission de défendre le territoire contre les ennemis, au prix de sa vie. Le marabout, quant à lui, facilitait la vulgarisation de l’islam et représentait l’autorité religieuse. Les artisans, eux, fabriquaient d’innombrables objets ou remplissaient différentes tâches pour satisfaire les besoins de la communauté, élevant parfois leur savoir-faire au rang d’art. Parmi ces artisans, les forgerons occupaient une place tout à fait à part. Alors, si certains mariages interclaniques étaient prohibés, c’était pour assurer la pérennité de la structure sociale et garantir qu’un ensemble précis de responsabilités continuerait à être assuré. Carte extraite du manuscrit de la charte du Manden datant de 1236. CC 2.0 Aujourd’hui, ces divisions sociales perdurent dans les mentalités. Et, si certaines familles sont parvenues à s’en affranchir, la majorité des Maliens s’opposent toujours aux mariages intercastes. Mariame* est de ces jeunes qui ont souffert de cet interdit. Issue d’une famille « noble », elle est tombée amoureuse d’un griot, Oumar. Elle a accepté de nous raconter son histoire. Celle d’un amour impossible. Témoignage. Pour tout ce qui me torture le cœur, je deviens amnésique. Je doute donc que vous aurez la plénitude des faits, mais je tâcherai de rester le plus fidèle à ma mémoire. Oumar* et moi nous sommes connus en classe de première. Il était le pote du petit ami de ma meilleure amie. On se voyait donc souvent tous les quatre au parc botanique pour papoter. Après les années de lycée, on s’est perdus de vue et voilà qu’un beau jour on se retrouve chez nos amis respectifs qui concrétisaient alors leur projet de fiançailles. Nous avons gardé contact. Connaissant son nom de famille – Kouyaté –, je n’envisageais aucune relation. Il était fils de griot. Toujours est-il que je le portais en estime. Il était terriblement intelligent et agréable à écouter. Au fil du temps, nous avons tissé une amitié très forte qui s’est transformée en un sentiment d’affection, d’attachement mutuel qu’on peut même appeler amour. La fille sage que je suis a tout de suite décliné ses avances alors même que mon cœur brûlait d’amour. Nous avons maintenu cette relation amicale à laquelle je tenais immensément. A sa demande, il est venu à la maison pour faire la connaissance de mes parents. Après son départ, mon père m’a parlé ainsi : « J’espère que votre relation n’ira pas au-delà de ce que tu prétends, Mariame, tu sais déjà que… » J’ai tranché : « Ne t’inquiète pas, ce n’est qu’un ami. » Pourtant, il n’a pas fallu longtemps pour que mon cœur démente ces mots. Cet amour, devenu indomptable, m’a poussée à lui dire oui. C’était le 12 juin 2011. J’étais très très amoureuse et lui aussi. Nous étions beaux ensemble, franchement. C’était fusionnel, comme dans les livres. Je suis une boulimique d’Harlequin. Le spectre de la caste a refait surface lorsque nous avons décidé de nous fiancer. Mon père m’a immédiatement ordonné de rompre, mais il est trop tard pour s’incliner quand le cœur est tombé. Affronter le monde entier J’étais là dans un engrenage horrible. D’une part je l’aimais et d’autre part je ne voulais pas chagriner mes parents, surtout mon père dont j’étais proche. Je ne pouvais pas accepter de perdre ma famille. Je savais avoir besoin d’elle durant mes jours sombres. Ici, en Afrique, on a toujours besoin du consentement parental pour attirer la bonne fortune sur son ménage. Devoir me battre contre ma famille m’était vraiment difficile. Certains jours, sous la pression, j’avais juste envie de tout arrêter, mais Oumar revenait à la charge et n’a cessé de me prouver par son amour que notre histoire valait la peine d’être vécue. Bal d’étudiants à Bamako en 1951. AFP Témoin de mon supplice durant ces trois années, mon oncle a décidé de m’épauler. Las, ce soutien a cédé face au refus de mon père, intraitable. Il ne voulait pas que sa fille soit l’exception. Vous l’aurez compris, je n’étais pas un cas isolé dans ma famille. Beaucoup avaient lâché prise avant moi. Dès lors, les liens avec mon père se sont fissurés. Je continuais à voir en cachette mon seul réconfort bien qu’on ait failli rompre. Affronter le monde entier rapproche, certes, mais comme tous les couples nous avions aussi nos disputes, qui venaient s’ajouter au reste. Mais nous avons réussi à surmonter ces épreuves. Alors un petit bout d’espoir a commencé à revivre en moi. Jetée comme une poubelle Oumar était l’homme avec lequel je me voyais dans le futur, en dépit de tout. Cette conviction étant réciproque, nous avons consommé notre amour, et je suis tombée enceinte. Je me suis tournée vers mon père, mon confident, pensant qu’il comprendrait mon désarroi et me soutiendrait. Mais c’était mal le connaître. Ce jour-là, il m’a bannie et jetée hors de sa maison telle une poubelle devant toute ma famille et devant Oumar. Je me rappelle encore les larmes de mon grand frère qui se demandait comment j’en étais arrivée là. J’ai séjourné chez mon oncle, entourée de mes cousines qui ont été d’un grand soutien. Hélas, le poids de la détresse a entraîné une fausse couche. Mon oncle, soulagé, en a informé mon père et l’a calmé. Puis il m’a ramenée à la maison en me faisant promettre de cesser de voir Oumar. Je n’ai pas cédé, mais j’étais à bout. Quelque chose s’était brisé en moi. C’était tellement inhumain. C’est une triste histoire avec une sale fin. En fin de compte, ces trois ans ont complètement gâché ma relation avec mon père. Aujourd’hui, j’en porte toujours les séquelles. Il m’a tourné le dos par orgueil, un sale orgueil, quand j’avais le plus besoin de lui. Je ne suis pas rancunière, loin de là, mais mon cœur ne me permettra jamais d’oublier. Pour lui, c’était une absurdité monumentale d’aimer un griot. Pourtant, ce fut la plus belle chose qui me soit arrivée. *Les prénoms ont été changés. Aminata Adama Keïta Malienne de 19 ans a été nommée championne nationale de poésie de son pays en 2015. Musulmane pieuse et voilée, elle puise son inspiration poétique dans la littérature française. Son ouvrage favori est La Dame aux camélias d’Alexandre Dumas fils. Elle aime écrire sur les thèmes qui étouffent la jeunesse de son pays : mariage forcé, misère sexuelle, chômage, qu’elle met en vers ou en prose. Cette série a été réalisée dans le cadre d’un partenariat avec le Fonds français Muskoka. Aminata Adama Keïta (Bamako)
27/12/2018
afrique
https://www.lemonde.fr/afrique/article/2018/12/27/au-mali-l-amour-impossible-de-mariame-la-noble-et-oumar-le-griot_5402802_3212.html
Gérard Bras : « Le “peuple”, c’est la fraction qui ambitionne d’être le tout »
Le philosophe Gérard Bras revient sur les distinctions lexicales pratiquées dans l’Antiquité, afin de saisir pleinement le sens des termes « peuple » et « démocratie » : « populus », « plebs », « vulgus » à Rome ; « dèmos », « ethnos », « génos » à Athènes.
GIUZEPPE RAGAZZINI Gérard Bras est philosophe. Il a mené dans son nouvel ouvrage, Les Voies du peuple. Eléments d’une histoire conceptuelle (éd. Amsterdam, 368 pages, 20 euros), une enquête sur les usages du terme « peuple » et de l’appel au peuple en politique, du XVIIIe siècle à nos jours. Saisir le sens du mot implique de faire jouer les distinctions qui nous viennent de l’Antiquité. La notion de peuple est embarrassante, celle de populisme aussi. Pour amorcer la réflexion, on peut revenir à la façon dont Rome a pensé le peuple. Quelles sont les grandes catégories structurantes ? Le latin distingue trois termes : le populus, qui a une signification essentiellement politique, puisqu’il désigne les hommes libres non patriciens qui faisaient partie de la légion. La plebs désigne, à rebours, tous ceux qui n’appartiennent pas au populus tout en n’étant pas esclaves, soit les plus pauvres, les proletarii. On a donc une distinction bien marquée entre une signification militaro-politique et une signification sociale. Et, enfin, il y a un troisième terme, vulgus, qui qualifie péjorativement le peuple par son ignorance, son inculture. On glisse évidemment facilement du statut social de pauvre au statut culturel de vulgaire. Le français a perdu ces distinctions. Mais les connotations restent là : quand on parle de populisme, par exemple, on suggère que le peuple est ignorant et xénophobe (vulgus) et que le démocrate décide, lui, par la volonté du peuple (populus). « Cicéron dit que le peuple, c’est l’ensemble de ceux qui reconnaissent les principes du droit. Or, la modernité va renverser ce principe : le peuple, c’est celui qui fait le droit. » Cicéron donne une définition du populus dans De republica : il dit que le peuple, c’est l’ensemble de ceux qui reconnaissent les principes du droit. Or, ce qui est intéressant, c’est que la modernité va renverser ce principe : le peuple, c’est celui qui fait le droit. Chez les Anciens, le droit est établi par la raison ; chez les Modernes, c’est le produit d’une volonté collective. Néanmoins, la notion de « droits de l’homme » de 1789 soutient qu’il y a des droits imprescriptibles, dont la résistance à l’oppression, qui doivent être garantis par la république. Et n’oublions pas qu’en face du peuple il y a les patriciens. Un épisode est crucial dans ce face-à-face : c’est le retrait de la plèbe sur l’Aventin en – 494. Tite-Live raconte que la plèbe refuse d’aller faire la guerre. Les patriciens sont obligés de négocier. Le résultat de cette action collective, c’est le début du tribunat : on nomme des tribuns, ces magistrats qui, au Sénat, vont porter la voix du peuple. Ce sont des représentations qui ne nous appartiennent plus mais qui laissent des traces : pensons par exemple à la manière avec laquelle le peuple, aujourd’hui, demande à être entendu, c’est-à-dire à ne pas être méprisé.
27/12/2018
idees
https://www.lemonde.fr/idees/article/2018/12/27/gerard-bras-le-peuple-c-est-la-fraction-qui-ambitionne-d-etre-le-tout_5402804_3232.html
En Italie, le latin est une langue encore bien vivante
En Italie, même si l’enseignement des langues anciennes a décliné, les références à l’Antiquité, elles, sont toujours d’actualité, en particulier sur la scène politique.
Statues des Dioscures, Castor et Pollux, place du Capitole, à Rome. Patrick Somelet/Photononstop Ce 20 octobre 2011, on était en train de déjeuner dans un restaurant de poisson du centre de Venise, en fin de service, avec un petit cercle d’habitués, quand la nouvelle de la mort de Mouammar Kadhafi est tombée. En Italie, le Guide libyen était une célébrité nationale, aussi la conversation s’est-elle vite portée sur le récit de ses innombrables excentricités – réelles ou pas. C’est alors qu’un des serveurs est arrivé, hilare, une tablette électronique à la main, pour montrer à notre petit groupe la déclaration que venait de faire le président du ­Conseil, Silvio Berlusconi, à l’annonce de la nouvelle : « Sic transit gloria mundi » (« ainsi passe la gloire du monde », en latin). Dans la tradition catholique, immédiatement après l’élection d’un nouveau pape, un moine venait brûler aux pieds du pontife à peine élu une mèche d’étoupe, en prononçant cette phrase rituelle, comme pour rappeler au prélat devenu le lieutenant de Dieu sur terre qu’après tout il n’était qu’un homme. En évoquant ces paroles à un moment précis, celui de la disparition d’un dictateur qui passait également pour un de ses amis personnels, le président du Conseil italien se sort par une pirouette plutôt astucieuse d’une situation embarrassante. D’ordinaire, le Cavaliere avait habitué les Italiens à des échappatoires nettement moins élégantes, alternant plaisanteries de garçon de bains et blagues douteuses… Cette apostrophe ne lui portera pas particulièrement chance. Quelques jours plus tard, début novembre, il sera contraint à la démission, sous la pression de Bruxelles et des marchés. Mais, ce jour-là, elle lui avait sauvé la mise. Lire aussi Silvio Berlusconi a démissionné Culture populaire Même si l’enseignement des langues anciennes est en recul en Italie (le latin n’est plus obligatoire au collège depuis 1977 et, au lycée, seuls 5 % des élèves optent aujourd’hui pour la filière classique, contre 10 % en 2008), comme partout dans le monde occidental, l’héritage antique reste, pour des raisons assez évidentes, largement présent dans la culture populaire. Aussi les références grecques ou latines restent-elles familières au plus grand nombre et sont régulièrement utilisées dans la chronique politique. Ainsi, le gouvernement Conte avait à peine quelques jours d’existence quand l’ensemble de la presse nationale se mit à surnommer « les Dioscures » (« jeunes garçons de Zeus » ou « jumeaux divins », en grec) les deux vice-premiers ministres, Matteo Salvini et Luigi Di Maio, en référence au culte de Castor et Pollux – même si, avec le recul, leurs affrontements réguliers des derniers mois évoqueraient plutôt Romulus et Rémus.
27/12/2018
idees
https://www.lemonde.fr/idees/article/2018/12/27/en-italie-le-latin-est-une-langue-encore-bien-vivante_5402803_3232.html
Cannabis thérapeutique : vers une expérimentation avant la fin 2019
Un comité d’experts avait donné son feu vert mi-décembre à cet usage « dans certaines situations cliniques et en cas de soulagement insuffisant » procuré par les traitements.
Un plant de marijuana à Vancouver, au Canada, pays qui autorise l’usage thérapeutique du cannabis. DON MACKINNON / AFP La porte est désormais ouverte pour une légalisation – encadrée – du cannabis à visée thérapeutique. L’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) a jugé « pertinent », jeudi 27 décembre, d’autoriser l’usage de cette plante pour les patients « dans certaines situations cliniques » et « en cas de soulagement insuffisant ou d’une mauvaise tolérance des thérapeutiques, médicamenteuses ou non ». Un avis qui reprend les conclusions émises le 13 décembre par le comité d’experts (CSST) mis en place par l’ANSM trois mois plus tôt à la demande de la ministre de la santé, Agnès Buzyn. Ce feu vert a aussitôt été accompagné de l’annonce d’un premier calendrier. D’ici à juin 2019, le comité d’experts devra avoir rendu ses conclusions sur les « modalités de prise en charge médicale » des patients et avoir défini les conditions d’une expérimentation. « On souhaite mettre celle-ci en place avant fin 2019 et avoir une généralisation en 2020 », explique au Monde Dominique Martin, le directeur général de l’ANSM, qui juge « importante » l’étape franchie jeudi. « On va vers une modification réglementaire qui rendra légal le fait de pouvoir utiliser du cannabis thérapeutique dans certaines circonstances », dit-il. D’importantes limitations ont toutefois d’ores et déjà été posées, l’ANSM reprenant à son compte les indications formulées le 13 décembre. Seront ainsi concernées : les douleurs réfractaires, certaines formes d’épilepsie sévères et pharmacorésistantes, les soins de support en oncologie, les situations palliatives ou la spasticité douloureuse de la sclérose en plaques. Soit « quelques milliers de patients en France non soulagés par des traitements conventionnels », estime le professeur Nicolas Authier, qui préside le CSST. Lire aussi Huit Français sur dix favorables au cannabis thérapeutique Pas de joint médical Autre modalité validée jeudi : le cannabis ne pourra pas être fumé en raison des « risques pour la santé » liés à la combustion. Pas de joint médical donc. Charge au CSST de faire des recommandations parmi les autres modes d’administration possibles : spray, inhalation, gélule, gouttes, suppositoires, huiles, voie sublinguale, patch… Le cannabis ne devrait par ailleurs pas être prescrit en première intention. Certains contours de l’expérimentation à venir s’esquissent déjà. « On peut imaginer des centres qui géreront la dispensation comme cela a été fait à la fin des années 1970-1980 avec l’accès à la méthadone pour les patients héroïnomanes, détaille M. Authier. Cela permettrait de donner un accès gratuit aux patients tout en colligeant les données scientifiques. » Beaucoup de questions restent encore à trancher. Tous les médecins pourront-ils en prescrire ou seuls quelques spécialistes (neurologues, cancérologues) seront-ils autorisés à le faire ? Quelle sera la formation pour les médecins ? Quel cannabis, sachant qu’il existe des dizaines de variétés et aucune préparation standardisée, sera prescrit ? Quel sera le dosage ? Qui cultivera la plante ? Quel sera le remboursement par la Sécurité sociale ? Outre ces questions, qui figurent dans la feuille de route du CSST, d’autres, très concrètes, pourraient surgir au regard de la loi de 1970 prohibant tout usage de drogue illicite. « Comment se passera le dépistage au volant ? Ou au sein de l’entreprise ?, interroge Yann Bisiou, spécialiste du droit de la drogue à l’université Paul-Valéry-Montpellier-III. Même si les personnes concernées sont souvent atteintes de pathologies très lourdes, ne travaillent et ne conduisent plus, la question de leur insertion sociale se pose. » Pas d’aide immédiate aux patients Les patients français qui sont soulagés par le cannabis thérapeutique sont pour l’instant contraints de se fournir de façon illégale, sans garantie sur la qualité des produits, ou d’aller dans des pays où le cannabis médical est autorisé, comme la Suisse. « Ils sont amenés à vivre un parcours du combattant pour se fournir », souligne le docteur Pascal Douek, membre de la Fondation ARSEP pour la recherche sur la sclérose en plaques. Il pointe également un aspect financier « important » qui réserve de fait l’usage de cette plante à « une frange de la population qui en a les moyens ». Pour aider ces patients jusqu’à la légalisation du cannabis thérapeutique, les treize membres du CSST avaient préconisé de mieux les identifier et de mieux les accompagner afin de les aider à « optimiser leur usage ». Cet avis, qui aurait pu être interprété comme une sorte d’appel à la tolérance des forces de l’ordre et des tribunaux, n’a pas été repris par l’ANSM. « Que les praticiens aient une attention particulière avec ces patients, on le conçoit bien, même si ces produits ne sont pas autorisés, explique Dominique Martin. Mais cet avis du CSST ne pouvait être repris en tant que tel, nous sommes une autorité réglementaire et nos décisions ont une portée réglementaire. » Une trentaine de pays dans le monde, dont de nombreux Etats américains et le Canada, autorisent déjà le cannabis thérapeutique, dont vingt et un de l’Union européenne ainsi que la Suisse, la Norvège, Israël et la Turquie.
27/12/2018
sante
https://www.lemonde.fr/sante/article/2018/12/27/cannabis-therapeutique-l-agence-du-medicament-souhaite-une-experimentation-avant-la-fin-2019_5402789_1651302.html
En images : en RDC, le virus d’Ebola sévit dans les zones reculées
Plus de cinq cents cas confirmés ont été identifiés depuis le mois d’août et de nouveaux morts ont été emportés par le virus dans les régions du Nord-Kivu et de l’Ituri.
Dans cette photographie datée du 3 décembre, diffusée par l’Unicef, un survivant d’Ebola tient dans ses bras Benedicte, un enfant d’une semaine infecté par le virus à la naissance via sa mère, qui en est morte. Benedicte, qui a guéri, est maintenant appelée « le jeune miracle ». Une personne sur trois infectée par Ebola est un enfant. Le taux de mortalité infantile est bien plus élévé que pour les adultes. Centre de traitement contre Ebola, Beni dans la province du Nord-Kivu, République démocratique du Congo. Guy Hubbard/UNICEF via AP
27/12/2018
afrique
https://www.lemonde.fr/afrique/portfolio/2018/12/27/en-images-en-rdc-le-virus-d-ebola-sevit-dans-les-zones-reculees_5402786_3212.html
Syrie : les Emirats arabes unis rouvrent leur ambassade à Damas
Après six ans de rupture, la décision d’Abou Dhabi est un nouveau pas vers la normalisation des relations entre la Syrie et les pays arabes.
L’ambassade des Emirats arabes unis à Damas, le 27 décembre. OMAR SANADIKI / REUTERS Le drapeau flotte à nouveau au-dessus de l’ambassade des Emirats arabes unis à Damas. La représentation diplomatique a rouvert ses portes, jeudi 27 décembre, après des années de rupture. Le rapprochement entre ce proche allié de l’Arabie saoudite et la Syrie, en quête de réhabilitation, amorce un dégel des relations sur la scène arabe. La décision n’a rien d’une surprise : les négociations entre les deux pays avaient fuité dans la presse depuis des semaines. Damas s’est chargé de mobiliser les journalistes sur place pour couvrir l’événement. Pour la Syrie, mise au ban du monde arabe en 2011, lorsqu’elle fut suspendue de la Ligue arabe qui condamnait la répression du soulèvement menée par le régime de Bachar Al-Assad, ce nouveau pas vers une sortie de l’isolement est une victoire politique. « La reprise des activités à l’ambassade est une invitation à la reprise des relations et à la réouverture des autres ambassades arabes », Abdel Hakim Al-Naïmi, diplomate émirati Le pays du Golfe n’a pas renvoyé d’ambassadeur. C’est un chargé d’affaires par intérim qui a participé à la réouverture de la chancellerie, à Abou Roumaneh, un quartier résidentiel chic de Damas qui abrite de nombreux sièges diplomatiques. « La reprise des activités à l’ambassade est une invitation à la reprise des relations et à la réouverture des autres ambassades arabes », a lancé le diplomate émirati Abdel Hakim Al-Naïmi aux journalistes. Dans la nuit de jeudi à vendredi, Bahreïn, pays satellite de l’Arabie saoudite, a laissé entendre qu’il allait emboîter le pas aux Emirats. Centralité politique Avec ce retour dans la capitale syrienne, les Emirats prennent acte de la réalité militaire et politique en Syrie : le régime, épaulé par la Russie et l’Iran, y contrôle désormais la majorité du territoire, même si la guerre n’est pas finie. Le départ de Bachar Al-Assad, longtemps réclamé par les Occidentaux, n’est plus à l’ordre du jour, et seul, au plus, un changement constitutionnel semble pouvoir être obtenu dans le cadre d’un processus politique. Mais le rapprochement confirme aussi que la Syrie recouvre sa centralité géopolitique, celle dont Hafez Al-Assad (1971-2000) avait su tant jouer pendant ses décennies au pouvoir. Alors que l’influence de Téhéran et d’Ankara n’a cessé de grandir au fil du conflit, les Emirats espèrent les contrer en s’impliquant en Syrie. « Un rôle arabe en Syrie est devenu encore plus nécessaire face à l’expansionnisme régional de l’Iran et de la Turquie, a expliqué sur Twitter Anwar Gargash, ministre d’Etat aux affaires étrangères des Emirats, pour justifier la décision de rouvrir l’ambassade. A travers leur présence à Damas, les Emirats cherchent à activer ce rôle. » Lire aussi notre enquête sur un puissant agent d’influence au service des Emirats De Gaza à Abou Dhabi, l’ascension de l’intrigant Mohammed Dahlan Pour la Syrie, dont le pouvoir a été accusé à de nombreuses reprises de crimes de guerre par la commission d’enquête de l’ONU, l’ambition est double : réintégrer la scène arabe est perçu comme un premier pas vers une relégitimation internationale, et pourrait ouvrir la voie à la reconstruction dans un pays en lambeaux. Alors que les sanctions contre Téhéran vont affecter le soutien financier iranien, la Syrie doit s’assurer d’autres investissements. Des hommes d’affaires émiratis se sont d’ailleurs rendus dans la capitale syrienne au cours des derniers mois. Selon un expert : « Les Emirats n’ont pas pu prendre cette décision sans se coordonner avec les Saoudiens ni sans avoir reçu la bénédiction des Américains. La volonté d’amoindrir le rôle de l’Iran est centrale. Mais en s’essayant à la normalisation des relations avec Damas, il s’agit aussi d’infléchir le processus constitutionnel. » Selon cette source, ce pas a été rendu possible parce que « les Emirats n’ont jamais eu une position très claire vis-à-vis du régime syrien ». Tout en critiquant les autorités, et en participant très tôt à l’armement de la rébellion anti-Assad, les Emirats ont aussi été le réceptacle de l’argent de dignitaires du régime qui y a afflué en proportion bien plus importante que vers les banques libanaises. Ils ont aussi un temps hébergé Bouchra Al-Assad, sœur du président syrien, sous le coup de sanctions. Ouverture de la fontière avec la Jordanie Les Emirats avaient fermé leur ambassade en mars 2012, peu après une décision similaire de l’Arabie saoudite et de Bahreïn. Il s’agissait alors de condamner la violence de la répression, et d’isoler la Syrie. Le tournant vers un rapprochement s’est fait sentir à l’été 2018 : Anwar Gargash avait estimé que suspendre la Syrie de la Ligue arabe avait été « une erreur ». « Cela a signifié que [nous, les pays arabes,] n’avions plus le moyen de faire levier politique. » Pour Damas, la remise en fonction de l’ambassade émiratie s’ajoute à une autre avancée importante : l’ouverture, en octobre, de la frontière avec la Jordanie, desserrant l’étau autour de la Syrie. Un mois plus tard, une délégation de parlementaires jordaniens était reçue chaleureusement à Damas. En décembre, Bachar Al-Assad a ensuite donné l’accolade à Omar Al-Bachir : le sulfureux président soudanais, sous le coup d’un mandat d’arrêt international, qui s’est rapproché de Riyad, était le premier chef d’Etat arabe à se rendre en Syrie depuis 2011. Les yeux sont désormais rivés vers Beyrouth, où doit se tenir en janvier un sommet économique de la Ligue arabe. La Syrie n’y est pas invitée. Mais sa réintégration au sein de l’organisation, priorité du régime syrien, pourrait y être entamée.
27/12/2018
international
https://www.lemonde.fr/international/article/2018/12/27/syrie-les-emirats-rouvrent-leur-ambassade-a-damas_5402756_3210.html
L’Indonésie à nouveau en état d’alerte, dans la crainte d’autres éruptions
La région du volcan Anak Krakatoa qui a provoqué la mort de plus de 430 personnes le 22 décembre a été placée en état d’« alerte haute ».
Moins d’une semaine après le tsunami qui a fait, selon un dernier recensement, plus de 430 morts et près de 1 500 blessés, les autorités indonésiennes ont élevé d’un cran, jeudi 27 décembre, le niveau de l’alerte au raz-de-marée. De nouvelles éruptions du volcan Anak Krakatoa restent en effet possibles, faisant craindre un deuxième tsunami. Plus de 150 personnes restent portées disparues, et le décompte continue. L’« alerte haute » a désormais été appliquée sur toute la zone. C’est l’avant-dernier des quatre niveaux d’alerte en vigueur dans l’archipel. Il est désormais interdit à toute embarcation d’approcher à moins de 5 kilomètres du volcan, susceptible de cracher par intermittence des rochers brûlants, des cendres et d’autres débris résultant de son activité constante. « D’autres éruptions sont possibles », a martelé le porte-parole de l’Agence de gestion des catastrophes naturelles, Sutopo Purwo Nugroho. Quelque 22 000 personnes ont été évacuées et vivent dans des abris installés de part et d’autre du détroit de la Sonde, où le désastre s’est produit. Carence en eau potable Au plan matériel, 883 maisons ont été détruites, ainsi que 73 hôtels et villas, 60 magasins et boutiques, 434 bateaux et 41 véhicules. Sur le terrain, alors que les secours et les équipes médicales poursuivent leurs efforts pour venir en aide aux victimes et récupérer les corps ensevelis çà et là dans les municipalités de l’ouest javanais et du sud de Sumatra, les services de santé commencent à s’inquiéter : une carence en eau potable et en médicaments se fait sentir dans les endroits les plus reculés où les grandes vagues, certaines hautes de près d’une dizaine de mètres, ont frappé le 22 décembre. Et les pluies torrentielles qui s’abattent sur la région ralentissent les secours. La décision de reconsidérer à la hausse la dangerosité du volcan s’explique par le fait que, d’après les experts, l’une des causes principales du tsunami a été le brutal affaissement d’un flanc de la montagne dans la mer, provoqué par l’éruption. Le ministre des affaires maritimes Luhut Pandjaitan a déclaré jeudi que « le tsunami n’a pas été causé par un tremblement de terre mais par la chute [dans l’océan] d’une portion de 64 hectares de volcan ». L’équipe d’enquêteurs formée par le gouvernement avait rendu dimanche ses premières conclusions, estimant elle aussi que cet affaissement avait été provoqué par « des secousses [liées à l’éruption] ainsi que par de fortes pluies », écrit jeudi le quotidien Djakarta Post. L’Agence de météorologie, de climatologie et de géophysique indonésienne avait auparavant annoncé que cet affaissement avait causé des vibrations équivalentes à un séisme relativement faible de 3,4 degrés sur l’échelle de Richter. A Carita, en Indonésie, le 27 décembre. Achmad Ibrahim / AP Les mises en garde des autorités n’ont pas rassuré une population traumatisée par le tsunami de samedi : il y a quelques jours, une rumeur a circulé sur la côte de l’ouest javanais, provoquant la fuite désordonnée des habitants vers les hauteurs. Certains avaient cru voir un tsunami déferler alors qu’il ne s’agissait que de fortes vagues provoquées par les grandes marées. « Priez pour nous » « Tout cela m’inquiète beaucoup », a réagi Ugi Sugiarti, cité par l’AFP. Ce cuisinier de la plage de Carita, l’une des plus touchées par le désastre, a précisé par téléphone qu’il était « déjà parti » de la zone. Sukma, gardien de villas de vacances, a renchéri : « Priez pour nous… » Le triste anniversaire célébré le 26 décembre par la population d’Aceh, une province située plus au nord de Sumatra, est venu rappeler que la vulnérabilité de l’Indonésie ne date pas d’hier : il y a quatorze ans, au lendemain de Noël 2004, un tsunami provoqué par un séisme de 9,1 avait coûté la vie à 170 000 Indonésiens. La grande vague avait continué sa course plus au nord, sur les rivages de la Thaïlande, du Sri Lanka, de l’Inde et de la Birmanie. Le bilan s’était élevé à 220 000 morts dans toute l’Asie du Sud-Est. L’année 2018 aura été désastreuse pour cet archipel de 17 000 îles situées sur la « ceinture de feu » de l’Asie-Pacifique : en août, plusieurs secousses ont secoué l’île touristique de Lombok, près de Bali, faisant 563 morts et un millier de blessés. En septembre, un séisme a ravagé la ville de Palu, à Sulawesi (ex-Célèbes) : le bilan s’élève à 2 200 morts et plus de 5 000 disparus. La zone où le tsunami a frappé le 22 décembre fut le théâtre de l’une des plus grandes catastrophes enregistrées par la sismologie moderne : en 1880, le Krakatoa avait déjà explosé, faisant 36 000 morts. Au début du XXe siècle, un autre cratère naquit des cendres du premier, l’Anak Krakatoa, ou « fils » du Krakatoa. C’est celui-là qui est entré en éruption depuis l’été, provoquant la dernière catastrophe en date dans l’archipel.
27/12/2018
planete
https://www.lemonde.fr/planete/article/2018/12/27/indonesie-craintes-d-autres-eruptions-et-d-un-nouveau-tsunami_5402734_3244.html
Des « gilets jaunes » bloquent la diffusion de journaux du groupe Ouest-France
Plusieurs représentants du mouvement annoncent, en outre, de nouvelles manifestations dans plusieurs villes, dont Paris.
Plusieurs éditions de journaux du groupe Ouest-France n’ont pas pu être diffusée, jeudi 27 décembre. Des manifestants ont bloqué des camions à la sortie d’une imprimerie du groupe en Loire-Atlantique, a affirmé la direction. « Dans la nuit de mercredi à jeudi, l’imprimerie du groupe Sipa Ouest-France à La Chevrolière, au sud de Nantes, en Loire-Atlantique, a été bloquée à partir de 23 h 30 par un groupe d’une vingtaine de personnes se réclamant des “gilets jaunes” », selon un communiqué publié sur le site de Ouest-France. « Mécontents de la couverture » Il s’agissait de manifestants « mécontents de la couverture du mouvement par nos titres, déplorant que certains “gilets jaunes” aient pu être taxés d’antisémitisme suite aux incidents survenus le week-end dernier à Paris », précise la direction du groupe. « Plus de 180 000 exemplaires de Ouest-France (éditions de Vendée et de Loire-Atlantique), de Presse Océan et du Courrier de l’Ouest » n’ont pu être distribués. Article réservé à nos abonnés Lire aussi Les dérapages antisémites et violents de certains « gilets jaunes » jettent le trouble Toutes les éditions impactées ont été mises en ligne gratuitement sur les sites Internet du groupe. Selon Ouest-France, c’est la première fois depuis le début du mouvement des « gilets jaunes », le 17 novembre, que ses journaux sont visés. La direction a « déjà mandaté son avocat pour déposer plainte » contre cette action qui, selon elle, « porte gravement atteinte à la liberté de la presse et à la démocratie ». Un blocage d’autant plus incompréhensible pour le quotidien « que dans les éditions de Loire-Atlantique, il y avait un papier qui donnait la parole aux “gilets jaunes”, qui présentait quelques-uns [des manifestants] heureux de la solidarité que cela pouvait créer entre eux », a souligné Philippe Boissonnat, adjoint au rédacteur en chef de Ouest-France et directeur des rédactions. Nouvelles mobilisations Faute de réponses « suffisantes » du gouvernement à leurs revendications, les « gilets jaunes » seront par ailleurs de nouveau mobilisés ce week-end, dans la nuit du Nouvel An et courant janvier, selon plusieurs figures du mouvement. Initiatrice de la pétition réclamant une baisse des prix du carburant à l’origine du mouvement, Priscillia Ludosky dénonce par exemple dans un communiqué des mesures « insuffisantes », réclamant notamment « une baisse sérieuse de toutes les taxes et impôts sur les produits de première nécessité » (énergie, logement, transports, produits alimentaires, vêtements), une baisse « significative » des traitements et salaires des élus et hauts fonctionnaires et la mise en place du référendum d’initiative citoyenne (RIC). Des rassemblements et blocages ont ainsi été annoncés dans les régions de Rennes, Marseille et Bordeaux, selon des journalistes de l’Agence France-Presse (AFP). Un groupe Facebook, regroupant plusieurs milliers de personnes, organise également un nouveau rassemblement la nuit de la Saint-Sylvestre à Paris, sur les Champs-Elysées, pour « continuer la lutte pacifiquement et de façon festive ».
27/12/2018
societe
https://www.lemonde.fr/societe/article/2018/12/27/des-gilets-jaunes-bloquent-la-diffusion-de-journaux-du-groupe-ouest-france_5402732_3224.html
Florian Philippot dépose la marque « Les Gilets Jaunes »
A la tête du parti Les Patriotes, l’ancien bras droit de Marine Le Pen entend s’associer à des représentants du mouvement en vue des élections européennes de mai 2019.
Florian Philippot, à Paris, le 25 novembre 2016. Charles Platiau / REUTERS Dans la base de données de l’Institut national de la propriété industrielle (INPI), les marques déposées faisant référence au mouvement de contestation de l’automne 2018 sont au nombre de vingt-cinq. « Gilets jaunes », bien sûr, mais aussi ses versions au singulier, en minuscules, en majuscules, sa variante « Fier d’être gilet jaune », ou encore « Gil et John ». Et comme l’indique, jeudi 27 décembre, L’Opinion, l’une des occurrences listées, « Les Gilets Jaunes », a été déposée par Joffrey Bollée, un collaborateur de l’ancien responsable du Rassemblement national (ex-FN) Florian Philippot, désormais à la tête du mouvement Les Patriotes. M. Bollée a indiqué à L’Opinion que le dépôt de la marque, le 30 novembre, avait été effectué en vue des élections européennes du 26 mai 2019. « Notre programme étant 100 % compatible avec les revendications des “gilets jaunes”, nous pourrions monter une liste “Les Gilets jaunes” ou “Avec les gilets jaunes” », a déclaré le chef de cabinet de Florian Philippot. Ce dernier a justifié sa démarche, se défendant de toute tentative de récupération : « L’idée n’est pas sortie de mon chapeau depuis trois semaines, je voulais déjà donner cette coloration sociale au Front national. (…) Il s’agit surtout de faire en sorte que les vrais amis des “gilets jaunes” disposent de l’appellation, et pas les faux amis ou les ennemis. » Déposée, la marque estampillée « Les Gilets Jaunes » doit encore être validée par l’INPI. Article réservé à nos abonnés Lire aussi A Forbach, Florian Philippot prône le « Frexit » et tente de relancer ses Patriotes
27/12/2018
politique
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Et la science s’empara du ciel
Les Grecs ont peuplé le firmament de leurs mythes, avant de vouloir décrire l’harmonie cosmique par les mathématiques.
Vue d’artiste d’un trou noir. Mark A. Garlick / space-art.co.uk Si par une nuit d’hiver un voyageur égaré cherche à s’orienter alors que la batterie vide de son téléphone portable le prive de GPS et de boussole, il lui reste toujours la possibilité de lever les yeux vers le ciel. En partant de la « casserole » de la Grande Ourse, la constellation la plus facile à repérer de notre ciel septentrional, il pourra remonter à la Petite Ourse dont l’extrémité de la queue est constituée de l’Etoile polaire, qui indique le nord, la direction de l’Arctique. A lire la description de ce sauvetage par les astres, on n’imagine pas que tout ce texte – et le firmament avec lui – est truffé de références mythologiques antiques. Pour les Grecs, la Grande Ourse représentait en effet la nymphe Callisto. Séduite par Zeus, puis poursuivie par la colère d’Héra, jalouse, qui l’avait transformée en ourse, Callisto avait été envoyée au ciel par le maître de l’Olympe, accompagnée de son fils, lequel avait pris la forme de la Petite Ourse. Le mot grec pour « ours » étant arktos, on comprend mieux pourquoi l’Arctique désigne la région terrestre vers laquelle pointent ces deux constellations. Ajoutons pour finir que plusieurs civilisations antiques voyaient aussi dans la Grande Ourse un chariot. Au point que les Romains l’appelèrent septem triones (« sept bœufs de labour »), d’où l’adjectif « septentrional » pour ce qui touche au nord de la Terre… « Expliquer le monde de manière rationnelle » A la suite des Babyloniens, les Grecs ont peuplé le ciel de leurs mythes, qui se retrouvent encore aujourd’hui dans le nom des constellations visibles depuis l’hémisphère Nord. Et ce sont ces mêmes Grecs qui l’ont ensuite vidé de ses influences divines. « Les philosophes grecs présocratiques ont réussi à se poser les questions sur le ciel autrement, en évacuant les mythes pour expliquer le monde de manière rationnelle », résume ainsi l’illustrateur Guillaume Duprat, auteur d’Univers. Des mondes grecs aux multivers, album pour la jeunesse paru en octobre chez Saltimbanque Editions (56 p., 19,90 euros). Directeur de recherches (CNRS) au Laboratoire d’astrophysique de Marseille, Jean-Pierre Luminet, qui fut, il y a vingt ans, avec son complice Marc Lachièze-Rey, commissaire de la très belle exposition « Figures du ciel », à la Bibliothèque nationale de France, à Paris, se fait plus précis encore : « Comme on peut le voir dans les poèmes d’Homère et d’Hésiode, on est dans une représentation du monde où les dieux gouvernent tout, où les hommes ne sont que des marionnettes entre leurs mains, où il n’y a pas de libre arbitre. Et arrive ce moment capital, aux VIIe-et VIe siècles av. J.-C., qui correspond à la naissance de la science, où l’on se dit que l’Univers obéit à des lois et que le propre du philosophe est d’essayer de décoder ces lois. » La cosmogonie laisse la place à la cosmologie. La science commence à s’emparer du ciel. Différents systèmes du monde L’idée principale de ces penseurs antiques, à commencer par ceux de l’école de Milet (Asie mineure) que sont Thalès, Anaximandre et Anaximène, est que l’Univers est animé par des mécanismes naturels impliquant les quatre éléments : la terre, l’eau, l’air et le feu. Principale conséquence de cette approche, les phénomènes célestes ne sont pas capricieux. Ils suivent des règles et les astres sont animés de mouvements non aléatoires qui peuvent être étudiés et, surtout, prédits. Il faut donc cumuler les observations, mettre au point un système de notation et inventer des instruments pour mesurer l’écart entre les étoiles. Les pythagoriciens introduisent quant à eux l’idée que l’harmonie régit le cosmos. Le mot kosmos lui-même, qui désigne à l’origine l’arrangement de la parure et de la chevelure de la déesse Héra (on le retrouve dans le mot « cosmétique »), est transposé à la beauté et à l’organisation supposées du ciel tout entier. « Comment décrire cette harmonie ? Cela passe par l’arithmétique et la géométrie, explique Jean-Pierre Luminet. On commence à trouver cette idée que les mathématiques sont le langage universel pour décrire les choses. » Au fil du temps, au fil des siècles, les philosophes grecs élaborent ainsi différents systèmes du monde. Choyant la figure circulaire pour sa perfection, les pythagoriciens imaginent un monde de dix sphères cristallines (et donc transparentes) portant les astres. Au centre trône un « Foyer de l’Univers » qui n’est pas le Soleil et qui reste invisible, car masqué en permanence par une anti-Terre. Puis viennent la Terre, la Lune, le Soleil et les cinq planètes connues dans l’Antiquité (Mercure, Vénus, Mars, Jupiter et Saturne). Ce qui fait un total de dix astres, nombre parfait. Le tout est enchâssé dans une dernière sphère, celle dite des fixes, c’est-à-dire des étoiles qui, semblant ne jamais bouger les unes par rapport aux autres, sont comme épinglées à la voûte céleste. Une école « radicalement différente, matérialiste », pour reprendre les termes de Jean-Pierre Luminet, voit le jour au Ve siècle av. J.-C., celle des atomistes, d’abord représentés par Leucippe et Démocrite, qui seront suivis par Epicure et Lucrèce. « Pour eux, poursuit l’astrophysicien, pas de sphère ni de monde parfait. Il n’y a que le vide, un espace indéfini et des atomes. » A la lumière de ce que l’on sait aujourd’hui sur l’Univers, l’intuition de ces philosophes semble incroyablement pertinente, mais, souligne Jean-Pierre Luminet, « elle est tellement en avance sur son temps qu’elle est balayée ». La Terre prend la place centrale Au IVe siècle av. J.-C., Aristote fait triompher un modèle qui va perdurer pendant près de deux millénaires. Le « Foyer de l’Univers » et l’anti-Terre, ces deux astres invisibles inventés par les pythagoriciens, disparaissent. La Terre prend la place centrale et tous les autres corps du cosmos tournent autour d’elle, un géocentrisme qui est fondé sur la perception immédiate des phénomènes : tous les astres se lèvent dans le ciel, diurne ou nocturne, y transitent puis se couchent. Mettre la Terre dans cette situation centrale, précise Jean-Pierre Luminet, n’est pas destiné à « la glorifier » : « Aristote reprend la théorie des éléments d’Empédocle qui dit que, des quatre éléments, la terre est le plus lourd et le plus vil. Il est forcément au fond, au centre. On s’élève ensuite vers les éléments les plus subtils et les plus parfaits, l’eau, l’air et le feu. » Aristote divise le cosmos en deux régions dont les physiques sont différentes, le monde sublunaire (et donc terrestre), « soumis à la naissance, à la mort, à la corruption, au changement permanent », et le monde supralunaire, celui des autres astres, qui est parfait et immuable. Lire aussi La matière meuble des anneaux miniatures du Système solaire Seul défaut de cette conception aristotélicienne du cosmos : elle ne décrit pas correctement la réalité observée. Comme le faisaient remarquer Jean-Pierre Luminet et Marc Lachièze-Rey dans le catalogue de l’exposition « Figures du ciel », « les planètes tantôt ralentissent, tantôt accélèrent, et reviennent même parfois sur leurs pas ». Surtout, cette cosmologie ne parvient pas à expliquer « les variations d’éclat des planètes, qui impliquent des variations de distance à la Terre incompatibles avec des mouvements sphériques centrés sur elle ». Au IIe siècle de notre ère, l’astronome grec Claude Ptolémée raffine, sauve et consacre le système d’Aristote grâce à d’astucieux ajustements destinés à le faire coïncider avec les observations. Influence de l’Eglise Mais l’histoire est chafouine. Après avoir établi, grâce à l’étude des astres, les fondements de la science, l’Europe en perd la mémoire au début du Moyen Age, notamment sous l’influence de l’Eglise. « A l’époque, rappelle Jean-Pierre Luminet, le système du monde en vigueur voit l’Univers comme un tabernacle avec Jérusalem au centre de tout, sans aucun lien avec l’observation du ciel. » « C’est l’astronomie arabe qui récupère le modèle grec, ajoute Guillaume Duprat. Elle le critique mais ne parvient pas à le dépasser. » C’est d’ailleurs par le biais de ces savants arabes que le système d’Aristote et de Ptolémée fait son retour en Occident, où il est finalement adoubé par l’Eglise et les érudits qui sortent de ses rangs. Il n’en demeure pas moins que, s’il permet d’établir des calendriers et de dresser des éphémérides, ce système fait preuve, aux yeux des savants de la Renaissance, de plusieurs faiblesses : certains phénomènes comme les éclipses ou les occultations d’étoiles ne se terminent pas à l’heure prévue ou bien il arrive que l’on note un décalage des planètes par rapport à la position que les tables prédisent. « Mais, remarque Jean-Pierre Luminet, les observateurs préfèrent s’en accommoder plutôt que de remettre le système en cause… » La Voie lactée au-dessus de l’Observatoire du Cerro Paranal (Chili). L’image a été réalisée à partir de 37 images individuelles avec une durée totale d’exposition d’environ 30 minutes, prises tôt le matin. La Lune se lève et la lumière zodiacale ESO/H.H. Heyer Pourtant, une autre organisation était possible et pensable. Dès le IIIe siècle av. J.-C., un astronome grec avait proposé un cosmos où le Soleil serait placé au centre. Ayant estimé par le calcul que notre étoile était nettement plus grande que la Terre, Aristarque de Samos trouvait plus logique et économe de faire tourner cette dernière, ainsi que toutes les autres planètes, autour du Soleil plutôt que le contraire. A ceux qui lui objectaient que, si la Terre se déplaçait dans l’espace, les étoiles devaient apparaître selon des angles différents au cours de l’année, le savant répondait très justement que lesdites étoiles étaient tellement éloignées que ces variations s’avéraient imperceptibles, ce qui conférait à l’Univers une taille très grande. Malgré ses intuitions pénétrantes, Aristarque n’est pas parvenu à bousculer le système d’Aristote et s’inscrit dans la catégorie des scientifiques qui ont eu raison trop tôt. Une étoile quelconque dans un bras de la Voie lactée Il faut donc attendre la publication, en 1543 à Nuremberg, du livre d’un obscur chanoine polonais, Nicolas Copernic, pour que l’héliocentrisme commence à faire réellement son chemin dans les esprits. Sa thèse est au départ ardemment combattue par l’Eglise. Ainsi que l’écrivaient Jean-Pierre Luminet et Marc Lachièze-Rey : « Elle banalise la Terre et l’écarte de son rôle privilégié, lieu de l’incarnation du Christ et de la Rédemption. A cet égard, elle dépasse le cadre de l’astronomie : la mise en question de la vision géocentrique du monde – érigée en dogme par l’Eglise – est aussi celle d’une certaine vision anthropocentriste. (…) La théorie copernicienne fera le plan de clivage entre ceux qui, comme Pascal, se sentiront perdus dans un espace décentré et ceux qui, comme Giordano Bruno, éprouveront la griserie de la libération. » Ledit Giordano Bruno paiera de sa vie cette griserie, brûlé en 1600 pour sa vision hérétique d’un monde infini, sans centre ni clôture, où d’autres planètes peuvent éventuellement être habitées. Au XVIIe siècle, la science s’empare définitivement du ciel. Galilée, avec sa lunette astronomique, se rapproche enfin des autres planètes, les observe, les dessine et s’aperçoit que le monde supralunaire immuable et parfait d’Aristote est soumis lui aussi au changement. Kepler démolit l’idée que le cercle est la figure qui s’impose au mouvement des astres en montrant que les orbites des planètes sont elliptiques. Newton met au point le télescope et découvre la loi de la gravitation universelle qui donne un cadre physique et mathématique aux déplacements des planètes. D’autres révolutions coperniciennes ont eu lieu dans les siècles suivants. Non seulement les dieux ont quitté le ciel, non seulement la Terre n’est plus le centre de l’Univers, mais le Soleil ne se trouve pas au centre de la galaxie. Juste une étoile quelconque dans un bras de la Voie lactée. Celle-ci n’est d’ailleurs qu’une galaxie parmi des centaines de milliards, dans un Univers bien plus ancien que ce que l’on avait imaginé, où ni l’espace ni le temps ne sont absolus. Et, depuis 1995, on découvre d’autres systèmes planétaires, parfois très différents du nôtre, d’autres mondes sur lesquels, bientôt, on cherchera méthodiquement des traces de vie. S’il pouvait revenir sur Terre, Giordano Bruno serait heureux. Proposée par « Le Monde » et « National Geographic », la collection « Atlas du cosmos » vous présente l’Univers comme vous ne l’avez jamais vu. Retrouvez-la sur la boutique en ligne.
27/12/2018
sciences
https://www.lemonde.fr/sciences/article/2018/12/27/et-la-science-s-empara-du-ciel_5402729_1650684.html
Football : le « Boxing Day » fait des émules
Aller au stade pendant les fêtes n’est plus une exception anglaise. Les clubs italiens ont joué le 26 décembre. Des dirigeants de Ligue 1 poussent en faveur d’une adaptation en France.
Le Napolitain Kalidou Koulibaly, à droite, visé par des cris racistes au stade de Milan, lors du premier « Boxing Day » italien, le 26 décembre. Luca Bruno / AP En matière de football, l’Angleterre et l’Italie font du troc. La Premier League, parce qu’elle a de l’argent, prend au Calcio ce qu’il fait encore de mieux : des entraîneurs – Claudio Ranieri, Antonio Conte, Maurizio Sarri. Et la Serie A, parce qu’elle en a beaucoup moins, importe ce qui a fait la richesse du football anglais, ses matchs pendant les fêtes de décembre, entre la dinde du 25 et le champagne du 31. Le 26, Boxing Day en Angleterre, Santo Stefano en Italie, on a ainsi joué au football. Et le 25, les joueurs l’ont passé entre eux, sous le regard voyeur de l’entraîneur guettant dans l’assiette les excès de cholestérol. Dans un pays comme l’Italie, l’organisation de matchs le lendemain de Noël est-elle bien raisonnable ? Il ne faut en tout cas pas y voir l’indice d’une progression dans l’aliénation de la société italienne au football : jusqu’aux années 1960, on allait au stade le 25 décembre, pour peu que ce soit un dimanche, jour de match. Depuis vingt-cinq ans, toutefois, la dernière semaine de l’année était sacrée, sans football. Mais les stades se vident et cette journée de « Santo Stefano » (saint Etienne) pouvait être un palliatif. Jeudi 27, l’Italie déchantait déjà. Les affluences ont été stables et, surtout, la mort d’un supporteur de Milan, ainsi que les cris racistes visant le défenseur franco-sénégalais de Naples Kalidou Koulibaly ont obscurci le choc du jour entre l’Inter Milan et le Napoli. Lire aussi Le foot italien n’arrive pas à se débarrasser de ses dérives racistes Sanglant éditorial de La Repubblica : « Sans doute Santo Stefano aurait-il choisi d’aller au cinéma, comme de tradition, plutôt que de suivre cette belle journée de football. (...) Ce fut un après-midi à oublier, ou plutôt non, pour ne jamais le répéter. » En France, le Top 14 occupe le terrain On rejouera pourtant samedi 29 en Serie A, avant d’observer une trêve jusqu’au 12 janvier. C’est encore raisonnable, une notion que les promoteurs du football anglais ont remisée depuis longtemps sous un tas d’or, celui des spectateurs jadis, des diffuseurs aujourd’hui. Le choc, le 3 janvier, entre Manchester City et Liverpool mettra un terme à cette frénésie de football durant laquelle la Premier League aura occupé les ondes sept jours sur neuf. Soucieux de la bonne santé de ses joueurs et des citoyens anglais, l’entraîneur de Liverpool Jürgen Klopp préférerait s’en tenir à des matches les 29 décembre et 3 janvier, afin que « tout le monde puisse digérer sa gueule de bois et être en forme pour regarder un match de foot ». A partir de 2020, la Premier League observera une coupure en février, après avoir entendu les appels de ses entraîneurs estimant que les contre-performances anglaises en Ligue des champions trouvaient peut-être leur source deux mois plus tôt, au Boxing Day.
27/12/2018
sport
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Présidentielle à Madagascar : l’ancien président Andry Rajoelina déclaré vainqueur
Selon les résultats provisoires annoncés par la commission électorale, l’ex-président de transition devance Marc Ravalomanana avec 55,66 % des voix. Des résultats que ce dernier conteste.
Andry Rajoelina dans son bureau de vote, à Antananarivo, le 19 décembre 2018, lors du second tour de l’élection présidentielle malgache. Stringer . / REUTERS Empêché il y a cinq ans de se porter candidat à la présidentielle, Andry Rajoelina avait annoncé qu’il prendrait sa revanche en 2018. C’est, sauf crise majeure, chose faite. L’ancien président de la « transition » (2009-2013) a remporté le second tour de l’élection présidentielle à Madagascar avec 55,6 % des voix, contre 44,4 % pour son vieux rival, Marc Ravalomanana, selon les résultats provisoires publiés par la Commission électorale nationale indépendante (CENI), jeudi 27 décembre. La Haute Cour constitutionnelle (HCC) dispose de neuf jours pour valider ce second tour de scrutin, auquel moins d’un électeur sur deux a participé. Le taux de participation avait atteint 54 % lors du premier tour le 7 novembre. L’attitude du vaincu demeure une inconnue. M. Ravalomanana dénonce des fraudes et a appelé ses partisans à une manifestation de soutien samedi 29 décembre sur la place du 13-Mai à Antananarivo, dont sa femme est maire. Il a ainsi invité « tous les Malgaches qui [sentent] avoir subi une injustice et une violation de leur droit et de leur vote à se lever et à oser défendre leur choix ». Une longue liste de promesses Après avoir affirmé entre les deux tours qu’il se plierait au verdict des urnes, le perdant, qui ne s’est pas rendu à l’annonce des résultats au siège de la CENI, pourrait s’appuyer sur les irrégularités constatées dans plusieurs localités pour revenir sur sa parole. Les missions d’observation déployées par l’Union européenne et d’autres partenaires étrangers ont validé le déroulement des élections, et les candidats ont été mis en garde contre les sanctions auxquelles ils s’exposeraient en s’engageant sur la voie de la contestation. Cela suffira-t-il à écarter un scénario dont ce pays de 25 millions d’habitants est coutumier ? Pour les deux rivaux, ce duel mené pour la première fois dans les urnes était l’occasion de prendre une revanche attendue depuis longtemps. En 2009, le jeune maire d’Antananarivo, jusqu’alors surtout connu pour ses talents de disc jockey, avait réussi à faire tomber le président Ravalomanana, accusé de favoriser ses propres intérêts économiques et de dérive autoritaire. Avec le soutien de l’armée, le jeune homme de 35 ans s’était hissé à la tête d’une Haute Autorité de la transition, dont le mandat dura finalement quatre ans. Cette sortie du cadre constitutionnel entraîna la suspension d’une grande partie de l’aide internationale. Son rétablissement fut conditionné à l’interdiction de se présenter à l’élection présidentielle de 2013 pour les deux protagonistes de la crise. Parmi les 36 candidats en course cette fois-ci, dont le président sortant, Hery Rajaonarimampianina, les Malgaches ont choisi de redonner sa chance à celui qui a certainement investi le plus d’argent dans sa campagne. Cette disproportion de moyens a joué un rôle certain dans le résultat. De meeting en meeting, Andry Rajoelina, surnommé « TGV » pour la rapidité de son ascension, a juré qu’il avait mûri et a promis de sortir Madagascar de la pauvreté. Plus des deux tiers de la population vivent avec moins de 2 dollars par jour. Construction d’une nouvelle capitale pour désengorger Antananarivo, d’universités dans chaque région, de centrales électriques dans chaque chef-lieu de district, multiplication par quatre des subventions aux communes, création de 100 000 hectares de rizières… La liste des promesses est longue. Si aucune violence post-électorale ne vient entraver son retour, il pourra s’y atteler dès le mois de janvier 2019.
27/12/2018
afrique
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En Irak, l’eau ne coule plus dans le « jardin d’Eden »
Au confluent du Tigre et de l’Euphrate, sécheresse et salinité ont eu raison des marais irakiens, poussant les habitants à l’exode.
Le delta de Chatt Al-Arab – les marais au sud de l’Irak – a longtemps constitué un écosystème humide et fécond. Il a été inscrit au Patrimoine mondial de l’Unesco en 2016. Mathias Depardon Depuis le hublot de l’avion qui relie Bagdad à Bassora, la métropole à l’extrémité sud de l’Irak, l’ampleur de la catastrophe qui frappe « le pays entre les fleuves », l’ex-Mésopotamie, se déroule sous nos yeux. Ici, ce ne sont pas les destructions laissées par la chute du « califat » autoproclamé de l’organisation État islamique (EI) sur les territoires du nord et de l’ouest du pays qui retiennent l’attention. Mais la catastrophe climatique déjà à l’œuvre dans l’ancien Croissant fertile. Sous l’effet d’une quasi-sécheresse qui a sévi durant l’été, les lits du Tigre et de l’Euphrate, qui serpentent jusqu’au golfe Arabo-Persique, se sont rétractés pour ne laisser, à certains endroits, que de vastes taches blanches de sel sur le désert ocre. Vague de protestation sociale Jadis riche en eau, l’Irak connaît désormais une pénurie chronique. Le Sud pétrolifère et agricole est l’une des régions les plus touchées par la crise de l’eau qui a connu un pic cet été, alimentant une vague de protestation sociale. Les débits du Tigre et de l’Euphrate ont atteint leurs niveaux les plus bas depuis des décennies. Le changement climatique, qui se traduit ici par des chaleurs extrêmes et une baisse drastique des pluies saisonnières, accentue une crise déjà latente. Les barrages construits en amont des deux fleuves en Turquie, en Syrie et en Iran depuis les années 1980 y ont contribué. Des décennies de guerre, plus de douze ans d’embargo et la mauvaise gestion des gouvernements successifs ont accéléré le délitement des infrastructures hydrauliques. Avec le même regard sensible et à hauteur d’hommes qu’il avait posé sur l’Anatolie face aux conséquences des mégaprojets hydrauliques d’Ankara, le photojournaliste Mathias Depardon a sillonné le Sud irakien. Le long de l’Euphrate, il est parti à la rencontre de ceux dont les vies sont bouleversées par la crise de l’eau. Voir aussi Aux sources taries de l’Irak Une situation explosive Berceau de la civilisation sumérienne et lieu du mythique jardin d’Éden, déjà asséchés par Saddam Hussein après le soulèvement chiite de 1991, les marais connaissent une deuxième agonie. Dans les maisons de palme traditionnelles qui se dressent sur les îles de cette zone humide, ses 300 000 habitants vivent chichement de l’élevage de buffles, de la pêche et de la collecte de joncs. Beaucoup d’habitants du Sud qui subsistent grâce à l’agriculture ont déjà connu l’exode rural. Depuis 1991, sa part dans l’emploi irakien est passée de 43 % à 26 %, selon la Banque mondiale. Plus d’un million de ruraux sont venus gonfler les bidonvilles de Bassora dans l’espoir, vain, d’un emploi dans les champs pétroliers et gaziers qui truffent la province. Article réservé à nos abonnés Lire aussi Une grave crise de l’eau frappe l’Irak La nouvelle crise hydrique fait craindre un nouvel exode. Mais à Bassora même, comme dans les villages situés le long du canal Chatt Al-Arab, où la baisse du débit du Tigre et de l’Euphrate a fait entrer les eaux salées du golfe Arabo-Persique, la situation est devenue explosive. La salinité de l’eau a rendu celle-ci impropre à la consommation et a tué poissons et bétail, forçant des dizaines d’exploitations agricoles à mettre la clé sous la porte.
27/12/2018
m-le-mag
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Architecture : l’héritage oublié d’Addis-Abeba
Dans la dynamique capitale éthiopienne, nombre de demeures historiques sont laissées à l’abandon, faute de moyens et de volonté politique.
Berhanu Mengistu sur le balcon de sa demeure familiale, classée bâtiment historique, à Addis-Abeba, en novembre 2018. Le quartier environnant a été rasé pour laisser place à des constructions modernes. EDUARDO SOTERAS / AFP Avec ses murs de plâtre rouge et ses balcons en bois, la maison familiale de Berhanu Mengistu trône depuis plus d’un siècle sur un flanc de colline dominant Addis-Abeba, impassible témoin des ascensions et des chutes de maints empereurs et gouvernements. Cette demeure palatiale a tant bien que mal survécu au passage du temps alors que le quartier patricien auquel elle appartenait a fait place à un amas d’abris de fortune. Désormais bien seule au milieu d’un terrain envahi par les hautes herbes, elle détonne face aux gratte-ciel scintillants, signes de la transformation fulgurante de la capitale éthiopienne, en quête de modernité architecturale. A travers la ville, il ne reste que quelques maisons de ce type, construites pour les courtisans et les nababs étrangers de l’époque impériale. Négligées, elles sont souvent dans un état de décrépitude avancé. De nombreux quartiers pauvres, notamment autour de la maison de M. Berhanu, ont été rasés pour laisser place à des tours de béton et de verre, symboles du rapide développement économique du deuxième pays le plus peuplé du continent (après le Nigeria). Mais ce développement se fait au détriment de l’héritage architectural local, regrettent certains. « Des efforts isolés sont réalisés pour protéger et sauver ces bâtiments historiques, mais cela reste très limité », soupire Fasil Giorghis, un architecte renommé d’Addis-Abeba. Propriétaires pauvres La capitale a été fondée au XIXe siècle par le souverain Menelik II, à une époque où l’empire s’est agrandi au-delà des hautes terres situées dans le nord de l’Ethiopie actuelle. Très vite, elle a été peuplée de notables proches de Menelik, dont l’ancêtre de M. Berhanu, Yemtu Beznash, matriarche administrant un influent tribunal. Des ingénieurs arméniens ont été appelés pour construire la ville, tandis que des marchands indiens ou yéménites s’y installaient. Mais ce cosmopolitisme a pris fin en 1974. Avec l’arrivée au pouvoir de la junte militaire communiste du Derg, les magnats étrangers ont quitté Addis-Abeba. Les nouvelles autorités ont alors donné leurs maisons à des propriétaires pauvres, qui n’avaient pas les moyens d’entretenir leurs planchers en bois et leurs murs de boue séchée recouverts de plâtre. Depuis le renversement du Derg, en 1991, le pays a connu, sous le régime du Front démocratique révolutionnaire des peuples éthiopiens (EPRDF), une expansion économique, et vu la construction de gratte-ciel, rarement finis, par des entreprises chinoises notamment. Lire aussi De la ferme à l’usine, la nouvelle vie des ouvrières éthiopiennes Selon Maheder Gebremedhin, architecte et présentateur d’une émission de radio, la négligence envers les vieux bâtiments est due au coût et à la complexité de leur entretien, mais aussi à la relation ambivalente que le pays entretient avec son passé impérial. « En raison du glissement idéologique [entre l’empire et le régime actuel], personne n’est vraiment intéressé par le fait de garder ces bâtiments », dit-il. Galeries en bois Une poignée d’édifices historiques ont été restaurés grâce aux efforts du gouvernement et de donateurs privés, dont l’un des palais de Menelik et la demeure d’un ancien ministre de la défense, reconvertie en musée. Mais les autorités locales reconnaissent que la plupart des 440 sites classés de la capitale croulent sous le poids des ans. « Nos capacités de pays en développement ne nous permettent pas de tout réparer tout le temps », plaide Worku Mengesha, un porte-parole de l’office du tourisme d’Addis-Abeba. Il y a dix ans, des ambassades étrangères et des Ethiopiens soucieux de la conservation du patrimoine ont tenté de restaurer la maison Mohammedali, ancienne propriété d’un riche marchand indien, mais leurs efforts ont été réduits à néant par la bureaucratie et la piètre qualité des restaurateurs. La demeure est aujourd’hui à l’abandon, et des voitures se garent sous ses arches d’inspiration indienne. La maison Mohammedali à Addis-Abeba, ancienne propriété d’un commerçant indien, est à l’abandon. EDUARDO SOTERAS / AFP L’ancien palais de Hojele Al-Hassen, un riche chef traditionnel de l’époque de Menelik, abrite, lui, des personnes originaires de sa région de l’ouest du pays, qui passent la journée à discuter sous les galeries en bois encerclant le bâtiment. Mais celui-ci est décrépit et une aile entière, qui servait d’école, est désormais inaccessible pour des raisons de sécurité. Il y a trois ans, quand les autorités ont entrepris de raser les bicoques de fortune du quartier où est située la maison de M. Berhanu, ce dernier est parvenu à la sauver en la faisant officiellement classer bâtiment historique. Montrant un large portrait de son ancêtre Yemtu, il évoque son rêve de transformer en musée cette demeure remplie de souvenirs du passé, des photos de famille jusqu’à la large peau de serpent décorant un mur. « Ce n’est pas seulement notre propriété, elle appartient à tous les Ethiopiens et au peuple d’Addis-Abeba. »
27/12/2018
afrique
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Grèce : une nouvelle explosion d’un engin artisanal à Athènes fait deux blessés
L’explosion d’un engin incendiaire artisanal devant une église du centre de la capitale grecque intervient dix jours après l’explosion d’une bombe devant le siège d’une chaîne de télévision.
Des membres de la police scientifique inspectent les lieux après l’explosion d’un engin artisanal devant une église d’Athènes, le 27 décembre. Thanassis Stavrakis / AP A peine dix jours après l’explosion d’une bombe devant le siège d’une chaîne de télévision à Athènes, un nouvel engin incendiaire artisanal a explosé jeudi 27 décembre devant une église dans la capitale grecque. Deux personnes, un policier et le gardien de l’église, ont été légèrement blessées. L’explosion est survenue à 7 h 10 locales, 6 h 10 en France, devant l’église Saint-Denis, située dans le quartier chic de Kolonaki. L’engin a explosé au moment où le policier, prévenu par le gardien de l’église, était en train d’examiner un paquet « suspect ». Le policier a été hospitalisé avec des blessures légères au visage et aux mains. L’employé de l’église, blessé légèrement lui aussi, a été transféré vers un hôpital proche. Aucune revendication Selon les premières informations données par la police, le paquet était placé dans l’une des ruelles entourant l’église Saint-Denis. Le quartier a été aussitôt bouclé par d’importantes forces de police et des spécialistes du service antiterroriste. Aucune revendication n’a été avancée pour le moment. Le quartier de Kolonaki est limitrophe de celui d’Exarchia, où les heurts entre policiers et anarchistes sont fréquents. Les attentats visant des établissements publics, radiotélévisions, banques ou représentations diplomatiques sont récurrents en Grèce depuis des années, imputés à des mouvements d’extrême gauche ou anarchistes grecs. Le 17 décembre, une bombe artisanale avait explosé devant le siège du groupe de radiotélévision privée Skai, dans la banlieue balnéaire d’Athènes, provoquant d’importants dégâts matériels. Cet attentat n’a lui non plus toujours pas été revendiqué. Le 13 novembre, une tentative d’attentat à l’engin incendiaire avait eu lieu devant le domicile d’un vice-procureur de la Cour de cassation, à Athènes. Le dispositif avait été découvert par la police et désamorcé à la suite de deux appels téléphoniques anonymes d’avertissement à deux médias. Article réservé à nos abonnés Lire aussi Après huit années d’austérité, la Grèce desserre l’étau social
27/12/2018
international
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A la Tour d’Argent, tout est bon dans le caneton !
Filet rôti à la flouve odorante, crumble de pattes et langue au jus de sureau en dessert… A la prestigieuse table parisienne, temple du canard au sang, le caneton se déguste dorénavant de mille façons.
Le chef Philippe Labbé met la dernière main aux filets de caneton rôti en croûte de chocolat aux arômes de gibier servis à la Tour d’Argent. FREDERIC STUCIN POUR "LE MONDE" En 1890, le Prince de Galles, futur Edouard VII, dégusta le n° 328. En 1914, le n° 40 312 revint au roi Alphonse XIII ; en 1921, le n° 53 211 à l’empereur Hirohito. Cet automne, nous avons personnellement hérité du 1 164 350e caneton préparé quai de la Tournelle (Paris 5e), dans les cuisines de la mythique Tour d’Argent. Pour un repas s’inscrivant dans l’histoire, tout en réussissant à s’en échapper. Peu de restaurants parisiens ont autant été identifiés à un plat et au rite emblématique de son service. La recette du caneton Tour d’Argent a été mise au point, à la fin du XIXe siècle, par le propriétaire d’alors, Frédéric Delair, un Rouennais qui importait rive gauche la spécialité régionale du canard au sang. C’est aussi lui qui codifiera, à partir de 1890, la cérémonie de son découpage, en ayant l’idée de numéroter pour chaque client les volatiles consommés. Le chef Philippe Labbé s’appuie sur les oiseaux fournis depuis soixante ans par la maison Burgaud, installée à Challans, en Vendée. Jusqu’à ce début de XXIe siècle, peu de chose avait changé. Dans la salle à manger, perchée au 6e étage, dont l’immense baie vitrée offre une vue panoramique sur l’île de la Cité et Notre-Dame, le maître canardier présentait d’abord la bête rôtie. Sur le bar à vocation théâtrale situé au centre de la salle, il détachait ensuite les cuisses (qui repartaient en cuisine pour être servies grillées lors d’un second service), avant de lever les filets pour les disposer dans un plat sur réchaud, où l’attendaient foie de canard haché, madère, cognac et jus de citron. La carcasse était de son côté écrasée dans une presse argentée pour recueillir un jus qui, mêlé à un verre de consommé, rejoignait le plat pour être monté par une main experte jusqu’à obtenir une sauce à la consistance de chocolat fondu. Les filets en étaient alors nappés, accompagnés d’immuables pommes soufflées. Si ce must old-school peut encore être dégusté, orchestré en salle par l’équipe virevoltante de Stéphane Trapier, il faut désormais le commander au moins deux jours à l’avance (à partir de deux personnes et pour l’ensemble de la table, au prix de 220 euros par convive). « C’est une recette exceptionnelle, mais il faut lui accorder toute l’attention qu’elle mérite », explique Philippe Labbé, chef de la Tour d’Argent depuis 2016. « Or, avec 80 canards envoyés par service, elle avait fini par être traitée comme un plat de brasserie, manquant de noblesse et d’élégance. » Lire aussi A Pékin, la politique raffinée du canard Le restaurant, dont la légende fait remonter l’origine aux années 1580, a eu besoin de régénérer une histoire qui s’ankylosait dans le muséal. Après avoir symbolisé pendant des décennies l’excellence parisienne, cet ancien trois-étoiles avait perdu un macaron en 1983, puis un second, en 2006, qu’il mériterait de retrouver. A la suite de son grand-père, André Terrail, qui racheta le lieu en 1911, puis de son père, Claude Terrail, qui régna en amphitryon du tout-Paris, de 1947 au milieu des années 2000, André Terrail, 38 ans, a hérité d’un monument dont il aimerait qu’il ne soit plus une tour… d’ivoire. Alors que, traditionnellement, la maison gardait ses chefs dans l’ombre, pour mieux valoriser l’apparat du service, le jeune patron compte sur l’imagination de Philippe Labbé, 57 ans, pour « réargenter » son vieux blason. La truffe, une vieille complice Cet ancien disciple de Roger Vergé et de Bernard Loiseau a affûté son raffinement créatif à la tête de la Chèvre d’or, à Eze, dans les Alpes-Maritimes, puis de L’Abeille, le restaurant de l’hôtel Shangri-La (Paris 16e), où il fut récompensé de deux étoiles Michelin et du titre de « Chef de l’année » 2013 par le guide Gault & Millau. « Je trouvais que le canard pouvait susciter d’autres émotions, riches en surprise », explique le chef, s’inspirant d’un patrimoine tout en le transformant, dans un menu « tout canard » à l’originalité aussi baroque que son prix (360 euros). Pour étonner et régaler, Philippe Labbé continue de s’appuyer sur les oiseaux – issus de croisements entre le colvert et diverses races régionales – fournis (depuis soixante ans) par la maison Burgaud, installé à Challans, en Vendée. Indispensables également, les foies gras du Sud-Ouest, dont l’engraissage 100 % maïs garantit « qu’ils ne bougent pas d’un lobe à la cuisson ». D’un côté, le chef décline les morceaux nobles en imaginant des préparations, dérivant de grands classiques – aiguillettes rôties et mitonnée au coing confit ; cuisse confite à la royale, cappuccino de pommes de terre au cacao amer, tartine de truffes ; filet rôti à la flouve odorante et hydromel, pêche plate à la rhubarbe… – ou explorant d’autres planètes : émoustillant tartare de filet de canard, homard et gamberoni, baigné d’un bouillon brûlant façon shabu-shabu ; tendre profondeur d’un suprême cuisiné en croûte de chocolat aux arômes de gibier… Le foie gras peut aussi être contisé de sa vieille complice, la truffe, dans un clin d’œil à une ancestrale recette maison, ou s’évader avec une vinaigrette d’huîtres ou une gelée de concombre. La saveur douce et le coté pulpe de fruit de la langue de canard ont même poussé le cuisinier à l’oser en dessert. Courant parfois le risque de la préciosité, le cuisinier valide ses audacieuses associations en maîtrisant impeccablement cuisson et assaisonnement. Mais c’est quand il applique au volatile le vieil adage réservé au cochon, que Philippe Labbé étonne le plus. Car en effet : « Tout est bon dans le caneton. » Le cuisinier en a particulièrement pris conscience à Shanghaï, Pékin et Hongkong, où il a effectué des stages, à l’époque de L’Abeille, à l’initiative des propriétaires chinois du Shangri-La. Lire aussi Canard à la sauce douce : la recette de Michèle Barrière Ces séjours résonnent dans la poudre de foie séché (inspiré des ormeaux séchés des marchés asiatiques) qui aromatise un bouillon de champignons, dans le crumble de pattes de canard qui croustille sur le foie gras, dans la présence systématique d’un plat autour d’un œuf de canne à l’onctuosité sans égal (même si les Chinois le préfèrent confit au sel ou cristallisé dans une coque de chaux) et, bien sûr, dans l’utilisation des langues de canard. D’une texture à la fois ferme, fondante et gélatineuse, ce petit muscle détaché de son cartilage est parfois marié à l’huître (accompagné par exemple de poire, litchi et huile de sésame), car Philippe Labbé lui trouve « une consistance de coquillage ». Sa saveur douce et son côté pulpe de fruit ont même poussé le cuisinier à l’oser en dessert, avec cerises amaretto, jus de sureau et glace gingembre. On en oublierait presque d’admirer Notre-Dame. La Tour d’Argent, 15, quai de la Tournelle, Paris 5e. Tél. : 01-43-54-23-31.
27/12/2018
m-gastronomie
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Corée du Nord : menaces sur la sécurité alimentaire
Avec une production agricole en baisse, Pyongyang fait face à un risque aggravé de malnutrition pour 2019.
Le chef nord-coréen Kim Jong-un en viste dans la ferme 1116, photographie non datée publiée par l’agence officielle nord-coréenne KCNA le 1er juin 2015. KCNA / REUTERS Dans la République populaire démocratique de Kim Jong-un, le triomphalisme, notamment en matière militaire, est souvent de mise. Mais face aux difficultés récurrentes que Pyongyang rencontre en matière de production agricole, les autorités ont formulé un rare aveu d’échec. Jeudi 27 décembre, l’agence officielle nord-coréenne KCNA a rapporté des déclarations récentes du premier ministre, Pak Pong-ju, déplorant une production de semence insuffisante. En Corée du Nord, la sécurité alimentaire est un problème structurel. La production agricole y est régulièrement insuffisante par rapport aux besoins de la population. Les terres arables manquent et le matériel agricole y est obsolète. Ces dernières décennies, le pays a été touché par plusieurs famines qui se sont traduites par la mort de centaines de milliers voire de millions de personnes, en particulier dans les années 1990. Malnutrition Par ailleurs, les déclarations du premier ministre nord-coréen interviennent deux semaines après que l’Organisation pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) des Nations unies a fait état, dans son rapport trimestriel, d’une baisse de la production alimentaire dans le pays et d’une nécessité pour le régime de Pyongyang d’accroître ses importations l’an prochain. Le pays va ainsi devoir faire venir quelque 641 000 tonnes de produits alimentaires en 2019, contre 458 000 cette année. « L’insécurité alimentaire demeure un problème majeur et les conditions ont été aggravées par les récoltes 2018 inférieures à la moyenne », a estimé la FAO. L’agence onusienne estime que 10,3 millions de personnes ont besoin d’aide humanitaire dans un pays qui compte près de 25 millions d’habitants. Mais les financements se sont taris dans le contexte de tensions géopolitiques causées par la volonté de Pyongyang de poursuivre son programme d’armement nucléaire. Le directeur du Programme alimentaire mondial des Nations unies, David Beasley, avait jugé en mai que la population de Corée du Nord souffrait de malnutrition. Article réservé à nos abonnés Lire aussi Corées : les chances d’une visite à Séoul de Kim Jong-un s’amenuisent
27/12/2018
international
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A Pékin, la politique raffinée du canard
Le palmipède laqué est le produit phare du rayonnement gastronomique chinois. Alors que certains chefs respectent les traditions à la lettre, d’autres osent s’en affranchir. Tour de tables pékinoises.
Chez Da Dong, l’autre enseigne phare du canard à la pékinoise. A. To./"Le Monde" « Contrôlez le pétrole, et vous contrôlerez les nations, contrôlez la nourriture, et vous contrôlerez les peuples » : Henry Kissinger ne croyait pas si bien dire. En 1971, le conseiller à la sécurité nationale de Richard Nixon se rend secrètement à Pékin rencontrer Zhou Enlai. Pour le déjeuner, le premier ministre de la République populaire de Chine initie son hôte à une spécialité locale raffinée : le canard laqué à la pékinoise. C’est un succès, couronné, dans l’après-midi, par l’organisation d’une prochaine visite de Richard Nixon. « Après un canard à la pékinoise, je suis d’accord avec tout », se serait même enthousiasmé Henry Kissinger. Comme lui, Fidel Castro, Yasser Arafat, Kim Jong-il, ou encore Helmut Kohl, ont succombé au charme opulent du canard. Chez Quanjude, on ne travaille qu’avec l’« Anas platyrhynchos domestica », ou canard de Pékin, reconnaissable à son plumage blanc comme la neige et à son bec orange. Si le palmipède n’est plus une redoutable arme diplomatique, il reste néanmoins le produit phare du rayonnement gastronomique chinois. « Paris a son caneton rôti du restaurant La Tour d’argent ? Pékin a son canard laqué du restaurant Quanjude », résume William Chan Tat Chuen, sinologue et spécialiste des cultures et rituels alimentaires. On trouve des traces de ce plat dès les dynasties du Nord et du Sud, au IVe siècle après J.-C. Mais il faudra attendre l’empereur Qianlong et l’impératrice Cixi, épris de canard, pour que la volaille connaisse un succès fulgurant, et c’est en 1864 que le restaurant Quanjude – véritable temple du canard – ouvre ses portes. Aujourd’hui, l’enseigne compte une cinquantaine de filiales dans toute la Chine, sert plus de 2 millions de canards à 5 millions de clients chaque année, et abrite même un musée du canard. Petit couac, cette ode à la volaille était en travaux lors de notre passage, mais peu importe : Quanjude est un musée en soi, vestige d’un temps révolu. En parcourant les 15 000 m2 de l’enseigne historique, qui se déploie sur 7 étages, à quelques pas de la place Tiananmen, on a l’impression de s’engouffrer dans une faille spatio-temporelle : colonnes ornées de dragons, hôtesses en qípáo – tenue traditionnelle chinoise –, photos de personnalités politiques surannées et préparation du canard dans les règles de l’art. Découpé en 108 lamelles Ici, on ne travaille qu’avec l’Anas platyrhynchos domestica, ou canard de Pékin, reconnaissable à son plumage blanc comme la neige et à son bec orange. « Cette espèce à la chair tendre et grasse aurait été découverte pendant une partie de chasse en Mandchourie par l’empereur Qianlong », raconte Christopher Zhao, influent blogueur culinaire chinois – plus d’un million de followers sur son compte Weibo. Elevés en liberté pendant deux mois, les canards sont ensuite gavés. « Ils doivent atteindre le poids idéal de 2 kilos », détaille Margot Zhang, petite-fille d’éleveuse de canards et auteure du blog « Recettes d’une Chinoise ». Les canards sont ensuite tués, plumés – on élimine les derniers poils à la pince à épiler –, étripés et gonflés : on insuffle de l’air entre la graisse et la peau. « Les meilleurs rôtisseurs n’utilisent que leur propre bouche. Les canards sont ensuite passés à l’eau bouillante, séchés et laqués au maltose, puis rôtis de quarante minutes à cinquante minutes. La peau doit être croustillante et rouge comme une datte, et la viande juteuse et fondante, parcourue de petits coussinets de graisse blanche », précise William Chan Tat Chuen. On peut finalement passer à table. Devant chaque table, un chef en toque et gants blancs découpe le canard. Au moins 100 lamelles doivent être prélevées, dans l’idéal 108, car les Chinois adorent le 8, chiffre de bon augure. On les enroule ensuite dans une crêpe de farine de blé trempée dans une sauce sucrée, garnie de tiges de cives, concombre et autres légumes saumurés. L’ensemble permet de jouer sur les textures et de limiter la sensation de gras. Chez Quanjude, les clients se voient même remettre une petite carte signifiant le numéro du canard dégusté. Ils repartent repus et imprégnés de cette atmosphère vétuste qui déteint jusque dans la saveur du canard, estime Christopher Zhao : « Comme tous les restaurants tenus par l’Etat, Quanjude a souffert de la libéralisation des années 1990. Les meilleurs chefs sont partis dans le privé, à l’instar de Dong Zhenxiang, qui a fait ses premières armes chez Quanjude avant de fonder Da Dong. » Il s’agit de l’autre enseigne phare du canard à la pékinoise, qui a même ouvert à New York, au printemps. Lire aussi Canard à la sauce douce : la recette de Michèle Barrière Si Quanjude est le repaire de la classe moyenne chinoise, Da Dong se veut plus sophistiqué. Pas de clichés poussiéreux ici, mais des photos avec Joël Robuchon et le prince de Monaco. Du haut de son mètre quatre-vingt-treize, « Big » Dong, proche d’Alain Ducasse, ose s’affranchir des traditions. Pour donner encore plus de croustillant à la peau du canard, ses clients la trempent dans des cristaux de sucre. Le chef a même osé bousculer la technique de rôtissage – soixante-dix minutes – pour une chair plus croquante et moins grasse. Le dressage, enfin, est individuel, une hérésie pour la Chine, où le repas est un acte social. Le résultat, gracieux et délicieux selon l’avis de nos papilles occidentales, fait bondir les puristes, qui accusent Da Dong de « japoniser » la cuisine chinoise. Comme quoi, aujourd’hui encore, le canard reste éminemment politique. Les adresses Si les plus intrépides oseront préparer chez eux le canard laqué à la pékinoise en suivant la recette de Canard laqué, canard au sang, de William Chan Tat Chuen (Les éditions de l’épure, 2016), l’auteur met en garde : il ne s’agit là que d’une consolation, rien ne vaut une dégustation. Sans pousser jusqu’à Pékin, quelques adresses parisiennes vous permettront de savourer ce plat dans les règles de l’art. Chen Chen Nous voilà dans le premier restaurant chinois étoilé de Paris, situé dans le 15e arrondissement. Le menu propose des spécialités de différentes régions, mais c’est bien le sublime canard laqué pékinois « Mr. Chen » qui assoit la réputation de l’enseigne. Véronique Chen, la veuve du cuisinier, continue de proposer le canard en trois services, comme le veut la tradition : on commence par la peau, enroulée dans les crêpes, on poursuit avec la dégustation de la chair, et on termine par un bouillon de canard dégraissé et parfumé. Compter 75 euros pour un demi-canard (deux personnes). 15, rue du Théâtre, Paris 15e. Tél. : 01 45 79 34 34. www.restaurantchenparis.fr Shang Palace Ici tout n’est que luxe, palmes et volupté : pour une expérience spectaculaire, rendez-vous au Shang Palace, au niveau inférieur du Shangri-La, face à la tour Eiffel. Dans l’ancienne résidence de Roland Bonaparte le chef étoilé Samuel Lee concocte le palmipède, de race écossaise, en deux services : on commence par la peau croustillante servie avec des crêpes à la farine de riz, puis on passe aux magrets hachés et sautés au wok, en feuilles de laitue. Le canard entier est proposé à 160 euros, le demi à 90. Pour 10 euros de plus, on peut demander la soupe de canard au tofu, champignons et chou chinois. 10, avenue d’Iéna, Paris 16e. Tél. : 01 53 67 19 92. www.shangri-la.com Chez Vong La plupart des Français ne connaissent le canard laqué que dans sa version cantonaise, telle que la propose, façon street food, la chaîne Tang Gourmet dans le 13e arrondissement. Plus au cœur de Paris, le chef Vai Kuan Vong excelle également dans les préparations de Canton, mais c’est bien à la façon de Pékin qu’il cuisine son canard. Dans cet établissement situé dans le 1er arrondissement, à quelques pas de la rue Saint-Denis, on travaille avec les canards de Challans, les mêmes qui sont utilisés à la Tour d’argent. Pour 123 euros, la volaille est servie en trois services. Après la peau roulée dans les crêpes, on goûte la chair du canard, sautée au wok en petits morceaux avec des pousses de soja et des légumes, puis on se régale avec le bouillon à base de carcasses. 10, rue de la Grande-Truanderie, Paris 1er. Tél : 01 40 39 99 89. www.chez-vong.com
27/12/2018
m-gastronomie
https://www.lemonde.fr/m-gastronomie/article/2018/12/27/a-pekin-la-politique-raffinee-du-canard_5402688_4497540.html
Le foot italien n’arrive pas à se débarrasser de ses dérives racistes
Depuis des décennies, les joueurs africains entendent des cris de singe sur les pelouses italiennes. La Ligue y répond par des sanctions à la sévérité variable.
Kalidou Koulibaly, le 26 décembre 2018, lors du match Inter Milan-Naples. ALBERTO LINGRIA / REUTERS C’était il y a quasiment un an, début janvier 2018. Le joueur de football français Blaise Matuidi, qui évoluait alors dans les rangs de la Juventus Turin, avait pris à témoin l’arbitre du match disputé en Sardaigne contre Cagliari, lui demandant d’intervenir alors qu’il était la cible d’insultes racistes de la part de certains supporteurs. Le match s’était poursuivi, comme si de rien n’était. Si le club de Cagliari avait présenté ses excuses, assurant que « le racisme n’a rien à voir avec le peuple sarde » et que « seule l’ignorance peut expliquer certains comportements », l’affaire avait fait les gros titres de la presse, questionnant sur la prise en compte et l’efficacité de la lutte contre ces dérives racistes par les instances dirigeantes du football italien. Les mêmes questions se posent après que le défenseur sénégalais de Naples Kalidou Koulibaly a été la cible de cris racistes, mercredi 26 décembre, à Milan. « Les sifflets contre un joueur de couleur, en 2018 encore, font très mal », a déploré le quotidien La Repubblica, alors que le quotidien sportif La Gazzetta dello Sport, qui a désigné Koulibaly joueur du match, a dénoncé « les sifflets indignes d’une ville cosmopolite comme Milan ». A Chelsea, l’entraîneur appelle à combattre « les gens stupides » Certains supporteurs du club anglais de Chelsea sont soupçonnés d’avoir crié des propos discriminatoires lors du match contre Watford, mercredi 26 décembre, selon l’agence Press Association. « Dans chaque communauté, je pense qu’il y a des gens stupides et nous devons donc nous battre tous ensemble contre les gens stupides mais pas contre les fans de Chelsea », a réagi l’entraîneur, Maurizio Sarri. A la suite d’injures raciales présumées à l’encontre du joueur de Manchester City, Raheem Sterling, début décembre, Chelsea avait banni provisoirement quatre supporteurs de son stade. Le président du club, Bruce Buck, a publié une lettre ouverte il y a un peu plus d’une semaine dans laquelle il a blâmé « une minorité profondément déplaisante mais bruyante ». « Nous continuerons à prendre les mesures les plus fortes possibles contre eux ». Les comportements racistes, une constante Cela fait des décennies que, lors des matchs du championnat d’Italie, des joueurs africains ou d’origine africaine sont les cibles de cris de singe ou de lancer de bananes. Kalidou Koulibaly avait déjà été visé par des supporteurs de la Juventus Turin en septembre. Même chose pour Blaise Matuidi : avant le match à Cagliari, il avait été confronté, fin décembre 2017, à des chants racistes proférés par certains supporteurs du Hellas Vérone. Les internationaux italiens ne sont pas épargnés. Mario Balotelli, premier joueur noir sélectionné en équipe nationale, en a souvent été victime. Lorsqu’il portait les couleurs de l’Inter Milan, en avril 2009, certains supporteurs de la Juventus lui avaient lancé : « Il n’y a pas d’Italiens noirs ! » Cette année, rappelé sous le maillot azzurro après quatre ans d’absence, il avait été accueilli lors d’un match amical contre l’Arabie saoudite, fin mai, par une banderole sur laquelle était écrit : « Mon capitaine est de sang italien. » Un antisémitisme persistant L’extrême droite est très présente dans les rangs des supporteurs de certains clubs. En octobre 2017, ceux qui se sont baptisés les Irriducibili à la Lazio, avaient provoqué une très vive émotion et de fortes réactions après avoir arboré des autocollants avec un photomontage d’Anne Frank portant le maillot de la Roma, ainsi que des autocollants antisémites ou homophobes. Ces « manifestations » des ultras intervenaient après qu’ils avaient été privés de leur tribune habituelle, suspendue après des cris de singe lancés lors d’un match précédent. Article réservé à nos abonnés Lire aussi Après l’affaire « Anne Frank », la Lazio de Rome affiche sa contrition Des sanctions variables La Ligue de football italienne a mis en place, ces dernières années, des sanctions afin d’essayer de lutter contre les comportements racistes. Un joueur qui profère des propos racistes peut être suspendu, les clubs dont les supporteurs se livrent à ces manifestations racistes peuvent être sanctionnés par des amendes et matchs à huis clos. Mais l’application de ces sanctions et leur ampleur sont variables. Dès jeudi après-midi , suite aux manifestations racistes visant Koulibaly la veille, l’instance disciplinaire de la Ligue italienne de football a annoncé que l’Inter Milan devra disputer deux matches à huis clos. , suite aux manifestations racistes visant Koulibaly la veille, l’instance disciplinaire de la Ligue italienne de football a annoncé que l’Inter Milan devra disputer deux matches à huis clos. En octobre , la Juventus Turin a été sanctionnée par la Fédération italienne d’une amende de 10 000 euros et d’une fermeture de l’une de ses tribunes pour un match, après des cris et chants racistes visant, déjà, Kalidou Koulibaly. , la Juventus Turin a été sanctionnée par la Fédération italienne d’une amende de 10 000 euros et d’une fermeture de l’une de ses tribunes pour un match, après des cris et chants racistes visant, déjà, Kalidou Koulibaly. La sanction qui a visé, en tout début d’année , Hellas Vérone était du même ordre : amende de 20 000 euros et fermeture avec sursis d’une tribune à la suite de chants racistes proférés par certains de ses supporteurs à l’encontre de Blaise Matuidi , Hellas Vérone était du même ordre : amende de 20 000 euros et fermeture avec sursis d’une tribune à la suite de chants racistes proférés par certains de ses supporteurs à l’encontre de Blaise Matuidi En janvier , Cagliari avait pour sa part échappé à toute sanction pour les chants racistes dont le même Blaise Matuidi s’était dit la cible. « Ces expressions n’ont pas été entendues par l’arbitre, les représentants de la Fédération italienne, ou consignées dans le rapport du match », avait expliqué la commission de discipline de la Ligue. , Cagliari avait pour sa part échappé à toute sanction pour les chants racistes dont le même Blaise Matuidi s’était dit la cible. « Ces expressions n’ont pas été entendues par l’arbitre, les représentants de la Fédération italienne, ou consignées dans le rapport du match », avait expliqué la commission de discipline de la Ligue. En janvier , après l’« affaire » des photos détournées d’Anne Frank, la Lazio Rome avait évité les deux matchs à huis clos requis par les instances disciplinaires et écopé d’une simple amende de 50 000 euros. Malgré tout, treize supporteurs de la Lazio, identifiés grâce aux images de surveillance, avaient été interdits de stade pour des durées comprises entre cinq et huit ans. , après l’« affaire » des photos détournées d’Anne Frank, la Lazio Rome avait évité les deux matchs à huis clos requis par les instances disciplinaires et écopé d’une simple amende de 50 000 euros. Malgré tout, treize supporteurs de la Lazio, identifiés grâce aux images de surveillance, avaient été interdits de stade pour des durées comprises entre cinq et huit ans. En mai 2017, la Ligue italienne avait en revanche suspendu un joueur de Pescara, le Ghanéen Sulley Muntari, expulsé pour avoir quitté le terrain de Cagliari suite à des cris racistes. Il aura fallu que le syndicat international des joueurs professionnels intervienne pour que la sanction soit annulée. « Quasiment aucun incident ne répond aux critères qui doivent être réunis pour que les clubs soient sanctionnés. Et les sanctions, quand il y en a, ne sont qu’avec sursis. C’est ridicule », avait déclaré à l’AFP, après cette « affaire Muntari », Mauro Valeri, responsable de l’Observatoire sur le racisme et l’antiracisme dans le football. Les joueurs de la Lazio portant un maillot à l’effigie d’Anne Frank après le détournement de leurs supporteurs. GIANNI SCHICCHI / AFP Arrêter les matchs ? Après les insultes visant Kalidou Koulibaly lors du match Inter Milan-Naples, La Gazzeta dello Sport a écrit, dans son édition du jeudi 27 décembre, « soutenir Koulibaly contre l’arbitre qui n’a pas arrêté la partie » et estimé que, dans de telles circonstances, il convient de mettre un terme au match. C’est ce qu’il s’était presque produit en 2013, lors d’un match entre l’AC Milan et l’AS Rome : alors que Mario Balotelli (qui jouait à Milan) était la cible de chants racistes, l’arbitre avait interrompu la partie. Momentanément, en attendant une annonce du speaker contre les fautifs. Mercredi, lors du match Inter Milan-Naples, « on a demandé trois fois la suspension du match et il y a eu trois annonces » du speaker demandant aux supporteurs de cesser leurs manifestations racistes, « mais le match a continué », a déploré l’entraîneur de Naples, Carlo Ancelotti. Le nouveau président de la fédération italienne de football, Gabriele Gravina, a dit souhaiter simplifier les règlements pour permettre aux arbitres d’interrompre plus facilement un match. Tout en demandant « pardon à Kalidou Koulibaly », le maire de Milan, Giuseppe Sala, a déclaré que, s’il continuera à aller voir les matchs de l’Inter, « aux premiers cris » il fera « un petit geste » : « Je me lèverai et je partirai. Je le ferai pour moi, conscient du fait que ceux qui lancent ces cris contre un athlète noir n’en auront rien à faire de ma réaction. Mais je le ferai. » Mort d’un supporteur de Milan Un supporteur de l’Inter Milan est décédé jeudi 27 décembre dans la matinée après avoir été renversé par un véhicule pendant des affrontements avec des tifosi de Naples mercredi soir avant le match entre les deux équipes. Selon le préfet de police de Milan, les incidents ont été provoqués par une centaine de supporteurs de l’Inter. Armés de chaînes et de marteaux, ils ont attaqué des minibus de fans de Naples, faisant quatre blessés. Un supporteur de l’Inter, âgé de 35 ans, a été renversé par un véhicule. Transporté à l’hôpital, il a succombé à ses blessures. Trois supporteurs de l’Inter ont été arrêtés. « Ce n’est pas possible de mourir pour un match de foot », a réagi le ministre de l’intérieur, Matteo Salvini, annonçant qu’il convoquera en janvier « les responsables des organisations de supporters de Serie A et B, pour que les stades et leurs alentours redeviennent des lieux de divertissement et non de violence ».
27/12/2018
football
https://www.lemonde.fr/football/article/2018/12/27/le-football-italien-toujours-confronte-a-ses-derives-racistes_5402684_1616938.html
Au Soudan, la rue défie le pouvoir d’Omar Al-Bachir
Les manifestations contre le régime du maréchal à la tête du Soudan depuis 1989 se multiplient après que le prix du pain a été multiplié par trois.
Manifestations à Khartoum, le 25 décembre. MOHAMED NURELDIN ABDALLAH / REUTERS Jusqu’où les « émeutes du pain » vont-elles emporter le Soudan ? Lorsque les premiers manifestants sont descendus dans les rues, la contestation n’avait rien d’organisé. Des rassemblements similaires se multipliaient dans un nombre croissant de villes du pays, sans programme, coordination ni leaders clairement identifiés, et dont le but était de protester contre le renchérissement des produits de première nécessité, comme le pain et le sucre. Le 18 décembre, le prix des petits pains ronds et souples qui composent l’ordinaire de toutes les familles soudanaises avait été multiplié par trois. En janvier, ce prix avait déjà doublé. Le 19, les premières manifestations commençaient à Atbara, à 250 kilomètres au nord de Khartoum, la capitale. Atbara, ville assoupie au bord du Nil, est aussi le berceau du syndicalisme et du communisme (le premier syndicat soudanais y avait été créé en 1946), siège des chemins de fer à la gloire évanouie. Aujourd’hui, elle souffre comme tout le Soudan. En quelques jours, il y avait plus de dix foyers de contestation à travers le pays. Et de plus en plus de slogans hostiles au pouvoir soudanais, ceux du « printemps arabe ». Des hommes, des femmes, des enfants ont pris part à des manifestations à Dongola, tout au nord ; à Gedaref, dans l’Est ; ou encore à El-Obeid, dans le Kordofan du Nord. Des bâtiments du parti au pouvoir, le Parti du congrès national (NCP), ont été incendiés. « Effondrement » L’augmentation du prix du pain n’est qu’une ultime décision, dans la continuité de celles qui affectent le Soudan ces dernières années. En 2013, la libéralisation des prix et du taux de change avait conduit à une première bouffée inflationniste, et à des manifestations durement réprimées. En janvier, cette année, un nouveau train de mesures d’austérité avait aussi entraîné des émeutes. En novembre, une délégation du Fonds monétaire international (FMI) était à Khartoum, pour discuter de certaines dispositions destinées à favoriser la reprise de l’aide financière. Parmi elles figurait la fin des subventions à des produits de première nécessité. La farine en fait partie. Ce ne sont plus les syndicats – noyautés par le pouvoir afin d’obéir aux injonctions du NCP du président Omar Al-Bachir – qui jettent à présent les foules dans les rues. A leur place, une organisation parallèle et assez discrète, l’Association professionnelle du Soudan (APS), a pris le relais dans l’organisation des manifestations. La contestation est portée par la difficulté de survivre alors que la valeur de la livre soudanaise a été divisée par deux et que certains prix ont été multipliés par trois, cinq ou plus. L’inflation, au total, a atteint 70 % en fin d’année. Les observateurs commencent à parler d’« effondrement » de l’économie.
27/12/2018
afrique
https://www.lemonde.fr/afrique/article/2018/12/27/au-soudan-la-rue-defie-le-pouvoir-d-omar-al-bachir_5402680_3212.html
« Sérotonine » marque le retour de Michel Houellebecq à la littérature
Son nouveau livre, entre angoisse et ironie, abandonne la polémique et laisse place à la possibilité de l’amour.
Michel Houellebecq lors de la remise du prix littéraire 30 millions d’amis à Paris, le 20 novembre. MICHEL GINIES / SIPA Quelqu’un dit « je » et tient une carabine entre ses mains. Une Steyr Mannlicher HS 50, « modèle à un coup ». Avec cette arme, vous n’avez qu’une seule chance. Pas question de rater. Or, rater, le narrateur du nouveau roman de Michel Houellebecq ne sait faire que cela. Cet ingénieur agronome, dont Sérotonine retrace le chemin vers la déchéance, et d’abord vers l’impuissance, a renié tout idéal écologique, notamment depuis qu’il a été embauché par Monsanto. Puis, chargé par diverses institutions de défendre l’agriculture française, ce quadra a également renoncé à sauver les producteurs de lait normands. Pourtant pas bête, plutôt doué même, Florent-Claude Labrouste s’effondre toujours au moment-clé, quand il faut faire mouche. Autant que sa carrière, sa vie sentimentale en témoigne. On dira que la pensée de Houellebecq « doit sa mobilité à la force répulsive et propulsive de l’adversatif mais… » Le voici donc, l’âme sous antidépresseurs et l’œil sur le viseur. Dans sa ligne de mire, un enfant. Celui de Camille, la seule femme avec laquelle Labrouste aurait pu être vraiment heureux, et qu’il a perdue pour une stupide histoire d’infidélité. Des années plus tard, déjà bien dérangé, il découvre qu’elle vit seule avec ce fils de quatre ans et décide que le seul moyen de la récupérer, elle, et de l’éliminer, lui. Le narrateur prend position dans la salle panoramique d’une brasserie fermée, à quelques centaines de mètres de la maison monoparentale, en Normandie. Muni de ses jumelles, il contemple l’enfant, installé devant un puzzle de Blanche-Neige. Fiasco total : les doigts du tireur se mettent à trembler. « Je venais de comprendre que c’était foutu, que je ne tirerais pas, que je ne parviendrais pas à modifier le cours des choses, que les mécanismes du malheur étaient les plus forts, que je ne retrouverais jamais Camille », peut-on lire. Appuyant quand même sur la détente, le sniper pulvérise la baie vitrée de la brasserie et craint qu’on l’ait entendu. « Je braquai mes jumelles sur l’enfant : non, il n’avait pas bougé, il était toujours concentré sur son puzzle, la robe de Blanche-Neige se complétait peu à peu. » Scène emblématique : au beau milieu des éclats de verre, le romancier fait surgir l’image du bonheur enfantin. Car si le narrateur de Sérotonine manie une carabine à un coup, Houellebecq, lui, comme jadis Voltaire, fait du roman un fusil à deux coups, et du champ littéraire un champ de bataille incertain, où les déflagrations du nu désespoir font résonner, par contraste, les intonations d’un amour solide.
27/12/2018
livres
https://www.lemonde.fr/livres/article/2018/12/27/serotonine-marque-le-plein-retour-de-michel-houellebecq-a-la-litterature_5402674_3260.html
Design : Cachez cet ornement que je ne saurais voir
L’exposition « L’ornement est un crime », présentée à la Cité du design de Saint-Etienne, parcourt soixante ans de rigueur fonctionnaliste, de 1919 à 1970.
Clôturant le parcours, la chaise d’Olivier Mourgue (1968) illustre une page qui se tourne : le règne du consumérisme et le retour annoncé de l’ornement. Cyrille Cauvet Ornement et crime. Ce livre publié en 1908 de l’architecte autrichien Adolf Loos (1870-1933) – l’un des textes fondateurs du modernisme, qui dénonce « l’instinct d’orner », « signe d’une sensualité bestiale » – tient lieu de fil conducteur à l’exposition « L’ornement est un crime », à voir jusqu’au 6 janvier 2019 à la Cité du design de Saint-Etienne. Coproduite avec le Musée d’art moderne et contemporain (MAMC), elle débute avec la chaise de bistrot 255 en bois cintré d’Adolf Loos lui-même, qui dit ainsi toute son admiration à l’Allemand-Autrichien Michael Thonet, l’inventeur d’une fabrication standard avec la première chaise faite d’éléments interchangeables, sans décor superflu, pouvant être livrée en kit. Elle se clôt en 1970 avec le fauteuil ruban au tissu psychédélique du Français Pierre Paulin, flanqué d’un rondouillard mange-disque vermillon. « Ils dessinent un art inédit, solidaire de la science et porteur d’un nouvel art de vivre, où le beau découle désormais de l’utile. » Agnès Lepicard, la commissaire de l’exposition Entre ces deux scènes, soixante ans de rigueur fonctionnaliste, d’interdit pour l’ornement dans la production artistique. Entre les deux, des recherches constantes des tenants de la modernité, dont Le Corbusier, pour approcher une forme de dépouillement dans l’architecture. Ils empruntent à l’industrie ses matériaux et ses modes de production à la chaîne, s’astreignent à un style géométrique, à des lignes épurées, à des couleurs taupes ou primaires… « Ce faisant, ils dessinent un art inédit, solidaire de la science et porteur d’un nouvel art de vivre, où le beau découle désormais de l’utile », précise Agnès Lepicard, la commissaire de cette exposition conçue en contrepoint de celle du MAMC sur le thème « Design et merveilleux ». Pour eux, l’ornement est « une survivance du passé », un « archaïsme barbare qu’il faut éradiquer », parce qu’antidémocratique (seuls les riches peuvent se l’offrir). Emblématique : Michael Thonet (1796-1871), l’inventeur de la chaise standard avec des pièces interchangeables, sans décor superflu, pouvant être livrée en kit. V. L./"Le Monde" L’exposition donne à voir la rationalisation des formes avec, par exemple, le Viennois Josef Hoffmann, et l’usage des nouveaux matériaux – verre, métal ou toile tendue –, par les modernistes, dont Marcel Breuer qui s’inspire du guidon de son vélo pour créer cette table ronde en verre qui ne cache rien de son piétement en métal cintré. Mais malgré leurs dénégations, les modernes ne renoncent pas tout à fait à l’ornement. Beauté fonctionnelle « Avec le culte de la belle ligne et des surfaces lisses, il reste une forme qui s’inscrit dans une stratégie ornementale : le meuble devient en soi l’ornement de la maison », fait remarquer Agnès Lepicard. L’attention se porte aussi sur la beauté des matériaux ou l’agencement rythmé des carrés de couleur. En 1930, Le Corbusier visite l’atelier de Mondrian rue du Départ, à Paris. Peu après, il introduit la couleur dans son travail, exploitée non pour ses qualités ornementales mais pour ses propriétés architecturales : la couleur ne décore pas, elle construit l’espace en plans éclatés. Gerrit Rietveld, dès les années 1920, avec une chaise rouge et bleue et un guéridon, Charles Eames et son bureau Edu (1950) ou Charlotte Perriand avec l’indémodable bibliothèque Mexique (1952) ont aussi recours, avec génie, aux couleurs primaires et à l’abstraction. La guerre venue, le dogme de la simplicité est devenu nécessité, dans un contexte de rationnement. Dans les années 1950, la cuisine est « la » nouvelle vitrine de la modernité, ce qu’illustre le film Mon Oncle de Jacques Tati : ce haut lieu hygiéniste doit répondre à des impératifs de propreté et de rigueur opérationnelle. Avec sa paillasse de laboratoire et ses robots ménagers, c’est le nouveau terrain d’expérimentation du « zéro ornement ». Réfrigérateur du Franco-Américain Raymond Loewy ou grille-pain de l’Allemand Dieter Rams : le petit électroménager trône comme un idéal de beauté fonctionnelle, avec rien à ajouter ni à retrancher. Jusqu’à ce qu’en 1970-1980 sonne le retour de l’ornement. Du gonflable, du jetable, des mousses, le tout dans un arc-en-ciel de couleurs : Pierre Paulin, Joe Colombo ou Piero Gatti accompagnent en fanfare le mouvement hippie et la culture pop. Non pas, prévient Agnès Lepicard, « comme un luxe inutile, mais comme symbole même de la croissance et de la vie ». L’ornement est un crime, jusqu’au 6 janvier 2019 à la Cité du Design. 3, rue Javelin-Pagnon, Saint-Etienne.
27/12/2018
m-styles
https://www.lemonde.fr/m-styles/article/2018/12/27/design-cachez-cet-ornement-que-je-ne-saurais-voir_5402660_4497319.html
Il est comme ça… Michel Houellebecq
Chronique. Chaque semaine, notre journaliste Philippe Ridet croque une personnalité qui fait l’actualité. Comme l’écrivain, qui a récemment affiché son soutien à Donald Trump et publie son septième roman, « Sérotonine ».
Damien Cuypers pour M Le magazine du Monde Petit bras ! Chiqué ! Remboursez ! On a connu Michel Houellebecq – dont le septième roman, Sérotonine (un neurotransmetteur associé à l’état de bonheur), sortira le 4 janvier 2019 chez Flammarion – autrement plus punchy. Franchement, encenser Donald Trump – « un des meilleurs présidents américains que j’aie jamais vus » – dans le très chic mensuel américain Harper’s Magazine (où Melville, London ou Franzen ont été publiés), c’est un peu téléphoné. Alors, comme ça, Houellebecq serait réac ? Première nouvelle ! Houellebecq aimerait ramer à contre-courant du politiquement correct ? Bof ! Et après ? En outre, la formule est un peu faux-cul, si on nous passe l’expression, et sa portée assez limitée. Et 1, et 2, et 3… : zéro ! 1- Né en 1956, le Prix Goncourt 2010 n’a, techniquement parlant, pu voir que douze présidents sur quarante-cinq, y compris Gerald Ford, dont les adversaires disaient qu’il était incapable de marcher en même temps que de mâcher un chewing-gum. 2- Plus personne ne s’offusque encore des opinions, très tranchées, de l’auteur (on vous fait grâce des détails), dont les livres sont bien plus subtils et ambigus. 3- Enfin, entre nous soit dit, il lui a fallu autrement plus de culot pour affirmer, en 2001, au moment de la sortie de Plateforme : « La religion la plus con, c’est quand même l’islam. » Sans lui faire injure, se mettre à dos une partie de la bien-pensance américaine et française ne devrait mettre en péril ni sa vie ni sa future première place au classement des meilleures ventes. Dans Valeurs actuelles, qui est à Michel Houellebecq ce que Salut les copains était à Johnny Hallyday (Les Inrocks, autre hebdomadaire converti de longue date à son culte, étant une sorte de Mademoiselle Âge tendre…), un de ses amis, le critique Marin de Viry, explique : « Si l’on veut être un grand écrivain aujourd’hui, il faut avoir une sympathie surhumaine pour les imbéciles. Le crétinisme est le phénomène contemporain majeur. » Et Michel Houellebecq, son observateur en position avancée ? C’est un peu ce qui nous fatigue à la longue chez Michel Houellebecq, cette façon d’exagérer le trait tout en s’assurant qu’on ne le prenne pas totalement pour ce qu’il dit être. Ainsi, comme les Dupon(d)t de Tintin, qui s’habillent selon ce qu’ils croient être le costume local afin de passer inaperçus, « l’ethnologue du déclin occidental » (Challenge) serait une sorte d’infiltré feignant la bêtise pour mieux la traquer. Dans un texte intitulé « Mourir », écrit pour le numéro des Cahiers de l’Herne qui lui a été consacré, le poète et romancier éclaire cette théorie d’une lueur biographique. Evoquant son père, qui « n’aimait rien tant que se comporter comme une espèce de beauf sous les yeux médusés de ses amis » – qui « l’appréciaient pour son habituelle finesse de pensée » –, il explique que, « pour pratiquer cette ironie à double détente, il fallait qu’il soit bien assuré de sa supériorité intellectuelle ». Article réservé à nos abonnés Lire aussi « Sérotonine » marque le retour de Michel Houellebecq à la littérature C’est un peu ce qui nous fatigue à la longue chez Michel Houellebecq, cette façon d’exagérer le trait tout en s’assurant qu’on ne le prenne pas totalement pour ce qu’il dit être. La supériorité intellectuelle de celui qui se considère « comme un des écrivains les plus doués de [sa] génération » est acquise. A 62 ans, il s’est récemment marié. Assez pour être rassuré, non ? Personne – en tout cas, pas nous – ne doute encore que son œuvre soit l’une des plus importantes de son temps. Jouer les provocateurs, même sincères, est un peu lassant. A ce petit jeu, il suffit de quelques années de plus pour finir en bouffon atrabilaire. On a aussi l’âge de ses outrances.
27/12/2018
m-le-mag
https://www.lemonde.fr/m-le-mag/article/2018/12/27/il-est-comme-ca-michel-houellebecq_5402651_4500055.html
Le professeur Georges David, figure de la médecine de la reproduction, est mort
Fondateur du premier centre d’étude et de conservation des œufs et du sperme humains, la première banque de sperme française, le médecin est mort à 95 ans le 22 décembre.
Le professeur Georges David dans son bureau du Cecos ( Centre d’étude et de conservation des œufs et du sperme humains) à Paris en mars 1984. Daniel SIMON /GAMMA-RAPHO Son nom n’était pas très connu du grand public. Pourtant, c’est en partie grâce à son audace que des dizaines de milliers de couples infertiles sont parvenus à fonder une famille ces quarante dernières années. Le professeur Georges David, médecin et fondateur du premier centre d’étude et de conservation des œufs et du sperme humains (Cecos), est mort le 22 décembre à Paris. Il avait 95 ans. Une messe a eu lieu jeudi 27 décembre à l’église Saint-Eustache, à Paris, suivie de son inhumation à Barbizon (Seine-et-Marne). Son histoire épouse celle de l’évolution des techniques reproductives et de la prise en charge de la stérilité au XXe siècle. « C’était un médecin qui avait un côté pionnier, engagé, à une époque où les médecins avaient la possibilité de prendre des initiatives un peu audacieuses », estime le biologiste de la reproduction Pierre Jouannet, qui fut son assistant à la fin des années 1960. Expert de la transfusion sanguine et des incompatibilités fœto-maternelles Membre de l’Académie nationale de médecine, ancien membre du Comité consultatif national d’éthique, Georges David ambitionnait initialement de devenir médecin généraliste, fasciné par celui qui lui rendait visite pour soigner ses maux d’enfant, en Lorraine. Mais au contact, notamment, des pédiatres Thérèse Boreau et Sylvain Buhot, aux côtés desquels il entame sa carrière à l’hôpital Saint-Antoine, à Paris, une autre voie s’ouvre à lui. Il devient un expert de la transfusion sanguine, plus spécifiquement des incompatibilités fœto-maternelles, et acquiert par la suite une solide réputation de réanimateur pédiatrique. En 1952, il découvre que l’exsanguino-transfusion, une technique consistant à remplacer le sang d’un patient, permet de guérir l’anasarque fœto-placentaire, un œdème généralisé découlant d’une incompatibilité de rhésus entre le fœtus et la mère. Jusqu’alors, dans la grande majorité des cas, cette complication provoquait la mort du fœtus ou du nouveau-né. Tournant historique et tabou de l’époque En parallèle, Georges David, marié à une sage-femme avec qui il aura un fils, Didier, développe ses activités de recherche. Grâce au soutien de Maurice Lacomme, chef du service de gynécologie obstétrique de l’hôpital Saint-Antoine, il obtient un poste d’assistant au laboratoire d’embryologie des Saints-Pères. Il décroche son agrégation en 1965. En 1968, il rejoint le centre hospitalier universitaire du Kremlin-Bicêtre, dont il deviendra le directeur du laboratoire d’histo-embryologie et de cytogénétique. C’est dans cette structure qu’il va élaborer un système qui constitue un tournant décisif dans l’histoire de la médecine de la reproduction. En décembre 2008, il se confiait dans la revue L’Internat de Paris :
27/12/2018
disparitions
https://www.lemonde.fr/disparitions/article/2018/12/27/le-professeur-georges-david-figure-de-la-medecine-de-la-reproduction-est-mort_5402648_3382.html
Hubert Reeves, conteur d’étoiles
L’astrophysicien a le goût du ciel depuis sa plus tendre enfance. Vulgarisateur hors pair depuis les années 1980, il est aujourd’hui président d’honneur de l’association de préservation de la faune sauvage Humanité et biodiversité. Il parraine la collection « Atlas du Cosmos », proposée par « Le Monde » et « National Geographic »
Hubert Reeves, à Paris, en 2016. Edouard Caupeil Le parrain de cette collection « Atlas du cosmos » est le plus célèbre des conteurs d’étoiles de la francophonie, Hubert Reeves. Depuis le début des années 1980, notamment avec ses livres Patience dans l’azur (Le Seuil, 1981) et Poussières d’étoiles (Le Seuil, 1984), le Québécois, né à Montréal en 1932, a répondu avec pédagogie, clarté et un brin de poésie aux grandes questions du public sur l’Univers en général et le destin cosmique des humains en particulier. Son humanité, son savoureux accent du Canada et son allure de patriarche ont complété la liste des ingrédients qui font un auteur à succès. Ce goût pour le ciel, Hubert Reeves le fait remonter à son enfance, quand, à la nuit tombée, toute la famille sortait de sa maison près du lac, au Québec, pour regarder les étoiles et dessiner mentalement les constellations : « Mes parents, confiait-il à l’auteur de ces lignes, il y a quelques années, aimaient ce qui touchait aux sciences naturelles, et l’idée que je ferais des sciences m’est donc venue très tôt. » Après avoir opté pour la physique et fait des études à Montréal ainsi qu’aux Etats-Unis, le tout jeune chercheur plonge dans le feu stellaire et le passé de l’Univers. Ainsi que l’explique l’astrophysicien Michel Cassé, dont il encadra la thèse au début des années 1970 et avec lequel il collabora longtemps au Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), Hubert Reeves « a travaillé sur la fusion thermonucléaire dans les étoiles et aussi sur la manière dont sont produits, dans le milieu interstellaire, trois éléments légers très particuliers, le lithium, le béryllium et le bore ». Avec Jean Audouze, il montre que ces éléments sont créés lorsque des rayons cosmiques de haute énergie brisent des noyaux de carbone, d’oxygène ou d’azote. « C’est un article qui a marqué l’époque, souligne Michel Cassé. Hubert a une façon très pénétrante de réfléchir aux choses du ciel. Il n’est pas sophistiqué, ce n’est pas un dandy : il va vraiment droit au but sans s’encombrer de fioritures. » La machine Reeves ne s’arrête plus C’est en s’apercevant qu’il captive ses amis lorsque, en vacances, il leur parle d’astronomie, qu’Hubert Reeves prend conscience de son don de vulgarisateur et de conteur. Un talent qu’il dit hérité d’une grand-mère qui lui narrait des histoires sans fin à la veillée. Il lui faut cependant du temps avant que son premier ouvrage grand public, Patience dans l’azur, trouve un éditeur. Mais, une fois lancée, la machine Reeves ne s’arrête plus. Les livres s’enchaînent, puis les conférences. Bien que la science ne soit pas une priorité du monde politique, le public est, lui, au rendez-vous, avide de comprendre d’où il vient, quels sont les liens généalogiques entre les étoiles et lui. Une médiatisation à laquelle le Québécois n’était pas préparé, mais qu’il apprivoise, de plateaux de télévision en studios de radio. Même s’il doit refuser des invitations, il a, à ce jour, donné plus de 2 500 conférences en France et dans le monde… Depuis le début de ce millénaire, Hubert Reeves s’est aussi engagé dans la lutte environnementale, en succédant, en 2001, à Théodore Monod à la tête de la Ligue ROC pour la préservation de la faune sauvage. L’association porte désormais le nom d’Humanité et biodiversité, et il en est aujourd’hui le président d’honneur. « Dans sa maison de campagne à Malicorne [Yonne], je le voyais depuis longtemps s’intéresser de manière profonde aux plantes et aux oiseaux, qui comptent beaucoup pour lui », se remémore Michel Cassé. Lequel résume ainsi le parcours de son ami : « Après avoir écumé le ciel, il s’est passionné pour la Terre. » Proposée par « Le Monde » et « National Geographic », la collection « Atlas du cosmos » vous présente l’Univers comme vous ne l’avez jamais vu. Retrouvez-la sur la boutique en ligne.
27/12/2018
sciences
https://www.lemonde.fr/sciences/article/2018/12/27/hubert-reeves-conteur-d-etoiles_5402645_1650684.html
La justice climatique, une affaire d’Etat
Editorial. « L’affaire du siècle », pétition française la plus signée de l’histoire, montre la prise de conscience de la menace climatique et met le gouvernement face à ses responsabilités.
Marche pour le climat à Lyon le 8 décembre. JEAN-PHILIPPE KSIAZEK / AFP Editorial du « Monde ». « L’affaire du siècle » est devenue, en à peine plus d’une semaine, la pétition française la plus massivement signée, non du siècle, mais de l’histoire. Lancée le 17 décembre par Oxfam, Notre affaire à tous, Greenpeace France et par la Fondation pour la nature et l’homme, l’initiative vise à poursuivre l’Etat français devant la justice administrative pour carence fautive s’il n’apporte pas la preuve, dans les deux mois, qu’il met effectivement en œuvre ses engagements en matière de lutte contre le changement climatique. Avec 1,8 million de signataires en quelques jours, la pétition des quatre ONG surpasse de loin toutes les initiatives comparables. Article réservé à nos abonnés Lire aussi La pétition pour le climat rencontre un succès inédit Certes, les pétitions en ligne sont outil de mobilisation qui peut être fugace et superficiel : un simple clic ne vaut pas nécessairement un engagement éclairé et solide. Mais le succès de « L’affaire du siècle » dit quelque chose de la prise de conscience s’installant peu à peu face à la menace climatique. Au-delà des rapports d’experts, de nouveaux événements – inondations, incendies, érosion des côtes, sécheresses… – rendent chaque année plus tangibles les risques multiples du réchauffement de l’atmosphère. Le fulgurant succès de « L’affaire du siècle » signale aussi une autre menace : celle de la fragmentation de la société, reflet des inégalités socio-économiques et des fractures territoriales. Car cette nouvelle mobilisation intervient dans la foulée de la révolte des « gilets jaunes », elle-même largement portée par les réseaux sociaux pour s’opposer à la taxation des carburants légitimée par l’impératif climatique. Cet antagonisme, au moins apparent, pose la question de savoir quelles transformations la société française est prête à assumer pour lutter contre le réchauffement. Le plus dur est à venir Réagissant à la mobilisation en cours, le ministre de la transition écologique et solidaire, François de Rugy, a tenté de relativiser l’effort à accomplir : à ses yeux, la France est sur la bonne voie, ses émissions françaises de gaz à effet de serre baissent depuis une trentaine d’années, et leur sursaut récent relève d’écarts conjoncturels. D’autres font valoir que les efforts à consentir en termes de lutte contre le réchauffement ne seraient pas si importants : la France est déjà, parmi les pays du Nord, l’un des plus modestes émetteurs de gaz à effet de serre, du fait de son parc nucléaire. Article réservé à nos abonnés Lire aussi L’Etat poursuivi par des ONG pour inaction climatique Ces considérations masquent en réalité une grande part du problème. D’abord, la baisse tendancielle des émissions françaises et leur valeur en apparence faible ne reflètent que ce qui est produit sur le territoire national, et non ce qui est produit ailleurs (en Chine, notamment) et consommé en France. La faiblesse des émissions françaises renvoie donc plus à la délocalisation d’une part de son industrie, qu’à la matérialisation de réels progrès. Ensuite, il est illusoire de penser que la diplomatie climatique peut fonctionner sans que chacun y prenne sa juste part. Chacun doit faire son quota d’efforts pour entraîner les autres à concéder le leur. La réalité – attestée notamment par l’accord de Paris sur le climat de 2015 et par les engagements que 196 Etats, dont la France, y ont pris – est que les plus grands efforts à accomplir sont encore à venir. Dans une société aussi hésitante, voire divisée, face à la question climatique, les choix, pour tout gouvernement, risquent de devenir extrêmement difficiles. Mais gouverner, c’est choisir. Le Monde
27/12/2018
idees
https://www.lemonde.fr/idees/article/2018/12/27/la-justice-climatique-une-affaire-d-etat_5402642_3232.html
Le premier homme à traverser l’Antarctique en solo et sans assistance
Après 1 600 km et 54 jours de périple, l’Américain Colin O’Brady a bouclé, le 26 décembre, la traversée de l’Antarctique en solo et sans assistance. Une première !
ière ! L’Américain Colin O’Brady a bouclé, le 26 décembre, la traversée de l’Antarctique en solo et sans assistance. C’est le premier à accomplir cet exploit. Il lui a fallu 54 jours pour parcourir les 1 600 km nécessaires. « Je suis parvenu à mon objectif : devenir la première personne de l’histoire à traverser le continent Antarctique d’une côte à l’autre, en solo, sans assistance et sans aide », a-t-il écrit sur son compte Instagram. Pour ajouter un exploit à ce qui en était déjà un, il a parcouru les 125 derniers kilomètres d’une traite. Après trente-deux heures, sans dormir. Colin O’Brady avait pris le départ du campement de Union Glacier le 3 novembre en compagnie de Louis Rudd, un militaire britannique de 49 ans. Les deux hommes, qui tentaient chacun d’être le premier à accomplir ce périple en solo et sans assistance, ont ensuite cheminé séparément. Si l’Anglais a un temps fait la course en tête, c’est finalement l’Américain qui a franchi la ligne d’arrivée en premier.
27/12/2018
sport
https://www.lemonde.fr/sport/video/2018/12/27/le-premier-homme-a-traverser-l-antarctique-en-solo-et-sans-assistance_5402640_3242.html
La Syrie et la Russie accusent Israël d’avoir mené des frappes aériennes en Syrie
Des installations liées au Hezbollah et à l’Iran ont une nouvelle fois été visées dans la nuit de mardi à mercredi.
Des missiles tirés dans la région de Damas, le 25 décembre 2018. Photo fournie par l’agence SANA. Uncredited / AP Le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, a rappelé mercredi 26 décembre au soir qu’Israël continuerait à « agir vigoureusement » pour empêcher « un enracinement de l’Iran en Syrie », sans faire référence aux frappes de la veille. Les regards se tournent cependant vers Israël après les raids aériens conduits dans la nuit de mardi 25 à mercredi 26 décembre en Syrie. Trois cibles militaires ont été bombardées à l’ouest et au nord de Damas, la capitale. Le régime syrien et son allié russe affirment qu’Israël est responsable des frappes. L’Etat hébreu n’a officiellement pas réagi. Si sa responsabilité était attestée, il s’agirait des premières frappes israéliennes en Syrie depuis l’annonce, la semaine dernière, du retrait américain de Syrie. Mercredi, Moscou a condamné une « provocation de l’aviation israélienne ». Les frappes de la veille « ont mis en danger deux avions de ligne civils qui s’apprêtaient à atterrir aux aéroports de Beyrouth et de Damas, lorsque six de ses F-16 ont mené des frappes en Syrie depuis l’espace aérien libanais », a affirmé dans un communiqué le porte-parole du ministère russe de la défense, Igor Konachenkov. Trois personnes auraient été tuées, selon les médias officiels syriens. Mercredi, l’Observatoire syrien des droits de l’homme indiquait que les cibles visées étaient un « entrepôt d’armes » appartenant au Hezbollah, le mouvement chiite libanais, et à l’Iran, allié du régime syrien. Des cibles situées autour de l’aéroport militaire Al-Mezzeh à l’ouest de Damas, déjà visé par de précédents raids israéliens, ainsi que dans les régions de Kesswa et Jamraya, au nord-est de la capitale syrienne. Empêcher un « enracinement de l’Iran en Syrie » Mardi soir, l’armée israélienne a seulement indiqué que son système de défense aérienne Patriot avait été activé contre un missile antiaérien en provenance de la Syrie : aucun dommage ou victime n’a été rapporté. « La nature des cibles laisse peu de doute quant à la responsabilité d’Israël, avance cependant Ofer Zalzberg, analyste principal à l’International Crisis Group. Mais l’ambiguïté fait partie de la politique israélienne en Syrie. » Lundi, M. Netanyahou avait répété que le retrait des 2 000 soldats américains de Syrie ne changerait pas la politique israélienne vis-à-vis de son voisin syrien. Depuis 2011, l’Etat hébreu y a mené plusieurs frappes contre des installations militaires de l’Iran et du Hezbollah, le mouvement chiite libanais soutenu par Téhéran.
27/12/2018
international
https://www.lemonde.fr/international/article/2018/12/27/damas-et-moscou-accusent-israel-d-avoir-mene-des-frappes-en-syrie_5402636_3210.html
Une amende de 250 000 euros à Bouygues Telecom pour ne pas avoir « protégé les données » de ses clients
Pendant plus de deux ans, « des contrats et factures » de plus de deux millions de clients de la marque B&You étaient accessibles en ligne sans authentification.
Bouygues Telecom a « insuffisamment protégé les données » de plus de deux millions de clients de sa marque B&You. L’autorité française de protection des données personnelles, la CNIL, a infligé jeudi 27 décembre une amende de 250 000 euros à l’opérateur téléphonique pour « manquement à la sécurité des données clients ». Un contrôle réalisé par la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) dans les locaux de l’opérateur téléphonique a permis de « confirmer l’existence d’une vulnérabilité permettant d’accéder à des contrats et factures de clients B & You ». Pendant plus de deux ans, ces données confidentielles étaient accessibles via une simple modification de l’adresse URL sur le site Web de Bouygues Telecom. Article réservé à nos abonnés Lire aussi Protection des données : citoyens et entreprises de plus en plus vigilants « L’authentification à l’espace client avait été désactivée » Selon la CNIL, qui s’était saisie de ce dossier en mars et avait aussitôt prévenu l’opérateur, Bouygues « a rapidement corrigé la vulnérabilité et les données personnelles des clients n’étaient plus librement accessibles ». « Le défaut de sécurité trouvait son origine dans l’oubli de réactiver sur le site, après une phase de test, la fonction d’authentification à l’espace client qui avait été désactivée pour les seuls besoins de ces tests », précise l’instance dans un communiqué. « La sanction prononcée concerne des faits s’étant entièrement déroulés avant l’entrée en application du règlement européen sur la protection des données personnelles », ajoute encore la CNIL. Lire aussi RGPD : ce qui change pour les particuliers
27/12/2018
pixels
https://www.lemonde.fr/pixels/article/2018/12/27/protection-des-donnees-la-cnil-inflige-une-amende-de-250-000-euros-a-bouygues-telecom_5402633_4408996.html
Ces mères porteuses que le Nigeria ne veut pas voir
Faute de cadre légal, la gestation pour autrui n’y est ni autorisée ni interdite. Mais dans ce pays où l’infertilité est souvent perçue comme une punition divine, elle reste taboue.
Toyin Lolu-Ogunmade, créatrice de l’agence Precious Conceptions, qui aide les couples luttant contre l’infertilité, avec une photo de sa famille, en décembre 2018, à Lagos. FLORIAN PLAUCHEUR / AFP Ada est devenue mère porteuse parce que son propriétaire menaçait de l’expulser avec sa famille de leur appartement de Lagos, une ville tentaculaire de 20 millions d’habitants dans le sud du Nigeria. Sans ressources, la jeune femme a eu l’idée, pour gagner de l’argent, de porter un enfant pour d’autres. Quand elle en a parlé à son mari, il a d’abord refusé. « Il a crié : “Comment peut-on faire une chose pareille ? N’y pense même pas !” », se souvient-elle. Elle avait entendu parler de la gestation pour autrui (GPA) dans une émission de télé-réalité américaine. Mais avant qu’une femme de son entourage ne lui avoue y avoir eu recours pour concevoir ses enfants, Ada ignorait que cela se faisait au Nigeria. La pratique est mal vue, autant chez les chrétiens évangélistes du sud du pays que par les imams du nord. Elle est cependant utilisée dans des clans polygames igbo ou yoruba : selon la tradition, dans certains villages igbo, une femme veuve ou séparée peut « épouser » une autre femme qui lui offrira un enfant. Les enfants nés du mariage prennent alors le nom du « mari féminin » et l’identité du donneur masculin n’est pas divulguée. Mais les traditions s’effacent au fil des ans, peu à peu remplacées par le secret et par un système opaque très lucratif. Car au Nigeria aucune loi n’encadre la GPA, qui n’est donc ni autorisée ni interdite. 814 décès pour 100 000 naissances Pour avoir porté et donné naissance à des jumeaux, Ada a reçu 2 millions de nairas (environ 4 800 euros). Les parents « demandeurs » lui ont également payé un logement décent pour elle, son mari et leurs enfants pendant la grossesse. « C’est ce qui était le plus important pour moi », explique-t-elle à l’Agence France-Presse (AFP). « La pression pour quitter notre appartement était de plus en plus forte, et quand j’ai montré le montant de notre dette à mon mari il a peu à peu accepté mon idée, même si ça lui faisait peur. » Et pour cause : le Nigeria est le quatrième pays au monde où il est le plus dangereux de donner la vie. Selon la Banque mondiale, on y enregistre 814 décès en couches pour 100 000 naissances, soit 100 fois plus qu’au sein de l’Union européenne. Après l’accouchement, pour n’éveiller aucun soupçon, Ada a raconté à son entourage avoir perdu l’enfant et préservé ainsi son secret. Le tabou entourant la GPA est encore plus important pour celles qui y ont recours faute de parvenir à avoir un enfant que pour les mères porteuses. L’infertilité, le plus souvent imputée aux femmes, est souvent perçue comme une punition divine. « Lorsque, le dimanche à l’Eglise, vous voyez des couples remercier Dieu de leur avoir envoyé miraculeusement un enfant après quinze ou vingt ans de tentatives, il y a de grandes chances pour que ce soit grâce à une fécondation in vitro [FIV] ou une GPA », explique Chike*, un ancien agent de mères porteuses. Mais rares sont ceux qui l’avoueront. Ces deux techniques « sont extrêmement coûteuses », trop pour l’immense majorité de la population, « donc le marché reste restreint », poursuit Chike. « Et il y a beaucoup de stéréotypes sur la GPA au Nigeria à cause des “usines à bébés”. » Dans ces maternités illégales, des jeunes filles accouchent, sous le voile de l’anonymat, d’enfants non désirés, nés d’un viol ou encore conçus dans le but de vendre le nouveau-né. Face à la lourde pression sociale et religieuse qui pousse à enfanter, ceux qui n’ont pas les moyens de recourir à une mère porteuse se tournent parfois vers de tels centres. Les autorités en ferment régulièrement à Lagos ou dans le sud-est du Nigeria. « Qu’est-ce qui arriverait si un jour elle revenait ? » Toyin Lolu-Ogunmade connaît la peine de ne pas parvenir à avoir d’enfants. « Je me disais […] que je n’étais pas une vraie femme ; l’essence même de ma féminité m’avait été enlevée », se souvient-elle. Elle a lutté pendant douze ans contre des fibromes, subissant quatre opérations, avant d’accepter de faire appel à une mère porteuse. Mais son gynécologue l’a informée qu’elle devrait la trouver elle-même. « Je ne savais pas par où commencer. » Après de longues discussions avec leur pasteur, Toyin et son mari sont partis en Inde, où l’on pratique légalement des GPA à moindre coût. Ils en sont revenus en 2012 avec des jumeaux et le projet de fonder une agence pour aider les femmes n’arrivant pas à enfanter. Lire aussi Portrait des mères porteuses indiennes, loin des idées reçues Bola Adedeji* est l’une d’elles. Pour que personne ne sache qu’elle ne portait pas elle-même son bébé, elle a cessé d’apparaître en public dès le début de la grossesse de « [sa] mère porteuse ». Elle explique n’avoir pas voulu savoir qui était cette dernière. « Qu’est-ce qui arriverait si un jour elle revenait et disait que c’était son enfant ? Je ne voulais pas de ça. » L’absence de législation sur la GPA au Nigeria rend les parents d’intention comme les mères porteuses très vulnérables : examens médicaux inadéquats, manque de soutien psychologique, abus de la pratique… Le cadre est si flou que Chike, agent depuis plus de cinq ans, a finalement décidé, fin novembre, de tout arrêter. Demander de l’argent pour son activité de mise en relation l’exposait en effet à des poursuites pour traite d’êtres humains. « Je veux offrir mes services de manière légale, assure-t-il aujourd’hui. Le Nigeria a besoin d’une loi pour encadrer cette pratique. » *Les prénoms ont été modifiés.
27/12/2018
afrique
https://www.lemonde.fr/afrique/article/2018/12/27/ces-meres-porteuses-que-le-nigeria-ne-veut-pas-voir_5402631_3212.html
La Maif veut « séduire ceux qui ne souhaitent pas confier toutes leurs données à Google »
Pascal Demurger, directeur général de la mutuelle, dévoile son plan stratégique dans un secteur bouleversé par les géants du numérique.
Pascal Demurger, directeur général de la MAIF, en 2012. ERIC PIERMONT / AFP Le directeur général de la MAIF, Pascal Demurger, dévoile son nouveau plan stratégique 2019-2022 pour « affronter le nouveau monde qui va nous tomber dessus », celui du numérique, du big data et des GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon). La mutuelle veut élargir son public en s’associant avec le groupe VYV (qui rassemble la Mutuelle générale de l’éducation nationale, MGEN, et la mutuelle santé Harmonie) pour distribuer son assurance-vie à ses 10 millions d’adhérents. Les deux partenaires pourraient créer une société commune au deuxième semestre 2019. La mutuelle, qui se cantonnait jusqu’à présent à assurer les personnes et les associations, va se lancer dans l’assurance des entreprises. Comment va évoluer le métier d’assureur d’ici quatre ans, sous l’influence du numérique, de la voiture autonome ? Le numérique casse les barrières à l’entrée de secteurs jusque-là relativement protégés. L’assurance ne sera pas épargnée. Le risque est de voir les géants du numérique, les GAFA, profiter de leur maîtrise des données pour rafler tout le marché, comme ils l’ont fait dans d’autres secteurs. A la MAIF, nous sommes les champions de la satisfaction clients, mais le fonctionnement du marché de l’assurance évolue, des intermédiaires parviennent à s’immiscer dans cette relation entre le client et l’assureur, qu’il s’agisse d’Amazon ou des constructeurs auto. Par ailleurs, plus il y aura de capteurs, plus il y aura de données, plus la voiture sera autonome et la maison connectée, plus la masse assurable va se réduire, car le nombre de sinistres va diminuer. Nous devrons nous adapter. Article réservé à nos abonnés Lire aussi Auto, maison, santé : les assureurs font entrer les objets connectés dans les foyers La plupart des mutuelles réagissent en se regroupant, resterez-vous indépendant ? Oui, fusionner, c’est une perte de temps dans un environnement qui se transforme à toute vitesse. Il faut bien cinq ans pour unir des réseaux, des systèmes d’information, recréer une gouvernance. Les gains ne sont pas à la hauteur de cette perte d’agilité, de rapidité. Et puis se regrouper, c’est perdre sa singularité, là où nous croyons au contraire à la nécessité de nous différencier. Mais nous cherchons des relais de croissance, et notre indépendance ne signifie pas isolement. Nous allons nouer un partenariat avec le groupe VYV, pour distribuer notre contrat d’assurance-vie MAIF dans ses réseaux MGEN, MNT et Harmonie Mutuelle, qui comptent 10 millions d’adhérents. Vous voulez également attaquer de nouveaux marchés… Nous voulons nous diversifier en lançant de nouveaux services, autour des nouvelles formes de mobilité, de l’habitation connectée, des services à la personne et plus largement des métiers du « care » (soin et assistance à la personne). Et puis nous allons nous adresser à un nouveau public, celui des entreprises, et assurer les ETI [entreprises de taille intermédiaire] et PME. Jusqu’à présent, notre clientèle se composait de particuliers [plus de 3,1 millions de sociétaires dans l’assurance-dommage] et d’entités du secteur non lucratif, c’est-à-dire les associations, les établissements publics, les collectivités locales. Nous allons aussi nouer des partenariats avec des distributeurs, en marque blanche ou sous notre marque.
27/12/2018
economie
https://www.lemonde.fr/economie/article/2018/12/27/la-maif-veut-seduire-ceux-qui-ne-souhaitent-pas-confier-toutes-leurs-donnees-a-google_5402628_3234.html
Prison à vie pour Ma Jian, l’ex-patron du contre-espionnage chinois
Arrêté en 2015 puis exclu du Parti communiste chinois, Ma Jian a été reconnu coupable d’avoir touché des pots-de-vin.
Ma Jian, ancien chef du contre-espionnage chinois, a été condamné jeudi 27 décembre à la prison à vie pour corruption par un tribunal du Liaoning (nord-est de la Chine). Arrêté en 2015 et exclu l’année suivante du Parti communiste chinois (PCC), cet ancien vice-ministre de la sécurité d’Etat, considéré comme l’homme qui a régné des années sur les puissants services d’espionnage et de contre-espionnage, a été reconnu coupable d’avoir notamment touché des pots-de-vin. Le tribunal populaire intermédiaire de la ville de Dalian a estimé qu’il avait commis « les crimes de corruption, d’extorsion et de délit d’initié ». Il a également été privé de ses droits politiques et ses biens ont été confisqués. Ma Jian a annoncé qu’il ne ferait pas appel, peut-on lire dans un communiqué du tribunal. Selon le jugement rendu jeudi, à la suite d’une audience à huis clos tenue le 16 août, Ma Jian a profité de ses fonctions de ministre adjoint au bénéfice d’entreprises contrôlées par le milliardaire en exil Guo Wengui, acceptant en retour pour plus de 109 millions de yuans (près de 14 millions d’euros) de biens. Selon le tribunal, MM. Ma et Guo ont, entre 2008 et 2014, collaboré pour obtenir, parfois sous la menace, des transferts d’actions. En 2013 il s’est, toujours selon le jugement, rendu coupable de délit d’initié. Article réservé à nos abonnés Lire aussi Guo Wengui, le milliardaire youtubeur qui fait trembler Pékin Campagne sévère contre la corruption Peu d’éléments de la carrière de Ma Jian sont connus publiquement. Il aurait progressé pendant trois décennies au sein de l’appareil sécuritaire et se serait hissé en 2006 à ce poste clé du ministère de la sécurité d’Etat. Cette institution des plus secrètes joue un rôle fondamental pour l’Etat-parti puisqu’elle cumule le traditionnel renseignement extérieur à la surveillance et à la répression des éléments susceptibles de déstabiliser le monopole du pouvoir du PCC. La chute de Ma Jian en 2015 avait suivi la disgrâce de son ancien patron, Zhou Yongkang, qui avait la haute main sur la police, la justice et les renseignements. Il était lui aussi tombé pour corruption. Depuis son arrivée au pouvoir fin 2012, le président chinois Xi Jinping a engagé une campagne sévère contre la corruption, qui a sanctionné plus de 1,5 million de cadres du régime. Mais certains observateurs estiment que cette campagne a visé avant tout ses opposants internes. Article réservé à nos abonnés Lire aussi Pékin met en scène la chute de Zhou Yongkang
27/12/2018
international
https://www.lemonde.fr/international/article/2018/12/27/chine-l-ex-patron-du-contre-espionnage-condamne-a-la-prison-a-vie-pour-corruption_5402624_3210.html
Les Etats-Unis promettent des « mesures extraordinaires » après la mort d’enfants migrants à leur frontière
Les structures d’accueil sont débordées par l’arrivée de 140 000 personnes depuis deux mois, dont des milliers de mineurs parfois isolés.
Augusto Mendoza, un migrant guatemaltèque et son fils Dillon à El Paso, Etats-Unis, le 26 décembre 2018. PAUL RATJE / AFP Felipe Gomez avait 8 ans. Il est mort la nuit de Noël après son arrivée dans un centre de rétention américain pour migrants, à la frontière entre les Etats-Unis et le Mexique. Son sort a suscité de nouvelles réactions indignées sur les conditions de vie des enfants interpellés avec leurs parents en tentant de se rendre illégalement en territoire américain depuis la mise en place de la politique migratoire inflexible voulue par le président des Etats-Unis, Donald Trump. Deux semaines plus tôt, une petite fille de 7 ans, détenue par les autorités américaines, avait déjà perdu la vie à El Paso, au Texas. Ces deux décès ont précipité l’annonce, mercredi 26 décembre, de « mesures extraordinaires » par Washington. Près de 14 000 mineurs non accompagnés Examens médicaux « approfondis » de tous les enfants détenus, renforcement du personnel médical… les dispositions sont censées répondre à l’inadaptation des structures existantes face l’afflux massif de migrants venus d’Amérique centrale. « Le phénomène auquel nous assistons aujourd’hui est relativement nouveau avec une population de migrants composée à 60 % d’enfants et de familles », ont indiqué des responsables du ministère de la sécurité intérieure. Selon la ministre Kirstjen Nielsen, qui doit se rendre prochainement dans le sud du pays où se trouvent les centres de rétention, au cours des deux derniers mois : 140 000 personnes ont été interpellées à la frontière sud, contre 75 000 sur la même période en 2017. En octobre et novembre, 68 500 familles ont été arrêtées, de même que 14 000 mineurs non accompagnés. « Nous avons besoin de l’aide du Congrès. Nous avons besoin de financement pour les soins médicaux et de santé mentale pour les enfants dans nos structures », a déclaré mercredi Kevin McAleenan, patron du service de surveillance des frontières, sur la chaîne CBS. Le nombre d’enfants migrants pris en charge par ses services pourrait prochainement dépasser la barre des 25 000, a-t-il ajouté. Mme Nielsen a relevé qu’avant décembre il n’y avait pas eu de décès d’enfant dans un centre du service de surveillance des frontières depuis plus d’une décennie. Lire aussi Aux Etats-Unis, le nombre de mineurs migrants en détention atteint des sommets « Mépris de la vie humaine » Interpellé avec son père, le 18 décembre, près d’El Paso, Felipe Gomez avait été transféré dans trois centres de rétention différents en quelques jours. Le service de surveillance des frontières a précisé dans un communiqué que l’enfant était pris de toux au matin du 24 décembre. Emmené dans un hôpital au Nouveau-Mexique, il est examiné par une équipe médicale qui diagnostique un « simple rhume » avant de constater une poussée de fièvre. L’enfant sort finalement peu avant 15 heures, avec une prescription médicamenteuse. Saisi de nausées et de vomissements dans la soirée, il est de nouveau conduit à l’hôpital, où il meurt peu avant minuit. Les causes exactes n’ont pas été établies à ce stade, mais les autorités ont promis un « examen indépendant et approfondi des circonstances » de la mort de l’enfant. Ce nouveau drame intervient au moment où les démocrates et le président républicain croisent le fer sur la construction d’un mur à la frontière entre les Etats-Unis et le Mexique. Son financement, que les démocrates du Congrès refusent d’approuver, a provoqué un blocage budgétaire. Depuis samedi, une partie des administrations fédérales ont suspendu certaines de leurs missions et 800 000 fonctionnaires sont affectés. Après l’annonce du décès du garçon, plusieurs élus démocrates ont dénoncé la politique migratoire de l’hôte de la Maison Blanche. « L’administration Trump doit rendre des comptes pour la mort de cet enfant et pour toutes les vies qu’elle a mises en danger avec son chaos volontaire et son mépris de la vie humaine », a estimé Martin Heinrich, sénateur démocrate du Nouveau-Mexique. « Nous avons tous la responsabilité morale d’assurer que les enfants de Dieu sont traités avec compassion et décence », a affirmé Nancy Pelosi, la cheffe des démocrates à la Chambre des représentants, qualifiant la mort des deux enfants de « scandaleuse ». Elle a ajouté que le Congrès allait enquêter sur « cette tragédie ». Article réservé à nos abonnés Lire aussi A la frontière mexicaine, les rêves brisés des migrants de la « caravane » Infographie Le Monde
27/12/2018
international
https://www.lemonde.fr/international/article/2018/12/27/washington-annonce-des-mesures-extraordinaires-apres-la-mort-d-un-deuxieme-enfant-migrant_5402621_3210.html
La Géorgie entre ciel et pierres
Au nord de Tbilissi, le massif du grand Caucase renvoie au Moyen-Age. Tours imprenables, pistes à flanc d’abîme et vignes ancestrales en font le nouvel éden des randonneurs.
Depuis 2008, la Géorgie connaît une période de calme propice à l’essor touristique. Appel du vide à Parsma Le village de Parsma. Pascale Desclos Perché en vigie au-dessus du fleuve Alazani, le village de Parsma fait corps avec la montagne. Sur l’herbe du plateau se serrent des maisons de pierre sèche aux toits de lauzes. Seuls un filet de fumée s’échappant d’une cheminée et quelques vaches trottinant vers l’étable trahissent la présence d’habitants. A l’écart trône un étrange tumulus orné de cornes de mouflons, qu’un panneau interdit aux femmes d’approcher. Au bout du village, à l’aplomb du vide, une poignée de hautes tours en ruine semblent guetter le danger arrivant des montagnes… Dans cette région de Touchétie encore partagée entre christianisme et culte païen, ces tours défensives sont légion. Bâties dès le Moyen âge par les bergers pour se protéger des tribus venues du nord, certaines s’élèvent jusqu’à 15 mètres, colonnes de pierres empilées sur 3 à 6 étages. Ici vivaient des communautés entières, les bêtes en bas, les humains au-dessus. La Géorgie a entrepris depuis peu de restaurer ces tours, qui ponctuent de leur silhouette fantomatique les vallées sauvages de Touchétie, nouveau paradis des randonneurs. En première ligne pour un classement par l’Unesco… Odyssée vertigineuse vers la Touchétie Une route de montagne en Touchétie. Pascale Desclos Un étroit ruban de terre qui dévide ses lacets au bord du vide, un col à près de 3 000 mètres enneigé sept mois dans l’année, les sommets du Grand Caucase en panoramique… Praticable uniquement en 4 × 4, de mai à octobre, cette piste reste l’unique accès à la région montagneuse de Touchétie. Ce sont les Soviétiques, après 1945, qui entamèrent la construction de ce morceau de bravoure de 100 km, encore en travaux par endroits. Mais, au Moyen Âge déjà, les bergers touches empruntaient les sentiers de transhumance pour rallier la plaine de Kakhétie en hiver. 4 à 5 heures pour 100 km en 4 × 4 de Telavi à Omalo. Ivresse des sommets à la cave Nodari La cave à vin Nodari. Pascale Desclos Dans cette cave médiévale de Velistsikhe, comme dans toute la Kakhétie, les vignerons élèvent leurs vins dans de monumentales jarres en terre cuite, les kvevris, enfouies dans le sol jusqu’au col et fermées par des couvercles de pierre. Cette technique de vinification naturelle, qui consiste à laisser maturer le raisin foulé avec les peaux et les rafles pendant au moins six mois, est attestée par l’archéologie dans la région depuis huit mille ans. Résultat : des vins aux saveurs fruitées inégalées, comme le saperavi rouge ou le rkatsiteli blanc, qui arbore une couleur ambrée unique. Cave Nodari à Velistsikhe, à 30 km au sud-est de Telavi. Repaire gourmand à Tushuri Koshki Des spécialités géorgiennes à Tushuri Koshki. Pascale Desclos Beignets farcis à la viande hachée, salade de cives, pain khatchapouri au fromage fondant, rouleaux d’aubergines aux noix, khinkali (raviolis à la géorgienne)… Tsiala et Nugzar Idoidze font découvrir les spécialités culinaires locales aux randonneurs de passage à Omalo. Murs et escaliers de pierre, poutres, cheminées et photos de l’arrière-grand-père cosaque, leur maison-tour médiévale abrite 10 chambres d’hôtes au confort rustique et authentique. A partir de 40 € la double en B&B. Extase céleste à Saint-Georges d’Alaverdi La cathédrale Saint-Georges d’Alaverdi. Pascale Desclos Son nom viendrait d’Allah Verdi, « don de Dieu », en vieux perse… Dressant ses tours entourées de remparts dans la plaine viticole du fleuve Alazani, cette cathédrale remonte au XIe siècle. Bâtie sous le règne de David II le Reconstructeur, sur les vestiges d’un monastère fondé au VIe siècle par des pères assyriens, elle représentait alors les confins du monde chrétien. Une poignée de moines orthodoxes officient encore entre ses hauts murs, ornés de fresques médiévales rescapées de l’époque soviétique. A 20 km au nord de Telavi, dans la province de Kakhétie. Y aller Avec l’UCPA, trek de 14 jours, 12 nuits dans le Grand Caucase à partir de 2 090 €, incluant le vol A/R Paris-Tbilissi, les transferts, les hébergements en pension complète et l’encadrement par un accompagnateur francophone. www.ucpa-vacances.com Infos visitgeorgia.ge
27/12/2018
m-voyage
https://www.lemonde.fr/m-voyage/article/2018/12/27/la-georgie-entre-ciel-et-pierres_5402618_4497613.html
Vinci prend le contrôle de l’aéroport Londres-Gatwick pour 3,2 milliards d’euros
Il s’agit de l’opération la plus importante dans les aéroports pour le groupe français, qui se félicite d’un « prix très raisonnable ».
Piste d’atterrissage de l’aéroport de Gatwick, au sud de Londres, le 21 décembre. TOBY MELVILLE / REUTERS La pagaille provoquée à Gatwick par de mystérieux vols de drones et sa fermeture durant 36 heures juste avant Noël n’ont pas fait reculer Xavier Huillard. Décidé à devenir l’un des premiers opérateurs internationaux d’aéroports, au-delà de son activité dans le bâtiment et les travaux publics, le PDG de Vinci a annoncé, jeudi 27 décembre, la prise de contrôle du site britannique. Une opération majeure pour le groupe français d’infrastructures, la plus importante qu’il ait jamais conclue dans les aéroports. Une fois la transaction bouclée, en principe d’ici à la fin juin 2019, Gatwick sera le plus grand géré par Vinci à travers le monde. Gatwick, le deuxième aéroport le plus fréquenté de Grande-Bretagne, derrière Heathrow, avait dû être vendu en 2009 par la British Airports Authority, mise en demeure de céder certaines de ses plates-formes afin de favoriser la concurrence. Global Infrastructure Partners, un fonds d’investissement créé par General Electric et le Crédit suisse et spécialisé dans les infrastructures, avait obtenu les clés de l’aéroport situé à 45 kilomètres au sud de Londres. Dix ans plus tard, le fonds dirigé par le milliardaire nigérian Adebayo Ogunlesi entame sa sortie. Global Infrastructure Partners va vendre à Vinci 50 % du capital de Gatwick, plus une action, et garder les 49 % restants. Montant du chèque : 2,9 milliards de livres sterling (3,2 milliards d’euros) pour la moitié du capital. En incluant la dette, cela valorise l’aéroport à environ 8,3 milliards de livres. L’équivalent de 12 ans de chiffre d’affaires de Gatwick, et 22 fois son résultat brut d’exploitation en 2017-2018. « Un prix très raisonnable » Le groupe français se défend pourtant de faire une folie. « C’est un prix très raisonnable par rapport aux dernières transactions dans ce secteur, d’autant qu’il ne s’agit pas d’une concession, mais d’une acquisition en pleine propriété, sans limitation de durée », plaide Nicolas Notebaert, le président de Vinci Airports. Selon lui, le prix aurait été sans doute bien plus élevé sans le Brexit, qui risque d’avoir un impact négatif sur l’économie britannique. Le deuxième aéroport britannique, Gatwick, en mai 2017. HANNAH MCKAY / REUTERS En outre, « les opportunités de rachat d’un aéroport de cette qualité et de cette dimension sont extrêmement rares », relève-t-on chez Vinci. Ouvert à la fin des années 1920 comme simple aérodrome, Gatwick est devenu le huitième aéroport d’Europe, avec 46 millions de voyageurs attendus en 2018. Il ne dispose que d’une piste, ce qui limite son essor, mais sa fréquentation continue à croître avec l’arrivée de plus gros avions. Disposant de « la piste unique la plus fréquentée au monde », Gatwick est l’« aéroport le plus efficace au monde », affirme Vinci. Avec cette acquisition, Vinci exploitera désormais 46 aéroports dans le monde, et espère arriver dans le trio de tête des groupes du secteur. Entré discrètement dans ce domaine en 1995, au Cambodge, Vinci a frappé un grand coup en 2013, en achetant les dix aéroports continentaux du Portugal. Puis le groupe a poursuivi ses emplettes. Article réservé à nos abonnés Lire aussi Aéroports de Paris, des centres commerciaux très lucratifs Tout en misant sur Gatwick, il garde un œil sur ADP, l’important gestionnaire français, que le gouvernement envisage de privatiser. « Financièrement, opérationnellement, nous avons la capacité » de mener de front l’acquisition de Gatwick et celle éventuelle d’ADP, assure la direction de Vinci.
27/12/2018
economie
https://www.lemonde.fr/economie/article/2018/12/27/vinci-s-offre-londres-gatwick-le-deuxieme-aeroport-britannique_5402611_3234.html
La Bulgarie secouée par un scandale de trafic de passeports
Une lanceuse d’alerte dénonce la vente de nombreux passeports par un fonctionnaire proche du pouvoir et mis en cause par la justice.
Ekaterina Zaharieva (au centre), lors d’une réunion des ministres des affaires étrangères européens, à Bruxelles, le 10 décembre. La Bulgare aurait ordonné le licenciement de la lanceuse d’alerte Katia Mateva. Francisco Seco / AP Ce jour-là, Katia Mateva, a fait en voiture le voyage de Sofia à Bruxelles. Tendue, fatiguée, elle a tenu à venir témoigner dans la capitale des institutions européennes de ce qu’elle estime être un scandale trop largement méconnu en dehors de son pays : le trafic de la naturalisation bulgare, qui permet d’obtenir un passeport et donc le droit de circuler dans l’Union européenne – Sofia a adhéré à l’UE en 2007. Mme Mateva, une juriste, assumait la direction du Département de la citoyenneté au ministère de la justice. Elle a bloqué des milliers de dossiers et annulé des naturalisations quand elle s’est aperçue qu’une soixantaine de criminels étrangers en avaient bénéficié grâce à une simple déclaration d’« appartenance », assez floue, au pays. Ces certificats, recherchés par des Macédoniens, des Moldaves, des Ukrainiens ou des Albanais peuvent être obtenus contre quelques centaines ou milliers d’euros auprès de certains bureaux d’avocats. Quelque 115 000 personnes auraient bénéficié d’une naturalisation en l’espace d’une dizaine d’années Pour avoir dénoncé ce trafic, Mme Mateva assure avoir perdu son emploi en 2016 tandis que son mari, également fonctionnaire, subissait d’intenses pressions. De quoi vit-elle ? « De l’aide que m’apportent mes proches et mes amis », explique-t-elle au Monde. Le parquet général bulgare a d’abord classé le dossier. Pourtant, le directeur des renseignements a dit, l’an dernier, s’inquiéter de la menace que représentait ce trafic pour la sécurité nationale. Quelque 115 000 personnes auraient bénéficié d’une naturalisation en l’espace d’une dizaine d’années. Mme Mateva a indiqué que de 150 à 200 demandes étaient introduites chaque jour, par des étrangers qui déposaient de 500 à 1 500 euros pour l’examen de leur dossier. Un ministre impliqué dans le trafic L’ex-fonctionnaire a aussi tenu à informer le gouvernement de Boïko Borissov, premier ministre de centre droit, en coalition avec les nationalistes de Patriotes unis (OP), qui réunissent la xénophobe et extrémiste Ataka (Union nationale Attaque) et les nationalistes populistes de VMRO (Mouvement national bulgare). Mais il a fallu attendre octobre 2018 pour que la justice se mette enfin en branle et procède à une vingtaine d’arrestations, dont celle de Petar Haralampiev, directeur de l’Agence d’Etat pour les Bulgares de l’étranger, pour avoir reçu des pots-de-vin dans plusieurs dossiers de naturalisation. Il a été mis en examen pour appartenance à un groupe criminel organisé. Le secrétaire général de l’Agence a également été placé sous les verrous après la découverte, dans son coffre, de 265 000 euros en liquide. Le 26 novembre, M. Borissov annonçait qu’il réfléchissait à dissoudre l’Agence.
27/12/2018
international
https://www.lemonde.fr/international/article/2018/12/27/la-bulgarie-secouee-par-un-scandale-de-trafic-de-passeports_5402607_3210.html
Assommé par la crise des « gilets jaunes », le commerce relève la tête
La fréquentation des centres commerciaux a progressé de 6 % lors du week-end des 22 et 23 décembre. Le CNCC réclame l’instauration d’un Boxing Day à la française.
Le rush aura finalement eu lieu, samedi 22 et dimanche 23 décembre. Les magasins, dont la fréquentation avait plongé au gré des opérations de blocage montées par le mouvement des « gilets jaunes » depuis mi-novembre partout en France, ont recouvré la santé lors du dernier week-end précédant le réveillon de Noël, selon les chiffres publiés mercredi 26 décembre par le Conseil national des centres commerciaux (CNCC). L’indice national de fréquentation établi par le CNCC et la société d’études Quantaflow s’est établi en hausse de 6 %, les 22 et 23 décembre, par rapport à la même période de 2017. Gontran Thüring, délégué du CNCC, se félicite de cette « bonne nouvelle », après « cinq week-ends en forte baisse ». Les centres commerciaux français avaient essuyé des chutes de fréquentation successives de 14,3 % le samedi 24 novembre, 12,7 % le 1er décembre, 17 % le 8 décembre et 10 % le 15 décembre, selon les chiffrages établis dans 280 centres commerciaux en France par le CNCC. Lors de l’avant dernier week-end de 2018, les Français ont retrouvé le chemin des magasins. Le dimanche 23 décembre, l’affluence était plus grande encore que le samedi 22 décembre. Manque à gagner Mais ce « rattrapage tardif ne permettra pas de récupérer le chiffre d’affaires qui aurait dû être réalisé sans la crise des “gilets jaunes” », prévient M. Thüring. Le manque à gagner dans les 800 centres commerciaux que compte la France serait trop important pour qu’un excellent week-end de shopping y suffise. Au total, d’après les premières estimations dévoilées par la Fédération du commerce et de la distribution (FCD), la facture pourrait atteindre deux milliards d’euros pour l’ensemble du secteur. Il « faudrait attendre la fin du premier trimestre 2019 pour évaluer précisément l’impact de la crise des “gilets jaunes” », précise M. Thüring. D’ici là, le secteur pourrait avoir commencé à bénéficier des « mesures annoncées en faveur du pouvoir d’achat » par le gouvernement, reconnaît le CNCC. Les professionnels du shopping dans les galeries marchandes, commerçants et bailleurs, espèrent profiter de l’allocation de prime de fin d’année, « notamment pendant la période des soldes d’hiver », qui s’ouvre le mercredi 9 janvier. Après avoir multiplié les promotions en novembre pour soutenir leur activité, les commerçants s’apprêtent de nouveau à casser les prix pour écouler leurs stocks. Quitte à vendre à perte, ce que la loi les autorise à faire. Comme à l’accoutumée, la date de démarrage de cette période de soldes d’hiver fait débat. Le CNCC la juge « trop tardive » au regard de celle choisie par nos voisins européens. En Belgique, les soldes démarrent le 3 janvier. Au Luxembourg, ils débutent dès le 29 décembre. En Allemagne, les commerçants les mènent, pour un mois, à leur convenance ; il est d’usage qu’ils démarrent fin décembre. Les Britanniques, eux, sont dans la chasse aux bonnes affaires depuis mercredi 26 décembre, grâce au Boxing Day. Boxing Day à la française Le CNCC rêve de décrocher de l’Etat l’autorisation de mener cette opération coup de balai qui, au lendemain de Noël, lance les soldes d’hiver dans bon nombre de pays anglo-saxons. De fait, les Français en sont déjà fort familiers. Depuis mercredi 26 décembre, les enseignes leur accordent de grosses remises, sous le manteau, à la faveur d’opérations promotionnelles ou d’offres de ventes privées adressées par SMS ou e-mails. « Mon smartphone en est plein », reconnaît M. Thüring. Toutefois, l’instauration d’un Boxing Day à la française serait, « dans les circonstances actuelles, un bon moyen pour les commerçants de refaire leur trésorerie », à en croire ce dernier. D’ici là, le CNCC se félicite du raccourcissement de la période de soldes à quatre semaines au lieu de six. Cette nouvelle disposition relève de la loi Pacte (Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises), qui doit être débattue au Sénat fin janvier. Sa mise en application interviendrait lors des soldes d’été 2020. Article réservé à nos abonnés Lire aussi 2019 devrait être l’année du pouvoir d’achat
27/12/2018
economie
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Un champagne au nom africain s’invite sur les tables du réveillon
En créant sa propre marque, Mamadou Dian Diallo, Guinéen installé dans l’Hexagone, se lance à la conquête du continent avec un produit phare du savoir-faire français.
Mamadou Dian Diallo, fondateur de la marque de champagne Dian Diallo, pendant une dégustation à Abidjan, en septembre 2018. ISSOUF SANOGO / AFP Et si ces fêtes de fin d’année étaient marquées par un champagne au nom… africain ? C’est le pari de Mamadou Dian Diallo, un Guinéen installé en Champagne. A 40 ans, cet ancien représentant de la société Moët Hennessy a lancé sa propre gamme. Son atout : la dizaine d’années qu’il a passée au sein de grandes marques de champagne lui a permis de comprendre ce que la clientèle africaine appréciait dans ce vin pétillant. « Je me suis aperçu que les Africains consommaient beaucoup plus de champagne doux et fruité […], beaucoup plus de sec ou de demi-sec [que de brut]. C’est parce que [ce dernier] a un côté acidulé qu’ils n’apprécient pas », explique-t-il, interrogé par l’AFP. Pour plaire à ces consommateurs, l’homme a une solution, classique dans la région : le sucre de canne, qui permet « d’adoucir un peu le champagne afin que ça soit délicieux ». Attention toutefois, Dian Diallo est pointilleux quant à l’appellation de son produit : « Ce n’est en aucun cas un “champagne africain”, parce que ça n’existe pas, un champagne africain ! » Article réservé à nos abonnés Lire aussi La Champagne, un vignoble façon puzzle Et pour cause : pour porter l’appellation d’origine contrôlée (AOC) champagne, la boisson doit – entre autres critères – provenir d’une zone strictement délimitée. C’est dans cette région que le natif de Labé (nord de la Guinée), arrivé en France à 19 ans, a décidé de s’implanter en 2017 pour lancer sa marque. « J’ai eu un très bel accueil et je me suis associé avec un vigneron, Rémi Jacques, à Baye », dont la famille travaille dans cette branche depuis 1932. « Engouement très fort » C’est toutefois vers une autre terre que Dian Diallo se tourne désormais : le chef d’entreprise regarde au-delà de la Méditerranée pour développer son activité. Après moins de deux ans d’existence, il exporte déjà 10 000 bouteilles par an vers sept pays d’Afrique : sa Guinée natale, la Côte d’Ivoire, le Cameroun, le Gabon, le Burkina Faso, mais aussi le Nigeria et le Liberia. Un succès qu’il doit à un « engouement très fort pour le champagne et pour les produits de luxe » sur le continent. Article réservé à nos abonnés Lire aussi A la recherche de la classe moyenne africaine Depuis plusieurs années, les habitudes de consommation dans les grandes villes comme Abidjan, Accra ou Lagos ont radicalement changé : des mets et boissons de choix, autrefois réservés à quelques rares familles très privilégiées, sont davantage présents dans les fêtes et cérémonies. De nouvelles habitudes portées par le développement de classes plus aisées et qui en amènent d’autres : le dessert, élément peu présent dans la gastronomie africaine, est désormais plus consommé, et avec lui le vin pétillant rosé. Le champagne se vend bien en Afrique : le continent a importé plus de 4,9 millions de bouteilles en 2017. Ce produit phare du savoir-faire français y a connu une progression de 7 % de ses ventes au cours des dix dernières années, selon le Comité Champagne, organe institutionnel de l’appellation. Bien que deux marchés seulement, le Nigeria et l’Afrique du Sud, dépassent le cap des 500 000 bouteilles par an, l’apparition d’une demande croissante au Cameroun, au Gabon et au Sénégal encourage les investisseurs. Lire aussi Dans quel verre boire le champagne ? Certes, le marché africain du champagne ne pèse pas lourd au niveau mondial : le continent représente 3,25 % des exportations totales, loin derrière le Royaume-Uni (28 %), les Etats-Unis (23 %) ou le Japon (13 %). Mais Dian Diallo compte sur son nom et son origine pour s’y imposer : « Il y a une vraie fierté des Africains de voir un Africain évoluer dans ce milieu fermé », assure le Guinéen.
27/12/2018
afrique
https://www.lemonde.fr/afrique/article/2018/12/27/un-champagne-au-nom-africain-s-invite-sur-les-tables-du-reveillon_5402602_3212.html
Le prélèvement à la source, une mise en œuvre redoutée
Alors que la crise des « gilets jaunes » a remis en lumière la question du pouvoir d’achat, certains redoutent l’effet psychologique de la réforme qui entre en vigueur le 1er janvier.
Gérald Darmanin, ministre de l’action et des comptes publics, à Amboise (Indre-et-Loire), le 10 septembre. XAVIER DE TORRES / HANSLUCAS C’est la réforme qui ne peut plus être repoussée. Le 1er janvier 2019, le prélèvement à la source entrer en vigueur et trente jours plus tard, les contribuables découvriront sur leur fiche de salaire ce qu’il leur reste pour vivre une fois l’impôt sur le revenu soustrait. Depuis des mois, Bercy se prépare à cette échéance à hauts risques. Le ministre de l’action et des comptes publics, Gérald Darmanin, n’a pas le droit à l’erreur, tant le sujet est politiquement inflammable. Article réservé à nos abonnés Lire aussi Les agents des impôts aux premières loges du ras-le-bol fiscal A l’Elysée, on mesure les risques, mais on affirme que « tout a été fait pour que la réforme se réalise dans les meilleures conditions ». « Nous sommes prêts, assure M. Darmanin au Monde. Il y aura sans doute des erreurs, mais certainement moins que dans l’ancien système de l’impôt “à la papa”, qui en a généré 3 millions en 2018 ! Les agents des finances publiques seront là pour les résoudre, ils font un travail formidable. » Quant au sentiment de gagner moins que pourraient avoir les Français en découvrant leur rémunération nette fin janvier, après retenue de l’impôt, l’exécutif veut croire que le travail de pédagogie effectué suffira à l’empêcher. La relation avec l’administration et le pouvoir d’achat sont deux écueils potentiellement déflagratoires, comme l’a notamment montré ces dernières semaines la mobilisation des « gilets jaunes ». Emmanuel Macron le sait. Au lendemain de son élection, il avait d’ailleurs décidé de repousser d’un an la mise en place du prélèvement à la source, initialement prévue pour janvier 2018. Fin août, le chef de l’Etat avait envisagé de la reporter une nouvelle fois, jugeant que les garanties apportées par Bercy n’étaient pas suffisantes. Au risque politique, s’ajoute un risque économique. Que les Français aient le sentiment de toucher moins d’argent, qu’ils décident en conséquence de moins consommer et cela pourrait se traduire directement dans les chiffres de l’activité, laquelle donne déjà des signes de ralentissement. « Il y aura un impact psychologique, en termes de pouvoir d’achat et de consommation », prévient le sénateur (Les Républicains) d’Eure-et-Loir Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Une mise en garde que le gouvernement ne peut négliger, alors qu’il a construit le budget 2019 avec une hypothèse de croissance de 1,7 % et que l’Insee mise désormais sur 1,3 %. Lire aussi Tout ce qu’il faut savoir sur le prélèvement à la source Gains de trésorerie « Darmanin risque sa peau sur cette affaire », juge un macroniste de la première heure. On ne pourra en tout cas pas lui reprocher d’avoir ménagé sa peine. Dès qu’il en a l’occasion, le ministre issu de la droite plaide pour le prélèvement à la source. Il martèle qu’il ne s’agit pas d’une réforme de l’impôt sur le revenu, mais seulement de son mode de collecte. Dorénavant, l’impôt sera prélevé directement par l’employeur sur le salaire ou la caisse de retraite sur la pension. « Le prélèvement à la source est une façon plus simple de payer son impôt, a-t-il tweeté le 20 décembre. Nous sommes l’un des derniers pays à ne pas l’avoir mis en œuvre. »
27/12/2018
politique
https://www.lemonde.fr/politique/article/2018/12/27/le-prelevement-a-la-source-une-reforme-a-hauts-risques_5402599_823448.html
Tout ce qu’il faut savoir sur le prélèvement à la source
A partir du 1er janvier, l’impôt sur le revenu est collecté directement par l’employeur. Décryptage des conséquences pour les salariés et les retraités.
Bruno Le Maire et Gerald Darmanin, ici à Maubeuge le 8 novembre 2018, acteurs majeurs de la réforme du prélèvement de l’impôt à la source. LUDOVIC MARIN / AFP Première grande réforme de 2019, le prélèvement à la source est entré en vigueur le 1er janvier. Quel est le principe de la réforme ? Le prélèvement à la source n’est pas une réforme de l’impôt sur le revenu, mais de sa collecte. Le montant dû ne changera pas. En revanche, il n’y aura plus de décalage dans le temps entre la perception des revenus et le paiement de l’impôt. En 2018, l’impôt est payé sur ce que l’on a gagné en 2017. En 2019, on le paiera sur les revenus de 2019. « Il était temps que la France passe au prélèvement à la source, dit au Monde le ministre de l’action et des comptes publics, Gérald Darmanin. Tous nos voisins ont fait cette réforme de simplicité. L’impôt à la source, c’est payer son impôt au moment où on touche ses revenus, et le montant de votre impôt s’adapte à votre vie. » Selon Bercy, « chaque année, 30 % des contribuables voient leurs revenus baisser d’une année sur l’autre et doivent s’acquitter d’un impôt qui ne correspond plus à leur revenu ». Un mariage, une naissance, un divorce ou un décès sont autant d’événements qui modifient la situation fiscale des citoyens. Jusqu’à présent, compte tenu du décalage d’un an, il fallait attendre pour que l’impôt s’adapte. La naissance d’un enfant, par exemple, donne une demi-part fiscale à ses parents, ce qui permet de réduire leur impôt sur le revenu, mais à partir de l’année suivante. Dorénavant, cela aura une répercussion immédiate sur l’impôt, ou presque : un changement signalé en début du mois sera effectif dès le mois suivant. M. Darmanin cite souvent un autre exemple : celui d’une femme qu’il a, dit-il, rencontrée lors d’une braderie dans le Nord. Cette Française travaille en Belgique, pays qui applique la retenue à la source. Lorsqu’un cancer lui a été diagnostiqué, elle a dû arrêter de travailler, et ses revenus ont beaucoup baissé. Grâce au prélèvement à la source, raconte le ministre, elle a pu faire baisser son impôt immédiatement. Avec le système français actuel, elle aurait dû continuer à payer le même montant, puisque celui-ci est calculé sur la base des salaires de l’année précédente. Tous les événements liés à la vie professionnelle (licenciement, augmentation de salaire, année sabbatique ou fluctuations de revenu pour les indépendants) seront concernés. La variation des revenus fonciers (en cas de changement de locataire ou de charges exceptionnelles, par exemple) sera également prise en compte sans attendre. Comment cela va-t-il fonctionner ? Il faudra toujours déclarer ses revenus au fisc chaque année. C’est ce qui permettra à l’administration de calculer le taux à appliquer. Au printemps 2018, chacun a déclaré ses revenus perçus en 2017. Un taux a été calculé et transmis aux employeurs ou aux organismes de retraite. C’est ce taux qui sera appliqué, pour le compte de l’Etat, sur le salaire ou la pension de retraite de chacun. La paie versée en janvier 2019 sera donc amputée de l’impôt sur le revenu dû (les deux montants, avant et après impôt, seront indiqués) par les salariés concernés – 43 % des Français ont payé l’impôt sur le revenu en 2017. Chaque contribuable pourra à tout moment faire modifier le taux qui lui est appliqué en se rendant sur le site Impots.gouv.fr. Un salarié qui démissionne en février pourra prévenir l’administration fiscale de la disparition de ses revenus, et son impôt sera immédiatement adapté. Au printemps 2019, la déclaration des revenus perçus en 2018 permettra au fisc de faire le bilan et de prendre en compte des réductions ou l’octroi de crédits d’impôts. Le taux de prélèvement sera actualisé en septembre 2019, pour tenir compte des changements éventuels contenus dans la déclaration faite. Ce taux sera actualisé chaque année, en septembre. Le système du prélèvement à la source. LE MONDE Qu’en est-il des revenus perçus en 2018 ? 2018 sera « une année blanche ». En 2018, on paie l’impôt sur les revenus de 2017. En 2019, sur ceux de 2019. Aucun impôt ne sera jamais payé sur les revenus de 2018, sauf s’ils sont exceptionnels (plus-values mobilières et immobilières, dividendes ou indemnités de licenciement, par exemple). Pour la plupart des contribuables, cela ne changera rien dans l’immédiat : ils paieront un impôt en 2018 et un autre en 2019. En revanche, celui qui opterait pour un congé sabbatique en 2019 se rendrait compte tout de suite de ce changement : l’année prochaine, il ne paierait pas d’impôt sur le revenu. Sans la réforme, il aurait dû en payer sur ses revenus de 2018. Idem pour les retraités : ceux qui partiront en janvier 2019 ne paieront pas d’impôt sur les revenus de 2018, comme cela aurait été le cas sans la retenue à la source. En revanche, ils devront s’acquitter de celui dû au titre de leur toute nouvelle pension de retraite. Ils ne seront donc pas exonérés d’impôt, mais celui-ci sera calculé sur ce qui est perçu, pas sur ce qui l’a été un an avant. Les jeunes dont la vie active débutera en 2019 devront rapidement informer le fisc de leur nouvelle situation fiscale. Ma vie privée sera-t-elle menacée ? C’est l’un des angles d’attaque le plus fédérateur des opposants au prélèvement à la source, du parti Les Républicains à La France insoumise, en passant par le Medef. Ayant connaissance du taux d’imposition de ses salariés, le patron saura tout de leur vie privée, dénoncent-ils, et notamment ce que gagne le conjoint du salarié. Faux, rétorque Bercy. Le taux de prélèvement ne dit quasi rien de la situation personnelle du salarié. Le gouvernement rappelle que 90 % des Français qui s’acquittent de l’impôt sur le revenu se voient appliquer un taux compris entre 0 % et 10 %. Pour les cas spécifiques (une grande différence de salaire entre les époux ou de forts revenus immobiliers, par exemple), il est possible de choisir « un taux neutre », appelé « non personnalisé » par l’Etat. Ce taux dépend uniquement du montant du salaire en fonction d’une grille fixée par la loi de finances. Il ne prend pas en compte la situation personnelle du contribuable : c’est celui qui est appliqué à un célibataire sans enfants. Il ne faut pas oublier cependant que le fisc fera le bilan à l’été et, selon le taux choisi, le solde pourra être défavorable au contribuable. Quelles seront les conséquences pour les couples ? Jusqu’à présent, beaucoup de couples, pour qui la différence de salaire entre conjoints était importante, s’arrangeaient : celui qui gagnait le plus payait l’impôt du foyer. Avec le prélèvement à la source, cet arrangement ne sera plus possible : le même taux est supposé s’appliquer aux deux époux. Potentiellement, pour celui qui gagne le moins, cela peut représenter un manque à gagner important. Le gouvernement permet donc de moduler. En choisissant le « taux de prélèvement individualisé », calculé par l’administration, la répartition du paiement de l’impôt entre les conjoints est différente. Le conjoint qui, seul, gagne trop peu pour être assujetti à l’impôt sur le revenu, n’aura rien à payer. Quel est le rôle de l’employeur ? Le rôle de l’employeur (ou de la caisse de retraite) est de prélever l’impôt sur la paie (ou sur la pension) qu’il verse à son salarié, et ce en fonction du taux qu’il reçoit du fisc. Ce n’est pas la première fois que les entreprises collectent l’impôt pour le compte de l’Etat : elles le font déjà pour la TVA ou les cotisations salariales. Pour les questions relatives à l’impôt sur le revenu, l’interlocuteur de l’employé, cependant, n’est pas son patron, ou le service paie de l’entreprise. C’est l’administration. Le site Impots.gouv.fr permet de gérer son prélèvement à la source. Un numéro non surtaxé sera mis en service le 1er janvier (le 0 809 401 401). Pour les grandes entreprises, le changement passera presque inaperçu : c’est lorsqu’elles ont mis en place la « déclaration sociale nominative » (DSN), il y a deux ans, qu’elles ont accompli le gros du travail. La DSN, c’est en quelque sorte le tuyau qui relie l’administration aux entreprises : c’est par lui que passent les informations à transmettre aux organismes de protection sociale. C’est la même « tuyauterie » qui sera utilisée pour le prélèvement à la source. Pour les petites entreprises, en revanche, la tâche s’annonçait compliquée. Le gouvernement propose donc à celles qui le souhaitent d’utiliser le dispositif gratuit permettant de simplifier les formalités sociales liées à l’emploi de salariés : le « titre emploi service entreprise ». Quels impacts sur les réductions et les crédits d’impôt ? C’est l’un des éléments qui a fait hésiter Emmanuel Macron, fin août. Les crédits et réductions permettent d’alléger le montant de l’impôt sur le revenu. Or, c’était un angle mort de la réforme, car ces avantages fiscaux ne seront pas pris en compte dans le calcul du taux d’imposition. A priori, donc, sur les huit ou neuf premiers mois de l’année, les contribuables auraient payé plus d’impôts qu’ils n’auraient dû. Après avoir reçu la déclaration et calculé le montant de l’avantage, le fisc était censé rembourser le trop-perçu. Bref, les contribuables faisaient une avance de trésorerie à l’Etat. Le gouvernement a donc annoncé, en septembre, que 60 % des crédits et réductions d’impôt prévisibles seront versés sans attendre, dès le 15 janvier. Le solde sera payé à l’été. Sont concernés les crédits d’impôt associés aux services à la personne, aux frais de garde d’enfant et aux hébergés en EHPAD. Tout comme les réductions d’impôt en faveur de l’investissement locatif (Pinel, Duflot, Scellier, investissement social et logement outre-mer, Censi-Bouvard) ou en faveur des dons aux œuvres, des personnes en difficulté et des cotisations syndicales.
27/12/2018
politique
https://www.lemonde.fr/politique/article/2018/12/27/tout-ce-qu-il-faut-savoir-sur-le-prelevement-a-la-source_5402596_823448.html
La Chine fébrile avant le trentième anniversaire des manifestations de Tiananmen
Défenseurs des droits humains, chrétiens et même maoïstes sont réprimés avant l’anniversaire du mouvement étudiant et du massacre qui s’était ensuivi.
La police empêche Li Wenzu, Liu Ermin et Wang Qiaoling, les épouses de trois des défenseurs des droits humains arrêtés, d’entrer dans le bâtiment de la Cour suprême chinoise, pour plaider la cause de leurs maris, à Pékin, le 17 décembre 2018. Thomas Peter / REUTERS Les autorités chinoises ont une nouvelle fois profité de la moindre présence de diplomates et de journalistes occidentaux durant les fêtes de fin d’année pour organiser le procès d’un militant des droits de l’homme. Mercredi 26 décembre s’est tenu à Tianjin, une ville située à environ 120 kilomètres, au sud-est de Pékin, le procès pour « subversion » de Wang Quanzhang. Cet avocat de 42 ans est très connu pour avoir osé défendre des militants politiques, des membres de la secte interdite Falungong et des paysans dépossédés de leurs terres. Il était le dernier d’un groupe d’environ 200 défenseurs des droits humains arrêtés en juillet 2015 à n’avoir encore été ni jugé ni libéré. « L’affaire comportant des secrets d’Etat, la cour a décidé de ne pas ouvrir le procès au public », a expliqué le tribunal, dont l’accès était bloqué par des dizaines de policiers. Il semble que, dès le début, Wang Quanzhang a refusé l’assistance de son avocat commis d’office. C’est son épouse, Li Wenzu, qui, le 24 décembre, avait révélé la tenue de ce procès, elle-même étant empêchée de quitter son domicile à Pékin par « plus de vingt policiers ». Le tribunal a confirmé, mercredi soir, que le procès s’était tenu et que le verdict avait été mis en délibéré. Sans plus de précision. « Wang Quanzhang est persécuté pour avoir pacifiquement défendu les droits de l’homme », a déclaré dans un communiqué Doriane Lau, d’Amnesty International, en rappelant qu’il avait déjà été « détenu plus de trois ans sans que sa famille sache jusqu’à récemment s’il était vivant ». Un an auparavant, le 26 décembre 2017, le même tribunal avait condamné à huit ans de prison l’activiste et blogueur Wu Gan. Et en 2009, c’est le 25 décembre que le dissident Liu Xiaobo, décédé en 2017 d’un cancer, avait été condamné à onze ans de détention. Flash-mob des maoïstes Le procès de Wang Quanzhang se déroule alors que les autorités semblent fébriles à l’approche du trentième anniversaire, en juin 2019, des manifestations de Tiananmen. Un signe, parmi d’autres, de cette nervosité : il a fallu attendre le 25 décembre pour que les autorités confirment le décès, le 13 décembre, de Yuan Mu. Porte-parole du gouvernement de 1987 à 1993, Yuan Mu était célèbre pour avoir d’abord indiqué que la répression du mouvement étudiant le 4 juin 1989 n’avait fait aucune victime. Avant d’avancer le chiffre de 300 morts, un bilan sans doute bien inférieur à la réalité. Le nom même de Yuan Mu est, encore ce 27 décembre, censuré sur Weibo, le principal réseau social chinois.
27/12/2018
international
https://www.lemonde.fr/international/article/2018/12/27/la-chine-febrile-avant-le-trentieme-anniversaire-de-tiananmen_5402592_3210.html
Pétition pour le climat : quelles pourraient être les conséquences pour l’Etat ?
La démarche consiste à déposer un recours pour « carence fautive » et obliger ainsi l’Etat à respecter les objectifs de lutte contre le réchauffement climatique.
Lors d’une marche pour le climat à Bordeaux, le 8 décembre. NICOLAS TUCAT / AFP Pour la première fois, au printemps 2019, l’Etat français pourrait avoir à défendre devant la justice administrative des pans entiers de son action de lutte contre le réchauffement climatique : c’est la conséquence possible d’un recours que doivent déposer les quatre associations à l’initiative de « L’Affaire du siècle » (Oxfam France, Greenpeace France, Notre affaire à tous et la Fondation pour la nature et l’homme) si aucune réponse n’est apportée à leur « demande préalable indemnitaire » envoyée le 18 décembre à de nombreux ministres et au président de la République, Emmanuel Macron. Soutenue par près de 1,8 million de signataires d’une pétition en ligne, le recours pour « carence fautive » de l’Etat veut souligner l’échec de la France à remplir ses objectifs de lutte contre le réchauffement climatique, inscrits et chiffrés dans différents textes européens transcrits dans la loi française. Parmi eux figurent, à l’horizon 2020, la réduction globale de 14 % des émissions de gaz à effet de serre, la baisse de la consommation globale d’énergie de 20 % et l’augmentation à 23 % de la part des énergies renouvelables dans la production française. « Il est aujourd’hui avéré que la France ne respecte pas [ses] engagements et objectifs » à deux ans de l’échéance, souligne le document envoyé au gouvernement, qui a deux mois pour y répondre avant l’examen du recours par un juge administratif. Lire nos explications : La pétition pour le climat rencontre un succès inédit En France, l’Etat a déjà été condamné pour l’insuffisance de son action de protection de l’environnement, notamment pour son incapacité à empêcher la prolifération des algues vertes en Bretagne, à protéger un ouvrier du danger de l’exposition aux poussières d’amiante ou pour des manquements dans l’application d’une directive européenne sur la qualité de l’air. Mais un tel recours « n’a pas de précédent de cette ampleur », explique Jean-Paul Markus, professeur de droit et membre du collectif des Surligneurs. Les objectifs visés ont trait à la réglementation des transports et à celle de la production d’énergie, et pourraient avoir des conséquences sur les politiques de santé et l’aménagement du territoire. La démarche est aussi inédite en s’attaquant à des engagements pris seulement à l’échéance 2020, mais dont la réalisation est déjà compromise. « La politique de la France étant insuffisante, il faut affirmer ces manquements en appuyant sur tous les leviers en même temps », justifie Marie Toussaint, juriste de l’association Notre affaire à tous. Réchauffement climatique : En 1979, tout le monde savait déjà « C’est à l’Etat de se mettre en conformité » Le choix d’une procédure pour « carence fautive » vise à attester des manquements de l’Etat, d’une inaction ayant mené à compromettre les engagements pris dans la loi. Le juge administratif pourrait condamner l’Etat à mettre en place toute mesure nécessaire à la réalisation de ces objectifs. « Le magistrat ne peut pas aller plus loin que cette injonction, c’est à l’Etat de se mettre en conformité, par des décrets, des projets de lois si nécessaire », détaille Jean-Paul Markus. Outre les directives européennes, contraignantes pour la justice française, la demande préalable se fonde sur le principe de précaution inscrit dans la Constitution, ainsi que sur « un principe général du droit portant obligation de lutte contre le changement climatique », plus difficile à faire valoir devant un juge. Sur le modèle d’une action réussie aux Pays-Bas – où le gouvernement a été condamné à deux reprises à rehausser ses objectifs de réduction d’émission de gaz à effet de serre –, « L’Affaire du siècle » s’appuie aussi sur deux articles de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, qui demandent notamment aux Etats de « prendre les mesures nécessaires à la protection de la vie des personnes », y compris face aux enjeux environnementaux. « Nous voulons inverser la perspective financière » NICOLAS TUCAT / AFP Les associations demandent, par ailleurs, le versement d’indemnités pour préjudice moral et écologique, sans pour l’instant chiffrer le préjudice subi. « Nous voulons inverser la perspective financière, montrer à l’Etat que les procédures peuvent coûter plus cher qu’une réelle poursuite de ces objectifs », explique Me Emmanuel Daoud, avocat de l’une des associations dans le dépôt de ce recours. Les associations ne représentant pas de victimes directes de conséquences du réchauffement climatique (catastrophe naturelle, montée des eaux…), les indemnités ne pourraient cependant, selon plusieurs spécialistes du droit, dépasser quelques milliers d’euros. Dans l’attente d’un jugement du recours, la réponse du ministre de la transition écologique et solidaire à cette demande préalable – François de Rugy a déclaré dans Le Parisien, le 25 décembre, qu’il « n’est pas à des juges de forcer le gouvernement à prendre une loi » sur la protection de l’environnement – n’est pas valable, selon Jean-Paul Markus : « Le juge administratif influence la loi de manière indirecte. S’il y a une injonction de sa part, l’Etat devra se mettre en conformité. » « Je crois que M. de Rugy doit réviser son droit constitutionnel et administratif », commente, pour sa part, Me Daoud. Sans réponse officielle de la part du gouvernement, le dépôt du recours est prévu pour le mois de mars 2019. Sur Les Décodeurs : Comment l’homme bouscule l’équilibre du climat sur la Terre
27/12/2018
climat
https://www.lemonde.fr/climat/article/2018/12/27/petition-l-affaire-du-siecle-un-recours-pour-carence-fautive-d-une-ampleur-inedite_5402589_1652612.html
La matière meuble des anneaux miniatures du Système solaire
Découverts ces dernières années autour d’astéroïdes et de planétoïdes, ces disques de débris auraient été façonnés par une dynamique originale mettant en jeu le relief des astres qu’ils encerclent.
Ils comptent parmi les merveilles du Système solaire. Avec leurs surfaces brillantes et lisses, leurs variétés de couleurs et leurs multiples régions ou « divisions », les anneaux de Saturne suscitent l’enchantement et incitent à la rêverie. Ces structures féeriques, qui, associées entre elles forment un disque d’apparence faussement monolithique, ne correspondent pas à un objet solide. Mais à des régions de l’espace occupées par des myriades de débris de toute taille. Du fragment de quelques centimètres jusqu’à la petite lune. Elles ne sont pas non plus uniques en leur genre. Des couronnes, moins denses, moins larges ou faites d’une matière plus sombre, entourent aussi, complètement ou partiellement, les autres planètes géantes, Jupiter, Uranus et Neptune. Et il en serait de même, a-t-on appris voilà seulement cinq ans, de certains astéroïdes et planétoïdes. Comprendre les propriétés des anneaux associés aux petits corps du Système solaire était l’objet de récents travaux d’une équipe de l’Observatoire de Paris. Bruno Sicardy, professeur au laboratoire Lesia, et ses collègues ont étudié les ceintures de débris encerclant deux objets lointains aux formes et aux topographies particulièrement biscornues. Ils affirment dans la revue Nature astrophysics que les imperfections de ces astres ont joué un rôle majeur dans la mise en place de ces structures. Article réservé à nos abonnés Lire aussi Bruno Sicardy, chasseur transneptunien Le groupe de Bruno Sicardy n’en est pas à son coup d’essai. C’est lui qui, en 2013, a le premier découvert, en recourant à une technique dite d’« occultation stellaire », des anneaux d’astéroïde. En l’occurrence, ceux de Chariklo, un objet de 250 kilomètres de diamètre du groupe des Centaures voyageant quelque part entre Saturne et Uranus. La même équipe fut aussi en 2017 à l’origine de la découverte des anneaux d’Hauméa. Cette planète naine, située au-delà de l’orbite de Neptune et tournant sur elle-même en quatre heures à la manière d’un agitateur dans un bécher, à la forme étrange d’un cigare de… 2 300 kilomètres de longueur. D’où proviennent ces structures circulaires ? Dans ces régions éloignées et glacées du Système solaire, la meilleure explication possible est qu’elles résultent d’une collision survenue entre les astres qu’elles entourent et d’autres corps. Sous le choc, des débris furent probablement rejetés dans l’espace, formant en peu de temps des disques de matière. Mais qu’est-il arrivé par la suite ? C’est ce qu’ont voulu déterminer Bruno Sicardy et ses confrères. Ces astronomes ont simulé l’effet qu’auraient pu avoir les champs de gravité irréguliers de Chariklo et d’Hauméa sur de pareils disques. Résultat d’une intégration numérique montrant l’évolution d’environ 700 particules orbitant autour d’un corps allongé de taille et forme similaires à Chariklo (un ellipsoïde d’axes principaux 314 x 278 x 172 km). Après 3 mois (image du haut) la plupart des particules à l’intérieur de l’orbite synchrone (à 190 km du centre de Chariklo) sont tombées sur le corps. Après une année (image du milieu), toute la zone interne a été vidée. Après douze ans (image du bas), les particules continuent leur migration vers les zones externes. Crédit : Rodrigo Leiva, Dpt of Space Sudies, Southwest Research Institute, Boulder Ils ont ainsi découvert que, dans ce genre de système mettant en jeu des objets de petite masse en rotation rapide sur eux-mêmes, les variations de relief et de forme des astres – comme la simple présence d’une montagne de quelques kilomètres de haut – ont une grande importance. Elles créeraient des phénomènes de « résonances », hautement perturbateurs pour les particules de matière circulant dans l’environnement immédiat de ces objets. Selon eux, ces dernières seraient, en fonction de leur orbite, tantôt attirées en direction de la surface, tantôt rejetées plus loin vers l’espace. Résultat : quelques années suffiraient pour débarrasser la région interne d’un disque de ses débris, créer des anneaux et repousser ces derniers vers les zones périphériques où on les retrouve aujourd’hui. Pareille découverte ne serait pas sans implication. « En effet, indique Bruno Sicardy, transposée à d’autres situations, elle pourrait aider à comprendre comment se forment les satellites autour des petits corps du Système solaire. Voire contribuer à expliquer certains éléments du relief de ces objets. » Comme par exemple, l’existence sur Japet, une des lunes de Saturne, d’une chaîne de montagnes occupant l’équateur sur toute sa longueur. Cette dernière pourrait avoir été créée par la chute d’un ancien anneau. Proposée par « Le Monde » et « National Geographic », la collection « Atlas du cosmos » vous présente l’Univers comme vous ne l’avez jamais vu. Retrouvez-la sur la boutique en ligne.
27/12/2018
sciences
https://www.lemonde.fr/sciences/article/2018/12/27/la-matiere-meuble-des-anneaux-miniatures-du-systeme-solaire_5402583_1650684.html
Indonésie : quelques jours après le tsunami, l’activité du volcan Anak Krakatoa inquiète
Le niveau d’alerte a été relevé car le volcan pourrait encore provoquer un tsunami en cas de nouvelle éruption.
Cinq jours après le tsunami qui a fait 430 morts, 1 495 blessés et 159 disparus sur les îles de Sumatra et Java, l’Indonésie surveille de près le volcan qui a généré ce raz-de-marée. Les autorités du pays ont relevé jeudi 27 décembre le niveau d’alerte de l’Anak Krakatoa à « élevé », soit le deuxième niveau le plus important, et l’aviation civile a demandé à tous les avions d’éviter la zone. Le regain d’activité du volcan pourrait engendrer une nouvelle vague meurtrière. Le rayon de la zone interdite autour de l’Anak Krakatoa a en outre été élargi à 5 km. Les autorités ont exhorté les habitants à se tenir à l’écart du littoral, après le tsunami qui a soudainement frappé samedi soir les rivages du détroit entre les îles de Sumatra et de Java. D’après les experts, cette tragédie a été consécutive à une éruption modérée qui a provoqué un effondrement sous-marin d’une partie du volcan et le déplacement de masses d’eau. Jeudi, l’Anak crachait toujours des nuages de cendres alors que des nuées ardentes dévalaient ses pentes. D’où le risque accru pour les bateaux naviguant dans les environs. Le point sur la situation sur place : les survivants manquent d’eau, de nourriture et de médicaments « Un risque d’éruption plus importante » « Nous avons relevé le niveau d’alerte en raison d’un changement des caractéristiques de l’éruption », a précisé jeudi un responsable de l’Observatoire du Krakatoa, Kus Hendratno. « Il y a un risque d’éruption plus importante », a ajouté de son côté le porte-parole de l’Agence nationale de gestion des catastrophes, Sutopo Purwo Nugroho : « Les personnes pourraient être touchées par des pierres brûlantes, par les coulées pyroclastiques et les cendres épaisses. » L’Anak Krakatoa, « l’enfant » du légendaire volcan Krakatoa, lors d’une éruption le 26 décembre. STR / AFP Les nuées ardentes ne posent en elles-mêmes aucun risque pour les villes de la région car le volcan est une île au beau milieu du détroit, éloignée des centres de population. Mais le changement du niveau d’alerte a ravivé la crainte chez les habitants, déjà effrayés à l’idée de retourner chez eux. A la suite du tsunami, 22 000 personnes ont été évacuées. Elles sont hébergées dans des abris d’urgence. Mercredi soir, les autorités ont averti que des cendres et du sable étaient portés par les vents jusqu’aux localités de Cilegon et Serang, sur l’île de Java, exhortant les habitants à porter des lunettes et des masques s’ils sortaient de chez eux. Les pluies torrentielles ont provoqué dans certains secteurs des inondations compliquant les efforts des secouristes. Des médecins ont fait état d’un manque de médicaments et d’eau potable, alimentant les craintes d’une crise sanitaire. Il s’agit du troisième cataclysme à frapper l’archipel ces six derniers mois, après une série de séismes sur l’île de Lombok en juillet et août, puis un tremblement de terre suivi d’un tsunami à Palu, sur l’île des Célèbes, qui a fait 2 200 morts et des milliers de disparus en septembre. Voir aussi Tsunami en Indonésie : les secouristes à la peine dans les décombres
27/12/2018
international
https://www.lemonde.fr/international/article/2018/12/27/l-indonesie-releve-le-niveau-d-alerte-du-volcan-responsable-du-tsunami_5402580_3210.html
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27/12/2018
pixels
https://www.lemonde.fr/pixels/visuel/2018/12/27/des-problemes-sur-votre-pc-notre-reparator-vous-aide-en-quelques-clics_5402576_4408996.html
Après les JO de Pyeongchang, les soucis financiers et écologiques
Les Jeux olympiques d’hiver ont été un moment fondateur de la détente coréenne. Mais les localités hôtes, endettées, ne savent que faire d’installations qui coûtent cher.
Après les JO d’hiver, il y a eu une multiplication des participations d’équipes intercoréennes dans des événements internationaux. NATACHA PISARENKO / AP Politiquement réussis, économiquement discutables, les débats autour des Jeux olympiques d’hiver de Pyeongchang ne sont pas clos. Voilà près d’un an que les projecteurs se sont détournés des vallons de la région du nord-est de la Corée du Sud ayant accueilli les compétitions, en février. Pour fêter cet anniversaire, un tournoi de hockey sur glace aura lieu du 6 au 8 février 2019 à la patinoire de Gangneung, où s’est déroulé le tournoi olympique remporté par les Américains chez les hommes et les Russes chez les femmes. Quatre équipes, la Corée du Sud, la Lettonie, le Kazakhstan et le Japon s’affronteront pour une « coupe de l’héritage » voulant raviver l’enthousiasme des JO, dont le souvenir reste éminemment politique. En témoigne l’image forte qui y reste associée, celle de la tribune d’honneur le jour de la cérémonie d’ouverture du 9 février. Malgré le froid polaire, le président sud-coréen, Moon Jae-in, apparaissait, souriant, au côté de Kim Yo-jong, sœur et émissaire de confiance du dirigeant nord-coréen, Kim Jong-un. Article réservé à nos abonnés Lire aussi Le président sud-coréen Moon Jae-in joue les funambules avec Pyongyang Multiplication d’équipes intercoréennes Le moment était historique. Moins de deux mois auparavant, la péninsule semblait au bord de la guerre après une année 2017 marquée par de multiples essais de missiles et un test nucléaire par Pyongyang. Le coup de théâtre était survenu le 1er janvier. Dans son discours du Nouvel An, Kim Jong-un a offert de renouer le dialogue, appelant au succès des JO et se disant disposé à « prendre les mesures nécessaires, y compris à envoyer notre délégation ». M. Moon, qui a toujours milité pour la négociation, a immédiatement saisi l’offre de dialogue. La machine diplomatique s’est activée et s’est traduite par l’envoi d’une délégation nord-coréenne de haut niveau à Pyeongchang et la participation d’athlètes du Nord aux compétitions. Ces premiers échanges ont amorcé une véritable dynamique, traduite par la suite dans le domaine sportif par la multiplication des participations d’équipes intercoréennes dans des événements internationaux, en tennis de table notamment. Il y aura une équipe mixte aux championnats du monde de handball de janvier 2019 en Allemagne et au Danemark. Les deux Corées veulent présenter une candidature commune pour l’organisation des Jeux olympiques d’été de 2032. Ajoutés au bon déroulement des compétitions, ces développements ont contribué au choix du Comité international olympique (CIO) d’attribuer l’or de l’ordre olympique, la plus haute distinction de l’olympisme, à Moon Jae-in. Sur l’aspect financier des Jeux, le président du comité d’organisation, Lee Hee-beom, a annoncé le 10 octobre un bénéfice de 48,3 millions d’euros pour un événement ayant coûté 10,5 milliards d’euros. « Nous avons pu réaliser des Jeux olympiques économiquement viables en réduisant les coûts et en optimisant l’efficacité », s’est réjoui M. Lee. Article réservé à nos abonnés Lire aussi JO 2018 : Après Pyeongchang, « les Coréens sont fiers » Soutien financier refusé par Séoul Ce satisfecit vaut pour l’organisation des Jeux stricto sensu mais omet des difficultés persistantes pour les localités impliquées. Pyeongchang et Gangneung se sont endettées à auteur de 800 000 euros chacune. La province du Gangwon, où se trouvent les deux bourgades, ne sait que faire des installations dont elle a hérité et qui coûtent cher. Relativement pauvre, la province de 1,5 million d’habitants doit débourser 15,8 millions d’euros jusqu’en 2022 pour la simple maintenance de la patinoire de vitesse, le centre de hockey sur glace et le centre de ski d’Alpensia. Pour la suite, rien n’est décidé. Le gouverneur, Choi Moon-soon, a sollicité une aide gouvernementale pour couvrir 75 % de ces coûts. « La plupart des installations olympiques ont été démolies ou prennent la poussière. Les habitants ne sont pas contents. Nous avons besoin d’un soutien financier urgent du gouvernement. » Séoul a refusé pour ne pas créer un précédent dans l’usage des fonds publics. De même, des sociétés chargées des travaux ont peiné pour obtenir le règlement de quelque 6,2 millions d’euros qui leur étaient dus. Demeure enfin l’épineuse question de la forêt du mont Gariwang. Une partie de cette forêt d’arbres parfois millénaires, considérée comme sacrée, car déclarée « zone royale interdite » pendant l’ère Joseon (1392-1905), a été détruite pour construire la piste de ski alpin de Jeongseon. L’une des conditions à l’aide du gouvernement était la restitution le 1er janvier 2019 des terres à l’Agence des forêts, qui en avait la gestion et qui, avec l’appui des organisations de protection de l’environnement, veut restaurer le site. Les installations devraient dès lors être détruites mais, aujourd’hui, les habitants veulent en conserver une partie à des fins touristiques. Organisée le 21 décembre à Séoul, une réunion des instances gouvernementales n’a pas résolu le problème.
27/12/2018
sport
https://www.lemonde.fr/sport/article/2018/12/27/neuf-mois-apres-les-jo-de-pyeongchang-la-reussite-politique-fait-place-aux-soucis-financiers-et-ecologiques_5402573_3242.html
Pour Jérémy Gobé, la sculpture est un art de combat
Le plasticien de 32 ans rapproche éléments naturels menacés, tel le corail, et anciens savoir-faire industriels en voie de disparition, comme la dentelle. Cet hiver, deux expositions présentent son travail.
Jérémy Gobé dans son atelier, le 10 décembre. MANUEL OBADIA-WILLS POUR « M LE MAGAZINE DU MONDE » La maison brûle et Jérémy Gobé ne regarde pas ailleurs. À l’image de quelques-uns de ses aînés, comme Olafur Eliasson ou Mark Dion, l’artiste français de 32 ans s’intéresse de très près à l’écologie. Dans un fulgurant rapprochement, il aborde le réchauffement climatique comme la question des délocalisations, entremêlant disparition des coraux et perte des savoir-faire industriels. Le plasticien expose ses formes organiques et proliférantes, sculptures sinueuses en tricot qui envahissent l’espace telles des plantes grimpantes, jusqu’au 6 janvier 2019 au Musée Bargoin, à Clermont-Ferrand. Son travail est également présenté dans « Soft Power », au Transpalette, à Bourges, avant de partir, en 2019, pour la Biennale de Lyon. Retrouver le geste de l’artisan L’art a toujours été un combat pour ce jeune homme issu d’une famille de militaires. Adolescent cherchant sa voie, Jérémy Gobé avoue sa flamme artistique à sa conseillère d’orientation, qui l’aiguille vers… la peinture en bâtiment. D’autres conseils, plus avisés, dirigeront le jeune bachelier vers l’architecture à l’École nationale supérieure d’art et de design de Nancy, où il fait ses gammes, trois ans durant, avant de rejoindre Paris et les Arts déco. Curieux de tout, l’étudiant Gobé s’essaie à toutes les techniques pour finalement se concentrer sur la sculpture textile. L’art pour l’art, très peu pour lui. Jérémy Gobé, rêveur, reste néanmoins ancré dans la société. Influencé par une grand-mère couturière, il cherche à retrouver le geste de l’artisan. Le jacquard, en particulier, n’a rien de désuet à ses yeux. « Si on veut toucher un public large, il faut trouver un langage commun avec les ouvriers, les artisans, les employés. Comprendre ce qu’ils font pour créer un cercle vertueux. » Jérémy Gobé Les hauts fourneaux de sa Lorraine d’origine s’éteignent les uns après les autres, l’économie textile est en perte de vitesse, mais Jérémy Gobé n’a pas l’intention d’oublier cette histoire. Encore étudiant, en 2009, il rapporte des kilomètres de tissus d’une usine de coton à deux doigts de la fermeture. Et décide d’en faire la matière vivante de ses premières sculptures. « Les ouvriers étaient attachés à leur emploi, mais aussi à leur savoir-faire, raconte-t-il. Ils se sont dit qu’à travers un jeune artiste leur histoire allait continuer. » Pour lui, pas question de recevoir sans donner en retour. « J’ai grandi dans un milieu de travailleurs, je me devais de réintroduire cette notion de l’effort dans l’art. Si on veut toucher un public large, il faut trouver un langage commun avec les ouvriers, les artisans, les employés. Comprendre ce qu’ils font pour créer un cercle vertueux. »
27/12/2018
m-le-mag
https://www.lemonde.fr/m-le-mag/article/2018/12/27/pour-jeremy-gobe-la-sculpture-est-un-art-de-combat_5402566_4500055.html
La collection « Atlas du cosmos », l’Univers comme vous ne l’avez jamais vu
Une série de livres inédits pour percer les secrets de l’Univers et mieux comprendre les découvertes les plus récentes.
« Atlas du cosmos », une collection « Le Monde » et « National Geographic » sur les merveilles de l’Univers. Cette collection rassemble l’ensemble des connaissances actuelles sur le cosmos, exposées par des experts et illustrées de photos de la NASA et de l’Agence spatiale européenne, de reconstitutions 3D et d’une multitude de graphiques, d’illustrations et de frises. Retrouvez la collection sur la boutique en ligne. Le Système solaire Ce petit coin de l’Univers qui nous a vus naître nous fascine depuis la nuit des temps. Les progrès constants de la science et de la technologie nous ont permis d’explorer le Système solaire jusqu’à ses confins les plus éloignés. Mais nous sommes loin d’avoir étanché notre soif de curiosité, et les missions spatiales nous apportent sans cesse de nouvelles découvertes. 3,99 €, en vente le mercredi 26 décembre La Voie lactée Gigantesque spirale dont le diamètre mesure une centaine de milliers d’années-lumière, abritant plus de 200 milliards d’étoiles, notre galaxie est presque aussi vieille que l’Univers, puisqu’elle est âgée de 13 milliards d’années. Mais le plus grand des mystères de la Voie lactée réside en son centre : un immense trou noir, pour le moment endormi… 9,99 €, en vente le mercredi 2 janvier 2019 Les trous noirs Ce sont les régions les plus énigmatiques de l’Univers. La gravité y est si extrême que l’espace et le temps se déforment au point de devenir méconnaissables. Bien que les trous noirs soient depuis longtemps au cœur des réflexions des physiciens théoriciens, ce n’est qu’au cours des dernières décennies que des preuves irréfutables de leur existence ont été obtenues. 9,99 €, en vente le mercredi 9 janvier 2019 Le Soleil Le Soleil, avec son noyau dont la température s’élève à environ 15,5 millions de degrés, libère dans l’espace des particules de matière lors d’éruptions spectaculaires. Certaines d’entre elles atteindront la Terre peu après. 9,99 €, en vente le mercredi 16 janvier 2019 La création de L’Univers Il y a environ 14 milliards d’années, l’Univers était une sorte de soupe primitive très chaude de densité quasiment infinie où tout – matière, énergie, espace et temps – ce qui peut nous paraître familier était inconcevable. Depuis, l’Univers n’a cessé de s’étendre en se refroidissant, ce qui a donné naissance aux structures complexes qui le composent à présent. 9,99 €, en vente le mercredi 23 janvier 2019 Mars Moins en raison de son éloignement, pourtant relativement modeste, que de sa taille et de sa composition, Mars est la planète la plus proche de la Terre. La récente découverte de traces prouvant que de l’eau liquide a coulé sur son sol dans un lointain passé a renforcé notre fascination pour la Planète rouge. Peut-être pourrons-nous y vivre un jour… 9,99 €, en vente le mercredi 30 janvier 2019 L’évolution des étoiles C’est l’un des processus les plus extraordinaires et singuliers du cosmos. Tout au long de leur vie, commencée au sein d’une nébuleuse, jusqu’à leur développement final sous forme de naine blanche, de trou noir ou d’étoile à neutrons, les étoiles produisent les éléments qui forment l’Univers, y compris les êtres humains. 9,99 €, en vente le mercredi 6 février 2019 La Lune Elle est beaucoup plus que l’unique satellite naturel de la Terre et qu’un corps céleste dont nous contemplons une face tandis qu’il nous en dissimule une autre. Ce monde de désolation, composé de « mers », de cratères, de vallées et de montagnes, a de tout temps exercé une puissante fascination sur l’être humain, qui a œuvré, sans repos ni trêve, jusqu’à fouler sa surface au début de l’ère spatiale. 9,99 €, en vente le mercredi 13 février 2019 Les limites de l’Univers C’est un défi passionnant pour la science. L’étude des limites de l’Univers implique de s’aventurer dans la connaissance de l’espace-temps, de déterminer des distances cosmiques, de recueillir des données grâce à des observations et des missions spatiales, ainsi que d’élaborer des modèles géométriques sur la formation, l’évolution et l’expansion de l’Univers… et sa fin possible.
27/12/2018
sciences
https://www.lemonde.fr/sciences/article/2018/12/27/la-collection-atlas-du-cosmos-l-univers-comme-vous-ne-l-avez-jamais-vu_5402554_1650684.html
Ces débats et polémiques qui ont agité le sport en 2018
Coupe Davis, « origine » des Bleus du football, politique gouvernementale française en matière de sport, ennui sur le Tour de France… Plus ou moins lourds, les sujets à « empoignades » n’ont pas manqué cette année.
De la réforme de la Coupe Davis à l’« origine » des joueurs de l’équipe de France de football sacrés champions du monde, en passant par la réintégration de la Russie au sein de l’Agence mondiale antidopage (AMA) ou les nouvelles orientations de la politique du gouvernement français en matière de sport, l’année 2018 a été marquée par un certain nombre de débats et de polémiques, plus ou moins lourds, plus ou moins vifs. Tour d’horizon non exhaustif et forcément un peu subjectif aussi. L’équipe de France de football et les Africains La polémique est partie d’Italie, au lendemain de la victoire des Bleus en finale de la Coupe du monde de football, mi-juillet. Des « champions africains mêlés à de très bons joueurs blancs ». C’est par ces mots que le Corriere Della Sera, quotidien le plus diffusé en Italie, a décrit l’équipe victorieuse, opposant couleur de peau, origines familiales et nationalité, et ouvrant la voie à des discours racistes, sur les réseaux sociaux notamment, où les joueurs français ont été désignés comme « des singes avec un ballon ». « Les Noirs ont gagné le Mondial », a également tweeté l’un des fondateurs de Podemos en Espagne, quand l’humoriste sud-africain Trevor Noah, présentateur de l’émission diffusée aux Etats-Unis « The Daily Show », déclarait que « l’équipe de France est l’équipe de substitution du continent africain ». Cette dernière intervention a conduit plusieurs basketteurs français évoluant aux Etats-Unis à mettre les choses au point. Nicolas Batum, par exemple, a rappelé que « tous on se bat et on joue pour la France car nous sommes nés ici, avons grandi ici, avons la fierté d’avoir la nationalité française ». En France, la polémique n’a pas véritablement trouvé matière à prolongement. L’affaire Benalla est venue tout écraser. L’UEFA face aux grands (et riches) clubs de football On ne peut pas dire que les nouvelles révélations des « Football Leaks », cette série d’enquêtes réalisées à partir de « plus de 70 millions de documents » par le consortium European Investigative Collaborations (ECI), aient provoqué de grands débats publics ou des polémiques. En tout cas pas dans le milieu du football. Pourtant, ces révélations offraient matière à interrogations. L’une d’elles pourrait être abruptement résumée : l’UEFA a-t-elle capitulé devant les grands clubs ? Les « Football Leaks » montrent, en tout cas, que l’instance européenne, face aux menaces des clubs les plus riches, a cédé à leurs exigences, que ce soit pour alléger les sanctions du fair-play financier (FPF), ou pour redessiner une Ligue des champions qui leur soit encore plus favorable. Article réservé à nos abonnés Lire aussi « Football Leaks » : la faiblesse de l’UEFA face aux grands clubs européens La gouvernance Laporte à la Fédération de rugby Rien n’a été paisible, cette année encore, au sein de la Fédération française de rugby (FFR). Parce que le XV de France continue de perdre des matchs. Mais surtout parce que la présidence exercée, depuis décembre 2016, par Bernard Laporte suscite toujours des polémiques. A commencer par l’affaire de possibles conflits d’intérêts entre le président de la FFR et Mohed Altrad, président du club de Montpellier : les perquisitions, en janvier, au siège de la FFR, à Marcoussis (Essonne), ont encore accru les tensions. La manière dont le président met en place, à marche forcée, son propre système a suscité aussi de vives critiques. Le lourd déficit des comptes a provoqué des tensions : si M. Laporte a assuré « garantir que les finances sont et resteront saines et solides », ce bilan a suscité 25 % de votes contre lors de l’assemblée générale financière réunissant les dirigeants de club, début décembre. Florian Grill, président de la ligue régionale d’Ile-de-France et opposant déclaré, y a vu « un vrai message sur la nécessité d’une gestion beaucoup plus rigoureuse ». Article réservé à nos abonnés Lire aussi L’état de santé « alarmant » de salariés de la Fédération française de rugby La réforme de la Coupe Davis L’équipe de Croatie, victorieuse de la Coupe Davis, le 25 novembre 2018 à Lille. PASCAL ROSSIGNOL / REUTERS Pour les uns, il était urgent de « relooker » une vieille dame plus que centenaire, boudée par les meilleurs joueurs. Pour les autres, il s’agit d’un crime de lèse-monument historique. La refonte de la Coupe Davis, adoptée mi-août par la Fédération internationale de tennis (FIT), a fait couler beaucoup d’encre dans le monde du tennis. Pour relancer, selon elle, l’intérêt de la compétition, la FIT l’a vendue au groupe Kosmos, présidé par le footballeur Gerard Piqué : un partenariat sur vingt-cinq ans, supposé garantir 20 millions de dollars chaque année aux participants. L’épreuve sera condensée (phase finale d’une semaine réunissant dix-huit équipes, en clôture de la saison, sur terrain neutre). Les joueurs (et ex-joueurs) français ont été parmi les principaux contempteurs de cette formule, pourtant soutenue par le président la fédération française, Bernard Giudicelli. L’ex-capitaine de l’équipe de France, Yannick Noah, a évoqué un sacrifice « sur l’autel du pognon ». Si David Haggerty, le président de la FIT, assure que « beaucoup de joueurs ont l’air assez enthousiasmés », un certain nombre ont annoncé qu’ils ne disputeraient pas l’épreuve. D’autant que l’ATP, l’instance qui régit le circuit, a fait savoir qu’elle organiserait sa propre coupe du monde à six semaines d’intervalle. Lire aussi Coupe Davis : requiem pour un saladier Les tenues en tennis C’est l’Américaine Serena Williams qui a mis le feu aux poudres : à Roland-Garros, elle a joué vêtue d’une combinaison moulante sombre. « Ce n’est pas vraiment typique, mais qu’est-ce qui est typique ? Qui fixe les règles ? », s’est-elle alors interrogée face aux premières critiques. « Je crois qu’on est parfois allé trop loin », a déclaré, fin août, Bernard Giudicelli, le président de la Fédération française de tennis, annonçant la mise en place d’un code vestimentaire à Roland-Garros. Les critiques ont afflué contre ce qui a été perçu comme une tentative de contrôler et réglementer le corps des sportives. D’autant que, dans le même temps, la Française Alizé Cornet, fin août lors de l’US Open, s’est vu infliger un avertissement pour avoir remis son tee-shirt à l’endroit sur le court, laissant apparaître une brassière. Ce que le règlement interdit aux joueuses (mais pas aux joueurs). Alizé Cornet a toutefois jugé « les propos » de M. Giudicelli « sur Serena 10 000 fois plus pires que ce qui [lui] est arrivé ». Le circuit WTA (le circuit féminin) a, lui, décidé que le genre de tenue portée par Serena Williams (leggings) sera désormais autorisé. Lire aussi Tennis : des règles floues permettent aux organisateurs de choisir les tenues des joueuses La politique sportive française L’Etat peut-il se décharger de la conduite de la politique sportive sur les fédérations ? Le monde du sport français a été brutalement confronté à cette question à la rentrée de septembre avec l’annonce, par le gouvernement, de la suppression des 1 600 postes de conseillers techniques sportifs (CTS). Ces postes ne seront certes pas totalement supprimés. Mais ces cadres, impliqués dans la vie des fédérations, vont perdre leur statut de fonctionnaires d’Etat, et il reviendra aux différentes fédérations d’en prendre la tutelle. Pourront-elles le faire ? Pas sûr qu’elles en aient toutes les moyens. « Les deux tiers des fédérations vont s’écrouler comme des châteaux de cartes », a dénoncé Philippe Bana, président de l’association des directeurs techniques nationaux. Cette décision survient alors qu’une agence nationale du sport, chargée de piloter le haut niveau et le développement des pratiques sportives, doit se mettre en place en 2019. A deux ans des Jeux olympiques de Tokyo, à moins de six ans de ceux de Paris, le sport français est donc sommé de se réinventer dans l’urgence. Le peut-il ? Le débat risque de ne pas retomber en 2019. Article réservé à nos abonnés Lire aussi L’explosion programmée du modèle sportif français La réintégration des Russes dans l’Agence mondiale antidopage « Flexibilité » et « pragmatisme » pour les uns. « Trahison », pour les autres. En décidant, le 20 septembre, de réintégrer l’Agence russe antidopage (Rusada), suspendue depuis novembre 2015, l’Agence mondiale antidopage (AMA) a concrétisé le retour en grâce de la Russie dans le sport international moins de trois ans après les premières sanctions pour son système de dopage institutionnel. Cette décision a provoqué un déluge de critiques sur son indulgence supposée. La Russie n’a pas satisfait aux conditions édictées par l’AMA, mais celle-ci a adapté ses demandes : alors qu’elle réclamait la reconnaissance officielle d’un dopage facilité par les services de l’Etat et l’accès direct aux secrets renfermés dans le laboratoire de Moscou, afin de pouvoir sanctionner les athlètes russes dopés, elle n’a eu ni l’un ni l’autre. Sa décision a été jugée « déroutante et inexplicable » par l’Agence américaine antidopage (Usada), dont le patron, Travis Tygart, a estimé qu’elle « porte un coup terrible aux athlètes propres dans le monde ». Au sein même de l’AMA, les critiques ont fusé. Sa vice-présidente, la Norvégienne Linda Helleland, qui a voté contre cette décision, a déclaré que celle-ci jetait « une ombre sur la crédibilité du mouvement antidopage ». Article réservé à nos abonnés Lire aussi Dopage : le retour en grâce, contesté, de la Russie L’ennui sur le Tour de France On ne va pas le nier, en juillet, suivre les étapes du Tour de France c’est aussi accepter qu’à un moment ou un autre, les paupières se fassent plus lourdes et que l’on pique du nez. C’est d’autant plus vrai ces dernières années que les étapes ont souvent été d’un ennui profond – particulièrement en montagne –, parce que cadenassées par une équipe : la Sky, de Christopher Froome et de Geraint Thomas. Cet été, cette petite musique de l’ennui a servi de bande-son quasi permanente sur le Tour. Avec sa question corollaire : comment en sortir ? Les organisateurs avaient bien essayé de jouer sur certains paramètres susceptibles de secouer cette torpeur : nombre de coureurs dans les équipes ramené de neuf à huit ; kilométrage réduit pour certaines étapes. Rien n’y a fait. Certains avancent la nécessité de supprimer les oreillettes. Ou encore les capteurs de puissance qui empêcheraient de courir « à l’instinct ». D’autres évoquent la mise en place d’un « salary cap » afin qu’une équipe (comme la Sky) n’écrase pas tout en recrutant les principaux talents. Le débat risque de rester entier en 2019. Tout du moins jusqu’en juillet, parce que la Sky quittera ensuite le peloton… Mais il n’est pas sûr que cela change grand-chose. L’assistance vidéo à l’arbitrage en football L’assistance vidéo à l’arbitrage a été lancée en grande pompe par la Fédération internationale de football (FIFA) lors de la Coupe du monde en Russie. ANDREW BOYERS / REUTERS L’assistance vidéo à l’arbitrage (VAR) a été lancée en grande pompe par la Fédération internationale de football (FIFA) lors de la Coupe du monde en Russie. Cet outil était réclamé par un certain nombre d’acteurs afin de mettre un terme aux polémiques liées aux décisions des arbitres. En France, la Ligue 1 l’a mise en place depuis le début de la saison 2018-2019. Et la Ligue des champions l’utilisera dès les huitièmes de finale, en février. A peine instauré, le dispositif a vite été contesté. Au Mondial, certains observateurs ont pointé une « épidémie » de penaltys au premier tour, dont bon nombre accordés après initiative des arbitres vidéo. Pourtant, en France, la direction nationale de l’arbitrage estime que les erreurs ont été divisées par trois d’une année sur l’autre. « La VAR est un très bel outil mais il faut que les arbitres se mettent à son niveau, afin qu’ils soient justes et homogènes dans leurs décisions », avance Frédéric Paquet, directeur général de Saint-Etienne. Les images ne font pas toujours surgir « la » vérité. Les problèmes d’interprétation demeurent. La délocalisation des matchs de football Le football européen a déjà décalé des horaires de matchs pour conquérir de nouvelles audiences et générer des recettes supplémentaires, en Asie par exemple. Va-t-il aller jusqu’à délocaliser certaines rencontres ? C’était le projet de la ligue espagnole (LaLiga), qui voulait faire jouer à Miami, en Floride, la rencontre prévue en janvier entre le FC Barcelone et Gérone. Après avoir divisé le petit monde du football espagnol durant tout cet automne, ce projet ne verra finalement pas le jour. Pour le moment. Si les directions des deux clubs y étaient favorables, le syndicat des joueurs, fin septembre, y a mis son veto. La fédération espagnole s’est aussi montrée hostile. Cela n’empêche pas la ligue d’assurer que « dans les plus brefs délais, LaLiga jouera un match officiel aux Etats-Unis ».
27/12/2018
sport
https://www.lemonde.fr/sport/article/2018/12/27/2018-dans-le-retro-ces-debats-et-polemiques-qui-ont-agite-le-sport_5402551_3242.html
« Le mouvement des “gilets jaunes” n’est pas un rassemblement aux revendications hétéroclites »
D’après une étude de terrain réalisée à Dieppe, les deux chercheurs Jean-Yves Dormagen et Geoffrey Pion estiment, dans une tribune au « Monde », qu’il existe un socle de revendications sociales et politiques parmi les militants.
Tribune. Dieppe (Seine-Maritime), 30 000 habitants, premier port pour la coquille Saint-Jacques en Normandie, se trouve être un bastion du mouvement des « gilets jaunes ». Un des tout premiers groupes Facebook appelant à la manifestation du 17 novembre y a été créé. Il comptait près de 16 000 membres à sa fermeture, le 25 novembre. Ici, le mouvement a été immédiatement d’une ampleur exceptionnelle : le 17 novembre, plus de 1 000 personnes garnissaient la dizaine de ronds-points bloqués à l’entrée de la ville (dont 405 sur le rond-point d’Auchan, selon un comptage policier) et sur les départementales en direction d’Abbeville, de Beauvais, de Rouen et de Fécamp. Nous avons voulu profiter d’une présence sur le terrain pour évaluer et mesurer dès le départ ce qui se passait sous nos yeux. Article réservé à nos abonnés Lire aussi « Le mouvement des “gilets jaunes” est avant tout une demande de revalorisation du travail » Rapidement, les chiffres proposés par le ministère de l’intérieur nous ont paru bien faibles. On citait des chiffres concernant le nombre de manifestants relevés à une heure H. Mais contrairement à ce que nous observions directement au quotidien sur le terrain, rien ne rendait compte de l’important roulement des « gilets jaunes » sur les ronds-points, ni de la solidarité active de la population envers le mouvement – en lui apportant bois, nourriture et encouragements – comme du soutien passif que manifestaient de très nombreux automobilistes en mettant leur gilet jaune sur le pare-brise. Etonnant soutien populaire Nous nous sommes alors donné les moyens de mesurer précisément ces différentes formes de soutien. Les 26 et 27 novembre par exemple, nous avons réalisé un comptage à partir de 900 véhicules passant sur le rond-point d’Intermarché à Rouxmesnil-Bouteilles : 44 % d’entre eux arboraient un gilet jaune. Un nouveau comptage portant sur 3 291 véhicules était réalisé dans une cinquantaine de quartiers dieppois et de villages alentour, les 2 et 3 décembre : 38 % des véhicules ont alors le gilet jaune sur le pare-brise. Cette solidarité n’a pas cessé de s’afficher depuis, comme en attestent les 32 % de gilets jaunes toujours présents sur les pare-brises des véhicules dieppois le 19 décembre. Le succès des pétitions contre l’augmentation des taxes débuté le 26 novembre à Arques-la-Bataille apportait une autre confirmation de cet étonnant soutien populaire. En moins d’une semaine, les autres ronds-points l’avaient reprise et près de 14 000 personnes l’avaient déjà signée. Nous avons mené une étude systématique de ces signatures, pour ne pas en rester à de simples impressions qui se révèlent parfois trompeuses. Il ressort de l’analyse spatiale des signataires que 22 % des Dieppois et 15 % des Dieppoises ont signé cette pétition. Ce soutien d’un niveau très inhabituel se révèle maximal chez les 18-39 ans (24 %) et décroît l’âge avançant.
27/12/2018
idees
https://www.lemonde.fr/idees/article/2018/12/27/le-mouvement-des-gilets-jaunes-n-est-pas-un-rassemblement-aux-revendications-heteroclites_5402547_3232.html
La pétition pour le climat rencontre un succès inédit
Avec 1,8 million de signatures, elle bat des records. Son succès s’explique aussi par sa méthode : une alliance de personnalités, de youtubeurs et d’ONG.
Cyril Dion et Juliette Binoche en tête du cortège de la Marche pour le climat, à Paris, le 8 décembre. STEPHANE LAGOUTTE / MYOP Elles l’ont surnommée l’« Affaire du siècle », mais elles ne s’attendaient pas à un succès historique. Les quatre organisations non gouvernementales (ONG) qui ont décidé d’attaquer l’Etat en justice pour « inaction climatique » avaient recueilli 1,8 million de signatures dans une pétition en ligne, jeudi 27 décembre, dix jours après l’avoir rendue publique. Un record. En 2016, 1,4 million de personnes s’étaient engagées contre la loi El Khomri sur la réforme du droit du travail. Même la pétition des « gilets jaunes », lancée fin mai pour réclamer une baisse des prix du carburant, plafonne à 1,2 million de signataires. C’est une mobilisation sans précédent pour le climat, qui s’explique à la fois par un contexte favorable et par une organisation très efficace. Article réservé à nos abonnés Lire aussi L’Etat poursuivi par des ONG pour inaction climatique « C’est réconfortant et encourageant, se félicite Audrey Pulvar, présidente de la Fondation pour la nature et l’homme, l’une des quatre associations, aux côtés de Notre Affaire à tous, Greenpeace France et Oxfam France. Les questions climatiques sont des préoccupations réelles pour les Français et pas seulement pour une petite élite, comme on le dit parfois, poursuit-elle. Cela replace au centre du débat ce sujet qui a été occulté par les questions sociales avec les “gilets jaunes”. Mais nous n’opposons pas les deux. » L’arme du droit Le succès de l’initiative est tel qu’il a forcé le ministre de la transition écologique et solidaire, François de Rugy, à réagir. Après une vidéo postée sur Twitter le 20 décembre, il s’est exprimé dans Le Parisien mercredi, jugeant que « le succès de cette pétition est peut-être aussi une réplique aux mouvements des “gilets jaunes” qui parlent parfois de l’écologie comme d’un problème ». Le ministre s’est dit « heureux que les citoyens s’expriment pour lutter contre le dérèglement climatique », mais a dénoncé l’usage de l’arme du droit. « Ce n’est pas dans un tribunal qu’on va faire baisser les émissions de gaz à effet de serre. Ce n’est pas à des juges de forcer le gouvernement à prendre une loi. » « Nous ne demandons pas une nouvelle loi mais l’application de celles existantes. Nos objectifs de réduction des émissions sont loin d’être atteints et nous n’en prenons pas le chemin », rétorque Audrey Pulvar. Un constat partagé par de plus en plus de Français préoccupés par les questions environnementales, après l’onde de choc créée par la démission de Nicolas Hulot du gouvernement, l’été marqué par des catastrophes climatiques en série et le dernier rapport alarmant du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat. La pétition arrive ainsi au moment de la naissance d’un mouvement citoyen pour le climat, comme en témoigne le succès des trois marches organisées en septembre, en octobre et en décembre partout en France selon les organisateurs. Une mobilisation renforcée après la conférence mondiale sur le climat (COP24), qui s’est tenue en décembre à Katowice, en Pologne, et qui a déçu par l’incapacité des pays à renforcer leur action.
27/12/2018
climat
https://www.lemonde.fr/climat/article/2018/12/27/la-petition-pour-le-climat-rencontre-un-succes-inedit_5402537_1652612.html
Voyage au Tchad : Alexandre Benalla s’est reconverti dans la diplomatie privée en Afrique
Il opère dans « le consulting », entre intermédiaires louches et autocrates africains, quitte à agacer son ancien employeur.
Le directeur du cabinet du président de la République a pris sa plume pour écrire à Alexandre Benalla. Dans une lettre datée du 22 décembre, Patrick Strzoda demande sans louvoyer à l’ancien chargé de mission à l’Elysée de lui « donner toutes informations pertinentes » sur « d’éventuelles missions personnelles et privées » qu’il aurait « exercées ou poursuivies comme consultant ». Le ton du courrier, consulté par Le Monde, est ferme. « Nous ne pourrions laisser sans réaction l’existence de relations d’affaires en France ou à l’étranger avec des intérêts privés, tout à fait incompatibles avec vos fonctions (…) et que vous n’avez jamais révélées », précise M. Strzoda. « S’agissant de vos activités personnelles actuelles, nous vous demandons de veiller qu’elles soient conduites dans le strict respect des obligations de secret et des devoirs déontologiques liés à l’exercice de vos fonctions passées au sein du cabinet, poursuit-il. Bien entendu, nous vous interdisons de vous prévaloir d’une quelconque recommandation ou appui tacite de la présidence. » A N’Djamena, où M. Benalla s’est rendu au début du mois, l’entourage d’Emmanuel Macron avait fait savoir que l’Elysée allait se pencher en interne sur les activités de l’ancien conseiller, pour vérifier qu’il n’avait jamais profité de son titre. « Pour information », M. Strzoda a aussi transmis une copie de la lettre au nouveau procureur de la République de Paris, Rémy Heitz ; charge à lui de voir s’il y a matière à ouvrir une enquête judiciaire. Reçu par le président tchadien Idriss Déby Ce même 22 décembre, Emmanuel Macron arrive dans la capitale tchadienne où il s’entretient longuement dans un salon de l’aéroport avec son homologue, Idriss Déby. La présidence sait que M. Benalla, démis de ses fonctions à l’Elysée en juillet puis mis en examen pour, notamment, « violences volontaires », « port prohibé et sans droit d’insignes réglementés par l’autorité publique » et « recel d’images issues d’un système de vidéoprotection », a fait un voyage à N’Djamena. L’ambassade de France est au courant, puis son déplacement est rendu public par la publication spécialisée La Lettre du continent le 12 décembre. L’ancien chargé de mission est contraint alors d’avertir lui-même l’Elysée. A N’Djamena, le jeune homme de 27 ans a été reçu début décembre par le président Idriss Déby lui-même et par son frère, Oumar, qui, comme patron de la direction générale de la réserve stratégique, a la haute main sur les commandes d’équipements militaires du Tchad. Venu de Yaoundé, la capitale du Cameroun, par avion privé, M. Benalla est ensuite reparti vers Istanbul, en Turquie. Les nuitées au Hilton, elles, ont été réglées par un discret homme d’affaires franco-israélien, spécialiste de la diplomatie privée en Afrique pour le compte de gouvernements : Philippe Hababou Solomon.
27/12/2018
politique
https://www.lemonde.fr/politique/article/2018/12/27/alexandre-benalla-la-vie-d-apres_5402532_823448.html
Les agents des impôts aux premières loges du ras-le-bol fiscal
Selon la direction générale des finances publiques, 250 incidents se sont produits dans des centres des impôts depuis le début du mouvement des « gilets jaunes ».
Le ras-le-bol fiscal, ce sont les agents des impôts qui en parlent le mieux. Eux qui sont quotidiennement confrontés à cette colère sourde, qui s’est manifestée de manière spectaculaire avec le mouvement des « gilets jaunes ». « On le ressent constamment, presque tous les jours », constate Laurent Hutin, représentant syndical Solidaires finances publiques. Pour ce contrôleur des impôts, qui travaille à Cambrai (Nord), le ras-le-bol fiscal a pris le visage de « cette petite mémé qui pleurait dans mon bureau, il y a quelques mois, parce qu’elle n’arrivait plus à payer ses impôts ». « Je n’avais jamais vu ça, soupire-t-il. On essaie de se blinder, mais la souffrance des gens, ça désarçonne… » Les Français, qui détiennent le record d’Europe de la pression fiscale, ne veulent plus de taxes. Et pour que le message soit bien clair, certains « gilets jaunes » ont joint le geste à la parole en s’en prenant physiquement aux centres des impôts. Selon les chiffres transmis au Monde par Bercy, 250 incidents se sont produits en France depuis le début du mouvement, fin octobre. Cela va « des dégradations de serrures à la pose de murs devant les entrées, plus quelques cas d’incendies de poubelles et vitres brisées », détaille Bercy. Solidaires, le premier syndicat du secteur, en a dénombré « 136, dont 55 avec des dégradations matérielles importantes ». Cela couvait depuis longtemps Le 17 décembre, le centre des impôts de Thonon-les-Bains (Haute-Savoie) a été vandalisé : des vitres ont été brisées et un feu a été allumé. « Dix impacts de jets de pierre ou de coups de masse » ont été relevés sur la devanture, a constaté France Bleu Pays de Savoie. A Villefranche-de-Rouergue (Aveyron), « une balle de foin pourri » a été placée devant l’entrée du bâtiment, a relaté La Dépêche. Des actions plus violentes avaient eu lieu à Saint-Andiol (Bouches-du-Rhône), Castres (Tarn) ou Falaise (Calvados)… Mais, en réalité, cela couvait depuis longtemps. « Le mouvement des “gilets jaunes” met sur la place publique un sentiment que l’on ressentait depuis longtemps », explique Laurent Hutin. Les agents des impôts sont aux premières loges, surtout lorsqu’ils sont à l’accueil, pour observer les affres du « consentement à l’impôt ». « Oui, on le vit, le ras-le-bol fiscal, témoigne Sophie, en poste dans la région parisienne, qui souhaite conserver l’anonymat. Les gens disent qu’ils ne veulent plus d’impôts. Or, c’est notre métier de les recouvrer… » D’où cette colère à laquelle ils sont parfois confrontés.
27/12/2018
societe
https://www.lemonde.fr/societe/article/2018/12/27/les-agents-des-impots-aux-premieres-loges-du-ras-le-bol-fiscal_5402530_3224.html
2019 devrait être l’année du pouvoir d’achat
Les Français devraient voir leur niveau de vie croître comme jamais depuis 12 ans, selon une étude.
Un slogan bombé à la va-vite. « Ras le bol, marre de payer », clamait la banderole tendue entre deux chariots de supermarché, à Nantes, en novembre. Ailleurs, des manifestants avaient choisi un autre résumé : « TTC », pour « Tout Trop Cher ». Ou encore : « Cimetière du père Macron, ici repose votre pouvoir d’achat ». Des mots simples pour dire l’essentiel : au-delà de la flambée des prix des carburants, c’est contre la vie chère que les « gilets jaunes » sont initialement partis en guerre. Leur colère n’a pas été vaine. Grâce aux mesures lâchées par Emmanuel Macron pour stopper la crise politique, les Français devraient voir leur niveau de vie augmenter en 2019 comme jamais depuis douze ans. Le pouvoir d’achat par ménage devrait progresser au minimum de 1,6 %, selon les prévisions publiées le 19 décembre par l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee). La hausse « ressentie » pourrait atteindre 2,4 %, ajoute une étude inédite du BIPE, un institut privé. Dans les deux cas, il devrait s’agir de la plus forte augmentation depuis 2007. De quoi, sur le papier, calmer le mécontentement d’une partie de la population. « Nous anticipions un accroissement sensible du pouvoir d’achat avant même les mesures décidées en décembre », explique Pascal Le Merrer, le président du BIPE, un cabinet créé par l’Etat en 1958 et désormais filiale du réseau d’audit et de conseil BDO. En effet, « les tensions sur le marché du travail devraient tirer les salaires, donc les revenus, à la hausse », avancent les experts du BIPE. Les bons résultats des entreprises devraient également se traduire par une augmentation sensible des dividendes versés aux particuliers actionnaires. En outre, cette progression des revenus ne devrait pas être trop « mangée » par la hausse des prix. L’inflation, qui a certes repris une certaine vigueur en 2018, pourrait se calmer en 2019. Sous réserve évidemment que les cours du pétrole ne regrimpent pas en flèche. Après avoir culminé à 75 dollars en octobre, le prix du baril est retombé, mercredi, à seulement 43 dollars à New York. Nombre d’analystes s’attendent aujourd’hui à ce qu’il remonte progressivement autour de 60 dollars. L’amélioration attendue du pouvoir d’achat, cependant, a été considérablement amplifiée par les « mesures Macron ». Entre l’annulation de la hausse de la contribution sociale généralisée (CSG) pour une partie des retraités, la défiscalisation des heures supplémentaires, la prime versée par les entreprises volontaires, et le relèvement de la prime d’activité pour les salariés au niveau du smic, « notre prévision de hausse ressentie est passée d’un coup de 1,4 % à 2,4 % », précise M. Le Merrer, du BIPE.
27/12/2018
economie
https://www.lemonde.fr/economie/article/2018/12/27/2019-l-annee-du-pouvoir-d-achat_5402527_3234.html
Les juges d’instruction ordonnent un non-lieu dans l’enquête sur l’attentat qui déclencha le génocide au Rwanda
La clôture de cette information judiciaire qui avait provoqué la rupture des relations diplomatiques entre le Rwanda et la France pourrait contribuer au réchauffement des liens entre les deux pays.
Qui a abattu au-dessus de Kigali au soir du 6 avril 1994 l’avion qui transportait Juvénal Habyarimana, le président rwandais de l’époque, et son homologue burundais Cyprien Ntaryamira ? Cette brûlante question – l’attentat marqua le point de départ de trois mois d’un génocide qui causa, selon les Nations unies (ONU), 800 000 morts au Rwanda parmi la minorité tutsi et les opposants hutu – trouvera-t-elle un jour une réponse ? Celle-ci émergera-t-elle d’un tribunal parisien ? La perspective que le mystère autour de ce crime jamais revendiqué soit levé devant la justice française n’est pas totalement refermée mais depuis le 21 décembre, et l’ordonnance de non-lieu rendue par les juges d’instruction du pôle antiterroriste, elle s’est une nouvelle fois éloignée. Plus de vingt ans après l’ouverture de cette enquête consécutive à la plainte des familles de l’équipage français du Falcon 50 présidentiel, les magistrats Jean-Marc Herbaut et Nathalie Poux ont estimé ne pas disposer de « charges suffisantes » pour renvoyer devant une cour d’assises les huit Rwandais sous mandat d’arrêt, dont sept cadres ou proches du pouvoir actuel, soupçonnés d’être impliqués dans l’attentat. La décision était annoncée depuis que le parquet du tribunal de grande instance de Paris avait requis en ce sens le 10 octobre. La suspicion d’une justice sous tutelle Ce nouvel épisode ne signifie pas pour autant la fin du feuilleton judiciaire qui empoisonne les relations entre Kigali et Paris. En dépit d’« une forme de résignation des magistrats face à l’impossibilité d’obtenir la collaboration du Rwanda », Philippe Meilhac, l’avocat de la veuve du président Habyarimana, également partie civile, a confirmé au Monde, mercredi 26 décembre, son intention de faire appel « dans les prochaines heures ». L’ordonnance de non-lieu a de quoi réjouir les tenants du pouvoir à Kigali – Léon-Lef Forster, l’un des avocats de l’Etat rwandais, considère qu’il s’agit d’« une étape importante ». Mais aussi à Paris. Il y a quelques mois, une source diplomatique engagée dans le rapprochement avec le Rwanda – dont le fait le plus saillant fut l’élection, en octobre, de la ministre rwandaise des affaires étrangères, Louise Mushikiwabo, à la tête de l’Organisation internationale de la francophonie, à la suite d’une suggestion française – confiait que « la justice est une source de complication et la difficulté est de convaincre les Rwandais que celle-ci agit indépendamment du politique ». Article réservé à nos abonnés Lire aussi A Paris, les présidents Macron et Kagame jouent l’apaisement La suspicion d’une justice sous tutelle n’a cessé de polluer cette information judiciaire ouverte en 1998 pour « assassinat et complicité d’assassinat en relation avec une entreprise terroriste » et « association de malfaiteurs en vue de préparer des actes de terrorisme ». Lorsque en 2006 le juge Jean-Louis Bruguière désigne Paul Kagame, chef rebelle à l’époque des faits, comme « le cerveau » de l’attentat et lance des mandats d’arrêt contre des dignitaires rwandais, Kigali dénonce aussitôt une volonté de Paris de maquiller ses propres responsabilités dans le génocide et rompt les relations diplomatiques. Deux ans plus tard, le rapport de la Commission Mucyo, du nom de son président, apparaît alors comme la réponse directe du Rwanda aux orientations prises par l’enquête française. Celui-ci incrimine lourdement treize dirigeants, dont François Mitterrand, ainsi que vingt militaires français et laisse planer la menace de poursuites judiciaires. Dans ce contexte de tensions croissantes, deux séquences bien distinctes apparaissent comme des tournants essentiels. La première remonte à novembre 2008 lorsque Rose Kabuye, la cheffe du protocole de M. Kagame, est interpellée en Allemagne, transférée en France puis libérée. « Dissociation entre le ministère public et l’instruction » Alors que l’élection de Nicolas Sarkozy avait déjà laissé augurer un changement de ton, la manœuvre fut préparée conjointement entre les deux présidences pour permettre au Rwanda d’avoir ainsi accès au dossier d’accusation. « C’est à ce moment qu’on a senti s’opérer la dissociation entre le ministère public et l’instruction », relate l’avocat Philippe Meilhac. Le second moment de basculement intervient lorsque est révélé, début 2012, le rapport d’expertise des juges Marc Trévidic et Nathalie Poux. S’appuyant sur des analyses balistiques et acoustiques, les premières investigations menées à Kigali déterminent que le tir du missile qui a abattu l’avion de Juvénal Habyarimana « a pu avoir lieu depuis le camp de Kanombé », là où se trouvait un casernement de la garde présidentielle. Les magistrats français ne concluent pas à un crime des extrémistes hutu qui prirent le contrôle de l’Etat et lancèrent les massacres aussitôt après l’attentat mais leurs investigations affaiblissent la thèse de M. Bruguière selon laquelle Paul Kagame aurait sacrifié les Tutsi de l’intérieur pour parvenir au pouvoir. Après plus de vingt ans d’enquête, aucune certitude n’a été établie sur les auteurs et les commanditaires de l’événement qui donna le coup d’envoi du génocide. Les avancées ou blocages de la justice ont en revanche été tout au long de ces années un thermomètre précis de l’état des relations franco-rwandaises. Rwanda : que s’est-il passé le 6 avril 1994 ? C’est une enquête impossible, une affaire qui hante la mémoire rwandaise et intègre le faisceau de contentieux qui gangrène les relations entre Paris et Kigali depuis le génocide, auquel il aura servi d’événement déclencheur. Qui a tué le président rwandais Juvénal Habyarimana ? Qui a tiré le missile qui a abattu son avion présidentiel, un Falcon-50 en phase d’atterrissage, dans lequel il arrivait à Kigali en compagnie de son homologue burundais, Cyprien Ntaryamira, en ce soir de printemps, le 6 avril 1994 ? M. Habyarimana, issu de la communauté hutu, revenait alors d’un sommet en Tanzanie consacré aux crises rwandaise et burundaise ainsi qu’au processus de négociations engagé avec les rebelles du Front patriotique rwandais (FPR, à majorité tutsi), mené par Paul Kagame. Après l’annonce de l’attentat, le représentant du Rwanda à l’Organisation des Nations unies (ONU) déclara que les deux présidents « avaient été assassinés par les ennemis de la paix ». Le ministère de la défense rwandais affirma que l’avion avait été « abattu par des éléments non identifiés ». L’événement reste inexpliqué mais, déjà, l’engrenage meurtrier se met en route. Dès le lendemain de l’attentat, le premier ministre hutu modéré, Agathe Uwilingiyimana, dix casques bleus belges de la Minuar chargés de sa protection et plusieurs ministres de l’opposition sont tués. Puis les massacres commencent. A grande échelle. Les milices hutu Interahamwe et les Forces armées rwandaises (FAR) massacrent méthodiquement les populations tutsi. Des hommes, des femmes et des enfants sont exterminés à coups de machettes dans tout le pays. Les opposants hutu au parti de Habyarimana, le président assassiné, sont également décimés. La population, encouragée par les autorités et des médias, dont la tristement célèbre Radio-Télévision libre des mille collines (RTLMC), prend largement part aux massacres, aux viols et aux pillages. En juillet 1994, le génocide a fait 800 000 morts, selon les chiffres de l’ONU. Plus de vingt-quatre ans plus tard, toute la lumière n’a pas été faite sur l’épisode qui a déchaîné les tueries et relancé la guerre civile.
27/12/2018
afrique
https://www.lemonde.fr/afrique/article/2018/12/27/les-juges-d-instruction-ordonnent-un-non-lieu-dans-l-enquete-sur-l-attentat-qui-declencha-le-genocide-au-rwanda_5402524_3212.html
La Tunisie peine à solder les comptes de la dictature
L’Instance vérité et dignité (IVD), dont le mandat expire le 31 décembre, n’a cessé d’être entravée dans son travail de justice transitionnelle.
Les responsables de l’Instance vérité et dignité, Sihem Bensedrine et Mabrouk Aounalla, aux archives de l’organisation, à Tunis, le 13 décembre. SIMON KREMER / DPA Rached Jaïdane claudique toujours, fichu stigmate. Des ligaments de la cheville broyés à force de « poulet rôti », cette position du corps suspendu à une barre pieds et poings ligotés, cela laisse des traces, des douleurs, même un quart de siècle après. Rached Jaïdane, quinquagénaire au bouc poivre et sel, n’aime pas trop ressasser ces souvenirs de torture dans les geôles de l’ex-dictateur Ben Ali, où il perdit bien plus que treize ans de sa vie de 1993 à 2006. La pudeur l’inhibe pour évoquer l’ampleur des outrages. Et s’il y consent, c’est pour interroger : « Pourquoi cette atrocité, cette sauvagerie ? » Et aussi pour revendiquer une simple aspiration à la justice : « Je veux juste comprendre qui a donné l’ordre, remonter au sommet de l’échelle des responsabilités. » Alors que le mandat de l’Instance vérité et dignité (IVD), réplique tunisienne de la Commission vérité et réconciliation sud-africaine, expire lundi 31 décembre après quatre ans et demi d’existence, le cas de Rached Jaïdane est l’une des affaires emblématiques de la justice transitionnelle en Tunisie. Ces six derniers mois, une cinquantaine de dossiers du même type, mettant en cause des violations des droits de l’homme – avant ou pendant la révolution de 2011 –, ont été transmis à des chambres spécialisées. Une vingtaine d’audiences ont déjà eu lieu à Tunis, Nabeul, Gabès, Sidi-Bouzid, Gafsa… Est-ce la fin de l’enlisement de ces dernières années ? La brusque activation, avant la date fatidique du 31 décembre, du volet pénal de la « reddition des comptes », une des missions de l’IVD, fait naître autant d’espoirs chez les victimes que de craintes chez les bourreaux. Sept ans après la chute de la dictature, et alors que les forces de l’ancien régime tirent parti de la confusion entourant la « transition démocratique » pour se réveiller, un sentiment d’urgence s’est emparé des cercles militant pour une justice transitionnelle digne de ce nom. A leurs yeux, il n’était que temps d’en finir avec l’impunité dont les acteurs de l’ex-dictature avaient jusqu’alors bénéficié et à laquelle la rupture de 2011 n’avait pas changé grand-chose. « Seule la justice transitionnelle peut stabiliser la Tunisie, insiste Rached Jaïdane. Si le processus est torpillé, cela peut casser le pays. » « Je ne leur souhaite pas le cachot, je veux qu’ils disent la vérité », Rached Jaïdane, ancien prisonnier politique L’ancien prisonnier politique a retrouvé un début de confiance. Le 6 décembre, il a pu apercevoir ses tortionnaires, dissimulés pourtant derrière un paravent, lors d’une audience au tribunal de première instance de Tunis. « J’en ai ressenti une fierté, admet-il après coup. Mais je ne leur souhaite pas le cachot, je veux qu’ils disent la vérité. » Ironie du sort : c’est dans cette même salle qu’il avait lui-même été condamné en 1996 à vingt-six ans de prison pour « complot contre la sûreté de l’Etat ». Rached Jaïdane avait été arrêté trois ans plus tôt à Tunis alors que, étudiant en mathématiques à Paris, il était revenu au pays assister au mariage de sa sœur. Ses liens avec le parti islamiste Ennahda lui avaient alors valu d’être accusé de tremper dans une conspiration contre le régime de Ben Ali. Procès « inéquitables » A partir du 1er janvier, l’IVD ne pourra plus transmettre à la justice des dossiers du type de celui de Rached Jaïdane. En attendant la date-butoir, les transferts s’accélèrent. La présidente de l’IVD, Sihem Bensedrine, ancienne opposante à la dictature, annonce notamment « un gros procès contre Ben Ali ». L’autocrate déchu, exilé en Arabie saoudite, a déjà fait l’objet depuis 2011 d’une douzaine de condamnations par contumace, mais Mme Bensedrine estime que nombre de ces procès étaient « inéquitables ». « Le dossier que nous allons transmettre est bien mieux instruit, précise Mme Bensedrine. Il est fondé sur des preuves irréfutables établissant des pratiques d’abus de pouvoir, d’escroquerie et de blanchiment d’argent. » « Ce futur procès effacera l’image que certains véhiculent, celle d’un “type bien” dévoyé par sa belle-famille [les Trabelsi], poursuit-elle. En fait, c’était bien lui le corrompu. C’est lui qui a pillé et pris en otage l’Etat tunisien. » Mise en place en 2014, l’IVD est l’un des principaux acquis de la transition démocratique tunisienne. Son mandat est de solder les comptes de la dictature, à l’instar des commissions créées dans d’autres pays s’arrachant à la nuit autoritaire. La loi lui a confié la mission de « révéler la vérité » sur les violations des droits humains et les malversations financières commises pendant la période 1955-2013, d’exiger de leurs auteurs qu’ils « rendent des comptes », de « dédommager » les victimes (55 000 dossiers ont été retenus, dont 10 000 cas de tortures) afin d’aboutir à la « réconciliation nationale », d’« archiver la mémoire collective » et de proposer des réformes institutionnelles garantissant que ces violations « ne se reproduisent pas ». « Il s’agit de rétablir la confiance des citoyens dans l’Etat », résume Mme Bensedrine. De fait, le rôle assigné à l’IVD était éminemment politique, enflammant les polémiques. Dès sa naissance, l’instance s’est trouvée confrontée à l’hostilité du président de la République Béji Caïd Essebsi, dont le parti qu’il a fondé, Nidaa Tounès, a recyclé de nombreuses figures ou cadres de l’ancien régime. Liés à ces réseaux, la grande majorité des médias tunisiens ont mené une virulente campagne contre l’IVD, focalisant notamment leurs attaques sur la personne de Mme Bensedrine, dépeinte comme une « revancharde » liée à Ennahda. Nombreuses obstructions Dans ce contexte hostile, des pans entiers de l’appareil d’Etat ont boycotté le processus de justice transitionnelle. En juin, un syndicat de policiers a même appelé ses membres à « ne pas répondre aux convocations émises par l’IVD ». Résultat : nombre de policiers cités à comparaître aux procès récents ne se sont pas déplacés. De même, la moitié des magistrats formés pour siéger dans ces chambres spécialisées ont été subitement nommés à l’automne à de nouvelles fonctions, ruinant une bonne partie du travail préparatoire à l’actuelle séquence judiciaire. Ainsi la « reddition des comptes » de la dictature est-elle encore loin d’être acquise. « La transition démocratique ne doit pas être réduite à un argument de marketing pour vendre l’image de la Tunisie à l’étranger », Salwa El-Gantri, d’International Center for Transitional Justice. Avec la disparition imminente de l’IVD, il revient désormais au gouvernement de permettre que la justice transitionnelle poursuive son cours. Ce dernier dispose d’un an pour mettre en œuvre les recommandations contenues dans le rapport final de l’IVD, en passe d’être publié. Au vu des obstructions déjà à l’œuvre, l’affaire s’annonce laborieuse. « La transition démocratique ne doit pas être réduite à un argument de marketing pour vendre l’image de la Tunisie à l’étranger », avertit Salwa El-Gantri, directrice du bureau tunisien d’International Center for Transitional Justice. Sur la scène internationale, l’image d’un président Essebsi promouvant l’égalité entre hommes et femmes dans l’héritage tend désormais à prévaloir sur celle d’un héritier de l’ancien régime entravant la justice transitionnelle. « Il ne faudrait pas que les réformes sociétales soient la seule mesure de l’état d’avancement de la transition démocratique en oubliant le démantèlement du système dictatorial », met en garde Antonio Manganella, le directeur du bureau de Tunis d’Avocats sans frontières. Houcine Bouchiba, président d’Al-Karama, une des associations de victimes, s’en inquiète sans détour : « Il serait un danger pour tout le monde que les victimes de la dictature prennent la justice entre leurs propres mains. » Nouveaux heurts en Tunisie après l’immolation par le feu d’un journaliste Lundi, à quelques jours des célébrations du huitième anniversaire du soulèvement ayant mis fin à la dictature, Aberrazak Zorgui, journaliste pour une chaîne privée locale, s’est immolé par le feu à Kasserine (Ouest), une ville située dans une des régions les plus pauvres du pays. « Pour [ceux] qui n’ont pas de moyens de subsistance, aujourd’hui, je vais commencer une révolution », avait expliqué cet homme de 34 ans dans une vidéo publiée vingt minutes avant de passer à l’acte. Depuis son décès, des affrontements nocturnes opposent quotidiennement des manifestants, essentiellement jeunes, à la police. La colère de la jeunesse n’est pas circonscrite à Kasserine. Des heurts ont aussi opposé, dans la nuit de mardi à mercredi, des protestataires aux forces de l’ordre à Jebiniana, au nord de Sfax, deuxième ville du pays (Est) ainsi qu’à Tebourba, ville située à trente kilomètres à l’ouest de la capitale. Messoud Romdhani, président du Forum tunisien des droits économiques et sociaux, prévoit la propagation des mouvements de protestation vu « l’absence d’une vraie volonté politique de se pencher sur les vrais problèmes des Tunisiens ». Le Syndicat national des journalistes tunisiens a, de son côté, appelé à une grève nationale de la « dignité » le 14 janvier, jour anniversaire de la révolution de 2011, pour protester contre la situation désastreuse du secteur médiatique et la condition « fragile » d’un bon nombre de reporters.
27/12/2018
afrique
https://www.lemonde.fr/afrique/article/2018/12/27/la-tunisie-peine-a-solder-les-comptes-de-la-dictature_5402522_3212.html
« L’Union européenne est une joueuse de fond de court »
Notre éditorialiste analyse les ressorts d’une Europe qui, en 2018, s’est montrée « laborieuse, pas glamour pour un euro, mais plus solide qu’on ne croit ».
Chronique. L’Union européenne (UE) est à la peine, elle est « en plein désarroi », dit un Américain. Elle finit 2018 dans une odeur de pneus calcinés à un barrage de « gilets jaunes » sur fond de marée montante d’une ultradroite europhobe qui entend sortir renforcée des élections au Parlement européen de juin 2019. Nos confrères des Etats-Unis sont sans pitié : ils dressent, en cette fin d’année, un tableau apocalyptique de l’état de l’Europe. Ils n’ont pas tort. Et pas raison non plus. Au tennis, on dirait de l’UE qu’elle est une joueuse de fond de court – laborieuse, pas glamour pour un euro, mais plus solide qu’on ne croit. C’est vrai, la tournée des capitales – Berlin et Paris, notamment – inspire un gros cafard de fin de saison. L’un des grands sachems des relations internationales aux Etats-Unis, Richard Haass, président du Council on Foreign Relations de New York, décrit une Europe en souffrance politique, sans leadership. Article réservé à nos abonnés Lire aussi Des coalitions minoritaires et fragilisées au pouvoir dans la moitié des pays européens Le champion de la cause européenne, Emmanuel Macron, souvent bien inspiré sur le sujet, est désavoué à la maison. Encore sous le choc d’une magistrale bronca sociale, le président français pèse moins à Bruxelles. Sa partenaire allemande, Angela Merkel, est en transition – vers la retraite. Elle a snobé le Français, ignorant sa cour assidue. Le célèbre couple franco-allemand ne fait pas d’enfants. Il est en désaccord sur à peu près tous les sujets qui comptent : budget européen et imposition des GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon), notamment. La presse d’outre-Rhin peint la France aux couleurs d’un pays du Club Med, incapable de tenir ses engagements de réformes « structurelles ». Reine du petit pas A Rome, où une coalition eurosceptique est au pouvoir, on se réjouit des malheurs de ces donneurs de leçons de Français. On pense la même chose en Pologne, où le ministre des affaires étrangères, Jacek Czaputowicz, estampille la France en « homme malade de l’Europe ». Avec la Hongrie, la Pologne s’efforce de banaliser la pratique de la « démocratie illibérale » au sein de l’UE. Médiocre, la croissance ralentissait en fin d’année dans l’ensemble européen, tout particulièrement au Royaume-Uni, où le psychodrame du Brexit prend des allures de comédie à l’italienne – on sort, on reste. Ils essaient, ils essaient, les Britanniques, mais, avec le Brexit, « they can’t get no satisfaction », dirait Mick Jagger. « Le futur de la démocratie, de la paix et de la prospérité en Europe, si l’on s’arrête à ce moment précis de son histoire, paraît pour le moins incertain », conclut Richard Haass. Peut-être. Mais de même qu’il n’y a pas eu de « quartiers de Paris littéralement en flammes » – contrairement à ce qu’avance Haass avec désinvolture –, de même l’UE n’a pas fait du surplace en 2018. Loin de là. A sa manière, reine du petit pas technocratique et de la demi-mesure, elle a progressé.
27/12/2018
idees
https://www.lemonde.fr/idees/article/2018/12/27/l-union-europeenne-est-une-joueuse-de-fond-de-court_5402520_3232.html
Le djihadiste Peter Cherif incarcéré et mis en examen par la justice française
Ce proche des frères Kouachi, en fuite avant son arrestation à Djibouti le 16 décembre, doit exécuter en France sa peine prononcée en 2011. Il est aussi accusé dans une autre information judiciaire.
Présenté jeudi 27 décembre à un juge d’instruction, le djihadiste Peter Cherif a été mis en examen pour « association de malfaiteurs terroriste criminelle en récidive » dans le cadre d’une information judiciaire ouverte ce jour, selon le parquet de Paris. Peter Cherif a été placé en détention provisoire, conformément aux réquisitions du parquet. Il avait été déféré dans la nuit de mercredi à jeudi en vue de l’exécution d’une peine de cinq ans de prison prononcée à son encontre en mars 2011. Cet homme, qui avait disparu au dernier jour de son procès à Paris, a été arrêté le 16 décembre à Djibouti et placé en garde à vue à son arrivée en France le 23 décembre. Cette nouvelle information judiciaire est consécutive à une enquête préliminaire ouverte en 2017. Selon une source proche du dossier, cette dernière visait le séjour et les activités de Peter Cherif au Yémen, où il était devenu un cadre d’Al-Qaida dans la péninsule arabique (AQPA). Il avait été inscrit en septembre 2015 par les Etats-Unis sur leur liste noire des « combattants terroristes étrangers » et figurait parmi les djihadistes français les plus recherchés au monde. Lire le contexte : Capture de Peter Cherif, un des terroristes français les plus recherchés Pas officiellement visé par l’enquête sur l’attentat de janvier 2015 Proche des frères Kouachi, les auteurs de l’attentat contre Charlie Hebdo en janvier 2015, Peter Cherif est considéré comme une précieuse source d’informations pour les services de renseignements occidentaux comme pour la justice française. A ce stade, il n’est toutefois pas officiellement visé par l’enquête sur cet attentat. Et selon une autre source proche du dossier, il avait fait valoir son droit au silence au début de sa garde à vue. Arrêté une première fois à Fallouja, en Irak, fin 2004, alors qu’il combattait dans les rangs d’Al-Qaida en Irak, Peter Cherif, condamné à quinze ans de prison à Bagdad, s’était ensuite évadé en mars 2007 pour rejoindre la Syrie. Extradé par la suite en France, il y fut incarcéré pendant dix-huit mois. Il avait finalement disparu en mars 2011, absent au délibéré de son procès à Paris, et avait pris la fuite vers le Yémen. Condamné à cinq de prison, il avait fait immédiatement l’objet d’un mandat d’arrêt en vue de l’exécution de sa peine.
27/12/2018
police-justice
https://www.lemonde.fr/police-justice/article/2018/12/27/le-djihadiste-peter-cherif-defere-au-parquet-de-paris_5402518_1653578.html
Tous nos spectacles préférés de 2018
Théâtre, danse, opéra, humour : les critiques scènes du « Monde » ont chacun(e) désigné les cinq œuvres qui les ont le plus ému(e)s et convaincu(e)s cette année. Certaines sont encore en tournée.
La sélection de Fabienne Darge « Joueurs, Mao II, Les Noms », d’après Don DeLillo, mise en scène de Julien Gosselin. SIMON GOSSELIN Une nouvelle génération en avant toute : les spectacles de théâtre marquants de cette année 2018 sont d’abord signés par des artistes trentenaires ou à peine quadragénaires – à la liste, on pourrait ajouter Thyeste, de Sénèque, mis en scène par Thomas Jolly à Avignon, ou La Petite Sirène, réenchantée par Géraldine Martineau à la Comédie-Française (jusqu’au 6 janvier 2019). Avec ces jeunes artistes, ce sont des formes nouvelles qui apparaissent, et des thématiques actuelles. Chez Julien Gosselin, la puissance du geste de mise en scène est portée par un travail exceptionnel sur l’image, par une réflexion sur la relation entre l’image et les mots, et sur le lien entre cette civilisation des images et la violence contemporaine. Dans la déconstruction douce opérée par l’auteur et metteur en scène portugais Tiago Rodrigues se fait jour également une interrogation sur le langage et sur la mémoire, et sur le souffle vital. Séverine Chavrier, elle, travaille le son comme personne avant elle, au service d’un théâtre qui entre de manière inouïe dans la psyché des personnages délirants de Thomas Bernhard. L’actrice-créatrice Laetitia Dosch, d’une singularité totale, partage la scène avec un cheval, Corazon, pour mieux parler du rapport à l’autre, quel qu’il soit. Reste un maître, quand même : le grand metteur en scène polonais Krystian Lupa, qui, avec Le Procès, d’après Kafka, plonge au plus profond d’un inconscient collectif européen travaillé par la culpabilité et les fantasmes d’ordre et d’exclusion. La sélection de Brigitte Salino « Thyeste », de Sénèque, mise en scène de Thomas Jolly, lors d’une représentation au Festival d’Avigon, en juillet. CHRISTOPHE RAYNAUD DE LAGE / HANS LUCAS Il y a des pièces dont on rêve qu’elles soient mises en scène, parce qu’elles font exploser les cadres habituels, dans leur forme ou leur contenu. Thyeste, de Sénèque, en est une. Par chance, Thomas Jolly a choisi de la présenter, dans la Cour d’honneur du Palais des papes, à Avignon. Par bonheur, il a réussi, offrant une soirée explosive, à la hauteur de la démesure de Sénèque, grand auteur latin dont la violence n’a guère d’équivalent. Une violence qui laisse l’homme pantois, implorant en vain le ciel antique que cesse la tragédie de l’homme mangeur d’hommes. Chez Don DeLillo, dont Julien Gosselin a adapté et mis en scène trois romans (Joueurs, Mao II, Les Noms), la violence s’inscrit dans le monde d’aujourd’hui : plus sournoise, elle s’immisce dans l’intimité qu’elle fracasse. Le grand talent de Julien Gosselin, qui marie magistralement le théâtre et le cinéma, est de nous faire voyager longuement dans l’œuvre d’un contemporain, comme il l’avait fait avec Roberto Bolano et son 2666. On en a besoin, pour échapper aux raccourcis de la pensée. De la même manière, on a besoin, pour échapper aux clichés, d’avoir face à soi des corps, de vrais corps suant leurs larmes de sang et de jouissance. Et cela, la Sicilienne Emma Dante sait le faire. Ses deux sœurs palermitaines de La Scortecata sont tellement affreuses et truculentes, tellement perdues et mélancoliques, qu’elles en deviennent magnifiques de dignité. Comme la vie, quand s’enlacent la violence sociale et la beauté des êtres. La sélection de Rosita Boisseau « Gravité », chorégraphie d’Angelin Preljocaj. JEAN-CLAUDE CARBONNE / ARTCOMPRESS La danse contemporaine nous en fait voir de toutes les couleurs. Toujours inventif depuis le milieu des années 1980, le chorégraphe Angelin Preljocaj assouplit sa gestuelle graphique et strictement articulée dans Gravité, créé en septembre, à la Biennale de la danse de Lyon. Entre ses lignes, cette pièce pour treize interprètes glisse une surprise : un cercle rituel hypnotique sur le Boléro, de Ravel. Avec The Idiot, créé en septembre à Paris, lors du Festival d’automne, le Japonais Saburo Teshigawara et sa complice Rihoko Sato ont livré un vertigineux et bouleversant duo. Inspiré par le roman de Dostoïevski, Teshigawara, danseur hors pair, signe une chorégraphie magistrale, spiralée, criblée de lumières. La valse des corps déchire tandis que la folie et l’enfermement sont soudain fissurés par l’amour. Egalement programmé au Festival d’automne (au Centquatre, en novembre), Inoah, de Bruno Beltrao, atteste du talent brûlant de cet artiste hip-hop brésilien. Si virtuose soit la technique des dix hommes, elle laisse les corps à vif, les individus tels qu’en eux-mêmes, galvanisés par le flux de tensions qui les transpercent. Happée par la même volonté de planter le drapeau de l’art sur le terrain de l’urgence sociale, la Brésilienne Lia Rodrigues n’a pas fait mentir le titre de son spectacle Furia, pour neuf interprètes, présenté fin novembre à Paris. La rage de rester debout soulève les vagues d’une transe massive qui emporte tout sur son passage. Quant à Rachid Ouramdane, qui clôturait l’année 2018 au Théâtre national de Chaillot, il signe une pièce sombre et irradiante avec Franchir la nuit, pour cinq professionnels et une trentaine de jeunes, dont une douzaine de migrants. Un spectacle pudique, imprégné d’émotions esthétiques, entièrement dansé dans l’eau. La sélection de Marie-Aude Roux « Phaéton », de Lully, à l’Opéra royal de Versailles. NIKITA CHUNTOMOV Honneur à Lully, dont le magnifique Phaéton, de Benjamin Lazar (mise en scène) et Vincent Dumestre (direction musicale), célèbre, à l’Opéra royal de Versailles, le fils du Soleil foudroyé. Une mise en scène brillante – féerie de costumes, de lumières et de musique – qu’exaltent les splendeurs chorales de l’ensemble MusicAeterna et les musiciens du Poème harmonique. L’Opéra Bastille n’est pas en reste avec l’Italien Damiano Michieletto, dont le revigorant Don Pasquale tempère les ardeurs bouffonnes de Donizetti pour dessiner l’émouvant portrait d’un vieil homme amoureux que l’abattage vocal et les jeux de jambes de Norina (Nadine Sierra) invitent à la plus improbable des folies. Au Festival de Salzbourg, une autre femme enfant, encore plus dangereuse, la Salomé de Richard Strauss selon Romeo Castellucci et Franz Welser-Möst. Un spectacle coup de poing taillé dans le roc du Manège des rochers autour de la magnétique princesse de Judée d’Asmik Grigorian, corps de statue et voix oraculaire. Mais c’est à l’iconoclaste Barrie Kosky que revient le doublé de l’année. Bayreuth d’abord, où l’Australien a déréglé les horloges de Nuremberg pour mieux assigner Les Maîtres chanteurs à résidence pour une virtuose reconstitution de la comédie humaine wagnérienne sous la direction de Philippe Jordan, histoire d’éclairer les fondements idéologiques de l’opéra chéri entre tous par les nazis. Puis à l’Opéra du Rhin (Strasbourg), où, en plein centenaire Debussy, le patron de la Komische Oper de Berlin accouche au forceps d’un Pelléas et Mélisande né du théâtre de la cruauté, noir, monstrueux, mais passionnant. La sélection de Pierre Gervasoni « Only the Sound Remains », de Kaija Saariaho à l’Opéra Garnier à Paris. ELISA HABERER / OPÉRA NATIONAL DE PARIS L’opéra est une forme d’art total qui, pour s’imposer sur la corde raide du spectacle vivant, doit trouver à chaque instant un équilibre entre ses composantes. Only the Sound Remains (2016), quatrième opéra de la compositrice finlandaise Kaija Saariaho, a relevé ce défi à partir de deux pièces de théâtre nô ouvrant sur une dimension fabuleuse, dans tous les sens du terme (histoires aux allures de fable, imageries de rêve), que tous les artisans de l’œuvre ont investie avec un exceptionnel raffinement. La musique, par vagues infinitésimales, la mise en scène de Peter Sellars, par une édifiante poésie du geste, et les chanteurs (Davone Tines et Philippe Jaroussky), par une incarnation pénétrante des rôles. Aussi personnel et abouti – et également mis en scène par Peter Sellars –, Kopernikus (1980), du Québécois Claude Vivier (1948-1983), témoigne d’une transcendance comparable à celle entreprise à la même époque par son modèle, Karlheinz Stockhausen. La nouvelle production de Donnerstag aus Licht (premier volet de son titanesque opéra consacré aux sept journées de la semaine) a prouvé qu’une utopie d’hier (1981) pouvait devenir une évidence d’aujourd’hui, grâce à l’action conjuguée d’une révélation (mise en scène de Benjamin Lazar) et d’une élévation (direction musicale de Maxime Pascal). On a aussi admiré, dans des genres plus conventionnels, le résultat d’un authentique travail d’équipe, au service du grand opéra (Auber) et de la comédie musicale (d’après Chostakovitch). La sélection de ­Sandrine Blanchard « Bonne nuit Blanche », spectacle de et avec Blanche Gardin. PATHÉ LIVE / CAPTURE D’ÉCRAN YOUTUBE Elle a décroché en 2018 le Molière de l’humour et c’est mille fois mérité. Blanche Gardin demeure notre coup de cœur, tant cette humoriste, insolente et profonde, a donné ses lettres de noblesse au stand-up. Avec son nouveau spectacle, Bonne nuit Blanche, elle a confirmé la qualité de son écriture et provoqué un rire existentiel et salutaire. Ecouter Fary parler d’identité française, d’intégration et de religion, sans tomber dans la caricature, les préjugés ou la vaine provocation, fait aussi beaucoup de bien. Avec élégance et fausse nonchalance, ce jeune humoriste d’origine cap­verdienne est en passe de s’installer durablement. Dans son dernier seul en scène, Hexagone, il manie avec malice un humour rassembleur. C’est aussi à une thérapie collective que nous convie Frédérick Sigrist. Son autoportrait sans concession, Tout le monde croit que je suis un mec bien, reste en mémoire tant il porte un regard lucide et pertinent sur nos indignations et nos contradictions. Et puis, impossible d’oublier la singularité d’Alex Lutz, son choix extravagant et poétique d’être accompagné du cheval Nilo. Cet humoriste aux multiples talents (mime, imitateur, chanteur) mêle à merveille le rire et l’émotion pour parodier ses semblables. Enfin, l’humour post-#metoo a trouvé son « égérie » : Caroline Vigneaux plaide la cause des femmes avec une liberté de ton revigorante. Dans une société crispée, ces cinq artistes prouvent à quel point l’humour a des vertus émancipatrices.
27/12/2018
culture
https://www.lemonde.fr/culture/article/2018/12/27/tous-nos-spectacles-preferes-de-2018_5402514_3246.html
« Quincy » : Quincy Jones, une histoire sans fausse note
Un documentaire retrace la vie du musicien qui a notamment travaillé avec Frank Sinatra.
Le musicien et producteur américain Quincy Jones à Paris, en octobre 2014. JOËL SAGET / AFP Netflix, jeudi 27 décembre à la demande, documentaire Quel invraisemblable chemin parcouru depuis son ghetto d’un faubourg miteux de Chicago ! A cette époque, dans les années 1930, Quincy Jones n’était encore qu’un petit « Nègre » qui croisera son premier « Blanc » à l’âge de 11 ans. Enfant, il n’avait pas grand-chose à manger, si ce n’est, de temps à autre, des rats frits cuisinés par sa grand-mère, une ancienne esclave. Si un piano ne lui avait pas sauvé la vie, comme il le répète, il pense qu’il serait devenu un gangster qui aurait terminé son existence dans une prison. « Je réagis, je ­survis », lance-t-il à ceux qui osent douter de lui. Rien ne semble ­l’atteindre : à 85 ans, Quincy a ­survécu – entre autres – à un anévrisme cérébral, à deux opérations du cerveau, à la ségrégation raciale, à trois mariages, à la faim, à la dépression… Bref, « Q » – pour les intimes – semble immortel, comme sa musique. En soixante-dix ans de carrière, Quincy Jones a arrangé, composé, produit et orchestré pour les artistes américains les plus légendaires : Louis Armstrong, Sarah Vaughan, Ray Charles, Barbra Streisand, Dinah Washington, Stevie Wonder, Ella Fitzgerald, Miles Davis, Frank Sinatra, ­Michael Jackson et tant d’autres encore. Be-bop, jazz, saoul, bossa-nova ou hip-hop, aucun style ne lui résiste. En 1957, il s’installe à Paris pour étudier l’art de l’orchestration avec la compositrice française Nadia Boulanger, « la reine de la musique classique », comme il la présente ; celle-ci lui conseille : « “Quincy, il n’y a que douze notes [dans la musique]. Tu dois étudier ce que les autres en ont fait.” J’en ai toujours tenu compte. » Il ne s’est jamais remis de ce précepte : « C’est épatant de se rendre compte qu’on a utilisé les mêmes douze notes depuis sept cent dix ans. Tous. Brahms, Beethoven, Basie, Bo Diddley, Bird. Les mêmes putains de douze ­notes. Ça craint. Ça craint, sept cent dix ans ! » Ce jazzman, spécialiste de la trompette, est surtout un artiste prolifique (plus de 2 900 chansons à son actif) Avec ces notes, il a écrit ­cinquante et une musiques de films et de séries telles que La Couleur pourpre, de Steven ­Spielberg (1986), Le Prêteur sur gages, de ­Sidney Lumet (1964), ou la série L’Homme de fer, avec ­Raymond Burr… Ce musicien hors pair a remporté tout au long de sa carrière 27 Grammy Awards (sur 79 nominations), un Oscar et beaucoup d’autres récompenses… Il a composé en 1985 l’un des singles les plus vendus au monde : We Are the World, une chanson caritative destinée à aider des enfants africains touchés par la famine. Mais il est aussi reconnu pour avoir produit un des albums les plus cultes de tous les temps : Thriller, interprété par Michael Jackson. Ce jazzman, spécialiste de la trompette, est surtout un artiste prolifique (plus de 2 900 chansons à son actif) qui reconnaît être un drogué du travail, une de ses addictions, avec l’alcool. Quincy Jones est ce genre de garçon, tourmenté et fascinant, qui aurait pu être raconté dans l’un des romans noirs de l’écrivain afro-américain Iceberg Slim (originaire de Chicago, lui aussi). Dans ses livres, la destinée des personnages épouse l’histoire des Etats-Unis, celle qui opposa pendant tant de décennies les Noirs et les Blancs. Jones est un témoin et un acteur de cet affrontement. Un pionnier En 1951, lorsqu’il entame, à 18 ans, une tournée dans tout le pays avec le groupe de Lionel Hampton, les musiciens noirs doivent prendre un chauffeur blanc car lui seul pouvait rentrer dans les restaurants et acheter de quoi manger. « On était dans une ville du Texas et au centre, il y avait une église. Il y avait un mannequin noir pendu au clocher. C’était normal à l’époque », se rappelle-t-il. « A chaque étape de sa carrière incroyable, il a été le premier. Il a été le premier à traverser les portes, ce qui a donné énormément d’assurance à ceux qui le suivent. Il a fait ça avec grâce », assure Barack Obama. Difficile de donner tort à l’ancien président des Etats-Unis. Quincy Jones est un pionnier qui a ouvert la voie aux autres générations : premier Afro-Américain à écrire une chanson pour le cinéma, à être nommé aux Oscars dans la catégorie de la meilleure chanson originale, ou encore à occuper le poste de vice-président d’un label (Mercury en 1961)… Il suffit de voir comment Jay-Z, Beyoncé, Dr. Dre, Kendrick Lamar ou John Legend, tous des stars planétaires, le regardent avec amour et ­respect. Le documentaire Quincy retrace la longue carrière de l’artiste et sa vie intime. A travers des photos et des films de famille, le jazzman se livre sans faux-semblant. Il évoque son enfance pauvre, qui le traumatise encore aujourd’hui. Quincy Jones n’arrive toujours pas à surmonter sa peine lorsqu’il parle de sa mère, qui souffrait de schizophrénie. Il évoque avec tendresse et nostalgie les artistes qu’il a accompagnés, comme Frank Sinatra et Michael Jackson, mais sans détailler leur façon de travailler et leurs liens d’amitié. Dommage qu’il ne profite pas de ce documentaire – coréalisé par sa fille Rashida – pour nous les raconter davantage. Ce film sensible met en scène un homme qui a trouvé en la musique un moyen de gagner sa liberté et qui a ­contribué aussi à donner aux Noirs américains une dignité sans fausse note. Quincy, de Rashida Jones et Alan Hicks (Etats-Unis, 2018, 124 minutes). www.netflix.com
27/12/2018
televisions-radio
https://www.lemonde.fr/televisions-radio/article/2018/12/27/quincy-quincy-jones-une-histoire-sans-fausse-note_5402506_1655027.html
« La richesse de Bordeaux ne ruisselle pas à plus de 20 kilomètres »
Les métropoles ont une responsabilité, au côté de l’Etat, du département et de la région, pour entraîner dans leur développement des territoires de relégation, tels que celui de Sainte-Foy-la-Grande, estime Marc Sahraoui, administrateur de l’association Cœur de Bastide dans une tribune au « Monde ».
Bordeaux en janvier 2018. NICOLAS TUCAT / AFP Tribune. Située à 70 kilomètres de Bordeaux, Sainte-Foy-la-Grande est un territoire de relégation où les emplois disparaissent, les jeunes diplômés partent. La petite commune est considérée comme la plus pauvre de Gironde et de la région Nouvelle-Aquitaine. Avec sa jolie bastide du XIIIe siècle en bordure de Dordogne, ses maisons à colombages, ses paysages viti-vinicoles, son marché, Sainte-Foy-la Grande apparaît aux citadins des métropoles comme un cadre bucolique, propice à la qualité de vie et au tourisme. Or, ses habitants sont privés de bus, le Transgironde n’allant pas jusqu’à cette frange est de la Gironde dont la ligne TER doit être remise en état. La dégradation des commerces et de l’habitat du centre-ville va de pair avec un marché immobilier au plus bas (moins de 1 000 euros le m² pour un appartement à 1 200 euros le m² pour une maison) et un taux de vacance des logements relativement élevé (27,7 %). Cette dégradation, vécue et perçue, semble avoir conduit la ville à subir la mise en place d’un « parc social de fait » avec une concentration de la pauvreté dans certains secteurs. Cette paupérisation en milieu rural ne fait guère parler d’elle, à l’opposé de celle des banlieues. La situation de petites villes de campagne ne peut s’expliquer uniquement par le vieillissement de la population ou les crises agricoles récentes. Une économie de subsistance et de « la débrouille Les figures de la pauvreté qu’on voit passer dans les locaux de l’association Cœur de Bastide sont nombreuses. Il y a ceux que l’on s’attend à trouver : les salariés précaires de la viticulture, les jeunes peu qualifiés issus du monde rural, les veuves âgées ; et aussi les jeunes femmes, vivant en famille, peu diplômées, salariées en CDD ou au chômage qui ne correspondent pas vraiment aux représentations emblématiques du monde rural. Et puis, il y a les nouveaux arrivants : ces familles modestes poussées à se loger loin de Bordeaux ; celles pauvres qui espèrent survivre à la campagne avec (ou sans) le RSA et les migrants. Mais le prix des logements ne peut être la seule explication. Le choix d’un lieu d’installation procède en effet de bien d’autres paramètres, tels que la possibilité de travailler, les opportunités de mobilités, les services, les relations sociales que l’on peut espérer y avoir… La pauvreté frappe aussi lourdement les immigrés. Cela s’explique par des niveaux de qualifications faibles, par l’impact du chômage et les discriminations. Prendre le statut d’autoentrepreneur est une autre manière de subsister dans la précarité. Femmes de ménage, coiffeurs à domicile, laveurs de voitures, jardiniers… Lorsqu’on regarde la liste des activités enregistrées et que l’on sait qu’en moyenne le revenu que tirent les autoentrepreneurs de leur activité est pour 90 % d’entre eux inférieurs au smic, on comprend que ce statut participe d’une économie de subsistance et de « la débrouille ». Pénurie de logements sociaux accessibles La pauvreté en milieu rural se caractérise par l’insuffisance de ressources et des restrictions de consommation plus que par des retards de paiement et des difficultés à loger. A cela s’ajoute un déficit en matière d’éducation, de formation professionnelle, d’accès à la santé et à la culture. Pauvreté scolaire et pauvreté financière sont souvent liées. Et qui dit absence de titre scolaire dit (souvent) difficulté d’insertion sur le marché du travail, précarité et bas niveaux de vie. Pour les jeunes qui ont grandi dans un milieu « culturellement pauvre », peu socialisé, les démarches de formation posent des problèmes de tous ordres. En outre, un grand nombre d’entre eux disposent d’un espace de « mobilité imaginable » parfois incroyablement restreint. Le taux de chômage de ceux qui n’ont pas migré vers la ville est de même ordre que celui des jeunes urbains. Les jeunes sont aussi confrontés à une forte pénurie de logements sociaux accessibles. Pour tout un chacun, la « distance en temps de transport » pour accéder aux commerces, aux administrations, aux services publics et privés, pourrait sembler « raisonnable ». Mais c’est sans compter les difficultés rencontrées par les personnes ne disposant pas d’un véhicule personnel. Pas de permis, pas de véhicule, carburant trop cher ont, pour conséquence, un approvisionnement alimentaire plus cher, une grande complication dans de multiples démarches. A la campagne, les moyens de transport et de communication, et leurs coûts, sont un enjeu essentiel en matière d’inégalités sociales. La richesse de Bordeaux métropole ne ruisselle pas à plus de 20 kilomètres, elle s’arrête à Libourne ! Les métropoles ont une responsabilité particulière, aux côtés de l’Etat, du département et de la région, pour entraîner dans leur développement les territoires de France. Il ne s’agit pas de les mettre sous perfusion, mais de penser une stratégie de développement complémentaire et de trouver des secteurs qui ont de vraies raisons de s’y installer. Les territoires périphériques ont également besoin d’ingénierie pour monter les dossiers et capter les ressources. Il faut se mettre dans l’idée que l’exode rural est terminé, même s’il reste un paradoxe : les territoires ruraux se vident par la démographie, mais ils se remplissent par les flux migratoires, avec des besoins parfois contradictoires. « Ghetto rural » La loi de 2014 a fait rentrer dans la politique de la ville, grâce au critère unique du revenu par habitant, des quartiers situés en zones rurales. Or, on est surpris de l’absence de projet de développement économique dans le contrat de ville et sur le territoire du Pays foyen ainsi que des agences en charge du développement des quartiers QPV [quartier prioritaire de la ville]. A ce jour, et faute d’alternative, Sainte-Foy-la-Grande est un territoire pris dans un processus d’appauvrissement, et soutenu par la politique de la ville telle une cité d’habitat social. D’où cette image très dure de « ghetto rural » relayée par les médias. La difficulté première semble être de se défaire d’une vision du développement qui repose sur la seule économie commerciale, cherchant le salut par un renouveau de la consommation et de la population. Une autre option serait de comprendre le territoire comme un lieu de vie présentant des spécificités culturelles, sociales et identitaires à développer, avec notamment des services tournés vers les populations résidentes. La ville ayant longtemps prospéré sur son commerce, elle peine aujourd’hui à se convertir à un autre modèle de développement. Cette difficulté ne concerne pas seulement la question des politiques sociales mais également celle du tourisme, dont le nouvel office a été implanté dans une zone commerciale en bordure de rocade. Provoquer un développement endogène est un impératif du monde rural. Cela nécessite une organisation et des politiques publiques locales, capables de déclencher des dynamiques et un développement rural. Cela suppose une capacité humaine et donc la présence d’ingénierie sur le territoire, qui ne peut être mise en place que si les structures politiques s’appuient sur les acteurs de la société civile, comme les entreprises privées fortement implantées dans le territoire et les associations actives en faveur de la cohésion sociale. Depuis plusieurs décennies, les acteurs de terrain – pas toujours entendus – appellent à mettre en place des actions globalisées de différentes natures, alliant intervention sur l’habitat, sur la vie sociale, sur le tissu économique et sur les services publics. Ce même principe, adapté, pourrait inspirer l’action contre la pauvreté dans le milieu rural, moins dégradé sans doute que celui des quartiers urbains les plus difficiles, mais peut-être placé aujourd’hui sous la menace d’une évolution en grande partie de même nature. Marc Sahraoui est administrateur de l’association Cœur de Bastide Marc Sahraoui (administrateur de l'association Cœur de Bastide)
27/12/2018
idees
https://www.lemonde.fr/idees/article/2018/12/27/la-richesse-de-bordeaux-ne-ruisselle-pas-a-plus-de-20-kilometres_5402493_3232.html
Les syndicats hors jeu et… incontournables
La crise des « gilets jaunes » a mis les syndicats hors jeu, car elle ne s’est pas déroulée dans les entreprises mais sur des ronds-points.
Le 10 décembre 2018 à Paris, le Président de la République rencontre l’ensemble des forces politiques, territoriales, économiques et sociales afin d’entendre leurs voix, leurs propositions et avec pour objectif de les mobiliser pour agir. Les présidents de l’Assemblée nationale, du Sénat, et du Conseil économique social et environnemental ainsi qe les présidents des associations d’élus locaux, les responsables confédéraux des syndicats représentatifs, et les responsables des organisations patronales. Yves Veyrier Secrétaire général de FO ( force ouvrière). LAURENCE GEAI POUR " LE MONDE" Analyse. La crise des « gilets jaunes » a mis les syndicats hors jeu. Cela tient d’abord au théâtre de la mobilisation. Elle ne s’est pas déroulée dans les entreprises, là où les syndicalistes ont, en fonction de leur implantation, un rôle à jouer mais sur des lieux de vie, comme des ronds-points, ou dans la rue. Dans un entretien à Paris Match du 20 décembre, Laurent Berger a confessé que cette situation avait provoqué « beaucoup d’amertume ». « Les “gilets jaunes” ont mieux su se faire entendre [que les syndicats], a reconnu le secrétaire général de la CFDT. Mais à quel prix ? Et avec quelles conséquences ? De nombreuses violences ! Le gouvernement doit s’interroger. Il recule aussi parce qu’il y a eu des violences. Moi, je les combats. » Le syndicalisme et le dialogue social ont-ils été les premières victimes de cette crise sociale inédite ? Attachée depuis vingt ans à promouvoir le dialogue social, l’association Réalités du dialogue social, qui rassemble environ 200 directeurs de ressources humaines de grandes entreprises et des syndicalistes, s’est alarmée, le 14 décembre, de cette prime à la violence : « Si les manifestations de ces dernières semaines n’ont pas rassemblé numériquement davantage – et même plutôt moins – que de nombreuses manifestations d’initiative syndicale, a-t-elle observé, elles ont été le théâtre de violences d’un niveau inédit qui ont d’ores et déjà produit des résultats, ce qui n’a pas été le cas des mouvements pacifiques initiés par des syndicats ». « Le risque est grand, s’inquiète-t-elle, que se répande l’idée selon laquelle la violence serait le meilleur moyen – voire le seul – pour se faire entendre et arriver à ses fins ». Le 10 décembre 2018 à Paris, le Président de la République rencontre l’ensemble des forces politiques, territoriales, économiques et sociales afin d’entendre leurs voix, leurs propositions et avec pour objectif de les mobiliser pour agir. Les présidents de l’Assemblée nationale, du Sénat, et du Conseil économique social et environnemental ainsi qe les présidents des associations d’élus locaux, les responsables confédéraux des syndicats représentatifs, et les responsables des organisations patronales. Arrivée de Philippe Martinez, Président de la CGT. LAURENCE GEAI POUR " LE MONDE" A l’autre bout de l’échiquier social, des syndicats CGT d’entreprises, qui situés à l’extrême gauche, jugent l’orientation radicale du secrétaire général, Philippe Martinez, trop « réformiste » et modérée, prennent appui sur le mouvement des « gilets jaunes » qui « vient de réhabiliter le rapport de force comme unique voie de transformation sociale ». Ils oublient au passage que lesdits « gilets jaunes » rejettent autant les syndicats que les partis politiques. Dans un document d’orientation, présenté le 13 décembre, qu’ils entendent défendre au prochain congrès confédéral, du 13 au 17 mai 2019 à Dijon (Côte-d’Or), ils reprochent à leur centrale son absence de détermination à « entrer en conflit avec le patronat et les actionnaires ». Et ils dénoncent le dialogue entre « de prétendus partenaires », « un outil pour aider les détenteurs du capital à réduire les droits des travailleurs ».
27/12/2018
idees
https://www.lemonde.fr/idees/article/2018/12/27/les-syndicats-hors-jeu-et-incontournables_5402491_3232.html
Jean Clair, René Descartes, Colette Pétonnet, Simone Weil… Une sélection d’essais en poche pour la fin de l’année
Parmi les récentes parutions « essais » en poche, les conseils du « Monde ».
Récit. « Le Dernier des yakuzas », de Jake Adelstein Après avoir reçu des menaces de mort de la part du crime organisé, le journaliste d’investigation américain installé au Japon, Jake Adelstein, auteur du formidable Tokyo Vice (Marchialy, 2016), prend un garde du corps. En échange de sa protection, Saigo, surnommé « Tsunami », exige qu’il consigne par écrit son histoire mouvementée, celle d’un délinquant juvénile devenu yakuza, trempant dans des affaires de racket et de prostitution. Une vie de violences, tempérée par un code d’honneur dont il fut l’un des derniers représentants. A mi-chemin entre la biographie et l’essai, voici un récit passionnant sur les sombres coulisses de la société nippone. M. S. « LE MONDE » Le Dernier des yakuzas (The Last of the Yakuza), de Jake Adelstein, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Cyril Gay, Points, 386 p., 8 €. Histoire. « L’Epuration en France », de Marc Bergère La dense histoire de l’épuration proposée par Marc ­Bergère dans la collection « Que sais-je ? » illustre ce qu’une telle encyclopédie de poche peut proposer de meilleur : une synthèse problématisée des savoirs, des repères à jour au sein d’une bibliographie foisonnante. Pour aborder les dynamiques complexes du jugement et des violences envers les « collabos » dans la France de 1944-1945, l’auteur s’appuie en effet sur une historiographie fortement renouvelée, loin d’une histoire purement juridique ou « par le haut » des processus. Il restitue le caractère massif de l’épuration, ainsi que les compromis admis par les autorités, quelquefois soucieuses d’abréger la séquence punitive afin de tourner le pays vers la reconstruction. Seul bémol, ce petit livre suppose, pour être pleinement apprécié, d’avoir déjà de solides connaissances sur la période et le contexte. Qu’un tel ouvrage constitue moins une introduction aisée qu’un approfondissement ambitieux en dit long sur l’ampleur des connaissances désormais accumulées sur la France au sortir des années noires. A. Lo. « LE MONDE » L’Epuration en France, de Marc Bergère, Que sais-je ?, 128 p., 9 €. Histoire de l’art. « Zoran Music à Dachau », de Jean Clair Du camp de concentration de Dachau où il fut déporté en 1944 pour avoir refusé d’entrer dans la SS, Zoran Music (1909-2005), cinquante ans après sa libération, gardait d’abord le souvenir de cadavres amoncelés : « C’était un monde hallucinant, une espèce de paysage, des montagnes de cadavres. » Jean Clair, qui recueillit ces propos en 1998, à Venise – cet entretien forme la conclusion de son Zoran Music à Dachau, initialement publié, en 2001, sous le titre La Barbarie ordinaire –, fait de cette idée de paysage des morts l’une des portes d’entrée dans l’univers pictural de Music. Elle hante, en particulier, la série de peintures et gravures Nous ne sommes pas les derniers, pour laquelle le peintre slovène, dans les années 1970, utilisa et réinterpréta les rares dessins conservés parmi la centaine qu’il avait clandestinement réalisés dans le camp – cadavres, mourants, pendus, fours crématoires…
27/12/2018
livres
https://www.lemonde.fr/livres/article/2018/12/27/jean-clair-rene-descartes-colette-petonnet-simone-weil-une-selection-d-essais-en-poche-pour-la-fin-de-l-annee_5402486_3260.html
Valeria Luiselli, Geneviève Brisac, Hicham Matar, Marcel Proust et Robert de Montesquiou… Une sélection littéraire en poche pour la fin de l’année
Parmi les récentes parutions « littérature » en poche, les conseils du « Monde ».
Récit. « L’Homme des bois », de Pierric Bailly Consacré au père de l’auteur, mort (sans doute) accidentellement, tombé d’une falaise lors d’une balade en forêt, L’Homme des bois est un livre modeste et superbe. Il semble avoir été écrit comme en parallèle à l’épreuve du rangement de l’habitation paternelle – l’appartement de Lons-le-Saunier (Jura) où Christian Bailly accumulait les dossiers et papiers témoignant de tout ce à quoi, dans sa vie, il s’était essayé, comme les formations lui ayant permis de passer d’ouvrier à travailleur social, puis infirmier et enfin professeur de yoga. De ce fouillis, Pierric Bailly fait naître un récit splendidement épuré, hanté par l’effarement d’avoir perdu un homme que chacun voyait devenir centenaire « avec sa bouffe bio, son yoga, son vélo, ses randonnées, l’air pur du Jura ». R. L. « LE MONDE » L’Homme des bois, de Pierric Bailly, Folio, 128 p., 6 €. Science-fiction. « Retour sur Titan », de Stephen Baxter Départ pour Titan, embarquement immédiat ! « Voyage au centre de Titan » pourrait être le titre de ce court roman de l’écrivain britannique de science-fiction Stephen Baxter. Nous voici en effet en plein Jules Verne au IVe millénaire : une poignée d’humains entendent explorer le fascinant satellite de Saturne, jusque-là inviolé. Titan ! Sa glaciale atmosphère, ses pluies et ses lacs de méthane… Et sa vie, pullulante ! Nos protagonistes sont bientôt contraints de s’enfoncer sous la surface, sur le dos d’araignées biomécaniques… L’écrivain mêle ainsi, fidèle à sa manière, et à celle de Verne, données scientifiques pointues et imagination débridée. Et cela vaut le détour. M. Sx « LE MONDE » Retour sur Titan (Return to Titan), de Stephen Baxter, traduit de l’anglais par Eric Betsch, Le Bélial’, « Une heure lumière », inédit, 160 p., 9,90 €. Recueil. « Mes mots sauvages », de Geneviève Brisac Rendre aux mots leur sauvagerie. Les libérer des idées convenues et des clichés, pour leur restituer leur force, leur rendre leur capacité à émouvoir, surprendre, émerveiller, inquiéter. De livre en livre, romans, récits ou essais, Geneviève Brisac s’y emploie, nous donnant à entendre de nouveau leur beauté, leur malice, la violence qu’ils cachent aussi. Dans Mes mots sauvages, recueil inédit de chroniques radio pour RCJ, elle se penche, le temps de deux à trois (parfois quatre) pages sur cinquante-deux termes allant d’« abstention » à « zouave », d’« activisme » à « vertu », en passant par « hop » (« un petit mot pressé qui dévalue la vie »), « président » (« un mot en chaussures noires pointues »)… Le voisinage de « machine à tricoter » et de « mai » (68) ne surprendra guère les lecteurs de Geneviève Brisac, pas plus que la présence de termes comme « gauche », « non », « rêve »… Ils retrouveront ici sa gaieté railleuse, la vivacité de son esprit, le naturel avec lequel elle convie le lecteur dans sa permanente conversation avec les écrivains (Virginia Woolf en tête) qui lui sont chers. R. L.
27/12/2018
livres
https://www.lemonde.fr/livres/article/2018/12/27/valeria-luiselli-genevieve-brisac-hicham-matar-marcel-proust-et-robert-de-montesquiou-une-selection-litteraire-en-poche-pour-la-fin-de-l-annee_5402485_3260.html
Un nouvel avantage fiscal pour rénover les logements anciens
Une réduction d’impôt spécifique pour rénover les logements dégradés entrera en vigueur en janvier 2019. Un dispositif à regarder de près pour en profiter.
Des villes aussi diverses qu’Angoulême (photo), Saint-Brieuc, Saint-Michel-sur-Orge ou encore Manosque sont concernées. Nicolas Thibaut / Photononstop Rénover des logements anciens dans les centres-villes de Limoges, Rambouillet ou encore Bayonne tout en bénéficiant d’un avantage fiscal non négligeable : tel est le but du nouveau dispositif baptisé « Denormandie » du nom du ministre du logement. Il a été validé par le Parlement dans le cadre du projet de loi de finance pour 2019 et devrait entrer en vigueur en janvier. « Il s’agit du seul signal positif envoyé depuis des mois aux propriétaires de logements anciens. Jusqu’à présent, seul le neuf bénéficiait d’avantages. Peut-être, le gouvernement prend-il conscience de l’urgence qu’il y a à rénover nos centres-villes », se réjouit Christophe Demerson, président de l’Union nationale de la propriété immobilière (UNPI). Même si le texte n’est pas encore promulgué, les contours du dispositif sont déjà connus. Un investisseur va pouvoir acheter un logement à rénover, y réaliser des travaux de réhabilitation qui doivent représenter au moins 25 % du coût d’acquisition. Le logement sera ensuite loué sur une période de 6 à 12 ans. En échange, le propriétaire bénéficiera d’une réduction d’impôt de 12 % du montant investi sur une durée de 6 ans, de 18 % sur une durée de 9 ans et de 21 % sur 12 ans dans une limite de 300 000 euros par an et de deux opérations. Des bureaux transformés en logement Par exemple, si un logement est acheté 180 000 euros, les travaux doivent représenter au moins 45 000 euros et la réduction d’impôt sera alors de 47 250 euros. Le coût des travaux est, en effet, compris dans le montant pris en compte pour l’avantage fiscal. Autre élément clé : l’opération doit être située dans les centres-villes de 222 communes moyennes retenues dans le plan action cœur de ville lancé par le gouvernement en mars 2018. Des villes aussi diverses qu’Angoulême, Saint-Brieuc, Saint-Michel-sur-Orge ou encore Manosque sont concernées. « L’investisseur peut aussi y acheter des bureaux dans le but de les transformer en logements », précise-t-on au ministère du logement. Lire aussi Loyers : du simple au quadruple selon les régions Le « Denormandie » va venir compléter le Pinel dans l’ancien qui devrait être prorogé jusqu’en 2021. Le Pinel dans l’ancien permet aussi à des investisseurs d’acheter un logement ancien ne répondant pas aux règles de décence en vue de sa réhabilitation. Mais les règles sont plus contraignantes car les travaux réalisés doivent faire en sorte que le logement rénové se rapproche du neuf et la rénovation doit obtenir le label haute performance énergétique HPE rénovation 2009 ou le label rénovation 2009. De plus, les loyers sont plafonnés et varient en fonction de l’endroit où est situé le logement. Seules les zones A bis, A et B1 qui correspondent aux zones tendues du territoire sont éligibles au Pinel dans l’ancien. Bien choisir la ville L’avantage Denormandie élargit ainsi les possibilités à d’autres villes qui seraient classées dans une zone non éligible. « Reste que les investissements dans ces villes sont souvent peu rentables car la demande locative est limitée pour un montant de travaux élevés », regrette Bertrand de Raymond, président de Cap Cime, spécialiste du Pinel dans l’ancien. Il sera donc primordial de bien choisir la ville où on investit et de vérifier si la demande locative est suffisante. Lire aussi Le patchwork du marché immobilier français Les villes les plus proches des grandes métropoles comme Saint-Michel-sur-Orge, Evry, Poissy ou Libourne peuvent être intéressantes. La liste comprend aussi des villes comme Limoges, Avignon, Bayonne, Dax, Périgueux ou Perpignan qui sont des pôles dynamiques, même si elles comprennent une partie de logements obsolètes. Dans ces villes, le « Denormandie » tiendra plus facilement ses promesses.
27/12/2018
argent
https://www.lemonde.fr/argent/article/2018/12/27/un-nouvel-avantage-fiscal-pour-renover-les-logements-anciens_5402481_1657007.html
Epidémie de dengue en Nouvelle-Calédonie
Plus de 100 cas de cette maladie virale transmise par les moustiques ont été recensés en 2 mois et 20 cas nouveaux sont enregistrés chaque semaine.
Le moustique « Aedes Aegypti », vecteur de la dengue. LUIS ROBAYO / AFP La Nouvelle-Calédonie est déclarée en situation d’épidémie de dengue, avec plus de cent cas en deux mois de cette maladie virale transmise par les moustiques, ont indiqué, jeudi 27 décembre, les autorités locales. « Cent un cas ont été confirmés depuis le 1er novembre dont cinquante-huit pour les vingt premiers jours de décembre. Actuellement, vingt cas nouveaux sont chaque semaine diagnostiqués », précise le gouvernement du territoire dans un communiqué. Plusieurs communes de l’archipel sont touchées, en particulier Nouméa et sa banlieue, où trois personnes sont hospitalisées dont une en réanimation, a déclaré à l’Agence France-Presse Jean-Paul Grangeon, directeur adjoint des affaires sanitaires et sociales. Il s’agit d’une épidémie de dengue 2, pour laquelle la population calédonienne est peu immunisée. En effet, la dernière épidémie de ce sérotype remontait à 1998. « Appel à la vigilance » En raison de conditions météorologiques favorables à la prolifération des moustiques, les autorités sanitaires ont lancé un « appel à la vigilance » de la population, rappelant la nécessité de détruire les « gîtes larvaires » (tous les endroits où pondent les moustiques) aux abords des habitations. En février puis en mai, deux personnes ont succombé à la maladie, qui engendre forte fièvre et douleurs articulaires. En 2017, l’épidémie avait causé onze morts. En partenariat avec une université australienne, la mairie de Nouméa, appuyée par la direction départementale des affaires sanitaires et sociales et l’Institut Pasteur, a lancé un programme de lutte contre la dengue consistant à infecter les moustiques d’une bactérie qui empêche la transmission de la maladie. Les premiers résultats sont espérés d’ici à un an. Lire nos informations : Pourquoi la France refuse le vaccin contre la dengue pour ses territoires d’outre-mer
27/12/2018
sante
https://www.lemonde.fr/sante/article/2018/12/27/epidemie-de-dengue-declaree-en-nouvelle-caledonie_5402458_1651302.html
Les leçons de civisme de Dan Crenshaw, républicain indépendant
Brocardé par un humoriste sur NBC, le nouvel élu républicain du Texas a répondu avec distance et use désormais de sa liberté de ton pour contredire le président américain.
Le représentant républicain du Texas, Dan Crenshaw, à Washington, le 13 novembre. PABLO MARTINEZ MONSIVAIS / AP LETTRE DE WASHINGTON S’aventurer en territoire hostile relève du quotidien pour un membre des forces spéciales. Dan Crenshaw a beau avoir quitté les unités d’élite de l’armée américaine, il continue de franchir les lignes avec audace, pour ce qu’il considère comme le bien commun. A 34 ans, cet ancien Navy SEAL, élu représentant républicain du Texas lors des élections de mi-mandat, en novembre, n’entend manifestement pas être prisonnier du tribalisme qui s’est emparé de la politique américaine. Au point d’attirer déjà l’attention alors que sa seconde carrière ne fait que débuter. Dan Crenshaw aurait eu toutes les raisons de rester dans sa tranchée. Le 3 novembre, à la veille d’une élection plus délicate que prévue, dans une circonscription abandonnée par le républicain sortant, l’ancien militaire se retrouve sous le feu d’un humoriste du « Saturday Night Live », l’émission vedette de la chaîne NBC, qui tire à vue sur la politique en général et sur le président Donald Trump en particulier, régulièrement incarné de manière déjantée par l’acteur Alec Baldwin. Revanche amicale Une des jeunes figures de l’équipe, Pete Davidson, vedette de stand-up et ex-boyfriend de la chanteuse Ariana Grande, pousse trop loin la dérision ce soir-là, moquant lourdement le bandeau qui masque l’œil droit de l’ancien SEAL, grièvement blessé en Afghanistan. Une allure de « tueur à gage de film porno », assure le comédien. Les détracteurs de l’émission hebdomadaire s’étranglent. Le camp républicain s’indigne et se mobilise. Trois jours plus tard, le candidat tourné en ridicule est élu. Mais l’histoire ne s’arrête pas là. Le samedi suivant, Pete Davidson offre ses excuses les plus plates aux téléspectateurs et à l’ancien militaire, présent sur le plateau et qui prend une revanche amicale en ironisant à son tour sur le physique du comédien. Dan Crenshaw s’attarde notamment sur sa coiffure peroxydée sortie tout droit selon lui de la série Breaking Bad, qui raconte les tribulations d’un professeur de chimie devenu producteur hors pair de méthamphétamine, une drogue de la même couleur indéfinissable. Puis Dan Crenshaw se tourne avec gravité vers la caméra. « Il y a beaucoup à apprendre » de cet échange qui aurait pu mal finir, assure-t-il. « Non seulement que la gauche et la droite peuvent encore s’entendre sur certaines choses, mais aussi que les Américains peuvent se pardonner. Nous pouvons nous souvenir de ce qui nous rassemble en tant que pays », dit-il.
27/12/2018
international
https://www.lemonde.fr/international/article/2018/12/27/les-lecons-de-civisme-de-dan-crenshaw-republicain-independant_5402454_3210.html
L’exploit de Colin O’Brady, un Américain qui a traversé l’Antarctique, seul et sans assistance en 54 jours
Colin O’Brady a parcouru 1 500 km en 54 jours, dont les 125 derniers kilomètres sans dormir, battant un Britannique avec qui il faisait la course.
Près de 1 500 km en cinquante-quatre jours, en solo et sans assistance : un Américain est le premier à avoir accompli cet exploit de traverser dans des conditions extrêmes les terres glacées de l’Antarctique du « nord » au « nord ». « Je suis parvenu à mon objectif : devenir la première personne de l’histoire à traverser [ce] continent d’une côte à l’autre, seul et sans aide », a écrit Colin O’Brady, un ancien triathlète professionnel de 33 ans, sur son compte Instagram. Pour Noël, il s’était lancé un ultime défi : parcourir les 125 derniers kilomètres de son périple d’une traite. Mission accomplie : après trente-deux heures passées sans dormir, il est arrivé mercredi à destination. « Ce matin-là, alors que je faisais bouillir mon eau pour mon porridge, je me suis demandé si je pouvais pousser d’un seul coup jusqu’à la fin, a-t-il raconté sur Instagram. Et au moment où j’ai lacé mes chaussures, ce plan impossible était devenu un but bien concret. » « Même si les dernières trente-deux heures ont été parmi les plus exigeantes de ma vie, elles comptent aussi, en toute honnêteté, parmi les meilleurs moments que j’aie jamais vécus. » Pendant son aventure, il était suivi par GPS et les détails de sa progression sur le continent de glace ont été publiés chaque jour sur son site. Course parallèle à deux Colin O’Brady est le premier à avoir accompli l’exploit de traverser dans des conditions extrêmes les terres glacées de l’Antarctique d’un côté à l’autre. Colin O'Brady / AP Equipé de skis de fond, il a tiré sa pulka – une sorte de traîneau transportant toutes ses provisions et son matériel – qui pesait tout compris 180 kg. Il avait pris le départ du campement d’Union Glacier le 3 novembre en compagnie de Louis Rudd, un militaire britannique de 49 ans. Les deux hommes, qui tentaient chacun d’être le premier à accomplir ce périple en solo et sans assistance, ont ensuite cheminé séparément. Si l’Anglais a un temps fait la course en tête, c’est finalement l’Américain qui a franchi la ligne d’arrivée en premier. Passé par le pôle Sud le 12 décembre, Colin O’Brady a fini son périple sur la barrière de Ross, au bord de l’océan Pacifique. Louis Rudd se trouve un jour ou deux derrière lui. « Je délire un peu » Colin O’Brady le 26 décembre. Colin O'Brady / AP Colin O’Brady fut gravement brûlé, sur un quart de la surface de son corps, dans un accident survenu en Thaïlande en 2008. Les médecins lui avaient dit qu’il pourrait ne plus jamais remarcher normalement, raconte sa biographie sur son site : « J’étais dans un profond état second, à la fois concentré sur l’objectif final tout en laissant mon esprit revenir sur les considérables enseignements de ce voyage. Je délire un peu en écrivant ça parce que je n’ai pas encore dormi. » Depuis, en plus de la traversée de l’Antarctique, il a aussi escaladé les sommets les plus élevés des sept continents, dont l’Everest, en 132 jours, ce qui a fait de lui le plus rapide « grimpeur des sept sommets ». Le New York Times a qualifié son exploit polaire d’« un des plus remarquables dans l’histoire polaire », à comparer à la « course pour le pôle Sud » qui a opposé le Norvégien Roald Amundsen au Britannique Robert Falcon Scott en 1911. En 1996-1997, l’explorateur norvégien Borge Ousland avait été le premier à traverser le continent blanc en solo, mais il avait été aidé par un « parafoil » (un cerf-volant ressemblant à un parapente). D’autres aventuriers ont eux été ravitaillés en cours de route. Le lieutenant-colonel britannique Henry Worsley est mort en 2016 en essayant de traverser l’Antarctique seul et sans assistance. D’autres ont fait demi-tour.
27/12/2018
planete
https://www.lemonde.fr/planete/article/2018/12/27/exploit-d-un-americain-qui-traverse-l-antarctique_5402450_3244.html
Inter-Naples : le footballeur sénégalais Kalidou Koulibaly victime de cris racistes
Selon Carlo Ancelotti, entraîneur de Naples, « la solution existe. Il faut interrompre le match ». En 2016, le joueur avait déjà été la cible de cris racistes à Rome.
Victime de cris racistes mercredi 26 décembre à Milan, lors d’un match perdu par son équipe face à l’Inter, le défenseur sénégalais de Naples Kalidou Koulibaly s’est dit « fier de la couleur de [sa] peau ». « Déçu de la défaite et surtout d’avoir abandonné mes frères [le joueur a été expulsé durant le match]. Mais je suis fier de la couleur de ma peau. D’être français, sénégalais, napolitain. D’être un homme », a écrit sur Twitter Koulibaly, en italien, après la partie. Mi dispiace la sconfitta e sopratutto avere lasciato i miei fratelli! Però sono orgoglioso del colore della mia pel… https://t.co/kbhOGjNsei — kkoulibaly26 (@Koulibaly Kalidou) Cible de cris de singe à plusieurs reprises pendant le match, Kalidou Koulibaly a été exclu à dix minutes de la fin pour deux cartons jaunes coup sur coup : le premier pour une faute sur Politano à la 80e minute, le deuxième pour avoir applaudi ironiquement l’arbitre (81e). « Ça ressemble à une excuse » L’attaquant de l’Inter de Milan Mauro Icardi réconforte le défenseur de Naples Kalidou Koulibaly après son carton rouge, le 26 décembre. MARCO BERTORELLO / AFP « Le joueur était nerveux, son état d’esprit n’était pas des meilleurs. C’est un joueur très correct et très professionnel. Ça n’est pas son genre, mais il y a eu ces cris tout le match », a réagi son entraîneur, Carlo Ancelotti. Selon lui, le staff napolitain avait auparavant demandé à plusieurs reprises l’interruption de la partie, sans succès : « On a demandé trois fois la suspension du match et il y a eu trois annonces. Mais le match a continué. Ça ressemble à une excuse, mais le joueur était agité, nerveux. Ça n’est pas bon, ni pour nous, ni pour le football italien ». Le score, de 0-0 avant l’expulsion de Koulibaly, a finalement basculé dans le temps additionnel (90e + 2) quand Naples a encaissé un but synonyme de défaite face à l’Inter (1-0). « La solution existe. Il faut interrompre le match. Il faut juste savoir quand, à partir de combien d’annonces. Et si on ne sait pas, alors la prochaine fois, c’est nous qui nous arrêterons », a encore expliqué Ancelotti, ancien entraîneur du Paris SG. « Cela fait mal d’entendre des chants racistes envers mon frère, le reste n’est que secondaire. Il ne reste seulement que de la tristesse », a de son côté écrit Faouzi Ghoulam, coéquipier algérien de Kalidou Koulibaly. En février 2016, il avait déjà été la cible de cris racistes lors d’un match disputé par Naples sur le terrain de la Lazio Rome. Lire aussi Pour avoir quitté le terrain sous des cris racistes, un footballeur est sanctionné par la ligue italienne Mort d’un supporteur de Milan Un supporteur de l’Inter Milan est décédé jeudi 27 décembre dans la matinée après avoir été renversé par un véhicule pendant des affrontements avec des tifosi de Naples mercredi soir avant le match entre les deux équipes. Selon le préfet de police de Milan, les incidents ont été provoqués par une centaine de supporteurs de l’Inter. Armés de chaînes et de marteaux, ils ont attaqué des minibus de fans de Naples, faisant quatre blessés. Un supporteur de l’Inter, âgé de 35 ans, a été renversé par un véhicule. Transporté à l’hôpital, il a succombé à ses blessures. Trois supporteurs de l’Inter ont été arrêtés. « Ce n’est pas possible de mourir pour un match de foot », a réagi le ministre de l’intérieur, Matteo Salvini, annonçant qu’il convoquera en janvier « les responsables des organisations de supporters de Serie A et B, pour que les stades et leurs alentours redeviennent des lieux de divertissement et non de violence ».
27/12/2018
football
https://www.lemonde.fr/football/article/2018/12/27/italie-le-joueur-de-football-koulibaly-victime-de-cris-racistes_5402447_1616938.html
A Wall Street, la meilleure séance depuis 2009
La Bourse américaine a largement récupéré mercredi du coup de massue reçu à la veille de Noël, avec un Dow Jones qui, pour la première fois, a gagné plus de 1 000 points en séance.
Les indices vedette de la Bourse de New York ont enregistré mercredi leur meilleure performance depuis 2009. Richard Drew / AP Les indices vedette de la Bourse de New York, après s’être emballés en toute fin de séance, ont enregistré mercredi 26 décembre leur meilleure performance depuis 2009, repartant ainsi nettement de l’avant après une chute tout aussi spectaculaire au cours des derniers jours. L’indice S&P 500, considéré comme le plus représentatif par les investisseurs, était pourtant encore lundi tout près de basculer dans ce qui est symboliquement appelé un « marché déprimé », quand un indice chute de plus de 20 % : il avait perdu 19,8 % depuis son récent pic fin septembre. Il a rebondi mercredi de 4,96 % pour terminer à 2 467,70 points. Le Dow Jones Industrial Average, l’indice star de la place new-yorkaise, a lui progressé de 4,98 % ou 1 086,2 points, pour finir à 22 878,36 points. Le Nasdaq, à forte coloration technologique, s’est envolé de 5,84 % pour clôturer à 6 554,36 points. Article réservé à nos abonnés Lire aussi L’inquiétante nervosité des Bourses Rebond technique Cette progression correspond surtout à un rebond technique après une période particulièrement chaotique à Wall Street : les indices, après leur pire semaine depuis 2008, s’étaient encore enfoncés lundi et avaient encaissé leur pire performance jamais enregistrée la veille d’un Noël. Après une telle débandade, le marché « était franchement prêt pour un rebond », relève Matt Miskin de Manulife Asset Management. « C’est fou de voir comment les investisseurs peuvent être aussi pessimistes et le lendemain se dire que les choses ne vont pas si mal », ajoute-t-il. « Fondamentalement, rien n’a changé », abonde Karl Haeling de LBBW. Faute d’un accord entre démocrates et républicains sur le financement d’un mur à la frontière mexicaine, les administrations américaines restaient encore partiellement fermées mercredi et aucune solution ne semblait en vue. Les nuages planant sur les marchés financiers depuis octobre – la guerre commerciale entre Washington et Pékin, la crainte d’un ralentissement économique mondial, la peur de voir la Banque centrale américaine remonter trop rapidement ses taux d’intérêt –, ne se sont pas non plus dissipés. Consommation en forme Mais dans un marché aux faibles volumes en cette période de fêtes, ce considérable retournement de tendance a été alimenté par la vigueur du secteur de l’énergie, qui a profité de l’envolée de près de 9 % du baril de pétrole coté à New York. Autre élément entraînant : Amazon a gagné 9,45 % après avoir indiqué n’avoir jamais envoyé autant d’articles pour les fêtes de fin d’année. Un signal encourageant pour l’ensemble du secteur de la distribution et la consommation des Américains en général. Quelques grandes stars de la « tech » étaient aussi à la fête : Facebook s’est apprécié de 8,16 %, Apple de 7,04 % et Microsoft de 6,83 %. L’état d’esprit du marché a également été rasséréné par des commentaires d’un conseiller de la Maison Blanche, Kevin Hassett, qui a assuré que le poste de Jerome Powell à la présidence de la Banque centrale américaine n’était aucunement menacé. Des informations de presse avaient évoqué en fin de semaine dernière un possible limogeage du patron de l’institution par Donald Trump, une éventualité redoutée par des investisseurs s’inquiétant déjà de voir partir un à un les responsables considérés comme les plus importants contrepoids aux décisions intempestives du locataire de la Maison Blanche. « Occasion formidable » Le président américain avait alimenté cette crainte en critiquant de nouveau ouvertement lundi et mardi la politique de la Réserve fédérale, coupable à ses yeux de relever les taux d’intérêt « trop rapidement » et d’être le « seul problème » de l’économie américaine. Mais Donald Trump a aussi reconnu mardi que la décision de relever les taux reflétait la bonne santé de l’économie et des entreprises aux Etats-Unis. Il a dans la foulée appelé les Américains à placer leur argent sur le marché des actions, affirmant que la situation actuelle était « une occasion formidable » pour investir. Dans ce regain d’appétit pour le risque, le marché obligataire a reculé, le taux d’intérêt sur la dette à dix ans des Etats-Unis remontant à 2,807 %, contre 2,738 % lundi à la clôture, et celui à trente ans à 3,065 %, contre 2,993 %.
27/12/2018
economie
https://www.lemonde.fr/economie/article/2018/12/27/wall-street-signe-sa-meilleure-seance-depuis-2009_5402443_3234.html
Les catastrophes climatiques ont coûté au moins 80 milliards d’euros en 2018
Une ONG a évalué les pertes économiques causées par 10 dix événements climatiques les plus extrêmes.
Incendies en Californie, typhon au Japon ou inondations en Chine… 2018, en passe d’être classée quatrième année la plus chaude jamais enregistrée, a été marquée par une série d’événements climatiques extrêmes qui ont semé la mort et occasionné d’importants dégâts. L’organisation non gouvernementale (ONG) britannique Christian Aid, qui lutte contre la pauvreté, a tenté de calculer le « coût d’un an de changement climatique », en recensant les dix événements les plus destructeurs de l’année qui s’achève. Son étude, publiée jeudi 27 décembre, se base sur les données de réassureurs, de banques et de gouvernements. Les ouragans Florence et Michael, qui ont frappé les Etats-Unis et une partie des Caraïbes et de l’Amérique centrale en septembre et en octobre, occupent la première marche de ce palmarès, avec 17 milliards de dollars de dégâts économiques pour le premier et 15 milliards pour le second. Viennent ensuite les feux en Californie : le Camp Fire, qui a tué 85 personnes et rasé la ville de Paradise, a causé entre 7,5 milliards et 10 milliards de dommages en novembre. Les sécheresses extrêmes sont également à l’origine d’importantes pertes – 7,5 milliards de dollars en Europe centrale et du Nord, 6 milliards en Argentine et entre 5,8 milliards et 9 milliards en Australie. Lire le reportage : Californie : un mois après l’incendie, les habitants de Paradise au désespoir Au total, en incluant les catastrophes survenues au Japon, en Chine, en Inde, en Afrique du Sud et aux Philippines, le rapport évalue entre 85 milliards et 96 milliards de dollars (75 milliards à 84 milliards d’euros) le coût de ces dix événements climatiques majeurs, une somme « très probablement sous-estimée ». « Le changement climatique a d’ores et déjà des effets dévastateurs sur les vies de nombreuses personnes, en particulier les plus pauvres, qui y ont pourtant le moins contribué », déplore Kat Kramer, responsable du programme climat de Christian Aid. Question du coût humain « Cette étude est une piqûre de rappel utile pour sensibiliser une partie de la population et des décideurs politiques qui raisonnent en termes de budget, assure le climatologue Jean-Pascal van Ypersele de Strihou, professeur à l’Université catholique de Louvain (Belgique). Mais elle ne donne qu’une vision partielle car on ne peut ni ne doit tout quantifier de manière monétaire. » Coût des catastrophes naturelles, par catégorie, entre 1998 et 2017. Les difficultés de l’exercice sont multiples. Tout d’abord, parce que les données les plus fiables sont celles correspondant aux biens assurés, ce qui est rarement le cas dans les pays en développement. En l’absence d’observations directes des pertes économiques, les réassureurs font tourner des modèles pour les reconstituer.
27/12/2018
climat
https://www.lemonde.fr/climat/article/2018/12/27/les-catastrophes-climatiques-ont-coute-au-moins-80-milliards-d-euros-en-2018_5402441_1652612.html
RDC : l’ONU appelle à garantir des élections sans violence
Les Congolais doivent désigner le successeur du président Joseph Kabila à la tête du plus grand pays d’Afrique subsaharienne dimanche.
Des manifestants dans la ville congolaise de Beni, le 28 décembre 2018. Al-hadji Kudra Maliro / AP Le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, a appelé, vendredi 28 décembre, les parties prenantes en République démocratique du Congo (RDC) à faire en sorte que les électeurs puissent se rendre aux urnes en toute sécurité lors des scrutins prévus dimanche. M. Guterres « appelle les autorités de la RDC, les dirigeants politiques de tous bords, la Commission électorale nationale indépendante [CENI] et la société civile à continuer de travailler ensemble pour assurer un environnement libre de violences afin que tous les électeurs éligibles puissent voter pacifiquement le jour du scrutin », rapporte un communiqué de son porte-parole. Les Congolais doivent désigner le successeur du président Joseph Kabila à la tête du plus grand pays d’Afrique subsaharienne, qui stocke d’immenses richesses minérales, mais dont la pauvreté des habitants entretient l’instabilité chronique et qui n’a jamais connu de transmission pacifique du pouvoir. Les élections ont déjà été reportées trois fois depuis la date marquant, en principe, la fin du dernier mandat constitutionnel de M. Kabila en 2016. Le dernier report a été annoncé in extremis le 20 décembre, trois jours avant le vote prévu le 23 du même mois. Lire aussi La RDC se prépare à voter dans un climat tendu « Ce dimanche, il y aura des élections » Cette fois, il y aura bien des élections dimanche en RDC, a assuré le président de la CENI, Corneille Nangaa, vendredi soir à l’issue d’une rencontre avec les trois principaux candidats et des observateurs africains. « Le 30, ce dimanche, nous allons tous voter. Ce dimanche il y aura élections, nous allons voter pour notre prochain président de la République, nous allons voter pour nos députés nationaux, et nous allons voter pour nos députés provinciaux », a-t-il déclaré à la presse. Cette rencontre portait sur « un texte qui engage les candidats pour la paix » avant, pendant et après le scrutin, d’après les participants, qui ont prévu de se retrouver samedi pour poursuivre les discussions. Parmi les points abordés, celui du report des scrutins dans trois zones de conflit qui ne pourront pas voter dimanche (Butembo, Beni et Yumbi). Vendredi, la police a dispersé à Beni, Butembo et Goma des manifestants qui protestaient contre le report des élections à Beni-Butembo, officiellement en raison du virus Ebola et des tueries de civils. Ce report – qui exclut 1,2 million d’électeurs sur les 40 millions enregistrés par la CENI –, vise des bastions hostiles au président Joseph Kabila, accuse l’opposition. Au moins un manifestant a été tué et quatre blessés par balles à Beni, selon le mouvement citoyen Lutte pour le changement (Lucha).
28/12/2018
afrique
https://www.lemonde.fr/afrique/article/2018/12/28/rdc-l-onu-appelle-a-garantir-des-elections-sans-violence_5403365_3212.html
Biométrie : les systèmes de reconnaissance des veines peuvent être dupés avec une maquette en cire
Ces dispositifs qui utilisent la forme des veines des mains sont censés être plus sécurisés que ceux qui recourent aux empreintes digitales.
Deux hackeurs ont découvert que certains systèmes de sécurité biométriques basés sur le réseau des veines de la main pouvaient être dupés par une simple maquette à base de cire d’abeille. Ces systèmes biométriques, utilisés depuis quelques années pour contrôler, par exemple, les accès à des bâtiments sensibles, sont censés reconnaître le réseau de veines qui court sous la paume des mains ou dans les doigts. Ces dispositifs, très populaires en Asie et utilisés, ont expliqué les chercheurs, pour déverrouiller des ordinateurs, contrôler l’accès à des hôpitaux ou à des installations nucléaires, sont des alternatives aux classiques (et vulnérables) systèmes de reconnaissance des empreintes digitales. Deux pirates, Julian Albrecht et Jan Krissler, ont présenté jeudi 27 décembre leur méthode pour tromper ces appareils de détection des veines sur la scène du Chaos Communication Congress, la grand-messe des hackeurs qui se tient à Leipzig (Allemagne) jusqu’au 30 décembre. Une imprimante et de la cire d’abeille La méthode est très simple, surtout lorsqu’on la compare au niveau de sécurité dont se prévalent ces dispositifs de sécurité biométriques. Les deux hackeurs ont simplement pris des photographies de leur propre main avec un appareil dont le filtre à rayons infrarouges avait été enlevé afin d’obtenir une image de leurs veines, ont légèrement retouché les images, les ont imprimés, avant de les couvrir de cire d’abeille pour reproduire la chair humaine. Ces dispositifs qui utilisent la forme des veines des mains sont censés être plus sécurisés que ceux qui recourent aux empreintes digitales. Capture d'écran / Jan Krissler & Julian Albrecht L’appareil de détection des veines de la paume de la main ne voyait aucune différence entre la main véritable et sa copie. Les deux hackeurs ont procédé de manière similaire pour un appareil de détection des veines dans le doigt. Les deux appareils testés, de marque Hitachi et Fujitsu, disposent, selon les chercheurs, d’une très importante part de marché dans le monde entier. Les deux entreprises, contactées par les deux hackeurs pour leur présenter leur trouvaille, ne leur ont pas précisé comment elles comptaient améliorer leurs appareils. Les chercheurs ont dû réaliser plusieurs centaines de clichés pour parvenir à fixer correctement l’image de leurs veines. Un processus laborieux que des attaquants mieux équipés et plus déterminés pourraient nettement accélérer. Il est possible, explique l’un des deux chercheurs au site spécialisé Motherboard, « de prendre des photos à une distance de cinq mètres », ce qui pourrait rendre leur technique utilisable lors d’une conférence de presse d’une personne haut placée afin de « voler » son empreinte veineuse. Les chercheurs ont également expliqué avoir réussi à insérer un minuscule appareil photo dans un sèche-mains. Tradition antibiométrie C’est une tradition du Chaos Communication Congress (CCC) que de montrer les limites des systèmes de sécurité biométrique, qui sont vus comme un danger pour les libertés dans la communauté des hackeurs. Jan Krissler, plus connu dans ce cercle par son pseudonyme, Starbug, avait déjà été à l’origine d’un coup d’éclat sur la scène du CCC en 2008 en récupérant les empreintes digitales de Wolfgang Schaüble, alors ministre de l’intérieur d’un pays qui venait d’acter l’insertion dans les passeports des empreintes digitales. Le même Starbug avait réitéré l’expérience six ans plus tard en se procurant, à partir d’une simple photo, les empreintes de la ministre de la défense, Ursula von der Leyen. Sur scène, les deux chercheurs ont d’ailleurs expliqué vouloir renouveler l’expérience avec les réseaux de veines de l’actuel ministre de l’intérieur, Horst Seehofer : « on essaie, on y travaille encore. »
28/12/2018
pixels
https://www.lemonde.fr/pixels/article/2018/12/28/biometrie-les-systemes-de-reconnaissance-des-veines-peuvent-etre-dupes-avec-une-maquette-en-cire_5403362_4408996.html
En Chine, un système de notation des citoyens encore flou mais aux ébauches effrayantes
Le « système de crédit social » que souhaite déployer Pékin dès 2020 n’a pas encore été précisément défini. Les premiers tests inquiètent largement les universitaires.
Le système de crédit social que souhaite déployer Pékin dès 2020 n’a pas été encore précisément défini. Les tests inquiètent les universitaires. QUENTIN HUGON / LE MONDE Le « système de crédit social » (SCS) que le gouvernement chinois entend mettre en place à compter de 2020 ressemble à un épisode de la série d’anticipation dystopique Black Mirror. Les détails de ce que l’on présente couramment comme un système unifié de notation des citoyens, fonctionnaires et entreprises chinois sont encore flous. Et pour cause : Pékin expérimente encore plusieurs options avant d’en choisir la meilleure pour la déployer dans tout le pays. Actuellement, plusieurs dizaines de systèmes différents coexistent et permettent d’entrevoir les grandes lignes du système qui sera choisi par les autorités. L’économiste Antonia Hmaidi, doctorante à l’université allemande de Duisbourg et Essen, les a présentés lors d’une conférence à la 35e édition du Chaos Communication Congress, la grand-messe annuelle des hackeurs qui se tient à Leipzig (Allemagne) jusqu’au 30 décembre. La légalité et la moralité passées au crible « L’idée est de collecter des centaines de données sur les individus et les entreprises, depuis leur capacité à tenir leurs engagements commerciaux jusqu’à leur comportement sur les réseaux sociaux, en passant par le respect du code de la route », résumait en octobre la sinologue Séverine Arsène dans une tribune au Monde. Seront donc passées au crible la légalité et la moralité dans les domaines économiques, sociaux et politiques, avec pour but un score dont découleront des récompenses ou des sanctions. Les Chinois pourront se voir ainsi restreindre l’accès à certains emplois, prêts, écoles ou transports publics. De telles « listes noires » existent déjà, par exemple dans le transport ferroviaire. « En Occident et en Chine, ce système est perçu complètement différemment, explique en préambule Antonia Hmaidi. Ici, on le voit comme une grande dystopie orwellienne. En Chine, ils estiment plutôt que la technologie va régler les problèmes de la société. » Et de rappeler que l’objectif-clé de ce projet du gouvernement chinois est de rétablir de la « confiance » au sein de la société, et ce, afin d’assainir les transactions économiques. « Il s’agit globalement de diviser ses citoyens en deux catégories : d’un côté, les personnes de confiance, de l’autre, ceux qui la rompent. » Article réservé à nos abonnés Lire aussi La Chine mène un vaste plan pour évaluer les citoyens Soixante-dix projets pilotes Pour tenter de comprendre à quoi va pouvoir ressembler le système de crédit social et ses possibles conséquences dans le futur, Antonia Hmaidi s’est penchée sur trois projets pilotes, les plus aboutis parmi les soixante-dix déployés par le gouvernement. En effet, Pékin a désigné des villes-tests mais aussi autorisé des entreprises comme Alibaba, concurrent d’Amazon, à développer leur propre système de notation. Centralisé ou hyperlocal, reposant sur des logiciels informatiques ou plutôt sur un vaste catalogue de règles, la Chine n’a négligé aucune possibilité. Lire aussi : Notre reportage à Suqian, ville pilote La chercheuse a donc étudié et généré des simulations à partir des protocoles établis : dans la ville de Suining (Sichuan), « qui a porté en germe plusieurs éléments du SCS même s’il a été abandonné après de vives critiques de la part des citoyens et des médias d’Etat, notamment parce qu’il reposait essentiellement sur la sanction » ; de celui testé à Rongcheng (Shandong), « un système très avancé et à plusieurs niveaux » ; et, enfin, le système de crédit Sésame, développé par l’entreprise Alibaba, « le seul qui ait réellement utilisé le machine learning et l’intelligence artificielle pour traiter les données ». Il a notamment permis à l’Amazon chinois de garder captifs les internautes sur ses services et produits, faciliter les paiements et déterminer leur solvabilité dans un pays ou encore beaucoup de gens n’ont pas de carte de crédit ou de compte en banque. Pour ses travaux, Antonia Hmaidi s’est essentiellement focalisée sur le système de Rongcheng, car elle estime que c’est vers un système décentralisé comme celui-ci que la Chine pourrait tendre. Celui-ci va jusqu’à classer les individus à l’échelle de quartiers ou entreprises dans six catégories allant de AAA à D. Les habitants se voient attribuer 1 000 points de base qui fluctueront selon un catalogue de comportements établis qui vont du remboursement de dettes à une naissance planifiée en passant par le fait de planter des arbres dans son jardin. De surcroît, des personnes référentes sont désignées au niveau local pour transmettre des informations au niveau hiérarchique supérieur. Les autorités n’hésitent pas non plus à afficher publiquement certains profils et informations pour inciter les gens à mieux se comporter, voir « s’autocensurer ». Des systèmes largement biaisés Les recherches d’Antonia Hmaidi, mais aussi les premiers résultats des expérimentations chinoises, révèlent plusieurs écueils. « A Rongcheng, on s’est aperçu que les personnes référentes reportaient plus d’informations sur les gens qu’ils n’aimaient pas que sur ceux qu’ils appréciaient, prend comme exemple la spécialiste. Et les individus pouvaient remonter leur note en faisant des dons publics. » A l’inverse de l’effet recherché par Pékin, Antonia Hmaidi pointe également une possible érosion du principe de confiance : « Ces systèmes marquent encore plus le fait que soit on appartient au groupe, soit on est un outsider. » Quant à la criminalité, « elle se déplace : les gens vont être vigilants là où ils sont surveillés mais les crimes pourront être commis ailleurs, hors ligne notamment ». L’an dernier déjà, on redoutait au Chaos Communication Congress les effets d’un système de surveillance à si grande échelle. Antonia Hmaidi s’inquiète également des possibles nouveaux biais qui pourront accompagner le déploiement du SCS. « Ce système va reposer sur un numéro d’identité unique que se voient attribuer les Chinois à la naissance et nécessaire pour tout : acheter un téléphone, faire des démarches administratives, etc. Que se passe-t-il pour ceux qui n’en ont pas ? » Qu’adviendra-t-il aussi des citoyens, souvent ruraux, qui n’ont pas d’accès à Internet ? L’universitaire craint également que ce système ne soit un levier supplémentaire de discrimination envers certaines des cinquante-cinq minorités peuplant le pays « et qui pourraient être mises sous contrôle accru ». Article réservé à nos abonnés Lire aussi Au Xinjiang, en Chine, sur la trace des Ouïgours disparus La question des données personnelles des ressortissants chinois se pose également avec le SCS : « Nombre de Chinois sous-évaluent leurs données, n’ont pas conscience qu’ils en produisent. De même avec le système du numéro d’identité unique, il est facile d’avoir accès légalement à un grand nombre de données pour une petite centaine d’euros, y compris de la géolocalisation en temps réel. » A quelques années du lancement officiel du score de crédit social, les observateurs se demandent encore jusqu’où ira la Chine dans ce vaste système d’évaluation. « On ne sait pas si les citoyens seront amenés à se noter entre eux et comment ils y seront obligés, on ignore s’il s’agira de plusieurs notes ou d’une note unique comme à Rongcheng, jusqu’à quel point les informations seront partagées, rendues publiques. Mais aussi quelle sera l’implication des entreprises dans ce processus », égrène Antonia Hmaidi. De quoi largement alimenter encore les doutes et les scénarios orwelliens.
28/12/2018
pixels
https://www.lemonde.fr/pixels/article/2018/12/28/en-chine-un-systeme-de-notation-des-citoyens-encore-flou-mais-aux-ebauches-effrayantes_5403357_4408996.html
Egypte : trois touristes vietnamiens et leur guide tués dans une attaque près des pyramides
Une bombe artisanale a explosé au passage d’un bus transportant quatorze touristes vietnamiens près du site des pyramides de Gizeh.
Les enquêteurs après l’attaque, dans le quartier d’Al-Marioteya à Gizeh (Egypte), le 28 décembre. MOHAMED EL-SHAHED / AFP Trois touristes vietnamiens et leur guide égyptien ont été tués, vendredi 28 décembre, dans l’explosion d’une bombe artisanale au passage de leur bus près du site des pyramides de Gizeh, selon un bilan du parquet général égyptien. L’attaque, qui s’est produite en fin d’après-midi dans le quartier d’Al-Marioteya à Gizeh, en périphérie sud-ouest du Caire, a aussi blessé dix touristes parmi les quatorze que transportait le bus, a déclaré le ministère de l’intérieur égyptien. Le chauffeur du bus est également blessé. Sur place, les forces de sécurité ont bouclé le périmètre autour du bus blanc au pare-brise fissuré et à la carrosserie endommagée. Explosion rocks a tourist Bus in Egypt, Giza area, casualties feared https://t.co/y6zFLpzfNl — khalid_pk (@Khalid khi) En déplacement à l’hôpital Al-Haram où les blessés ont été admis, le premier ministre, Moustafa Madbouli, a évoqué un « incident regrettable ». « Il n’y a pas un seul pays où il ne se produit pas d’attaque », a-t-il souligné, en réponse à une question sur les répercussions de cet attentat sur le tourisme, secteur-clé de l’économie égyptienne. « Nous devons savoir qu’il est possible que cela se répète à l’avenir, a ajouté M. Madbouli. Aucun pays au monde ne peut garantir la sécurité à 100 %. » Il s’agit du premier attentat contre des touristes en Egypte depuis juillet 2017. Deux Allemandes avaient alors été tuées et quatre blessées dans une attaque au couteau sur une plage de la station balnéaire de Hurghada (est). Coup dur au tourisme Le secteur crucial du tourisme a souffert de l’instabilité politique à la suite du soulèvement populaire de janvier 2011, qui a provoqué la chute du président Hosni Moubarak. Depuis la destitution, en 2013, par l’armée du président islamiste Mohamed Morsi, l’Egypte a été la cible de nombreuses attaques menées par des groupes extrémistes, visant essentiellement les forces de sécurité et la minorité chrétienne copte, faisant des centaines de morts. Article réservé à nos abonnés Lire aussi Les coptes une nouvelle fois pris pour cible en Egypte La sécurité a été renforcée dans les sites touristiques en Egypte, à la suite des attaques. Mais des experts ont régulièrement critiqué la négligence des autorités autour du site des pyramides de Gizeh, un quartier plutôt défavorisé. La plus importante attaque récente contre des touristes remonte au 31 octobre 2015. L’organisation djihadiste Etat islamique (EI) avait revendiqué un attentat à la bombe ayant coûté la vie aux 224 occupants d’un avion russe transportant des touristes russes après son décollage de Charm el-Cheikh, station balnéaire située dans le sud du Sinaï. C’est cette attaque qui a porté le coup le plus dur au tourisme en Egypte, en particulier auprès des voyageurs russes mais aussi européens. Les autorités avaient ensuite tenté d’attirer une clientèle asiatique et arabe. L’Egypte avait pourtant enregistré ces derniers mois un regain dans le secteur du tourisme, avec 8,2 millions de visiteurs en 2017, selon les chiffres officiels. Mais le pays est encore loin des 14,7 millions de touristes de 2010.
28/12/2018
afrique
https://www.lemonde.fr/afrique/article/2018/12/28/egypte-deux-touristes-vietnamiens-tues-dans-une-attaque-pres-des-pyramides_5403353_3212.html
Trois « gilets jaunes » en garde à vue pour un simulacre de « décapitation » de Macron
Les organisateurs de la manifestation en Charente estiment avoir « agi dans un cadre légal ». Trois journalistes ont aussi été entendus par la police.
Ils avaient organisé la décapitation d’un pantin à l’effigie d’Emmanuel Macron. Trois « gilets jaunes » ont été placés en garde à vue, vendredi 28 décembre à Angoulême, dans l’enquête sur cette « mise en scène » du 21 décembre. Cette manifestation avait fait l’objet d’une déclaration en préfecture. « Le détail de son déroulement n’avait pas été précisé », signale la préfecture. Les trois hommes ont été entendus au commissariat après une enquête ouverte pour « provocation publique à la commission d’un crime » et « outrage à personne dépositaire de l’autorité publique », a précisé le parquet. Une trentaine de « gilets jaunes » se sont rassemblés dans la matinée en soutien au trio, qui devait passer la nuit en garde à vue. Un « procès » fictif Lors du rassemblement pacifique au parc de Bourgines, à Angoulême, auquel participaient une cinquantaine de « gilets jaunes », un « procès » d’Emmanuel Macron avait été simulé, à l’issue duquel le pantin à l’effigie du chef de l’Etat avait été décapité à la hache. Effigie d'Emmanuel Macron décapitée à Angoulême: le Parquet ouvre une enquête https://t.co/v3Wz1cXNXd https://t.co/iIbgIIFWj6 — charentelibre (@Charente Libre) L’enquête faisait suite à un signalement au parquet par la préfète de Charente. Celle-ci avait, dans un communiqué, samedi, « dénoncé avec la plus grande fermeté » des faits « portant gravement atteinte tant à la personne qu’à la fonction du président de la République ». Le premier ministre, Edouard Philippe, s’était aussi ému de ce « simulacre de décapitation du chef de l’Etat » dans un tweet, qui dénonçait par ailleurs à Paris des « agressions d’une violence inouïe contre des policiers » ou des « gestes antisémites ». « Il est hors de question de banaliser de tels gestes qui doivent faire l’objet d’une condamnation unanime et de sanctions pénales », avait-t-il déclaré. Un simulacre de décapitation du chef de l’Etat… Des agressions d’une violence inouïe contre des policiers… Des gest… https://t.co/hvBHOSnr7d — EPhilippePM (@Edouard Philippe) L’avocat des trois hommes, Me Pierre-Henry Bovis, a déclaré vendredi que ses clients étaient victimes d’une « lourde médiatisation », « contre leur gré », d’un « événement qui relevait d’un second degré », une « pièce de théâtre organisée par des “gilets jaunes”, pour des “gilets jaunes” ». « Si cela a choqué, ils en sont conscients et prêts à s’excuser », mais, a-t-il insisté auprès de l’Agence France-presse (AFP), « ils ont agi dans un cadre légal », et « ont usé de leur droit de manifester et d’organiser un événement déclaré en préfecture, sans haine ni violence ». Lire notre récit : Les dérapages antisémites et violents de certains « gilets jaunes » jettent le trouble Des journalistes « mis en cause » Trois journalistes de la Charente libre, qui avait couvert le rassemblement, ont été entendus jeudi par la police. Ils avaient été convoqués non comme témoins, mais comme « mis en cause », selon le quotidien qui a défendu sa couverture de l’événement « selon les critères déontologiques et conformes au droit à l’information ». Le Syndicat national des journalistes s’en est ému dans un tweet : « Trois journalistes de @charentelibre mis en cause pour avoir couvert une manifestation. Mais où va-t-on ? Et la liberté d’informer ? », s’est indigné le premier syndicat national de la profession. Trois journalistes de @charentelibre mis en cause pour avoir couvert une manifestation. Mais où va-t-on ? Et la lib… https://t.co/AdrELodTb6 — SNJ_national (@SNJ)
28/12/2018
police-justice
https://www.lemonde.fr/police-justice/article/2018/12/28/trois-gilets-jaunes-en-garde-a-vue-pour-un-simulacre-de-decapitation-de-macron-en-charente_5403349_1653578.html
Un Palestinien tué par des tirs israéliens à la lisière de la bande de Gaza et d’Israël
Environ 5 000 Palestiniens ont manifesté, vendredi, en différents points de la frontière, selon l’armée israélienne.
Des soldats israéliens à la lisière de la bande de Gaza et d’Israël, vendredi 28 décembre 2018. Tsafrir Abayov / AP Un Palestinien a été tué, vendredi 28 décembre, par des tirs israéliens lors de manifestations et de heurts près de la barrière de sécurité séparant Israël de la bande de Gaza, a fait savoir le ministère de la santé dans le territoire palestinien. Karam Fayyad, 26 ans, a été tué à l’est de la ville de Khan Younès, dans le sud de la bande de Gaza, a rapporté le porte-parole du ministère, Achraf Al-Qodra. Huit autres Palestiniens ont été blessés lors de ces nouveaux affrontements. Environ 5 000 Palestiniens ont manifesté, vendredi, en différents points de la barrière, en lançant des pierres en direction des soldats et des engins explosifs, qui sont retombés de leur coté de la frontière, a raconté une porte-parole militaire israélienne à l’Agence France-Presse, précisant que l’armée israélienne ne commentait pas les informations relatives aux victimes palestiniennes. Depuis le 30 mars et le début de la mobilisation appelée « Marche du retour », au moins 240 Palestiniens ont été tués par des tirs israéliens. Outre la fin du blocus israélien imposé à Gaza depuis plus de dix ans, ce mouvement réclame le retour des réfugiés palestiniens sur les terres qu’ils ont fuies ou dont ils ont été chassés à la création de l’Etat d’Israël en 1948. Deux soldats israéliens ont été tués depuis cette date. Israël se défend contre les accusations d’usage excessif de la force, accusant le Hamas, mouvement islamiste au pouvoir à Gaza, de se servir de la mobilisation comme couverture pour des « activités terroristes ». Lire aussi Une nouvelle escalade de violences compromet la trêve à Gaza
28/12/2018
international
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Le mythique disquaire britannique HMV fait à nouveau faillite
Les difficultés de cette entreprise historique reflètent la situation de crise du secteur qui fait face à la concurrence du commerce en ligne.
Un magasin HMV à Londres, Royaume-Uni, le 28 décembre 2018. FRANK AUGSTEIN / AP C’est un nouveau coup dur pour l’industrie du disque. Et un signe des temps, alors que le commerce en magasin termine une année noire au Royaume-Uni. Le disquaire britannique mythique HMV fait à nouveau faillite, a-t-on appris vendredi 28 décembre à cause des chiffres décevants enregistrés pendant la période de Noël. Les magasins HMV constituent la dernière enseigne spécialisée du pays. Du temps de son âge d’or, la chaîne possédait la maison de disque des Beattles et c’est en 1921 qu’avait ouvert le premier magasin de l’enseigne (His Master’s Voice, La Voix de son maître). Il appartenait à la Gramophone Company, qui l’a doté de son logo légendaire, le chien qui écoute un gramophone. Selon un communiqué publié vendredi par son propriétaire, le fonds Hilco HMV a annoncé son intention de nommer le cabinet KPMG comme administrateur. Ce dernier va avoir pour mission de trouver de potentiels repreneurs pour la marque qui possède 125 magasins au Royaume-Uni, lesquels resteront pour l’heure ouverts le temps que des discussions se tiennent avec les fournisseurs. Deux mille emplois sont en jeu. HMV avait fait faillite une première fois en 2013, souffrant déjà de l’impact des ventes en ligne, avant d’être racheté dans la foulée pour 50 millions de livres par Hilco. Secteur de la distribution en berne « Même une société très bien gérée et connue comme HMV ne peut pas résister à la vague de défis auxquels font face les distributeurs britanniques depuis douze mois en plus des changements majeurs dans les habitudes des consommateurs sur le marché du divertissement », a déclaré Paul McGowan, directeur exécutif de HMV et de Hilco. Le dirigeant fait notamment référence au succès des plates-formes de musique en ligne Spotify ou iTunes, ainsi qu’aux services de vidéo à la demande, comme Netflix et Amazon Prime. Au Royaume-Uni, le chiffre d’affaires de la musique en ligne a dépassé celui des ventes en magasins de CD et d’enregistrements pour la première fois en 2012. Cette période de fêtes morose ne fait qu’enfoncer un peu plus un marché de la distribution physique déjà plombé par la concurrence d’Internet, le coût des loyers, le poids de la taxe foncière ou encore la déprime des consommateurs en raison du flou entourant le Brexit. La confiance des consommateurs britanniques est tombée au plus bas depuis cinq ans en décembre, selon une étude publiée récemment par l’institut d’analyses économiques GfK. Près de 150 000 emplois ont été supprimés dans la distribution au Royaume-Uni en 2018, selon des calculs de l’agence Press Association (PA). Parmi les faillites emblématiques de l’année figurent le spécialiste des vêtements Calvetron, la branche britannique des magasins de jouets Toys’R’Us, des boutiques de produits électroniques Maplin ou encore des magasins de discount Poundworld. Les grands magasins ont également souffert avec la faillite de House of Fraser, finalement racheté par l’enseigne Sport Direct, alors que Marks and Spencer et Debenhams ont annoncé des fermetures d’établissements.
28/12/2018
international
https://www.lemonde.fr/international/article/2018/12/28/le-mythique-disquaire-britannique-hmv-fait-a-nouveau-faillite_5403339_3210.html
« Marie-Thérèse d’Autriche » : la « grande » impératrice
Un superbe téléfilm retrace les quarante ans de règne de cette forte tête sur l’Empire austro-hongrois, au XVIIIe siècle.
Marie-Luise Stockinger dans le rôle de Marie-Thérèse d’Autriche. CESKA TELEVIZE / JULIE VRABELOVA Arte, vendredi 28 décembre à 20 h 55, téléfilm Les costumes sont magnifiques, les décors des palais tchèques dans lesquels a été tournée cette ambitieuse superproduction d’Europe de l’Est également. Placées sous la direction du réalisateur Robert Dornhelm, les équipes techniques ont soigné les détails : somptueuses images, visages expressifs de personnages en perruque filmés en gros plan, pénombre propice aux complots, musique entraînante, voilà le téléspectateur plongé au cœur du XVIIIe siècle, et plus précisément du palais de la Hofburg, à Vienne, centre névralgique de la maison des Habsbourg. Mais si Vienne est au cœur de l’action, plusieurs scènes de ce téléfilm scindé en deux parties font voyager : à Prague, Budapest, Florence ou Presbourg (aujourd’hui Bratislava). Intrigues de cour, alliances contre nature, histoires de cœur et de pouvoir, cette production austro-hungaro-tchéco-slovaque rend, de fait, hommage à une femme sortant de l’ordinaire : Marie-Thérèse d’Autriche, née et décédée à Vienne (1717-1780), surnommée de son vivant « la Grande » et dont Voltaire parlait comme d’une « grande femme qui excelle dans l’utile et l’agréable ». De 1745 à 1780, Marie-Thérèse régna sur l’immense et déjà fragile empire austro-hongrois, qui s’étendait du sud de la Pologne à la Méditerranée. Pour interpréter ce personnage complexe qui, sans renoncer à son rôle de mère et d’épouse, s’imposa comme une femme de pouvoir dans un univers de mâles peu enclins à perdre de leur influence, le choix de Marie-Luise Stockinger s’est révélé judicieux. Fougue et doutes La jeune comédienne (26 ans), membre de la prestigieuse troupe du Burgtheater de Vienne depuis 2015, incarne à merveille une Marie-Thérèse pleine de fougue mais aussi de doutes. Passant avec aisance de femme-enfant à archiduchesse sans faiblesse, Marie-Luise Stockinger a le physique de l’emploi : grands yeux bleus, moue boudeuse et sexy, voix cassée, elle est le pouvoir qui séduit, décide et frappe. Mais pas seulement. Ses rapports tendus avec sa mère, ses relations conjugales avec François-Etienne, duc de Lorraine, sa complicité avec sa sœur, ses tentatives de sauver l’empire des multiples menaces, qu’elles soient prussiennes, hongroises, ottomanes, bavaroises ou françaises, sont longuement analysées au cours de scènes intimistes réussies. En choisissant de retracer l’adolescence de Marie-Thérèse lors de la première partie puis sa tumultueuse première année de règne, le téléfilm frappe juste. Même lorsqu’elle n’est pas encore sur le trône, son caractère bien trempé apparaît. Dans la seconde partie, la jeune femme, qui vivait heureuse à Florence avec sa famille, est rappelée par les dures réalités viennoises. Son père, l’empereur Charles VI, décède subitement en octobre 1740. En l’absence d’enfant mâle et afin d’affirmer l’indivisibilité des domaines des Habsbourg, il avait, en 1713, imposé la « Pragmatique Sanction », qui réservait le trône à l’aîné vivant des enfants, quel qu’en soit le sexe. Voici donc Marie-Thérèse sur le trône. Elle y restera près de quarante ans. Durant son règne, elle mènera deux guerres. L’une des scènes les plus frappantes montre une fosse commune dans laquelle les uniformes des soldats autrichiens tués sont recouverts de chaux. Toute l’horreur de la guerre en une seule image, aérienne et silencieuse. Marie-Thérèse d’Autriche, de Robert Dornhelm (90 et 112 min). www.arte.tv
28/12/2018
televisions-radio
https://www.lemonde.fr/televisions-radio/article/2018/12/28/marie-therese-d-autriche-la-grande-imperatrice_5403314_1655027.html
Qu’est-ce que le passeport diplomatique, utilisé par Benalla après son départ de l’Elysée ?
L’ex-chargé de mission a continué à utiliser, après son départ de l’Elysée, un document délivré au titre de missions diplomatiques de première importance.
Depuis son départ du cabinet de la présidence de la République, au mois de mai, Alexandre Benalla a continué à utiliser un passeport diplomatique pour se déplacer à l’étranger, selon des informations publiées par Mediapart et Le Monde, jeudi 27 décembre. L’ex-chargé de mission de l’Elysée, notamment mis en examen pour « violences volontaires » après les manifestations du 1er-Mai, possédait deux passeports diplomatiques pendant sa mission auprès du président – dont l’un, renouvelé le 24 mai, lui aurait notamment servi à se rendre au Tchad, au Cameroun et au Congo-Brazzaville, en novembre et en décembre. Vendredi 28 décembre, le ministère des affaires étrangères a décidé de saisir la justice sur cet usage d’un passeport hors du cadre d’une mission pour l’Etat. « Toute utilisation de ces passeports [diplomatiques] postérieure à la fin des fonctions qui avaient justifié l’attribution de ces documents serait contraire au droit », a expliqué le Quai d’Orsay dans un communiqué. L’attribution et l’usage d’un passeport diplomatique – document réservé aux cadres de la diplomatie française pour faciliter leur déplacement à l’étranger – sont, en effet, strictement encadrés par la loi. Lire aussi (en édition abonnés) : Benalla s’est reconverti dans la diplomatie privée en Afrique A quoi sert un passeport diplomatique ? Théoriquement, tout porteur d’un passeport diplomatique bénéficie de la protection de la convention de Vienne de 1961, qui garantit aux diplomates d’éviter toute arrestation ou perquisition à l’étranger. Dans les faits, avoir un passeport diplomatique ne suffit pas à disposer de l’immunité ni de l’inviolabilité, protections réservées aux ambassadeurs et cadres diplomates de métier – qui sont identifiés autrement que par leur passeport. Plus concrètement, il s’agit surtout d’un coupe-file, accélérant les procédures dans les aéroports et aux frontières. De couleur bleue, il peut notamment permettre d’éviter le contrôle des douanes, sans le garantir systématiquement. L’inscription suivante, symbolique, figure sur l’une des pages du passeport : « Nous, ministre des affaires étrangères, requérons les autorités civiles et militaires de la République française et prions les autorités des pays amis et alliés de laisser passer librement le titulaire du présent passeport et de lui donner aide et protection. » Comme tous les voyageurs, les porteurs d’un passeport diplomatique doivent demander un visa pour se rendre dans les pays qui en exigent un. Un guichet spécifique existe, cependant, en France pour faciliter les demandes avant un départ – et certains pays mettent en place des procédures spécifiques pour les passeports diplomatiques. De son côté, le Quai d’Orsay n’a pas la possibilité de suspendre l’utilisation d’un passeport : si l’Etat peut être tenu au courant de l’utilisation d’un titre d’identité sur son territoire (à l’aéroport par exemple), un titre d’identité français reste valable à l’étranger si sa date de validité n’est pas dépassée. Lire aussi Alexandre Benalla n’a pas restitué ses passeports diplomatiques Qui peut en bénéficier ? L’arrêté ministériel encadrant les passeports diplomatiques établit une liste précise des ayants droit : les cadres de la diplomatie : les ambassadeurs, les conseillers et secrétaires des affaires étrangères, les responsables des systèmes d’information et de communication à l’étranger ; le président de la République, le premier ministre, le président du Sénat, le président de l’Assemblée nationale et les membres du gouvernement, pour la durée de leur fonction ; les conseillers spécialisés occupant un poste de chef de service auprès d’une mission diplomatique française à l’étranger, uniquement pour la durée de leur mission ; à titre exceptionnel, les titulaires d’une mission gouvernementale diplomatique « lorsque l’importance de cette mission est jugée suffisante par le ministre des affaires étrangères » ; à titre de courtoisie, les anciens présidents de la République, premiers ministres et ministres des affaires étrangères, ainsi que les anciens agents ayant obtenu la « dignité d’ambassadeur de France ». les conjoints et enfants mineurs des titulaires d’un passeport diplomatique peuvent également en faire la demande. En complément, il existe aussi un « passeport de service » destiné aux fonctionnaires qui ne peuvent pas demander le passeport diplomatique. Il sert notamment aux militaires ou logisticiens qui doivent se rendre à l’étranger pour une mission précise au service de l’Etat et a une durée de validité de cinq ans. Comment l’utilisation d’un tel passeport est-elle encadrée ? Le titulaire d’un passeport diplomatique ne doit pas, selon les règles du ministère des affaires étrangères, l’utiliser lors de voyages privés, mais uniquement dans le cadre de ses déplacements pour l’Etat. « Il est restitué au ministère des affaires étrangères à l’expiration de sa validité », explique, par ailleurs, le décret dédié aux passeports. La durée maximale de validité est de dix ans mais peut être moindre : un des passeports diplomatiques d’Alexandre Benalla, renouvelé le 24 mai 2018, expire le 19 septembre 2022 – une date potentiellement choisie pour assurer sa validité jusqu’à la fin du mandat d’Emmanuel Macron. Les passeports délivrés « à titre exceptionnel » ont, eux, une validité maximale d’un an. Le décret précise qu’en cas d’arrêt de la mission avant la date de fin de validité d’un passeport, celui-ci doit être restitué « dès lors que son utilisation n’est plus justifiée ». C’est sur cette base que le Quai d’Orsay a envoyé à l’ex-chargé de mission, après son départ de l’Elysée, une lettre recommandée à la fin du mois de juillet pour demander la restitution des passeports – lettre à laquelle Alexandre Benalla n’a, jusqu’à maintenant, pas apporté de réponse. Le ministre des affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, a lui attendu le signalement de l’usage de ces passeports par M. Benalla après son départ, usage qui constitue une infraction pénale, pour décider de saisir le procureur de la République.
28/12/2018
les-decodeurs
https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2018/12/28/qu-est-ce-que-le-passeport-diplomatique-utilise-par-benalla-apres-son-depart-de-l-elysee_5403310_4355770.html
A New York, un ciel bleuté aux allures d’invasion extraterrestre
Jeudi soir, l’explosion d’un transformateur électrique a illuminé en bleu le ciel de la ville américaine. Beaucoup d’internautes ont filmé des images spectaculaires.
aires. Invasion d’extraterrestres à New York ? Pas vraiment… Une série d’éclairs bleus a illuminé le ciel de la ville, le soir du 27 décembre 2018. Très vite, l’incident a déclenché de nombreux tweets annonçant la venue d’aliens ou de super-héros. En réalité, ce phénomène a été causé par l’explosion d’un transformateur électrique dans le quartier d’Astoria, vers 21 heures, heure locale. L’incendie a provoqué des flashs lumineux bleus, visibles à des kilomètres. La police a rapidement confirmé qu’il n’y avait aucun blessé et que la situation était sous contrôle. Selon le New York Times, l’événement a provoqué une foule d’appels au 911, le numéro d’urgence aux Etats-Unis. Des habitants paniqués ont signalé des explosions, voire un crash aérien. A cause de la panne de courant, le trafic à l’aéroport de LaGuardia a été brièvement interrompu.
28/12/2018
international
https://www.lemonde.fr/international/video/2018/12/28/a-new-york-un-ciel-bleutee-aux-allures-d-invasion-extraterrestre_5403303_3210.html
Malgré la mort d’un supporteur et des cris racistes, le championnat italien continue
Le chef du gouvernement italien avait suggéré une pause dans la compétition à la suite des débordements de mercredi, mais la Serie A reprendra samedi.
Kalidou Koulibaly a été expulsé face à l’Inter Milan pour un deuxième carton jaune. Il était la cible depuis le début du match de cris de singe venus des tribunes milanaises. ALBERTO LINGRIA / REUTERS Jouer, coûte que coûte. La Fédération italienne de football a confirmé la tenue, samedi 29 décembre, de la 19e journée de Serie A, malgré la nouvelle polémique sur les maux du calcio. Le match entre l’Inter Milan et Naples, censé être le point d’orgue de la journée événement de la « Santo Stefano », a été marqué par des cris racistes envers Kalidou Koulibaly et la mort d’un supporteur. Article réservé à nos abonnés Lire aussi Football : le « Boxing Day » fait des émules « La nuit la plus sombre », titrait vendredi La Gazzetta dello Sport, principal quotidien sportif italien, consacrant 13 pages aux événements et réclamant une « tolérance zéro contre les intolérants ». Le mort de Milan et les sanctions visant l’Inter faisaient aussi la « une » de La Repubblica, qui dressait la longue liste des victimes des stades italiens – 23 en cinquante ans – et dénonçait « ce football sans courage ». Conte aurait souhaité une pause Du courage, le chef du gouvernement, Giuseppe Conte, en aurait visiblement souhaité un peu plus de la part de la Fédération italienne. Il n’a pas été entendu. « Je donnerais un signal fort de césure, en ayant même recours à une pause des matchs, en vue d’une réflexion fructueuse pour ceux qui y participent, mais je laisse les autorités compétentes décider », a-t-il dit vendredi lors d’une conférence de presse de fin d’année. « J’ai parlé avec tout le monde pour bien comprendre quel était le climat et, à l’unanimité, nous avons décidé d’avancer », avait dit la veille le président de la fédération, Gabriele Gravina, après des rendez-vous avec les responsables de la Ligue, du Comité olympique et des ministères concernés. Les instances sportives ont donc tranché et maintenu cette 19e journée, qui se tiendra tout de même forcément dans une ambiance particulière, entre manifestations de soutien à Koulibaly, visé à plusieurs reprises par des cris de singe à San Siro, et questions sur les circonstances de la mort de Daniele Belardinelli. Agé de 39 ans, supporteur de Varèse et de l’Inter, deux clubs dont les tifosi sont proches, Daniele Belardinelli a été renversé par un véhicule en marge d’une violente bagarre entre des supporteurs de l’Inter et des tifosi de Naples, qui arrivaient au stade en minibus. Il avait été interdit de stade entre 2007 et 2017 pour des faits de violence. Des ultras de l’OGC Nice, proches des ultras de l’Inter classés à l’extrême droite, participaient également aux affrontements. Salvini souhaite la fin des matchs à risque le soir Le match de l’Inter Milan (3e) samedi sera donc particulièrement scruté. Dès jeudi, le déplacement des supporteurs milanais à Empoli, près de Florence, a été interdit par la préfecture de police. D’autres interdictions de déplacement pourraient suivre pour les tifosi nerazzuri (noir bleu). Matteo Salvini, le ministre de l’intérieur et homme fort du gouvernement, s’est cependant déclaré vendredi opposé à ce type de mesures, qui « condamnent les vrais tifosi, des millions de personnes qui ont le droit de suivre leur équipe et qui ne doivent pas être confondus avec quelques délinquants circulant avec un couteau dans la poche ». Il a également assuré que les matchs à risque ne se joueraient plus le soir, « mais à la lumière du jour, à midi, à 15 heures, avec des hélicoptères de la police qui pourront contrôler les délinquants ». Matteo Salvini, supporteur assumé du Milan AC, s’est également fait remarquer par la légèreté de ses commentaires vis-à-vis des cris racistes visant Kalidou Koulibaly, à l’inverse de Giuseppe Conte. Le Sénégalais, exclu mercredi contre l’Inter, sera par conséquent suspendu contre Bologne. Naples, qui n’a pas réagi officiellement aux événements de San Siro, pourrait décider de faire appel de cette sanction, selon la presse sportive italienne. Le football italien derrière Koulibaly Koulibaly a, lui, reçu le soutien de très nombreux joueurs, dont certains ont été confrontés eux aussi au racisme dans les stades italiens (Boateng, Matuidi…). L’Inter Milan et ses joueurs ont également exprimé leur soutien au défenseur napolitain. Le phénomène des cris de singe étant récurrent en Italie, les dirigeants de la fédération ont annoncé des discussions à venir pour donner aux arbitres plus de latitude pour interrompre les matchs. San Siro sera à huis clos pour les deux prochains matchs de l’Inter Milan, et sa curva (virage) nord, dont sont parvenus les cris, sera fermée un match supplémentaire. Dans ce contexte, la dimension sportive passe forcément au second plan. Mais en ouverture de cette 19e journée, la Juventus Turin, intouchable leader, tentera tout de même de finir la phase aller invaincue. Elle reçoit une Sampdoria Gênes (5e), est en grande forme, à l’image de son attaquant vétéran Quagliarella, buteur lors des huit derniers matchs.
28/12/2018
football
https://www.lemonde.fr/football/article/2018/12/28/malgre-la-mort-d-un-supporteur-et-des-cris-racistes-le-championnat-italien-continue_5403301_1616938.html
L’Antarctique, terre de missions d’exploration et d’exploits sportifs depuis trois siècles
En repoussant les limites du monde connu, certaines expéditions ont permis d’étudier le changement climatique, d’autres sont de véritables exploits sportifs.
Mercredi 26 décembre, Colin O’Brady a terminé sa traversée de l’Antarctique de part en part. En solitaire et sans assistance, une première. L’athlète américain était parti de la barrière de Ronne, l’un des points du continent antarctique les plus proches du Chili, le 3 novembre, puis a atteint le pôle Sud le 12 décembre. Enfin, après une dernière étape de 32 heures, il est arrivé au glacier Leverett, en face de la Nouvelle-Zélande, et a terminé son voyage de près de 1 500 km. Pour la première fois, la traversée a été réalisée à ski, sans ravitaillement – en concurrence avec un autre aventurier, le Britannique Louis Rudd, qui devrait, à son tour, boucler l’exploit vendredi ou samedi. Colin O’Brady s’inscrit dans une lignée d’aventuriers de trois siècles qui ont mené des expéditions pour découvrir et braver ce continent extrême. Un continent sous la banquise Pour les Européens, l’existence même de l’Antarctique fut incertaine jusqu’au XVIIIe siècle. Avant ce moment, certaines cartes présentaient un continent inconnu, une terre australe légendaire. Pendant l’exploration du continent américain par les Européens à partir du XVIe siècle, des îles de plus en plus au sud sont découvertes, telles que les îles Malouines et, plus tard, les îles Sandwich du Sud. Tous les marins n’ambitionnent pas de rechercher ce continent légendaire : certains cherchent des territoires propices à la chasse au phoque. On considère que c’est James Cook, un explorateur britannique du milieu du XVIIIe siècle, qui franchit en premier le cercle polaire antarctique. Ne voyant que de la banquise, il ne peut conclure quant à l’existence du continent austral. Mais l’Antarctique est bien un continent : il y a un sol sous la glace, à la différence de l’Arctique qui, autour du pôle Nord, n’est constitué que de l’océan du même nom. L’Antarctique est ensuite découvert indépendamment et progressivement par plusieurs explorateurs à partir du début du XIXe siècle, sans qu’on sache vraiment qui a posé le pied en premier sur le continent. Un brise-glace trace un chenal afin de relier les bases antarctiques américaine McMurdo et néo-zélandaise Scott, le 1er janvier 2000. Tom Szlukovenyi / REUTERS Découvertes scientifiques A partir de la fin du XIXe siècle, de nombreuses expéditions sont entreprises pour explorer l’Antarctique. Il s’agit de grandes expéditions, parfois de plusieurs centaines d’hommes, dont tous ne reviennent pas. En 1911, le pôle Sud géographique est atteint pour la première fois. Ce point situé à 90° de latitude sud est l’objet d’une course et c’est le Norvégien Roald Amundsen et son équipe qui y plantent leur drapeau les premiers. Ils devancent de quelques jours le Britannique Robert Falcon Scott, lui aussi accompagné par son équipe. Ce dernier mène l’expédition Terra Nova, qui est restée dans l’histoire pour sa fin tragique : Scott et ses compagnons meurent de froid à quelques dizaines de kilomètres de la fin de leur voyage. En plus de l’exploration du territoire, Terra Nova avait des buts scientifiques. Scott effectuait divers relevés et a transporté jusqu’au bout des roches pour pouvoir les étudier. Celles-ci contenaient des fossiles similaires à d’autres découverts en Afrique du Sud. Ces roches furent un argument pour prouver que l’Antarctique et d’autres continents du Sud avaient été liés, confirmant ainsi la théorie des plaques tectoniques. Pour beaucoup, ces explorateurs du début du XXe siècle sont des figures héroïques. Article réservé à nos abonnés Lire aussi Dans l’Antarctique, plus question de nouvelles aires protégées Les explorations se poursuivent tout au long du XXe siècle. En 1958, le Britannique Vivian Fuchs fait la première traversée de l’Antarctique en passant par le pôle Sud, ce qui lui vaut son anoblissement par la reine Elizabeth. Pendant l’expédition, qui est motorisée, il effectue divers relevés, comme la mesure de l’épaisseur de la glace polaire. Toutes ces explorations ont permis de développer plusieurs domaines scientifiques et sont aujourd’hui utiles pour étudier le changement climatique. Outre la fonte des glaciers, l’extraction de carottes de glace permet ainsi d’obtenir des informations sur la composition de l’air depuis l’ère préindustrielle. Parallèlement, les chercheurs sont bien installés sur le continent austral, avec plus d’une trentaine de bases. La Terre-Adélie, territoire austral revendiqué par la France, abrite ainsi la base scientifique française Dumont-d’Urville sur l’île des Pétrels. Colin O’Brady, le 26 décembre, après ses 54 jours de traversée de l’Antarctique. Colin O'Brady / AP Des explorations aux exploits sportifs Aujourd’hui, ce ne sont plus seulement des expéditions d’exploration ou scientifiques. Arriver au pôle Sud par voie terrestre est aussi un exploit sportif. Certains choisissent d’y aller avec peu ou pas d’assistance, en utilisant divers moyens de locomotion : à ski, éventuellement aidés de cerf-volant, ou bien avec des chiens ou même un tricycle. La traversée reste périlleuse. Le terrain est inégal : sur certains tronçons, des chemins sont délimités par des drapeaux et il est possible d’être secouru par les airs. Sur d’autres, les explorateurs ne peuvent compter que sur eux-mêmes. En 2016, le Britannique Henry Worsley avait tenté la même traversée que O’Brady. Evacué en urgence, il est mort d’une infection peu après. Après les exploits sportifs, la nouvelle ère de l’Antarctique sera-t-elle touristique ? Le « tourisme polaire » se développe, notamment près de l’Arctique. Mais certaines ONG, comme Greenpeace, dénoncent un « tourisme tragique » qui abîme un environnement fragile jusque-là préservé. Article réservé à nos abonnés Lire aussi L’essor des croisières polaires mis à l’épreuve
28/12/2018
planete
https://www.lemonde.fr/planete/article/2018/12/28/l-antarctique-terre-de-missions-d-exploration-et-d-exploits-sportifs-depuis-trois-siecles_5403297_3244.html
Le dictateur : un modèle de vertu dans l’Antiquité
Au temps de la République romaine, en cas de situations graves ou plus anecdotiques, les consuls, sur conseil du Sénat, nomment un dictateur. Sa mission n’excède pas six mois, le temps de résoudre le problème.
Giuseppe Ragazzini Montesquieu, penseur des Lumières et concepteur de l’équilibre des pouvoirs, la trouvait à son goût. Rousseau la défendait aussi. La dictature eut pendant longtemps bonne presse chez les philosophes. Et pas que : les révolutionnaires de 1789, lecteurs des grands auteurs anciens, voyaient dans cette institution romaine un modèle à suivre en cas de fortes turbulences. Les ennemis de l’extérieur et de l’intérieur, acharnés contre la nouvelle République, ne nécessitaient-ils pas qu’au nom du salut public on concentrât les pouvoirs ? On n’osa pas nommer un dictateur, mais Robespierre en assuma, en quelque sorte, les fonctions. Depuis, le jugement a changé et le mot a pris un sens péjoratif. La dictature est devenue l’image inversée de la démocratie. Elle désigne un régime autoritaire, à forte tendance tortionnaire, qui semble caractéristique de pays lointains, situés sur les continents sud-américain ou africain. Ou alors elle est une machine à remonter le temps européen, quand régnaient le général Franco (1938-1975) ou des colonels grecs (1967-1974). On remarque qu’il ne viendrait à l’idée de personne aujourd’hui de se déclarer dictateur. Magistrature réservée aux plus vertueux Il en fut bien autrement au temps de la République romaine. Comme le rappelle l’historienne Claudia Moatti, auteure de Res publica. Histoire romaine de la chose publique (Fayard, 468 pages, 25 euros), pour savoir ce que pensent les Romains, il faut se pencher sur ces petits récits à valeur morale qu’ils affectionnent, les exempla. Il en ressort que la dictature était une magistrature réservée aux plus vertueux. L’exemplum de Lucius Quinctius Cincinnatus est un modèle du genre : mandatés par le Sénat, les envoyés le trouvèrent labourant humblement ses terres au-delà du Tibre, et ils durent l’implorer d’accepter la dictature. Cincinnatus représente le parfait Romain menant une vie simple et prêt à se dévouer pour sa patrie. A trois reprises, il fut nommé et, à trois reprises, il ramena la paix intérieure ou extérieure à Rome. Car on ne reste pas dictateur. La charge est limitée dans le temps : elle n’excède pas six mois – et peut ne durer qu’un jour. Au début du XVIe siècle, sous la plume de Machiavel, la dictature est présentée comme ce qui a sauvé la République romaine : « Sans ce remède, la République serait tombée. » La dictature est une magistrature particulière aux yeux des Romains, et pas seulement parce qu’elle est entourée d’un apparat impressionnant. Elle a d’abord cette singularité d’être personnelle alors que la République est attachée de préférence au pouvoir collégial (les consuls sont toujours au nombre de deux). Elle est non élective, puisque les dictateurs sont nommés par les consuls sur conseil du Sénat ; c’est lui qui décide de l’opportunité d’y avoir recours. Elle est exceptionnelle surtout par sa durée, qui recouvre le temps nécessaire à l’accomplissement de la mission confiée au dictateur, qui ensuite abdique. Seules les circonstances justifient l’appel à ce magistrat : situations graves comme troubles civils ou guerre mais aussi besoin de pallier l’absence momentanée des consuls qui compromet des cérémonies ou rituels importants pour la cité. Ainsi, cette magistrature « s’intègre normalement dans le jeu des institutions régulières de l’Etat » et, en même temps, par un certain nombre de traits, elle peut apparaître « comme le résultat d’une suspension temporaire, voire une négation du droit commun », comme le remarque l’historien Claude Nicolet (1930-2010) en 1979 dans l’article « La dictature à Rome ». Pendant sa durée, les autres magistratures sont entièrement soumises à l’autorité de la personne nommée.
28/12/2018
idees
https://www.lemonde.fr/idees/article/2018/12/28/le-dictateur-un-modele-de-vertu-dans-l-antiquite_5403292_3232.html
Petit lexique de l’autoritarisme
Quelle différence y a-t-il entre un autocrate, un despote, un dictateur et un tyran ? Et l’oligarque est-il plus puissant que le ploutocrate ?
L’agora de Sparte, dans le Péloponnèse (Grèce). Mary Evans Picture Library/Photononstop Ces termes, forgés sur le latin et le grec, ne sont pas forcément un héritage de l’Antiquité. Ou, quand ils le sont, leur sens a parfois profondément changé au cours de l’histoire. Autocrate (du grec autocratès) : le substantif n’existait pas dans l’Antiquité. Il est tiré de l’adjectif « autocratès », celui a le pouvoir sur lui-même, mais aussi par lui-même. On le trouve en français depuis le XVIIIe siècle pour désigner celui qui est le maître absolu, notamment le tsar, qualifié d’« autocrate de toutes les Russies ». Par extension, toute personne qui ne tire son pouvoir que de lui-même. Despote (du grec despotès) : maître de la maison. A partir du Ve siècle av. J.-C., le mot peut aussi désigner le maître de la cité. C’est le terme qu’emploie l’esclave quand il s’adresse à son maître, mais aussi celui dont usent les historiens et les philosophes de l’Antiquité pour évoquer le souverain absolu sur le modèle oriental. Dictateur (du latin dictator) : magistrat de la République romaine nommé par les consuls sur avis du sénat pour faire face à une urgence, qu’elle soit d’ordre rituel (présider une cérémonie), politique (calmer des troubles intérieurs) ou militaire (combattre des ennemis). Il concentre tous les pouvoirs, mais son mandat ne peut excéder le temps de la mission pour laquelle il est nommé et ne doit jamais dépasser six mois. Dans l’Antiquité, la notion de tyrannie procède d’un jugement de valeur porté sur l’exercice du pouvoir, alors que la dictature désigne une institution. Oligarque (du grec oligarkhos) : membre d’un gouvernement où le pouvoir est réservé à un petit groupe de personnes. L’histoire des cités grecques au IVe siècle av. J.-C. est celle des luttes intestines qui opposent démocrates et oligarques, pauvres et riches. Bien que le monde grec ait expérimenté un grand nombre de modèles oligarchiques, le gouvernement était la plupart du temps composé d’un ou plusieurs conseils dont les membres étaient désignés à vie. L’oligarchie était vue comme le strict opposé de la démocratie, et par conséquent Sparte comme l’image inversée d’Athènes. Pourtant, le régime spartiate fut un cas singulier d’oligarchie car le pouvoir n’y était pas, comme presque partout ailleurs, entre les mains des plus riches. Dans la Russie postcommuniste, « oligarque » désigne les personnalités les plus en vue et les plus proches du pouvoir qui ont amassé leurs richesses lors des privatisations des années 1990. Les oligarques détiennent un grand pouvoir économique.
28/12/2018
idees
https://www.lemonde.fr/idees/article/2018/12/28/petit-lexique-de-l-autoritarisme_5403290_3232.html
Fin de campagne dans la violence au Bangladesh
Avant les élections générales du 30 décembre, la première ministre, Sheikh Hasina, est critiquée pour son exercice du pouvoir de plus en plus autoritaire.
Des affiches de campagne pour Sheikh Hasina, la première ministre du Bangladesh, à Dacca, le 28 décembre. INDRANIL MUKHERJEE / AFP Malgré le déploiement de l’armée, censée faire régner l’ordre durant les élections générales du dimanche 30 décembre, la coalition de partis qui forment l’opposition bangladaise continue de s’alarmer. Elle a fait état, le 25 décembre, de 7 000 arrestations, surtout dans les rangs de sa principale formation, le Parti nationaliste du Bangladesh (BNP), depuis l’annonce officielle, en novembre, de la tenue du scrutin qui doit renouveler les 350 sièges du Parlement de ce jeune pays de 166 millions d’habitants. Le chef de la coalition, le juriste Kamal Hossain, avait dénoncé le 21 décembre, lors d’une conférence de presse, « un niveau de harcèlement sans précédent et contraire à la Constitution : les forces de police sont principalement utilisées pour arrêter des dirigeants et des militants de l’opposition ». Déterminée à ne pas lâcher le pouvoir après dix ans de règne, la première ministre, Sheikh Hasina, 71 ans, fait feu de tout bois : sa grande rivale, Khaleda Zia, 73 ans, chef du BNP et deux fois première ministre (entre 1991 et 1996 puis de 2001 à 2006), est en prison depuis février. Elle a vu en octobre sa peine passer de cinq à dix ans après avoir fait appel, et a reçu sept ans de plus pour une affaire de détournement de fonds en 2005, lorsqu’elle était au pouvoir. Son fils, en exil à Londres, a été condamné par contumace à la perpétuité. Gros bras Des milliers de procédures judiciaires, pour des motifs souvent controuvés, ont été lancées contre des militants de l’opposition ou des critiques du parti au pouvoir, menant à des détentions préventives qui les neutralisent pendant des mois, voire des années. Tandis que les cas de disparitions forcées et de torture entre les mains des forces paramilitaires antiterroristes se sont multipliés, notamment dans les rangs du Bangladesh Jamaat-e-Islami (Jamaat), le parti islamiste interdit en 2013. L’organisation Human Rights Watch leur a consacré en décembre un rapport circonstancié. Les Bangladais, musulmans à 90 %, pratiquent traditionnellement l’islam de rite soufi, vu comme tolérant vis-à-vis des femmes et des autres cultes, mais les groupes de pression en faveur d’un islam rigoriste gagnent en influence. Ses dernières semaines, la Ligue Awami, le parti de Sheikh Hasina et principale formation de la coalition sortante, a envoyé les gros bras de sa branche jeunesse faire le coup de force contre les candidats des partis rivaux en campagne, que ses militants attaquent à coups de bâton et parfois avec des armes à feu, vandalisant leurs véhicules ou leur matériel. Bilan : au moins six morts et plus d’un millier de blessés, selon l’opposition.
28/12/2018
international
https://www.lemonde.fr/international/article/2018/12/28/fin-de-campagne-dans-la-violence-au-bangladesh_5403289_3210.html
« Je suis toutes les épouses enfants du monde »
Amour et sexualité : avoir 20 ans en Afrique de l’Ouest (6). Poème de la Malienne Aminata Adama Keita, 19 ans.
Près de Tombouctou, dans le centre du Mali. Joe Penney/REUTERS Aminata Adama Keïta a 19 ans et transforme les mots en armes. Cette jeune poétesse malienne qui a décrit la difficulté d’être jeune durant la guerre de 2012-2013 contre le djihadisme se bat contre les mariages précoces. Un fléau qui touche 43 % des jeunes Africaines, mariées avant leurs 15 ans. Ses thèmes de prédilection, qu’elle traite en prose ou en vers, sont multiples, du chômage des jeunes, à la misère sexuelle en passant par l’amitié et l’amour. Présentation de notre série Amour et sexualité : avoir 20 ans en Afrique de l’Ouest Poème. « Je suis une épouse enfant. Mes parents me donnent en mariage Ne sachant pas qu’ils m’animent de rage La solitude, l’amertume, le désespoir sont mes compagnons de tous les jours Et mon cœur meurtri se meurt de jour en jour. Le mariage tant sacré devient pour moi un calvaire. Père, mère Dites-moi !! Dites-moi Vous qui m’écoutez, vous qui offrez une stérile face à mon désespoir Comment demander à une enfant de procréer ? Comment ne pas prendre en compte mes rêves et aspirations ? Comment me priver de mon enfance Sachant que c’est le meilleur de la vie ? Ma plume révoltée écrit la force de dire non Non à cette ignominie Non à cette barbarie Non pour toutes ces filles détruites Non pour un soleil plus radieux. Je suis ces 12 millions de filles données en mariage forcé dans le monde. Je suis Rekha Kalindi, petite fille de 11 ans qui a eu le courage de dire non Je suis Noujoud Mohammed Ali, fillette divorcée à l’âge de 10 ans Je suis Tehani, enfant de 7 ans mariée à un homme faisant le triple de son âge Je suis Wasilu Djibaru, Nigériane de 14 ans que le mariage forcé à conduit à un acte de désespoir, celui d’assassiner son mari. Je suis toutes ces épouses enfants qui vivent le martyre. » Aminata Adama Keïta est une jeune malienne de 19 ans. Elle a été nommée championne nationale de poésie de son pays en 2015. Musulmane pieuse et voilée, elle puise son inspiration poétique dans la littérature française. Son ouvrage favori est La Dame aux camélias d’Alexandre Dumas fils. Cette série a été réalisée dans le cadre d’un partenariat avec le Fonds français Muskoka. Aminata Adama Keïta (Bamako)
28/12/2018
afrique
https://www.lemonde.fr/afrique/article/2018/12/28/je-suis-toutes-les-epouses-enfants-du-monde_5403291_3212.html
« Gilets jaunes » : la « police des polices » saisie de 48 affaires de violences policières présumées
L’inspection générale de la police nationale (IGPN) a été saisie à la suite de violences présumées commises lors de manifestations de « gilets jaunes » et de lycéens.
Un policier menace de son Flash-Ball un manifestant avenue de Friedland, à Paris, le 1er décembre 2018. MYR MURATET / Divergence L’inspection générale de la police nationale (IGPN), la « police des polices », a été saisie par la justice de 48 affaires de violences policières présumées lors de manifestations des « gilets jaunes » et des lycéens au cours des dernières semaines, a annoncé, vendredi 28 décembre, le ministère de l’intérieur. Plusieurs de ces affaires ont trouvé un large écho sur les réseaux sociaux. Celle d’un homme à terre, roué de coups par des policiers le 1er décembre à Paris. La scène avait été filmée par des passants. Publiée sur les réseaux sociaux, la vidéo a été visionnée des millions de fois. La police française en plein sang froid. Très froid. https://t.co/BDL9OgIVtx — nicolasgregoire (@Nicolas Grégoire) Celle, aussi, des 151 jeunes de Mantes-la-Jolie (Yvelines), à proximité des lycées Saint-Exupéry et Jean-Rostand. Dans cette scène, filmée le 6 décembre, on les voit alignés et agenouillés, les mains derrière la tête ou dans le dos, entravés, tous encadrés par les forces de l’ordre, après leur interpellation. Dans l’une des vidéos, on entend les propos d’un policier moqueur : « Voilà une classe qui se tient sage. » Le lendemain, le Défenseur des droits avait annoncé l’ouverture d’une enquête sur « sur les conditions dans lesquelles se sont déroulées des interpellations de lycéens à Mantes-la-Jolie », rappelant qu’il était chargé de « veiller au respect de la déontologie » des forces de l’ordre et de défendre « l’intérêt supérieur de l’enfant ». Usage décrié des lanceurs de balle de défense D’autres enquêtes concernent des manifestants blessés après des tirs de lanceurs de balle de défense (LBD), notamment un « gilet jaune » à Toulouse, victime d’un traumatisme facial et plongé un temps dans le coma artificiel, ou un lycéen à Orléans, souffrant d’une fracture au front après avoir été touché au visage. « Il n’y a pas eu de recensement spécifique des affaires liées à l’usage du LBD », a précisé le ministère de l’intérieur, qui vient de lancer un appel d’offres pour acquérir de nouveaux exemplaires de cette arme, dont l’usage est décrié. Le 7 décembre, environ 200 personnalités, dont plusieurs députés de l’opposition de gauche, mais aussi des écrivains, des cinéastes, des sociologues et des historiens, avaient appelé le gouvernement à cesser « immédiatement » d’utiliser des lanceurs de balles automatiques pour réprimer les manifestations. Lire aussi Ce que la police peut et ne peut pas faire pendant une manifestation Nouvelles manifestations Depuis le début du mouvement, le 17 novembre, dix « gilets jaunes » sont morts et plus de 1 500 personnes ont été blessées, dont une cinquantaine gravement, selon des sources policières. Les forces de police et de gendarmerie, qui ont procédé à plus de 5 500 interpellations et mis plus de 5 000 personnes en garde à vue, déplorent de leur côté plus de 1 000 blessés. Selon plusieurs représentants de ce mouvement, de nouvelles manifestations auront lieu samedi, pour le septième week-end successif, à Paris, Lyon, Nantes, Toulouse ou encore Bordeaux. Un nouveau rassemblement des « gilets jaunes » est ensuite attendu la nuit de la Saint-Sylvestre, notamment à Paris, sur les Champs-Elysées. Selon le gouvernement, la mobilisation des « gilets jaunes » a largement décru ces dernières semaines avec 38 600 manifestants en France samedi dernier, contre 66 000 une semaine plus tôt. Le 17 novembre, premier samedi de mobilisation, 282 000 personnes s’étaient rassemblées en France.
28/12/2018
police-justice
https://www.lemonde.fr/police-justice/article/2018/12/28/l-igpn-saisie-de-48-affaires-de-violences-policieres-presumees_5403279_1653578.html
Notre sélection 2018 : les articles qui ont marqué la rédaction du « Monde Afrique »
Parmi les reportages et les rencontres qui ont émaillé l’année, découvrez ceux que leurs auteurs ont particulièrement gardés en mémoire, et pourquoi.
Intéressants à réaliser (et à lire, nous l’espérons !), ils le sont toujours. Des reportages, entretiens, portraits, d’actualité ou au long cours, effectués à Paris ou sur le continent africain. Mais parmi ces articles qui se succèdent, certains ont une résonance particulière parce qu’ils bousculent nos certitudes, qu’ils nous obligent à travailler autrement ou qu’ils nous font rencontrer des personnes bouleversantes. En cette fin d’année, nous avons proposé aux journalistes du Monde Afrique qui le souhaitaient d’en choisir un qui les a particulièrement marqués et d’en raconter les coulisses. L’occasion de relire quelques beaux papiers de 2018, mais aussi de rappeler les questionnements qui ne cessent d’accompagner notre métier. « Theodor Michael Wonja, dernier survivant noir des camps de travail nazis », par Pierre Lepidi Theodor Michael Wonja, chez lui à Cologne (Allemagne), le 10 avril 2018. Pierre Lepidi On n’est plus tout à fait le même après avoir visité un camp de concentration. Parti à Auschwitz avec mes enfants en février, j’ai en tête une question et une promesse dans l’avion du retour. La promesse, c’est d’écrire enfin la vie de mon grand-père maternel, résistant bourguignon, mort dans un camp du nord de l’Allemagne en 1945. L’interrogation qui me taraude, c’est de savoir s’il existe des déportés d’origine africaine encore vivants. Après quelques recherches, je découvre l’existence de Theodor Michael Wonja, un Allemand d’origine camerounaise dont l’autobiographie, Allemand et Noir en plus ! Souvenirs d’un rescapé des camps nazis (Editions Duboiris), est parue en 2016. D’après mon confrère Serge Bilé, auteur de Noirs dans les camps nazis (Editions du Rocher), il serait le dernier. Par le biais de son éditeur, je contacte M. Wonja qui accepte de me recevoir, mi-avril, dans son pavillon discret de la banlieue de Cologne. J’ai eu l’honneur de passer près de quatre heures en compagnie de cet homme simple et touchant, qui a connu l’horreur des camps de travail nazis après avoir été exhibé dans des zoos humains pendant une partie de son enfance. On ne ressort pas tout à fait le même d’une telle rencontre. « A Casablanca, les tiraillements d’une famille polygame », par Ghalia Kadiri Comment décrire une famille invisible ? Un phénomène silencieux, presque insaisissable ? Lorsque l’idée de réaliser une série sur l’amour au Maghreb est lancée, on se dit qu’il faudra raconter ces jeunes couples, d’une génération connectée, qui séduisent et font l’amour différemment, oscillant entre le poids des traditions et la liberté que leur offrent aujourd’hui les réseaux sociaux. Mais on ne peut dépeindre l’amour dans ces pays sans en évoquer l’héritage, et déterrer les tabous qui y sévissent encore. Au Maroc, la polygamie en fait partie. Si la pratique est de plus en plus rare, elle existe toujours, nichée dans les villages les plus isolés du royaume comme dans la bourgeoisie moderne des grandes villes. C’est justement à Casablanca, la capitale économique du pays, que je décide de raconter une de ces histoires. Dans les beaux quartiers, la rumeur court qu’un mystérieux homme d’affaires vit une idylle avec ses deux épouses. Il refuse de parler. Pour pénétrer l’intimité de ce foyer atypique, j’observe le triangle amoureux de l’extérieur, des jours durant. J’interroge leurs plus proches complices pour parvenir enfin à comprendre comment, en 2018, deux femmes se partagent un homme. Au-delà des apparences, l’idylle n’est que chimère. « La mémoire blessée de Redeyef, étincelle de la révolution tunisienne », par Frédéric Bobin Fresque d’Atef Maatallah à Redeyef (Tunisie), en avril 2018. FRÉDÉRIC BOBIN/LE MONDE Il faut imaginer une oasis de phosphate cernée de steppe caillouteuse. L’Algérie est toute proche, mystérieuse derrière une ondulation de bosses ocre. Redeyef, c’est l’orée du Sahara, plus au sud, que trahit déjà une lumière tyrannique. Cet horizon de pierres exsude la désolation, l’abandon, et pourtant la révolution tunisienne y a connu ses prodromes. En 2008, trois ans avant le grand ébranlement de 2011, Redeyef s’était dressée contre la malédiction du phosphate et la dictature de Ben Ali. La cité minière a planté les graines d’une épopée qui a fleuri ailleurs et après. Dix ans plus tard, il fallait y retourner. Comme tant d’autres, j’ai sacrifié au pèlerinage, troublé, décontenancé. Redeyef la pionnière demeure à la traîne, accablée d’amertume. Les dirigeants de la révolte de 2008, tel Adnen Haji, le « Lion des mines », confessent leur désarroi devant tant d’espoirs trahis. Les jeunes filent à Sfax s’embarquer sur des chalutiers vers l’île italienne de Lampedusa. Durant mes entretiens sous les convoyeurs et les passerelles, un homme m’a particulièrement marqué. On s’était retrouvés autour de la table bancale d’un café. Launi a une sacrée gueule. Visage fin encadré d’une barbe foisonnante à la Karl Marx. Il était venu armé d’un manuscrit griffonné de vers. De sa voix douloureusement grave, il avait déclamé cette ode au désir migratoire, scandée sur un rythme de slam : « Ma vie n’a plus de sens/Il faut que je me lance/Je veux tenter ma chance/Que ma torture commence. » Rencontre avec le romancier sénégalais Cheikh Hamidou Kane, par Coumba Kane Depuis son deuxième et dernier roman, Les Gardiens du temple, paru en 1995, Cheikh Hamidou Kane avait disparu de la scène publique et littéraire. Mais l’auteur fait partie du patrimoine littéraire africain. Ce monument bien vivant cultive la discrétion au point que, lorsque l’on tape son nom sur un moteur de recherche, la première occurrence est : « Cheikh Hamidou Kane est-il mort ? » J’ai, comme des générations d’Africains et d’afrodescendants, lu et relu sa première œuvre, L’Aventure ambiguë (1961), roman autobiographique sur l’errance identitaire d’un jeune Sénégalais sous la colonisation. Il me fallait comprendre : pourquoi cet homme – avec lequel, au passage, je ne partage aucun lien de parenté – s’était-il retiré de la vie publique depuis si longtemps ? Et surtout, avait-il trouvé des réponses aux questions existentielles qu’il posait dans ses deux livres ? Grâce à l’entremise de sa petite-fille, Ndèye Fatou Kane, elle-même écrivaine, j’ai réussi à établir un contact avec lui. Après quelques échanges par mail, il accepta de m’accorder un entretien. J’ai retrouvé Cheikh Hamidou Kane dans sa villa dakaroise. Il venait de fêter ses 90 ans. Lors de cet entretien de près de trois heures, l’écrivain déroula, avec une certaine gaieté, le fil de sa vie. Près d’un siècle d’histoire. « Les anglophones du Cameroun pris entre les feux de l’armée et des séparatistes », par Cyril Bensimon Dans les rues désertées de Buéa, la capitale de la région camerounaise du Sud-Ouest, en octobre 2018. MARCO LONGARI / AFP Raconter la crise dans les deux régions anglophones du Cameroun, c’est tenir la chronique d’une guerre qui refuse de dire son nom et qui aurait pu être évitée sans trop de difficultés. Lors de mon premier voyage dans cette zone, à Bamenda (Nord-Ouest), en mai 2017, la contestation avait à peine six mois. A la revendication d’une meilleure prise en compte de particularismes linguistique et historique, le pouvoir avait répondu par la répression, emprisonnant les leaders anglophones, coupant l’accès à Internet. Faute de dialogue, les ferments de la lutte armée et d’une radicalisation des esprits étaient alors en train de s’accumuler. Octobre 2018. Alors que le Cameroun se prépare à réélire une nouvelle fois Paul Biya, le basculement dans la guerre s’est opéré. Aller à Buéa, la capitale de la région du Sud-Ouest, n’est pas difficile. La ville est à une heure de voiture de Douala. Cependant, les autorités camerounaises s’efforcent de décourager les observateurs de s’y rendre au motif que « des bandits et des terroristes pourraient s’en prendre à [eux] ». A la différence de bien des mouvements rebelles, les indépendantistes, éparpillés en petits groupes, ne font rien pour plaider leur cause auprès des médias. Le conflit se joue donc à huis clos, ne laissant filtrer sur les réseaux sociaux qu’un flux d’images d’une grande violence mais dont il est souvent difficile d’assurer la véracité. D’où la nécessité pour les journalistes de s’y rendre. « Petite fille noire cherche poupée qui lui ressemble… vraiment », par Sandrine Berthaud-Clair La poupée Neyla de la marque Urbidolls, créée par la Franco-Sénégalaise Rokhaya Diop. Alvina Diop/Urbidolls Quand on m’a proposé de travailler sur l’émergence du marché des poupées noires, j’ai tout de suite su que c’était un bon sujet. Pourtant, je ne m’étais jamais demandé si les mamans d’enfants noires ou métisses avaient des difficultés à dégoter un poupon qui ressemble à leur enfant. Parce que je suis blanche, parce que mes enfants sont blancs et parce que, lorsque je cherche dans un magasin des jouets auxquels ils peuvent s’identifier, je n’ai aucun mal à en trouver. Je fais attention aux questions de genre, mais je n’avais jamais réalisé à quel point leur environnement de jeu était aussi peu représentatif de la diversité dans laquelle ils évoluent. Car la question des poupées noires et métisses ne renvoie pas seulement au choix restreint proposé aux enfants « de couleur ». Interviewer ces nouvelles créatrices, drôles, inventives, décomplexées, permet de comprendre à quel point la problématique du cheveu crépu est centrale chez les fillettes pour construire leur fierté de la beauté noire. A quel point la valorisation de traits africains, des modes et des cultures du continent dont elles portent l’histoire à travers celles, complexes et parfois douloureuses, de leurs familles, était incontournable. Mais j’ai aussi compris à quel point je pouvais apprendre à mes propres enfants le respect au travers des jouets avec lesquels ils peuvent rejouer la diversité qu’ils vivent dans la cour de récréation, dans leur classe. « Quand les Soudan Célestins Music retrouvent à Paris les saveurs de leur Afrique », par Maryline Baumard Repas des membres du groupe Soudan Célestins Music au restaurant Le Saint-Jean, dans le 18e arrondissement de Paris. SANDRA MEHL POUR LE MONDE Pour le sourire d’Hassan… Ce samedi de septembre restera gravé en moi. J’ai vu un réfugié érythréen que Le Monde suivait depuis huit mois se métamorphoser instantanément, en entrant dans un restaurant africain, et retrouver l’aisance que la vie lui avait volée. De réfugié, il est devenu mon guide. On ne lui expliquait plus la vie, les codes, c’est lui qui avait la main. Il savait tout des plats. Je ne savais rien. Hassan fait partie du projet « Les nouveaux arrivants ». Il est l’un des membres de Soudan Célestins Music, un groupe créé par des réfugiés africains à Vichy, dont le journal a raconté l’intégration pendant plus d’un an. Il est l’un des plus âgés d’entre eux. Sept années d’errance ; un traitement proche de l’esclavage dans les fermes grecques, pour survivre ; un souvenir des trottoirs parisiens en guise de matelas. Et là, tout à coup, dans ce restaurant érythréen du 18e arrondissement, c’est comme si les morceaux de sa vie brisée s’étaient recollés. Un moment magique de 2018. Une preuve de la très grande résilience des migrants. Rencontre : Quand les Soudan Célestins Music retrouvent à Paris les saveurs de leur Afrique
28/12/2018
afrique
https://www.lemonde.fr/afrique/article/2018/12/28/notre-selection-2018-les-articles-qui-ont-marque-la-redaction-du-monde-afrique_5403276_3212.html
Passeports diplomatiques de Benalla : Jean-Yves Le Drian saisit le procureur de la République
Alexandre Benalla, mis en examen pour « violences volontaires », est toujours en possession de deux passeports diplomatiques que le Quai d’Orsay lui a demandé à plusieurs reprises de restituer.
Alexandre Benalla, auditionné par le Sénat à Paris, le 19 septembre 2018. THIBAULT CAMUS / AP Le ministre des affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, va saisir le procureur de la République après des informations de presse sur l’utilisation d’un passeport diplomatique par l’ancien conseiller de l’Elysée Alexandre Benalla, a annoncé vendredi 28 décembre son ministère. Selon nos informations et celles de Mediapart, M. Benalla, malgré sa mise à pied liée aux violences du 1er Mai, continue de voyager avec un passeport diplomatique émis le 24 mai. C’est en effet avec un tel document qu’il a voyagé dans certains pays d’Afrique, en tant que « consultant » (comme il définit aujourd’hui ses nouvelles fonctions) en novembre et en décembre. « Le ministre a décidé de saisir le procureur de la République sur le fondement de l’article 40 du code de procédure pénale » qui oblige tout fonctionnaire et « toute autorité constituée » ayant connaissance d’un délit ou d’un crime à saisir la justice, selon le communiqué du ministère. Celui-ci précise avoir demandé à deux reprises la restitution des deux passeports diplomatiques délivrés à M. Benalla. Passeports restitués à Benalla « début octobre », selon son entourage L’Elysée et le Quai d’Orsay affirment n’avoir aucune information sur l’usage éventuel d’un des passeports diplomatiques de M. Benalla. « Toute utilisation de ces passeports postérieure à la fin des fonctions qui avaient justifié l’attribution de ces documents serait contraire au droit », affirme le ministère des affaires étrangères, qui précise avoir demandé par courrier recommandé à deux reprises – en juillet et septembre – la restitution des documents à M. Benalla. Alexandre Benalla s’était, pourtant, engagé à rendre ces deux documents, comme en témoigne un courrier en date du 23 mai 2018 révélé par Franceinfo. « Je soussigné Alexandre Benalla m’engage à restituer mon passeport diplomatique ainsi que ceux de ma famille à l’issue de mon séjour ou de ma mission », peut-on y lire. Selon son entourage cité par l’Agence France-Presse (AFP), l’ancien chargé de mission n’a « jamais eu » de relance pour rendre ses passeports diplomatiques. Ceux-ci lui ont été restitués « début octobre », affirme cette source. M. Benalla n’aurait donc pas menti lors de son audition sous serment devant la commission d’enquête du Sénat, le 19 septembre. Il avait alors assuré que « les titres dont il s’agit sont restés dans le bureau qu’[il occupait] à l’Elysée ». En porte-à-faux avec les déclarations de l’Elysée et du Quai d’Orsay, les propos de son entourage contredisent aussi ceux qu’il a lui-même tenus le 26 décembre : alors qu’il répondait au Monde au sujet de ses différents déplacements en Afrique, il déclarait ne plus disposer de passeport diplomatique français. Voyage au Tchad La présence de M. Benalla au Tchad au début de décembre, où il a rencontré le président, Idriss Déby, trois semaines avant la visite officielle d’Emmanuel Macron, a profondément embarrassé l’Elysée. Dans ce pays, comme au Cameroun, l’ancien chargé de mission de l’Elysée était, selon nos informations, dans une délégation mandatée par des sociétés détenues notamment par des acteurs gouvernementaux du Qatar et de la Turquie. Article réservé à nos abonnés Lire aussi Voyage au Tchad : Alexandre Benalla s’est reconverti dans la diplomatie privée en Afrique Alexandre Benalla n’a « jamais » mené de mission à titre privé lorsqu’il travaillait à l’Elysée, a également affirmé à l’AFP son entourage, dénonçant des « rumeurs ». Dans une lettre datée du 22 décembre consultée par Le Monde, le directeur du cabinet du président, Patrick Strzoda, avait demandé à l’ex-collaborateur d’Emmanuel Macron de lui « donner toutes informations pertinentes » sur « d’éventuelles missions personnelles et privées » qu’il aurait « exercées ou poursuivies comme consultant ». Sans sa réponse, dont l’AFP a eu copie, M. Benalla mentionne des « relations » et des « échanges réguliers » avec « certains membres de la présidence », assurant toutefois que ses activités actuelles n’ont « aucun lien » avec l’Elysée. Il affirme aussi dans ce courrier qu’il n’a « jamais effectué de missions personnelles et privées tout au long des fonctions qui [lui] ont été confiées à l’Elysée ». « J’exerce désormais une activité professionnelle dans le strict respect déontologique qu’impliquent mes fonctions passées au sein du cabinet », ajoute-t-il. « Je ne me suis jamais prévalu d’une quelconque recommandation ou appui de la présidence de la République dans le cadre de mes nouvelles activités, et le prétendre serait purement mensonger » et « diffamatoire », ajoute-t-il. M. Benalla a été à l’origine d’une tempête politique cet été, après avoir été filmé en train d’interpeller violemment des manifestants à Paris en mai, alors qu’il n’en avait pas la prérogative. Cet incident fut le point de départ d’une série de révélations sur le périmètre très flou de ses attributions dans l’appareil élyséen.
28/12/2018
societe
https://www.lemonde.fr/societe/article/2018/12/28/passeports-diplomatiques-de-benalla-jean-yves-le-drian-saisit-le-procureur-de-la-republique_5403267_3224.html
La chanteuse de bossa-nova Miucha est morte
Née Heloisa Maria Buarque de Hollanda, Miucha a été l’une des voix majeures de ce style musical apparu à Rio à la fin des années 1950.
La chanteuse brésilienne Miucha en 2010. ERALDO PERES / ASSOCIATED PRESS La voix suave, interprète exemplaire de la chanson brésilienne, sœur du chanteur et écrivain Chico Buarque, elle fut une égérie de la bossa-nova, révolution musicale d’importance émergeant à Rio à la fin des années 1950. Elle en a fréquenté les pères fondateurs, Tom Jobim (Antonio Carlos Jobim, né en 1927, décédé en 1994), Vinicius de Moraes (1913-1980) et João Gilberto, avec qui elle aura une fille – future chanteuse – Bebel Gilberto. Miucha est morte à Rio de Janeiro jeudi 27 décembre, emportée par un cancer. Elle avait 81 ans. Lire la critique (parue en 2007) : Miucha, exemplaire interprète de la chanson brésilienne Aînée d’une famille de sept enfants, Miucha est née Heloisa Maria Buarque de Hollanda, le 30 novembre 1937, à Rio de Janeiro, d’un père historien et sociologue, Sergio Buarque de Hollanda (auteur notamment de l’ouvrage Racines du Brésil, publié chez Gallimard, en 1998) et de Maria Amélia Buarque de Hollanda (née Cesario Alvim), peintre et pianiste, férue de culture française. De nombreux artistes, intellectuels et poètes fréquentent la maison familiale, à Rio, puis à São Paulo, où la famille déménage lorsque Miucha a huit ans. Un environnement sans aucun doute déterminant quant à sa vocation future, à l’instar de celle de Chico, le frère cadet, et de l’envie de chanter de ses deux sœurs, Ana – qui sera ministre de la culture de la présidente Dilma Rousseff –, et Cristina. Déménagement à Rome En 1953, nouveau déménagement, plus loin. Toute la famille fait ses bagages pour Rome où le père va enseigner. Le poète Vinicius de Moraes y est alors diplomate en poste. Il passe fréquemment à la maison, enseigne la guitare aux enfants, sème davantage encore des rêves de chanteuse dans la tête de Miucha. En 1960, celle-ci part pour Paris étudier l’histoire de l’art à l’Ecole du Louvre. Elle y rencontre à L’Escale, un bar latino dans le 6e arrondissement, que fréquentent également Paco Ibanez ou Violeta Parra, le chanteur et guitariste bahianais João Gilberto, son futur époux. Ils s’installent à New York. Miucha est fascinée par l’invention du musicien. « Il jouait de la guitare sans arrêt, déclarera-t-elle des années plus tard au Monde. Je l’ai vu triturer une chanson dix-huit heures d’affilée, il en épuisait tous les ressorts rythmiques, mélodiques. Ce qui a attiré le regard du monde sur cette musique, ce sont ses extraordinaires voyages sur les accords, cette manière de percuter la guitare, d’organiser des parties de cache-cache complexes entre sa voix et l’instrument. » Miucha se produit sur scène avec lui, le 21 novembre 1962, au Carnegie Hall de New York dans un spectacle auquel participent également Agostinho dos Santos, Sergio Ricardo, Chico Feitosa, Sergio Mendes et Oscar Castro-Neves.
28/12/2018
disparitions
https://www.lemonde.fr/disparitions/article/2018/12/28/la-chanteuse-de-bossa-nova-miucha-est-morte_5403264_3382.html
A Paris, la justice annule le permis de construire d’un centre pour sans-abri dans le 16e
Ces préfabriqués en bois accueillent depuis 2016 quelque 200 résidents, en lisière du bois de Boulogne, un site classé.
Le centre d’hébergement pour sans-abri à Paris dans le 16e arrondissement, le 17 octobre 2016. THOMAS SAMSON / AFP Installé près d’une des rues les plus chics de la capitale, ce centre avait provoqué la colère des riverains. Le tribunal administratif de Paris a annulé, vendredi 28 décembre, le permis de construire délivré en mars 2016 pour l’édification d’un centre d’hébergement pour sans-abri vivement contesté dans le 16e arrondissement. Ouvert à l’issue d’un bras de fer politique, il avait à l’époque été la cible de deux tentatives d’incendie volontaire. Il accueille dans des préfabriqués en bois 200 résidents, allée des Fortifications, en lisière du bois de Boulogne, un site classé. Article réservé à nos abonnés Lire aussi A Paris, la peur des migrants émeut le 16e arrondissement « Quatre illégalités » Saisi par plusieurs associations et riverains, le tribunal a estimé que ce permis, délivré pour une durée de trois ans à titre précaire, était « entaché de quatre illégalités » et l’a par conséquent annulé, a précisé la juridiction administrative dans un communiqué. Le tribunal a considéré que le permis aurait dû être délivré par la Mairie de Paris et non par le préfet de Paris, le projet de centre résultant d’une volonté municipale. Le préfet a omis de procéder préalablement à une opération de déclassement – pourtant obligatoire, le centre étant implanté sur une voie faisant partie du domaine public routier et affectée à la circulation. Il a par ailleurs oublié d’énoncer les dérogations aux règles de l’urbanisme qui s’imposaient, ont estimé les juges. Enfin, l’architecte des Bâtiments de France n’avait pas pris en compte le fait que la construction du centre se trouvait dans le champ de visibilité des immeubles Walter, protégés au titre des monuments historiques. « Enfin, on reconnaît que ce centre a été ouvert d’une manière polémique », a réagi le maire du 16e arrondissement, Claude Goasguen (LR), qui dénonce un « passage en force » de la ville de Paris. « Ça va obliger le préfet à faire appel et ça va nous permettre de négocier le départ » du centre, espère-t-il. « Pas de problème de voisinage » « Personne n’était contre le centre d’hébergement en lui-même, on était contre la construction sur un site classé », a ajouté Christophe Blanchard-Dignac, le président de la Coordination pour la sauvegarde du bois de Boulogne. L’organisation « se réjouit que le droit ait triomphé [et] ne demande pas l’expulsion » des occupants, a-t-il précisé. « On veut simplement qu’à l’issue du délai prévu de trois ans, les installations soient démontées et la route soit transformée en espace vert. » Le permis ayant été délivré en 2016, le centre doit en théorie fermer ses portes en 2019. Compte tenu du temps restant, le tribunal a jugé qu’il n’y avait pas lieu de le régulariser par un permis modificatif. Malgré cela, l’association Aurore, gestionnaire du centre, compte « redéposer un permis pour se mettre en règle, car le centre est installé jusqu’en novembre 2019 », a expliqué son président, Eric Pliez. Protégé par la trêve hivernale, « le centre ne va pas déménager demain », a-t-il ajouté. « Il a toujours été temporaire », et a, selon lui, « trouvé sa place et ne pose pas de problème de voisinage ». L’association espère obtenir « un délai supplémentaire » pour le prolonger au-delà de 2019. Cassation La Ville de Paris a pour sa part indiqué, dans un communiqué transmis à l’Agence France-Presse, qu’elle allait « se pourvoir en cassation » et demander un « sursis à exécution ». « Ce site, par ailleurs esthétiquement très réussi, est complètement intégré dans son environnement et dans le quartier », a-t-elle défendu. « C’est toujours compliqué chez les uns, mais c’est toujours plus simple chez les autres. Des milliers de places ont été ouvertes dans les 18e, 19e, 12e, 13e, 14e, 15e » arrondissements.
28/12/2018
societe
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Cinq hôtels de luxe… en soldes
La Matinale vous invite au voyage. Cette semaine, on se projette en 2019 et on pense « vacances ». Hors saison, à Cannes, Athènes ou Monaco, les palaces cassent les prix. L’occasion unique de goûter, pour une nuit, au luxe cinq étoiles.
Sur les traces d’Esther Williams dans la piscine du Biltmore, à Miami. Dans les pas de Grace Kelly, à l’hôtel de Paris Monte-Carlo. Ou de George Clooney et Steven Spielberg sur la jetée du Martinez à Cannes… Tous ces hôtels de « stars » font des soldes à certaines périodes de l’année. A Cannes, comme une star du festival Soleil d’hiver à Cannes, sur la célèbre jetée du Martinez. HYATT On ne présente plus le Martinez, un des cinq étoiles les plus emblématiques de Cannes et de son festival. Installé comme il se doit sur la Croisette, le Martinez reste lui-même après que le crépitement des flashs a cessé. Son style art déco unique, sa plage face aux îles de Lérins et son restaurant deux étoiles ne disparaissent pas en hiver. Entièrement rénové, l’hôtel vient d’entrer dans The Unbound Collection by Hyatt, le top du célèbre groupe hôtelier américain. En basse saison, c’est-à-dire de novembre à février hors vacances et fêtes, une chambre Deluxe King vue ville est à 200 euros, contre 1 790 euros en haute saison, pour 31 m² de pur raffinement. Mieux encore, la junior suite facturée 5 600 euros en haute saison passe à 300 euros par exemple. On chuchote même que la suite des oliviers à 18 000 euros en haute saison, ou le penthouse du 7e étage, qui ne compte pas moins de quatre chambres et s’étend sur 1 670 m² (45 000 euros en haute saison) peuvent perdre 90 % de leur prix en hiver… Un régime drastique pour une note qui reste néanmoins salée ! Hôtel Martinez, à Cannes. Chambre double à partir de 200 €. Réservations : 04-93-90-12-34 et hyatt.com. A Marrakech, au royaume du pur-sang Le Selman, palais arabo-mauresque à Marrakech, est aussi un haras de pur-sang arabes. SELMAN Aux portes de Marrakech, avec l’Atlas en toile de fond, le Selman doit au talent de Jacques Garcia, son architecte décorateur, son allure unique de palais arabo-mauresque façonnée par les meilleurs artisans marocains. Mais ce qui fait l’identité de ce cinq-étoiles luxe, c’est son domaine qui s’étend sur six hectares, entièrement dédié au pur-sang arabe. Attachés à la culture marocaine, Abdeslam et Saïda Bennani Smires, les propriétaires des lieux, sont fous de chevaux. Leur haras a été élu meilleur élevage de pur-sang arabes du Royaume du Maroc depuis 2014. A Marrakech, le ramadan hors vacances scolaires et les mois de juillet et d’août, très chauds, sont la basse saison : la chambre supérieure est proposée à 275 euros. L’occasion de goûter au luxe marocain. Hôtel Selman, à Marrakech. Chambre double à partir de 275 €. Réservations : + 212- (0)-524-45-96-00 et : selman-marrakech.com. Près d’Athènes, les pieds dans l’eau Le Four Seasons Astir Palace, près d’Athènes : une péninsule couverte de pins qui s’avance sur la mer Egée. Four Seasons Icône glamour en bord de mer, le Four Seasons Astir Palace d’Athènes rouvrira ses portes, le 29 mars prochain. A trente minutes seulement de la capitale et de l’aéroport, l’Astir Palace se cache dans les pins sur une péninsule entourée par la mer Egée. Point de départ idéal pour découvrir la Riviera athénienne, l’établissement, après rénovation, se réinvente en enclave balnéaire : trois plages privées, trois piscines, une académie de tennis, des sports nautiques non motorisés et un tout nouveau centre d’hydrothérapie inspiré des traditions grecques. Le top, ce sont les 61 bungalows luxueux les pieds dans l’eau, mais les chambres sont tout aussi merveilleuses. Loin des tarifs de pleine saison à plus de 3 000 euros pour les villas, l’offre d’ouverture propose une chambre double dans la pinède à partir de 292 euros. La solution parfaite pour entendre chanter les cigales dès le printemps. Four Seasons Astir Palace, à Athènes. Chambre double à partir de à partir de 292 euros à l’occasion de l’ouverture, soit 20 % de réduction sur les chambres standards, petit déjeuner compris. Autre offre, une sixième nuit gratuite pour cinq nuits payées dans une suite ou un bungalow. Réservations au + 1-800-819-5053 ou fourseasons.com. A Miami, dans un palace démesuré Plus grand bassin du monde en 1926, la piscine du Biltmore a vu nager Esther Williams et a eu pour maître‐nageur Johnny Weissmuller. BILTMORE Au fil de sa longue histoire tourmentée, le Biltmore est devenu un de ces hôtels iconiques, dont les Américains ont le secret. Construit dans les années 1920, ce palace aux allures européennes incarne le style mediterranean revival qui fait alors fureur à Miami. Ses décors arabo-andalous mâtinés d’Italie sont uniques, comme sa célèbre tour de 30 mètres qui domine tout le quartier de Coral Gables, une enclave résidentielle au sud de Miami. Le Biltmore, qui a accueilli les têtes couronnées et les stars du monde entier, est le seul hôtel de Miami classé monument historique. Ses 60 hectares de jardin tropical comprennent un golf dix-huit trous, dessiné par Donald Ross, dix courts de tennis et la célèbre piscine du Biltmore, plus grand bassin au monde à l’époque de sa construction en 1926. Après une rénovation complète, ses 273 chambres sont proposées à moins 50 % l’été (hors saison là-bas), passant à 220 euros. A s’offrir pour une folle nuit américaine. Hôtel Biltmore, à Miami (USA). Chambre double à partir de 220 euros environ. Réservations : + 1-855-311-69-03 et biltmorehotel.com. A Monaco, sur les traces de Grace Kelly Le plus ancien palace de Monte-Carlo et sa façade Belle Epoque. SBM Le 18 avril 1956, c’est là qu’eut lieu le dîner de mariage du prince Rainier III avec Grace Kelly. Aujourd’hui, les marbres d’époque de la prestigieuse salle de bal ont retrouvé leur lustre, après quatre années de travaux. Le nouveau patio et ses palmiers est magnifique. Plus que centenaire, l’hôtel de Paris Monte-Carlo est sorti de terre en 1864, avant de connaître sa première grande rénovation en 1909 date à laquelle il prend son architecture Belle Epoque. Au début du XXe siècle, tout le Gotha, l’intelligentsia et les artistes en font l’une de leur villégiature préférée : du prince de Galles, le futur Edouard VII, à Winston Churchill, qui aura sa suite attitrée à partir de 1960 ; Maria Callas, Charlie Chaplin, Salvador Dali y séjourneront également. Errol Flynn y épousera Patrice Wymore en 1950 dans la salle Empire… Même James Bond y aura sa chambre dans GoldenEye. Jusqu’ici totalement inabordable, le palace propose pour sa réouverture des packages à 3 nuits au prix de 2. Hôtel de Paris Monte-Carlo, pour sa réouverture, le palace propose des packages à partir de 392 euros la nuit en chambre double sur la base de trois nuits pour le prix de 2, 4 pour trois et même sept pour le prix de cinq. montecarlosbm.com et + 377-98-06-20-00.
28/12/2018
m-voyage
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Restaurant : A la vierge de la Réunion, prière de savourer
La chef Elsa Marie et son époux Julian May ont ouvert un bar à vins dans le 20e arrondissement parisien, où ils servent des plats simples, efficaces et délicieux. Menu du déjeuner à 20 euros.
Un bar à vins avec son mobilier de bois clair, ses murs dépouillés et ses étagères garnies de bouteilles. Marion Gambin Vous êtes le boss. C’est comme ça que votre fille de 9 ans vous appelle. Vous déjeunez tous les mercredis avec elle A la Vierge de la Réunion, votre nouveau-né. Aux commandes de ce bistrot que vous adoriez avant même de l’acheter, vous avez placé une femme que vous connaissez bien. Elsa Marie a travaillé il y a des années pour vous non loin de là, aux Pères populaires, rue de Buzenval. Elle est venue avec son époux, Julian May. Ils sacrifient leur vie de couple pour faire tourner La Vierge. Elsa assure les services du midi avec des plats simples et bien sentis. Le soir, Julian entre en scène, avec des assiettes à partager et des plats plus familiaux, ambiance pot-au-feu un soir d’hiver. A eux deux, ils régalent ce fond du 20e arrondissement que vous affectionnez. La clientèle est hétéroclite. Un éboueur prend un café au comptoir. Deux blondes chétives, silhouettes Vogue-presse féminine, entrent et cherchent d’un regard anxieux la meilleure table à confidences. Une vieille dame du quartier a réservé la table ronde centrale pour déjeuner avec ses enfants. Votre fille compte les couverts. Depuis toujours, elle joue à la patronne. Un jour, elle le sera, vous n’en doutez pas. « Papa, je n’ai jamais vu la salle du fond si pleine. » Ça vous fait sourire. Passer un moment agréable entre potes C’est vrai que, depuis l’ouverture, vous avez eu du mal à remplir le restau le midi. La salle est vaste, dans son jus, parquet vieilli au sol, tables de bistrot d’origine. Il y a tout pour passer un moment agréable entre potes. Ça marche le soir. Mais vous sentez un frémissement au déjeuner : il y a de plus en plus de monde. Les gens se déplacent pour venir découvrir la cuisine cinglante de votre protégée. Elsa Marie a fait ses armes chez Septime, puis comme prof dans l’école de Cyril Lignac. Surtout, elle a voyagé. Quand on la regarde, on ne peut se dire qu’une chose : elle a compris que la vie était une intensité à déguster. Cette puissance tapissée de douceur se ressent dans les assiettes. Un chou rouge râpé emmené par un haddock fumé ; une daurade à la peau parfaitement crousti-grillée accompagnée de choux de Bruxelles roulés al dente dans une sauce au beurre, une purée de troncs de brocolis. Simplicité, efficacité, sourire des convives. Et le vôtre en prime. Elsa parle toute seule : « C’est la journée lentilles ! Tout le monde commande des lentilles. Mais le chou est délicieux ! » Certains entendent sa remarque – la cuisine est ouverte – et changent leur commande. Vous intervenez : « Vous n’êtes pas obligés de lui obéir ! » Même si vous reconnaissez que ça a du bon de se laisser porter par une telle nature. Chou rouge râpé et haddock fumé. Marion Gambin Alors que vous parlez aux clients, votre fille en profite pour lancer un sondage. Sur une caisse de vin, elle écrit au feutre noir, avec ses déliés enfantins : « Bon appétit ! Est-ce bon ? Donnez votre avis. » Une flèche indique les pointillés sur lesquels on peut donner son appréciation. Puis elle ajoute : « C’est délicieux. » Vous êtes bien d’accord avec elle. A la Vierge de la Réunion : 58, rue de la Réunion, Paris 20e, Tél. : 01-43-67-51-15. Ouvert du lundi au vendredi, de midi à 14 heures, puis de 19 heures à 22 h 30. www.alaviergedelareunion.fr L’addition : menu à 20 € le midi, autour de 30 € le soir, à la carte. Délit d’initiés : le menu du déjeuner offre de nombreuses combinaisons. Si vous hésitez entre deux ou trois entrées, prenez-les toutes ! Les incontournables : le menu du jour, ainsi que des vins comme le Calcarius, bombino venu des Pouilles. Le bémol : dommage qu’il ait fallu choisir entre le chou et les lentilles… La sentence : une adresse où il fait bon vivre, où manger ne requiert aucune prétention.
28/12/2018
m-gastronomie
https://www.lemonde.fr/m-gastronomie/article/2018/12/28/restaurant-a-la-vierge-de-la-reunion-priere-de-savourer_5403249_4497540.html
L’ancienne présidente des Philippines, Gloria Arroyo, libérée des dernières charges à son encontre
La justice philippine pointe le manque de preuves dans une affaire de fraude électorale remontant à 2007. L’ex-dirigeante avait aussi été accusée d’avoir détourné 6,8 millions d’euros.
Gloria Arroyo au Congrès, dans la capitale philippine, Manille, le 23 juillet 2018. NOEL CELIS / AFP Pas assez de preuves : un tribunal de Manille a levé vendredi 28 décembre la dernière d’une longue série d’accusations à l’encontre de l’ex-présidente Gloria Arroyo. Selon ses détracteurs, l’ancienne dirigeante aurait conspiré avec des politiciens locaux afin de truquer les élections de mi-mandat en 2007, en vue de favoriser ses alliés au Sénat. « Devant l’échec de l’accusation à prouver la culpabilité de l’accusée au-delà de tout doute raisonnable et malgré de nombreuses opportunités, les charges de “sabotage électoral” à l’encontre de Mme Arroyo sont abandonnées par la présente », précise l’arrêt. Cette décision couronne une réhabilitation remarquable de Mme Arroyo, alliée de l’actuel président, Duterte. L’ancienne présidente de 71 ans avait dirigé les Philippines de 2001 à 2010, mais son mandat avait été entaché d’allégations de corruption massive et de fraudes électorales. Accusée de corruption En 2011, Gloria Arroyo avait finalement été emprisonnée pour « sabotage électoral », avant d’être aussi accusée en 2016 d’avoir volé 366 millions de pesos philippins (environ 6 millions d’euros) issus d’une loterie publique en faveur d’associations caritatives. Benigno Aquino, un fervent opposant de Mme Arroyo, avait fait d’elle la cible principale de sa campagne anticorruption, lorsqu’il avait été élu président, en 2010. Mais la chance est revenue pour l’ancienne dirigeante quand son allié, Rodrigo Duterte, a été à son tour élu président en 2016. Elle le soutient fidèlement, malgré sa campagne controversée contre les drogues, largement condamnée par les associations des droits humains, qui a coûté la vie à des milliers de personnes. Article réservé à nos abonnés Lire aussi Rodrigo Duterte, itinéraire d’un tueur à la tête des Philippines Mme Arroyo a ainsi été autorisée en 2016 à être libérée sous caution concernant l’accusation de sabotage électoral. Elle a été effectivement relâchée plus tard dans l’année, lorsque la Cour suprême des Philippines a abandonné les charges pour vol la concernant. En dépit des controverses, l’ancienne dirigeante avait été élue membre du Congrès en 2010, en tant que députée de la province du nord de Manille, d’où sa famille est originaire. Elle occupe toujours cette fonction et a été élue en juillet présidente de la Chambre des représentants, chambre basse du Congrès des Philippines.
28/12/2018
international
https://www.lemonde.fr/international/article/2018/12/28/l-ancienne-presidente-des-philippines-gloria-arroyo-liberee-des-dernieres-charges-a-son-encontre_5403245_3210.html
Cinq questions sur le « shutdown » aux Etats-Unis
La nouvelle majorité de la Chambre des représentants, qui doit faire ses débuts jeudi, devra trouver une solution à l’impasse budgétaire qui paralyse une partie de l’Etat fédéral.
Washington, Etats-Unis le 28 décembre 2018. J. Scott Applewhite / AP Depuis samedi 22 décembre 2018 à minuit, une partie du gouvernement fédéral des Etats-Unis est gelé. C’est le shutdown (fermeture), en vocabulaire politique états-unien. Donald Trump voulait 5 milliards de dollars (4,4 milliards d’euros) pour commencer à construire un mur antimigrants à la frontière avec le Mexique. Faute d’une majorité suffisante au Sénat, il n’a pas pu les obtenir et, en l’absence d’un consensus sur le budget au Congrès, une partie des agences qui relèvent de l’Etat fédéral ne sont plus financées. Cette situation devrait se prolonger jusqu’à ce que les membres de la Chambre des représentants et les sénateurs élus lors des élections de mi-mandat de novembre prennent leurs sièges, le 3 janvier. Qu’implique une fermeture des administrations ? Huit cent mille fonctionnaires fédéraux sont affectés au sein des ministères de l’intérieur, de la justice, de l’agriculture et du commerce, ainsi que dans plusieurs agences fédérales. Parmi eux, 380 000 agents sont invités à rester à leur domicile, tandis que 420 000 autres, jugés essentiels, devront travailler sans recevoir de salaire avant la conclusion d’un accord. La plus grande partie des 4 millions de fonctionnaires états-uniens ne sont cependant pas concernés. En effet, certains ministères importants, dont ceux de la défense, de l’énergie et du travail, sont financés jusqu’en septembre. Alors que le shutdown est entré dans sa douzième journée, mercredi 2 janvier, les fonctionnaires concernés sont contraints de s’adapter. L’agence indépendante du gouvernement responsable de la fonction publique fédérale a ainsi invité les agents non payés à demander à leurs propriétaires et à leurs banques, pour les locataires et les personnes devant rembourser des prêts, de pouvoir payer seulement une partie de ce qu’ils doivent le temps du shutdown. La Smithsonian, une institution de recherche scientifique, a par ailleurs fait savoir que si le gel du gouvernement états-unien se poursuivait, elle serait contrainte de fermer tous ses musées et ses centres de recherche. Comment en est-on arrivé là ? Donald Trump en avait fait une promesse et un marqueur central de sa campagne : le président des Etats-Unis veut construire un mur le long de la frontière américano-mexicaine pour rendre impossible toute immigration illégale en provenance du territoire mexicain. M. Trump avait assuré que les Etats-Unis feraient payer la construction de ce mur frontalier au Mexique. Face à l’impossibilité de tenir cette promesse illusoire, le président états-unien doit en faire voter le financement par le Congrès. C’est un enjeu majeur pour M. Trump qui est désormais tourné vers l’échéance de l’élection présidentielle de 2020. Or, pour faire passer le budget, les républicains ont besoin d’une majorité qualifiée de 60 sièges sur 100, majorité dont ils ne disposent pas avec seulement 51 sénateurs. Un accord avec les sénateurs démocrates est donc nécessaire, mais l’inflexibilité de Donald Trump sur la question du mur le rend impossible. Il a lui-même affirmé que le shutdown, dont il avait déclaré dans un premier temps qu’il en assumerait la responsabilité, durerait jusqu’à ce qu’il obtienne du Sénat le financement du début de la construction du mur à la frontière avec le Mexique. Jeudi 27 décembre, la porte-parole du président Trump, Sarah Huckabee Sanders, a affirmé dans un communiqué faisant référence au projet de mur : « Le président ne veut pas que l’Etat reste gelé, mais il ne signera aucune proposition qui ne donne la priorité à la sécurité et à la sûreté de notre pays. » La question du mur était toujours au centre des débats vendredi. Donald Trump a ainsi menacé sur son compte Twitter de procéder à la fermeture totale des points de passages officiels avec le Mexique si les démocrates continuaient à refuser de voter le financement du mur. We will be forced to close the Southern Border entirely if the Obstructionist Democrats do not give us the money to… https://t.co/J3Jd0yCcvL — realDonaldTrump (@Donald J. Trump) Pourquoi le contexte politique compte-t-il ? Le 3 janvier, les sénateurs et les membres de la Chambre des représentants qui ont conservé ou gagné leur siège lors des élections de mi-mandat de novembre vont entrer en fonctions. Au Sénat, les républicains restent majoritaires, mais leur nombre ne leur permet cependant pas d’atteindre la majorité qualifiée nécessaire pour faire passer le budget avec le financement du mur. En revanche, les démocrates seront majoritaires à la Chambre des représentants. Ils pourront ainsi voter une loi permettant de financer certains secteurs de l’administration américaine sans pour autant valider le projet de mur frontalier de Donald Trump. En mettant fin au blocage du gouvernement fédéral, les démocrates pourront prendre l’initiative et apparaître comme les artisans d’une sortie de crise. En somme, une opposition raisonnable, facteur de stabilité, face à un président au comportement erratique. Ce récit, que tentent d’imposer les démocrates, se reflète dans le choix des mots effectué par la future présidente démocrate de la Chambre, Nancy Pelosi, qui a déclaré dans un communiqué : « Nous voterons rapidement la reprise des activités de l’Etat et nous démontrerons qu’à l’avenir les démocrates gouverneront de manière responsable, contrairement à cette Maison Blanche où le chaos règne. » Quel est l’impact économique du « shutdown » ? Le shutdown n’est pas dénué de conséquences économiques. Les parcs nationaux étant placés sous l’autorité du ministère de l’intérieur, ils doivent fermer ; ce qui pénalise le secteur du tourisme. Par ailleurs, les fournisseurs de l’Etat verront leurs factures réglées en retard et la baisse des dépenses à laquelle sont contraints les fonctionnaires affectés ponctionne la demande. Ce blocage survient par ailleurs dans un contexte où l’économie du pays présente des signes de faiblesse. Entre le 17 et le 21 décembre, Wall Street a traversé sa plus mauvaise semaine depuis 2008 avec une baisse de – 8,36 % pour le Nasdaq. Lundi 24 décembre, la Bourse de New York a flanché à nouveau avant de terminer en hausse jeudi. Par ailleurs, la crise budgétaire augmente les risques d’une crise autour du plafond de la dette publique et d’un défaut de paiement aux conséquences économiques potentiellement sévères. Quels sont les précédents ? Ce blocage budgétaire est le troisième de l’année, après janvier (trois jours) et février (quelques heures), déjà à cause de la question migratoire. Le précédent, en octobre 2013, avait duré seize jours, et le record a été atteint en 1995-1996 avec vingt et un jours, sous la présidence de Bill Clinton. En tout, depuis 1976, les Etats-Unis ont connu dix-sept shutdowns.
28/12/2018
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L’écrivain israélien et militant pour la paix Amos Oz est mort
L’auteur d’« Une histoire d’amour et de ténèbres » et cofondateur du mouvement La Paix maintenant est mort le 28 décembre, à l’âge de 79 ans, des suites d’un cancer.
L’écrivain israélien Amos Oz à Tel Aviv en 2015. DAN BALITY / AP Amos Oz, considéré comme l’un des plus grands écrivains israéliens, est mort le 28 décembre à l’âge de 79 ans. Parfois plus connu sur la scène internationale pour ses prises de position politiques que pour ses écrits, ce porte-parole de la gauche sioniste israélienne n’en laisse pas moins une œuvre littéraire remarquable et maintes fois primée, riche d’une vingtaine de romans et de recueils de nouvelles, auxquels s’ajoutent une demi-douzaine d’essais et d’innombrables articles de presse. Avec sa disparition s’éteint la voix d’un des écrivains les plus représentatifs, avec A. B. Yehoshua, de la génération dite « de l’Etat », née au moment de la création de l’Etat d’Israël. Leurs œuvres explorent la manière dont se concilient, à l’épreuve de la réalité, le rêve sioniste collectif de leurs aînés et leurs propres aspirations individuelles. Elevé exclusivement en hébreu Né le 4 mai 1939 à Jérusalem, dans un minuscule appartement du quartier de Kerem Avraham, dans le nord-est de la ville alors sous contrôle britannique, Amos Klausner a grandi dans un milieu modeste mais intellectuel. Son père, Arié Klausner, originaire d’Odessa (Ukraine), spécialiste en littérature étrangère et hébraïque, était employé à la bibliothèque du mont Scopus, devenue la bibliothèque nationale d’Israël en 1948. Sa mère, Fania, née à Rovno, en Ukraine, et diplômée de l’université de Prague, donnait des cours de littérature et d’histoire à des lycéens. La famille avait émigré en Palestine dans les années 1930 et connaissait les difficultés propres aux immigrants : jamais Arié n’a obtenu le poste universitaire auquel il aspirait. Enfant unique, plutôt solitaire, le petit Amos baigna dans une atmosphère idéologique nourrie par le sionisme nationaliste de Vladimir Jabotinsky (1880-1940) et de Menahem Begin (1913-1992). Elevé exclusivement en hébreu, alors même que son père parlait onze langues, il était alors, selon ses termes, un « petit chauvin déguisé en pacifiste. Un nationaliste hypocrite et doucereux », un « fanatique », qui jouait à la guerre et s’enflammait contre les Anglais et les Arabes, comme il l’a raconté dans Une panthère dans la cave (Calmann-Lévy, 1997) et dans La Colline du mauvais conseil (Calmann-Lévy, 1978). C’était aussi un lecteur insatiable, qui put nourrir, grâce à l’imposante bibliothèque de son père, un amour « physique, érotique » pour les livres. Et un enfant curieux, dont la vocation de romancier naquit des longues heures passées au café avec ses parents, à observer les individus autour de lui pour tromper son ennui. A l’époque, il rêvait toutefois d’être un livre plutôt qu’un écrivain : « Les hommes se font tuer comme des fourmis. Les écrivains aussi. Mais un livre, même si on le détruisait méthodiquement, il en subsisterait toujours quelque part un exemplaire qui ressusciterait sur une étagère (…) », écrit-il ainsi dans Une histoire d’amour et de ténèbres (Gallimard, 2004), sa foisonnante autobiographie, considérée comme son chef-d’œuvre.
28/12/2018
disparitions
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