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    "content": " P2 : Allez-y, parce que vous débattez entre vous. Olivier Véran : J'ai du respect pour Jean-Luc Mélenchon et son parcours en politique. Donc, je suis allé regarder ce qu'il disait de l'avenir du système de retraite il y a une dizaine d'années. Il a fait deux prédictions que je trouve assez intéressantes de partager avec vous ce soir. En 2010, d'abord, il a dit, le problème du vieillissement de la population, qui était déjà annoncé, parce que c'est pas d'aujourd'hui qu'on sait que la population vieillit, ce n'en est pas un, puisque le dynamisme de la natalité française fait qu'il n'y aura aucun problème démographique et d'équilibre. Jordan Bardella : D'ailleurs c'est bien, vous étiez ensemble au parti socialiste. Olivier Véran : Il y a 12 ans plus tard, il n'était plus au PS depuis un moment. Puis, 12 ans plus tard, on se rend compte que ce n'est pas le cas et d'ailleurs, la politique nataliste, s'est plutôt effondrée en France comme elle s'est effondrée en Europe, donc, il y a un déséquilibre. Et ensuite, en 2012, il disait, face à certains pays, c'est-à-dire quasiment tous les pays qui nous entourent en Europe, de gauche comme de droite, de gauche comme de droite, qui repoussait l'âge de départ à la retraite pour anticiper les déséquilibres, eh bien, il disait, vous verrez, ils vont tous revenir en arrière dans les 10 prochaines années; à nouveau, 10 ans plus tard, non seulement aucun des revenus en arrière, mais c'est plutôt la tendance inverse, c'est-à-dire que, je le redis, parce que la répétition est utile, la France conservera, même après la réforme, l'un des départs de la retraite parmi les plus tôt. Ensuite, Mme Panot, vous avez dit, pardon, beaucoup de choses. Le cor, j'en entends parler depuis une semaine, tout le monde en entend parler. Donc, c'est bien parce que tout le monde connaît le cor, c'est formidable. Le cor, il y a quand même une phrase qui est à la page 11 du rapport que vous avez lu et qui me semble être assez limpide, puisque le cor écrit dans tous les scénarios et quelle que soit la convention étudiée, je passe sur ce que c'est que la convention, sinon, c'est très, très, très long et pénible pour les gens, mais quel que soit le scénario et les conventions utilisées, il y aura dans les 25 prochaines années un déséquilibre financier qui va nous falloir combler. Et le cor nous dit, par contre, en 2070, la démographie sera sans doute plus adaptée et donc, on pourra envisager un retour à l'équilibre. Moi, je vous dis juste que je n'ai pas envie d'attendre 2070 pour équilibrer le système. Et quand vous dites que c'est 12 ou 15 milliards, c'est chaque année. Mais moi aussi, mes chiffres, c'est chaque année. En réalité, les chiffres, c'est 2034, c'est déjà 150 milliards d'euros de déficit. Je sais que pour vous, l'argent est magique. Mathilde Panot : C'est ce que vous donnez chaque année aux grandes entreprises. On peut trouver 150 milliards de notre pays à l'échelle de 10 ans. Olivier Véran : Si l'impôt rendait heureux, madame Panot, la France serait un paradis sur terre. Nous avons le taux d'imposition parmi les plus élevés au monde avec le Japon et le Danemark sur les hautes fortunes dans notre pays. Donc, vous savez, on a plutôt à recrér de l'emploi, on fait revenir des entreprises, on est capables de reproduire sur le territoire national. Vous savez que c'est important, on manque de médicaments, on a manqué de masques, on veut réimplanter des usines. Mais pour ça, avoir une fiscalité à peu près harmonisée avec nos voisins, c'est plutôt pas mal. Je vous dis qu'on a encore du chemin à faire de ce point de vue-là. P1 : Jordan Bardella. Jordan Bardella : D'abord, cette retraite, cette réforme, elle est bâtie sur un mensonge, le système des retraites français n'est pas en faillite. C'est faux et un mensonge, je veux le dire. Le président du Conseil d'Orientation des retraites, dont parlait monsieur le ministre, a été auditionné le 19 janvier à l'Assemblée nationale et il dit une chose. Il dit qu'il n'y a pas de dynamique incontrôlée des dépenses de retraite jusqu'en 2070. Nous n'avons pas de problème dans la dépense publique qui est liée au système de retraite. Il est vrai que nous avons un problème de recette. Et nous avons un problème de recette parce que dans un système où ceux qui travaillent paient la retraite, de ceux qui ne travaillent pas, quand vous avez 6 millions de chômeurs, c'est 6 millions d'occasions en moins de faire rentrer des cotisations dans les caisses de retraite. Quand vous avez un continent européen et qui plus est une nation française qui est vieillissante de part sa démographie, vous avez moins de cotisations qui rentrent. Donc il y a deux débats à ouvrir. Ces débats, c'est la natalité et la productivité. J'aurai l'occasion d'y revenir. Monsieur Véran vous dit, mais regardez partout en Europe, comment c'est formidable, regardez partout en Europe, tous les pays européens ont passé la retraite à 63, 64, 65, 67 ans. Très bien en Allemagne, il y a deux fois plus de retraites pauvres qu'en France; très bien en Suède, regardez la Suède, cette semaine, l'ancien directeur général de la Sécu, de la Sécurité sociale suédoise, a pris la parole sur BFM TV, Il a dit à Emmanuel Macron, ne faites pas ça. Nous avons, en Suède, reporté l'âge de départ légal il y a 20 ans à 65 ans. Nous avons aujourd'hui beaucoup plus de retraites pauvres qu'il y en avait il y a 20 ans en Suède. Nous avons été contraints de baisser les pensions de retraite. Et pour une raison très simple, c'est que, et c'est peut-être ce que vous oubliez dans tous ces débats comptables sur la retraite, c'est que la retraite, c'est pas juste de la compta. Il y a des gens derrière. Et il y a des Français qui aujourd'hui nous regardent et se disent, mais comment je vais pouvoir travailler jusqu'à 62, demain 63, demain 64 ans? Parce qu'il y a des millions de Français qui font des travaux pénibles, qui ont commencé à travailler très tôt. C'est eux que vous décidez de faire partir plus tard par rapport à des gens qui ont pu commencer à travailler à 24 ans et je n'ai rien contre les cadres. Il en faut, il en faut même de plus en plus. Mais qui, aujourd'hui, partent à 67 ans, qui, avec votre réforme, partiront demain et après demain à 67 ans ? Et je vais dire la vérité. C'est que si on en vient faire la réforme des retraites aujourd'hui, alors que le président de la République y était totalement opposé il y a encore 2 ou 3 ans, on aura l'occasion de revenir sur ces déclarations, c'est parce que c'est une exigence de la Commission européenne et que c'est une exigence que de réformer notre système de retraite qui est formulé par l'Union européenne et qui était la contrepartie du plan de relance qui a été octroyé à la France par les institutions européennes après la crise sanitaire. On est d'accord, on n'est pas d'accord, mais juste, il faut le dire. Et j'ai retrouvé une interview de M. Beaune, qui était à l'époque ministre des Affaires européennes et qui a donné une interview à West France le 2 septembre 2020 dans laquelle le journaliste lui disait, mais quelle réforme la France s'engageait à faire en contrepartie de ce plan de relance, il cite en premier lieu la réforme des retraites. Donc, il faut dire les choses. L'Union européenne aujourd'hui pousse à la paupérisation des classes populaires et des classes moyennes. Il faut dire les choses. P1 : Et il faut que ça circule aussi. Jordan Bardella : Ca va circuler, il n'y a pas de problème, je vais laisser la parole, je vais la rendre, mais juste, il faut rétablir un certain nombre de faits, expliquer qu'il y a un déficit cataclysmique du système de retraite. C'est faux. Deuxièmement, ce n'est pas la bonté du gouvernement qu'il a décidé, mais une exigence de l'Europe. Et troisièmement, permettez-moi de vous rappeler que l'espérance de vie dans notre pays, elle stagne et que l'espérance de vie en bonne santé, elle stagne d'autant plus chez les classes populaires et notamment chez les femmes qui vont être les premières victimes de votre réforme. P2 : On va laisser Olivier Véran répondre. C'est pas un meeting, c'est un débat. Vous pouvez vous interrompre les uns et les autres. Vous n'avez pas à parler 4 minutes, à la suite vous pouvez parler entre vous. Olivier Véran : Je vais laisser la parole à Mme Panot, qui a du retard par rapport à nous. P1 : Vous inquiétez pas, on va gérer, vous inquiétez pas. Vous répondez là, on vous accuse de mensonges. Olivier Véran : Je vais pas relever toutes les insultes, sinon on va y passer la soirée. Bref, j'ai l'habitude et je suis solide. Jordan Bardella : Ce ne sont pas des insultes, monsieur Véran. Olivier Véran : Depuis 2 jours, si vous voulez, je peux vous les envoyer, vous verrez, c'est très agréable. Depuis 2 jours, j'entends parler du modèle suédois, parce qu'il y a effectivement un responsable politique qui a dit à la France, ne faites pas. Alors ce qu'il y a d'un à un, je suis allé regarder, figurez-vous, le système suédois. D'abord, ils ont un système par point. Ensuite, ils ont une grosse part de capitalisation, ce qui est exactement l'inverse du système par répartition qu'on défend. C'est-à-dire que vous devez cotiser toute votre vie pour votre propre retraite et donc ça crée des inégalités. Ils ont indexé les points sur l'espérance de vie et sur le niveau de croissance. Jordan Bardella : Mais c'est pas ce que vous vouliez faire avant le Covid ? Olivier Véran : Ils ont un investissement public bien plus faible que ce qu'on met en France, nous, on est à plus de 14 % de PIB. Ils sont à 11 % de PIB et ils n'ont pas tous les mécanismes d'amortissement social qu'on a dans nos autres systèmes et qu'on pérennise, voire qu'on conforte, comme par exemple, excusez du peu, ça a pris en compte du congé maternité. Donc, je veux bien qu'on compare tout ce qu'on veut, mais en l'occurrence entre la Suède et la France, c'est deux mondes en matière de retraite. C'est tout ce que je veux dire. Jordan Bardella : Les pensions de retraite ont baissé. 90 % des femmes, et 72 % des hommes. Olivier Véran : Mais, c'est pour la Suède. Prenez l'exemple américain, ça n'a strictement rien à voir. C'est quand même assez fort à caler. Jordan Bardella : C'est à quel âge, là, que je part à la retraite aux Etats-Unis? Excusez-moi, est-ce que c'est 62 ans? Olivier Véran : Mais on a un système par point ou par répartition ? Mathilde Panot : Mais pourquoi nous n'avons pas de système par point ? En 2019-2020, le gouvernement auquel vous appartenez, déjà, avait essayé de faire une retraite par point. Il se trouve qu'en 2019-2020, il y avait eu 2 mois de grève, près de 2 millions de personnes qui étaient descendues dans la rue, et une forte obstruction parlementaire. Vous vous rappelez qu'il y avait permis de ne pas faire passer la réforme avant le Covid. Et donc, nous avons gagné contre la réforme de retraite à point. Et heureusement, parce que pour que tout le monde comprenne, alors, à ce moment-là, le niveau de votre pension était lié au niveau économique dans le pays. Et vous comprenez qu'avec le Covid, ça aurait voulu dire, pour beaucoup de retraités de notre pays, avoir des pensions beaucoup plus faibles, et donc, un niveau de retraités beaucoup plus pauvres. Et donc, c'est intéressant de voir que le gouvernement ne cesse de dire qu'il défend le système par répartition. Vous avez essayé de casser le système par répartition en 2019-2020, parce que vous avez introduit de la capitalisation, et notamment, je vous rappelle, la loi Pacte, qui défiscalisait des mesures de capitalisation, à tel point que la capitalisation depuis 2019, depuis votre loi, a augmenté de 20 % dans notre pays. Alors certes, elle n'est qu'à 5 %, mais elle a augmenté. Pourquoi? Pourquoi faites-vous cette réforme aujourd'hui? C'est une question quand même importante. Vous dites que vous voulez sauver le système par répartition, mais vous avez essayé, il y a 3 ans, de nous faire un système par capitalisation, pour que tout le monde comprenne bien. Olivier Véran : Pardonnez-moi. La loi Pacte est une loi qui a permis de recréer de l'énergie et de partager les richesses dans les entreprises, de créer de la valeur dans les entreprises et de permettre aux entreprises de devenir des entreprises à mission pour développer ce qu'on appelle la responsabilité sociétale des entreprises. C'était un objectif fort de la loi Pacte. Je regrette que vous ne l'ayez pas voté d'ailleurs à l'époque, parce que quand on voit l'impact que ça favorable, notamment pour les politiques environnementales, je pense qu'on peut avoir quelque chose d'autre aujourd'hui. Mais là, on a tout fait qu'en dehors du sujet. Bref, on n'a jamais fait autre chose que défendre le système par répartition. Mathilde Panot : Vous êtes en train de faire une réforme où vous nous agitez 12 milliards de déficits, d'accord? Olivier Véran : On agite pas, madame, panot. On ne crée pas les déficits comme vous créez les milliards. Mathilde Panot : Non, mais en fait, 12 milliards de déficits, ce n'est rien dans notre pays. Nous sommes le 7e pays le plus riche au monde. Je vous lis ce que disait le cor lors de l'audition qui avait été demandé par le président de la Commission des Finances, Éric Coquerel, Le président du corps, les dépenses de retraite ne dérapent pas, elles sont relativement maîtrisées dans la plupart des hypothèses, elles diminuent plutôt à terme. Cette réforme dont vous êtes en train de nous parler, l'OFCE lui-même explique que dans 10 ans, ça sera 2,8 milliards d'économies. C'est vrai ou c'est pas vrai ce que je suis en train de dire? Olivier Véran : Pardon, excusez-moi. Vous avez un salaire qui tombe sur votre compte en banque tous les mois. On est d'accord. Et avec ce salaire, vous allez faire des dépenses, d'accord? Donc si je viens, si je suis. Alors vous allez dire, vraiment, je n'ai rien à voir avec la banque, mais imaginez que je sois votre banquier, que je vous appelle Mme panot, et que je dises vos dépenses, c'est super, elles n'ont pas bougé. Par contre, votre salaire, il a baissé d'un tiers, du coup, il y a un problème. Mathilde Panot : Oui, mais vous voulez savoir, vous voulez savoir. Olivier Véran : Donc ce que dit le cor, ce que dit le cor, c'est que les dépenses, le poids des dépenses n'augmente pas, mais que les recettes diminuent, c'est ce que je viens de vous dire tout à l'heure. On passe de 2 cotisans, 1,6 cotisans pour 1 retraite. Mathilde Panot : Pourquoi les ressources diminuent ? P1 : On va revenir sur le coeur de la retraite, on va revenir sur le coeur de la retraite. Il faut qu'on avance, il faut qu'on avance. Mathilde Panot : Nan mais vous comprenez ces gens vides les caisses, et après, ils disent que c'est incroyable. Olivier Véran : Il y a des gens qui vides les caisses, mais pas nous, excusez-moi. Vous avez 12 milliards d'euros, vous dites que c'est une paille. 12 milliards d'euros, c'est une paille, pour que chacun puisse se faire une idée, 12 milliards d'euros, c'est juste à peu près 3 fois le budget de la culture dans votre pays. Vous avez raison, c'est une sacrée paille. Moi, je considère que 12 milliards de déficits par an qui vont passer à 20 milliards par an, c'est irresponsable. Vous considérez que c'est pas vrai, parce que l'argent est magique. Mathilde Panot : Non, non, l'argent n'est pas magique, il est à chercher dans les bonnes poches. Il est à chercher dans les bonnes poches, monsieur le ministre. SUMMARY :  Mathilde Panot explique qu'il est facile de trouver cet argent en taxant les plus riches."
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