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"content": " François Mitterrand : Je vous entendais avec plaisir, tout à l'heure, évoquer cette magnifique perspective, qui n'est pas un mirage, d'un homme dans l'espace, d'un homme européen dans l'espace, avec un matériel européen. Cela me rappelait le moment où à La Haye, lors d'un Sommet européen mais j'étais allé faire un discours à côté devant des Européens, où j'ai préconisé précisément le lancement d'un satellite orbital qui pourrait être habité par un équipage. C'est à partir de là que l'Europe technologique s'est attaquée à ce problème, pour ne pas être à la traîne, disons les choses, des Américains. Là aussi, il y a une certaine continuité : vous voulez bien vous réjouir d'une initiative qui a été, je le crois, en effet, importante. J'ai moins tendance à sourire lorsque vous parlez de la réussite de votre politique économique et lorsque vous parlez des exportations. Ce sont surtout les exportations de produits industriels, comme on dit, manufacturés, qui représentent la puissance économique d'un pays. Or, en 1985, nous avons eu un excédent de 90 milliards de produits manufacturés et, en 1987,ce sont les derniers Comptes annuels de la nation qui viennent de le dire, document officiel, vous avez atteint, avec moins 11 milliards, le plus grave déficit de produits industriels ou manufacturés depuis 1969. Vous avez battu le record depuis 1969. Naturellement, si on commence comme cela, avec le dernier mois qui a été très détestable vous le savez, plus de 5 milliards de déficit, naturellement, si on s'engage dans l'Europe comme cela, on s'y cassera les reins. Il faut donc que toutes les forces économiques françaises, parmi lesquelles je compte notre qualité de travail par les travailleurs eux-mêmes, se mettent à l'ouvrage pour réussir la place de la France dans l'Europe. Enfin, vous avez parlé, tout à l'heure, de l'inflation en vous réjouissant du point où vous en étiez arrivé, c'est-à-dire environ 2,5 % d'augmentation seulement, c'est une réussite par rapport aux années précédentes : c'était 3 % en 1986, c'était près de 14 % lorsque je suis arrivé à la Présidence de la République en 1981, il y a eu véritablement une courbe qui tombe vers le bas,et cette fois-ci, on peut dire vers le bas avec joie, que vous avez poursuivie. J'y vois encore une réussite à travers 7, 8 et 9 ans. C'est bien, il faudrait continuer. Je ne veux pas poser les problèmes qui nous opposent d'une façon générale, il suffit de vous entendre, toujours en termes de rupture. Il faudra continuer, après le 8 mai de cette année, une politique anti-inflationniste. Rappelez-vous que vous avez dû quitter, vous-même, le pouvoir en 1976, vous avez cédé la place à M. Barre parce que vous aviez échoué dans votre lutte contre l'inflation et M. Barre vous avait condamné, à cette époque, très sévèrement. On ne va pas revenir là-dessus. On condamne ceci, on condamne cela. Vous avez condamné mon action, je pourrais condamner la vôtre. Je vais reprendre le même raisonnement : quand vous aurez expliqué que les gouvernements socialistes ont échoué, quand j'aurai expliqué que votre gouvernement a échoué, en quoi aurons-nous fait avancer les affaires de la France ? Et je souhaite que, pour ce qui reste de notre entretien, nous puissions vraiment aborder l'avenir en disant : \"A partir de ce fameux 8 mai, même un peu plus tard, que va-t-on faire ?\" La politique que je préconiserais serait une politique pour la France. Je n'ai pas imposé d'opinion sectaire, croyez-le et la France s'est trouvée mieux dans l'Europe, à la fin de mon mandat, c'est-à-dire maintenant, qu'elle n'y était auparavant. Jacques Chirac : Les exportations sont un problème important et vous avez, monsieur Mitterrand, comme toujours, une approche romantique des problèmes économiques, c'est d'ailleurs, par certains côtés, sympathique mais parfois un peu irréel. C'est vrai qu'en 84-85, je ne conteste pas vos chiffres, bien sûr, nous avions un excédent. C'est vrai que nous avons un déficit et je dis \"heureusement et bravo\". Vous aviez un excédent, pourquoi ? Oh non pas parce qu'on exportait davantage ou qu'on avait plus de parts de marché, simplement parce que nos entreprises étaient réduites à un état où elles ne pouvaient plus investir, par conséquent, elles n'importaient plus et elles exportaient ce que nous produisions. Aujourd'hui, depuis 1986, nous avons, Dieu soit loué, engagé une politique qui a rendu à nos entreprises le moyen d'investir, c'est-à-dire de préparer l'avenir, de préparer cette échéance 92, et cela est capital, naturellement ! Et elles ont investi comme jamais depuis 15 ans, en deux ans : plus 14 %, c'est-à-dire plus que tous les pays industriels. Naturellement, qu'est-ce que cela a pour conséquences, c'est que nous importons davantage, ce sont des importations saines et que nous exportons moins parce que nous consommons davantage, notamment les machines-outils que nous produisons, pas assez d'ailleurs, mais c'est un autre problème. Alors, je ne peux de ce point de vue que m'en réjouir et ce que je souhaite, c'est savoir non pas comme vous le dites que la politique que vous préconisez sera une politique pour la France, je me doute bien que ce ne sera pas une politique pour le Luxembourg, mais quelle sera cette politique pour la France que vous ferez ? Vous avez fait une politique en 1981, nous l'avons vue, nationalisations, contrôle, bureaucratie. On a vu les résultats. Moi, j'ai fait une politique depuis 86, on la connaît : liberté des échanges, des prix, liberté du crédit, investissements, lutte contre le chômage, réussite dans ce domaine. Je dis ce que je ferai. Je poursuivrai et j'amplifierai cette politique en mettant l'accent sur les nécessités sociales sur lesquelles nous reviendrons tout à l'heure et le renforcement des solidarités dans notre pays et la lutte contre la misère. Cela, tout le monde peut le comprendre mais je ne sais toujours pas, nous ne savons toujours pas, quelle politique économique vous choisirez entre celle que vous avez menée en 81 et celle que je mène depuis deux ans ? SUMMARY : Il a également résolu un certain nombre de problèmes financiers, entraînant par là l’émergence d’Airbus et le développement de l’Europe spatiale. Il accuse la politique étatiste socialiste d’avoir défavorisé l’économie française. François Mitterrand est d’accord avec Jacques Chirac sur les grands groupes européens, se réjouissant particulièrement de l’Europe de l’espace. Sur l’économie en revanche, il se montre particulièrement virulent avec lui, rendant sa politique responsable de la dégradation des finances publiques. Il explique que le déficit de produits industriels n’a jamais été aussi élevé qu’en 1987, et ce, depuis 1969. Sur l’inflation, même si la situation actuelle est positive, il évoque l’échec de son adversaire en 1976 ; Jacques Chirac avait été en conséquence jugé sévèrement par Barre. Face à ses attaques, Jacques Chirac se défend en justifiant la hausse des importations : sa politique a donné davantage de moyens aux entreprises, lesquelles ont pu investir, notamment en achetant le matériel dont elles ont besoin à l’étranger."
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