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La comtesse de Flandre est membre de plusieurs ordres :
Artiste de talent, la comtesse de Flandre a laissé des aquarelles, des peintures à l'huile et des eaux-fortes exposées à deux reprises (1983 et 1990) au musée ducal de Bouillon, puis en été 2015 au palais royal de Bruxelles sous le titre « Marie de Flandre. Paysages romantiques ».
La comtesse de Flandre a été représentée par différents artistes peintres allemands et belges, :
: document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.
Le noir parler, parler noir ou langue noire (en anglais Black Speech) est l'une des langues construites conçues par l'écrivain et philologue J. R. R. Tolkien dans le cadre des récits de la Terre du Milieu.
Il s'agit de la langue de Sauron, le Seigneur des Ténèbres, et de ses serviteurs. La quasi-totalité du corpus connu de cette langue apparaît dans Le Seigneur des anneaux : il se compose d'une phrase, l'inscription gravée sur l'Anneau unique, et de quelques mots et noms isolés.
En noir parler comme pour les autres langues inventées par Tolkien, il faut distinguer deux axes chronologiques de développement :
Dans les ouvrages de la série Histoire de la Terre du Milieu, Christopher Tolkien n'aborde pas la naissance ou l'évolution du noir parler. Selon Édouard Kloczko, sa création se situe tardivement durant la rédaction du Seigneur des anneaux, lors de ce que Christopher Tolkien a qualifié de « quatrième phase » d'écriture du roman. C'est dans un manuscrit du chapitre « L'Ombre du passé » qu'apparaît pour la première fois la version en noir parler de l'inscription de l'Anneau, en lettres latines, puis en tengwar. L'inscription en tengwar emploie un mode qualifié par Kloczko d'« aberrant », où les lettres se voient attribuer des valeurs éloignées de celles qu'elles possèdent dans les modes elfiques usuels des tengwar. Cette idée est rapidement abandonnée.
Tolkien conçoit à dessein le noir parler comme une langue aux sonorités déplaisantes, mais non dénuée de sens, « pas un simple ensemble superficiel de vilains sons ». Dans une lettre de 1967, il note que le terme gaélique irlandais nasc, qui signifie « lien » (correspondant à l'écossais nasg « anneau » ou « contrainte ») a pu lui inspirer inconsciemment le noir parler nazg « anneau ». La langue a également été comparée au turc pour ses sonorités, et au hourrite pour sa grammaire et son vocabulaire.
Le noir parler est conçu par Sauron au cours du Second Âge ; la date exacte est inconnue, mais se place nécessairement avant la forge de l'Anneau unique (vers 1600 S.A.). Son but est d'en faire la langue unique de tous ses serviteurs, mais ce projet échoue, pour des raisons inconnues. Les Orques incorporent néanmoins des éléments de cette langue dans leurs dialectes tribaux, à l'image de ghâsh « feu », entendu par Gandalf dans la Moria. Après la première défaite de Sauron, en l'an 3441 du Second Âge, le noir parler disparaît, n'étant plus connu que des Nazgûl.
Le noir parler rentre en usage au Troisième Âge avec le retour de Sauron. Il est employé par les capitaines du Mordor et par les Olog-hai, une nouvelle race de Trolls conçue par Sauron ; les Orques, quant à eux, emploient une forme « dégradée » de la langue, ou bien persistent dans l'utilisation de leurs patois dérivés du westron. La chute finale de Sauron, en 3019 T.A., entraîne vraisemblablement la disparition définitive du noir parler.
Les vers gravés sur l'Anneau unique sont à ce jour le seul exemple connu de phrase en noir parler « pur ». Ils apparaissent dans Le Seigneur des anneaux, en tengwar dans le chapitre « L'Ombre du passé » (Livre I, chapitre 2), puis en alphabet latin dans le chapitre « Le Conseil d'Elrond » (Livre II, chapitre 2) :
Une autre phrase existe, mais elle provient de la version « dégradée » du noir parler employée par les Orques à la fin du Troisième Âge. Elle apparaît dans le chapitre « L'Uruk-hai » (Livre III, chapitre 3) :
Tolkien en a proposé cinq traductions différentes, dont trois ont été publiées à ce jour :
Au-delà de ces deux phrases ne sont connus que quelques noms propres :
Le corpus du noir parler est trop réduit pour déterminer son système phonologique. Tout au plus peut-on dresser l'inventaire des consonnes et voyelles attestées.
Selon Helge Fauskanger, le noir parler possède les consonnes b, d, k, g, gh [ɣ], l, m, n, p, r [ʁ], s, sh [ʃ], t, th [θ] et z ; f et kh [x] ne sont attestées que dans des noms d'Orques. Édouard Kloczko propose la même liste, en y ajoutant bh [β] et h. Kloczko note « la prédominance des consonnes occlusives (b, k, g), que l'on retrouve aussi souvent dans les noms orques ». La proportion de consonnes constrictives, et notamment d'occlusives, est sensiblement plus élevée en noir parler que dans les principales langues elfiques inventées par Tolkien, ce qui donne un aspect beaucoup plus « rude » à la langue conçue par Sauron,. Tolkien note aussi que les Orques faisaient usage d'un r uvulaire, un son que les Elfes trouvaient déplaisant, comme en témoigne leur réaction lorsque Gandalf lit l'inscription de l'Anneau au Conseil d'Elrond :
« Le changement dans la voix du magicien était saisissant. Elle s'était soudain faite menaçante, puissante, dure comme la pierre. Une ombre sembla passer sur le soleil à son zénith, et l'obscurité envahit un moment le porche. Tous tremblèrent, et les Elfes se bouchèrent les oreilles. »
Fauskanger et Kloczko remarquent que le noir parler ne semble pas faire usage du e. Les autres voyelles sont toutes présentes, bien que le o soit rare. Deux voyelles longues sont connues, â et û, cette dernière également notée ú.
En août 2010, la BBC rend publique une interview de Tolkien enregistrée en 1968 dans laquelle Tolkien lit l'inscription de l'Anneau. Il prononce le g final de nazg [g] et le gh d'agh, [kh].
L'unique exemple connu de noir parler écrit est l'inscription de l'Anneau unique. Elle fait usage des tengwar, un système d'écriture d'origine elfique, selon les conventions de « l'usage général », le mode le plus fréquemment employé par Tolkien, à une nuance près : le tehta (signe diacritique) en forme de boucle ouverte sur la droite y représente le u et non le o, du fait de la rareté de ce dernier en noir parler.
Le noir parler semble être une langue agglutinante, c'est-à-dire que des morphèmes y sont concaténés à des bases pour indiquer divers traits grammaticaux. L'inscription de l'Anneau ne présente que des suffixations, mais Tolkien indique que la préfixation existe également : les particules désignant un sujet sont généralement préfixées, alors que celles exprimant un objet sont plutôt suffixées.
Fauskanger propose d'analyser les groupes verbaux de l'inscription de l'Anneau en durb-at-ul-ûk « gouverner-les-tous », gimb-at-ul « trouver-les », thrak-at-ul-ûk « amener-les-tous » et krimp-at-ul « lier-les », le suffixe -at pouvant représenter soit un infinitif, soit une forme prospective, désignant un but. Il rejette les découpages durb-a-tul-ûk, gimb-a-tul, etc., qui constitueraient selon lui un système « moins net ». Kloczko ne propose pas de segmentation, notant les deux formes possibles -ul et -tul.
La parution du fanzine Parma Eldalamberon no 17, en 2007, a offert la première analyse connue de cette phrase par son auteur. Tolkien procède à une analyse en durb-at-ulûk, avec :
De la même façon, burzum-ishi « ténèbres-dans » présente la postposition -ishi « dans », que Kloczko et Fauskanger rapprochent de la désinence quenya de locatif -ssë,.
On connaît l'adjectif numéral ash « un ».
On ne connaît qu'une trentaine de mots de vocabulaire, dont il est difficile de tirer des règles de formation des mots. L'exemple búrz (« noir, sombre », extrait de Lugbúrz « Tour Noire ») / burzum (« ténèbres ») permet de déduire le suffixe -um, comparable à l'anglais -ness, qui permet de substantiver un adjectif.
Le terme uruk, qui désigne les orques du Mordor les plus puissants et les mieux entraînés, provient directement des langues elfiques, lesquelles possèdent toutes un terme proche pour désigner les Orques : orch en sindarin, urko en quenya, dérivant d'une racine *ruku. En eldarin commun (la langue ancêtre du quenya et du sindarin, entre autres), le mot uruk signifie « monstre ». Fauskanger propose de voir dans cet emprunt direct le signe que Sauron est à l'origine de la corruption des premiers elfes en orques, et Kloczko pointe un texte de Tolkien où celui-ci indique clairement que les premiers orques ont été conçus par Sauron,.
D'autres exemples d'emprunts sont envisageables :
Plusieurs musiciens de black metal ont réutilisé le noir parler. Le groupe Burzum tire son nom d'un terme apparaissant dans l'inscription de l'Anneau unique et signifiant « ténèbres », et les paroles d'une chanson du groupe Summoning, Mirdautas Vras, sont entièrement écrites dans une langue censée être du noir parler.
Les adaptations cinématographiques du Seigneur des anneaux et du Hobbit réalisées par Peter Jackson présentent plusieurs phrases en noir parler. Outre l'inscription de l'Anneau, dont le début sert de cri de guerre aux Orques lors de la bataille de la Porte Noire, des compositions neuves ont été forgées par David Salo, qui a produit les traductions et inscriptions en langues imaginaires des trois films : une phrase proférée par le Roi-Sorcier à Amon Sûl dans La Communauté de l'anneau et un cri de guerre des armées de Sauron dans Les Deux Tours. En outre, une traduction de la totalité du poème de l'Anneau apparaît dans la bande originale de La Communauté de l'anneau.
Plusieurs amateurs ont élaboré leurs propres grammaires et vocabulaires du noir parler à partir des éléments laissés par Tolkien. L'un des exemples les plus significatifs est le svartiska, une invention suédoise (le noir parler est appelé Svartspråk en suédois) fréquemment employée sous une forme simplifiée lors de jeux de rôle grandeur nature.
La Kabylie (en kabyle : Tamurt n Leqbayel, Tamurt n Iqbayliyen ou Tamurt n Izwawen) est une région historique située dans le Nord de l'Algérie, à l'est d'Alger.
Terre de montagnes densément peuplées, elle est entourée de plaines littorales à l'ouest et à l'est, au nord par la Méditerranée et au sud par les Hauts Plateaux. Dénuée d'existence administrative globale, elle tient son nom des Kabyles, population de culture et de traditions berbères, dont elle est le foyer. Son histoire a fait d'elle un pôle de résistance aux conquérants successifs, mais aussi le point d'appui de plusieurs entreprises dynastiques, et l'a placée au premier plan des mouvements pour la reconnaissance de l'identité amazighe (berbère) dans l'Algérie et l'Afrique du Nord contemporaines.
La variété de son écosystème en fait le siège d'une biodiversité protégée par plusieurs parcs nationaux. Son climat, modulé par le relief, peut comporter des hivers rigoureux et des étés arides. Le développement de l'agriculture, principalement arboricole, y étant limité par les conditions naturelles, la Kabylie est aussi, traditionnellement, le centre d'une importante production artisanale typique et une terre d'émigration.
Outre son patrimoine historique, la région possède un patrimoine immatériel important, incluant une littérature orale, un équilibre et un mode de vie paysans qui restent à préserver. Dans l'Algérie indépendante, son économie connait des évolutions marquées par la création de groupes industriels publics ou privés et un intérêt pour son potentiel touristique.
En français, « Kabylie » dérive de « Kabyle », que l'étymologie la plus couramment admise fait dériver de l'arabe qabā'il, pluriel de qabila, « tribu ». Au sens premier, les Kabyles seraient donc simplement les « gens des tribus ». Dans l'histoire précoloniale de l'Afrique du Nord, la tribu est la forme d'organisation sociale qui s'est maintenue contre ou malgré toutes les tentatives de soumission des États (makhzen) émergents. Les officiers français, successeurs du makhzen ottoman, se sont d'abord servis du terme pour distinguer moins une ethnie ou une région précises qu'un type d'adversaire particulièrement opiniâtre : le montagnard. Mais le mot fut aussi employé pour désigner de façon plus spécifique les seuls montagnards berbérophones ou encore, en un sens plus général, tous les Berbères sédentaires, voire tous les sédentaires d'Afrique du Nord.
L'introduction du toponyme semble due aux voyageurs européens : on n'en trouve pas de trace plus ancienne chez les auteurs d'expression arabe. Les berbérophones de la région la nomment en kabyle « Tamurt n Leqbayel » (en tifinagh : ⵜⴰⵎⵓⵔⵜ ⵏ ⵍⵇⴱⴰⵢⵍ), « le pays des Kabyles », Tamurt n Izwawen (Izwawen étant le nom originel des Kabyles) ou plus simplement « Tamurt », qui signifie « la terre natale », « la patrie ». Les arabophones l'appellent « بَلَد القبائل » (prononcé [blæd ləqbæyəl] en arabe algérien), littéralement « pays des tribus ».
La dénomination « Kabylie » (au singulier ou au pluriel) était initialement appliquée à toutes les régions du Maghreb peuplées de Kabyles, à tous les sens de ce terme, et avait donc la même polysémie que lui. On parlait ainsi de Kabylies de l'Ouarsenis, de la Saoura, du Maroc ou encore de Tunis,. Mais elle prit à partir du milieu du XIXe siècle une signification plus précise, pour être progressivement réservée à l'ensemble d'un seul tenant que forment les montagnes telliennes entre Alger et Constantine, autour des massifs du Djurdjura, des Bibans et des Babors. Le mot « Kabyle » se vit à son tour redéfini pour ne plus s'appliquer qu'à la population habitant ou originaire de la région ainsi circonscrite, alors plus largement berbérophone qu'aujourd'hui et réputée berbère dans son ensemble, y compris dans sa composante orientale et arabophone, les Kabyles El Had'ra. De fait, la géographie physique ne suffit pas, notamment vers l'est, à borner précisément cet espace souvent décrit comme une juxtaposition de « Kabylies ». Selon les auteurs, il peut encore s'étendre, en s'en tenant aux sources contemporaines, tantôt jusqu'au contact des confins algéro-tunisiens, tantôt jusqu'en vue d'Annaba, tantôt jusqu'à la péninsule de Collo,, cette dernière définition s'appuyant, au-delà de la géographie physique, sur une unité humaine marquée sinon partout par une même langue, du moins par un même mode de vie paysan.
L'usage courant, notamment local, connaît aussi des définitions plus resserrées, qui tendent à laisser de côté les territoires les plus arabisés : dans le kabyle des années 1950 déjà, le mot Aqbayli, bien que sans traduction géographique rigoureuse, renvoyait grossièrement à un espace circonscrit entre Thenia d'un côté, Sétif et Jijel de l'autre ; périmètre qui ne retient, dans le découpage administratif de 1984, que les wilayas de Tizi Ouzou et Béjaïa, l'Est de celle de Boumerdès, le Nord de celles de Bouira, Bordj Bou Arreridj et Sétif et l'Ouest de la wilaya de Jijel,,. Les cartes en circulation dans la mouvance régionaliste contemporaine ne dépassent pas le cadre de ces sept wilayas,. Dans la sphère académique, l'étude de la région, selon une forme de métonymie, se restreint souvent de fait à sa partie nord-occidentale, la Grande Kabylie, élargie tout au plus jusqu'à l'ouest de Béjaïa pour incorporer la majeure partie de l'aire kabylophone actuelle. La tendance se trouvait déjà chez les auteurs français du XIXe siècle, dont certains allèrent jusqu'à réserver à cette seule sous-région le nom de Kabylie. Mais ces derniers n'ont pas été suivis, et le sens donné au terme peut encore fortement varier d'un ouvrage à l'autre.
Composante de l'Atlas tellien située en bordure de la mer Méditerranée, la Kabylie tire son unité physique du relief montagneux qu'évoque son surnom traditionnel de Tamurt idurar, « le pays des montagnes ». L'altitude y connaît cependant des variations et des ruptures qui sont le support de plusieurs subdivisions.
La principale est celle qui sépare Grande et Petite Kabylies. Sa délimitation usuelle, qui correspond à celle des dialectes « occidentaux » et « orientaux » du kabyle, passe dans sa partie méridionale sur les hauteurs du Djurdjura, recoupant ainsi une distinction traditionnelle, selon l'altitude des habitations, entre « ceux d'en-haut » (Seff Ufella) et « ceux d'en-bas » (Seff Wadda) ;
au nord, en revanche, elle n'a pas de support naturel nettement défini, mais suit une ligne de partage historique utilisée à diverses reprises : wilayas algériennes, départements d'Alger et de Constantine sous la colonisation française, beyliks de Médéa et de Constantine sous la régence d'Alger.
La Grande Kabylie se distingue par son altitude des régions voisines et s'étend, du nord au sud, de la côte méditerranéenne jusqu'aux crêtes du Djurdjura. Trois ensembles montagneux en occupent la plus grande part :
Le territoire de la Grande Kabylie recouvre aujourd'hui la wilaya de Tizi Ouzou et une partie de celles de Bouira et Boumerdès. Les expressions de « Haute Kabylie » ou de « Kabylie du Djurdjura » sont souvent employées comme synonymes de « Grande Kabylie », l'une ou l'autre de ces appellations pouvant aussi désigner, plus spécifiquement, la partie située au sud du Sebaou. Les franges méridionales de la région, au sud du Djurdjura, autour de la vallée de l'oued Sahel, peuvent être considérées comme un ensemble à part, distinct des Grande et Petite Kabylies et centré sur la ville de Bouira.
La Petite Kabylie gravite quant à elle autour de Béjaïa, l'antique Saldae, la plus grande ville de Kabylie, surnommée Bgayet n Lejdud (« Béjaïa des ancêtres »). Son territoire reprend en partie les contours de l'ancienne province de Bougie décrite par Ibn Khaldoun. Elle englobe la vallée de la Soummam jusqu'à la côte et se poursuit par la « Corniche kabyle », qui surplombe la Méditerranée entre Béjaïa et Jijel. Plus au nord, elle s'étend sur les versants du Djurdjura oriental et de l'Akfadou (point culminant à 1 623 m). Elle se prolonge vers le sud jusqu'à la chaîne des Bibans et vers l'est par celle des Babors, dont le mont éponyme est le plus haut sommet de la sous-région (2 004 m) et qui est elle-même bordée au sud par le Guergour. Les définitions les plus larges ajoutent à l'ensemble kabyle le massif de Collo, qui forme l'hinterland du cap Bougaroun, voire les montagnes qui bordent la plaine d'Annaba.
Par sa superficie, la Petite Kabylie n'est pas plus « petite », mais plus étendue que la Grande, si on ne la limite pas à la wilaya de Béjaïa. Toutefois elle est morcelée par le relief, à tel point qu'on parle aussi de plusieurs « Petites Kabylies » : Kabylie de la Soummam, parfois rattachée, du moins pour son versant nord, à la Grande Kabylie ; Kabylie des Babors, parfois considérée comme « la » Petite Kabylie stricto sensu ; Kabylies des Bibans et du Guergour, au sud des précédentes ; vers l'est, Kabylie orientale et Kabylie de Collo, souvent traitées en tout ou partie comme un ensemble à part, la première précédant ou englobant, voire succédant à la seconde, selon les auteurs.
L'expression de « Basse Kabylie », fréquemment utilisée comme équivalent de « Petite Kabylie », sert également à désigner une autre partie de la région, celle qui s'étend entre la Mitidja et la basse vallée du Sebaou. Premier sous-ensemble kabyle rencontré en venant d'Alger, c'est un espace de transition entre plaine et montagne. Beaucoup moins étendue que ses voisines, la Basse Kabylie est aujourd'hui englobée dans la wilaya de Boumerdès.
Liste de quelques sommets de Kabylie
La Kabylie comporte plusieurs zones climatiques. Le littoral et la Kabylie maritime sont de climat méditerranéen. L'hiver y est plutôt doux comparé au reste de la région, avec une température de 15 °C en moyenne. La période estivale, rafraîchie par les vents marins, présente une température moyenne de 35 °C environ. Sur les hauteurs, le climat est beaucoup plus rude, avec parfois des températures négatives et une neige abondante l'hiver et des étés très chauds, très secs, notamment vers le sud où la pluviométrie est moindre. Cependant, dans les parties les plus élevées, la température estivale est modérée par l'altitude. Dans les vallées intérieures, l'hiver est sensiblement identique à celui des hauteurs. Mais en été, du fait de l'enclavement ou de l'exposition aux vents du sud, les températures sont particulièrement élevées : c'est le cas à Tizi Ouzou, où la température peut atteindre les 46 °C quand elle est de 35 °C à Dellys, comme à Akbou, dans la vallée de la Soummam, couloir de passage du sirocco.
La Kabylie bénéficie d'une pluviométrie relativement abondante qui a facilité le développement d'une agriculture typique. En Grande Kabylie, les régions intérieures sont plus arrosées en raison de l'ascension et de la décompression des vents humides : ainsi à Larbaâ Nath Irathen, la pluviométrie est de 1 059 mm contre 833 mm à Tizi Ouzou.
Une ligne de crête qui traverse la région en joignant l'Atlas blidéen, le Djurdjura, les Babors, le massif de Collo et l'Edough, sépare une zone nord très pluvieuse (plus de 800 mm de précipitations par an) d'une zone sud moins arrosée (de 600 à 800 mm par an). Cette différence de pluviosité aurait eu pour conséquence une végétation naturelle plus ou moins dense : aux versants nord, initialement couverts d'une forêt peu hospitalière, devenus plus tard terres de vergers, s'opposeraient ainsi des versants sud plus facilement et sans doute plus précocement peuplés, car plus immédiatement propices à la culture et à l'élevage. Ce facteur introduit un élément supplémentaire de distinction entre Grande et Petite Kabylies. En effet la première, si l'on en exclut le versant sud du Djurdjura (comme le fait le tracé de l'actuelle wilaya de Tizi Ouzou), se trouve entièrement en zone de forte pluviosité. Au contraire, en Petite Kabylie les orientations combinées du littoral et du relief ne laissent que peu de profondeur aux versants nord. Elles font plus de place aux zones moins humides, comme le Guergour et, plus à l'est, le Ferdjioua, qui s'étendent entre Babors et Hauts Plateaux.
En raison des différences topographiques et climatiques dont elle est le cadre, la Kabylie possède une grande diversité d'espèces dont certaines sont endémiques. Elle abrite quatre des neuf parcs nationaux de l'Algérie septentrionale : le parc national du Djurdjura entre les wilayas de Tizi-Ouzou et Bouira, le parc national de Gouraya, à l'ouest de Béjaïa, le parc national de Taza, sur la Corniche kabyle, entre Béjaïa et Jijel et le récent parc national de Babor-Tababort, créé par décret du 29 avril 2019, réparti sur les wilayas de Sétif, Béjaïa et Jijel. Les trois premiers parcs sont classées par l'UNESCO dans les « réserves de biosphère mondiales », zones modèles visant à concilier conservation de la biodiversité et développement durable.
La végétation, principalement méditerranéenne, prend les formes du maquis et de la forêt. Celle du parc du Djurdjura se compose en majorité d'une combinaison, variable selon l'altitude, de chêne vert et de cèdre de l'Atlas. Elle illustre les trois types d'essences méditerranéennes qui composent les forêts kabyles : essences à feuilles persistantes, dont les principales sont le chêne vert, le chêne-liège et le houx ; essences à feuilles caduques, au nombre desquelles l'érable à feuille obtuse, l'érable de Montpellier, l'érable champêtre, le merisier et le chêne zéen ; essences résineuses, telles le cèdre de l'Atlas, le pin noir, le pin d'Alep et l’if. Les forêts qui constituent le parc, comme celles d'Aït Ouabane et de Tigounatine, comptent parmi les plus riches de la région.
On retrouve dans le parc de Taza le chêne zéen et le chêne-liège, qui constituent avec le chêne afarès les essences principales de la forêt de Guerrouche. Le parc de Gouraya se singularise par la présence d'euphorbes, très menacées ; on y trouve également des formations de garrigue où se côtoient le chêne kermès et l'olivier sauvage, accompagnés de quelques spécimens de pin d'Alep, de genévrier et d'absinthe.
S'agissant du chêne-liège et dans un pays qui représente lui-même plus de la moitié de la superficie occupée par cette essence sur la rive sud de la Méditerranée, la Kabylie et l'ensemble du Nord-Est algérien constituent la région des plus grandes subéraies : elles s'y étendent, le long du littoral, depuis Alger jusqu'à la frontière tunisienne et du bord de mer jusqu'à 1 200 m d'altitude. La seule wilaya de Jijel peut atteindre jusqu'à 50 % de la production nationale de liège.
Les massifs kabyles abritent de nombreux mammifères sauvages parmi lesquels le macaque berbère (ou singe magot), espèce endémique d'Afrique du Nord, la mangouste, le chacal doré, la genette, le porc-épic, le sanglier, le chat sauvage et autrefois le lion (présence signalée jusqu'au début du 20e)[réf. nécessaire]; la hyène rayée, la belette, le renard roux, le lièvre brun et le hérisson d'Algérie sont signalés dans les parcs du Djurdjura et de Taza, le lapin de garenne à Taza et Gouraya et le lynx caracal à Gouraya et dans le Djurdjura, où la présence du serval est également probable. Les sommets de la région sont le gîte de plusieurs espèces de rapaces dont l'aigle de Bonelli, le vautour fauve, la chouette hulotte et le hibou grand-duc ; dans le Djurdjura se rencontrent encore le gypaète barbu et le percnoptère d'Égypte ; l'aigle royal et le faucon crécerelle, également présents à Taza ; et la buse féroce, signalée aussi à Gouraya,. Les hauteurs de Petite Kabylie abritent en outre la sittelle kabyle, espèce de passereau endémique qui n'a été découverte qu'en 1975, sur le mont Babor, et retrouvée plus récemment, en 1989, dans la forêt de Guerrouche. La salamandre algire, amphibien vulnérable, est présente dans le parc du Djurdjura.
Les eaux littorales kabyles présentent également une faune et une flore remarquables. L'aire marine du parc de Gouraya abrite quatre espèces protégées de mammifères marins : marsouin et dauphin communs, dauphin souffleur et cachalot ; ses fonds recèlent six paysages d'intérêt international : encorbellements à Lithophyllum lichenoides (en), trottoirs à vermets (en), bourrelets à Corallina elongata (en), forêts à Dictyopteris membranacea, herbiers tigrés à Posidonia oceanica et récifs-barrières à Posidonia oceanica. Les eaux adjacentes au parc de Taza incluent le « banc des Kabyles », classé « aire spécialement protégée d’importance méditerranéenne » (ASPIM) par la convention de Barcelone : riches d'une communauté de corail en bon état de santé, elles abondent en plusieurs des espèces menacées répertoriées dans le cadre de la convention, ainsi qu’en espèces « bio-indicatrices » des eaux non polluées.
La population est nombreuse pour une région à dominante montagnarde et rurale, notamment en Grande Kabylie où se rencontrent pourtant les altitudes les plus élevées. Le phénomène n'est pas nouveau et il a particulièrement frappé les colonisateurs français. Il est d'autant plus original que la taille des localités de plaine est longtemps restée limitée, le gros village de montagne, niché sur les crêtes, étant la forme principale d'agglomération. À l'est de la Soummam, l'habitat traditionnel se fait plus dispersé, prenant la forme de hameaux de clairière.
Toutefois l'exode rural a profondément modifié cette situation. Relayant une tradition pré-coloniale d'émigration temporaire, la colonisation française en a fait un phénomène massif, alimentant largement, dès le début du XXe siècle, les premières vagues d'émigration maghrébine vers la France ; après l'indépendance algérienne, le flux s'est orienté vers les grandes villes du pays, à commencer par sa capitale. La population kabylophone a ainsi constitué une diaspora estimée à deux millions ou deux millions et demi de personnes (dont près d'un million en France) pour trois millions à trois millions et demi en Kabylie.
L'exode rural se poursuit vers les villes situées aux portes mêmes des montagnes kabyles, principalement Alger, Tizi Ouzou, Béjaïa, Jijel, Constantine, Skikda et Annaba. Toujours très peuplée, la région est marquée par un dualisme qui oppose le monde du village ou du hameau, surtout habité de femmes, d'enfants et de personnes âgées, et celui de la ville, lieu des activités industrielles et de services, des équipements et des habitats collectifs, qui attire la majeure partie des hommes adultes. Au début du XXIe siècle, les trois quarts environ de la population active masculine de Kabylie vivent en dehors de la région.
À l'intérieur de la région, les axes de communication terrestres tirent parti des dépressions du relief : la route d'Alger à Béjaïa passe par la vallée du Sebaou, celle de Béjaïa à Sétif emprunte sur huit kilomètres les gorges de Kherrata (Chabet El Akra, le « défilé de la mort »). Les montagnes kabyles représentent cependant un obstacle que contourne par le sud le tracé du grand projet d'autoroute Est-Ouest. Son tronçon Alger-Constantine, aujourd'hui achevé, permet de desservir Sétif, Bordj Bou Arreridj et Bouira, ville à proximité de laquelle a été construit le viaduc d'Aïn Turk, le plus grand d'Afrique ; néanmoins, en 2011, les pénétrantes autoroutières qui doivent en assurer la liaison avec Béjaïa et Tizi Ouzou sont encore à venir. Les lignes ferroviaires ont bénéficié à la fin des années 2000 d'une modernisation du matériel roulant, qu'illustre la mise en service en 2009 d'un autorail sur la ligne Béjaïa-Alger. La ligne Tizi Ouzou-Alger, rouverte en juillet 2009 après être restée fermée depuis les années 1990 pour raison de sécurité, reste soumise aux aléas de l'hiver montagnard.
Les ports du littoral kabyle tiennent des rôles variables entre les échelons local et international. Le port de Béjaïa occupe le deuxième rang en Algérie par son volume d'activité, derrière celui d'Alger ; débouché important pour une partie de la production régionale (minerais, vins, figues, prunes ou liège), il a donné depuis les années 1960 une place grandissante au pétrole et aux produits pétroliers tirés du Sahara (les hydrocarbures représentent 86 % de ses exportations en 2005). En 2008, il a été intégré au projet européen des « autoroutes de la mer » (ADM), aux côtés de Gabès, Agadir et Haïfa. Le port de Djendjen, non loin de Jijel, est destiné à devenir un hub portuaire de niveau mondial : en 2010, la voie rapide qui doit le relier à Sétif est en travaux et une liaison ferroviaire à grande vitesse est à l'étude. À une échelle plus modeste, le port de Collo assure l'embarquement de la production locale de liège. En matière de transport aérien, la région est reliée aux grandes villes étrangères via les aéroports de Béjaïa - Soummam - Abane Ramdane, de Sétif - 8 Mai 1945 et d'Alger - Houari Boumédiène.
Pas plus hier qu'aujourd'hui, la Kabylie n'a connu de frontières fixes et rigoureusement définies. Mais son histoire montre d'autres permanences : une continuité linguistique qui remonte à plusieurs millénaires avant notre ère ; l'usage perpétué de systèmes de signes et de symboles issus de la Protohistoire ; une forme d'organisation tribale, attestée dès l'Antiquité, restée caractérisée par le contrôle direct et rigoureux de dirigeants désignés et constamment opposée à l'émergence d'un pôle de pouvoir unique et centralisé. Bien qu'intérieurement divisée, la région a trouvé son unité, vis-à-vis de l'extérieur, en se faisant le refuge de tous ceux qui, dans les populations environnantes, ont voulu résister à l'emprise des conquérants successifs ou des États en construction. Selon les circonstances, ses contours se sont réduits aux bastions les plus montagneux, hors d'atteinte de l'ennemi ou d'une autorité centrale parfois reconnue nominalement, mais en pratique ignorée ; ou se sont étendus sur les plaines voisines, dans les périodes de récupération et de reconquête.
Plusieurs auteurs soulignent la place qu'occupent aussi, dans la singularité de la région, les cités et les États dont elle a connu l'essor, de même que les rapports qu'ils ont entretenus avec les sociétés montagnardes : ils invitent à ne pas faire des « républiques villageoises » le produit d'un « isolat kabyle » muré dans sa pureté originelle ; mais d'une histoire liée à l'histoire urbaine, ainsi qu'à celle des chefferies, seigneuries ou royaumes dont le monde rural lui-même a vu plusieurs fois l'émergence.
Dans la wilaya de Sétif, les vestiges archéologiques découverts à Aïn Hanech, non loin des montagnes kabyles, ont permis de faire remonter à 1,7 million d'années environ l'expansion des hominidés en Afrique du Nord, ; des galets aménagés semblables ont été signalés près de l'oued Sebaou. Dans les Babors, les résultats des fouilles de la grotte d'Afalou et des abris voisins indiquent la pénétration du massif, entre 15 000 et 11 000 ans avant notre ère, par une population de Cro-Magnons africains, dite de Mechta-Afalou, porteuse de la culture ibéromaurusienne : ils y ont laissé des sépultures et des figurines modelées, zoomorphes et anthropomorphes. La Kabylie maritime a fourni, à Takdempt, des outils de pierre taillée plus anciens, caractéristiques de l'Acheuléen ; mais aussi des vestiges néolithiques, comme la hache de pierre polie, les tessons de poterie et les fragments d'objets en peau retrouvés à Dellys.
À partir du IIe millénaire av. J.-C., l'Afrique septentrionale, isolée du reste du continent par la désertification du Sahara, bascule vers le monde méditerranéen. Les monuments mégalithiques que la Protohistoire a laissés en Kabylie, souvent dotés comme à Aït Raouna d'une grande allée couverte, sont très proches de ceux de Sardaigne,. Des poteries s'ornent de signes et symboles dont l'emploi s'est perpétué jusqu'à nos jours dans l'artisanat de la région, ainsi que dans celui de l'Aurès : leur technique pourrait être venue, à l'âge du bronze, de la péninsule Italienne et des îles de Méditerranée occidentale,.
De l'Antiquité proviennent les stèles libyques où apparaît une écriture dont le tifinagh est le descendant actuel,. Les communautés, patriarcales et endogames, que le latin appelle tributes et dont la désignation en arabe a donné plus tard son nom à la région, existent déjà. Mais aussi des États : plusieurs royaumes berbères, originellement des confédérations tribales, apparaissent à partir du IVe siècle av. J.-C., se surimposant plus qu'ils ne les soumettent aux tribus qui restent relativement en marge de leurs centres de pouvoir. À plusieurs reprises, l'embouchure de l’Ampsaga (oued El Kebir) est prise pour frontière : au IIIe siècle av. J.-C. entre le royaume des Masaesyles, à l'ouest, et celui des Massyles, comme entre les territoires maurétanien et numide autour de l'an 100 av. J.-C., avant de tenir le même rôle pendant les cinq siècles de domination romaine.
Les Phéniciens, dont les réseaux commerciaux commencent à s'implanter vers 1100 av. J.-C. sur les côtes d'Afrique du Nord, créent dans la région les comptoirs d'Igilgili (Jijel), Rusazus (Azeffoun) et Rusuccuru (Dellys). Après la fondation de Carthage, l'influence punique et, par son intermédiaire, l'empreinte grecque, s'étendent à partir de la façade maritime. Elles marquent toutefois moins les campagnes que les villes, qui pour leur part, sur la côte, maintiennent sans doute à l'égard des pouvoirs autochtones une quasi-autonomie.
Les premières interventions des Romains remontent aux guerres puniques : ils cherchent alors, parmi les chefs berbères, des alliés pour contrer la puissance de Carthage.
Au IIIe siècle av. J.-C., la plus grande partie de l'actuelle Kabylie se trouve sur le territoire des Massaesyles - la Maurétanie - exceptée la partie orientale qui fait partie du territoire des Massyles - la Numidie. La région est donc contrôlée en grande partie par Syphax, roi des Massaesyles et allié de Carthage.
Elle passe après la deuxième guerre punique sous le contrôle exclusif de Massinissa, roi des Massyles, régnant sur la Numidie et allié des Romains. Son règne, de 203 av. J.-C. à 148 av. J.-C., est une période de développement de la partie orientale de la Kabylie, où il introduit l'agriculture, valorisant les grands espaces, sédentarisant et socialisant les populations numides. Dans l'ensemble, la Numidie restera par la suite, sous les Romains, une terre agricole prospère.
Avec l’effondrement de Carthage, puis les divisions qui suivent la mort de Massinissa, les royaumes de Numidie puis de Maurétanie sont progressivement assujettis et finalement annexés en tant que provinces romaines, au IIe siècle av. J.-C..
À l'est de l'Ampsaga, en Numidie, le port de Chullu (Collo) est inclus avec Cirta (Constantine), Milev (Mila) et Rusicade (Skikda) dans une « confédération cirtéenne » dotée d'un statut administratif particulier. À l'ouest, sur les pourtours du Mons Ferratus (la « montagne de fer », généralement identifiée au Djurdjura), pays des Quinquegentiani (les « gens des cinq tribus »), sont établies d'autres colonies : sur la côte, à Igilgili, Saldae (Béjaïa) et Rusuccuru ; vers l'intérieur, entre ces deux derniers ports, le long de la voie qui sur l'itinéraire d'Antonin et la table de Peutinger passe par la vallée de la Sava (Soummam), à Thubusuptu (Tiklat), puis par Bida (Djemâa Saharidj) et Taugensis (Taourga) ; et plus au sud, à Auzia (Sour El-Ghozlane). Elles relèvent de la Maurétanie « césaréenne », administrée depuis Caesarea (Cherchell). À la fin du IIIe siècle, l'est de la Sava en est détaché pour constituer autour de Sitifis (Sétif) une Maurétanie « sétifienne ».
Globalement, le Djurdjura, la Kabylie maritime (mis à part quelques enclaves côtières) et les Babors constituent des zones hostiles à la pénétration romaine : l'aspect boisé et inexploité de ces régions les oppose aux Guergour et Ferdjioua, où la forêt a déjà subi une régression liée aux activités agricoles de populations berbères refoulées par la colonisation romaine, notamment des plaines sétifiennes. Les Romains mettent en place un limes Bidendis dans la vallée du Sebaou et un limes Tubusuptitanium dans celle de la Soummam, deux dispositifs militaires destinés en particulier à contrer les assauts des populations du Djurdjura. La présence romaine s'établit principalement dans ces vallées, ainsi que sur les Hauts Plateaux. Dans la partie orientale de la Kabylie, une urbanisation se développe le long des vallées et des routes, en lien avec la possibilité d'une présence romaine durable.
Dans l'ensemble de la région, les villes, qu'elles soient colonies ou simples municipes, restent relativement peu nombreuses et les montagnards berbères relativement peu perméables à la romanité dont elles sont les foyers. Il existe pourtant dans ces localités un christianisme actif, de l'expansion duquel témoignent ce qui subsiste à Tigzirt, alors Iomnium, d'une basilique du Ve ou VIe siècle,, ou la présence à la même époque d'évêchés à Saldae ou Bida. La Kabylie paraît même avoir été un des hauts-lieux du donatisme, mouvement religieux sur lequel le général rebelle Firmus tenta de s'appuyer lors de la révolte qu'il conduisit au IVe siècle contre les légions.
Les principaux vestiges romains de la région se trouvent à Djemila, l'antique Cuicul, dans les moyennes montagnes de Petite Kabylie : le site, inscrit par l'Unesco au patrimoine mondial, atteste, au travers de ses ruines et de ses mosaïques remarquablement préservées, de la vie florissante d'une colonie animée par une oligarchie locale prospère. À Akbou subsiste un mausolée haut de 13 mètres, probablement construit au milieu de ses terres pour un grand notable. D'autres sites restent à fouiller, comme à Azeffoun celui de Rusazus, la plus riche des villes de Kabylie à l'époque d'Auguste, où ont été signalés murailles, conduites d'eau et thermes.
Les récits des auteurs latins relatent l'alternance de replis défensifs et d'expansions sur les plaines des guerriers montagnards, qui forcent régulièrement les colons à se réfugier derrière les fortifications des cités. Le pouvoir de Rome se heurte à plusieurs reprises à de vives résistances, des sept années de la guérilla de Tacfarinas, qui s'achève en l'an 24 sous les murs d'Auzia, jusqu'aux révoltes, trois siècles plus tard, de Firmus et Gildon, tous deux fils d'un grand chef tribal des Bibans,.
L'invasion des Vandales, qui atteignent la Kabylie en 429-430, ne rencontre guère d'opposition dans une population où beaucoup sans doute y voient surtout la fin de la domination romaine. Sur les débris de l'ordre impérial, leur royaume (439–534), qui prend un temps Saldae pour capitale, laisse se constituer dans son arrière-pays, parmi les Berbères alors appelés « Maures », des principautés pratiquement indépendantes. Les Vandales, dont la présence numérique est faible et qui se rattachent au courant arien du christianisme, ignorent l'intérieur du pays et se concentrent sur le pillage des élites urbaines christianisées. Plusieurs défaites contre les Berbères cantonnent leur influence aux environs de Carthage. Les plaines fertiles basculent sous le contrôle de tribus venues des Aurès. En 533, le roi vandale Gélimier est cerné dans l'Edough par les Byzantins conduits par Bélisaire et finit exilé à Constantinople.
Les Byzantins, sous Justinien, parviennent à rétablir le contrôle impérial sur une partie de l'Afrique du Nord. Cependant ils suscitent l'hostilité des Berbères et leur pouvoir reste d'une grande fragilité. En Afrique proconsulaire comme en Numidie, les diversités religieuses, linguistiques et culturelles sont plutôt perçues par eux, à leur arrivée, comme un danger pour la cohésion de l'Empire dans ces provinces. Même s'ils contrôlent les plaines productrices de blé, l'étendue de la région, l'insuffisance des voies de communication et les disparités entre populations plus ou moins romanisées et non-romanisées réduisent leurs capacités de défense, à la veille de l'arrivée des Arabes. S'y ajoutent de multiples facteurs de faiblesse : les Byzantins pratiquent un catholicisme « agressif », persécutant ariens, donatistes et juifs ; leur pouvoir est frappé d'une crise administrative marquée par la corruption, les abus des gouverneurs provinciaux et les impôts élevés ; laquelle se double d'une crise politique, les liens de vassalité finissant par disparaitre lorsque les chefs berbères ne sont plus payés par l'administration centrale. De plus, la présence byzantine n'a jamais regagné l'ensemble de l'ancien territoire romain, le renforcement des tribus berbères pendant la période vandale constituant un obstacle majeur. La Kabylie comme l'ensemble des montagnes du Tell échappent à leur autorité, qui se limite aux environs de Cirta, de Calama (Guelma) et de quelques villes fortifiées.
Les Arabes surviennent donc dans un Maghreb divisé, où les Berbères secouent une domination byzantine devenue trop lourde. La déliquescence du pouvoir impérial a favorisé l'émergence dans les régions montagneuses de grands groupes tribaux (Kutama, Aureba, Sanhadja, Belezma, Masmouda, etc.). Ces confédérations, qui serviront de support à la résistance des chefs aurésiens Koceila et Kahena, vont aussi façonner l'histoire du Maghreb médiéval.
En 647, les cavaliers arabes et musulmans mènent leurs premières razzias en Ifriqiya. Le Tell, pays montagneux et difficilement accessible à la cavalerie, reste en marge durant le premier siècle de la conquête. Les informations qui traitent de cette période sont rares et éparses : pour la Kabylie orientale, par exemple, on sait que Mila fut prise en 678, avant Constantine, sans que l'on puisse dater exactement la chute de cette dernière, qui était pourtant un centre économique majeur ; plus à l'ouest, dans les montagnes qui entourent Saldae (Béjaïa), l'opposition à laquelle les conquérants se heurtent est telle qu'ils baptisent la région el aadua, « l’ennemie ». Ici, comme ailleurs sous l'impulsion de chefs tels que Koceila ou Kahena, les tribus berbères, parfois alliées aux Byzantins, résistent pendant plusieurs décennies avant que le califat omeyyade, en 710, puisse faire du Maghreb entier une de ses provinces. Comme ses prédécesseurs, le nouveau pouvoir pèse d'abord sur les populations citadines. Cependant la religion des conquérants progresse rapidement. Le souci d'échapper à l'inégalité juridique et fiscale qui frappe les non-musulmans joue sans doute un rôle important dans les conversions ; il peut aussi y entrer, comme auparavant dans l'adhésion au donatisme, une composante de protestation sociale,. En 740, des tribus autochtones se révoltent contre la politique fiscale et la traite des esclaves conduites par les représentants de Damas ; de l'Atlas marocain jusqu'à la Libye, les armées berbères rassemblées au nom de l'égalitarisme kharidjite reconquièrent sur les troupes du calife sunnite la plus grande partie de l’Afrique du Nord, d'où la présence arabe disparaît pour un temps.
En Kabylie, la période du VIIIe au XIe siècle voit se côtoyer, sur un territoire qui s'étend alors de Cherchell à Annaba et de la Méditerranée aux premières montagnes sahariennes, trois groupes de tribus berbères aux dialectes proches et généralement alliés : à l'est de la Soummam, les Kutamas ; à l'ouest de Dellys, les Sanhadjas ; entre eux, les Zouaouas. Le peuple kutama, fort d'une population nombreuse, acquiert une position d'arbitre dans diverses luttes entre factions arabes ou berbères, puis vis-à-vis de l'émirat aghlabide (institué en 800 et premier pouvoir dynastique autonome au sein du califat abbasside), et sait en tirer parti. Ainsi, selon Ibn Khaldoun : « Rien ne changea dans sa position depuis l'introduction de l'Islamisme jusqu'au temps des Aghlabides [...] Fort de sa nombreuse population le peuple kutamien n'eut jamais à souffrir le moindre acte d'oppression de la part de cette dynastie. »
Après avoir fait bon accueil aux prêches millénaristes du dai ismaélien Abu Abd Allah, les Kutamas soutiennent la constitution, au début du Xe siècle, du califat chiite des Fatimides. Au service de cette cause, ils font la conquête de l'Ifriqiya, puis de l'Égypte. En 969, ils y fondent Al-Kahira (Le Caire) et la mosquée Al-Azhar. Une fois établis en Égypte, les Fatimides laissent aux Zirides, famille alors à la tête de la confédération sanhadja, la charge de défendre le Maghreb contre les tribus zénètes, alliées du califat de Cordoue. La nouvelle dynastie s'installe en Ifriqiya. Par la suite, sa branche hammadide s'en détache et prend le contrôle du Maghreb central, qu'elle place en 1015 sous l'obédience abbasside. En 1048, à leur tour, les Zirides d'Ifriqiya reconnaissent la légitimité du califat de Bagdad et rompent avec le chiisme. En représailles, les Fatimides envoient les Arabes Beni Hilal au Maghreb, qu'ils leur donnent en fief.
En 1067, pour mieux se protéger des attaques hilaliennes, mais aussi mieux tirer parti d'une évolution des échanges favorable au commerce méditerranéen, les Hammadides construisent sur le site de Saldae la ville de Béjaïa. Ils y déplacent leur capitale, précédemment établie à la Kalâa des Béni Hammad, fondée soixante ans plus tôt dans le Hodna. Pour relier les deux cités est construite une route encore appelée de nos jours abrid n'soltan, « l'itinéraire du roi ». Entretenant avec l'Europe des relations commerciales soutenues, centre politique du « royaume de Bougie », Béjaïa, qui acquiert le surnom de « perle de l'Afrique », est aussi un foyer de savoir et de culture dont le rayonnement s'étend à l'échelle de la Méditerranée, rivalisant avec Cordoue. C'est à travers elle, par l'intermédiaire du mathématicien italien Fibonacci, venu y étudier, que les chiffres arabes et la notation algébrique sont diffusés en Europe. C'est aussi un centre religieux de premier plan, « la petite Mecque de l'Afrique du Nord », lieu de résidence de nombreux savants et mystiques. Certains deviennent des saints vénérés par la population locale, comme Sidi Boumédiène, dont le nom est encore honoré dans le Maghreb contemporain. Cependant la tolérance envers les non-musulmans est réelle, comme en témoigne la correspondance entre le sultan hammadide Al Nacir et le pape Grégoire VII.
C'est à proximité de Béjaïa que se rencontrent vers 1120 Abdelmoumen, alors jeune étudiant dans la cité, et Ibn Toumert, réformateur religieux qui en a été expulsé, dont il devient le disciple avant de prendre à sa suite la tête du mouvement almohade. Parti de « l'extrême Maghreb » (l'actuel Maroc), il s'empare de Béjaïa en 1151 et défait les Arabes hilaliens l'année suivante près de Sétif. Renversant les royaumes en place, la dynastie qu'il fonde rassemble sous une autorité unique le Maghreb et une partie de la péninsule Ibérique. Dans la seconde moitié du XIIIe siècle, l'empire almohade s'effondre à son tour et laisse la place à une tripartition du Maghreb entre Mérinides (Maroc actuel), Zianides (Maghreb central) et Hafsides (Ifriqiya). L'espace compris entre Béjaïa, dans l'orbite du pouvoir hafside de Tunis, et Dellys, jusqu'où s'étendent depuis Tlemcen les possessions zianides, devient enjeu de rivalités entre les deux royaumes. Au cours des deux siècles suivants, les États maghrébins, en conflit permanent, font venir en renfort tantôt des mercenaires européens, tantôt les tribus arabes, jusque-là cantonnées plus au sud. De plus en plus affaiblis par leurs rivalités et les batailles de succession internes, ils finissent par laisser se constituer dans les villes principales des centres de pouvoir pratiquement autonomes, tandis que les campagnes sortent de tout contrôle.
Prise dans son ensemble, la période qui va de la seconde moitié du XIe jusqu'au XIVe siècle montre, sous l'effet des attaques hilaliennes et de l'emprise des dynasties successives, une réduction continue du domaine contrôlé par les trois confédérations tribales. Les pourtours ouest, sud et est des montagnes kabyles, plus ouverts, sont les plus rapidement touchés. À l'approche de l'an 1400, seule la confédération centrale, celle des Zouaouas, maintient encore son existence. Elle a perdu ses terres des Hauts Plateaux mais hérite d'une partie de celles de ses anciennes voisines, dont elle accueille les réfugiés. Dès lors et au cours du siècle qui suit, son autonomie se consolide sur un territoire compris, d'ouest en est, entre les oueds Boudouaou et Agrioun, et de la Méditerranée jusqu'à une ligne joignant Sidi Aïssa à Sétif.
Par ailleurs, plusieurs historiens ont relevé dans les sources médiévales la trace qu'il a existé, entre les tribus et l'État berbère musulman hammadide puis hafside, une relation « harmonieuse », qui montre qu'il n'était pas pour elles un corps étranger, que Béjaïa était « leur propre capitale » et qu'en retour elles étaient à la base de la puissance étatique. En témoigne leur mobilisation pour défendre le Béjaïa hammadide contre les Almohades, puis aux côtés de ses Hafsides tentant de s'affranchir de ceux de Tunis, ou contre les incursions zianides, mérinides et, pour finir, espagnoles.
En 1510, sur la lancée de la Reconquista, les Espagnols s'emparent de Béjaïa et organisent à partir de cette position des razzias dans l'arrière-pays. C'est à ce moment, ou dans le dernier quart du siècle précédent, qu'émergent en Kabylie trois seigneuries ou principautés que les Espagnols dénomment les « royaumes » des Aït Abbas, de Koukou et d'Abdeldjebbar. Le premier s'installe à la Kalâa des Beni Abbès, au cœur de la chaîne des Bibans, avant que sa lignée dirigeante, les Mokrani, ne le déplace plus au sud, dans la Medjana, se rapprochant ainsi des lieux d'origine des royaumes ziride et hammadide. Le deuxième se constitue sur les terres des Belkadi, descendants du juriste Al Ghobrini. Le dernier s'implante à une trentaine de kilomètres de Béjaïa, dans la vallée de la Soummam.
La Kalâa devient la nouvelle capitale des habitants des environs de Béjaïa quand, après la prise de la ville, ils cherchent protection à l'intérieur des terres. Le site, ancienne place forte hammadide et étape sur l'abrid n'sultan, a été retenu par Abderahmane, prince bougiote, pour des raisons de sécurité. Initialement alliée des Hafsides, la dynastie s'en émancipe. Abdelaziz, petit-fils d'Abderahmane, prend le titre berbère d'amokrane. Sous son règne, la Kalâa gagne en importance : au cœur du royaume des Aït Abbas (dit aussi « de la Medjana »), la cité compte à son apogée 70 000 habitants, rivalisant avec Tunis ; elle se dote de fabriques d’armes, en s’aidant du savoir-faire des renégats chrétiens et des Andalous chassés d’Espagne, qu’elle accueille en grand nombre.
Pour reprendre Béjaïa, le sultan hafside de Tunis, Abû `Abd Allâh Muhammad IV al-Mutawakkil, fait appel à des corsaires ottomans, les frères Barberousse. Plusieurs tentatives sont menées : l'une, en 1512, le siège de Béjaïa, où malgré l'échec, Arudj Barberousse reconnait le courage des Kabyles, une autre, vers 1515, qui donne l'occasion à Ahmed Belkadi, prince alors au service des Hafsides, de s'illustrer à la tête de combattants venus de la côte de Béjaïa et de Jijel. Elles échouent toutefois à déloger les occupants espagnols. Ahmed Belkadi s'établit alors chez les Aït Ghobri, d'où sa famille est originaire, et prend la tête du royaume de Koukou, qui durera deux siècles. Béjaïa n'est définitivement reprise aux Espagnols qu'en 1555 lors de la bataille de Béjaia, par la pression combinée du corsaire Salah Raïs Pacha, agissant pour le compte de la régence d'Alger, et des royaumes tribaux,.
Entretemps les Hafsides ont été évincés de leurs possessions, en Kabylie comme dans tout l'Est algérien. Dès la première moitié du XVIe siècle, les Ottomans implantent dans la région plusieurs forts (borj) en vue de la contrôler. Ils s'y heurtent à la résistance de la population, qui s'organise en Grande Kabylie autour du royaume de Koukou, et de celui des Aït Abbas dans les Bibans et la vallée de la Soummam : les communautés rurales, tout en défendant leur autonomie face à l'hégémonisme de ces seigneuries, les soutiennent pleinement face aux tentatives « prédatrices » de l'État que mettent en place les Ottomans. En 1520, Ahmed Belkadi, attaqué par Khayr ad-Din Barberousse, le défait lors de la bataille des Issers et s'empare d'Alger. Il y règne plusieurs années avant d'être à son tour vaincu par Khayr ad-Din, allié aux Aït Abbas. Abdelaziz, sultan des Aït Abbas, est quant à lui tué en 1559 au cours d'une bataille contre les Ottomans : ils exposent sa tête une journée entière devant la porte de Bab Azzoun, à Alger, avant de l'enterrer dans une caisse en argent.
En Petite Kabylie, le royaume des Aït Abbas se maintient pendant toute la période de la régence d'Alger. En 1664, le duc de Beaufort, envoyé par Louis XIV, lance une expédition contre Jijel. Après quatre mois d'hostilités, les Français abandonnent la ville assiégée par les troupes ottomanes et berbères : ils laissent en trophée aux Aït Abbas plusieurs pièces d'artillerie en bronze, dont l'une a été retrouvée à la Kalâa. Le royaume contrôle les défilés des Portes de Fer (en kabyle Tiggoura, « les Portes », et Demir kapou en turc), point de passage stratégique sur la route d'Alger à Constantine. La Régence verse un tribut pour le passage de ses troupes, dignitaires et commerçants. C'est dans l'Algérie d'alors le seul endroit où le pouvoir makhzen paye un tribut à des populations locales insoumises,.
Ne pouvant soumettre directement l'ensemble de la région, la Régence joue sur les rivalités de clan pour asseoir son influence et percevoir des impôts de certaines tribus. Vers 1674, profitant de l'affaiblissement des Belkadi de Koukou, elle s’appuie sur un Kabyle de grande famille, le cheikh Al Guechtoula, pour créer un commandement local tributaire. Au début du XVIIIe siècle, elle multiplie les borjs, dont ceux du Sebaou et de Boghni, sièges des caïdats éponymes, et s'appuie à la fois sur des tribus locales, comme les Amraoua et les Aït Khalfoun, et sur des zmalas (contingents) d'Arabes et de Noirs africains pour renforcer sa présence.
Globalement, les royaumes kabyles, qui bénéficient d'une certaine reconnaissance internationale (représentations diplomatiques en Espagne, notamment), contribuent à maintenir l'autonomie de la région. Vis-à-vis de la Régence, après une période de rivalité exacerbée où alternent phases de paix et de guerre pour le contrôle d'Alger, les relations se stabilisent à l'époque des deys ; l'autonomie kabyle fait l'objet d'un assentiment tacite qui marque une étape importante dans la constitution de l'identité régionale. Conséquence durable de l'intervention ottomane : à partir du XVIe siècle, Alger succède à Béjaïa dans le rôle de principal centre urbain et de réceptacle des populations de Kabylie. Les commerçants kabyles sont très présents dans la ville, qu'ils ravitaillent avec les produits agricoles et artisanaux de leur région. Pour contrebalancer le pouvoir des janissaires, de nombreux corsaires et miliciens de la Régence sont recrutés localement, notamment parmi les Kabyles. Le dey Ali Khodja s'établit dans la Casbah, sous la protection de soldats kabyles, pour imposer son autorité face aux janissaires. La famille d'Ahmed Bey, dernier bey de Constantine, mène une politique d'alliance matrimoniale avec les Mokrani et d'autres familles de la région.
Toutefois les conflits ne cessent d'émailler les relations entre les royaumes kabyles et la régence d'Alger. Du XVIIe siècle au XIXe siècle, les principaux se produisent en 1609 (les Kabyles dévastent la Mitidja et menacent Alger), puis entre 1758 et 1770 (dans toute la Kabylie) et enfin entre 1805 et 1813 (dans la vallée de la Soummam). En 1823 les tribus des Bibans et de Béjaïa se soulèvent et s'emparent du caïd de la ville. L'agha Yahia, chef militaire de la Régence, ne parvient pas à soumettre la région.