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Le mesmérisme
Autre influence, celle du mesmérisme, très en vogue de la fin du XVIIIe à celle du XIXe siècle : les pouvoirs qu'exerce Jasper sur Edwin et Neville reflètent, écrit Paul Schlicke, « l'intérêt que porte Dickens à cette pratique depuis les années 1840 où il a suivi de près les expériences du Dr John Elliotson » (1791-1868), phrénologue et mesmériste réputé. Lui-même, d'ailleurs, s'est essayé au « magnétisme animal » en 1844, dans l'espoir de guérir l'épouse d'Émile de la Rüe, et vingt-cinq ans plus tard, comme il l'explique à l'écrivain gothique irlandais Joseph Thomas Sheridan Le Fanu (1814–1873), il est toujours sous l'emprise de la même fascination,.
Le cloître
Le décor de Cloisterham est emprunté directement à Rochester, située dans le voisinage de Chatham où Dickens a passé la plus belle part de sa petite enfance. L'atmosphère de la ville, qui doit beaucoup à sa cathédrale, rappelle celle des romans de la série Barchester d'Anthony Trollope et aussi, pour son côté plus sombre, Notre-Dame de Paris de Victor Hugo, connu outre-Manche comme « Le Bossu de Notre-Dame » (The Hunchback of Notre-Dame). C'est un décor, souligne Simon J. James, que le narrateur « assigne tout entier au passé » (« all things [in Cloisterham] are of the past ») (chapitre 3), et Grewgious déclare que regarder la crypte est « comme une plongée dans la gorge du temps jadis » (« like looking down the throat of Old Time ») (chapitre 9). Même la montre d'Edwin s'arrête au chapitre 14.
Paul Schlicke explique aussi que le personnage de Mr Crisparkle relève du christianisme dit « musclé » (Muscular Christianity (en)) de Kingsley (1819-1875), compagnon de route, du moins pour un temps, du cardinal Newman, et à cette mouvance, il relie le militantisme philosophico-politique de Mr Luke Honeythunder, le tuteur des jumeaux Landless, inspiré à Dickens par le philanthrope d'obédience libérale et député aux Communes, John Bright, à l'activisme notoirement pugnace,.
L'Orient
Peter Preston écrit que, plus que n'importe quel autre roman de Dickens, Le Mystère d'Edwin Drood « tire vers l'est » (pulls to the East) de façon obstinée, reprenant en cela une idée esquissée par Edgar Johnson pour qui les thèmes sociaux du roman sont dominés par « un sombre et vengeur conflit Est-Ouest » (« a dark resentful conflict of East and West »).
La première scène présente des Chinois et des Lascars, et, venus des contes des Mille et Une Nuits (Arabian Nights), les éléphants blancs, les danseuses du ventre et les cimeterres qui secouent la torpeur de Jasper. Là s'affiche d'abord le rôle de l'Angleterre rayonnant sur un empire mondial : les jumeaux Landless, à la peau sombre, viennent d'une possession orientale, et la conduite d'Edwin envers Neville relève, selon Paul Schlicke, « de la pire espèce de condescendance colonialiste » (« the worst sort of colonialist condescension »). Edwin lui-même aspire à un nouvel eldorado, non pas vers l'ouest, mais du côté de l'Orient, l'Égypte, qu'ouvre au monde le tout récent canal de Suez, porte de l'Extrême-Orient et route maritime de l'opium qui alimente la filière dont profite Jasper. Edwin prend très au sérieux son rôle de civilisateur d'un pays dit « attardé », comme il tente sans grand succès d'en convaincre Rosa qui, elle, s'en tient à sa réticence envers ceux qu'elle appelle « les Arabes, les Turcs, les fellahs et tous ces gens-là » (« Arabs, and Turks, and fellahs, and people »). Edwin peut même, sur ce sujet, se faire virulent : au chapitre 8, peu avant qu'il ne se querelle avec Neville Landless, il se déclare prêt à « réveiller un peu l'Égypte » (to wake up Egypt a little). Et Jasper n'est pas en reste, lui qui, lors du dîner réunissant les deux jeunes gens, pérore sur Neville Landless qui, selon lui, a grand besoin d'être secoué et ne montre guère d'intérêt autre que de se prélasser trop facilement. Cette remarque se veut plaisamment ironique mais elle induit chez Edwin un commentaire raciste : « Tu reconnais sans doute un vulgaire noir, ou un vulgaire noir vantard quand tu croises son chemin (et, j'en suis sûr, tu ne manques pas de connaissances de ce côté-là) ; mais tu ne saurais être juge de l'homme blanc » (« You may know a black common fellow, or a black common boaster, when you see him (and no doubt you have a large acquaintance that way); but you are no judge of white men »). Cette remarque, parmi d'autres, ancre bien au thème oriental du roman les jumeaux Landless, depuis trop longtemps en métropole pour ne pas être ressentis comme des gens à part, des « outsiders », dont la différence, comme l'écrit Peter Preston, devient menaçante. Le colonialisme à distance est vertueux, ajoute-t-il, mais il devient dérangeant dans le confinement d'un évêché anglais. D'ailleurs, la gémellité même de Neville et d'Helena se fait suspecte : leur identité manque de certitude, l'un n'est-il pas l'autre ? ils peuvent se déguiser en étrangers mais aussi, et cela représente une vraie menace, en l'un pour l'autre.
Enfin, l'hypothèse avancée d'un meurtre rituel thug renvoie, lui aussi, à l'un des joyaux de la couronne britannique, dont la reine Victoria est l'Impératrice, l'Inde, en l'occurrence la secte hindoue des adorateurs de Kâlî, déesse de la destruction,. À ce compte, selon la pratique attachée à ce genre de croyance, la longue écharpe de soie noire de Jasper se doit d'être l'arme du crime, puisqu'il ignore que la poche d'Edwin recèle un anneau d'or que la chaux vive ne saurait corrompre, et Angus Wilson n'est pas hostile à cette hypothèse quand il rappelle que Dickens a connu le commandant Meadows Taylor, romancier et administrateur d'origine métis, et ses Confessions of a Thug (« Confessions d'un Thug ») dont il utilise l'un des rituels rapportés, la fête précédant un meurtre, en l'occurrence celle que partage Neville Landless.
Angus Wilson accorde encore plus d'importance à cette intrusion de l'Orient dans le roman ; il rappelle l'ambiguïté des sentiments de Dickens à ce propos : d'une part, il est toujours habité par la fascination ressentie dès l'enfance à la lecture des Mille et Une Nuits ; de l'autre, son dégoût de l'« antique civilisation, statique et plombée par l'opium de John Chinaman [monsieur le Chinois] » (« ancient, static, opium-laden civilisation of John Chinaman »), s'accentue encore depuis la révolte des cipayes en 1857. Du coup, Angus Wilson voit dans l'addiction de Jasper à l'opium l'un des éléments essentiels du roman, et son rêve, induit par la fumerie, comme une vision du mal (evil) qui est la clef de l'imagination dickensienne. En effet, argumente-t-il, ce rêve oriental est « mauvais » (evil), « turc plutôt qu'indien », avec des relents d'érotisme et de violence, et qui plus est, il chemine tout au long du livre, conduisant inéluctablement au meurtre du dernier chapitre.
Les groupes thématiques
Peter Preston écrit que les thèmes du roman s'organisent en groupes (clusters), le premier, qui domine et gouverne les autres, étant celui qu'il nomme « Péché, culpabilité, repentir et châtiment ».
Le péché et ses conséquences
L'opium et l'« homme méchant » (the wicked man)Paul Davis écrit que la plupart des commentateurs du Mystère d'Edwin Drood raisonnent comme si Dickens avait prévu de le terminer à la manière de Wilkie Collins, c'est-à-dire en roman policier à mystère, et non pas dans la veine des ouvrages précédant son dernier roman : deux jeunes gens, promis l'un à l'autre, se séparent, et chacune de leur destinée devient le sujet principal, comme il l'a été fait de John Harmon et Bella Wilfer dans Our Mutual Friend, voire de Pip et Estella dans Great Expectations. De fait, ajoute-t-il, à bien des égards, le roman commence, comme les autres, par un contraste : ici celui qui oppose le bouge à opium au cloître de Cloisterham, comme se heurtent dans Bleak House l'extérieur et l'intérieur, que représentent le récit public à la troisième personne du narrateur et le récit privé à première d'Esther Summerson. Certes, la fumerie rappelle l'Orient, mais sa fonction première est d'ouvrir une porte sur le monde intérieur de Jasper, si différent de son personnage public et si séparé de lui, ajoute Paul Davis, que l'un reste étranger à l'autre, tant il est vrai que le maître de chœur recherche activement le fumeur d'opium meurtrier de son neveu ; abîme rappelant à bien des égards le gouffre qui sépare la respectabilité comme automatique du maître d'école Bradley Headstone dans Our Mutual Friend et son moi intime passionné et mortifère. À ce compte, la cathédrale, projection d'une des faces de Jasper, fait écho à celles des romans ecclésiastiques d'Anthony Trollope, mais la vie des gens d'église n'intéresse pas Dickens, qui se penche sur l'explication qu'offrent à la présence du « mal » les mystères religieux, « Drood, d'après Davis, se rapproch[ant] plus du monde de Graham Greene que de celui de Trollope » (« Drood is closer to the world of Graham Greene than that of Trollope »).
De fait, le péché est évoqué dès la scène du bouge, où se trouvent des références à l'« esprit souillé » (unclean spirit) et à Jésus chassant les démons. Le chant de la prière, dont les paroles redoutables tonnent sous les voûtes, When the Wicked Man (« Là où l'homme méchant »), est immédiatement suivi, sinon dans le texte mais dans la liturgie (et la conscience collective des croyants, l'un appelant l'autre), par un extrait du Psaume 51 : « Je reconnais mes transgressions et mon péché est constamment devant moi » (« I ackowledge my transgressions: and my sin is ever before me »). La transgression de Jasper sera suivie par d'autres et un jour il lui faudra en répondre, telle est, selon Peter Preston, la direction qu'indique le texte, autant d'allusions, donc, qui posent d'emblée le mystère de sa conduite à venir : acceptera-t-il la réalité de sa corruption, connaîtra-t-il le repentir, aura-t-il à pâtir du châtiment?
Abel et CaïnPour Peter Preston, la suite des références bibliques auxquelles Dickens a recours indique assez qu'il va s'agir du meurtre d'un proche parent : Caïn et Abel sont cités et décrits dès la disparition d'Edwin Drood, d'abord par Neville Landless qui, lorsqu'il est pris à partie par l'une des équipes de recherche, se défend avec des mots proches de ceux de la Genèse, 4, 15 : « Et le Seigneur fit une marque sur Caïn de peur que quiconque le trouve ne le tue » (« And the Lord set a mark upon Cain, lest any finding him should kill him »). Et lors de sa rencontre, quelques instants plus tard, avec Jasper qui, d'emblée, lui demande « Où est mon neveu ? » (« Where is my nephew? »), il lui répond : « Pourquoi me demandes-tu cela ? » (« Why do you ask me? »), nouveau rappel de la Genèse, 4, 9 : « Où est ton frère Abel ? » (« Where is Abel your brother? », à quoi Caïn rétorque : « Je ne le sais pas ? Suis-je le gardien de mon frère ? » (« I know not. Am I my brothers' keeper? »). Multiples sont les autres allusions qui accablent Neville, le suspect numéro 1, dont les paroles et les gestes évoquent le fratricide biblique, par exemple lorsqu'il quitte Cloisterham avec la « malédiction sur son nom et sa réputation » (« a blight upon his name and fame »),.
Et le tonitruant Honeythunder de clamer le commandement « Tu ne tueras point » (Thou Shall Not Murder), ce à quoi Mr Crisparkle, moins catégorique et doutant de la culpabilité de Neville, lui répond : « Tu ne porteras pas de faux témoignage contre ton voisin » (« Thou shalt not bear false witness against your neighbour »); lui, le chanoine en second, porte en effet le vrai message du Christ, sa mission est d'être auprès de ceux qui souffrent et sont dans la détresse, prêche-t-il à son rigide interlocuteur, paroles bienveillantes dérivées de la litanie du Livre de la prière commune : « Qu'il Te plaise de secourir, d'aider et de réconforter tous ceux que frappent le danger, le besoin et l'affliction » (« That it may please thee to succour, help, and comfort, all that are in danger, necessity, and tribulation », reflet, selon Peter Preston, de la préférence toujours affirmée de Dickens pour le message d'amour et de rédemption du Nouveau Testament.
MacbethAutre source de références, la tragédie Macbeth, la plus sombre, la plus meurtrière des tragédies de Shakespeare, dont la première allusion se situe dans un passage apparemment neutre mais avec un écho verbal shakespearien, riche de connotations sinistres, alors qu'est évoqué cet « oiseau clérical et tranquille, le freux qui, à grands coups d'aile, rentre à la tombée de la nuit » (« that sedate and clerical bird, the rook when he wings homeward towards nightfall »),, oblique référence à Macbeth : « La lumière s'épaissit et la corneille va à grands coups d'aile vers les bois des freux » (« Light thickens, and the crow / Makes wing to th' rooky wood »), vers prononcé juste avant la scène du meurtre de Banquo. Même technique à la veille de la disparition d'Edwin quand Dickens fait se lever un vent puissant qui renverse les cheminées dans la rue, tout comme pendant la nuit du meurtre de Duncan « la nuit a été agitée. Là où nous étions couchés / Nos cheminées ont été renversées (et comme on dit) / Des lamentations se firent entendre dans les airs, d'étranges cris de mort » (« The night has been unruly. Where we lay, Our chimneys weer blon down, (and, as they say) Lamentings hera i' t' air; strange screams of death »).
Macbeth sert aussi à Dickens pour décrire le poids de la culpabilité, évoqué à partir du chapitre 10 : Crisparkle va se baigner dans le bief de Cloisterham « aussi confiant dans [s]es pouvoirs lénifiants [...] et dans la santé de son esprit que Lady Macbeth désespérait de toutes les houles de l'océan » (« as confident in [its] sweetening powers [...] and a wholsome mind as Lady Macbeth was hopeless of all the seas that roll »). Si les rapports entre Lady Macbeth et Crisparkle sont inexistants, du moins, précise Peter Preston, la référence à l'océan renvoie-t-elle aux eaux tumultueuses de Neptune, au « rougeoiement des mers multiples » (multidudinous seas incarnadine),, aussi impuissants à laver « la petite main » (little hand) de sa souillure du sang que « tous les parfums de l'Arabie » (all the perfumes of Arabia) ne sauraient la rafraîchir (sweeten). Il y a là un signe prémonitoire puisque c'est dans ce bief que seront retrouvées les affaires d'Edwin, indice, à défaut de preuve, qu'il y a eu assassinat. Autre indice, toujours induit par le vertueux Crisparkle : celui-ci trouve Jasper endormi alors qu'il vient lui rappeler la promesse de Neville de s'excuser auprès d'Edwin et de ne rien dire de ses résolutions envers Rosa ; Jasper soudain bondit et hurle : « Que se passe-t-il ? Qui l'a fait ? » (« What is the matter? Who did it? »), écho des paroles de Macbeth à la vue du fantôme de Banquo : « Lesquels d'entre vous ont fait cela? » (« Which of you have done this? »). Là encore, commente Peter Preston, Dickens semble avoir placé un indice pointant vers le meurtre avant même la disparition d'Edwin, et comme le fantôme de Banquo est une projection de la culpabilité de Macbeth, invisible à tout autre que l'assassin, le lecteur semble indirectement invité à penser que Jasper est lui aussi assailli par d'obscurs tourments intérieurs du même ordre.
Dans son dernier chapitre inachevé, Dickens renvoie Jasper à son bouge londonien et là, au cours de son délire opiacé, il murmure à Princess Puffer : « Je l'ai si souvent fait, et sur de si longues périodes que lorsque cela a été accompli, cela ne semblait plus en valoir la peine, ce fut accompli trop tôt », écho, écrit Peter Preston, des paroles de Macbeth : « Si cela est accompli lorsque cela l'est, c'est bien / Ce fut accompli rapidement », façon, ajoute Preston, d'utiliser un texte familier pour suggérer, plutôt que le raconter, ce qu'a été le sort d'Edwin Drood.
Le double
Ainsi, la cathédrale et le bouge à opium servent de centres symboliques au roman, comme le sont la prison de Marshalsea dans Little Dorrit, ou la Tamise et ses tas d'ordure dans Our Mutual Friend, et le thème du ou des doubles reste le grand motif dickensien : comme Sydney Carton (A Tale Of Two Cities), Harmon/Rokesmith (Our Mutual Friend), ou Pip (Great Expectations), à la fois maréchal-ferrant et gentleman, Jasper mène deux vies dont la séparation est au cœur de son mystère. Même dualité chez les Landless dont la gémellité devient parodie comique ; chez Miss Twinkleton aussi, décrite dès le chapitre 3 comme ayant « deux manières d'être, distinctes et séparées » (« two distinct and separate phases of being »),.
En cela, soutient Angus Wilson, rejoignant de ce fait Edmund Wilson, Jasper incarne « la partie immergée de Dickens » (« the submerged part of Dickens himself »), ce qui ne signifie pas, ajoute-t-il, qu'obsédé comme il l'était par la peur de ses propres tendances à la violence, il ne l'eût point condamnée, tant s'affirmait à ce stade de sa vie son aversion de toute criminalité. Edmund Wilson, convaincu qu'ici Dickens délaisse la critique sociale pour la sphère psychologique, abandonnant le thème du rebelle pour celui du criminel,, brosse la comparaison entre le personnage et son auteur : Jasper, comme Dickens, est un artiste, en l'occurrence un musicien doué d'une voix exceptionnelle ; il fume de l'opium alors que Dickens, par son imagination toujours en éveil, vit dans un monde différent de celui des autres hommes ; habile magicien comme lui, l'un avec des notes de musique, l'autre avec des mots, son pouvoir, gangrené par l'égarement de la drogue, peut s'avérer dangereux pour ses semblables ; étranger venu d'ailleurs, comme lui il s'est bâti une vie respectable mais reste en secrète rébellion contre la société traditionnelle. Tel Dickens enfin, conclut Edmund Wilson, Jasper est « deux Scrooge » (two Scrooges), révélation destinée à être partagée à la fin du roman,, et, en définitive, conclut Angus Wilson, bien en accord avec la « majorité des Anglais responsables du siècle dernier [le XIXe] qui ont dépensé une bonne part de leur énergie à réprimer le côté érotique et violent de leur tempérament » (« a great number of responsible Englishmen of the last century spent much of their energies in suppressing the erotic-violent side of their natures »).
Mais Angus Wilson va plus loin, il voit dans l'identification du rêve des Mille et Une Nuits au mal, non pas tellement la peur en Dickens de sa « nature animale » (animal nature), mais une sourde méfiance de la fiction, de son art même, de l'imagination au service du bien : suprême désillusion, écrit-il, de l'imagination et de l'émerveillement innocents
« considérés comme des forces positives » (« as adequate positive forces »). Désormais, cette imagination et cet émerveillement ont été supplantés par les forces du mal que représente Jasper, le bien a rétréci aux dimensions mesquines d'individus responsables prêts à en découdre avec les forces du bien, le courage de Rosa, la virile humanité de Tartar, la dure fierté d'Helena, et même la bonté de Mr Grewgious, premier avocat honnête de toute l'œuvre de Dickens, ou encore le « christianisme musclé » du chanoine Crisparkle. En somme, les rôles traditionnels de sa fiction se sont inversés : la ville de tous les dangers (Londres) est devenue la source des gens de bien et le refuge des innocents, la campagne (Cloisterham, sa cathédrale, son cloître et son cimetière) abrite des êtres troubles (les Crisparkle exceptés) et sue la mesquinerie, la jalousie et la haine. Si meurtre il y a, c'est dans un petit bourg épiscopal qu'il a été perpétré et non dans les bas-fonds, et si l'opium de Jasper a induit le crime, Londres, bien que pourvoyeuse de la drogue, reste exempte de toute tache. Ce n'est plus la Tamise qui est le Styx aux eaux noires des Enfers, mais le minuscule bief apparemment lustral (Crisparkle va s'y baigner) d'un évêché où, par tradition, il ne se passe rien.
La Résurrection
Si tel est le cas, « si Drood est un roman dans lequel Dickens met le plus intime de lui-même, écrit Edmund Wilson, il y a lieu de croire que Jasper n'est sans doute pas vraiment conscient de son crime » (« If Drood was to be Dickens's most complete self-revelation, there is reason to believe that Jasper may not be fully aware of his crime »). Et plusieurs commentateurs ont suggéré qu'Edwin, comprenant les intentions meurtrières de Jasper, s'enfuit et disparaît, ou alors que Jasper échoue dans sa tentative, auquel cas l'épilogue projeté du roman serait une surprise pour le lecteur comme pour Jasper. Edwin revient, comme ressuscité, et le pouvoir régénérateur de la cathédrale, évoqué dans les toutes dernières pages écrites par Dickens, prend alors tout son sens :
Paul Davis ajoute que les derniers romans de Dickens exploitent tous le thème de la résurrection, depuis l'exécution « sanctifiée », jusqu'aux noyades lustrales des Grandes Espérances et de L'Ami commun. Ainsi, écrit-il, « le retour d'Edwin aurait apporté à la dernière fable de Dickens une fin surprenante et une plénitude en accord avec le thème de la résurrection présent dans tous ses derniers romans » (« Edwin's return would have provided a surprising turn to end Dickens's last fable and a fulfillment consistent with the resurrection theme in all of his later novels »).
La langue d'Edwin Drood
Rien d'étonnant qu'un roman dont l'action se déroule dans les environs et à l'intérieur d'une cathédrale soit riche en connotations religieuses. Dickens sait, en effet, utiliser le parler du doyen, du sacristain, des chanoines et des bedeaux, le vocabulaire spécifique au transept, à la nef, au chœur, à l'autel, aux caveaux et aux voûtes. De même, il puise des citations dans l'Ancien et le Nouveau Testament et se sert volontiers du Book of Common Prayers de l'Église anglicane, faisant parfois passer, comme le souligne Peter Preston, des extraits de ce livre pour des citations bibliques, choix jamais arbitraire, cependant, tant il correspond à certains thèmes du roman, le péché, le repentir, le châtiment.
Dans une certaine mesure, ce décor religieux, cette ville-évêché, cette vie rythmée par les cloches marquant le temps et les offices, tout cela imprime sa marque au récit.
« Une prose arrêtée » (Simon J. James)
Simon J. James juge les réserves émises par John Forster à l'égard de Drood, et encore plus celles de Henry James sur le prétendu déclin de Dickens dès Our Mutual Friend comme démenties par la maîtrise de sa prose dans The Mystery of Edwin Drood, ramassée en une énergie, écrit-il, « plus potentielle que cinétique » (« potential rather than kinetic »). Selon lui, comme dans La Petite Dorrit, la lenteur de l'intrigue densifie le langage qui en rend compte, un « modèle de compression » renchérit Angus Wilson, idée également avancée par John Thacker qui, en 1990, parle d'une « belle écriture équivalant à une prose poétique » (« fine writing amounting to prose poetry »).
Il y a là un paradoxe, aussitôt expliqué par un autre : « Dans Edwin Drood, ajoute James, paradoxalement, la prose de Dickens s'évertue à exprimer l'absence de mouvement » (« In Edwin Drood, Dickens's prose paradoxicallty exerts itself in expressing a failure of movement »). Voici un roman, en effet, où le récit va de pause en pause puisque rien ou presque ne se passe, et qui s'épuise à prendre son départ, comme si, dès l'abord, la narcose de l'opium embuait la perception et lestait le déchiffrage de l'ensemble ; au point, montre encore James, que « l'écrivain le plus prodigue du verbe débute son roman en l'embrumant d'inexactitudes et de questions sans réponse » (« the most verbally profligate of novelists begins a novel within a haze of inaccurate words and unanswered questions »). Et pour exemple, il cite la description de la cathédrale de Cloisterham au tout premier paragraphe du chapitre 1 :
Rêve ou réalité, partout prévaut la torpeur ; même l'avenir de Rosa, que prédit le narrateur, se bouche mystérieusement à la toute fin du chapitre 3 : « "Est-ce que tu vois un avenir heureux ?" [...] Ce qui est sûr, c'est que ni l'un ni l'autre ne voit de bonheur présent, car s'ouvre et se ferme la porte et l'un entre alors que l'autre s'en va » (« 'Can you see a happy future?' [...] For certain, neither of them sees a happy Present, as the gate opens and closes, and one goes in and the other goes away ») ; même Londres, aux yeux de Rosa, donne l'impression d'« attendre quelque chose qui ne vient jamais » (« of waiting for something that never came »).
De plus, ce roman au début si long et, par la force des choses, privé de fin, a « aussi un vide en son milieu » (« a vacuum at its middle as well »), son centre, Edwin Drood lui-même se définissant à Jasper comme une « non-entité ». « Je ne suis, hélas, qu'un gars superficiel, tout en surface, Jack, et ma pauvre tête n'est pas des meilleures. Mais, cela va sans dire, je suis jeune, et peut-être n'empirerai-je point en prenant des années [...] » (« I am afraid I am but a shallow, surface kind of fellow, Jack, and that my headpiece is none of the best. But I needn't say I am young; and perhaps I shall not grow worse as I grow older »). Et, ajoute malicieusement James, Drood agit en conséquence : il disparaît et son corps reste à jamais introuvable.
Les « petites ironies » du roman (Thomas Hardy)
En définitive, The Mystery of Edwin Drood s'avère d'une suprême ironie : situé dans une ville épiscopale mais sans spiritualité, comme le signale Morgentaler, écrit par un romancier de la fête de Noël mais où un meurtre présumé est commis le 25 décembre ; une histoire de meurtre sans solution, un fragment de roman dans lequel quelqu'un disparaît, concernant des gens sans substance, et qui se termine par la fin de son auteur,.
En conclusion, Simon J. James écrit que, si The Mystery of Edwin Drood est gâché par sa propre et prompte disparition (demise), ses ruines ont été promues au rang de monument historique ; dès lors, la perte de Drood, dont on ne se préoccupe guère dans le roman, retrouve toute son importance, « à jamais devenue source de deuil pour aussi longtemps que Dickens sera lu » (« one that will always be mourned as long as Dickens is read »).
Adaptations du roman
Au cinéma
En 1909, puis en 1912, le roman est porté à l'écran dans des films muets. Plus notable est le film de 1914, lui aussi muet, de la Gaumont British avec Tom Terris en Edwin. En 1935, a paru sous l'égide de Universal Sound Film la version de Stuart Walker, avec Claude Rains, David Manners, Douglass Montgomery, Francis L. Sullivan et Valerie Hobson. Ces deux dernières versions se terminent pas la mort de Jasper.
À la télévision
En 1952 et en 1960, ont été produites des adaptations télévisuelles respectivement par CBS et British Independent Television.Le troisième épisode de la saison 1 de la série télévisuelle Doctor Who de 2005, « The Unquiet Dead », présente Charles Dickens, personnage de fiction, lors du Noël précédant sa mort. Revenant d'une phase de scepticisme à l'encontre de tout surnaturel, il incorpore à son récit les créatures gazeuses qu'il a combattues avec Le Docteur et Rose Tyler, laissant à entendre que dans son ultime roman, The Mystery of Edwin Drood and the Blue Elementals, le meurtrier d'Edwin ne serait pas « de cette terre » (« of this earth »), mais les créatures bleues, inspirées par les humanoïdes Gelth.BBC2 retransmet les mardi et mercredi 11 et 12 janvier 2012 Le Mystère d'Edwin Drood, une version en deux parties inédite et achevée de l’histoire. Le scénario original est de Gwyneth Hughes, auteur de la série anglaise Five Days, nominée aux Golden Globes. La scénariste a souhaité garder le secret quant au dénouement qu’elle a choisi de mettre en scène. Si cette adaptation de la BBC respecte à la lettre les profils psychologiques du récit, le second épisode réserve quelques surprises : Jasper (Matthew Rhys) s'évertue à faire accuser Neville et, bien qu'il n'y ait ni cadavre ni autre évocation du meurtre que celles, en flashback, des fantasmes de Jasper, la ville entière est convaincue qu'Edwin Drood a bel et bien été assassiné. Surprise ! Le jeune homme réapparaît calmement quelque dix minutes avant la fin et explique qu'il a fait une brève excursion en Égypte : ainsi, Jasper n'a pas tué et tout n'était donc que rêve et fantasme... Nouvelle surprise ! Si, Jasper a tué, pas Edwin cependant, mais le vieux Drood réapparu (Dick Datchery), qu'on croyait mort en Égypte ; se démêle alors un écheveau compliqué : on découvre que le capitaine Drood est aussi le père de Jasper... et de Neville ; que Jasper est un demi-frère bâtard mal-aimé, comme les Landless. Ne supportant ni d'être rejeté par Rosa ni de voir réapparaître celui qu'il croit avoir tué, il se jette du haut de la nef. Bien qu'il ait passé ses derniers jours à comploter contre elle, la famille Drood célèbre dans une scène finale au sentimentalisme diffus la mémoire de l'oncle/frère décédé.Au théâtre
Peu avant sa mort, Dickens a évoqué avec Dion Boucicault la possibilité de faire une pièce de théâtre de son roman, mais Boucicault s'est ensuite ravisé. La première production scénique est due à T.C. De Leon, donnée à Chicago en octobre 1870, puis, devant son insuccès, elle a été restructurée en Jasper pour le public new-yorkais. La première adaptation anglaise a été réalisée par Walter M. Stephen pour le Surrey Theatre qui s'est ouvert en novembre 1871. D'autres ont suivi, avec diverses fins apportées à l'histoire, par exemple en 1872 avec G. H. MacDermott au Britannia Theatre, puis en 1876 sous le titre Alive or Dead de Robert Hall. Joseph L. Hatton et le fils même de Dickens, Charles Jr., imaginent en 1880 le suicide de Jasper par le poison, mais leur manuscrit n'est jamais parvenu jusqu'à la scène.
Divers
Drood est une adaptation musicale réalisée par Rupert Holmes en 1985 dans le style du music-hall victorien et où les spectateurs sont invités à voter pour choisir les meilleures fins proposées à l'histoire. La comédie musicale a été reprise en 2012 à Broadway.Le roman The Last Dickens de Matthew Pearl (2009) est une fiction consacrée aux événements postérieurs à la mort de Dickens en relation avec son roman inachevé.Edwin Drood est le nom donné à un groupe de musiciens apparaissant dans la série télévisée britannique Jonathan Creek.
C'est aussi celui du protagoniste de L'Homme au Torque d'Or (The Man With The Golden Torc), premier tome de la série The Secret History de Simon R. Green.De façon plus anecdotique, dans le roman de J. M. Coetzee, Disgrace (1999), l'héroïne Lucy lit Le Mystère d'Edwin Drood avant qu'un meurtre ne soit commis dans sa ferme.Éditions françaises du roman
(fr) Charles Dickens (trad. Charles Bernard Derosne), Le Mystère d'Edwin Drood, Paris, Hachette, 1874, 324 p.
(fr) Charles Dickens (trad. de l'anglais par Lucien Carrive, Sylvère Monod et Renée Villoteau), Le Mystère d'Edwin Drood, Paris, Gallimard, coll. « La Pléiade », 1991, 1466 p. (ISBN 978-2-07-011199-2), publié avec Our Mutual Friend.Bibliographie
Texte
(en) Charles Dickens, The Mystery of Edward Drood, Harmondsworth, Penguin Classics, 1986, 314 p. (ISBN 0-14-043092-X), introduction, appendices et notes d'Angus Wilson.
(en) Charles Dickens et Peter Preston, The Mystery of Edwin Drood and Other Stories, Ware, Hertfordshire, Wordsworth Editions Limited, 2005, 464 p. (ISBN 978-1-85326-729-1, lire en ligne), introduction et notes de Peter Preston, version de référence.Ouvrages généraux
(en) Michael Stapleton, The Cambridge Guide to English Literature, Londres, Hamlyn, 1983, 993 p. (ISBN 0-600-33173-3).
(en) Margaret Drabble, The Oxford Companion to English literature, Londres, Guild Publishing, 1985, 1155 p. (ISBN 978-0-19-921492-1).
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Les Cent Meilleurs Romans policiers de tous les temps.Liens externes
(en) The Mystery of Edwin Drood sur Internet Archive.
(en) The Mystery of Edwin Drood – Version HTML.
(en) The Mystery of Edwin Drood – Analyse des thèmes et des allusions, avec une proposition de solution au mystère.
(en) About Edwin Drood, via Internet Archive. Collection d'ouvrages du XIXe siècle et du début du XXe siècle sur les mystères du roman et ses possibles solutions.
Autre source
(en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « The Mystery of Edwin Drood » (voir la liste des auteurs).Notes et références
Notes
Références
Portail du polar Portail de Charles Dickens Portail des années 1870
Avec ce livre, Dickens fait donc œuvre de pionnier du roman policier, rompant avec le caractère purement littéraire et l'intrigue multiple de ses deux œuvres précédentes, Bleak House et Our Mutual Friend.
Le mot « mystère », en effet, charpente du titre et clef du roman, inscrit le dernier livre de Dickens dans le genre whodunit, écrit John Sutherland dans son analyse du téléfilm que diffuse BBC Two les mardi et mercredi 10 et 11 janvier 2012. Non seulement, poursuit-il, Dickens a laissé une moitié d'histoire, mais aussi nombre d'ingrédients « dignes d'un scénario criminel impliquant sexe, argent et meurtre » (« a familiar crime scenario involving sex, money and homicide ») : en effet, ce fumeur qui s'éveille dans les vapeurs de la drogue n'est autre qu'un très respectable homme d'église brûlant de désir pour la jeune fiancée de son pupille qui, à son mariage, va hériter d'une fortune. De plus, révèle Sutherland, cette pudique jeune fille porte un nom poétique, Rosa Bud, que corrompent aussitôt ses surnoms Pussy et Rosebud, issus des pages de la pornographie victorienne – comme tous les gentlemen de l'époque l'auront aussitôt noté « à leur grand ébaudissement » (« chortlingly »).
Intrigue encore corsée par l'arrivée d'un nouveau soupirant, le sourcilleux Neville, venu de Ceylan avec sa sœur jumelle qui aime s'habiller à la masculine, pour parfaire son éducation à Cloisterham, ces Landless (littéralement « Apatrides »), dont on ne sait s'ils sont blancs, noirs ou jaunes en un temps où ces considérations font florès, et alors que Dickens, depuis la mutinerie de 1857, réclame haut et fort des exécutions de masse pour les rebelles. Bref, deux hommes qui brûlent pour une douce promise, un héritage qui s'évapore lorsque les fiancés rompent leur engagement, de la jalousie, du lucre, de la haine, un coupable idéal parce que venu d'ailleurs, un drogué dont la police ignore les habitudes, puis un certain Dick Datchery qui survient d'on ne sait d'où, à l'abondante crinière blanche décrite avec insistance, ce qui incite à penser qu'il est, sous un déguisement, un personnage déjà connu. Mais qui ? Edwin ? John Sutherland rappelle alors que Dickens avait envisagé Dead or Alive (« Mort ou vif ») comme l'un des titres possibles de son roman.
Et, pour couronner le tout, un auteur qui meurt à ce stade de son récit, laissant un « mystère enveloppé de mystères » (« a mystery wreathed in mystery »), note le chroniqueur.