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JADE/CETATEXT000046694341.xml | Vu la procédure suivante :
La société Le Chalet des jumeaux a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler et, à titre subsidiaire, de résilier le traité de sous-concession du service public balnéaire relatif au lot n° T2d sur la plage de Pampelonne conclu le 19 octobre 2018 entre la commune de Ramatuelle et la société Loisirs Soleil. Par un jugement n° 1900818 du 1er juillet 2021, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 21MA03743 du 10 mai 2022, la cour administrative d'appel de Marseille a annulé ce jugement et prononcé la résiliation du contrat à compter du 1er avril 2023.
Par une requête, enregistrée le 12 octobre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune de Ramatuelle demande au Conseil d'Etat d'ordonner qu'il soit sursis à l'exécution de cet arrêt jusqu'à ce qu'il soit statué sur son pourvoi.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- l'ordonnance n° 2016-65 du 29 janvier 2016 ;
- le décret n° 2016-86 du 1er février 2016 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Frédéric Gueudar Delahaye, conseiller d'Etat,
- les conclusions de Mme Cécile Raquin, rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL Didier-Pinet, avocat de la commune de Ramatuelle, à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de la société Le Chalet des jumeaux et à la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la société Loisirs Soleil ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article R. 821-5 du code de justice administrative : " La formation de jugement peut, à la demande de l'auteur du pourvoi, ordonner qu'il soit sursis à l'exécution d'une décision juridictionnelle rendue en dernier ressort si cette décision risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables et si les moyens invoqués paraissent, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation de la décision juridictionnelle, l'infirmation de la solution retenue par les juges du fond ".
2. D'une part, l'exécution de l'arrêt attaqué par la commune de Ramatuelle, qui prononce la résiliation d'un contrat de sous-concession d'un lot du service public balnéaire sur la plage de Pampelonne à compter du 1er avril 2023, risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables compte tenu des incidences financières potentiellement très lourdes de cette résiliation au regard du budget de la commune.
3. D'autre part, en l'état de l'instruction, paraissent sérieux et, en l'espèce, de nature à justifier, outre l'annulation de l'arrêt attaqué, l'infirmation de la solution retenue par les juges du fond, les moyens tirés de ce que la cour administrative d'appel de Marseille aurait, d'une part, commis une erreur de droit en retenant que les irrégularités qu'elle avait retenues devaient conduire à la résiliation du contrat sans rechercher si, dans les circonstances de l'espèce, le vice entachant la validité du contrat permettait, eu égard à son importance et à ses conséquences, la poursuite de l'exécution du contrat et, d'autre part, commis une erreur de droit en estimant que les lots auraient dû être répartis en fonction de leur " niveau de standing " et que la commune se serait arrogé un pouvoir discrétionnaire d'attribution des lots, faute d'avoir procédé à cette répartition.
4. Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de surseoir à l'exécution de l'arrêt du 10 mai 2022 de la cour administrative d'appel de Marseille.
5. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la commune de Ramatuelle qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E:
--------------
Article 1er : Jusqu'à ce qu'il ait été statué sur le pourvoi de la commune de Ramatuelle, il sera sursis à l'exécution de l'arrêt du 10 mai 2022 de la cour administrative d'appel de Marseille.
Article 2 : Les conclusions présentées par la société Le Chalet des jumeaux au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la commune de Ramatuelle, à la société Le Chalet des jumeaux et à la société Loisirs Soleil.
Délibéré à l'issue de la séance du 17 novembre 2022 où siégeaient : M. Olivier Japiot, président de chambre, présidant ; M. Gilles Pellissier, conseiller d'Etat et M. Frédéric Gueudar Delahaye, conseiller d'Etat-rapporteur.
Rendu le 6 décembre 2022.
Le président :
Signé : M. Olivier Japiot
Le rapporteur :
Signé : M. Frédéric Gueudar Delahaye
Le secrétaire :
Signé : M. François Saucède |
JADE/CETATEXT000046694343.xml | Vu la procédure suivante :
La société Le Chalet des jumeaux a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler et, à titre subsidiaire, de résilier le traité de sous-concession du service public balnéaire relatif au lot n° G1d sur la plage de Pampelonne conclu le 19 octobre 2018 entre la commune de Ramatuelle et la société Tropicana. Par un jugement n° 1900820 du 1er juillet 2021, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 21MA03745 du 10 mai 2022, la cour administrative d'appel de Marseille a annulé ce jugement et prononcé la résiliation du contrat à compter du 1er avril 2023.
Par une requête, enregistrée le 12 octobre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune de Ramatuelle demande au Conseil d'Etat d'ordonner qu'il soit sursis à l'exécution de cet arrêt jusqu'à ce qu'il soit statué sur son pourvoi.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- l'ordonnance n° 2016 65 du 29 janvier 2016 ;
- le décret n° 2016 86 du 1er février 2016 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Frédéric Gueudar Delahaye, conseiller d'Etat,
- les conclusions de Mme Cécile Raquin, rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL Didier-Pinet, avocat de la commune de Ramatuelle, à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de la société Le Chalet des jumeaux et à la SCP Melka-Prigent-Drusch, avocat de la société Tropicana ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article R. 821-5 du code de justice administrative : " La formation de jugement peut, à la demande de l'auteur du pourvoi, ordonner qu'il soit sursis à l'exécution d'une décision juridictionnelle rendue en dernier ressort si cette décision risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables et si les moyens invoqués paraissent, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation de la décision juridictionnelle, l'infirmation de la solution retenue par les juges du fond ".
2. D'une part, l'exécution de l'arrêt attaqué par la commune de Ramatuelle, qui prononce la résiliation d'un contrat de sous-concession d'un lot du service public balnéaire sur la plage de Pampelonne à compter du 1er avril 2023, risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables compte tenu des incidences financières potentiellement très lourdes de cette résiliation au regard du budget de la commune.
3. D'autre part, en l'état de l'instruction, paraissent sérieux et, en l'espèce, de nature à justifier, outre l'annulation de l'arrêt attaqué, l'infirmation de la solution retenue par les juges du fond, les moyens tirés de ce que la cour administrative d'appel de Marseille aurait, d'une part, commis une erreur de droit en retenant que les irrégularités qu'elle avait retenues devaient conduire à la résiliation du contrat sans rechercher si, dans les circonstances de l'espèce, le vice entachant la validité du contrat permettait, eu égard à son importance et à ses conséquences, la poursuite de l'exécution du contrat et, d'autre part, commis une erreur de droit en estimant que les lots auraient dû être répartis en fonction de leur " niveau de standing " et que la commune se serait arrogé un pouvoir discrétionnaire d'attribution des lots, faute d'avoir procédé à cette répartition.
4. Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de surseoir à l'exécution de l'arrêt du 10 mai 2022 de la cour administrative d'appel de Marseille.
5. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la commune de Ramatuelle qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Jusqu'à ce qu'il ait été statué sur le pourvoi de la commune de Ramatuelle, il sera sursis à l'exécution de l'arrêt du 10 mai 2022 de la cour administrative d'appel de Marseille.
Article 2 : Les conclusions présentées par la société Le Chalet des jumeaux au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la commune de Ramatuelle et à la société Le Chalet des jumeaux.
Copie en sera adressée à la société Tropicana.
Délibéré à l'issue de la séance du 17 novembre 2022 où siégeaient : M. Olivier Japiot, président de chambre, présidant ; M. Gilles Pellissier, conseiller d'Etat et M. Frédéric Gueudar Delahaye, conseiller d'Etat-rapporteur.
Rendu le 6 décembre 2022.
Le président :
Signé : M. Olivier Japiot
Le rapporteur :
Signé : M. Frédéric Gueudar Delahaye
Le secrétaire :
Signé : M. François Saucede |
JADE/CETATEXT000046694342.xml | Vu la procédure suivante :
La société Le Chalet des jumeaux a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler et, à titre subsidiaire, de résilier le traité de sous-concession du service public balnéaire relatif au lot n° T3d sur la plage de Pampelonne conclu le 19 octobre 2018 entre la commune de Ramatuelle et la société Rama. Par un jugement n° 1900819 du 1er juillet 2021, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 21MA03744 du 10 mai 2022, la cour administrative d'appel de Marseille a annulé ce jugement et prononcé la résiliation du contrat à compter du 1er avril 2023.
Par une requête, enregistrée le 12 octobre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune de Ramatuelle demande au Conseil d'Etat d'ordonner qu'il soit sursis à l'exécution de cet arrêt jusqu'à ce qu'il soit statué sur son pourvoi.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- l'ordonnance n° 2016 65 du 29 janvier 2016 ;
- le décret n° 2016 86 du 1er février 2016 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Frédéric Gueudar Delahaye, conseiller d'Etat,
- les conclusions de Mme Cécile Raquin, rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL Didier-Pinet, avocat de la commune de Ramatuelle, à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de la société Le Chalet des jumeaux et à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la société Rama ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article R. 821-5 du code de justice administrative : " La formation de jugement peut, à la demande de l'auteur du pourvoi, ordonner qu'il soit sursis à l'exécution d'une décision juridictionnelle rendue en dernier ressort si cette décision risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables et si les moyens invoqués paraissent, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation de la décision juridictionnelle, l'infirmation de la solution retenue par les juges du fond ".
2. D'une part, l'exécution de l'arrêt attaqué par la commune de Ramatuelle, qui prononce la résiliation d'un contrat de sous-concession d'un lot du service public balnéaire sur la plage de Pampelonne à compter du 1er avril 2023, risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables compte tenu des incidences financières potentiellement très lourdes de cette résiliation au regard du budget de la commune.
3. D'autre part, en l'état de l'instruction, paraissent sérieux et, en l'espèce, de nature à justifier, outre l'annulation de l'arrêt attaqué, l'infirmation de la solution retenue par les juges du fond, les moyens tirés de ce que la cour administrative d'appel de Marseille aurait, d'une part, commis une erreur de droit en retenant que les irrégularités qu'elle avait retenues devaient conduire à la résiliation du contrat sans rechercher si, dans les circonstances de l'espèce, le vice entachant la validité du contrat permettait, eu égard à son importance et à ses conséquences, la poursuite de l'exécution du contrat et, d'autre part, commis une erreur de droit en estimant que les lots auraient dû être répartis en fonction de leur " niveau de standing " et que la commune se serait arrogé un pouvoir discrétionnaire d'attribution des lots, faute d'avoir procédé à cette répartition.
4. Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de surseoir à l'exécution de l'arrêt du 10 mai 2022 de la cour administrative d'appel de Marseille.
5. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la commune de Ramatuelle qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Jusqu'à ce qu'il ait été statué sur le pourvoi de la commune de Ramatuelle, il sera sursis à l'exécution de l'arrêt du 10 mai 2022 de la cour administrative d'appel de Marseille.
Article 2 : Les conclusions présentées par la société Le Chalet des jumeaux au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la commune de Ramatuelle et à la société Le Chalet des jumeaux.
Copie en sera adressée à la société Rama.
Délibéré à l'issue de la séance du 17 novembre 2022 où siégeaient : M. Olivier Japiot, président de chambre, présidant ; M. Gilles Pellissier, conseiller d'Etat et M. Frédéric Gueudar Delahaye, conseiller d'Etat-rapporteur.
Rendu le 6 décembre 2022.
Le président :
Signé : M. Olivier Japiot
Le rapporteur :
Signé : M. Frédéric Gueudar Delahaye
Le secrétaire :
Signé : M. François Saucede |
JADE/CETATEXT000046694344.xml | Vu la procédure suivante :
La société Le Chalet des jumeaux a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler et, à titre subsidiaire, de résilier le traité de sous-concession du service public balnéaire relatif au lot n° G2d sur la plage de Pampelonne conclu le 19 octobre 2018 entre la commune de Ramatuelle et la société L'Esquinade. Par un jugement n° 1900821 du 1er juillet 2021, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 21MA03746 du 10 mai 2022, la cour administrative d'appel de Marseille a annulé ce jugement et prononcé la résiliation du contrat à compter du 1er avril 2023.
Par une requête, enregistrée le 12 octobre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune de Ramatuelle demande au Conseil d'Etat d'ordonner qu'il soit sursis à l'exécution de cet arrêt jusqu'à ce qu'il soit statué sur son pourvoi.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- l'ordonnance n° 2016 65 du 29 janvier 2016 ;
- le décret n° 2016 86 du 1er février 2016 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Frédéric Gueudar Delahaye, conseiller d'Etat,
- les conclusions de Mme Cécile Raquin, rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL Didier-Pinet, avocat de la commune de Ramatuelle, à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de la société Le Chalet des jumeaux et à la SCP Melka-Prigent-Drusch, avocat de la société L'Esquinade ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article R. 821-5 du code de justice administrative : " La formation de jugement peut, à la demande de l'auteur du pourvoi, ordonner qu'il soit sursis à l'exécution d'une décision juridictionnelle rendue en dernier ressort si cette décision risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables et si les moyens invoqués paraissent, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation de la décision juridictionnelle, l'infirmation de la solution retenue par les juges du fond ".
2. D'une part, l'exécution de l'arrêt attaqué par la commune de Ramatuelle, qui prononce la résiliation d'un contrat de sous-concession d'un lot du service public balnéaire sur la plage de Pampelonne à compter du 1er avril 2023, risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables compte tenu des incidences financières potentiellement très lourdes de cette résiliation au regard du budget de la commune.
3. D'autre part, en l'état de l'instruction, paraissent sérieux et, en l'espèce, de nature à justifier, outre l'annulation de l'arrêt attaqué, l'infirmation de la solution retenue par les juges du fond, les moyens tirés de ce que la cour administrative d'appel de Marseille aurait, d'une part, commis une erreur de droit en retenant que les irrégularités qu'elle avait retenues devaient conduire à la résiliation du contrat sans rechercher si, dans les circonstances de l'espèce, le vice entachant la validité du contrat permettait, eu égard à son importance et à ses conséquences, la poursuite de l'exécution du contrat et, d'autre part, commis une erreur de droit en estimant que les lots auraient dû être répartis en fonction de leur " niveau de standing " et que la commune se serait arrogé un pouvoir discrétionnaire d'attribution des lots, faute d'avoir procédé à cette répartition.
4. Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de surseoir à l'exécution de l'arrêt du 10 mai 2022 de la cour administrative d'appel de Marseille.
5. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la commune de Ramatuelle qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Jusqu'à ce qu'il ait été statué sur le pourvoi de la commune de Ramatuelle, il sera sursis à l'exécution de l'arrêt du 10 mai 2022 de la cour administrative d'appel de Marseille.
Article 2 : Les conclusions présentées par la société Le Chalet des jumeaux au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la commune de Ramatuelle et à la société Le Chalet des jumeaux.
Copie en sera adressée à la société L'Esquinade.
Délibéré à l'issue de la séance du 17 novembre 2022 où siégeaient : M. Olivier Japiot, président de chambre, présidant ; M. Gilles Pellissier, conseiller d'Etat et M. Frédéric Gueudar Delahaye, conseiller d'Etat-rapporteur.
Rendu le 6 décembre 2022.
Le président :
Signé : M. Olivier Japiot
Le rapporteur :
Signé : M. Frédéric Gueudar Delahaye
Le secrétaire :
Signé : M. François Saucede |
JADE/CETATEXT000046694337.xml | Vu les procédures suivantes :
Procédure contentieuse antérieure
La société Le Chalet des jumeaux a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler et, à titre subsidiaire, de résilier le traité de sous-concession du service public balnéaire relatif au lot n° E3 sur la plage de Pampelonne conclu le 19 octobre 2018 entre la commune de Ramatuelle et la société Le Byblos. Par un jugement n° 1900809 du 1er juillet 2021, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 21MA03738 du 10 mai 2022, la cour administrative d'appel de Marseille a annulé ce jugement et prononcé la résiliation du contrat à compter du 1er avril 2023.
Procédures devant le Conseil d'Etat
1° Sous le n° 468209, par une requête, enregistrée le 12 octobre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Foncière PLM demande au Conseil d'Etat d'ordonner qu'il soit sursis à l'exécution de cet arrêt jusqu'à ce qu'il soit statué sur son pourvoi.
2° Sous le n° 468211, par une requête, enregistrée le 12 octobre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune de Ramatuelle demande au Conseil d'Etat d'ordonner qu'il soit sursis à l'exécution de cet arrêt jusqu'à ce qu'il soit statué sur son pourvoi.
....................................................................................
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- l'ordonnance n° 2016-65 du 29 janvier 2016 ;
- le décret n° 2016-86 du 1er février 2016 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Frédéric Gueudar Delahaye, conseiller d'Etat,
- les conclusions de Mme Cécile Raquin, rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Gaschignard, avocat de la Société Foncière PLM, à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de la société Le Chalet des jumeaux et à la SARL Didier-Pinet, avocat de la commune de Ramatuelle ;
Considérant ce qui suit :
1. Les requêtes de la société Foncière PLM et de la commune de Ramatuelle sont dirigées contre le même arrêt. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.
2. Aux termes de l'article R. 821-5 du code de justice administrative : " La formation de jugement peut, à la demande de l'auteur du pourvoi, ordonner qu'il soit sursis à l'exécution d'une décision juridictionnelle rendue en dernier ressort si cette décision risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables et si les moyens invoqués paraissent, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation de la décision juridictionnelle, l'infirmation de la solution retenue par les juges du fond. "
Sur la requête de la commune de Ramatuelle :
3. D'une part, l'exécution de l'arrêt attaqué par la commune de Ramatuelle, qui prononce la résiliation d'un lot du service public balnéaire sur la plage de Pampelonne à compter du 1er avril 2023, risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables compte tenu des incidences financières potentiellement très lourdes de la résiliation de ce contrat au regard du budget de la commune.
4. D'autre part, en l'état de l'instruction, paraissent sérieux et, en l'espèce, de nature à justifier, outre l'annulation de l'arrêt attaqué, l'infirmation de la solution retenue par les juges du fond, les moyens tirés de ce que la cour administrative d'appel de Marseille aurait, d'une part, commis une erreur de droit en retenant que les irrégularités qu'elle avait retenues devaient conduire à la résiliation du contrat sans rechercher si, dans les circonstances de l'espèce, le vice entachant la validité du contrat permettait, eu égard à son importance et à ses conséquences, la poursuite de l'exécution du contrat et, d'autre part, commis une erreur de droit en estimant que les lots auraient dû être répartis en fonction de leur " niveau de standing " et que la commune se serait arrogé un pouvoir discrétionnaire d'attribution des lots, faute d'avoir procédé à cette répartition.
5. Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de surseoir à l'exécution de l'arrêt du 10 mai 2022 de la cour administrative d'appel de Marseille.
Sur la requête de la société Foncière PLM :
6. Il résulte de ce qui précède que le Conseil d'Etat a ordonné qu'il soit sursis à l'exécution de l'arrêt du 10 mai 2022 de la cour administrative d'appel de Marseille. Par suite, les conclusions aux fins de sursis à exécution présentées par la société Foncière PLM contre le même arrêt sont devenues sans objet.
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la commune de Ramatuelle qui n'est pas, dans l'instance introduite sous le n° 468211, la partie perdante.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Jusqu'à ce qu'il ait été statué sur le pourvoi de la commune de Ramatuelle, il sera sursis à l'exécution de l'arrêt du 10 mai 2022 de la cour administrative d'appel de Marseille.
Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête aux fins de sursis à exécution présentée par la société Foncière PLM.
Article 3 : Les conclusions présentées par la société Le Chalet des jumeaux au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la commune de Ramatuelle, à la société Le Chalet des jumeaux et à la société Foncière PLM.
Délibéré à l'issue de la séance du 17 novembre 2022 où siégeaient : M. Olivier Japiot, président de chambre, présidant ; M. Gilles Pellissier, conseiller d'Etat et M. Frédéric Gueudar Delahaye, conseiller d'Etat-rapporteur.
Rendu le 6 décembre 2022.
Le président :
Signé : M. Olivier Japiot
Le rapporteur :
Signé : M. Frédéric Gueudar Delahaye
Le secrétaire :
Signé : M. François Saucède |
JADE/CETATEXT000046694335.xml | Vu la procédure suivante :
M. A... B... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Toulouse, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, d'une part, de suspendre l'exécution de la décision du 9 mars 2022 par laquelle la ministre des armées a prononcé à son encontre la sanction de radiation des cadres, jusqu'à ce qu'il soit statué au fond sur sa légalité, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint au ministre des armées de procéder à sa réintégration immédiate et d'effacer de son dossier toute mention de la sanction, dans le délai d'un mois suivant la notification de l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Toulouse, sous astreinte de 200 euros par jour de retard.
Par une ordonnance n° 2202907 du 22 juin 2022, le tribunal administratif de Toulouse a partiellement fait droit à ses demandes en prononçant la suspension de l'exécution de la décision en litige, au plus tard jusqu'à ce qu'il ait été statué sur la requête au fond enregistrée sous le n° 2202919, en tant que cette décision a pris effet avant l'expiration du congé de longue durée pour maladie de M. B....
Par un pourvoi, enregistré le 7 juillet 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre des armées demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cette ordonnance en tant qu'elle prononce la suspension de l'exécution de la décision de sanction en tant qu'elle prend effet avant la fin du congé de longue durée pour maladie de M. B... ;
2°) statuant en référé, de rejeter le surplus des conclusions de la demande de M. B....
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la défense ;
- le code de justice militaire ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Alexandre Adam, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Cécile Raquin, rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Thouvenin, Coudray, Grevy, avocat de M. B... ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".
2. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif de Toulouse que, par une décision du 9 mars 2022, notifiée le 22 mars 2022, la ministre des armées a prononcé à l'encontre de M. B..., sous-officier de carrière de gendarmerie placé en congé de maladie à compter du 25 mars 2021 puis en congé de longue durée pour maladie à compter du 16 décembre 2021, la sanction du troisième groupe de radiation des cadres. Le ministre des armées se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 22 juin 2022 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse a ordonné, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de cette décision en tant seulement qu'elle prend effet avant la fin du congé de longue durée pour maladie de M. B....
3. La circonstance qu'un agent soit placé en congé pour maladie ne fait obstacle ni à l'exercice de l'action disciplinaire à son égard ni à l'entrée en vigueur d'une décision de sanction impliquant la radiation des cadres. Par suite, en jugeant, pour ordonner la suspension de l'exécution de la décision de radiation des cadres prononcée à l'encontre de M. B... en tant qu'elle prenait effet avant la fin de son congé de longue durée pour maladie, que la circonstance que l'intéressé se trouvait en congé de longue durée y faisait obstacle, le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse a commis une erreur de droit. Le ministre des armées est, dès lors, fondé à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée en tant qu'elle a suspendu l'exécution immédiate de la décision litigieuse.
4. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative et de régler l'affaire, dans cette mesure, au titre de la procédure de référé.
5. Il résulte de ce qui a été dit au point 3 que le moyen tiré de ce que la décision prononçant la radiation des cadres de M. B... a pris effet à l'occasion de sa notification le 22 mars 2022, alors qu'à cette date il était placé en congé de longue durée pour maladie depuis le 16 décembre 2021, n'est pas de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de l'entrée en vigueur de cette décision, en tant qu'elle précède la fin du congé de maladie.
6. Par suite, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur le respect de la condition d'urgence, le surplus des conclusions de la demande de M. B... doit être rejetée.
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
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Article 1er : L'article 1er de l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Toulouse du 22 juin 2022 est annulé.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la demande présentée par M. B... devant le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse est rejeté.
Article 3 : Les conclusions présentées par M. B... devant le Conseil d'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Délibéré à l'issue de la séance du 17 novembre 2022 où siégeaient : M. Olivier Japiot, président de chambre, présidant ; M. Gilles Pellissier, conseiller d'Etat et M. Alexandre Adam, maître des requêtes-rapporteur.
Rendu le 6 décembre 2022.
Le président :
Signé : M. Olivier Japiot
Le rapporteur :
Signé : M. Alexandre Adam
Le secrétaire :
Signé : M. François Saucède |
JADE/CETATEXT000046694333.xml | Vu la procédure suivante :
Le centre hospitalier de Douai a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Lille, sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, de condamner la société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics (SMABTP) à lui verser la somme de 5 197 001,05 euros correspondant au montant des travaux de reprise nécessaires à la réparation des désordres affectant le réseau d'eau chaude sanitaire de ses bâtiments mis en service en juillet 2008, assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts. Par une ordonnance n° 2101650 du 9 juillet 2021, le juge des référés du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.
Par une ordonnance n° 21DA01804 du 9 juin 2022, la juge des référés de la cour administrative d'appel de Douai a, sur appel du centre hospitalier de Douai, décidé que la SMABTP versera au centre hospitalier de Douai une provision de 997 087,60 euros, avec intérêts, et réformé l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Lille en ce qu'elle a de contraire à cette ordonnance.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 23 juin et 7 juillet 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la SMABTP demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) statuant en référé, de rejeter l'appel du centre hospitalier de Douai ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Douai la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code des assurances ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Frédéric Gueudar Delahaye, conseiller d'Etat,
- les conclusions de Mme Cécile Raquin, rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Gadiou, Chevallier, avocat de la société SMABTP ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges des référés que dans le cadre de la construction d'un nouveau centre hospitalier, le centre hospitalier de Douai a souscrit, en sa qualité de maître d'ouvrage, le 30 mai 2006, un contrat d'assurance dommages-ouvrage auprès de la société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics (SMABTP). A la suite de la constatation de dysfonctionnements persistants dans la distribution d'eau chaude sanitaire de l'établissement, le centre hospitalier a sollicité une expertise auprès du juge des référés du tribunal administratif de Lille. Le rapport d'expertise a été déposé le 20 juin 2019. Le 11 septembre 2020, le centre hospitalier de Douai a demandé à son assureur le remboursement ou l'avance de divers frais. Par une ordonnance du 9 juillet 2021, le juge des référés du tribunal administratif de Lille a rejeté la demande du centre hospitalier tendant à la condamnation de la SMABTP au versement d'une provision d'un montant de 5 197 001,05 euros au titre du préfinancement des travaux en application de l'article L. 242-1 du code des assurances. Sur appel du centre hospitalier, la présidente de la 3ème chambre de la cour administrative d'appel de Douai a ordonné à la SMABTP de verser au centre hospitalier de Douai une provision de 997 087,60 euros TTC, avec intérêts au taux légal à compter du 5 mars 2021. La SMABTP se pourvoit en cassation contre cette ordonnance.
Sur la régularité de l'ordonnance :
2. Si la requérante soutient que la juge des référés de la cour administrative d'appel de Douai a rendu une décision irrégulière pour ne pas avoir analysé l'ensemble des moyens soulevés par les parties, le moyen n'est pas assorti des précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé.
Sur le bien-fondé de l'ordonnance :
En ce qui concerne l'absence de déclaration de sinistre avant la saisine du juge des référés expertise :
3. Aux termes de l'article L. 242-1 du code des assurances : " Toute personne physique ou morale qui, agissant en qualité de propriétaire de l'ouvrage (...) fait réaliser des travaux de construction, doit souscrire avant l'ouverture du chantier (...) une assurance garantissant, en dehors de toute recherche des responsabilités, le paiement de la totalité des travaux de réparation des dommages de la nature de ceux dont sont responsables les constructeurs au sens de l'article 1792-1, les fabricants et importateurs ou le contrôleur technique sur le fondement de l'article 1792 du code civil. / Toutefois, l'obligation prévue au premier alinéa ci-dessus ne s'applique ni aux personnes morales de droit public (...), lorsque ces personnes font réaliser pour leur compte des travaux de construction pour un usage autre que l'habitation. / L'assureur a un délai maximal de soixante jours, courant à compter de la réception de la déclaration du sinistre, pour notifier à l'assuré sa décision quant au principe de la mise en jeu des garanties prévues au contrat./ Lorsqu'il accepte la mise en jeu des garanties prévues au contrat, l'assureur présente, dans un délai maximal de quatre-vingt-dix jours, courant à compter de la réception de la déclaration du sinistre, une offre d'indemnité, (...) destinée au paiement des travaux de réparation des dommages. (...) / Lorsque l'assureur ne respecte pas l'un des délais prévus aux deux alinéas ci-dessus ou propose une offre d'indemnité manifestement insuffisante, l'assuré peut, après l'avoir notifié à l'assureur, engager les dépenses nécessaires à la réparation des dommages (...) ".
4. Il résulte de ces dispositions, ainsi que l'a relevé à bon droit la juge des référés de la cour administrative d'appel de Douai, que le centre hospitalier n'était pas tenu de souscrire une assurance dommages-ouvrage pour la réalisation de l'ouvrage en litige, et qu'il n'était pas davantage soumis aux dispositions règlementaires du code des assurances imposant notamment la forme de la déclaration de sinistre préalable. Ces dispositions ne font, au surplus, pas obstacle à ce que l'assuré, dans le cadre d'un litige relatif à la responsabilité des constructeurs, saisisse le juge des référés sur le fondement de l'article R. 532-1 du code de justice administrative pour qu'il prescrive une expertise. Par suite, dès lors que la SMABTP ne pouvait utilement se prévaloir de ces dispositions et après avoir relevé, par une appréciation souveraine exempte de dénaturation, qu'elle n'invoquait par ailleurs la méconnaissance d'aucune stipulation du contrat lui-même relative au caractère préalable à toute demande d'expertise d'une telle déclaration, l'auteure de l'ordonnance attaquée a pu, sans commettre d'erreur de droit, écarter le moyen tiré de ce que l'obligation dont se prévaut le centre hospitalier présenterait un caractère sérieusement contestable, faute d'avoir fait l'objet d'une déclaration de sinistre antérieurement à la demande d'expertise.
En ce qui concerne la prescription biennale :
5. Aux termes de l'article L. 114-1 du code des assurances : " Toutes actions dérivant d'un contrat d'assurance sont prescrites par deux ans à compter de l'événement qui y donne naissance. (...) ".
6. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du référé que le centre hospitalier soutenait devant eux, sans être contesté sur ce point, que son courrier du 11 septembre 2020 devait être regardé comme la déclaration de sinistre. Par suite, la SMABTP n'est pas fondée à soutenir que la juge des référés de la cour administrative d'appel de Douai aurait méconnu le principe du contradictoire en soulevant d'office sans en avertir les parties un moyen tiré de ce qu'une déclaration de sinistre aurait été adressée à cette date.
7. En deuxième lieu, il ressort des énonciations de l'ordonnance attaquée que la juge des référés de la cour administrative d'appel de Douai s'est bornée, au point 5, à rappeler que le centre hospitalier de Douai n'était pas soumis, en l'espèce, à l'obligation prévue par l'article L. 242-1 du code des assurances et à en tirer les conséquences pour ce qui concerne les obligations réglementaires liées à la forme de la déclaration de sinistre et, au point 7, à rappeler les conditions dans lesquelles il convient d'apprécier, dans le cas particulier de l'assurance dommage-ouvrage, qu'elle soit obligatoire ou volontaire, l'application des dispositions de l'article L. 114-1 relative à la prescription biennale. Le moyen tiré de ce que l'ordonnance serait entachée d'une contradiction de motifs ne peut, par suite, qu'être écarté.
8. En troisième lieu, il résulte des dispositions de l'article L. 242-1 du code des assurances citées au point 3 qu'alors même que le maître d'ouvrage n'était pas tenu de souscrire une assurance dommages-ouvrage, l'assureur auprès duquel il a souscrit une telle assurance est tenu de répondre à toute déclaration de sinistre, en adressant à son assuré le courrier contenant sa décision quant au principe de la mise en jeu des garanties prévues au contrat dans le délai maximal de soixante jours suivant la réception de la déclaration de sinistre. A défaut, l'assureur ne peut plus opposer la prescription biennale prévue par l'article L. 114-1 du même code lorsqu'elle est déjà acquise à la date d'expiration de ce délai. La seule circonstance que l'assureur n'ait pas respecté ce délai ne fait pas obstacle à ce qu'il puisse ensuite opposer la prescription biennale dans le cas où l'action du maître de l'ouvrage n'a pas été engagée dans le délai de deux ans à compter de l'expiration du délai de soixante jours suivant la réception de la déclaration de sinistre. Il ressort des pièces du dossier soumis à la juge des référés que le centre hospitalier a saisi la SMABTP d'une déclaration de sinistre le 10 septembre 2020 puis, en l'absence de réponse de l'assureur, a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Lille le 5 mars 2021, soit moins de deux ans après l'expiration du délai de soixante jours suivant la réception de la déclaration de sinistre. Par suite, en jugeant que l'action du centre hospitalier de Douai n'était pas atteinte par la prescription prévue par l'article L. 114-1 du code des assurances, la juge des référés de la cour administrative d'appel de Douai n'a pas commis d'erreur de droit ni dénaturé les pièces du dossier.
En ce qui concerne le caractère décennal des désordres :
9. En relevant, par des constatations exemptes de dénaturation, que les désordres affectant le réseau de distribution d'eau chaude sanitaire de l'hôpital étaient de nature à engendrer un risque grave et patent de présence de légionnelles et devaient être regardés, s'agissant d'un hôpital, comme rendant l'ouvrage impropre à sa destination alors même que, en l'espèce, des mesures de désinfection palliatives avaient permis transitoirement à l'établissement de fonctionner sans que cette présence ne soit effectivement détectée, et en en déduisant que ces désordres étaient de nature à engager la responsabilité décennale des constructeurs, l'auteure de l'ordonnance attaquée a suffisamment motivé son ordonnance et n'a pas commis d'erreur de droit.
En ce qui concerne l'évaluation du montant de la provision :
10. Aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie ". Il résulte de ces dispositions que, pour regarder une obligation comme non sérieusement contestable, il appartient au juge des référés de s'assurer que les éléments qui lui sont soumis par les parties sont de nature à en établir l'existence avec un degré suffisant de certitude. Dans ce cas, le montant de la provision que peut allouer le juge des référés n'a d'autre limite que celle résultant du caractère non sérieusement contestable de l'obligation dont les parties font état. Dans l'hypothèse où l'évaluation du montant de la provision résultant de cette obligation est incertaine, le juge des référés ne doit allouer de provision, le cas échéant assortie d'une garantie, que pour la fraction de ce montant qui lui paraît revêtir un caractère de certitude suffisant. La qualification juridique opérée par le juge des référés lorsqu'il se prononce sur le caractère non sérieusement contestable de l'obligation invoquée devant lui peut être contestée devant le juge de cassation tandis que l'évaluation du montant de la provision correspondant à cette obligation relève, en l'absence de dénaturation, de son appréciation souveraine.
11. La SMABTP soutient que la nature et le coût des travaux à engager pour remédier aux désordres présentent un caractère incertain et que le coût des prestations de maîtrise d'œuvre et d'OPC retenu comme base de calcul du montant de la provision est excessif. Il ressort toutefois des énonciations de l'ordonnance attaquée et des pièces du dossier qui lui était soumis que la juge des référés de la cour administrative d'appel de Douai s'est fondée, pour évaluer le montant de la provision accordée, sur le seul coût de prestations justifiées par l'expert pour remédier aux désordres et effectivement engagées par le centre hospitalier. En retenant ce montant comme présentant un caractère suffisamment certain pour justifier l'octroi d'une provision, elle s'est livrée à une appréciation souveraine exempte tant de dénaturation que d'erreur de droit.
12. Il résulte de tout ce qui précède que la SMABTP n'est pas fondée à demander l'annulation de l'ordonnance qu'elle attaque.
Sur les conclusions présentées par la SMABTP au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge du centre hospitalier de Douai qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le pourvoi de la SMABTP est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société SMABTP et au centre hospitalier de Douai.
Délibéré à l'issue de la séance du 17 novembre 2022 où siégeaient : M. Olivier Japiot, président de chambre, présidant ; M. Gilles Pellissier, conseiller d'Etat et M. Frédéric Gueudar Delahaye, conseiller d'Etat-rapporteur.
Rendu le 6 décembre 2022.
Le président :
Signé : M. Olivier Japiot
Le rapporteur :
Signé : M. Frédéric Gueudar Delahaye
Le secrétaire :
Signé : M. François Saucède |
JADE/CETATEXT000046690010.xml | Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société à responsabilité limitée (SARL) Axis Sécurité a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er juillet 2012 au 30 juin 2014.
Par un jugement n° 1804878 du 5 août 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 4 novembre 2020, la SARL Axis Sécurité, représentée par Me Heckel, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge des impositions, pénalités et amendes contestées ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 4 800 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la procédure est irrégulière en ce que l'administration s'est implicitement fondée sur un abus de droit en écartant des factures comme étant de complaisance sans lui accorder les garanties prévues par les articles L. 64, R. 64-1 et R. 64-2 du livre des procédures fiscales ;
- les rappels litigieux ne sont pas fondés en ce que l'administration lui reproche d'avoir versé les sommes dues en règlement de certaines factures à des tiers par rapport aux sociétés lui ayant remis ces factures et fourni les services, alors qu'une telle circonstance ne saurait faire obstacle à la déduction, le paiement au fournisseur ne faisant pas partie des conditions de déduction prévues par les articles 283-4, 272-2 et 271 du code général des impôts ; en l'occurrence il n'est pas contesté que les prestations de services mentionnées sur les factures litigieuses ont bien été effectuées par les sociétés qui les ont émises ; que si des relevés d'identité bancaires falsifiés lui ont été remis afin de permettre l'encaissement des sommes par les dirigeants de ces sociétés, elle en est victime et n'en savait rien ; l'argument invoqué en dernier lieu par l'administration, selon lequel ces sociétés ne pouvaient matériellement effectuer ces prestations pour avoir été placées en liquidation judiciaire, est dépourvu de tout fondement ; au demeurant ce motif ne figurait pas dans la proposition de rectification de sorte que la garantie de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales a été méconnue ;
- en l'absence de factures de complaisance, l'amende de l'article 1737 du code général des impôts n'est pas fondée.
Par un mémoire en défense enregistré le 4 juin 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience publique.
Ont été entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A... ;
- et les conclusions de Mme Stenger, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. La SARL Axis Sécurité exerce une activité de gardiennage et de sécurité. Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité ayant concerné la période du 1er juillet 2012 au 30 juin 2015. Par des propositions de rectification des 16 décembre 2016 et 20 juin 2017, confirmées les 30 janvier et 31 juillet 2017 en réponse aux observations du contribuable, l'administration a, notamment, remis en cause, selon la procédure contradictoire prévue à l'article L. 55 du livre des procédures fiscales, la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée mentionnée sur des factures de sous-traitance, au titre de la période du 1er juillet 2012 au 30 juin 2014. Elle a, en conséquence, réclamé à la société requérante des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, au titre de ladite période, et les a assortis de l'amende prévue par les dispositions du 1 du I. de l'article 1737 du code général des impôts. Les impositions et majorations ont été mises en recouvrement le 15 décembre 2017. La réclamation de la société du 9 janvier 2018 a été rejetée par l'administration le 5 juillet 2018. La SARL Axis Sécurité relève appel du jugement du 5 août 2020 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, de ces impositions.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales : " Afin d'en restituer le véritable caractère, l'administration est en droit d'écarter, comme ne lui étant pas opposables, les actes constitutifs d'un abus de droit, soit que ces actes ont un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes ou de décisions à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, si ces actes n'avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles. En cas de désaccord sur les rectifications notifiées sur le fondement du présent article, le litige est soumis, à la demande du contribuable, à l'avis du comité de l'abus de droit fiscal. L'administration peut également soumettre le litige à l'avis du comité. Si l'administration ne s'est pas conformée à l'avis du comité, elle doit apporter la preuve du bien-fondé de la rectification ".
3. Il résulte de ces dispositions que lorsque l'administration use de la faculté qu'elles lui confèrent dans des conditions telles que la charge de la preuve lui incombe, elle est fondée à écarter comme ne lui étant pas opposables certains actes passés par le contribuable, dès lors que ces actes ont un caractère fictif, ou, que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, s'il n'avait pas passé ces actes, aurait normalement supportées, eu égard à sa situation ou à ses activités réelles. Il résulte également de ces dispositions que, lorsque l'administration invoque des faits constitutifs d'un abus de droit pour justifier un chef de redressement, le contribuable, doit être regardé comme ayant été privé des garanties propres à cette procédure, tenant notamment à la faculté de provoquer la saisine du comité consultatif des abus de droit si, avant la mise en recouvrement de l'imposition, l'administration omet de l'aviser expressément que le redressement a pour fondement les dispositions précitées de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales.
4. Il ressort des propositions de rectification que le service, afin de refuser la déduction de la taxe sur la valeur ayant grevé les factures émises à l'enseigne " Lynn Sécurité Gardiennage " et " Meckes Gardiennage Sécurité ", s'est précisément et dès l'origine fondé sur les motifs tirés de ce que ces factures émanaient d'exploitants individuels dont les activités avaient fait l'objet de procédures de liquidation judiciaire clôturées pour insuffisance d'actif et que le règlement de ces prestations de sous-traitance avait été effectué au profit de tiers. Le service a estimé au vu de ces circonstances que les factures litigieuses étaient des factures de complaisance, par lesquelles le véritable fournisseur de la prestation avait été dissimulé, et a en conséquence rappelé la taxe sur la valeur ajoutée déduite par la société requérante sur le fondement des dispositions législatives qui sont rappelées aux points suivants du présent arrêt. Dès lors que ces fondements légaux permettaient d'asseoir les rectifications et que l'administration y a eu recours, celle-ci n'était pas tenue de mettre en œuvre la procédure de répression des abus de droit alors même qu'elle a pu mentionner que les indications des factures litigieuses ne correspondaient pas à la réalité en ce qui concerne l'identité du fournisseur. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir qu'elle a été privée des garanties propres à la procédure de répression des abus de droit.
5. En second lieu, il résulte également de ce qui précède que, contrairement à ce que prétend la société requérante, l'administration n'a jamais substitué un autre motif à celui ci-dessus analysé. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que les propositions de rectification ne seraient pas suffisamment motivées au sens de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales. En tout état de cause, il est loisible à l'administration, à tout moment de la procédure contentieuse y compris au stade de la décision de rejet de la réclamation préalable puis devant le juge de l'impôt, de justifier l'imposition en substituant un motif à une autre, sous réserve que le contribuable ne soit pas privé des garanties de procédure qui lui sont données par la loi compte tenu du motif substitué. Une telle possibilité pour l'administration de procéder à une telle substitution n'est pas subordonnée à la condition que le nouveau motif ait été mentionné dans la proposition de rectification adressée au contribuable en application des dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales compte tenu de la possibilité pour ce dernier de saisir le juge de l'impôt avec toutes les garanties inhérentes à la procédure juridictionnelle. Par suite, le moyen invoqué de ce chef par la société requérante manque également en droit et doit être écarté.
Sur le bien-fondé des impositions :
6. Aux termes de l'article 269 du code général des impôts : " 2. La taxe est exigible : (...) c) Pour les prestations de services autres que celles visées au b bis, lors de l'encaissement des acomptes, du prix, de la rémunération ou, sur option du redevable, d'après les débits ". Aux termes de l'article 271 du code général des impôts : " I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération ". Aux termes de l'article 272 du même code : " 2. La taxe sur la valeur ajoutée facturée dans les conditions définies au 4 de l'article 283 ne peut faire l'objet d'aucune déduction par celui qui a reçu la facture ". Aux termes de l'article 283 dudit code : " 4. Lorsque la facture ne correspond pas à la livraison d'une marchandise ou à l'exécution d'une prestation de services, ou fait état d'un prix qui ne doit pas être acquitté effectivement par l'acheteur, la taxe est due par la personne qui l'a facturée ".
7. En vertu des dispositions combinées des articles 271, 272 et 283 du code général des impôts, un contribuable n'est pas en droit de déduire de la taxe sur la valeur ajoutée dont il est redevable à raison de ses propres opérations la taxe mentionnée sur une facture établie à son nom par une personne qui n'est pas le fournisseur réel de la marchandise ou de la prestation effectivement livrée ou exécutée. Dans le cas où l'auteur de la facture est régulièrement inscrit au registre du commerce et des sociétés, assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée et se présente comme tel à ses clients, il appartient à l'administration, si elle entend refuser à celui qui a reçu la facture le droit de déduire la taxe qui y est mentionnée, d'établir qu'il s'agit d'une facture de complaisance et que le contribuable le savait ou ne pouvait l'ignorer. Si l'administration apporte des éléments suffisants en ce sens, il appartient alors au contribuable d'apporter toutes justifications utiles sur cette opération, sans qu'il ne puisse être exigé de lui des vérifications qui ne lui incombent pas.
8. Il résulte de l'instruction que les exploitants individuels ayant émis les factures comportant les enseignes " Lynn Sécurité Gardiennage " et " Meckes Gardiennage Sécurité " avaient fait l'objet de procédures de liquidation judiciaire clôturées pour insuffisance d'actif. Ces entreprises ne disposaient plus des moyens, en particulier en personnel, de fournir les services mentionnés sur les factures litigieuses. Il n'est pas contesté que le règlement de ces factures de sous-traitance a été effectué par la société requérante non pas aux fournisseurs identifiés sur ces documents mais au profit de tiers dont l'identité a été mise en lumière par le service dans le cadre de l'exercice de son droit de communication. Par ces éléments, alors que les prestations de gardiennage ont bien été rendues au profit de la société requérante, l'administration rapporte la preuve que les factures litigieuses ne comportaient pas l'indication du véritable fournisseur et qu'elles constituaient en conséquence des factures de complaisance au sens des dispositions ci-dessus rappelées. Afin de combattre ces éléments de preuve, la société requérante, au regard des dispositions ci-dessus rappelées, ne saurait utilement soutenir que le règlement des factures au véritable fournisseur ne constituerait pas une condition du droit à déduction. Si la société requérante soutient par ailleurs avoir été trompée par ses fournisseurs qui lui auraient remis des relevés d'identité bancaire falsifiés, elle ne saurait de manière vraisemblable prétendre avoir ignoré que les exploitants mentionnés sur les factures litigieuses faisaient l'objet de procédures de liquidation judiciaire, ce que la simple consultation du registre du commerce et des sociétés permet de vérifier. Dans ces conditions, c'est à juste titre que l'administration a rappelé la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé ces factures, déduite par la société requérante.
Sur l'amende :
9. La société requérante ne conteste l'amende de l'article 1737 du code général des impôts qui lui a été infligée à raison des factures litigieuses que dans la mesure où elle conteste le bien-fondé des rappels de taxe sur la valeur ajoutée. Il y a lieu par les mêmes motifs que ceux ci-dessus exposés d'écarter les moyens ainsi soulevés.
10. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Axis Sécurité n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions y compris celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la SARL Axis Sécurité est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Axis Sécurité et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 10 novembre 2022, à laquelle siégeaient :
M. Martinez, président de chambre,
M. Agnel, président assesseur,
Mme Brodier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er décembre 2022.
Le rapporteur,
Signé : M. AgnelLe président,
Signé : J. Martinez
La greffière,
Signé : C. Schramm
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
C. Schramm
N° 20NC03230
2 |
JADE/CETATEXT000046690004.xml | Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... D... et M. C... B... A... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a implicitement rejeté le recours dirigé contre la décision du 30 octobre 2020 des autorités consulaires françaises au Kenya refusant de délivrer à M. C... B... A... un visa de long séjour en qualité de membre de famille de bénéficiaire de la protection subsidiaire.
Par un jugement n°2114430 du 4 juillet 2022, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France et a enjoint au ministre de délivrer le visa sollicité dans un délai de deux mois sous astreinte de 100 euros par jour de retard.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 1er septembre 2022, le ministre de l'intérieur et des outre-mer demande à la cour de prononcer le sursis à exécution de ce jugement en application des dispositions des articles R. 811-15 et suivants du code de justice administrative.
Le ministre soutient que :
- M. C... B... A..., né d'une précédente union de M. A... D..., ne peut prétendre à un visa de long séjour au titre de la réunification familiale dès lors qu'il était âgé de plus de 18 ans à la date du dépôt de sa demande ;
- la demande de réunification familiale présentée par M. A... D... présente un caractère partiel et constitue un détournement de l'objet de cette procédure qui vise à restaurer l'unité familiale dès lors qu'il n'a pas sollicité la venue de son épouse actuelle ni des enfants qu'il a eus avec cette dernière en méconnaissance de intérêts de ces derniers ;
-le choix du réunifiant dans la venue des membres de sa famille issus d'une union antérieure sans que cette décision prenne en considération l'intérêt des enfants de l'union actuelle est contestable.
Par des mémoires en défense enregistrés les 22 et 26 septembre 2022, M. A... D... et M. B... A..., représentés par Me Pronost, concluent au rejet de la requête, le cas échéant, de transmettre à la Cour de justice de l'Union européenne une question préjudicielle portant sur l'interprétation de la directive 2003/86/CE relative au droit au regroupement familial, à ce qu'il soit enjoint au ministre de délivrer le visa demandé dans les conditions de délai mentionnées par le jugement du tribunal administratif de Nantes, sous astreinte de 200 euros par jour de retard, à ce que M. A... D... soit admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire et à ce que soit mis à la charge de l'État le versement à son conseil de la somme de 1 800 euros en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Ils soutiennent que :
- aucun des moyens soulevés par le ministre n'est fondé ;
- la demande de réunification familiale doit être considérée comme ayant été introduite avant les 18 ans du demandeur ;
- l'article R. 561-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est entaché d'illégalité ;
- l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est inconventionnel en ce qu'il ne précise pas que le moment où l'âge de l'enfant mineur doit être apprécié est celui de la demande d'admission au statut de réfugié de son parent ;
- pour se conformer à l'interprétation donnée par la Cour de justice de l'Union européenne, le moment auquel la demande de réunification familiale a été introduite au sens de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est le moment où le réunifiant a complété son formulaire de demande d'asile, soit le moment où sa demande d'asile est enregistrée puisque l'OFPRA enregistre une demande d'asile, précisément au moment où elle reçoit ce formulaire ;
- le principe de l'unité familiale n'est pas méconnu ;
- la décision en cause est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur leur situation personnelle et méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Vu :
- la requête n°22NT02857 enregistrée le 1er septembre 2022 par laquelle le ministre de l'intérieur et des outre-mer a demandé l'annulation du jugement n° 2114430 du 4 juillet 2022 du tribunal administratif de Nantes ;
- les autres pièces du dossier.
M. C... B... A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 septembre 2022.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Buffet, présidente-rapporteure ;
- les observations de Me Pronost, avocate de M. A... D... et M. B... A....
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article R. 222-25 du code de justice administrative, " Les affaires sont jugées soit par une chambre siégeant en formation de jugement, soit par une formation de chambres réunies, soit par la cour administrative d'appel en formation plénière, qui délibèrent en nombre impair. / Par dérogation à l'alinéa précédent, le président de la cour ou le président de chambre statue en audience publique et sans conclusions du rapporteur public sur les demandes de sursis à exécution mentionnées aux articles R. 811-15 à R. 811-17 ".
2. Aux termes de l'article R. 811-15 du même code : " Lorsqu'il est fait appel d'un jugement de tribunal administratif prononçant l'annulation d'une décision administrative, la juridiction d'appel peut, à la demande de l'appelant, ordonner qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement si les moyens invoqués par l'appelant paraissent, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation ou la réformation du jugement attaqué, le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par ce jugement ".
Sur la demande d'aide juridictionnelle présentée à titre provisoire :
3. M. C... B... A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 septembre 2022. Ses conclusions tendant à l'obtention de l'aide juridictionnelle à titre provisoire sont dès lors devenues sans objet.
Sur les conclusions à fin de sursis à exécution :
4. Aucun des moyens soulevés par le ministre n'est de nature, en l'état de l'instruction, à justifier l'annulation du jugement attaqué. La requête du ministre tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement doit, par suite, être rejetée.
Sur les conclusions à fin d'injonction présentées par M. A... D... et M. B... A... :
5. Le présent arrêt n'appelle pas d'autre mesure d'exécution que celle déjà prononcée par les premiers juges. Dans ces conditions, les conclusions à fin d'injonction visées ci-dessus ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
6. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Pronost de la somme de 1 200 euros dans les conditions fixées par l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DECIDE :
Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de M. A... D... tendant à l'obtention de l'aide juridictionnelle à titre provisoire.
Article 2 : La requête à fin de sursis à exécution du ministre de l'intérieur et des outre-mer est rejetée.
Article 3 : Les conclusions à fin d'injonction présentées par M. A... D... et M. B... A... sont rejetées.
Article 4 : L'Etat versera à Me Pronost la somme de 1 200 euros dans les conditions fixées par l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer, à M. B... A... D..., à M. C... B... A... et à Me Pronost.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 décembre 2022.
La présidente-rapporteure,
C. BUFFET
La greffière,
K. BOURON
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 22NT02858 |
JADE/CETATEXT000046690039.xml | Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet de police des Bouches-du-Rhône a refusé de faire droit à sa demande présentée les 21 mai 2018 et 26 juillet 2018 tendant à la levée de l'inscription portée au fichier national des personnes interdites d'acquisition et de détention d'armes, ensemble la décision du 31 octobre 2018 portant refus explicite.
Par jugement n° 1810234 du 9 novembre 2020, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la requête de M. A....
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 3 février 2021, M. B... A..., représenté par Me Medjati, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 9 novembre 2020 ;
2°) d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet de police des Bouches-du-Rhône a refusé de faire droit à sa demande présentée les 21 mai 2018 et 26 juillet 2018 tendant à la levée de l'inscription portée au fichier national des personnes interdites d'acquisition et de détention d'armes, ensemble la décision du 31 octobre 2018 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les décisions attaquées sont insuffisamment motivées en fait ;
- son comportement n'est pas de nature à laisser craindre une utilisation dangereuse des armes.
Par un mémoire en défense enregistré le 8 novembre 2022, le préfet de police des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête sont infondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la sécurité intérieure ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Vincent, présidente assesseure,
- et les conclusions de M. Pecchioli, rapporteur public.
1. M. A... a déclaré à la préfecture des Bouches-du-Rhône, le 19 mai 2016, détenir un fusil de chasse, arme de catégorie C. Par un courrier du 7 juin 2016, M. A... a été informé de l'intention du préfet de mettre en œuvre la procédure de dessaisissement en raison de la mention au bulletin n° 2 de son casier judiciaire d'une condamnation par jugement du tribunal correctionnel d'Aix-en-Provence en date du 10 janvier 2013 pour des faits de violences suivies d'une incapacité temporaire de travail de 5 jours commis sur sa conjointe. M. A..., lors d'un entretien qui s'est tenu le 12 juillet 2016, a précisé s'être dessaisi de toutes les armes en sa possession. Le préfet des Bouches-du-Rhône a, après justification dudit dessaisissement spontané, clos la procédure. M. A... a été inscrit au fichier national des personnes interdites d'acquisition et de détention d'armes (FINIADA). Par lettres en date des 21 mai 2018 et 26 juillet 2018, faisant suite à un effacement de la mention de la condamnation précitée au bulletin n° 2 du casier judiciaire de l'intéressé, M. A... a demandé au préfet des Bouches-du-Rhône la levée de l'inscription au FINIADA. Une décision implicite de rejet est, dans un premier temps, née. Par une décision du 31 octobre 2018, le préfet de police des Bouches-du-Rhône a expressément rejeté la demande présentée par M. A.... Ce dernier interjette appel du jugement du 9 novembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses conclusions aux fins d'annulation de ces deux décisions.
Sur l'étendue du litige :
2. Lorsqu'un requérant conteste, dans les délais de recours, une décision implicite de rejet et une décision expresse de rejet intervenue postérieurement, ses conclusions doivent être regardées comme dirigées uniquement contre la seconde décision, qui s'est substituée à la première. Par suite, les conclusions présentées par M. A... doivent être regardées comme dirigées uniquement contre la décision explicite du préfet des Bouches-du-Rhône du 31 octobre 2018, cette décision s'étant substituée à la décision implicite née sur sa demande du 21 mai 2018, réitérée le 26 juillet 2018.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ".
4. D'une part, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation en fait est inopérant s'agissant de la décision implicite de rejet à laquelle s'est substituée la décision du 31 octobre 2018. D'autre part, cette dernière décision précise, d'une part, que l'effacement des mentions portées au bulletin n° 2 du casier judiciaire ne confère pas un droit à détenir des armes et, d'autre part, qu'il ressort de l'enquête administrative réalisée et notamment de la consultation du traitement des antécédents judiciaires que le comportement de l'intéressé n'apparaît pas compatible avec la détention d'armes en application des dispositions de l'article L. 312-3-1 du code de la sécurité intérieure. Cette décision est ainsi suffisamment motivée.
5. En second lieu, aux termes de l'article L. 312-16 du code de la sécurité intérieure dans sa rédaction applicable : " Un fichier national automatisé nominatif recense : 1° Les personnes interdites d'acquisition et de détention d'armes en application des articles L. 312-10 et L. 312-13 ; 2° Les personnes interdites d'acquisition et de détention d'armes des catégories A, B et C en application de l'article L. 312-3 ; 3° Les personnes interdites d'acquisition et de détention d'armes des catégories A, B et C en application de l'article L. 312-3-1. / Les modalités d'application du présent article, y compris la nature des informations enregistrées, la durée de leur conservation ainsi que les autorités et les personnes qui y ont accès, sont déterminées par décret en Conseil d'Etat pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés. ". Par ailleurs, aux termes de l'article L. 312-13 dudit code dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée : " Il est interdit aux personnes ayant fait l'objet de la procédure prévue à la présente sous-section d'acquérir ou de détenir des armes de toute catégorie. / Le représentant de l'Etat dans le département peut cependant décider de limiter cette interdiction à certaines catégories ou à certains types d'armes. / Cette interdiction est levée par le représentant de l'Etat dans le département s'il apparaît que l'acquisition ou la détention d'armes par la personne concernée n'est plus de nature à porter atteinte à l'ordre public ou à la sécurité des personnes ".
6. Il ressort des pièces du dossier, ainsi qu'il a été dit précédemment, que M. A... a, bien que cette mention ait été effacée du bulletin n° 2 de son casier judiciaire, été condamné en 2013 à une peine de deux mois d'emprisonnement avec sursis pour des faits de violences sur conjoint ayant entraîné une incapacité temporaire de travail de 5 jours. Ces faits, à supposer même qu'ils n'aient pas été commis avec usage d'une arme comme le soutient le requérant, étaient graves et récents à la date de la décision litigieuse et de nature à révéler l'existence d'un comportement susceptible d'être dangereux pour la sécurité des personnes incompatible avec la détention d'une arme. Par suite, ainsi que l'ont, à bon droit, estimé les premiers juges, le préfet des Bouches-du-Rhône n'a pas entaché sa décision d'une erreur d'appréciation.
7. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses conclusions aux fins d'annulation.
Sur les frais d'instance :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante, verse à M. A... la somme qu'il réclame au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête présentée par M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au préfet de police des Bouches-du-Rhône.
Copie en sera adressée au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Délibéré après l'audience du 21 novembre 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Bocquet, président,
- Mme Vincent, présidente-assesseure,
- Mme Balaresque, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 décembre 2022.
N°21MA00463 2 |
JADE/CETATEXT000046690005.xml | Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a implicitement rejeté le recours dirigé contre la décision de l'autorité consulaire française à Tunis (République tunisienne) lui refusant la délivrance d'un visa d'entrée et de long séjour, en qualité d'étudiant.
Par un jugement n°2203820 du 18 juillet 2022, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France et a enjoint au ministre de l'intérieur de faire délivrer un visa de long séjour à M. B... dans un délai de deux mois sous réserve qu'il bénéficie d'une inscription pour la prochaine année universitaire.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 2 septembre 2022, le ministre de l'intérieur et des outre-mer demande à la cour de prononcer le sursis à exécution de ce jugement en application des dispositions de l'article R. 811-15 du code de justice administrative.
Le ministre soutient que :
- le tribunal administratif a méconnu le très large pouvoir d'appréciation dont disposent les autorités administratives lors de l'instruction des demandes de visa " étudiants " ;
- M. B... qui a été exclu de l'école sélectionnée pour défaut de paiement de ses frais de scolarité au titre de l'année 2021-2022 et pour ne pas être passé par la procédure de Campus France, ne peut pas prétendre à la délivrance d'un visa de long séjour étudiant ;
- sa première année de mastère n'a pas été prise en compte par les conseillers de Campus France et du Service de Coopération et d'Action Culturelle (SCAC) parce qu'il s'était inscrit en profitant de la délivrance d'un visa obtenu des autorités tchèques ;
- il s'est maintenu en France à l'issue de l'expiration de ce visa ;
- la décision contestée est notamment fondée sur le courrier de signalement établi par son épouse ;
- l'article 32 du code communautaire des visas ne s'applique qu'aux demandes de visas de court séjour ;
- le projet d'études de M. B... ne satisfait pas aux conditions de sérieux et de cohérence exigées ; le mastère auquel il s'est inscrit n'est pas reconnu par le ministre de l'éducation nationale ; la valeur de cette formation n'est pas établie ; le parcours de l'intéressé est passable et discontinu ; il n'a défendu ni son projet d'études ni son projet professionnel ;
- l'intéressé n'établit pas que ses ressources sont suffisantes et ne justifie pas de ses conditions de logement ;
- compte tenu de son parcours migratoire, de son absence d'attache particulière en Tunisie et du signalement de son ex-épouse, il existe un risque de détournement de l'objet du visa.
Par un mémoire en défense enregistré le 22 septembre 2022, M. B..., représenté par Me Toutaou, conclut au rejet de la requête, à ce qu'il soit enjoint au ministre de lui délivrer le visa demandé dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et à ce que soit mis à la charge de l'État le versement à son conseil de la somme de 1 800 euros en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par le ministre n'est fondé.
Vu :
- la requête n°22NT02875 enregistrée le 2 septembre 2022 par laquelle le ministre de l'intérieur et des outre-mer a demandé l'annulation du jugement n° 2203820 du 18 juillet 2022 du tribunal administratif de Nantes ;
- les autres pièces du dossier.
M. A... B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 16 septembre 2022.
Vu :
- la directive (UE) 2016/801 du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2016 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'instruction interministérielle relative aux demandes de visas de long séjour pour études dans le cadre de la directive UE 2016/801 du 4 juillet 2019 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Buffet, présidente-rapporteure, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article R. 222-25 du code de justice administrative, " Les affaires sont jugées soit par une chambre siégeant en formation de jugement, soit par une formation de chambres réunies, soit par la cour administrative d'appel en formation plénière, qui délibèrent en nombre impair. / Par dérogation à l'alinéa précédent, le président de la cour ou le président de chambre statue en audience publique et sans conclusions du rapporteur public sur les demandes de sursis à exécution mentionnées aux articles R. 811-15 à R. 811-17 ".
2. Aux termes de l'article R. 811-15 du même code : " Lorsqu'il est fait appel d'un jugement de tribunal administratif prononçant l'annulation d'une décision administrative, la juridiction d'appel peut, à la demande de l'appelant, ordonner qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement si les moyens invoqués par l'appelant paraissent, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation ou la réformation du jugement attaqué, le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par ce jugement ".
Sur les conclusions à fin de sursis à exécution :
3. Aucun des moyens soulevés par le ministre n'est de nature, en l'état de l'instruction, à justifier l'annulation du jugement attaqué. La requête du ministre tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement doit, par suite, être rejetée.
Sur les conclusions à fin d'injonction, sous astreinte présentées par M. B... :
4. Le présent arrêt n'appelle pas d'autre mesure d'exécution que celle déjà prononcée par les premiers juges. Dans ces conditions, les conclusions à fin d'injonction visées ci-dessus ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
5. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Toutaou de la somme de 1 200 euros dans les conditions fixées par l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DECIDE :
Article 1er : La requête à fin de sursis à exécution du ministre de l'intérieur et des outre-mer est rejetée.
Article 2 : Les conclusions à fin d'injonction présentées par M. B... sont rejetées.
Article 3 : L'Etat versera à Me Toutaou la somme de 1 200 euros dans les conditions fixées par l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer, à M. A... B... et à Me Toutaou.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 décembre 2022.
La présidente-rapporteure,
C. BUFFET
La greffière,
K. BOURON
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 22NT02876 |
JADE/CETATEXT000046690011.xml | Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Nancy de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales qui lui ont été assignés au titre des années 2013, 2014 et 2015.
D... un jugement n° 1802045 du 24 septembre 2020, le tribunal administratif de Nancy, après avoir constaté un non-lieu partiel à statuer dans la mesure d'un dégrèvement prononcé en cours d'instance, a rejeté le surplus des conclusions de la demande.
La société à responsabilité limitée (SARL) Toul Kaki a demandé au tribunal administratif de Nancy de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015 et des suppléments d'impôt sur les sociétés, de taxe d'apprentissage et de participation à la formation professionnelle continue qui lui ont été assignés au titre des années 2013, 2014 et 2015.
D... un jugement n° 1802043 du 24 septembre 2020, le tribunal administratif de Nancy, après avoir constaté un non-lieu partiel à statuer dans la mesure d'un dégrèvement prononcé en cours d'instance, a rejeté le surplus des conclusions de la demande.
Procédure devant la cour :
I. D... une requête enregistrée le 26 novembre 2020, sous le n° 20NC03433, M. B..., représenté D... Me Remy, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement n° 1802045 ;
2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des impositions laissées à sa charge ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le bien-fondé des impositions et pénalités mises à sa charge est contesté D... les mêmes moyens que ceux soulevés D... la SARL Toul Kaki dans sa requête d'appel du même jour ;
- les impositions mises en recouvrement à hauteur de 39 076 euros en base sont en augmentation D... rapport au montant total de ces redressements arrêté en dernier lieu D... l'administration à la somme de 36 962 euros à la suite du recours hiérarchique de décembre 2017 ; il en résulte une violation de son droit à l'information sur les conséquences financières et à tout le moins une inexactitude des impositions mises en recouvrement ; contrairement à ce qu'a soutenu l'administration et à ce qu'a retenu à tort le jugement, il ne s'agit pas là d'une erreur non substantielle au sens de l'article L. 80 CA du livre des procédures fiscales ; en tout état de cause, la décharge des majorations aurait dû être au minimum prononcée ;
- l'administration n'a pas établi, ni même soutenu, qu'il était le maître de l'affaire de sorte qu'elle n'a pas rapporté la preuve qu'il aurait été le bénéficiaire de revenus distribués D... la SARL Toul Kaki au sens du c) de l'article 111 du code général des impôts.
D... un mémoire en défense enregistré le 27 avril 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- dans le cas où la cour estimerait que les sommes distribuées entre les mains de M. B... ne peuvent être imposées sur le fondement du c) de l'article 111 du code général des impôts, il conviendrait alors de lui substituer celui du 1° du 1 de l'article 109 du même code ;
- les moyens soulevés ne sont pas fondés.
II. D... une requête enregistrée le 26 novembre 2020, sous le n° 20NC03434, la SARL Toul Kaki, représentée D... Me Remy, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement n° 1802043 ;
2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des impositions laissées à sa charge ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la reconstitution effectuée au titre des années 2014 et 2015 n'est pas probante dans la mesure où le taux de marge de l'année 2013 leur a été appliqué alors que le chiffre d'affaires a fortement baissé et qu'il y a eu une disparition des bénéfices ; ce qui vicie radicalement la reconstitution ;
- le taux de pertes, chèques sans provision, rabais et réduction de 6 % n'est pas suffisant car il ne tient pas compte des spécificités de son commerce ;
- les sommes mises en recouvrement au titre de l'impôt sur les sociétés ne correspondent pas à celles qui lui ont été indiquées en dernier lieu à la suite de son recours hiérarchique ;
- les sommes notifiées au titre de la participation à la formation professionnelle continue ne correspondent pas à celles qui lui ont été indiquées dans l'annexe des conséquences financières de la proposition de rectification.
D... un mémoire enregistré le 27 avril 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience publique.
Ont été entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A... ;
- et les conclusions de Mme Stenger, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. La Sarl Toul Kaki, dont le siège est à Dommartin-lès-Toul, exerce une activité de commerce d'articles militaires. Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015 à l'issue de laquelle, D... deux propositions de rectification du 14 décembre 2016 et du 23 février 2017, le service a porté à sa connaissance qu'il envisageait des rehaussements des bases d'imposition, selon la procédure de taxation d'office en matière d'impôt sur les sociétés ainsi que pour la taxe sur la valeur ajoutée due au titre de la période du 1er octobre 2013 au 30 juin 2014, et selon la procédure contradictoire en ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée due au titre des périodes du 1er janvier au 30 septembre 2013 et du 1er juillet 2014 au 31 décembre 2015, la taxe d'apprentissage et la participation à la formation professionnelle continue. Confirmées D... lettre du 23 mai 2017 en réponse au refus de la société, les rectifications ont été soumises à la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires laquelle a rendu un avis le 19 octobre 2017, à la suite duquel l'administration a communiqué, le 6 novembre 2017, les bases retenues conformément à cet avis. Les représentants de la société ont été reçus le 15 décembre 2017 D... la supérieure hiérarchique du vérificateur. A la suite de cet entretien, les observations de la société ont été partiellement admises D... l'administration et de nouvelles bases d'imposition, réduites en conséquence, ont alors été notifiées le 18 décembre 2017. Les impositions supplémentaires ont été mises en recouvrement le 15 février 2018. La réclamation préalable de la société a été rejetée le 16 mai 2018. De son côté, M. B..., salarié de la société, a été regardé comme le bénéficiaire des revenus réputés distribués D... la SARL Toul Kaki consécutivement aux rehaussements de ses bénéfices au terme de la vérification de comptabilité ci-avant analysée. D... des propositions de rectification du 14 décembre 2016 et du 23 février 2017, le service a informé l'intéressé qu'il envisageait de l'imposer, selon la procédure contradictoire prévue à l'article L. 55 du livre des procédures fiscales, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers sur le fondement du c) de l'article 111 du code général des impôts, à raison des minorations de recettes réintégrées dans les bénéfices sociaux. M. B... ayant refusé ces redressements, sans apporter de motifs à l'appui de sa contestation, le service a confirmé ces rectifications D... lettre du 23 mai 2017. Les bénéfices sociaux ayant été rectifiés à la suite de l'avis de la commission des impôts directs analysé ci-dessus, le service a informé M. B... que le montant de ses revenus de capitaux mobiliers étaient modifiés en conséquence D... lettre du 6 novembre 2017. Il en a été de même à la suite de l'entretien entre la supérieure hiérarchique du vérificateur et les représentants de la société, les nouvelles bases retenues en conséquence étant notifiées à M. B... le 19 décembre 2017. Les suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales ont été mis en recouvrement le 25 janvier 2018. La réclamation préalable de M. B... a été rejetée D... l'administration le 16 mai 2018. D... les deux requêtes ci-dessus visées, qu'il y a lieu de joindre afin de statuer D... un seul arrêt, la SARL Toul Kaki et M. B... relèvent appel des jugements ci-dessus visés D... lesquels le tribunal administratif de Nancy, après avoir constaté des non-lieux partiels à statuer dans la mesure de dégrèvements prononcés en cours d'instance, a rejeté le surplus de leurs demandes tendant à la décharge en droits et pénalités de ces impositions supplémentaires.
Sur les impositions mises à la charge de la SARL Toul Kaki :
En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :
2. Aux termes de l'article L. 48 du livre des procédures fiscales : " A l'issue d'un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle au regard de l'impôt sur le revenu, d'une vérification de comptabilité ou d'un examen de comptabilité, lorsque des rectifications sont envisagées, l'administration doit indiquer, avant que le contribuable présente ses observations ou accepte les rehaussements proposés, dans la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou dans la notification mentionnée à l'article L. 76, le montant des droits, taxes et pénalités résultant de ces rectifications. Lorsqu'à un stade ultérieur de la procédure de rectification contradictoire l'administration modifie les rehaussements, pour tenir compte des observations et avis recueillis au cours de cette procédure, cette modification est portée D... écrit à la connaissance du contribuable avant la mise en recouvrement, qui peut alors intervenir sans délai ".
3. Il résulte de l'instruction que les suppléments d'impôt sur les sociétés, de taxe d'apprentissage et de participation à la formation professionnelle continue mis en recouvrement le 15 février 2018 sont conformes aux indications données à la société au titre des conséquences financières dans les propositions de rectification en ce qui concerne les taxes annexes et dans la lettre du 18 décembre 2017 ci-dessus mentionnée en ce qui concerne l'impôt sur les sociétés. D... suite, la société requérante, qui ne saurait au demeurant utilement le faire pour les impositions établies d'office, n'est pas fondée à soutenir que la garantie de l'article L. 48 du livre des procédures fiscales aurait été méconnue.
En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :
4. Aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : " Lorsque l'une des commissions ou le comité mentionnés à l'article L. 59 ou le comité prévu à l'article L. 64 est saisi d'un litige ou d'une rectification, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu D... la commission ou le comité./Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission ou du comité. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées D... l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou la rectification est soumis au juge ". Aux termes de l'article L. 193 du même livre : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition ".
5. Il résulte de l'instruction que la SARL Toul Kaki n'a présenté aucune comptabilité lors de la première intervention sur place du vérificateur, cette carence ayant donné lieu à un procès-verbal de défaut de présentation de comptabilité du 12 octobre 2016. Une comptabilité au titre des périodes vérifiées a ensuite été présentée le 15 novembre 2016 après avoir été confectionnée D... le comptable. Cette comptabilité est dépourvue de pièces justificatives des recettes, celles-ci étant au demeurant enregistrées de manière globale en fin de journée. Les anomalies relevées ont été constatées dans un procès-verbal du 15 novembre 2016. Il résulte de ces éléments que la comptabilité de la société Toul Kaki est affectée de graves irrégularités.
6. La SARL Toul Kaki ayant été régulièrement taxée d'office à l'impôt sur les sociétés des années 2013, 2014 et 2015 et à la taxe sur la valeur ajoutée en ce qui concerne les périodes ci-dessus analysées, elle supporte la charge de la preuve du caractère exagéré de ces impositions. Les impositions établies selon la procédure contradictoire de rectification ayant été, dans les conditions exposées au point 1 ci-dessus, mises en recouvrement sur des bases inférieures à celles proposées D... la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires et la comptabilité de la société requérante étant gravement irrégulière, la charge de la preuve du mal-fondé de ces impositions lui incombe.
7. Afin de reconstituer le chiffre d'affaires et les bénéfices de la société requérante, le vérificateur, de manière contradictoire avec M. B... représentant de la société pour les besoins du contrôle, a relevé les coefficients de revente pratiqué au cours de l'année 2013 en ce qui concerne les marchandises acquises auprès des fournisseurs, aboutissant à déterminer un coefficient moyen pondéré selon le poids de chaque fournisseur dans les achats et a utilisé une seconde méthode ayant consisté à déterminer le coefficient de revente à partir des prix affichés en magasin. Ces méthodes ont permis d'établir un coefficient de marge moyen de 2,51 pour l'année 2013. Un taux de perte de 6 % a été admis. Ce coefficient de 2,51 a été appliqué aux achats revendus des trois années vérifiées sous déduction du taux de perte de 6 %. A la suite de l'avis de la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, le coefficient de marge moyen a été fixé à 2,45 pour les années 2014 et 2015, occasionnant une modification des bases retenues ainsi qu'il ressort de la lettre du 6 novembre 2017. A la suite de l'entretien avec la supérieure hiérarchique, l'administration a admis des observations de la société ayant entraîné une diminution des achats revendus. La modification des bases qui en a découlé a été portée à la connaissance de la société le 8 décembre 2017. Une telle méthode de reconstitution ne saurait être regardée comme viciée dans son principe ou sommaire.
8. Si la SARL Toul Kaki, qui ne dispose pas d'une comptabilité régulière et probante, soutient que la reconstitution des années 2014 et 2015 est viciée dans son principe en ce que l'administration a extrapolé à ces années le coefficient de bénéfice brut de l'année 2013 et n'aurait ainsi pas tenu compte de la baisse de son activité, il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que le coefficient des années 2014 et 2015 a été réduit à 2,45. La société requérante ne rapporte pas la preuve que ce dernier coefficient ne tiendrait pas assez compte de la réalité de son activité au titre de ces deux années. Si la société requérante soutient que le taux de perte de 6 % est insuffisant, elle n'apporte aucun élément de nature à établir qu'un abattement supérieur devrait être retenu.
Sur les impositions personnelles de M. B... :
En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :
9. M. B... n'a pas fait l'objet d'une vérification de comptabilité mais d'un contrôle sur pièces. D... suite, le moyen invoqué D... l'intéressé relatif à la violation de la garantie de l'article L. 48 du livre des procédures fiscales, reproduit ci-dessus, et tiré de ce que les impositions mises en recouvrement ne seraient pas conformes aux conséquences financières qui lui ont été indiquées en cours de procédure, doit être écarté comme inopérant.
10. Aux termes de l'article L. 80 CA du livre des procédures fiscales : " La juridiction saisie peut, lorsqu'une erreur non substantielle a été commise dans la procédure d'imposition, prononcer, sur ce seul motif, la décharge des majorations et amendes, à l'exclusion des droits dus en principal et des intérêts de retard. Elle prononce la décharge de l'ensemble lorsque l'erreur a eu pour effet de porter atteinte aux droits de la défense ou lorsqu'elle est de celles pour lesquelles la nullité est expressément prévue D... la loi ou D... les engagements internationaux conclus D... la France ". Il résulte de l'instruction que si le service a mis en recouvrement une somme supérieure à celle qui avait été indiquée à M. B... en cours de procédure, cette erreur a été réparée en cours d'instance devant le tribunal administratif. De cette erreur matérielle ayant affecté le rôle supplémentaire, il ne saurait se déduire aucune irrégularité de la procédure d'imposition, ainsi qu'il a été dit ci-dessus. D... suite, M. B... n'est pas fondé, en tout état de cause, à revendiquer le bénéfice de l'article L. 80 CA du livre des procédures fiscales, lequel au demeurant n'institue aucune obligation pour le juge de l'impôt.
En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :
11. L'administration est en droit à tout moment de la procédure contentieuse de demander, pour justifier le bien-fondé d'une imposition, que soit substituée une base légale à celle qui avait été initialement invoquée, dès lors que cette substitution peut être faite sans priver le contribuable des garanties qui lui sont reconnues en matière de procédure d'imposition.
12. Aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ". Aux termes de l'article 110 du même code : " Pour l'application du 1° du 1 de l'article 109, les bénéfices s'entendent de ceux qui ont été retenus pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés ". En cas de refus des propositions de rectification D... le contribuable qu'elle entend imposer en tant que bénéficiaire de sommes regardées comme distribuées, il incombe à l'administration d'apporter la preuve que celui-ci en a effectivement disposé. Toutefois, le contribuable qui, disposant seul des pouvoirs les plus étendus au sein de la société, est en mesure d'user sans contrôle de ses biens comme de biens qui lui sont propres et doit ainsi être regardé comme le seul maître de l'affaire, est présumé avoir appréhendé les distributions effectuées D... la société qu'il contrôle, la circonstance qu'il n'aurait pas effectivement appréhendé les sommes correspondantes ou qu'elles auraient été versées à des tiers étant sans incidence à cet égard.
13. L'administration a entendu imposer M. B... dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers au titre des rehaussements des bénéfices de la SARL Toul Kaki regardés comme distribués sur le fondement du c) de l'article 111 du code général des impôts. La circonstance que des bénéfices correspondant à des recettes dissimulées et non comptabilisées ont été mis en lumière D... l'administration ne saurait toutefois suffire à qualifier ces bénéfices non déclarés comme constituant des avantages ou des rémunérations occultes au sens de ces dispositions. L'administration doit toutefois être regardée comme demandant à la cour de substituer à ce fondement celui reposant sur les dispositions ci-dessus reproduites du 1° du 1 de l'article 109 du même code au titre des trois années litigieuses. Cette substitution peut en l'espèce être faite sans priver M. B... d'aucune des garanties relatives à la procédure d'imposition.
14. La vérification de comptabilité de la SARL Toul Kaki a mis en lumière la dissimulation D... cette dernière de recettes provenant de son exploitation qui ont été réintégrées dans son bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés des années 2013, 2014 et 2015. Le bien-fondé de ces réintégrations a été reconnu ci-dessus et il y a lieu d'écarter les moyens identiques soulevés de ce chef D... M. B... D... les mêmes motifs. Ces bénéfices non déclarés n'ayant pas été comptabilisés, ils n'ont été ni mis en réserve, ni incorporés au capital social. Ils constituent, D... suite, en application des dispositions ci-dessus reproduites de l'article 109 du code général des impôts, des revenus distribués imposables entre les mains de leurs bénéficiaires dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers.
15. Afin de regarder M. B... comme le maître de l'affaire, l'administration a relevé que l'intéressé, s'il n'était pas associé personnellement de la société requérante, en détenait cependant indirectement des parts à travers la SARL Surplus Nancéien, associée à 50 % de la SARL Toul Kaki et dont il détient 35 % des parts sociales. M. B... était salarié de la société Toul Kaki et assurait le fonctionnement du magasin de vente, la gérante de droit de cette société, exerçant une activité professionnelle à temps plein à l'extérieur de la société, n'étant jamais présente. Il n'est également pas contesté que M. B... était seul en relation avec les clients et fournisseurs ainsi qu'avec les tiers. Il a au demeurant été désigné D... la gérante pour représenter la société requérante durant la vérification de comptabilité et il apparaissait également comme le dirigeant de l'entreprise dans des articles publiés dans la presse locale. Dans ces conditions, M. B... qui assurait seul la marche des affaires et disposait seul des pouvoirs les plus étendus au sein de la société Toul Kaki, doit être regardé comme le seul maître de l'affaire, présumé avoir appréhendé les sommes désinvesties D... la société. M. B..., en se bornant à contester sa qualité de maître de l'affaire, n'apporte pas la preuve de ce qu'il n'a pas été le bénéficiaire de ces revenus. D... suite, l'administration est fondée à demander, D... la voie de la substitution de base légale, que les sommes litigieuses soient imposées entre les mains du requérant au titre des trois années litigieuses sur le fondement du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts.
16. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Toul Kaki et M. B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, D... les jugements attaqués, le tribunal administratif de Nancy a rejeté le surplus de leurs demandes. D... suite, leurs requêtes doivent être rejetées en toutes leurs conclusions y compris celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : Les requêtes présentées respectivement D... la SARL Toul Kaki et M. B... sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Toul Kaki, à M. C... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 10 novembre 2022, à laquelle siégeaient :
M. Martinez, président de chambre,
M. Agnel, président assesseur,
Mme Brodier, première conseillère.
Rendu public D... mise à disposition au greffe le 1er décembre 2022.
Le rapporteur,
Signé : M. AgnelLe président,
Signé : J. Martinez
La greffière,
Signé : C. Schramm
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
C. Schramm
N°s 20NC03433 et 20NC03434
2 |
JADE/CETATEXT000046690007.xml | Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... C... et Mme A... B... épouse C... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 20 octobre 2021 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours dirigé contre les décisions de l'autorité consulaire française à Oran (République algérienne démocratique et populaire) leur refusant la délivrance d'un visa d'entrée et de court séjour.
Par un jugement nos 2114485, 2114486 du 11 juillet 2022, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision du 20 octobre 2021 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France et a enjoint au ministre de l'intérieur de faire délivrer les visas sollicités à M. C... et Mme B... épouse C... dans un délai de deux mois.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 12 septembre 2022, le ministre de l'intérieur et des outre-mer demande à la cour de prononcer le sursis à exécution de ce jugement en application des dispositions de l'article R. 811-15 du code de justice administrative.
Le ministre soutient que :
- il existe un risque sérieux de détournement de l'objet du visa ;
- les intéressés qui se sont maintenus irrégulièrement sur le territoire français sont visés par une mesure d'éloignement et un refus de séjour ;
- l'objet et les conditions de leur séjour professionnel ne sont ni probants ni sérieux ; leur entreprise familiale d'engraissement de bovins, ovins et volaille est en activité depuis moins de deux ans ; la commande de matériel auprès de la société Euromat-Export dont ils se prévalent ne nécessite aucun déplacement ; le signataire de la lettre d'invitation qu'ils produisent ne dispose d'aucune habilitation à cette fin dès lors qu'il n'est plus gérant de la société depuis octobre 2022 ; l'usine fabriquant le matériel agricole commandé est située au Pays-Bas, la société française n'est qu'un intermédiaire ; le site de l'entreprise Euromat-Export que doivent visiter M. et Mme C... dans les Côtes d'Armor est fermé depuis le 8 juillet 2021 et celui situé dans la Vienne n'abrite pas de hall d'exposition de machines agricoles ;
- trois de leurs enfants sont installés en France.
Par un mémoire en défense enregistré le 10 octobre 2022, M. et Mme C..., représentés par Me Cabaret, concluent au rejet de la requête, à ce qu'il soit enjoint au ministre de leur délivrer les visas demandés dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir sous astreinte de 200 euros par jour de retard ou, à défaut, de procéder au réexamen de leur situation dans les mêmes conditions d'astreinte, et à ce que soit mis à la charge de l'État le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent qu'aucun des moyens soulevés par le ministre n'est fondé.
Vu :
- la requête n°22NT02968 enregistrée le 12 septembre 2022 par laquelle le ministre de l'intérieur et des outre-mer a demandé l'annulation du jugement nos 2114485, 2114486 du 11 juillet 2022 du tribunal administratif de Nantes ;
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- la convention d'application de l'accord de Schengen, signée le 19 juin 1990 ;
- le règlement (CE) n° 2016/399 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 concernant un code de l'Union relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen) ;
- le règlement (CE) n° 810/2009 du 13 juillet 2009 du Parlement européen et du Conseil établissant un code communautaire des visas (code des visas) ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Buffet, présidente-rapporteure, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article R. 222-25 du code de justice administrative, " Les affaires sont jugées soit par une chambre siégeant en formation de jugement, soit par une formation de chambres réunies, soit par la cour administrative d'appel en formation plénière, qui délibèrent en nombre impair. / Par dérogation à l'alinéa précédent, le président de la cour ou le président de chambre statue en audience publique et sans conclusions du rapporteur public sur les demandes de sursis à exécution mentionnées aux articles R. 811-15 à R. 811-17 ".
2. Aux termes de l'article R. 811-15 du même code : " Lorsqu'il est fait appel d'un jugement de tribunal administratif prononçant l'annulation d'une décision administrative, la juridiction d'appel peut, à la demande de l'appelant, ordonner qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement si les moyens invoqués par l'appelant paraissent, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation ou la réformation du jugement attaqué, le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par ce jugement ".
Sur les conclusions à fin de sursis à exécution :
3. Aucun des moyens soulevés par le ministre n'est de nature, en l'état de l'instruction, à justifier l'annulation du jugement attaqué. La requête du ministre tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement doit, par suite, être rejetée.
Sur les conclusions à fin d'injonction présentées par M. et Mme C... :
4. Le présent arrêt n'appelle pas d'autre mesure d'exécution que celle déjà prononcée par les premiers juges. Dans ces conditions, les conclusions à fin d'injonction visées ci-dessus ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
5. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. et Mme C... de la somme de 1 200 euros au titre des frais engagés pour l'instance, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête à fin de sursis à exécution du ministre de l'intérieur et des outre-mer est rejetée.
Article 2 : Les conclusions à fin d'injonction présentées par M. et Mme C... sont rejetées.
Article 3 : L'Etat versera à M. et Mme C... la somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer, à M. D... C... et Mme A... B... épouse C... et à Me Cabaret.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 décembre 2022.
La présidente - rapporteure,
C. BUFFET
La greffière,
K. BOURON
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 22NT02969 |
JADE/CETATEXT000046690013.xml | Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société civile immobilière (SCI) W a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des suppléments d'impôt sur les sociétés qui lui ont été assignés au titre des années 2014 et 2015.
Par un jugement n° 1804858 du 29 septembre 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a prononcé la réduction des pénalités en substituant à la pénalité pour manœuvre frauduleuse celle prévue en cas de manquement délibéré et a rejeté le surplus des conclusions de la demande.
M. et Mme D... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales qui leur ont été assignés au titre de l'année 2014.
Par un jugement n° 1805435 du 29 septembre 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a prononcé la réduction des pénalités en substituant à la pénalité pour manœuvre frauduleuse celle prévue en cas de manquement délibéré et a rejeté le surplus des conclusions de la demande.
Procédure devant la cour :
I. Par une requête enregistrée le 14 décembre 2020, sous le n° 20NC03604, et un mémoire enregistré le 3 novembre 2022, la SCI W, représentée par Me Guerder, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement n° 1804858 en tant qu'il rejette le surplus des conclusions de sa demande ;
2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des impositions laissées à sa charge ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la procédure est irrégulière en ce que l'administration ne l'a jamais informée de la possibilité ouverte par l'article L. 77 du livre des procédures fiscales de demander la déduction en cascade des rehaussements de son bénéfice à raison des redressements en matière d'impôt sur le revenu notifiés aux bénéficiaires des revenus réputés distribués ;
- compte tenu des droits très limités qu'elle détenait à raison du contrat de réservation préliminaire du 14 mai 2013, elle ne pouvait faire valoir aucun préjudice direct consécutivement à l'annulation de ce dernier de sorte que l'indemnité transactionnelle prévue par l'accord du 18 octobre 2013 a été attribuée exclusivement à M. et Mme D... en réparation de leur préjudice moral personnel ;
- l'administration ne rapporte pas la preuve d'un manquement délibéré et c'est à tort que le jugement attaqué a procédé à cette substitution en ce qu'il ne caractérise pas l'existence d'un tel manquement délibéré ; c'est au demeurant irrégulièrement qu'il l'a fait puisqu'elle n'a pas été mise à même de présenter ses observations sur ce point au regard de la garantie de l'article L. 48 du livre des procédures fiscales ainsi que le rappelle la doctrine administrative BOI-CF-INF-30-20, n°s 100 et 110.
Par un mémoire en défense enregistré le 4 juin 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
II. Par une requête enregistrée le 14 décembre 2020, sous le n° 20NC03641, et un mémoire enregistré le 2 novembre 2022, M. et Mme D..., représentés par Me Guerder, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement n° 1805435 en tant qu'il rejette le surplus des conclusions de leur demande ;
2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des impositions laissées à leur charge ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- compte tenu des droits très limités que la SCI W détenait à raison du contrat de réservation préliminaire du 14 mai 2013, elle ne pouvait faire valoir aucun préjudice direct consécutivement à l'annulation de ce dernier de sorte que l'indemnité transactionnelle prévue par l'accord du 18 octobre 2013 leur a été attribuée exclusivement en réparation de leur préjudice moral personnel ; en conséquence, la SCI W n'ayant encaissé aucun produit exceptionnel, la rectification de son bénéfice n'est pas fondée et il n'existe aucun revenu distribué à raison de cette indemnité imposable entre leurs mains ;
- l'administration ne rapporte pas la preuve d'un manquement délibéré et c'est à tort que le jugement attaqué a procédé à cette substitution en ce qu'il ne caractérise pas l'existence d'un tel manquement délibéré ; c'est au demeurant irrégulièrement qu'il l'a fait puisqu'ils n'ont pas été mis à même de présenter des observations sur ce point au regard de la garantie de l'article L. 48 du livre des procédures fiscales ainsi que le rappelle la doctrine administrative BOI-CF-INF-30-20, n°s 100 et 110 ;
- subsidiairement, il y a lieu de déduire des revenus distribués la fraction de l'indemnité litigieuse qu'ils ont reversée à la SCI W préalablement à la clôture de l'exercice et de la procédure de contrôle.
Par un mémoire enregistré le 2 juillet 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience publique.
Ont été entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B... ;
- les conclusions de Mme Stenger, rapporteure publique ;
- et les observations de Me Guerder, représentants les requérants.
Considérant ce qui suit :
1. La SCI W, qui a pour objet l'acquisition, l'administration et la gestion de biens immobiliers, a pour associés à parts égales M. et Mme D..., M. D... exerçant les fonctions de gérant. La SCI W a régulièrement opté pour l'imposition de ses bénéfices à l'impôt sur les sociétés. A la suite d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 6 mars 2013 au 31 décembre 2015, l'administration, à la suite d'une proposition de rectification du 4 août 2016, confirmée par lettre du 19 octobre 2016 en réponse aux observations de la société, a réintégré selon la procédure contradictoire prévue à l'article L. 55 du livre des procédures fiscales, dans son résultat imposable de l'exercice clos le 31 décembre 2014, une somme de 250 000 euros après avoir estimé qu'elle avait bénéficié d'une indemnité transactionnelle due par la SCI Vauban Conseil et qu'elle n'avait pas inscrite dans ses écritures comptables. Cette rectification a donné lieu à des suppléments d'impôt sur les sociétés au titre des années 2014 et 2015, assortis de la pénalité pour manœuvres frauduleuses, mis en recouvrement le 16 octobre 2017. La réclamation préalable de la société a été rejetée par l'administration le 7 juin 2018. M. et Mme D... ont été regardés comme les bénéficiaires du revenu réputé distribué correspondant à la somme de 250 000 euros réintégrée dans le bénéfice de la SCI W. Par une proposition de rectification du 4 août 2016, l'administration a porté à leur connaissance, selon la procédure contradictoire de rectification, qu'il envisageait de réintégrer cette somme dans leurs revenus de capitaux mobiliers imposables au titre de l'année 2014. Cette rectification a été confirmée par lettre du 19 octobre 2016 en réponse aux observations des intéressés. Les suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales, assortis des pénalités pour manœuvres frauduleuses, ont été mis en recouvrement au cours de l'année 2017 et la réclamation préalable des époux D... a été rejetée par l'administration le 23 juillet 2018. Par les deux requêtes ci-dessus visées, qu'il y a lieu de joindre afin de statuer par un seul arrêt, la SCI W et M. et Mme D... relèvent appel des jugements ci-dessus visés par lesquels le tribunal administratif de Strasbourg a prononcé la réduction des pénalités en substituant à la pénalité pour manœuvre frauduleuse celle prévue en cas de manquement délibéré et a rejeté le surplus des conclusions de leurs demandes.
Sur la régularité des jugements attaqués :
2. Il résulte de l'instruction qu'afin de procéder à la substitution de la pénalité de 40 % pour manquement délibéré à celle de 80 % pour manœuvres frauduleuses, les jugements attaqués ont estimé, tant à l'égard de la SCI W que des époux D..., que l'administration s'était également fondée pour appliquer la pénalité initiale sur l'intention délibérée des intéressés d'éluder les impositions litigieuses. Il ressort des pièces du dossier que le tribunal administratif a communiqué aux parties, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, l'information selon laquelle il était susceptible de procéder à cette substitution afin de recueillir leurs observations préalables, observations que les requérants ont d'ailleurs formulées par des mémoires complémentaires. Par suite, les requérants, qui ne sauraient utilement invoquer les dispositions de l'article L. 48 du livre des procédures fiscales, ne sont pas fondés à soutenir que c'est irrégulièrement et en les privant des garanties relatives au principe du contradictoire et aux droits de la défense, que le tribunal administratif de Strasbourg a décidé de substituer les pénalités pour manquement délibéré à celles prévue en cas de manœuvre frauduleuse, le bien-fondé de cette substitution étant par ailleurs examiné ci-après dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel.
Sur les impositions et pénalités assignées à la SCI W :
En ce qui concerne la régularité de la procédure :
3. Aux termes de l'article L. 77 du livre des procédures fiscales : "Les entreprises soumises à l'impôt sur les sociétés peuvent, dans la mesure où le bénéfice correspondant aux rectifications effectuées est considéré comme distribué, par application des articles 109 et suivants du code général des impôts, à des associés ou actionnaires dont le domicile ou le siège est situé en France, demander que l'impôt sur le revenu supplémentaire dû par les bénéficiaires en raison de cette distribution soit établi sur le montant du rehaussement soumis à l'impôt sur les sociétés diminué du montant de ce dernier impôt./ (...) Les demandes que les contribuables peuvent présenter au titre des troisième et quatrième alinéas doivent être faites au plus tard dans le délai de trente jours consécutif à la réception de la réponse aux observations prévue à l'article L. 57 ou, à défaut, d'un document spécifique les invitant à formuler lesdites demandes./L'imputation prévue aux troisième et quatrième alinéas est soumise à la condition que les associés ou actionnaires reversent dans la caisse sociale les sommes nécessaires au paiement des taxes sur le chiffre d'affaires et des taxes assimilées, de l'impôt sur les sociétés et de la retenue à la source sur les revenus de capitaux mobiliers se rapportant aux sommes qui leur ont été distribuées ".
4. Les dispositions ci-dessus reproduites de l'article L. 77 du livre des procédures fiscales ne concernent pas les impositions réclamées à l'entreprise soumise à l'impôt sur les sociétés. Par suite, la SCI W ne saurait utilement soutenir que la procédure d'imposition suivie à son égard serait irrégulière à défaut d'avoir été informée par l'administration de la possibilité pour elle de demander l'application de la cascade complète. En tout état de cause, aucune disposition ne met à la charge de l'administration une telle obligation d'information.
En ce qui concerne le bien-fondé de la réintégration dans le bénéfice de l'année 2014 de la somme de 250 000 euros :
5. Aux termes de l'article 38 du code général des impôts, dont les dispositions sont applicables à l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " 1 (...) le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises, y compris notamment les cessions d'éléments quelconques de l'actif, soit en cours, soit en fin d'exploitation. 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apports et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés (...) 2 bis. Pour l'application des 1 et 2, les produits correspondant à des créances sur la clientèle ou à des versements reçus à l'avance en paiement du prix sont rattachés à l'exercice au cours duquel intervient la livraison des biens pour les ventes ou opérations assimilées et l'achèvement des prestations pour les fournitures de services ".
6. Il résulte de l'instruction que, par acte notarié du 14 mai 2013, la société requérante, substituée aux époux D..., a conclu avec la SCI Vauban Conseil un contrat de réservation préliminaire à la vente en l'état futur d'achèvement d'un E... dit " E... tour basse " inclus dans un programme immobilier dit " A... " à réaliser sur un terrain à bâtir situé rue Adèle Riton à Strasbourg. Le 26 septembre 2013, la SCI Vauban Conseil a informé la SCI W qu'elle regardait le contrat du 14 mai 2013 qui les liait comme caduc faute de versement du dépôt de garantie qu'il stipulait. La SCI W a alors obtenu le 2 octobre 2013 du président du tribunal de grande instance de Strasbourg une ordonnance décidant l'inscription au livre foncier d'une prénotation entraînant l'interdiction pour la SCI Vauban Conseil de disposer de l'immeuble. Enfin, par un accord transactionnel conclu le 18 octobre 2013 entre la SCI Vauban Conseil, d'une part, et la SCI W, représentée par ses associés, M. et Mme D..., d'autre part, la SCI Vauban Conseil s'est engagée à verser " en contrepartie des désistements et renonciation " de la SCI W à ses droits et actions au titre du contrat de réservation, " une indemnité forfaitaire de 250 000 euros au profit de M. et Mme D..., pour compte de la SCI W ". Cette indemnité a été réglée par la SCI Vauban Conseil par un chèque tiré le 21 janvier 2014 à l'ordre de M. et Mme D... et encaissé par eux. Cette transaction et ce règlement n'ont donné lieu à aucun enregistrement dans la comptabilité de la SCI W.
7. Il n'est pas contestable que le litige ayant donné lieu à l'accord transactionnel ci-dessus analysé s'est élevé entre la SCI W, réservataire, et la SCI Vauban Conseil, réservante. A cet égard les droits issus de l'acte de réservation du 14 mai 2013 étaient entrés dans le patrimoine de la seule SCI W laquelle était ainsi la seule à pouvoir y renoncer. C'est ainsi qu'il résulte clairement des articles 1er et 2 de la transaction que la SCI W s'est désistée de tous droits, actions instances et revendication au titre du contrat de réservation et qu'en contrepartie de ce désistement, la SCI Vauban Conseil s'est engagée à lui verser la somme de 250 000 euros, les époux D... n'étant visés dans l'expression " au profit de M. et Mme D..., pour compte de la SCI W " qu'en leur qualité de gérant et associés de la société. Par suite, l'administration fiscale rapporte la preuve que par l'effet de cette transaction, la SCI W est devenue titulaire d'une créance liquide, certaine du fait de la réalisation de la condition suspensive qui avait été stipulée, et exigible selon les modalités prévues aux articles 3 et 5 de ce contrat, constituant pour elle un profit exceptionnel imposable à l'impôt sur les sociétés.
8. Si la SCI W soutient que cette indemnité a été stipulée au profit exclusif des époux D... à raison du préjudice moral et d'image qu'aurait subi M. D... à la suite de l'abandon du projet immobilier initial, projet dans lequel il s'était personnellement et activement investi, une telle circonstance ne ressort nullement de la transaction ci-dessus analysée et n'est pas établie par eux. A cet égard, l'attestation présentée comme établie par l'avocat de la SCI W et des époux D... dans le cadre du litige immobilier ci-dessus analysé, signée à une date indéterminée, ne saurait attester une commune intention des parties différente de celles ressortant sans ambiguïté de l'écrit transactionnel signé par elles. Par suite, la SCI W, par ces allégations, ne contredit pas utilement les éléments de preuve réunis par l'administration.
En ce qui concerne les pénalités :
9. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré ". Aux termes de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs (...), la preuve de la mauvaise foi et des manœuvres frauduleuses incombe à l'administration ". La majoration de 40 % pour manquement délibéré prévue au a de l'article 1729 du code général des impôts sanctionne la méconnaissance par le contribuable de ses obligations déclaratives. Pour établir le manquement délibéré, l'administration fiscale doit apporter la preuve de l'insuffisance, de l'inexactitude ou du caractère incomplet des déclarations du contribuable, et de son intention délibérée d'éluder l'impôt.
10. L'administration a relevé dans la proposition de rectification que la SCI W ne pouvait ignorer, compte tenu des stipulations claires de la transaction, avoir bénéficié d'un produit exceptionnel à la suite du versement de la somme de 250 000 euros qu'elle a choisi de dissimuler en omettant de le comptabiliser dans le but d'éluder l'impôt sur les sociétés correspondant. Ces éléments sont constitutifs d'un manquement délibéré de nature à justifier l'application de la pénalité de 40 % prévue par les dispositions ci-dessus reproduites. Eu égard aux éléments retracés ci-dessus, en particulier aux termes de l'accord transactionnel, la SCI W n'est pas fondée à soutenir qu'elle aurait cru de bonne foi que la somme de 250 000 euros était due aux époux D.... Par suite, c'est à juste titre que les premiers juges ont substitué la pénalité pour manquement délibéré à celle pour manœuvre frauduleuse.
Sur les revenus de capitaux mobiliers des époux D... :
En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :
11. Aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués (...) 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices ".
12. Les époux D... contestent, en premier lieu, avoir été les bénéficiaires de revenus distribués à raison de la non comptabilisation par la SCI W de l'indemnité transactionnelle litigieuse par les mêmes moyens que ceux invoqués par cette société. Il y a lieu d'écarter ces moyens par les mêmes motifs que ci-dessus.
13. Si les requérants soutiennent, en deuxième lieu, qu'ils ont restitué une fraction de cette indemnité, égale à 150 279 euros, par des versements de 30 280 euros, 8 820 euros et 111 179 euros, effectués les 6 et 8 août 2014, il résulte de l'instruction que ces sommes ont été comptabilisées comme des apports, enregistrés au crédit du compte courant de M. D..., et non comme le remboursement d'une dette à l'égard de la société, qui n'avait d'ailleurs inscrit dans sa comptabilité, ni le produit de 250 000 euros constitué par l'indemnité transactionnelle, ni son appréhension par les époux D.... Par les écritures de compte courant ainsi invoquées par les requérants, la SCI W s'est seulement retrouvée débitrice à leur égard. Il s'ensuit que les requérants ne sont pas fondés à demander que les revenus distribués en litige soient diminués de la somme de 150 279 euros qu'ils prétendent avoir remboursée à la SCI W au cours de l'année 2014.
14. Il résulte de ce qui vient d'être dit que les époux D... ne justifient pas avoir reversé dans la caisse sociale une partie de la somme litigieuse de 250 000 euros qu'ils ont appréhendée. Par suite, ils ne sauraient utilement invoquer, en troisième lieu, ni les dispositions du a) de l'article 111 du code général des impôts dont il ne leur a pas été fait application, et pas davantage, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, les termes de l'instruction administrative sous référence BOI-RPPM-RCM-10-20-20-20, n° 210 dont ils ne remplissent pas les conditions et laquelle concerne au demeurant l'interprétation de l'article 111 du code général des impôts et non pas celle de l'article 109 dont il leur a été fait application.
15. Il résulte enfin de l'article L. 77 du livre des procédures fiscales, ci-dessus rappelé, que le bénéfice de ce mécanisme est subordonné à une demande de la société formulée dans les trente jours de la réponse aux observations des contribuables. En l'absence d'une telle demande, et au demeurant en l'absence d'un tel reversement, les époux D... ne sauraient pas davantage invoquer le bénéfice de ces dispositions.
En ce qui concerne les pénalités :
16. L'administration a relevé dans la proposition de rectification que M. D... a personnellement encaissé le chèque de 250 000 euros dont il ne pouvait ignorer, en particulier au regard des stipulations claires de la transaction, que cette indemnité revenait à la SCI W. Le service en a déduit que M. D... s'était ainsi assuré intentionnellement un revenu en franchise d'impôt provenant de la société dont il était le dirigeant. Ces éléments sont constitutifs d'un manquement délibéré de nature à justifier l'application de la pénalité de 40 % prévue par les dispositions ci-dessus reproduites. Eu égard aux éléments retracés ci-dessus, en particulier aux termes de l'accord transactionnel, les époux D... ne sont pas fondés à soutenir avoir cru de bonne foi que la somme de 250 000 euros leur était destinée en réparation des préjudices que M. D... aurait subis. Par suite, c'est à juste titre que les premiers juges ont substitué la pénalité pour manquement délibéré à celle pour manœuvre frauduleuse.
17. Il résulte de tout ce qui précède que la SCI W, d'une part, et M. et Mme D..., d'autre part, ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté le surplus de leurs demandes. Par suite, leurs requêtes doivent être rejetées en toutes leurs conclusions y compris celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : Les requêtes présentées respectivement par la SCI W et par M. et Mme D... sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI W, à M. et Mme C... D... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 10 novembre 2022, à laquelle siégeaient :
M. Martinez, président de chambre,
M. Agnel, président assesseur,
Mme Brodier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er décembre 2022.
Le rapporteur,
Signé : M. AgnelLe président,
Signé : J. Martinez
La greffière,
Signé : C. Schramm
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
C. Schramm
N°s 20NC03604 et 20NC03641 2 |
JADE/CETATEXT000046690012.xml | Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Nancy de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales qui lui ont été assignés au titre de l'année 2013.
Par un jugement n° 1802526 du 15 octobre 2020, le tribunal administratif de Nancy a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 29 novembre 2020, M. C..., représenté par Me Aube, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge des impositions et pénalités contestées ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la procédure de vérification de comptabilité de la SARL C... ayant été irrégulière, les vices qui l'affectent ont pour effet de rendre irrégulière la procédure de rectification suivie à son égard ;
- la proposition de rectification est insuffisamment motivée en ce que le redressement litigieux ne s'appuie pas au préalable sur une rectification du bénéfice de la SARL C... dans le cadre de sa vérification de comptabilité et en ce qu'aucune preuve d'une distribution dont il aurait été le bénéficiaire n'y est mentionnée ;
- la somme litigieuse correspond au règlement pour le compte de sa société d'une facture fournisseur qu'il a personnellement réglée à ce fournisseur et que la SARL C... lui a donc remboursée ainsi qu'en atteste ce fournisseur ;
- l'administration ne rapporte pas la preuve d'un manquement délibéré de sa part de nature à justifier la pénalité de l'article 1729 du CGI.
Par un mémoire en défense enregistré le 27 avril 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience publique.
Ont été entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A... ;
- les conclusions de Mme Stenger, rapporteure publique ;
- et les observations de Me Aube, représentant M. C....
Considérant ce qui suit :
1. A la suite d'une vérification de comptabilité de la SARL Etablissements C..., M. C..., son gérant, a été destinataire d'une proposition de rectification du 22 décembre 2016 en matière d'impôt sur le revenu au titre de l'année 2013, portant sur une somme de 21 563,88 euros regardée comme un revenu distribué sur le fondement du c) de l'article 111 du code général des impôts. Cette rectification, établie dans le cadre de la procédure contradictoire, a été confirmée par une lettre du 24 avril 2017 en réponse aux observations du contribuable. Les suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales, assortis de la majoration pour manquement délibéré, ont été mis en recouvrement le 30 avril 2018. La réclamation préalable de M. C... a été rejetée par l'administration le 10 juillet 2018. M. C... relève appel du jugement du 15 octobre 2020 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, de ces impositions supplémentaires.
Sur la régularité de la procédure :
2. En premier lieu, en vertu du principe d'indépendance des procédures d'imposition, M. C... ne peut utilement se prévaloir d'une irrégularité de la procédure de vérification de comptabilité suivie à l'égard de la SARL Etablissements C..., dont les bénéfices sont imposables à l'impôt sur les sociétés, pour obtenir la décharge des impositions supplémentaires auxquelles il a été personnellement assujetti. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de la vérification de comptabilité concernant la société Brunelle doit être écarté comme inopérant.
3. En second lieu, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation ". L'article R*. 57-1 de ce même livre dispose que : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. L'administration invite, en même temps, le contribuable à faire parvenir son acceptation ou ses observations dans un délai de trente jours à compter de la réception de la proposition, prorogé, le cas échéant, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de cet article ". Il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler ses observations de façon entièrement utile. En revanche, sa régularité ne dépend ni du bien-fondé de ces motifs, ni des précisions apportées par l'administration sur l'origine des documents sur lesquels elle s'est fondée pour prononcer les redressements envisagés.
4. La proposition de rectification en date du 22 décembre 2016 cite les dispositions du c de l'article 111 et celles de l'article 158 du code général des impôts fondant la rectification, le montant et la nature des insuffisances constatées, évoque les liens entre la société Etablissements C... et son gérant et les informations relevées au cours de la vérification de comptabilité et à l'issue de l'exercice du droit de communication. Au vu de ces éléments, M. C... était en mesure de formuler utilement ses observations. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ne peut qu'être écarté.
Sur le bien-fondé des impositions :
5. Aux termes de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : (...) c. Les rémunérations et avantages occultes ". L'intéressé ayant refusé les rectifications dans ses observations à la suite de la proposition de rectification, il appartient à l'administration d'établir l'existence et le montant de la distribution contestée par M. C....
6. Il résulte des éléments comptables de la SARL Etablissements C... et de l'exercice du droit de communication auprès de l'agence bancaire CIC Est que cette société a réglé le 13 novembre 2013 à M. C... la somme de 21 563,88 euros par chèque n° 8080094 qu'il a personnellement encaissée sur ses comptes bancaires personnels. Cette somme a été enregistrée dans la comptabilité de la société au crédit d'un compte fournisseur en contrepartie d'une facture " Cesar n° FC 437 " pour l'achat de matières premières. Si, dans le cadre de la procédure menée à l'égard de la société, celle-ci a été en mesure de prouver, au stade du recours hiérarchique du 14 décembre 2017, que cette facture correspondait à une charge réelle dont la livraison effective avait pu être constatée, l'administration a également relevé qu'aucun justificatif n'avait été donné sur la raison pour laquelle le montant de cette dette envers le fournisseur Cesar avait été encaissé par le gérant M. C.... Le compte d'associé de M. C... n'ayant pas été mouvementé et en l'absence de toute autre écriture comptable permettant de retracer qu'il se serait personnellement acquitté de la facture Cesar pour le compte de la société, l'administration doit être regardée comme démontrant la perception par le requérant d'une rémunération occulte sans contrepartie pour la SARL Etablissements C....
7. Contrairement à ce que soutient M. C..., l'imposition du bénéficiaire d'une rémunération ou d'un avantage occulte sur le fondement du c) de l'article 111 du code général des impôts, n'implique pas au préalable la réintégration de la somme correspondante dans le résultat imposable de la société ayant procédé à la distribution, ces avantages et rémunérations constituant de toute manière des revenus distribués en vertu de ces dispositions. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que le versement effectué au profit de M. C... par la société Etablissements C... n'a pas été en l'espèce prélevé sur ses bénéfices. Si M. C... soutient avoir avancé, et en avoir été remboursé par le chèque ci-dessus analysé, le règlement de la facture de fournitures à la société Cesar Outillages par le versement en espèces du prix de 21 563,88 euros entre les mains du dirigeant de ce fournisseur, il ne l'établit pas en se bornant à produire, au demeurant seulement au stade de la réclamation préalable, une attestation du gérant de cette société établie le 10 novembre 2020, alors que cette dernière n'est appuyée d'aucun document comptable probant. La circonstance que l'administration a admis la déduction en charge de la facture du fournisseur Cesar au niveau de la SARL Etablissements C... est dans ces conditions sans incidence sur l'existence de la distribution effectuée au profit de M. C.... Le fait que les mandataires judiciaires, dans le cadre de la liquidation judiciaire de la société Cesar Outillages, n'ont pas actionné en paiement de la facture litigieuse la société C..., en l'admettant établie, ne saurait attester son règlement par M. C.... Par suite, M. C... ne conteste pas utilement les éléments de preuve réunis par l'administration fiscale établissant qu'il a été le bénéficiaire des revenus distribués par la société Etablissements C....
Sur les pénalités :
8. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré ". Aux termes de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs (...), la preuve de la mauvaise foi et des manœuvres frauduleuses incombe à l'administration ". La majoration de 40 % pour manquement délibéré prévue au a de l'article 1729 du code général des impôts sanctionne la méconnaissance par le contribuable de ses obligations déclaratives. Pour établir le manquement délibéré, l'administration fiscale doit apporter la preuve de l'insuffisance, de l'inexactitude ou du caractère incomplet des déclarations du contribuable, et de son intention délibérée d'éluder l'impôt.
9. Pour mettre en œuvre l'application de la majoration de 40 % prévue par les dispositions précitées, l'administration a relevé le fait que M. C... était le gérant associé de la SARL Etablissements C... et ne pouvait en conséquence ignorer la circonstance que le chèque n° 8080094 qu'il a lui-même signé à son bénéfice ne correspondait pas à un salaire et qu'aucune avance de sa part pour le compte de la société n'avait été enregistrée. Au vu de ces éléments, l'administration, dont la décision est suffisamment motivée, établit le caractère délibéré du manquement constaté.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions y compris celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 10 novembre 2022, à laquelle siégeaient :
M. Martinez, président de chambre,
M. Agnel, président assesseur,
Mme Brodier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er décembre 2022.
Le rapporteur,
Signé : M. AgnelLe président,
Signé : J. Martinez
La greffière,
Signé : C. Schramm
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
C. Schramm
N° 20NC03460
2 |
JADE/CETATEXT000046690006.xml | Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 2 février 2022 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours dirigé contre la décision de l'autorité consulaire française à Bangui (République centrafricaine) lui refusant la délivrance d'un visa d'entrée et de long séjour, en qualité d'étudiant.
Par un jugement n°2114488 du 11 juillet 2022, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision du 2 février 2022 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France et a enjoint au ministre de l'intérieur de faire délivrer un visa de long séjour à M. B... dans un délai de deux mois sous réserve qu'il bénéficie d'une inscription pour la prochaine année universitaire.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 12 septembre 2022, le ministre de l'intérieur et des outre-mer demande à la cour de prononcer le sursis à exécution de ce jugement en application des dispositions de l'article R. 811-15 du code de justice administrative.
Le ministre soutient que :
- le projet d'études de M. B... ne paraît ni préparé ni sérieux et manque de cohérence ; le service de coopération et d'action culturelle (SCAC) a donné un avis défavorable ; l'intéressé qui a terminé ses études en 2015 et exerce une activité professionnelle ne justifie ni la reprise de ses études ni l'apport de la formation à laquelle il a postulé ; l'issue de cette formation n'est pas un diplôme académique mais un titre figurant au répertoire national des certifications professionnelles (RNCP) du ministère de la formation professionnelle dont la délivrance relève d'un autre organisme certificateur dont les méthodes d'évaluation sont inconnues ;
- M. B... ne démontre pas la nécessité de poursuivre son cursus en France ;
- il existe un risque de détournement de l'objet du visa ; les conditions d'hébergement de l'intéressé ne sont pas établies ; il ne justifie pas d'attache personnelle, matérielle et économique en Centrafrique ; aucune autorisation d'absence de son employeur ni d'engagement de recrutement à l'issue de ses études n'est produite ; l'attestation de virement irrévocable de la société Studely n'est adossée à aucun justificatif de ressources personnelles ; il n'établit pas être en capacité de financer ses frais de séjour et de scolarité.
Vu :
- la requête n°22NT02964 enregistrée le 12 septembre 2022 par laquelle le ministre de l'intérieur et des outre-mer a demandé l'annulation du jugement n° 2114488 du 11 juillet 2022 du tribunal administratif de Nantes ;
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- la directive (UE) 2016/801 du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2016 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'instruction interministérielle relative aux demandes de visas de long séjour pour études dans le cadre de la directive UE 2016/801 du 4 juillet 2019 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Buffet, présidente-rapporteure, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article R. 222-25 du code de justice administrative, " Les affaires sont jugées soit par une chambre siégeant en formation de jugement, soit par une formation de chambres réunies, soit par la cour administrative d'appel en formation plénière, qui délibèrent en nombre impair. / Par dérogation à l'alinéa précédent, le président de la cour ou le président de chambre statue en audience publique et sans conclusions du rapporteur public sur les demandes de sursis à exécution mentionnées aux articles R. 811-15 à R. 811-17 ".
2. Aux termes de l'article R. 811-15 du même code : " Lorsqu'il est fait appel d'un jugement de tribunal administratif prononçant l'annulation d'une décision administrative, la juridiction d'appel peut, à la demande de l'appelant, ordonner qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement si les moyens invoqués par l'appelant paraissent, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation ou la réformation du jugement attaqué, le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par ce jugement ".
3. Aucun des moyens soulevés par le ministre n'est de nature, en l'état de l'instruction, à justifier l'annulation du jugement attaqué. La requête tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement doit, par suite, être rejetée.
DECIDE :
Article 1er : La requête à fin de sursis à exécution du ministre de l'intérieur et des outre-mer est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer, à M. A... B... et à Me Nguiyan.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 décembre 2022.
La présidente-rapporteure,
C. BUFFET
La greffière,
K. BOURON
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 22NT02965 |
JADE/CETATEXT000046690016.xml | Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... D... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler la décision du 27 juin 2019 par laquelle le directeur du centre hospitalier de la Haute-Marne (ci-après le CHHM) a refusé de reconnaître l'imputabilité au service du congé de longue durée accordé à compter du 18 novembre 2015.
Par un jugement n° 1901782 du 6 novembre 2020, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 22 décembre 2020, Mme D..., représentée par Me Thomas, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 6 novembre 2020 ;
2°) d'annuler cette décision du 27 juin 2019 ;
3°) d'enjoindre au directeur du CHHM de reconnaître l'imputabilité au service de sa pathologie et, par voie de conséquence, du congé de longue durée accordé à compter du 18 novembre 2015 avec toutes les conséquences de droit, et notamment financières, en résultant ;
4°) de mettre à la charge du CHHM une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que la décision est entachée d'erreur d'appréciation, dès lors que sa pathologie est en lien direct avec l'exercice de ses fonctions et qu'aucun fait personnel n'est susceptible de détacher sa maladie du service.
Par un mémoire en défense, enregistré le 7 juin 2021, le centre hospitalier de la Haute-Marne (CHHM), représenté par Me Lesné de la Selarl Houdart et Associés, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de Mme D... une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'agent ne justifie pas avoir été victime d'un acharnement administratif et disciplinaire ;
- les conditions de travail de l'agent n'étaient pas dégradées et il n'est pas justifié que son environnement de travail serait directement à l'origine de son état dépressif ;
- seul le comportement de l'agent et les fautes commises dans l'exercice de ses fonctions sont à l'origine de sa pathologie.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- les conclusions de Mme C....
Considérant ce qui suit :
1. Recrutée comme aide-soignante par le centre hospitalier de la Haute-Marne (ci-après CHHM) en décembre 2001, Mme D... y a été titularisée comme infirmière le 21 janvier 2010. En arrêt de travail à compter du 18 novembre 2015 pour syndrome anxio-dépressif, elle a été placée, par une décision du 30 septembre 2016, en congé de longue maladie jusqu'au 17 novembre 2018. Le 6 février 2017, elle a formé une demande tendant à la reconnaissance de l'imputabilité au service de sa maladie. Le directeur du CHHM a, sur avis défavorable de la commission de réforme, rejeté cette demande par une décision du 3 juillet 2017, laquelle a toutefois été annulée par un jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 30 avril 2019 pour insuffisance de motivation. Par une décision du 27 juin 2019, le directeur du centre hospitalier a refusé de reconnaître l'imputabilité au service du congé de longue durée qu'il a accordé, par une décision du même jour, à Mme D.... Celle-ci relève appel du jugement du 6 novembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision ayant refusé de reconnaître l'imputabilité au service du congé de longue durée obtenu.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, dans sa version applicable à la date de la décision attaquée : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, à l'exception des blessures ou des maladies contractées ou aggravées en service, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à sa mise à la retraite. (...). / Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de la maladie ou de l'accident est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales. / (...) / 4° A un congé de longue durée, en cas de tuberculose, maladie mentale, affection cancéreuse, poliomyélite ou déficit immunitaire grave et acquis, de trois ans à plein traitement et de deux ans à demi-traitement. Le fonctionnaire conserve ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. / (...) / Les dispositions du quatrième alinéa du 2° du présent article sont applicables au congé de longue durée ".
3. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service.
4. Il ressort des pièces du dossier que Mme D... a souffert d'un syndrome anxio-dépressif constaté le 18 novembre 2015 par un médecin généraliste, deux jours après avoir dû s'expliquer, auprès de la cadre de santé du pôle personnes âgées, sur sa prise en charge d'un résident ayant fait une crise d'épilepsie le 13 novembre. L'avis médical émis le 25 avril 2017 en vue de la réunion de la commission de réforme saisie de la demande de reconnaissance de l'imputabilité au service de la maladie qui a conduit à placer l'infirmière en congé de longue durée a conclu que le syndrome de l'intéressée était d'origine mixte, lié d'une part à une situation conflictuelle professionnelle et d'autre part à des erreurs professionnelles commises par elle.
5. Toutefois, d'une part, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier qu'un conflit aurait émergé entre Mme D... et la nouvelle cadre de santé arrivée dans le service en février 2015, ni d'ailleurs entre l'agent et la direction de l'hôpital. Si la requérante a été convoquée, dès le 12 février, dans le bureau de la cadre supérieure de santé, c'était pour être entendue sur le fait que son nom avait été cité par le faisant fonction de cadre de santé qui avait quitté le service dans un contexte de tensions au sein de la structure. Cet entretien, que le compte-rendu présente comme un entretien pédagogique, a été l'occasion d'évoquer par ailleurs d'autres aspects du travail de l'agent. Mme D... a ensuite été de nouveau convoquée le 16 avril suivant pour être entendue par la cadre de santé sur sa prise en charge d'une résidente dont elle avait décidé d'arrêter l'alimentation en oxygène médical au motif que la saturation était bonne sans cependant en informer le médecin ayant fait la prescription ni noter cette action dans le dossier informatisé de la patiente. Nonobstant la transmission d'un rapport à la direction de l'hôpital, aucune sanction n'a été adoptée contre Mme D... à l'issue de son entretien avec le directeur des ressources humaines le 29 juillet 2015. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier que la cadre de santé a reçu l'agent le 13 octobre, entretien au cours duquel l'infirmière a validé les objectifs à venir, " fixés dans le but de l'aider à se sentir mieux au sein du service ". Enfin, l'appréciation littérale portée sur sa fiche de notation pour 2015 est neutre, relevant uniquement que l'infirmière avait rencontré certaines difficultés au cours de l'année. Aussi, si la requérante indique s'être effondrée après avoir compris, le 18 novembre 2015, qu'une nouvelle procédure disciplinaire se préparait à son encontre, il ne ressort pas des pièces du dossier que, compte tenu de ce qui précède, la sanction prononcée le 24 décembre à raison des erreurs commises dans la prise en charge du patient épileptique le 13 novembre, à savoir contestation et non-respect d'une prescription médicale et comportement retardant la prise en charge de l'urgence, participerait d'un acharnement administratif et disciplinaire contre l'infirmière. En outre, il ne ressort pas plus des pièces du dossier que, contrairement à ce que la requérante soutient, la direction de l'hôpital l'aurait désignée comme l'auteur de la lettre anonyme qui aurait été reçue à la fin de l'année 2014 pour dénoncer le faisant fonction de cadre de santé en poste à cette date. Il n'est pas non plus justifié de l'existence de rumeurs qui auraient circulé en ce sens au sein du service, ni que ses supérieurs lui auraient adressé des reproches à son retour de congés de l'été 2015. Ainsi, et alors même que Mme D... était considérée comme une infirmière rigoureuse effectuant un travail de qualité et démontrant même " une forme de synergie entre savoir-faire et savoir-être ", il ne ressort pas des pièces du dossier que, contrairement aux mentions du certificat établi par le psychiatre qui a suivi l'agent, lesquelles se bornent en réalité à reprendre les déclarations et appréciations de cette dernière, l'exercice de son métier d'infirmière à partir de février 2015 se serait fait dans un contexte susceptible de susciter le développement de sa maladie.
6. D'autre part, et au surplus, le ressenti de l'agent quant à la possibilité, non établie par les pièces du dossier, qu'elle ait été désignée comme responsable de la lettre anonyme adressée à la direction à la fin de l'année 2014, n'a fait qu'exacerber, ainsi qu'il ressort du courrier qu'elle a adressé au directeur du centre hospitalier le 3 juin 2015, son impression que les convocations aux entretiens des 12 février et 16 avril pouvaient procéder d'un harcèlement de sa hiérarchie. Il ne ressort cependant pas du compte-rendu de l'entretien du 12 février que des reproches lui auraient été exprimés, tandis que sa convocation du 16 avril était justifiée par des manquements commis dans l'exercice de ses fonctions d'infirmière. Enfin, il n'est pas contesté que, le 13 novembre 2015, Mme D..., qui s'était absentée de la chambre d'un patient alors en pleine crise d'épilepsie pour se procurer le produit que le médecin lui avait demandé d'injecter en intra-veineuse, a refusé l'aide de sa collègue que le même médecin était allée chercher puis a tenté de procéder, en dépit de la consigne réitérée, à l'injection en intra-rectal alors que les conditions n'étaient manifestement pas réunies, avant de finir par la réaliser selon une troisième voie. Il ressort des pièces du dossier que ce médecin a eu un entretien avec Mme D..., dès le 16 novembre, pour évoquer l'urgence qui avait prévalu lors de cette prise en charge, à la suite duquel l'infirmière s'en est également entretenu avec la cadre de santé. Dans les circonstances de l'espèce, en l'absence de preuve d'une situation conflictuelle entre Mme D... et sa cadre de santé ou sa hiérarchie ou d'un acharnement administratif ou disciplinaire à son encontre, les manquements à ses obligations commis le 13 avril et, de manière déterminante, le 13 novembre 2015 dans sa prise en charge des résidents du pôle personnes âgées doivent être regardés comme procédant de faits personnels, d'une gravité suffisante, qui détachent la survenance de son syndrome anxio-dépressif du service.
7. Par suite, Mme D... n'est pas fondée à soutenir que son congé de longue durée devrait être reconnu imputable au service.
8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.
Sur les frais de l'instance :
9. D'une part, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier spécialisé de Sarreguemines, qui n'est pas la partie perdante, une somme au titre des frais exposés par Mme D... et non compris dans les dépens. D'autre part, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme D... la somme demandée par le centre hospitalier au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par le centre hospitalier de la Haute-Marne tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... D... et au centre hospitalier de la Haute-Marne.
Délibéré après l'audience du 10 novembre 2022, à laquelle siégeaient :
M. Martinez, président,
M. Agnel, président-assesseur,
Mme Brodier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er décembre 2022.
La rapporteure,
Signé : H. B... Le président,
Signé : J. Martinez
La greffière,
Signé : C. Schramm
La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
C. Schramm
2
N° 20NC03743 |
JADE/CETATEXT000046690017.xml | Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 8 août 2018 par lequel le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour et a ordonné sa remise aux autorités italiennes.
Par un jugement n° 1806137 du 18 décembre 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 27 juillet 2021, M. A..., représenté par Me Mengus, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 18 décembre 2020 ;
2°) d'annuler cet arrêté du 8 août 2018 ;
3°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " salarié " ou " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et, dans cette attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour lui permettant de travailler ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 500 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
Sur la décision portant refus de titre de séjour :
- elle est entachée d'erreurs de droit et d'appréciation au regard de l'article L. 313-4-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, puisqu'en tant que titulaire du statut de résident de longue durée-UE en Italie, il n'était pas tenu de produire un visa long séjour à l'appui de sa demande ;
- elle est entachée de défaut d'examen au regard de l'accord franco-camerounais du 21 mai 2009, dont l'annexe 2 liste le métier d'agent de sécurité et de surveillance parmi les métiers ouverts aux ressortissants camerounais, tandis que la situation du marché du travail n'a pas été prise en compte ;
- elle est entachée d'erreur de droit, dès lors que la convention franco-camerounaise n'impose pas la détention préalable d'un visa de long séjour ;
- elle méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;
Sur la décision de remise aux autorités italiennes :
- elle est entachée de vices de procédure, dès lors d'une part que le préfet n'a pas justifié des formalités accomplies auprès des autorités italiennes en vue de sa remise, en méconnaissance des dispositions du 3 de l'article 5 de la convention de réadmission de l'accord franco-italien et d'autre part, qu'il n'a pas pu présenter des observations complémentaires à réception de ces informations ;
- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de séjour.
La préfète du Bas-Rhin n'a pas produit de mémoire en défense.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 14 juin 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention franco-camerounaise relative à la circulation et au séjour des personnes du 24 janvier 1994 ;
- l'accord franco-camerounais relatif à la gestion concertée des flux migratoires et au développement solidaire du 21 mai 2009 ;
- l'accord franco-italien relatif à la réadmission des personnes en situation irrégulière du 3 octobre 1997 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., né en 1963 et de nationalité camerounaise, a vécu en Italie sous couvert d'une carte de résident longue durée-UE italienne délivrée en 2010 pour une durée illimitée avant d'entrer sur le territoire français en 2012 selon ses déclarations. Le 26 février 2018, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou à titre subsidiaire " salarié ". Par un arrêté du 8 août 2018, le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour et a ordonné sa remise aux autorités italiennes. M. A... relève appel du jugement du 18 décembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la décision portant refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues par les dispositions législatives du présent code, la première délivrance de la carte de séjour temporaire et celle de la carte de séjour pluriannuelle mentionnée aux articles L. 313-20, L. 313-21, L. 313-23 et L. 313-24 sont subordonnées à la production par l'étranger du visa de long séjour mentionné aux 1° ou 2° de l'article L. 311-1 ". Aux termes de l'article L. 313-4-1 du même code, dans sa version applicable à la date de la décision attaquée : " L'étranger titulaire de la carte de résident de longue durée-UE définie par les dispositions communautaires applicables en cette matière et accordée dans un autre Etat membre de l'Union européenne qui justifie de ressources stables et suffisantes pour subvenir à ses besoins et, le cas échéant, à ceux de sa famille ainsi que d'une assurance maladie obtient, sous réserve qu'il en fasse la demande dans les trois mois qui suivent son entrée en France et sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée : (...) / 5° Une carte de séjour temporaire portant la mention de l'activité professionnelle pour laquelle il a obtenu l'autorisation préalable requise, dans les conditions définies, selon le cas, aux 1°, 2° ou 3° de l'article L. 313-10. (...) ".
3. Par ailleurs, aux termes des stipulations de l'article 3 de la convention franco-camerounaise du 24 janvier 1994 : " Pour un séjour de plus de trois mois, (...) les nationaux camerounais (...) doivent, à l'entrée sur le territoire de l'Etat d'accueil, être munis d'un visa de long séjour (...) ". Aux termes de l'article 4 de la même convention : " Les nationaux de chacun des Etats contractants désireux d'exercer sur le territoire de l'autre Etat une activité professionnelle salariée doivent en outre, pour être admis sur le territoire de cet Etat, justifier de la possession : 1° D'un certificat médical délivré par tout médecin agréé, en accord avec les autorités sanitaires du pays d'origine, par le représentant compétent du pays d'accueil et visé par celui-ci ; 2° D'un contrat de travail visé par le ministère chargé du travail dans les conditions prévues par la législation de l'Etat d'accueil ". L'article 11 de cette convention stipule : " Pour tout séjour sur le territoire français devant excéder trois mois, les nationaux camerounais doivent posséder un titre de séjour. / (...) / Ces titres de séjour sont délivrés conformément à la législation de l'État d'accueil ". Enfin, aux termes de l'article 14 de la même convention : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application des législations respectives des deux États sur l'entrée et le séjour des étrangers sur tous les points non traités par la présente Convention ".
4. Il résulte des dispositions précitées que les ressortissants camerounais désireux d'obtenir un titre de séjour en France ne sont pas, en principe, dispensés de la production d'un visa long séjour lorsqu'ils veulent s'établir sur le territoire français.
5. D'une part, M. A... ne conteste pas avoir formulé sa demande de titre de séjour au-delà du délai de trois mois suivant son entrée sur le territoire. Ainsi, il ne remplissait pas la condition de délai prévue à l'article L. 313-4-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précité permettant, dans certaines conditions, aux étrangers titulaires du statut de résident de longue durée UE d'être dispensés de la présentation du visa de long séjour telle qu'exigée par les dispositions de l'article L. 313-2 du même code. D'autre part, et contrairement à ce que soutient M. A..., il résulte des stipulations de la convention franco-camerounaise citées ci-dessus que les ressortissants camerounais sollicitant la délivrance d'un titre de séjour ne sont pas dispensés de la présentation d'un visa de long séjour. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le préfet du Bas-Rhin a fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 313-4-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que des stipulations de la convention franco-camerounaise du 24 janvier 1994.
6. En deuxième lieu, faute d'avoir été approuvé à la date de la décision attaquée, l'accord franco-camerounais relatif à la gestion concertée des flux migratoires et au développement solidaire, signé à Yaoundé le 21 mai 2009, n'est pas invocable. M. A... ne saurait ainsi utilement se prévaloir de ce que le métier d'agent de sécurité et de surveillance pour lequel il a obtenu le certificat de qualification professionnelle figure sur la liste des métiers ouverts aux ressortissants camerounais sans que leur soit opposée la situation de l'emploi. En tout état de cause, il ne ressort pas de la décision attaquée que le préfet du Bas-Rhin lui aurait opposé la situation de l'emploi en méconnaissance de de l'annexe 2 à l'accord du 21 mai 2009. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée serait entachée de défaut d'examen précis de sa situation.
7. En troisième et dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". D'autre part, le requérant doit être regardé comme se prévalant des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans leur version applicable à la date de décision attaquée, aux termes desquelles : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".
8. Si M. A... soutient être entré en France en 2012, il ne justifie pas de la durée de son séjour sur le territoire français, ni y avoir d'attache personnelle ou familiale. Il déclare en revanche être arrivé en Italie dans les années 1990, où il est titulaire d'une carte de résident de longue durée UE, et où résiderait son fils. Par ailleurs, si M. A..., qui a obtenu le certificat de qualification professionnelle d'agent de prévention et de sécurité en mars 2016, établit sa capacité à s'insérer professionnellement, il ne justifiait pas s'être particulièrement intégré socialement en France à la date de la décision attaquée, en dépit de la durée alléguée de son séjour sur le territoire. Dans ces conditions, la décision attaquée ne porte pas une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que le refus de titre de séjour qui lui a été opposé méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
9. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour est entachée d'illégalité.
Sur la décision de remise aux autorités italiennes :
10. Aux termes de l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation aux articles L. 213-2 et L. 213-3, L. 511-1 à L. 511-3, L. 512-1, L. 512-3, L. 512-4, L. 513-1 et L. 531-3, l'étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne qui a pénétré ou séjourné en France sans se conformer aux dispositions des articles L. 211-1 et L. 311-1 peut être remis aux autorités compétentes de l'Etat membre qui l'a admis à entrer ou à séjourner sur son territoire, ou dont il provient directement, en application des dispositions des conventions internationales conclues à cet effet avec les Etats membres de l'Union européenne, en vigueur au 13 janvier 2009. / L'étranger visé au premier alinéa est informé de cette remise par décision écrite et motivée prise par une autorité administrative définie par décret en Conseil d'Etat. / Cette décision peut être exécutée d'office par l'administration après que l'étranger a été mis en mesure de présenter des observations et d'avertir ou de faire avertir son consulat, un conseil ou toute personne de son choix ". Le deuxième alinéa de l'article L. 531-2 du même code prévoit que l'article L. 531-1 est applicable à l'étranger détenteur d'un titre de résident de longue durée-UE en cours de validité accordé par un autre Etat membre qui fait l'objet d'une mesure d'éloignement du territoire français. Enfin, aux termes de l'article R. 531-10 : " I.-Les dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 531-2 sont applicables à l'étranger titulaire du statut de résident longue durée-UE accordé par un autre Etat membre de l'Union européenne qui aura soit séjourné sur le territoire français plus de trois mois consécutifs sans se conformer aux dispositions de l'article L. 313-4-1, soit fait l'objet d'un refus de délivrance ou de renouvellement d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle en application de l'article L. 313-4-1 ou du retrait d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle délivrée en application de l'article L. 313-4-1. / (...) ".
11. Par ailleurs, aux termes de l'article 5 de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République italienne relatif à la réadmission des personnes en situation irrégulière en date du 3 octobre 1997 : " 1. Chaque Partie contractante réadmet sur son territoire, à la demande de l'autre Partie contractante et sans formalités, le ressortissant d'un Etat tiers qui ne remplit pas ou ne remplit plus les conditions d'entrée ou de séjour applicables sur le territoire de la Partie contractante requérante pour autant qu'il est établi que ce ressortissant est entré sur le territoire de cette Partie après avoir séjourné ou transité par le territoire de la Partie contractante requise. 2. Chaque Partie contractante réadmet sur son territoire, à la demande de l'autre Partie contractante et sans formalités, le ressortissant d'un Etat tiers qui ne remplit pas ou ne remplit plus les conditions d'entrée ou de séjour applicables sur le territoire de la Partie contractante requérante lorsque ce ressortissant dispose d'un visa ou d'une autorisation de séjour de quelque nature que ce soit, délivré par la Partie contractante requise et en cours de validité. 3. La demande de réadmission doit être transmise dans un délai de trois mois à compter de la constatation par la Partie contractante requérante de la présence irrégulière sur son territoire du ressortissant d'un Etat tiers ". L'annexe à cet accord dispose : " 2.4. La Partie contractante requise répond à la demande dans les plus brefs délais, au plus tard dans les quarante-huit heures qui suivent la réception de la demande. / 2.5. La personne faisant l'objet de la demande de réadmission n'est remise qu'après réception de l'acceptation de la Partie contractante requise ".
12. Il résulte des stipulations précitées de l'accord franco-italien du 3 octobre 1997 que, pour pouvoir procéder à la remise aux autorités italiennes, en application du paragraphe 2 de l'article 5 de cet accord, d'un ressortissant d'un Etat tiers en mettant en œuvre les stipulations de l'accord, et en l'absence de dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile organisant une procédure différente, l'autorité administrative doit obtenir, avant de pouvoir prendre une décision de réadmission de l'intéressé vers l'Italie, l'acceptation de la demande de réadmission transmise aux autorités de ce pays, habilitées à traiter ce type de demande. Une telle décision de remise ne peut donc être prise, et a fortiori être notifiée à l'intéressé, qu'après l'acceptation de la demande de réadmission par ces autorités.
13. En l'espèce, le préfet du Bas-Rhin n'établit ni avoir présenté aux autorités italiennes une demande tendant à la réadmission de M. A..., ni avoir obtenu l'accord des autorités italiennes à cette réadmission. Une telle procédure constitue une garantie pour le requérant. Par suite, M. A... est fondé à soutenir que la décision de remise aux autorités italiennes a été prise en méconnaissance des stipulations précitées de l'article 5 de l'accord franco-italien relatif à la réadmission des personnes en situation irrégulière.
14. Il suit de là, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés à l'encontre de cette décision, que M. A... est fondé à soutenir que la décision par laquelle le préfet du Bas-Rhin a ordonné sa remise aux autorités italiennes est entachée d'illégalité.
15. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande en annulation de la décision de remise aux autorités italiennes.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
16. L'annulation de la décision portant remise aux autorités italiennes n'impose pas la délivrance d'un titre de séjour. Par suite, il y a lieu de rejeter les conclusions tendant à cette fin présentées sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative.
Sur les frais d'instance :
17. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Mengus, avocate de M. A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Mengus de la somme de 1 500 euros.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1806137 du tribunal administratif de Strasbourg du 18 décembre 2020 est annulé seulement en tant qu'il a rejeté la demande de M. A... tendant à l'annulation de la décision de remise aux autorités italiennes.
Article 2 : La décision du 8 août 2018 par laquelle le préfet du Bas-Rhin a ordonné la remise de M. A... aux autorités italiennes est annulée.
Article 3 : L'Etat versera à Me Mengus, conseil de M. A..., la somme de 1 500 euros en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Mengus renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Une copie du présent arrêt sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.
Délibéré après l'audience du 10 novembre 2022, à laquelle siégeaient :
M. Martinez président,
M. Agnel, président-assesseur,
Mme Brodier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er décembre 2022.
La rapporteure,
Signé : H. B...Le président,
Signé : J. Martinez
La greffière,
Signé : C. Schramm
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
C. Schramm
2
N° 21NC02159 |
JADE/CETATEXT000046690003.xml | Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 21 décembre 2021 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours dirigé contre la décision de l'autorité consulaire française à Douala (Cameroun) refusant de lui délivrer un visa d'entrée et de long séjour en France en qualité d'étudiante.
Par un jugement n° 2114328 du 20 juin 2022, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision du 21 décembre 2021 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France et a enjoint au ministre de l'intérieur de faire délivrer à Mme B... le visa de long séjour sollicité dans un délai de deux mois sous réserve qu'elle bénéficie d'une inscription pour la prochaine année universitaire.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 19 août 2022, le ministre de l'intérieur et des outre-mer demande à la cour de prononcer le sursis à exécution de ce jugement en application des dispositions de l'article R. 811-15 du code de justice administrative.
Le ministre soutient que :
- le parcours académique et le projet d'études de Mme B... ne présentent pas de cohérence ; son niveau scolaire est passable et il existe un doute quant à sa capacité de suivre des études supérieures en France ;
- l'intéressée n'établit pas que ses ressources sont suffisantes ; elle ne justifie pas s'être acquittée de ses premiers mois de loyer et ne démontre pas être en capacité de régler ses frais de scolarité ; ses conditions d'hébergement ne sont pas établies.
Par un mémoire en défense enregistré le 3 novembre 2022, Mme A... B..., représentée par Me Nguiyan, conclut au rejet de la requête et à la condamnation de l'Etat au versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient qu'aucun des moyens soulevés par le ministre n'est fondé.
Vu :
- la requête n°22NT02733 enregistrée le 19 août 2022 par laquelle le ministre de l'intérieur et des outre-mer a demandé l'annulation du jugement n° 2114328 du 20 juin 2022 du tribunal administratif de Nantes ;
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- la directive (UE) 2016/801 du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2016 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'instruction interministérielle relative aux demandes de visas de long séjour pour études dans le cadre de la directive UE 2016/801 du 4 juillet 2019 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Buffet, présidente-rapporteure, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article R. 222-25 du code de justice administrative, " Les affaires sont jugées soit par une chambre siégeant en formation de jugement, soit par une formation de chambres réunies, soit par la cour administrative d'appel en formation plénière, qui délibèrent en nombre impair. / Par dérogation à l'alinéa précédent, le président de la cour ou le président de chambre statue en audience publique et sans conclusions du rapporteur public sur les demandes de sursis à exécution mentionnées aux articles R. 811-15 à R. 811-17 ".
2. Aux termes de l'article R. 811-15 du même code : " Lorsqu'il est fait appel d'un jugement de tribunal administratif prononçant l'annulation d'une décision administrative, la juridiction d'appel peut, à la demande de l'appelant, ordonner qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement si les moyens invoqués par l'appelant paraissent, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation ou la réformation du jugement attaqué, le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par ce jugement ".
3. Aucun des moyens soulevés par le ministre de l'intérieur et des outre-mer n'est de nature, en l'état de l'instruction, à justifier l'annulation du jugement attaqué. La requête tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement doit, par suite, être rejetée.
4. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement à Mme B... de la somme de 1 200 euros au titre des frais engagés pour l'instance, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête à fin de sursis à exécution du ministre de l'intérieur et des outre-mer est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à Mme B... la somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Mme A... B....
Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 décembre 2022.
La présidente-rapporteure,
C. BUFFET
La greffière,
K. BOURON
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 22NT02734 |
JADE/CETATEXT000046690073.xml | Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, d'annuler l'arrêté du 7 décembre 2021 par lequel le préfet du Nord a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de destination, d'autre part, d'enjoindre au préfet du Nord de procéder au réexamen de sa situation et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 155 euros par jour de retard, enfin, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement no 2109601 du 14 juin 2022, le tribunal administratif de Lille a, d'une part, annulé l'arrêté du 7 décembre 2021 du préfet du Nord, d'autre part, enjoint au préfet du Nord de délivrer à M. A... un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la date de notification dudit jugement, enfin, mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour :
I. Par une requête, enregistrée le 9 juillet 2022, sous le n° 22DA01472, le préfet du Nord, représenté par Me Cano, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Lille.
Il soutient que :
- les premiers juges ont, à tort, estimé que la présence sur le territoire français de M. A... ne représentait pas une menace pour l'ordre public ;
- l'autorité préfectorale est en droit de refuser de délivrer un titre de séjour à un étranger, dans le cas où sa présence sur le territoire français représente une menace pour l'ordre public, sur le fondement de l'article L. 412-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers ;
- les autres moyens soulevés par M. A... devant le tribunal administratif de Lille ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 septembre 2022, M. A..., représenté par Me Navy, conclut, d'une part, au rejet de la requête du préfet du Nord, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint au préfet du Nord de lui délivrer le titre de séjour sollicité ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour, dans le délai de quinze jours à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 155 euros par jour de retard, enfin, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que le moyen soulevé par le préfet du Nord n'est pas fondé.
Par une ordonnance du 22 septembre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 14 octobre 2022.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 10 novembre 2022.
II. Par une requête, enregistrée le 9 juillet 2022, sous le n° 22DA01473, le préfet du Nord, représenté par Me Cano, demande à la cour de prononcer, sur le fondement de l'article R. 811-15 du code de justice administrative, le sursis à l'exécution du jugement no 2109601 du 14 juin 2022 du tribunal administratif de Lille jusqu'à ce qu'il soit statué sur sa requête au fond.
Il soutient que :
- les premiers juges ont, à tort, estimé que la présence sur le territoire français de M. A... ne représentait pas une menace pour l'ordre public ;
- l'autorité préfectorale est en droit de refuser de délivrer un titre de séjour à un étranger, dans le cas où sa présence sur le territoire français représente une menace pour l'ordre public, sur le fondement de l'article L. 412-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers ;
- les autres moyens soulevés par M. A... devant le tribunal administratif de Lille ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 septembre 2022, M. A..., représenté par Me Navy, conclut au rejet de la requête du préfet du Nord et à ce que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que le moyen soulevé par le préfet du Nord n'est pas fondé.
Par une ordonnance du 22 septembre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 14 octobre 2022.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 10 novembre 2022.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leur famille ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Mathieu Sauveplane, président, a été entendu, au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A..., ressortissant algérien né le 6 avril 1990 à Ouled Ben Abdelkader (Algérie), est entré irrégulièrement en France, en dernier lieu, le 1er novembre 2019, selon ses déclarations. Il a sollicité, le 16 novembre 2020, la délivrance d'un certificat de résidence en qualité de conjoint de Français et de parent d'un enfant français. Par un arrêté du 7 décembre 2021, le préfet du Nord a refusé de lui délivrer le certificat de résidence sollicité, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de destination. Par un jugement du 14 juin 2022, le tribunal administratif de Lille a, d'une part, annulé cet arrêté, d'autre part, enjoint au préfet du Nord de délivrer à M. A... un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la date de notification dudit jugement, enfin, mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par la requête enregistrée sous le n° 22DA01472, le préfet du Nord relève appel de ce jugement. Par la requête enregistrée sous le n° 22DA01473, le préfet du Nord demande à la cour de prononcer le sursis à l'exécution de ce jugement dans l'attente de l'arrêt sur le fond.
2. Les requêtes introduites par le préfet du Nord, enregistrées sous les nos 22DA01472 et 22DA01473, sont dirigées contre le même jugement et présentent à juger des questions communes. Il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par un seul arrêt.
Sur la requête à fin d'annulation :
3. Pour annuler l'arrêté du 7 décembre 2021 du préfet du Nord, les premiers juges ont relevé, tout d'abord, que M. A... a reconnu par anticipation l'enfant de sa compagne, ressortissante française, née le 17 octobre 2020, et que celui-ci ainsi que sa compagne se sont mariés le 9 novembre 2020. Ils ont également relevé que M. A... et son épouse menaient vie commune et que M. A... exerçait l'autorité parentale sur sa fille. D'autre part, les premiers juges ont estimé que, malgré une condamnation prononcée le 9 mars 2018 par le tribunal correctionnel de Brest à une peine de huit mois d'emprisonnement pour des faits de vol aggravé, la présence de M. A... sur le territoire français ne représentait pas une menace pour l'ordre public de nature à justifier le refus de délivrance à celui-ci du certificat de résidence auquel il pouvait prétendre de plein droit.
4. D'une part, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) / Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale est délivré de plein droit : / (...) / 4. Au ressortissant algérien ascendant direct d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il exerce même partiellement l'autorité parentale à l'égard de cet enfant ou qu'il subvienne effectivement à ses besoins. (...) ". Aux termes de l'article L. 412-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La circonstance que la présence d'un étranger en France constitue une menace pour l'ordre public fait obstacle à la délivrance et au renouvellement de la carte de séjour temporaire, de la carte de séjour pluriannuelle et de l'autorisation provisoire de séjour prévue aux articles L. 425-4 ou L. 425-10 ainsi qu'à la délivrance de la carte de résident et de la carte de résident portant la mention " résident de longue durée-UE ". Les stipulations précitées de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ne privent pas l'autorité compétente du pouvoir qui lui appartient de refuser à un ressortissant algérien la délivrance du certificat de résidence d'un an lorsque sa présence en France constitue une menace pour l'ordre public.
5. D'autre part, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2 Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
6. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a reconnu par anticipation l'enfant français, née le 17 octobre 2020 de son union avec une ressortissante française, avec laquelle il s'est marié le 9 novembre 2020 et menait, à la date de l'arrêté contesté, vie commune et qu'il exerce l'autorité parentale sur cette enfant. Dans ces conditions, si M. A... a été condamné, par un jugement du tribunal correctionnel de Brest du 9 mars 2018, à une peine de huit mois d'emprisonnement pour avoir commis des faits de vol aggravé par deux circonstances, le préfet du Nord, eu regard au caractère isolé et ponctuel des faits ayant justifié cette condamnation, doit être tenu comme ayant méconnu les dispositions précitées de l'article L. 412-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit en estimant que la présence de l'intéressé sur le territoire français représentait une menace pour l'ordre public de nature à justifier le refus de délivrance à celui-ci d'un titre de séjour. Dès lors, le préfet du Nord, qui ne conteste ni la vie commune des époux ni l'exercice par M. A... de l'autorité parentale sur l'enfant née de son union avec une ressortissante française, a fait une inexacte application de l'article L. 412-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
7. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Nord n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort, que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a annulé son arrêté du 7 décembre 2021, lui a enjoint de délivrer à M. A... un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Sur la requête tendant au sursis à l'exécution du jugement :
8. Dès lors que le présent arrêt se prononce sur la requête présentée par le préfet du Nord tendant à l'annulation du jugement du 14 juin 2022 du tribunal administratif de Lille, il n'y a pas lieu de statuer sur la requête par laquelle le préfet du Nord demande à la cour de prononcer le sursis à l'exécution de ce jugement.
Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :
9. M. A... s'étant vu accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par deux décisions du 10 novembre 2022, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante, le versement au conseil de M. A... de la somme globale de 1 500 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête n° 22DA01472 du préfet du Nord est rejetée.
Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n°22DA01473 du préfet du Nord.
Article 3 : L'Etat versera au conseil de M. A... une somme globale de 1 500 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer, au préfet du Nord, à M. B... A... et à Me Navy.
Délibéré après l'audience publique du 17 novembre 2022 à laquelle siégeaient :
- M. Christian Heu, président de chambre,
- M. Mathieu Sauveplane, président-assesseur,
- M. Bertrand Baillard, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er décembre 2022.
Le président-rapporteur,
Signé : M. SauveplaneLe président de chambre,
Signé : C. Heu
La greffière,
Signé : S. Pinto Carvalho
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
La greffière,
Suzanne Pinto Carvalho
1
2
Nos22DA01472, 22DA01473 |
JADE/CETATEXT000046690067.xml | Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... D... et Mme B... C..., son épouse, ont demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2012 à 2015 et des cotisations supplémentaires de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2014 et 2015.
Par un jugement no 1708734 du 17 décembre 2020, le tribunal administratif de Lille a, d'une part, déchargé M. et Mme D... des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales mises en recouvrement au titre des années 2012 à 2015 à raison de la remise en cause par l'administration de la déduction de leurs revenus fonciers des charges de propriété se rapportant à l'immeuble situé à Vieux-Berquin, ainsi que des pénalités correspondantes, d'autre part, rejeté le surplus des conclusions de leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 18 février 2021, M. D... et Mme C..., représentés par Me Maton, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il ne leur donne pas entière satisfaction ;
2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales demeurant en litige ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- en application de l'article 199 sexdecies du code général des impôts, la prestation de compensation du handicap dont bénéficie leur fils n'a pas à être déduite du montant des rémunérations versées au salarié à domicile pour l'assistance de ce dernier dès lors que cette prestation ne constitue pas un revenu catégoriel ;
- le bénéfice de la prestation de compensation du handicap peut se combiner avec le crédit d'impôt prévu à l'article 199 sexdecies du code général des impôts ;
- la majoration prévue à l'article 1758 A du code général des impôts, dont ont été assortis les droits demeurant en litige, est infondée dès lors que la prestation de compensation du handicap n'est soumise à aucune obligation déclarative.
Par un mémoire en défense, enregistré le 29 avril 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. D... et Mme C... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'action sociale et des familles ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Bertrand Baillard, premier conseiller,
- les observations de Me Noury, représentant M. D... et Mme C...,
- et les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes d'un contrôle sur pièces, l'administration fiscale, par deux propositions de rectification des 11 juillet 2016 et 24 novembre 2016, a assujetti M. D... et Mme C..., son épouse, à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux, au titre des années 2012, 2013, 2014 et 2015, à la suite de la remise en cause, d'une part, d'un crédit d'impôt pour l'emploi d'un salarié à domicile, et, d'autre part, de déductions opérées dans le cadre des revenus fonciers pour un immeuble situé à Vieux-Berquin. A la suite du rejet de leur réclamation, M. D... et Mme C... ont porté le litige devant le tribunal administratif de Lille. Par un jugement du 17 décembre 2020, le tribunal administratif de Lille a déchargé M. D... et Mme C... des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales mises en recouvrement au titre des années 2012 à 2015 à raison de la remise en cause par l'administration de la déduction de leurs revenus fonciers des charges de propriété se rapportant à l'immeuble situé à Vieux-Berquin, ainsi que des pénalités correspondantes, et a rejeté le surplus des conclusions de leur demande. M. D... et Mme C... relèvent appel de ce jugement en tant qu'il ne leur donne pas entière satisfaction.
Sur le bien-fondé des impositions demeurant en litige :
2. Aux termes du 1. de l'article 199 sexdecies du code général des impôts : " Lorsqu'elles n'entrent pas en compte pour l'évaluation des revenus des différentes catégories, ouvrent droit à une aide les sommes versées par un contribuable domicilié en France au sens de l'article 4 B pour : / a) L'emploi d'un salarié qui rend des services définis aux articles L. 7231-1 et D. 7231-1 du code du travail ; / (...) ". En vertu du 3. du même article, les dépenses ouvrant droit à cette aide sont retenues pour leur montant effectivement supporté par le contribuable. Aux termes de l'article L. 245-1 du code de l'action sociale et des familles : " I. - Toute personne handicapée résidant de façon stable et régulière en France métropolitaine (...) et dont le handicap répond à des critères définis par décret (...) a droit à une prestation de compensation qui a le caractère d'une prestation en nature qui peut être versée, selon le choix du bénéficiaire, en nature ou en espèces. / (...) ". Aux termes de l'article L. 245-3 de ce code : " La prestation de compensation peut être affectée (...) à des charges : / 1° Liées à un besoin d'aides humaines (...) ". Enfin, aux termes de l'article 81 du code général des impôts : " Sont affranchis de l'impôt : / (...) / 9° ter La prestation de compensation servie en vertu des dispositions de l'article L. 245-1 du code de l'action sociale et des familles ; / (...) ".
3. En premier lieu, il résulte de l'instruction que, pour remettre en cause le montant des dépenses supportées par M. D... et Mme C... afin de pourvoir à l'assistance de leur fils atteint d'un handicap et déclarées par ceux-ci comme ouvrant droit au bénéfice de l'avantage fiscal prévu au a) du 1. de l'article 199 sexdecies du code général des impôts au titre de l'emploi d'un salarié à domicile, l'administration s'est fondée sur le fait que le montant de la prestation de compensation servie au bénéfice de ce dernier en application de l'article L. 245-1 du code de l'action sociale et des familles devait être déduit du coût de l'aide à domicile déclaré par M. D... et Mme C... au titre des années 2012 à 2015. Si, ainsi que le soutiennent les requérants, cette prestation n'est pas un revenu catégoriel imposable et n'est pas versée par l'Etat mais par le Département, il n'en demeure pas moins que, lorsqu'elle a pour finalité d'être affectée aux charges qui, supportées par son bénéficiaire, sont liées à un besoin d'aides humaines, le versement de cette prestation a pour effet de diminuer, à hauteur de son montant, le coût effectivement supporté à ce titre par le contribuable susceptible de faire l'objet de l'aide prévue au a) du 1. de l'article 199 sexdecies du code général des impôts. En conséquence, c'est à bon droit que l'administration, après avoir procédé à la réduction du montant des dépenses effectivement supportées par les contribuables, a réduit à due concurrence, en l'absence de contestation par M. D... et Mme C... du montant de la prestation de compensation qui leur a été servie, le montant de l'avantage fiscal auquel les intéressés étaient en droit de prétendre sur le fondement des dispositions précitées du a) du 1. de l'article 199 sexdecies du code général des impôts.
4. En second lieu, les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux demeurant en litige reposent uniquement sur le fait que seul le montant des dépenses effectivement supporté par M. D... et Mme C... au titre de l'emploi d'un salarié à domicile en vue de pourvoir à l'assistance de leur fils peut faire l'objet de l'avantage fiscal prévu au a) du 1. de l'article 199 sexdecies du code général des impôts. Dès lors, le moyen tiré de ce qu'aucune disposition législative n'interdit le cumul d'une autre déduction ou exonération avec cet avantage fiscal doit être écarté comme inopérant.
Sur les pénalités :
5. Aux termes du I de l'article 1758 A du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Le retard ou le défaut de souscription des déclarations qui doivent être déposées en vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu ainsi que les inexactitudes ou les omissions relevées dans ces déclarations, qui ont pour effet de minorer l'impôt dû par le contribuable ou de majorer une créance à son profit, donnent lieu au versement d'une majoration égale à 10 % des droits supplémentaires ou de la créance indue. / (...) ".
6. La majoration de 10 % prévue au I de l'article 1758 A du code général des impôts n'a pas été appliquée par l'administration aux droits demeurant en litige en raison de l'omission de déclaration par M. D... et Mme C... de la prestation de compensation au handicap dont bénéficie leur fils, mais en raison de l'inexactitude du montant des dépenses resté à leur charge, tel que déclaré par les intéressés au titre de l'impôt sur le revenu des années 2012 à 2015, en application du 1. de l'article 199 sexdecies du code général des impôts. Le moyen tiré du défaut de fondement de la majoration en cause doit donc être écarté.
7. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté les conclusions de leur demande tendant à la décharge des impositions demeurant en litige. Par voie de conséquence, les conclusions présentées par M. D... et Mme C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. D... et Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D... et Mme B... C... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera transmise à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.
Délibéré après l'audience publique du 17 novembre 2022 à laquelle siégeaient :
- M. Christian Heu, président de chambre,
- M. Mathieu Sauveplane, président-assesseur,
- M. Bertrand Baillard, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er décembre 2022.
Le rapporteur,
Signé : B. BaillardLe président de chambre,
Signé : C. Heu
La greffière,
Signé : S. Pinto Carvalho
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
La greffière,
Suzanne Pinto Carvalho
1
2
N°21DA00398
1
3
N°"Numéro" |
JADE/CETATEXT000046690099.xml | Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société LPC Sécurité Privée a demandé au tribunal administratif de Nîmes de prononcer :
- la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés et des pénalités correspondantes auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos le 30 septembre 2014 ;
- la restitution avec intérêts moratoires des sommes versées à ce titre.
Par un jugement n° 1801276 du 16 octobre 2020, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande de décharge.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 15 décembre 2020 sous le n° 20MA04846 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille et ensuite sous le n° 20TL04846 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, la société LPC Sécurité Privée, représentée par Me Turrin, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés et des pénalités correspondantes auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos le 30 septembre 2014, ainsi que la restitution avec intérêts moratoires des sommes versées à ce titre ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la proposition de rectification, qui contient une présentation succincte des factures réintégrées, est entachée d'un défaut de motivation ;
- la facture d'un montant de 73 065 euros libellée au nom de la société Alliance Sécurité avait un caractère définitivement irrécouvrable ;
- les indemnités kilométriques comptabilisées sont justifiées par l'exécution de marchés dans les départements du Gard, de l'Hérault, de Vaucluse et des Bouches-du-Rhône et par l'existence d'un établissement secondaire, situé à Bollène.
Par un mémoire en défense, enregistré le 14 avril 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 11 avril 2022, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué à la cour administrative d'appel de Toulouse le jugement de la requête de la société LPC Sécurité Privée.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- et les conclusions de Mme Cherrier, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. La société LPC Sécurité Privée fait appel du jugement du 16 octobre 2020 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés et des pénalités correspondantes auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos le 30 septembre 2014. Ces impositions procèdent du rehaussement des bénéfices retirés de son activité de sécurité privée, à l'issue de la vérification de comptabilité dont elle a fait l'objet.
Sur les conclusions en décharge :
En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :
2. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. (...) ". L'article R. 57-1 du même livre dispose que : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. (...) ". Il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler ses observations de façon entièrement utile.
3. La proposition de rectification que le service a adressée le 31 mars 2016 à la société LPC Sécurité Privée comportait les mentions exigées par les dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, permettant à la contribuable de présenter utilement ses observations. La mention du montant total, par client, des créances irrécouvrables comptabilisées par la société et remises en cause par le service était suffisamment précise, alors même que les factures correspondantes n'étaient pas identifiées, pour permettre à la contribuable d'engager une discussion sur ce point. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la proposition de rectification manque en fait et doit être écarté.
En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :
4. Aux termes de l'article 39 du code général des impôts, rendu applicable à l'impôt sur les sociétés par l'article 209 du même code : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : 1° Les frais généraux de toute nature, les dépenses de personnel et de main-d'œuvre, le loyer des immeubles dont l'entreprise est locataire. Toutefois les rémunérations ne sont admises en déduction des résultats que dans la mesure où elles correspondent à un travail effectif et ne sont pas excessives eu égard à l'importance du service rendu. Cette disposition s'applique à toutes les rémunérations directes ou indirectes, y compris les indemnités, allocations, avantages en nature et remboursements de frais. (...) 5. Sont également déductibles les dépenses suivantes : a. Les rémunérations directes et indirectes, y compris les remboursements de frais versés aux personnes les mieux rémunérées ; b. Les frais de voyage et de déplacements exposés par ces personnes (...) Les dépenses ci-dessus énumérées peuvent également être réintégrées dans les bénéfices imposables dans la mesure où elles sont excessives et où la preuve n'a pas été apportée qu'elles ont été engagées dans l'intérêt direct de l'entreprise (...) ".
5. En premier lieu, il résulte de l'instruction que la société LPC Sécurité Privée a constaté, au bilan de son exercice clos le 30 septembre 2014, la perte définitive d'une créance de 70 065 euros qu'elle détenait sur la société Alliance Sécurité. Pour justifier le caractère définitivement irrécouvrable de cette créance, elle fait état du placement de cette dernière en redressement judiciaire le 6 juin 2012, de l'absence de déclaration de créance au passif de cette société dans les deux mois qui ont suivi l'ouverture de la procédure collective et de sa propre cessation d'activité intervenue au cours du mois de septembre 2014. Toutefois, le caractère définitivement irrécouvrable d'une créance ne saurait résulter de la seule ouverture d'une procédure collective à l'encontre du débiteur, qui, comme en l'espèce, bénéficiait d'ailleurs d'un plan de continuation de son activité, établi le 5 février 2014. En outre, la circonstance que la société LPC Sécurité Privée n'aurait pas produit cette créance auprès du mandataire judiciaire dans les deux mois de la publication du jugement de redressement judiciaire a pour seule conséquence de rendre inopposable cette créance à la procédure. Elle n'a pas eu pour effet d'éteindre cette créance dès lors notamment que le créancier retrouve ses droits en cas de clôture de la procédure pour extinction du passif ou en cas d'échec de la procédure de continuation ou de sauvegarde et de transformation en procédure de liquidation. Enfin, la clôture des opérations de liquidation de la société LPC Sécurité Privée, intervenue le 30 septembre 2014, n'est pas de nature, quelle qu'ait été la date des factures émises par cette dernière au nom de la société Alliance Sécurité, à justifier que la créance litigieuse aurait acquis un caractère définitivement irrécouvrable lorsqu'elle a procédé, au titre de l'exercice allant du 1er juillet 2013 au 30 septembre 2014, à la déduction correspondante. Dans ces conditions, c'est à bon droit que l'administration fiscale a procédé à la réintégration du montant déduit dans les résultats de la société LPC Sécurité Privée.
6. En second lieu, si, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité. Le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée. Dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive.
7. L'administration a réintégré dans les résultats de l'exercice clos le 30 septembre 2014 le montant des frais de déplacement qui, engagés en faveur des associés et gérants de la société LPC Sécurité Privée, n'ont pas été regardés comme ayant été exposés dans l'intérêt direct de l'entreprise. En se bornant à soutenir que ces frais ont été engagés dans le cadre de l'exécution de marchés dans les départements du Gard, de l'Hérault, de Vaucluse et des Bouches-du-Rhône et de trajets quotidiens entre le siège de l'entreprise, situé à Saint-Julien-de-Peyrolas (Gard), et un établissement secondaire, situé à Bollène (Vaucluse) et à se référer à des relevés kilométriques, la société requérante, qui n'a d'ailleurs jamais établi l'existence d'une activité sur le site de Bollène, non déclaré à l'administration, n'apporte aucun élément probant de nature à établir la réalité de ces déplacements, dans son intérêt direct. Dans ces conditions, c'est à bon droit que l'administration a refusé la déduction des frais correspondants pour la détermination du bénéfice net imposable à l'impôt sur les sociétés.
8. Il résulte de ce qui précède que la société LPC Sécurité privée n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande de décharge. Par voie de conséquence, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur leur recevabilité, les conclusions tendant à ce que le remboursement des cotisations en litige soit assorti des intérêts moratoires doivent également être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de quelque somme que ce soit sur leur fondement.
D E C I D E :
Article 1er : La requête présentée par la société LPC Sécurité Privée est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société LPC Sécurité Privée et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Pyrénées.
Délibéré après l'audience du 17 novembre 2022, où siégeaient :
- M. Barthez, président,
- M. Lafon, président assesseur,
- Mme Arquié, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er décembre 2022.
Le rapporteur,
N. A...
Le président,
A. Barthez
Le greffier,
F. Kinach
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N°20TL04846 2 |
JADE/CETATEXT000046690066.xml | Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif d'Amiens de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2011.
Par un jugement n° 1802123 du 17 décembre 2020, le tribunal administratif d'Amiens rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 16 février 2021, 1er septembre 2022 et 30 septembre 2022, et par un mémoire, enregistré le 26 octobre 2022, qui n'a pas été communiqué, M. A..., représenté par Me Soltner puis par le cabinet Intervista, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2011 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il a été privé de la possibilité d'être assisté d'un conseil lors du rendez-vous du 6 novembre 2014 en raison de la remise en mains propres de la convocation le jour même ;
- le tribunal administratif d'Amiens a commis une erreur de droit sur la dévolution de la charge de la preuve au regard de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales ;
- le vérificateur a commis un faux réprimé par l'article 441-1 du code pénal en mentionnant sur le courrier du 8 octobre 2014 que la convocation pour le rendez-vous du 6 novembre 2014 lui avait été remise en mains propres le 8 octobre 2014 ;
- les faits de l'espèce ne sont pas constitutifs d'un abus de droit ; il n'avait pas plus intérêt à procéder à la cession de titres qu'à la liquidation de la société ;
- le tribunal correctionnel d'Amiens, par un jugement du 4 janvier 2022, l'a relaxé des chefs d'abus de biens sociaux, de blanchiment d'abus de biens sociaux et de blanchiment de fraude fiscale ;
- l'administration fiscale n'était pas fondée à imposer le produit de cession des titres de la SARL Manag'Air comme s'il s'agissait d'un boni de liquidation dès lors que la vente était une réalité juridique et économique ; l'administration n'était pas en droit, pour requalifier le prix de cession de ses titres de boni de liquidation, de s'immiscer dans le choix patrimonial réalisé en 2011 ;
- les prélèvements sociaux mis à sa charge sont contestés pour le surplus, soit 8 325 euros correspondant à la différence des prélèvements sociaux calculés entre l'imposition de la plus-value telle qu'il l'a déclarée et la position de l'administration tendant à imposer le prix de cession des titres de la SARL Manag'Air comme s'il s'agissait d'un boni de liquidation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 août 2021, et un mémoire, enregistré le 21 octobre 2022, qui n'a pas été communiqué, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 3 octobre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 30 octobre 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Sauveplane, président assesseur,
- les conclusions de M. Arruebo-Mannier, rapporteur public,
- et les observations de Me Bois et Me Brugière, représentant M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A... a fait l'objet d'un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle à l'issue duquel l'administration a remis en cause le bénéfice d'un abattement total de la plus-value nette, prévu par l'article 150-0 ter D du code général des impôts, réalisée par l'intéressé à l'occasion de la plus-value de cession, d'un montant de 327 553 euros, réalisée lors de la cession de la totalité de ses parts de la SARL Manag'Air à la SAS Air First Company. En conséquence, l'administration l'a assujetti à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux, au titre de l'année 2011, en suivant la procédure de répression des abus de droit prévue à l'article L. 64 du livre des procédures fiscales. M. A... relève appel du jugement du 17 décembre 2020 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles il a ainsi été assujetti au titre de l'année 2011.
Sur la régularité du jugement :
2. La circonstance que les premiers juges auraient commis une erreur de droit dans la dévolution de la charge de la preuve au regard des dispositions de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales est sans incidence sur la régularité du jugement attaqué. Par suite, le moyen doit être écarté.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
3. Aux termes de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales : " Un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle d'une personne physique au regard de l'impôt sur le revenu (...) ne peut être engagé sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification. / Cet avis doit (...) mentionner expressément, sous peine de nullité de la procédure, que le contribuable a la faculté de se faire assister par un conseil de son choix. / (...) ".
4. Il résulte de ces dispositions que lorsque l'administration avise le contribuable qu'elle entreprend un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle, elle doit, avant d'effectuer toute démarche tendant à recueillir, pour les besoins de cette vérification, des informations ou des documents soit auprès du contribuable lui-même, soit auprès de tiers, laisser à ce contribuable un délai suffisant pour lui permettre de s'assurer l'assistance d'un conseil de son choix.
5. Il résulte de l'instruction que l'avis d'examen de la situation fiscale personnelle, en date du 5 septembre 2014, adressé par le vérificateur à M. A... faisait mention de la faculté pour le contribuable de se faire assister par un conseil de son choix et que M. A... s'est vu délivrer le pli contenant cet avis le 8 septembre 2014. L'administration a proposé au contribuable, par un courrier recommandé du 15 septembre 2014, que le premier rendez-vous ait lieu le 8 octobre 2014. M. A... a accusé réception de ce pli le 1er octobre 2014. Les opérations de vérification ayant commencé à l'occasion de ce premier entretien le 8 octobre 2014, M. A... a disposé, en l'espèce, d'un délai suffisant pour se faire assister par un conseil de son choix. Si le requérant allègue qu'il a été privé de la possibilité d'être assisté d'un conseil lors du second rendez-vous du 6 novembre 2014 en raison, selon lui, de la remise en mains propres de la convocation le jour même, cette circonstance, à la supposer établie, est toutefois sans incidence sur la régularité de la procédure d'imposition dès lors que l'intéressé a disposé d'un délai suffisant entre le retrait du pli contenant l'avis de vérification le 8 septembre 2014 et le premier rendez-vous qui a eu lieu le 8 octobre 2014. Par suite, le moyen doit être écarté.
6. En second lieu, en raison du caractère incertain et non probant de la mention manuscrite " remis en main propre le 6 novembre 2014 " portée par M. A... sur le courrier du 8 octobre 2014 contredite par la mention manuscrite portée sur le même document " courrier remis en main propre le 8 octobre 2014 " par le vérificateur, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure et de l'existence d'une " fraude commise par les agents de l'administration " ne peut, en tout état de cause, qu'être écarté.
Sur le bien-fondé des impositions :
7. Il résulte des mentions de la proposition de rectification du 16 décembre 2014 adressée à M. A..., principal associé et gérant de la SARL Manag'Air, que cette dernière a cédé le 10 juin 2011 le seul actif de cette société lui permettant de réaliser son objet social, à savoir l'unique avion de la compagnie, pour un montant de 1 119 556 euros sur un compte bancaire spécialement ouvert à cet effet au Lichtenstein peu de temps avant cette cession. Les pilotes salariés de la société ont alors été licenciés. Le 10 novembre 2011, une partie du produit de la vente de l'avion, soit 880 000 euros, a été placée sur un contrat d'assurance capitalisation au bénéfice de la société Manag'Air par le biais d'une société basée au Liechtenstein. Le 15 novembre 2011, la direction générale de l'aviation civile (DGAC) a retiré le certificat de transporteur aérien (CTA) qui avait été délivré à la société Manag'Air. Le 16 décembre 2011, les associés de la société Manag'Air ont cédé leurs parts à la SAS Air First Company, société créée le 27 août 2011 avec un capital de 20 000 euros, laquelle a payé les parts sociales de la société Manag'Air au moyen d'un crédit de 750 000 euros en provenance d'une institution financière établie au Liechtenstein. La société Manag'Air n'a pas déposé ses déclarations fiscales au titre de l'année 2011. Le 25 juin 2012, la SAS Air First Company a décidé d'absorber la société Manag'Air sans liquidation et cette dernière a été radiée du registre du commerce et des sociétés le 3 août 2012. Depuis, la SAS Air First Company ne possède ni ne loue d'avion, n'a pas obtenu de CTA, n'a pas d'activité et le faible chiffre d'affaires réalisé provient pour l'essentiel de la réalisation des créances clients de la société Manag'Air absorbée. M. A... a alors revendiqué le bénéfice des dispositions de l'article 150-0 D ter du code général des impôts, relatives à l'abattement spécifique d'un tiers par année de détention révolue au-delà de la cinquième année qui est appliqué aux gains nets réalisés lors de la cession de parts par des dirigeants de certaines sociétés cédant leurs titres en vue de leur départ à la retraite, ce qui lui a permis de bénéficier d'une exonération totale d'impôt sur le revenu sur la plus-value ainsi réalisée sur la vente des titres de la société Manag'Air pour un montant de 327 553 euros.
8. L'administration fiscale a déduit de ces faits que l'interposition de la cession des titres de la société Manag'Air à la SAS Air First Company était un montage destiné à rechercher le bénéfice littéral de l'avantage fiscal prévu à l'article 150-0 D du code général des impôts, à l'encontre des objectifs du législateur, lesquels étaient de permettre la transmission d'entreprises, alors que la société Manag'Air cédée avait liquidé son principal actif et ne disposait d'aucun moyen d'exploitation permettant la continuation de l'activité de la société cédée. Faisant application des dispositions de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, l'administration a remis en cause l'existence de la plus-value de cession des titres de la société Manag'Air et a estimé que le produit de la vente des titres recueilli par M. A..., soit 440 033 euros diminué du montant des apports de 2 287 euros, constituait un boni de liquidation de 437 746 euros avant abattement distribué et imposable entre les mains de M. A... sur le fondement des articles 111 bis et 161 du code général des impôts.
En ce qui concerne la charge de la preuve :
9. Aux termes de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au litige : " Afin d'en restituer le véritable caractère, l'administration est en droit d'écarter, comme ne lui étant pas opposables, les actes constitutifs d'un abus de droit, soit que ces actes ont un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes ou de décisions à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, si ces actes n'avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles. / En cas de désaccord sur les rectifications notifiées sur le fondement du présent article, le litige est soumis, à la demande du contribuable, à l'avis du comité de l'abus de droit fiscal. L'administration peut également soumettre le litige à l'avis du comité. / Si l'administration ne s'est pas conformée à l'avis du comité, elle doit apporter la preuve du bien-fondé de la rectification. / (...) ".
10. Les dispositions législatives qui régissent la nature de la preuve à apporter et la désignation de la partie à qui incombe la charge de la preuve lorsque le contribuable conteste une imposition à laquelle il a été assujetti sont indissociables des règles qui régissent la procédure d'imposition et de celles qui définissent le fait générateur, l'assiette et le taux de l'impôt. Comme pour ces dernières, il y a donc lieu de se référer à la législation applicable à la période d'imposition litigieuse, quelles que soient la date d'établissement de l'impôt ou les conditions dans lesquelles l'instance contentieuse a été ensuite engagée et s'est poursuivie devant le juge de l'impôt. Ainsi, à la différence des règles relatives à la procédure contentieuse, les règles nouvelles ne sont pas, en pareille matière, immédiatement applicables. Par suite, l'article L. 192 du livre des procédures fiscales dans sa rédaction modifiée par la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 applicable depuis le 1er janvier 2019 relatif à la dévolution de la charge de la preuve en cas de saisine de la commission, n'est pas applicable en l'espèce.
11. Le litige a été soumis, à la demande du contribuable, à l'avis du comité de l'abus de droit fiscal, lequel a rendu, le 5 octobre 2017, un avis favorable à l'administration auquel celle-ci s'est conformée. Par conséquent, la charge de la preuve incombe au contribuable.
En ce qui concerne le bien-fondé de l'imposition en litige :
12. Aux termes du premier alinéa de l'article 111 bis du code général des impôts : " Lorsqu'une personne morale soumise à l'impôt sur les sociétés cesse d'y être assujettie, ses bénéfices et réserves, capitalisés ou non, sont réputés distribués aux associés en proportion de leurs droits. ". Aux termes de l'article 161 du même code : " Le boni attribué lors de la liquidation d'une société aux titulaires de droits sociaux en sus de leur apport n'est compris, le cas échéant, dans les bases de l'impôt sur le revenu que jusqu'à concurrence de l'excédent du remboursement des droits sociaux annulés sur le prix d'acquisition de ces droits dans le cas où ce dernier est supérieur au montant de l'apport. (...) ".
13. En premier lieu, si M. A... fait valoir, en substance, que l'opération ne présentait pas un caractère fictif et qu'il est de bonne foi, il n'explique pas pourquoi il a tout à la fois cédé le 10 juin 2011 le seul avion de la société, qui lui permettait de réaliser son objet social, tout en affirmant avoir cherché un repreneur pour la société ainsi dépouillée de son actif principal et avoir cherché simultanément à acquérir un nouvel avion. De surcroit, si M. A... affirme qu'il n'avait pas d'intérêt fiscal à mettre en place un tel montage, il est constant, au contraire, qu'il a obtenu une exonération totale d'impôt sur le revenu, sous couvert de l'avantage fiscal prévu par l'article 150-0 D ter du code général des impôts, sur la plus-value ainsi réalisée lors de la vente des titres de la société Manag'Air, d'un montant de 327 553 euros, tout en omettant par ailleurs de reporter la plus-value sur la déclaration d'ensemble des revenus n°2042 entraînant de ce fait l'absence d'assujettissement de la plus-value aux prélèvements sociaux. Enfin, si le requérant soutient que son but était de transmettre une entité économique qui disposait d'un actif, il résulte au contraire des éléments rappelés au point 7 qu'à la date de la cession des parts sociales le 16 décembre 2011, la société Manag'Air était tout à la fois dépourvue d'avion, de CTA et de clientèle, n'ayant plus d'activité économique depuis près de six mois et réalisant un chiffre d'affaires de 200 069 euros en 2011, en baisse de 80 % par rapport à 2010, résultant de la réalisation de créances clients antérieures à la cession. L'opération ne présentait donc aucune substance économique. La circonstance, à la supposer établie, que la société Manag'Air réalisait après la cession, une activité d'intermédiaire et pouvait sous-traiter les vols en affrétant des avions, reste sans incidence sur cette appréciation. Or, ainsi qu'il a déjà été dit, l'article 150-0 D du code général des impôts a pour objectif de permettre la transmission d'entreprises disposant d'un actif afin d'assurer la continuité de l'activité économique. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a estimé que la vente, dans de telles conditions, de la société Manag'Air présentait le caractère d'un montage destiné à rechercher l'application littérale de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, à l'encontre de l'intention du législateur, et a taxé le boni de liquidation sur le fondement des articles 111 bis et 161 du code général des impôts
14. En deuxième lieu, M. A... se prévaut des constatations contenues dans un jugement du 4 janvier 2022 par lequel le tribunal correctionnel d'Amiens l'a relaxé des chefs d'abus de biens sociaux et de blanchiment de fraude fiscale, qui selon lui, s'imposeraient à la juridiction administrative dans le présent litige.
15. L'autorité de la chose jugée procédant des décisions des juges répressifs devenues définitives qui s'impose aux juridictions administratives s'attache à la constatation matérielle des faits mentionnés dans le jugement et qui sont le support nécessaire du dispositif. La même autorité ne saurait, en revanche, s'attacher aux motifs d'un jugement de relaxe tirés de ce que les faits reprochés ne sont pas établis ou de ce qu'un doute subsiste sur leur réalité. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'autorité de la chose jugée, qui présente un caractère absolu, est d'ordre public.
16. Pour relaxer M. A... des chefs d'abus de biens sociaux et de blanchiment de fraude fiscale, le tribunal correctionnel d'Amiens, dans son jugement du 4 janvier 2022, a relevé que la responsabilité pénale de ce dernier ne pouvait être recherchée postérieurement au 31 décembre 2011, que la vente de l'avion de la société n'avait pas été fait à vil prix et que le placement d'une fraction du prix de vente avait produit des intérêts au profit de la société. Le tribunal a également relevé, dans le même jugement, que l'information judiciaire n'avait pas apporté la preuve d'un usage de mauvaise foi des biens de la société dans l'intérêt du prévenu ni la preuve de la connaissance par ce dernier du montage juridique mis en place aux fins de permettre l'octroi d'un prêt à l'acquéreur des parts sociales dans la société Manag'air. Toutefois, l'autorité de la chose jugée, qui s'attache à la constatation matérielle des faits ainsi mentionnés dans ce jugement, reste sans incidence sur l'existence, en l'espèce, d'un abus de droit tel qu'il a été relevé au point 13. Par suite, le moyen doit être écarté.
17. En troisième et dernier lieu, en imposant le produit de cession des titres de la société Manag'Air comme un boni de liquidation, l'administration ne s'est pas immiscée, en l'espèce, dans les choix de gestion de M. A... mais s'est bornée à constater que l'intention poursuivie par le législateur à travers l'article 150-0 D du code général des impôts n'avait pas été respectée par le contribuable à l'occasion de la cession des titres de la société Manag'Air, malgré une application littérale de ces dispositions. Par suite, le moyen ne peut qu'être écarté.
18. Il résulte de ce qui précède que M. A... ne peut être regardé comme apportant la preuve que l'opération de cession des titres de la société Manag'Air à la SAS Air First Company n'était pas entachée d'abus de droit par la recherche du bénéfice d'une application littérale des textes à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a estimé que le produit de la vente des titres de la société Manag'Air recueilli par M. A... constituait un boni de liquidation distribué et imposable entre ses mains sur le fondement des articles 111 bis et 161 du code général des impôts.
En ce qui concerne les prélèvements sociaux :
19. M. A... conteste, par voie de conséquence, le surplus des prélèvements sociaux mis à sa charge pour un montant de 8 325 euros. Toutefois, il résulte de ce qui a été dit précédemment que c'est à bon droit que l'administration a refusé le bénéfice de l'avantage fiscal prévu à l'article 150-0 D du code général des impôts et taxé le boni issu de la liquidation de la société Manag'Air entre les mains de M. A.... Par suite, le moyen ne peut qu'être écarté.
Sur les pénalités :
20. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / (...) / b. 80 % en cas d'abus de droit au sens de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales ; elle est ramenée à 40 % lorsqu'il n'est pas établi que le contribuable a eu l'initiative principale du ou des actes constitutifs de l'abus de droit ou en a été le principal bénéficiaire ;/ (...) ". Aux termes de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs (...), la preuve de la mauvaise foi et des manœuvres frauduleuses incombe à l'administration. ". La charge de la preuve du bien-fondé des pénalités pouvant être infligées à un contribuable en cas d'abus de droit est régie, non par les dispositions du dernier alinéa de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, mais par celles de l'article L. 195 A du même livre, en vertu desquelles la preuve incombe à l'administration.
21. Pour justifier l'application aux droits en litige de la majoration de 80 % prévue au b. de l'article 1729 du code général des impôts, l'administration fait valoir que M. A... était décidé à faire valoir ses droits à la retraite et avait progressivement liquidé les actifs de la société Manag'Air, que cette dernière avait cessé toute activité économique avant sa cession et ne possédait ni CTA, ni pilote, ni avion pour réaliser son objet social et ne disposait plus que de liquidités et de créances clients, que le produit de la cession de l'avion a été placé à l'étranger et a été dissimulé de l'administration fiscale du fait de la défaillance fiscale de la société, que la SAS Air First Company a acheté pour un prix substantiel la société Manag'Air qui n'avait plus que des liquidités comme actif et avait cessé tout activité économique, que la SAS Air First Company était une société sans activité propre et qui n'a pu acquérir les titres de la société Manag'Air que par le biais d'un prêt accordé par une société basée au Liechtenstein, dans la négociation duquel est probablement intervenu la perspective de disposer des liquidités de la société Manag'Air placées auprès d'une entité du Liechtenstein, enfin, que M. A... était l'initiateur et le principal bénéficiaire de ce montage. Les éléments ainsi invoqués par l'administration permettent de regarder comme établie l'existence d'un abus de droit au sens de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales et permettent également à l'administration de justifier l'application, aux droits en litige, de la majoration au taux de 80 %, prévue, en cas d'abus de droit, au b. de l'article 1729 du code général des impôts.
22. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à la décharge des impositions en litige.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
23. L'Etat n'étant pas partie perdante à l'instance, les conclusions de M. A... tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera transmise à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.
Délibéré après l'audience publique du 17 novembre 2022 à laquelle siégeaient :
- M. Christian Heu, président de chambre,
- M. Mathieu Sauveplane, président-assesseur,
- M. D... C..., premier-conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er décembre 2022.
Le président, rapporteur,
Signé : M. SauveplaneLe président de chambre,
Signé : HeuLa greffière,
Signé : S. Pinto Carvalho
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
La greffière,
Suzanne Pinto Carvalho
N°21DA00370 2 |
JADE/CETATEXT000046690072.xml | Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme E... a demandé au tribunal administratif d'Amiens, d'une part, d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 21 février 2022 par lequel la préfète de la Somme a refusé de renouveler son attestation de demande d'asile, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an, d'autre part, d'enjoindre à la préfète de la Somme de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la date de notification du jugement à intervenir, enfin, de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 000 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Par un jugement n° 2200821 du 20 avril 2022, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif d'Amiens a, d'une part, annulé les décisions, contenues dans l'arrêté du 21 février 2022, par lesquelles la préfète de la Somme a fait obligation à Mme B... de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an, d'autre part, mis à la charge de l'Etat le versement à l'avocate C... d'une somme de 1 000 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, enfin, rejeté le surplus des conclusions de cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et par un mémoire, enregistrés le 19 mai 2022 et le 12 juillet 2022, la préfète de la Somme demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 20 avril 2022 en tant que, par ce jugement, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif d'Amiens a annulé les décisions, contenues dans l'arrêté du 21 février 2022, par lesquelles elle a fait obligation à Mme B... de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et lui a fait interdiction de retour sur le territoire pour une durée d'un an ;
2°) de rejeter les conclusions de la demande C... accueillies par le tribunal administratif d'Amiens, de même que les conclusions que l'intéressée présente devant la cour.
Elle soutient que :
- le premier juge a retenu à tort, pour prononcer l'annulation de la décision faisant obligation à Mme B... de quitter le territoire français, que l'intéressée était, à la date de l'arrêté contesté, au nombre des ressortissants étrangers, visés au 5° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui ne peuvent légalement faire l'objet d'une mesure d'éloignement en raison de leur qualité de parent d'un enfant français ; en effet, un faisceau d'indices concordants a permis d'établir que la reconnaissance, par un ressortissant français, de la paternité de l'enfant mineur C..., né en France, avait été effectuée d'une manière frauduleuse, dans le seul but de permettre la délivrance, à cet enfant, d'une carte nationale d'identité et d'un passeport français et, à Mme B..., d'un titre de séjour ;
- les conclusions présentées devant la cour par Mme B... sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne puevent qu'être rejetées.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 juin 2022, Mme B..., représentée par la SCP Caron-Amouel-Pereira, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 000 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Elle soutient que :
- le premier juge a retenu à juste titre qu'elle ne pouvait légalement faire l'objet, en tant que mère d'un enfant français, d'une obligation de quitter le territoire français en application des dispositions du 5° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; le faisceau d'indices avancé par la préfète de la Somme pour démontrer que la reconnaissance de la paternité de son fils par un ressortissant français procèderait d'une intention frauduleuse n'est pas pertinent, alors d'ailleurs qu'elle n'avait pas présenté de demande de titre de séjour en se prévalant de sa qualité de mère d'un enfant français ;
- les décisions dont le premier juge a prononcé l'annulation sont fondées sur des faits matériellement inexacts ;
- les erreurs entachant ces décisions révèlent que sa situation n'a pas fait l'objet d'un examen suffisamment complet et attentif ;
- elle était, à la date des décisions en litige, en situation de prétendre de plein droit, en sa qualité de mère d'un enfant français, à la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; cette situation fait également obstacle à l'édiction à son encontre d'une obligation de quitter le territoire français ;
- la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est contraire à l'intérêt supérieur de son fils, de nationalité française, et méconnaît ainsi les stipulations du 1. de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision fixant le pays de destination est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision lui faisant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an est manifestement disproportionnée ;
- en cas de confirmation de l'annulation prononcée par le premier juge, la préfète de la Somme se trouvera dans l'obligation de la mettre en possession d'une autorisation provisoire de séjour.
Par une décision du 30 juin 2022, Mme B... a été maintenue de plein droit au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme E..., ressortissante de la République du Congo née le 13 mars 1986 à Pointe Noire, est entrée en France, en dernier lieu, le 1er avril 2019, sous couvert d'un passeport national en cours de validité revêtu d'un visa multi-entrées Etats Schengen valable jusqu'au 1er mai 2019. Elle a formé, le 19 avril 2019, une demande d'asile, qui a été rejetée par une décision du 12 mars 2021 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmée par une décision du 25 janvier 2022 de la Cour nationale du droit d'asile. La préfète de la Somme a, en conséquence, refusé, par un arrêté du 21 février 2022, de renouveler l'attestation de demande d'asile qui avait été délivrée à Mme B.... Par le même arrêté, la préfète de la Somme a fait obligation à l'intéressée de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a désigné le pays de destination de cette mesure et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. La préfète de la Somme relève appel du jugement du 20 avril 2022 en tant que, par ce jugement, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif d'Amiens, faisant partiellement droit à la demande C..., a annulé les décisions, contenues dans l'arrêté du 21 février 2022, portant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, fixant le pays de renvoi et portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an et a mis à la charge de l'Etat le versement au conseil C... d'une somme de 1 000 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Sur le motif d'annulation retenu par le premier juge :
2. Aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : / (...) / 5° L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans ; / (...) ".
3. Mme B..., qui avait sollicité, lors du dépôt de sa demande d'asile, son admission au séjour au titre de l'asile et qui, par l'arrêté contesté, s'est vu refuser, en conséquence de la confirmation par la Cour nationale du droit d'asile du rejet de sa demande d'asile, le renouvellement de son attestation de demande d'asile, s'est prévalue, pour la première fois devant le premier juge, de la qualité de mère d'un enfant de nationalité française. Pour annuler, par le jugement attaqué, la décision faisant obligation à Mme B... de quitter le territoire français ainsi que, par voie de conséquence, les décisions fixant le délai de départ volontaire, désignant le pays de destination de la mesure d'éloignement et portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an, le premier juge a estimé que la qualité de mère d'un enfant français, revendiquée par Mme B..., devait être regardée comme établie, en dépit des indices avancés par la préfète de la Somme qui soutenait que la reconnaissance de la paternité du fils cadet de l'intéressée par un ressortissant français présentait un caractère frauduleux. Le premier juge a, en conséquence, considéré que Mme B... était, à la date de l'arrêté contesté, au nombre des ressortissants étrangers, visés par les dispositions précitées du 5° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui ne peuvent légalement faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français.
4. Si un acte de droit privé opposable aux tiers est en principe opposable dans les mêmes conditions à l'administration tant qu'il n'a pas été déclaré nul par le juge judiciaire, il appartient cependant à l'administration, lorsque se révèle une fraude commise en vue d'obtenir l'application de dispositions de droit public, d'y faire échec même dans le cas où cette fraude revêt la forme d'un acte de droit privé. Ce principe peut conduire l'administration, qui doit exercer ses compétences sans pouvoir renvoyer une question préjudicielle à l'autorité judiciaire, à ne pas tenir compte, dans l'exercice de ces compétences et sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, d'actes de droit privé opposables aux tiers.
5. Il ressort des pièces du dossier que, le 29 juillet 2021, Mme B... a présenté, auprès des services de la mairie d'Amiens, une demande tendant à la délivrance d'une carte nationale d'identité et d'un passeport au nom de son fils, D..., né le 12 septembre 2019 à Amiens, en se prévalant de ce que la paternité de celui-ci avait été reconnue par anticipation, le 5 avril 2019, par un ressortissant français. Cette demande ayant été soumise pour avis au Centre d'expertise de ressources et des titres (CERT) des Hauts-de-France, ce service, après avoir émis des doutes quant à l'opposabilité de la reconnaissance de paternité, a entendu procéder à l'audition séparée C... et de l'auteur de cette reconnaissance de paternité.
6. D'une part, il ressort des comptes-rendus de ces entretiens, versés au dossier par la préfète de la Somme, que Mme B... a précisé avoir rencontré ce ressortissant français en janvier 2018, au cours d'un séjour touristique en France, avant de retourner vivre en Afrique du Sud, où elle vivait alors habituellement, puis avoir noué avec l'intéressé, à compter d'un retour en France au début du mois de février 2019, une relation intime qui a pris fin le 26 février 2019, date à laquelle elle est retournée en Afrique du Sud, où elle a constaté être enceinte. La chronologie des événements telle que présentée par ces déclarations C... s'avère cohérente avec les mentions figurant sur son passeport, versé au dossier, qui révèlent que l'intéressée, qui avait quitté le territoire français le 9 janvier 2018 pour l'Afrique du Sud, y est de nouveau entrée le 9 janvier 2019, puis en est repartie le 26 février 2019 à destination de l'Afrique du Sud, avant de revenir en dernier lieu le 1er avril 2019 en France. Si, dans ses déclarations, l'auteur de la reconnaissance de paternité situe, quant-à-lui, le début de leur relation intime en 2018, avant le premier retour C..., le 9 janvier 2018, en Afrique du Sud, aucun élément du dossier ne corrobore cette assertion et il s'avère hautement improbable que le fils cadet C..., A..., qui est né le 12 septembre 2019, ait été conçu à cette époque, contrairement à ce qu'a retenu à tort le premier juge. Par ailleurs, la chronologie présentée par Mme B... implique que cet enfant ait été conçu au cours du mois de février 2019, ce dont il résulte que cet enfant, qui est né le 12 septembre 2019, après sept mois seulement de grossesse, était un grand prématuré. Or, en réponse à l'observation soulevée en ce sens par la préfète de la Somme, Mme B... ne produit aucun extrait de carnet de santé, ni aucun document de nature à confirmer cette situation. Dans ces conditions, il ne peut être tenu pour établi que cet enfant, qui porte au demeurant le seul nom de sa mère, soit issu de la relation que Mme B... indique avoir nouée avec l'auteur de la reconnaissance de paternité.
7. D'autre part, si le ressortissant français qui a reconnu la paternité de cet enfant a, lors de son audition, déclaré avoir versé mensuellement, depuis la naissance de cet enfant, une somme de 50 euros, d'abord en espèces, puis par virements bancaires à compter d'octobre 2021, aucune pièce du dossier n'est de nature à corroborer cette assertion, l'intéressé ayant seulement établi, le 4 mars 2022, une attestation précisant qu'il rend régulièrement visite à l'enfant, sans préciser la fréquence de ces rencontres. Dans ces conditions, il ne peut être tenu pour établi que la personne ayant souscrit la déclaration de paternité du jeune A... contribue à l'entretien ou à l'éducation de cet enfant, dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil, depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, tel que les dispositions, citées au point 2, de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile l'exigent.
8. Le faisceau d'indices précis et concordants ainsi avancé par la préfète de la Somme permet de mettre sérieusement en doute la sincérité de la reconnaissance de la paternité du jeune A... par un ressortissant français. A cet égard, si Mme B... soutient qu'elle ne s'est pas prévalue de cette reconnaissance de paternité pour solliciter la délivrance d'un titre de séjour en tant que mère d'un enfant français, il résulte de ce qui a été dit au point 5 que l'intéressée a cependant tenté d'obtenir, pour son fils, une carte nationale d'identité et un passeport français, ce qui aurait soutenu ultérieurement une demande d'admission au séjour en qualité de parent d'un enfant français. Dans ces conditions, la préfète de la Somme est fondée à soutenir que le premier juge, pour annuler la décision faisant obligation à Mme B... de quitter le territoire français ainsi que, par voie de conséquence, la décision fixant le délai de départ volontaire, la décision fixant le pays de destination et la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an, a retenu à tort que l'intéressée était, à la date de l'arrêté contesté, au nombre des ressortissants étrangers visés par les dispositions précitées du 5° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui ne peuvent légalement faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français.
9. Il appartient toutefois à la cour, saisie, par l'effet dévolutif de l'appel, de l'ensemble du litige concernant l'obligation de quitter le territoire français, la décision fixant le délai de départ volontaire, la décision désignant le pays de destination et la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an, édictées par l'arrêté du 21 février 2022 de la préfète de la Somme, d'examiner les autres moyens dirigés, tant en première instance qu'en appel, contre ces décisions.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
10. Si les motifs de l'arrêté contesté mentionnent, par erreur, que Mme B... vit en concubinage et qu'elle est la mère d'un enfant, alors qu'elle indique vivre seule et qu'il ressort des pièces du dossier qu'elle est la mère de deux enfants, dont l'un réside auprès de son père en Afrique du Sud et l'autre demeure auprès d'elle en France, ces erreurs de fait, qui sont la conséquence des informations confuses portées par l'intéressée dans sa demande d'admission au séjour, n'ont eu aucune incidence sur le sens de la décision prise par la préfète de la Somme, dès lors qu'elles ont conduit cette autorité à prendre en considération, avant de faire obligation à Mme B... de quitter le territoire français, une situation plus favorable à celle-ci.
11. Eu égard notamment à ce qui a été dit au point précédent, il ne ressort pas des pièces du dossier que la préfète de la Somme n'aurait pas procédé, en dépit des deux inexactitudes affectant les motifs de l'arrêté contesté, à un examen suffisamment complet et attentif de la situation C... avant de lui faire obligation de quitter le territoire français.
12. Il ne ressort pas des pièces du dossier, compte-tenu de ce qui a été dit au point 8, que Mme B... pouvait, à la date de l'arrêté contesté, prétendre de plein droit, en tant que mère d'un enfant français, à la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors, le moyen tiré par Mme B... de ce qu'elle se trouvait, à ce titre, dans une situation faisant obstacle à ce qu'elle puisse faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté.
13. Il ressort des pièces du dossier que Mme B..., qui ne peut, comme il a été dit au point 8, se prévaloir de la qualité de mère d'un enfant français, est célibataire et est mère d'un enfant mineur, né le 12 septembre 2019, qui réside avec elle et qui a vocation à l'accompagner en cas de mise à exécution de l'obligation de quitter le territoire français. Par ailleurs, Mme B... n'établit pas, par ses seules allégations, être dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine, la République du Congo, où elle ne conteste pas avoir habituellement vécu jusqu'à l'âge de vingt ans, avant de s'établir en Afrique du Sud. Enfin, il ressort des pièces du dossier que Mme B... dispose d'attaches familiales en Afrique du Sud, où réside son autre enfant mineur, ainsi que le père de celui-ci. Dans ces conditions et eu égard à la faible ancienneté et aux conditions du séjour C... en France, la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français n'a pas porté à son droit au respect de la vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise, et n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, cette décision n'est pas davantage entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée.
14. Aux termes des stipulations du 1. de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant: " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Ces stipulations sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.
15. Dès lors que le fils cadet C... ne peut, eu égard à ce qui a été dit au point 8, être considéré comme un ressortissant français et que l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français n'aurait pas pour effet de séparer cet enfant de sa mère, qu'il a vocation à accompagner, en cas de retour dans son pays d'origine ou à destination de tout pays dans lequel elle serait légalement admissible, la préfète de la Somme, en faisant obligation à Mme B... de quitter le territoire français, ne peut être tenue comme ayant méconnu les stipulations du 1. de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
Sur la décision fixant le pays de destination :
16. Ainsi qu'il a été dit au point au point 13, Mme B... n'établit pas être dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine, la République du Congo, où elle ne conteste pas avoir habituellement vécu jusqu'à l'âge de vingt ans. En outre, si Mme B... a déposé une demande d'asile, cette demande a, comme il a été dit au point 1, fait l'objet d'un rejet, devenu définitif. Au demeurant, il ressort des pièces du dossier que l'intéressée a pu obtenir, le 5 février 2021, la délivrance d'un passeport par les autorités de son pays d'origine. Dans ces conditions, la décision contestée, en ce qu'elle désigne la République du Congo au nombre des pays où Mme B... pourra être recondute en cas d'exécution d'office de la mesure d'éloignement, n'est pas entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée.
Sur la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an :
17. Aux termes de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 ainsi que pour la prolongation de l'interdiction de retour prévue à l'article L. 612-11 ".
18. Les motifs de l'arrêté contesté attestent de la prise en compte par la préfète de la Somme, au vu de la situation C..., de l'ensemble des critères prévus par les dispositions précitées de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour prononcer, à l'encontre de l'intéressée, une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. Au regard de ces motifs, la préfète de la Somme a pu, sans commettre d'erreur d'appréciation, prononcer à l'encontre de l'intéressée, célibataire, dépourvue d'attaches familiales en France, hormis son fils qui a vocation à l'accompagner, et qui ne justifiait ni d'un séjour ancien, ni de liens étroits avec la France, une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.
19. Il résulte de tout ce qui précède que la préfète de la Somme est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif d'Amiens a annulé les décisions, contenues dans son arrêté du 21 février 2022, faisant obligation à Mme B... de quitter le territoire français, fixant le délai de départ volontaire, désignant le pays de destination de la mesure d'éloignement et faisant interdiction à l'intéressée de retour sur le territoire français pour une durée d'un an, et à demander l'annulation de ce jugement en tant qu'il accueille les conclusions C.... Par voie de conséquence, les conclusions de la demande C... accueillies par ce jugement doivent être rejetées et il doit en être de même des conclusions qu'elle présente en appel sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2200821 du 20 avril 2022 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif d'Amiens est annulé en tant, d'une part, qu'il prononce l'annulation des décisions, contenues dans l'arrêté du 21 février 2022 de la préfète de la Somme, faisant obligation à Mme B... de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, désignant le pays de destination de cette mesure et faisant interdiction à l'intéressée de retour sur le territoire français pour une durée d'un an et, d'autre part, qu'il met à la charge de l'Etat le versement au conseil C... d'une somme de 1 000 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Article 2 : Les conclusions de la demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif d'Amiens qui ont été accueillies par ce jugement, de même que les conclusions que l'intéressée présente en appel au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer, à la préfète de la Somme, à Mme E... et à Me Pereira.
Délibéré après l'audience publique du 17 novembre 2022 à laquelle siégeaient :
- M. Christian Heu, président de chambre,
- M. Mathieu Sauveplane, président-assesseur,
- M. Jean-François Papin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er décembre 2022.
Le rapporteur,
Signé : J.-F. PapinLe président de chambre,
Signé : C. Heu
La greffière,
Signé : S. Pinto Carvalho
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
La greffière,
Suzanne Pinto Carvalho
1
2
N°22DA01057 |
JADE/CETATEXT000046690070.xml | Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme A... C... ont demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2012.
Par un jugement n° 1809606 du 1er avril 2021, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 26 mai 2021, le 9 novembre 2021 et le 19 avril 2022, M. et Mme C..., représentés par Me Ramette, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge des impositions en litige ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- l'activité exercée par l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) Maison et Objets, dont ils sont les cogérants, à savoir la promotion immobilière, étant, par nature, non sédentaire, l'administration n'a pu, sans manquer de réalisme économique, remettre en cause la déductibilité de la totalité de la somme qui leur a été versée par cette entreprise, à titre d'avance et non de provision, en vue de couvrir les dépenses liées aux déplacements et voyages effectués par eux dans le cadre de leurs fonctions et dont ils ont pu, par des tableaux détaillés et étayés par des attestations des interlocuteurs rencontrés lors de ces déplacements, par des relevés de compte bancaire, ainsi que par la copie des certificats d'immatriculation des véhicules utilisés et de factures d'entretien de ces véhicules personnels, justifier de la réalité à concurrence d'une somme de 24 250,52 euros ; la réponse apportée le 7 mai 1969 par le ministre chargé de l'économie et des finances à M. B..., parlementaire, qui recommande aux services fiscaux de ne pas refuser la déduction de dépenses professionnelles au seul motif qu'elles ne sont pas appuyées par des documents formant preuve certaine, conforte leur position sur ce point ;
- quand bien même les justifications qu'ils ont ainsi apportées seraient regardées comme insuffisantes, la cour ne pourrait que constater que l'administration, qui n'établit pas que les sommes correspondantes auraient porté leur rémunération de gérants à un niveau excessif et qui n'a pas demandé de substitution de base légale, n'était pas en droit d'imposer celles-ci dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, alors que ces sommes avaient la nature de compléments de rémunération de leurs fonctions de gérants ;
- dès lors que la réalité et le caractère inhérent à leurs fonctions de la majeure partie des déplacements et voyages en cause sont établis, aucun manquement délibéré n'est susceptible de leur être imputé, le fait que le surplus des dépenses n'ait pu être justifié relevant, tout au plus, d'une négligence ; par suite, c'est à tort que l'administration a fait application aux droits en litige de la majoration prévue au a. de l'article 1729 du code général des impôts ; de même, l'administration n'a pu valablement refuser l'imputation de leur déficit foncier.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 août 2021, et par des mémoires, enregistrés le 11 mars 2022 et le 11 août 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- M. et Mme C... s'étant abstenus de répondre, dans le délai de trente jours qui leur avait été imparti pour présenter des observations, à la proposition de rectification qui leur avait été adressée le 9 juin 2015, supportent la charge de la preuve, en application de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales, de sorte qu'il leur incombe de démontrer le caractère exagéré des suppléments d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux mis à leur charge ;
- l'administration, qui n'a aucunement entendu remettre en cause la constitution d'une provision, a refusé la déduction d'une dépense en tant que charge, portée au débit du compte 625100 " voyages et déplacements ", avec pour contrepartie une écriture au crédit d'un compte de banque ; alors que l'administration n'a aucunement entendu retenir que l'activité exercée par l'EURL Maison et Objets ne nécessite aucun déplacement, une dépense, pour être admise en déduction en tant que charge d'un exercice, doit être appuyée par des justifications de sa réalité et de son engagement dans l'intérêt de l'entreprise ; alors que l'EURL Maison et Objets avait pour habitude de rembourser les dépenses de fonction ou les frais de mission de son personnel pour leur montant réel et sur justificatifs, ni cette entreprise, ni M. et Mme C... n'ont pu fournir des justificatifs des dépenses de voyages et des frais de déplacements ayant justifié la charge dont la déduction des résultats de l'entreprise a été remise en cause par l'administration ; des attestations établies en 2018, alors que la charge se rapporte à l'année 2012, ne sauraient être regardées comme des pièces probantes ; dans ces conditions, le service était fondé à remettre en cause la déduction ainsi pratiquée ;
- si, sur la base du barème kilométrique publié par l'administration, M. et Mme C... ont proposé une reconstitution des déplacements qu'ils auraient effectués au cours de l'année d'imposition en litige, les tableaux qu'ils ont établis à cette fin ne sont étayés par aucun justificatif probant, l'EURL Maison et Objets n'ayant pu produire aucun ordre de mission, ni aucun autre justificatif de l'intérêt pour son activité des déplacements en cause ; les contribuables s'étant bornés à procéder à une estimation mensuelle des déplacements effectués par eux, à titre professionnel, les calculs proposés à ce titre ne peuvent être admis ;
- le versement de 30 000 euros n'ayant pas été enregistré en comptabilité en tant que remboursement de frais de déplacement effectués par M. et/ou Mme C..., seul un examen du relevé de compte bancaire fourni par l'EURL Maison et Objets a permis au service d'en identifier le bénéficiaire comme étant M. C..., tandis que la réalité des dépenses correspondantes n'a été établie par aucun justificatif probant ; ce versement ne peut donc être regardé comme ayant la nature d'un remboursement de frais professionnels, ni même comme étant justifié par l'exercice, par M. et Mme C..., de leurs fonctions de gérant ; la somme en cause ne peut ainsi être regardée comme ayant la nature d'un complément de rémunération de la gérance, qui serait imposable sur le fondement de l'article 62 du code général des impôts ; dès lors, l'administration était fondée à regarder cette somme comme un revenu de capitaux mobiliers, imposable sur le fondement du c. de l'article 111 du code général des impôts ;
- compte-tenu du fait que M. et Mme C... exerçaient conjointement les fonctions de gérant au sein de l'EURL Maison et Objets, ceux-ci ne pouvaient ignorer que la somme de 30 000 euros qui leur a été versée en 2012, en l'absence de justificatifs probants, et qu'ils ont omis de porter sur leur déclaration de revenus, avait la nature d'une rémunération occulte ; ils ont donc été regardés à bon droit comme ayant délibérément entendu éluder l'impôt ; en conséquence, l'administration a, à bon droit, fait application aux droits en litige de la majoration de 40 % prévue au a. de l'article 1729 du code général des impôts ; de même, en application de l'article 1731 bis de ce code, l'imputation de déficits fonciers, dont l'existence est d'ailleurs contestée, a pu leur être refusée à bon droit.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme A... C... sont les cogérants de l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) Maison et Objets, dont Mme C... est l'unique associée et qui a pour activité la promotion immobilière de logements. Cette entreprise, qui est assujettie à l'impôt sur les sociétés, a fait l'objet, au cours de l'année 2015, d'une vérification de comptabilité portant sur la période allant du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013. A l'issue de ce contrôle, l'administration, estimant que les éléments apportés par l'entreprise n'étaient pas de nature à lui permettre d'établir la réalité ou le caractère inhérent à l'activité sociale des déplacements et voyages concernés, a entendu remettre en cause la déduction du résultat de l'exercice clos en 2012 d'une somme de 30 000 euros, portée en comptabilité comme correspondant à la prise en charge de dépenses afférentes à des déplacements et voyages, et ayant pour contrepartie un versement à un bénéficiaire qui s'est avéré être M. C.... Parallèlement, l'administration, qui a regardé cette somme comme correspondant, dans ces conditions, à un revenu occulte distribué au bénéfice de M. et Mme C... et imposable entre leurs mains dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, sur le fondement du c. de l'article 111 du code général des impôts, a informé ces derniers de cette analyse, par une proposition de rectification qu'elle leur a adressée le 9 juin 2015. M. et Mme C... n'ayant pas présenté d'observations dans le délai qui leur avait été imparti, les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux résultant des rectifications ainsi portées à leur connaissance ont été mises en recouvrement le 30 avril 2018, à hauteur d'un montant total de 18 715 euros en droits et pénalités. Leur réclamation ayant été rejetée, M. et Mme C... ont porté le litige devant le tribunal administratif de Lille en lui demandant de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles ils ont ainsi été assujettis au titre de l'année 2012. M. et Mme C... relèvent appel du jugement du 1er avril 2021 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.
Sur la charge de la preuve :
2. En vertu de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales, lorsque, ayant donné son accord à la rectification ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré.
3. Il est constant que c'est seulement après le délai de trente jours qui leur avait été imparti par le service, conformément à l'article R. 57-1 du livre des procédures fiscales, que M. et Mme C... ont formulé des observations sur la proposition de rectification qui leur avait été adressée le 9 juin 2015. En application des dispositions, rappelées au point précédent, de l'article R. 194-1 de ce livre, il incombe, dès lors, à M. et Mme C... de prouver le caractère exagéré des suppléments d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux mis à leur charge.
Sur l'existence de rémunérations occultes imposables dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers :
4. Pour imposer comme revenus distribués entre les mains de M. et Mme C... la somme de 30 000 euros réintégrée dans le résultat imposable de l'EURL Maison et Objets au titre de l'exercice clos en 2012, l'administration fiscale s'est fondée sur les dispositions du c. de l'article 111 du code général des impôts, aux termes desquelles : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : / (...) / c. Les rémunérations et avantages occultes ; / (...) ".
5. Aux termes de l'article 62 du code général des impôts : " Les traitements, remboursements forfaitaires de frais et toutes autres rémunérations sont soumis à l'impôt sur le revenu au nom de leurs bénéficiaires s'ils sont admis en déduction des bénéfices soumis à l'impôt sur les sociétés par application de l'article 211, même si les résultats de l'exercice social sont déficitaires, lorsqu'ils sont alloués: / a) aux gérants majoritaires des sociétés à responsabilité limitée n'ayant pas opté pour le régime fiscal des sociétés de personnes (...) ". Les remboursements de frais, même non justifiés, consentis à un gérant majoritaire d'une société à responsabilité limitée, qui sont susceptibles d'être regardés comme un complément de rémunération trouvant son origine dans l'exercice des fonctions de l'intéressé, constituent, en principe, un élément de sa rémunération imposable, en application des dispositions précitées de l'article 62 du code général des impôts, dans la catégorie des rémunérations alloués aux gérants majoritaires de telles sociétés n'ayant pas opté pour le régime fiscal applicable aux sociétés de personnes, sauf si le montant de ces remboursements, ajouté aux autres éléments de la rémunération, a pour effet de porter le total de celle-ci à un niveau excessif. Dans cette hypothèse, les remboursements de frais injustifiés peuvent être imposés comme revenus de capitaux mobiliers.
6. D'une part, la somme de 30 000 euros dont l'administration a remis en cause la déduction, en tant que charge, par l'EURL Maison et Objets, avait été enregistrée par cette entreprise, dans la comptabilité de l'exercice clos en 2012 au débit du compte 625100 " Voyages et déplacements ", avec pour contrepartie, une écriture au crédit d'un compte de banque. Or, le libellé de cette opération ne précisait pas que ce versement correspondait à un remboursement de frais exposés par M. et/ou Mme C... pour les besoins de l'exercice de leurs fonctions de gérants et c'est seulement l'examen du relevé du compte bancaire mouvementé par l'EURL Maison et Objets qui a permis au service d'identifier M. C... comme le bénéficiaire de ce versement.
7. D'autre part, au cours de la vérification de comptabilité dont elle a fait l'objet, l'EURL Maison et Objets, alors qu'elle avait pour habitude, dans le cadre de l'exercice de son activité, de rembourser à ses salariés, pour leur montant réel et sous réserve qu'ils soient justifiés, les frais exposés par eux pour les besoins de l'exercice de leurs fonctions dans l'entreprise, n'a pu fournir aucun justificatif du caractère inhérent à l'exercice par M. et Mme C... de leurs fonctions de cogérants, ni même de la réalité, des dépenses qui auraient été couvertes par le versement de 30 000 euros opéré, d'ailleurs à titre d'avance, en méconnaissance de sa pratique habituelle, au bénéfice de M. C.... Si M. et Mme C... ont produit, à l'appui de leur réclamation, des tableaux proposant une reconstitution mensuelle, sur la base du barème kilométrique publié par l'administration, des déplacements qu'ils auraient effectués, au cours de l'année en litige, à l'aide de deux véhicules pour lesquels ils ont fourni des certificats d'immatriculation, dont au demeurant un seul est établi au nom de M. C... alors que le second est établi au nom d'une tierce société, et des factures d'entretien, ces tableaux, qui font mention de trajets reconstitués et qui sont seulement étayés par des attestations qui, établies en 2018 par les interlocuteurs qui auraient rencontré l'intéressé sur des chantiers six années auparavant, sont dépourvues de tout caractère probant, ne peuvent être regardés comme étant de nature à justifier du caractère inhérent à l'exercice des fonctions de M. et Mme C... des dépenses en cause, ni d'ailleurs de la réalité même de ces dépenses.
8. Dans ces conditions, M. et Mme C... n'établissent pas que le versement de 30 000 euros perçu par M. C... au cours de l'année 2012 avait la nature d'un remboursement de frais professionnels. Ils ne sont donc pas fondés à soutenir que cette somme devait être imposée dans la catégorie des rémunérations alloués aux gérants majoritaires de sociétés à responsabilité limitée, sur le fondement des dispositions précitées de l'article 62 du code général des impôts. M. et Mme C... ne sont pas davantage fondés à invoquer, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, les énonciations de la réponse apportée le 7 mai 1969 par le ministre chargé de l'économie et des finances à M. B..., parlementaire, qui recommande aux services fiscaux de ne pas refuser la déduction de dépenses professionnelles au seul motif qu'elles ne sont pas appuyées par des documents formant preuve certaine, énonciations dans le champ desquelles ils n'entrent pas, eu égard à ce qui vient d'être dit. En revanche, l'administration était fondée, en l'absence de toute justification probante contraire, à considérer que la somme en cause avait la nature d'une rémunération occulte imposable, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, entre les mains de M. et Mme C..., sur le fondement des dispositions précitées du c. de l'article 111 du code général des impôts.
Sur le bien-fondé de la majoration pour manquement délibéré :
9. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ; / (...) ".
10. Pour justifier, ainsi que la charge lui en incombe, que les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux mises à la charge de M. et Mme C... au titre de l'année 2012 soient assorties de la majoration de 40 % prévue, en cas de manquement délibéré, par les dispositions précitées du a. de l'article 1729 du code général des impôts, le ministre fait valoir que M. et Mme C..., en leur qualité de cogérants de l'EURL Maison et Objets, ne pouvaient ignorer que le versement de 30 000 euros, porté en déduction, par cette entreprise, en tant que charge de l'exercice clos en 2012 et effectué, à titre d'avance, au bénéfice de M. C..., n'était appuyé par aucun justificatif de la réalité des dépenses correspondantes, ni de leur intérêt pour l'entreprise. En outre, le ministre fait valoir que M. et Mme C... se sont abstenus de porter cette somme dans la déclaration de revenus qu'ils ont souscrite au titre de l'année 2012, alors qu'ils ne pouvaient ignorer, quand bien même ils auraient regardé cette somme comme un supplément de rémunération de la gérance, son caractère imposable, ni, compte-tenu de leurs fonctions dans l'entreprise, qu'elle revêtait le caractère d'une rémunération occulte. Par ces éléments, qui ne sont pas sérieusement contestés, le ministre doit être regardé comme apportant la preuve, qui lui incombe, de l'intention délibérée d'éluder l'impôt qui a animé M. et Mme C... et, par suite, du bien-fondé de l'application, aux suppléments d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux en litige, de la majoration prévue, en cas de manquement délibéré, par les dispositions précitées du a. de l'article 1729 du code général des impôts.
Sur le refus d'imputation de déficits fonciers :
11. Aux termes du 1. de l'article 1731 bis du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Pour l'établissement de l'impôt sur le revenu, les déficits mentionnés aux I et I bis de l'article 156 et les réductions d'impôt ne peuvent s'imputer sur les rehaussements et droits donnant lieu à l'application de l'une des majorations prévues aux b et c du 1 de l'article 1728, à l'article 1729 et au a de l'article 1732. ".
12. Dès lors que, ainsi qu'il a été dit au point 10, les rehaussements en litige ont donné lieu, à bon droit, à l'application de la majoration de 40 % prévue, en cas de manquement délibéré, par les dispositions du a. de l'article 1729 du code général des impôts, l'administration a pu légalement refuser à M. et Mme C..., sur le fondement des dispositions précitées du 1. de l'article 1731 bis du même code, l'imputation sur ces rehaussements de déficits fonciers, à supposer même que les intéressés aient été en situation de se prévaloir de tels déficits.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande. Par voie de conséquence, les conclusions qu'ils présentent sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A... C... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera transmise à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.
Délibéré après l'audience publique du 17 novembre 2022 à laquelle siégeaient :
- M. Christian Heu, président de chambre,
- M. Mathieu Sauveplane, président-assesseur,
- M. Jean-François Papin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er décembre 2022.
Le rapporteur,
Signé : J.-F. PapinLe président de chambre,
Signé : C. Heu
La greffière,
Signé : S. Pinto Carvalho
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
La greffière,
Suzanne Pinto Carvalho
1
2
N°21DA01162
1
3
N°"Numéro" |
JADE/CETATEXT000046690059.xml | Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a, par trois demandes successives, demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2011, 2012 et 2013.
Par un jugement n°s 1707645, 1803664, 1803666 du 26 juin 2020, le tribunal administratif de Lille, après avoir joint ces trois demandes et constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions de l'une de ces demandes à concurrence du dégrèvement de la cotisation supplémentaire de contributions sociales à laquelle Mme B... avait été assujettie au titre de l'année 2012, a rejeté le surplus des conclusions de ces demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 13 juillet 2020, 10 mai 2022 et 8 septembre 2022, Mme B..., représentée par la SELARL Wiblaw, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement en ce qu'il a rejeté le surplus des conclusions de ses demandes ;
2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des impositions demeurant en litige ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier en ce que le tribunal administratif n'a pas répondu au moyen tiré du défaut de contradictoire de la procédure d'imposition résultant de l'absence d'interrogation sur la nature et l'origine des sommes portées au crédit de ses comptes bancaires en 2013 ;
- l'article L. 47 du livre des procédures fiscales a été méconnu dès lors que le service vérificateur a procédé à un examen de sa situation fiscale personnelle au titre de l'année 2011 alors que l'avis de vérification mentionne que le contrôle porte sur les années 2012 à 2014 ;
- la procédure d'imposition suivie par l'administration au titre des années 2012 et 2013 est irrégulière dès lors que le débat n'a pas été contradictoire ;
- la procédure d'imposition suivie par l'administration au titre des années 2011, 2012 et 2013 est également irrégulière dès lors qu'il n'a pas été fait droit à sa demande de communication des documents obtenus de tiers sur lesquels s'est fondée l'administration pour établir les impositions, en méconnaissance de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ;
- elle a été induite en erreur sur la possibilité qui lui était offerte d'exercer un recours hiérarchique auprès de l'interlocuteur départemental ;
- les chèques encaissés sur son compte personnel entre le 1er janvier 2011 et le 14 octobre 2012 ne proviennent pas d'un détournement de fonds de sa part ; les sommes correspondantes ne peuvent donc être imposées au titre des bénéfices non commerciaux en application de l'article 92 du code général des impôts ;
- l'assiette d'imposition au titre des bénéfices non commerciaux, d'une part, ne peut excéder la somme de 151 887 euros, d'autre part, doit tenir compte des montants nets à payer figurant sur ses fiches de paye ;
- l'assiette d'imposition au titre des revenus de capitaux mobiliers doit tenir compte, d'une part, de la rémunération à laquelle elle avait droit en qualité de cogérante non-associée de la société Groupe Securitec Protection entre le 15 octobre 2012 et le 28 février 2013, d'autre part, des montants nets à payer figurant sur ses fiches de paye ;
- les sommes imposées dans la catégorie des bénéfices non commerciaux au titre de l'année 2012 ne constituent pas des revenus du patrimoine au sens du I de l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 août 2020, et des mémoires, enregistrés les 23 août 2022 et 9 septembre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Bertrand Baillard, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. A la suite d'un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle de Mme B... portant sur les années 2012, 2013 et 2014, l'administration fiscale l'a informée, par deux propositions de rectification des 15 décembre 2015 et 11 juillet 2016, de son intention de mettre à sa charge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux, assorties de pénalités, en raison de détournements de fonds commis au préjudice de la société à responsabilité limitée (SARL) Groupe Securitec Protection, révélés par les informations obtenues auprès de l'autorité judiciaire en application de l'article L. 82 C du livre des procédures fiscales. Par ailleurs, par une troisième proposition de rectification en date du 23 août 2016, l'administration a également fait savoir à Mme B... qu'elle entendait mettre à sa charge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux, assorties de pénalités, au titre de l'année 2011. A la suite de l'admission partielle de sa réclamation en ce qui concerne les contributions sociales mises à sa charge au titre des années 2012 et 2013 et du rejet de sa réclamation portant sur l'année 2011, Mme B..., par trois demandes distinctes, a porté le litige devant le tribunal administratif de Lille, en lui demandant de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles elle a ainsi été assujettie au titre des années 2011, 2012 et 2013. Par un jugement du 26 juin 2020, le tribunal administratif de Lille, après avoir joint ces trois demandes et constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions de la demande de Mme B... tendant à la décharge des impositions mises à sa charge au titre de l'année 2012 à concurrence du dégrèvement de la cotisation supplémentaire de contributions sociales auxquelles elle avait été assujettie au titre de cette même année, a rejeté le surplus des conclusions de ces demandes. Mme B... demande l'annulation du jugement du 26 juin 2020 du tribunal administratif de Lille en ce qu'il a rejeté les conclusions de ses demandes tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux, demeurant en litige, auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2011, 2012 et 2013.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. Aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande ".
3. L'obligation ainsi faite à l'administration fiscale d'informer le contribuable de l'origine et de la teneur des renseignements qu'elle a utilisés pour procéder à des rectifications a pour objet de permettre à celui-ci, notamment, de discuter utilement leur provenance ou de demander que les documents qui, le cas échéant, contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent, afin qu'il puisse vérifier l'authenticité de ces documents et en discuter la teneur ou la portée. Les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales instituent ainsi une garantie au profit de l'intéressé. Toutefois, la méconnaissance de ces dispositions par l'administration demeure sans conséquence sur le bien-fondé de l'imposition s'il est établi qu'eu égard à la teneur du renseignement, nécessairement connu du contribuable, celui-ci n'a pas été privé, du seul fait de l'absence d'information sur l'origine du renseignement, de cette garantie.
4. Mme B... soutient, pour la première fois en appel, que l'administration n'a pas donné suite à ses demandes, formulées le 22 septembre 2016, le 2 février 2016 et le 3 août 2016, tendant à la communication de l'intégralité des documents obtenus de tiers sur lesquels étaient fondées les propositions de rectification, en date des 15 décembre 2015, 23 août 2016 et 11 juillet 2016, portant sur des rehaussements en matière d'impôt sur le revenu et de contributions sociales, au titre des années 2011, 2012 et 2013, ces rappels ayant été mis en recouvrement le 30 septembre 2017 s'agissant de l'année 2011 et le 31 mars 2017 s'agissant des années 2012 et 2013. Il résulte de l'instruction et, notamment, des termes mêmes de ces propositions de rectification que le service vérificateur a reçu copie de l'autorité judiciaire, sur le fondement de l'article L. 81 du livre des procédures fiscales, du dossier n°1323900000220 ouvert au nom de M. C..., dont en particulier les procès-verbaux établis par les services de police les 7 mars et 1er décembre 2014 sur lesquels le service vérificateur a fondé les impositions supplémentaires en litige. Or, il n'est pas contesté que le service n'a pas donné suite aux demandes de Mme B... tendant à la communication de ces pièces avant la mise en recouvrement des impositions en litige, lesdits documents n'ayant été produits qu'au soutien du premier mémoire en défense de l'administration devant le tribunal administratif de Lille, enregistré le 23 octobre 2017, dans l'instance n° 1707645. Par ailleurs, Mme B... n'étant pas partie à la procédure pénale ouverte au nom de M. C..., l'administration fiscale n'est, en tout état de cause, pas fondée à soutenir que la requérante disposait de la faculté de saisir directement l'autorité judiciaire pour obtenir communication de ces documents. Dès lors, l'absence de communication par l'administration de ces pièces à Mme B... a privé celle-ci de la garantie prévue par les dispositions précitées de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales. Les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux, demeurant en litige, auxquelles Mme B... a été assujettie au titre des années 2011, 2012 et 2013, ainsi que les pénalités y afférentes, procèdent donc d'une procédure irrégulière d'imposition. En conséquence, Mme B... est fondée à demander la décharge de ces impositions.
5. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que Mme B... est fondée à demander la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de cotisations sociales, demeurant en litige, mises à sa charge au titre des années 2011, 2012 et 2013, ainsi que l'annulation du jugement du 26 juin 2020 du tribunal administratif de Lille en ce qu'il a rejeté le surplus des conclusions de ses demandes.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, qui a la qualité de partie perdante, une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme B... et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : Mme B... est déchargée, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de cotisations sociales, demeurant en litige, auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2011, 2012 et 2013.
Article 2 : Le jugement du 26 juin 2020 du tribunal administratif de Lille est annulé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Mme B... une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera transmise à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.
Délibéré après l'audience publique du 17 novembre 2022 à laquelle siégeaient :
- M. Christian Heu, président de chambre,
- M. Mathieu Sauveplane, président-assesseur,
- M. Bertrand Baillard, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er décembre 2022.
Le rapporteur,
Signé : B. BaillardLe président de chambre,
Signé : C. Heu
La greffière,
Signé : S. Pinto Carvalho
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
La greffière,
Suzanne Pinto Carvalho
1
2
N°20DA01001
1
3
N°"Numéro" |
JADE/CETATEXT000046690071.xml | Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles il a été assujetti au titre des années 2013 et 2014.
Par un jugement n° 1803364 du 29 avril 2021, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 4 juin 2021, M. A..., représenté par Me Delattre, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge des impositions en litige ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement, qui omet de se prononcer sur ses moyens, qui n'étaient pas inopérants, tirés, d'une part, de ce que l'administration lui a adressé deux propositions de rectification successives, qui lui ont été expédiées, pour la première, à une adresse qu'il avait quittée, pour la seconde, à une adresse erronée, d'autre part, de l'absence de preuve d'une présentation du pli contenant la première proposition de rectification à son ancienne adresse, est entaché d'insuffisance de motivation et doit, dès lors, être annulé pour irrégularité ;
- ces deux propositions de rectification, lui faisant connaître les rehaussements que l'administration envisageait d'appliquer à ses revenus imposables des années 2013 et 2014, ne lui étant pas parvenues pour avoir été libellées à des adresses autres que celle de son lieu d'habitation connu de l'administration, la procédure d'imposition mise en œuvre à son égard est entachée d'irrégularités substantielles de nature à justifier la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales en litige ; à cet égard, c'est à tort que les premiers juges ont retenu que le premier envoi avait été effectué à l'adresse qu'il avait mentionnée sur sa déclaration de revenus, alors que cette situation résulte d'une erreur de sa part, qui ne remet pas en cause la connaissance qu'avait le service de sa nouvelle adresse, à laquelle l'avis d'imposition sur le revenu de l'année 2015 lui a d'ailleurs été adressé ; en outre, les documents postaux produits par l'administration n'établissent pas que le pli correspondant a effectivement été présenté à son ancienne adresse ;
- dès lors qu'il ne peut être regardé comme ayant été régulièrement destinataire des propositions de rectification qui lui ont été adressées, il ne peut davantage être tenu, pour l'application des dispositions de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales, comme ayant accepté les rectifications contestées, de sorte que le tribunal administratif lui a attribué à tort la charge de la preuve ;
- l'administration n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, de ce que les sommes regardées comme distribuées ont été effectivement désinvesties par la société versante, ni qu'elles ont été intégralement appréhendées par lui.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 novembre 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- la proposition de rectification ayant été expédiée sans succès à la dernière adresse, située à Ronchin, que M. A... avait fait connaître à l'administration et le pli correspondant ayant été retourné au service avec une mention selon laquelle le destinataire était inconnu à cette adresse, le service a tenté de faire parvenir ce même document à une autre adresse, située à Lille, précédemment portée à sa connaissance, sans plus de succès toutefois, ce nouvel envoi superfétatoire étant cependant sans incidence sur la régularité de la procédure d'imposition ; M. A... n'établit pas avoir fait connaître au service son changement d'adresse, ni avoir pris les mesures nécessaires pour faire suivre son courrier, et ne saurait faire grief à l'administration de lui avoir envoyé, en première intention, la proposition de rectification à l'adresse qu'il lui avait fait connaître, fût-ce par erreur, la présentation effective du pli à cette adresse étant établie par les pièces versées à l'instruction ;
- la proposition de rectification étant, dans ces conditions, réputée avoir été valablement notifiée à M. A... et celui-ci n'ayant pas formulé d'observations, il supporte, en application de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales, la charge de la preuve du caractère exagéré des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux mises à sa charge ;
- la vérification de comptabilité dont a fait l'objet la société par actions simplifiée (SAS) Universel Sécurité, qui emploie M. A..., a permis d'établir l'existence d'un compte 4670100 intitulé " A... débiteurs divers " et sur lequel ont été enregistrés des versements effectués, par virement bancaire, au profit de M. A..., à hauteur des sommes de 23 039 euros au titre de l'année 2013 et de 59 908 euros au titre de l'année 2014, sans que la cause de ces versements ait été explicitée, ni justifiée, par la société vérifiée ; l'administration était donc fondée à estimer que ces sommes avaient, pour M. A..., la nature de revenus occulte imposables entre ses mains dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, sur le fondement du c. de l'article 111 du code général des impôts ; M. A... n'apporte, en appel, aucun élément de nature à remettre en cause ces rehaussements, tant dans leur principe que dans leur montant.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société par actions simplifiée (SAS) Universel Sécurité, qui emploie M. B... A..., a fait l'objet, au cours de l'année 2015, d'une vérification de comptabilité portant sur la période allant du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014. Au cours de ce contrôle, la vérificatrice a mis en évidence l'existence de flux financiers inexpliqués entre la SAS Universel Sécurité et M. A..., au bénéfice de ce dernier. Le service a considéré, dans ces conditions, que l'intéressé avait bénéficié, de la part de cette société, de revenus occultes imposables entre ses mains, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, sur le fondement du c. de l'article 111 du code général des impôts. Pour faire connaître à M. A... sa position sur ce point, l'administration, à l'issue d'un contrôle sur pièces de ses déclarations de revenus des années correspondantes, lui a adressé, le 8 février 2016, une proposition de rectification. Toutefois, le pli correspondant a été retourné au service avec une mention selon laquelle le destinataire était inconnu à l'adresse indiquée. Ayant néanmoins regardé cette notification comme régulière, l'administration a décidé de mettre en recouvrement les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux résultant, au titre des années 2013 et 2014, des rehaussements notifiés, cette mise en recouvrement étant intervenue le 30 avril 2016, à hauteur d'un montant total, en droits et pénalités, de 73 413 euros. M. A... a présenté une réclamation, qui n'a fait l'objet que d'une admission très partielle, consistant en l'abandon, par l'administration, de la majoration d'assiette de 25 % appliquée dans le calcul des suppléments de prélèvements sociaux, ce qui s'est traduit par le prononcé d'un dégrèvement de 4 646 euros en matière de prélèvement sociaux. Insatisfait de cette issue partielle, M. A... a porté le litige devant le tribunal administratif de Lille en lui demandant de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles il a ainsi été assujetti au titre des années 2013 et 2014. M. A... relève appel du jugement du 29 avril 2021 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Au soutien des conclusions de la demande qu'il a présentée devant le tribunal administratif de Lille, tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux en litige, M. A... a formulé un moyen, que les premiers juges ont d'ailleurs visé, tiré de ce que l'administration, en ne lui notifiant pas la proposition de rectification à l'adresse qu'il avait fait connaître au service, l'avait privé de la garantie, prévue à l'article L. 57 du livre des procédures fiscales dans le cadre de la procédure de rectification contradictoire, tenant à ce que le contribuable soit mis à même de formuler des observations ou de faire connaître son acceptation, sur les rectifications notifiées, avant la mise en recouvrement des impositions et contributions en résultant. Au soutien de ce moyen, M. A... a, d'une part, exposé que l'administration lui avait adressé, à deux reprises, une proposition de rectification, lesquels envois avaient été effectués, pour le premier, à une adresse qu'il avait quittée, pour le second, à une adresse erronée, d'autre part, mis en doute le fait que le premier pli expédié par l'administration ait été effectivement présenté à son ancienne adresse. Toutefois, il ressort des motifs énoncés aux points 2 et 3 du jugement attaqué que le tribunal administratif, qui n'était pas tenu d'apporter une réponse expresse à ce qui ne constituait que des arguments développés par M. A... au soutien du moyen exposé ci-dessus, a apporté une réponse suffisante à ce moyen. Par suite, la critique que M. A... formule quant à la régularité de ce jugement, tirée de son insuffisante motivation, n'est pas fondée et doit être écartée.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
3. En vertu de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, dont les dispositions sont applicables à la procédure de rectification contradictoire, qui a été mise en œuvre en l'espèce, l'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation.
4. Il résulte de l'instruction qu'à l'issue d'un contrôle sur pièces des déclarations de revenus souscrites par M. A... au titre des années 2013 et 2014 et à la lumière de constatations effectuées dans le cadre de la vérification de comptabilité dont la SAS Universel Sécurité, l'employeur de l'intéressé, avait fait l'objet, l'administration a, le 8 février 2016, adressé à M. A..., conformément aux dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales rappelées au point précédent, une proposition de rectification. Il ressort des mentions portées par le service postal sur l'enveloppe ayant contenu ce document, produite à l'instruction par le ministre, que cet envoi a été effectué à l'adresse du logement, situé à Ronchin (Nord), dans lequel M. A... a habité, que l'employé chargé de l'acheminement de ce courrier a constaté sur place que l'intéressé était inconnu à cette adresse et qu'il a donc retourné le pli au service expéditeur en y apposant une mention en ce sens. Il résulte de l'instruction que l'adresse de Ronchin constituait la dernière adresse de M. A... connue par l'administration fiscale et que l'intéressé avait d'ailleurs confirmé, dans la déclaration de revenus qu'il avait souscrite, le 6 juin 2017, au titre de l'année 2016, qu'il résidait toujours à cette adresse au 1er janvier 2016, en précisant qu'il résiderait à une nouvelle adresse située à Vieux-Condé (Nord) à compter du 1er janvier 2017. Si M. A..., qui ne donne aucune précision quant à la date à laquelle il a déménagé à Vieux-Condé, soutient que cette déclaration résulte d'une erreur de sa part et qu'il avait, indépendamment de celle-ci, fait connaître en temps utile sa nouvelle adresse à l'administration, il n'apporte aucun commencement de preuve au soutien de ces allégations, la circonstance qu'un avis d'imposition de l'année 2015, versé à l'instruction, qui a été établi le 9 juin 2017, lui a été envoyé depuis lors à l'adresse de Vieux-Condé ne pouvant constituer une telle preuve. Dans ces conditions, en expédiant la proposition de rectification à l'adresse située à Ronchin, le service, alors même que l'intéressé n'a pas réceptionné le pli postal ayant contenu ce document, n'a entaché la procédure d'imposition mise en œuvre à l'égard de M. A... d'aucune irrégularité de nature à priver l'intéressé de la garantie, prévue à l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, tenant à pouvoir formuler, en temps utile, des observations ou faire connaître son acceptation sur les rectifications notifiées. Demeure sans incidence à cet égard la circonstance que le service ait entendu effectuer, le 11 février 2016, un nouvel envoi de la proposition de rectification à une autre adresse figurant dans le dossier du contribuable, cette adresse s'étant toutefois avérée erronée.
Sur le bien-fondé des impositions en litige :
En ce qui concerne la charge de la preuve :
5. En vertu de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales, lorsque, ayant donné son accord à la rectification ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré.
6. Il est constant que M. A... n'a formulé aucune observation sur la proposition de rectification qui lui avait été adressée le 8 février 2016 et qui, pour les motifs exposés au point 4, doit être regardée comme lui ayant été régulièrement notifiée. En application des dispositions, rappelées au point précédent, de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales, il incombe, dès lors, à M. A... de prouver le caractère exagéré des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux mises à sa charge.
En ce qui concerne l'existence de rémunérations occultes imposables dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers :
7. En vertu du c. de l'article 111 du code général des impôts, les rémunérations et avantages occultes sont considérés comme revenus distribués.
8. Au cours de la vérification de comptabilité dont a fait l'objet la SAS Universel Sécurité, la vérificatrice a constaté, dans la comptabilité de cette société, l'existence d'un compte 4670100 intitulé " A... débiteurs divers ", sur lequel des opérations avaient pour contrepartie des virements bancaires effectués par cette société au profit de M. A..., à hauteur des montants de 23 039 euros au cours de l'année 2013 et de 59 908 euros au cours de l'année 2014. La SAS Universel Sécurité n'ayant pu produire, au soutien de ces écritures comptables, aucun élément de nature à justifier de la nature et de la cause de ces versements, ni à permettre de regarder ceux-ci comme exposés dans l'intérêt de son exploitation, l'administration a estimé que ceux-ci correspondaient, pour M. A..., à des revenus occultes imposables entre ses mains, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, sur le fondement des dispositions du c. de l'article 111 du code général des impôts.
9. Par ces constats, dont la réalité n'est pas contestée, l'administration, qui ne se limite pas à se prévaloir d'inscriptions sur un compte librement accessible à M. A... mais fait état de flux financiers correspondants au profit de l'intéressé, doit être regardée comme établissant le désinvestissement par la SAS Universel Sécurité, puis l'appréhension des sommes en cause par M. A.... Ce dernier, qui, ainsi qu'il a été dit au point 6, supporte la charge de la preuve du caractère exagéré des impositions en litige, se borne à faire état de ce qu'il n'est pas un dirigeant, ni même un associé de la SAS Universel Sécurité, mais seulement un salarié de cette société, pour soutenir qu'il n'aurait pas appréhendé l'intégralité des sommes en cause. Toutefois, la qualité de salarié qui est celle de M. A... ne fait pas, par elle-même, obstacle à l'imposition des sommes en cause, entre ses mains, sur le fondement des dispositions du c. de l'article 111 du code général des impôts, sur lesquelles l'administration a exclusivement fondé les impositions et contributions en litige, et non sur celles de l'article 109 de ce code. En outre, l'intéressé, qui n'allègue pas que les sommes qu'il a perçues correspondraient à un complément de salaire, n'apporte aucun élément au soutien de son assertion selon laquelle il n'aurait effectivement appréhendé qu'une partie des sommes en cause. Par suite, c'est à bon droit que ces sommes ont été intégralement réintégrées aux revenus imposables de M. A... au titre des années 2013 et 2014 et qu'elles ont été soumises, sur le fondement du c. de l'article 111 du code général des impôts, à l'impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions qu'il présente sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera transmise à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.
Délibéré après l'audience publique du 17 novembre 2022 à laquelle siégeaient :
- M. Christian Heu, président de chambre,
- M. Mathieu Sauveplane, président-assesseur,
- M. Jean-François Papin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er décembre 2022.
Le rapporteur,
Signé : J.-F. PapinLe président de chambre,
Signé : C. Heu
La greffière,
Signé : S. Pinto Carvalho
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
La greffière,
Suzanne Pinto Carvalho
1
2
N°21DA01243
1
3
N°"Numéro" |
JADE/CETATEXT000046690049.xml | Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 23 avril 2021 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours.
Par un jugement n°2104865 du 19 octobre 2021, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 17 novembre 2021, Mme A... B..., représentée par Me Bochnakian, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 19 octobre 2021 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 23 avril 2021 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'arrêté contesté est entaché d'un défaut d'examen particulier de sa demande, dès lors qu'il n'est pas fait mention de sa fille de nationalité française née le 13 octobre 2019 ;
- elle peut bénéficier de plein droit d'un certificat de résidence portant la mention vie privée et familiale en sa qualité de mère d'enfant français, en application de l'article 6-4 de l'accord franco-algérien ;
- l'arrêté contesté méconnaît les stipulations de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien, de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elle a subi des violences conjugales, à l'origine de la rupture de la vie commune avec son mari, lors de sa grossesse.
Une mise en demeure a été adressée le 31 août 2022 au préfet des Bouches-du-Rhône, qui n'a pas présenté d'observations.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme D...,
- et les observations de Me Bochnakian pour Mme B....
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... relève appel du jugement du 19 octobre 2021 du tribunal administratif de Marseille rejetant sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 23 avril 2021 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes des stipulations de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) 4) au ressortissant algérien ascendant direct d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il exerce même partiellement l'autorité parentale à l'égard de cet enfant ou qu'il subvienne effectivement à ses besoins. Lorsque la qualité d'ascendant direct d'un enfant français résulte d'une reconnaissance de l'enfant postérieure à la naissance, le certificat de résidence d'un an n'est délivré au ressortissant algérien que s'il subvient à ses besoins depuis sa naissance ou depuis au moins un an ; (...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier que Mme B..., de nationalité algérienne, a épousé le 7 janvier 2017 à Coignières (Yvelines) M. C..., ressortissant algérien né en 1958 et résidant régulièrement en France, puis qu'entrée régulièrement en France le 26 novembre 2018 pour y rejoindre son époux, elle a obtenu un premier certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " valable du 4 janvier 2019 au 3 janvier 2020. Elle a sollicité le 28 octobre 2019 le renouvellement de son titre de séjour sur le fondement de sa vie privée et familiale, en indiquant, d'une part, qu'elle était désormais séparée de son époux et, d'autre part, qu'elle était mère d'une enfant de nationalité française, issue de son union avec son époux, née le 13 octobre 2019 à Avignon. Il ressort des pièces du dossier et il n'est au demeurant pas contesté par le préfet que la fille de Mme B... possède la nationalité française. Il ressort en outre des pièces du dossier que Mme B..., qui a la qualité d'ascendante directe d'un enfant français depuis la naissance de sa fille, exerce l'autorité parentale et subvient aux besoins de sa fille avec laquelle elle vit. Par suite, la délivrance d'un certificat de résidence d'un an en qualité de parent d'un enfant français ne pouvait lui être refusée. Dans ces conditions, en refusant de lui délivrer le titre de séjour sollicité, le préfet des Bouches-du-Rhône a méconnu les stipulations précitées de l'article 6 de l'accord franco-algérien.
4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par son jugement du 19 octobre 2021, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 23 avril 2021 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
5. Eu égard à ses motifs et dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'un changement dans les circonstances de droit ou de fait se rapportant à la situation de Mme B... y ferait obstacle, le présent arrêt implique nécessairement que le préfet des Bouches-du-Rhône délivre à l'intéressée un certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale ", dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
6. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre des frais exposés par Mme B... et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n°2104865 du 19 octobre 2021 du tribunal administratif de Marseille et l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 23 avril 2021 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône de délivrer à Mme B... un certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 200 euros à Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 21 novembre 2022, où siégeaient :
- M. Bocquet, président,
- Mme Vincent, présidente assesseure,
- Mme Balaresque, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 décembre 2022.
N° 21MA04434 2 |
JADE/CETATEXT000046690061.xml | Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société par actions simplifiée (SAS) Dounor a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la réduction des cotisations supplémentaires de cotisation foncière des entreprises et de " taxes annexes " auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2011 à 2016 dans les rôles de la commune de Neuville-en-Ferrain. Par une réclamation transmise d'office au tribunal administratif de Lille par l'administration fiscale en application de l'article R. 199-1 du livre des procédures fiscales, la SAS Dounor a demandé la réduction de la cotisation foncière des entreprises et des " taxes annexes " auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2017 dans les rôles de la commune de Neuville-en-Ferrain.
Par un jugement no 1801769, 1901773 du 18 décembre 2020, le tribunal administratif de Lille, après avoir joint ces deux demandes, a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions aux fins de décharge des impositions en litige à concurrence des dégrèvements, en droits, des impositions supplémentaires de cotisation foncière des entreprises, prononcés au titre des années 2011, 2012, 2013, 2014 et 2015, ainsi que des dégrèvements d'impositions initiales de cotisation foncière des entreprises, prononcés au titre des années 2015, 2016 et 2017, et a rejeté le surplus des conclusions de ces demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 5 février 2021 et 9 décembre 2021, la SAS Dounor, représentée par la SCP Nicolaÿ - de Lanouvelle - Hannotin, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions de sa demande tendant à la décharge de la cotisation foncière des entreprises à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2017 ;
2°) de prononcer la décharge de l'imposition demeurant en litige en ramenant le montant de la cotisation foncière des entreprises due au titre de l'année 2017 à la somme de 67 289 euros ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'administration ne démontre pas la nécessité de majorer de 40 % la valeur locative du local référencé sous l'invariant n°0932316J sur le fondement de l'article 324 AA de l'annexe III au code général des impôts ;
- ces ajustements ne sont pas justifiés dès lors que les caractéristiques générales du local-type sont de meilleure qualité que celles de l'usine qu'elle exploite ;
- l'administration fiscale ne pouvait imposer, au titre des années 2011 à 2016, les aménagements fonciers réalisés par elle en appliquant la méthode comptable en sus de l'évaluation faite par comparaison ;
- cette méthode conduit à une double imposition des aménagements réalisés ;
- elle est en droit de se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des paragraphe 100 et 110 de la documentation administrative BOI-TF-TFB-20-10-50-20-20121210 ;
- la réduction de la valeur locative au titre des années 2011 à 2016 implique que les mécanismes de " planchonnement " et de " lissage " prévus à l'article 34 de la loi n° 2010-1658 du 29 décembre 2010 soient appliqués en tenant compte de bases régulières d'imposition pour l'année 2017.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 juillet 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la SAS Dounor ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 19 janvier 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 28 février 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- la loi n° 2010-1658 du 29 décembre 2010, notamment son article 34 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Bertrand Baillard, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société par actions simplifiée (SAS) Dounor a pour activité la production de voile non tissé dans le domaine de l'hygiène. Elle exerce son activité au sein d'un établissement situé à Neuville-en-Ferrain, dont la société civile immobilière (SCI) du 30-32 rue du Vertuquet est propriétaire. Le 18 juillet 2014, l'administration fiscale a adressé à la SCI du 30-32 rue du Vertuquet et à la SAS Dounor deux propositions de rectifications relatives, pour la première, à la taxe foncière sur les propriétés bâties, et, pour la seconde, à la contribution foncière des entreprises, en raison d'une sous-évaluation de la valeur locative des biens loués à la SAS Dounor, laquelle sert de base à ces deux impositions, pour les années 2011 à 2016. Cette société a ensuite été destinataire d'un nouvel avis d'imposition relatif à la cotisation foncière des entreprises due au titre de l'année 2017. La SAS Dounor relève appel du jugement du 18 décembre 2020 en tant que, par ce jugement, le tribunal administratif de Lille a rejeté le surplus des conclusions de sa demande tendant à la réduction de la cotisation supplémentaire de contribution foncière des entreprises mise à sa charge au titre de l'année 2017.
Sur le bien-fondé de l'imposition en litige :
2. Aux termes de l'article 1467 du code général des impôts : " La cotisation foncière des entreprises a pour base la valeur locative des biens passibles d'une taxe foncière situés en France, à l'exclusion des biens exonérés de taxe foncière sur les propriétés bâties en vertu des 11° et 12° de l'article 1382, dont le redevable a disposé pour les besoins de son activité professionnelle pendant la période de référence définie aux articles 1467 A et 1478, à l'exception de ceux qui ont été détruits ou cédés au cours de la même période. / (...) / La valeur locative des biens passibles d'une taxe foncière est calculée suivant les règles fixées pour l'établissement de cette taxe. / (...) ".
En ce qui concerne l'évaluation de la valeur locative pour les années 2011 à 2016 :
S'agissant de l'application de l'article 324 AA de l'annexe III du code général des impôts :
3. Aux termes de l'article 1498 du code général des impôts, dans sa rédaction alors en vigueur : " La valeur locative de tous les biens autres que les locaux visés au I de l'article 1496 et que les établissements industriels visés à l'article 1499 est déterminée au moyen de l'une des méthodes indiquées ci-après : / (...) / 2° a. Pour les biens loués à des conditions de prix anormales ou occupés par leur propriétaire, occupés par un tiers à un autre titre que la location, vacants ou concédés à titre gratuit, la valeur locative est déterminée par comparaison. / Les termes de comparaison sont choisis dans la commune. Ils peuvent être choisis hors de la commune pour procéder à l'évaluation des immeubles d'un caractère particulier ou exceptionnel ; / b. La valeur locative des termes de comparaison est arrêtée : / Soit en partant du bail en cours à la date de référence de la révision lorsque l'immeuble type était loué normalement à cette date, / Soit, dans le cas contraire, par comparaison avec des immeubles similaires situés dans la commune ou dans une localité présentant, du point de vue économique, une situation analogue à celle de la commune en cause et qui faisaient l'objet à cette date de locations consenties à des conditions de prix normales. / 3° A défaut de ces bases, la valeur locative est déterminée par voie d'appréciation directe. ".
4. Aux termes de l'article 324 AA de l'annexe III au code général des impôts, alors en vigueur : " La valeur locative cadastrale des biens loués à des conditions anormales ou occupés par leur propriétaire, occupés par un tiers à un titre autre que celui de locataire, vacants ou concédés à titre gratuit est obtenue en appliquant aux données relatives à leur consistance - telles que superficie réelle, nombre d'éléments - les valeurs unitaires arrêtées pour le type de la catégorie correspondante. Cette valeur est ensuite ajustée pour tenir compte des différences qui peuvent exister entre le type considéré et l'immeuble à évaluer, notamment du point de vue de la situation, de la nature de la construction, de son état d'entretien, de son aménagement, ainsi que de l'importance plus ou moins grande de ses dépendances bâties et non bâties si ces éléments n'ont pas été pris en considération lors de l'appréciation de la consistance. ". Lorsque, pour arrêter la valeur locative de l'immeuble à évaluer, l'administration, faisant application de la méthode par comparaison, retient valablement un local-type inscrit au procès-verbal des opérations de révision foncière d'une commune, il lui appartient, par application du coefficient prévu à l'article 324 AA de l'annexe III au code général des impôts, d'ajuster la valeur locative afin de tenir compte des différences entre le terme de comparaison et l'immeuble à évaluer.
5. Il résulte de l'instruction que la valeur locative du local appartenant à la SCI du 30-32 rue du Vertuquet sous la référence n° 0932316 J, correspondant à quatre ateliers et à des parkings donnés en location à la SAS Dounor, a été évaluée selon la méthode comparative prévue à l'article 1498 du code général des impôts par référence au local-type n° 3 du procès-verbal 6670-U de la commune de Neuville-en-Ferrain établi le 12 mars 2002. La valeur locative de ce local-type n° 3, d'une superficie de 36 870 m² pour une superficie totale pondérée de 31 588 m² et hébergeant un laboratoire de fabrication de cosmétiques, a elle-même été évaluée par rapport à un local-type n° 6 situé à Tourcoing, évalué en 1971, qui correspond à un atelier de confection de tabliers d'une surface réelle de 3 830 m² dont la surface pondérée totale a été arrêtée à 2 872 m². La valeur locative du local n° 3 a ainsi été évaluée à un tarif unitaire de 3,16 euros par m², en pratiquant deux ajustements à la hausse de 20 % pour prendre en compte, d'une part, la différence de situation du local n° 3 par rapport au local n° 6 et, d'autre part, la différence d'état entre les deux locaux.
6. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent que, contrairement à ce que soutient la SAS Dounor, l'administration fiscale a déterminé la valeur locative de l'invariant n° 0932316 J selon la méthode comparative par référence au local-type n °3 sans appliquer d'ajustement à la valeur locative de ce dernier. Dès lors, la société requérante, qui ne conteste au demeurant pas le choix de ce local type, ne peut utilement soutenir que c'est à tort que l'administration aurait ajusté à la hausse la valeur locative du local-type n° 3 pour tenir compte des différences entre ce local et le local dont elle est locataire.
S'agissant de l'application de la méthode prévue à l'article 1499 du code général des impôts pour l'évaluation de la valeur locative des immobilisations industrielles :
7. D'une part, aux termes de l'article 1381 du code général des impôts : " Sont également soumis à la taxe foncière sur les propriétés bâties : / 1° (...) les ouvrages en maçonnerie présentant le caractère de véritables constructions tels que (...) les ouvrages servant de support aux moyens matériels d'exploitation ; / ". D'autre part, aux termes de l'article 1494 du code général des impôts : " La valeur locative des biens passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties, de la taxe d'habitation ou d'une taxe annexe établie sur les mêmes bases est déterminée, conformément aux règles définies par les articles 1495 à 1508, pour chaque propriété ou fraction de propriété normalement destinée à une utilisation distincte. ". L'article 324 A de l'annexe III au code général des impôts dispose : " Pour l'application de l'article 1494 du code général des impôts, on entend: / 1° Par propriété normalement destinée à une utilisation distincte : / (...) / b) En ce qui concerne les établissements industriels, l'ensemble des sols, terrains, bâtiments et installations qui concourent à une même exploitation et font partie du même groupement topographique; / 2° Par fraction de propriété normalement destinée à une utilisation distincte, lorsqu'ils sont situés dans un immeuble collectif ou un ensemble immobilier : / (...) / b) L'établissement industriel dont les éléments concourent à une même exploitation. / (...) ". Aux termes du premier alinéa de l'article 1499 du même code : " La valeur locative des immobilisations industrielles passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties est déterminée en appliquant au prix de revient de leurs différents éléments, revalorisé à l'aide des coefficients qui avaient été prévus pour la révision des bilans, des taux d'intérêt fixés par décret en Conseil d'Etat. ". De plus, il résulte des dispositions de l'article 1500 du code général des impôts que, dès lors que le propriétaire ou l'exploitant de bâtiments ou de terrains industriels passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties est soumis aux obligations déclaratives définies à l'article 53 A et que ces immobilisations industrielles figurent à l'actif de son bilan, la valeur locative de ces immobilisations est établie selon les règles fixées à l'article 1499 du même code. Néanmoins, lorsque le propriétaire de ces bâtiments ou terrains industriels n'est pas soumis aux obligations prévues à l'article 53 A, à la différence de l'exploitant, et que ce dernier n'a inscrit à l'actif de son bilan qu'une partie des immobilisations afférentes à ces bâtiments ou terrains sans que cette inscription partielle procède d'une méconnaissance, par celui-ci, de ses obligations comptables, il y a lieu de n'appliquer la méthode comptable définie à l'article 1499 du code général des impôts qu'à ces seuls éléments et de procéder, pour l'évaluation de la partie qui ne figure pas à l'actif du bilan de l'exploitant, selon la méthode prévue à l'article 1498 du code général des impôts, alors même que l'ensemble formerait une propriété destinée à une même utilisation, au sens des articles 1494 du code général des impôts et 324 A de l'annexe III à ce code.
8. En premier lieu, dès lors que l'administration fiscale a considéré que la situation des biens appartenant à la SCI du 30-32 rue du Vertuquet et loués à la SAS Dounor relevaient de l'hypothèse évoquée au point précédent, elle a pu, sans méconnaître l'article 1494 du code général des impôts, combiner la méthode prévue à l'article 1498 du code général des impôts avec la méthode comptable définie à l'article 1499 du même code pour évaluer la valeur locative de ces biens.
9. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction qu'entre 1997 et 2011, la SAS Dounor, qui est soumise aux obligations déclaratives définies à l'article 53 A du code général des impôts, a procédé à la réalisation de travaux consistant en particulier en l'installation d'extrudeuses sur cinq de ses lignes de production, lesquelles sont ancrées au sol, et qui ont nécessité des travaux de génie civil tels que terrassement, établissement de fondations, caniveaux, découpe de macadam, renforts sous-terrain, dallage, ces travaux ayant été portés à l'actif de son bilan. Par ailleurs, il résulte également de l'instruction et des propres écritures de la SAS Dounor que la SCI du 30-32 du Vertuquet est devenue propriétaire de ces installations dès leur réalisation, en application des clauses du contrat de bail liant ces deux sociétés. Dès lors, c'est à bon droit que l'administration fiscale a fait application des principes évoqués aux points 7 et 8 pour évaluer la valeur locative des biens dont la SAS Dounor est locataire.
10. En troisième lieu, l'administration fait valoir, sans être sérieusement contredite, que la méthode de l'article 1498 du code général des impôts et celle de l'article 1499 du même code ont été appliquées sur des éléments différents de la propriété de la SCI du 30-32 du Vertuquet mis en location à la SAS Dounor. Dès lors, cette dernière n'est pas fondée à soutenir que l'application de ces deux méthodes conduit à ce qu'elle soit doublement imposée.
11. En quatrième lieu, la SAS Dounor n'est pas fondée à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de la documentation administrative de base 6 C 2521 n° 2 reprise au BOI-TF-TFB-20-10-50-20-20121210, n°s 100 et 110, celle-ci ne comportant pas une interprétation de la loi fiscale différente de celle dont le présent arrêt fait application.
En ce qui concerne la cotisation foncière des entreprises due au titre de l'année 2017 :
12. Il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 11 que la valeur locative servant de base à la cotisation foncière des entreprises à laquelle a été assujettie la SAS Dounor au titre des années 2011 à 2016 n'a pas été inexactement évaluée. Dès lors, et en tout état de cause, cette dernière n'est pas fondée à demander la réduction du montant de la cotisation foncière des entreprises à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2017, après application des mécanismes de lissage prévus par l'article 34 de la loi n° 2010-1658 du 29 décembre 2010, en se référant à des bases régulières.
13. Il résulte de tout ce qui précède que la SAS Dounor n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté le surplus des conclusions de sa demande tendant à la réduction des impositions demeurant en litige.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
14. L'Etat n'étant pas partie perdante à l'instance, les conclusions de la SAS Dounor tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SAS Dounor est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à SAS Dounor et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera transmise à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.
Délibéré après l'audience publique du 17 novembre 2022 à laquelle siégeaient :
- M. Christian Heu, président de chambre,
- M. Mathieu Sauveplane, président-assesseur,
- M. Bertrand Baillard, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er décembre 2022.
Le rapporteur,
Signé : B. BaillardLe président de chambre,
Signé : C. Heu
La greffière,
Signé : S. Pinto Carvalho
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
La greffière,
Suzanne Pinto Carvalho
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N°21DA00250
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N°"Numéro" |
JADE/CETATEXT000046690060.xml | Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2013 à 2015 ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2015.
Par un jugement n° 1709651 du 27 novembre 2020, le tribunal administratif de Lille, par les articles 1 et 2 de ce jugement, a réduit la base de l'impôt sur le revenu assignée à M. C... au titre de l'année 2015 à concurrence de la somme de 15 390,91 euros hors taxes dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux et prononcé la décharge, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu mise à la charge de l'intéressé au titre de l'année 2015 à concurrence de cette réduction de la base d'imposition, par l'article 3 dudit jugement, a réduit, en droits et pénalités, le rappel de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de M. C... au titre de la période correspondant à l'année 2015 à concurrence de la taxe sur la valeur ajoutée déductible sur les achats à concurrence de 14 802,91 euros et, par l'article 4, a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 27 janvier 2021 et le 30 août 2021, M. C..., représenté par Me Matton, demande à la cour :
1°) d'annuler l'article 4 du jugement du 27 novembre 2020 du tribunal administratif de Lille ;
2°) de prononcer la décharge des impositions demeurant en litige ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- c'est à l'administration d'apporter la preuve qu'elle a accompli les formalités obligatoires préalables à l'examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle ;
- l'administration n'apporte pas davantage la preuve de ce qu'elle l'aurait informé de la possibilité de saisir la commission départementale des impôts et des taxes sur le chiffre d'affaires ;
- à défaut d'avoir sollicité le mandataire judiciaire, l'administration ne détenait pas les éléments nécessaires pour justifier la taxation d'office ;
- il ne détenait plus les pièces comptables qui avaient été remises au mandataire judiciaire ;
- la procédure de taxation d'office est injustifiée ;
- il est fondé à demander la prise en compte, au titre des charges, d'une somme de 21 623,41 euros HT réglée au moyen du compte bancaire et d'une somme de 27 782,98 euros HT réglée en espèces au titre des factures Sanelec ;
- les factures 39, 39-1, 39-2, 39-3, 39-4, 39-5 ont fait l'objet d'un seul règlement globalisé de 5 717,99 euros figurant sur le relevé bancaire et doivent être prises en compte en déduction de la base imposable ; la taxe sur la valeur ajoutée grevant ces factures est déductible ;
- s'agissant de la facture 52 portant sur une somme de 1 375,52 euros, un acompte de 500 euros a été réglé et le paiement du solde apparait sur le relevé bancaire ;
- les factures 62 à 125 sont en lien avec l'activité d'électricien qu'il exerçait à titre individuel au cours de l'année 2015 ; elles sont pour la plupart d'un faible montant, ce qui justifie qu'elles puissent être acquittées en espèces ;
- la charge de 13 394 euros correspondant à des frais de déplacement est justifiée et doit être prise en compte en déduction de la base imposable ;
- la taxe sur la valeur ajoutée grevant les autres factures de son fournisseur Sanelec est déductible ;
- les pénalités dont ont été assortis les droits en litige sont dépourvues de fondement.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 juillet 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut, d'une part, au rejet de la requête de M. C..., d'autre part, par la voie de l'appel incident, à l'annulation des articles 1 et 2 du jugement du 27 novembre 2020 du tribunal administratif de Lille.
Il soutient que :
- le tribunal n'a pas tenu compte des charges évaluées forfaitairement par le service à hauteur de 20 300 euros ; or, la somme de 15 390 euros retenue par le tribunal est inférieure au montant des charges retenues par le service et fait double emploi avec les charges ainsi retenues par le service à titre forfaitaire ;
- les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 14 juin 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 15 juillet 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Sauveplane, président assesseur,
- les conclusions de M. Arruebo-Mannier, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. C... a fait l'objet d'un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle à l'issue duquel l'administration a réintégré dans la base imposable à l'impôt sur le revenu des rémunérations versées par l'EURL Electric Services, dont il était le gérant. L'administration a procédé, parallèlement, à une vérification de comptabilité de l'activité individuelle d'électricien exercée par M. C... à l'issue de laquelle, après avoir dressé un procès-verbal d'opposition à contrôle fiscal le 21 février 2017, elle a reconstitué le bénéfice industriel et commercial de cette activité, imposable à l'impôt sur le revenu au titre des exercices 2014 et 2015, ainsi que la taxe sur la valeur ajoutée due au titre de la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2015. En conséquence, l'administration a assujetti M. C... à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu au titre des années 2013 à 2015 et à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2015, assortis de pénalités, en suivant la procédure d'imposition d'office prévue à l'article L. 74 du livre des procédures fiscales en cas d'opposition à contrôle fiscal. Par un jugement du 27 novembre 2020, le tribunal administratif de Lille a réduit le bénéfice industriel et commercial de l'année 2015 à concurrence de la somme de 15 390,91 euros hors taxes et prononcé la réduction du rappel de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de M. C... au titre de l'année 2015 à hauteur de 14 802,91 euros. M. C... relève appel de l'article 4 de ce jugement qui a rejeté le surplus des conclusions de sa demande aux fins de décharge. Le ministre, par la voie de l'appel incident, demande l'annulation des articles 1 et 2 de ce jugement par lesquels les premiers juges ont prononcé la réduction des bases imposables à l'impôt sur le revenu assignées à M. C... au titre de l'année 2015.
Sur la régularité de la procédure :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales : " Un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle d'une personne physique (...) ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification (...) ". Une notification d'avis de vérification, pour être régulière, doit être effectuée à la dernière adresse communiquée par le contribuable à l'administration fiscale. En cas de changement de domicile, il appartient au contribuable d'établir qu'il a fait les diligences nécessaires pour informer l'administration de sa nouvelle adresse ou pour faire suivre son courrier.
3. Il résulte de l'instruction que l'avis d'examen contradictoire de l'ensemble de la situation fiscale personnelle de M. C... au regard de l'impôt sur le revenu, en date du 11 juillet 2016, a été envoyé par pli recommandé à la dernière adresse de l'intéressé connue du service, au 844 bois d'Achelles à Roncq. Le pli contenant cet avis a été retourné au service avec la mention " destinataire inconnu à l'adresse ". A la suite de recherches effectuées par l'administration, ce même avis a été réexpédié à la nouvelle adresse de M. C... le 19 juillet 2016 sur la commune de Wimy et a été retourné au service avec la mention " refusé ". Dès lors, l'administration doit être regardée comme établissant avoir notifié le pli contenant l'avis d'examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle du contribuable à la dernière adresse connue de M. C..., communiquée par ce dernier dans son avis d'ensemble de revenus de l'année 2015 comme étant son adresse au 1er janvier 2016. Il suit de là que M. C... n'est pas fondé à soutenir que l'avis de vérification en cause ne lui aurait pas été régulièrement notifié, ni, par suite, que la procédure d'imposition serait entachée d'irrégularité pour ce motif.
4. En deuxième lieu, le recours à la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires est exclu en cas de mise en œuvre d'une procédure d'imposition d'office autre que celle prévue par l'article L. 69 du livre des procédures fiscales. Or, l'administration a suivi, en l'espèce, la procédure d'office prévue à l'article L. 74 du livre des procédures fiscales. Par suite, le moyen tiré par M. C... de ce qu'il n'a pas été informé de la possibilité de saisir la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires est inopérant et doit être écarté.
5. En troisième lieu, si le requérant soutient qu'à défaut d'avoir sollicité le mandataire judiciaire, l'administration ne détenait pas les éléments nécessaires pour justifier la taxation d'office, il est constant que l'administration a dressé le 21 février 2017 un procès-verbal d'opposition à contrôle fiscal, et appliqué la procédure d'évaluation d'office prévue à l'article L. 74 du livre des procédures fiscales qui la dispensait de solliciter le mandataire judiciaire, à supposer même que celui-ci ait détenu les documents comptables de M. C.... Dès lors, le moyen doit être écarté.
Sur le bien-fondé des impositions supplémentaires demeurant en litige :
En ce qui concerne la charge de la preuve :
6. Aux termes de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition. ". Aux termes de l'article R. 193-1 du même livre : " Dans le cas prévu à l'article L. 193 le contribuable peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition mise à sa charge en démontrant son caractère exagéré. ". L'administration ayant suivi en l'espèce la procédure d'office prévue à l'article L. 74 du livre des procédures fiscales, la charge de la preuve de l'exagération des bases d'imposition incombe à M. C....
En ce qui concerne la rectification au titre des salaires :
7. Il résulte des mentions de la proposition de rectification adressée à M. C... que les éléments portés sur la déclaration de résultats déposée par l'EURL Electric Services au titre de l'exercice clos en 2013 faisait état du versement d'une rémunération à M. C... pour ses fonctions de gérant que ce dernier n'a cependant pas déclarée. L'administration a donc inclus les rémunérations versées par l'EURL Electric Services dans le revenu imposable de M. C... à titre de rémunération de gérance sur le fondement de l'article 62 du code général des impôts. En se bornant à soutenir qu'il ne détenait plus les pièces comptables sur cette période au motif qu'elles avaient été remises au mandataire judiciaire, le requérant n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, de l'exagération des bases d'imposition retenues d'office par l'administration au titre des salaires.
En ce qui concerne la rectification au titre des bénéfices industriels et commerciaux de l'année 2015 :
8. Aux termes de l'article 39 du code général des impôts : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : / 1° Les frais généraux de toute nature, les dépenses de personnel et de main-d'œuvre, le loyer des immeubles dont l'entreprise est locataire. / (...) ".
9. Il résulte des mentions de la proposition de rectification du 27 mars 2017 adressée à M. C... que l'administration a procédé à la reconstitution du chiffre d'affaires de l'activité de ce dernier pour l'exercice 2015 en retenant un chiffre d'affaires de 66 900 euros, évalué d'après le montant des encaissements, duquel elle a soustrait des charges évaluées forfaitairement, en l'absence de toute justification, à hauteur de 22 300 euros, soit le tiers du chiffre d'affaires. M. C... demande la prise en compte de diverses factures numérotées de 1 à 125.
10. En premier lieu, d'une part, si les premiers juges ont admis que les factures numérotées de 1 à 38, de 40 à 51 et de 53 à 64 d'un montant cumulé de 15 390 euros HT, pouvaient être admises en déduction, ce montant reste toutefois inférieur au montant des charges, évaluées forfaitairement, admises en déduction par l'administration à hauteur de 22 300 euros. D'autre part, s'agissant des factures 39, 39-1, 39-2, 39-3, 39-4 et 39-5, si M. C... soutient qu'elles ont fait l'objet d'un règlement global de 5 717,99 euros qui figurait bien sur le relevé bancaire du compte auprès de l'établissement financier " Nickel ", l'administration fait toutefois valoir que le montant cumulé de ces factures est de 5 857,98 euros et non de 5 717,99 euros et que ce montant n'est pas identifiable sur le relevé bancaire. S'agissant de la facture 52, si M. C... allègue avoir réglé cette facture par voie d'un acompte de 500 euros et fait valoir que le solde de 875,76 euros apparait sur le relevé bancaire, il n'établit pas avoir payé cet acompte de 500 euros alors que le débit de 875,76 euros, le 28 octobre 2014, mentionne un achat réglé par carte. Enfin, s'agissant des factures 65 à 125, aucune trace de paiement correspondant à ces factures ne peut être identifiée sur les relevés bancaires et si M. C... allègue un paiement en espèces de ces factures, il ne l'établit pas. Dès lors, M. C... n'est pas fondé à demander la prise en compte d'une somme de 21 623,41 euros hors taxes au titre d'un règlement via le compte bancaire et d'une somme de 27 782,98 euros hors taxes au titre d'un règlement en espèces.
11. En second lieu, si le requérant soutient qu'une charge de 13 394 euros au titre des frais de déplacement est justifiée, il se borne à de simples allégations, alors que la charge de la preuve lui incombe. En particulier, il n'apporte aucun élément de nature à justifier la réalité des déplacements allégués ni leur caractère professionnel. Par suite, le moyen doit être écarté.
En ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée déductible :
12. Aux termes du 1 du I. de l'article 271 du code général des impôts : " La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe à la valeur ajoutée applicable à cette opération ". Aux termes du II du même article : " 1. Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de leurs opérations imposables, et à la condition que ces opérations ouvrent droit à déduction, la taxe dont les redevables peuvent opérer la déduction est, selon le cas : / a) Celle qui figure sur les factures établies conformément aux dispositions de l'article 289 et si la taxe pouvait légalement figurer sur lesdites factures ; / (...) ".
13. Le tribunal administratif de Lille a, par l'article 3 du jugement attaqué, prononcé la réduction du rappel de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de M. C... à concurrence de la taxe sur la valeur ajoutée déductible sur les achats à hauteur de 14 802,91 euros. Si M. C... soutient que les autres charges dont la déductibilité doit être admise au titre des bénéfices industriels et commerciaux doivent, elles aussi, ouvrir droit à déductibilité de la taxe sur la valeur ajoutée, il se borne, sur ce point, à de simples allégations et n'établit pas que les factures de biens ont été utilisées pour les besoins des opérations imposables de son activité d'électricien. Dès lors, le moyen doit être écarté.
Sur les pénalités :
14. Aux termes de l'article 1732 du code général des impôts : " La mise en œuvre de la procédure d'évaluation d'office prévue à l'article L. 74 du livre des procédures fiscales entraîne : / a. L'application d'une majoration de 100 % aux droits rappelés ou aux créances de nature fiscale qui doivent être restituées à l'Etat ; / (...) ".
15. Pour justifier l'application de la majoration de 100 % prévue au a. de l'article 1732 du code général des impôts, l'administration fait valoir que M. C... ne s'est pas rendu disponible aux réunions proposées par le vérificateur et s'est abstenu de répondre utilement aux deux mises en garde qui lui ont été adressées le 2 janvier 2017 et le 23 janvier 2017. En conséquence de ce comportement, elle a dressé, le 21 février 2017, un procès-verbal d'opposition à contrôle fiscal. Or, il résulte de ce qui a été dit au point 5 que l'administration a régulièrement mis en œuvre la procédure d'évaluation d'office prévue à l'article L. 74 du livre des procédures fiscales. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a assorti les impositions mises à la charge du requérant, de la majoration de 100 % prévue au a. de l'article 1732 du code général des impôts.
16. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille, par l'article 4 de ce jugement, a rejeté le surplus des conclusions de sa demande tendant à la décharge des impositions demeurant en litige.
Sur l'appel incident du ministre :
17. Par les articles 1 et 2 du jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a réduit la base de l'impôt sur le revenu assignée à M. C... au titre de l'année 2015 à concurrence de la somme de 15 390,91 euros hors taxes dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux et l'a déchargé, en conséquence, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2015, ainsi que des pénalités y afférentes. Pour accorder cette réduction de la base imposable assignée à M. C... au titre des bénéfices industriels et commerciaux de l'année 2015, les premiers juges ont estimé que les documents produits par l'intéressé permettaient d'établir que les dépenses exposées pour l'achat d'équipements professionnels, correspondant aux factures numérotées de 1 à 38, de 40 à 51 et de 53 à 64, s'établissaient à 15 390,91 euros hors taxes. Ils ont ainsi déduit du bénéfice imposable de l'activité d'électricien exercée par M. C... les charges constituées par ces achats de matériels et d'équipements pour un montant de 15 390,91 euros hors taxes.
18. Toutefois, pour reconstituer le chiffre d'affaires de l'activité de M. C... au titre de l'exercice 2015, l'administration a retenu un chiffre d'affaires de 66 900 euros, évalué d'après le montant des encaissements, duquel elle a soustrait des charges évaluées forfaitairement, en l'absence de toute justification, à hauteur de 22 300 euros, soit le tiers du chiffre d'affaires. Par suite, le ministre est fondé à soutenir que la somme considérée comme justifiée par les premiers juges à hauteur de 15 390,91 euros hors taxes fait double emploi avec le montant des charges retenu par l'administration à titre forfaitaire, la somme retenue par les premiers juges étant au demeurant d'un montant inférieur au montant forfaitaire retenu par l'administration.
19. Alors qu'aucun autre moyen ne reste à examiner dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel, le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Lille a, par les articles 1 et 2 du jugement attaqué, réduit la base de l'impôt sur le revenu assignée à M. C... au titre de l'année 2015 à concurrence de la somme de 15 390,91 euros hors taxes dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux et l'a déchargé, en conséquence, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2015, ainsi que des pénalités y afférentes, et à demander l'annulation des articles 1 et 2 dudit jugement.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
20. L'Etat n'étant pas partie perdante à l'instance, les conclusions de M. C... tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : Les articles 1 et 2 du jugement n° 1709651 du 27 novembre 2020 du tribunal administratif de Lille sont annulés.
Article 2 : La cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu au titre de l'année 2015, ainsi que les pénalités correspondantes, dont le tribunal administratif de Lille a, par le jugement du 27 novembre 2020, prononcé la décharge à raison de la réduction de la base d'imposition assignée à M. C... à concurrence de la somme de 15 390,91 euros hors taxes dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, sont remises à la charge de M. C....
Article 3 : La requête de M. C... et les conclusions de sa demande accueillies par le tribunal administratif de Lille sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera transmise à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.
Délibéré après l'audience publique du 17 novembre 2022 à laquelle siégeaient :
- M. Christian Heu, président de chambre,
- M. Mathieu Sauveplane, président-assesseur,
- M. D... B..., premier-conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er décembre 2022.
Le président, rapporteur,
Signé : M. SauveplaneLe président de chambre,
Signé : C. Heu
La greffière,
Signé : S. Pinto Carvalho
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
La greffière,
Suzanne Pinto Carvalho
N°21DA00185 2 |
JADE/CETATEXT000046690047.xml | Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet du Var a refusé d'abroger l'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans assortissant l'arrêté du 5 août 2019 portant obligation de quitter le territoire français sans délai pris à son encontre.
Par une ordonnance n°2101986 du 22 juillet 2021, le président de la deuxième chambre du tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 13 septembre 2021, M. D... A..., représentée par Me Fennech, demande à la Cour :
1°) d'annuler l'ordonnance du 22 juillet 2021 ;
2°) d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet du Var a refusé d'abroger la décision du 5 août 2019 lui interdisant le retour sur le territoire national pour une durée de deux ans ;
3°) d'enjoindre au préfet, à titre principal, d'abroger cette décision ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- c'est à tort que le tribunal a rejeté comme irrecevable sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet de sa demande d'abrogation de l'interdiction de retour prise à son encontre le 5 août 2019 ; l'article L. 511-3-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit expressément la possibilité de solliciter une telle abrogation ;
- la décision de rejet de sa demande d'abrogation de l'interdiction de retour prise à son encontre est entachée d'un défaut de motivation ; il a sollicité la communication des motifs de cette décision par courrier du 27 avril 2021 ;
- il est fondé à solliciter l'abrogation de cette décision, dès lors qu'il fait état d'éléments nouveaux, en particulier la naissance le 25 mai 2021 de son enfant, qu'il a reconnu le 6 janvier 2021, fruit de son union avec une ressortissante française.
Une mise en demeure a été adressée le 5 juillet 2022 au préfet du Var, qui n'a pas produit d'observations en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations du public avec l'administration ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme C... a été entendu en audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A... relève appel de l'ordonnance du président de la deuxième chambre du tribunal administratif de Toulon rejetant sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle le préfet du Var a refusé d'abroger l'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans assortissant l'arrêté du 5 août 2019 portant obligation de quitter le territoire français sans délai pris à son encontre.
Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :
2. Aux termes des dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicables à la date d'édiction de l'arrêté contesté : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. / (...) L'autorité administrative peut à tout moment abroger l'interdiction de retour. Lorsque l'étranger sollicite l'abrogation de l'interdiction de retour, sa demande n'est recevable que s'il justifie résider hors de France. Cette condition ne s'applique pas : / (...) 2° Lorsque l'étranger fait l'objet d'une mesure d'assignation à résidence prise en application des articles L. 561-1 ou L. 561-2. / (...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier, d'une part, qu'à la date à laquelle M. B... A... a sollicité l'abrogation de l'interdiction de retour contestée, par courrier recommandé du 12 janvier 2021 reçu en préfecture le 14 janvier 2021, il faisait l'objet d'une assignation à résidence en exécution de l'ordonnance du 1er janvier 2021 du tribunal de grande instance de Marseille et, d'autre part, qu'il se prévalait dans ce courrier d'un changement dans les circonstances de fait relatives à sa situation personnelle, en indiquant que sa compagne, de nationalité française, attendait un enfant pour le mois de mai 2021. Dans ces conditions, la demande d'abrogation de l'interdiction de retour sur le territoire français présentée par M. B... A... était recevable. C'est donc à tort que le président de la deuxième chambre du tribunal administratif de Toulon a rejeté la demande du requérant comme irrecevable pour tardiveté.
4. Il convient d'annuler l'ordonnance attaquée du fait de cette irrégularité et, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de se prononcer immédiatement, par la voie de l'évocation, sur la demande de M. B... A... devant le tribunal.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
5. Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ". Aux termes de l'article L. 232-4 du même code : " Une décision implicite intervenue dans les cas où la décision explicite aurait dû être motivée n'est pas illégale du seul fait qu'elle n'est pas assortie de cette motivation / Toutefois, à la demande de l'intéressé, formulée dans les délais du recours contentieux, les motifs de toute décision implicite de rejet devront lui être communiqués dans le mois suivant cette demande. Dans ce cas, le délai du recours contentieux contre ladite décision est prorogé jusqu'à l'expiration de deux mois suivant le jour où les motifs lui auront été communiqués. ".
6. Le refus implicite qui a été opposé par le préfet du Var à la demande de M. B... A... d'abrogation de la décision du 5 août 2019 portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans constitue une mesure de police qui doit être motivée en application des dispositions précitées de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration. Il ressort des pièces du dossier que, par un courrier recommandé du 27 avril 2021 reçu en préfecture le 3 mai 2021, M. B... A..., par l'intermédiaire de son conseil, a présenté dans le délai de recours contentieux une demande de communication des motifs de la décision implicite de rejet de sa demande présentée le 14 janvier 2021 et que l'administration n'a pas communiqué les motifs dans le délai d'un mois prévu par les dispositions précitées de l'article L. 232-4 du code des relations entre le public et l'administration. Par suite, le requérant est fondé à demander, pour ce motif, l'annulation de la décision implicite de rejet de sa demande d'abrogation de la décision du 5 août 2019 portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.
7. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de la requête, que M. B... A... est fondé à demander l'annulation de la décision implicite par laquelle le préfet du Var a refusé d'abroger l'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans prise à son encontre le 5 août 2019.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
8. Eu égard au motif d'annulation retenu, l'exécution du présent arrêt implique seulement le réexamen de la demande d'abrogation présentée par M. B... A... le 14 janvier 2021. Par suite, il y a lieu d'enjoindre au préfet du Var de procéder à ce réexamen dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit nécessaire d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 800 euros au titre des frais exposés par M. B... A... et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : L'ordonnance n°2101986 du 22 juillet 2021 du président de la deuxième chambre du tribunal administratif de Toulon est annulée.
Article 2 : La décision implicite du préfet du Var rejetant la demande présentée par M. B... A... tendant à l'abrogation de l'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans prise à son encontre le 5 août 2019 est annulée.
Article 3 : Il est enjoint au préfet du Var de procéder au réexamen de la demande d'abrogation présentée par M. B... A... le 14 janvier 2021, dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à M. B... A... une somme de 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet du Var.
Délibéré après l'audience du 21 novembre 2022, où siégeaient :
- M. Bocquet, président,
- Mme Vincent, présidente assesseure,
- Mme Balaresque, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 décembre 2022.
N° 21MA03881 2 |
JADE/CETATEXT000046690068.xml | Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... B..., épouse A..., et la société d'exercice libéral à responsabilité limitée (SELARL) SMJ, son mandataire liquidateur, auquel a succédé la SELARL JSA, ont demandé au tribunal administratif de Rouen, par deux demandes distinctes, de prononcer la décharge de l'obligation de payer, d'une part, les sommes de 365 567,75 euros, 305 739,42 euros et 126 528 euros résultant de neuf saisies administratives à tiers détenteur, d'autre part, les sommes de 373 914,08 euros, 333 232 euros et 86 316 euros résultant de trois saisies administratives à tiers détenteur, décernées, respectivement, les 13 mars 2019 et 15 novembre 2019 par le comptable chargé du pôle de recouvrement spécialisé de l'Eure pour le recouvrement de cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales dues au titre des années 2002 à 2008 et des cotisations de taxe d'habitation et de contribution à l'audiovisuel public dues au titre de l'année 2008.
Par le jugement no 1902836, 2001236 du 29 décembre 2020, le tribunal administratif de Rouen a, d'une part, déchargé Mme A... et la SELARL SMJ de l'obligation de payer les sommes résultant de ces saisies administratives à tiers détenteur à concurrence de la somme de 170 725 euros et, d'autre part, rejeté le surplus des conclusions de ces demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 28 février 2021, Mme A... et la SELARL JSA, représentés par la SELARL Advocare, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il ne leur donne pas entière satisfaction ;
2°) de prononcer la décharge de l'obligation de payer les sommes restant à leur charge résultant des douze saisies administratives à tiers détenteurs en date des 13 mars 2019 et 15 novembre 2019 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que :
- le jugement attaqué est irrégulier dès lors, d'une part, qu'il n'a pas répondu au moyen tiré de ce qu'il n'appartenait pas au tribunal de définir le montant des contributions sociales non recouvrables et donc la quotité des sommes restant dues, d'autre part, qu'il n'a pas été rendu à l'égard de la SELARL JSA ;
- les créances fiscales n'ont pas été déclarées à la procédure de liquidation judiciaire ouverte à l'encontre de Mme A... et sont donc éteintes ;
- ces créances sont prescrites ;
- le tribunal ne pouvait définir le montant des contributions sociales non recouvrables et donc la quotité des sommes restant dues, en lieu et place de l'administration.
Par un mémoire en défense, enregistré le 8 juillet 2021, le comptable public chargé du pôle de recouvrement spécialisé de l'Eure conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme A... et la SELARL JSA, mandataire liquidateur, ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code de commerce ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Bertrand Baillard, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Par notifications effectuées les 13 mars 2019 et 15 novembre 2019, le comptable chargé du pôle de recouvrement spécialisé de l'Eure a informé Mme A... et la société d'exercice libéral à responsabilité limitée (SELARL) SMJ, son premier mandataire liquidateur, de douze saisies administratives à tiers détenteur auprès de plusieurs sociétés, pour différentes créances fiscales relatives aux années 2002 à 2008. Par un jugement du 29 décembre 2020, le tribunal administratif de Rouen a, d'une part, déchargé Mme A... et la SELARL SMJ de l'obligation de payer les sommes résultant de ces saisies administratives à tiers détenteur à concurrence de la somme de 170 725 euros et, d'autre part, rejeté le surplus des conclusions de leurs demandes. Mme A... et la SELARL JSA, mandataire liquidateur nommé le 7 septembre 2020 en remplacement de la SELARL SMJ, relèvent appel de ce jugement en tant qu'il ne leur donne pas entière satisfaction.
Sur la régularité du jugement :
2. En premier lieu, il ressort des points 2 à 4 du jugement attaqué que le tribunal, après avoir rappelé que la solidarité entre époux prévue par les dispositions du 1 de l'article 1685 et du 1° du I de l'article 1691 bis du code général des impôts était spécifique à l'impôt sur le revenu, en a déduit que le paiement de la somme totale de 170 725 euros au titre des rappels de contribution sociale généralisée, de contribution au remboursement de la dette sociale et de prélèvement social assis sur les revenus d'activité de l'époux de Mme A... ne pouvait être recherché à l'encontre de cette dernière. Or, ce montant résultant des écritures de l'administration fiscale, les premiers juges ont ainsi nécessairement écarté le moyen tiré de ce que le tribunal ne pouvait définir le montant des contributions sociales non recouvrables et donc la quotité des sommes restant dues, en lieu et place de l'administration. Mme A... et la SELARL JSA ne sont donc pas fondés à soutenir que le jugement attaqué est entaché d'irrégularité sur ce point.
3. En second lieu, il résulte de l'instruction que le jugement attaqué a été rendu à l'égard de Mme A... et de la SELARL SMJ alors qu'à l'occasion du dernier mémoire produit dans chacune des instances le 26 novembre 2020, la SELARL JSA s'était substituée à la SELARL SMJ. Toutefois, si l'ordonnance du 7 septembre 2020 du président du tribunal de commerce de Versailles nommant la SELARL JSA en remplacement de la SELARL SMJ a été produite devant la cour, elle ne l'avait pas été devant les premiers juges. Par ailleurs, Mme A... et la SELARL JSA n'ont fait état, à aucun moment de la procédure suivie en première instance, de ce remplacement. Enfin, et en tout état de cause, cette circonstance n'a pas préjudicié aux droits de la SELARL JSA qui relève appel du jugement du 29 décembre 2020. Mme A... et la SELARL JSA ne sont donc pas fondés à demander l'annulation de ce jugement pour ce motif.
Sur l'exigibilité des créances en litige :
4. Aux termes de l'article 40 de la loi du 25 janvier 1985 relative au redressement et à la liquidation judiciaires des entreprises, repris à l'article L. 621-32 du code de commerce, dans sa rédaction applicable à la situation de Mme A... : " I. - Les créances nées régulièrement après le jugement d'ouverture sont payées à leur échéance lorsque l'activité est poursuivie. (...) / II. - En cas de liquidation judiciaire, elles sont payées par priorité à toutes les autres créances, à l'exception de celles qui sont garanties par le privilège établi aux articles L. 143-10, L. 143-11, L. 742-6 et L. 751-15 du code du travail, des frais de justice, de celles qui sont garanties par des sûretés immobilières ou mobilières spéciales assorties d'un droit de rétention ou constituées en application du chapitre V du titre II du livre 5. / (...) ".
5. Si Mme A... et la SELARL JSA soutiennent que les créances fiscales en cause n'ont pas été déclarées dans le cadre de la procédure de redressement judiciaire ouverte par le jugement du tribunal de commerce de Versailles du 7 décembre 1999 et seraient donc éteintes, cette circonstance est toutefois sans incidence sur le recouvrement des créances fiscales en litige. Au surplus, il résulte de l'instruction que le comptable public a notifié à la SELARL SMJ, le 7 décembre 2017, la liste des créances non-acquittées nées après l'ouverture, par le jugement du 9 novembre 1999, de la procédure de redressement judiciaire.
Sur la prescription de l'action en recouvrement :
6. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 274 du livre des procédures fiscales, alors applicable : " Les comptables publics des administrations fiscales qui n'ont fait aucune poursuite contre un redevable pendant quatre années consécutives à compter du jour de la mise en recouvrement du rôle ou de l'envoi de l'avis de mise en recouvrement sont déchus de tous droits et de toute action contre ce redevable. " Aux termes de l'article L. 622-25-1 du code de commerce, applicable au cas de M. A... : " La déclaration de créance interrompt la prescription jusqu'à la clôture de la procédure ; elle dispense de toute mise en demeure et vaut acte de poursuites. ". Enfin, il résulte des dispositions de l'article 1691 bis du code général des impôts que l'effet interruptif de prescription d'une déclaration de créances fiscales au passif d'une procédure collective ouverte à l'encontre de l'un des époux s'étend à l'autre époux, quel que soit le régime matrimonial, pour les impositions au paiement desquelles ils sont solidairement tenus.
7. Il résulte de l'instruction que, à la suite de la mise en recouvrement des impositions supplémentaires auxquelles les époux A... ont été assujettis, ces derniers ont présenté, au cours de des années 2009 et 2010, des réclamations préalables assorties de demandes de sursis en paiement, puis ont sollicité la décharge de ces impositions auprès du tribunal administratif de Rouen par deux requêtes portant, d'une part, sur les années 2000 à 2005 et, d'autre part, sur les années 2006 et 2007. Le délai de prescription de quatre ans s'est donc trouvé suspendu s'agissant de ces créances pendant la durée des instances devant le tribunal administratif, jusqu'à la lecture des jugements rendus, respectivement, le 13 juillet 2010 et le 21 mars 2013. Parallèlement, l'ensemble des dettes fiscales a fait l'objet d'une déclaration de créance auprès du mandataire en charge de la procédure de liquidation judiciaire de M. A... ouverte par un jugement du 12 décembre 2011 du tribunal de grande instance d'Evreux. En application des dispositions précitées de l'article L. 622-25-1 du code de commerce, le délai de prescription a été interrompu à l'égard des époux A... jusqu'au jugement prononçant la clôture de cette procédure, le 17 mai 2018. La notification des douze saisies administratives à tiers détenteur, en date des 12 mars 2019 et 15 novembre 2019, qui a été faite auprès de la SELARL SMJ, alors mandataire en charge de la procédure de liquidation concernant Mme A..., est intervenue dans le délai de quatre ans suivant le 17 mai 2018. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance du délai de prescription prévu à l'article L. 274 du livre des procédures fiscales doit être écarté.
8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... et, en tout état de cause, la SELARL JSA ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté le surplus des conclusions de leurs demandes. Par voie de conséquence, leurs conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... et de la SELARL JSA est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B..., épouse A..., à la SELARL JSA et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera transmise au comptable public chargé du pôle de recouvrement spécialisé de l'Eure et à la directrice régionale des finances publiques des Hauts de France.
Délibéré après l'audience publique du 17 novembre 2022 à laquelle siégeaient :
- M. Christian Heu, président de chambre,
- M. Mathieu Sauveplane, président-assesseur,
- M. Bertrand Baillard, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er décembre 2022.
Le rapporteur,
Signé : B. BaillardLe président de chambre,
Signé : Heu
La greffière,
Signé : S. Pinto Carvalho
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
La greffière,
Suzanne Pinto Carvalho
1
2
N°21DA00483
1
3
N°"Numéro" |
JADE/CETATEXT000046690040.xml | Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 9 octobre 2020 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il sera éloigné faute de satisfaire à cette obligation.
Par un jugement n°2004641 du 30 mars 2021, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 13 avril 2021, M. B... A..., représenté par Me Traversini, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 30 mars 2021 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 9 octobre 2020 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer le titre de séjour sollicité, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'arrêté contesté porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- il méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il justifie, par son insertion professionnelle, d'un motif exceptionnel d'admission au séjour.
Une mise en demeure a été adressée le 5 juillet 2022 au préfet des Alpes-Maritimes, qui n'a pas produit d'observations.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme C... a été entendu en audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... relève appel du jugement du 30 mars 2021 du tribunal administratif de Nice rejetant sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 9 octobre 2020 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Et aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; (...) ".
3. En l'espèce, M. A..., ressortissant philippin né le 14 juin 1976, fait valoir qu'entré en France le 13 août 2004, il y réside habituellement depuis lors, qu'il y a fixé le centre de sa vie privée, familiale et professionnelle et qu'il vit depuis 2012 en concubinage avec sa compagne et compatriote, entrée sur le territoire national le 24 novembre 2005. Il ressort toutefois des pièces du dossier que sa compagne, qui a sollicité en même temps que lui la régularisation de sa situation, ne séjournait pas non plus régulièrement en France à la date de la décision contestée. M. A... ne fait état d'aucune circonstance qui empêcherait la reconstitution de leur cellule familiale dans le pays dont ils ont tous deux la nationalité, où il a vécu jusqu'à l'âge de 28 ans et où il dispose d'attaches familiales, son père et ses deux enfants majeurs issus d'une précédente union. Si M. A... se prévaut de son insertion en France par le travail, il ressort des pièces du dossier qu'il travaille depuis 2017 pour une société nautique immatriculée aux Iles Caïman. Enfin, la commission du titre de séjour des Alpes-Maritimes, qui a rendu un avis défavorable le 30 janvier 2020, a noté que M. A... ne maîtrisait pas la langue française. Dès lors, dans les circonstances de l'espèce, eu égard notamment aux conditions du séjour en France de M. A..., en prenant l'arrêté contesté, le préfet des Alpes-Maritimes n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale au regard des buts poursuivis par cet arrêté. Il n'a, par suite, méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni les dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. "
5. M. A... fait valoir qu'il justifie d'une insertion professionnelle en France depuis 2006. Toutefois, il ne produit, comme preuve d'emploi en France, que deux justificatifs d'emploi rémunéré au CESU pour les mois de mai 2006 et mai 2007. S'il établit travailler comme marin depuis 2017, il est employé, sur plusieurs bateaux différents, par des sociétés basées à l'étranger et ne justifie donc pas d'une insertion professionnelle en France. Il n'est, dès lors, pas fondé à se prévaloir d'un motif exceptionnel d'admission au séjour au sens des dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Enfin, si M. A... justifie, par les pièces versées au dossier, résider en France depuis au moins 2006, cette seule circonstance ne peut être regardée comme une considération humanitaire ou un motif exceptionnel justifiant l'attribution d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions invoquées. Par suite, ainsi que l'a jugé le tribunal, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 313-14 doit être écarté.
6. En troisième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 3 et 5, le moyen tiré de l'erreur manifeste qu'aurait commise le préfet des Alpes-Maritimes dans l'appréciation des conséquences de l'arrêté litigieux sur la situation personnelle et familiale de M. A... doit être écarté.
7. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 9 octobre 2020. Ses conclusions aux fins d'injonction et celles présentées en application de l'article L. 761-1 ne peuvent, par suite, qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent jugement sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.
Délibéré après l'audience du 21 novembre 2022, où siégeaient :
- M. Bocquet, président,
- Mme Vincent, présidente assesseure,
- Mme Balaresque, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 décembre 2022.
N° 21MA01409 2 |
JADE/CETATEXT000046690054.xml | Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société à responsabilité limitée (SARL) BTP Services a demandé au tribunal administratif de Rouen, par deux demandes successives, de prononcer, d'une part, la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2009, 2010 et 2011, ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période allant du 1er janvier 2009 au 30 novembre 2011, d'autre part, la décharge de l'amende qui lui a été infligée sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts.
Par un jugement n°s 1701770, 1703860 du 3 mars 2020, le tribunal administratif de Rouen a, d'une part, constaté qu'il n'y avait pas lieu, compte-tenu des dégrèvements intervenus en cours d'instance, de statuer sur les conclusions des demandes en décharge de la SARL BTP Services, en matière de taxe sur la valeur ajoutée, à concurrence de la somme totale de 35 213 euros, en droits et pénalités, et, en ce qui concerne l'amende infligée à cette société en application de l'article 1759 du code général des impôts, à concurrence de la somme totale de 35 175 euros, d'autre part, rejeté le surplus des conclusions de ces demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 27 avril 2020 et le 26 octobre 2021, la SARL BTP Services, représentée par la société KPMG Avocats, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il ne lui donne pas entière satisfaction ;
2°) de prononcer la décharge, en droit et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et de l'amende laissés à sa charge ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les dépenses de sous-traitance qu'elle a exposées est déductible, dès lors qu'elle figure sur les factures adressées par ses sous-traitants et que l'administration n'a pas apporté d'éléments de nature à mettre sérieusement en doute la valeur probante de ces factures ; reste sans incidence à cet égard la circonstance qu'elle n'a fourni ni les contrats correspondants, ni des justifications précises des travaux réalisés dans ce cadre ; il en est de même du fait que certains sous-traitants ne se sont pas conformés à leurs obligations déclaratives en matière de chiffre d'affaires ou n'ont pas reversé la taxe sur la valeur ajoutée collectée par eux sur ces factures ; elle a fourni les bons de commande correspondant aux factures émises en 2009 par la SARL BENEP ; en outre, les deux factures délivrées par la SARL Euro Alliance TP sont régulières, alors même qu'elles sont manuscrites et non signées, et leur règlement est établi par les pièces produites ;
- elle est fondée, alors même qu'elle n'a pas déposé de déclaration rectificative dans le délai prévu à l'article 208 de l'annexe II au code général des impôts, à demander que la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les factures délivrées en 2009 par les sociétés Fernand Pose, IRD et NBTP soit déduite, sur le fondement des articles L. 203 à L. 205 du livre des procédures fiscales, par compensation avec les rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige ;
- la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé des factures portant sur des achats ou prestations réalisées pour les besoins de ses opérations taxables doit être admise en déduction ; en particulier, les dépenses de téléphonie ou de réparation de véhicules ainsi que les dépenses postales, dont le montant est d'ailleurs cohérent avec son chiffre d'affaires, ont été exposées pour les besoins de son activité ; ainsi, contrairement à ce qu'a retenu l'administration, la facture émise par la société Loxam a été payée et celles établies par la société Grace se rapportent à l'achat de matières premières nécessaires à son activité ;
- les sommes versées par elle à ses dirigeants et salariés à titre de remboursement de frais professionnels en 2010, pour un montant total de 66 355 euros, correspondent à des dépenses dont la réalité et le caractère inhérent à l'exercice de leurs fonctions par les intéressés sont établis ; l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) a d'ailleurs admis, au terme d'un contrôle effectué par ses services au titre de la même période, le bien-fondé de ces versements ; l'administration fiscale ne saurait maintenir une position divergente sur ce point, sauf à méconnaître le principe d'unicité et d'indivisibilité de l'administration, qui a valeur constitutionnelle ; la prise de position formelle retenue par l'URSSAF sur sa situation est, en outre, susceptible d'être invoquée sur le fondement de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales ;
- l'amende qui lui a été infligée sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts et qui s'avère particulièrement pénalisante pour elle, n'est pas fondée ; en effet, les sommes enregistrées par elle dans le compte d'attente 471000 correspondent à des dépenses dont le paiement effectif et l'intérêt pour son activité sont justifiés par elle et ne pouvaient ainsi être regardées comme correspondant à des revenus distribués ;
- l'administration n'est pas fondée à faire application, aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée restant en litige, de la majoration de 40 % prévue, en cas de manquement délibéré, par le a. de l'article 1729 du code général des impôts, faute d'apporter la preuve, qui lui incombe, qu'elle aurait eu l'intention délibérée d'éluder l'impôt ; si des manquements comptables et déclaratifs peuvent lui être reprochés en ce qui concerne la période correspondant à l'exercice clos en 2011, ces manquements résultent d'une désorganisation interne et d'un manque de rigueur de son expert-comptable, qu'elle a déchargé, depuis lors, de sa mission ; un contrôle ultérieur, portant sur la période couvrant les exercices clos en 2012 et 2013, a d'ailleurs permis de révéler qu'elle s'est efforcée de rétablir sa situation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 août 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au non-lieu à statuer sur les conclusions aux fins de décharge à concurrence du dégrèvement prononcé en cours d'instance d'appel et au rejet du surplus des conclusions de la requête présentée par la SARL BTP Services.
Il soutient que :
- la SARL BTP Services, qui s'est abstenue de présenter des observations sur la proposition de rectification qui lui a été adressée le 19 octobre 2012, supporte, en application de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales, la charge de la preuve du caractère exagéré des suppléments d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige ; au surplus, cette preuve lui incombe, en vertu des articles L. 193 et R. 193-1 du même livre, en ce qui concerne ceux des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui ont été établis d'office en l'absence de déclaration portant sur chacune des périodes correspondantes ;
- si la présentation d'une facture crée, en principe, une présomption de déductibilité de la taxe sur la valeur ajoutée qui y est mentionnée, encore faut-il que cette facture soit régulière en la forme, au regard des prescriptions de l'article 289 du code général des impôts et de celles des articles 242 nonies et 242 nonies A de l'annexe II à ce code ; tel n'est pas le cas des factures de sous-traitance présentées par la SARL BTP Services en ce qui concerne la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2010, lesquelles factures comportent de nombreuses anomalies qui justifiaient que, dans un contexte dans lequel la comptabilité présentée au titre de l'exercice clos en 2010 a été écartée comme non probante, le service mette en doute leur caractère probant et s'assure de l'existence de pièces justificatives de nature à en confirmer les mentions ; en l'absence de tels éléments, tels des contrats de sous-traitance ou des comptes rendus de chantier, que la SARL BTP Services avait pourtant l'obligation de solliciter de ses sous-traitants, en application des articles L. 8222-1 et D. 8222-5 du code du travail, le service était fondé à regarder les factures produites durant le contrôle, qui concernaient le seul exercice clos en 2009, comme présentant un caractère de pure complaisance ; en outre, l'absence de présentation, d'une part, de factures de sous-traitance se rapportant à l'exercice clos en 2010 et, d'autre part, d'une comptabilité en ce qui concerne l'exercice suivant, clos en 2011, justifiait la remise en cause des déductions de taxe sur la valeur ajoutée pratiquées par la société, en ce qui concerne des dépenses de sous-traitance, au titre des périodes correspondantes ;
- si la SARL BTP Services a fourni des factures établies en 2009 par la SARL BENEP, celles-ci, en méconnaissance des prescriptions de l'article 242 nonies A de l'annexe II au code général des impôts, ne comportent ni le nom complet, ni l'adresse du bénéficiaire des travaux correspondants, ni ne précisent le lieu de réalisation de ceux-ci, de sorte que la taxe sur la valeur ajoutée qu'elles mentionnent ne peut être admise en déduction, même au vu des bons de commande produits pour la première fois devant le tribunal administratif ; par ailleurs, les factures établies par la SARL Euro Alliance TP présentent, elles aussi, de nombreuses anomalies, tenant, pour certaines, à l'absence d'identification des lieux des chantiers, pour d'autres, à l'absence de facturation de la main-d'œuvre, pour d'autres encore, à l'absence de mention de prix à l'unité, ou de correspondance entre ce prix et le montant facturé, ou de précision sur les quantités, ou, enfin, de séquençage de leur numérotation ; en conséquence, la taxe sur la valeur ajoutée que ces factures mentionnent ne peut davantage être admise en déduction ;
- au vu des justificatifs produits par la SARL BTP Services, il a été fait droit à la demande de compensation présentée pour la première fois devant la cour, à hauteur d'un montant de 7 735 euros en base, un dégrèvement en droits et pénalités ayant été accordé à ce titre ;
- les factures de sous-traitance produites, au soutien de sa requête, par la SARL BTP Services en ce qui concerne la période correspondant à l'exercice clos en 2010 ne peuvent être admises ; en effet, les charges de sous-traitance ont, en ce qui concerne cet exercice, fait l'objet, de même que la taxe sur la valeur ajoutée s'y rapportant, d'une inscription comptable globale, de sorte qu'aucun rapprochement avec les factures produites n'est possible ; en outre, ces factures comportent de nombreuses anomalies, tenant notamment à l'absence d'identification du lieu de réalisation des chantiers et de séquençage continu de leur numéro d'ordre ou à la nature des prestations commandées, certaines ne relevant manifestement pas de la sous-traitance ; enfin, aucun des documents produits par la SARL BTP Services n'est de nature à lui permettre de justifier du paiement de ces factures ;
- en ce qui concerne la période correspondant à l'exercice clos en 2011, l'examen des factures produites par la SARL BTP Services devant les premiers juges a conduit l'administration à admettre uniquement la déductibilité d'un montant de taxe sur la valeur ajoutée de 1 593 euros ; si la SARL BTP Services demande la décharge d'une somme supplémentaire de 3 179,66 euros, l'examen des justificatifs produits ne peut conduire qu'à écarter cette prétention par application des règles de déductibilité de la taxe sur la valeur ajoutée, pour les motifs précisés dans le tableau joint en annexe au mémoire en défense produit devant la cour ;
- au titre de l'exercice clos en 2010, la SARL BTP Services n'ayant pas été en mesure de justifier l'enregistrement, en tant que charge, d'une somme de 66 355 euros dans un compte correspondant aux voyages et déplacements, le service a procédé au rehaussement, à due concurrence, du résultat imposable déclaré par cette société au titre de cet exercice ; si la SARL BTP Services se prévaut de l'absence de remise en cause de cette déduction par l'URSSAF, à l'issue d'un contrôle portant sur la même période, la lettre d'observation du 18 juillet 2013 sur laquelle elle appuie son moyen ne permet pas de corroborer son allégation selon laquelle la charge dont la déductibilité a été remise en cause par l'administration aurait été soumise à l'appréciation du contrôleur de l'URSSAF ; en outre et en tout état de cause, eu égard à l'indépendance des procédures de contrôle et dès lors que l'identité de litige n'est pas établi, ce moyen est inopérant ; dès lors que la SARL BTP Services n'a pas été en mesure de justifier de la réalité de ces dépenses, ni même de leur intérêt pour son activité, le bien-fondé de ce chef de rectification ne peut qu'être confirmé ; la SARL BTP Services n'est pas fondée à invoquer, à cet égard, le bénéfice de la garantie posée par l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ;
- les opérations enregistrées, au cours des exercices clos en 2009 et 2010, dans le compte d'attente 471000, qui avaient vocation à être reclassées, à la clôture de chacun de ces exercices, dans les comptes définitifs adéquats, ne l'ont pas été et la destination ainsi que l'objet des versements correspondants n'ont pu être identifiés ; dans ces conditions, le service vérificateur était fondé à demander à la SARL BTP Services, sur le fondement de l'article 117 du code général des impôts, de désigner sous trente jours les bénéficiaires de ces sommes désinvesties ; aucune réponse n'ayant été apportée à cette demande, l'administration était fondée à infliger à la SARL BTP Services l'amende prévue à l'article 1759 du code général des impôts ; si, par les justificatifs qu'elle a fournis en première instance, la SARL BTP Services est parvenue à démontrer qu'une partie des versements en cause correspondaient à des dépenses exposées dans l'intérêt de son exploitation, ce qui a justifié le prononcé de dégrèvements, tel n'est pas le cas en ce qui concerne le surplus des versements en cause, pour lesquels la société s'est limitée à produire des tickets de caisse, parfois illisibles, ou des reçus de paiement par carte bancaire, des relevés de facturation ou bancaire, des souches de chèque ou des relances de paiement, sans fournir les factures correspondantes ;
- la vérification de comptabilité dont la SARL BTP Services a fait l'objet a permis d'établir que cette société a omis de déclarer, de façon récurrente, la taxe sur la valeur ajoutée collectée sur des prestations de service régulièrement payées par ses clients, qu'elle ne s'est pas conformée, de façon continue et répétée sur l'ensemble de la période vérifiée, aux règles de déduction des charges et de la taxe sur la valeur ajoutée y afférente, ni aux obligations posées par le code du travail en matière de recours à la sous-traitance, enfin, qu'elle n'a pu présenter aucune comptabilité afférente à la période allant du 1er janvier 2011 au 30 novembre 2011 ; l'ampleur et le caractère répété de ces manquements est de nature à révéler l'intention délibérée de la SARL BTP Services d'éluder l'impôt, d'autant qu'elle avait fait l'objet d'un précédent contrôle à l'issue duquel les règles de déduction de la taxe sur la valeur ajoutée lui avaient été rappelées, de sorte qu'elle ne saurait raisonnablement soutenir être restée dans leur ignorance, ni faire endosser à des tiers la responsabilité de ses propres manquements, son comportement ultérieur étant, au demeurant, sans incidence à cet égard ; l'administration était donc fondée à assortir de la majoration de 40 % prévue, en cas de manquement délibéré, par le a. de l'article 1729 du code général des impôts les rappels de taxe sur la valeur ajoutée maintenus à la charge de la SARL BTP Services.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller,
- les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public,
- et les observations de Me Boudin, représentant la SARL BTP Services.
Considérant ce qui suit :
1. La société à responsabilité limitée (SARL) BTP Services, qui exerce une activité portant, dans le cadre de l'exécution de travaux publics de voirie, sur la pose de bordures et la mise en œuvre de béton lavé et balayé, a fait l'objet, au cours de l'année 2012, d'une vérification de comptabilité portant sur la période allant du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2010, étendue au 30 novembre 2011 en matière de taxe sur la valeur ajoutée. Au cours de ce contrôle, le vérificateur a constaté l'absence de présentation d'une comptabilité conforme aux exigences légales en ce qui concerne les exercices clos en 2010 et en 2011, ce dont il a dressé procès-verbal, au motif qu'aucune pièce justificative des écritures comptables, ni aucun relevé de compte bancaire, n'avait pu lui être fourni au titre de ces deux exercices et qu'aucun grand-livre ou journal relatif à l'exercice clos en 2011 n'avait pu être mis à sa disposition. Le service a, dans ces conditions, procédé à une évaluation, à partir des relevés de compte obtenus par lui dans le cadre de l'exercice de son droit de communication auprès de l'établissement bancaire, des recettes de l'entreprise au titre de ces deux exercices. Il a fait connaître à la SARL BTP Services sa position sur ce point par une proposition de rectification qu'il lui a adressée le 19 octobre 2012 et qui précisait que les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et rappels de taxe sur la valeur ajoutée correspondants seraient assortis de la majoration de 40 % prévue, en cas de manquement délibéré, par le a. de l'article 1729 du code général des impôts. La même proposition de rectification impartissait à la SARL BTP Services un délai de trente jours pour désigner, en application de l'article 117 du même code, les bénéficiaires de revenus réputés distribués. La SARL BTP Services n'ayant pas présenté d'observation sur les rectifications ainsi notifiées, les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et les rappels de taxe sur la valeur ajoutée en résultant ont été mis en recouvrement le 29 mars 2013 pour les montants respectifs, en droits et pénalités, de 287 045 euros et de 600 810 euros. A la même date, l'amende prévue à l'article 1759 du code général des impôts, pour absence de désignation des bénéficiaires d'une distribution, a été également mise en recouvrement au titre des exercices clos en 2009 et en 2010, pour un montant total de 304 758 euros. La SARL BTP Services ayant introduit une première réclamation contentieuse, appuyée de justificatifs, l'administration a prononcé des dégrèvements, en matière d'impôt sur les sociétés, à concurrence d'un montant, en droits et pénalités, de 210 100 euros, en matière de taxe sur la valeur ajoutée, à concurrence d'un montant, en droits et pénalités, de 44 150 euros et, en matière d'amende, à concurrence d'un montant de 121 554 euros.
2. Insatisfaite de cette issue partielle, la SARL BTP Services a introduit une nouvelle réclamation contentieuse, qui a conduit l'administration à prononcer un nouveau dégrèvement, en matière de taxe sur la valeur ajoutée, d'un montant de 192 285 euros, en droits et pénalités. La SARL BTP Services a porté, par deux demandes successives, le litige devant le tribunal administratif de Rouen, en lui demandant de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle demeurait assujettie au titre des exercices clos en 2009, 2010 et 2011, ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée maintenus à sa charge au titre de la période allant du 1er janvier 2009 au 30 novembre 2011. Par sa seconde demande, la SARL BTP Services a, en outre, demandé au tribunal administratif de Rouen de prononcer la décharge de la fraction maintenue à sa charge de l'amende qui lui avait été infligée sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts. Par un jugement du 3 mars 2020, le tribunal administratif de Rouen a, d'une part, constaté qu'il n'y avait pas lieu, compte-tenu de dégrèvements intervenus en cours d'instance, de statuer sur les conclusions des demandes en décharge de la SARL BTP Services, en matière de taxe sur la valeur ajoutée, à concurrence de la somme totale de 35 213 euros, en droits et pénalités et, en ce qui concerne l'amende infligée à cette société en application de l'article 1759 du code général des impôts, à concurrence de la somme totale de 35 175 euros, d'autre part, rejeté le surplus des conclusions de ces demandes. La SARL BTP Services relève appel de ce jugement en tant qu'il ne lui donne pas entière satisfaction.
Sur l'étendue du litige :
3. Par une décision du 4 août 2020, intervenue après l'enregistrement de la requête, le directeur régional des finances publiques de Normandie a prononcé le dégrèvement des rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige, à concurrence d'une somme totale de 11 948 euros en droits et pénalités. A concurrence de cette somme, les conclusions de la requête de la SARL BTP Services tendant à la décharge de ces rappels de taxe sont ainsi, comme le relève le ministre, devenues sans objet.
Sur la charge de la preuve :
4. En vertu de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales, lorsque, ayant donné son accord à la rectification ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré.
5. Il est constant que la SARL BTP Services n'a formulé, dans le délai de trente jours qui lui avait été imparti par le service, conformément à l'article R. 57-1 du livre des procédures fiscales, aucune observation sur la proposition de rectification qui lui avait été adressée le 19 octobre 2012. En conséquence, il incombe à la SARL BTP Services, en application des dispositions, rappelées au point précédent, de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales, de prouver le caractère exagéré des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des suppléments d'impôt sur les sociétés mis à sa charge.
Sur le bien-fondé des rappels de taxe sur la valeur ajoutée demeurant en litige :
En ce qui concerne les factures présentées comme se rapportant à la sous-traitance :
6. En vertu des dispositions combinées des articles 271, 272 et 283 du code général des impôts, un contribuable n'est pas en droit de déduire de la taxe sur la valeur ajoutée dont il est redevable à raison de ses propres opérations, la taxe mentionnée sur une facture établie à son nom par une personne qui ne lui a fourni aucun bien ou aucune prestation de services. Dans le cas où l'auteur de la facture était régulièrement inscrit au registre du commerce et des sociétés et assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée, il appartient à l'administration, si elle entend refuser à celui qui a reçu la facture le droit de déduire la taxe qui y était mentionnée, d'établir, indépendamment de la procédure d'imposition mise en œuvre, qu'il s'agit d'une facture fictive ou d'une facture de complaisance. Si l'administration apporte des éléments suffisants permettant de penser que la facture ne correspond pas à une opération réelle, il appartient alors au contribuable d'apporter toutes justifications utiles sur la réalité de cette opération.
7. Au cours de la vérification de comptabilité dont la SARL BTP Services a fait l'objet, le vérificateur a constaté que cette société avait porté en déduction de la taxe sur la valeur ajoutée dont elle était redevable la taxe ayant grevé le prix de prestations réalisées, au cours de la période vérifiée, par des entreprises qualifiées par elle de sous-traitantes. Au soutien de ces écritures, la SARL BTP Services n'a été en mesure de présenter que les factures de sous-traitance se rapportant à la période allant du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2009. D'une part, l'administration a remis en cause la déductibilité de la taxe déduite, au vu de ces factures de sous-traitance, au titre de cette période, après avoir estimé que les factures produites présentaient un caractère de complaisance. D'autre part, dans un contexte dans lequel elle a écarté comme non probante la comptabilité présentée au titre de la période allant du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2010 et qu'elle a constaté l'absence de présentation d'une comptabilité au titre de la période suivante, allant du 1er janvier 2011 au 30 novembre 2011, l'administration a remis en cause, en l'absence de production de toute facture au titre de ces périodes, les déductions de taxe sur la valeur ajoutée pratiquées, au titre de chacune de ces périodes, en ce qui concerne les opérations de sous-traitance, pour les montants respectifs de 99 587,60 euros et de 75 345 euros. La SARL BTP Services ayant fourni, à l'appui de ses réclamations, puis de ses écritures contentieuses, des factures pour justifier des déductions de taxe sur la valeur ajoutée pratiquées, au cours de ces deux périodes, au titre des travaux exécutés par des sous-traitants, l'administration a accepté de prendre en compte une partie de ces factures et a regardé le surplus comme ayant la nature de factures de complaisance.
8. Pour établir, comme il lui incombe indépendamment de la procédure d'imposition mise en œuvre, que les factures que l'administration a écartées en ce qui concerne les trois périodes mentionnées au point précédent ne correspondent pas à des opérations réelles, mais qu'elles ont la nature de factures de pure complaisance, le ministre fait valoir, en s'appropriant notamment les motifs de la proposition de rectification adressée le 19 octobre 2012 à la SARL BTP Services, que la majeure partie des factures présentées par cette société en ce qui concerne la période allant du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2009 sont dépourvues de toute précision quant aux lieux et dates d'exécution des chantiers auxquels chacune se rapporte, et quant à la nature des opérations facturées. Le vérificateur a alors demandé à la SARL BTP Services de lui communiquer tous documents concernant ces opérations, tels les contrats correspondants, des planning d'exécution ou des comptes rendus de chantier, ce qu'elle n'a pas été en mesure de faire, alors même que les dispositions des articles L. 8222-1 et D. 8222-5 du code du travail lui imposaient d'obtenir, en tant que donneur d'ordres, ces éléments de ses sous-traitants. Le ministre ajoute au constat de cette carence celui de l'absence de justification, par la SARL BTP Services, du règlement des factures ainsi produites. Par ailleurs, s'agissant des factures produites après le contrôle, en ce qui concerne les périodes allant du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2010 et du 1er janvier 2011 au 30 novembre 2011, le ministre relève, dans le contexte d'un enregistrement global des charges de sous-traitance en ce qui concerne la première de ces périodes, et de l'absence de présentation d'une comptabilité en ce qui concerne la seconde, que ces manquements de la SARL BTP Services à ses obligations comptables ont fait obstacle à tout rapprochement avec les mentions desdites factures, qui s'avèrent, pour ces deux périodes également, lacunaires en ce qui concerne, notamment, la date d'édition, ainsi que l'identification des lieux et dates d'exécution des chantiers, de la nature des opérations réalisées, voire même du client bénéficiaire. En outre, il est apparu que certaines des entreprises émettrices de ces factures utilisaient un facturier permettant l'établissement de factures manuscrites tout en procédant également à des éditions de factures informatisées, ce qui créait une discontinuité dans la séquence des numéros de factures, tandis que les factures émises par d'autres entreprises, bien qu'établies selon un mode de facturation homogène, ne comportaient pas des numéros respectant un séquençage continu et cohérent avec leur date d'édition. Le ministre relève, en outre, que certaines des factures produites, qui ont trait à la fourniture de cartes commerciales ou de supports publicitaires et à des prestations de réparation de véhicules, ne se rapportent manifestement pas à des travaux réalisés en sous-traitance. Enfin, le ministre fait observer qu'aucune des pièces produites par la SARL BTP Services n'est de nature à établir que celle-ci a effectivement payé la majeure partie des factures dont elle se prévaut, l'examen des factures et des justificatifs de paiement produits par la société devant les premiers juges en ce qui concerne la période allant du 1er janvier 2011 au 30 novembre 2011 ayant seulement conduit l'administration à admettre la déductibilité d'un montant de taxe sur la valeur ajoutée de 1 593 euros. Le ministre tire de ces éléments la conclusion que, à l'exception des quelques factures ainsi admises, celles au vu desquelles la SARL BTP Services a procédé à la déduction de taxe sur la valeur ajoutée remise en cause par l'administration ont été regardées bon droit comme ne correspondant à aucune transaction réelle.
9. Pour combattre ces éléments, ainsi qu'il lui incombe à ce stade, la SARL BTP Services se prévaut de la présomption de déductibilité de la taxe sur la valeur ajoutée mentionnée sur des factures régulièrement établies au nom d'une entreprise assujettie à cette taxe. Elle en tire la conclusion que l'administration n'était pas fondée à mettre en doute la force probante de ces factures, qu'elle a été, en définitive, en mesure de produire sur l'ensemble de la période vérifiée, au seul motif qu'elle n'a pu fournir, à l'appui de ces factures, les contrats ou des documents concernant les chantiers correspondants. Elle ajoute avoir produit, en pièce jointe à sa requête, des bons de commande qui, s'il en était besoin, sont de nature à appuyer les factures émises, au cours de la période allant du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2009, par la SARL BENEP. Elle fait observer, en outre, que les deux factures délivrées par la société Euro Alliance TP sont régulières, alors même qu'elles sont manuscrites et non signées, et que leur règlement est établi. Toutefois, la présomption de déductibilité de la taxe sur la valeur ajoutée mentionnée sur une facture établie au nom d'un assujetti n'est susceptible d'être invoquée qu'à l'égard de factures, régulières en la forme, comportant les mentions imposées par l'article 242 nonies A de l'annexe II au code général des impôts. Or, ainsi que le relève le ministre, plusieurs des factures produites ne comportent pas, en méconnaissance de ces dispositions, le nom complet et l'adresse du client, leur date d'émission, un numéro d'ordre unique basé sur une séquence chronologique et continue, la quantité, la dénomination précise des travaux ou prestations réalisées, le prix unitaire hors taxes ou encore la date de réalisation des prestations en cause. Tel est le cas, notamment, des factures établies par la société Euro Alliance TP, qui ne sont pas émises selon une numérotation continue et qui, pour certaines, ne précisent pas le lieu d'exécution des chantiers auxquels elles se rapportent, pour d'autres, ne comportent aucun poste se rapportant à la main-d'œuvre, pour d'autres encore, ne font pas mention de prix à l'unité ou de précision sur les quantités, ou ne font pas apparaître de correspondance entre ce prix et le montant facturé. En conséquence, l'administration était fondée à demander à la SARL BTP Services la production de tous éléments de nature à appuyer ces factures et à justifier, compte-tenu des insuffisances que celles-ci comportaient, de la réalité des travaux et prestations correspondants. Si la SARL BTP Services a produit, devant le tribunal administratif, des bons de commande qu'elle rapproche des factures établies en 2009 par la SARL BENEP, ces bons de commande, émis par la société appelante et qui ne sont accompagnés d'aucune preuve de leur réception par leur destinataire, ne sont pas de nature à pallier les insuffisances des factures auxquelles ils sont associés, lesquelles ne comportent, en méconnaissance des prescriptions de l'article 242 nonies A de l'annexe II au code général des impôts, ni le nom complet, ni l'adresse du bénéficiaire des travaux correspondants, et ne précisent pas non plus le lieu de réalisation des travaux. Dans ces conditions, l'appelante ne conteste pas sérieusement les éléments avancés par le ministre, qui doit être regardé comme établissant que les factures présentées par la SARL BTP Services comme se rapportant à des opérations réalisées en sous-traitance par des entreprises partenaires étaient des factures de complaisance. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a remis en cause la déduction de taxe sur la valeur ajoutée pratiquée par la SARL BTP Services au vu de ces factures.
10. En revanche, par le dégrèvement, mentionné au point 3, prononcé en cours d'instance, l'administration a fait droit, dans la mesure précisée au même point 3, à la demande de compensation présentée par la SARL BTP Services. Le moyen tiré par la SARL BTP Services du caractère probant des factures délivrées en 2009 par les sociétés Fernand Pose, IRD et NBTP est donc sans portée.
En ce qui concerne les autres factures :
11. Aux termes de l'article 271 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable : " I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. / 2. Le droit à déduction prend naissance lorsque la taxe déductible devient exigible chez le redevable. / (...) / 3. La déduction de la taxe ayant grevé les biens et les services est opérée par imputation sur la taxe due par le redevable au titre du mois pendant lequel le droit à déduction a pris naissance. / II. 1. Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de leurs opérations imposables, et à la condition que ces opérations ouvrent droit à déduction, la taxe dont les redevables peuvent opérer la déduction est, selon le cas : / a) Celle qui figure sur les factures établies conformément aux dispositions de l'article 289 et si la taxe pouvait légalement figurer sur lesdites factures ; / (...) / 2. La déduction ne peut pas être opérée si les redevables ne sont pas en possession soit desdites factures, soit de la déclaration d'importation sur laquelle ils sont désignés comme destinataires réels. (...) ".
12. L'administration a remis en cause, à l'issue de la vérification de comptabilité dont la SARL BTP Services a fait l'objet, la déductibilité de la taxe sur la valeur ajoutée mentionnée sur des factures présentées au vérificateur, au motif que le lien entre les prestations ou achats facturés et les opérations taxables effectuées par cette société dans le cadre de l'exercice habituel de son activité n'était pas établi. Si la SARL BTP Services soutient que les dépenses de téléphonie et de réparation de véhicules, ainsi que des frais relatifs à un envoi postal d'un montant de 202,70 euros, pour lesquels l'administration a remis en cause la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée s'y rapportant, ont été exposés pour les besoins de ses opérations taxables, au sens des dispositions précitées du 1. du II de l'article 271 du code général des impôts, elle n'apporte, alors que la charge de la preuve lui en incombe, ainsi qu'il a été dit au point 5, aucun élément probant au soutien de ces allégations, les seules circonstances que les abonnements téléphoniques pris en charge concernent des lignes utilisés par ses dirigeants ou des salariés et que les dépenses en cause seraient d'un montant raisonnable au regard du chiffre d'affaires ne pouvant suffire à cet égard. Par ailleurs, si la SARL BTP Services fait référence à une facture émise le 30 juin 2011 par la société Loxam et à une facture établie le 28 novembre 2011 par la société Grace, en soutenant qu'elles se rapportent à une prestation ainsi qu'à l'achat de matières premières nécessaires à son activité et qu'elle a produit des éléments de nature à justifier de leur paiement, il résulte de l'instruction, ce que confirme d'ailleurs expressément le ministre, que, par les dégrèvements qu'elle a prononcés devant le tribunal administratif, l'administration a admis la déductibilité de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé ces factures, de sorte que le moyen de la SARL BTP Services est sans portée. De même, si la société requérante fait référence à une autre facture que lui a adressée la société Grace, il ressort des mentions de cette facture, versée à l'instruction, que celle-ci a été établie le 20 décembre 2011, hors de la période vérifiée, tandis que le ministre confirme que l'administration n'a aucunement entendu remettre en cause la déduction de taxe sur la valeur ajoutée pratiquée par la SARL BTP Services à ce titre, de sorte que ce moyen est également sans portée.
Sur le bien-fondé des suppléments d'impôt sur les sociétés :
13. En vertu du 1 de l'article 39 du code général des impôts, le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant notamment, selon le 1° de ce 1, les frais généraux de toute nature.
14. En vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, s'il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits nécessaires au succès de sa prétention, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts et indépendamment de la procédure d'imposition mise en œuvre à son égard, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net, défini à l'article 38 de ce code, que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité.
15. Au cours de la vérification de comptabilité dont a fait l'objet la SARL BTP Services, l'administration a constaté que cette société avait déduit, de son résultat imposable de l'exercice clos en 2010, une somme globale de 66 355 euros inscrite au débit du compte 625100 " Voyages et déplacements ". La SARL BTP Services n'ayant pu produire au vérificateur aucune pièce de nature à justifier cette déduction, l'administration a remis en cause la déductibilité, en tant que charge, de cette somme.
16. La SARL BTP Services, à qui il incombe de justifier du bien-fondé de l'écriture de charge qu'elle a ainsi portée en comptabilité, soutient que cette somme correspond à des versements effectués par elle à ses dirigeants et à des salariés et que cette écriture de charge avait pour objet de couvrir des dépenses inhérentes à l'exercice de leurs fonctions dans l'entreprise. Toutefois, elle n'apporte, au soutien de ses allégations, aucun élément de nature à justifier de la réalité des dépenses professionnelles auxquelles elle fait référence et au sujet desquelles elle ne donne aucune précision. La société requérante ne peut donc être regardée comme établissant que le versement en cause a effectivement eu pour objet de rembourser de telles dépenses exposées, pour les besoins de l'exercice de leurs fonctions dans l'entreprise, par ses dirigeants et des salariés.
17. Par ailleurs, la SARL BTP Services se prévaut de ce qu'elle a fait l'objet, au titre de la même période, d'un contrôle par les services de l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) et que ce contrôle n'a donné lieu à aucune rectification en ce qui concerne ce versement. Toutefois, la qualification retenue, au regard d'une autre législation, à une situation donnée, fût-ce par une autorité chargée d'une mission de service public, demeure sans incidence sur l'appréciation portée, sur la même situation, par l'administration fiscale, à qui il incombe, sous le contrôle du juge de l'impôt, de donner aux faits portés à sa connaissance la qualification qui s'impose au regard de la loi fiscale. Par suite, à la supposer même avérée, la circonstance invoquée par la SARL BTP Services est dépourvue d'incidence sur le bien-fondé de la rectification en cause. En outre, une divergence d'analyse, au regard des législations dont elles ont pour mission de contrôler l'application, entre l'administration fiscale et une autre entité chargée de prérogatives de puissance publique, ne saurait caractériser, par elle-même, une méconnaissance du principe d'unité et d'indivisibilité de l'Etat. La société appelante n'est, enfin, pas fondée à invoquer, à cet égard, la garantie prévue aux articles L. 80 A et suivants du livre des procédures fiscales pour soutenir que les services de l'URSSAF auraient pris une position formelle sur une situation de fait ou énoncé, par la lettre d'observations qu'ils lui ont adressée le 18 juillet 2013, une interprétation formelle de la loi qu'elle serait susceptible d'opposer valablement à l'administration fiscale. Dans ces conditions, l'administration a pu, à bon droit, réintégrer la somme de 66 355 euros au résultat imposable de la SARL BTP Services au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2010.
Sur les pénalités :
18. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ; / (...) ".
19. Pour justifier, ainsi que la charge lui en incombe, du bien-fondé de l'application, aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée demeurant en litige, de la majoration de 40 % prévue, en cas de manquement délibéré, par les dispositions précitées du a. de l'article 1729 du code général des impôts, le ministre fait valoir, en s'appropriant les termes de la proposition de rectification adressée le 19 octobre 2012 à la SARL BTP Services, que celle-ci, de manière récurrente, a porté en déduction, en méconnaissance des règles applicables en la matière, la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé, au cours des périodes allant, d'une part, du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2009 et, d'autre part, du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2010, des factures au sujet desquelles, en présence d'anomalies de forme, elle n'avait pu fournir aucun élément de nature à justifier de leur correspondance à des prestations réellement effectuées par les sociétés émettrices déclarant agir en qualité de sous-traitantes. La proposition de rectification relève que cette pratique a permis à la SARL BTP Services de faire échapper à la taxe des montants, s'élevant respectivement à 69 358 euros et à 99 588 euros, supérieurs à ceux de la taxe sur la valeur ajoutée collectée nette spontanément déclarée au titre des deux périodes en cause, d'un montant global de 98 862 euros. Le ministre fait, en outre, valoir, s'agissant de dépenses d'autres natures portées en charges au titre de la période allant du 1er janvier 2011 au 30 novembre 2011 et pour lesquelles le service a remis en cause la déductibilité de la taxe sur la valeur ajoutée, que la SARL BTP Services, en ce qui concerne cette période, n'a pu présenter aucune comptabilité et n'a été en mesure de produire aucune pièce de nature à justifier les déductions de taxe qu'elle a opérées à ce titre, alors même qu'elle a déclaré, au titre de la même période, un montant de taxe sur la valeur ajoutée déductible s'élevant à 75 345 euros. La proposition de rectification mentionne également que le montant du rappel de taxe notifié à ce titre équivaut à une fois et demi celui de la taxe collectée nette spontanément déclarée par la SARL BTP Services. Enfin, le ministre fait valoir que la SARL BTP Services a, de façon récurrente, omis de comptabiliser et de déclarer la taxe sur la valeur ajoutée collectée sur des prestations de services régulièrement réglées par ses clients. La proposition de rectification précise que ces omissions sont intervenues à vingt-deux reprises, à l'occasion des vingt-cinq dépôts de déclarations de taxe sur la valeur ajoutée opérés par la SARL BTP Services durant la période vérifiée et qu'elles ont engendré une insuffisance de taxe sur la valeur ajoutée collectée s'élevant à 149 412,80 euros.
20. La SARL BTP Services, qui reconnaît d'ailleurs expressément la matérialité des manquements à ses obligations comptables qui lui sont reprochés en ce qui concerne la période allant du 1er janvier 2011 au 30 novembre 2011, ne peut utilement imputer ceux-ci à des négligences commises par son expert-comptable, qui est réputé agir sous sa direction, ni à une désorganisation interne au sujet de laquelle elle ne donne, au demeurant, aucune précision, ni aucun commencement de justification. Elle ne peut davantage faire utilement état d'une amélioration ultérieure, dont la réalité est au demeurant contestée par le ministre. Dans ces conditions, par les éléments exposés au point précédent et qui ne sont ainsi pas sérieusement contestés, le ministre, qui fait tout particulièrement état du caractère répété et de l'ampleur des manquements constatés tout en relevant que de tels manquements avaient déjà été relevés à l'occasion d'un précédent contrôle, doit être regardé comme apportant la preuve, qui lui incombe, de l'intention délibérée d'éluder l'impôt qui a animé la SARL BTP Services. En conséquence, c'est à bon droit que l'administration a fait application, aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée demeurant en litige, de la majoration prévue, en cas de manquement délibéré, par les dispositions précitées du a. de l'article 1729 du code général des impôts.
Sur l'amende pour absence de désignation des bénéficiaires des revenus réputés distribués :
21. Aux termes de l'article 117 du code général des impôts : " Au cas où la masse des revenus distribués excède le montant total des distributions tel qu'il résulte des déclarations de la personne morale visées à l'article 116, celle-ci est invitée à fournir à l'administration, dans un délai de trente jours, toutes indications complémentaires sur les bénéficiaires de l'excédent de distribution. / En cas de refus ou à défaut de réponse dans ce délai, les sommes correspondantes donnent lieu à l'application de la pénalité prévue à l'article 1759. ". En outre, aux termes de l'article 1759 de ce code : " Les sociétés et les autres personnes morales passibles de l'impôt sur les sociétés qui versent ou distribuent, directement ou par l'intermédiaire de tiers, des revenus à des personnes dont, contrairement aux dispositions des articles 117 et 240, elles ne révèlent pas l'identité, sont soumises à une amende égale à 100 % des sommes versées ou distribuées. Lorsque l'entreprise a spontanément fait figurer dans sa déclaration de résultat le montant des sommes en cause, le taux de l'amende est ramené à 75 %. ".
22. Au cours de la vérification de comptabilité dont la SARL BTP Services a fait l'objet, le vérificateur a remis en cause la déduction, du résultat imposable déclaré par cette société au titre de l'exercice clos en 2009, en tant que charges, de dépenses, représentant un montant de 4 156 euros, dont il a estimé qu'elles n'avaient pas été engagées dans l'intérêt de l'entreprise. Le vérificateur a, en outre, constaté que cette société avait maintenu, à la clôture du même exercice et à celle de l'exercice suivant, clos en 2010, des dépenses au compte d'attente 471000, pour un montant respectif de 85 703 euros et 93 345 euros, au lieu de les enregistrer dans les comptes définitifs appropriés. Le service a estimé, après avoir constaté que la SARL BTP Services n'avait apporté aucune pièce de nature à justifier de la nature précise de ces dépenses et de leur lien avec l'activité de l'entreprise, que les sommes correspondantes, nécessairement désinvesties à défaut de preuve du contraire, devaient être regardées comme correspondant à des avantages en nature servis à des tiers et présentant un caractère occulte. Afin d'identifier les bénéficiaires de ces avantages en nature, l'administration a, dans la proposition de rectification qu'elle lui a adressée le 19 octobre 2012, imparti à la SARL BTP Services, en application des dispositions précitées de l'article 117 du code général des impôts, un délai de trente jours à l'effet pour cette société de désigner l'identité des bénéficiaires de ces avantages en nature, sauf à encourir l'amende, d'un montant égal à 100 % des sommes en cause, prévue à l'article 1759 du code général des impôts. La SARL BTP Services n'ayant apporté aucune réponse à cette demande, l'administration a décidé de mettre cette amende à sa charge.
23. Pour justifier, ainsi que la charge lui en incombe, que cette amende, pour la fraction demeurant en litige, a été infligée à bon droit à la SARL BTP Services, le ministre fait valoir que cette société n'a apporté aucune réponse à la demande de désignation des bénéficiaires des sommes regardées comme ayant été distribuées, qui a été adressée à cette dernière dans la proposition de rectification du 19 octobre 2012 et que la constatation de cette carence suffit à justifier le prononcer de l'amende en litige.
24. La SARL BTP Services soutient qu'elle a justifié l'objet et la nature de l'ensemble des dépenses dont la déductibilité en tant que charges a été remise en cause par l'administration, de même que l'intérêt de celles-ci pour son exploitation. Elle en déduit que les sommes correspondantes n'ont pu être regardées comme correspondant à des revenus distribués et que, par suite, l'amende en litige n'est pas légalement fondée. Toutefois, si, compte-tenu des précisions et pièces que la SARL BTP Services a produites en première instance, l'administration a accepté de regarder comme ayant été engagées dans l'intérêt de l'entreprise, à concurrence de 14 081 euros au titre de l'exercice clos en 2009 et de 16 925 euros au titre de l'exercice clos en 2010, les dépenses maintenues en compte d'attente, et de réduire en conséquence le montant de l'amende mise à la charge de la SARL BTP Services, cette dernière produit seulement, en cause d'appel, au soutien de ses allégations afférentes à l'intérêt qu'auraient revêtu pour elle les dépenses dont la déductibilité a été écartée par l'administration, des tickets de caisse, des reçus de paiement par carte bancaire, des relevés de factures qu'elle a élaborés et des relances de paiement non accompagnées des factures auxquelles elles se rapportent. Or, de telles pièces, tout autant que les relevés de compte bancaire ou les souches de chèques, alors que le paiement des sommes correspondantes n'est pas remis en cause par l'administration, ne peuvent suffire à justifier de l'intérêt pour l'entreprise des dépenses auxquelles elles se rapportent, ni à permettre un rapprochement entre ces paiements, dont certains ont, au demeurant, été effectués des jours non ouvrables, et les dépenses enregistrées en compte d'attente. Enfin, s'agissant des dépenses que l'appelante qualifie elle-même, dans ses écritures, de dépenses " identifiées sans facture correspondante ", pour un montant de 44 208,31 euros au titre de l'exercice clos en 2009 et de 47 444,96 euros au titre de l'exercice clos en 2010, la SARL BTP Services ne peut être regardée comme ayant justifié, par cette seule allégation, de leur nature, de leur objet, et, par voie de conséquence, de leur intérêt pour son exploitation.
25. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL BTP Services n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen n'a pas fait entièrement droit à sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions qu'elle présente sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu, à concurrence du dégrèvement de 11 948 euros prononcé, en droits et pénalités en cours d'instance d'appel, de statuer sur les conclusions de la requête de la SARL BTP Services tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de la SARL BTP Services est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL BTP Services et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera transmise à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.
Délibéré après l'audience publique du 17 novembre 2022 à laquelle siégeaient :
- M. Christian Heu, président de chambre,
- M. Mathieu Sauveplane, président-assesseur,
- M. Jean-François Papin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er décembre 2022.
Le rapporteur,
Signé : J.-F. PapinLe président de chambre,
Signé : C. Heu
La greffière,
Signé : S. Pinto Carvalho
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
La greffière,
Suzanne Pinto Carvalho
1
2
N°20DA00680
1
3
N°"Numéro" |
JADE/CETATEXT000046690096.xml | Vu la procédure suivante :
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 28 septembre et 22 novembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, le Syndicat national des artistes tatoueurs et des professionnels du tatouage (SNAT) demande au Conseil d'État :
1°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision implicite de refus née du silence gardé par le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique sur sa demande du 13 juillet 2022 tendant à l'abrogation des paragraphes nos 170 à 440 des commentaires administratifs publiés le 6 juillet 2016 au Bulletin officiel des finances publiques (BOFiP) - impôts sous la référence BOI-IF-CFE-10-30-10-60, ainsi que la décision explicite de refus du ministre du 19 septembre 2022 ;
2°) à titre subsidiaire, de surseoir à statuer et de saisir la Cour européenne des droits de l'homme d'une demande d'avis portant sur la compatibilité des dispositions des 2° à 4° de l'article 1460 du code général des impôts avec les stipulations de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;
- le code civil ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Sébastien Ferrari, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public ;
Vu les notes en délibéré, enregistrées les 23 et 24 novembre 2022, présentées par le Syndicat national des artistes tatoueurs et des professionnels du tatouage ;
Considérant ce qui suit :
1. Le Syndicat national des artistes tatoueurs et des professionnels du tatouage (SNAT) a demandé au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique d'abroger les paragraphes nos 170 à 440 des commentaires administratifs publiés le 6 juillet 2016 au Bulletin officiel des finances publiques (BOFiP) - impôts sous la référence BOI-IF-CFE-10-30-10-60, par lesquels il avait fait connaître son interprétation des 2° à 4° de l'article 1460 du code général des impôts. Eu regard aux moyens qu'il invoque, le SNAT doit être regardé comme demandant l'annulation de la décision du ministre rejetant sa demande, en tant qu'elle concerne les paragraphes n° 170 à 210 des commentaires attaqués, relatifs à l'interprétation du 2° de l'article 1460 du code général des impôts.
2. Aux termes de l'article 1460 du code général des impôts : " Sont exonérés de la cotisation foncière des entreprises : / (...) 2° Les peintres, sculpteurs, graveurs et dessinateurs considérés comme artistes et ne vendant que le produit de leur art ; (...) ". Il résulte de ces dispositions, qui doivent être interprétées strictement compte tenu de leur caractère dérogatoire, que l'exonération qu'elles prévoient bénéfice aux seuls professionnels qu'elles mentionnent. A cet égard, l'activité de tatoueur, même lorsqu'elle comporte une part de création artistique, ne saurait être assimilée à l'une de celles énumérées par ces dispositions, et notamment pas à celle de graveur.
Sur la question prioritaire de constitutionnalité :
3. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ". Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.
4. Le SNAT soutient que les dispositions du 2° de l'article 1460 du code général des impôts, telles qu'interprétées par la jurisprudence du Conseil d'Etat, méconnaissent les principes d'égalité devant la loi et d'égalité devant les charges publiques protégés respectivement par les articles 6 et 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, en tant qu'elles excluent les artistes tatoueurs du bénéfice de l'exonération de cotisation foncière des entreprises qu'elles prévoient.
5. D'une part, aux termes de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 : " La loi (...) doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse ". Le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit. D'autre part, aux termes de l'article 13 de cette Déclaration : " Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés ". Cette exigence ne serait pas respectée si l'impôt revêtait un caractère confiscatoire ou faisait peser sur une catégorie de contribuables une charge excessive au regard de leurs facultés contributives. En vertu de l'article 34 de la Constitution, il appartient au législateur de déterminer, dans le respect des principes constitutionnels et compte tenu des caractéristiques de chaque impôt, les règles selon lesquelles doivent être appréciées les facultés contributives. En particulier, il doit fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts poursuivis sans que cette appréciation entraîne de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques.
6. En exonérant de la cotisation foncière des entreprises les peintres, graveurs, sculpteurs et dessinateurs, le législateur a entendu favoriser ces personnes pour tenir compte des particularités du marché de l'art. Au regard d'un tel but, il s'est fondé sur des critères objectifs et rationnels en réservant le bénéfice de cet avantage à ceux de ces artistes qui sont considérés comme tels et ne vendent que le produit de leur art. Si le SNAT soutient qu'il en résulte une différence de traitement préjudiciable aux artistes tatoueurs, celle-ci répond à une différence de situation en rapport direct avec l'objet de la loi, dès lors que ces derniers, qui réalisent non des objets cessibles, eu égard au principe de non-patrimonialité du corps humain inscrit à l'article 16-1 du code civil, mais une prestation de service, ne sauraient être regardés comme vendant le produit de leur art au sens des dispositions contestées.
7. La question soulevée, qui n'est pas nouvelle, ne présentant ainsi pas un caractère sérieux, il n'y a pas lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel.
Sur la requête :
8. En premier lieu, si le SNAT soutient que les commentaires attaqués seraient illégaux pour réitérer une règle législative instituant une discrimination contraire aux stipulations de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, au regard de la liberté d'expression et du droit au respect de ses biens, garantis respectivement par l'article 10 de cette convention et par l'article 1er de son premier protocole additionnel, ce moyen ne peut toutefois qu'être écarté dès lors qu'ainsi qu'il a été dit au point 6, les artistes tatoueurs ne sont pas placés dans une situation analogue ou comparable à celle des personnes limitativement énumérées par le 2° de l'article 1460 du code général des impôts au regard de l'objectif d'utilité publique poursuivi par le législateur.
9. En second lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 2 qu'en énonçant que l'exonération prévue au 2° de l'article 1460 du code général des impôts " ne concerne que les professions limitativement énumérées à cet article sans aucune possibilité d'assimilation ", les commentaires attaqués n'ont pas ajouté à la loi fiscale, dont ils se bornent à éclairer la portée.
10. Par suite, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique ni de saisir la Cour européenne des droits de l'homme d'une demande d'avis consultatif, le SNAT n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision qu'il attaque. Ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu'être rejetées.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par le Syndicat national des artistes tatoueurs et des professionnels du tatouage.
Article 2 : La requête du Syndicat national des artistes tatoueurs et des professionnels du tatouage est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au Syndicat national des artistes tatoueurs et des professionnels du tatouage et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel et à la Première ministre.
Délibéré à l'issue de la séance du 23 novembre 2022 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Guillaume Goulard, M. Pierre Collin, présidents de chambre ; M. Stéphane Verclytte, Mme Françoise Tomé, M. Jonathan Bosredon, M. Hervé Cassagnabère, M. Christian Fournier, conseillers d'Etat et M. Sébastien Ferrari, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteur.
Rendu le 5 décembre 2022.
Le président :
Signé : M. Jacques-Henri Stahl
Le rapporteur :
Signé : M. Sébastien Ferrari
La secrétaire :
Signé : Mme Magali Méaulle |
JADE/CETATEXT000046690069.xml | Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Lusitania Escape Vermögensgesellschaft, venant aux droits de l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) Artil, a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge, en droits et pénalités, d'une part, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle l'EURL Artil a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2013, d'autre part, du rappel de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de cette dernière au titre de la période allant du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2013.
Par un jugement n° 1807454 du 12 mars 2021, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 12 mai 2021, la société Lusitania Escape Vermögensgesellschaft, représentée par Me Naïm, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge des impositions en litige ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- contrairement à ce qu'a retenu le tribunal administratif, elle a établi que les dépenses d'achat de matériels informatiques, qui sont précisément identifiés, que l'EURL Artil a exposées, au cours de la période allant du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2013, étaient en lien avec les opérations taxables auxquelles elle se livrait habituellement dans le cadre de l'exercice de son activité, dès lors qu'elles ont eu pour objet d'acquérir des matériels, c'est-à-dire essentiellement de ordinateurs portables, des clés USB et des souris, destinés, non pas à être revendus, mais à être mis à la disposition des stagiaires inscrits aux formations dispensées par l'EURL Artil ; au demeurant, l'administration a admis, dans la proposition de rectification qu'elle a adressée le 13 décembre 2016 à l'EURL Artil, qu'un tableau récapitulant l'objet de chacune de ces dépenses et les rapprochant des formations dispensées par cette société et des conventions conclues avec les clients, avait été remis à la vérificatrice au cours du contrôle ;
- elle a également établi que ces dépenses ont été exposées dans l'intérêt de l'exploitation de l'EURL Artil et qu'elles constituaient, par suite, des charges déductibles du résultat de l'exercice clos en 2013.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 juillet 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- la société appelante ne conteste les suppléments d'impôt sur les sociétés et les rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de l'exercice et de la période correspondant à l'année 2013 qu'en tant qu'ils procèdent de la remise en cause des déductions afférentes à des dépenses d'achat de matériels informatiques pour un montant hors taxes de 58 802,44 euros, auquel s'ajoute un montant de taxe sur la valeur ajoutée de 11 512,11 euros ;
- l'EURL Artil s'étant abstenue de répondre à la proposition de rectification qui lui avait été adressée le 13 décembre 2016 et qui lui avait imparti, conformément aux dispositions de l'article R. 57-1 du livre des procédures fiscales, un délai d'un mois, la société appelante supporte, en application de l'article R. 194-1 du même livre, la charge de la preuve de sorte qu'il lui incombe de démontrer le caractère exagéré des suppléments d'impôt et des rappels de taxe mis à sa charge ;
- au cours de la vérification de comptabilité dont l'EURL Artil a fait l'objet, la vérificatrice a constaté l'absence de trace comptable du sort des matériels acquis par cette entreprise, de même que l'impossibilité de rapprocher ces achats, dont le montant global représente 21 % du chiffre d'affaires déclaré par l'EURL Artil au titre de l'exercice clos en 2013, des prestations de formation facturées par cette entreprise au cours du même exercice ; aucune refacturation n'a ainsi été présentée concernant ces matériels et les conventions de formation conclues avec les entreprises clientes ne font pas mention d'une cession de matériels à l'issue de la formation ; en outre, contrairement à ce que soutient la société Lusitania Escape Vermögensgesellschaft, aucun document de nature à justifier de la cession de tout ou partie de ces matériels à des stagiaires n'a été fourni au cours du contrôle, si ce n'est un tableau rapprochant les achats de matériels des formations facturées, mais non appuyé de justificatifs ; l'administration n'a pas non plus admis l'existence de telles cessions au titre d'exercices postérieurs ; en l'absence de justifications, il ne peut être admis que les achats en cause correspondraient à des charges engagées dans l'intérêt de l'entreprise et qui seraient déductibles du résultat de l'exercice en application du 1. de l'article 39 du code général des impôts ;
- en l'absence de tout élément de nature à justifier du lien entre les achats de matériels informatiques en cause et les opérations taxables effectuées par l'EURL Artil, en particulier avec les prestations facturées par elle en aval, dans le cadre de son activité, l'administration a remis en cause, à bon droit, la déductibilité de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé ces achats.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. L'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) Artil exerçait, sous l'enseigne Artil Business, une activité consistant en la réalisation de prestations de services et de formation dans le domaine informatique, ainsi qu'en la vente et en l'installation de matériels informatiques, de mobiliers ou de structures bureautiques. Cette société a fait l'objet, du 7 novembre 2016 au 3 février 2017, d'une vérification de comptabilité portant sur la période allant du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015. Au cours de ce contrôle, la vérificatrice a estimé, notamment, qu'il n'était pas établi que des dépenses d'achats de matériels, exposées par l'EURL Artil au cours de la période allant du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2013, étaient rattachables aux opérations taxables réalisées par cette société, ni qu'elles constituaient des charges déductibles de l'exercice concerné. En conséquence, le service a entendu remettre en cause la déduction, opérée pour un montant de 11 512,11 euros, de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé ces dépenses et rehausser le résultat imposable déclaré par l'EURL Artil au titre de l'exercice clos en 2013 de la somme de 58 802,44 euros portée, selon le service, à tort en déduction en tant que charges. L'administration a fait connaître sa position, sur ces deux points, à l'EURL Artil par une proposition de rectification qu'elle lui a adressée le 13 décembre 2016, selon la procédure de rectification contradictoire. L'EURL Artil n'ayant pas formulé d'observations, le rappel de taxe sur la valeur ajoutée et la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés résultant de l'ensemble des rectifications notifiées ont été mis en recouvrement le 31 mai 2017 à hauteur des montants respectifs de 17 906 euros et de 30 830 euros, en droits et pénalités. La réclamation introduite par l'EURL Artil le 16 octobre 2017 a donné lieu à une admission partielle, en ce qui concerne un chef de redressement autre que portant sur les achats de matériels en cause.
2. Le 18 mai 2018, le gérant et unique associé de l'EURL Artil a cédé l'ensemble des parts qu'il détenait dans le capital de cette société à la société de droit allemand Lusitania Escape Vermögensgesellschaft, dont le cédant était aussi le gérant et unique associé. Le même jour, ce dernier a pris la décision de dissoudre l'EURL Artil, qui a, en conséquence, été radiée du registre du commerce et des sociétés le 23 juillet 2018, avec effet au 8 mai 2018. C'est donc la société Lusitania Escape Vermögensgesellschaft, venant aux droits et obligations de l'EURL Artil, qui a porté le litige devant le tribunal administratif de Lille, en lui demandant de prononcer la décharge, en droits et pénalités, d'une part, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle l'EURL Artil a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2013, d'autre part, du rappel de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de cette dernière au titre de la période allant du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2013. La société Lusitania Escape Vermögensgesellschaft relève appel du jugement du 12 mars 2021 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.
Sur la charge de la preuve :
3. En vertu de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales, lorsque, ayant donné son accord à la rectification ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré.
4. Il est constant que l'EURL Artil n'a formulé, dans le délai de trente jours qui lui avait été imparti par le service, conformément à l'article R. 57-1 du livre des procédures fiscales, aucune observation sur la proposition de rectification qui lui avait été adressée le 13 décembre 2016. Dès lors, en application des dispositions, rappelées au point précédent, de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales, il incombe à la société Lusitania Escape Vermögensgesellschaft, qui vient aux droits de l'EURL Artil, de prouver le caractère exagéré de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés et du rappel de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de cette dernière.
Sur le bien-fondé du rappel de taxe sur la valeur ajoutée :
5. En vertu du 1. du I de l'article 271 du code général des impôts, la taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. Il résulte de ces dispositions, interprétées à la lumière des dispositions de l'article 1er et de l'article 168 de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, que l'existence d'un lien direct et immédiat entre une opération particulière en amont et une ou plusieurs opérations en aval ouvrant droit à déduction est, en principe, nécessaire pour qu'un droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée soit reconnu à l'assujetti et pour déterminer l'étendue d'un tel droit. Le droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée grevant l'acquisition de biens ou de services en amont suppose que les dépenses effectuées pour acquérir ceux-ci fassent partie des éléments constitutifs du prix des opérations taxées en aval ouvrant droit à déduction. En l'absence d'un tel lien, un assujetti est toutefois fondé à déduire la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé des biens et services lorsque les dépenses liées à l'acquisition de ces biens et services font partie de ses frais généraux et sont, en tant que telles, des éléments constitutifs du prix des biens produits ou des services fournis par cet assujetti.
6. Au cours de la vérification de comptabilité dont l'EURL Artil a fait l'objet, la vérificatrice a constaté que cette société avait porté en déduction de la taxe sur la valeur ajoutée dont elle était redevable la taxe qui avait grevé, pour un montant de 11 512,11 euros, des achats de matériels, plus précisément de cent cinquante-neuf ordinateurs portables, trente-six clés USB, cent soixante-six souris lumineuses, sept tablettes tactiles, une caméra " go pro " et deux appareils photo numériques, effectués par elle au cours de la période allant du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2013. L'administration a remis en cause la déductibilité de cette taxe après avoir estimé qu'il n'était pas justifié de l'existence d'un lien entre, d'une part, ces achats et, d'autre part, les ventes et prestations de services facturées à ses clients par l'EURL Artil.
7. La société Lusitania Escape Vermögensgesellschaft, qui supporte, ainsi qu'il a été dit au point 4, la charge de la preuve, soutient que les matériels que l'EURL Artil a ainsi acquis ont été utilisés par celle-ci pour les besoins des formations en informatique qu'elle a dispensées au cours de l'année 2013 et qu'à l'issue des sessions, certains de ces matériels, mis à la disposition des stagiaires, ont pu leur être offerts ou ont été gardés par l'entreprise, ou encore ont été mis, dans une moindre mesure, au rebut en raison de leur défectuosité ou de leur obsolescence à la fin de l'année, ce qui explique l'absence de refacturation des matériels ainsi achetés. Toutefois, ainsi que le rappelle le ministre, l'EURL Artil n'a pu fournir à la vérificatrice, au cours du contrôle dont elle a fait l'objet, aucun élément probant au soutien de telles allégations, le tableau par lequel son gérant a proposé un rapprochement entre ces achats de matériels, dont certains ont été effectués à l'unité, et des prestations de formation facturées n'ayant été appuyé par aucune pièce justificative. En outre, s'il est constant que les conventions conclues, au cours de la période en cause, par l'EURL Artil avec ses clients précisent que le matériel nécessaire aux formations sera mis à la disposition des stagiaires durant chaque session, il n'est pas contesté par la société Lusitania Escape Vermögensgesellschaft que ces conventions ne précisent nullement que tout ou partie de ce matériel pourra être offert ou cédé aux stagiaires à l'issue de la formation, aucune attestation de stagiaires confirmant l'acquisition de matériel auprès de l'EURL Artil dans de telles conditions n'ayant par ailleurs été fournie. Par ailleurs, la caméra et les appareils photo numériques, qui figurent parmi les matériels faisant l'objet des achats en cause, ne sont pas, d'une manière évidente, en lien avec l'activité de formation exercée par l'EURL Artil. Si, à cet égard, la société Lusitania Escape Vermögensgesellschaft soutient que ces appareils de prise de vue ont été acquis dans le but de proposer une formation à la retouche de photographies numériques, mais que le projet de contrat qu'elle a élaboré à cette fin n'a été concrétisé par la signature d'aucune convention, elle n'apporte aucun élément au soutien de cette assertion. Par ailleurs, aucune justification des mises au rebut qui auraient été effectuées par l'EURL Artil au cours de la période en cause n'a été produite, alors qu'une telle preuve n'apparaît pas impossible à administrer. Enfin, aucun des éléments versés à l'instruction par la société Lusitania Escape Vermögensgesellschaft n'est de nature à établir que, comme elle le suggère, les achats en cause seraient susceptibles de relever de ses frais généraux. Dans ces conditions, c'est à bon droit que l'administration a remis en cause la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée pratiquée par l'EURL Artil en ce qui concerne ces achats.
Sur le bien-fondé de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés :
8. En vertu du 1 de l'article 39 du code général des impôts, le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant notamment, selon le 1° de ce 1, les frais généraux de toute nature.
9. En vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, s'il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits nécessaires au succès de sa prétention, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions susmentionnées du code général des impôts et quelle que soit la procédure d'imposition mise en œuvre à son égard, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net, défini à l'article 38 de ce code, que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité.
10. Ainsi qu'il a été dit au point 6, il est apparu, au cours de la vérification de comptabilité dont a fait l'objet l'EURL Artil, que cette société avait déduit, de son résultat imposable de l'exercice clos le 31 décembre 2013, des dépenses correspondant à des acquisitions de matériels, représentant une somme globale de 58 802,44 euros. Aucun élément de nature à justifier de l'intérêt de ces dépenses pour l'activité exercée par l'EURL Artil n'ayant, compte tenu de ce qui a été dit précédemment, été produit par cette société, l'administration a pu, à bon droit, réintégrer ces dépenses au résultat imposable de l'exercice clos en 2013 de l'EURL Artil.
Sur les pénalités :
11. Il résulte de ce qui a été dit aux points 5 à 10 que la société Lusitania Escape Vermögensgesellschaft n'est pas fondée à demander la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés et du rappel de taxe sur la valeur ajoutée en litige. Par suite, ses conclusions tendant, par voie de conséquence, à la décharge des pénalités dont ont été assortis ces suppléments d'impôt et ces rappels de taxe ne peuvent qu'être rejetées.
12. Il résulte de tout ce qui précède que la société Lusitania Escape Vermögensgesellschaft n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions qu'elle présente sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Lusitania Escape Vermögensgesellschaft est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Lusitania Escape Vermögensgesellschaft et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera transmise à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.
Délibéré après l'audience publique du 17 novembre 2022 à laquelle siégeaient :
- M. Christian Heu, président de chambre,
- M. Mathieu Sauveplane, président-assesseur,
- M. Jean-François Papin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er décembre 2022.
Le rapporteur,
Signé : J.-F. PapinLe président de chambre,
Signé : C. Heu
La greffière,
Signé : S. Pinto Carvalho
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
La greffière,
Suzanne Pinto Carvalho
1
2
N°21DA01073
1
3
N°"Numéro" |
JADE/CETATEXT000046690095.xml | Vu la procédure suivante :
M. C... A... et Mme B... A... ont demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2012, ainsi que des pénalités correspondantes.
Par un jugement n° 1701138 du 19 septembre 2019, ce tribunal a rejeté leur demande.
Par un arrêt n° 19MA04666 du 24 février 2022, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel formé par M. et Mme A... contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 25 avril et 25 juillet 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, M. et Mme A... demandent au Conseil d'État :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à leur appel ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un mémoire distinct et un nouveau mémoire, enregistrés les 14 septembre et 10 octobre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. et Mme A... demandent au Conseil d'Etat, en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et au soutien de leur pourvoi, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions du IV de l'article 54 de la loi du 30 décembre 2009 de finances rectificative pour 2009, dans sa rédaction issue du II de l'article 35 de la loi du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- la loi n° 2009-1674 du 30 décembre 2009 ;
- la loi n° 2011-94 du 25 janvier 2011 ;
- la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Sébastien Ferrari, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de M. et Mme A... ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 29 novembre 2022, présentée par M. et Mme A... ;
Considérant ce qui suit :
Sur la question prioritaire de constitutionnalité :
1. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ". Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.
2. Aux termes du I de l'article 151 septies A du code général des impôts : " Les plus-values soumises au régime des articles 39 duodecies à 39 quindecies (...) réalisées dans le cadre d'une activité (...) libérale (...), sont exonérées lorsque les conditions suivantes sont réunies : / 1° L'activité doit avoir été exercée pendant au moins cinq ans ; / 2° La cession est réalisée à titre onéreux et porte sur une entreprise individuelle ou sur l'intégralité des droits ou parts détenus par un contribuable qui exerce son activité professionnelle dans le cadre d'une société ou d'un groupement dont les bénéfices sont, en application des articles 8 et 8 ter, soumis en son nom à l'impôt sur le revenu et qui sont considérés comme des éléments d'actif affectés à l'exercice de la profession au sens du I de l'article 151 nonies ; / 3° Le cédant cesse toute fonction dans l'entreprise individuelle cédée ou dans la société ou le groupement dont les droits ou parts sont cédés et fait valoir ses droits à la retraite, dans les deux années suivant ou précédant la cession ; / 4° Le cédant ne doit pas détenir, directement ou indirectement, plus de 50 % des droits de vote ou des droits dans les bénéfices sociaux de l'entreprise cessionnaire ; / 5° L'entreprise individuelle cédée ou la société ou le groupement dont les droits ou parts sont cédés emploie moins de deux cent cinquante salariés et soit a réalisé un chiffre d'affaires annuel inférieur à 50 millions d'euros au cours de l'exercice, soit a un total de bilan inférieur à 43 millions d'euros ; / 6° Le capital ou les droits de vote de la société ou du groupement dont les droits ou parts sont cédés ne sont pas détenus à hauteur de 25 % ou plus par une entreprise ou par plusieurs entreprises ne répondant pas aux conditions du 5°, de manière continue au cours de l'exercice (...) ". Aux termes de l'article 54 de la loi du 30 décembre 2009 de finances rectificative pour 2009, dans sa rédaction applicable du 1er janvier 2010 au 30 décembre 2011 : " IV. Les avoués qui font valoir leurs droits à la retraite dans l'année qui suit la promulgation de la loi portant réforme de la représentation devant les cours d'appel bénéficient des dispositions de l'article 151 septies A du code général des impôts ". Aux termes de ce même article, dans sa rédaction issue de la loi du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 : " IV. Les avoués qui font valoir leurs droits à la retraite avant le 31 décembre 2012 bénéficient des dispositions de l'article 151 septies A du code général des impôts ".
3. Il résulte des dispositions du IV de l'article 54 de la loi du 30 décembre 2009 de finances rectificative pour 2009, éclairées par les travaux parlementaires préalables à l'adoption du II de l'article 35 de la loi du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 qui les a modifiées, que le législateur a entendu réserver le bénéfice de l'exonération prévue par l'article 151 septies A du code général des impôts à raison de l'indemnité perçue, en application de la loi du 25 janvier 2011 portant réforme de la représentation devant les cours d'appel, en réparation de la perte du droit de présentation de leur successeur du fait de la suppression de leur profession à compter du 1er janvier 2012, aux seuls avoués ayant fait valoir leurs droits à la retraite entre la date de promulgation de cette loi et le 31 décembre 2012.
4. Aux termes de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 : " La loi (...) doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse ". Le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit.
5. M. et Mme A... soutiennent qu'en ce qu'elles excluent du bénéfice de l'exonération d'impôt sur le revenu prévue par l'article 151 septies A du code général des impôts les indemnités perçues par les avoués ayant fait valoir leurs droits à la retraite antérieurement à la date de promulgation de la loi du 25 janvier 2011, les dispositions du IV de l'article 54 de la loi du 30 décembre 2009, dans leur rédaction issue de la loi du 28 décembre 2011, interprétées ainsi qu'il est dit au point 3, méconnaîtraient le principe d'égalité devant la loi fiscale garantie par l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.
6. Toutefois, le législateur a entendu limiter le bénéfice de l'exonération de l'indemnité perçue en application de la loi du 25 janvier 2011 aux seuls avoués qui ont fait valoir leurs droits à la retraite à compter de la promulgation de cette loi et avant le 31 décembre 2012. S'il en résulte une différence de traitement avec les avoués qui, à la date du 25 janvier 2011, poursuivaient leur activité tout en ayant déjà fait valoir leurs droits à la retraite, celle-ci répond à une différence de situation en rapport direct avec l'objet de la loi, dès lors que les intéressés ne peuvent être regardés comme ayant fait valoir leurs droits à la retraite en conséquence de la suppression de leur profession par la loi du 25 janvier 2011.
7. Il suit de là que la question soulevée, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas de caractère sérieux. Il n'y a donc pas lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel.
Sur les autres moyens du pourvoi :
8. Aux termes de l'article L. 822-1 du code de justice administrative : " Le pourvoi en cassation devant le Conseil d'Etat fait l'objet d'une procédure préalable d'admission. L'admission est refusée par décision juridictionnelle si le pourvoi est irrecevable ou n'est fondé sur aucun moyen sérieux ".
9. Pour demander l'annulation de l'arrêt qu'ils attaquent, M. et Mme A... soutiennent que la cour administrative d'appel de Marseille a :
- commis une erreur de droit en interprétant les dispositions combinées du IV de l'article 54 de la loi du 30 décembre 2009, dans sa rédaction issue du II de l'article 35 de la loi du 28 décembre 2011, et de l'article 151 septies A du CGI comme excluant du bénéfice de l'exonération prévue par ces dernières dispositions les indemnités perçues par les avoués en exercice à la date de promulgation de la loi du 25 janvier 2011 et ayant déjà fait valoir leurs droits à la retraite à cette date ;
- méconnu les dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales en jugeant qu'ils ne pouvaient se prévaloir du délai de reprise abrégé qu'elles prévoient, à raison de la qualité d'associé d'une société adhérente à un organisme de gestion agréé de M. A..., pour en déduire que le droit de reprise de l'administration fiscale n'était pas prescrit à la date à laquelle la proposition de rectification du 12 juin 2015 leur a été notifiée.
10. Aucun de ces moyens n'est de nature à permettre l'admission du pourvoi.
D E C I D E :
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Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. et Mme A....
Article 2 : Le pourvoi de M. et Mme A... n'est pas admis.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. C... A... et Mme B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel et à la Première ministre.
Délibéré à l'issue de la séance du 23 novembre 2022 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Guillaume Goulard, M. Pierre Collin, présidents de chambre ; M. Stéphane Verclytte, M. Jonathan Bosredon, M. Hervé Cassagnabère, M. Christian Fournier, Mme Françoise Tomé, conseillers d'Etat et M. Sébastien Ferrari, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteur.
Rendu le 5 décembre 2022.
Le président :
Signé : M. Jacques-Henri Stahl
Le rapporteur :
Signé : M. Sébastien Ferrari
La secrétaire :
Signé : Mme Magali Méaulle |
JADE/CETATEXT000046690042.xml | Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 31 août 2020 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination.
Par un jugement n° 2009941 du 6 avril 2021, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 5 mai 2021 et 30 mars 2022, Mme C... A..., représentée par Me Tapiero, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 6 avril 2021 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 31 août 2020 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans les mêmes conditions et de lui délivrer dans cette attente une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros à verser à son conseil en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ou, en l'absence de bénéfice de l'aide juridictionnelle, à lui verser en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
En ce qui concerne le refus de titre de séjour :
- il est entaché d'un défaut de motivation ;
- il a été pris à l'issue d'une procédure irrégulière, en l'absence de saisine de la commission du titre de séjour ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien, de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ; elle a subi des violences conjugales, à l'origine de la rupture de la vie commune avec le père de sa fille, de nationalité italienne ; ce dernier a été condamné à une peine d'emprisonnement de quatre mois avec sursis ;
- il méconnaît la directive 90/364, l'article 18 du traité de la communauté européenne, l'article 20 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et porte une atteinte disproportionnée à l'exercice du droit fondamental de libre circulation et de séjour de sa fille, de nationalité italienne ;
- il méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- il méconnaît les dispositions des articles L. 511-1, L. 511-3-1 et L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
-
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
- elle est illégale, dès lors qu'elle a été prise sur le fondement d'un refus de titre de séjour illégal ;
- elle méconnaît les dispositions des articles L. 511-1, L. 511-3-1 et L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
En ce qui concerne la décision portant refus de délai de départ volontaire :
- elle est insuffisamment motivée.
Une mise en demeure a été adressée le 31 août 2022 au préfet des Bouches-du-Rhône, qui n'a pas présenté d'observations.
Par une décision du 8 mars 2022, la caducité de la demande d'aide juridictionnelle présentée par Mme A... a été constatée.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- et les observations de Me Tapiero représentant Mme A....
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... relève appel du jugement du 6 avril 2021 du tribunal administratif de Marseille rejetant sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 31 août 2020 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990, publiée par décret le 8 octobre 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.
3. Il ressort des pièces du dossier que Mme A..., ressortissante algérienne, réside habituellement en France depuis la naissance de sa fille, de nationalité italienne, née à Marseille le 24 janvier 2018 de son union avec un ressortissant italien, titulaire d'un titre de séjour qui lui donne vocation à résider durablement sur le territoire français. Si Mme A... est séparée du père de cette enfant depuis août 2018, elle justifie, par les pièces qu'elle produit pour la première fois en appel, de l'exercice effectif de l'autorité parentale par ce dernier, qui contribue à l'éducation et l'entretien de leur enfant dans les conditions prévues par l'ordonnance du 30 octobre 2018 du juge aux affaires familiales, fixant la résidence habituelle de l'enfant chez la mère, accordant un droit de visite au père un samedi sur deux et le condamnant à verser à Mme A... une pension alimentaire d'un montant de 125 euros par mois pour l'entretien de leur enfant. Dans les circonstances de l'espèce, l'arrêté du préfet refusant la délivrance d'un titre de séjour à Mme A... et l'obligeant à quitter le territoire français a pour effet de priver son enfant, dont elle a la garde, de la présence de son père, alors que ce dernier, qui pourvoit également à son entretien et à son éducation, a vocation à demeurer en France où il réside régulièrement sous couvert d'un titre de séjour valable dix ans. Dans ces conditions, cet arrêté porte une atteinte excessive à l'intérêt supérieur de l'enfant de Mme A....
4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par son jugement du 6 avril 2021, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 31 août 2020 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
5. Eu égard à ses motifs et dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'un changement dans les circonstances de droit ou de fait se rapportant à la situation de Mme A... y ferait obstacle, le présent arrêt implique nécessairement que le préfet des Bouches-du-Rhône délivre à l'intéressée un certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale ", dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
6. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre des frais exposés par Mme A... et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2009941 du 6 avril 2021du tribunal administratif de Marseille et l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 31 août 2020 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône de délivrer à Mme A... un certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 200 euros à Mme A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 21 novembre 2022, où siégeaient :
- M. Bocquet, président,
- Mme Vincent, présidente assesseure,
- Mme Balaresque, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 décembre 2022.
N° 21MA01691 2 |
JADE/CETATEXT000046690019.xml | Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 28 septembre 2021 par lequel le préfet du Haut-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination, ainsi que l'arrêté du 11 janvier 2022 prononçant son assignation à résidence.
Par un jugement n° 2200203, 2200229 du 28 janvier 2022, le magistrat désigné du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté les conclusions dirigées contre les décisions portant obligation de quitter le territoire français, fixant le pays de destination et prononçant l'assignation à résidence et a renvoyé les conclusions dirigées contre la décision portant refus de titre de séjour ainsi que les conclusions à fin d'injonction et celles relatives aux frais de l'instance devant une formation collégiale.
Par un jugement n° 2200559 du 5 avril 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté le surplus des conclusions de la demande.
Procédure devant la cour :
I.) Par une requête, enregistrée le 14 mars 2022 sous le n° 22NC00652, M. B..., représenté par Me Andreini, demande à la cour :
1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire ;
2°) d'annuler ce jugement du 28 janvier 2022 ;
3°) d'annuler cet arrêté du 28 septembre 2021 ;
4°) d'annuler cet arrêté du 11 janvier 2022 ;
5°) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer, dans l'intervalle, une autorisation provisoire de séjour ;
6°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
- elle est illégale par voie d'exception de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour, laquelle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
- elle est illégale par voie d'exception de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
Sur la légalité de la décision d'assignation à résidence :
- elle est illégale par voie d'exception de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 juillet 2022, le préfet du Haut-Rhin conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 26 avril 2022.
II.) Par une requête, enregistrée le 14 mars 2022 sous le n° 22NC00653, M. B..., représenté par Me Andreini, demande à la cour :
1°) de prononcer le sursis à exécution de ce jugement du 28 janvier 2022 ;
2°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soulève les mêmes moyens que dans la requête n° 22NC00652 et fait valoir en outre que l'exécution de la mesure d'éloignement emporte des risques difficilement réparables.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 juillet 2022, le préfet du Haut-Rhin conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 26 avril 2022.
III.) Par une requête, enregistrée le 26 avril 2022 sous le n° 22NC01028, M. B..., représenté par Me Andreini, demande à la cour :
1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire ;
2°) d'annuler ce jugement du 5 avril 2022 ;
3°) d'annuler cet arrêté du 28 septembre 2021 en tant qu'il porte refus de titre de séjour ;
4°) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, subsidiairement de réexaminer sa situation dans le même délai, et de lui délivrer, dans l'intervalle, une autorisation provisoire de séjour ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
Sur la régularité du jugement :
- c'est à tort que le tribunal administratif a retenu l'irrecevabilité de ses conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 28 septembre 2021, les services du préfet ayant eu connaissance avant l'intervention de la décision attaquée, de sa nouvelle adresse postale ;
Sur la légalité de la décision de refus de titre de séjour :
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 juillet 2022, le préfet du Haut-Rhin conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 22 août 2022.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., né le 8 septembre 2000 et de nationalité albanaise, est entré irrégulièrement en France le 16 juin 2017 et a été pris en charge par l'aide sociale à l'enfance. A sa majorité, il a été mis en possession d'une autorisation provisoire de séjour de six mois, renouvelée jusqu'au 27 octobre 2020. Sa demande de renouvellement présentée le 30 octobre 2020 n'a pas abouti, les courriers de la préfecture étant revenus avec la mention " destinataire inconnu à l'adresse indiquée ". Il a séjourné en Albanie entre le 28 décembre 2020 et le 10 mai 2021 et a, à son retour sur le territoire français, sollicité la délivrance d'un titre de séjour en qualité de salarié. Par un arrêté du 28 septembre 2021, le préfet du Haut-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Puis, par un arrêté du 11 janvier 2022, le préfet du Haut-Rhin l'a assigné à résidence. Par une requête n° 22NC00652, M. B... relève appel du jugement du 28 janvier 2022 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 septembre 2021 en tant qu'il lui faisait obligation de quitter le territoire français et de l'arrêté du 11 janvier 2022. Par une requête n° 22NC00653, M. B... demande à la cour de prononcer le sursis à exécution de ce jugement du 28 janvier 2022. Enfin, par une requête n° 22NC001028, il relève appel du jugement du tribunal administratif de Strasbourg en date du 5 avril 2022 rejetant sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 septembre 2021 en tant qu'il portait refus de titre de séjour. Les requêtes nos 22NC00652, 22NC00653 et 22NC01028, présentées pour M. B..., concernent la situation du même ressortissant étranger. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
Sur les demandes d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :
2. M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle, dans chacune des affaires ci-dessus visées, par des décisions de la présidente du bureau d'aide juridictionnelle n° 2022/002064 du 26 avril 2022, n° 2022/002561 du 26 avril 2022 et n° 2022/003634 du 22 août 2022. Par suite, ses conclusions tendant à son admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire sont devenues sans objet. Il n'y a plus lieu d'y statuer.
Sur la régularité du jugement du 5 avril 2022 :
3. Pour déclarer la demande de M. B... irrecevable pour tardiveté, les premiers juges ont retenu que le pli comportant l'arrêté du 28 septembre 2021, retourné aux services de la préfecture avec la mention " destinataire inconnu à l'adresse ", lui avait été régulièrement notifié à l'adresse qu'il avait déclarée dans sa demande d'admission au séjour formée le 10 juin 2021 alors que l'intéressé ne justifiait pas avoir préalablement informé l'administration de son changement d'adresse. Toutefois, il ressort d'un courriel du 7 septembre 2021 que l'avocate de M. B... a informé les services de la préfecture de la nouvelle adresse à laquelle les courriers devaient lui être adressés tandis que la circonstance que ces derniers y ont répondu le jour même, ainsi qu'il ressort d'une pièce produite pour la première fois à hauteur d'appel, établit qu'ils avaient connaissance de la nouvelle adresse postale de M. B... à la date à laquelle l'arrêté attaqué lui a été notifié. Le requérant est ainsi fondé à soutenir que, faute pour l'administration de lui avoir adressé l'arrêté du 28 septembre 2021 à la bonne adresse, le délai de recours n'avait pas commencé à courir lorsqu'il a, le 13 janvier 2022, demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'en prononcer l'annulation. Par suite, c'est à tort que le tribunal administratif de Strasbourg a déclaré irrecevable la demande dont il était saisi. Il y a donc lieu d'annuler pour ce motif le jugement attaqué.
4. Il y a lieu pour la cour de statuer, par la voie de l'évocation, immédiatement sur les conclusions de la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Strasbourg tendant à l'annulation de la décision du 28 septembre 2021 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour puis, par la voie de l'effet dévolutif, sur les autres conclusions à fin d'annulation présentées par le requérant.
Sur la légalité du refus de titre de séjour :
5. Aux termes de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Toute décision prise par une administration comporte la signature de son auteur ainsi que la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci. / (...) ".
6. Il ressort des pièces du dossier soumis aux premiers juges que, si l'arrêté du 28 septembre 2021 permet de déchiffrer le prénom de sa signataire, déterminable par le genre précédent la mention de sa qualité, l'indication du nom et de la qualité de celle-ci sont en revanche illisibles, de même que sa signature manuscrite. Ni la signature manuscrite ni aucune autre mention de ce document ne permet d'identifier la personne qui en est l'auteur. Par suite, M. B... est fondé à soutenir que la décision attaquée a été prise en méconnaissance des dispositions de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration.
7. Il résulte de ce qui précède que M. B... est fondé à demander l'annulation de la décision attaquée du 28 septembre 2021 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour.
Sur la légalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de destination ainsi que de la décision portant assignation à résidence :
8. En premier lieu, M. B... est fondé à exciper de l'illégalité de la décision lui refusant un titre de séjour à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision par laquelle le préfet du Haut-Rhin lui a fait obligation de quitter le territoire français.
9. En second lieu, M. B... est ainsi également fondé à exciper de l'illégalité de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français au soutien de ses conclusions dirigées contre les décisions par lesquelles le préfet du Haut-Rhin a fixé le pays de destination et a prononcé son assignation à résidence.
10. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement n° 2200203, 2200229 susmentionné, le magistrat désigné du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses demandes dirigées contre la décision du 28 septembre 2021 en tant qu'elle portait obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de destination ainsi que contre la décision du 11 janvier 2022 prononçant son assignation à résidence.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
11. Eu égard au motif d'annulation retenu au point 6 ci-dessus, l'exécution du présent arrêt implique seulement qu'il soit enjoint au préfet du Haut-Rhin de réexaminer la situation de M. B... dans un délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt.
Sur les conclusions aux fins de sursis à exécution :
12. Par le présent arrêt, la cour se prononce sur l'appel de M. B... contre le jugement n° 2200559 du magistrat désigné du tribunal administratif de Strasbourg en date du 28 janvier 2022. Par suite, les conclusions aux fins de sursis à exécution de ce jugement présentées dans la requête n° 22NC00653 de M. B... sont devenues sans objet et il n'y a pas lieu d'y statuer.
Sur les frais liés aux instances :
13. M. B... ayant été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, son avocate peut prétendre au bénéfice des dispositions de l'article 37 de la loi ci-dessus visée du 10 juillet 1991. Dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Andreini, avocate de M. B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante, le versement à Me Andreini de la somme de 1 500 euros au titre des frais que M. B... aurait exposés dans la présente instance s'il n'avait été admis à l'aide juridictionnelle.
D E C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les demandes de M. B... tendant à son admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire.
Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions tendant au sursis à exécution du jugement du 28 janvier 2022 présentées par M. B... dans la requête n° 22NC00653.
Article 3 : Le jugement n° 2200559 du tribunal administratif de Strasbourg du 5 avril 2022 et la décision du 28 septembre 2021 par laquelle le préfet du Haut-Rhin a refusé de délivrer à M. B... un titre de séjour sont annulés.
Article 4 : Il est enjoint au préfet du Haut-Rhin de réexaminer la demande de M. B... dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt.
Article 5 : Le jugement n° 2200203, 2200229 du magistrat désigné du tribunal administratif de Strasbourg du 28 janvier 2022 est annulé en tant qu'il a rejeté la demande de M. B... tendant à l'annulation des décisions du 28 septembre 2021 par lesquelles le préfet du Haut-Rhin lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ainsi que de la décision du 11 janvier 2022 ordonnant son assignation à résidence.
Article 6 : Les décisions du 28 septembre 2021 par lesquelles le préfet du Haut-Rhin a fait obligation de quitter le territoire français à M. B... et a fixé le pays de destination ainsi que l'arrêté du 11 janvier 2022 portant assignation à résidence sont annulés.
Article 7 : L'Etat versera à Me Andreini la somme de 1 500 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Article 8 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Une copie du présent arrêt sera adressée au préfet du Haut-Rhin.
Délibéré après l'audience du 10 novembre 2022, à laquelle siégeaient :
M. Martinez, président,
M. Agnel, président-assesseur,
Mme Brodier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er décembre 2022.
La rapporteure,
Signé : H. C... Le président,
Signé : J. Martinez
La greffière,
Signé : C. Schramm
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
C. Schramm
2
Nos 22NC00652, 22NC00653, 22NC01028 |
JADE/CETATEXT000046690018.xml | Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. E... D..., en son nom personnel, et Me Bernard Lott, en qualité de liquidateur judiciaire de la SARL Golf de Sarreguemines, ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg, sur le fondement de l'article R. 532-1 du code de justice administrative, de prescrire, aux frais de l'Etat, une mesure d'expertise en vue de chiffrer les préjudices subis par eux en raison d'une procédure de contrôle fiscal.
Par une ordonnance n° 2104103 du 18 octobre 2021, la juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg a désigné un expert à l'effet, notamment : (i) de dire si la mise en recouvrement des impositions, les actes de poursuite, la condamnation solidaire du gérant au paiement de ces impositions ont eu une incidence sur la procédure de redressement judiciaire puis de liquidation judiciaire de la société Golf de Sarreguemines (ii) de chiffrer et évaluer précisément les divers chefs de préjudice invoqués par chacun des demandeurs.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 28 octobre 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance demande à la cour d'annuler cette ordonnance.
Il soutient que :
- la juge des référés a méconnu la compétence de la juridiction administrative en demandant à l'expert de se prononcer sur les conséquences de fautes dont l'appréciation relève de la compétence des juridictions judiciaires, en l'occurrence l'incidence de la condamnation pénale de M. D... ;
- la mesure d'expertise est inutile en ce que les demandeurs disposent de tous les éléments et documents leur permettant de soutenir leurs prétentions ;
- il n'existe manifestement aucun lien entre les préjudices allégués et l'action de l'administration, la liquidation de la société Golf de Sarreguemines n'étant due qu'à ses propres difficultés économiques et commerciales préexistantes au contrôle fiscal et en tout cas à la mise en recouvrement des impositions ;
- en tout état de cause, la mesure d'expertise devrait être cantonnée à la seule évaluation des préjudices et en aucun cas s'étendre à l'établissement d'un lien de causalité entre l'action de l'administration et les dommages allégués, cette qualification juridique relevant du seul office du juge.
Par un mémoire enregistré le 13 octobre 2022, M. D... et Me Lott en qualité de liquidateur de la société Golf de Sarreguemines concluent au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que les moyens invoqués par le ministre ne sont pas fondés.
L'instruction de l'affaire, dont la clôture avait été fixée au 14 octobre 2022, a été rouverte par la communication du mémoire en défense ci-dessus.
Par un mémoire enregistré le 26 octobre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut aux mêmes fins que sa requête et par les mêmes moyens.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience publique.
Ont été entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B... ;
- les conclusions de Mme Stenger, rapporteure publique ;
- et les observations de Me Picoche, représentant M. D... et Me Lott.
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes du premier alinéa de l'article R. 532-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, sur simple requête et même en l'absence de décision administrative préalable, prescrire toute mesure utile d'expertise ou d'instruction ".
Sur la compétence de la juridiction administrative :
2. Avant tout procès et avant même que puisse être déterminée, eu égard aux parties éventuellement appelées en la cause principale, la compétence sur le fond du litige, et dès lors que ce dernier est de nature à relever, fût-ce pour partie, de l'ordre de juridiction auquel il appartient, le juge des référés a compétence pour ordonner une mesure d'instruction sans que soit en cause le principe de séparation des autorités administratives et judiciaires. Il n'en est autrement que lorsqu'il est demandé au juge des référés d'ordonner une mesure d'instruction qui porte à titre exclusif sur un litige dont la connaissance au fond n'appartient manifestement pas à l'ordre de juridiction auquel il appartient.
3. Au soutien de leur demande d'expertise M. D... et la SARL Golf de Sarreguemines ont fait valoir qu'ils projetaient de rechercher la responsabilité de l'Etat à raison des préjudices qu'ils soutiennent avoir subis du fait des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de la société à la suite d'une vérification de comptabilité et dont le caractère illégal a été reconnu par arrêt de cette cour du 5 mars 2019. Si dans le cadre de l'exposé des faits les demandeurs ont fait état des conséquences des poursuites pénales pour fraude fiscale engagées à l'encontre de M. D..., ils ont bien précisé qu'ils entendaient procéder à une évaluation de leurs préjudices causés par la faute de l'administration " s'agissant du volet administratif ". Un tel litige relève de la compétence des juridictions de l'ordre administratif. Par suite, le ministre chargé des finances publiques n'est pas fondé à soutenir que la juge des référés, par l'ordonnance attaquée, y compris en demandant à l'expert de déterminer le rôle qu'aurait joué la condamnation solidaire de M. D... prononcée par le juge pénal dans le déroulement de la procédure collective de la société, aurait ordonné une mesure d'instruction portant sur un litige dont la connaissance au fond n'appartiendrait manifestement pas à la juridiction administrative.
Sur l'utilité de la mesure d'expertise :
4. L'utilité d'une mesure d'instruction ou d'expertise qu'il est demandé au juge des référés d'ordonner sur le fondement de ces dispositions doit être, dans la perspective d'un litige principal, actuel ou éventuel, relevant lui-même de la compétence de la juridiction à laquelle ce juge appartient, et auquel cette mesure est susceptible de se rattacher, d'une part, au regard des éléments dont le demandeur dispose ou peut disposer par d'autres moyens et, d'autre part, bien que ce juge ne soit pas saisi du principal, au regard de l'intérêt que la mesure présente, à la date à laquelle il statue, dans la perspective d'un litige principal, actuel ou éventuel, auquel elle est susceptible de se rattacher. A ce dernier titre, il ne peut faire droit à une demande d'expertise permettant d'évaluer un préjudice, en vue d'engager la responsabilité d'une personne publique, en l'absence manifeste, en l'état de l'instruction, de fait générateur, de préjudice ou de lien de causalité entre celui-ci et le fait générateur. Le juge des référés peut ordonner à un expert de recueillir et examiner toute information utile sur un préjudice allégué ainsi que de donner un avis sur l'évaluation de ce préjudice fournie par une partie, sans pour autant préjuger la responsabilité et l'appréciation que le juge du fond portera sur le lien de causalité entre la faute et le préjudice allégué.
5. Les demandeurs ont fait valoir que les conséquences dommageables des impositions assignées à la SARL Golf de Sarreguemines résidaient principalement dans la liquidation judiciaire de cette société prononcée le 12 février 2013 dans le cadre de la procédure collective ouverte par un jugement de redressement judiciaire du 11 décembre 2012. Contrairement à ce soutient le ministre chargé des finances publiques, il n'est pas manifeste au vu des pièces du dossier que cette procédure collective, ainsi que son issue, seraient exclusivement dues aux difficultés économiques préexistantes au contrôle fiscal de la SARL Golf de Sarreguemines. A cet égard, il ne saurait être exclu que le passif fiscal mis à la charge de la société, constitué au moins pour partie par les rappels de taxe sur la valeur ajoutée reconnus mal fondés, ait pu faire obstacle à toute perspective de redressement de la société. Par suite, le ministre chargé des finances publiques n'est pas fondé à soutenir qu'en l'état de l'instruction il n'existe manifestement pas de lien de causalité entre les impositions illégales et les préjudices allégués rendant inutile la mesure d'expertise sollicitée.
6. Si M. D... et Me Lott, ce dernier en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SARL Golf de Sarreguemines, sont en possession des pièces comptables et des pièces de la procédure collective, notamment les rapports des organes de la procédure, il n'en demeure pas moins utile qu'une évaluation chiffrée des préjudices allégués puisse être effectuée contradictoirement par un expert indépendant désigné par le juge des référés plutôt que par un expert privé missionné par les seuls demandeurs. Contrairement enfin à ce que soutient le ministre, en demandant à l'expert de rechercher si les impositions mises en recouvrement, les actes de poursuites et la condamnation solidaire du gérant de la société au paiement des impositions avaient eu une incidence sur la procédure de redressement puis de liquidation judiciaire de la société, l'ordonnance attaqué n'a pas pour effet de préjuger la responsabilité et l'appréciation que le juge du fond portera sur le lien de causalité entre la faute et le préjudice allégué et ainsi suppléer les demandeurs dans l'administration de la preuve de ces éléments qui leur incombe.
7. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, la juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg a ordonné la mesure d'expertise litigieuse. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante dans la présente instance, la somme globale de 1 500 euros au titre des frais exposés dans la présente instance par M. D... et Me Lott.
D E C I D E :
Article 1er : La requête du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à Me Lott et M. D... la somme globale de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, à M. E... D... et à Me Bernard Lott en qualité de liquidateur judiciaire de la SARL Golf de Sarreguemines.
Copie du présent arrêt sera transmise à M. C... A..., expert.
Délibéré après l'audience du 10 novembre 2022, à laquelle siégeaient :
M. Martinez, président de chambre,
M. Agnel, président assesseur,
Mme Brodier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er décembre 2022.
Le rapporteur,
Signé : M. AgnelLe président,
Signé : J. Martinez
La greffière,
Signé : C. Schramm
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
C. Schramm
N° 21NC02823 2 |
JADE/CETATEXT000046690033.xml | Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SARL Cico Carrière a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler l'arrêté du 20 février 2020 par lequel le maire de la commune de Saint-Florent a refusé de lui délivrer un permis d'aménager une plateforme de stockage de matériaux inertes sur les parcelles cadastrées B 628 et B 626 au lieudit Chiovo Vescova.
Par ordonnance n° 2000808 du 19 octobre 2020, le président du tribunal administratif de Bastia a rejeté la requête, en application des dispositions de l'article R. 222-1 7° du code de justice administrative, comme ne comportant que des moyens inopérants.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et deux mémoires complémentaires enregistrés les 16 décembre 2020, 18 décembre 2020 et 20 mai 2021, la SARL Cico Carrière, représentée par Me Pennaforte, demande à la Cour :
1°) d'annuler cette ordonnance du président du tribunal administratif de Bastia en date du 19 octobre 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté du maire de la commune de Saint-Florent du 20 février 2020 portant refus de permis d'aménager ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'ordonnance est entachée d'irrégularité dès lors que sa requête de première instance devait être regardée comme dirigée également contre l'avis conforme du préfet de la Haute-Corse du 2 janvier 2020 ;
- elle entend exciper de l'illégalité de l'avis conforme du préfet en date du 2 janvier 2020 ;
- le maire de la commune de Saint-Florent et le préfet de la Haute-Corse ont commis une erreur de droit et de fait quant à l'application des dispositions de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme ;
- le maire de la commune de Saint-Florent et le préfet de la Haute-Corse ont commis une erreur de droit et de fait s'agissant de l'application des dispositions des articles L. 121-23 et R. 121-4 7° du code de l'urbanisme dès lors que la parcelle ne constitue ni un site naturel ni un site remarquable.
Par un mémoire en défense enregistré le 21 avril 2021, le préfet de la Haute-Corse conclut au rejet de la requête de la SARL Cico Carrière.
Il soutient que les moyens de la requête sont infondés.
La requête a été communiquée à la commune de Saint-Florent qui n'a pas produit d'observations.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Vincent, présidente assesseure,
- les conclusions de M. Pecchioli, rapporteur public,
- et les observations de Me Bazin pour la SARL Cico Carrière.
Considérant ce qui suit :
1. La SARL Cico Carrière a présenté, le 18 décembre 2019, une demande de permis d'aménager un terrain cadastré sections B 626 et B 628 situé sur le territoire de la commune de Saint-Florent au lieudit Chiovo Vescova pour la création d'une plateforme de stockage de matériaux inertes. A la suite d'un avis conforme défavorable émis le 2 janvier 2020 par le préfet de la Haute-Corse, le maire de la commune de Saint-Florent a, par arrêté du 20 février 2020, rejeté la demande présentée par la société Cico Carrière. Cette dernière interjette appel de l'ordonnance du 19 octobre 2020 par laquelle le président du tribunal administratif de Bastia a, sur le fondement des dispositions du 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, rejeté sa requête comme ne comportant que des moyens inopérants.
Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :
2. Aux termes de l'article L. 422-5 du code de l'urbanisme applicable en l'espèce dès lors que la commune de Saint-Florent n'est pas couverte, s'agissant des parcelles litigieuses, par une carte communale, un plan local d'urbanisme ou un document en tenant lieu : " Lorsque le maire ou le président de l'établissement public de coopération intercommunale est compétent, il recueille l'avis conforme du préfet si le projet est situé : a) Sur une partie du territoire communal non couverte par une carte communale, un plan local d'urbanisme ou un document d'urbanisme en tenant lieu (...) ". Il résulte desdites dispositions que le maire a compétence liée pour refuser de délivrer une autorisation d'urbanisme en cas d'avis défavorable du préfet. Par suite, dès lors que la société Cico Carrière ne soulevait pas, dans ses écritures de première instance, l'exception d'illégalité de l'avis conforme du préfet du 2 janvier 2020, l'ensemble des moyens présentés à l'appui de ses conclusions aux fins d'annulation de l'arrêté du maire de la commune de Saint-Florent portant refus de permis d'aménager étaient, ainsi que l'a, à bon droit, jugé le président du tribunal administratif de Bastia, inopérants. Par suite, la requête pouvait être rejetée par ordonnance sur le fondement des dispositions de l'article R.222-1-7ème du code de justice administrative. Le moyen tiré de ce que cette dernière serait entachée d'irrégularité doit, dès lors, être écarté.
Sur l'exception d'illégalité de l'avis conforme du préfet de la Haute-Corse :
3. En excipant, à l'encontre de la décision du maire portant refus de permis d'aménager, de l'illégalité de l'avis conforme du préfet de la Haute-Corse du 2 janvier 2020, la requérante soulève un moyen tiré du défaut de base légale de la décision du maire. Par suite, cette exception d'illégalité constitue un moyen de légalité interne que la requérante est recevable à invoquer pour la première fois en appel dès lors qu'elle a invoqué en première instance des moyens fondés sur la même cause juridique.
4. Aux termes de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction issue de la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique : " L'extension de l'urbanisation se réalise en continuité avec les agglomérations et villages existants./ Dans les secteurs déjà urbanisés autres que les agglomérations et villages identifiés par le schéma de cohérence territoriale et délimités par le plan local d'urbanisme, des constructions et installations peuvent être autorisées, en dehors de la bande littorale de cent mètres, des espaces proches du rivage et des rives des plans d'eau mentionnés à l'article L. 121-13, à des fins exclusives d'amélioration de l'offre de logement ou d'hébergement et d'implantation de services publics, lorsque ces constructions et installations n'ont pas pour effet d'étendre le périmètre bâti existant ni de modifier de manière significative les caractéristiques de ce bâti. Ces secteurs déjà urbanisés se distinguent des espaces d'urbanisation diffuse par, entre autres, la densité de l'urbanisation, sa continuité, sa structuration par des voies de circulation et des réseaux d'accès aux services publics de distribution d'eau potable, d'électricité, d'assainissement et de collecte de déchets, ou la présence d'équipements ou de lieux collectifs. / L'autorisation d'urbanisme est soumise pour avis à la commission départementale de la nature, des paysages et des sites. Elle est refusée lorsque ces constructions et installations sont de nature à porter atteinte à l'environnement ou aux paysages ". Le III de l'article 42 de la même loi prévoit que : " Jusqu'au 31 décembre 2021, des constructions et installations qui n'ont pas pour effet d'étendre le périmètre du bâti existant, ni de modifier de manière significative les caractéristiques de ce bâti, peuvent être autorisées avec l'accord de l'autorité administrative compétente de l'Etat, après avis de la commission départementale de la nature des paysages et des sites, dans les secteurs mentionnés au deuxième alinéa de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction résultant de la présente loi, mais non identifiés par le schéma de cohérence territoriale ou non délimités par le plan local d'urbanisme en l'absence de modification ou de révision de ces documents initiée postérieurement à la publication de la présente loi ". Le V du même article précise que les mots " en continuité avec les agglomérations et villages existants " - qui remplacent les mots : " soit en continuité avec les agglomérations et villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l'environnement " s'appliquent " sans préjudice des autorisations d'urbanisme délivrées avant la publication de la présente loi ". Cette modification de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme ne s'applique pas " aux demandes d'autorisation d'urbanisme déposées avant le 31 décembre 2021 ni aux révisions, mises en compatibilité ou modifications de documents d'urbanisme approuvées avant cette date ". La loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique ayant été publiée au Journal officiel de la République française du 24 novembre 2018 et la présente demande de permis d'aménager ayant été déposée le 18 décembre 2019, les dispositions du V citées au point 4 sont applicables en l'espèce.
5. D'une part, il résulte des dispositions du premier alinéa de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, dans sa version applicable en l'espèce, que l'extension de l'urbanisation doit se réaliser, dans les communes littorales, soit en continuité avec les agglomérations et les villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l'environnement. Constituent des agglomérations ou des villages où l'extension de l'urbanisation est possible, au sens et pour l'application de ces dispositions, les secteurs déjà urbanisés caractérisés par un nombre et une densité significatifs de constructions.
6. D'autre part, le deuxième alinéa de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction issue de la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, ouvre la possibilité, dans les autres secteurs urbanisés qui sont identifiés par le schéma de cohérence territoriale et délimités par le plan local d'urbanisme, à seule fin de permettre l'amélioration de l'offre de logement ou d'hébergement et l'implantation de services publics, de densifier l'urbanisation, à l'exclusion de toute extension du périmètre bâti et sous réserve que ce dernier ne soit pas significativement modifié. En revanche, aucune construction ne peut être autorisée, même en continuité avec d'autres, dans les espaces d'urbanisation diffuse éloignés de ces agglomérations et villages. Il ressort des dispositions de ce 2e alinéa de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme que les secteurs déjà urbanisés qu'elles mentionnent se distinguent des espaces d'urbanisation diffuse par, entre autres, la densité de l'urbanisation, sa continuité, sa structuration par des voies de circulation et des réseaux d'accès aux services publics de distribution d'eau potable, d'électricité, d'assainissement et de collecte de déchets, ou la présence d'équipements ou de lieux collectifs. Par ailleurs, le III de l'article 42 de la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique autorise, par anticipation, jusqu'au 31 décembre 2021 et sous réserve de l'accord de l'Etat, les constructions qui n'ont pas pour effet d'étendre le périmètre du bâti existant, ni de modifier de manière significative les caractéristiques de ce bâti dans les secteurs déjà urbanisés non encore identifiés par le schéma de cohérence territoriale ou non délimités par le plan local d'urbanisme.
7. Le plan d'aménagement et de développement durable de la Corse (PADDUC), qui précise les modalités d'application de ces dispositions en application du I de l'article L. 4424-11 du code général des collectivités territoriales, prévoit que, dans le contexte géographique, urbain et socioéconomique de la Corse, une agglomération est identifiée selon des critères tenant au caractère permanent du lieu de vie qu'il constitue, à l'importance et à la densité significative de l'espace considéré et à la fonction structurante qu'il joue à l'échelle de la micro-région ou de l'armature urbaine insulaire, et que, par ailleurs un village est identifié selon des critères tenant à la trame et la morphologie urbaine, aux indices de vie sociale dans l'espace considéré et au caractère stratégique de celui-ci pour l'organisation et le développement de la commune. Le PADDUC prévoit par ailleurs la possibilité de permettre le renforcement et la structuration, sans extension de l'urbanisation, des espaces urbanisés qui ne constituent ni une agglomération ni un village, sous réserve qu'ils soient identifiés et délimités dans les documents d'urbanisme locaux. Enfin, il prescrit que l'extension de l'urbanisation sous forme de hameau nouveau intégré à l'environnement est exceptionnelle, précisément motivée dans le plan local d'urbanisme et répond soit à un impératif social ou économique soit à un impératif environnemental, technique ou légal. Ces prescriptions apportent des précisions et sont compatibles avec les dispositions du code de l'urbanisme particulières au littoral.
8. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que, contrairement à ce que soutient la société requérante, le terrain objet de la demande de permis d'aménager est situé à plus de 600 mètres du point le plus proche du village de Saint-Florent. Par ailleurs, si ledit terrain se situe à proximité d'un camping, d'un espace dédié au gardiennage des bateaux et d'une zone artisanale situés au Nord-Ouest, il ressort néanmoins des pièces du dossier qu'il est situé au cœur d'une vaste zone naturelle s'étendant au Sud, à l'Est, à l'Ouest et au Nord-Est, l'extrémité Ouest du terrain étant d'ailleurs située dans la ZNIEFF de type 1 de l'Aliso et du Poggio. Par suite, c'est sans commettre d'erreur de fait ou de droit que le préfet de la Haute-Corse a, par son avis du 2 janvier 2020, considéré que ce projet, qui ne peut, au regard de son environnement d'ensemble, être regardé comme se situant en continuité avec le village de Saint-Florent, n'était pas conforme aux dispositions de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme telles que précisées par le PADDUC.
9. En second lieu, à supposer que la SARL requérante ait également entendu se prévaloir des dispositions du 2ème alinéa de l'article L. 121-8 précité, il est, en tout état de cause, constant que le terrain n'est pas identifié par un schéma de cohérence territoriale ou le PADDUC, ni délimité par un plan local d'urbanisme. Au surplus, le terrain d'assiette du projet est situé non pas à l'intérieur d'un périmètre bâti existant mais en périphérie de celui-ci.
10. En dernier lieu, si la SARL Cico Carrière soutient que son terrain n'est situé ni dans un espace naturel ni dans un espace remarquable et que, par suite, son projet ne méconnaît pas les dispositions de l'article R. 121-4-7° du code de l'urbanisme aux termes desquelles : " En application de l'article L. 121-23, sont préservés, dès lors qu'ils constituent un site ou un paysage remarquable ou caractéristique du patrimoine naturel et culturel du littoral et sont nécessaires au maintien des équilibres biologiques ou présentent un intérêt écologique : (...) 7° Les parties naturelles des sites inscrits ou classés en application des articles L. 341-1 et L. 341-2 du code de l'environnement, des parcs nationaux créés en application de l'article L. 331-1 du code de l'environnement et des réserves naturelles instituées en application de l'article L. 332-1 du code de l'environnement (...) ", ce moyen est inopérant dès lors que le préfet ne s'est pas fondé sur un tel motif pour édicter son avis mais uniquement sur l'absence de conformité du projet aux dispositions de l'article L. 121-8 précitées du code de l'urbanisme.
11. Il résulte de ce qui précède que les conclusions aux fins d'annulation présentées par la SARL Cico Carrière doivent être rejetées.
Sur les frais d'instance :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante, verse à la SARL Cico Carrière la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête présentée par la SARL Cico Carrière est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Cico Carrière, à la commune de Saint-Florent et au préfet de la Haute-Corse.
Copie en sera adressée au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Délibéré après l'audience du 21 novembre 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Bocquet, président,
- Mme Vincent, présidente-assesseure,
- Mme Balaresque, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 décembre 2022.
N° 20MA04721 2 |
JADE/CETATEXT000046690023.xml | Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. E... C... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 9 février 2022 par lequel le préfet de l'Yonne lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire, a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office et l'a interdit de retour sur le territoire pour une durée de douze mois.
Par un jugement n° 2200391 du 18 février 2022, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Nancy a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 6 mai 2022, M. C..., représenté par Me Stella, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté attaqué ;
3°) d'enjoindre à l'autorité administrative compétente de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt et sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros à son avocat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'obligation de quitter le territoire : a été prise par une autorité incompétente ; a été adoptée en violation du droit à être entendu découlant de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; est insuffisamment motivée ; n'a pas été précédée d'un examen complet de sa situation ; repose sur une erreur de fait en ce qu'il est né le 5 février 2005 et non pas le 1er janvier 2004 ; viole l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales ;
- le refus de délai de départ volontaire : a été prise par une autorité incompétente ; est privée de base légale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire ; que l'administration n'a pas justifié d'un risque de fuite au sens de l'article 3 § 7 de la directive n° 2008/115/CE avec lequel les dispositions de l'article L. 512-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont au demeurant incompatibles ;
- la décision fixant le pays de destination : a été prise par une autorité incompétente ; est insuffisamment motivée ; est privée de base légale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire ;
- l'interdiction de retour : a été prise par une autorité incompétente ; est insuffisamment motivée ; est privée de base légale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire ; repose sur une appréciation manifestement erronée de sa situation au regard des dispositions de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi qu'au regard de l'article L. 612-10 du même code.
Par un mémoire en défense enregistré le 3 octobre 2022, le préfet de l'Yonne, représenté par Me Cano conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés dans la requête ne sont pas fondés.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle par décision du bureau d'aide juridictionnelle du 26 avril 2022.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- la constitution ;
- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience publique.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience publique.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., soutenant être né le 5 février 2005, de nationalité guinéenne, s'est présenté une première fois auprès des services du département de Saône-et-Loire le 28 décembre 2021 en se prétendant mineur mais les services ont procédé à son évaluation et ont conclu à sa majorité. L'intéressé s'est alors présenté le 2 février 2022 aux services du département de l'Yonne en se prévalant de sa minorité. Le 9 février 2022, il s'est vu opposer un refus de prise en charge et a été placé en garde-à-vue par les services de la gendarmerie d'Avallon (89) pour fausse déclaration d'identité aux fins d'obtenir une prestation indue. Par arrêté du même jour le préfet de l'Yonne l'a obligé à quitter le territoire français sans délai à destination du pays dont il a la nationalité et lui a interdit le retour pendant une durée d'un an. M. C... relève appel du jugement du 18 février 2022 par lequel la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de l'arrêté attaqué pris dans son ensemble :
2. Par un arrêté du 12 octobre 2020, régulièrement publié au recueil des actes administratifs spécial du même jour et aisément consultable sur le site internet de la préfecture, le préfet de l'Yonne a donné délégation à Mme D... A..., sous-préfète, secrétaire générale de la préfecture, à l'effet de signer tous arrêtés, décisions, circulaires, rapports, correspondances et documents relevant des attributions de l'Etat dans le département, à l'exception d'actes au nombre desquels ne figurent pas les décisions relatives au séjour et à l'éloignement des étrangers. Il suit de là que le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision attaquée doit être écarté.
3. L'arrêté attaqué énonce de manière suffisante et non stéréotypée l'ensemble des motifs de droit et de fait sur lesquels l'autorité préfectorale s'est fondée afin de prendre à l'encontre de M. C... les décisions qu'il comporte. Par suite, les moyens tirés du défaut de motivation seront écartés.
4. Il ressort du procès-verbal d'audition établi par la compagnie de gendarmerie d'Avallon le 9 février 2022 que M. C... a été informé qu'il était susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement à destination de son pays d'origine, qu'il a été mis à même de présenter ses observations et qu'il a notamment indiqué qu'il préférait rester en France pour recevoir une formation. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de son droit d'être entendu, découlant de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ne peut qu'être écarté.
5. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 222-11 du code de l'action sociale et des familles et de l'arrêté du 17 novembre 2016 relatifs à la procédure d'évaluation de sa minorité par une équipe pluridisciplinaire ne saurait être utilement invoqué à l'encontre des décisions attaquées.
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire :
6. Aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français :/1° L'étranger mineur de dix-huit ans ". Aux termes de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
7. Si l'arrêté attaqué mentionne dans son premier considérant que la date de naissance présumée de M. C... serait le 1er janvier 2004, il ressort des autres motifs que le préfet a bien examiné la date de naissance alléguée par l'intéressé, qui prétend être né le 5 février 2005, afin d'en conclure qu'il n'en justifiait pas. Par suite, M. C... n'est pas fondée à soutenir que la décision attaquée est entachée d'une erreur de fait.
8. Il est constant que M. C... a bénéficié à partir du 27 décembre 2021 d'un accueil d'urgence provisoire dans le département de Saône-et-Loire, pendant lequel les services en charge des mineurs non accompagnés ont procédé, au cours de deux entretiens réalisés les 6 et 20 janvier 2022, à l'évaluation de sa minorité dans les conditions prévues par le code de l'action sociale et des familles. Contrairement à ce que soutient le requérant, ni l'évaluateur du conseil départemental, ni les services de la gendarmerie d'Avallon n'ont laissé de doute quant à sa majorité au vu de l'incohérence des propos tenus sur son identité, de l'ambivalence de son comportement et du fait que son apparence physique ne correspondait pas à l'âge allégué. Dans un premier temps, M. C... a déclaré être dépourvu de justificatif d'identité, avant de montrer à l'évaluateur, dix jours après son arrivée, les photographies d'un extrait d'acte de naissance du 2 décembre 2021 et d'un jugement supplétif du 20 octobre 2021, visibles sur son téléphone portable. A défaut de documents originaux, aucune vérification d'authenticité ne pouvait être réalisée par les services compétents. Il a également refusé de procéder à la radiographie osseuse pour déterminer son âge. L'ensemble de ces circonstances constituent un faisceau d'indice concordant de nature à établir sans laisser de doute la majorité de l'intéressé. Si M. C... soutient détenir un jugement supplétif tenant lieu d'acte de naissance et l'extrait d'acte de naissance correspondant, de nature à établir sa date de naissance, il ne produit pas ces documents. Par suite, M. C... n'est pas fondé à soutenir que l'autorité préfectorale aurait méconnu les normes ci-dessus reproduites et se serait refusée à examiner sa situation personnelle ainsi que les conséquences de toute nature de sa décision sur sa situation personnelle.
Sur la légalité du refus de délai de départ volontaire :
9. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à invoquer, par la voie de l'exception, l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire à l'appui de ses conclusions dirigées contre le refus de délai de départ volontaire.
10. En vertu de l'article L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'existence d'un risque que l'étranger se soustraie à l'obligation qui lui est faite de quitter le territoire français résulte d'un ensemble de critères objectifs et doit être appréciée par l'autorité compétente en fonction des circonstances particulières de l'espèce. Le législateur a, en outre, réservé l'hypothèse d'une circonstance particulière propre à justifier que, même dans l'un des cas prévus par les dispositions législatives en cause, l'obligation de quitter le territoire français demeure assortie d'un délai de départ volontaire. Dans ces conditions, ces dispositions ne sont pas incompatibles avec les objectifs et les dispositions de la directive n° 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008, relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, notamment avec les articles 1er et 3 de cette directive. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté.
11. Il ressort des pièces du dossier que M. C... est dépourvu de tout document d'identité et de voyage et a déclaré vouloir demeurer en France. Par suite, l'autorité préfectorale a pu estimer à juste titre qu'il existait un risque que l'intéressé veuille se soustraire à l'obligation de quitter le territoire.
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
12. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à invoquer, par la voie de l'exception, l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination.
Sur la légalité de l'interdiction de retour sur le territoire :
13. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à invoquer, par la voie de l'exception, l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'interdiction de retour sur le territoire.
14. L'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français ".
15. Si M. C..., arrivé tout récemment en France et n'y disposant d'aucune attache familiale, soutient vouloir s'instruire en France, une telle affirmation ne saurait constituer une circonstance humanitaire de nature à établir que le préfet aurait apprécié de manière erronée sa situation en édictant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire. Par les mêmes considérations, en fixant à douze mois la durée de cette mesure, le préfet de l'Yonne n'a pas davantage commis d'erreur d'appréciation.
16. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions y compris celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie du présent arrêt sera transmise au préfet de l'Yonne.
Délibéré après l'audience du 10 novembre 2022, à laquelle siégeaient :
M. Martinez, président de chambre,
M. Agnel, président assesseur,
Mme Brodier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er décembre 2022.
Le rapporteur,
Signé : M. AgnelLe président,
Signé : J. Martinez
La greffière,
Signé : C. Schramm
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
C. Schramm
N° 22NC01172
2 |
JADE/CETATEXT000046690036.xml | Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'association U Levante et l'association bonifacienne comprendre et défendre l'environnement (ABCDE) ont demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler l'arrêté du 13 août 2019 C... lequel le maire de la commune de Bonifacio a délivré à M. A... un permis de construire pour l'édification d'une résidence de tourisme comportant 32 logements sur les parcelles cadastrées sections I 238, I 239 et I 636 au lieudit Canalli.
C... un jugement n° 1901298 du 3 novembre 2020, le tribunal administratif de Bastia a annulé le permis de construire délivré à M. A....
Procédure devant la Cour :
C... une requête enregistrée le 4 janvier 2021, M. B... A..., représenté C... Me Poletti, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bastia du 3 novembre 2020 ;
2°) à titre subsidiaire, d'enjoindre à la commune de Bonifacio de soumettre la demande de permis de construire à l'avis de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites ;
3°) de mettre à la charge de l'association U Levante le paiement d'une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le terrain est classé constructible au PLU de Bonifacio ; dès lors, il fait partie des secteurs identifiés C... le PLU comme " secteurs déjà urbanisés " au sens de l'article L. 121-8 alinéa 2 du code de l'urbanisme ;
- le tribunal ayant retenu le défaut d'avis de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites, il lui était loisible de surseoir à statuer dans l'attente de l'avis de cette instance.
C... un mémoire enregistré le 15 février 2021, l'association U Levante et l'association bonifacienne comprendre et défendre l'environnement, représentées C... Me Tomasi, demandent à la Cour :
1°) de rejeter la requête de M. A... ;
2°) d'annuler le permis de construire délivré le 13 août 2019 à M. A... C... le maire de la commune de Bonifacio ;
3°) de mettre à la charge de M. A... le paiement de la somme de 6 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que les moyens de la requête sont infondés.
La requête a été communiquée à la commune de Bonifacio qui n'a pas produit d'observations.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Vincent, présidente assesseure,
- et les conclusions de M. Pecchioli, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... a présenté, le 28 décembre 2018, une demande de permis de construire pour l'édification d'une résidence de tourisme comportant 32 logements sur les parcelles cadastrées sections I 238, I 239 et I 636 au lieudit Canalli sur le territoire de la commune de Bonifacio. C... arrêté du 13 août 2019, le maire de la commune de Bonifacio a délivré à M. A... le permis sollicité. L'association U Levante et l'association bonifacienne comprendre et défendre l'environnement (ABCDE) ont demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler ledit arrêté. M. A... interjette appel du jugement du 3 novembre 2020 C... lequel le tribunal administratif de Bastia a annulé le permis de construire précité.
Sur la régularité du jugement :
2. Aux termes de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme : " Sans préjudice de la mise en œuvre de l'article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation, même après l'achèvement des travaux. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. Le refus C... le juge de faire droit à une demande de sursis à statuer est motivé. "
3. A supposer que M. A..., en faisant valoir que les premiers juges auraient dû surseoir à statuer dans l'attente d'un avis de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites, ait entendu soutenir que le jugement attaqué serait entaché d'irrégularité, il résulte dudit jugement que le tribunal a seulement retenu le moyen de légalité interne tiré de l'absence de conformité du projet aux dispositions de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, lequel n'est pas susceptible d'être régularisé, et non un moyen de légalité externe tiré de l'absence d'avis de ladite commission. C... suite, le jugement attaqué n'est pas entaché d'irrégularité.
Sur le bien-fondé du jugement :
4. Aux termes de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction issue de la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique : " L'extension de l'urbanisation se réalise en continuité avec les agglomérations et villages existants./ Dans les secteurs déjà urbanisés autres que les agglomérations et villages identifiés C... le schéma de cohérence territoriale et délimités C... le plan local d'urbanisme, des constructions et installations peuvent être autorisées, en dehors de la bande littorale de cent mètres, des espaces proches du rivage et des rives des plans d'eau mentionnés à l'article L. 121-13, à des fins exclusives d'amélioration de l'offre de logement ou d'hébergement et d'implantation de services publics, lorsque ces constructions et installations n'ont pas pour effet d'étendre le périmètre bâti existant ni de modifier de manière significative les caractéristiques de ce bâti. Ces secteurs déjà urbanisés se distinguent des espaces d'urbanisation diffuse C..., entre autres, la densité de l'urbanisation, sa continuité, sa structuration C... des voies de circulation et des réseaux d'accès aux services publics de distribution d'eau potable, d'électricité, d'assainissement et de collecte de déchets, ou la présence d'équipements ou de lieux collectifs. / L'autorisation d'urbanisme est soumise pour avis à la commission départementale de la nature, des paysages et des sites. Elle est refusée lorsque ces constructions et installations sont de nature à porter atteinte à l'environnement ou aux paysages ". Le III de l'article 42 de la même loi prévoit que : " Jusqu'au 31 décembre 2021, des constructions et installations qui n'ont pas pour effet d'étendre le périmètre du bâti existant, ni de modifier de manière significative les caractéristiques de ce bâti, peuvent être autorisées avec l'accord de l'autorité administrative compétente de l'Etat, après avis de la commission départementale de la nature des paysages et des sites, dans les secteurs mentionnés au deuxième alinéa de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction résultant de la présente loi, mais non identifiés C... le schéma de cohérence territoriale ou non délimités C... le plan local d'urbanisme en l'absence de modification ou de révision de ces documents initiée postérieurement à la publication de la présente loi ". Le V du même article précise que les mots " en continuité avec les agglomérations et villages existants " - qui remplacent les mots : " soit en continuité avec les agglomérations et villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l'environnement " s'appliquent " sans préjudice des autorisations d'urbanisme délivrées avant la publication de la présente loi ". Cette modification de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme ne s'applique pas " aux demandes d'autorisation d'urbanisme déposées avant le 31 décembre 2021 ni aux révisions, mises en compatibilité ou modifications de documents d'urbanisme approuvées avant cette date ". La loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique ayant été publiée au Journal officiel de la République française du 24 novembre 2018 et la présente demande de permis de construire ayant été déposée le 28 décembre 2018, les dispositions du V citées au point 4 sont applicables en l'espèce.
5. D'une part, il résulte des dispositions du premier alinéa de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, dans sa version applicable en l'espèce, que l'extension de l'urbanisation doit se réaliser, dans les communes littorales, soit en continuité avec les agglomérations et les villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l'environnement. Constituent des agglomérations ou des villages où l'extension de l'urbanisation est possible, au sens et pour l'application de ces dispositions, les secteurs déjà urbanisés caractérisés C... un nombre et une densité significatifs de constructions.
6. D'autre part, le deuxième alinéa de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction issue de la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, ouvre la possibilité, dans les autres secteurs urbanisés qui sont identifiés C... le schéma de cohérence territoriale et délimités C... le plan local d'urbanisme, à seule fin de permettre l'amélioration de l'offre de logement ou d'hébergement et l'implantation de services publics, de densifier l'urbanisation, à l'exclusion de toute extension du périmètre bâti et sous réserve que ce dernier ne soit pas significativement modifié. En revanche, aucune construction ne peut être autorisée, même en continuité avec d'autres, dans les espaces d'urbanisation diffuse éloignés de ces agglomérations et villages. Il ressort des dispositions de ce 2e alinéa de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme que les secteurs déjà urbanisés qu'elles mentionnent se distinguent des espaces d'urbanisation diffuse C..., entre autres, la densité de l'urbanisation, sa continuité, sa structuration C... des voies de circulation et des réseaux d'accès aux services publics de distribution d'eau potable, d'électricité, d'assainissement et de collecte de déchets, ou la présence d'équipements ou de lieux collectifs. C... ailleurs, le III de l'article 42 de la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique autorise, C... anticipation, jusqu'au 31 décembre 2021 et sous réserve de l'accord de l'Etat, les constructions qui n'ont pas pour effet d'étendre le périmètre du bâti existant, ni de modifier de manière significative les caractéristiques de ce bâti dans les secteurs déjà urbanisés non encore identifiés C... le schéma de cohérence territoriale ou non délimités C... le plan local d'urbanisme.
7. Le plan d'aménagement et de développement durable de la Corse (PADDUC), qui précise les modalités d'application de ces dispositions en application du I de l'article L. 4424-11 du code général des collectivités territoriales, prévoit que, dans le contexte géographique, urbain et socioéconomique de la Corse, une agglomération est identifiée selon des critères tenant au caractère permanent du lieu de vie qu'il constitue, à l'importance et à la densité significative de l'espace considéré et à la fonction structurante qu'il joue à l'échelle de la micro-région ou de l'armature urbaine insulaire, et que, C... ailleurs un village est identifié selon des critères tenant à la trame et la morphologie urbaine, aux indices de vie sociale dans l'espace considéré et au caractère stratégique de celui-ci pour l'organisation et le développement de la commune. Le PADDUC prévoit C... ailleurs la possibilité de permettre le renforcement et la structuration, sans extension de l'urbanisation, des espaces urbanisés qui ne constituent ni une agglomération ni un village, sous réserve qu'ils soient identifiés et délimités dans les documents d'urbanisme locaux. Enfin, il prescrit que l'extension de l'urbanisation sous forme de hameau nouveau intégré à l'environnement est exceptionnelle, précisément motivée dans le plan local d'urbanisme et répond soit à un impératif social ou économique soit à un impératif environnemental, technique ou légal. Ces prescriptions apportent des précisions et sont compatibles avec les dispositions du code de l'urbanisme particulières au littoral.
8. Si, en cause d'appel, M. A... fait valoir que c'est à juste titre que les premiers juges ont estimé que le secteur du projet ne peut être regardé comme constituant une agglomération ou un village, il soutient néanmoins que celui-ci doit être regardé comme un " secteur déjà urbanisé " au sens du deuxième alinéa de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme et du III de l'article 42 de la loi susvisée du 23 novembre 2018. Toutefois, à supposer même que ce secteur puisse être regardé comme un secteur déjà urbanisé, il ressort, en tout état de cause, des pièces du dossier que les parcelles cadastrées sections I 238, I 239 et I 636 sont situées non pas à l'intérieur d'un périmètre bâti existant mais en périphérie de celui-ci, à l'orée d'une vaste zone naturelle. C... suite, dès lors que la construction projetée aurait pour effet d'étendre le périmètre bâti existant, M. A... n'est, quel qu'ait pu être le classement des parcelles d'assiette du projet dans le PLU de Bonifacio, pas fondé à se prévaloir des dispositions précitées et à se plaindre de ce que, C... le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a annulé le permis de construire délivré le 13 août 2019.
Sur les frais d'instance :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que les associations intimées, qui n'ont pas la qualité de parties perdantes, versent à M. A... la somme qu'il réclame au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A... le paiement de la somme globale de 1 500 euros qui sera versée à l'association U Levante et à l'association bonifacienne comprendre et défendre l'environnement.
DECIDE :
Article 1er : La requête présentée C... M. A... est rejetée.
Article 2 : M. A... versera à l'association U Levante et à l'association bonifacienne comprendre et défendre l'environnement la somme globale de 1 500 euros (mille cinq cents euros).
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à l'association U Levante, à l'association bonifacienne comprendre et défendre l'environnement et à la commune de Bonifacio.
Délibéré après l'audience du 21 novembre 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Bocquet, président,
- Mme Vincent, présidente-assesseure,
- Mme Balaresque, première conseillère.
Rendu public C... mise à disposition au greffe le 5 décembre 2022.
N° 21MA00005 2 |
JADE/CETATEXT000046690022.xml | Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler les arrêtés du 1er avril 2021 par lesquels le préfet de Haute-Saône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire, a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office, lui a fait interdiction de retour sur le territoire pendant deux ans et l'a assigné à résidence.
Par un jugement n° 2100567 du 14 avril 2021, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Besançon a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 29 avril 2022 et un mémoire enregistré le 31 mai 2022, M. B..., représenté par Me Bertin, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler les arrêtés attaqués ;
3°) d'enjoindre à l'autorité administrative compétente de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de deux mois à compter de l'arrêt et dans l'attente de lui délivrer dans un délai de huit jours un récépissé de demande de titre de séjour l'autorisant à travailler ; à défaut de réexaminer sa situation sous couvert d'une autorisation provisoire de séjour délivrée dans un délai de huit à compter de l'arrêt et sous astreinte de cinquante euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros à son avocat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le refus de séjour et l'obligation de quitter le territoire : retiennent à tort une menace pour l'ordre public résultant de la production de documents d'état civil falsifiés alors qu'il justifie par des documents authentiques de son état civil et de sa date de naissance ; retiennent à tort la menace pour l'ordre public résultant des faits qui lui sont imputés dans le fichier du traitement des antécédents judiciaires en ce que ces faits n'ont pas été établis ou qu'ils sont dépourvus de toute gravité et ne sauraient remettre en cause son parcours d'intégration ; sont insuffisamment motivés ; font une inexacte application du 2 bis de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont il remplit toutes les conditions.
Par lettre du 6 octobre 2022, les parties ont été informées en application de l'article R. 611-5 du code de justice administrative, que l'arrêt de la cour était susceptible d'être fondé sur le moyen relevé d'office tiré de ce que le jugement attaqué a été rendu dans une formation de jugement irrégulière.
Par des mémoire en défense enregistré le 11 juillet 2022 et 13 octobre 2022, le préfet de Haute-Saône conclut au rejet de la requête.
Il soutient que si le jugement est irrégulier, la demande M. B... doit être rejetée, aucun des moyens soulevés n'étant fondé.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle par décision du bureau d'aide juridictionnelle du 29 mars 2022.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- la constitution ;
- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience publique.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience publique.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. A....
Un mémoire enregistré le 16 novembre 2022 a été présenté pour M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant guinéen né le 15 octobre 2001, est arrivé en France au mois de décembre 2016, selon ses déclarations. Par une ordonnance du 29 décembre 2016, le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Grenoble l'a confié aux services de l'aide sociale à l'enfance. Le 9 octobre 2019, M. B... a sollicité auprès de la préfète de la Haute-Saône la délivrance du titre de séjour prévu par les dispositions du 2° bis de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile Par deux arrêtés du 1er avril 2021, la préfète de la Haute-Saône a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, en désignant la Guinée comme pays à destination duquel il pourrait être éloigné d'office, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français durant deux ans à compter de l'exécution de la mesure d'éloignement et l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours. M. B... relève appel du jugement du 14 avril 2021 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Besançon a rejeté l'ensemble des conclusions de sa demande tendant à l'annulation de ces arrêtés.
Sur la régularité du jugement :
2. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " I. ' L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants :/3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré ". Aux termes de l'article L. 512-1 du même code alors en vigueur : " II. ' L'étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire sans délai peut, dans les quarante-huit heures suivant sa notification par voie administrative, demander au président du tribunal administratif l'annulation de cette décision, ainsi que l'annulation de la décision relative au séjour, de la décision refusant un délai de départ volontaire, de la décision mentionnant le pays de destination et de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français ou d'interdiction de circulation sur le territoire français qui l'accompagnent le cas échéant./Il est statué sur ce recours selon la procédure et dans les délais prévus, selon les cas, aux I ou I bis./Toutefois, si l'étranger est placé en rétention en application de l'article L. 551-1 ou assigné à résidence en application de l'article L. 561-2, il est statué selon la procédure et dans le délai prévus au III du présent article ". Aux termes de l'article R. 776-17 du code de justice administrative : " (...) lorsque le requérant a formé des conclusions contre la décision relative au séjour notifiée avec une obligation de quitter le territoire, il est statué sur cette décision dans les conditions prévues à la sous-section 1 ou à la sous-section 2 de la section 2, selon le fondement de l'obligation de quitter le territoire ". Les obligations de quitter le territoire prises sur le fondement du 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relèvent ainsi des dispositions de la sous-section 1 de la section 2 du chapitre VI du code de justice administrative relatif au contentieux des obligations de quitter le territoire. Il en résulte que les conclusions tendant à l'annulation d'un refus de séjour notifié concomitamment à une telle obligation de quitter le territoire doivent être jugées en vertu de l'article R. 776-17 de ce code selon les règles de procédure prévues par cette sous-section. Dès lors, la formation collégiale du tribunal administratif est seule compétente pour statuer sur de telles conclusions.
3. M. B... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler non seulement l'obligation de quitter sans délai le territoire et l'interdiction de retour sur le territoire mais également la décision lui refusant le séjour. L'obligation de quitter sans délai le territoire ayant été prise sur le fondement du 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il incombait à la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Besançon, compétente à l'égard des autres décisions, M. B... ayant été assigné à résidence, de renvoyer à la formation collégiale de jugement les conclusions de la demande tendant à l'annulation du refus de séjour. C'est par suite irrégulièrement que la magistrate désignée a statué sur les conclusions de M. B... tendant à l'annulation de la décision du préfet de Haute-Saône lui refusant le séjour.
4. Il y a lieu d'annuler le jugement attaqué en tant qu'il a statué sur les conclusions de la demande de M. B... tendant à l'annulation du refus de séjour. Il y a lieu pour cette cour d'évoquer et de statuer sur les conclusions de la demande de M. B... présentées devant le tribunal administratif tendant à l'annulation du refus de séjour et dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel s'agissant des autres décisions contenues dans l'arrêté litigieux.
Sur la légalité des arrêtés pris dans leur ensemble :
5. Les arrêtés attaqués énoncent de manière suffisante et non stéréotypée les considérations de droit et de fait sur lesquelles l'autorités préfectorale s'est fondée afin de prendre à l'encontre de M. B... les décisions qu'ils comportent. Par suite, les moyens tirés du défaut de motivation seront écartés.
Sur la légalité du refus de séjour :
6. Afin de refuser à M. B... la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 2 bis de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable, le préfet de Haute-Saône s'est exclusivement fondé sur le risque que la présence de l'intéressé en France faisait courir à l'ordre public.
En ce qui concerne la production de faux documents d'état civil :
7. L'article L. 811-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que : " La vérification des actes d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil ". L'article R. 431-10 du même code prévoit que : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente à l'appui de sa demande : / 1° Les documents justifiant de son état civil (...) ". L'article 47 du code civil dispose que : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ".
8. Aux termes du II de l'article 16 de la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice : " Sauf engagement international contraire, tout acte public établi par une autorité étrangère et destiné à être produit en France doit être légalisé pour y produire effet. / La légalisation est la formalité par laquelle est attestée la véracité de la signature, la qualité en laquelle le signataire de l'acte a agi et, le cas échéant, l'identité du sceau ou timbre dont cet acte est revêtu / Un décret en Conseil d'Etat précise les actes publics concernés par le présent II et fixe les modalités de la légalisation ". Aux termes de l'article 1er du décret du 10 novembre 2020 relatif à la légalisation des actes publics établis par une autorité étrangère, applicable aux légalisations intervenues à compter du 1er janvier 2021 : " Sauf engagement international contraire, tout acte public établi par une autorité étrangère et destiné à être produit en France ou devant un ambassadeur ou chef de poste consulaire français doit être légalisé pour y produire effet. La légalisation est la formalité par laquelle est attestée la véracité de la signature, la qualité en laquelle le signataire de l'acte a agi et, le cas échéant, l'identité du sceau ou timbre dont cet acte est revêtu. Elle donne lieu à l'apposition d'un cachet dont les caractéristiques sont définies par arrêté conjoint des ministres chargés de la justice et des affaires étrangères ".
9. A moins d'engagements internationaux contraires, la légalisation était imposée, s'agissant des actes publics étrangers destinés à être produits en France, sur le fondement de l'article 23 du titre IX du livre Ier de l'ordonnance de la marine d'août 1681, jusqu'à ce que ce texte soit abrogé par le II de l'article 7 de l'ordonnance du 21 avril 2006 relative à la partie législative du code général de la propriété des personnes publiques. L'exigence de légalisation est toutefois demeurée, sur le fondement de la coutume internationale, reconnue par une jurisprudence établie du juge judiciaire, jusqu'à l'intervention des dispositions citées ci-dessus du II de l'article 16 de la loi du 23 mars 2019. Les dispositions des 1er et 3ème alinéas de cet article ont été déclarées contraires à la Constitution, au motif qu'elles ne prévoient pas de voie de recours en cas de refus de légalisation d'actes d'état civil, par la décision n° 2021-972 QPC du 18 février 2022 du Conseil constitutionnel, qui a toutefois reporté au 31 décembre 2022 la date de leur abrogation. Par une décision n° 48296, 448305, 454144, 455519 du 7 avril 2022, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé le décret du 10 novembre 2020 relatif à la légalisation des actes publics établis par une autorité étrangère, pris pour l'application de ces dispositions législatives, en reportant la date et l'effet de cette annulation au 31 décembre 2022. Il en résulte que les dispositions citées au point 3, qui se sont substituées à compter de leur entrée en vigueur comme fondement de l'exigence de légalisation à la coutume internationale, demeurent applicables jusqu'à cette date.
10. Il résulte de ces dispositions que, lorsqu'est produit devant l'administration un acte d'état civil émanant d'une autorité étrangère qui a fait l'objet d'une légalisation, sont en principe attestées la véracité de la signature apposée sur cet acte, la qualité de celui qui l'a dressé et l'identité du sceau ou timbre dont cet acte est revêtu. En cas de doute sur la véracité de la signature, sur l'identité du timbre ou sur la qualité du signataire de la légalisation, il appartient à l'autorité administrative de procéder, sous le contrôle du juge, à toutes vérifications utiles pour s'assurer de la réalité et de l'authenticité de la légalisation.
11. En outre, la légalisation se bornant à attester de la régularité formelle d'un acte, la force probante de celui-ci peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. Par suite, en cas de contestation de la valeur probante d'un acte d'état civil légalisé établi à l'étranger, il revient au juge administratif de former sa conviction en se fondant sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis.
12. A la condition que l'acte d'état civil étranger soumis à l'obligation de légalisation et produit à titre de preuve devant l'autorité administrative ou devant le juge présente des garanties suffisantes d'authenticité, l'absence ou l'irrégularité de sa légalisation ne fait pas obstacle à ce que puissent être prises en considération les énonciations qu'il contient. En particulier, lorsqu'elle est saisie d'une demande d'admission au séjour sur le fondement de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il appartient à l'autorité administrative d'y répondre, sous le contrôle du juge, au vu de tous les éléments disponibles, dont les évaluations des services départementaux et les mesures d'assistance éducative prononcées, le cas échéant, par le juge judiciaire, sans exclure, au motif qu'ils ne seraient pas légalisés dans les formes requises, les actes d'état civil étrangers justifiant de l'identité et de l'âge du demandeur.
13. Afin d'estimer que M. B... avait produit des faux documents d'état civil destinés à établir son identité et sa date de naissance, le préfet de Haute-Saône s'est fondé sur des rapports établis par la police aux frontières. M. B... a produit deux jugements supplétifs tenant lieu d'acte de naissance, présentés comme ayant été établis respectivement les 20 septembre 2018 et 1er septembre 2020 par le tribunal de première instance de Conakry, ainsi que leur transcription sur les registres de l'état civil guinéen. Il ressort en particulier du rapport de la police aux frontières du 14 décembre 2020 que les cachets secs apposés sur ces documents sont des faux et que les cachets de légalisation de ces documents sont également des faux. Il ressort également des pièces du dossier, en particulier du compte-rendu d'entretien de la structure d'accueil, que M. B... avait conscience de ce que ces documents étaient des faux. Par ces éléments le préfet de Haute-Saône rapporte la preuve que les documents produits par M. B... afin d'établir son identité et sa date de naissance sont des faux en dépit de ce que l'intéressé n'a pas été condamné ou poursuivi à raison de ce fait.
En ce qui concerne les autres faits reprochés à M. B... :
14. Il n'est pas contesté que M. B... a fait l'objet d'un rappel à la loi pour avoir fourni une dose de stupéfiant à une camarade de collège le 12 janvier 2018. L'intéressé a également été verbalisé pour défaut du port du masque durant la période d'urgence sanitaire le 27 janvier 2021. Si les autres faits imputés à l'intéressé n'ont pas donné lieu à des condamnations, il résulte de ces éléments et surtout de la production des faux documents ci-dessus analysés que le préfet a pu à juste titre estimer que par son comportement M. B..., compte tenu par ailleurs de son absence d'efforts d'intégration, présentait une menace pour l'ordre public.
15. Si M. B... soutient que les faits établis et reconnus par lui sont dépourvus de gravité et sont anciens et doivent être rapprochés de son parcours d'intégration qu'il présente comme exemplaire, il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que la production de faux a été établie par l'administration et il ressort des pièces du dossier, en particulier de ses procès-verbaux d'audition devant les services de police et des différents rapports d'évaluation de la structure d'accueil, en dépit de leur conclusion favorable, que son parcours personnel, scolaire et professionnel, a été constamment marqué par de nombreuses difficultés de comportement. Il ressort notamment ainsi du rapport d'évaluation du 23 décembre 2020 que deux employeurs ont mis fin à des périodes d'essai qu'ils lui avaient accordées après des conflits survenus avec M. B.... En dépit de ce que l'intéressé a conclu un nouveau contrat d'apprentissage le 21 janvier 2021, son parcours personnel, éducatif et professionnel ne saurait établir qu'il ne présentait plus un risque de trouble à l'ordre public à la date des décisions attaquées.
16. Le préfet de Haute-Saône s'étant uniquement et à juste titre fondé sur la menace à l'ordre public afin de refuser à M. B... un titre de séjour sur le fondement du 2 bis de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il ne saurait utilement soutenir qu'il remplit les autres conditions prévues par cet article.
17. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision par laquelle le préfet de Haute-Saône lui a refusé le séjour.
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire :
18. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à invoquer, par la voie de l'exception, l'illégalité du refus de séjour à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire.
19. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Besançon a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'obligation de quitter sans délai le territoire, de l'interdiction de retour sur le territoire et de l'assignation à résidence.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
20. Sa demande tendant à l'annulation du refus de séjour étant rejetée et le surplus de ses conclusions d'appel étant également rejetées, M. B... est la partie perdante dans la présente instance. Par suite, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat, sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, le versement à son avocat d'une somme au titre des frais qu'il aurait exposés dans la présente instance s'il n'avait été admis à l'aide juridictionnelle.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2100567 du 14 avril 2021 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Besançon est annulé en tant qu'il statue sur les conclusions de M. B... tendant à l'annulation de la décision de refus de séjour.
Article 2 : La demande de M. B... tendant à l'annulation de la décision par laquelle le préfet de Haute-Saône lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour est rejetée.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie du présent arrêt sera transmise au préfet de Haute-Saône.
Délibéré après l'audience du 10 novembre 2022, à laquelle siégeaient :
M. Martinez, président de chambre,
M. Agnel, président assesseur,
Mme Brodier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er décembre 2022.
Le rapporteur,
Signé : M. AgnelLe président,
Signé : J. Martinez
La greffière,
Signé : C. Schramm
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
C. Schramm
N° 22NC01065 2 |
JADE/CETATEXT000046690008.xml | Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 12 juin 2020 par lequel le préfet de la Marne a rejeté sa demande de titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français.
Par un jugement n° 2001474 du 6 novembre 2020, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté ce recours.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 22 février 2021, M. A..., représenté par Me Hami-Znati, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 6 novembre 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 12 juin 2020 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, moyennant la renonciation de son avocat à percevoir la contribution versée par l'État au titre de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- sur la décision portant refus de titre de séjour : elle est entachée d'incompétence ; elle est insuffisamment motivée ; elle méconnaît l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elle méconnaît l'article 9 du code civil ; elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- sur la décision portant obligation de quitter le territoire français : elle est entachée d'incompétence ; elle est entachée d'un vice de procédure tenant à ce qu'il n'a pas été informé qu'il pouvait faire l'objet d'une mesure d'éloignement ; elle est entachée d'un vice de procédure tenant à ce qu'il n'a pas été mis en mesure de faire valoir ses observations ; elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 9 du code civil ; elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; elle est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité affectant la décision portant refus de titre de séjour ;
- sur la décision fixant le pays de renvoi : elle est entachée d'incompétence ; elle méconnaît l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 9 du code civil.
Par une ordonnance du 9 juin 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 24 juin 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Sibileau, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant chinois né le 18 août 1991, déclare être entré en France le 25 mars 2016 sous couvert d'un visa C Schengen. Il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile le 21 avril 2020. Le préfet de la Marne, par un arrêté du 12 juin 2020, a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination. M. A... relève appel du jugement du 6 novembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
Sur la légalité de l'arrêté pris dans son ensemble :
2. En premier lieu, M. Denis Gaudin, secrétaire général de la préfecture de la Marne et signataire de l'arrêté attaqué, a reçu, par un arrêté du préfet de la Marne du 24 mars 2020 régulièrement publié le jour même au recueil des actes administratifs de l'Etat dans la Marne, délégation à l'effet de signer tous actes relevant de la compétence de l'Etat dans le département, à l'exception de certains au nombre desquels ne figurent pas les décisions prises en matière de police des étrangers. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de ce signataire doit être écarté comme manquant en fait.
3. En deuxième lieu, contrairement à ce que soutient l'appelant, l'arrêté contesté, qui comporte l'exposé des faits et des considérations de droit sur lesquels il se fonde, est suffisamment motivé.
4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors en vigueur : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. / L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. / Un décret en Conseil d'Etat définit les modalités d'application du présent article ".
5. M. A... se prévaut de sa présence ininterrompue en France depuis bientôt cinq ans, de démarches actives tendant à son insertion socio-professionnelle en France, de la présence de sa mère résidant régulièrement en France comme de l'état de santé préoccupant de celle-ci ainsi que de la présence d'un demi-frère disposant de la nationalité française. Ces éléments ne sauraient toutefois être regardés comme des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels justifiant l'admission exceptionnelle au séjour de M. A.... Il s'ensuit qu'il n'est pas fondé à soutenir que le préfet de la Marne aurait entaché son arrêté d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 313-14 précité.
6. En quatrième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes des dispositions de l'article 9 du code civil : " Chacun a droit au respect de sa vie privée ".
7. M. A... soutient vivre depuis cinq ans en France, que sa conduite est irréprochable, qu'il fait preuve d'une intégration parfaite notamment par sa maîtrise de la langue française et de ses recherches d'emploi, que sa mère dont l'état de santé est fragile réside régulièrement en France, qu'il a créé des relations personnelles et amicales stables et intenses. Il ressort toutefois des pièces du dossier que M. A... est en France depuis à peine un peu plus de quatre ans, que son séjour a largement été irrégulier et qu'il n'a pas d'enfant ou de partenaire en France. Par suite, compte tenu des circonstances de l'espèce, et notamment de la durée et des conditions de séjour de l'intéressé en France, l'arrêté litigieux du 12 juin 2020 n'a pas porté au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris. Dès lors, le préfet de la Marne n'a ni méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni en tout état de cause les dispositions de l'article 9 du code civil. De surcroît, le préfet n'a pas non plus commis une erreur manifeste dans l'appréciation de la situation personnelle de l'intéressé.
Sur l'obligation de quitter le territoire :
8. En premier lieu, lorsqu'il sollicite la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour, l'étranger, en raison même de l'accomplissement de cette démarche, qui tend à son maintien régulier sur le territoire français, ne saurait ignorer que, en cas de rejet de sa demande, il pourra faire l'objet, le cas échéant, d'une mesure d'éloignement du territoire français. Dès lors, le moyen tiré de ce que la décision attaquée est entachée d'un vice de procédure tenant à ce que M. A... n'a pas été informé qu'il pouvait faire l'objet d'une mesure d'éloignement doit être écarté.
9. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable ". M. A... ne peut donc pas utilement soutenir qu'il aurait dû être mis en mesure de présenter ses observations préalablement à l'édiction de la décision attaquée.
10. En troisième lieu, il résulte de ce qui a été dit précédemment que la décision portant refus de titre de séjour n'est pas entachée d'illégalité. La décision portant obligation de quitter le territoire français n'ayant pas été prise sur le fondement d'une décision portant refus de titre de séjour illégale, le moyen tiré d'une telle exception d'illégalité ne peut, dès lors, qu'être écarté.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions y compris celles tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie du présent arrêt sera adressée au préfet de la Marne.
Délibéré après l'audience du 27 octobre 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Agnel, président de chambre,
- M. Sibileau, premier conseiller,
- Mme Picque, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 30 novembre 2022.
Le rapporteur,
Signé : J.-B. SibileauLe président,
Signé : M. B...
Le greffier,
Signé : J.-Y. Gaillard
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier,
J.-Y. Gaillard
2
N° 21NC00504 |
JADE/CETATEXT000046690020.xml | Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 12 février 2021 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office.
Par un jugement n° 2101474 du 16 août 2021, le tribunal administratif de Nancy a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 27 avril 2022, M. C..., représenté par Me Levi-Cyferman, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté attaqué ;
3°) d'enjoindre l'autorité administrative compétente de lui délivrer un titre de séjour avec autorisation de travail ; à défaut de réexaminer sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros à son avocat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé ;
- le refus de séjour n'a pas été précédé de l'examen complet de sa situation ;
- les décisions attaquées portent une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale en violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales et reposent sur une appréciation manifestement erronée de sa situation.
Par un mémoire en défense enregistré le 4 novembre 2022, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle par décision du bureau d'aide juridictionnelle du 29 mars 2022.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- la constitution ;
- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience publique.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience publique.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B... ;
- et les observations de M. C... et de M. D..., éducateur spécialisé, assistant le requérant.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant malien se disant né le 25 décembre 2001, est entré sur le territoire français le 4 février 2018, selon ses déclarations. Le 22 décembre 2020, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en se prévalant de sa vie privée et familiale. Par un arrêté du 12 février 2021, le préfet de Meurthe-et-Moselle lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours. M. C... relève appel du jugement du 16 août 2021 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. L'arrêté attaqué comporte de manière suffisante et non stéréotypée l'ensemble des motifs de droit et de fait sur lesquels l'autorité préfectorale s'est fondée afin de prendre à l'encontre de M. C... les décisions qu'il comporte. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation sera écarté.
3. Si M. C... soutient que l'autorité administrative n'a pas pris en compte les documents originaux relatifs à son état civil qu'elle lui avait réclamés, il ressort des pièces du dossier que ces documents ont été produits postérieurement à l'arrêté litigieux. Par suite, M. C... n'est pas fondé à soutenir que l'autorité préfectorale se serait refusée à examiner sa situation personnelle.
4. Aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
5. Il ressort des pièces du dossier que M. C... est entré sur le territoire français au cours de l'année 2018 et résidait depuis deux ans en France au jour de la décision attaquée. S'il fait état de la poursuite d'un cursus scolaire aux fins d'obtenir un certificat d'aptitude professionnelle de cuisine collective, qu'il a depuis lors obtenu au mois de juin 2022, et de ce qu'il n'a plus de contact avec les membres de sa famille restés au Mali, il ne conteste pas être célibataire et sans enfant. Dans ces conditions, eu égard à la durée et aux conditions du séjour en France de l'intéressé, ce dernier n'est pas fondé à soutenir que le refus de séjour a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par les stipulations précitées une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Pour les mêmes motifs il convient également d'écarter le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation commise par le préfet.
6. Il résulte de tout ce qui précède que, compte tenu de l'argumentation ainsi développée, M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions y compris celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie du présent arrêt sera transmise au préfet de Meurthe-et-Moselle.
Délibéré après l'audience du 10 novembre 2022, à laquelle siégeaient :
M. Martinez, président de chambre,
M. Agnel, président assesseur,
Mme Brodier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er décembre 2022.
Le rapporteur,
Signé : M. AgnelLe président,
Signé : J. Martinez
La greffière,
Signé : C. Schramm
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
C. Schramm
N° 22NC01035 2 |
JADE/CETATEXT000046690021.xml | Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les arrêtés du 4 février 2022 par lesquels la préfète du Bas-Rhin lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire, a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office, lui a fait interdiction de retour sur le territoire et l'a assigné à résidence.
Par un jugement n° 2200776 du 15 février 2022, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 28 avril 2022, M. C..., représenté par Me Kling, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler les arrêtés attaqués ;
3°) d'enjoindre à l'autorité administrative compétente de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt et sous astreinte de cinquante euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 200 euros à son avocat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'obligation de quitter le territoire : porte une atteinte disproportionnée à son droit à la vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales, le centre de ses intérêts privés et familiaux étant établi en France ; repose sur une appréciation manifestement erronée de sa situation ;
- la décision lui refusant un délai de départ volontaire : est insuffisamment motivée ; n'a pas été précédée d'une procédure contradictoire en violation de la loi du 12 avril 2000 et du décret du 28 novembre 1983 ; n'a pas été précédée d'un examen de sa situation ; est dépourvue de base légale en ce que le II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile viole l'article 1er et l'article 3 de la directive n° 2008/115/CE du 16 décembre 2008 ;
- l'interdiction de retour sur le territoire : est insuffisamment motivée ; est entachée d'erreur de droit en ce que l'autorité préfectorale s'est abstenue d'examiner les critères permettant une telle décision ;
- la décision fixant le pays de destination : est privée de base légale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire ;
- l'assignation à résidence : est privée de base légale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire.
Par un mémoire en défense enregistré le 24 octobre 2022, la préfète du Bas-Rhin conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle par décision du bureau d'aide juridictionnelle du18 octobre 2022.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- la constitution ;
- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience publique.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience publique.
Le rapport de M. A... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant arménien se disant né en 1977, est entré irrégulièrement sur le territoire français le 17 janvier 2017 et a présenté une demande d'asile rejetée tant par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides que par la Cour nationale du droit d'asile. Il a fait ensuite l'objet de deux obligations de quitter le territoire le 28 novembre 2019 et le 18 décembre 2020, auxquelles il n'a pas déféré. Le 22 décembre 2020, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en se prévalant de sa vie privée et familiale. Par des arrêtés du 4 février 2022, la préfète du Bas-Rhin lui a fait obligation de quitter le territoire sans délai, a fixé le pays de destination, lui a fait interdiction de retour sur le territoire pendant deux années et l'a assigné à résidence. M. C... relève appel du jugement du 15 février 2022 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces arrêtés.
Sur la légalité des arrêtés pris dans leur ensemble :
2. Les arrêtés attaqués énoncent de manière suffisante et non stéréotypée l'ensemble des motifs de droit et de fait sur lesquels l'autorité préfectorale s'est fondée afin de prendre à l'encontre de M. C... les décisions qu'ils comportent. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation sera écarté.
3. A la suite de son interpellation et au cours de la retenue administrative dont il a fait l'objet, M. C... a été mis à même de présenter ses observations préalablement aux mesures dont il a fait l'objet ainsi qu'il ressort de son procès-verbal d'audition. Par suite, les moyens tirés de la violation du principe du contradictoire seront en tout état de cause, écartés.
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire :
4. Aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
5. Il ressort des pièces du dossier que M. C... n'a résidé sur le territoire français que pour les besoins de l'instruction de sa demande d'asile et d'une demande de titre de séjour. Il se maintient depuis irrégulièrement sur le territoire en dépit des obligations de le quitter qui lui ont été faites. S'il fait valoir qu'il est présent en France avec son épouse et ses enfants scolarisés, il ressort des pièces du dossier que son épouse est en situation irrégulière et qu'il n'existe aucun obstacle à ce que la cellule familiale se reconstitue en Arménie et que les enfants y poursuivent leur scolarité. Par la production d'une seule promesse d'embauche, M. C..., dont les ressources sont indéterminées, n'établit pas son intégration dans la société française y compris sur le plan professionnel. Par suite, M. C... n'est pas fondé à soutenir que l'obligation de quitter le territoire a méconnu les stipulations ci-dessus reproduites ou reposerait sur une appréciation manifestement erronée de sa situation.
Sur la légalité de la décision lui refusant un délai de départ volontaire :
6. En vertu de l'article L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'existence d'un risque que l'étranger se soustraie à l'obligation qui lui est faite de quitter le territoire français résulte d'un ensemble de critères objectifs et doit être appréciée par l'autorité compétente en fonction des circonstances particulières de l'espèce. Le législateur a, en outre, réservé l'hypothèse d'une circonstance particulière propre à justifier que, même dans l'un des cas prévus par les dispositions législatives en cause, l'obligation de quitter le territoire français demeure assortie d'un délai de départ volontaire. Dans ces conditions, ces dispositions ne sont pas incompatibles avec les objectifs et les dispositions de la directive n° 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008, relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, notamment avec les articles 1er et 3 de cette directive. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté.
7. Il ne ressort pas des pièces du dossier, contrairement à ce que soutient le requérant, que l'autorité préfectorale se serait refusée à examiner les conséquences d'un refus de délai de départ volontaire sur la situation de M. C....
Sur la légalité de l'interdiction de retour sur le territoire :
8. Il ne ressort pas des pièces du dossier que l'autorité préfectorale se serait refusée à examiner la situation de M. C... au regard des critères prévus à l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit sera écarté.
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination et celle l'assignant à résidence :
9. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à invoquer, par la voie de l'exception, l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire à l'appui de ses conclusions dirigées contre ces décisions.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions y compris celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie du présent arrêt sera transmise à la préfète du Bas-Rhin.
Délibéré après l'audience du 10 novembre 2022, à laquelle siégeaient :
M. Martinez, président de chambre,
M. Agnel, président assesseur,
Mme Brodier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er décembre 2022.
Le rapporteur,
Signé : M. AgnelLe président,
Signé : J. Martinez
La greffière,
Signé : C. Schramm
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
C. Schramm
N° 22NC01040 2 |
JADE/CETATEXT000046690009.xml | Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme F... B... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2013, 2014 et 2015 pour des montants, respectivement, de 5 381 euros, 1 866 euros et 2 657 euros.
Par un jugement nos 1805818, 1805819 et 1805820 du 24 mars 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a partiellement fait droit à la demande des requérants relative à la déduction de la pension alimentaire versée à leur fille en réduisant la base de l'impôt sur le revenu de l'année 2015 de 2 204 euros et a rejeté le surplus de leurs demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 15 juillet 2020, M. et Mme B..., représentés par Me Michaud, doivent être regardés comme demandant à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 24 mars 2020 en tant qu'il a rejeté le surplus de leurs demandes ;
2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu laissées à leur charge au titre des années 2013 à 2015 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- les primes d'assurance acquittées pour l'immeuble sis 221 place de la mairie sont des charges déductibles dans leur intégralité, dès lors que cette assurance permet d'assurer tout risque lié au bâtiment ;
- un chauffage au fioul ne pouvant pas ne concerner qu'une partie seulement de l'immeuble sis au 221 place de la mairie, il y a lieu d'admettre la déduction de 171/254e des factures du 5 mars 2013, du 30 septembre 2014 et du 19 novembre 2015 relatives à des révisions et des réparations intervenues sur la chaudière au fioul ;
- l'appartement dont l'usufruitière se garde la jouissance étant l'appartement 2 ainsi qu'il ressort des déclarations H2 déposées en 2012, la mention de l'appartement N1 sur la facture établie par la société Siehr le 16 décembre 2014 et l'attestation obtenue de cette même société permettent d'établir que cette dépense correspond nécessairement à un appartement donné en location ;
- la dépense de 88,85 euros correspond à des dépenses de peinture destinées à remettre en location l'appartement pour lequel le locataire avait remis sa dédite le 12 novembre 2015 ;
- il y a lieu de déduire dans sa totalité la facture de 2 700 euros relative à l'installation d'un adoucisseur d'eau, dès lors, d'une part, que cette dépense n'a pas profité à l'usufruitière qui a été placée en maison de retraite et, d'autre part, qu'elle visait à anticiper la location future de son appartement ;
- en ce qui concerne les dépenses d'entretien et d'amélioration des " carports " situés au 220 place de la mairie, il ne pouvait pas être procédé à une proratisation pour exclure la part correspondant à l'appartement occupé par la mère de Mme B... dès lors que le rattachement d'un " carport " à son appartement sur la déclaration H2 de 2012 est une erreur, que cette dernière ne disposait ni de l'usufruit ni de l'utilité d'un " carport " et que ceux-ci étaient destinés aux seuls appartements sis au 221 place de la mairie donnés en location ;
- la pension alimentaire versée à leur fille A... à hauteur de 4 487 euros est déductible dans son intégralité, dès lors que l'emploi étudiant qu'elle exerçait générait un revenu insuffisant pour vivre décemment et que la pension versée par eux est proportionnée à leurs revenus.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 janvier 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. et Mme B... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts ;
- le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme E...,
- les conclusions de Mme Stenger, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. Par une proposition de rectification du 30 novembre 2016, l'administration fiscale a porté à la connaissance de M. et Mme B... son intention de procéder à diverses rectifications de leurs déclarations d'impôt sur le revenu pour les années 2013 à 2015. Ces rehaussements, établis selon la procédure de rectification contradictoire, ont été, pour l'essentiel, maintenus en réponse aux observations des contribuables et des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu ont été mises en recouvrement le 30 septembre 2017 pour un montant total de 8 847 euros en droits et pénalités. M. et Mme B... ont formé des réclamations préalables pour contester ces suppléments d'imposition pour chacune des années concernées et ont également sollicité la déduction, à hauteur de 4 887 euros, des pensions alimentaires versées à leur fille majeure A... qu'ils avaient oublié de déclarer au titre de l'année 2015. Leurs réclamations ont été rejetées. Par un jugement du 24 mars 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a partiellement fait droit à la demande de M. et Mme B... tendant à la déduction de la pension alimentaire versée à leur fille en réduisant la base de leur impôt sur le revenu de l'année 2015 de 2 204 euros et a rejeté le surplus de leurs demandes. Par la présente requête d'appel, les requérants doivent être regardés comme demandant à la cour d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de leurs demandes.
Sur la déduction des charges foncières :
2. Aux termes de l'article 15 du code général des impôts : " (...) II. - Les revenus des logements dont le propriétaire se réserve la jouissance ne sont pas soumis à l'impôt sur le revenu. (...) ". Aux termes de l'article 28 du code général des impôts : " Le revenu net foncier est égal à la différence entre le montant du revenu brut et le total des charges de la propriété ". Aux termes de l'article 31 du même code : " I. - Les charges de la propriété déductibles pour la détermination du revenu net comprennent : 1° Pour les propriétés urbaines : a) Les dépenses de réparation et d'entretien effectivement supportées par le propriétaire ; a bis) les primes d'assurance ; (...) ".
3. D'une part, les dépenses mentionnées au I de l'article 31 du code général des impôts précité ne peuvent être déduites du revenu foncier brut que dans la mesure où, notamment, les charges alléguées sont dûment justifiées par le titulaire du revenu foncier, se rapportent à des immeubles dont les revenus sont imposables dans la catégorie des revenus fonciers, sont effectivement supportées par le propriétaire et sont engagées en vue de l'acquisition ou de la conservation du revenu.
4. D'autre part, il résulte des dispositions précitées que les charges afférentes aux logements dont le propriétaire se réserve la jouissance ne peuvent pas venir en déduction pour la détermination du revenu foncier compris dans le revenu global soumis à l'impôt sur le revenu. Par ailleurs, dans le cas où un immeuble fait l'objet d'un démembrement du droit de propriété entre un nu-propriétaire et un usufruitier, les dépenses de réparation de cet immeuble sont déductibles des bases de l'impôt sur le revenu dû par celui d'entre eux qui en a effectivement supporté la charge. Toutefois, ce dernier ne peut déduire que les charges qui seraient déductibles si la propriété n'était pas démembrée. Lorsque l'usufruitier se réserve la jouissance d'un logement, aucun droit à déduction n'est ouvert au nu-propriétaire.
En ce qui concerne les primes d'assurance :
5. Il résulte de l'instruction, et n'est pas contesté, que la mère de Mme B..., qui a transmis à sa fille, par acte de donation du 17 avril 1986, la nue-propriété de l'immeuble sis 221 place de la mairie à Schleithal, s'était réservée, en sa qualité d'usufruitière, un des trois appartements de celui-ci. Le reste de l'immeuble, constitué de deux appartements, est donné en location et génère des revenus fonciers pour lesquels l'administration fiscale a admis, au titre des charges déductibles en vertu du a bis de l'article 31 du code général des impôts précité, une quote-part de 171/254e du montant annuel de la cotisation d'assurance habitation versée par les requérants. Contrairement à que M. et Mme B... soutiennent, la circonstance qu'ils soient tenus d'assurer l'immeuble dans son intégralité contre les risques liés notamment à la structure du bâtiment n'est pas de nature à permettre le rattachement de l'intégralité de la cotisation d'assurance habitation de l'immeuble sis 221 place de la mairie à la seule partie de l'immeuble qui est productive de revenus. Ainsi, ils ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que l'administration fiscale leur a refusé la déduction de la quote-part de 83/254e de la cotisation d'assurance habitation correspondant à l'appartement dont ils sont considérés comme s'étant réservés la jouissance.
En ce qui concerne les dépenses de travaux :
S'agissant des dépenses relatives à l'immeuble sis 221 place de la Mairie :
6. En premier lieu, d'une part, M. et Mme B... soutiennent que la facture établie le 5 mars 2013 par la société Fernand Ulm pour un montant de 141,24 euros et les factures établies le 30 septembre 2014 et le 19 novembre 2015 par la société Kolb et Fils concernent des travaux de réparation et de révision du chauffage collectif au fioul équipant l'immeuble en question. Ils ne produisent toutefois aucune pièce permettant d'établir que, ainsi qu'ils l'allèguent, l'immeuble disposerait d'une unique chaudière pour les trois appartements qu'il comporte. Ils ne sont ainsi pas fondés à demander la déduction, à hauteur de 171/254e, du montant de ces factures remises en cause par le service. D'autre part, les requérants, qui ne sauraient se retrancher derrière le fait de ne pas avoir pu obtenir de factures rectificatives identifiant précisément l'appartement concerné, ne justifient pas que chacune de ces factures se rattache à l'un des deux appartements productifs de revenus fonciers.
7. En deuxième lieu, il ne ressort d'aucun des documents produits par M. et Mme B... que la mention N1, ajoutée de manière manuscrite sur la facture établie le 16 décembre 2014 par la société Siehr pour l'achat d'un mitigeur de douche et confortée par l'attestation de cette même société en date du 5 avril 2018, permettrait d'identifier un des deux appartements mis en location.
8. En troisième lieu, à supposer que M. et Mme B... aient refait la peinture d'un des appartements sis 221 place de la mairie après le départ de leur locataire à la fin de l'année 2015, ils ne justifient pas, par la seule production du ticket de caisse, que la dépense de 88,85 euros réalisée dans un magasin de bricolage en Allemagne aurait été engagée pour la réalisation de ces travaux.
9. En quatrième lieu, il résulte de l'instruction que l'administration a admis la déduction des revenus fonciers de M. et Mme B... de la quote-part de 171/254e de la facture établie le 9 décembre 2015 par la société Aquaconseil pour la mise en place d'un adoucisseur d'eau dans l'immeuble sis 221 place de la mairie. Ainsi qu'il a été dit au point 4 du présent arrêt, la mère de Mme B..., usufruitière d'un appartement représentant 83/254e de l'immeuble, s'étant réservée la jouissance de ce logement, les requérants ne pouvaient pas déduire l'intégralité de la facture en litige. Ils ne sauraient à cet égard se prévaloir ni de ce que la pose de cet équipement a été décidée en anticipation de la location future de ce logement, compte tenu du départ de l'usufruitière en maison de retraite en décembre 2015 et de son décès dans le courant de l'année 2016, ni de ce que cette dernière n'a pas pu profiter de l'équipement.
10. Dans ces conditions, M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que l'administration a réintégré dans leurs revenus fonciers les dépenses susmentionnées engagées sur l'immeuble sis au 221 place de la mairie dont ils n'ont pas établi le caractère déductible.
S'agissant des dépenses relatives aux parkings et " carports " :
11. Il résulte de l'instruction que l'administration a admis la déduction des revenus fonciers de M. et Mme B... de la quote-part de 171/254e de trois factures établies en 2013 par les sociétés Hemmerle René, Heiby et Fils et C... D... relatives à la création d'emplacements de parking et de quatre factures établies en 2014 par les sociétés Wickert, Dächert, Charpente Paul et Bernard Pascal relatives à la construction d'abris-voiture dits " carports " sur les places de parking et le local à poubelles sis au 220 place de la mairie. Si les requérants soutiennent que les " carports " ont été créés pour être loués avec les appartements mis en location dans l'immeuble sis au 221 place de la mairie, ils ne l'établissent pas. Ils n'établissent pas non plus que la mention portée sur leur déclaration H2 déposée le 30 août 2012 selon laquelle un carport de 17 m² est rattaché à l'appartement occupé par la mère de Mme B..., serait erronée. La circonstance que cette dernière n'avait pas l'usufruit sur l'un de ces carports et qu'elle n'en avait pas non plus l'utilité est sans incidence sur cette appréciation. Dans ces conditions, c'est à bon droit que l'administration a limité à 171/254e du montant de ces factures les dépenses déductibles de leurs revenus fonciers.
Sur la déduction de la pension alimentaire versée à leur fille A... :
12. Aux termes de l'article 156 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige : " L'impôt sur le revenu est établi d'après le montant total du revenu net annuel dont dispose chaque foyer fiscal. Ce revenu net est déterminé eu égard aux propriétés et aux capitaux que possèdent les membres du foyer fiscal désignés aux 1 et 3 de l'article 6, aux professions qu'ils exercent, aux traitements, salaires, pensions et rentes viagères dont ils jouissent ainsi qu'aux bénéfices de toutes opérations lucratives auxquelles ils se livrent, sous déduction : (...) II. Des charges ci-après lorsqu'elles n'entrent pas en compte pour l'évaluation des revenus des différentes catégories : (...) 2° (...) ; pensions alimentaires répondant aux conditions fixées par les articles 205 à 211, 367 et 767 du code civil (...). / (...) / La déduction est limitée, par enfant majeur, au montant fixé pour l'abattement prévu par l'article 196 B. (...). / (...) ". Aux termes de l'article 208 du code civil : " Les aliments ne sont accordés que dans la proportion du besoin de celui qui les réclame et de la fortune de celui qui les doit (...) ".
13. Pour pouvoir déduire de leur revenu global imposable à l'impôt sur le revenu le montant des pensions versées à leur fille majeure étudiante, il appartient aux requérants d'apporter la preuve, d'une part, qu'ils étaient en mesure de verser de telles sommes et, d'autre part, que ces sommes étaient nécessaires à la satisfaction des besoins de leur fille, au sens de l'article 208 du code civil. Il leur incombe à cet égard de justifier, devant le juge de l'impôt, de la réalité et de l'importance des aliments dont le paiement a été rendu nécessaire par le défaut de ressources suffisantes de la bénéficiaire.
14. Pour obtenir la réformation du jugement du tribunal administratif de Strasbourg qui a admis le caractère déductible d'une somme de 2 204 euros seulement sur les 4 887 euros de pensions alimentaires versées à leur fille A... en 2015, M. et Mme B... soutiennent que les revenus perçus par leur fille, alors étudiante en école d'infirmière, étaient insuffisants pour couvrir ses dépenses de loyer, de nourriture, de téléphonie, d'habillement, de transports ainsi que toutes les dépenses se rapportant à ses études. En se bornant toutefois à produire les extraits du compte bancaire de cette dernière, occultés de toutes ses dépenses, ils n'établissent pas que les besoins qu'elle n'était pas en mesure de satisfaire, en dépit des revenus qu'elle percevait, nécessitaient l'effort financier de ses parents au-delà de la somme admise par le tribunal au titre des pensions alimentaires déductibles du revenu global. La circonstance que leur fille aurait jusqu'alors vécu dans une famille aux revenus confortables n'est pas de nature à établir l'état de besoin dans lequel celle-ci se serait trouvée en 2015 du fait de ses études, ni, par suite, le caractère déductible, sur le fondement du II de l'article 156 du code général des impôts, de l'intégralité des sommes versées par ses parents pour lui permettre de continuer de vivre confortablement. Par suite, M. et Mme B... ne sont pas fondés à se plaindre de ce que le tribunal administratif a admis le caractère déductible des dépenses litigieuses à hauteur de 2 204 euros.
15. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté le surplus de leurs demandes. Par suite, leur requête doit être rejetée en toutes ses conclusions, y compris celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. et Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme F... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 10 novembre 2022, à laquelle siégeaient :
M. Martinez, président,
M. Agnel, président-assesseur,
Mme Brodier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er décembre 2022.
La rapporteure,
Signé : H. E... Le président,
Signé : J. Martinez
La greffière,
Signé : C. Schramm
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
C. Schramm
2
No 20NC01793 |
JADE/CETATEXT000046678051.xml | Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme B... et D... C... ont demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision tacite par laquelle le maire de Simiane-Collongue ne s'est pas opposé à la déclaration préalable de travaux déposée par Mme Ronarc'h.
Par un jugement n° 1802374 du 28 mai 2020, le tribunal administratif de Marseille a fait droit à leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés le 28 juillet 2020 et le 19 juillet 2021,
Mme F... Ronarc'h, représentée par la SCP Amiel - Susini, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 28 mai 2020 ;
2°) de rejeter la demande de première instance de M. et Mme C... ;
3°) de mettre à la charge de M. et Mme C... la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la demande de première instance était irrecevable faute pour M. et Mme C... d'avoir justifié d'un intérêt leur donnant qualité pour agir ;
- le motif d'annulation fondé sur la méconnaissance de l'article R. 421-17 du code de l'urbanisme est erroné ;
- le motif d'annulation fondé sur la méconnaissance de l'article UD 7 du règlement du plan local d'urbanisme est illégal ;
- le motif d'annulation fondé sur la méconnaissance de l'article UD 12 du règlement du plan local d'urbanisme est illégal et le tribunal aurait dû faire application de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme.
Par des mémoires en défense enregistrés les 9 février et 29 juin 2021, M. et Mme C..., représentés par la SCP Marchessaux, Conca, Carillo, concluent au rejet de la requête, à la confirmation du jugement attaqué, à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de Mme Ronarc'h au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la commune de Simiane-Collongue au même titre.
Ils soutiennent que :
- ils justifient d'un intérêt leur donnant qualité pour agir ;
- les moyens invoqués par la requérante ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense enregistré le 28 avril 2021, la commune de Simiane-Collongue, représentée par la SCP Lesage-Berguet-Gouard-B..., doit être regardée comme concluant à l'annulation du jugement attaqué, au rejet de la demande de première instance de M. et Mme C... et à ce que la somme de 1 600 euros soit mise à leur charge au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la demande de première instance était irrecevable faute pour M. et Mme C... d'avoir justifié d'un intérêt leur donnant qualité pour agir ;
- le motif d'annulation fondé sur la méconnaissance de l'article R. 421-17 du code de l'urbanisme est erroné ;
- le motif d'annulation fondé sur la méconnaissance de l'article UD 7 du règlement du plan local d'urbanisme est illégal ;
- le motif d'annulation fondé sur la méconnaissance de l'article UD 12 du règlement du plan local d'urbanisme est illégal et le tribunal aurait dû faire application de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme.
Le mémoire présenté pour M. et Mme C... le 1er septembre 2021, enregistré après la clôture de l'instruction, n'a pas été communiqué.
Par lettres du 10 novembre 2022, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur le moyen relevé d'office tiré de ce que le maire de Simiane-Collongue était tenu de s'opposer à la déclaration préalable de Mme Ronarc'h dès lors que les travaux litigieux sont soumis à l'obligation d'obtenir un permis de construire.
Par lettres du 10 novembre 2022, les parties ont été informées de ce que la cour était susceptible de mettre en œuvre la procédure prévue par l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme et invitées à présenter leurs observations sur ce point.
Des observations ont été présentées par M. et Mme C... le 15 novembre 2022 en réponse à cette lettre et ont été communiquées le même jour.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,
- et les observations de Me Carillo, représentant M. et Mme C....
Considérant ce qui suit :
1. Mme Ronarc'h a déposé, le 31 août 2017, une déclaration préalable, complétée le 20 décembre 2017 à la suite d'une demande de pièces complémentaires, en vue de la réalisation de différents travaux - consistant en la régularisation de la " transformation (d'un) garage en studio et buanderie avec pose de baie vitrée ", en la " création d'une place de stationnement à l'air libre " ainsi qu'en un " déplacement du portail et du portillon " - sur une parcelle cadastrée section AD n° 405, située avenue du Roussillon sur le territoire de la commune de Simiane-Collongue et classée en zone UD du plan local d'urbanisme communal. Une décision tacite de non-opposition à cette déclaration préalable de travaux est née, le 20 janvier 2018, du silence gardé par le maire de Simiane-Collongue. Mme Ronarc'h relève appel du jugement du 28 mai 2020 par lequel le tribunal administratif de Marseille, faisant droit à la demande de M. et Mme C..., a annulé en totalité cette décision implicite de non-opposition à déclaration préalable.
Sur la fin de non-recevoir opposée à la demande de première instance :
2. Il résulte de leurs termes mêmes que les dispositions de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme, dans leur rédaction applicable en l'espèce, antérieure à l'entrée en vigueur de la loi du 23 novembre 2018 pour l'évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, sont applicables aux recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'un permis de construire, de démolir ou d'aménager, et non à ceux dirigés contre une décision de non-opposition à une déclaration préalable.
3. Il ressort des pièces du dossier que la propriété bâtie de M. et Mme C... est bordée, au sud, par le terrain d'assiette du projet dont elle est séparée par une haie végétale. Les travaux projetés, qui consistent principalement en la transformation du garage de la pétitionnaire en un " studio ", ainsi qu'en la pose d'une baie vitrée, portent sur une construction située à proximité immédiate de la limite séparant le terrain d'assiette de la propriété des intéressés. Ces derniers font état de nuisances diverses, notamment sonores, liées à la création d'une pièce à vivre à proximité de cette limite. Compte tenu de la configuration des lieux et de la nature des différents travaux projetés, et en dépit de la présence de la haie végétale évoquée ci-dessus, la fin de non-revoir opposée à la demande de première instance et tirée du défaut d'intérêt donnant qualité pour agir de M. et Mme C... doit être écartée.
Sur les motifs d'annulation retenus par les premiers juges :
4. En vertu des dispositions de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, il appartient au juge d'appel, saisi d'un jugement par lequel un tribunal administratif a prononcé l'annulation d'une décision d'urbanisme en retenant un ou plusieurs moyens, de se prononcer expressément sur le bien-fondé des différents motifs d'annulation retenus par les premiers juges, dès lors que ceux-ci sont contestés devant lui, afin d'apprécier si ce moyen ou l'un au moins de ces moyens justifie la solution d'annulation. Dans ce cas, le juge d'appel n'a pas à examiner les autres moyens de première instance.
5. Pour annuler la décision implicite de non-opposition à la déclaration préalable de travaux de Mme Ronarc'h, les premiers juges ont estimé, d'une part, que le maire de Simiane-Collongue était tenu de s'opposer à cette déclaration dès lors que le projet était soumis à permis de construire en application de l'article R. 421-17 du code de l'urbanisme, d'autre part, que le projet méconnaît l'article UD 7 du règlement du plan local d'urbanisme communal et, enfin, que ce projet ne respecte pas l'article UD 12 du même règlement.
6. En premier lieu, aux termes de l'article R. 421-14 du code de l'urbanisme : " Sont soumis à permis de construire les travaux suivants, exécutés sur des constructions existantes, à l'exception des travaux d'entretien ou de réparations ordinaires : (...) / b) Dans les zones urbaines d'un plan local d'urbanisme (...), les travaux ayant pour effet la création d'une surface de plancher ou d'une emprise au sol supérieure à quarante mètres carrés ; E..., demeurent soumis à permis de construire les travaux ayant pour effet la création de plus de vingt mètres carrés et d'au plus quarante mètres carrés de surface de plancher ou d'emprise au sol, lorsque leur réalisation aurait pour effet de porter la surface ou l'emprise totale de la construction au-delà de l'un des seuils fixés à l'article R. 431-2 (...) ". Selon l'article R. 421-17 du même code : " Doivent être précédés d'une déclaration préalable lorsqu'ils ne sont pas soumis à permis de construire en application des articles R. 421-14 à R. 421-16 les travaux exécutés sur des constructions existantes, à l'exception des travaux d'entretien ou de réparations ordinaires, et les changements de destination des constructions existantes suivants : (...) / f) Les travaux qui ont pour effet la création soit d'une emprise au sol, soit d'une surface de plancher supérieure à cinq mètres carrés et qui répondent aux critères cumulatifs suivants : / - une emprise au sol créée inférieure ou égale à vingt mètres carrés ; / - une surface de plancher créée inférieure ou égale à vingt mètres carrés. / Ces seuils sont portés à quarante mètres carrés pour les projets situés en zone urbaine d'un plan local d'urbanisme (...), à l'exclusion de ceux impliquant la création d'au moins vingt mètres carrés et d'au plus quarante mètres carrés de surface de plancher ou d'emprise au sol lorsque cette création conduit au dépassement de l'un des seuils fixés à l'article R. 431-2 du présent code ".
7. Aux termes de l'article R. 431-2 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Pour l'application de l'article 4 de la loi n° 77-2 du 3 janvier 1977 sur l'architecture, ne sont E... pas tenues de recourir à un architecte les personnes physiques ou les exploitations agricoles qui déclarent vouloir édifier ou modifier pour elles-mêmes : / a) Une construction à usage autre qu'agricole dont la surface de plancher n'excède pas cent cinquante mètres carrés (...). / Les demandeurs d'un permis de construire sont tenus de recourir à un architecte pour les projets de travaux sur construction existante conduisant soit la surface de plancher, soit l'emprise au sol de l'ensemble à dépasser l'un des plafonds fixés par le présent article ".
8. Lorsqu'il est constaté que des travaux sont, en vertu des dispositions du code de l'urbanisme, soumis à l'obligation d'obtenir un permis de construire mais n'ont fait l'objet que d'une simple déclaration, le maire est tenu de s'opposer aux travaux déclarés et d'inviter le pétitionnaire à présenter une demande de permis de construire.
9. Il ressort du formulaire normalisé de déclaration que la construction existante implantée sur le terrain d'assiette du projet présente une superficie de 125 mètres carrés et que les travaux litigieux, réalisés sur ce terrain situé en zone urbaine du plan local d'urbanisme de Simiane-Collongue, entraînent la création d'une surface de plancher supplémentaire de 35 mètres carrés. Contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, aucun autre élément joint au dossier de déclaration préalable, et notamment pas le plan de masse, ne permet d'établir que cette surface de plancher supplémentaire excéderait en réalité le seuil de 40 mètres carrés fixé par les dispositions du b) de l'article R. 421-17 du code de l'urbanisme. E..., au regard des seules informations fournies par la pétitionnaire, il ressort des pièces du dossier que la réalisation des travaux en cause a pour effet de porter à 160 mètres carrés la surface de plancher de la construction édifiée sur le terrain d'assiette et conduit ainsi au dépassement du seuil de 150 mètres carrés fixé par les dispositions du a) de l'article R. 431-2 du même code. Les travaux litigieux étant ainsi soumis à permis de construire en vertu des dispositions citées au point 6, le maire de Simiane-Collongue était tenu de s'opposer à la déclaration préalable de Mme Ronarc'h.
10. En deuxième lieu, aux termes de l'article UD 7 du règlement du plan local d'urbanisme de Simiane-Collongue : " La distance comptée horizontalement de tout point du bâtiment au point le plus proche de la limite séparative doit être au moins égale à la différence d'altitude entre ces deux points, diminuée de 3 m, sans être inférieure à 3 M. / E..., les constructions peuvent être édifiées contre les limites séparatives : / - Lorsqu'une telle implantation est prévue dans un lotissement ; / Lorsqu'il s'agit de constructions attenantes à la construction principale dont la hauteur n'excède pas 3 m à l'égout et 4 m au faîtage ; / - Lorsqu'il s'agit de garage dont la hauteur n'excède pas 3 m à l'égout et 4 m au faîtage ".
11. Il ressort de l'ensemble des éléments joints au dossier de déclaration préalable déposé par Mme Ronarc'h que le projet litigieux n'a pas pour objet de créer un escalier extérieur accolé au garage dont il prévoit la transformation. Il est d'ailleurs constant que cet escalier a été édifié antérieurement au dépôt de la déclaration préalable de Mme Ronarc'h. Dans ces conditions, la requérante est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a retenu le motif tiré de ce que l'implantation de l'escalier en cause n'est pas conforme aux dispositions de l'article UD 7 du règlement du plan local d'urbanisme de Simiane-Collongue.
12. En troisième et dernier lieu, l'article UD 12 du règlement du plan local d'urbanisme de Simiane-Collongue exige, s'agissant des " constructions à usage d'habitation ", " 1 place par logement de superficie inférieure à 70 m² de surface de plancher " et " 2 places par logement de superficie supérieure à 70 m² de surface de plancher ". Aucune des dispositions de ce règlement n'interdit que certaines places de stationnement soient en enfilade de places directement accessibles, dès lors que chacune d'elles, affectée au même logement que celle qui en commande l'accès, est effectivement utilisable.
13. Il ressort des pièces du dossier que le terrain d'assiette du projet, sur lequel est édifié le logement de la pétitionnaire d'une superficie de 125 mètres carrés, comporte deux places de stationnement. Le projet litigieux prévoit notamment l'aménagement d'une troisième place de stationnement en enfilade de celle, directement accessible depuis la voie de desserte du terrain, située à l'angle nord-est de celui-ci. A supposer même que le projet litigieux - qui concerne la résidence principale de la pétitionnaire au vu du formulaire de déclaration - puisse être regardé comme entraînant la création d'un nouveau " logement " au sens et pour l'application des dispositions citées ci-dessus de l'article UD 12 du règlement du plan local d'urbanisme, il ne ressort pas des éléments joints au dossier de déclaration que la place de stationnement projetée aurait nécessairement vocation à être affectée à ce logement d'une surface de plancher inférieure à 70 mètres carrés. Par ailleurs, il n'est pas établi que l'autre place de stationnement existante, qui est directement accessible depuis la voie de circulation bordant la partie est du terrain d'assiette, ne pourrait être affectée au " studio " dont la création est prévue, alors que cette place existante est située en face de la porte du garage qui doit être remplacée par une baie vitrée. Dans ces conditions, c'est également à tort que le tribunal a retenu le motif tiré de ce que la place de stationnement dont le projet prévoit la création n'est pas conforme aux exigences de l'article UD 12 du règlement du plan local d'urbanisme de Simiane-Collongue.
Sur l'application des articles L. 600-5 ou L. 600-5-1 du code de l'urbanisme :
14. Aux termes de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme : " Sans préjudice de la mise en œuvre de l'article L. 600-5-1, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice n'affectant qu'une partie du projet peut être régularisé, limite à cette partie la portée de l'annulation qu'il prononce (...) ". Selon l'article L. 600-5-1 du même code : " Sans préjudice de la mise en œuvre de l'article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation, même après l'achèvement des travaux (...) ".
15. Il résulte de ces dispositions, éclairées par les travaux parlementaires ayant conduit à l'adoption de la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, que lorsque le ou les vices affectant la légalité de l'autorisation d'urbanisme dont l'annulation est demandée sont susceptibles d'être régularisés, le juge doit, en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, surseoir à statuer sur les conclusions dont il est saisi contre cette autorisation, sauf à ce qu'il fasse le choix de recourir à l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme, si les conditions posées par cet article sont réunies, ou que le bénéficiaire de l'autorisation lui ait indiqué qu'il ne souhaitait pas bénéficier d'une mesure de régularisation. Un vice entachant le bien-fondé de l'autorisation d'urbanisme est susceptible d'être régularisé, même si cette régularisation implique de revoir l'économie générale du projet en cause, dès lors que les règles d'urbanisme en vigueur à la date à laquelle le juge statue permettent une mesure de régularisation qui n'implique pas d'apporter à ce projet un bouleversement tel qu'il en changerait la nature même.
16. E..., lorsque l'autorité administrative, saisie d'une déclaration préalable relative à un projet soumis à l'obligation d'obtenir un permis de construire, a illégalement accordé l'autorisation d'urbanisme sollicitée au lieu de s'opposer aux travaux déclarés et de se borner à inviter le pétitionnaire à présenter une demande de permis de construire, cette illégalité tenant à la nature juridique de l'autorisation d'urbanisme délivrée ne peut être regardée comme un vice susceptible de faire l'objet d'une mesure de régularisation en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme ou d'une annulation partielle en application de l'article L. 600-5 du même code.
17. Eu égard à ce qui vient d'être dit, le vice retenu au point 9 du présent arrêt n'est pas susceptible de faire l'objet d'une mesure de régularisation en application des dispositions du code de l'urbanisme mentionnées au point précédent.
18. Il résulte de tout ce qui précède que Mme Ronarc'h n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a fait droit à la demande de M. et Mme C....
Sur les frais liés au litige :
19. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par les parties sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme Ronarc'h est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Simiane-Collongue ainsi que par M. et Mme C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... Ronarc'h, à la commune de Simiane-Collongue ainsi qu'à M. et Mme B... et D... C....
Délibéré après l'audience du 17 novembre 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Portail, président,
- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,
- M. Mouret, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er décembre 2022.
2
N° 20MA02543
[RJ1] Cf. CE, 9 juillet 2014, Commune de Chelles, n° 373295, p. 217......[RJ2] . Rappr. CE, 6 octobre 2021, Société Marésias, n° 442182, p. |
JADE/CETATEXT000046710439.xml | Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La Fondation Jérôme Lejeune a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du 13 mai 2015 par laquelle la directrice générale de l'Agence de la biomédecine a autorisé, pour une durée de cinq ans, l'unité 1197 de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) à mettre en œuvre un protocole de recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines. Par un jugement n° 1610384 du 21 juin 2017, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté cette demande.
Par un arrêt n° 17VE02493 du 12 mars 2019, la cour administrative d'appel de Versailles a, sur l'appel de la Fondation Jérôme Lejeune, annulé ce jugement et la décision du 13 mai 2015.
Par une décision n° 430693 du 23 décembre 2020, le Conseil d'Etat, saisi d'un pourvoi formé par l'Agence de la biomédecine, a annulé cet arrêt du 12 mars 2019 et renvoyé l'affaire devant la cour.
Procédure devant la cour après renvoi du Conseil d'Etat :
Par un mémoire, enregistré le 1er avril 2021, la Fondation Jérôme Lejeune, représentée par Me Hourdin, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1610384 du 21 juin 2017 du tribunal administratif de Montreuil ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision de l'Agence de la biomédecine du 13 mai 2015 ;
3°) de mettre à la charge de l'Agence de la biomédecine une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est insuffisamment motivé ;
- l'Agence de la biomédecine a méconnu les dispositions de l'article R. 2151-2 du code de la santé publique ;
- l'Agence de la biomédecine n'a pas vérifié que le projet de recherche litigieux reposait sur l'information et le consentement des couples géniteurs, conformément au II de l'article L. 2151-5 du code de la santé publique ;
- la décision contestée méconnaît les dispositions du 3° du I de l'article L. 2151-1 du code de la santé publique.
Par un mémoire en défense, enregistré le 24 mars 2021, l'Agence de la biomédecine, représentée par la SCP Piwnica et Molinié, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la Fondation Jérôme Lejeune la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 2 avril 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 17 mai 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- les conclusions de Mme Moulin-Zys, rapporteure publique,
- et les observations de Me Hourdin, représentant la Fondation Jérôme Lejeune, et de Me de Cénival, représentant l'Agence de la biomédecine.
Considérant ce qui suit :
1. Par une décision du 13 mai 2015, publiée au Journal officiel de la République française le 5 novembre 2015, l'Agence de la biomédecine a autorisé, en application des dispositions de l'article L. 2151-5 du code de la santé publique, l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (unité 1197 dirigée par le professeur A...) à mettre en œuvre, pour une durée de cinq ans, un protocole de recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines. Ce projet de recherche, qui s'inscrit dans la continuité d'un précédent projet autorisé en 2006 portant sur les conditions de différenciation de ces cellules souches et renouvelé une première fois le 17 décembre 2010 aux fins d'étudier la caractérisation des progéniteurs mésenchymateux obtenus à partir de progéniteurs mésodermiques issus des cellules souches embryonnaires humaines, a pour finalité l'étude de la capacité de l'hémangioblaste issu des cellules souches embryonnaires humaines à générer des progéniteurs endothéliaux fonctionnels. La Fondation Jérôme Lejeune relève appel du jugement du 21 juin 2017 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 13 mai 2015 de l'Agence de la biomédecine.
Sur la régularité du jugement :
2. Pour répondre au moyen tiré de la violation, par la décision contestée du 13 mai 2015, de l'article R. 2151-2 du code de la santé publique, les premiers juges se sont fondés sur l'ensemble des rapports d'experts et d'inspection produits devant eux. La motivation retenue permet de comprendre les éléments de ces rapports qui ont emporté leur conviction et fondent le dispositif du jugement. Par suite la Fondation Jérôme Lejeune n'est pas fondée à soutenir que ce jugement serait entaché d'irrégularité, faute d'une motivation suffisante.
Sur la légalité de la décision du 13 mai 2015 :
3. D'une part, aux termes du premier alinéa de l'article L. 2151-7 du code de la santé publique : " Tout organisme qui assure, à des fins de recherche, la conservation d'embryons ou de cellules souches embryonnaires doit être titulaire d'une autorisation délivrée par l'Agence de la biomédecine ". Il résulte du troisième alinéa du même article que l'Agence de la biomédecine peut, à tout moment, suspendre ou retirer une telle autorisation en cas de méconnaissance des dispositions auxquelles est subordonnée sa délivrance, au nombre desquelles figurent celles du titre Ier du livre II de la première partie de ce code, relatives au respect du corps humain. En vertu du cinquième alinéa du même article : " Les organismes mentionnés au premier alinéa ne peuvent céder des embryons ou des cellules souches embryonnaires qu'à un organisme titulaire d'une autorisation délivrée en application du présent article ou de l'article L. 2151-5. L'Agence de la biomédecine est informée préalablement de toute cession ". L'article R. 2151-19 du même code dispose que : " Le directeur général de l'agence de la biomédecine autorise la conservation d'embryons et de cellules souches embryonnaires, après avis du conseil d'orientation, pour une durée déterminée, qui ne peut excéder cinq ans, renouvelable dans les mêmes conditions. (...) / Préalablement à la décision du directeur général, l'agence de la biomédecine évalue les conditions de mise en œuvre de la conservation. / (...) L'agence (...) évalue les moyens et dispositifs mis en œuvre garantissant (...) la traçabilité des embryons et des cellules souches embryonnaires ".
4. D'autre part, l'article L. 2151-5 du code de la santé publique dispose que : " I. - Aucune recherche sur l'embryon humain ni sur les cellules souches embryonnaires ne peut être entreprise sans autorisation. Un protocole de recherche conduit sur un embryon humain ou sur des cellules souches embryonnaires issues d'un embryon humain ne peut être autorisé que si : / (...) 4o Le projet et les conditions de mise en œuvre du protocole respectent les principes éthiques relatifs à la recherche sur l'embryon et les cellules souches embryonnaires. / (...) III.- Les protocoles de recherche sont autorisés par l'Agence de la biomédecine après vérification que les conditions posées au I du présent article sont satisfaites. (...) ". L'article R. 2151-1 du même code prévoit que : " Le directeur général de l'Agence de la biomédecine peut autoriser, dans les conditions fixées par l'article L. 2151-5, un protocole de recherche sur l'embryon ou sur les cellules souches embryonnaires, après avis du conseil d'orientation, pour une durée déterminée qui ne peut excéder cinq ans, renouvelable dans les mêmes conditions " et l'article R. 2151-2 de ce code que : " Outre la vérification des conditions fixées à l'article L. 2151-5, l'agence de la biomédecine (...) évalue les moyens et dispositifs garantissant (...) la traçabilité des embryons et des cellules souches embryonnaires ".
5. En premier lieu, il résulte des dispositions citées au point précédent que l'Agence de la biomédecine ne peut délivrer une autorisation de conservation sur le fondement de l'article L. 2151-7 du code de la santé publique si la traçabilité des embryons et des cellules souches embryonnaires, qui est destinée à assurer le respect des principes éthiques auxquels le législateur subordonne la recherche sur l'embryon et les cellules souches embryonnaires, n'est pas garantie par l'organisme qui sollicite cette autorisation. Il en résulte également qu'il incombe à l'agence de veiller, notamment à l'occasion des inspections qu'elle diligente, à ce que cette traçabilité demeure garantie pendant toute la durée de validité de l'autorisation délivrée et, à défaut, de suspendre ou retirer cette autorisation.
6. Il résulte aussi de ces dispositions qu'il en va de même s'agissant des autorisations de recherche délivrées sur le fondement de l'article L. 2151-5 du même code, dont la délivrance comme le maintien sont, de la même façon, subordonnés à la garantie par le bénéficiaire de l'autorisation de la traçabilité, dès leur remise pour cette recherche et tout au long de celle-ci, des embryons et des cellules souches embryonnaires. La délivrance ou le maintien de l'autorisation de recherche ne sont en revanche pas subordonnés à la garantie par le bénéficiaire de cette autorisation de la traçabilité des embryons ou des cellules souches embryonnaires par l'organisme titulaire d'une autorisation de conservation qui les lui remet, l'autorisation dont bénéficie cet organisme tiers étant distincte de l'autorisation de recherche, laquelle n'est prise ni sur son fondement ni pour son application, et étant elle-même subordonnée à cette garantie de traçabilité dans les conditions mentionnées au point 3. Il revient seulement à l'Agence de la biomédecine, compétente pour délivrer, suspendre ou retirer l'une comme l'autre de ces autorisations, et à laquelle l'article R. 2151-11 du code de la santé publique confie la tenue d'un registre national des embryons et cellules souches embryonnaires permettant d'établir le lien entre les données résultant des autorisations de conservation et celles résultant des autorisations de recherche, de vérifier que l'autorisation de conservation de l'organisme le cas échéant sollicité pour la remise des embryons ou cellules souches embryonnaires humaines destinés à la recherche soumise à son autorisation est en cours de validité, à la date à laquelle cette autorisation est accordée et tout au long de la période pour laquelle elle l'est, et que ni sa suspension ni son retrait ne sont engagés.
7. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que l'unité U935 de l'INSERM, en charge de la conservation des cellules souches embryonnaires humaines (CESh) utilisée dans le protocole de recherche en litige disposait, à la date de la décision contestée, d'une autorisation de conservation. Il ne ressort pas de ces mêmes pièces qu'à la même date, une procédure de retrait ou de suspension de cette autorisation ait été engagée par l'Agence de la biomédecine. Par ailleurs, si le rapport du 29 décembre 2014 de la mission d'inspection des conditions matérielles et techniques de réalisation du protocole de recherche mené par l'unité U1197 de l'INSERM indique qu'" une traçabilité sera mise en place ", il ressort du rapport d'inspection du 12 novembre 2010 sur les conditions matérielles et techniques du projet initial, renouvelé par l'autorisation contestée, qu'a pu être vérifiée, dans cette unité, la traçabilité du devenir des cultures fournies par l'unité U935. La Fondation Jérôme Lejeune ne produit aucun élément de nature à remettre en cause la pertinence des modalités de traçabilité arrêtées au sein de cette unité U1197 et vérifiées par l'Agence de biomédecine à l'occasion de la délivrance de l'autorisation du 13 mai 2015. Dès lors, la Fondation Jérôme Lejeune n'est pas fondée à soutenir que cette décision a été prise en méconnaissance des dispositions de l'article R. 2151-2 du code de la santé publique.
8. En deuxième lieu, dans le cas où, comme en l'espèce, des recherches sont envisagées sur des cellules souches embryonnaires humaines ayant fait l'objet d'une autorisation d'importation, il est exigé que le couple donneur dont est issu l'embryon ait consenti au don de cet embryon, dans le pays où le don a eu lieu, dans les conditions définies à l'article R. 2151-13 du code de la santé publique. Le recueil préalable du consentement écrit du couple donneur prévu par l'article L. 2151-5 en cas de don d'embryon consenti sur le territoire français à des fins de recherche n'est, dans ce cas, pas exigé. Par ailleurs, l'illégalité d'un acte administratif, qu'il soit ou non réglementaire, ne peut être utilement invoquée à l'appui de conclusions dirigées contre une décision administrative que si cette dernière a été prise pour son application ou s'il en constitue la base légale. Or les autorisations de recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines ne sont pas des actes pris pour l'application des autorisations d'importation de ces mêmes cellules, lesquelles ne constituent pas davantage leur base légale. Dès lors, la fondation requérante ne peut utilement soutenir que le consentement libre et éclairé de chacun des membres du couple ou du membre survivant du couple dont sont issues les cellules souches embryonnaires humaines utilisées par le protocole litigieux n'aurait pas été recueilli préalablement à l'édiction de la décision attaquée.
9. En dernier lieu, la condition, figurant au 3° du I de l'article L. 2151-5 du code de la santé publique suppose que la recherche ne doit pas pouvoir, en l'état des connaissances scientifiques, être menée sans recourir à des embryons ou des cellules souches embryonnaires, ce qui comporte la vérification du moment et de l'étendue du recours projeté par le protocole à l'embryon humain ou à des cellules souches embryonnaires issues d'un embryon humain, ce recours devant être différé et limité autant qu'il demeure scientifiquement pertinent de le faire.
10. En l'espèce, il ressort de tous les rapports d'experts et d'instruction préalables à la délivrance de l'autorisation contestée que la mise au point d'un nouveau protocole de différenciation permettant d'obtenir des progéniteurs endothéliaux justifie le recours aux cellules souches embryonnaires humaines et que l'utilisation des cellules pluripotentes induites nécessiterait " un large dépistage initial pour retrouver des cellules capables de donner des hémangioblastes " avec le risque d'avoir une insuffisante stabilité génétique, empêchant de réaliser correctement la mise au point des techniques. L'unité U1197 prévoit de recourir aux cellules pluripotentes induites dès ce protocole mis au point. Par ailleurs, l'utilisation du sang de cordon ou de sang de sujet humain adulte ne permet pas d'obtenir ces progéniteurs endothéliaux en nombre suffisant pour envisager la mise au point d'un traitement thérapeutique. Dès lors, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision contestée méconnaîtrait les dispositions du 3° du I de l'article L. 2151-1 du code de la santé publique.
11. Il résulte de ce qui précède que la Fondation Jérôme Lejeune n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Agence de la biomédecine, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la Fondation Jérôme Lejeune demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la Fondation Jérôme Lejeune une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par l'Agence de la biomédecine et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la Fondation Jérôme Lejeune est rejetée.
Article 2 : La Fondation Jérôme Lejeune versera à l'Agence de la biomédecine la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent jugement sera notifié à la Fondation Jérôme Lejeune, à l'Agence de la biomédecine, à l'Institut national de santé et de recherche médicale et au ministre de la santé et de la prévention.
Délibéré après l'audience du 10 novembre 2022, à laquelle siégeaient :
M. Albertini, président,
M. Mauny, président assesseur,
Mme Villette, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 décembre 2022.
La rapporteure,
A. B...
Le président,
P.-L. ALBERTINI
La greffière,
F. PETIT-GALLAND
La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
N° 20VE03409002 |
JADE/CETATEXT000046710465.xml | Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme G... A... D... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 7 août 2019 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, en fixant son pays de destination.
Par un jugement n° 2008759/2-2 en date du 5 mars 2021, le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 7 août 2019 du préfet de police, lui a enjoint de délivrer sans délai une autorisation provisoire de séjour à Mme A... D... et de réexaminer sa situation dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement et a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et a rejeté le surplus des conclusions présentées par Mme A... D....
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 26 mars 2021, le préfet de police demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2008759/2-2 du 5 mars 2021 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de rejeter la requête présentée par Mme A... D... devant le Tribunal administratif de Paris.
Il soutient que :
Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal :
- la circonstance que les signatures des trois médecins aient été apposées sous forme de fac-similés ne suffit pas à caractériser un vice de procédure ;
Sur les autres moyens soulevés en première instance par Mme A... D... :
- l'arrêté du 7 août 2019 a été prise par une autorité compétente ;
- le préfet ne s'est pas cru lié par l'avis rendu par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) ;
- l'avis rendu par le collège de médecins de l'OFII n'est entaché d'aucun vice de procédure ;
- l'arrêté ne méconnaît pas les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision fixant le délai de départ volontaire à trente jours est suffisamment motivée ;
- le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision fixant le délai de départ volontaire à trente jours ;
- la décision fixant le pays de renvoi est légal en raison de la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire.
Par un mémoire en défense enregistré le 25 août 2021, Mme A... D..., représenté par Me Maillard, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- les moyens soulevés par le préfet de police ne sont pas fondés ;
- l'arrêté contesté est entaché d'incompétence ;
Sur les moyens communs aux décisions refusant un titre de séjour et portant obligation de quitter le territoire français :
- les décisions sont entachées d'un vice de procédure dès lors que ni l'avis émis par le collège de médecins de l'OFII, ni les informations sur lesquelles s'est fondé le collège de médecins ne lui ont été communiqués et qu'ainsi, il incombe à l'administration de prouver que l'avis médical comporte les mentions requises par l'arrêté du 27 décembre 2016, que le médecin ayant établi le rapport médical n'a pas siégé au sein du collège de médecins, que l'avis a été émis à l'issue d'une délibération collégiale unique, et qu'il n'a pas été signé par des autorités compétentes ;
- elles sont entachées d'un vice de procédure dès lors que l'avis médical émis par le
collège de médecins de l'OFII n'est ni authentique ni intègre, que les signatures apposées sur l'avis sont illisibles, qu'en tant que fac-similés numérisés, elles n'ont pas été apposées selon un procédé fiable d'identification et qu'elles sont irrégulières au regard des dispositions de l'article 9 de l'ordonnance du 8 décembre 2005, de l'article 1367 du code civil, de l'article 1er du décret du 28 septembre 2017 et de l'article 26 du règlement (UE) n° 910-2014 du Parlement européen et du Conseil de l'Union européenne du 23 juillet 2014 ;
- elles méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elles sont entachées d'une erreur manifeste quant à l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
Sur la décision de refus de titre de séjour :
- la décision de refus de titre de séjour est insuffisamment motivée et entachée d'un
défaut d'examen de sa situation personnelle ;
- elle méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du
séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'il lui est impossible de bénéficier
effectivement d'un traitement approprié à sa pathologie au Maroc ;
- elle est entachée d'une erreur de droit dès lors que le préfet s'est estimé en situation de
compétence liée vis-à-vis de l'avis médical émis par le collège de médecins de l'OFII ;
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire :
- la décision portant obligation de quitter le territoire est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre ;
- elle méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du
séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Sur la décision fixant le délai de départ volontaire à trente jours :
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation
personnelle ;
Sur la décision fixant le pays de renvoi :
- elle est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire.
Mme A... D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal judiciaire de Paris du 24 novembre 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et son décret d'application n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. E... B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... D..., ressortissante marocaine, née le 15 février 1960 et entrée en France le 27 octobre 2011 selon ses déclarations, a sollicité le 10 juillet 2019 le renouvellement d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade. Par un arrêté du 7 août 2019, le préfet de police a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Le préfet de police relève appel du jugement du 5 mars 2021 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé, à la demande de Mme A... D..., cet arrêté.
Sur les conclusions tendant à l'admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire :
2. Par une décision du 24 novembre 2021, le bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal judiciaire de Paris a admis Mme A... D... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. En conséquence, il n'y a pas lieu de se prononcer sur les conclusions tendant à l'admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.
Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal :
3. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont les dispositions ont été reprises à l'article L. 425-9 de ce code: " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ". Aux termes de l'article R. 313-22 du même code dont les dispositions ont été reprises à l'article R. 425-11 de ce code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) ". Aux termes de l'article R. 313-23 du même code dont les dispositions ont été reprises à l'article R. 425-13 de ce code : " (...) Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. (...) ". En outre, aux termes de l'article 5 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22 et R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le collège de médecins à compétence nationale de l'office comprend trois médecins instructeurs des demandes des étrangers malades, à l'exclusion de celui qui a établi le rapport (...) ". Enfin, l'article 6 de ce même arrêté dispose que : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis (...) Cet avis mentionne les éléments de procédure. Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège ".
4. Pour annuler l'arrêté du préfet de police, le Tribunal administratif de Paris a estimé que la signature des trois médecins composant le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) ayant rendu son avis le 18 juin 2019 présente un caractère irrégulier dès lors que le recours à des fac-similés de signatures ne permet pas d'identifier les auteurs de l'avis et de garantir l'authenticité du document. Toutefois, les signatures apposées sur l'avis émis par le collège de médecins de l'OFII, qui n'est pas au nombre des actes relevant du champ d'application de l'article L. 212-3 du code des relations entre le public et l'administration dont le respect ne s'impose qu'aux décisions administratives, ne sont pas des signatures électroniques. Si Mme A... D... fait valoir que la signature des trois médecins présenterait un caractère irrégulier dès lors que le préfet de police a produit deux avis différents et qu'il n'est pas établi que les trois médecins aient réellement siégé au sein du collège, leurs signatures étant illisibles sur le premier avis produit, elle n'apporte aucun élément de nature à faire douter de ce que l'avis a bien été rendu par ses auteurs. En tout état de cause, le préfet de police a également produit le bordereau de transmission de l'avis par l'OFII, dont il ressort que l'avis du 18 juin 2019 a été établi après délibération d'un collège constitué de trois médecins, correspondant aux trois docteurs dont l'identité est précisée sur le premier avis. Ainsi, aucun élément du dossier ne permet de douter que les trois médecins signataires, dont l'identité est précisée, n'auraient pas siégé au sein du collège de médecins de l'OFII et que ces signatures ne seraient pas authentiques. Dans ces conditions, le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 7 août 2019 au motif qu'il aurait méconnu les dispositions rappelées au point 3. Par suite, il y a lieu d'annuler le jugement attaqué.
5. Il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme A... D... devant le Tribunal administratif de Paris et la Cour.
Sur les autres moyens soulevés par Mme A... D... :
En ce qui concerne l'arrêté du 7 août 2019 dans son ensemble :
6. Par un arrêté du 29 juillet 2019, publié au Bulletin officiel de la ville de Paris du 2 août 2019, le préfet de police a donné à Mme F... C..., attachée d'administration de l'Etat, signataire de l'arrêté en litige, délégation pour signer les actes, notamment en matière de police des étrangers. Le préfet de police produit un exemplaire signé de l'arrêté en cause. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté du 7 août 2019 doit donc être écarté comme manquant en fait.
En ce qui concerne les moyens communs aux décisions refusant un titre de séjour et portant obligation de quitter le territoire français :
S'agissant de la régularité de l'avis du collège de médecins de l'OFII :
7. En premier lieu, l'avis du collège de médecins de l'OFII du 18 juin 2019 a été produit par le préfet de police et comporte les mentions prévues par l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 précité. Si la requérante soutient que cet avis aurait dû lui être communiqué antérieurement par le préfet, aucune disposition du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou de l'arrêté du 27 décembre 2016, ni aucune autre disposition législative ou réglementaire ne fait obligation au préfet de procéder à une telle communication. Par suite, ce premier moyen doit être écarté.
8. En deuxième lieu, en vertu des dispositions précitées de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'avis du collège de médecins de l'OFII est émis au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'OFII et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. Toutefois, aucune disposition, ni aucun principe n'imposent que cet avis mentionne les informations disponibles sur lesquelles le collège s'est appuyé pour statuer sur les possibilités de traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé, ni que le préfet communique la fiche " Themis " d'instruction de la demande. Par suite, ce deuxième moyen ne peut qu'être écarté.
9. En troisième lieu, le directeur général de l'OFII a désigné par une décision du 17 janvier 2017 modifiée par une décision du 7 juin 2019 les médecins participant au collège, dont les trois médecins qui y ont siégé lors de sa séance du 18 juin 2019. Ainsi, contrairement à ce que soutient la requérante, les conditions de composition du collège posées par les dispositions de l'article R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ont bien été respectées. Par suite, ce troisième moyen doit être écarté.
10. En quatrième lieu, ainsi qu'il a été dit au point 4, les signatures apposées sur l'avis émis par le collège de médecins de l'OFII, qui n'est pas au nombre des actes relevant du champ d'application de l'article L. 212-3 du code des relations entre le public et l'administration dont le respect ne s'impose qu'aux décisions administratives, ne sont pas des signatures électroniques. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du deuxième alinéa de l'article 1367 du code civil, du règlement (UE) n° 910/2014 du Parlement européen et du Conseil du 23 juillet 2014 et du décret du 28 septembre 2017, ainsi que des dispositions de l'article L. 212-3 du code des relations entre le public et l'administration, qui renvoient au I de l'article 9 de l'ordonnance du 8 décembre 2005 relative aux échanges électroniques entre les usagers et les autorités administratives est inopérant. Par suite, ce quatrième moyen doit être écarté.
11. En cinquième lieu, l'avis du collège de médecins du 18 juin 2019 comporte les noms lisibles des trois médecins qui l'ont rédigé, au nombre desquels ne figurait pas le médecin ayant établi le rapport médical, et porte la mention " Après en avoir délibéré, le collège de médecins de l'OFII émet l'avis suivant ", cette mention du caractère collégial de l'avis faisant foi jusqu'à preuve du contraire. Mme A... D... ne se prévaut d'aucune circonstance particulière permettant de remettre en cause le caractère collégial de l'avis médical. En tout état de cause, le préfet de police a également produit le bordereau de transmission de l'avis par l'OFII, dont il ressort que l'avis du 18 juin 2019 a été établi après délibération d'un collège constitué de trois médecins, correspondant aux trois docteurs dont l'identité est précisée sur le premier avis. Par suite, ce dernier moyen ne peut qu'être écarté.
12. Il suit de là que, contrairement à ce que soutient la requérante, la procédure d'avis du collège de médecins de l'OFII n'est pas entachée d'irrégularité.
S'agissant de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :
13. Aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
14. Mme A... D... soutient que le préfet de police a porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. La requérante se prévaut de l'intensité et de la stabilité de ses liens familiaux sur le territoire français, de sa pleine intégration dans la société française, de sa présence sur le territoire depuis 2011 ainsi que de celle de ses sœurs et neveux et nièces, de sa situation régulière depuis 2014. Elle produit à cet effet des attestations de ses deux sœurs, neveux et nièces afin d'établir la réalité de ses attaches familiales en France et l'existence d'un soutien familial important dans le cadre de sa pathologie, sa sœur la prenant notamment intégralement en charge. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que les parents de Mme A... D... sont décédés, qu'elle est célibataire et sans charge de famille en France. En outre, elle n'établit pas être dépourvue de toutes attaches au Maroc où résident son frère et trois de ses sœurs, où elle a vécu au moins jusqu'à l'âge de 51 ans. Dans ces conditions, Mme A... D... n'est pas fondée à soutenir que les décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français ont porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par les stipulations précitées une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elles ont été prises. Par suite, ce moyen doit être écarté.
15. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 14, le préfet de police n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de ses décisions sur la situation de Mme A... D.... Par suite, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation commise par le préfet de police ne peut qu'être écarté.
En ce qui concerne la légalité de la décision portant refus de titre de séjour :
16. En premier lieu, l'arrêté contesté vise notamment les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 en matière de séjour et d'emploi et l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et précise que Mme A... D... est célibataire, sans charge de famille et n'est pas démunie d'attaches familiales dans son pays d'origine où elle a vécu au moins jusqu'à l'âge de 47 ans, que le fait que ses deux sœurs résideraient en France ne lui confère aucun droit au séjour au regard de la législation en vigueur et que, compte tenu des circonstances de l'espèce, il n'est pas porté une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale. L'arrêté contesté comporte ainsi l'énoncé suffisant des considérations de droit et de fait qui fondent la décision portant refus de titre de séjour et doit être regardé comme suffisamment motivé, alors même que toutes les indications relatives à la situation privée et familiale de Mme A... D... n'y sont pas mentionnées. Dès lors, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision doit être écarté comme manquant en fait.
17. En deuxième lieu, il ne ressort ni des pièces du dossier, ni des termes de la décision contestée que le préfet de police se serait senti lié par l'avis du collège de médecins de l'OFII dès lors notamment qu'il ressort des termes mêmes de la décision que le préfet a procédé à l'examen de la situation administrative et personnelle de Mme A... D.... Dans ces conditions, les moyens tirés de ce que le préfet aurait commis une erreur de droit en s'estimant à tort en situation de compétence liée et de ce qu'il n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation personnelle de Mme A... D... doivent être écartés.
18. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version en vigueur à la date de l'arrêté contesté : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 11° : A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. (...) ".
19. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... D... est atteinte d'une néoplasie de l'endomètre stade III c nécessitant un suivi régulier en milieu hospitalier. Pour refuser le renouvellement du titre de séjour accordé à Mme A... D... en raison de son état de santé, le préfet de police s'est fondé sur l'avis du 18 juin 2019 du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui a estimé que si l'état de santé de Mme A... D... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, elle pouvait effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine et y voyager sans risque. Mme A... D... soutient, toutefois, qu'elle ne pourra bénéficier effectivement d'un traitement approprié à son état de santé au Maroc eu égard d'une part aux dysfonctionnements de la prise en charge des cancers au Maroc et d'autre part à l'indisponibilité d'une substance active relevant de son traitement.
20. D'une part, si la requérante produit, pour établir que le suivi qui lui est nécessaire n'est pas disponible au Maroc, deux certificats médicaux du 23 juin 2020, l'un attestant que Mme A... D... doit faire l'objet d'un suivi gynécologique réalisé en milieu hospitalier gynécologique spécifique et que l'ensemble de sa pathologie nécessite un suivi spécialisé dans un pays pouvant proposer cette offre de soins adaptée mais ne précisant pas que ce suivi n'est pas disponible dans son pays d'origine et l'autre précisant que le suivi de son cancer ne peut être effectué qu'en France, ces certificats médicaux sont postérieurs à la décision litigieuse. Il ne ressort pas des autres pièces du dossier, parmi lesquelles un certificat médical daté de 2014 établissant que la prise en charge de Mme A... D... ne pouvait avoir lieu au Maroc, dont la date ne permet cependant pas d'établir cette impossibilité à la date de la décision litigieuse, d'éléments permettant de remettre en cause l'avis du collège de médecins. Enfin, la production par la requérante de documents de l'association Lalla Salma de lutte contre le cancer, en lien avec le plan national de prévention et de contrôle du cancer 2010-2019, décrivant de manière générale les insuffisances du système de prise en charge des cancers au Maroc ne permet pas davantage d'établir qu'elle ne pourrait pas, à titre personnel, bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Ces documents sont insuffisamment circonstanciés pour établir que le suivi médical approprié à l'état de santé de Mme A... D... serait indisponible au Maroc où le préfet de police établit qu'il existe plusieurs structures spécialisées susceptibles de l'accueillir.
21. D'autre part, la requérante allègue que l'antispasmodique urinaire Toviaz qui lui est prescrit, dont la substance active est le Fesoterodine Fumarate, ne figure pas sur la liste nationale de médicaments et produits essentiels au Maroc et que, par suite, elle ne peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié à son état de santé au Maroc. Cependant, elle n'établit ni que le Toviaz lui soit prescrit pour le suivi de l'évolution de son cancer, ni que son traitement ne pourrait être remplacé par un autre disponible au Maroc. Dans ces conditions, le refus de titre contesté n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
En ce qui concerne la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
22. En premier lieu, les moyens dirigés contre la décision de refus de titre de séjour ayant été écartés, l'exception d'illégalité de cette décision invoquée par Mme A... D... à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français ne peut, par voie de conséquence, qu'être écartée.
23. En second lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version en vigueur à la date de l'arrêté contesté : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : / (...) / 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; / (...) ".
24. Ainsi qu'il a été dit aux points 19 à 21, il ne ressort pas des pièces du dossier que la surveillance médicale de la pathologie de Mme A... D... et son traitement seraient indisponibles au Maroc. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées du 10° de l'article L. 511-4 doit être écarté.
En ce qui concerne la légalité de la décision fixant un délai de départ volontaire de trente jours :
25. En premier lieu, dès lors que le délai de trente jours accordé à un étranger pour exécuter une obligation de quitter le territoire français constitue le délai de départ volontaire de droit commun prévu par les dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'absence de prolongation de ce délai n'a pas à faire l'objet d'une motivation spécifique, distincte de celle du principe même de ladite obligation, à moins que l'étranger ait expressément demandé le bénéfice d'une telle prolongation ou ait justifié d'éléments suffisamment précis sur sa situation personnelle susceptibles de rendre nécessaire une telle prolongation. La requérante ne soutient ni n'établit que tel soit le cas en l'espèce. Dès lors, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté comme manquant en fait.
26. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 25, le préfet de police n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation de Mme A... D....
En ce qui concerne la légalité de la décision fixant le pays de destination :
27. Les moyens dirigés contre la décision de refus de titre de séjour ayant été écartés, l'exception d'illégalité de cette décision invoquée par Mme A... D... à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination ne peut par voie de conséquence qu'être écartée.
28. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 7 août 2019 et lui a enjoint de réexaminer la situation de Mme A... D... dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et de lui délivrer immédiatement une autorisation provisoire de séjour valable jusqu'à ce qu'il ait statué sur son cas et à demander en conséquence l'annulation de ce jugement.
Sur les frais liés à l'instance :
29. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle, en tout état de cause, à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement au conseil de Mme A... D... de la somme qu'il demande au titre des frais liés à l'instance.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2008759/2-2 du 5 mars 2021 du Tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de Mme A... D... tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.
Article 3 : La demande de Mme A... D... présentée devant le Tribunal administratif de Paris et ses conclusions d'appel sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme G... A... D... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 14 novembre 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Le Goff, président de chambre,
- M. Ho Si Fat, président assesseur,
- Mme Jayer, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 décembre 2022.
Le rapporteur,
F. HO SI B...
Le président,
R. LE GOFF
Le greffier,
P. TISSERAND
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 21PA01578 |
JADE/CETATEXT000046710471.xml | Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... C... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 12 janvier 2021 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2101176 du 30 mars 2021, la magistrate désignée par le président du Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 27 avril et 12 juillet 2021, M. C..., représenté par Me Fawaz, demande à la Cour, dans le dernier état de ses conclusions :
1°) d'annuler le jugement n° 2101176 du 30 mars 2021 de la magistrate désignée par le président du Tribunal administratif de Montreuil ;
2°) d'annuler l'arrêté du 12 janvier 2021 du préfet de la Seine-Saint-Denis ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation dans les mêmes conditions d'astreinte et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'arrêté contesté a été signé par une autorité incompétente ;
- il est insuffisamment motivé ;
- il est entaché d'une erreur de fait ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.
La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Par ordonnance du 13 septembre 2021, prise en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative, la clôture de l'instruction a été fixée au 13 octobre 2021 à midi.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal judiciaire de Paris du 9 juin 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. D... A... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... C..., ressortissant turc né le 1er avril 1992 et entré en France le 10 juillet 2018 selon ses déclarations, a présenté le 12 septembre 2018 une demande d'asile qui a été rejetée par une décision du 24 septembre 2019 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA). Par une décision du 5 novembre 2020 la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) a confirmé cette décision. Par un arrêté du 12 janvier 2021, le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement. M. C... relève appel du jugement du 30 mars 2021 par lequel la magistrate désignée par le président du Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. En premier lieu, par un arrêté n° 2021-1191 du 18 mai 2021, régulièrement publié au bulletin d'informations administratives de la préfecture de la Seine-Saint-Denis du 19 mai 2021, le préfet de la Seine-Saint-Denis a donné à Mme E... F..., signataire de l'arrêté en litige, délégation, en cas d'absence ou d'empêchement des autres délégataires désignés, pour signer toute décision portant obligation de quitter le territoire français avec délai de départ volontaire et fixant le pays de destination. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté contesté aurait été signé par une autorité incompétente doit être écarté.
3. En deuxième lieu, l'arrêté contesté vise les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment l'article L. 511-1. Il précise l'identité, la date et le lieu de naissance de M. C... et indique que la demande d'asile de l'intéressé a été rejetée par une décision du 24 septembre 2019 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmée par une décision du 5 novembre 2020 de la Cour nationale du droit d'asile. En outre, l'arrêté mentionne que M. C... ne justifie pas en France d'une situation personnelle et familiale à laquelle l'arrêté porterait une atteinte disproportionnée au regard du but poursuivi et que l'intéressé n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine, ou tout autre pays où il est effectivement admissible. Dans ces conditions, l'arrêté contesté qui, contrairement à ce que soutient M. C..., prend en compte sa situation personnelle tant au regard de ses attaches en France qu'au regard du droit d'asile, comporte l'énoncé suffisant des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de l'arrêté contesté doit être écarté comme manquant en fait.
4. En troisième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
5. Il ressort des pièces du dossier que M. C... a sollicité le 12 septembre 2018 son admission au séjour au titre de l'asile et que cette demande a été rejetée par une décision du 24 septembre 2019 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides. Par une décision du 5 novembre 2020, la Cour nationale du droit d'asile, qui a jugé comme établies l'appartenance de M. C... à une famille kurde ainsi que sa proximité avec les partis kurdes de Turquie, a toutefois confirmé le rejet de sa demande d'asile aux motifs que les déclarations de l'intéressé ne permettaient pas de tenir pour établis les motifs ayant présidé à son départ de la République de Turquie. Cette décision relève également que M. C..., dont les propos concernant ses activités politiques étaient particulièrement vagues et inconsistants, ne produisait aucun élément de nature à corroborer la réalité de son engagement politique au sein des partis kurdes du BDP (Parti de la Paix et de la Démocratique) et du HDP (Parti démocratique des peuples) et que son récit, s'agissant de son soutien aux guérilleros du PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan) et de sa mise en accusation dans une procédure pénale pour soutien à ces derniers, ne pouvait, eu égard aux incohérences de celui-ci, davantage être tenu pour établi. Si M. C... a produit postérieurement à l'audience devant la Cour nationale du droit d'asile un mandat d'arrêt par contumace du 11 décembre 2020 pour le délit " d'agir en complicité en connaissance de cause avec les militants de l'organisation illégale terroriste armée dite le PKK ", un procès-verbal de perquisition effectuée à son domicile le 16 décembre 2020 et une attestation du parti HDP établie à sa demande, ces documents, qui ne sont que de simples photocopies, ne présentent pas de garanties suffisantes pour établir que M. C... encourrait des risques de subir des traitements inhumains ou dégradants en cas de retour en Turquie alors qu'il est constant que M. C... n'a pas déposé de demande de réexamen de sa demande d'asile et que les termes de l'attestation du parti HDP indiquant une implication au sein du parti à compter du 2 janvier 2017 sont en contradiction avec le récit de l'intéressé qui mentionne une activité militante à l'occasion des élections de 2014 et 2015. En outre, la production pour la première fois devant la Cour d'articles de presse des 25 et 26 septembre 2020 relatant l'arrestation de 82 cadres du parti HDP ne permet pas davantage d'établir qu'il risquerait d'être personnellement exposé à un risque de traitements inhumains ou dégradants en cas de retour dans son pays d'origine. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que le préfet aurait méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
6. En quatrième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point précédent, le moyen tiré de ce que le préfet de la Seine-Saint-Denis aurait commis une erreur de fait sera écarté.
7. En cinquième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
8. M. C... soutient que compte tenu des risques d'emprisonnement qu'il encourt en cas de retour en Turquie et eu égard à la durée et aux conditions de son séjour en France, son renvoi dans son pays d'origine aurait des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son droit au respect de sa vie privée et familiale. Toutefois, et alors que l'intéressé n'établit pas, ainsi qu'il a été dit au point 5 du présent arrêt, qu'il serait personnellement exposé à un risque de traitement inhumains et dégradants en cas de retour dans son pays d'origine, il est constant que M. C..., qui déclare être arrivé en France en juillet 2018, ne justifie pas d'une ancienneté significative sur le territoire français. En outre, si le requérant a déclaré lors de son audition devant l'Office français de protection des réfugiés et apatrides que sa sœur et son frère vivaient en France, l'intéressé, qui est célibataire et sans charge de famille, n'établit pas ni même n'allègue qu'il entretiendrait de liens affectifs avec eux. Dans ces conditions, M. C..., qui n'est pas démuni d'attaches familiales dans son pays d'origine où résident ses parents et où il y a vécu au moins jusqu'à l'âge de 26 ans, n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté en litige aurait porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
9. En sixième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 5 et 8 du présent arrêt, le moyen tiré de ce que le préfet aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de M. C... ne peut qu'être écarté.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ainsi, en tout état de cause, que celles présentées par son conseil au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.
Délibéré après l'audience du 14 novembre 2022 à laquelle siégeaient :
- M. Le Goff, président de chambre,
- M. Ho Si Fat, président assesseur,
- Mme Collet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 décembre 2022.
Le rapporteur,
F. HO SI A... Le président,
R. LE GOFF
Le greffier,
P. TISSERAND
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 21PA02282 |
JADE/CETATEXT000046710459.xml | Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris de condamner le Conseil supérieur de l'audiovisuel à lui verser la somme de 20 205 001 euros en réparation des préjudices que lui ont causé les décisions n°s 2015-367 et 2015-368 du 14 octobre 2015 par lesquelles le Conseil supérieur de l'audiovisuel a respectivement prononcé une sanction à l'encontre de la société Diversité TV France et constaté qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur la demande d'agrément formulée par cette société ainsi que la décision du 10 décembre 2015 rejetant le recours gracieux de la société à l'encontre de la sanction.
Par un jugement n° 1906300/5-2 du 12 novembre 2020, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés les 23 décembre 2020, 10 mai et 8 juillet 2021, M. B..., représenté par la SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat au Conseil d'Etat, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1906300/5-2 du 12 novembre 2020 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de condamner le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) à lui verser la somme de 20 205 001 euros en réparation des préjudices que lui ont causé les décisions n°s 2015-367 et 2015-368 du 14 octobre 2015 et la décision du 10 décembre 2015 rejetant son recours gracieux ;
3°) de mettre à la charge du CSA la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- en prenant les décisions n°s 2015-367 et 2015-368 du 14 octobre 2015 qui ont été jugées illégales par le Conseil d'Etat dans sa décision du 30 mars 2016, le CSA a commis une faute de nature à engager sa responsabilité à son encontre en sa qualité d'ancien actionnaire majoritaire de la société Diversité TV France ;
- il n'a pas commis de faute dans la communication du pacte d'actionnaire conclu entre la société PHO Holding et la société UTH Russia Limited le 21 octobre 2013 qui serait de nature à exonérer le CSA de sa responsabilité ;
- les décisions du 14 octobre 2015 du CSA et la communication du CSA sur ces décisions ont eu pour conséquence de dégrader l'image de la chaîne de télévision " Numéro 23 ", exploitée par la société Diversité TV France, auprès du public et des annonceurs publicitaires entraînant une aggravation majeure des difficultés financières de la société et, par suite, des conditions dégradées de négociation de sa cession à la société NextRadioTV en avril 2016 par rapport au premier contrat de cession négocié en mai 2015 ;
- le lien de causalité direct et certain entre, d'une part, l'illégalité des décisions du CSA du 14 octobre 2015 et de la décision du 10 décembre 2015 rejetant le recours gracieux de la société Diversité TV France et, d'autre part, le préjudice financier subi est établi ;
- en sa qualité d'ancien actionnaire majoritaire de la société Diversité TV France, il a subi un manque à gagner évalué à 20 205 001 euros correspondant, d'une part, à la perte de valeur des actions de la société Diversité TV France entre le premier contrat de cession du 7 mai 2015 et le protocole d'accord conclu le 1er avril 2016 à hauteur de 11 653 000 euros et, d'autre part, au préjudice financier résultant de la modification des modalités de la cession de la société retenues dans le cadre du protocole d'accord du 1er avril 2016 évalué à 8 552 000 euros ;
- en sa qualité d'actionnaire majoritaire et de président directeur général de la société Diversité TV France, il a subi une atteinte à son image et à sa réputation professionnelle distincte du préjudice subi par la société ;
- il renvoie aux observations présentées devant le tribunal administratif en ce qui concerne, d'une part, l'annulation de la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le président du CSA sur la demande d'indemnisation et d'autre part, la condamnation du CSA à lui verser la somme de 20 205 001 euros au titre des préjudices subis.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 22 mars et 24 juin 2021, le Conseil supérieur de l'audiovisuel, représenté par la SCP Baraduc-Duhamel-Rameix, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 4 000 euros soit mise à la charge de M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
-le lien de causalité entre les décisions du CSA et la modification des modalités de cession de la société Diversité TV France entre le contrat de cession du 7 mai 2015 et le protocole d'accord du 1er avril 2016 n'est pas établi ;
- le requérant n'a pas subi de préjudice personnel distinct de celui de sa société ;
- à titre subsidiaire, aucun lien de causalité entre les décisions du CSA et le préjudice invoqué par le requérant n'est établi dès lors que s'il n'avait pas commis d'illégalité en se fondant sur le motif erroné tiré de la fraude, il aurait pu légalement fonder sa décision de sanction sur le motif tiré de la modification substantielle des données au vu desquelles l'autorisation d'exploiter une chaîne de télévision par voie hertzienne terrestre en mode numérique avait été délivrée en 2012 sans qu'il en soit informé ;
- si le requérant avait répondu dès mars 2014 ou dans un délai raisonnable aux sollicitations du régulateur, la saisine du rapporteur indépendant aurait été effectuée plus tôt et la procédure de sanction qui a été engagée par le rapporteur le 23 juin 2015 aurait été achevée avant toute demande d'agrément ; en outre, si le requérant avait sollicité un agrément auprès du CSA avant de conclure le pacte d'actionnaires du 21 octobre 2013, aucune procédure de sanction n'aurait été engagée ; les carences de l'intéressé sont de nature à l'exonérer de sa responsabilité ;
- à titre très subsidiaire, le requérant n'établit pas la réalité et l'étendue de son préjudice.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C...,
- les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique,
- et les observations de Me Bouniol-Brochier, avocat de M. B..., et de Me Gregory, avocat de l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique.
Une note en délibéré a été présentée pour M. B... le 18 octobre 2022.
Considérant ce qui suit :
1. Il résulte de l'instruction que par une décision du 3 juillet 2012, le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) a autorisé la société par actions simplifiée Diversité TV France dont M. B... était alors l'unique actionnaire, à utiliser une ressource radioélectrique pour diffuser par voie hertzienne terrestre en mode numérique un service national de télévision initialement dénommé " TVous la Télédiversité " puis renommé " Numéro 23 ". A la suite de deux augmentations de capital, portées à la connaissance du CSA, le capital social s'est trouvé détenu par la société PHO Holding, elle-même entièrement détenue par M. B..., par sept actionnaires entrés en octobre 2012 et par la société UTH Russia Limited, entrée en octobre 2013. Les 3 mars et 1er septembre 2014, le CSA a sollicité la communication du pacte d'actionnaires conclu entre la société PHO Holding et la société UTH Russia Limited le 21 octobre 2013. Par ailleurs, le 9 avril 2015, la société Diversité TV France a demandé au CSA, en application du cinquième alinéa de l'article 42-3 de la loi du 30 septembre 1986 issu de la loi n° 2013-1028 du 15 novembre 2013, d'agréer la cession de l'intégralité de son capital au groupe NextRadioTV. Un contrat de cession des actions de la société Diversité TV France et des titres de la société PHO Holding a été signé le 7 mai 2015 entre les actionnaires de la société Diversité TV France et la société NextRadioTV sous réserve de l'obtention au plus tard le 30 novembre 2015 de l'agrément sollicité auprès du CSA le 9 avril 2005. A la suite d'une nouvelle relance du CSA, la société Diversité TV France a transmis au directeur général du CSA le 25 mai 2015 le pacte d'actionnaires conclu entre la société PHO Holding et la société UTH Russia Limited. Le 23 juin 2015, le rapporteur indépendant chargé, en application des dispositions de l'article 42-7 de la loi du 30 septembre 1986, d'engager les poursuites préalables au prononcé par le CSA de sanctions contre les titulaires d'autorisation et de mener l'instruction a notifié au représentant de la société des griefs tirés de ce que la conclusion de ce pacte était, eu égard à certaines de ses clauses, susceptible d'être regardée comme une modification substantielle des données au vu desquelles l'autorisation avait été délivrée et de justifier son retrait en application des dispositions du premier alinéa de l'article 42-3 de la loi du 30 septembre 1986. Par une décision n° 2015-367 du 14 octobre 2015, le CSA a abrogé, avec effet au 30 juin 2016, la décision du 3 juillet 2012 autorisant la société Diversité TV France à exploiter le service de télévision " Numéro 23 ". Par une décision n° 2015-368 du même jour, le CSA a estimé que du fait de l'abrogation de la décision du 3 juillet 2012, il n'y avait plus lieu de se prononcer sur la demande d'agrément de cession de l'intégralité du capital de la société Diversité TV France à la société NextRadioTV. Par une décision du 10 décembre 2015, le CSA a rejeté le recours gracieux formé par la société Diversité TV France contre la décision de sanction du 14 octobre 2015.
2. Par une décision du 30 mars 2016, le Conseil d'Etat a annulé la décision n° 2015-367 du 14 octobre 2015 du CSA ainsi que sa décision du 10 décembre 2015 rejetant le recours gracieux de la société Diversité TV France. Le 1er avril 2016, un protocole d'accord a été conclu entre les actionnaires de la société Diversité TV France et la société NextRadioTV. Le 14 janvier 2019, M. B..., en sa qualité d'ancien actionnaire majoritaire de la société Diversité TV France, a adressé une demande indemnitaire au CSA tendant à la réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait des trois décisions du CSA des 14 octobre et 10 décembre 2015. Sa demande a été implicitement rejetée par le CSA. Par un jugement du 12 novembre 2020, le Tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de M. B... tendant à la condamnation du CSA à lui verser la somme de 20 205 001 euros au titre de ses préjudices. M. B... relève appel de ce jugement.
Sur les conclusions indemnitaires :
3. M. B... soutient que les décisions du 14 octobre 2015 du CSA et la communication du CSA sur ces décisions ont eu pour conséquence de dégrader l'image de la chaîne de télévision " Numéro 23 ", exploitée par la société Diversité TV France, auprès du public et des annonceurs publicitaires qui n'ont pas renouvelé leurs engagements financiers entraînant une aggravation majeure des difficultés financières de la société et, par suite, des conditions dégradées de négociation de sa cession à la société NextRadioTV en avril 2016 par rapport au premier contrat de cession négocié en mai 2015. Sollicitée par la société Diversité TV France pour évaluer ses préjudices ainsi que ceux de ses actionnaires, la société Ricol Lasteyrie Conseil a évalué la perte de valeur des actions détenues par M. B... entre le contrat de cession du 7 mai 2015 et le protocole d'accord du 1er avril 2016 à 11 653 000 euros et le préjudice financier résultant pour ce dernier de la modification des modalités de la cession de la société, le protocole d'accord du 1er avril 2016 ne retenant qu'une rémunération en numéraire contrairement à l'accord du 7 mai 2015 qui prévoyait à la fois une rémunération en numéraire et l'attribution d'obligations convertibles en actions, à 8 552 000 euros.
4. Il résulte de l'instruction que le protocole d'accord du 1er avril 2016 conclu entre les actionnaires de la société Diversité France TV et la société NextRadioTV stipulait que le prix de cession des actions de la société Diversité France TV serait ajusté au moment de la vente en tenant compte des différentes variables relatives à la situation financière de la société. Si le requérant se prévaut d'une baisse de l'audience de la chaîne de télévision " Numéro 23 " du fait de la sanction prononcée par le CSA le 14 octobre 2015, il ressort toutefois du graphique établi par la société Médiamétrie retraçant la courbe de l'audience de la chaîne " Numéro 23 " que la part de l'audience de cette chaîne en avril 2015, lors des négociations du premier contrat de cession, et en mars 2016, lors des négociations du protocole d'accord, était identique, soit 0,7%. Si sur la période comprise entre avril 2015 et mars 2016, la part d'audience de la chaîne a atteint un pic à 0,8 % en août 2015 avant de diminuer sur la période allant d'août à novembre 2015 où elle est descendue à 0,5 %, l'audience de la chaîne repart à la hausse pour atteindre 0,6 % dès décembre 2015 puis 0,7 % à compter de février 2016, c'est-à-dire 0,2 points supplémentaires entre novembre 2015 et avril 2016. Dans ces conditions, et à supposer même que les chaînes concurrentes aient connu une hausse de leurs parts d'audience comprise entre 0,2 % et 0,4 % sur la période allant de mars 2015 à mars 2016, il n'est pas démontré que les décisions du CSA intervenues le 14 octobre 2015 et le 10 décembre 2015 aient eu une incidence sur la part d'audience de la chaîne " Numéro 23 ".
5. Par ailleurs, il ressort du courrier en date du 26 janvier 2016 que la société TFI Publicité a alerté la société Diversité France TV sur les " difficultés de commercialisation des espaces (publicitaires) de la Chaine depuis la décision du CSA, et qui ne font que s'accentuer en ce début d'année 2016, de nombreux annonceurs refusant expressément de communiquer sur Numéro 23, de sorte que nous sommes aujourd'hui très pessimistes quant à la réalisation des objectifs d'affaires fixés pour 2016 ". Il est ainsi établi que la sanction infligée à la société Diversité TV France par le CSA a eu un impact négatif sur les annonceurs, ce qui a nécessairement conduit à une diminution des recettes publicitaires de la chaîne " Numéro 23 ". Toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que cette diminution de recettes publicitaires, dont le montant n'est au demeurant pas précisé et qui s'inscrit dans un contexte de baisse du montant " minimum garanti " de recettes publicitaires de la société Diversité TV France au titre de 2015 en raison des faibles audiences de la chaîne sur certaines cibles de téléspectateurs ainsi que dans une situation de diminution générale des dépenses publicitaires (-0,4 % en 2015 et -0,1% en 2016) comme cela ressort de l'étude d'impact du CSA élaborée dans le cadre de la procédure d'instruction de la demande d'agrément de la société Diversité TV France, serait à elle-seule à l'origine de l'aggravation des difficultés financières de la société Diversité TV France.
6. Il ressort des points 4 et 5 que les décisions du CSA ne sauraient être regardées comme étant, de manière directe et certaine, à l'origine de la perte de valeur de la société Diversité France TV et, par voie de conséquence, de la valeur des actions de M. B... ainsi que des conditions dégradées de négociation du protocole d'accord du 1er avril 2016 à l'issue desquelles des modalités de cession moins favorable à l'intéressé ont pu être retenues.
7. Enfin, le requérant soutient qu'en sa qualité d'actionnaire majoritaire et de président directeur général de la société Diversité TV France, il a subi un préjudice en termes d'image et de réputation professionnelle distinct de celui subi par la société du fait de la sanction infligée par le CSA le 14 octobre 2015 et de son retentissement dans les médias qui ont associé son nom à celui de la société Diversité TV France. Cependant, les articles des hebdomadaires Le Point et L'Obs des 15 et 27 octobre 2015 et du journal Le Monde du 10 octobre 2015 cités par M. B... à l'appui du préjudice dont il entend obtenir réparation, sont insuffisants pour établir la réalité de l'atteinte qui aurait été portée à son image et à sa réputation professionnelle.
8. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Sur les frais liés à l'instance :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du CSA, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée par M. B... au titre des frais liés à l'instance. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, par application de ces mêmes dispositions, de mettre à la charge de M. B... une somme de 2 000 euros à verser au CSA.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : M. B... versera à l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique.
Délibéré après l'audience du 18 octobre 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Ho Si Fat, président de la formation de jugement,
- Mme Collet, première conseillère,
- Mme Larsonnier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 décembre 2022.
La rapporteure,
V. C... Le président,
F. HO SI FAT
Le greffier,
P. TISSERAND
La République mande et ordonne à la ministre de la culture en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 20PA04197 |
JADE/CETATEXT000046710458.xml | Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Slam Metallerie a saisi le Tribunal administratif de Paris d'une demande tendant à la condamnation de l'Office public de l'Habitat (OPH) Paris habitat à lui verser, d'une part, la somme de 36 701,21 euros de travaux supplémentaires impayés assortis des intérêts au taux légal à compter de la réclamation préalable et la capitalisation de ses intérêts, d'autre part, la somme de 33 817 euros, sauf à parfaire au titre des difficultés rencontrées dans l'exécution du chantier en raison d'une faute du maitre d'ouvrage, assortie des intérêts au taux légal à compter de la réclamation préalable et de la capitalisation de ces intérêts, enfin, la somme de
1 429,80 euros au titre des intérêts moratoires, outre des conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1814623/4-1 du 15 octobre 2020, le Tribunal administratif de Paris a condamné Paris Habitat à lui verser, d'une part, la somme de 6 756,51 euros HT avec intérêts au taux légal à compter du 2 mai 2018, les intérêts échus à la date du 2 mai 2019 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date étant capitalisés pour produire eux-mêmes intérêts, d'autre part, la somme de 1 429,80 euros au titre des intérêts moratoires, a mis à la charge de Paris Habitat la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus de sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 30 novembre 2020, et un mémoire en réplique, enregistré le 16 février 2022, la société Slam Metallerie, représentée par Me Frolich , demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 15 octobre 2020 du Tribunal administratif de Paris en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande ;
2°) à titre principal, de faire droit à l'ensemble de ses conclusions de première instance ;
3°) à titre subsidiaire, de condamner Paris habitat à lui verser la somme de 33 817 euros hors-taxes au titre des préjudices subis en raison de difficultés rencontrées dans l'exécution du contrat qui ont pour objet des sujétions techniques imprévues ayant eu pour objet de bouleverser l'économie du marché, sommes assorties des intérêts au taux légal capitalisés ;
4°) de mettre à la charge de Paris Habitat la somme de 4 000 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier pour dénaturation des pièces du dossier et erreurs manifestes d'appréciation ;
- elle a droit au paiement de la somme totale 36 701, 21 euros au titre des travaux supplémentaires qui ont été réalisés et qui n'étaient pas prévus par le contrat ; c'est à tort que les premiers juges ont limité l'indemnisation à ce titre à la somme de 6 756, 51 euros HT ;
- elle a droit au paiement de la somme de 33 817 euros, à titre principal au titre des difficultés rencontrées dans l'exécution du chantier, à titre subsidiaire du fait du bouleversement du contrat.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 10 février et 1er mars 2022, Paris Habitat, représenté par Me Grzelczyk, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à sa charge de la société requérante sur le fondement des dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les conclusions subsidiaires de la société Slam métallerie constitutives d'une demande nouvelle un appel sont irrecevables ;
- les moyens soulevés par la société Slam métallerie sont infondés.
Par une ordonnance du 10 février 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au
1er mars 2022 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la commande publique ;
- l'arrêté du 3 mars 2014 modifiant l'arrêté du 8 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux (CCAG);
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- les conclusions de Mme Naudin, rapporteure publique,
- et les observations de Me Lafay pour Paris Habitat OPH.
Considérant ce qui suit :
1. La société Slam métallerie a été attributaire du lot n°3 " serrurerie " d'un marché public de travaux passé par l'Office public de l'Habitat (OPH), Paris habitat, pour la construction d'un parking enterré de 124 places, la réalisation d'un jardin en surface et l'aménagement des abords de la tour " Bois le prêtre " dans le XVIIème arrondissement de Paris. La maîtrise d'œuvre était assurée par un groupement composé d'un architecte M. B... et d'un bureau d'étude Scoping Bet. Le marché correspondant au lot n°3 a été conclu initialement pour un prix global et forfaitaire de 320 023,22 euros hors taxes (HT), porté à 338 777,07 euros par avenant du
15 mars 2016, ramené ensuite par l'ordre de service n° 4 du 14 avril 2016 à 314 704,77 euros HT. La réception des travaux a été prononcée, avec réserves, le 27 juin 2017. Le décompte général a été notifié à la société Slam métallerie le 20 mars 2018 pour un montant de
315 019,47 euros HT. Le 2 mai 2018, la société requérante a informé le maitre d'ouvrage de la signature du décompte général avec réserve et fait parvenir un mémoire en réclamation relatif aux travaux supplémentaires et aux difficultés d'exécution lors du marché. La société
Slam Metallerie a saisi le Tribunal administratif de Paris d'une demande tendant à la condamnation de l'Office public de l'Habitat ( OPH) Paris habitat à lui verser, d'une part, la somme de 36 701,21 euros de travaux supplémentaires impayés assortis des intérêts au taux légal à compter de la réclamation préalable et la capitalisation de ses intérêts, d'autre part, la somme de 33 817 euros sauf à parfaire au titre des difficultés rencontrées dans l'exécution du chantier en raison d'une faute du maitre d'ouvrage assortie des intérêts au taux légal à compter de la réclamation préalable et de la capitalisation de ces intérêts, enfin, la somme de 1 429,80 euros au titre des intérêts moratoires, outre des conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un jugement du 15 octobre 2020, le tribunal administratif de Paris a partiellement fait droit à la demande de la société Slam métallerie en condamnant Paris Habitat à lui verser la somme de 6 756,51 euros HT avec intérêts au taux légal à compter du 2 mai 2018 et capitalisation à la date du 2 mai 2019, en condamnant Paris Habitat à payer 1 429,80 euros d'intérêts moratoires et en mettant à la charge de Paris Habitat la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et il a rejeté le surplus de sa demande. La société Slam métallerie relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande.
Sur la régularité du jugement attaqué:
2. Si la société Slam métallerie soutient que le jugement attaqué est irrégulier pour dénaturation des pièces du dossier et " erreurs manifestes d'appréciation " ces griefs, qui relèvent d'ailleurs du contrôle du juge de cassation et non du contrôle du juge d'appel, sont sans incidence sur la régularité du jugement attaqué.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué:
En ce qui concerne l'indemnisation de travaux supplémentaires :
3. Dans le cadre d'un marché à prix global et forfaitaire, l'entrepreneur a droit à être indemnisé du coût des travaux supplémentaires, non prévus au contrat, s'ils ont été prescrits par ordre de service ou, si à défaut d'ordre de service, ils présentent un caractère indispensable à la réalisation de l'ouvrage dans les règles de l'art, sauf dans ce dernier cas si le maître d'ouvrage s'est préalablement opposé de façon précise à leur réalisation.
S'agissant de la réalisation des études pour les travaux d'ancrage :
4. Par ordre de service n°4 du 14 avril 2016, la société requérante a été invitée à effectuer des travaux de moins-value d'un montant de 24 072,30 euros. Elle soutient qu'elle a toutefois effectué les études préalables relatives à ces travaux correspondant à 15% du prix total de l'ouvrage pour un montant de 3 610,85 euros. La société se prévaut de l'envoi à Paris Habitat des plans et de la note relative à cet ouvrage par courrier du 13 janvier 2016. Il résulte de l'instruction que la note de calcul du muret de la clôture a été effectuée sous la direction technique de la société Colas et non de la société Slam métallerie qui l'a seulement envoyée. Pour démontrer qu'elle a effectué ces études préalables, la société requérante se borne à produire un devis émis le 15 novembre 2013 faisant état de l'étude des travaux d'ancrage de clôture correspondent au montant réclamé. Toutefois, la seule production du devis ne permet pas d'établir la réalité des travaux ni en tout état de cause leur caractère indispensable. Dans ces conditions, quand bien même Paris Habitat ne se serait pas opposé auxdits travaux, la société requérante n'est pas fondée à demander une indemnisation pour un montant de
3 610,85 euros au titre des études réalisées pour les travaux d'ancrage.
S'agissant de la modification des ventilations :
5. La société Slam métallerie soutient qu'elle a été contrainte de modifier les ouvertures dans les ventilations l'obligeant à intégrer une porte d'accès dans chaque ventilation et intégrer une échelle d'accès dans la fosse. Les premiers juges ont fait droit au principe de cette demande mais ont soustrait la somme de 1 374,92 euros à la somme totale sollicitée. Il résulte effectivement de l'instruction que les travaux initialement prévus au titre des ventilations étaient chiffrés par l'entreprise à cette dernière somme et qu'il convient donc bien de la soustraire à la somme sollicitée de 7 000 euros HT. Dès lors, la société requérante n'est pas fondée à demander une indemnisation supplémentaire de 1374,92 euros au titre de la modification des ventilations.
S'agissant de l'adaptation du chevêtre de la porte palière d'ascenseur RDC :
6. Aux termes de l'article 3-1.10.1 du cahier des clauses techniques particulières : " Les habillages et bavettes seront prévus pour tous les châssis fixes ". Aux termes de l'article
3-1.00.11.1 sur les habillages : " Dans le cadre du présent lot, l'entreprise devra tous les habillages intérieurs et extérieurs pour tous les raccords entre ouvrages (sur doublage intérieur compris), sur le pourtour des châssis et pour la jonction entre les parois et les châssis. Ces habillages seront réalisés avec des profils adaptés en acier, du type plats ou équerres. Ils seront clipsés dans les rainures des profils du châssis, avec collage complémentaire pour résister aux chocs. Une solution de vissage pourra être proposée. Les angles seront traités en coupes d'onglet. Les habillages seront thermolaqués, de finition très soignée ".
7. La société Slam Métallerie soutient qu'après l'installation de l'ascenseur elle a dû effectuer une reprise complète du chevêtre pour ajuster l'ouvrage audit ascenseur. Il résulte de l'instruction que le compte rendu de chantier du 14 janvier 2016 fait état d'une demande de réalisation d'une pièce de raccordement entre la porte palière de l'ascenseur et la façade vitrée. Toutefois, comme l'ont estimé à juste titre les premiers juges, la société requérante ne justifie pas que ces travaux n'entreraient pas normalement dans les stipulations précitées dès lors que celles-ci impliquent la réalisation de tous les habillages intérieurs pour tous les raccords entre ouvrages. Dans ces conditions, la société requérante n'est pas fondée à demander l'indemnisation de ces travaux, qui n'étaient pas constitutifs de travaux supplémentaires, pour un montant de
4 245 euros.
S'agissant de la mise en œuvre de parties fixes vitrées coupe-feu :
8. La société requérante réclame la somme de 3 963 euros au titre de la mise en place de portes vitrées coupe-feu à chaque niveau desservi par l'escalier. Comme l'a jugé le tribunal, s'il résulte de l'instruction et notamment du compte rendu de chantier du 11 décembre 2014 que les travaux ont été directement sollicités à la société requérante qui les a dument exécutés, la fabrication de ces portes n'a pas incombé à la requérante qui a seulement effectué la pose. Aussi, la société Slam métallerie n'est pas fondée à demander une indemnisation supplémentaire au-delà de la somme de 594,45 euros allouée par le tribunal au titre de ces travaux.
S'agissant de la mise en œuvre d'un complément de grille séparative de parking :
9. Il résulte de l'instruction que pour demander l'indemnisation des travaux supplémentaires résultant de la mise en œuvre d'un complément de grille séparative de parking pour un montant de 2 964,20 euros, la société requérante se borne à produire, d'une part, un devis dépourvu de tous autres éléments justificatifs ou précisions quant à la réalisation de ces travaux, d'autre part, en appel, un courriel du 30 juin 2015 transmettant un devis modifié au maître d'œuvre, pièce n'établissant pas plus la réalisation de ces travaux. Dans ces conditions, en tout état de cause, la société requérante n'est pas fondée à en demander l'indemnisation.
S'agissant de la mise en œuvre d'une maille Extend :
10. Aux termes de l'article 2.1 du cahier des clauses administratives particulières (CCAP) : " Les erreurs de quantité, divergences ou ambiguïtés de toute sorte pouvant apparaître dans la décomposition du prix des travaux traités à prix forfaitaire ne peuvent en aucun cas conduire à une modification du prix forfaitaire porté dans l'acte d'engagement ". Il résulte de l'instruction que la maitrise d'œuvre a demandé à la société d'augmenter l'épaisseur de la maille antichute de deux à trois millimètres. Toutefois, comme l'ont jugé à juste titre les premiers juges, la société requérante ne démontre pas en quoi ces travaux dépassent ce qui était contractuellement mis à sa charge et constitueraient ainsi des travaux supplémentaires. Dans ces conditions, la société requérante n'est pas fondée à demander la somme de 6 198,18 euros au titre de ces travaux.
S'agissant de la mise en œuvre d'un logo :
11. La société requérante fait valoir que la maitrise d'œuvre lui a demandé de mettre en œuvre un logo et en demande l'indemnisation à hauteur du coût de cette prestation qui s'élèverait à 1 483 euros. Toutefois, la société Slam métallerie se borne à faire état de cette demande et des travaux correspondants sans autres éléments justificatifs ou précisions tant sur le fait qu'ils ont été sollicités que sur leur réalisation alors qu'en tout état de cause Paris Habitat fait valoir, en défense, que cette demande du seul maître d'œuvre serait étrangère à la livraison de l'ouvrage dans les règles de l'art. Dans ces conditions, la société requérante n'est pas fondée à en demander une indemnisation.
S'agissant de la mise en œuvre de chêneau et étanchéité périphérique :
12. Le moyen tiré de l'indemnisation au titre de la mise en œuvre de chêneau et étanchéité périphérique doit être écarté par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges aux points 14 et 15 du jugement attaqué.
13. Il résulte de tout ce qui précède que la société Slam métallerie n'est pas fondée à demander une indemnisation supplémentaire à celle allouée par le tribunal au titre des travaux supplémentaires.
En ce qui concerne les difficultés rencontrées dans l'exécution du marché imputable à la personne publique :
14. Les difficultés rencontrées dans l'exécution d'un marché à forfait ne peuvent ouvrir droit à indemnité au profit de l'entreprise titulaire du marché que dans la mesure où celle-ci justifie soit que ces difficultés trouvent leur origine dans des sujétions imprévues ayant eu pour effet de bouleverser l'économie du contrat, soit qu'elles sont imputables à une faute de la personne publique commise notamment dans l'exercice de ses pouvoirs de contrôle et de direction du marché, dans l'estimation de ses besoins, dans la conception même du marché ou dans sa mise en œuvre, en particulier dans le cas où plusieurs cocontractants participent à la réalisation de travaux publics.
S'agissant du remplacement d'un vitrage à la suite de la détérioration par l'ascensoriste :
15. La société requérante soutient que l'entreprise chargée du lot n°6 a détérioré une partie de ses vitrages entrainant le remplacement du vitrage v1 de l'édicule ascenseur par la société Slam métallerie pour un montant de 1 345 euros. A l'appui de ses allégations, la société se borne à affirmer que Paris Habitat a commis une faute dans son pouvoir de direction et de contrôle des travaux ayant donné lieu aux dégâts sur la vitre, causés par une autre entreprise. D'une part, la société requérante ne justifie pas de la faute qu'aurait commise la personne publique dans ses pouvoirs de direction et de contrôle, d'autre part, en vertu des stipulations de l'article 31. 41 du CCAG travaux il appartient à l'entreprise d'assurer le gardiennage de son chantier, et, enfin, la requérante ne démontre pas non plus le lien de causalité direct entre cette faute supposée et le préjudice dont elle se prévaut. Dès lors, la société Slam métallerie n'est pas fondée demander le paiement de la somme de 1 345 euros.
S'agissant de la modification des altimétries du projet :
16. La société requérante fait valoir que les modifications intervenues en cours d'exécution du contrat et qui ont eu un impact sur les métrés qu'elle avait déjà effectués résultent d'une faute de la personne publique dans le contrôle et la direction du chantier. Comme l'ont jugé à juste titre les premiers juges, la société Slam métallerie ne démontre pas l'existence d'une faute ayant conduit à la surélévation de l'édicule ascenseur et à l'allongement des murs d'accès au parking. Dès lors, la société requérante n'est pas fondée à demander à être indemnisée de la somme de 14 046 euros au titre des difficultés rencontrées dans l'exécution du contrat.
S'agissant de l'indemnisation des préjudices en raison du retard dans l'exécution des travaux :
17. La société requérante fait valoir que les retards dans l'exécution des travaux l'ont pénalisée dans l'exécution des bardages ainsi que pour la réalisation des clôtures. S'il résulte de l'instruction que le chantier a effectivement connu un retard global de vingt mois, d'une part, la société requérante se borne à soutenir que la moitié des lames a dû être recoupée en raison de ces retards sans démontrer ni la faute de Paris Habitat qui l'aurait pénalisée dans l'exécution des bardages ni la réalité du travail allégué. D'autre part, la société requérante se borne à effectuer un calcul partant d'un travail supplémentaire effectué sur les clôtures, qui aurait eu pour cause les retards accumulés, sans corroborer ses allégations par aucune pièce. Dans ces conditions, la demande d'indemnisation présentée par la société requérante doit être rejetée.
En ce qui concerne les difficultés rencontrées dans l'exécution du marché trouvant leur origine dans des sujétions imprévues ayant eu pour effet de bouleverser l'économie du contrat et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par Paris habitat :
18. Comme il a été dit au point 14, les difficultés rencontrées dans l'exécution d'un marché à forfait peuvent aussi ouvrir droit à indemnité au profit de l'entreprise titulaire du marché dans la mesure où celle-ci justifie que ces difficultés trouvent leur origine dans des sujétions imprévues ayant eu pour effet de bouleverser l'économie du contrat. Si la requérante soutient à titre subsidiaire que tel est bien le cas, elle n'apporte aucune précision à l'appui de son moyen alors qu'au surplus il ne résulte pas de l'instruction que des sujétions imprévues auraient eu pour effet de bouleverser l'économie du marché.
19. Il résulte de tout ce qui précède que la société Slam métallerie n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté le surplus de sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
20. Enfin dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la société Slam métallerie une somme de 1500 euros au titre de l'article L. 761 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Slam métallerie est rejetée.
Article 2 : La société Slam métallerie versera la somme de 1 500 euros à Paris habitat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Slam métallerie et à l'Office public de l'Habitat Paris habitat.
Délibéré après l'audience du 22 novembre 2022 à laquelle siégeaient :
- M. Célérier, président de chambre,
- M. Niollet, président assesseur,
- M. Pagès, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 6 décembre 2022.
Le rapporteur,
D. PAGES
Le président,
T. CELERIER
La greffière,
Z. SAADAOUI
La République mande et ordonne au préfet de la région Ile de France, préfet de Paris en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 20PA03652 |
JADE/CETATEXT000046710470.xml | Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... C... a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 29 novembre 2018 par lequel le préfet du Val-de-Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 1902615 du 16 juillet 2020, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 28 avril 2021, M. C..., représenté par Me Chilot-Raoul, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1902615 du 16 juillet 2020 du Tribunal administratif de Melun ;
2°) d'annuler l'arrêté du 29 novembre 2018 du préfet du Val-de-Marne ;
3°) d'enjoindre au préfet du Val-de-Marne de lui délivrer un titre de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros à verser à Me Chilot-Raoul au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
S'agissant de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :
- la décision est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il ne pourra bénéficier effectivement d'un traitement approprié à son état de santé dans son pays d'origine ;
- le préfet du Val-de-Marne, en se croyant à tort en situation de compétence liée, n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation au regard du droit d'asile et a méconnu les dispositions des articles L. 711-1 et L. 712-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
S'agissant de la décision fixant le pays de renvoi :
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
La requête a été communiquée à la préfète du Val-de-Marne qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Par ordonnance du 14 juin 2021, prise en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative, la clôture de l'instruction a été fixée au 26 août 2021 à midi.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal judiciaire de Paris du 3 novembre 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. B... A... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. D... C..., ressortissant congolais de la République démocratique du Congo, né le 11 octobre 1980 et entré en France en décembre 2014 selon ses déclarations, a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions alors en vigueur du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 29 novembre 2018, le préfet du Val-de-Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. C... relève appel du jugement du 16 juillet 2020 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
En ce qui concerne la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :
2. En premier lieu, M. C... reprend en appel le moyen soulevé en première instance tiré de ce que la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour serait insuffisamment motivée. Cependant, la décision en litige mentionne les éléments relatifs à sa situation personnelle et M. C... ne développe au soutien de ce moyen aucun argument de droit ou de fait pertinent de nature à remettre en cause l'analyse et la motivation retenues par le tribunal. Il y a lieu, dès lors, d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.
3. En deuxième lieu, aux termes des dispositions du 11° de l'article L. 331-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile désormais codifiées à l'article L. 425-9 de ce code : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à
l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ".
4. Il ressort des pièces du dossier que pour refuser à M. C... la délivrance d'un titre de séjour, le préfet du Val-de-Marne s'est notamment fondé sur l'avis du 8 octobre 2018 du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui précise que si l'état de santé de M. C... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié en République démocratique du Congo, son pays d'origine. M. C..., qui souffre d'un stress post-traumatique avec troubles du sommeil et cauchemars récurrents, soutient toutefois qu'il ne pourra bénéficier effectivement des soins appropriés à son état de santé dans son pays d'origine dès lors qu'en République démocratique du Congo, pays dans lequel la neurologie et la psychiatrie ne sont pas des disciplines distinctes, le système de santé étant confronté à une pénurie d'infrastructures et de spécialistes. Il ressort des pièces du dossier, en particulier du certificat médical du 29 mars 2018 établi par le docteur E..., psychiatre, que la prise en charge médicale de M. C... consiste depuis 2016 en une consultation psychiatrique mensuelle, en une consultation hebdomadaire de psychothérapie au centre Primo Lévi ainsi qu'en la prise notamment de paroxétine et d'un hypnotique. Toutefois, la seule production par M. C... du rapport de l'Organisation suisse d'aide aux réfugiés de 2013 sur la prise en charge des maladies mentales en République démocratique du Congo ainsi que, pour la première fois en appel, d'un article du journal Africanews en date du 17 avril 2019 faisant état, de l'absence de recours par les malades eux-mêmes aux soins médicaux dans la plupart des sociétés africaines en raison de l'association de la déficience mentale à la sorcellerie, ne permet pas d'établir que l'intéressé ne pourrait bénéficier effectivement d'une prise en charge médicale adaptée à son état de santé dans son pays d'origine alors que M. C... précise dans ses propres écritures qu'il existe en République démocratique du Congo six structures spécialisées auxquelles s'ajoutent deux structures psychiatriques dans des hôpitaux généraux. En outre, si M. C... soutient qu'il ne pourra accéder financièrement à son traitement dès lors qu'il n'existe pas de système d'assurance publique en République démocratique du Congo et que les pénuries de médicaments impliquent de recourir à des importations entrainant une multiplication de deux à trois fois des prix d'achat, il est constant qu'il ne produit aucun élément de nature à établir le coût de son traitement dans son pays d'origine ni qu'il ne disposerait pas des ressources financières suffisantes pour y accéder. Enfin, si M. C... fait valoir que son suivi médical ne peut s'effectuer en République démocratique du Congo dès lors que les persécutions qu'il y a subies seraient à l'origine de ses troubles psychiques, toutefois l'attestation de suivi psychologique du 2 mai 2018 rédigée par Mme D'Elia, psychologue clinicienne au centre Primo Lévi, ne permet pas d'établir que l'état de santé de l'intéressé serait incompatible avec un retour dans son pays d'origine. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce qu'en refusant de lui délivrer un titre de séjour pour raisons de santé, le préfet aurait méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
5. En troisième lieu, il ressort des termes de la décision en litige que celle-ci n'est pas fondée sur le refus de reconnaître à M. C... la qualité de réfugié. Par suite, les moyens tirés de ce que le préfet se serait à tort estimé lié par l'avis de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides, de ce qu'il aurait entaché sa décision d'un défaut d'examen de la situation de l'intéressé au regard du droit d'asile et de ce qu'il aurait méconnu les dispositions alors applicables des articles L. 711-1 et L. 712-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives à la reconnaissance de la qualité de réfugié et au bénéfice de la protection subsidiaire doivent être écartés comme inopérants.
6. En quatrième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 4 et 5 du présent arrêt, le moyen tiré de ce que le préfet aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision de refus de séjour sur la situation personnelle de M. C... ne peut qu'être écarté.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
7. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont les dispositions ont été reprises à l'article L. 423-23 de ce code : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévues à l'article L. 313-2 soit exigée (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
8. Il ressort des mentions non contestées de la décision en litige que M. C..., entré en France en décembre 2014 selon ses déclarations, est célibataire et sans charge de famille. S'il soutient toutefois qu'il a noué des liens amicaux forts en France, M. C... ne produit aucun élément de nature à établir la réalité de cette allégation. En outre, la circonstance qu'il justifie à compter du 1er octobre 2020 d'un contrat à durée indéterminée en qualité d'aide-monteur en échafaudage est sans incidence sur la légalité de la décision contestée dès lors que cette expérience professionnelle est postérieure à la décision en litige. Dans ces conditions, et dès lors que l'intéressé n'établit pas avoir fixé le centre de ses intérêts privés en France, les moyens tirés de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaîtrait les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés.
9. En deuxième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point précédent, le moyen tiré de ce que le préfet, en l'obligeant à quitter le territoire français, aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de M. C... doit être écarté.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
10. En premier lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
11. M. C... soutient qu'un retour en République démocratique du Congo l'exposera à un risque de torture ou de mort compte tenu de son engagement au sein du parti de l'Union pour la Démocratie et le Progrès Social (UDPS). Il fait valoir qu'il a été interpellé et retenu à plusieurs dans un centre militaire du fait de cet engagement politique. Si l'intéressé produit devant la Cour un article de presse du 3 janvier 2014 sur l'interpellation de plusieurs militants de l'UDPS ainsi qu'un article du 16 juin 2020 relatant une attaque du siège du parti d'opposition de l'UDPS, il n'apporte toutefois aucun élément de nature à établir la réalité de son engagement politique. En outre, il est constant que la demande d'asile déposée par M. C... a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 29 février 2016, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 21 septembre 2016, et que sa demande de réexamen a également été rejetée en dernier lieu par ordonnance de la Cour nationale du droit d'asile du 5 juillet 2017. Dans ces conditions, et dès lors qu'il n'est pas établi qu'un retour en République démocratique du Congo exposerait personnellement l'intéressé à un risque de traitements inhumains ou dégradants, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ainsi, en tout état de cause, que celles présentées par son conseil au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée à la préfète du Val-de-Marne.
Délibéré après l'audience du 14 novembre 2022 à laquelle siégeaient :
- M. Le Goff, président de chambre,
- M. Ho Si Fat, président assesseur,
- Mme Larsonnier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 décembre 2022.
Le rapporteur,
F. HO SI A... Le président,
R. LE GOFF
Le greffier,
P. TISSERAND
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 21PA02266 |
JADE/CETATEXT000046710464.xml | Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... D..., agissant tant en son nom personnel qu'en celui de sa compagne
Mme C... B..., ainsi qu'en sa qualité de représentant légal de la société civile immobilière (SCI) Predio Immo, a demandé au tribunal administratif de Melun, à titre principal, d'annuler la décision du 6 avril 2018 par laquelle le maire de la commune de Magny-le-Hongre a rejeté sa demande tendant au retrait ou à l'abrogation de la décision d'implantation de deux arrêts de bus à proximité de sa propriété ainsi qu'au déplacement de ces arrêts de bus et d'enjoindre à la commune de Magny-le-Hongre de déplacer lesdits arrêts sous astreinte de 200 euros par jour de retard et à titre subsidiaire, de condamner solidairement la commune de Magny-le-Hongre et l'établissement public d'aménagement France (EPA France) à lui verser la somme de 351 800 euros, assortie des intérêts et de leur capitalisation, en réparation du préjudice subi du fait de la présence de ces arrêts de bus à proximité de sa propriété.
Par un jugement n° 1810178 du 31 décembre 2020, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 1er mars 2021, M. D..., agissant tant en son nom personnel qu'en celui de sa compagne Mme B..., ainsi qu'en sa qualité de représentant légal de la SCI Predio Immo, représenté par Me Rocher-Thomas, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1810178 du 31 décembre 2020 du tribunal administratif de Melun ;
2°) d'annuler la décision du 6 avril 2018 par laquelle le maire de la commune de Magny-le-Hongre a rejeté sa demande tendant au retrait ou à l'abrogation de la décision d'implantation de deux arrêts de bus situés au droit de sa propriété ainsi qu'au déplacement de ces arrêts de bus ;
3°) d'enjoindre au maire de Magny-le-Hongre de déplacer ces arrêts de bus dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;
4°) de condamner solidairement la commune de Magny-le-Hongre et l'EPA France à lui verser la somme de 351 800 euros, assortie des intérêts et de leur capitalisation, en réparation du préjudice subi du fait de la présence de ces deux arrêts de bus au droit de sa propriété ;
5°) de mettre à la charge de la commune de Magny-le-Hongre une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier en ce qu'il ne comporte pas les signatures prévues à l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;
- c'est à tort que les premiers juges ont regardé sa demande comme tendant à la condamnation solidaire de la commune de Magny-le-Hongre et de l'EPA France ainsi qu'au prononcé d'une injonction tendant au déplacement des deux arrêts de bus alors qu'était sollicitée, à titre principal, l'annulation de la décision du maire de Magny-le-Hongre en date du 6 avril 2018 ;
- le maire de Magny-le-Hongre a méconnu ses pouvoirs de police administrative et a entaché d'illégalité la décision du 6 avril 2018 en refusant de mettre en œuvre ses pouvoirs de police ;
- la responsabilité sans faute de la commune est engagée du fait des nuisances engendrées par la présence de ces arrêts de bus au droit de sa propriété, à l'origine d'un préjudice grave et spécial.
Par un mémoire, enregistré le 24 novembre 2021, l'EPA France, représenté par la SELARL Cabinet Coudray, conclut à sa mise hors de cause et au rejet de la requête et subsidiairement, dans l'hypothèse où une condamnation serait prononcée, à ce qu'elle soit solidaire avec la commune de Magny-le-Hongre et enfin, à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. D... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- à titre principal, il doit être mis hors de cause dès lors qu'il a procédé à l'installation des abribus dans le cadre d'un marché public de travaux, sans avoir pris la décision de leur localisation exacte ;
- la requête doit être rejetée dès lors que les moyens sont soulevés par M. D... ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 février 2022, la commune de Magny-le-Hongre, représentée par le cabinet Richer et Associés, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. D... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les conclusions à fin d'annulation sont irrecevables dès lors que d'une part, M. D... ne produit aucune décision de la commune relative à l'implantation des arrêts de bus au droit de sa propriété et que, d'autre part, le courrier adressé par le maire de Magny-le-Hongre le 6 décembre 2018 ne constitue pas une décision faisant grief ;
- les conclusions indemnitaires sont mal dirigées dès lors qu'elle n'est pas le maître d'ouvrage des arrêts de bus litigieux ;
- les autres moyens invoqués par M. D... ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 8 septembre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au
23 septembre 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme E...,
- les conclusions de Mme Pena, rapporteure publique,
- les observations de Me Chemakh, représentant M. D...,
- les observations de Me Guiorguieff, représentant la commune de Magny-le-Hongre,
- et les observations de Me Lapprand, représentant l'Etablissement public d'aménagement du secteur IV de Marne-la-Vallée (EPA France).
Considérant ce qui suit :
1. La SCI Predio Immo, dont M. D... est le représentant légal, est propriétaire, depuis le 22 décembre 2010, d'un bien immobilier situé 4 rue du Lavoir à Magny-le-Hongre (Seine-et-Marne). Au cours de l'année 2016, des aménagements ont été réalisés sur la voirie afin d'y implanter deux arrêts de bus, à proximité de la propriété de la SCI Predio Immo. Le
7 février 2018, M. D... a demandé à la commune de Magny-le-Hongre, d'une part, de retirer ou d'abroger la décision d'implantation de ces deux arrêts de bus et de procéder à leur déplacement et d'autre part, de l'indemniser des préjudices subis du fait de la présence de ces deux arrêts de bus. Par une décision du 6 avril 2018, le maire de Magny-le-Hongre a refusé de faire droit à sa demande. M. D... a alors saisi le tribunal administratif de Melun d'une demande tendant, à titre principal, à l'annulation de la décision du 6 avril 2018 et à ce qu'il soit enjoint à la commune de déplacer les arrêts de bus et, à titre subsidiaire, à la condamnation solidaire de la commune de Magny-le-Hongre et de l'EPA France. M. D... relève appel du jugement du 31 décembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
Sur la régularité du jugement :
2. Lorsqu'il est saisi d'une demande tendant à ce que soit ordonnée la démolition ou le déplacement d'un ouvrage public dont il est allégué qu'il est irrégulièrement implanté par un requérant qui estime subir un préjudice du fait de l'implantation de cet ouvrage et qui en a demandé sans succès la démolition ou le déplacement à l'administration, il appartient au juge administratif, juge de plein contentieux, de déterminer, en fonction de la situation de droit et de fait existant à la date à laquelle il statue, si l'ouvrage est irrégulièrement implanté, puis, si tel est le cas, de rechercher, d'abord, si eu égard notamment à la nature de l'irrégularité, une régularisation appropriée est possible, puis, dans la négative, de prendre en considération, d'une part les inconvénients que la présence de l'ouvrage entraîne pour les divers intérêts publics ou privés en présence, notamment, le cas échéant, pour le propriétaire du terrain d'assiette de l'ouvrage, d'autre part, les conséquences de la démolition ou du déplacement pour l'intérêt général, et d'apprécier, en rapprochant ces éléments, si la démolition ou le déplacement n'entraîne pas une atteinte excessive à l'intérêt général.
3. Ainsi qu'il a été dit au point 1, M. D... a demandé au tribunal administratif de Melun, à titre principal, d'annuler la décision du 6 avril 2018 par laquelle le maire de Magny-le-Hongre a refusé de retirer ou d'abroger la décision d'implantation des arrêts de bus situés à proximité de sa propriété et de procéder à leur déplacement, et d'enjoindre à la commune de Magny-le-Hongre de déplacer ces arrêts de bus sous astreinte de 200 euros par jour de retard et enfin, à titre subsidiaire, de condamner solidairement la commune de Magny-le-Hongre et l'EPA France à l'indemniser des préjudices subis du fait des nuisances engendrées par la présence de ces arrêts de bus. Eu égard au principe énoncé au point 2, M. D... devait dès lors être regardé comme ayant introduit, à titre principal, une demande de plein contentieux tendant au déplacement des arrêts de bus litigieux et, à titre subsidiaire, une demande tendant à la réparation des dommages résultant de la présence et du fonctionnement des arrêts de bus au droit de sa propriété. Ainsi, en estimant que " M. D... devait être regardé comme demandant, à titre principal, l'engagement de la responsabilité solidaire de la commune de Magny-le-Hongre et d'EPA France, ainsi que le prononcé d'une injonction tendant au déplacement des arrêts de bus litigieux constituant une des modalités de réparation du dommage qu'il estime subir ", les premiers juges se sont mépris sur la nature des conclusions dont ils étaient saisis. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen tiré de l'irrégularité du jugement, le jugement attaqué doit être annulé.
4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par
M. D... devant le tribunal administratif de Melun.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
5. Eu égard au principe énoncé au point 2, il ne relève pas de l'office du juge administratif, saisi d'une demande tendant à la démolition ou au déplacement d'un ouvrage public dont il est allégué qu'il est irrégulièrement implanté, d'annuler la décision refusant la démolition ou le déplacement de cet ouvrage. Il lui appartient seulement de rechercher si l'ouvrage en cause a été irrégulièrement implanté et d'en tirer, le cas échéant, les conséquences en termes d'injonction. Par suite, les vices propres dont la décision du maire de Magny-le-Hongre en date du 6 avril 2018 serait, le cas échéant, entachée sont sans incidence sur la solution du litige.
Sur les conclusions tendant au déplacement des ouvrages publics :
6. M. D... soutient que les deux arrêts de bus ont été implantés au droit de sa propriété afin de favoriser certains riverains et que d'autres emplacements, situés plus à distance, auraient pu accueillir ces arrêts de bus sur la voie publique. Toutefois, de telles circonstances ne sont pas de nature à caractériser une implantation irrégulière des ouvrages litigieux. En outre, si M. D... se prévaut des nuisances générées par les arrêts de bus, cette circonstance n'est pas davantage de nature à affecter la régularité de leur implantation. Enfin, il ne résulte pas de l'instruction que les ouvrages litigieux entraveraient l'accès à la propriété de M. D.... Par suite, les conclusions de la requête tendant au déplacement des deux arrêts de bus doivent être rejetées.
Sur les conclusions indemnitaires :
En ce qui concerne la responsabilité sans faute :
7. Le maître de l'ouvrage est responsable, même en l'absence de faute, des dommages que les ouvrages publics dont il a la garde peuvent causer aux tiers tant en raison de leur existence que de leur fonctionnement. Il ne peut dégager sa responsabilité que s'il établit que ces dommages résultent de la faute de la victime ou d'un cas de force majeure. Ces tiers sont tenus de démontrer, d'une part, le lien de causalité entre cet ouvrage et les dommages invoqués et, d'autre part, le caractère grave et spécial du préjudice qu'ils subissent sauf lorsque le dommage n'est pas inhérent à l'existence même de l'ouvrage public ou à son fonctionnement et présente, par suite, un caractère accidentel.
8. M. D... soutient que l'implantation de deux arrêts de bus au droit de sa propriété lui a occasionné des troubles de jouissance importants, eu égard à l'état antérieur des lieux. S'il résulte des pièces versées aux débats que le passage régulier des bus génère nécessairement de la pollution et des nuisances sonores et que la présence d'usagers attendant le bus peut être à l'origine de l'abandon, sur les lieux, de détritus, il n'est pas établi que ces désagréments excéderaient les inconvénients que doivent normalement supporter, dans l'intérêt général, les propriétaires riverains d'un service de transports publics en milieu urbain alors au demeurant que les deux arrêts de bus ne sont pas implantés directement devant la propriété de M. D.... En outre, s'il résulte des photographies produites par le requérant que des déjections canines ont été déposées sur la serrure de son domicile et qu'un papier contenant des propos à caractère raciste a été retrouvé dans son jardin, il n'est pas établi que ces agissements ont été commis par des usagers du bus, ni en tout état de cause qu'ils trouveraient leur cause directe et certaine dans la présence des ouvrages litigieux. Enfin, M. D... soutient que l'implantation des arrêts de bus affecte la valeur vénale de sa propriété et se prévaut d'une évaluation d'une agence immobilière du 17 mai 2016 ainsi que d'une expertise non contradictoire du 22 octobre 2017, laquelle fait état d'une estimation de la valeur du bien à 1 100 000 euros et d'une décote à hauteur de 30 %. Toutefois, cette perte de valeur vénale ne peut être regardée comme établie dès lors que l'expertise ne précise pas la méthode utilisée pour déterminer précisément le taux allégué de moins-value de 30 % alors que l'évaluation de l'agence immobilière retient une estimation de la propriété à plus de 1 000 000 euros sans faire mention d'une moins-value tenant à la présence des arrêts de bus. Il suit de là qu'appréciés globalement, les préjudices invoqués par M. D... soit n'apparaissent pas établis, soit ne présentent pas de caractère grave et spécial au regard des sujétions susceptibles d'être normalement imposées, dans l'intérêt général, aux riverains d'un ouvrage public. Par suite, les conclusions tendant à l'engagement de la responsabilité sans faute de la commune de Magny-le-Hongre et de l'EPA France sur le fondement d'un dommage de travaux publics doivent être rejetées.
En ce qui concerne la responsabilité pour faute :
9. A supposer que M. D... ait entendu se prévaloir, pour la première fois en appel, de la faute commise par le maire de Magny-le-Hongre du fait d'une carence dans l'exercice de ses pouvoirs de police, il ne résulte pas de l'instruction, ainsi qu'il a été dit au point précédent, que les nuisances résultant de la présence et du fonctionnement des arrêts de bus excèderaient les inconvénients normaux que doivent supporter les riverains d'un service de transports publics en milieu urbain et porteraient ainsi une atteinte excessive à la salubrité et à la tranquillité publique. En outre, informé par M. D... des désagréments imputés aux ouvrages litigieux, le maire de la commune a appelé l'attention des services techniques quant aux nettoyage des abords des arrêts de bus. Par suite, et sans qu'il soit besoin de statuer sur leur recevabilité, les conclusions tendant à l'engagement de la responsabilité de la commune de Magny-le-Hongre en raison d'une carence fautive de son maire dans l'exercice de ses pouvoirs de police doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Magny-le-Hongre, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. D... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la commune de Magny-le-Hongre et de l'EPA France présentées sur ce même fondement.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1810178 du 31 décembre 2020 du tribunal administratif de Melun est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. D... devant le tribunal administratif de Melun est rejetée.
Article 3 : Les conclusions de la commune de Magny-le-Hongre et de l'EPA France présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D..., à la commune de Magny-le-Hongre et à l'établissement public d'aménagement France (EPA France).
Délibéré après l'audience du 15 novembre 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Ivan Luben, président de chambre,
- Mme Marianne Julliard, présidente-assesseure,
- Mme Gaëlle Dégardin, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 décembre 2022.
La rapporteure,
G. E...Le président,
I. LUBEN
La greffière,
N. DAHMANI
La République mande et ordonne au préfet de Seine-et-Marne en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 21PA01079 |
JADE/CETATEXT000046710472.xml | Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... C... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 23 août 2018 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et lui a interdit d'y retourner pendant une durée de deux ans.
Par jugement n° 1907111 du 23 juin 2020, le Tribunal administratif de Montreuil a annulé l'arrêté du 23 août 2018 en tant que le préfet de la Seine-Saint-Denis a interdit à Mme C... de retourner sur le territoire français pendant une durée de deux ans et a rejeté le surplus de sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des pièces enregistrées les 20 mai, 8 juin et 9 août 2021, Mme C..., représentée par Me Reynolds, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1907111 du 23 juin 2020 du Tribunal administratif de Montreuil en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 23 août 2018 de refus de titre de séjour et d'obligation de quitter le territoire français ;
2°) d'annuler l'arrêté du 23 août 2018 en tant que le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à défaut, de réexaminer sa demande et de lui délivrer durant ce réexamen une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation au bénéfice de la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier dès lors qu'il est insuffisamment motivé ;
- le refus de titre de séjour est insuffisamment motivé ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il méconnaît les dispositions des articles L. 313-14 et L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation compte tenu des conséquences d'une exceptionnelle gravité de cette décision ;
- l'obligation de quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle.
La requête a été transmise au préfet de la Seine-Saint-Denis qui n'a pas produit d'observations.
Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal judiciaire de Paris du 26 février 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C..., ressortissante malienne née le 1er janvier 1965 et entrée en France le 29 octobre 2012 sous couvert d'un visa de court séjour portant la mention ascendant non à charge, a sollicité le 11 octobre 2017 la délivrance d'un titre de séjour. Par arrêté du 23 août 2018, le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de faire droit à sa demande, l'a obligée à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination d'une mesure d'éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans. Par jugement n° 1907111 du 23 juin 2020, dont Mme C... relève appel, le Tribunal administratif de Montreuil a annulé l'arrêté du 23 août 2018 en tant que le préfet de la Seine-Saint-Denis a interdit à Mme C... de retourner sur le territoire français pendant une durée de deux ans et a rejeté le surplus de sa demande tendant à l'annulation du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français.
Sur la régularité du jugement :
2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".
3. Il ressort en particulier du point 5 du jugement que les premiers juges ont énoncé de façon suffisamment complète et précise les motifs pour lesquels ils ont considéré que le préfet de la Seine-Saint-Denis en prenant l'arrêté attaqué portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire n'avait pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'avait pas entaché lesdites décisions d'une erreur manifeste d'appréciation. Par suite, le tribunal, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments de la requérante, a suffisamment motivé son jugement. Le moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué pour ce motif ne peut donc qu'être écarté.
Sur la légalité des décisions de refus de titre de séjour et d'obligation de quitter le territoire français :
4. En premier lieu, Mme C... invoque le moyen tiré de l'insuffisance de motivation du refus de titre de séjour attaqué. Toutefois, elle n'apporte à l'appui de ce moyen, déjà soulevé devant le tribunal administratif, aucun élément nouveau susceptible de remettre en cause l'appréciation portée à juste titre par les premiers juges. Il y a dès lors lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit au point 3 du jugement attaqué.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa numérotation alors applicable : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. (...) ". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa numérotation alors applicable : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2 ".
6. Mme C... soutient et établit résider en France depuis son entrée sur le territoire le 29 octobre 2012, que cinq de ses neuf enfants sont de nationalité française et vivent en France, qu'elle était déjà prise en charge financièrement par ses enfants avant son entrée en France, qu'elle vit chez une de ses filles à D... qu'elle aide et qui est mère de trois enfants dont deux sont atteints d'une maladie dégénérative et sont décédés en janvier 2016 et février 2019. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que Mme C... est entrée en France à l'âge de 47 ans, que son mari qui résidait régulièrement en France est décédé le 16 septembre 2005 et elle soutient que " veuve [elle] n'a plus aucune attache de son pays d'origine, le Mali " sans toutefois contester expressément l'indication figurant dans l'arrêté attaqué selon laquelle elle est la mère de neuf enfants dont quatre résident toujours au Mali et l'un est encore mineur. Par suite, dans les circonstances de l'espèce, en prenant l'arrêté attaqué portant refus de titre de séjour, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas méconnu les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour les mêmes motifs, il ne résulte pas de ce qui précède que le préfet, en prenant la décision attaquée portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français, aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou entaché d'erreur manifeste son appréciation des conséquences de cette mesure sur la situation personnelle de la requérante. Enfin, les éléments de la situation personnelle et familiale de Mme C... qui viennent d'être énoncés ne permettent pas de caractériser l'existence de motifs exceptionnels au sens et pour l'application des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui n'ont pas davantage été méconnues par l'arrêté attaqué portant refus de titre de séjour.
7. En dernier lieu, dès lors que le refus de titre de séjour contesté n'est pas entaché d'illégalité, le moyen tiré de ce que l'obligation de quitter le territoire attaquée est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de cette décision ne peut qu'être écarté.
8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet de la Seine-Saint-Denis du 23 août 2018 de refus de titre de séjour et d'obligation de quitter le territoire français. Ses conclusions à fin d'annulation doivent être rejetées ainsi que, par voie de conséquence, celles qu'elle a présentées à fin d'injonction et sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C... et au préfet de la Seine-Saint-Denis.
Délibéré après l'audience du 14 novembre 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Le Goff, président de chambre,
- M. Ho Si Fat, président assesseur,
- Mme Collet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 décembre 2022.
La rapporteure,
A. B... Le président,
R. LE GOFF
Le greffier,
P. TISSERAND
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 21PA02752 |
JADE/CETATEXT000046710466.xml | Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner le centre hospitalier national ophtalmologique (CHNO) des Quinze-Vingts à lui verser, à titre provisionnel, la somme de 19 650 euros en réparation des préjudices qu'elle a subis du fait d'un retard de diagnostic d'une dégénérescence maculaire liée à l'âge.
Par un jugement n° 1814686/6-2 du 9 février 2021, le tribunal administratif de Paris a condamné le CHNO des Quinze-Vingts à verser la somme de 7 600 euros à Mme C....
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 7 avril 2021 et 9 décembre 2021, Mme C..., représentée par Me Lautredou, demande à la cour :
1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Paris du 9 février 2021 ;
2°) d'ordonner une mesure d'expertise avant dire droit ;
3°) de condamner le CHNO des Quinze-Vingts à lui verser, à titre provisionnel, la somme de 89 602,99 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait des conditions de sa prise en charge au sein de cet établissement ;
4°) de mettre à la charge du CHNO des Quinze-Vingts la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la responsabilité du CHNO des Quinze-Vingts est engagée pour faute en raison d'une déficience dans sa prise en charge dès la fin de l'année 2011, ayant entraîné un retard de diagnostic de sa pathologie ;
- ces manquements lui ont fait perdre 50 % de chances d'échapper aux dommages qu'elle subit du fait du retard de traitement ;
- il y a lieu d'ordonner une nouvelle mesure d'expertise avant dire droit, en vue d'éclairer la cour sur la déficience de sa prise en charge, de fixer la date de consolidation de son état de santé, et de permettre l'évaluation de l'intégralité de ses préjudices, qui se sont aggravés depuis la réalisation de l'expertise ordonnée par le tribunal ;
- elle est d'ores et déjà fondée à réclamer, à titre provisionnel, le versement de la somme de 2 372,99 euros au titre des dépenses de santé restées à sa charge, de 12 330 euros au titre des frais d'assistance par une tierce personne, de 10 000 euros au titre des souffrances endurées, de 9 900 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire, de 45 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent et de 10 000 euros au titre du préjudice esthétique.
Par un mémoire enregistré le 20 juillet 2021, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), représenté par Me Saumon, conclut à sa mise hors de cause.
Il fait valoir qu'aucune demande n'est formulée à son encontre et que les conditions d'intervention de la solidarité nationale ne sont pas réunies.
Par deux mémoires enregistrés les 29 novembre 2021 et 14 décembre 2021, le CHNO des Quinze-Vingts, représenté par Me Le Prado, demande à la cour :
1°) de rejeter la requête ;
2°) par la voie de l'appel incident, d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris du 9 février 2021 en tant qu'il a jugé que l'état de santé de Mme C... n'était pas consolidé.
Il soutient que :
- Mme C... n'est pas recevable à rechercher pour la première fois en appel sa responsabilité au titre d'un défaut de prise en charge à compter de l'année 2011 ;
- elle n'est pas davantage recevable à solliciter, en appel, une somme supérieure à celle sollicitée en première instance, dès lors que son préjudice ne s'est ni aggravé ni révélé dans toute son ampleur postérieurement au jugement attaqué ;
- la maladie de la requérante évoluant dorénavant pour son propre compte, l'état de santé de l'intéressée du fait du seul retard de diagnostic doit être regardé comme consolidé ; l'aggravation de ses préjudices est due à la maladie elle-même et non au retard de diagnostic ;
- les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
La clôture de l'instruction a été fixée au 21 janvier 2022.
Vu :
- le code de la santé publique,
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- les conclusions de Mme Pena, rapporteure publique,
- et les observations de Me Dominicé, représentant Mme C....
Considérant ce qui suit :
1. Mme C..., née le 15 septembre 1940, a été régulièrement suivie entre 1998 et 2015 par le CHNO des Quinze-Vingts en raison d'une pathologie oculaire. Le 27 octobre 2015, une dégénérescence maculaire liée à l'âge (DMLA) est diagnostiquée lors d'une consultation à l'hôpital Cochin. Estimant que sa prise en charge par le CHNO des Quinze-Vingts a été défaillante et a entraîné un retard dans le diagnostic de sa pathologie, elle a saisi la commission de conciliation et d'indemnisation d'Île-de-France qui, le 19 juillet 2017, a rejeté sa demande pour incompétence ; elle a également sollicité l'assureur de l'établissement, qui a fait réaliser une expertise et a rejeté sa demande indemnitaire. Saisi par Mme C..., le tribunal administratif de Paris a ordonné la réalisation d'une expertise par un jugement avant dire droit du 9 avril 2019. Un rapport a été déposé le 8 juillet 2020. La requérante relève appel du jugement du 9 février 2021 par lequel le tribunal administratif de Paris a condamné le CHNO des Quinze-Vingts à lui verser la somme de 7 600 euros. Cet établissement demande à la cour, par la voie de l'appel incident, d'annuler le jugement du tribunal en tant qu'il a jugé que l'état de santé de Mme C... n'était pas consolidé.
Sur la responsabilité :
2. Aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. (...) ".
3. Mme C... soutient que son suivi par le CHNO des Quinze-Vingts a été déficient dès la fin de l'année 2011, faute de réalisation d'examens complémentaires à partir de cette date, et que ce manquement est à l'origine d'un retard de diagnostic de sa pathologie de près de quatre ans et non seulement de cinq mois comme l'a jugé le tribunal. Il résulte cependant de l'instruction, notamment des documents médicaux produits et examinés par l'expert désigné en première instance, que si l'intéressée présentait, dès la fin de l'année 2011, des " précurseurs " de la DMLA, il n'a été mesuré une baisse unilatérale de son acuité visuelle, affectant l'œil droit, qu'à l'occasion de la consultation au CHNO des Quinze-Vingts le 20 mai 2015. Or, il résulte du rapport d'expertise que des examens complémentaires sont impératifs en présence des deux éléments cumulatifs que sont la présence de " précurseurs " de la DMLA et une baisse unilatérale d'acuité visuelle. Comme l'ont à bon droit relevé les premiers juges, le déroulement de la consultation du 20 mai 2015, au cours de laquelle une nette dégradation d'acuité visuelle de l'œil droit a été mesurée, a été déficient dans la mesure où aucun examen complémentaire n'a été prescrit malgré la concomitance des deux éléments susmentionnés, et cette négligence a conduit à un retard de diagnostic de la DMLA de Mme C..., diagnostiquée cinq mois plus par les services de l'hôpital Cochin. Dans ces conditions, alors qu'avant la consultation du 20 mai 2015 il n'avait pas été constaté de baisse unilatérale d'acuité visuelle, la responsabilité du CHNO des Quinze-Vingts ne saurait être engagée dès la fin de l'année 2011, rien n'imposant dès cette date la réalisation d'examens complémentaires. Pour les mêmes motifs, Mme C... n'est pas fondée à soutenir que le taux de perte de chance d'éviter les dommages liés au retard de diagnostic, qui a retardé les traitements nécessaires, fixé à 30 % par le tribunal, devrait être réévalué.
4. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin ni d'examiner la fin de non-recevoir opposé par le CHNO des Quinze-Vingts, ni d'ordonner un complément d'expertise portant sur la date à laquelle la pathologie de Mme C... pouvait être diagnostiquée, que la responsabilité de l'établissement hospitalier est engagée du fait des conséquences dommageables d'un retard fautif de cinq mois dans le diagnostic de la DMLA de l'œil droit de la requérante, lequel a entraîné une perte de chance de 30% d'échapper aux dommages résultant de l'absence de traitement de la maladie durant cinq mois.
Sur les préjudices :
5. Il résulte de l'instruction qu'à la date à laquelle a été réalisée l'expertise ordonnée en première instance, l'état de santé de Mme C... n'était pas consolidé. Contrairement à ce que soutient le CHNO des Quinze-Vingts, la consolidation ne saurait d'ores et déjà être déterminée par la cour du seul fait que la DMLA est une pathologie évolutive. Mme C... demande par ailleurs l'indemnisation de préjudices qui n'ont pas été évalués par le tribunal. Dans ces conditions, il y a lieu d'ordonner, avant dire droit, une nouvelle expertise en vue de permettre à la cour de déterminer la date de consolidation des dommages résultant du retard de diagnostic de cinq mois et d'évaluer de manière définitive les préjudices subis par l'intéressée de ce fait, comme précisé à l'article 1er du présent arrêt.
6. Les autres moyens et conclusions des parties, sur lesquels il n'est pas statué par le présent arrêt, doivent être réservés jusqu'en fin d'instance.
D É C I D E :
Article 1er : Il sera, avant de statuer sur la requête de Mme C..., procédé à une expertise médicale.
Article 2 : L'expert sera désigné par le président de la cour ; il aura pour mission :
- de prendre connaissance de l'ensemble des pièces du dossier, du dossier médical de Mme C... ainsi que du rapport d'expertise déjà réalisé ; de convoquer et entendre les parties et tous sachants ;
- d'examiner Mme C... et de décrire son état oculaire ;
- de préciser la date de consolidation de l'état de santé de Mme C... s'agissant des seuls dommages imputables au retard de traitement de cinq mois entre mai 2015 et octobre 2015 ;
- de donner à la cour tous les éléments lui permettant d'évaluer l'ensemble des préjudices patrimoniaux et personnels subis par Mme C..., avant et après consolidation, strictement imputables au retard de traitement de cinq mois entre mai 2015 et octobre 2015.
Article 3 : Les opérations d'expertise auront lieu contradictoirement entre Mme C..., le CHNO des Quinze-Vingts et la caisse primaire d'assurance maladie de Paris. L'expert accomplira sa mission dans les conditions prévues par les articles R. 621-2 à R. 621-14 du code de justice administrative. Il prêtera serment par écrit et déposera son rapport dans le délai fixé par le président de la cour dans la décision le désignant.
Article 4 : Les conclusions et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance, y compris la charge définitive des dépens résultant des frais et honoraires d'expertise.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C..., au centre hospitalier national ophtalmologique des Quinze-Vingts, à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et à la caisse primaire d'assurance maladie de Paris.
Délibéré après l'audience du 15 novembre 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Ivan Luben, président de chambre,
- Mme Marianne Julliard, présidente-assesseure,
- Mme Gaëlle Mornet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 décembre 2022.
La rapporteure,
G. A...Le président,
I. LUBEN
La greffière,
N. DAHMANI
La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 21PA01782 |
JADE/CETATEXT000046710499.xml | Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... E... et à Mme A... D... ont demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et de prélèvements sociaux, ainsi que des pénalités et intérêts de retard correspondants, mis à leur charge au titre des années 2014 à 2016.
Par un jugement n° 2011095/2-1 du 12 octobre 2021, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 10 décembre 2021, M. E... et Mme D..., représentés par Me Véronique Devillières demandent à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 12 octobre 2021 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de prononcer la décharge des impositions contestées devant le tribunal.
Ils soutiennent que :
- la proposition de rectification du 31 juillet 2017 et la réponse aux observations du contribuable du 18 septembre 2017 sont insuffisamment motivées ;
- l'administration, qui supporte la charge de la preuve, n'a pas établi le bien-fondé des impositions supplémentaires mises à leur charge ;
- la reconstitution des recettes de la société Le Zeralda est exagérée et ses charges ont été minorées ;
- M. E... n'avait plus la qualité de maître de l'affaire entre le 29 janvier 2015 et le 22 avril 2016, de sorte qu'il ne peut être regardé comme ayant appréhendé les revenus distribués de 2014 à 2016.
Par un mémoire en défense enregistré le 28 mars 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. E... et Mme D... ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 6 septembre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 30 septembre 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- les conclusions de Mme Prévot, rapporteur public,
- et les observations de Me Devillières, représentant M. E... et Mme D....
Considérant ce qui suit :
1. La société Le Zeralda, ayant pour objet déclaré l'exploitation d'un bar-discothèque, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité qui a porté sur la période du 1er octobre 2013 au 30 septembre 2016, à l'issue de laquelle l'administration a procédé à une rectification des résultats déclarés par la société pour les exercices clos en 2014, 2015 et 2016 à hauteur respectivement de 738 397 euros, 1 103 076 euros et 1 834 235 euros, montants qui ont été regardés comme distribués, sur le fondement des articles 109 2°, 110 et 111 c) du code général des impôts, à M. E..., gérant et associé de la société Le Zeralda, en raison de sa qualité de maître de l'affaire. M. E... et Mme D... se sont vu en conséquence notifier, suivant une procédure contradictoire, une proposition de rectification le 31 juillet 2017 portant sur ces revenus de capitaux mobiliers considérés comme distribués à leur profit au titre des années 2014, 2015 et 2016. Ils relèvent appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et de prélèvements sociaux, ainsi que des pénalités et intérêts de retard correspondants, mis à leur charge en conséquence par voie de rôles établis les 31 mars et 30 avril 2018.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. / (...) ". Aux termes de l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. (...) ". Il résulte de ces dispositions que l'administration doit indiquer au contribuable, dans la proposition de rectification, les motifs et le montant des rehaussements envisagés, leur fondement légal et la catégorie de revenus dans laquelle ils sont opérés, ainsi que les années d'imposition concernées. Lorsqu'elle entend notifier des redressements fondés sur le 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts, l'administration doit justifier des motifs de droit ou de fait pour lesquels elle a estimé devoir rehausser les bases imposables de la société qui se trouve à l'origine des distributions. Hormis le cas où elle se réfère à un document qu'elle joint à la proposition de rectification ou à la réponse aux observations du contribuable, l'administration peut satisfaire à cette obligation en se bornant à se référer aux motifs retenus dans une proposition de rectification, ou une réponse aux observations du contribuable, consécutive à un précédent contrôle et qui lui a été régulièrement notifiée, à la condition qu'elle identifie précisément la proposition ou la réponse en cause et que celle-ci soit elle-même suffisamment motivée.
3. En premier lieu, contrairement à ce que soutiennent les requérants, la proposition de rectification du 31 juillet 2017, à laquelle était jointe la proposition de rectification notifiée à la société Le Zeralda, comporte l'énoncé des motifs ayant conduit l'administration à rehausser les résultats de la société ainsi que le détail de la méthode de rectification retenue pour les trois exercices vérifiés, et précise les raisons pour lesquelles M. E... a été regardé comme ayant été le seul maître de l'affaire. La circonstance que la société Le Zeralda ait été imposée suivant une procédure de taxation d'office est sans incidence sur l'appréciation de la motivation, qui était en l'espèce suffisante pour permettre aux requérants de présenter utilement leurs observations. Le moyen tiré du défaut de motivation de la proposition de rectification litigieuse doit ainsi être écarté.
4. En second lieu, l'administration, dans sa réponse au contribuable du 30 septembre 2017, a apporté les éléments de réponse aux observations faites par les requérants, relatives aux bases d'imposition de la société Le Zeralda, en joignant la réponse aux observations de la société, laquelle répondait précisément aux remarques, de même nature, formulées par les intéressés, ainsi que sur la qualité de maître de l'affaire de M. E.... Le moyen tiré de ce que la réponse aux observations du contribuable serait insuffisante au regard de la charge de la preuve pesant sur l'administration, laquelle relève du bien-fondé des impositions, ne peut dès lors qu'être écarté.
5. Il résulte de ce qui précède que M. E... et Mme D... ne sont pas fondés à soutenir que la procédure d'imposition serait irrégulière.
Sur le bien-fondé des impositions :
6. Aux termes de l'article 109 de ce code : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : (...) 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices (...) ". Aux termes de l'article 110 du même code : " Pour l'application du 1° du 1 de l'article 109, les bénéfices s'entendent de ceux qui ont été retenus pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés. ". Aux termes de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : (...) c. les rémunérations et avantages occultes ".
En ce qui concerne les distributions :
S'agissant de la charge de la preuve :
7. M. E... et Mme D... ayant présenté des observations en réponse aux rectifications qui leur ont été notifiées par la proposition de rectification du 31 juillet 2017, dans le délai de trente jours régulièrement prolongé, la charge de la preuve de la réalité et du montant des distributions incombe à l'administration.
S'agissant de la réalité et du montant des distributions :
8. Il résulte de l'instruction, et en particulier de la proposition de rectification du 31 juillet 2017 et de la réponse aux observations du contribuable du 18 septembre 2017, que l'administration, après avoir constaté l'absence de comptabilité de la société Le Zeralda pour les exercices clos en 2014, 2015 et 2016, a reconstitué le résultat de la société sur la base des mouvements constatés sur ses comptes bancaires en provenance, pour partie, de l'activité de la société Alexandre III, dont M. E... était également le gérant, et qui exploitait la discothèque le Show Case, ainsi que sur l'évaluation des recettes espèces de l'activité de la discothèque, non remis en banque.
9. En premier lieu, l'encaissement des sommes sur le compte bancaire de la société Le Zeralda, provenant de la société Alexandre III au titre des exercices clos en 2014 et 2015, que les requérants ne contestent ni dans leur principe, ni dans leurs montants, est établi par l'administration. M. E... et Mme D... d'une part ne démontrent pas, ainsi qu'ils le soutiennent, que la société Alexandre III aurait dûment comptabilisé les recettes correspondant à ces sommes par la production de la seule liasse fiscale pour l'exercice 2014 et d'un état comptable pour l'exercice clos en 2015, documents qui, en raison de leur caractère synthétique, ne permettent pas d'opérer un lien avec les produits transférés à la société Le Zeralda. D'autre part, s'ils font valoir que les sommes en litige ont été transférées en application d'un avenant à une convention de trésorerie conclue entre ces sociétés, qui appartenaient à un même groupe, daté du 1er mars 2013, cet acte sous-seing privé, dépourvu de date certaine, ne permet pas d'établir que les sommes en litige auraient été mises à disposition dans ce cadre. Enfin, les requérants ne peuvent utilement se prévaloir de la comptabilité de la société Le Zeralda établie postérieurement aux années en litige par le liquidateur judiciaire nommé par le tribunal de commerce de Paris pour justifier du caractère non fondé des bases d'imposition établies par l'administration à la suite de la vérification de comptabilité.
10. En deuxième lieu, s'agissant de la reconstitution du montant des espèces non versées sur le compte bancaire de la société Le Zeralda d'un montant de 240 000 euros, 420 000 euros et 635 895 euros respectivement pour les années 2014, 2015 et 2016, l'administration s'est fondée sur les déclarations d'une seule employée du Show Case, consignées dans un procès-verbal d'audition du 9 mars 2017 produit au dossier, qui a déclaré que, en cours d'exercice 2015 et en 2016, les recettes en espèces journalières étaient d'un montant de 5 000 à 15 000 euros, l'intéressée ayant précisé que les sommes correspondantes étaient pour partie directement prélevées par M. E... et pour l'autre destinées à régler les fournisseurs ou des tiers. Dans ces conditions, les requérants sont fondés à soutenir qu'en reconstituant le montant des recettes en espèces non versées sur un compte bancaire au titre des trois exercices en cause en retenant une moyenne des recettes en espèces sur la base d'un seul témoignage qui, au demeurant ne concernait qu'une partie de l'année 2015 et 2016, non étayé par d'autres documents, la méthode de reconstitution des espèces a été excessivement sommaire.
11. En dernier lieu, s'agissant du montant des charges retenues par l'administration, les requérants font valoir que ce dernier est minoré au regard des dépenses que la société Le Zeralda a engagé au profit de la société Alexandre III de juin 2014 à janvier 2015. Ils ne justifient toutefois pas de la réalité des charges ainsi engagées au profit de la société Alexandre III, alors que la preuve leur incombe, par la seule production de relevés bancaires de la société Le Zeralda pour la période correspondante faisant état de mouvements globaux et non appuyés par des pièces justificatives, ou par la seule affirmation de ce que l'enquête judiciaire aurait établi ces paiements.
12. Il résulte de ce qui précède que l'administration a apporté la preuve de l'existence et du montant des revenus considérés comme distribués, à l'exception des recettes en espèces.
En ce qui concerne l'appréhension des sommes réputées distribuées :
13. Il résulte des dispositions précitées des articles 109, 110 et 111 du code général des impôts qu'en cas de refus des propositions de rectifications par le contribuable qu'elle entend imposer comme bénéficiaire de sommes regardées comme distribuées, il incombe à l'administration d'apporter la preuve que celui-ci en a effectivement disposé. Toutefois, le contribuable qui, disposant seul des pouvoirs les plus étendus au sein de la société, est en mesure d'user sans contrôle de ses biens comme de biens qui lui sont propres et doit ainsi être regardé comme le seul maître de l'affaire, est présumé avoir appréhendé les distributions effectuées par la société qu'il contrôle. Ces revenus sont présumés distribués à la date de clôture de l'exercice au terme duquel leur existence a été constatée, sauf si le contribuable ou l'administration apportent des éléments de nature à établir que la distribution a été, en fait, soit postérieure, soit antérieure à cette date.
14. En ce qui concerne l'exercice clos en 2014, M. E... détenait, directement 10 % de la société Le Zeralda et indirectement, la totalité des parts de cette société par le biais de la société Spell dont il détenait 100 % des parts et qui elle-même possédait 90 % des parts de la société Le Zeralda. Il est constant qu'il était également le gérant de la société Le Zeralda à la clôture de l'exercice 2014 et le gérant de la société Alexandre III. S'il est devenu détenteur minoritaire de la société Le Zeralda à la clôture de l'exercice de cette société au 30 septembre 2015 par la cession de ses parts de la société Spell le 29 janvier 2015, dont l'acte n'a été déposé au greffe du Tribunal de commerce que le 17 février 2016, il est constant que M. E... a contesté la cession quelques jours plus tard par une plainte déposée le 23 février 2016, et qu'il a continué à exercer les fonctions de gérant de droit jusqu'au 3 mars 2016, date de désignation d'un nouveau gérant. Par ailleurs, il résulte des éléments non contestés présentés par l'administration que, durant tout l'exercice 2015, il a poursuivi l'exercice effectif de son activité de gérance de la société, donnait seul les directives au personnel de l'établissement Show Case, disposait du contrôle du compte bancaire et n'était soumis à aucun contrôle des actionnaires majoritaires, en l'absence de tenue d'assemblée générale. Enfin, il est constant qu'à la date d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire de la société Alexandre III, le 29 juin 2016, il était toujours gérant de cette société et gérant de la société Spell, qui détenait 90 % des parts de La Zeralda, M. E... ayant été de nouveau désigné comme gérant de la société par ordonnance de référé du président du tribunal de commerce du 22 avril 2016, et qu'il a exercé ces fonctions pendant la durée de la procédure de contestation de la cession de ses parts, jusqu'au jugement du tribunal de commerce du 5 mai 2017. Et il ressort des procès-verbaux qu'il effectuait toujours, pendant cette période, des virements et des paiements par chèque à partir des comptes de la société Le Zeralda. Dans ces conditions, c'est à bon droit que l'administration a considéré que M. E... était le seul maître de l'affaire et devait, par suite, être regardé comme ayant appréhendé les sommes réputées distribuées par la société Le Zeralda au titre des années 2014, 2015 et 2016.
15. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... et Mme D... sont seulement fondés à obtenir la réduction de leur base imposable à l'impôt sur leur revenu, à la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et aux prélèvements sociaux d'un montant de 240 000 euros, 420 000 euros et 635 895 euros respectivement au titre des années 2014, 2015 et 2016 et la décharge en droits et pénalités des impositions correspondantes. Pour le surplus, ils ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.
DECIDE :
Article 1er : La base d'imposition assignée à M. E... et Mme D... au titre de l'impôt sur le revenu, à la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et aux prélèvements sociaux des années 2014, 2015 et 2016 est réduite respectivement de 240 000 euros, 420 000 euros et 635 895 euros.
Article 2 : M. E... et à Mme D... sont déchargés en droits et pénalités des cotisations d'impôt sur le revenu, de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et de prélèvements sociaux mis à leur charge au titre des années 2014, 2015 et 2016 à concurrence de la réduction en base mentionnée à l'article 1er.
Article 3 : Le jugement n° 2011095/2-1 du 12 octobre 2021 du Tribunal administratif de Paris est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... E... et à Mme A... D... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris.
Délibéré après l'audience du 23 novembre 2022, à laquelle siégeaient :
- Mme Brotons, président de chambre,
- Mme Topin, président assesseur,
- M. Magnard, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 décembre 2022.
Le rapporteur,
E. B...Le président,
I. BROTONS
Le greffier,
C. MONGIS
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N°21PA06300 |
JADE/CETATEXT000046710498.xml | Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 6 février 2020 par laquelle le conseil national de l'ordre des médecins a rejeté sa demande tendant à obtenir la qualification de spécialiste en médecine vasculaire et d'enjoindre au conseil national de l'ordre des médecins de lui accorder le titre de médecin spécialiste en médecine vasculaire, dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard.
Par un jugement n°2015131/6-1 du 8 octobre 2021, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés les 9 décembre 2021, 3 mai, 13 juillet, 21 septembre et 19 octobre 2022, M. B..., représenté par Me Cycman, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2015131/6-1 du 8 octobre 2021 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler la décision du 6 février 2020 du conseil national de l'ordre des médecins portant rejet de sa demande tendant à obtenir la qualification de spécialiste en médecine vasculaire ;
3°) d'enjoindre au conseil national de l'ordre des médecins de lui accorder le titre de médecin spécialiste en médecine vasculaire, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge du conseil national de l'ordre des médecins une somme de 6 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision en litige est irrégulière en raison de la composition du conseil national de l'ordre des médecins du fait de différends qu'il a eus avec certains de ses membres qui n'étaient pas impartiaux et d'une situation l'exposant à des conflits d'intérêts ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il souscrit aux conditions fixées par l'article 3 du décret du 19 mars 2004 relatif aux conditions dans lesquelles les docteurs en médecine sont susceptibles d'obtenir une qualification de spécialiste ainsi qu'aux conditions fixées par le syndicat national des médecins vasculaires dont il est membre ; les premiers juges ont commis une erreur en examinant des critères non exigés par les textes, l'article 3 du décret prévoyant une alternative (formation ou expérience professionnelle) ;
- la décision est illégale pour inégalité de traitement dans l'examen de sa demande par rapport aux dossiers d'autres confrères.
Par des mémoires en défense enregistrés les 31 mars et 6 octobre 2022, le conseil national de l'ordre des médecins, représenté par Mes Cayol et Lor, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. B... la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
La clôture de l'instruction a été fixée au 31 octobre 2022 à 12h.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'éducation, notamment son article L. 632-12 ;
- le code de la santé publique ;
- le décret n° 2004-252 du 19 mars 2004 ;
- l'arrêté du 30 juin 2004 portant règlement de qualification des médecins ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique,
- les observations de Me Savoldelli substituant Me Cycman, avocat de M. B..., et de Me Lor, avocat du conseil national de l'ordre des médecins.
Considérant ce qui suit :
1. Le 23 mars 2018, M. B..., médecin généraliste, a demandé au conseil départemental de l'ordre des médecins de lui décerner la qualification de spécialiste en médecine vasculaire. Sa demande a été rejetée par une décision du 20 février 2019. Le 28 mars suivant, M. B... a saisi le conseil national de l'ordre des médecins d'un recours administratif préalable contre cette décision. Après avis du 18 novembre 2019 de la commission nationale d'appel en médecine vasculaire, le conseil national de l'ordre des médecins a refusé de faire droit à sa demande par une décision du 6 février 2020, notifiée le 22 juillet suivant. Par jugement du 8 octobre 2021, dont M. B... relève appel, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Aux termes de l'article 2 du décret du 19 mars 2004 relatif aux conditions dans lesquelles les docteurs en médecine peuvent obtenir une qualification de spécialiste, pris sur le fondement de l'article L. 632-12 du code de l'éducation : " L'obtention de la qualification de spécialiste (...) relève de la compétence de l'ordre national des médecins. Les décisions sont prises par le conseil départemental de l'ordre après avis d'une commission de qualification constituée par spécialité. Ces décisions sont susceptibles d'appel devant le conseil national, qui statue après avis d'une commission de qualification constituée par spécialité auprès de lui ". Aux termes de l'article 3 du même décret : " Pour obtenir cette qualification de spécialiste, le médecin doit justifier d'une formation et d'une expérience qui lui assurent des compétences équivalentes à celles qui sont requises pour l'obtention du diplôme d'études spécialisées ou du diplôme d'études spécialisées complémentaire de la spécialité sollicitée ". Aux termes de l'article 6 de l'arrêté du 30 juin 2004 portant règlement de qualification des médecins : " Le médecin dont la qualification a été refusée par une décision du conseil départemental de l'ordre, prise après avis de la commission compétente, peut faire appel de la décision rendue auprès du Conseil national de l'ordre dans le délai de deux mois qui suit la date de notification du refus de qualification ". Aux termes de l'article 7 du même arrêté : " Le Conseil national de l'ordre transmet sans délai la demande de qualification à la Commission nationale d'appel (...). / Après avis de la Commission nationale d'appel compétente, le Conseil national de l'ordre confirme ou infirme les décisions susvisées des conseils départementaux (...) ". Enfin, l'article 1er de l'arrêté du 30 juin 2004 portant règlement de qualification des médecins énonce que : " Sont reconnus qualifiés les médecins qui possèdent l'un des documents suivants : / 1. Le diplôme d'études spécialisées ; / 2. Le diplôme d'études spécialisées complémentaire, dit du groupe II qualifiant ; / (...) / A défaut de la possession des documents ci-dessus mentionnés, sont prises en considération les formations et l'expérience dont se prévaut l'intéressé. (...) ".
3. M. B... n'étant pas titulaire du diplôme d'études spécialisées ou du diplôme d'études spécialisées complémentaires en médecine vasculaire, il résulte de ces dispositions que, saisi d'une demande tendant à voir reconnaître la qualification de médecin spécialiste, le conseil national de l'ordre des médecins ne peut y faire droit qu'après s'être assuré que l'intéressé justifie, cumulativement, de la formation et de l'expérience requises, lui assurant des compétences équivalentes à celles qui sont requises pour l'obtention de ces diplômes.
4. En premier lieu, si M. B... invoque l'irrégularité de la composition du conseil national de l'ordre des médecins en raison de différends qu'il aurait eu avec certains de ses membres, lesquels n'étaient pas impartiaux, et une situation l'exposant à des conflits d'intérêts, l'intéressé, ainsi que l'a jugé à bon droit le tribunal, n'établit pas une telle impartialité en se bornant à produire une attestation, non circonstanciée, faisant état d'une situation de " désaccord avec conflit d'intérêt au sujet de l'organisation des journées de formation médicales " angiologie pratique " l'ayant opposé à un confrère vingt ans plus tôt et à se prévaloir de sa collaboration, au demeurant confraternelle, avec la présidente de la commission nationale d'appel en médecine vasculaire, laquelle n'a pas participé à la délibération du conseil national de l'ordre des médecins.
5. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que le conseil national de l'ordre des médecins a refusé d'accorder à M. B... l'autorisation de faire état de la qualité de médecin spécialiste en maladies vasculaires aux motifs que l'intéressé, qualifié en médecine générale depuis 1993, titulaire de la compétence en angéiologie depuis 1983, d'un certificat d'université de pathologie vasculaire de l'université de Tours obtenu en 1984, qui a suivi une formation médicale continue et a participé à l'enseignement de " pathologie veineuse " du diplôme universitaire de petit appareillage et dispositifs pour maintien à domicile de l'université François Rabelais lors des sessions 2013-2014 et 2016-2017 ainsi qu'au diplôme interuniversitaire de " lasers en dermatologie angéiologie et chirurgie réparatrice " de l'université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines pour la session 2007-2008, qui fait état de communications ainsi que de son appartenance au collège français de pathologie vasculaire, à la société française de phlébologie, à la société nord-américaine de phlébologie et à l'association régionale des médecins vasculaires Ouest Parisien, n'établissait pas avoir actualisé ses connaissances, ni avoir suivi des formations en médecine vasculaire organisées par des centres hospitaliers universitaires, ni avoir participé aux congrès et ateliers de formations théoriques et pratiques organisés par la société française de médecine vasculaire ou encore avoir participé à des actions de formation structurée dans la spécialité sollicitée du type développement professionnel continu.
6. La légalité de la décision en litige s'apprécie en fonction des formations suivies par l'intéressé et de l'expérience professionnelle acquise par lui à la date à laquelle cette décision a été prise. Le contrôle du juge sur l'appréciation à laquelle s'est livré le conseil national de l'ordre des médecins est limité à l'erreur manifeste.
7. Outre la formation suivie par M. B... rappelée ci-dessus, il ressort des pièces du dossier que, concomitamment à l'exercice de son activité libérale, celui-ci a été attaché en angiologie à l'Institut Pasteur de 1996 à 1998, a travaillé à la mise au point de lasers et dopplers utilisés en médecine vasculaire et a dispensé diverses formations relatives à l'utilisation de ces instruments. Il participe aux congrès du collège français de pathologie vasculaire et de la société française de phlébologie. Les différentes fonctions et interventions de M. B... sont toutefois extérieures au milieu hospitalier et l'intéressé n'établit pas avoir suivi des formations en médecine vasculaire organisées par des centres hospitaliers universitaires telles que celles dispensées dans le cadre de l'obtention d'un diplôme d'études spécialisées ou du diplôme d'études spécialisées complémentaires en médecine vasculaire. Dans ces conditions, en dépit des qualités professionnelles de l'intéressé dont témoignent les pièces produites, le conseil national de l'ordre des médecins a pu, sans commettre de fait ni d'erreur manifeste d'appréciation, estimer qu'une telle pratique n'était pas de nature à justifier la formation universitaire requise pour l'obtention de la spécialité demandée.
8. En dernier lieu, M. B... soutient qu'il aurait subi une inégalité de traitement par rapport à l'un de ses confrères dont la demande d'autorisation a été examinée par le conseil national de l'ordre des médecins le même jour que la sienne. Il expose que ce dernier, moins diplômé, et qui n'est pas membre d'une association régionale de médecine vasculaire dispensant des formations continues contrairement à lui, aurait bénéficié d'un traitement plus favorable en émettant des interrogations quant à l'influence qu'aurait pu avoir la collaboration de ce dernier avec un laboratoire partenaire de la société française de médecine vasculaire dont sont membres la plupart des membres du conseil national de l'ordre des médecins composant la formation ayant rendu la décision. Toutefois, le requérant, qui ne rapporte pas la preuve de telles allégations, n'établit pas que la situation de ce médecin serait identique à la sienne alors que la qualification est accordée par l'ordre des médecins au regard de l'examen de chaque dossier individuel. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision attaquée aurait été prise en méconnaissance du principe d'égalité doit, en tout état de cause, être écarté.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à
tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation du de la décision du conseil national de l'ordre des médecins. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du conseil national de l'ordre des médecins, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que M. B... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de M. B... la somme demandée par le conseil national de l'ordre des médecins au titre des mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par le conseil national de l'ordre des médecins sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au président du conseil national de l'ordre des médecins.
Délibéré après l'audience du 14 novembre 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Le Goff, président de chambre,
- M. Ho Si Fat, président assesseur,
- Mme Jayer, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 décembre 2022.
La rapporteure,
M-D A...Le président,
R. LE GOFF
Le greffier,
P. TISSERAND
La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 21PA06272 |
JADE/CETATEXT000046710467.xml | Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... C... a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de prélèvements sociaux et de contribution sur les hauts revenus auxquelles il a été assujetti au titre des années 2013 et 2014.
Par un jugement n° 1910056/1-2 du 16 février 2021, le Tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés le 14 avril 2021, le 3 novembre 2021 et le 12 avril 2022, M. C..., représenté par Me Jean-Claude Drié, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 16 février 2021 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de prononcer la décharge des impositions litigieuses ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les premiers juges ont reconnu que la restructuration n'avait pas un but exclusivement fiscal ;
- un motif personnel, familial et patrimonial a justifié l'opération de restructuration du groupe détenu ;
- les opérations de restructuration avec soulte ont fait l'objet en 2010 et 2011 d'une vérification à la suite de laquelle l'administration fiscale n'a procédé à aucune rectification ; l'administration a ainsi pris une position formelle en 2011 qui lui est opposable ;
- l'apport de titres avec report d'imposition est un choix ouvert au contribuable ;
- la soulte, qui représente 8,88 % des apports, est une simple conséquence de la restructuration ;
- les liquidités perçues représentent une faible proportion ;
- la loi n'exige pas que la soulte serve à équilibrer les participations des associés ;
- le législateur a limité les abus en limitant le report d'imposition aux apports de titres avec des soultes n'excédant pas 10 % de la valeur nominale des titres reçus, et à par là-même admis la légalité des apports avec soultes inférieures à ce pourcentage ; le ministre ne justifie pas des travaux préparatoires en sens contraire ;
- la Cour de justice de l'Union européenne a jugé que le régime fiscal des fusions s'applique indistinctement à toutes les opérations de fusion, de scission, d'apports d'actifs et d'échanges d'actions, sans considération de leurs motifs, qu'ils soient financiers, économiques ou purement fiscaux ;
- le contrôle par le contribuable de la société bénéficiaire de l'apport est une des conditions essentielles de l'application de l'article 150-0 B ter du code général des impôts ;
- le tribunal correctionnel l'a relaxé des poursuites pour fraude fiscale au motif que son comportement n'était pas frauduleux ;
- au moment où il a réalisé l'opération d'apport de titres, l'attribution d'une soulte ne pouvait être constitutive d'un abus de droit.
Par des mémoires en défense enregistrés les 11 juin 2021, 13 décembre 2021 et 29 avril 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 4 mai 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au
6 juin 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B...,
- les conclusions de Mme Prévot, rapporteur public,
- et les observations de Me Drié, représentant M. C....
Considérant ce qui suit :
1. M. C... a apporté, le 28 février 2013, 7 169 913 parts en pleine propriété et
459 802 parts en nue-propriété des 7 663 379 parts sur 7 663 380 qu'il détenait dans la SARL MSM 1888, et 309 parts sur 310 qu'il détenait dans la SA Santenet, à la société civile EV8. Il a reçu en contrepartie 22 222 221 parts sur 22 222 222 de la société EV8, d'une valeur nominale de 4 euros chacune, ainsi qu'une soulte de 8 666 637,33 euros. Cette soulte est ainsi inférieure à 10 % de la valeur nominale des titres reçus. La société EV8 a mis à disposition de M. C... cette somme grâce à un crédit bancaire de trésorerie d'un montant de 8 900 000 euros, obtenu le 22 février 2013 auprès de la caisse régionale du crédit agricole de Normandie, qu'elle a remboursé, le 8 mars 2013, grâce aux liquidités obtenues dans le cadre de la distribution exceptionnelle de réserves votée par les associés de la SARL MSM 1888 en assemblée générale du 6 mars 2013. A la suite d'un contrôle sur pièces portant sur les années 2013 à 2015, l'administration a remis en cause, en recourant à la procédure de répression des abus de droit prévue par l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, le versement de soultes par la société EV8 et a considéré que, dès lors qu'elles avaient un objectif exclusivement fiscal d'appréhension de liquidités en franchise d'impôt en contradiction avec les objectifs du législateur, elles constituaient une fraude à la loi. Dans la proposition de rectification du 12 décembre 2016, elle a réintégré à la base imposable du requérant la plus-value, après application de l'abattement pour la durée de détention de droit commun, réalisée par la cession, d'une part, de 636 962 titres en pleine propriété et 40 848 titres en nue-propriété de la SARL MSM 1888 et, d'autre part, de 27 titres de la SA Santenet, qu'elle a regardée comme dissimulée par le versement de la soulte. Elle a également réintégré à la base imposable la fraction du report d'imposition de la plus-value grevant les parts de la SARL MSM 1888, dont M. C... avait bénéficié, sur le fondement de l'article 150-0 B du code général des impôts, pour 7 659 300 parts reçues lors de la fusion par voie d'absorption, le 27 février 2008, avec effet rétroactif au 1er avril 2007, des sociétés en nom collectif STPM et EV Expansion. L'administration a également réintégré à sa base imposable des revenus regardés comme distribués au requérant. Par la présente requête, M. C... relève appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande en décharge, en droits et en pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de prélèvements sociaux et de contribution sur les hauts revenus auxquelles il a été assujetti en conséquence de ces rehaussements.
2. Aux termes de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au litige : " Afin d'en restituer le véritable caractère, l'administration est en droit d'écarter, comme ne lui étant pas opposables, les actes constitutifs d'un abus de droit, soit que ces actes ont un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes ou de décisions à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, si ces actes n'avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles. / En cas de désaccord sur les rectifications notifiées sur le fondement du présent article, le litige est soumis, à la demande du contribuable, à l'avis du comité de l'abus de droit fiscal. L'administration peut également soumettre le litige à l'avis du comité. / Si l'administration ne s'est pas conformée à l'avis du comité, elle doit apporter la preuve du bien-fondé de la rectification ".
3. Il résulte de ces dispositions que, lorsque l'administration use des pouvoirs que lui confère ce texte dans des conditions telles que la charge de la preuve lui incombe, elle est fondée à écarter comme ne lui étant pas opposables certains actes passés par le contribuable, dès lors que ces actes ont un caractère fictif ou que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, s'il n'avait pas passé ces actes, aurait normalement supportées, eu égard à sa situation ou à ses activités réelles. L'administration fiscale apporte cette preuve par la production de tous éléments suffisamment précis attestant du caractère fictif des actes en cause ou de l'intention du contribuable d'éluder ou d'atténuer ses charges fiscales normales. Dans l'hypothèse où l'administration s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au contribuable, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de la réalité des actes contestés ou de ce que l'opération litigieuse est justifiée par un motif autre que celui d'éluder ou d'atténuer ses charges fiscales normales.
4. Aux termes de l'article 150-0 B ter du code général des impôts : " I. - L'imposition de la plus-value réalisée, directement ou par personne interposée, dans le cadre d'un apport de valeurs mobilières, de droits sociaux, de titres ou de droits s'y rapportant tels que définis à l'article 150-0 A à une société soumise à l'impôt sur les sociétés ou à un impôt équivalent est reportée si les conditions prévues au III du présent article sont remplies. Le contribuable mentionne le montant de la plus-value dans la déclaration prévue à l'article 170. / Les apports avec soulte demeurent soumis à l'article 150-0 A lorsque le montant de la soulte reçue excède 10 % de la valeur nominale des titres reçus ".
5. En application de l'article 150-0 A du code général des impôts, la plus-value qu'une personne physique retire d'un apport de titres ou droits est soumise à l'impôt sur le revenu au titre de l'année de sa réalisation. Toutefois, le contribuable bénéficie, en vertu des dispositions précitées de l'article 150-0 B ter du même code, d'un report d'imposition si l'apport est effectué à une société qu'il contrôle et que le montant de la soulte perçue, le cas échéant, n'excède pas 10 % de la valeur nominale des titres reçus à l'échange.
6. En instituant un mécanisme de report d'imposition, le législateur a entendu favoriser les restructurations d'entreprises susceptibles d'intervenir par échange de titres en évitant que l'imposition immédiate de la plus-value constatée à l'occasion d'une telle opération, alors que le contribuable ne dispose pas des liquidités lui permettant d'acquitter cet impôt, fasse obstacle à sa réalisation. Si, dans la version du texte applicable au litige, le report d'imposition bénéficie à la totalité de la plus-value résultant d'une opération d'apport avec soulte lorsque le montant de celle-ci n'excède pas 10 % de la valeur nominale des titres reçus en rémunération de l'apport, le but ainsi poursuivi par le législateur n'est pas respecté si la stipulation d'une soulte au profit de l'apporteur en complément de l'attribution de titres de la société bénéficiaire de l'apport n'a aucune autre finalité que de permettre à celui-ci d'appréhender, en franchise immédiate d'impôt, des liquidités détenues par cette société ou par celle dont les titres sont apportés. Dans ce cas, l'administration est fondée, sur le fondement de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, à considérer qu'en stipulant l'octroi de cette soulte, les parties à l'opération d'apport ont recherché le bénéfice d'une application littérale des dispositions de l'article 150-0 B ter du code général des impôts à l'encontre des objectifs poursuivis par le législateur, dans le seul but d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'apporteur aurait normalement supportées.
7. Le comité de l'abus de droit fiscal a émis le 5 avril 2018 un avis favorable à la mise en œuvre par l'administration de la procédure d'abus de droit. L'administration s'étant conformée à cet avis, il appartient au requérant d'apporter la preuve de l'absence d'un abus de droit.
8. Il résulte en premier lieu de ce qui a été dit au point 6. que l'abus de droit opposé au contribuable dans l'hypothèse ainsi décrite porte sur la stipulation d'une soulte au profit de l'apporteur et non sur le principe même de l'opération de restructuration. Les moyens tirés de ce que la restructuration à laquelle il a été procédé n'avait pas un but exclusivement fiscal, de ce qu'elle était justifiée par un motif personnel, familial et patrimonial et de ce qu'il en est en conséquence de même en ce qui concerne la soulte, de ce que le contrôle par le contribuable de la société bénéficiaire de l'apport est une des conditions essentielles de l'application de l'article 150-0 B ter du code général des impôts, et de ce que l'apport de titres avec report d'imposition est un choix ouvert au contribuable ne sont pas de nature à faire obstacle au rehaussement notifié sur le fondement de l'abus de droit à hauteur de la soulte perçue.
9. En deuxième lieu, il résulte également de ce qui a été dit au point 6. que la stipulation d'une soulte peut être entachée d'abus de droit alors même qu'elle n'excède pas 10 % de la valeur nominale des titres reçus en rémunération de l'apport. Le moyen tiré de ce que, la soulte représentant 8,88 % des apports, les liquidités perçues représentent une faible proportion de la transaction réalisée ne peut qu'être écarté.
10. En troisième lieu, il résulte enfin de ce qui a été dit au point 6. que la mise en œuvre de la procédure de répression des abus de droit est possible si la stipulation d'une soulte au profit de l'apporteur en complément de l'attribution de titres de la société bénéficiaire de l'apport n'a aucune autre finalité que de permettre à celui-ci d'appréhender les sommes en cause, en franchise immédiate d'impôt. La circonstance que la loi n'exige pas expressément que la soulte serve à équilibrer les participations des associés est par suite sans influence sur l'issue du litige.
11. En quatrième lieu, la Cour ne trouve dans les écritures de M. C... aucune argumentation de nature à justifier de ce que la stipulation d'une soulte dans les conditions décrites au point 1. n'avait pas, en elle-même, un objectif exclusivement fiscal d'appréhension de liquidités en franchise d'impôt, en contradiction avec les objectifs du législateur. Notamment, il ne résulte pas de l'instruction que la stipulation d'une soulte, inscrite le jour de l'apport au crédit du compte courant de M. C... dans la société EV8, et dont le montant a été mis à sa disposition grâce à un emprunt à court terme souscrit auprès de la caisse régionale du crédit agricole de Normandie remboursé grâce à une distribution exceptionnelle de réserves de la société MSM 1888, ait par elle-même eu pour objet de préparer la restructuration du groupe dans la perspective d'une succession, ou de faciliter les modalités de déroulement de cette dernière. M. C... n'apporte dès lors pas la preuve qui, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, lui incombe, de l'absence d'abus de droit.
12. En cinquième lieu, il résulte de l'article 1er de la directive 90/434/CEE du 23 juillet 1990 concernant le régime fiscal commun applicable aux fusions, scissions, apports d'actifs et échanges d'actions intéressant des sociétés d'Etat membres différents qu'elle ne crée d'obligations à l'égard des Etats membres qu'au regard d'opérations qui concernent des sociétés d'au moins deux Etats membres. Il est constant que la plus-value en cause a été réalisée à l'occasion d'un échange de titres de deux sociétés françaises. Ainsi, elle n'entrait pas dans le champ d'application de la directive du 23 juillet 1990. Par suite le moyen tiré de l'interprétation par la Cour de justice de l'Union européenne des dispositions de ladite directive ne peut qu'être écarté.
13. En sixième lieu, aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales dans sa rédaction actuellement en vigueur : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration./ Il en est de même lorsque, dans le cadre d'un examen ou d'une vérification de comptabilité ou d'un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle, et dès lors qu'elle a pu se prononcer en toute connaissance de cause, l'administration a pris position sur les points du contrôle, y compris tacitement par une absence de rectification ". Les dispositions précitées du deuxième alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales font obstacle à un rehaussement contraire à une prise de position antérieure tacite de l'administration prise dans le cadre d'une vérification de comptabilité ou d'un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle. Ces dispositions, issues de la loi n° 2018-727 du 10 août 2018, entrée en vigueur le 12 août 2018, ne sont applicables, conformément à l'article 9, II de la loi, qu'aux prises de position tacites prises lors des contrôles dont les avis sont adressés à compter du 1er janvier 2019. La société requérante ne saurait par suite valablement s'en prévaloir à l'appui de sa contestation du rehaussement en litige, en invoquant les résultats d'une vérification de comptabilité qui s'est déroulée en 2010 et 2011 et qui a porté sur la période courant du 1er avril 2008 au 31 mars 2010, à l'issue de laquelle l'administration fiscale n'a pas remis en cause le régime de report d'imposition applicable à la soulte litigieuse. La circonstance que l'administration ait procédé à un redressement relatif à un régime d'imposition qu'elle n'avait pas remise en cause à l'occasion d'un précédent contrôle ne saurait révéler à elle seule un manquement au devoir de loyauté.
14. En septième lieu, la qualification juridique donnée aux faits de l'espèce par le jugement en date du 16 novembre 2021, par lequel le tribunal correctionnel de Paris a relaxé M. C... des poursuites pour fraude fiscale au motif que son comportement n'était pas frauduleux au sens de la loi pénale ne contient aucune autorité de la chose jugée opposable au juge de l'impôt. En outre, ce jugement, qui a été frappé d'appel, n'a pas de caractère définitif.
15. Enfin, il résulte de ce qui a été dit plus haut que M. C..., qui a prévu la stipulation d'une soulte à son profit sans aucune autre finalité que de lui permettre d'appréhender des liquidités en franchise immédiate d'impôt, s'est volontairement livré à une opération constitutive d'un abus de droit. La circonstance que la jurisprudence, qui s'applique nécessairement à des situations de fait et de droit antérieures, n'ait qualifié qu'ultérieurement cette situation d'abusive et que l'administration ait évolué à cet égard dans ses pratiques de contrôle et de redressement fiscal ne saurait faire obstacle à la constatation de l'abus de droit.
16. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que le requérant demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Ile-de-France (division juridique).
Délibéré après l'audience du 23 novembre 2022, à laquelle siégeaient :
- Mme Brotons, président de chambre,
- Mme Topin, président assesseur,
- M. Magnard, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 décembre 2022.
Le rapporteur,
F. B...Le président,
I. BROTONS
Le greffier,
C. MONGIS
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21PA01937 |
JADE/CETATEXT000046710473.xml | Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société anonyme sportive professionnelle (SASP) " En avant de Guingamp " a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 9 octobre 2018 par laquelle la commission juridique de la Ligue de football professionnel (LFP) a rejeté l'opposition formée contre la décision d'homologation du contrat conclu entre le joueur professionnel Jimmy D... et le club du " Football Club Girondins de Bordeaux " du 10 août 2018 ainsi que la décision du 23 novembre 2018 par laquelle la commission d'appel de la LFP a rejeté son recours formé contre cette décision.
Par jugement n° 1905047/6-3 du 25 mars 2021, le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 23 novembre 2018 de la commission d'appel de la Ligue de football professionnel.
Procédure devant la Cour :
I/ Par une requête et deux mémoires enregistrés les 25 mai et 6 août 2021 et le 7 avril 2022 sous le n° 21PA02810, la Ligue de football professionnel (LFP), représentée par la société Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, demande à la Cour :
1°) d'annuler les articles 1er et 2 du jugement n° 1905047/6-3 du 25 mars 2021 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de rejeter les demandes de la SASP " En avant de Guingamp " présentées devant le Tribunal administratif de Paris ;
3°) à titre subsidiaire d'annuler le jugement n° 1905047/6-3 du 25 mars 2021 du Tribunal administratif de Paris ;
4°) de poser au besoin une question préjudicielle à la juridiction judiciaire relative à l'interprétation des conventions de droit privé qui sont en cause et de surseoir à statuer sur le fond du litige jusqu'à ce que la juridiction judiciaire se soit prononcée ;
5°) de mettre à la charge de la SASP " En avant de Guingamp " la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est entaché d'irrégularité dès lors qu'il ne fait pas mention dans ses visas des dispositions du règlement administratif de la Ligue de football professionnel dont il a été fait application en méconnaissance de l'article R. 741-2 du code de justice administrative ;
- il est insuffisamment motivé sur les raisons qui ont conduit à considérer que la volonté commune des parties était d'établir une interdépendance entre l'avenant de résiliation et la convention de mutation tripartite et de conditionner la résiliation effective du contrat liant M. D... à la SASP " En avant de Guingamp " à sa mutation définitive au club de l'Impact de Montréal ;
- il est entaché d'une irrégularité dès lors que les premiers juges se sont abstenus de poser une question préjudicielle à la juridiction judiciaire alors que la solution du litige pose des difficultés sérieuses d'interprétation relevant de l'interprétation et de l'articulation de conventions de droit privé, matière de la compétence du juge judiciaire ;
- il est entaché d'une erreur de droit au regard des articles 254 et 255 de la charte du football professionnel applicable à la saison 2018-2019 dès lors que seul l'avenant de résiliation du 15 juillet 2018 qui n'était assorti d'aucune condition suspensive a fait l'objet d'une homologation et non la convention de mutation tripartite signée le 20 juillet 2018 par la SASP " En avant de Guingamp ", M. D... et l'Impact de Montréal, de sorte que ses stipulations susceptibles de modifier les termes de la relation contractuelle entre la SASP " En avant de Guingamp " et son joueur n'ont pu intégrer le champ de stipulations homologuées et assortir la décision d'homologation de l'avenant de résiliation signée le 15 juillet 2018 de conditions suspensives ;
- il est entaché d'une erreur de droit dès lors qu'aucun texte ne prévoit la caducité des décisions d'homologation ;
- il est entaché d'une erreur de droit en considérant que la commission d'appel avait entaché sa décision d'une erreur de droit au motif que la commission juridique n'avait pu homologuer le contrat conclu entre le FCGB et M. D... dès lors que le contrat qui le liait à la SASP " En avant de Guingamp " était toujours en cours d'exécution ;
- il est entaché d'une erreur de droit au regard des dispositions de l'article 1192 du code civil dès lors qu'on ne peut interpréter les clauses claires et précises à peine de dénaturation ;
- il est entaché d'une erreur de droit en considérant que l'absence de réalisation de la mutation entraînait par voie de conséquence la caducité de l'avenant de résiliation ;
- il est entaché d'une erreur de droit en considérant que l'absence de mutation de M. D... à l'Impact de Montréal avait rendu caduc l'avenant de résiliation signé le 15 juillet 2018 dès lors qu'à supposer même que cette absence de mutation constitue une condition suspensive, elle était devenue inopposable dès lors qu'en cessant de rémunérer M. D..., le club a commencé à exécuter l'avenant de résiliation.
Par des mémoires en appel incident et en défense enregistrés les 3 septembre 2021 et 8 avril 2022, la société anonyme Football Club des Girondins de Bordeaux, représentée par Me Barandas, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Paris en tant qu'il a annulé la décision du 23 novembre 2018 de la commission d'appel de la LFP ;
2°) de constater la validité de l'homologation par la LFP de l'avenant de résiliation du contrat de joueur professionnel du 15 juillet 2018 liant la SASP " En avant de Guingamp " à M. B... D... ;
3°) de constater la validité de l'homologation du 10 août 2018 par la LFP du contrat de travail conclu entre le Football Club des Girondins de Bordeaux et M. B... D... ;
4°) de confirmer la décision du 23 novembre 2018 de la commission d'appel de la LFP ;
5°) de rejeter les demandes de la SASP " En avant de Guingamp " ;
6°) de mettre à la charge de la SASP " En avant de Guingamp " la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- contrairement à ce qu'ont considéré les premiers juges, aucune condition suspensive ou résolutoire n'affectait l'avenant de résiliation en date du 15 juillet 2018 homologué par la LFP le 26 juillet 2018 ;
- la LFP ne pouvait, en aucun cas, analyser les termes de la convention de mutation définitive comme créant une indivisibilité contractuelle avec l'avenant de résiliation ;
- le jugement attaqué est entaché d'une erreur d'appréciation et d'une erreur de droit en déduisant que l'homologation du 26 juillet 2018 de l'avenant de résiliation du 15 juillet 2018 devait être regardée comme caduque faute de réalisation de la condition suspensive attachée à l'avenant de résiliation ;
- il est entaché d'une contradiction de motifs en considérant que la condition suspensive n'était pas prévu ab initio mais qu'elle avait été stipulée le 20 juillet 2018 ;
- la nature juridique de l'homologation ne permettait pas au club de l'" En avant de Guingamp " de remettre en cause l'entrée en vigueur de la résiliation du contrat de travail de M. D... ;
- la LFP a pu légalement homologuer le contrat conclu entre M. D... et le club du Football Club Girondins de Bordeaux dès lors que l'avenant de résiliation du contrat liant ce joueur au club de l'" En avant de Guingamp ", lequel n'était soumis à aucune condition, avait pris effet le 15 juillet 2018 et avait été homologué le 26 juillet 2018 et que le contrat ne méconnaissait pas les conditions fixées par la charte du football professionnel, le règlement administratif de la LFP, les règlements généraux de la Fédération française de football ou les règlements de la FIFA ou de l'UEFA ;
- le jugement est entaché d'une erreur de droit au regard des dispositions de l'article 1192 du code civil dès lors qu'on ne peut interpréter les clauses claires et précises à peine de dénaturation ;
- il a dénaturé les clauses claires et précises de l'avenant de résiliation et a méconnu la force obligatoire de ses clauses contractuelles prévue par les articles 1193 et 1194 du code civil en refusant de leur donner leur exacte portée ;
- il a méconnu les exigences de sécurité juridique il fonde la règle consacrée par l'article 1192 du code civil.
Par des mémoires en défense enregistrés les 17 décembre 2021 et 9 mai 2022, la SASP " En avant de Guingamp ", représentée par Mes Moyersoen et Bône, conclut au rejet de la requête de la LFP et à ce que soit mise à la charge de la LFP la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par la LFP et la société Football Club des Girondins de Bordeaux ne sont pas fondés.
II/ Par une requête et un mémoire enregistrés les 25 mai 2021 et 8 avril 2022 sous le n° 21PA02812, la société anonyme Football Club des Girondins de Bordeaux, représentée par Me Barandas, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1905047/6-3 du 25 mars 2021 du Tribunal administratif de Paris en tant qu'il a annulé la décision du 23 novembre 2018 de la commission d'appel de la LFP ;
2°) de constater la validité de l'homologation par la LFP de l'avenant de résiliation du contrat de joueur professionnel du 15 juillet 2018 liant la SASP " En avant de Guingamp " à M. B... D... ;
3°) de constater la validité de l'homologation par la LFP du contrat de travail conclu entre le Football Club des Girondins de Bordeaux et M. B... D... ;
4°) de confirmer la décision du 23 novembre 2018 de la commission d'appel de la LFP ;
5°) de rejeter les demandes de la SASP " En avant de Guingamp " ;
6°) de mettre à la charge de la SASP " En avant de Guingamp " la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient les mêmes moyens que ceux qu'elle a développés dans la procédure n° 21PA02810.
Par des mémoires en défense enregistrés les 17 décembre 2021 et 9 mai 2022, la SASP " En avant de Guingamp ", représentée par Mes Moyersoen et Bône, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la société FCGB la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par la LFP et la société Football Club des Girondins de Bordeaux ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense enregistré le 25 février 2022, la Ligue de football professionnel (LFP), représentée par la société Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, demande à la Cour :
1°) d'annuler les articles 1er et 2 du jugement n° 1905047/6-3 du 25 mars 2021 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de rejeter les demandes de la SASP " En avant de Guingamp " présentées devant le Tribunal administratif de Paris et la Cour ;
3°) à titre subsidiaire, d'annuler le jugement n° 1905047/6-3 du 25 mars 2021 du Tribunal administratif de Paris.
Elle s'associe à l'argumentation développée par la société FCGB.
III/ Par une requête enregistrée le 25 mai 2021 sous le n° 21PA02818, M. B... D..., représenté par Me de Busschère, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1905047/6-3 du 25 mars 2021 du Tribunal administratif de Paris en tant qu'il a annulé la décision du 23 novembre 2018 de la commission d'appel de la LFP ;
2°) de constater la validité de l'homologation par la LFP de l'avenant de résiliation du contrat de joueur professionnel du 15 juillet 2018 le liant à la SASP " En avant de Guingamp " ;
3°) de constater la validité de l'homologation du 10 août 2018 par la LFP du contrat de travail qu'il a conclu avec le Football Club des Girondins de Bordeaux ;
4°) de mettre à la charge de la SASP " En avant de Guingamp " la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est entaché d'une erreur d'appréciation au regard de la volonté des parties de décider de n'inclure dans l'avenant de résiliation du 15 juillet 2018 aucune condition suspensive et/ou résolutoire ;
- l'homologation du 10 août 2018 par la LFP du contrat de travail qu'il a conclu avec le Football Club des Girondins de Bordeaux ne peut être retirée comme l'a considéré à bon droit la commission d'appel de la LFP dans la décision contestée du 23 novembre 2018 dès lors que cette homologation n'a jamais fait l'objet d'une opposition de la part du club " En avant de Guingamp " et que M. D... était libre de s'engager le 8 août suivant avec le club des Girondins de Bordeaux.
Par des mémoires en appel incident des 29 septembre 2021 et 8 avril 2022, la société anonyme Football Club des Girondins de Bordeaux, représentée par Me Barandas, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1905047/6-3 du 25 mars 2021 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de constater la validité de l'homologation par la LFP de l'avenant de résiliation du contrat de joueur professionnel du 15 juillet 2018 liant la SASP " En avant de Guingamp " à M. B... D... ;
3°) de constater la validité de l'homologation du 10 août 2018 par la LFP du contrat de travail conclu entre le Football Club des Girondins de Bordeaux et M. B... D... ;
4°) de confirmer la décision du 23 novembre 2018 de la commission d'appel de la LFP ;
5°) de rejeter les demandes de la SASP " En avant de Guingamp " présentées devant le Tribunal administratif de Paris ;
6°) de mettre à la charge de la SASP " En avant de Guingamp " la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient les mêmes moyens que ceux qu'elle a développés dans la procédure n° 21PA02810.
Par un mémoire en défense enregistré le 17 décembre 2021, la SASP " En avant de Guingamp ", représentée par Mes Moyersoen et Bône, conclut au rejet de la requête de la LFP et à ce que soit mise à la charge de M. D... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par M. D... et la société FCGB ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense enregistré le 25 février 2022, la Ligue de football professionnel (LFP), représentée par la société Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, demande à la Cour :
1°) d'annuler les articles 1er et 2 du jugement n° 1905047/6-3 du 25 mars 2021 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de rejeter les demandes de la SASP " En avant de Guingamp " présentées devant le Tribunal administratif de Paris et la Cour ;
3°) à titre subsidiaire, d'annuler le jugement n° 1905047/6-3 du 25 mars 2021 du Tribunal administratif de Paris.
Elle s'associe à l'argumentation développée par M. D....
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le règlement intérieur de la Ligue de football professionnel ;
- la charte du football professionnel ;
- le code civil ;
- le code du sport ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme E...,
- les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique,
- les observations de Me Barandas, avocat de la SASP " Football Club Girondins de Bordeaux ",
- et les observations de Me Bône, avocat de la SASP " En avant de Guingamp ".
Considérant ce qui suit :
1. Le 30 juillet 2015, la société anonyme sportive professionnelle (SASP) " En avant de Guingamp " a signé un contrat à durée déterminée avec M. B... D..., joueur de football professionnel, pour une durée de quatre saisons sportives dont le terme était fixé au 30 juin 2019. Le 15 juillet 2018, M. D... et le club de l'" En avant de Guingamp " ont signé un avenant de résiliation de ce contrat avec prise d'effet le jour même. Par une convention de mutation définitive du 20 juillet 2018, le club de l'" En avant de Guingamp ", M. D... et la " Major G... " (A...), agissant pour l'Impact de Montréal, ont convenu que le club de l'" En avant de Guingamp " s'engageait à résilier le contrat de travail du joueur à compter du 15 juillet 2018 sous réserve de la signature d'un contrat de travail entre le joueur et la A..., de la délivrance du certificat international de transfert du joueur par la Fédération française de football et de l'homologation par l'association nationale du nouveau club du contrat signé entre la A... et le joueur. Le 26 juillet 2018, la commission juridique de la Ligue de football professionnel (LFP) a homologué l'avenant de résiliation du contrat du 15 juillet 2018. Le 7 août 2018, la presse sportive s'étant fait l'écho de l'échec du transfert de M. D..., le " Stade Rennais " souhaitant connaître la situation contractuelle de M. D... a interrogé la commission juridique de la LFP, laquelle a invité le club de l'" En avant de Guingamp " à lui communiquer ces informations, en vain. Le 10 août 2018, la commission juridique de la LFP a indiqué au " Stade Rennais " que le joueur était libre de s'engager dans le club de son choix. Le 10 août 2018, la commission juridique de la LFP a parallèlement homologué le contrat conclu le 8 août 2018 entre M. D... et le club " Football Club Girondins de Bordeaux ". Le 11 septembre 2018, le club de l'" En avant de Guingamp " a formé opposition à cette homologation en application de l'article 207 du règlement administratif de la LFP et par décision du 9 octobre 2018, la commission juridique de la LFP a rejeté cette opposition. Le recours formé par la SASP " En avant de Guingamp " à l'encontre de cette décision a été rejeté par la commission d'appel de la LFP par décision du 23 novembre 2018. Enfin, le 31 janvier 2019, le comité national olympique et sportif français, qui avait été saisi par le club de l'" En avant de Guingamp " en vertu des dispositions des articles L. 141-4 et R. 141-5 du code du sport, a proposé à celui-ci de s'en tenir à la décision du 23 novembre 2018. Par jugement n° 1905047/6-3 du 25 mars 2021, dont M. D..., d'une part, et la Ligue de football professionnel (LFP) et la société anonyme Football Club des Girondins de Bordeaux soit directement soit par la voie de l'appel incident, d'autre part, relèvent appel des articles 1er et 2, le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 23 novembre 2018 de la commission d'appel de la LFP et a rejeté comme irrecevables les conclusions dirigées contre la décision de la commission juridique de la LFP du 9 octobre 2018 à laquelle s'est substituée la décision du 23 novembre 2018.
2. Les requêtes n°s 21PA02810, 21PA02812 et 21PA02818 présentent à juger les mêmes questions, ont fait l'objet d'une instruction commune et sont dirigées contre le même jugement. Il y a donc lieu de les joindre pour y statuer par un même arrêt.
Sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la régularité du jugement :
Sur le moyen d'annulation retenu par le Tribunal :
3. D'une part, aux termes de l'article 254 de la charte du football professionnel applicable à la saison 2018-2019 relatif à l'homologation des contrats de travail des joueurs de football : " Le contrat est établi par le club. (...) Le contrat ainsi signé prend effet sous condition suspensive de son homologation ". L'article 255 de la même charte relatif aux avenants des contrats des joueurs prévoit que : " Toutes conventions, contre-lettres, accords particuliers, modifications du contrat, doivent donner lieu à l'établissement d'un avenant soumis, dans le délai de quinze jours après signature, à l'homologation du service juridique ou de la commission juridique de la LFP selon la procédure décrite à l'article 254 ci-dessus, sauf en ce qui concerne les avenants de résiliation pour lesquels le délai est impérativement de 5 jours ". Selon l'article 256 de la même charte : " Tout contrat, ou avenant de contrat, non soumis à l'homologation ou ayant fait l'objet d'un refus d'homologation par le service juridique ou la commission juridique de la LFP est nul et de nul effet ". Aux termes de l'article 264 de la même charte relatif à la résiliation conventionnelle des contrats : " Quelle qu'en soit la durée, un contrat peut, à tout moment, être résilié avec l'accord des parties (...). / L'avenant de résiliation doit être soumis dans les cinq jours à la LFP pour homologation ". Aux termes de l'article 206 du règlement intérieur de la Ligue de football professionnel : " Dans le cas où un même joueur signe un contrat avec des clubs différents, le contrat adressé le premier à la Ligue de Football Professionnel, (...) et conforme à la réglementation, est homologué. / Si les contrats en cause ont été transmis le même jour à la Ligue de Football Professionnel, cette dernière détermine par tous moyens, celui qui a été signé le premier. / Le joueur qui signe un contrat avec des clubs différents est passible d'une suspension pouvant atteindre cinq ans ferme. Les clubs en cause et leurs dirigeants sont également susceptibles d'être sanctionnés ".
4. Il résulte de ces stipulations que l'homologation des contrats de travail des joueurs de football professionnels par la LFP conditionne l'entrée en vigueur de ces contrats. Il en va de même pour l'homologation des avenants à ces contrats, y compris les avenants de résiliation.
5. D'autre part, aux termes de l'article 1192 du code civil, " On ne peut interpréter les clauses claires et précises à peine de dénaturation ".
6. Il ressort des stipulations de l'avenant de résiliation du 15 juillet 2018 qui sont claires et précises que " les deux parties conviennent d'un commun accord que le contrat professionnel (...) homologué le 6 août 2015 liant [En avant de] Guingamp et Jimmy D..., est résilié au 15 juillet 2018, sans versement d'indemnité ". Il ne prévoit ainsi aucune condition suspensive à cette résiliation. La circonstance que ce document a été adressé le 23 juillet 2018 par le club pour être homologué, conformément aux dispositions de l'article 201 du règlement administratif de la LFP, accompagné de la convention de mutation signée le 20 juillet 2018 entre M. D..., le club de l'" En avant de Guingamp " et la A... n'est pas de nature à modifier le contenu de cet avenant, quand bien même cette convention de mutation prévoyait, quant à elle, que le club de l'" En avant de Guingamp " s'engageait à résilier le contrat de travail de M. D... à compter du 15 juillet 2018 sous réserve de la signature d'un contrat de travail entre ce dernier et la A..., à la délivrance du certificat international de transfert du joueur par la Fédération française de football et à l'homologation par l'association nationale du nouveau club du contrat signé entre la A... et M. D.... La présence de ces conditions suspensives dans un autre contrat joint à l'avenant ne permet pas de regarder la résiliation précitée du contrat comme étant subordonnée à de telles conditions suspensives. Il s'ensuit que, contrairement à ce qu'ont considéré les premiers juges, dès lors que la résiliation du contrat liant M. D... au club de l'" En avant de Guingamp " est intervenue, suite à son homologation le 26 juillet 2018 par la commission juridique de la LFP, à compter du 15 juillet 2018 comme le prévoyait l'avenant, M. D... n'était plus lié depuis cette date avec le club de l'" En avant de Guingamp " dès lors que cette homologation n'a fait l'objet d'aucune opposition de la part de ce club dans le délai prévu par l'article 207 du règlement administratif de la LFP. La commission d'appel juridique de la LFP a pu ensuite homologuer le 10 août 2018 le contrat conclu le 8 août 2018 entre le joueur et le " Football Club Girondins de Bordeaux " sans méconnaître l'article 206 du règlement intérieur de la Ligue de football professionnel qui interdit à un joueur de signer avec des clubs différents. Par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens d'appel et d'appel incident, M. D..., la LFP et la société Football Club des Girondins de Bordeaux sont fondés à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que la commission d'appel de la LFP a entaché sa décision du 23 novembre 2018 d'une erreur de droit et ont annulé la décision en litige pour ce motif.
7. Il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la SASP " En avant de Guingamp " devant le Tribunal administratif de Paris et la Cour.
Sur les autres moyens invoqués par la SASP " En avant de Guingamp " contre la décision du 23 novembre 2018 :
8. En premier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier et notamment du contenu de la décision du 23 novembre 2018 que la commission d'appel de la LFP se soit fondée sur la réponse qu'elle a apportée le 10 août 2018 confirmée le 5 septembre 2018 par la commission mixte d'appel, dont la réponse s'est d'ailleurs substituée à la première, sur l'interprétation qu'il convenait de donner à l'avenant de résiliation du contrat de travail signé le 15 juillet 2015 au regard des intentions prêtées aux parties et des engagements de toute nature qu'ils auraient pu prendre par ailleurs pour prendre la décision en litige. Par suite, dès lors que cet avis juridique non décisoire ne peut être regardé comme constituant le fondement de la décision du 23 novembre 2018, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de cet avis soulevé pour contester la légalité de la décision du 23 novembre 2018 de la commission d'appel de la LFP est, en tout état de cause, inopérant.
9. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Toute décision prise par une administration comporte la signature de son auteur ainsi que la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci. (...) ".
10. Il ressort des pièces du dossier que l'original du procès-verbal de la réunion de la commission d'appel de la LFP du 23 novembre 2018 a été signé pour son président par M. C... F..., directeur des activités sportives de la LFP, et comporte ainsi en caractères lisibles, les mentions prévues par les dispositions précitées. Par suite, la circonstance que l'ampliation de cette décision notifiée à la SASP " En avant de Guingamp " ne comporte pas la signature de son auteur est sans influence sur la légalité de cette décision.
11. En troisième lieu, il ressort du point 8 du présent arrêt que l'avenant de résiliation du 15 juillet 2018 ne prévoit aucune condition suspensive à cette résiliation. Par suite, le moyen selon lequel la décision du 23 novembre 2018 de la commission d'appel de la LFP est entachée d'une erreur de droit, dès lors qu'elle emporte refus de considérer l'avenant de résiliation du contrat de travail liant le joueur et le club de l'" En avant Guingamp " comme étant caduc alors que la condition à laquelle il était soumis ne s'est jamais réalisée et que la LFP aurait dû abroger la décision homologuant cet avenant ne peut qu'être écarté.
12. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité des conclusions aux fins de constatation et de confirmation formulées, d'une part, par la société Football Club Girondins de Bordeaux dans sa requête d'appel et dans ses appels incidents, d'autre part, par M. D... dans sa requête d'appel, ni de poser une question préjudicielle à la juridiction judiciaire, M. D..., la LFP et la société Football Club Girondins de Bordeaux sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 23 novembre 2018 de la commission d'appel de la LFP. Dès lors, il y a lieu d'annuler les articles 1er et 2 de ce jugement et de rejeter la demande présentée par la SASP " En avant de Guingamp " devant le Tribunal administratif de Paris.
Sur les frais liés à l'instance :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la LFP, de la société Football Club Girondins de Bordeaux et de M. D..., qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, au titre des frais exposés par à la SASP " En avant de Guingamp " et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de la SASP " En avant de Guingamp " les sommes que demandent la LFP, la société Football Club Girondins de Bordeaux et M. D... au titre des mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : Les articles 1er et 2 du jugement n° 1905047/6-3 du 25 mars 2021 du Tribunal administratif de Paris sont annulés.
Article 2 : La demande présentée par la société anonyme sportive professionnelle " En avant de Guingamp " devant le Tribunal administratif de Paris dirigée contre la décision du 23 novembre 2018 de la commission d'appel de la Ligue de football professionnel et ses conclusions d'appel présentées dans les requêtes n°s 21PA02810, 21PA02812 et 21PA02818 sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par la Ligue de football professionnel sous le n° 21PA02810, la société Football Club des Girondins de Bordeaux sous les n°s 21PA02810, 21PA02812 et 21PA02818 et M. D... sous le n° 21PA02818 sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société anonyme sportive professionnelle " En avant de Guingamp ", à la Ligue de football professionnel, à la société Football Club des Girondins de Bordeaux et à M. B... D....
Délibéré après l'audience du 14 novembre 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Le Goff, président de chambre,
- M. Ho Si Fat, président assesseur,
- Mme Collet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 décembre 2022.
La rapporteure,
A. E... Le président,
R. LE GOFF
Le greffier,
P. TISSERAND
La République mande et ordonne à la ministre des sports et des jeux olympiques et paralympiques en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N°s 21PA02810, 21PA02812, 21PA02818 |
JADE/CETATEXT000046710477.xml | Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société GEII Rivoli Holding a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices 2013 et 2014 et des pénalités correspondantes.
Par un jugement n° 1905733/2-1 du 13 avril 2021, le Tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés les 11 juin 2021, 30 novembre 2021 et 7 février 2022, la société GEII Rivoli Holding, représentée par Me Mathieu Selva-Roudon et Me Sandra Fernandes, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Paris du 13 avril 2021 ;
2°) de prononcer la décharge et le remboursement des impositions supplémentaires et pénalités mises à sa charge pour les exercices 2013 et 2014 soit un total de 278 154 euros, assorti des intérêts moratoires prévus à l'article L. 208 du livre des procédures fiscales ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les premiers juges ont renversé la charge de la preuve et ont insuffisamment motivé leur jugement ;
- la preuve du taux de marché est libre ;
- le recours au référentiel obligataire est possible ;
- elle a justifié de ce que le taux de 5,08 % correspondait au taux qui aurait été pratiqué par des établissements ou organismes financiers indépendants dans des conditions analogues.
Par des mémoires en défense enregistrés les 1er octobre 2021, 12 janvier 2022 et 25 février 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 25 février 2022, la clôture de l'instruction a été fixée
au 15 mars 2022.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- les conclusions de Mme Prévot, rapporteur public,
- les observations de Me Selva-Roudon, représentant la société GEII Rivoli Holding.
Une note en délibéré, enregistrée le 1er décembre 2022, a été présentée pour la société GEII Rivoli Holding.
Considérant ce qui suit :
1. La société par actions simplifiée GEII Rivoli Holding, qui a pour activité l'acquisition et la gestion immobilière ainsi que la conclusion de prêts ou financements, intragroupe ou avec toute banque, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité qui a porté sur les exercices clos le 31 décembre 2013 et le 31 décembre 2014 au terme de laquelle, par une proposition de rectification du 27 juillet 2016, l'administration a remis en cause la déductibilité d'une partie des intérêts versés à sa société mère, la société de droit luxembourgeois Generali Europe Income Holding SA, en contrepartie de l'apport en compte courant qu'elle lui avait accordé, dans le cadre de l'acquisition d'un immeuble. Par la présente requête, la société GEII Rivoli Holding SAS relève appel du jugement du 13 avril 2021 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des pénalités y afférentes qui lui ont été assignés en conséquence au titre des années 2013 et 2014.
Sur la régularité du jugement :
2. Les premiers juges ont répondu au moyen tiré de ce que le taux de 5,08 % des intérêts dus sur l'emprunt accordé par une société liée ne contrevenait pas aux dispositions du I de l'article 212 du code général des impôts et correspondait à un taux de marché de pleine concurrence à la période de conclusion du contrat en cause. Les erreurs de droit qu'ils auraient pu commettre à cet égard, et notamment dans l'attribution de la charge de la preuve, sont sans influence sur la régularité formelle du jugement.
Sur le bien-fondé de l'imposition :
3. Le I de l'article 212 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l'année 2013, dispose que : " Les intérêts afférents aux sommes laissées ou mises à disposition d'une entreprise par une entreprise liée directement ou indirectement au sens du 12 de l'article 39 sont déductibles dans la limite de ceux calculés d'après le taux prévu au premier alinéa du 3° du 1 de l'article 39 ou, s'ils sont supérieurs, d'après le taux que cette entreprise emprunteuse aurait pu obtenir d'établissements ou d'organismes financiers indépendants dans des conditions analogues ". Aux termes de ces dispositions dans leur rédaction applicable à l'année 2014 : " Les intérêts afférents aux sommes laissées ou mises à disposition d'une entreprise par une entreprise liée, directement ou indirectement, au sens du 12 de l'article 39, sont déductibles : / a) Dans la limite de ceux calculés d'après le taux prévu au premier alinéa du 3° du 1 du même article 39 ou, s'ils sont supérieurs, d'après le taux que cette entreprise emprunteuse aurait pu obtenir d'établissements ou d'organismes financiers indépendants dans des conditions analogues (...) ".
4. Aux termes du 1 de l'article 39 du même code dans sa rédaction applicable aux impositions en litige : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) 3° Les intérêts servis aux associés à raison des sommes qu'ils laissent ou mettent à la disposition de la société, en sus de leur part du capital, quelle que soit la forme de la société, dans la limite de ceux calculés à un taux égal à la moyenne annuelle des taux effectifs moyens pratiqués par les établissements de crédit pour des prêts à taux variable aux entreprises, d'une durée initiale supérieure à deux ans ".
5. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que les intérêts afférents aux sommes laissées ou mises à disposition d'une entreprise par une entreprise qui en détient directement ou par personne interposée la majorité du capital social ou y exerce en fait le pouvoir de décision, ou qui est placée sous le contrôle d'une même tierce entreprise que la première, sont déductibles dans la limite de ceux calculés à un taux égal à la moyenne annuelle des taux effectifs moyens pratiqués par les établissements de crédit pour des prêts à taux variable aux entreprises d'une durée initiale supérieure à deux ans ou, s'il est plus élevé, au taux que l'entreprise emprunteuse aurait pu obtenir d'établissements ou d'organismes financiers indépendants dans des conditions analogues. Le taux que l'entreprise emprunteuse aurait pu obtenir d'établissements ou d'organismes financiers indépendants dans des conditions analogues s'entend, pour l'application de ces dispositions, du taux que de tels établissements ou organismes auraient été susceptibles, compte tenu de ses caractéristiques propres, notamment de son profil de risque, de lui consentir pour un prêt présentant les mêmes caractéristiques dans des conditions de pleine concurrence. Ce taux ne saurait, eu égard à la différence de nature entre un emprunt auprès d'un établissement ou organisme financier et un financement par émission obligataire, être celui que cette entreprise aurait elle-même été susceptible de servir à des souscripteurs si elle avait fait le choix, pour se financer, de procéder à l'émission d'obligations plutôt que de souscrire un emprunt. L'entreprise emprunteuse, à qui incombe la charge de justifier du taux qu'elle aurait pu obtenir d'établissements ou d'organismes financiers indépendants pour un prêt consenti dans des conditions analogues, a la faculté d'apporter cette preuve par tout moyen. À ce titre, pour évaluer ce taux, elle peut le cas échéant tenir compte du rendement d'emprunts obligataires émanant d'entreprises se trouvant dans des conditions économiques comparables, lorsque ces emprunts constituent, dans l'hypothèse considérée, une alternative réaliste à un prêt intragroupe.
6. Il résulte de l'instruction que la société GEII Rivoli Holding SAS a fait l'acquisition, le 22 décembre 2011, d'un immeuble à usage de commerce, de bureau et d'habitation, sis 174 rue de Rivoli, pour un montant de 28 millions d'euros, au moyen d'un apport en compte courant et d'une augmentation de capital consentis par sa société mère, la société luxembourgeoise Generali Europe Income Holding SA, qui la détenait à 100 %. L'administration fiscale a remis en cause le caractère déductible d'une partie des intérêts servis par la société au taux de 5,08 % pour l'apport en compte courant de 18 000 000 euros, excédant le taux visé au 3° du I de l'article 39 du code général des impôts fixé à 2,79 %.
7. Pour justifier que le taux de 5,08 % correspondait à celui qu'elle aurait pu obtenir d'établissements ou d'organismes financiers indépendants dans des conditions analogues, la société requérante se prévaut, en premier lieu, d'un rapport établi par le cabinet Fidal, qui, en faisant usage du logiciel Riskcalc proposé par l'agence Moody's, fait apparaitre une notation de Baa1, et retient à titre de comparaison quinze transactions dans la base de données Bloomberg, dont il ressort que le taux susmentionné est compris dans l'intervalle interquartile de pleine concurrence. Il est constant que le secteur d'activité n'a pas été renseigné pour la détermination de la notation. Par ailleurs, dès lors que ce rapport repose sur le choix, dans la base de données Bloomberg, de quinze transactions relatives à des sociétés qui, outre qu'elles n'exercent pas leur activité dans le secteur immobilier, ont pour la plupart des chiffres d'affaires très différents, des notes de crédit différentes, et qui concernent des prêts ayant des maturités différentes, la société requérante n'établit pas le caractère comparable des sociétés retenues à titre de comparaison, ce alors même qu'un ajustement pour maturité a été appliqué, ajustement dont la pertinence n'a d'ailleurs pas été démontrée.
8. En deuxième lieu, si la société requérante se prévaut d'un tableau établi par elle-même sur la base d'articles de presse et retraçant les taux de prêts obtenus par des sociétés intervenant dans le secteur immobilier, aucun élément du dossier ne permet de constater que ces sociétés présentaient un niveau de risque comparable.
9. En troisième lieu, la société requérante produit un rapport établi par la société Sorgem Evaluation, qui lui attribue, compte tenu de sa structure financière, déterminée sur la base des ratios LTV (Loan To Value) et ICR (Interest Coverage Ratio), de son caractère monoactif, et en comparaison avec les notes obtenues par sept sociétés exerçant dans le même secteur dont les ratios étaient connus, une note qui ne saurait être supérieure à BBB et qui constate, sur la base des taux recensés dans la base de données financières Standard and Poor's Capital IQ, que les entreprises notées BBB ne peuvent obtenir un taux inférieur à 5,21. Il résulte toutefois de l'instruction que la note attribuée à la société, contrairement aux notes attribuées aux sept sociétés mentionnées ci-dessus, est fonction d'un taux d'endettement qui est le seul produit de l'emprunt dont il convient d'apprécier le taux. En outre, et en tout état de cause, si le taux d'intérêt est établi par référence à une base de données Standards et Poor's, il n'est fourni à la Cour aucun comparable particulier dont elle serait en mesure d'apprécier la pertinence.
10. Si la société requérante se prévaut, en quatrième lieu, d'une autre méthode dite " Merton " qui prend en compte la valeur de l'actif économique à la date d'évaluation, le taux sans risque, la volatilité attendue, la maturité et le prix d'exercice, et qui aboutirait à un taux de 7,54, une telle méthode, par son caractère théorique et non comparatif, ne permet pas à la Cour d'apprécier la normalité du taux consenti en l'espèce par rapport à celui qui aurait été obtenu sur le marché obligataire par des entreprises dans des conditions économiques comparables.
11. Enfin, et en tout état de cause, en comparant sa situation avec celle de sociétés immobilières beaucoup plus importantes, présentes sur le marché obligataire, la société requérante, qui dispose d'un seul actif pour le financement duquel l'emprunt en litige a été contracté, actif au demeurant peu susceptible de se déprécier eu égard à sa localisation et à son caractère d'immeuble de standing comprenant des locaux commerciaux, des bureaux et des logements, n'établit pas qu'un emprunt obligataire aurait constitué une alternative réaliste à un prêt intragroupe.
12. Il résulte de ce qui a été dit aux points précédents que c'est à bon droit que l'administration n'a admis la déduction des intérêts versés à la société de droit luxembourgeois Generali Europe Income Holding SA qu'à hauteur du plafond résultant de l'application des dispositions du 3° du 1 de l'article 39 du code général des impôts.
13. Il résulte de tout ce qui précède que la société GEII Rivoli Holding n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société GEII Rivoli Holding est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société GEII Rivoli Holding et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris.
Délibéré après l'audience du 23 novembre 2022, à laquelle siégeaient :
- Mme Brotons, président de chambre,
- Mme Topin, président assesseur,
- M. Magnard, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 décembre 2022.
Le rapporteur,
F. A...Le président,
I. BROTONS
Le greffier,
C. MONGIS
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
7
2
N° 21PA03245 |
JADE/CETATEXT000046710463.xml | Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Office One a saisi le Tribunal administratif de la Polynésie française d'une demande tendant à la condamnation de la commune de Bora Bora à lui verser une somme de 5 185 184 F Pacifique en réparation du préjudice causé par son éviction irrégulière du marché de fournitures de papeterie pour les établissements scolaires de cette commune.
Par un jugement n° 2000073 du 24 novembre 2020, le Tribunal administratif de la Polynésie française a condamné la commune de Bora Bora à lui verser la somme de 18 300 F Pacifique en réparation du préjudice subi du fait du rejet de son offre dans le cas de l'appel d'offres pour l'achat de fournitures de papeterie, a mis à sa charge une somme de 150 000 F Pacifique au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus de sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 22 janvier 2021, et un mémoire en réplique, enregistré le 10 janvier 2022, la société Office One, représentée par Me Guedikian, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 24 novembre 2020 du Tribunal administratif de la Polynésie française en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande ;
2°) de porter la condamnation indemnitaire de la commune de Bora Bora de la somme de 18 300 F Pacifique à la somme de 5 185 184 F Pacifique ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Bora Bora la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le montant de son indemnisation doit être majoré car il ne faut pas seulement tenir compte de la période initiale d'exécution du contrat mais des périodes pour lesquelles celui-ci pouvait être reconduit ;
- le montant de son indemnisation doit être majoré car s'il est exact qu'il faut retenir, pour calculer le manque à gagner, le bénéfice net, le taux de 0,37 % calculé à partir du dernier compte de résultat ne correspond pas à la rentabilité escomptée du marché litigieux.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 décembre 2021, la commune de Bora Bora représentée par Me Quinquis, conclut au rejet de la requête et demande en outre qu'une somme de 250 000 F Pacifique soit mise à la charge de la société Office One au titre de l'article
L. 7 61-1 du code de justice administrative
Elle soutient que les moyens soulevés par la SAS Office One sont infondés.
Par une ordonnance du 7 décembre 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au
11 janvier 2022 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 ;
- le code polynésien des marchés publics ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A... ;
-et les conclusions de Mme Naudin, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. La commune de Bora Bora a lancé une procédure d'appel d'offres, le 4 janvier 2019, en vue de l'achat de fournitures de papeterie pour les établissements scolaires de Bora Bora. Par courrier du 27 février 2019, le maire de la commune a informé la SAS Office One que son offre n'avait pas été retenue, l'offre de la société " As de trèfle " ayant été choisie. La société requérante a présenté le 23 octobre 2019 une demande indemnitaire tendant à l'indemnisation du préjudice résultant de son éviction de ce marché qu'elle estime irrégulière. Après le rejet de sa demande, elle a saisi le Tribunal administratif de la Polynésie française. Par un jugement du
24 novembre 2020, ce dernier a condamné la commune de Bora Bora à verser à la SAS Office One la somme de 18 300 F CFP, a mis à la charge de la commune de Bora Bora une somme de 150 000 F CFP au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus de sa demande. La société Office One relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande.
Sur l'étendue du litige :
2. La commune de Bora Bora semble contester dans son argumentation l'irrégularité de l'appel d'offres ainsi que la perte de chance sérieuse de remporter le marché par la société requérante qui ont été retenues par les premiers juges mais sans présenter des conclusions incidentes dirigées contre les articles 1 et 2 du jugement attaqué, lesquels sont donc devenus définitifs.
Sur les conclusions de la société Office One :
3. La société Office One conteste le montant de l'indemnisation allouée par les premiers juges et sollicite que ce montant soit porté de la somme de 18 300 F Pacifique à la somme de
5 185 184 F Pacifique.
4. Lorsqu'il est saisi par une entreprise qui a droit à l'indemnisation de son manque à gagner du fait de son éviction irrégulière à l'attribution d'un marché, il appartient au juge d'apprécier dans quelle mesure ce préjudice présente un caractère certain.
5. En premier lieu, comme l'ont rappelé à juste titre les premiers juges, dans le cas où le marché est susceptible de faire l'objet d'une ou de plusieurs reconductions si le pouvoir adjudicateur ne s'y oppose pas, le manque à gagner ne revêt un caractère certain qu'en tant qu'il porte sur la période d'exécution initiale du contrat, et non sur les périodes ultérieures qui ne peuvent résulter que d'éventuelles reconductions quand bien même elles pourraient être tacites. La SAS Office One n'est donc pas fondée à soutenir que la période de calcul de son manque à gagner devait être portée de un à quatre ans.
6. En second lieu, comme l'a également rappelé à juste titre le tribunal, le manque à gagner doit être déterminé en fonction du bénéfice net que lui aurait procuré le marché si elle l'avait obtenu et non de la marge brute. En appel, la requérante ne conteste plus ce principe de calcul mais soutient que le bénéfice net que lui aurait procuré l'obtention de ce marché est bien supérieur au taux de 0,37 % retenu par le tribunal sur la base de son compte de résultat pour le dernier exercice connu et serait d'au moins 35%. Toutefois, elle n'apporte aucune justification à l'appui de son allégation. Ce second moyen doit donc également être écarté.
7. Il résulte de tout ce qui précède que la société Office One n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté le surplus de sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions au titre de l'article
L 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
8. Enfin, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de Office One la somme de 1500 euros au titre des frais exposés par la commune de Bora Bora et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Office One est rejetée.
Article 2: La société Office One versera la somme de 1 500 euros à la commune de Bora Bora au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Office One et à la commune de Bora Bora.
Délibéré après l'audience du 22 novembre 2022 à laquelle siégeaient :
- M. Célérier, président de chambre,
- M. Niollet, président assesseur,
- M. Pagès, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 6 décembre 2022.
Le rapporteur,
D. PAGES
Le président,
T. CELERIER
La greffière,
Z. SAADAOUI
La République mande et ordonne au haut-commissaire de la république en Polynésie française en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 21PA00390 |
JADE/CETATEXT000046710488.xml | Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... D... a demandé au Tribunal administratif de Paris de condamner la Ville de Paris à lui verser la somme de 364 000 euros en réparation des préjudices subis à la suite de l'accident survenu le 22 mars 2019, avec tous intérêts de droit, y compris leur capitalisation et de lui verser une provision à ce titre d'un montant de 67 000 euros.
E... un jugement n°s 1917321/5-3 et 2002328/5-3 du 13 juillet 2021, le Tribunal administratif de Paris a mis l'Etat hors de cause, a condamné la Ville de Paris à verser à M. D... la somme de 18 054,50 euros avec les intérêts au taux légal à compter du 5 avril 2019 et capitalisation des intérêts au 8 mai 2021 puis à chaque échéance annuelle, à la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme la somme de 13 056 euros avec les intérêts au taux légal à compter du 6 avril 2021 et une indemnité forfaitaire de gestion d'un montant de 1 098 euros et a ordonné une expertise s'agissant des demandes d'indemnisation de l'assistance E... tierce personne post-consolidation et du déficit fonctionnel permanent.
Procédure devant la Cour :
I/ E... une requête enregistrée le 27 août 2021 sous le n° 21PA04840, M. D..., représenté E... Me Marcel, demande à la Cour :
1°) de confirmer le jugement n°s 1917321/5-3 et 2002328/5-3 du 13 juillet 2021 du Tribunal administratif de Paris en tant qu'il a reconnu la responsabilité de la Ville de Paris dans la survenance de l'accident dont il a été victime et en tant que la somme de 15 055 euros a été retenue E... les premiers juges au titre de l'aide temporaire E... une tierce personne avant consolidation, la somme de 200 euros au titre des frais de vêtements et la somme de 2 880 euros au titre des frais de médecin-conseil ;
2°) d'annuler le jugement attaqué en tant qu'il a retenu une faute de la victime ;
3°) subsidiairement d'annuler le jugement attaqué en tant que la faute de la victime ne saurait atténuer la responsabilité de la Ville de Paris qu'à hauteur de 25 % ;
4°) de condamner la Ville de Paris à lui verser la somme de 362 920,92 euros en réparation des préjudices subis à la suite de l'accident survenu le 22 mars 2019, avec tous intérêts de droit, y compris leur capitalisation ;
5°) de mettre à la charge de la Ville de Paris la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les dépens.
Il soutient que :
- la responsabilité de la Ville de Paris est engagée pour défaut d'entretien normal de la voie publique qui présentait une excavation d'une profondeur d'au moins 5 millimètres dans la chaussée et pour absence de signalisation de ce danger ;
- la Ville de Paris ne peut se décharger de sa responsabilité en se prévalant de la circonstance que le défaut de signalisation serait dû aux instructions qui lui ont été données E... le préfet de police ;
- il n'a commis aucune faute de nature à atténuer la responsabilité de la Ville de Paris ;
- à titre subsidiaire, la responsabilité de la Ville de Paris ne peut être exonérée que de 25 % ;
- il a subi un préjudice professionnel de 250 000 euros dès lors que les honoraires qu'il a facturés d'avril 2019 à mars 2020 sont en baisse de 24 % E... rapport à la même période de l'année précédente ;
- son déficit fonctionnel temporaire peut être évalué à 6 031,25 euros ;
- son déficit fonctionnel permanent s'élève à 30 000 euros et la mesure d'expertise diligentée E... les premiers juges concernant ce chef de préjudice est inutile dès lors que le docteur B..., expert de la Ville de Paris, a déjà évalué ce déficit fonctionnel permanent à 20 % ;
- les souffrances endurées s'élèvent à 18 000 euros ;
- le préjudice esthétique temporaire et permanent s'élève à 5 000 euros ;
- les frais de tierce personne post-consolidation s'élèvent à 29 712,15 euros ;
- le préjudice d'agrément s'élève à 5 000 euros ;
- son scooter a été endommagé et il a subi un préjudice de 1 042,52 euros correspondant au devis pour sa réparation.
E... un mémoire en défense enregistré le 22 septembre 2022, la Ville de Paris, représentée E... la SCP Foussard-Froger, conclut au rejet de la requête de M. D... et à ce que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge de M. D... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'imprudence grave de M. D... est à l'origine de son accident et non un éventuel défaut d'entretien normal de la voie publique E... la Ville de Paris ;
- M. D... n'établit pas avoir effectivement subi une perte de gains professionnels, ni que cette perte aurait présenté un caractère certain directement lié à l'accident qu'il a subi en mars 2019 ;
- il n'établit ni la réalité ni le caractère certain du montant du déficit fonctionnel temporaire dont il se prévaut ;
- le taux horaire de 15 euros pour l'aide temporaire E... une tierce personne est excessif ;
- le déficit fonctionnel permanent dont il se prévaut n'a pas de caractère certain ;
- la somme de 18 000 euros demandée E... M. D... au titre des souffrances endurées est excessive ;
- le montant sollicité E... M. D... au titre de son préjudice esthétique est excessif ;
- M. D... ne précise ni n'établit la nature et l'étendue de ses besoins justifiant après la consolidation de son état de santé la mise en place d'une assistance E... tierce personne ;
- le préjudice d'agrément pour lequel M. D... demande le versement de la somme de 5 000 euros n'a pas un caractère réel et certain ;
- dès lors que M. D... n'établit pas avoir procédé aux réparations de son scooter, il n'est pas fondé à solliciter une indemnisation au titre du préjudice résultant de sa réparation.
La requête a été transmise au préfet de police qui n'a pas produit d'observations.
La requête a été transmise à la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme qui n'a pas produit d'observations.
II/ E... une requête et des mémoires enregistrés les 15 septembre, 4 novembre 2021 et 23 mai 2022 sous le n° 21PA05128, la Ville de Paris, représentée E... la SCP Foussard-Froger, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n°s 1917321/5-3 et 2002328/5-3 du 13 juillet 2021 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de rejeter la demande de M. D... et les appels incidents de M. D... et de la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme ;
3°) à titre subsidiaire, de condamner l'Etat à garantir la Ville de Paris des sommes qui seraient mises à sa charge ;
4°) de mettre à la charge de M. D... la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier dès lors qu'il est fondé sur des observations contenues dans la note en délibéré qui n'a pas été communiquée ;
- l'excavation de quelques centimètres présente sur la voie publique ne constitue pas un défaut d'entretien normal compte tenu de la localisation de ce dénivelé sur la chaussée ; un conducteur circulant sur la rue Saint-Dominique, voie en sens unique, n'avait aucune raison de rouler sur le dénivelé engendré E... les travaux d'élargissement du trottoir de la rue Casimir Périer ;
- le défaut de signalisation adéquate ne lui est pas imputable dès lors que le jour de l'accident, le préfet de police avait expressément requis des services de la Ville de Paris, E... arrêté du 21 mars 2019, des actions préventives de libération et de sécurisation de l'espace public au sein d'un périmètre identifié impliquant ainsi l'enlèvement de cette signalisation en prévision de la manifestation prévue le 23 mars 2019 ;
- les véhicules présents, même en nombre important au moment de l'accident, ne pouvaient masquer la présence du dénivelé qui se trouvait sur l'accotement de la chaussée, le long du trottoir, immédiatement avant le parc de stationnement pour les véhicules à deux roues, soit sur une partie de la chaussée non destinée à la circulation des véhicules, quels qu'ils soient et la présence du passage piéton au niveau même du dénivelé et " l'étroitesse de la voie " évoquée E... M. D... auraient dû contraindre ce dernier à ralentir pour s'assurer d'une bonne visibilité et anticiper la présence d'éventuels piétons ; les dispositions de l'article R. 412-9 du code de la route commandent aux conducteurs de maintenir leur véhicule " près du bord droit de la chaussée " et non sur l'accotement de celle-ci et prévoient également que cette règle ne s'impose qu'" autant que le lui permet l'état ou le profil " de la chaussée, et n'a d'ailleurs pas véritablement de sens, en présence d'une route à sens unique, composée d'une seule voie de sorte que la présence du scooter en mouvement sur le dénivelé présent sur l'accotement au croisement des rues Saint-Dominique et Casimir Périer au niveau du passage piéton et à moins de trois mètres d'un parc de stationnement pour véhicules à deux roues était ainsi parfaitement injustifiée, sauf E... une volonté de l'intéressé d'échapper au flux de circulation qu'il jugeait trop important en contournant les véhicules en circulation sur leur droite, dans des conditions imprudentes et contraires au code de la route ;
- les préjudices dont se prévaut M. D... sont exclusivement et directement imputables au défaut de signalisation des travaux qui est la conséquence de l'ordre de réquisition de la préfecture de police du 21 mars 2019 lui ordonnant de mener des actions préventives de libération et de sécurisation de l'espace public préalablement à la manifestation organisée le 23 mars 2019 ; le croisement des rues Casimir Périer et Saint-Dominique se trouve au cœur du secteur visé et aux abords d'institutions et de sites jugés sensibles ; la Ville de Paris doit être mise hors de cause et la responsabilité de l'État engagée ou l'État doit être condamné à garantir la Ville de Paris des sommes mises à sa charge ;
- la grave imprudence dont a fait preuve M. D... doit conduire à une exonération supérieure à 50 % de la responsabilité de la Ville de Paris ;
- la mesure d'expertise ordonnée E... le tribunal concernant la demande de réparation du préjudice résultant d'une assistance temporaire permanente et du déficit fonctionnel permanent est inutile et les demandes d'indemnisation sur ces deux fondements qui ne sont pas étayées ne peuvent qu'être rejetées ;
- il n'établit ni la réalité ni le caractère certain du montant du déficit fonctionnel temporaire dont il se prévaut ;
- le taux horaire de 15 euros pour l'aide temporaire E... une tierce personne est excessif ;
- le déficit fonctionnel permanent dont il se prévaut n'a pas de caractère certain ;
- la somme de 18 000 euros demandée au titre des souffrances endurées est excessive ;
- le montant sollicité au titre du préjudice esthétique est excessif ;
- M. D... ne précise ni n'établit la nature et l'étendue de ses besoins justifiant après la consolidation de son état de santé la mise en place d'une assistance E... tierce personne ;
- le préjudice d'agrément n'a pas un caractère réel et certain ;
- dès lors que M. D... n'établit pas avoir procédé aux réparations de son scooter, il n'est pas fondé à solliciter une indemnisation au titre du préjudice résultant de sa réparation.
E... un mémoire en appel incident et en défense enregistré le 26 novembre 2021, la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme, venant aux droits de la caisse locale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants, venant elle-même aux droits du régime social des indépendants, représentée E... Me Lefebvre, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n°s 1917321/5-3 et 2002328/5-3 du 13 juillet 2021 du Tribunal administratif de Paris en tant que la responsabilité de la Ville de Paris a été limitée à hauteur de 50 % ;
2°) de condamner la Ville de Paris à lui verser la somme de 26 112 euros représentant le montant des prestations servies au titre de l'assurance maladie ;
3°) à titre subsidiaire, de confirmer le jugement en tant qu'il a condamné la Ville de Paris à lui verser les sommes de 13 056 euros au titre des prestations versées à M. D... au titre de l'assurance maladie assortie des intérêts au taux légal à compter du 5 avril 2021 et de 1 098 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion et mis à la charge de la Ville de Paris la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
4°) de mettre à la charge de la Ville de Paris la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les dépens.
Elle soutient que :
- la Ville de Paris est entièrement responsable des dommages subis E... M. D... dès lors que ce dernier n'a commis aucune faute de conduite ou de prudence, qu'il circulait à une allure normale compte tenu des conditions de circulation et que l'obstacle n'était pas suffisamment visible pour qu'un conducteur puisse l'anticiper et qu'il n'a fait l'objet d'aucun signalement ;
- à titre subsidiaire, la Ville de Paris est responsable de 50 % du dommage subi E... M. D... ;
- la créance correspondant aux dépenses de santé imputables à l'accident de M. D... qui ressort de l'attestation du 31 mars 2021 s'élève à titre provisoire à la somme de 26 112 euros ;
- l'indemnité forfaitaire de gestion d'un montant de 1 098 euros qui lui a été allouée E... les premiers juges doit être confirmée.
E... un mémoire en appel incident et en défense enregistré le 28 décembre 2021, M. D..., représenté E... Me Marcel, demande à la Cour :
1°) de rejeter la requête de la Ville de Paris ;
2°) de confirmer le jugement n°s 1917321/5-3 et 2002328/5-3 du 13 juillet 2021 du Tribunal administratif de Paris en tant qu'il a reconnu la responsabilité de la Ville de Paris dans la survenance de l'accident dont il a été victime et en tant que la somme de 15 055 euros a été retenue E... les premiers juges au titre de l'aide temporaire E... une tierce personne avant consolidation, la somme de 200 euros au titre des frais de vêtements et la somme de 2 880 euros au titre des frais de médecin-conseil ;
3°) d'annuler le jugement attaqué en tant qu'il a retenu une faute de la victime ;
4°) subsidiairement d'annuler le jugement attaqué en tant que la faute de la victime ne saurait atténuer la responsabilité de la Ville de Paris qu'à hauteur de 25 % ;
5°) de condamner la Ville de Paris à lui verser la somme de 362 920,92 euros en réparation des préjudices subis à la suite de l'accident survenu le 22 mars 2019, avec tous intérêts de droit, y compris leur capitalisation ;
6°) de mettre à la charge de la Ville de Paris la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les dépens.
Il soutient que :
- la responsabilité de la Ville de Paris est engagée pour défaut d'entretien normal de la voie publique qui présentait une excavation d'une profondeur d'au moins 5 millimètres dans la chaussée et pour absence de signalisation de ce danger ;
- la Ville de Paris ne peut se décharger de sa responsabilité en se prévalant de la circonstance que le défaut de signalisation serait dû aux instructions qui lui ont été données E... le préfet de police ;
- il n'a commis aucune faute de nature à atténuer la responsabilité de la Ville de Paris et contrairement à ce que soutient la Ville de Paris, il ne circulait pas " à une vitesse trop élevée compte tenu de ses blessures à la jambe " dès lors que la gravité de ses blessures ne résulte en rien de la cinétique du scooter mais du poids de ce dernier, qui, en se renversant sur sa jambe gauche a brisé en plusieurs endroits son tibia et son péroné, en provoquant une déchirure du derme au niveau de la rotule interne ; une vitesse excessive est inenvisageable eu égard à l'étroitesse de la voie et de son engorgement un vendredi après-midi ;
- l'Etat n'est pas responsable du défaut de signalisation de l'excavation dès lors que la Ville de Paris ne démontre pas qu'elle aurait, la veille ou le matin de l'accident, fait procéder, sur instructions de la préfecture de Police à l'enlèvement des panneaux qu'elle aurait précédemment posés sur la voie publique ;
- il a subi un préjudice professionnel de 250 000 euros dès lors que les honoraires qu'il a facturés d'avril 2019 à mars 2020 sont en baisse de 24 % E... rapport à la même période de l'année précédente ;
- son déficit fonctionnel temporaire peut être évalué à 6 031,25 euros ;
- son déficit fonctionnel permanent s'élève à 30 000 euros et la mesure d'expertise diligentée E... les premiers juges concernant ce chef de préjudice est inutile dès lors qu'il a déjà été évalué à 20 % E... l'expert de la Ville de Paris ;
- les souffrances endurées s'élèvent à 18 000 euros ;
- le préjudice esthétique temporaire et permanent s'élève à 5 000 euros ;
- les frais de tierce personne post-consolidation s'élèvent à 29 712,15 euros ;
- le préjudice d'agrément s'élève à 5 000 euros ;
- le scooter a été endommagé et a subi un préjudice de 1 042, 52 euros correspondant au devis pour sa réparation.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C...,
- les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique,
- les observations de Me Marcez, avocat de M. D...,
- et les observations de Me Connil, avocat de la Ville de Paris.
Considérant ce qui suit :
1. Le 22 mars 2019 à 16h25, M. D... a été victime d'un accident de scooter au croisement des rues Saint-Dominique et Casimir Périer à Paris (7ème arrondissement) qui faisait alors l'objet de travaux d'élargissement du trottoir. E... courrier du 4 avril 2019 reçu le lendemain, il a formé auprès de la Ville de Paris une demande préalable d'indemnisation des préjudices qu'il a subis du fait du défaut d'entretien normal de la voie publique. Le 16 avril 2019, la Ville de Paris a accusé réception de cette demande et a sollicité des informations complémentaires que M. D... a données E... courrier du 3 mai 2019. E... courrier du 5 août 2019, la Ville de Paris a reconnu sa responsabilité et un expert a été désigné qui a rendu son rapport le 17 décembre 2020. E... courrier du 11 janvier 2021, la Ville de Paris a, suite à l'action contentieuse engagée E... M. D... et à l'échec de la médiation initiée E... le tribunal, refusé de procéder au règlement amiable du litige. E... jugement n°s 1917321/5-3 et 2002328/5-3 du 13 juillet 2021, le Tribunal administratif de Paris a mis l'Etat hors de cause, a condamné la Ville de Paris à verser à M. D... la somme de 18 054,50 euros avec les intérêts au taux légal à compter du 5 avril 2019 et capitalisation des intérêts au 8 mai 2021 puis à chaque échéance annuelle, à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Puy-de-Dôme la somme de 13 056 euros avec les intérêts au taux légal à compter du 6 avril 2021 et une indemnité forfaitaire de gestion d'un montant de 1 098 euros et a ordonné une expertise s'agissant des demandes d'indemnisation de l'assistance E... tierce personne post-consolidation et du déficit fonctionnel permanent. M. D... demande, sous le n° 21PA04840, la confirmation de ce jugement en tant qu'il a reconnu la responsabilité de la Ville de Paris dans la survenance de l'accident dont il a été victime et en tant que la somme de 15 055 euros a été retenue E... les premiers juges au titre de l'aide temporaire E... une tierce personne avant consolidation, la somme de 200 euros au titre des frais de vêtements et la somme de 2 880 euros au titre des frais de médecin-conseil. Il relève appel de ce jugement en tant qu'il a retenu une faute de la victime et à titre subsidiaire, en tant que cette faute, si elle devait être retenue, ne saurait atténuer la responsabilité de la Ville de Paris qu'à hauteur de 25 % et que la somme que la Ville de Paris a été condamnée à lui verser a été limitée à 18 054,50 euros et non au montant demandé de 362 920,92 euros.
2. E... l'appel croisé sous le n° 21PA05128, la Ville de Paris relève appel du même jugement et demande à la Cour de rejeter la demande de M. D... et les appels incidents de M. D... et de la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme et, à titre subsidiaire, de condamner l'Etat à garantir la Ville de Paris des sommes qui seraient mises à sa charge. La caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme demande l'annulation du jugement en tant que la responsabilité de la Ville de Paris a été limitée à 50 % et de condamner celle-ci à lui verser la somme de 26 112 euros représentant le montant des prestations servies au titre de l'assurance maladie. M. D... a formé un appel incident en tant que le jugement a retenu une faute de la victime et à titre subsidiaire en tant que cette faute, si elle devait être retenue, ne saurait atténuer la responsabilité de la Ville de Paris qu'à hauteur de 25 % et que la somme que la Ville de Paris a été condamnée à lui verser a été limitée à 18 054,50 euros et non au montant demandé de 362 920,92 euros.
3. Les requêtes n°s 21PA04840 et 21PA05128 qui présentent à juger les mêmes questions, ont fait l'objet d'une instruction commune et sont dirigées contre le même jugement. Il y a donc lieu de les joindre pour y statuer E... un même arrêt.
Sur la régularité du jugement :
4. Aux termes de l'article R. 731-3 du code de justice administrative : " A l'issue de l'audience, toute partie à l'instance peut adresser au président de la formation de jugement une note en délibéré ". Lorsqu'il est saisi, postérieurement à la clôture de l'instruction et au prononcé des conclusions du rapporteur public, d'une note en délibéré émanant d'une des parties à l'instance, le juge administratif doit dans tous les cas en prendre connaissance avant la séance au cours de laquelle sera rendue la décision. S'il a toujours la faculté, dans l'intérêt d'une bonne justice, de rouvrir l'instruction et de soumettre au débat contradictoire les éléments contenus dans la note en délibéré, il n'est tenu de le faire, à peine d'irrégularité de sa décision, que si cette note contient, soit l'exposé d'une circonstance de fait dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction et que le juge ne pourrait ignorer sans fonder sa décision sur des faits matériellement inexacts, soit l'exposé d'une circonstance de droit nouvelle ou que le juge devrait relever d'office.
5. Il ressort du dossier de première instance, transmis à la Cour E... le Tribunal administratif de Paris, que M. D... a produit une note en délibéré le 3 juillet 2021 que les premiers juges ont visé dans le jugement attaqué sans la communiquer. Si la Ville de Paris soutient que le jugement attaqué est irrégulier dès lors qu'il est fondé sur les observations contenues dans cette note en délibéré, elle n'apporte aucune précision quant aux éléments qui figuraient dans cette note et qui auraient été repris E... les premiers juges sans être présents dans les écritures antérieures. E... suite, le moyen selon lequel le jugement attaqué serait irrégulier pour ce motif doit être écarté.
Sur les demandes d'indemnisation de M. D... et de la CPAM du Puy-de-Dôme :
Sur l'engagement de la responsabilité de la Ville de Paris :
6. Pour obtenir réparation E... le maître de l'ouvrage des dommages qu'ils ont subis à l'occasion de l'utilisation d'un ouvrage public, les usagers doivent démontrer devant le juge administratif, d'une part, l'existence d'un lien de causalité direct entre l'ouvrage et le dommage, d'autre part, la réalité de leur préjudice. Pour s'exonérer de la responsabilité qui pèse sur elle, il incombe à la collectivité, maître de l'ouvrage, soit d'établir qu'elle a normalement entretenu l'ouvrage, soit de démontrer la faute de la victime ou l'existence d'un événement de force majeure.
Sur le défaut d'entretien normal et l'absence de signalisation :
7. Il n'est pas contesté E... les parties que le 22 mars 2019 à 16h25, M. D... a été victime d'un accident de scooter au croisement des rues Saint-Dominique et Casimir Périer à Paris où se trouvait un dénivelé d'une profondeur d'environ 5 centimètres laissé E... les travaux inachevés d'élargissement du trottoir de la rue Casimir Périer. La Ville de Paris soutient que cette excavation présente sur la voie publique ne constitue pas un défaut d'entretien normal dès lors que la localisation de ce dénivelé, qui n'empiétait que sur l'extrémité de la chaussée de la rue Casimir Périer, se trouvait à l'angle donnant sur cette rue depuis la rue Saint-Dominique débouchant sur un passage piéton et des places de stationnement réservées aux deux-roues, de sorte qu'un conducteur circulant sur la rue Saint-Dominique, qui est une voie en sens unique, n'avait aucune raison de rouler sur le dénivelé engendré E... les travaux d'élargissement du trottoir de la rue Casimir Périer. Il résulte toutefois de l'instruction et notamment des photographies produites E... les parties que si les travaux d'élargissement du trottoir sont effectivement localisés sur le bord de la chaussée, le long du trottoir, ils sont d'une largeur non contestée d'environ 70 centimètres et ne sont pas dans le prolongement immédiat du parc de stationnement pour les véhicules à deux roues, si bien que le dénivelé engendré E... lesdits travaux ne peut être considéré comme étant localisé sur une partie de la chaussée non destinée à la circulation des véhicules, contrairement à ce que soutient la Ville de Paris. Or, alors que ce dénivelé E... rapport à la chaussée en bitume constituait un danger excédant celui auquel peut s'attendre à rencontrer un usager d'un véhicule à deux roues normalement attentif, il est constant qu'il n'était pas signalé. Dans ces conditions, dès lors que la Ville de Paris n'apporte pas la preuve de l'entretien normal du chantier réalisé pour son compte, cette défectuosité du trottoir est constitutive d'un défaut d'entretien normal de l'ouvrage à l'égard de M. D..., usager de cet ouvrage, de nature à engager la responsabilité de la Ville de Paris.
Sur la mise en cause de l'Etat :
8. La Ville de Paris soutient que le défaut précité de signalisation adéquate ne lui est pas imputable dès lors que le jour de l'accident, le préfet de police avait expressément, E... arrêté du 21 mars 2019, requis des services de la Ville de Paris l'enlèvement de cette signalisation en prévision de la manifestation prévue le 23 mars 2019. Il ressort de l'ordre de réquisition du 21 mars 2019 que le préfet de police a donné pour instruction que des mesures conservatoires de protection soient prises sur les voies, portions de voies et abords d'institutions et de sites sensibles qu'il a énumérés se situant sur l'itinéraire de la manifestation prévue consistant notamment en l'identification et l'enlèvement des chantiers ou engins de chantier et des barrières de protection, matériaux, gravats, outils et tout objet pouvant servir d'arme E... destination ou de projectiles. Si les rues à l'angle desquelles l'accident de M. D... a eu lieu ne sont pas citées dans cet ordre de réquisition, la Ville de Paris soutient qu'elles se situent néanmoins aux abords de trois institutions listées, à savoir l'Assemblée nationale, l'immeuble du 101 rue de Grenelle et le ministère des affaires étrangères, de sorte que l'enlèvement des barrières de protection et des éléments de signalisation des travaux se trouvant à cet endroit était requis E... le préfet de police. Toutefois, le croisement des rues Saint-Dominique et Casimir Périer ne peut être considéré, compte tenu de sa localisation, comme étant aux abords de ces trois institutions. E... ailleurs, la Ville de Paris ne peut utilement se prévaloir de la circonstance que ce croisement se trouverait à proximité du ministère du travail, du ministère des armées ou encore de la mairie de 7ème arrondissement, qui ne sont, en tout état de cause, pas énumérées E... l'ordre de réquisition. De plus, à supposer même que les rues où a eu lieu l'accident puissent être regardées comme étant visées E... cet ordre de réquisition, celui-ci donnait pour instruction, s'agissant des chantiers situés sur les voies publiques, de faire " boucher et goudronner tous les trous, tranchées et autres ouvertures sur la chaussée et les trottoirs ", de sorte que la Ville de Paris ne peut, en tout état de cause, se prévaloir de la circonstance que le défaut de signalisation de l'excavation à l'origine du dommage dont a été victime M. D... serait imputable au préfet de police et E... conséquent à l'État. E... suite, contrairement à ce que soutient la Ville de Paris, c'est sans erreur d'appréciation que les premiers juges ont mis l'État hors de cause.
Sur la faute de la victime :
9. Aux termes de l'article R. 412-9 du code de la route : " En marche normale, tout conducteur doit maintenir son véhicule près du bord droit de la chaussée, autant que le lui permet l'état ou le profil de celle-ci. (...) ".
10. La Ville de Paris soutient que l'imprudence grave de M. D... est à l'origine de son accident tandis que ce dernier et la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme soutiennent qu'il n'a commis aucune faute et que la densité de la circulation au moment de l'accident l'a empêché de voir l'obstacle. Si la Ville de Paris soutient que M. D... circulait dans des conditions imprudentes et contraires au code de la route en méconnaissance des dispositions de l'article R. 412-9 du code de la route dès lors qu'il roulait sur le dénivelé présent sur l'accotement et non pas sur la chaussée au croisement des rues Saint-Dominique et Casimir Périer, au niveau du passage piéton et à moins de trois mètres d'un parc de stationnement pour véhicules à deux roues, en souhaitant échapper au flux de circulation qu'il jugeait trop important en vue de contourner les véhicules en circulation sur leur droite, il résulte de l'instruction et notamment des photographies du lieu de l'accident produites E... les parties que l'excavation à l'origine de la chute de la victime se situe bien sur la chaussée et non pas sur l'accotement de sorte qu'il ne peut pas lui être reproché d'avoir circulé à cet endroit. Néanmoins, il résulte de l'instruction et il n'est pas contesté que l'accident en litige est survenu le vendredi 22 mars 2019 à 16h25 avec une bonne visibilité et à proximité du lieu de travail de la victime, et la circonstance que la circulation était dense devait amener M. D... à faire preuve de prudence tout comme la présence d'un passage piéton à la sortie du virage situé au croisement des rues Saint-Dominique et Casimir Périer, de sorte que, dans les circonstances de l'espèce, l'intéressé aurait dû faire preuve de davantage d'attention pour le franchissement de ce virage et a ainsi commis une faute de nature à exonérer partiellement la Ville de Paris de sa responsabilité. Il sera fait une juste appréciation de la faute de la victime en laissant à sa charge la moitié des conséquences dommageables de son accident comme l'ont jugé à bon droit les premiers juges.
Sur les préjudices subis E... M. D... :
Sur la perte de gains professionnels :
11. M. D..., qui exerce la profession d'avocat, soutient qu'il a dû interrompre totalement l'activité de son cabinet du 22 mars au 4 septembre 2019 et que, depuis, il ne l'a reprise que partiellement, ne pouvant plus plaider, assister aux réunions d'expertise judiciaire ou se rendre chez ses clients, et qu'il a ainsi subi un préjudice professionnel de 250 000 euros dès lors que les honoraires qu'il a facturés d'avril 2019 à mars 2020 sont en baisse de 24 % E... rapport à la même période de l'année précédente. Il précise néanmoins qu'il n'y a pas eu une interruption totale d'activité de son cabinet, même durant sa période d'arrêt de travail du 22 mars au 4 septembre 2019 puisqu'il a été assisté dans sa tâche E... trois collaborateurs avocats, mais que la facturation d'honoraires a fortement chuté. Il résulte de l'instruction que s'il ressort du rapport établi le 13 janvier 2021 E... le cabinet Meralli Ballou que la comparaison d'honoraires facturés d'avril 2019 à mars 2020 à ceux enregistrés sur la même période les années antérieures montre une baisse de 24 %, les avis d'imposition sur le revenu de M. D... font, toutefois, apparaître que ce dernier a perçu au titre de l'année 2019 des revenus professionnels supérieurs à ceux qu'il avait déclarés au titre des années 2016, 2017 et 2018. E... suite, dès lors que la réalité de ce chef de préjudice n'est pas établie, la demande d'indemnisation formulée à ce titre ne peut qu'être rejetée comme l'ont jugé à bon droit les premiers juges.
Sur l'assistance temporaire E... une tierce personne :
12. La juste évaluation à laquelle les premiers juges ont procédé en fixant au montant de 15 055 euros dont M. D... demande la confirmation l'aide humaine non spécialisée dont il a eu besoin selon le rapport d'expertise du 17 décembre 2020 du docteur B... est maintenue et, E... suite, la somme de 7 527,50 euros mise à la charge de la Ville de Paris à ce titre compte tenu du partage de responsabilité retenu est confirmée.
Sur les frais divers :
13. En premier lieu, l'évaluation des frais de vêtements à remplacer suite à l'accident dont M. D... a été victime à hauteur de 200 euros dont ce dernier demande le maintien est confirmée, soit la somme de 100 euros mise à la charge de la Ville de Paris à ce titre compte tenu du partage de responsabilité retenu.
14. En deuxième lieu, le montant de 2 880 euros retenu E... les premiers juges au titre des frais de médecin-conseil est confirmé comme le demande M. D..., ce qui conduit à confirmer l'indemnisation de 1 440 euros mise à la charge de la Ville de Paris à ce titre compte tenu du partage de responsabilité retenu.
15. En dernier lieu, dès lors que le requérant n'établit pas que son assureur ne l'aurait pas indemnisé des dommages subis E... son scooter, aucune somme ne peut lui être allouée à ce titre et il y a lieu de confirmer le jugement attaqué en ce qui concerne ce chef de préjudice.
Sur le déficit fonctionnel temporaire :
16. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que M. D... a subi un déficit fonctionnel temporaire total lors de ses hospitalisations, à savoir du 22 au 27 mars 2019, du 12 au 18 avril 2019, le 15 mai 2019, du 25 au 28 novembre 2019 et du 11 au 15 décembre 2019. Il a également subi une période de déficit fonctionnel temporaire partiel à 75 % du 28 mars au 11 avril 2019, du 19 avril 2019 au 14 mai 2019, du 16 mai 2019 au 4 septembre 2019, puis un déficit fonctionnel temporaire partiel de 50 % du 5 septembre 2019 au 24 novembre 2019, du 29 novembre 2019 au 10 décembre 2019 et du 16 décembre 2019 au 28 janvier 2020 et enfin une période de déficit fonctionnel temporaire partiel de 25 % du 29 janvier 2020 au 16 juin 2020, date de consolidation de son état de santé. Les premiers juges ont procédé à une juste appréciation du déficit fonctionnel temporaire de M. D... en l'évaluant à la somme globale de 3 174 euros. Il y a lieu de la maintenir et E... suite de confirmer l'indemnisation de 1 587 euros mise à la charge de la Ville de Paris à ce titre compte tenu du partage de responsabilité retenu.
Sur les souffrances endurées :
17. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que les souffrances endurées E... M. D... suite à l'accident dont il a été victime ont été évaluées à 5 sur une échelle de 7. Il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en portant la somme qui lui a été allouée E... les premiers juges à 14 000 euros, conduisant à ce que la somme de 7 000 euros soit mise à la charge de la Ville de Paris à ce titre compte tenu du partage de responsabilité retenu précédemment.
Sur le préjudice esthétique :
18. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que M. D... a dû porter une contention au niveau du membre inférieur gauche et utiliser un fauteuil roulant, puis des cannes anglaises et que son préjudice esthétique permanent a été évalué à 2 sur l'échelle de 7. Les premiers juges ont procédé à une juste appréciation de ce chef de préjudice en l'évaluant à la somme globale de 1 800 euros. E... suite, il y a lieu de confirmer la somme de 900 euros mise à la charge à ce titre de la Ville de Paris compte tenu du partage de responsabilité retenu précédemment.
Sur le préjudice d'agrément :
19. M. D... soutient qu'il est titulaire du permis de navigation de plaisance et qu'il pratiquait assidûment, avant l'accident, la pêche en mer en étant propriétaire d'un bateau à moteur et qu'il ne peut plus s'adonner à cette activité ni à celles du ski, de la randonnée et de la marche sportive. Il fait valoir, E... ailleurs, que son activité de bricolage est également fortement limitée. Toutefois, comme devant les premiers juges, il ne justifie que de sa pratique de l'activité de pêche en mer pour laquelle les premiers juges ont procédé à une juste appréciation en retenant la somme de 1 000 euros et en mettant ainsi à bon droit à la charge de la Ville de Paris à ce titre une indemnisation à hauteur de 500 euros compte tenu du partage de responsabilité retenu.
Sur l'assistance E... une tierce personne après consolidation et le déficit fonctionnel permanent :
20. Il résulte de l'instruction que les premiers juges ont considéré à bon droit qu'ils ne disposaient pas des éléments suffisants pour pouvoir déterminer l'étendue des préjudices subis E... M. D... au titre du déficit fonctionnel permanent et la nature de ses besoins en termes d'assistance E... une tierce personne après consolidation. E... suite, les demandes de M. D... et de la Ville de Paris tendant à ce que la Cour se prononce sur ces deux chefs de préjudice ne peuvent qu'être écartées.
21. Il résulte de ce qui précède que la somme globale de 18 054,50 euros accordée E... le tribunal à M. D... doit être portée à la somme de 19 054,50 euros qu'il convient d'arrondir à 19 100 euros, les droits de la CPAM du Puy-de-Dôme étant inchangés.
Sur l'appel en garantie formulé E... la Ville de Paris :
22. Pour les mêmes motifs que ceux développés au point 8 du présent arrêt, les conclusions de la Ville de Paris tendant à ce que la Cour condamne l'Etat à la garantir des sommes qui seraient mises à sa charge ne peuvent qu'être rejetées.
23. Il résulte de tout ce qui précède, d'une part, que M. D... est seulement fondé à demander que la somme de 18 054,50 euros accordée E... le tribunal à M. D... soit portée à la somme de 19 100 euros, laquelle sera assortie des intérêts au taux légal à compter du 5 avril 2019, date de réception de la demande préalable d'indemnisation E... la Ville de Paris, ces intérêts étant capitalisés à la date du 8 mai 2021, date de sa demande figurant dans le mémoire enregistré au greffe du tribunal administratif, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date pour produire eux-mêmes intérêts, d'autre part, que la requête de la Ville de Paris est rejetée et, enfin, que les conclusions aux fins d'appel incident de la CPAM du Puy-de-Dôme sont rejetées.
Sur les frais liés à l'instance :
24. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de M. D..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, au titre des frais exposés E... la Ville de Paris et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la Ville de Paris le versement à M. D... de la somme de 2 000 euros et à la CPAM du Puy-de-Dôme de la même somme au titre des frais exposés E... eux et non compris dans les dépens au titre des mêmes dispositions.
Sur les dépens :
25. Aucun dépens n'ayant été exposé au cours de l'instance d'appel, les conclusions présentées E... M. D... et la CPAM du Puy-de-Dôme à ce titre ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La somme de 18 054,50 euros que la Ville de Paris a été condamnée à verser à M. D... E... le jugement du 13 juillet 2021 du Tribunal administratif de Paris est portée à 19 100 euros. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 5 avril 2019. Les intérêts seront capitalisés à la date du 8 mai 2021 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 2 : Le jugement du 13 juillet 2021 du Tribunal administratif de Paris est reformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : La requête de la Ville de Paris est rejetée.
Article 4 : Les conclusions aux fins d'appel incident de la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme sont rejetées.
Article 5 : La Ville de Paris versera à M. D... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : La Ville de Paris versera à la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 7 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 8 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D..., à la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme, à la maire de Paris et au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 14 novembre 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Le Goff, président de chambre,
- M. Ho Si Fat, président assesseur,
- Mme Collet, première conseillère.
Rendu public E... mise à disposition au greffe le 5 décembre 2022.
La rapporteure,
A. C...Le président,
R. LE GOFF
Le greffier,
P. TISSERAND
La République mande et ordonne au préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°s 21PA04840, 21PA05128 |
JADE/CETATEXT000046710489.xml | Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... C... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 24 juin 2021 par lequel le préfet de police a décidé son transfert aux autorités roumaines, responsables de l'examen de sa demande d'asile.
Par un jugement n° 2114637/8 du 23 juillet 2021, la magistrate désignée par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des pièces enregistrées les 27 et 30 août 2021, M. C..., représenté par Me Kwemo, demande à la Cour :
1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;
2°) d'annuler le jugement n° 2114637/8 du 23 juillet 2021 de la magistrate désignée par le président du Tribunal administratif de Paris ;
3°) d'annuler l'arrêté du 24 juin 2021 du préfet de police ;
4°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une attestation de demande d'asile en procédure normale dans un délai de deux semaines à compter de la notification de la décision à intervenir ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à Me Kwemo au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve de sa renonciation à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Il soutient que :
- l'arrêté est insuffisamment motivé ;
- il est entaché d'un vice de procédure dès lors que la brochure d'information sur l'Etat responsable de sa demande d'asile ne lui a pas été remise ;
- il est entaché d'un vice de procédure dès lors qu'il n'a pas été en mesure de présenter ses observations avant son édiction ;
- il méconnaît les dispositions de l'article L. 742-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la même convention ;
- il méconnaît les dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013.
Par un mémoire en défense enregistré le 21 juin 2022, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Par ordonnance du 6 septembre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 22 septembre 2022 à 12h.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal judiciaire de Paris du 15 octobre 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. B... A... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant afghan né le 15 décembre 1983 et entré irrégulièrement sur le territoire français, a déposé une demande d'asile le 7 avril 2021 auprès des services de la préfecture de police. La consultation du système " Eurodac " ayant révélé que ses empreintes avaient été relevées le 1er mars 2021 par les autorités roumaines, le préfet de police a saisi ces dernières le 12 mai 2021 d'une demande de prise en charge de l'intéressé. Par une décision du 24 mai 2021, les autorités roumaines ont répondu favorablement à cette demande. M. C... relève appel du jugement du 23 juillet 2021 par lequel la magistrate désignée par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 juin 2021 par lequel le préfet de police a décidé son transfert aux autorités roumaines, responsables de l'examen de sa demande d'asile.
Sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :
2. Par une décision du 15 octobre 2021, le bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal judiciaire de Paris a statué sur la demande d'aide juridictionnelle présentée le 1er septembre 2021 par M. C.... Dans ces conditions, il n'y a pas lieu de se prononcer sur les conclusions tendant à son admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.
Sur la légalité de l'arrêté contesté :
3. En premier lieu, M. C... reprend en appel les moyens développés en première instance tirés de ce que l'arrêté contesté serait insuffisamment motivé ainsi que de ce qu'il serait entaché de vices de procédure en ce que, d'une part, la brochure d'information sur l'Etat responsable de sa demande d'asile ne lui aurait pas été remise et, d'autre part, qu'il n'aurait pas été en mesure de présenter ses observations avant l'édiction de la mesure. Cependant, le requérant ne développe au soutien de ces moyens aucun argument de droit ou de fait pertinent de nature à remettre en cause l'analyse et la motivation retenues par le tribunal administratif. Il y a lieu, dès lors, d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par la première juge.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 742-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La procédure de transfert vers l'État responsable de l'examen de la demande d'asile ne peut être engagée dans le cas de défaillances systémiques dans l'État considéré mentionné au 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ". Le paragraphe 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 dispose que : " (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable. / Lorsqu'il est impossible de transférer le demandeur en vertu du présent paragraphe vers un État membre désigné sur la base des critères énoncés au chapitre III ou vers le premier État membre auprès duquel la demande a été introduite, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable devient l'État membre responsable ".
5. La Roumanie, État membre de l'Union européenne, est partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut de réfugié, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il doit alors être présumé que le traitement réservé aux demandeurs d'asile dans cet État membre est conforme aux exigences de ces deux conventions internationales et à celles de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Cette présomption ne peut être renversée que s'il y a des raisons sérieuses de croire qu'il existe des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et dans les conditions d'accueil des demandeurs d'asile dans l'État membre responsable, impliquant un traitement inhumain ou dégradant. Or, les allégations de M. C... selon lesquelles il existerait des défaillances systémiques dans la procédure d'examen des demandes d'asile en Roumanie ne sont assorties d'aucun élément permettant d'en établir le bien-fondé.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". L'article 3 de la même convention stipule " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Enfin, aux termes du paragraphe 1 de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 : " Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement (...) ".
7. Eu égard au niveau de protection des libertés et des droits fondamentaux dans les Etats membres de l'Union européenne, lorsque la demande de protection internationale a été introduite dans un Etat autre que la France, que cet Etat a accepté de prendre ou de reprendre en charge le demandeur et en l'absence de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat un non-respect des conditions d'accueil des demandeurs d'asile, qui entraînerait un risque de traitement inhumain ou dégradant, les craintes dont le demandeur fait état quant au défaut de protection dans cet Etat membre doivent en principe être présumées non fondées, sauf à ce que l'intéressé apporte, par tout moyen, la preuve contraire. La seule circonstance qu'à la suite du rejet de sa demande de protection par cet Etat membre, l'intéressé serait susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement, ne saurait caractériser la méconnaissance par cet Etat de ses obligations.
8. D'une part, si M. C... se prévaut de la présence en France d'une personne qu'il désigne comme son frère et qui s'est vu reconnaître le bénéfice de la protection subsidiaire, aucune des pièces produites n'est de nature à établir le lien de parenté dont il se prévaut et il est constant que M. C... n'a séjourné sur le territoire français que pendant une faible durée à la date de l'arrêté contesté, n'apportant ainsi aucune preuve de l'intensité de ses attaches sur le territoire. D'autre part, M. C... se borne à soutenir sans l'établir qu'en cas de transfert en Roumanie, il encourt le risque d'être expulsé vers l'Afghanistan. Dans ces conditions, les moyens tirés de ce que le préfet de police aurait méconnu les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés ainsi que le moyen tiré de ce qu'il aurait méconnu l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 en s'abstenant de faire application de la clause discrétionnaire instituée par cet article.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles présentées au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande d'admission provisoire de M. C... au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. C... est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 14 novembre 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Le Goff, président de chambre,
- M. Ho Si Fat, président assesseur,
- Mme Larsonnier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 décembre 2022.
Le rapporteur,
F. HO SI A... Le président,
R. LE GOFF
Le greffier,
P. TISSERAND
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 21PA04848 |
JADE/CETATEXT000046710462.xml | Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... C... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge, en droits et intérêts de retard, des suppléments d'impôt sur le revenu auxquels elle a été assujettie au titre des années 2014, 2015 et 2016.re des frais exposés.
Par un jugement n° 1903908/7 du 16 novembre 2020, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 15 janvier 2021, Mme C..., représentée par
Me Christophe Gerbet, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 16 novembre 2020 du Tribunal administratif de Montreuil ;
2°) de prononcer la décharge des impositions contestées devant le tribunal ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la procédure est irrégulière en raison de la méconnaissance de l'article L. 13 du livre des procédures fiscales ;
- la proposition de rectification rehaussant les cotisations à l'impôt sur le revenu est insuffisamment motivée en méconnaissance des articles L. 48 et L. 57 du livre des procédures fiscales ;
- les dispositions de l'article 44 octies A du code général des impôts ont été méconnues ;
- elle doit être déchargée des intérêts de retard et de la majoration de 10 % par voie de conséquences de la décharge des impositions en droits ;
- aucun supplément de taxe d'habitation ne saurait en conséquence être mis à sa charge.
Par un mémoire en défense enregistré le 6 mai 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme C... ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 3 octobre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 24 octobre 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- et les conclusions de Mme Prévot, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C... exerce une activité individuelle d'infirmière libérale au 10 rue Paul Langevin à Sevran, située en zone franche urbaine (ZFU). Elle a fait l'objet d'une vérification de sa comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2016, à l'issue de laquelle l'administration a remis en cause l'exonération d'impôt sur les bénéfices prévus à l'article 44
octies A du code général des impôts au titre d'une activité dans un local situé en ZFU et a constaté l'omission de certaines recettes. Par une proposition de rectification du 25 septembre 2017, suivant une procédure contradictoire, Mme C... a été informée du rehaussement de son bénéfice non commercial envisagé au titre des années 2014, 2015 et 2016, une proposition de rectification étant envoyée le même jour à son foyer fiscal. Mme C... relève appel du jugement du 16 novembre 2020 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et majorations, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu qui lui ont été assignées au titre des années 2014, 2015 et 2016.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. En premier lieu, aux termes du I de l'article L. 13 du livre des procédures fiscales : " Les agents de l'administration des impôts vérifient sur place, en suivant les règles prévues par le présent livre, la comptabilité des contribuables astreints à tenir et à présenter des documents comptables. ".
3. Il résulte de l'instruction que la rencontre entre le vérificateur et Mme C..., qui a eu lieu le 29 juin 2017 dans les locaux de la 10ème brigade départementale de vérification, n'avait pour objet que d'informer la requérante des conditions d'engagement de la procédure de vérification de comptabilité, à la suite des courriers de l'administration relatifs à l'ouverture de cette procédure restés sans réponse. Mme C... indique elle-même n'avoir remis au vérificateur, lors de cet entretien, qu'un courrier indiquant qu'elle souhaitait que les opérations de contrôle soient menées dans les locaux de son expert-comptable, et ne soutient à aucun moment que le vérificateur aurait examiné, ni même disposé, le même jour, de documents comptables. Les opérations de vérification de comptabilité ont débuté, après une visite des locaux professionnels de la requérante le 30 juin 2017, au cabinet de l'expert-comptable de Mme C..., conformément à la demande de cette dernière, le 3 juillet 2017, date à laquelle le vérificateur s'est vu remettre la comptabilité. Par suite, Mme C... n'est pas fondée à soutenir que la procédure serait viciée à raison du déroulement de la vérification de la comptabilité dans les locaux du service.
4. En second lieu, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation ". L'article R. 57-1 du même livre dispose que " la proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée ". Il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter, outre la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base des redressements, les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés qui sont nécessaires pour permettre au contribuable de formuler ses observations de manière entièrement utile.
5. Il résulte de l'instruction que la proposition de rectification modèle n° 3924 du
25 septembre 2017 par laquelle le service a informé Mme C... qu'il envisageait de rehausser le montant des bénéfices non commerciaux déclarés au titre des années 2014 à 2016 détaillait les recettes non déclarées en 2015 et 2016, explicitait les motifs du refus du bénéfice de l'exonération dont l'intéressée s'était prévalue et indiquait qu'une proposition n° 2120 lui serait adressée pour tirer les conséquences financières du contrôle sur l'impôt sur le revenu de son foyer fiscal. La proposition modèle n° 2120 du même jour, adressée au foyer fiscal de Mme C..., se référait à la proposition n° 3924 du 25 septembre 2017 pour justifier des impositions supplémentaires à l'impôt sur le revenu envisagées, permettant à l'intéressée de présenter utilement des observations ainsi qu'elle l'a d'ailleurs fait par un courrier du 22 novembre 2017. Cette proposition était ainsi suffisamment motivée et le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions des articles L. 48 et L. 57 du livre des procédures fiscales doit par suite être écarté.
6. Il résulte de ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que la procédure d'imposition serait irrégulière.
Sur le bien-fondé des impositions
7. Selon les dispositions de l'article 44 octies A du code général des impôts, dans leur rédaction applicable aux impositions en litige, les contribuables qui, lorsqu'ils possèdent des locaux situés à l'intérieur d'une zone franche urbaine tout en réalisant des actes en rapport avec cette activité en dehors de cette zone, exercent une activité de type non sédentaire, peuvent se prévaloir du bénéfice de l'exonération de leurs bénéfices, sous réserve notamment, soit qu'ils emploient au moins un salarié sédentaire à plein temps ou équivalent, exerçant ses fonctions dans les locaux affectés à l'activité, soit qu'ils réalisent au moins 25 % de son chiffre d'affaires auprès de clients situés dans les zones franches urbaines.
8. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve au contribuable, il appartient au juge de l'impôt, au vu de l'instruction et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si la situation du contribuable entre dans le champ de l'assujettissement à l'impôt ou, le cas échéant, s'il remplit les conditions légales d'une exonération.
9. Pour refuser le bénéfice de l'exonération de l'article 44 octies A du code général des impôts, le service a considéré que Mme C..., dont le cabinet d'infirmier se situait en ZFU, mais qui n'employait aucun salarié à temps plein, ne justifiait pas avoir réalisé au moins 25 % de son chiffre d'affaires dans cette zone. Il a estimé, en se fondant sur la domiciliation de ses clients, que la part de son activité dans cette zone s'élevait à 22 % en 2014 et 2015 et à 19 % en 2016. Il est constant que l'intéressée a exercé son activité, pour les années en litige, en partie de manière non sédentaire. Si elle conteste l'appréciation portée par l'administration sur la part de son activité qui n'a pas été exercée en ZFU, en soutenant que certains de ses clients domiciliés hors de ces zones se déplaçaient au cabinet pour recevoir les soins, elle ne produit aucun justificatif permettant d'établir la part de son chiffre d'affaires concernée par cette situation. Par ailleurs, les dispositions claires du dernier alinéa du I de l'article 44 octies A conditionnant le bénéfice de l'exonération à l'exercice de 25 % de l'activité en ZFU ne peuvent donner lieu à interprétation. Dans ces conditions, Mme C... n'est pas fondée à soutenir qu'elle pouvait prétendre, au titre des années 2014, 2015 et 2016, au bénéfice de l'exonération prévue par l'article 44 octies A du code général des impôts.
10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Ses conclusions aux fins d'annulation de ce jugement et de décharge, en droits et pénalités, des impositions en litige, ainsi que par voie de conséquence celles présentées au titre des frais d'instance doivent dès lors être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris.
Délibéré après l'audience du 23 novembre 2022, à laquelle siégeaient :
- Mme Brotons, président de chambre,
- Mme Topin, président assesseur,
- M. Magnard, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 décembre 2022.
Le rapporteur,
E. A...Le président,
I. BROTONS
Le greffier,
C. MONGIS
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 21PA00236 |
JADE/CETATEXT000046710476.xml | Vu la procédure suivante :
Par une requête et deux mémoires enregistrés les 9 juin 2021, 18 octobre 2021 et 7 janvier 2022, la société Sud Radio, représentée par Me Cerf, demande à la cour :
1°) d'annuler la décision du 3 mars 2021 par laquelle le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) a rejeté sa candidature pour l'exploitation d'un service de radio dans le ressort du comité territorial de l'audiovisuel de Lyon, dans la zone de Saint-Étienne ;
2°) de mettre à la charge du CSA la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision attaquée est entachée d'incompétence et de vice de forme ; la décision collégiale de rejet de sa candidature prise lors de la réunion du collège plénier du 3 mars 2021 ne comporte aucune signature identifiable et rien ne permet d'attester que le procès-verbal de cette réunion est conforme à la réalité des débats ; les dispositions de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration ont donc été méconnues ;
- cette décision méconnaît les dispositions de l'article 29 de la loi du
30 septembre 1986, étant entachée d'erreur de droit et d'erreur d'appréciation au regard du principe de sauvegarde du pluralisme des courants d'expression socio-culturels qu'elles énoncent ; son service propose ainsi une ligne éditoriale originale, notamment en ce qu'elle n'est pas essentiellement consacrée à l'actualité politique et générale, mais est orientée vers l'actualité rugbystique et les cultures du sud de la France ; elle est donc susceptible de répondre de manière plus pertinente à l'intérêt du public de la zone que le service Radio Salam ; plusieurs radios déjà autorisées dans cette zone proposent des contenus similaires à ceux de cette dernière ; les programmes de Radio Salam, en lien avec la culture arabo-musulmane, ne sont pas d'intérêt local.
Par deux mémoires en défense enregistrés les 2 août 2021 et 21 décembre 2021, le CSA conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
La clôture de l'instruction a été fixée au 23 février 2022.
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- les conclusions de Mme Pena, rapporteure publique,
- et les observations de Me Aubert, représentant la société Sud Radio.
Considérant ce qui suit :
1. Par une décision du 26 juin 2019, publiée au Journal officiel de la République française le 6 juillet, le CSA a lancé un appel aux candidatures pour l'exploitation de services de radio par voie hertzienne terrestre en modulation de fréquence dans le ressort du comité territorial de l'audiovisuel de Lyon, notamment pour la zone de Saint-Étienne. Par une décision du 3 mars 2021, notifiée à la société Sud Radio par courrier du 14 avril 2021, le CSA a rejeté la candidature présentée par l'intéressée pour cette zone. La société requérante demande à la cour d'annuler cette décision.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article 29 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, dans sa rédaction applicable à la date des décisions attaquées : " Sous réserve des dispositions de l'article 26 de la présente loi, l'usage des fréquences pour la diffusion de services de radio par voie hertzienne terrestre est autorisé par le Conseil supérieur de l'audiovisuel dans les conditions prévues au présent article. / Pour les zones géographiques et les catégories de services qu'il a préalablement déterminées, le conseil publie une liste de fréquences disponibles ainsi qu'un appel à candidatures. (...) / Le conseil accorde les autorisations en appréciant l'intérêt de chaque projet pour le public, au regard des impératifs prioritaires que sont la sauvegarde du pluralisme des courants d'expression socio-culturels, la diversification des opérateurs, et la nécessité d'éviter les abus de position dominante ainsi que les pratiques entravant le libre exercice de la concurrence. / Il tient également compte : / 1° De l'expérience acquise par le candidat dans les activités de communication ; / 2° Du financement et des perspectives d'exploitation du service notamment en fonction des possibilités de partage des ressources publicitaires entre les entreprises de presse écrite et les services de communication audiovisuelle ; / 3° Des participations, directes ou indirectes, détenues par le candidat dans le capital d'une ou plusieurs régies publicitaires ou dans le capital d'une ou plusieurs entreprises éditrices de publications de presse ; / 4° Pour les services dont les programmes comportent des émissions d'information politique et générale, des dispositions envisagées en vue de garantir le caractère pluraliste de l'expression des courants de pensée et d'opinion, l'honnêteté de l'information et son indépendance à l'égard des intérêts économiques des actionnaires, en particulier lorsque ceux-ci sont titulaires de marchés publics ou de délégations de service public ; / 5° De la contribution à la production de programmes réalisés localement ; / 6° Pour les services dont les programmes musicaux constituent une proportion importante de la programmation, des dispositions envisagées en faveur de la diversité musicale au regard, notamment, de la variété des œuvres, des interprètes, des nouveaux talents programmés et de leurs conditions de programmation ; / 7° S'il s'agit de la délivrance d'une nouvelle autorisation après que l'autorisation précédente est arrivée à son terme, du respect des principes mentionnés au troisième alinéa de l'article 3-1. / Le Conseil supérieur de l'audiovisuel veille, sur l'ensemble du territoire, à ce qu'une part suffisante des ressources en fréquences soit attribuée aux services édités par une association et accomplissant une mission de communication sociale de proximité, entendue comme le fait de favoriser les échanges entre les groupes sociaux et culturels, l'expression des différents courants socioculturels, le soutien au développement local, la protection de l'environnement ou la lutte contre l'exclusion. / Le conseil veille également au juste équilibre entre les réseaux nationaux de radiodiffusion, d'une part, et les services locaux, régionaux et thématiques indépendants, d'autre part. / Il s'assure que le public bénéficie de services dont les programmes contribuent à l'information politique et générale. (...) ".
3. Dans la zone de Saint-Étienne, où étaient autorisés les services Radio Dio, Radio Espérance, Radio Ondaine, RCF Saint-Étienne et RLF en catégorie A, Activ Radio, Radio Plaine et Radio Scoop en catégorie B, Chérie FM et NRJ en catégorie C, Beur FM, Fun Radio, Nostalgie, Radio Classique, Radio Nova, RFM, Rire et Chansons, RTL 2, Skyrock et Virgin Radio en catégorie D, Europe 1, RMC et RTL en catégorie E, ainsi que les radios de service public France Bleu Saint-Étienne Loire, Mouv', France Info, France Inter et France Musique, et où une fréquence était disponible, le CSA a retenu la candidature du service Radio Salam en catégorie A. Il a écarté la candidature de la société requérante, au titre de la catégorie E, aux motifs que le public de la zone bénéficiait déjà, avec Europe 1, France Info, France Inter, RMC et RTL, et dans une moindre mesure France Bleu Saint-Étienne Loire et Radio Classique, de sept services dont les programmes contribuaient à l'information politique et générale ; il a également estimé que la programmation de Sud Radio était susceptible de contribuer dans une moindre mesure à la sauvegarde des courants d'expression socioculturels et de répondre dans une moindre mesure à l'intérêt du public que celle de Radio Salam, eu égard à notamment à la mission de communication sociale de proximité de cette dernière, dont le format promeut l'intégration, la lutte contre les discriminations, le dialogue entre les cultures et les confessions, et qui propose de la musique arabophone et un programme d'intérêt local composé d'émissions en lien avec le monde et la culture arabes ; il a enfin relevé que le service Radio Salam était déjà autorisé dans la zone de Lyon et proposait un programme spécifique à la zone de Saint-Étienne.
4. Toutefois, dans le cadre du même appel aux candidatures, le CSA a également rejeté, pour la zone de Saint-Étienne, la candidature du service France Maghreb 2, proposant une programmation à destination d'un public franco-marocain, au motif que le public disposait déjà dans la zone de Radio Ondaine et Beur FM, alors que le service Radio Salam s'adresserait à un public plus large, à la fois maghrébin, oriental et proche-oriental, argumentation reprise en défense, dans la présente instance, par l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM). Or, alors au demeurant que le dossier de candidature de Radio Salam précisait qu'elle était très écoutée par les populations originaires du Maghreb, il ne résulte pas des pièces du dossier que la population de la zone de Saint-Étienne comporterait une composante orientale et proche-orientale importante, ou présenterait des spécificités telles qu'une troisième radio tournée vers la culture arabophone répondrait à l'intérêt du public. Par ailleurs, s'agissant du motif du CSA tiré de la mission de communication sociale de proximité remplie par Radio Salam, étaient déjà autorisées dans la zone de Saint-Étienne, comme exposé au point 4 du présent arrêt, cinq radios de catégorie A, correspondant à des services associatifs accomplissant une mission de communication sociale de proximité, et trois radios de catégorie B, correspondant à des services locaux ou régionaux indépendants ne diffusant pas de programme à vocation nationale, tandis que seules trois radios de catégorie E, à laquelle appartient le service Sud Radio, bénéficiaient d'autorisations. Enfin, au regard de la programmation des services déjà présents en catégorie E, Europe 1, RTL et RMC, la société Sud Radio propose un service dont la ligne éditoriale est plus originale, notamment consacrée aux cultures du sud de la France et à l'actualité rugbystique, et est susceptible de répondre de manière pertinente à l'intérêt du public de la zone de Saint-Étienne. Dans ces conditions et dans les circonstances de l'espèce, la société Sud Radio est fondée à soutenir qu'en rejetant sa candidature dans cette zone au profit de celle de l'association Radio Salam, le CSA a commis une erreur d'appréciation.
5. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de la requête, la société Sud Radio est fondée à demander l'annulation de la décision du 3 mars 2021 par laquelle le CSA a rejeté sa candidature pour l'exploitation d'un service de radio dans le ressort du comité territorial de l'audiovisuel de Lyon, dans la zone de Saint-Étienne.
Sur les frais liés au litige :
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'ARCOM le versement de la somme de 1 500 euros à la société Sud Radio sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : La décision du 3 mars 2021 par laquelle le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) a rejeté la candidature de la société Sud Radio pour l'exploitation d'un service de radio dans le ressort du comité territorial de l'audiovisuel de Lyon, dans la zone de Saint-Étienne, est annulée.
Article 2 : L'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM) versera la somme de 1 500 euros à la société Sud Radio en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Sud Radio, à l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique et à l'association Radio Salam.
Délibéré après l'audience du 15 novembre 2022 à laquelle siégeaient :
- M. Ivan Luben, président de chambre,
- Mme Marianne Julliard, présidente-assesseure,
- Mme Gaëlle Mornet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 décembre 2022.
La rapporteure,
G. A...Le président,
I LUBENLa greffière,
N. DAHMANI
La République mande et ordonne à la ministre de la culture, en ce qui la concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21PA03177 |
JADE/CETATEXT000046710460.xml | Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris, à titre principal, de condamner l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) à lui verser la somme totale de 418 736,27 euros en réparation des préjudices résultant pour elle de l'intervention qu'elle a subie le 5 septembre 2007 à l'hôpital Saint Louis et, à titre subsidiaire, d'ordonner la désignation d'un expert afin d'évaluer ces préjudices et de mettre à la charge de l'AP-HP une somme de 40 000 euros à titre de provision.
Par un jugement n° 1309796/6-2 du 17 juin 2014, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 14PA03561 du 18 décembre 2018, la Cour a condamné l'AP-HP à verser à Mme B... la somme de 134 190,15 euros en réparation de ses préjudices et à l'organisme de prévoyance APGIS la somme de 304 559,17 euros en remboursement des frais et prestations avancés au bénéfice de Mme B... et rejeté le surplus des conclusions présentées par Mme B....
Par une décision n°s 428115 et 428149 du 29 décembre 2020, le Conseil d'Etat statuant au contentieux, saisi d'un pourvoi formé par Mme B..., a annulé l'arrêt n° 14PA03561 du 18 décembre 2018 de la Cour administrative d'appel de Paris en tant qu'il statue sur les conclusions de Mme B... tendant à l'indemnisation, d'une part, des préjudices liés aux pertes de part variable de rémunération et de primes de participation et d'intéressement et, d'autre part, de son préjudice de retraite et en tant qu'il condamne l'AP-HP à verser une somme à l'organisme de prévoyance APGIS Vincennes et a renvoyé l'affaire, dans cette mesure, devant la Cour.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 20 janvier et 14 octobre 2022 sous le n° 20PA04321, Mme C... B..., représentée par Me Occhipinti, demande à la Cour :
1°) de condamner l'AP-HP à lui verser la somme de 282 689,34 euros en réparation de ses préjudices ;
2°) de mettre à la charge de l'AP-HP la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la perte des éléments variables de sa rémunération constitue un préjudice certain ; elle percevait trois éléments de rémunération s'ajoutant à sa rémunération de base : la rémunération variable, la participation et l'intéressement ; en 2008, 2009 et 2010, alors que son contrat était suspendu, elle n'a perçu aucune rémunération variable ; le préjudice total subi au titre de la perte de rémunération variable de 2007 à 2015 s'élève à 37 143,62 euros ;
- les sommes perçues jusqu'en 2015 au titre de la participation et de l'intéressement étaient inférieures à celles qu'elle aurait reçues si sa carrière avait continué à se dérouler normalement ; elle percevait en moyenne avant 2007 une somme de 7 538,69 euros et la différence entre les sommes perçues de 2007 à 2015 et la moyenne des années 2004, 2005 et 2006 avant son arrêt de travail s'élève à un montant de 22 937,74 euros ;
- le salaire annuel retenu pour le calcul de sa retraite de base est de 189 497 euros entre 2007 et 2015 alors que si elle avait continué à travailler à temps plein, le salaire annuel retenu pour la même période aurait été équivalent au plafond de la Sécurité Sociale de 318 732 euros et de 325 886,50 euros après la revalorisation du 1er janvier 2015 et elle aurait dû bénéficier de cette différence de 129 235 euros ;
- elle aurait dû bénéficier en 2015 d'un revenu de référence pour le calcul annuel de sa retraite de base de 38 040 euros et de 38 534,52 euros après la revalorisation du 1er janvier 2015 et pouvoir bénéficier d'une retraite de base de 19 267,26 euros alors qu'elle n'aura au maximum que le montant de retraite figurant sur la dernière simulation en date du 4 mars 2020, soit 10 301 euros par an, subissant ainsi un préjudice annuel de retraite de 8 966,26 euros ;
- le préjudice de retraite concerne également les régimes complémentaires AGIRC et ARRCO ; de 2007 à 2015 avec un salaire à temps plein, le nombre de points aurait dû être au moins de 622,75 et aurait dû augmenter ; entre 2007 et 2015, elle perdra ainsi le bénéfice d'environ 300,28 points, soit une valeur totale de ces points perdus de 506,42 euros ;
- le préjudice total annuel de retraite ressort à 9 472,68 euros (8 966,2 + 506,42 euros ) ; en se référant à l'espérance de vie de 23,5 années pour une femme de 65 ans, son préjudice de retraite global s'élève ainsi à 222 607,98 euros ( 9 472,68 euros x 23,5) ; ainsi, son préjudice total est de 282 689,34 euros ( 37 143,62 + 22 937,74 + 222 607,98 euros).
Par un mémoire en défense enregistré le 8 février 2022, l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), représentée par Me Tsouderos, demande à la Cour :
1°) de déclarer irrecevables les conclusions de la Société APGIS ;
2°) de rejeter les conclusions de Madame B... et de la Société APGIS ;
3°) à titre subsidiaire, de ramener le montant des demandes à de plus justes proportions.
L'AP-HP soutient que :
- elle s'oppose aux demandes formulées par la requérante au titre des pertes de parts variables de rémunération et de primes de participation et d'intéressement dans la mesure où d'une part, ces éléments variables de rémunération ne sauraient être assimilés aux éléments fixes dus à la salariée par son employeur, s'agissant de sommes versées en contrepartie de prestations de travail que Mme B... n'a pas assurées et, d'autre part, ces éléments de rémunération sont par définition variables ;
- s'agissant du préjudice de retraite, la demande ne saurait être accueillie dès lors que la perte d'emploi de Mme B... ne résulte pas d'une inaptitude liée à la complication litigieuse, et partant, d'un licenciement pour inaptitude mais d'une adhésion à un plan de départ volontaire, à la suite duquel l'intéressée a bénéficié de formations correspondant à un projet d'études en neurosciences entrepris antérieurement à la biopsie ganglionnaire ; en outre, les calculs opérés par la requérante sont dépourvus de toute force probante ;
- s'agissant des conclusions de l'institution de prévoyance APGIS Vincennes, elle soulève à nouveau la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de ses conclusions qui n'ont pas été soumises aux premiers juges, et présentent un caractère nouveau en appel.
Par un mémoire en défense et en appel incident et un mémoire complémentaire enregistrés les 30 mars 2021 et 4 mars 2022, l'institution de prévoyance APGIS Vincennes, représenté par Me Gatineau, demande la condamnation de l'AP-HP à lui verser les sommes de :
- 420,63 euros au titre des frais de santé intervenus du 5 septembre 2007 au 31 août 2010 ;
- 345,64 euros au titre des frais de santé intervenus du 1er septembre 2010 au 31 septembre 2016 ;
- 126 517,39 euros au titre des prestations incapacité versées ;
- 285 275,31 euros au titre des prestations invalidité également versées du 1er septembre 2010 au 28 février 2021 ;
- ces sommes étant dues avec intérêts au taux légal à compter de la demande du 3 octobre 2018 et capitalisation des intérêts à chaque échéance annuelle ;
- il conclut en outre à ce soit mise à la charge de l'AP-HP la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- venant aux droits de la société Sapia Gestion, il n'a pas été mis en cause devant les juges de première instance alors que Mme B... l'avait appelé en déclaration de jugement commun ; dans les circonstances de l'espèce, ses conclusions sont recevables en appel ;
- par sa position de tiers payeur ayant servi des prestations indemnitaires à Mme B..., il est subrogé dans ses droits à l'encontre de l'AP-HP et l'exercice du droit de subrogation pour la première fois en appel ne s'analyse pas comme une conclusion nouvelle.
Par un mémoire enregistré le 11 avril 2022, l'ONIAM, représenté par Me Ribeiro, conclut à sa mise hors de cause.
Il soutient que les conditions de son intervention ne sont pas réunies dès lors que les dommages subis par Mme B... ont pour cause exclusive une faute médicale commise à l'occasion de l'intervention chirurgicale du 5 septembre 2007 engageant la responsabilité de l'AP-HP.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Ho Si Fat, président assesseur,
- les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique,
- et les observations de Me Occhipinti, représentant Mme B... et de Me Gatineau, représentant l'institution de prévoyance APGIS Vincennes (Dynalis).
Considérant ce qui suit :
1. Mme C... B... a subi le 5 septembre 2007 à l'hôpital Saint-Louis une biopsie chirurgicale d'un ganglion cervical droit, laquelle a donné lieu à des complications consistant en une importante dénervation du nerf spinal accessoire droit avec une atteinte du sterno-cléido mastoïdien et du trapèze droit. Elle a adressé à l'AP-HP une réclamation préalable le 27 juin 2008 afin d'obtenir réparation des préjudices résultant pour elle de cette intervention. Après enquête médicale amiable contradictoire menée par son médecin-conseil, l'AP-HP a reconnu sa responsabilité et a, par décision du 5 décembre 2011, proposé une indemnisation à Mme B... à hauteur de 25 819 euros, déduction faite de l'indemnité provisionnelle de 2 000 euros qui lui avait été versée spontanément par l'AP-HP. Cette proposition est restée sans réponse. Mme B... a adressé à l'AP-HP une nouvelle demande indemnitaire qui a été rejetée le 21 mai 2013. Elle a alors présenté une requête devant le Tribunal administratif aux fins d'indemnisation de ses préjudices. Par un jugement n° 1309796/6-2 du 17 juin 2014, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande comme irrecevable. Par un arrêt du 6 mai 2015, la Cour a annulé le jugement du Tribunal administratif de Paris du 17 juin 2014 et a ordonné la désignation d'un expert. L'expert a déposé son rapport le 23 septembre 2016. Par un arrêt du 29 juin 2017, la Cour a de nouveau ordonné avant-dire droit une expertise complémentaire. L'expert a déposé son rapport complémentaire le 28 juin 2018.
2. Par un arrêt n° 14PA03561 du 18 décembre 2018, la Cour a condamné l'AP-HP à verser à Mme B... la somme de 134 190,15 euros en réparation de ses préjudices et à l'institution de prévoyance APGIS Vincennes la somme de 304 559,17 euros en remboursement des frais et prestations avancés au bénéfice de Mme B... et rejeté le surplus des conclusions présentées par Mme B.... Par une décision n°s 428115 et 428149 du 29 décembre 2020, le Conseil d'Etat statuant au contentieux, saisi d'un pourvoi formé par Mme B..., a annulé l'arrêt n° 14PA03561 du 18 décembre 2018 de la Cour administrative d'appel de Paris en tant qu'il statue sur les conclusions de Mme B... tendant à l'indemnisation, d'une part, des préjudices liés aux pertes de part variable de rémunération et de primes de participation et d'intéressement et, d'autre part, de son préjudice de retraite, et en tant qu'il condamne l'AP-HP à verser une somme à l'organisme de prévoyance APGIS Vincennes et a renvoyé l'affaire, dans cette mesure, devant la Cour.
Sur la fin de recevoir opposée par l'AP-HP aux conclusions de l'organisme de prévoyance APGIS :
3. Il ressort des termes de l'arrêt du Conseil d'Etat du 29 décembre 2020 que, devant la Cour, l'AP-HP avait soulevé une fin de non-recevoir tirée de ce que les conclusions à fin d'indemnisation présentées par la société Sapia Gestion, aux droits de laquelle est venu l'institution de prévoyance APGIS Vincennes, étaient présentées pour la première fois en appel et, par suite, irrecevables, qu'en faisant droit à ces conclusions sans répondre à la fin de non-recevoir soulevée par l'AP-HP, la Cour a entaché son arrêt d'une insuffisance de motivation et que l'AP-HP est, par suite, fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué en tant qu'il la condamne à verser une somme à l'institution de prévoyance APGIS Vincennes.
4. Aux termes de l'article L. 121-12 du code des assurances : " L'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé, jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur... ". Si, en application de ces dispositions, l'assureur, dès le versement à son assuré d'une indemnité d'assurance, est subrogé dans les droits et actions de ce dernier, à concurrence de la somme versée, il lui est loisible de choisir le moment auquel il entend exercer ce droit à subrogation et être dès lors substitué, dans l'instance en cours, à son assuré. Ayant procédé au paiement des indemnités antérieurement à l'intervention de l'arrêt du 18 décembre 2018, l'institution de prévoyance APGIS Vincennes qui était subrogé, à concurrence de ces indemnités, dans les droits et actions de son assurée avait la faculté de demander dans le cadre de la première instance la condamnation de l'AP-HP à les lui rembourser mais il pouvait également ne demander qu'au stade de l'appel le paiement direct du montant des indemnisations versées à son assurée. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par l'AP-HP à la demande de l'institution de prévoyance APGIS Vincennes venant aux droits de la société Sapia Gestion, tirée de ce que ses conclusions aux fins d'indemnisation présentées pour la première fois en appel étaient irrecevables, ne peut qu'être écartée.
5. Il résulte de l'instruction que l'institution de prévoyance APGIS Vincennes atteste par les différents documents qu'elle a produits du versement à Mme B... des sommes de 420,63 euros au titre des frais de santé intervenus entre le 6 septembre 2007 et le 31 août 2010, 345,64 euros au titre de ces mêmes frais intervenus entre le 1er septembre 2010 et le 30 septembre 2016, 126 517,39 euros au titre des prestations incapacité pour la période allant du 6 septembre 2007 au 31 août 2010 et 285 275,31 euros au titre des rentes invalidité du 1er septembre 2010 au 28 février 2021. Par suite, il y a lieu de condamner l'AP-HP à lui verser une somme totale de 412 559,71 euros au titre du remboursement des frais de santé et des prestations versés au bénéfice de Mme B..., cette somme portant intérêts au taux légal à compter du 3 octobre 2018, date de la demande, et les intérêts échus à la date du 3 octobre 2018 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date étant capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.
Sur les préjudices de Mme B... :
En ce qui concerne le préjudice lié aux pertes de part variable de rémunération et de primes de participation et d'intéressement :
6. S'agissant des pertes de part variable de rémunération, il résulte de l'instruction, et notamment de l'attestation de M. A... du service de paie de la société Sanofi, son ancien employeur, et des bulletins de salaire versés au dossier, qu'en 2007, le salaire annuel brut de Mme B... a été de 61 599,96 euros, en 2010, de 63 080, 57 euros et de 2011 à 2014, de 65 604,96 euros, que la part de rémunération variable de l'intéressée représentait 10 % de son salaire annuel brut, que le montant auquel Mme B... aurait pu prétendre pour ces années peut être déterminé par la différence entre le montant perçu et le montant qu'elle aurait dû percevoir si elle n'avait été obligée d'interrompre son activité en 2007 puis de ne la reprendre qu'à temps partiel en 2010. Toutefois, dans la mesure où les revenus perçus, part variable incluse, par Mme B... déterminent les cotisations de retraite à sa charge et le montant de la retraite qu'elle sera amenée à percevoir, il y a lieu, avant-dire droit, d'ordonner un supplément d'instruction aux fins de déterminer le montant devant être retenu au titre de la perte de part variable de rémunération.
7. S'agissant des primes de participation et d'intéressement, dont Mme B... précise dans ses écritures que le mode de calcul ne lui a pas été communiqué par la société Sanofi et qui sont liées, d'une part, aux performances de l'intéressée et, d'autre part, aux résultats économiques et financiers de la société, les documents produits par la requérante, notamment les bulletins de notification de la participation et de l'intéressement, ne permettent pas d'établir avec exactitude le montant du préjudice dont elle demande réparation. En outre, les chiffres mentionnés dans ces documents ne correspondent pas aux chiffres exposés dans ses écritures.
En ce qui concerne le préjudice de retraite :
8. S'agissant du préjudice de retraite dont la requérante demande réparation en raison de la diminution de ses revenus et, partant, de ses cotisations de retraite suite à son interruption d'activité de 2007 à 2010 et à sa reprise à temps partiel de 2010 à 2015, Mme B... produit à l'appui de ses demandes une simulation de l'assurance retraite en date du 4 mars 2020, un tableau des points perdus au titre des régimes complémentaires entre 2007 et 2015 et une estimation globale du montant de son préjudice. Toutefois, ces éléments ne permettent pas de déterminer le préjudice de retraite de l'intéressée, le montant de la retraite mensuelle nette qu'elle aurait perçu si elle avait poursuivi son activité à temps plein dans la société Sanofi de 2007 à 2015 n'étant pas connu de même que le montant de la retraite que percevra effectivement l'intéressée une fois qu'elle aura fait valoir ses droits à la retraite.
9. Il s'ensuit que les éléments fournis par Mme B... à la Cour ne lui permettent pas de déterminer le montant des préjudices mentionnés ci-dessus, il y a lieu, en conséquence, d'ordonner avant-dire droit un supplément d'instruction aux fins d'évaluer ces préjudices en désignant un expert-comptable.
DÉCIDE :
Article 1er : L'AP-HP est condamnée à verser à l'institution de prévoyance APGIS Vincennes la somme de 412 559,71 euros au titre du remboursement des frais de santé et des prestations versés au bénéfice de Mme B..., cette somme portant intérêts au taux légal à compter du 3 octobre 2018, date de la demande, et les intérêts échus à la date du 3 octobre 2018 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date étant capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 2 : Il sera, avant de statuer sur les conclusions de Mme B... tendant à l'indemnisation, d'une part, des préjudices liés aux pertes de part variable de rémunération et de primes de participation et d'intéressement et, d'autre part, de son préjudice de retraite, procédé à une expertise par un expert-comptable désigné par la présidente de la Cour, avec mission pour ledit expert :
1°) de déterminer les revenus de Mme B... sur la base des bulletins de paie fournis par son employeur Sanofi-Aventis, des avis d'imposition, des bulletins de notification de la part de rémunération variable, de la participation et de l'intéressement, en indiquant quel aurait été le montant du salaire mensuel net, du revenu annuel net, de la rémunération variable, de l'intéressement et de la participation qui lui auraient été versés si elle avait poursuivi son activité à temps plein de septembre 2007 (date de l'accident thérapeutique) à septembre 2010 (date de la reprise de son activité à temps partiel) et de septembre 2010 à septembre 2015 (date de son licenciement) et en les comparant aux revenus nets perçus à ces différents titres par l'intéressée au cours de la même période afin de déterminer les revenus dont elle aurait été privée de septembre 2007 à septembre 2015 ;
2°) de déterminer, à partir du salaire de référence qui aurait pu être retenu pour le calcul de la pension de retraite de Mme B... si elle avait poursuivi son activité à temps plein de septembre 2007 à septembre 2015 (indépendamment de son interruption d'activité et de sa reprise à temps partiel), le montant de la retraite mensuelle nette qu'elle aurait perçu au titre du régime général d'assurance retraite et des régimes complémentaires AGIRC-ARRCO ;
3°) de déterminer l'écart annuel entre le montant de la retraite mensuelle nette qu'elle percevra et le montant de la pension de retraite qu'elle aurait dû percevoir sans interruption d'activité et reprise à temps partiel ainsi que l'évaluation totale du préjudice de l'intéressée compte tenu de son espérance de vie.
Article 3 : L'expert accomplira sa mission dans les conditions prévues par les articles R. 621-2 à R. 621-14 du code de justice administrative. L'expert déposera son rapport au greffe de la Cour et en notifiera copie aux parties dans le délai fixé par la présidente de la Cour dans sa décision le désignant.
Article 4 : Les frais et honoraires d'expertise sont réservés pour y être statué en fin d'instance.
Article 5 : Tous droits, moyens et conclusions des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B..., à l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris, à la Caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne, à l'institution de prévoyance APGIS Vincennes, à la caisse primaire d'assurance maladie des Yvelines, à la caisse régionale d'assurance maladie d'Ile-de-France et à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.
Délibéré après l'audience du 14 novembre 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Le Goff, président de chambre,
- M. Ho Si Fat, président assesseur,
- Mme Collet, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 décembre 2022.
Le rapporteur,
F. HO SI FATLe président,
R. LE GOFF
Le greffier,
P. TISSERAND
La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 10PA03855
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N° 20PA04321 |
JADE/CETATEXT000046710474.xml | Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. I... D... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 20 novembre 2020 par lequel le préfet du Val-d'Oise l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, lui a interdit de retourner en France pendant une durée d'un an et a fixé le pays de destination d'une mesure d'éloignement.
Par jugement n° 2019619/5-3 du 27 janvier 2021, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 1er juin 2021, M. D..., représenté par Me Mendy, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2019619/5-3 du 27 janvier 2021 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler l'arrêté du 20 novembre 2020 du préfet du Val-d'Oise ;
3°) d'enjoindre au préfet du Val-d'Oise de réexaminer sa situation dans le délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir, et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;
4°) d'ordonner l'effacement de son signalement dans le fichier européen de non- admission dit F... ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation au bénéfice de la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- l'arrêté a été pris par une autorité incompétente ;
- il est insuffisamment motivé ;
- il est entaché d'une erreur de fait ;
- il n'a pas été précédé d'un examen sérieux et personnalisé de sa situation ;
- sa situation n'a pas été examinée par rapport à la convention relative à la circulation et au séjour des personnes entre la République française et la République du Bénin entrée en vigueur le 1er octobre 1994 et à l'accord France-Bénin relatif à la gestion des flux migratoires et au codéveloppement, signé à Cotonou le 28 novembre 2007 entré en vigueur le 1er mars 2010 ;
- les décisions portant obligation de quitter le territoire français et interdiction de retour méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision de refus de délai de départ volontaire méconnaît les dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;
- la décision portant interdiction de retour est illégale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français.
La requête a été transmise au préfet du Val-d'Oise qui n'a pas produit d'observations.
M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal judiciaire de Paris du 28 avril 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention relative à la circulation et au séjour des personnes entre la République française et la République du Bénin signée le 21 décembre 1992 ;
- l'accord France-Bénin relatif à la gestion concertée des flux migratoires et au codéveloppement du 28 novembre 2007 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. D..., ressortissant béninois né le 19 septembre 1983, est entré en France le 6 décembre 2018 selon ses déclarations. Par arrêté du 20 novembre 2020, le préfet du Val-d'Oise l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, lui a interdit de retourner en France pendant une durée d'un an et a fixé le pays de destination d'une mesure d'éloignement. Par jugement n° 2019619/5-3 du 27 janvier 2021, dont M. D... relève appel, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. En premier lieu, l'arrêté attaqué a été signé par Mme C... G..., " chef de section Eloignement/Comex " au sein des services de la préfecture du Val-d'Oise, qui disposait d'une délégation de signature à cet effet consentie par un arrêté n° 19-078 du 17 juin 2019, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de l'Etat dans le Val-d'Oise le 2 septembre 2019. Par ailleurs, l'absence ou l'empêchement d'un fonctionnaire, qui peut être momentané ou résulter de l'organisation temporaire de la charge de travail entre un responsable et ses collaborateurs, n'a pas à être justifié par l'administration, hors le cas d'allégations factuelles précises de la part de la partie s'en prévalant. En l'espèce, M. D... n'établit pas que M. E... A..., directeur des migrations et de l'intégration et son adjointe, Mme H..., n'auraient pas été absents, empêchés ou indisponibles au moment de l'édiction de l'arrêté attaqué. Dès lors, le moyen tiré de ce que cet arrêté aurait été signé par une autorité incompétente manque en fait.
3. En deuxième lieu, M. D... invoque le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté attaqué. Toutefois, il n'apporte à l'appui de ce moyen, déjà soulevé devant le tribunal administratif, aucun élément nouveau susceptible de remettre en cause l'appréciation portée à juste titre par le premier juge. Il y a dès lors lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit au point 4 du jugement attaqué.
4. En troisième lieu, la circonstance, aussi regrettable soit-elle, que le préfet du Val-d'Oise ait mentionné par erreur dans l'arrêté attaqué que M. D... serait le père d'un enfant de trois mois qui vit en Côte d'Ivoire alors que cette information ne figure pas dans le procès-verbal d'audition du 20 novembre 2020 ni dans aucune autre pièce du dossier, n'est pas de nature à affecter la légalité de cet arrêté dès lors qu'après neutralisation de ce motif de fait erroné, il ressort que les autres motifs sur lesquels est fondé cet arrêté auraient suffi à conduire le préfet du Val-d'Oise à prendre la même décision.
5. En quatrième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Val-d'Oise n'aurait pas, avant de prendre l'arrêté attaqué, procédé à un examen particulier et suffisamment approfondi de la situation de M. D....
6. En cinquième lieu, le moyen tiré de l'absence d'examen de sa situation au regard de la convention relative à la circulation et au séjour des personnes entre la République française et la République du Bénin entrée en vigueur le 1er octobre 1994 et à l'accord France-Bénin relatif à la gestion des flux migratoires et au codéveloppement, signé à Cotonou le 28 novembre 2007 entré en vigueur le 1er mars 2010, qui n'est pas assorti de précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé, alors, en tout état de cause que M. D... n'a fait aucune démarche tendant à la délivrance d'un titre de séjour, doit être écarté.
7. En sixième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
8. M. D... fait valoir que des membres de sa famille ayant pour la plupart la nationalité française vivent en France, qu'il a développé des attaches personnelles et sociales en France en participant notamment aux activités de l'association et qu'il travaille et a déclaré ses revenus en 2019 et 2020. Toutefois, le requérant est célibataire sans charge de famille en France et n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, le Bénin, où il a vécu jusqu'à l'âge de 35 ans et où résident ses parents et sa fratrie. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que le préfet du Val-d'Oise aurait porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en prenant à son encontre une obligation de quitter le territoire français ainsi que le moyen tiré de ce que le préfet aurait méconnu ces dispositions en lui interdisant de retourner en France pendant une durée d'un an doivent être écartés.
9. En septième lieu, aux termes des dispositions alors codifiées au II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine. Eu égard à la situation personnelle de l'étranger, l'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours. / Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français (...) ".
10. M. D... s'est maintenu sur le territoire français après expiration de la durée de validité de son visa et s'est abstenu de toute démarche en vue de régulariser sa situation et d'obtenir un titre de séjour. Contrairement à ce que soutient le requérant, le préfet était, compte tenu de ces éléments, fondé à lui refuser l'octroi d'un délai de départ sur le fondement du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
11. En dernier lieu, dès lors que M. D... n'établit pas que la décision l'obligeant à quitter le territoire français qui lui a été opposée est illégale, les moyens tirés de ce que les décisions fixant le pays de destination et portant interdiction de retour sont illégales par voie de conséquence de l'illégalité de cette décision ne peuvent qu'être écartés.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 20 novembre 2020 par lequel le préfet du Val-d'Oise l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, lui a interdit de retourner en France pendant une durée d'un an et a fixé le pays de destination d'une mesure d'éloignement. Ses conclusions à fin d'annulation ainsi que, par voie de conséquence, celles qu'il a présentées à fin d'injonction et sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. I... D... et au préfet du Val-d'Oise.
Délibéré après l'audience du 14 novembre 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Le Goff, président de chambre,
- M. Ho Si Fat, président assesseur,
- Mme Collet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 décembre 2022.
La rapporteure,
A. B... Le président,
R. LE GOFF
Le greffier,
P. TISSERAND
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 21PA02943 |
JADE/CETATEXT000046710475.xml | Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... F... et Mme D... C... ont demandé au Tribunal administratif de Montreuil de condamner l'établissement public territorial Est Ensemble et, subsidiairement, la société Véolia Eau d'Ile-de-France, à leur verser la somme de 54 426,90 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 12 janvier 2021 capitalisés à chaque année échue.
Par une ordonnance n° 2103633 du 26 avril 2021, le président de la 5ème chambre du Tribunal administratif de Montreuil a rejeté leur demande comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaitre.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 9 juin 2021, M. A... F... et Mme D... C..., représentés par la SELARL Phelip, doivent être regardés comme demandant à la Cour :
1°) d'annuler l'ordonnance n° 2103633 du 26 avril 2021 du président de la 5ème chambre du Tribunal administratif de Montreuil ;
2°) de condamner l'établissement public territorial Est Ensemble et subsidiairement la société Véolia Eau d'Ile-de-France au paiement de la somme totale de 54 426,90 euros portant intérêts au taux légal à compter du 12 janvier 2021, avec capitalisation à chaque année échue ;
3°) de mettre à la charge de l'établissement public territorial Est Ensemble la somme de 3.500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- contrairement à ce qu'a estimé le premier juge, la juridiction administrative est compétente pour connaitre du litige dès lors qu'ils ont la qualité de tiers, et non d'usagers, vis-à-vis de l'ouvrage à l'origine des dommages subis ;
- la responsabilité de l'établissement public territorial Est Ensemble, gestionnaire des réseaux d'assainissement et pluviaux, est engagée à leur égard en raison d'un dommage de travaux publics subi en qualité de riverains, causé par une conduite collective d'assainissement d'eau en mauvais état, ayant entraîné des exfiltrations au droit de l'immeuble, la déstabilisation du sous-sol, puis de la façade de l'immeuble ; à défaut de mise en œuvre de la responsabilité de cet établissement, celle de la société Véolia Eau d'Ile-de-France devra être regardée comme engagée en raison de la fuite d'eau survenue le 14 septembre 2015 ;
- le préjudice subi devra être réparé à hauteur des sommes suivantes :
- 30 426,90 euros au titre des réparations des désordres affectant l'appartement, en ce compris les frais de déménagement,
- 200 euros par mois à compter du 15 septembre 2015 au titre des troubles de jouissance, sur la base d'une valeur locative de 1 000 euros par mois, soit 13 000 euros au 31 mars 2021 sauf à parfaire,
- 1 000 euros au titre du trouble de jouissance à subir pendant la réalisation des travaux nécessitant le déménagement de la famille,
- 5 000 euros au titre du préjudice moral.
Par un mémoire en défense enregistré le 8 février 2022, l'établissement public territorial Est Ensemble, représenté par Me Abecassis, demande à la Cour :
1°) de rejeter la requête de M. F... et Mme C... ;
2°) de condamner M. F... et Mme C... à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- c'est à juste titre que le premier juge a estimé que M. F... et Mme C... avaient la qualité d'usagers et non de tiers vis-à-vis des ouvrages publics d'assainissement et d'eau potable et que le juge administratif n'était pas compétent pour connaitre de leurs demandes ;
- le régime de responsabilité de la personne publique pour un dommage causé à un usager d'un ouvrage public est un régime de responsabilité pour faute, caractérisée par un défaut d'entretien normal de l'ouvrage et la charge de la preuve d'un tel défaut incombe aux requérants ;
- si ces derniers devaient être regardés comme des tiers vis-à-vis de l'ouvrage, la requête devrait être rejetée comme infondée, faute pour ces derniers d'établir l'existence d'un lien de causalité direct et certain entre les dommages invoqués et le réseau d'assainissement qu'il gère ; les conclusions du rapport d'expertise selon lesquelles les désordres qui affectent l'immeuble sont dus au mauvais état de la conduite d'assainissement, siège d'exfiltrations qui ont probablement déstabilisé les terrains sous-jacents de l'immeuble, provoquant l'apparition de fissures dès 2012 et la casse de la conduite d'adduction d'eau potable en 2015 sont contestables dans leur entièreté ; l'hypothèse d'une exfiltration de la conduite d'assainissement comme cause unique des désordres n'est pas avérée et, au niveau de l'immeuble sinistré, il n'existe d'ailleurs pas d'exfiltrations ; en tout état de cause, les exfiltrations éloignées de la copropriété ne peuvent remonter par capillarité et venir déstabiliser les fondations superficielles de la copropriété située à 7,50 m en amont ; la conduite d'alimentation en eau potable de l'immeuble est très ancienne et en fonte grise, matériau réputé fragile et cassant, et malgré cela, la possibilité que ce soit la casse de la canalisation d'eau potable qui aurait causé la déstabilisation de la copropriété et serait à l'origine des désordres n'a pas été évoquée par l'expert ; l'expert a également écarté toute autre hypothèse qui aurait pu causer ou aggraver les désordres, et notamment la nature du sol et la sensibilité de la zone ainsi que la casse du branchement sous domaine privé, qui a donné lieu à des travaux du 18 avril au 16 juin 2017 ; les désordres ont par ailleurs été pris en charge tardivement ; aucune obligation d'indemnisation ne pourra être retenue à son encontre ;
- il y aurait lieu, en tout état de cause, de tenir compte, d'une part, de la responsabilité de la société Véolia Eau d'Ile-de-France, gestionnaire de la conduite d'eau potable, dont la casse a entraîné une fuite d'eau importante, laquelle a nécessairement entraîné une déstabilisation du sol de l'immeuble, d'autre part, de la nature du sol et du défaut de construction de l'immeuble ;
- à titre subsidiaire, une contre-expertise devra être ordonnée sur l'évaluation de sa part de responsabilité en tenant compte de la casse de la conduite d'eau potable et de la nature du sol et du défaut de construction de l'immeuble ;
- il conteste enfin le montant réclamé au titre du préjudice matériel et de jouissance, fondé sur un chiffrage trop imprécis réalisé par l'expert pour l'un et insuffisamment justifié pour l'autre ; par ailleurs, la somme réclamée au titre du préjudice moral n'est pas justifiée en l'absence de résistance abusive de sa part.
Par un mémoire en défense et en appel incident enregistré le 19 octobre 2022, la société Véolia Eau d'Ile-de-France, représentée par Me Duval-Delavanne, doit être regardée comme demandant à la Cour :
1°) à titre principal, de la mettre hors de cause ;
2°) à titre subsidiaire, de rejeter comme irrecevable la demande formée à son encontre par M. F... et Mme C... ;
3°) à titre infiniment subsidiaire, de se déclarer compétente et d'annuler l'ordonnance n° 2103633 du 26 avril 2021 du président de la 5ème chambre du Tribunal administratif de Montreuil, de rejeter les conclusions M. F... et Mme C... formées à son encontre et de juger, en tout état de cause, que l'établissement public Est Ensemble devra la garantir de toute condamnation mise à sa charge ;
4°) de mettre à la charge de la partie perdante la somme de 3 500 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative
Elle soutient que :
- les requérants n'ont pas formulé de demande à son encontre ;
- leur action est irrecevable à son encontre dès lors qu'ils ne justifient d'aucune demande préalable d'indemnisation ;
- la juridiction administrative est compétente pour connaître du litige dès lors que M. F... et Mme C... ont, en l'espèce, la qualité de tiers et non d'usager vis-à-vis des ouvrages publics en cause ;
- elle ne saurait être tenue de les indemniser dès lors qu'il résulte des opérations d'expertise que les désordres affectant l'immeuble, et partant l'appartement des requérants, sont dus au mauvais état de la conduite d'assainissement ; en tout de cause, le fait qu'un ouvrage public, en l'espèce la canalisation d'eau potable, ait pu aggraver un dommage n'est pas suffisant pour engager sa responsabilité dès lors qu'elle n'est pas à l'origine des désordres qui doivent être indemnisés par le seul établissement public territorial Est Ensemble en sa qualité de gestionnaire du réseau
d'assainissement ;
- en tant que de besoin, celui-ci devra la garantir intégralement de toute condamnation qui
serait prononcée à son encontre.
Par ordonnance du 21 septembre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 4 novembre 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique,
- et les observations de Me Rasamoelima, avocat de l'établissement public territorial Est Ensemble.
Considérant ce qui suit :
1. M. F... et Mme C... sont propriétaires d'un appartement au 1er étage gauche d'un immeuble situé 5 rue du Lieutenant E..., à Bagnolet. Le 14 septembre 2015, les caves de cet immeuble ont été inondées. A la demande du syndicat des copropriétaires, la communauté d'agglomération Est Ensemble est intervenue afin de contrôler le réseau d'assainissement. Lors de cette intervention, la chaussée a cédé au passage d'un camion, révélant un vide sous la voie publique ainsi qu'une importante fuite du réseau d'eau potable implanté sous cette voie. La société Véolia Eau d'Ile-de-France, délégataire de la gestion du réseau d'adduction d'eaux potables, est intervenue une première fois le 19 septembre 2015 afin de procéder à la réparation d'un manchon puis, sur la voie, entre le 1er et le 15 octobre 2015, afin de procéder à des travaux de terrassement (réparation d'une fuite). Le 3 décembre 2015, une inspection télévisée du réseau d'assainissement collectif réalisée par la communauté d'agglomération Est Ensemble a révélé d'importants désordres sur cette conduite. Immédiatement après la rupture de canalisation, des désordres étaient apparus sur l'immeuble. Un nouvel affaissement du trottoir s'est produit le 10 juillet 2016. Des travaux de confortement provisoire ont été réalisés le 27 janvier 2017, puis entre le 18 avril et le 5 mai 2017, des travaux de réhabilitation du réseau d'assainissement ont été entrepris par la communauté d'agglomération Est Ensemble. Une expertise amiable a été diligentée au contradictoire de la société Véolia Eau d'Ile-de-France et de la communauté d'agglomération. Par ordonnance du 20 mars 2019, à la demande du syndicat des copropriétaires, le juge des référés du Tribunal administratif de Montreuil a ordonné une mesure d'expertise. L'expert désigné a déposé son rapport le 15 février 2020. Dans l'intervalle, le 27 décembre 2019, le maire de Bagnolet avait pris un arrêté de péril ordinaire. Par un courrier du 12 janvier 2021 reçu par son destinataire le 14 janvier 2021, M. F... et Mme C... ont adressé une demande préalable d'indemnisation à l'établissement public territorial Est Ensemble en lui demandant le paiement des sommes, sauf à parfaire, de 30 429,90 euros correspondant au montant des travaux de remise en état de leur appartement, de 12 400 euros en réparation du préjudice de jouissance arrêté au 31 décembre 2012, de 1 000 euros en réparation du trouble de jouissance subi pendant la réalisation des travaux et de 3 000 euros au titre des frais exposés. L'établissement public n'a pas répondu à cette réclamation. Par une demande enregistrée le 16 mars 2021, M. F... et Mme C... ont saisi le Tribunal administratif de Montreuil tendant à la condamnation de l'établissement public territorial Est Ensemble, ou subsidiairement de la société Véolia Eau d'Ile-de-France, à leur payer la somme totale de 54 426,90 euros, sauf à parfaire. Ils relèvent appel de l'ordonnance du 26 avril 2021 par laquelle le président de la 5ème chambre du Tribunal administratif de Montreuil a rejeté leur demande comme étant portée devant une juridiction incompétente pour en connaitre.
Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :
2. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert du 15 février 2020, que les désordres qui affectent l'immeuble du 5, rue du Lieutenant E... à Bagnolet sont dus au mauvais état de la conduite unitaire d'assainissement. Cette conduite a été le siège d'exfiltrations qui ont progressivement déstabilisé les terrains sous-jacents de l'immeuble provoquant l'apparition de fissures dès 2012 et ont provoqué leur aggravation dans le temps. Ce phénomène s'est étalé sur six années jusqu'à la réparation de la conduite par la collectivité en avril 2017 après la mise en évidence des points de fuite par inspection télévisée en décembre 2015. Outre les conséquences sur la structure de l'immeuble, la déstabilisation du sous-sol a, selon l'expert, affecté la conduite d'adduction d'eau potable en 2015 en provoquant sa casse au droit du n° 5 de la rue du Lieutenant E... et, consécutivement, l'inondation des caves. Il est par conséquent établi que les dommages subis par l'immeuble du 5, rue du Lieutenant E... sont directement liés à l'ouvrage public que constitue la conduite unitaire d'assainissement dont la gestion est du ressort de l'établissement public territorial Est Ensemble et que les copropriétaires de l'immeuble du 5, rue du Lieutenant E... ont la qualité de tiers et non d'usagers par rapport à cet ouvrage public. Il suit de là que les requérants sont fondés à soutenir que c'est à tort que leur demande a été rejetée comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître. Dès lors, il y a lieu d'annuler l'ordonnance du 26 avril 2021 du président de la 5ème chambre du Tribunal administratif de Montreuil et de renvoyer l'affaire devant ledit tribunal pour qu'il y soit statué.
Sur les frais liés au litige :
3. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. F... et de Mme C... qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande l'établissement public territorial Est Ensemble au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'établissement public territorial Est Ensemble la somme de 2 000 euros à verser à M. F... et Mme C... au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de la société Véolia d'Île-de-France présentée au même titre.
DÉCIDE :
Article 1er : L'ordonnance n° 2103633 du 26 avril 2021 du président de la 5ème chambre du Tribunal administratif de Montreuil est annulée.
Article 2 : L'affaire est renvoyée devant le Tribunal administratif de Montreuil.
Article 3 : L'établissement public territorial Est Ensemble versera à M. F... et Mme C... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions de l'établissement public territorial Est Ensemble et de la société Véolia d'Île-de-France présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... F... et Mme D... C..., à l'établissement public territorial Est Ensemble et à la société Véolia Eau d'Ile-de-France.
Délibéré après l'audience du 14 novembre 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Le Goff, président de chambre,
- M. Ho Si Fat, président assesseur,
- Mme Jayer, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 décembre 2022.
La rapporteure,
M-D B...Le président,
R. LE GOFF
Le greffier,
P. TISSERAND
La République mande et ordonne au préfet de la Seine-Saint-Denis en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 21PA03175 |
JADE/CETATEXT000046710461.xml | Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... C... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 10 mars 2020 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jour, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.
Par un jugement n° 2004938 du 4 décembre 2020, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et deux mémoires enregistrés les 4 janvier, 12 février et 21 septembre 2021, M. C..., représenté par Me Angot, demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler le jugement n° 2004938 du 4 décembre 2020 du Tribunal administratif de Montreuil ;
2°) d'annuler l'arrêté du 10 mars 2020 du préfet de la Seine-Saint-Denis ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un titre de séjour dès la notification de la décision à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à Me Angot au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
En ce qui concerne la régularité du jugement :
- il est entaché d'erreurs manifestes d'appréciation ;
En ce qui concerne la légalité de l'arrêté contesté :
- il est insuffisamment motivé ;
-il est entaché d'erreurs manifestes d'appréciation dès lors qu'il justifie d'une considération humanitaire et de motifs exceptionnels de nature à l'admettre exceptionnellement au séjour.
La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis qui n'a pas produit d'observations.
Par ordonnance du 19 novembre 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 23 novembre 2021 à 12h.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal judiciaire de Paris du 23 juin 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. B... A... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant sri-lankais né le 18 août 1965 et entré irrégulièrement sur le territoire français le 10 juillet 2007 selon ses déclarations, a sollicité le 17 juillet 2018 la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans leur rédaction alors en vigueur. Il relève appel du jugement du 4 décembre 2020 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 10 mars 2020 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Hormis dans le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative contestée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Par suite, M. C... ne peut utilement se prévaloir de ce que le jugement attaqué serait entaché d'erreurs manifestes d'appréciation.
Sur la légalité de l'arrêté contesté :
3. En premier lieu, si M. C... soutient que l'arrêté contesté serait insuffisamment motivé, il n'assortit ce moyen d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé.
4. Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".
5. D'une part, l'arrêté en litige vise la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, notamment ses articles 3 et 8, ainsi que les dispositions pertinentes du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. D'autre part, le préfet de la Seine-Saint-Denis a précisé que le réexamen de la demande d'asile de M. C... a été rejeté par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 25 novembre 2011, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) du 19 septembre 2012, a également indiqué qu'il ne possédait aucune attache familiale en France, qu'il ne justifiait d'aucune expérience ou qualification professionnelle ni de perspective réelle d'embauche et que, compte tenu des circonstances propres à la situation du requérant, il n'était pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, ni qu'il serait exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine. Dans ces conditions, l'arrêté contesté comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, en application des dispositions précitées du code des relations entre le public et l'administration. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner sa recevabilité, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de l'arrêté contesté doit être écarté.
6. En second lieu, aux termes du premier alinéa de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir (...) ".
7. L'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile permet la délivrance de deux titres de séjour de nature différente que sont la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " et la carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire " mentionnée au 1° de l'article L. 313-10. En présence d'une demande de régularisation présentée sur ce fondement par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels et, à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ". Dans cette première hypothèse, l'existence d'une menace grave, directe et individuelle contre la vie ou la personne d'un étranger qui demande sa régularisation pour des raisons humanitaires peut être prise en considération, sans qu'elle soit subordonnée à la condition que l'étranger rapporte la preuve qu'il est visé spécifiquement en raison d'éléments propres à sa situation personnelle dès lors que le degré de violence aveugle caractérisant le conflit armé atteint un niveau si élevé qu'il existe des motifs sérieux et avérés de croire qu'un civil renvoyé dans le pays ou la région concernés courrait, du seul fait de sa présence sur le territoire, un risque réel de subir ces menaces, quand bien même les demandes d'asile qu'il aurait déposé auraient été rejetées par l'OFPRA et la CNDA. Dans la seconde hypothèse, un demandeur qui justifierait d'une promesse d'embauche ou d'un contrat lui permettant d'exercer une activité, ne saurait être regardé, par principe, comme attestant de motifs exceptionnels exigés par la loi. Il appartient en effet à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment, si la qualification, l'expérience et les diplômes de l'étranger ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule, dans un métier et une zone géographique caractérisés par des difficultés de recrutement, de même que tout élément de sa situation personnelle dont l'étranger ferait état à l'appui de sa demande, tel que par exemple, l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour.
8. D'une part, si M. C... fait valoir qu'il est menacé par les forces de l'ordre sri-lankaises dès lors que sa famille et lui-même ont soutenu les révoltes menées par le peuple tamoul, il n'établit ni être visé par une menace grave, directe et individuelle contre sa vie ou sa personne, ni un degré de violence aveugle caractérisant un conflit armé se déroulant dans son pays d'origine. S'il se prévaut également de la durée significative de sa présence sur le territoire français, il n'établit pas résider habituellement en France depuis plus de dix ans à la date de l'arrêté contesté, dès lors qu'il se borne à produire des avis d'imposition indiquant une absence de revenus pour une période comprise entre 2007 et 2019. Ainsi, le requérant ne justifie pas de circonstances humanitaires ou de motifs exceptionnels au sens des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors qu'il ressort, au demeurant, des pièces du dossier qu'il ne se prévaut d'aucune attache familiale en France, sa femme et ses enfants vivant toujours au Sri Lanka, et que son frère séjournerait en Norvège.
9. D'autre part, M. C... se borne à produire une promesse d'embauche d'une société de nettoyage datée du 16 juillet 2018, élément insuffisant pour justifier d'une admission exceptionnelle au séjour en qualité de salarié. Par suite, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas entaché l'arrêté contesté d'erreurs manifestes d'appréciation en considérant que M. C... ne remplissait pas les conditions d'admission exceptionnelle au séjour de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte et celles présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.
Délibéré après l'audience du14 novembre 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Le Goff, président de chambre,
- M. Ho Si Fat, président assesseur,
- Mme Jayer, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 décembre 2022.
Le rapporteur,
F. HO SI A... Le président,
R. LE GOFF
Le greffier,
P.TISSERAND
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 21PA00105 |
JADE/CETATEXT000046710449.xml | Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du 8 novembre 2021 par lequel la préfète d'Indre-et-Loire l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination, et d'enjoindre à la préfète de lui délivrer un titre de séjour temporaire dans un délai de quinze jours, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.
Par un jugement n° 2104438 du 2 mars 2022, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 1er avril 2022, M. A..., représenté par Me. Ségolène Rouille-Mirza, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;
3°) d'enjoindre à la préfète d'Indre-et-Loire de lui délivrer un titre de séjour temporaire, dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative, au titre des fra is exposés et non compris dans les dépens.
Il soutient que :
- sa requête est recevable ;
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est entachée d'un défaut de motivation ;
- la préfète d'Indre-et-Loire n'a pas procédé à un examen sérieux de sa situation ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que les dispositions de l'article L.721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est aussi entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers en France ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience dans la présente instance.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Albertini, président de chambre, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A..., ressortissant tchadien né le 17 novembre 1993, a déclaré être entré régulièrement sur le territoire français le 25 juin 2019, sous couvert d'un visa de court séjour valable du 25 juin 2019 au 8 octobre 2019. Il a sollicité l'asile le 30 juillet 2019 auprès des services de la préfecture du Loiret. Toutefois, l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA) a rejeté sa demande par une décision du 14 juin 2021, et la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) a confirmé cette décision le 2 novembre 2021. Par un arrêté du 8 novembre 2021, la préfète d'Indre-et-Loire l'a ensuite obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination, à savoir le Tchad ou tout autre pays où l'intéressé serait légalement admissible. M. A... relève appel du jugement du 2 mars 2022 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté précité.
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L.211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ". Aux termes de l'article L.211-5 de ce même code : " La motivation (...) doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".
3. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté attaqué vise les dispositions sur lesquelles il se fonde, et fait état des éléments relatifs à la situation personnelle de M. A..., notamment quant à ses conditions d'entrée sur le territoire français, aux démarches entreprises ainsi qu'à sa vie privée et familiale. Il s'ensuit que l'arrêté précité comporte les considérations de droit et de fait qui le fondent, de telle sorte que le moyen tiré du défaut de motivation doit être écarté.
4. En second lieu, il découle des éléments énoncés au point 3 que la préfète d'Indre-et-Loire ne peut être considérée comme n'ayant pas procédé à un examen sérieux et approfondi de la situation personnelle de M. A..., dès lors que la décision attaquée fait mention des éléments relatifs à la situation personnelle de l'intéressé. Par suite, ce moyen doit également être écarté.
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
5. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". De plus, aux termes de l'article L.721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut désigner comme pays de renvoi : 1° Le pays dont l'étranger a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu la qualité de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; / 2° Un autre pays pour lequel un document de voyage en cours de validité a été délivré en application d'un accord ou arrangement de réadmission européen ou bilatéral ; / 3° Ou, avec l'accord de l'étranger, tout autre pays dans lequel il est légalement admissible. / Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".
6. M. A... fait valoir qu'il serait exposé à des risques de persécutions à raison de ses opinions politiques et religieuses, outre son homosexualité, dans son pays d'origine. Il précise notamment qu'il aurait subi, avant son arrivée en France, de multiples menaces à N'Djamena, sa ville d'origine, et qu'il aurait aussi subi des traitements relevant des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales précité, à raison notamment de son adhésion à l'Union nationale pour la démocratie et le renouveau, parti opposant du gouvernement, et de sa participation à une manifestation organisée par ce parti.
7. Toutefois, si M. A... verse aux débats de multiples pièces relatives à son séjour sur le territoire français et à la situation des homosexuels au Tchad, notamment un article de portée générale concernant le refus des autorités d'instaurer le mariage homosexuel, il n'apporte aucun élément de nature à établir son engagement militant et qu'il serait ciblé par les autorités du fait de son engagement, et ne justifie pas non plus de risques encourus personnellement du fait de son orientation sexuelle. Il ressort en outre des pièces du dossier que son récit n'a convaincu ni l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, ni la Cour nationale du droit d'asile, qui ont rejeté sa demande d'asile aux motifs que ses déclarations concernant son militantisme et son orientation sexuelle étaient très imprécises, voire schématiques et stéréotypées.
8. Compte tenu de ces éléments, c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré que le requérant ne démontre pas être exposé à un risque actuel, grave et personnel de subir des traitements inhumains ou dégradants en cas de retour dans son pays d'origine, de telle sorte que les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent tous deux être écartés.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Rouille-Mirza.
Copie en sera adresse à la préfète d'Indre-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 10 novembre 2022, à laquelle siégeaient :
M. Albertini, président de chambre,
M. Mauny, président assesseur,
Mme Viseur-Ferré, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 décembre 2022.
Le président-assesseur,
O. MAUNYLe président-rapporteur,
P.-L. ALBERTINILa greffière,
F. PETIT-GALLAND
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
2
N° 22VE00756 |
JADE/CETATEXT000046710478.xml | Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société OAP a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge, en droits et intérêts de retard, des suppléments d'impôt sur les sociétés, de taxe sur la valeur ajoutée et de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises auxquels elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2014, 2015 et 2016 ainsi que de l'amende qui lui a été infligée sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts.
Par un jugement n° 1912518/7 du 13 avril 2021, le Tribunal administratif de Montreuil a prononcé la décharge de l'amende fondée sur l'article 1759 du code général des impôts et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 11 juin et 7 septembre 2021, la société OAP, représentée par Me Philippe Pescayre, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 13 avril 2021 du Tribunal administratif de Montreuil ;
2°) de prononcer la décharge des impositions contestées devant le tribunal ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la méthode de reconstitution de la comptabilité est excessivement sommaire et viciée ;
- le manquement délibéré fondant la pénalité de l'article 1729 du code général des impôts n'est pas justifié.
Par des mémoires en défense enregistrés les 9 août et 4 octobre 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la société OAP ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 17 janvier 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 7 février 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- les conclusions de Mme Prévot, rapporteur public,
- et les observations de Me Rongeat représentant la société OAP.
Considérant ce qui suit :
1. La société OAP, qui exploite un supermarché à Sevran, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité ayant porté sur les exercices 2014 et 2015, étendu au 31 janvier 2017 pour la seule taxe sur la valeur ajoutée. A la suite d'une reconstitution de son chiffre d'affaires, l'administration lui a notifié des rappels de taxe sur la valeur ajoutée sur la période de 2014 à 2016 et des suppléments d'impôt sur les sociétés et de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises au titre des exercices clos en 2014 et 2015, assortis de majorations et de l'amende prévue par l'article 1759 du code général des impôts. Le Tribunal administratif de Montreuil, par un jugement du 13 avril 2021, a prononcé la décharge de l'amende infligée à la société sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts et a rejeté le surplus de sa demande. La société OAP relève appel de ce jugement en tant qu'il n'a fait que partiellement droit à ses conclusions à fin de décharge.
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : " Lorsque l'une des commissions visées à l'article L. 59 est saisie d'un litige ou d'une rectification, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission. / Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou la rectification est soumis au juge. (...) ".
3. Il est constant que la comptabilité des exercices contrôlés présentait de graves irrégularités et que les impositions en litige ont été établies conformément à l'avis de commission départementale des impôts directs et indirects du 7 décembre 2018. Dès lors, en application des dispositions précitées de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales, il appartient à la société OAP d'apporter la preuve de l'exagération de ces impositions.
4. En deuxième lieu, si la société requérante soutient que le service ne pouvait pas fonder la reconstitution de son chiffre d'affaires sur les montants ressortant des données de caisse brutes dont l'écart par rapport au chiffre d'affaires déclaré n'a pu être expliqué, dès lors que la comptabilité n'avait pas été jugée fiable, elle ne propose aucune autre méthode de reconstitution, alors que la méthode retenue par l'administration, fondée sur des données propres à l'entreprise, ne peut être regardée comme radicalement viciée ou excessivement sommaire. Par ailleurs, la société requérante ne démontre pas le caractère exagéré des impositions en se référant aux statistiques nationales de l'INSEE et de la Fédération des centres de gestion agréés relatives aux taux de marge des commerces de boucherie et des supérettes, qui ne permettent pas une comparaison utile avec les caractéristiques de l'activité de la société, qui dispose d'un rayon boucherie au sein de son établissement, ni avec les conditions commerciales de son exercice, notamment au regard de son implantation géographique. Par suite, les moyens tirés du caractère sommaire de la reconstitution de comptabilité et du caractère exagéré des impositions en litige doivent être écartés.
5. En dernier lieu, aux termes de l'article 1729 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux impositions en litige : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : 40 % en cas de manquement délibéré. (...) ". Il résulte de ces dispositions que la pénalité pour manquement délibéré a pour seul objet de sanctionner la méconnaissance par le contribuable de ses obligations déclaratives. Pour établir le caractère délibéré du manquement, l'administration doit apporter la preuve, d'une part, de l'insuffisance, de l'inexactitude ou du caractère incomplet des déclarations et, d'autre part, de l'intention de l'intéressé d'éluder l'impôt.
6. Il résulte de l'instruction que le service s'est fondé sur les manquements nombreux, graves, tant du point de vue de leur montant absolu ayant conduit à l'occultation de 137 416 euros, 343 647 euros et 284 144 euros de recettes respectivement pour les exercices clos en 2014, 2015 et 2016, que de leur caractère répété, constatés lors du contrôle, sur la non conservation des données des caisses balances et des caisses enregistreuses centrales servant à justifier des recettes, et sur la circonstance que la société ne pouvait ignorer ces occultations au regard de l'importance des sommes non déclarées. Dans ces conditions, et alors même que les minorations de recettes n'auraient représenté que 10,37 % du chiffre d'affaires en 2014, 13,42 % en 2015 et 8,91% en 2016, l'administration apporte la preuve du caractère délibéré des manquements constatés et, par suite, justifie du bien-fondé de l'application de la majoration de 40 % prévue au a) de l'article 1729 du code général des impôts.
7. Il résulte de tout ce qui précède, que la société OAP n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté le surplus de sa demande. Ses conclusions aux fins d'annulation de ce jugement et de décharge, en droits et majorations, des impositions restant en litige doivent ainsi être rejetées, ainsi que, par voie de conséquence, les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société OAP est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société OAP et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée au chef des services fiscaux chargé de la direction de contrôle fiscal d'Ile-de-France
Délibéré après l'audience du 23 novembre 2022, à laquelle siégeaient :
- Mme Brotons, président de chambre,
- Mme Topin, président assesseur,
- M. Magnard, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 décembre 2022.
Le rapporteur,
E. A...Le président,
I. BROTONS
Le greffier,
C. MONGIS
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 21PA03249 |
JADE/CETATEXT000046710487.xml | Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société en nom collectif (SNC) Pompes funèbres calédoniennes a demandé au Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie de condamner la Nouvelle-Calédonie à lui verser une somme de 6 000 000 francs CFP en réparation des préjudices subis du fait de l'illégalité de la décision de l'inspecteur du travail du 25 avril 2018 par laquelle il s'est déclaré incompétent pour se prononcer sur la demande d'autorisation de licenciement pour inaptitude qu'elle avait présentée pour M. A....
Par un jugement n° 2000356 du 29 avril 2021, le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 30 juillet 2021, la SNC Pompes funèbres calédoniennes, représentée par Me Elmosnino, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2000356 du 29 avril 2021 du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie ;
2°) de condamner la Nouvelle-Calédonie à lui verser une somme de 50 280 euros (6 000 000 francs CFP) en réparation des préjudices subis du fait de l'illégalité de la décision de l'inspecteur du travail du 25 avril 2018 ;
3°) de mettre à la charge de la Nouvelle-Calédonie une somme de 2 514 euros (300 000 francs CFP) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'inspecteur du travail a commis une erreur de droit en se déclarant incompétent pour se prononcer sur la demande d'autorisation de licenciement pour inaptitude de M. A... ; il a méconnu les dispositions de l'article 17 de la délibération n° 240 du 6 décembre 1960 fixant les mesures de réadaptation fonctionnelle, de rééducation professionnelle et de reclassement des victimes d'accidents du travail ;
- la responsabilité de la Nouvelle-Calédonie est engagée à son encontre ; la décision illégale de l'inspecteur du travail l'a empêchée de licencier M. A... dans le délai d'un mois suivant l'entretien préalable et le Tribunal du travail de Nouméa l'a condamnée, par un jugement du 30 avril 2019, à verser à M. A... une somme totale de 6 446 080 francs CFP (54 018,18 euros) pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- il sera fait une juste appréciation des préjudices engendrés par la décision en litige en lui accordant une indemnité de 50 280 euros (6 000 000 francs CFP).
Par un mémoire en défense enregistré le 24 octobre 2021, le président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, représenté par Me Charlier, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la SNC Pompes funèbres calédoniennes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la requête est irrecevable, faute d'être accompagnée du jugement attaqué ;
- la décision du 25 avril 2018 n'est pas entachée d'illégalité ;
- en tout état de cause, il n'y a pas de lien de causalité entre la faute invoquée et le préjudice dont se prévaut la requérante.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi organique n° 99-209 et la loi n° 99-210 du 19 mars 1999 ;
- le code du travail de la Nouvelle-Calédonie ;
- la délibération n° 240 du 6 décembre 1960 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- et les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. Le 22 mars 2012, la société en nom collectif (SNC) Pompes funèbres calédoniennes a recruté M. A... par un contrat à durée indéterminée. Le 10 août 2013, celui-ci a été victime d'un accident du travail à la suite duquel il a bénéficié d'une rente pour incapacité permanente de 20 %. Le 9 octobre 2017, alors qu'il exerçait les fonctions de responsable de cérémonie, il a été victime d'un nouvel accident du travail. Lors de la visite de pré-reprise du 20 février 2018, le médecin du service médical interentreprises du travail (SMIT) de Nouvelle-Calédonie a établi une fiche d'aptitude avec l'avis suivant " demande de poste sans manutention définitive de charges lourdes et en évitant la station debout prolongée pour la reprise du travail. A revoir à la reprise du travail ". A l'issue de la visite de reprise du travail du 12 mars 2018, le médecin du SMIT a conclu à l'inaptitude définitive de M. A... à tout poste dans l'entreprise. Le 20 mars 2018, la SNC Pompes funèbres calédoniennes l'a convoqué à un entretien préalable à son licenciement qui s'est déroulé le 26 mars suivant. Par un courrier du 9 avril 2018, reçu le 13 avril 2018, la société a demandé à l'inspecteur du travail l'autorisation de procéder au licenciement de M. A... au motif qu'il était impossible de le reclasser au sein de l'entreprise. Par une décision du 25 avril 2018, l'inspecteur du travail a estimé qu'il n'avait pas compétence pour se prononcer sur la demande d'autorisation de licenciement de M. A... et a rejeté la demande de la SNC Pompes funèbres calédoniennes.
2. M. A... a pris acte le 24 avril 2018 de la rupture de son contrat de travail conclu avec la SNC Pompes funèbres calédoniennes. Le 25 mai 2018, il a sollicité du Tribunal du travail la requalification de la prise d'acte de rupture de son contrat de travail en licenciement sans cause réelle et sérieuse. Par un jugement du 30 avril 2019, le Tribunal du travail a fait droit à sa demande et a condamné la SNC Pompes funèbres calédoniennes à verser à l'intéressé la somme de 6 446 080 F CFP (54 018 euros) au titre de diverses indemnités. Estimant que sa condamnation était la conséquence de l'illégalité de la décision de l'inspecteur du travail du 25 avril 2018, la société a présenté le 22 juin 2020 une demande indemnitaire préalable auprès du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie laquelle a été implicitement rejetée. Par un jugement du 29 avril 2021, le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté la demande de la SNC Pompes funèbres calédoniennes tendant à la condamnation de la Nouvelle-Calédonie à lui verser une somme de 6 000 000 francs CFP (50 280 euros) en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de l'illégalité de la décision de l'inspecteur du travail du 25 avril 2018. La SNC Pompes funèbres calédoniennes relève appel de ce jugement.
Sur les conclusions indemnitaires :
3. Aux termes de l'article 17 de la délibération n° 240 du 6 décembre 1960 fixant les mesures de réadaptation fonctionnelle, de rééducation professionnelle et de reclassement des victimes d'accidents du travail : " En cas d'invalidité permanente, si le travailleur est atteint d'une réduction de capacité le rendant professionnellement inapte à son ancien emploi, l'employeur doit, indépendamment des mesures prévues aux sections I et II de la présente délibération, s'efforcer de le reclasser dans son entreprise en l'affectant à un poste correspondant à ses aptitudes et à ses capacités. / Si l'employeur ne dispose d'aucun emploi permettant le reclassement, le licenciement devra être soumis à la décision de l'Inspecteur du Travail et des Lois Sociales ". Il résulte de ces dispositions que l'inspecteur du travail se prononce sur une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié lorsque que ce dernier est atteint d'une invalidité permanente, que cette réduction de capacité qui l'affecte le rend professionnellement inapte à son emploi et que l'employeur ne dispose d'aucun emploi permettant le reclassement.
4. Il ne résulte pas de l'instruction et il n'est ni soutenu ni allégué que M. A... était atteint d'une invalidité permanente lorsque la SNC Pompes funèbres calédoniennes a sollicité de l'inspecteur du travail l'autorisation de procéder à son licenciement. Dans ces conditions, les conditions cumulatives prévues par les dispositions de l'article 17 de la délibération n° 240 du 6 décembre 1960 ne sont pas remplies. Par suite, l'inspecteur du travail a pu estimer sans commettre d'erreur de droit que la situation de M. A... n'entrait pas dans le champ d'application de ces dispositions au motif qu'aucun élément produit à l'appui de la demande ne permettait de regarder comme remplie la condition de l'invalidité permanente. Par ailleurs, il résulte de l'instruction que M. A..., qui n'était ni délégué syndical ni délégué du personnel et n'était pas investi de fonctions représentatives, n'avait pas la qualité de salarié protégé. Par suite, l'inspecteur du travail n'avait pas compétence pour se prononcer sur la demande d'autorisation de licenciement de M. A... à un autre titre que celui de l'article 17 de la délibération n° 240 du 6 décembre 1960 et pouvait ainsi légalement rejeter la demande de la SNC Pompes funèbres calédoniennes. L'inspecteur du travail n'ayant commis aucune faute, la responsabilité de la Nouvelle-Calédonie ne saurait être engagée à l'encontre de la SNC Pompes funèbres calédoniennes. Il s'ensuit que les conclusions indemnitaires présentées par celle-ci doivent être rejetées.
5. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité de la requête, que la SNC Pompes funèbres calédoniennes n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande.
Sur les frais liés à l'instance :
6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la SNC Pompes funèbres calédoniennes demande au titre des frais liés à l'instance. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la SNC Pompes funèbres calédoniennes la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie au titre de l'instance.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SNC Pompes funèbres calédoniennes est rejetée.
Article 2 : La SNC Pompes funèbres calédoniennes versera au gouvernement de la Nouvelle-Calédonie la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent jugement sera notifié à la SNC Pompes funèbres calédoniennes et au gouvernement de la Nouvelle-Calédonie.
Copie sera adressée au Haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie.
Délibéré après l'audience du 14 novembre 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Le Goff, président de chambre,
- M. Ho Si Fat, président assesseur,
- Mme Larsonnier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 décembre 2022.
La rapporteure,
V. B... Le président,
R. LE GOFF
Le greffier,
P. TISSERAND
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 21PA04401 2 |
JADE/CETATEXT000046710493.xml | Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... A... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 11 mai 2021 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande d'admission au séjour au titre de l'asile, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office.
Par un jugement n° 2107656 du 21 septembre 2021, la magistrate désignée par le président du Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 18 octobre 2021 et 14 septembre 2022, M. A..., représenté par Me Sidobre, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2107656 du 21 septembre 2021 de la magistrate désignée par le président du Tribunal administratif de Montreuil ;
2°) d'annuler l'arrêté du 11 mai 2021 du préfet de la Seine-Saint-Denis ou, à titre subsidiaire, la décision fixant le Bangladesh comme pays de destination ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un récépissé de demande d'asile et de procéder au réexamen de sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 000 euros à verser à Me Sidobre en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de renonciation par son conseil à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;
- l'arrêté contesté a été pris en méconnaissance de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; il est impossible d'obtenir un rendez-vous auprès des services de la préfecture lorsque le récépissé de demande de titre de séjour est en cours de validité ; il n'a ainsi pas pu se rendre à la préfecture pour présenter de nouveaux éléments avant l'édiction de l'arrêté contesté ;
- il est entaché d'une erreur de droit dès lors que le préfet s'est cru en situation de compétence liée par la décision de la Cour nationale du droit d'asile et n'a pas procédé à un examen sérieux et approfondi des risques qu'il encourt en cas de retour dans son pays d'origine du fait de ses opinions politiques ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; il dispose d'éléments nouveaux, postérieurs à la décision de la Cour nationale du droit d'asile, qu'il souhaitait faire valoir dans le cadre d'une demande de réexamen de sa demande d'asile devant l'Office français de protection des réfugiés et apatrides.
La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis qui n'a pas produit de mémoire en défense.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal judiciaire de Paris du 30 mars 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant bangladais né le 10 juin 1981, entré en France le 20 janvier 2020 selon ses déclarations, a sollicité l'asile le 28 février 2020. Sa demande a été rejetée par une décision du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 9 novembre 2020, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 27 janvier 2021. Par un arrêté du 11 mai 2021, le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande d'admission au séjour au titre de l'asile, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office. Par un jugement du 21 septembre 2021, dont M. A... relève appel, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En jugeant que M. A..., qui faisait valoir qu'il disposait d'éléments nouveaux depuis le rejet de sa demande d'asile par la Cour nationale du droit d'asile, n'apportait pas d'élément suffisamment probant de nature à établir qu'il serait directement, personnellement et actuellement soumis à des risques de traitements inhumains ou dégradants en cas de retour dans son pays d'origine et que s'il faisait également valoir qu'il souhaitait exercer un recours contre la décision de refus d'asile de la Cour nationale du droit d'asile, il est constant qu'il n'avait pas, à la date de l'arrêté attaqué, introduit de demande de réexamen de sa demande d'asile auprès des services de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, le premier juge a énoncé de manière suffisamment précise les motifs pour lesquels il a estimé que la décision fixant le Bangladesh comme pays de destination ne méconnaît pas les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il s'ensuit que le moyen tiré de l'insuffisante motivation du jugement attaqué doit être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...) 4° La reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou il ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 542-1 et L. 542-2, à moins qu'il ne soit titulaire de l'un des documents mentionnés au 3° ; (...) ". Aux termes de l'article L. 542-1 de ce code : " (...) Lorsqu'un recours contre la décision de rejet de l'office a été formé dans le délai prévu à l'article L. 532-1, le droit du demandeur de se maintenir sur le territoire français prend fin à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile ou, s'il est statué par ordonnance, à la date de la notification de celle-ci ". Aux termes de l'article L. 721-4 du même code : " L'autorité administrative peut désigner comme pays de renvoi : / 1° Le pays dont l'étranger a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu la qualité de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; (...) / Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".
4. En premier lieu, aux termes de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " 1. Toute personne a le droit de voir ses affaires réglées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union. / 2. Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre (...) ". Aux termes de l'article 51 de cette Charte : " 1. Les dispositions de la présente Charte s'adressent aux institutions et organes de l'Union dans le respect du principe de subsidiarité, ainsi qu'aux Etats membres uniquement lorsqu'ils mettent en œuvre le droit de l'Union. En conséquence, ils respectent les droits, observent les principes et en promeuvent l'application, conformément à leurs compétences respectives (...) ". Si le moyen tiré de la violation de l'article 41 précité par un Etat membre de l'Union européenne est inopérant, dès lors qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que cet article ne s'adresse qu'aux organes et aux organismes de l'Union, le droit d'être entendu, qui fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union, implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne. Il ne saurait cependant être interprété en ce sens que l'autorité nationale est tenue, dans tous les cas, d'entendre l'intéressé lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur la décision en cause.
5. Dans le cas prévu au 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile cité au point 3, où la décision faisant obligation de quitter le territoire français est prise après que la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger, l'obligation de quitter le territoire français découle nécessairement du défaut de reconnaissance de cette qualité ou de ce bénéfice. L'étranger qui présente une demande d'asile ne saurait ignorer qu'en cas de rejet de sa demande, il pourra, si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire lui ont été définitivement refusés, faire l'objet d'une mesure d'éloignement du territoire français. Il lui appartient, lors du dépôt de sa demande d'asile, lequel doit en principe faire l'objet d'une présentation personnelle du demandeur à la préfecture, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles, et notamment celles de nature à permettre à l'administration d'apprécier son droit au séjour au regard d'autres fondements que celui de l'asile. Il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux. Le droit de l'intéressé d'être entendu, ainsi satisfait avant que n'intervienne le refus de la reconnaissance de la qualité de réfugié, n'impose pas à l'autorité administrative de le mettre à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français qui est prise en conséquence du refus définitif de reconnaissance de la qualité de réfugié.
6. M. A..., qui entre dans le champ d'application des dispositions du 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a été mis à même de présenter ses observations lors de la procédure d'asile le concernant. S'il soutient qu'il est impossible d'obtenir un rendez-vous auprès des services de la préfecture lorsque le récépissé de demande de titre de séjour est en cours de validité, il n'établit pas avoir sollicité en vain un tel entretien, ni avoir été empêché, lors de sa demande d'admission au séjour au titre de l'asile comme pendant la durée de son instruction, de formuler toute remarque utile susceptible d'influer sur la décision préfectorale. Par suite, et alors que le préfet n'était pas tenu d'inviter M. A... à formuler des observations avant l'édiction de l'arrêté contesté, le moyen tiré de la méconnaissance du droit de l'intéressé à être entendu ne peut qu'être écarté.
7. En deuxième lieu, il ressort des termes de l'arrêté contesté que le préfet, qui ne s'est pas estimé en situation de compétence liée par la décision de la Cour nationale du droit d'asile, a procédé à un examen particulier de la situation de M. A... au regard des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
8. En dernier lieu, aux termes des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
9. M. A... soutient qu'il sera exposé à des persécutions en cas de retour dans son pays d'origine du fait de ses opinions politiques, de sa condamnation par les autorités bangladaises pour un crime grave de droit commun qu'il n'a pas commis ainsi que des difficultés politiques du Bangladesh et qu'il dispose d'éléments nouveaux depuis le rejet de sa demande d'asile par la Cour nationale du droit d'asile. Cependant, il ne produit aucune pièce au soutien de ces allégations. Dans ces conditions, il n'établit pas qu'il encourrait des risques personnels et réels pour sa sécurité en cas de retour dans son pays d'origine alors, au demeurant, que sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.
Délibéré après l'audience du 14 novembre 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Le Goff, président de chambre,
- M. Ho Si Fat, président assesseur,
- Mme Larsonnier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 décembre 2022.
La rapporteure,
V. B... Le président,
R. LE GOFF
Le greffier,
P. TISSERAND
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 21PA05448 2 |
JADE/CETATEXT000046710492.xml | Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du 20 juin 2018 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé la société Distrilap à procéder à son licenciement pour motif disciplinaire.
Par un jugement n° 1807697 du 20 septembre 2021, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 1er octobre 2021 et le 27 septembre 2022, M. B..., représenté par Me Bordacahar, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1807697 du 20 septembre 2021 du tribunal administratif de Montreuil ;
2°) d'annuler la décision de l'inspecteur du travail du 20 juin 2018 ;
3°) de mettre à la charge de la société Distrilap une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision est insuffisamment motivée quant à l'existence d'un lien entre le licenciement et son mandat ;
- la décision est fondée sur des faits de vol de marchandises qui ne sont pas établis ; un jugement rendu le 9 novembre 2019 par le tribunal correctionnel de Bobigny l'a relaxé des chefs de vol en réunion et tentative de vol en réunion ; en tout état de cause, les documents produits par la société Distrilap ne permettent pas d'établir la matérialité des faits qui lui sont reprochés ;
- la procédure de licenciement présente un lien avec son mandat.
Par un mémoire, enregistré le 8 juillet 2022, et un second mémoire non communiqué, enregistré le 12 octobre 2022, la société Distrilap, représentée par Me Abordjel, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 27 septembre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au
12 octobre 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C...,
- les conclusions de Mme Pena, rapporteure publique,
- et les observations de Me Pelanda, représentant la société Distrilap.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... a été recruté le 3 juillet 2006 par la société Distrilap en qualité de vendeur service au sein du magasin Lapeyre situé à Aubervilliers. Il détenait par ailleurs un mandat de délégué du personnel suppléant. Par un courrier du 17 mai 2018, la société Distrilap a sollicité auprès de l'inspection du travail l'autorisation de licencier M. B... pour motif disciplinaire. Par une décision du 20 juin 2018, l'inspecteur du travail a autorisé le licenciement de M. B.... Ce dernier a alors saisi le tribunal administratif de Montreuil d'un recours tendant à l'annulation de cette décision. Par un jugement du 20 septembre 2021, dont M. B... relève appel, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 2421-5 du code du travail : " La décision de l'inspecteur du travail est motivée. ".
3. S'il appartenait à l'inspecteur du travail, qui avait à apprécier si la demande d'autorisation de licenciement de M. B... était en rapport avec ses fonctions représentatives ou son appartenance syndicale, de motiver sa décision sur ce point, il n'était pas tenu de mentionner préalablement les raisons pour lesquelles il estimait devoir écarter l'existence d'un lien avec son mandat. Dès lors, si la décision attaquée, qui relève expressément l'absence de lien entre la demande d'autorisation de licenciement et le mandat détenu par M. B..., ne mentionne pas les raisons qui ont conduit l'inspecteur du travail à écarter l'existence d'un tel lien, cette circonstance n'est pas de nature à caractériser une insuffisance de motivation. Par suite, le moyen doit être écarté.
4. En deuxième lieu, l'autorité de la chose jugée au pénal ne s'impose à l'administration comme au juge administratif qu'en ce qui concerne les constatations de fait que les juges répressifs ont retenues et qui sont le support nécessaire du dispositif d'un jugement devenu définitif, tandis que la même autorité ne saurait s'attacher aux motifs d'un jugement de relaxe tirés de ce que les faits reprochés ne sont pas établis ou de ce qu'un doute subsiste sur leur réalité. Il appartient, dans ce cas, à l'autorité administrative d'apprécier si les mêmes faits sont suffisamment établis et, dans l'affirmative, s'ils constituent une faute d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement.
5. A l'appui de sa demande d'autorisation de licenciement, la société Distrilap fait grief à M. B... d'avoir tenté, le 27 avril 2018, de soustraire frauduleusement de la marchandise dans le dépôt du magasin Lapeyre d'Aubervilliers, au préjudice de l'entreprise pour un montant de 5 243 euros.
6. D'une part, il ressort des pièces du dossier que par un jugement du tribunal correctionnel de Bobigny en date du 9 novembre 2019, M. B... a été relaxé au bénéfice du doute des poursuites engagées à son encontre pour des faits de vol en réunion et tentative de vol en réunion commis le 27 avril 2018 au sein du magasin Lapeyre d'Aubervilliers. Dès lors, les motifs de ce jugement de relaxe ne faisaient pas obstacle, par eux-mêmes, à ce que l'inspecteur du travail comme le tribunal administratif apprécie, au vu des pièces du dossier, la matérialité des faits reprochés au requérant. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'autorité absolue de la chose jugée au pénal doit être écarté.
7. D'autre part, pour établir la matérialité des faits, la société Distrilap produit un constat d'huissier rédigé le 4 mai 2018 à la suite du visionnage des images de vidéosurveillance du dépôt montrant que le 27 avril 2018 à 5 heures 07, M. B... a chargé sur un chariot deux portes et deux habillages de porte et qu'à 5 heures 54, une camionnette blanche a profité de l'ouverture du portail électrique pour s'introduire dans l'enceinte du dépôt. Si les images de vidéosurveillance n'ont pas permis de visualiser la suite des faits reprochés en l'absence de caméras situées dans la " zone parquet " du dépôt, il ressort d'une attestation établie le jour même de l'incident par M. A..., collègue de M. B..., qu'étonné de la présence d'une camionnette en dehors des horaires d'ouverture du dépôt, il a prévenu ses deux supérieurs hiérarchiques qui se sont alors dirigés vers le véhicule stationné en " zone parquet ". Selon les témoignages de ces supérieurs, également rédigés le jour des faits, ces derniers ont constaté la présence de M. B... et de deux autres personnes non salariées de l'entreprise derrière la camionnette, à l'intérieur de laquelle se trouvait de la marchandise appartenant au dépôt, dont deux portes et deux habillages de porte correspondant aux cartons chargés par M. B... plus tôt dans la matinée. Interrogé sur la présence de ces marchandises dans cette camionnette, le salarié a répondu qu'il ne faisait " rien " puis " je me fais mon augmentation de salaire ". Un de ses supérieurs lui alors demandé de décharger immédiatement ces marchandises et M. B... s'est exécuté ainsi que cela ressort de l'attestation de M. A... et des images de vidéosurveillance montrant l'intéressé en train de remettre les deux portes et deux habillages de porte à leur emplacement initial à 6 heures 05. Pour contester la matérialité des faits, M. B... soutient que les documents produits par l'employeur ne permettent pas d'établir qu'il aurait chargé de la marchandise dans cette camionnette et se prévaut, pour la première fois en appel, d'attestations de deux collègues indiquant que M. B... a chargé les deux portes et deux habillages de porte à la demande de l'un d'entre eux afin de les stocker à l'étage du dépôt, ce qui témoignerait de son absence d'intention frauduleuse. Toutefois, ces attestations, établies en septembre 2019, ne sont pas de nature à remettre en cause les témoignages précis et circonstanciés de ses supérieurs et de M. A... dont la version des faits concorde avec l'analyse des images de vidéosurveillance. En outre, il ressort des pièces du dossier que les déclarations de M. B... ont évolué dans le temps, ce dernier ayant d'abord indiqué que le chauffeur de la camionnette lui avait simplement demandé si la marchandise chargée dans son coffre était destinée au dépôt puis, devant l'inspecteur du travail, que le chauffeur lui avait demandé son chemin. Par suite, et ainsi que l'ont retenu les premiers juges, l'intéressé n'est pas fondé à soutenir qu'un doute subsiste sur la matérialité des faits qui lui sont reprochés.
8. En dernier lieu, M. B... soutient que le comportement de la société Distrilap est constitutif d'une discrimination à son égard et se prévaut notamment de précédentes tentatives de licenciement en 2013 et 2017. S'il ressort des pièces du dossier qu'une demande d'autorisation de licenciement le concernant a été refusée le 23 juillet 2013 au motif de l'existence d'un lien avec le mandat, cette circonstance ne suffit pas à établir que la nouvelle demande présentée par son employeur le 17 mai 2018 serait également en rapport avec ses fonctions représentatives. En outre, si M. B... produit une lettre de convocation à un entretien préalable du 6 janvier 2017 faisant état d'une possible sanction disciplinaire, il n'apporte aucun élément quant aux suites qui y ont été données. Par suite, le moyen tiré de ce que son licenciement serait en lien avec son mandat doit être écarté.
9. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Sur les frais liés à l'instance :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la société Distrilap, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement d'une somme au titre des frais exposés par M. B... et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B... le versement d'une somme à la société Distrilap sur le fondement des mêmes dispositions.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la société Distrilap présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B..., au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion et à la société Distrilap.
Délibéré après l'audience du 15 novembre 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Ivan Luben, président de chambre,
- Mme Marianne Julliard, présidente-assesseure,
- Mme Gaëlle Dégardin, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 décembre 2022.
La rapporteure,
G. C...Le président,
I. LUBEN
La greffière,
N. DAHMANI
La République mande et ordonne au ministère du travail, du plein emploi et de l'insertion en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 21PA05291 |
JADE/CETATEXT000046710486.xml | Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société NEO a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des suppléments d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2015, 2016 et 2017 ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés pour la période du 1er juillet 2014 au 30 juillet 2017.re des frais exposés.
Par un jugement nos 1914299/2-1, 1914300/2-1 du 1er juin 2021, le Tribunal administratif de Paris rejeté ces demandes.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 30 juillet 2021, la société NEO, représentée par Me Zamour et Me Goldman, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 1er juin 2021 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de prononcer la décharge des impositions contestées devant le tribunal ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la procédure est irrégulière dès lors que la proposition de rectification a été notifiée au seul cabinet de l'expert-comptable de la société alors qu'aucune élection de domicile n'y avait été faite ;
- la société a été privée d'un délai suffisant pour présenter ses observations ;
- la preuve de l'insuffisance des déclarations de recettes taxables à la taxe sur la valeur ajoutée n'est pas apportée par l'administration sur laquelle reposait la charge de la preuve ;
- le profit sur le Trésor n'est pas justifié.
Par un mémoire en défense enregistré le 26 octobre 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la société NEO ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 12 octobre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 31 octobre 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- les conclusions de Mme Prévot, rapporteur public,
- et les observations de Me Zanzouri représentant la société NEO.
Considérant ce qui suit :
1. La société NEO, qui exerce une activité de holding en réalisant des prestations de services administratifs au profit de ses filiales, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité ayant porté sur la période du 1er juillet 2014 au 30 juin 2017. Des rappels de taxe sur la valeur ajoutée sur la période du 1er juillet 2014 au 30 juin 2017 et des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2016 et 2017 assortis de majorations, lui ont été consécutivement notifiés, suivant une procédure contradictoire, pour un montant total de 60 496 euros. A la suite de sa réclamation préalable, l'administration a prononcé le 20 avril 2019 un dégrèvement en droits et pénalités des cotisations d'impôt sur les sociétés d'un montant de 738 euros au titre de l'exercice clos en 2017. Par un jugement du 1er juin 2021, dont la société NEO relève appel, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des impositions maintenues à sa charge.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. Sur demande du contribuable reçue par l'administration avant l'expiration du délai mentionné à l'article L. 11, ce délai est prorogé de trente jours (...) ". Il résulte de ces dispositions que les rectifications doivent être notifiées au contribuable. En cas de contestation sur ce point, il incombe à l'administration fiscale d'établir qu'une telle notification a été régulièrement adressée au contribuable et, lorsque le pli contenant cette notification a été renvoyé par le service postal au service expéditeur, de justifier de la régularité des opérations de présentation à l'adresse du destinataire. La preuve qui lui incombe ainsi peut résulter soit des mentions précises, claires et concordantes figurant sur les documents, le cas échéant électroniques, remis à l'expéditeur conformément à la règlementation postale soit, à défaut, d'une attestation de l'administration postale ou d'autres éléments de preuve établissant la délivrance par le préposé du service postal d'un avis de passage prévenant le destinataire de ce que le pli est à sa disposition au bureau de poste.
3. Il résulte de l'instruction qu'ainsi que l'ont relevé les premiers juges, l'administration a justifié de la notification régulière de la proposition de rectification du 5 octobre 2018 au siège social de la société requérante le 10 octobre 2018 par la production d'une copie écran du tableau de suivi du courrier recommandé mentionnant la remise au destinataire contre signature à cette date et par une attestation du directeur des services clients entreprises de La Poste établie le 8 août 2019. Il en résulte que la société NEO a été mise à même de présenter ses observations, alors qu'en outre, il n'est pas contesté que l'administration a fait droit à sa demande du 31 octobre 2018 tendant à l'obtention d'un délai supplémentaire pour les présenter. Par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que les dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales auraient été méconnues.
Sur le bien-fondé des impositions
4. En premier lieu, aux termes de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales : Lorsque, ayant donné son accord à la rectification ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré. (...)".
5. La société NEO, qui n'a pas présenté d'observations en réponse à la proposition de rectification du 5 octobre 2018, doit être considérée comme ayant tacitement accepté les rectifications d'impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée qu'elle conteste. Elle supporte en conséquence la charge d'établir, en application des dispositions de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales, que les impositions en litige sont exagérées.
6. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que, pour établir le montant des recettes soumises à la taxe sur la valeur ajoutée, l'administration a retenu les montants résultant des tableaux de rapprochement de taxe présentés par l'expert-comptable mandaté par la société pour la représenter durant les opérations de vérification de comptabilité et ne s'est pas fondée sur les encaissements bancaires de la société à la demande du mandataire de la société, qui a fait valoir que ces encaissements ne correspondaient pas tous à des recettes en raison des nombreuses avances de trésorerie consenties entre sociétés. En se bornant à critiquer de manière sommaire la méthode de calcul des rappels de taxe, qu'elle a au demeurant elle-même proposée au vérificateur, la société NEO n'établit pas le caractère exagéré de ces impositions.
7. En dernier lieu, compte tenu de ce qui a été dit au point précédent, le moyen tiré de ce que les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés résultant des profits sur le Trésor ne seraient pas fondés en conséquence du caractère exagéré des rappels de taxe sur la valeur ajoutée doit être écarté.
8. Il résulte de tout ce qui précède, que la société NEO n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société NEO est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société NEO et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris.
Délibéré après l'audience du 23 novembre 2022, à laquelle siégeaient :
- Mme Brotons, président de chambre,
- Mme Topin, président assesseur,
- M. Magnard, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 décembre 2022.
Le rapporteur,
E. A...Le président,
I. BROTONS
Le greffier,
C. MONGIS
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 21PA04373 |
JADE/CETATEXT000046710479.xml | Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 17 février 2021 par lequel le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2104363 du 20 mai 2021, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a admis M. A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, annulé l'arrêté du 17 février 2021, enjoint au préfet de police de statuer à nouveau sur la situation de M. A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et de le munir, pendant le temps du réexamen, d'une autorisation provisoire de séjour, mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et rejeté le surplus des conclusions de la demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 17 juin 2021, le préfet de police demande à la Cour :
1°) d'annuler les articles 2 à 4 du jugement n° 2104363 du 20 mai 2021 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant le Tribunal administratif de Paris.
Il soutient que :
- c'est à tort que le premier juge a considéré que M. A... disposait d'un droit à se maintenir sur le territoire français en application des dispositions alors en vigueur de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors que la décision de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) rejetant son recours contre la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a été lue en audience publique le 11 février 2021, antérieurement à l'arrêté en litige ;
- les autres moyens soulevés par M. A... en première instance ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense enregistré le 20 janvier 2022, M. A..., représenté par Me Kati, conclut au rejet de la requête et demande à la Cour :
1°) d'annuler l'arrêté du 17 février 2021 du préfet de police ;
2°) à titre subsidiaire, de suspendre sur le fondement de l'article L. 752-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'exécution de la mesure d'éloignement du 17 février 2021 jusqu'à la date de lecture de la décision ou de la notification de l'ordonnance de la Cour nationale du droit d'asile statuant sur sa demande de réexamen de sa demande d'asile ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de maintenir son droit au séjour jusqu'à la décision définitive de la Cour nationale du droit d'asile et de lui délivrer une attestation de demande d'asile ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Me Kati, conseil de M. A..., sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation au bénéfice de la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- il n'est pas établi que la décision de la CNDA rendue le 11 février 2021 a bien été lue en audience publique et que, par voie de conséquence, son droit de se maintenir sur le territoire français a pris fin le 27 avril 2021 ; le préfet de police n'établit pas que le sens de la décision de la CNDA ait été publiquement et régulièrement affiché au sein de la Cour ; en outre, à supposer qu'un simple affichage du sens des décisions satisfasse à l'exigence d'une " lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile ", cet affichage n'est en tout état de cause accessible ni au public ni aux requérants dès lors que la CNDA ne demeure ouverte qu'aux requérants convoqués pour leur audience uniquement et sous réserve de l'accord du service de sécurité ;
- la décision de la CNDA ne lui pas été régulièrement notifiée en l'absence notamment de notification des délais et voies de recours contre cette décision en langue pachto ;
- il renvoie aux autres moyens de légalité externe et interne soulevés en première instance ;
S'agissant de la décision fixant le pays de destination :
- la décision fixant l'Afghanistan comme pays de renvoi méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales eu égard notamment à la situation de la province de Nangarhar dont il est originaire et où résident son épouse et ses enfants ;
S'agissant des conclusions tendant à la suspension de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français :
- l'exécution de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être suspendue, en application de l'article L. 752-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, jusqu'à la date de lecture de la décision ou la notification de l'ordonnance de la Cour nationale du droit d'asile statuant sur sa demande de réexamen.
Par un courrier du 8 novembre 2022, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la Cour est susceptible de soulever d'office le moyen d'ordre public tiré de ce que les conclusions présentées par M. A... tendant à la suspension de l'obligation de quitter le territoire français, qui ne peuvent être présentées que devant le tribunal administratif, ne sont pas recevables.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant afghan, né le 1er janvier 1985, entré en France le 4 avril 2018 selon ses déclarations, a présenté une demande d'asile qui a été rejetée par une décision du 30 avril 2019 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), confirmée par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 11 février 2021. Par un arrêté du 17 février 2021, le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Le préfet de police relève appel du jugement du 20 mai 2021 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté à la demande de M. A....
Sur le moyen d'annulation retenu par le Tribunal administratif de Paris :
2. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont les dispositions ont été reprises à l'article L. 611-1 de ce code : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / (...) 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 743-1 et L. 743-2 , à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) ". Aux termes de l'article L. 743-1 du même code dans sa version applicable à la date de l'arrêté contesté : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'office ou, si un recours a été formé, dans le délai prévu à l'article L. 731-2 contre une décision de rejet de l'office, soit jusqu'à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile, soit, s'il est statué par ordonnance, jusqu'à la date de la notification de celle-ci (...) ".
3. Il ressort des mentions de la décision par laquelle la CNDA a rejeté le recours formé par M. A... à l'encontre de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 30 avril 2019, produite en appel par le préfet de police, que cette décision, qui n'a pas été rendue par ordonnance, a été lue en audience publique le 11 février 2021. Dans ces conditions, et dès lors que les mentions de la décision de la CNDA font foi jusqu'à preuve contraire, le préfet de police pouvait légalement prononcer dès le 11 février 2021 une mesure d'éloignement sans qu'ait d'incidence la circonstance que le relevé " Telemofpra " indique : " en attente " à la rubrique " notifiée le ". Il suit de là que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Paris a considéré que l'arrêté du 17 février 2021 méconnaissait les dispositions de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
4. Il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... devant le Tribunal administratif de Paris et la Cour.
Sur les autres moyens soulevés par M. A... :
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont les dispositions sont désormais reprises à l'article L. 613-1 de ce code : " (...) La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. (...) ".
6. L'arrêté contesté vise les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment l'alinéa 6 du I de l'article L. 511-1. Il mentionne que M. A..., né le 1er janvier 1985, de nationalité afghane, entré en France le 4 avril 2018 selon ses déclarations, a déposé une demande de protection internationale dans le cadre des dispositions alors applicables des articles L. 741-1 et L. 741-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. De même, il indique que la demande d'asile de M. A... a été rejetée par une décision de l'OFPRA du 30 avril 2019, confirmée par une décision de la CNDA du 11 février 2021, et porte l'appréciation selon laquelle il n'est pas porté une atteinte disproportionnée au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale et que l'intéressé n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine, ou dans son pays de résidence habituelle où il est effectivement admissible. Ainsi, l'arrêté en litige qui, contrairement à ce que soutient M. A..., se prononce sur la situation de l'intéressé au regard des risques qu'il encourt en cas de retour dans son pays d'origine, mentionne de façon suffisamment précise les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de l'arrêté contesté doit être écarté comme manquant en fait.
7. En deuxième lieu, aux termes de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " 1. Toute personne a le droit de voir ses affaires réglées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union. / 2. Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre (...) " et aux termes de l'article 51 de cette Charte : " 1. Les dispositions de la présente Charte s'adressent aux institutions et organes de l'Union dans le respect du principe de subsidiarité, ainsi qu'aux Etats membres uniquement lorsqu'ils mettent en œuvre le droit de l'Union. En conséquence, ils respectent les droits, observent les principes et en promeuvent l'application, conformément à leurs compétences respectives. / (...) ". Si le moyen tiré de la violation de l'article 41 précité par un Etat membre de l'Union européenne est inopérant, dès lors qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que cet article ne s'adresse qu'aux organes et aux organismes de l'Union, le droit d'être entendu, qui fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union, implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne. Il ne saurait cependant être interprété en ce sens que l'autorité nationale est tenue, dans tous les cas, d'entendre l'intéressé lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur la décision en cause.
8. Dans le cas prévu au 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile cité au point 2 de l'arrêt, où la décision faisant obligation de quitter le territoire français est prise après que la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger, l'obligation de quitter le territoire français découle nécessairement du défaut de reconnaissance de cette qualité ou de ce bénéfice. L'étranger qui présente une demande d'asile ne saurait ignorer qu'en cas de rejet de sa demande, il pourra, si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire lui ont été définitivement refusés, faire l'objet d'une mesure d'éloignement du territoire français. Il lui appartient, lors du dépôt de sa demande d'asile, lequel doit en principe faire l'objet d'une présentation personnelle du demandeur à la préfecture, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles, et notamment celles de nature à permettre à l'administration d'apprécier son droit au séjour au regard d'autres fondements que celui de l'asile. Il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux. Le droit de l'intéressé d'être entendu, ainsi satisfait avant que n'intervienne le refus de la reconnaissance de la qualité de réfugié, n'impose pas à l'autorité administrative de le mettre à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français qui est prise en conséquence du refus définitif de reconnaissance de la qualité de réfugié.
9. M. A..., qui entre dans le champ d'application des dispositions du 6° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a été mis à même de présenter ses observations lors de la procédure d'asile le concernant. Il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il ait été empêché, lors de sa demande d'admission au séjour au titre de l'asile comme pendant la durée de son instruction, de formuler toute remarque utile susceptible d'influer sur la décision préfectorale. De même, l'intéressé n'établit pas, ni même n'allègue qu'il aurait sollicité en vain un entretien avec les services préfectoraux ou qu'il aurait été empêché de faire valoir les éléments relatifs à sa province d'origine en Afghanistan. Dans ces conditions, le préfet de police, qui n'était pas tenu d'inviter M. A... à formuler des observations avant l'édiction de cette mesure, ne l'a pas privé de son droit à être entendu.
10. En troisième lieu, si M. A... soutient que l'arrêté contesté méconnaît le principe du contradictoire, il n'assortit pas ce moyen de précisions suffisantes permettant d'en apprécier son bien-fondé.
11. En quatrième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier ni des termes de l'arrêté contesté que le préfet de police se serait estimé en situation de compétence liée par la décision de la CNDA et n'aurait pas procédé à un examen de sa situation alors qu'il a notamment pris soin de vérifier si cette mesure ne portait pas une atteinte disproportionnée au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale et qu'il a examiné sa situation au regard de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
12. En cinquième lieu, aux termes de l'article R. 733-31 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable : " Les décisions de la cour sont lues en audience publique. (...) ". Aux termes de l'article R. 733-32 du même code alors applicable : " Le secrétaire général de la cour notifie la décision de la cour au requérant par lettre recommandée avec demande d'avis de réception dans les conditions prévues au premier alinéa de l'article R. 213-6. (...). ". Aux termes du premier alinéa de l'article R. 213-6 du même code issu de l'article 2 du décret n° 2015-1166 du 21 septembre 2015 qui reprend les dispositions du deuxième alinéa de l'article R. 213-3 : " L'étranger est informé, dans une langue qu'il comprend ou dont il est raisonnable de penser qu'il la comprend, du caractère positif ou négatif de la décision prise par le ministre chargé de l'immigration en application de l'article L. 213-8-1 ". Il résulte des dispositions de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans leur version applicable à la date de l'arrêté en litige, citées au point 2 du présent arrêt, que le demandeur d'asile qui a introduit un recours contre la décision de l'OFPRA rejetant sa demande d'asile a le droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la date de la lecture en audience publique de la décision de la CNDA ou, s'il est statué par ordonnance, jusqu'à la date de la notification de celle-ci.
13. M. A... soutient qu'en l'absence de preuve d'une notification de la décision de la CNDA du 11 février 2021 en langue pachto, seule langue qu'il comprend, le préfet de police ne pouvait, sans méconnaître son droit au maintien sur le territoire français tel que prévu par les dispositions de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, prononcer à son encontre une obligation de quitter le territoire français. Toutefois, et ainsi qu'il a été dit au point 3 du présent arrêt, dès lors que la décision de la CNDA n'a pas été rendue par ordonnance, le droit au maintien sur le territoire français de l'intéressé prenait fin à la date de lecture en audience publique de cette décision, soit le 11 février 2021. Dans ces conditions, et alors que M. A..., qui ne peut utilement se prévaloir des conditions de la notification de la décision de la CNDA, n'établit pas ni même n'allègue qu'il n'aurait pas été destinataire lors de la lecture en audience publique du 11 février 2021 du sens de la décision ainsi que des voies et délais de recours dans une langue qu'il comprend, n'est pas fondé à soutenir que le préfet de police aurait méconnu son droit à se maintenir sur le territoire français.
14. En sixième lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont les dispositions sont désormais reprises à l'article L. 611-1 de ce code : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / (...) 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger (...) ". Aux termes de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'office ou, si un recours a été formé, dans le délai prévu à l'article L. 731-2 contre une décision de rejet de l'office, soit jusqu'à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile, soit, s'il est statué par ordonnance, jusqu'à la date de la notification de celle-ci. (...) ".
15. Si M. A... soutient que la qualité de réfugié ne lui avait pas été définitivement refusée dès lors que, disposant d'éléments nouveaux, il a sollicité le réexamen de sa demande d'asile, il ressort toutefois des pièces du dossier, en particulier de l'attestation de réexamen de demande d'asile remise à l'intéressé le 14 avril 2021, que cette demande de réexamen est postérieure à l'arrêté en litige. Cette circonstance est seulement de nature à faire obstacle à l'exécution de la mesure d'éloignement jusqu'à la notification de la décision de l'OFPRA ou de la CNDA. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
16. En dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 15, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le préfet de police aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision contestée sur sa situation personnelle.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
17. En premier lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans leur version applicable au litige : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ". Aux termes de l'article 3 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
18. M. A... soutient qu'il encourt un risque pour sa vie en cas de retour en Afghanistan dès lors qu'il est originaire de la province de Nangarhar où règne une situation de violence aveugle de haute intensité, que la situation sécuritaire à Kaboul s'est nettement détériorée alors qu'il s'agit du seul point d'entrée sur le territoire afghan et qu'il dispose de nouveaux éléments établissant le centre de ses intérêts dans la province de Nangarhar. Il ressort des pièces du dossier que par une décision de l'OFPRA du 30 avril 2019, confirmée par une décision de la CNDA du 11 février 2021, la demande d'asile présentée par M. A... a été rejetée au motif que les évènements tels que relatés par l'intéressé ainsi que les documents produits au soutien de sa demande de protection internationale ne permettaient pas de déterminer sa région de provenance et, plus précisément, la province où il avait le centre de ses intérêts avant son départ et où il a vocation à se réinstaller en cas de retour dans son pays d'origine. Postérieurement à ces décisions, M. A... a produit les taskeras de sa femme et de ses enfants, des bulletins de notes de deux de ses fils scolarisés dans la province de Nangarhar ainsi qu'une carte de sortie relative à la prise en charge médicale de son épouse dans un hôpital public de cette même province. Toutefois, ni ces éléments, ni la production d'articles de presse faisant état, en septembre 2021, du retrait des troupes américaines en Afghanistan, ne permettent d'établir que M. A... était personnellement exposé à un risque de traitements inhumains ou dégradants en cas de retour dans son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
19. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 15 et 18 du présent arrêt, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le préfet de police aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision contestée sur sa situation personnelle.
Sur les conclusions tendant à la suspension de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire :
20. Aux termes de l'article L. 752-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont le droit au maintien sur le territoire a pris fin en application des b ou d du 1° de l'article L. 542-2 et qui fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français peut, dans les conditions prévues à la présente section, demander au tribunal administratif la suspension de l'exécution de cette décision jusqu'à l'expiration du délai de recours devant la Cour nationale du droit d'asile ou, si celle-ci est saisie, soit jusqu'à la date de la lecture en audience publique de la décision de la cour, soit, s'il est statué par ordonnance, jusqu'à la date de la notification de celle-ci ".
21. Il résulte des dispositions de l'article L. 752-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que les conclusions à fin de suspension qu'elles permettent ne peuvent être présentées que devant le tribunal administratif. Par suite, les conclusions présentées en appel sur ce fondement sont irrecevables.
22. Il résulte de tout ce qui précède, d'une part, que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 17 février 2021, lui a enjoint de statuer à nouveau sur la situation de M. A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement ainsi que de le munir d'une autorisation provisoire de séjour pendant le temps du réexamen et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, et à demander en conséquence l'annulation de ce jugement et, d'autre part, que les conclusions présentées par M. A... sur le fondement de l'article L. 752-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont rejetées. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter les conclusions de M. A... aux fins d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2104363 du 20 mai 2021 du Tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le Tribunal administratif de Paris et ses conclusions d'appel sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 14 novembre 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Le Goff, président de chambre,
- M. Ho Si Fat, président assesseur,
- Mme Larsonnier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 décembre 2022.
La rapporteure,
V. C...Le président,
R. LE GOFF
Le greffier,
P. TISSERAND
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 21PA03330 |
JADE/CETATEXT000046710451.xml | Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 30 avril 2021 par lequel le préfet du Val-d'Oise a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi, et d'enjoindre au préfet, dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement et sous astreinte de 100 euros par jour de retard, de lui délivrer un titre de séjour à titre principal ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour.
Par un jugement n° 2107394 du 15 mars 2022, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 19 avril 2022, M. B..., représenté par Me Julie Gonidec, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;
3°) à titre principal, d'enjoindre au préfet du Val-d'Oise de lui délivrer un titre de séjour, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet du Val-d'Oise de réexaminer sa situation et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour, ceci dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative, au titre des fra is exposés et non compris dans les dépens, à payer directement à son avocat, en application de l'article 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L.313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est illégale par voie de conséquence de l'illégalité entachant le refus de titre de séjour ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette décision sur sa situation personnelle ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
- elle est illégale par voie de conséquence de l'illégalité entachant l'obligation de quitter le territoire français ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette décision sur sa situation personnelle.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers en France ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience dans la présente instance.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Albertini, président de chambre,
- et les observations de Me David, substituant Me Gonidec.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant mauritanien né le 31 décembre 1987, a déclaré être entré en France le 1er janvier 2009. Le 15 avril 2019, il a sollicité son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement de l'article L.313-14 du code de l'entrée du séjour des étrangers et du droit d'asile. Toutefois, par un arrêté du 30 avril 2020, le préfet du Val-d'Oise a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi dans lequel il est susceptible d'être reconduit. M. B... relève appel du jugement du 15 mars 2022 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté précité.
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, aux termes des dispositions de l'article L.313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction auparavant en vigueur : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L.313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1°et 2° de l'article L.313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L.313-2. (...) ".
3. Il est constant qu'en présence d'une demande de régularisation présentée, sur le fondement de l'admission exceptionnelle au séjour, par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels et, à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ". Il appartient à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment, si la qualification, l'expérience et les diplômes de l'étranger ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule, de même que tout élément de sa situation personnelle dont l'étranger ferait état à l'appui de sa demande, telle que par exemple, l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour.
4. D'une part, si M. B... soutient qu'il réside de manière habituelle en France depuis plus de douze ans, en apportant de nombreux éléments en ce sens, et qu'il y est inséré, il est constant que la simple présence sur le territoire national pendant cette période ne peut être considérée comme constituant en soi une considération humanitaire ou un motif exceptionnel justifiant la délivrance d'un titre de séjour au sens des dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il ressort en outre des pièces du dossier que l'intéressé est célibataire, sans charges de famille et hébergé chez l'un de ses frères en France, et bien qu'une partie de sa fratrie y réside régulièrement et que ses parents soient décédés, il n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, où réside sa sœur et où il a vécu au moins jusqu'à l'âge de vingt-deux ans. Il s'ensuit que l'intéressé ne produit pas d'éléments de nature à justifier son admission exceptionnelle au séjour au titre de la vie privée et familiale.
5. D'autre part, il ressort également des pièces du dossier que M. B... ne justifie d'aucune activité professionnelle sur le territoire français, malgré l'ancienneté de sa présence en France, et ne dispose pas d'une promesse d'embauche à la date de la décision attaquée, en admettant même qu'il ait exercé ponctuellement une activité professionnelle sans y être autorisé. Il apparaît de surcroît qu'il a lui-même affirmé devant la commission du titre de séjour, le 19 mars 2021, n'avoir jamais travaillé depuis son entrée sur le territoire national, de telle sorte que la commission précitée a émis le 19 mars 2021 un avis défavorable à sa régularisation. Il s'ensuit que M. B... ne justifie pas non plus d'éléments de nature à fonder son admission exceptionnelle au séjour au titre du travail.
5. Il résulte des éléments qui précèdent que c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré que M. B... n'est pas fondé à soutenir que le préfet aurait entaché sa décision portant refus de titre de séjour d'une erreur manifeste d'appréciation au titre des dispositions de l'article L.313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de telle sorte que ce moyen doit être écarté.
6. En second lieu, et compte tenu des éléments énoncés aux points 4 et 5, M. B... n'est pas plus fondé à soutenir que la décision attaquée porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de sorte qu'il y a lieu d'écarter également ce moyen.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
7. En premier lieu, il résulte des éléments qui précèdent qu'aucun des moyens dirigés contre la décision portant refus de titre de séjour n'est de nature à en entacher la légalité, de telle sorte qu'il y a lieu d'écarter le moyen tiré de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français par voie de conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour.
8. En second lieu, et compte tenu des éléments énoncés aux points 4 et 5 du présent arrêt, c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré que le requérant n'était pas fondé à soutenir qu'en l'obligeant à quitter le territoire français le préfet du Val-d'Oise aurait méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni qu'il aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences d'une telle décision sur sa situation personnelle. Par suite, ces moyens doivent être tous deux écartés.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
9. En premier lieu, il résulte des éléments qui précèdent qu'aucun des moyens dirigés contre la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est de nature à en entacher la légalité, de telle sorte qu'il y a lieu d'écarter le moyen tiré de l'illégalité de la décision fixant le pays de renvoi par voie de conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français.
10. En second lieu, et compte tenu des éléments énoncés aux points 4 et 5 du présent arrêt, c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré que le requérant n'était pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de renvoi aurait été prise en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni qu'elle serait entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences d'une telle décision sur sa situation personnelle. Par suite, ces moyens doivent être tous deux écartés.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte, ainsi que pour celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Julie Gonidec.
Copie en sera adressée au préfet du Val-d'Oise.
Délibéré après l'audience du 10 novembre 2022, à laquelle siégeaient :
M. Albertini, président de chambre,
M. Mauny, président assesseur,
Mme Viseur-Ferré, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 décembre 2022.
Le président-assesseur,
O. MAUNYLe président-rapporteur,
P.-L. ALBERTINILa greffière,
F. PETIT-GALLAND
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
2
N° 22VE00931 |
JADE/CETATEXT000046710445.xml | Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme E... épouse A... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler le permis de construire modificatif n° PC 78391 19 0006 M01 délivré par arrêté du maire de la commune de Méricourt le 20 octobre 2020 à M. C... D..., pour la construction d'une maison individuelle sur les parcelles D516, D519 et D520, situées rue de la Vieille Côte à Méricourt.
Par une ordonnance du 1er avril 2021, la présidente du tribunal administratif de Versailles a rejeté la requête de Mme E... épouse A....
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 1er juin 2021, Mme E... épouse A..., représentée par Me Grégoire Penot, demande à la cour :
1°) d'annuler l'ordonnance du 1er avril 2021 par laquelle la présidente du tribunal administratif de Versailles a rejeté sa requête ;
2°) d'annuler l'arrêté du 20 octobre 2020 par lequel le Maire de la Commune de Méricourt a délivré le permis de construire modificatif n° PC 78391 19 0006 M01 à M. C... D..., pour la construction d'une maison individuelle sur les parcelles D516, D519 et D520, situées rue de la Vieille Côte à Méricourt ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Méricourt une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
Par un mémoire enregistré le 3 octobre 2022, la commune de Méricourt, représentée par Me Matthieu Raoul, conclut au rejet de la requête, et à ce qu'une somme de 4 000 euros soit mise à la charge de Mme E... épouse A... sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Par un mémoire enregistré le 27 octobre 2022, Mme E... épouse A..., représentée par Me Grégoire Penot, demande à la cour de lui donner acte de son désistement d'instance et d'action.
Par un mémoire enregistré le 7 novembre 2022, la commune de Méricourt, représentée par Me Matthieu Raoul, conclut à ce qu'il soit statué ce que de droit sur le désistement de Mme E... épouse A... et à ce qu'une somme de 4 000 euros soit mise à sa charge sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative
Vu les autres pièces du dossier.
Vu le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Albertini, président de chambre,
- et les conclusions de Mme Moulin-Zys, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. Par un mémoire enregistré le 27 octobre 2022, Mme E... épouse A... précise qu'elle a signé un compromis de vente, sans conditions suspensives, pour faire l'acquisition des parcelles D516, D519 et D520, que le projet de construction prévu par le permis de construire en litige est abandonné et qu'elle se désiste de sa requête. Ce désistement est pur et simple et rien ne s'oppose à ce qu'il en soit donné acte.
2. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de la commune de Méricourt présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, auxquelles la commune n'a pas formellement renoncé.
DÉCIDE :
Article 1er : Il est donné acte du désistement d'instance et d'action de Mme E... épouse A....
Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Méricourt au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... E... épouse A..., à la commune de Méricourt et à M. C... D....
Délibéré après l'audience du 10 novembre 2022, à laquelle siégeaient :
M. Albertini, président de chambre,
M. Mauny, président assesseur,
Mme Viseur-Ferré, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 décembre 2022.
Le président-assesseur,
O. MAUNYLe président-rapporteur,
P.-L. ALBERTINILa greffière,
F. PETIT-GALLAND
La République mande et ordonne au préfet des Yvelines en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
2
N° 21VE01690 |
JADE/CETATEXT000046710453.xml | Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société à responsabilité limitée (SARL) Institut de Recherches Internationales Servier " IRIS " a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la décision en date du 25 avril 2022 par laquelle le directeur régional et interdépartemental de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités d'Île-de-France (DRIEETS) a refusé d'homologuer le document unilatéral portant plan de sauvegarde de l'emploi qu'elle a établi.
Par un jugement n° 2206658 du 22 juillet 2022, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé la décision du 25 avril 2022 du DRIEETS et a enjoint à l'administration de procéder au réexamen de la demande d'homologation du plan de sauvegarde de l'emploi déposée par la société IRIS.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés les 14 septembre et 11 octobre 2022, le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion demande à la cour d'annuler ce jugement du 22 juillet 2022 et de rejeter la demande présentée par la société IRIS devant le tribunal administratif.
Il soutient que :
- l'obligation de recherche d'un repreneur prévue par l'article L. 1233-57-9 du code du travail s'applique en cas de fermeture d'un site ou d'une entreprise, même comportant un seul établissement ;
- le moyen tiré de l'illégalité de l'article R. 1233-15 est inopérant dès lors que la décision ne se fonde pas sur cet article mais sur des articles législatifs ;
- en tout état de cause, l'alinéa 3 de cet article n'est pas contraire à l'article L.1233-57-9 du code du travail ; l'obligation de recherche d'un repreneur suppose que le transfert de l'établissement donne lieu à un PSE ;
- cette obligation de recherche d'un repreneur n'impose pas de céder tout ou partie de son activité mais de faire connaître les opportunités du site ; elle ne constitue donc pas une atteinte à la liberté d'entreprendre ;
- il n'appartient pas au juge administratif de se prononcer sur un moyen tiré de l'inconstitutionnalité de dispositions légales en dehors des questions prioritaires de constitutionnalité ;
- le moyen tiré de la violation de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne est inopérant dès lors qu'il n'existe pas de réglementation européenne sur le dispositif de recherche de repreneur ;
- en tout état de cause, l'obligation de recherche d'un repreneur ne méconnaît pas le droit à la liberté d'entreprise, qui est reconnue conformément aux législations nationales ;
- la notion de zone d'emploi figure dans les article L. 1233-5 et R. 1233-35 du code du travail.
Par deux mémoires en défense enregistrés les 26 septembre et 20 octobre 2022, la SARL Institut de Recherches Internationales Servier " IRIS " conclut au rejet de la requête, et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la DRIEETS était dessaisie de la demande à la date de la décision attaquée du fait de la décision d'acceptation tacite intervenue le 19 avril 2022 du fait de l'écoulement du délai de 21 jours ;
- la décision de la DRIEETS est illégale pour vice de procédure, l'administration n'ayant jamais au cours de la procédure évoqué l'obligation de recherche d'un repreneur ;
- la recherche d'un repreneur ne s'applique qu'à la fermeture d'un établissement emportant PSE, et non aux entreprises dans leur entier ;
- l'article R. 1233-15 sur lequel se fonde la décision est illégal en intégrant le cas de transfert d'un établissement en dehors de sa zone d'emploi ;
- cet article porte atteinte à la liberté d'entreprendre constitutionnellement protégée ;
- il méconnaît l'article 16 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne ;
- la Constitution et son préambule ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- les conclusions de Mme Moulin-Zys, rapporteure publique,
- les observations de Mme A... pour le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion et celles de Me Salomé pour la SARL Institut de Recherches Internationales Servier " IRIS ".
Considérant ce qui suit :
1. La société à responsabilité limitée Institut de Recherches Internationales Servier " IRIS ", dont le siège social est à Suresnes, exerce des activités de recherche et développement. Elle appartient au groupe pharmaceutique international Servier dont l'activité est centrée sur la recherche, la mise au point, le développement et la mise sur le marché de médicaments. Dans le cadre de la création d'un institut de recherche et développement situé à Saclay dit " site Paris-Saclay " regroupant l'ensemble des activités de recherche et de développement du groupe, plusieurs sociétés du groupe font l'objet d'un transfert vers ce nouveau site. Pour la société IRIS, le transfert de l'activité de l'ensemble des salariés de la société de Suresnes à Saclay était prévu pour le mois de février 2023. La société IRIS a engagé une procédure de licenciement collectif pour motif économique et de plan de sauvegarde de l'emploi en cas de refus des salariés d'accepter une modification de leur contrat de travail, pouvant conduire à 550 licenciements pour motif économique. Des réunions d'information et de consultation du comité social et économique se sont déroulées du 26 novembre 2021 au 28 mars 2022. Le CSE a refusé de rendre un avis sur les documents présentés. La société IRIS a déposé le 29 mars 2022 auprès de la DRIEETS d'Ile-de-France une demande d'homologation, complétée le 4 avril suivant, d'un document unilatéral élaboré sur le fondement des dispositions de l'article L. 1233-24-4 du code du travail. Par une décision du 25 avril 2022, le DRIEETS d'Île-de-France a refusé d'homologuer le document. A la demande de la société IRIS, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé cette décision. Le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion relève appel de ce jugement.
Sur le moyen retenu par le tribunal :
2. Aux termes de l'article L. 1233-57-14 de ce code : " L'employeur ayant informé le comité social et économique du projet de fermeture d'un établissement recherche un repreneur. Il est tenu : 1° D'informer, par tout moyen approprié, des repreneurs potentiels de son intention de céder l'établissement (...) ". Les dispositions de l'article R. 1233-15 du même code précisent : " Est un établissement au sens de l'article L. 1233-57-9 une entité économique assujettie à l'obligation de constituer un comité social et économique d'établissement. / Constitue une fermeture au sens de l'article L. 1233-57-9 la cessation complète d'activité d'un établissement lorsqu'elle a pour conséquence la mise en œuvre d'un plan de sauvegarde de l'emploi emportant un projet de licenciement collectif au niveau de l'établissement ou de l'entreprise. / Constitue également une fermeture d'établissement la fusion de plusieurs établissements en dehors de la zone d'emploi où ils étaient implantés ou le transfert d'un établissement en dehors de sa zone d'emploi, lorsqu'ils ont pour conséquence la mise en œuvre d'un plan de sauvegarde de l'emploi emportant un projet de licenciement collectif ".
3. Pour refuser d'homologuer le plan de sauvegarde de l'emploi, le DRIEETS d'Île-de-France s'est fondé sur l'absence du respect de l'obligation de recherche d'un repreneur, et de l'obligation d'information-consultation du comité social et économique sur ce point, alors que le transfert du siège de l'entreprise de Suresnes à Saclay s'assimilait à une cessation totale et définitive de l'activité de la société entraînant la mise en place d'un plan de sauvegarde de l'emploi. Pour annuler cette décision du 25 avril 2022 refusant d'homologuer le plan de sauvegarde de l'emploi, le tribunal a considéré que la société IRIS, dotée d'un comité social et économique mis en place au niveau de l'entreprise constituée d'un seul site situé à Suresnes, ne disposait pas d'établissements au sens de l'article L. 1233-57-9 du code du travail. L'article R. 1233-15 de ce code définit l'établissement comme " une entité économique assujettie à l'obligation de constituer un comité social et économique d'établissement ". Le transfert de l'activité de la société requérante au sein de l'institut de recherche et développement Servier situé à Saclay ne pouvait donc, pour les premiers juges, être regardé comme constituant le transfert d'un établissement obligeant l'employeur au respect des dispositions des articles L. 1233-57-9 et suivants du même code.
4. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que la société IRIS constitue une entité économique et qu'ayant au moins cinquante salariés, elle est assujettie à l'obligation de constituer un comité social et économique afin de les représenter. Elle constitue ainsi un établissement tel que défini par l'article R. 1233-15 précité du code du travail, lequel s'applique aux entreprises constituées d'un seul ou plusieurs établissements. Dans ces conditions, le ministre du travail est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a annulé la décision du 25 avril 2022 au motif que le transfert de l'ensemble de la société IRIS de Suresnes à Saclay ne constituait pas un transfert d'établissement au sens de l'article R. 1233-15 du code du travail et que la société IRIS n'était par conséquent pas soumise à l'obligation de recherche d'un repreneur.
5. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par la société IRIS devant le tribunal administratif.
6. En premier lieu, aux termes de l'article L. 1233-57-4 du code du travail: " L'autorité administrative notifie à l'employeur la décision de validation dans un délai de quinze jours à compter de la réception de l'accord collectif mentionné à l'article L. 1233-24-1 et la décision d'homologation dans un délai de vingt et un jours à compter de la réception du document complet élaboré par l'employeur mentionné à l'article L. 1233-24-4.(...)/Le silence gardé par l'autorité administrative pendant les délais prévus au premier alinéa vaut décision d'acceptation de validation ou d'homologation. ". Aux termes de l'article D.1233-14-1 du même code : " Le délai prévu à l'article L. 1233-57-4 court à compter de la réception par le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi du dossier complet./
Le dossier est complet lorsqu'il comprend les informations permettant de vérifier le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi, les modalités d'information et de consultation du comité social et économique, la pondération et le périmètre d'application des critères d'ordre des licenciements, le calendrier des licenciements, le nombre de suppressions d'emploi et les catégories professionnelles concernées, et les modalités de mise en œuvre des mesures de formation, d'adaptation et de reclassement et, lorsqu'un accord est conclu en application de l'article L. 1233-24-1, les informations relatives à la représentativité des organisations syndicales signataires./
Lorsque le dossier est complet, le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi en informe, sans délai et par tout moyen permettant de donner date certaine, l'employeur, le comité social et économique ainsi que les organisations syndicales représentatives en cas d'accord collectif mentionné à l'article L. 1233-24-1./
Lorsque la demande porte sur un accord partiel et sur un document unilatéral mentionnés à l'article L. 1233-57-3, les délais mentionnés à l'article L. 1233-57-4 sont de quinze jours pour l'accord et de vingt et un jours pour le document unilatéral. ".
7. Il ressort des pièces du dossier que la société IRIS a complété le dossier de demande d'homologation déposé le 29 mars 2022 en ajoutant le 1er avril 2022 le procès-verbal de la réunion du 28 mars 2022 du comité social d'entreprise exprimant son avis, ainsi que le 4 avril suivant par d'autres procès-verbaux de réunions de cet organisme permettant à l'administration d'apprécier la régularité de la procédure d'information-consultation. L'administration a alors, par courrier du 13 avril 2022, informé la société de la complétude du dossier déposé au 4 avril 2022 et du délai de 21 jours pour prendre une décision expresse. Par suite, la société IRIS n'est pas fondée à soutenir qu'une décision implicite serait née avant l'intervention de la décision litigieuse en date du 25 avril 2022.
8. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 1233-57 du code du travail : " L'autorité administrative peut présenter toute proposition pour compléter ou modifier le plan de sauvegarde de l'emploi, en tenant compte de la situation économique de l'entreprise. ". Aux termes de l'article L. 1233-57-6 de ce code : " L'administration peut, à tout moment en cours de procédure, faire toute observation ou proposition à l'employeur concernant le déroulement de la procédure ou les mesures sociales prévues à l'article L. 1233 32. (...). ".
9. S'il revient en principe à l'administration, en application de ces dispositions, de présenter toute observation ou proposition ou de formuler des injonctions de nature à éclairer l'employeur en cours de procédure sur la régularité de celle-ci et le caractère suffisant des mesures contenues dans le plan de sauvegarde de l'emploi, cette faculté ne fait pas obstacle à ce que le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi compétent se fonde, pour refuser une homologation, sur une irrégularité de la procédure d'information et de consultation, ou sur une insuffisance du plan de sauvegarde de l'emploi, sur laquelle il n'a préalablement adressé à l'employeur aucune proposition, observation ou injonction. Par suite, le moyen tiré de ce que la procédure serait irrégulière dès lors que l'administration n'a adressé un courrier d'observations sur l'absence de recherche d'un repreneur que plus de deux mois après le début de la procédure d'information-consultation des représentants des salariés est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée.
10. En troisième lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 4, que le moyen tiré de l'illégalité de l'article R. 1233-15 du code du travail au motif qu'il restreindrait la notion d'établissement, manque en droit et doit, par suite, être écarté.
11. En quatrième lieu, il ne ressort d'aucune disposition législative, et notamment pas des articles L. 1233-57-9 et L. 1233-57-10 du code du travail, que le législateur aurait entendu exclure de l'obligation de recherche d'un repreneur le cas de transfert d'un établissement en dehors de sa zone d'emploi, entraînant la fermeture de ce seul établissement et la mise en œuvre d'un plan de sauvegarde de l'emploi emportant projet de licenciement collectif. Par suite, la société IRIS n'est pas fondée à soutenir que les dispositions de l'article R. 1233-15 du code du travail méconnaîtraient les dispositions législatives dont elles font application et le principe constitutionnellement protégé de la liberté d'entreprendre.
12. En dernier lieu, la liberté d'entreprise garantie par l'article 16 de la charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne ne peut être utilement invoquée, conformément à l'article 51 de la charte, que si les dispositions contestées mettent en œuvre le droit de l'Union. L'obligation de recherche d'un repreneur en cas de fermeture d'un établissement ou d'une entreprise ne mettant pas en œuvre le droit de l'Union, le moyen tiré de la méconnaissance de la liberté d'entreprise doit être écarté comme inopérant.
13. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre du travail est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé la décision du 25 avril 2022 refusant d'homologuer le document portant plan de sauvegarde de l'emploi, et que la demande présentée par la société IRIS devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise doit être rejetée.
Sur les frais liés à l'instance :
14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2206658 du 22 juillet 2022 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise est annulé.
Article 2 : La demande présentée par la société IRIS devant le tribunal administratif est rejetée.
Article 3 : Les conclusions présentées par la société IRIS au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion, à la SARL Institut de Recherches Internationales Servier "IRIS" et à la DRIEETS d'Ile de France.
Délibéré après l'audience du 1er décembre 2022, à laquelle siégeaient :
M. Brotons, président,
Mme Le Gars, présidente assesseure,
Mme Bonfils, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 6 décembre 2022.
La rapporteure,
A-C. B...Le président,
S. BROTONS
La greffière,
V. MALAGOLI
La République mande et ordonne au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
N° 22VE02215 2 |
JADE/CETATEXT000046710490.xml | Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus qui lui ont été assignées au titre des années 2014, 2015 et 2016.
Par un jugement n° 1917445/1-2 du 6 juillet 2021, le Tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 2 septembre 2021, M. A..., représenté par Me Robert Bouquet, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 6 juillet 2021 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de prononcer la décharge des impositions litigieuses ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il ne facture pas ses services par l'intermédiaire d'une société située au Royaume-Uni ;
- il perçoit des salaires de la part de la société TOL laquelle exerce un véritable rôle de gestion de trésorerie au sein du groupe ;
- l'interposition de la société TOL permet de faciliter la gestion de la société française ;
- la société TOL n'est pas dépourvue de substance économique ;
- en ne redressant pas la société Vocalcom au titre du flux de management fees versé à la société TOL au cours d'exercices antérieurs, l'administration a nécessairement pris position quant à la réalité des fonctions exercées par la société holding TOL ;
- l'administration n'établit pas la volonté d'éluder l'impôt.
Par un mémoire en défense enregistré le 13 octobre 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 15 novembre 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au
30 novembre 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. C...,
- et les conclusions de Mme Prévot, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... était, en 2014, 2015 et 2016, dirigeant unique et associé de la société TOL, dont le siège social est situé au Royaume-Uni. Dans le cadre d'une convention de mandat en date du 17 mai 2011, la société TOL a facturé à la société Willink, dont le siège est en France et dont M. A... était alors salarié et administrateur, des prestations de services relatives à l'exercice de la présidence de la société Willink par la société TOL, prestations intégralement refacturées par la société Willink à la société Vocalcom. A l'occasion d'un contrôle sur pièces des revenus de M. A... ayant porté sur les années 2014 à 2016, consécutif à une vérification de comptabilité de la société Willink, l'administration, faisant application des dispositions de l'article 155 A du code général des impôts, a réintégré dans les revenus de M. A... les sommes facturées par
la société TOL à la société Willink à raison de ces prestations de services, pour la réalisation desquelles M. A... était expressément désigné. Des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus, assorties des intérêts de retard et de la majoration de 40 % prévue à l'article 1729 du code général des impôts au titre des trois années considérées, ont été en conséquence mises à la charge du contribuable. M. A... relève appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande en décharge, en droits et pénalités, de ces impositions.
Sur le bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne l'application de la loi :
2. Aux termes du I de l'article 155 A du code général des impôts : " Les sommes perçues par une personne domiciliée ou établie hors de France en rémunération de services rendus par une ou plusieurs personnes domiciliées ou établies en France sont imposables au nom de ces dernières : / - soit, lorsque celles-ci contrôlent directement ou indirectement la personne qui perçoit la rémunération des services ; (...) ". Les prestations dont la rémunération est ainsi susceptible d'être imposée entre les mains de la personne qui les a effectuées correspondent à un service rendu pour l'essentiel par elle et pour lequel la facturation par une personne domiciliée ou établie hors de France ne trouve aucune contrepartie réelle dans une intervention propre de cette dernière, permettant de regarder ce service comme ayant été rendu pour son compte.
3. Il résulte de l'instruction que la société Willink a été créée en avril 2011 et a acquis, en mai 2011 auprès de la société TOL, dont M. A... est le dirigeant et l'actionnaire majoritaire, la totalité des actions de la société Vocalcom, dont le siège est en France. Une convention de mandat a été signée le 17 mai 2011 entre la société Willink et ses actionnaires, dont la société TOL, en présence de M. A..., qui stipule, à son article 2, qu'à compter du jour de la signature, la société TOL est désignée en qualité de président, mandataire social, de la société Willink pour une durée indéterminée, moyennant une rémunération annuelle hors taxes de 516 000 euros en contrepartie de l'exercice de cette présidence selon l'article 3 de la convention. Cette convention comprend un article 6 intitulé " Intuitu personae ", qui stipule qu'elle est conclue en considération de la personnalité du dirigeant et de son représentant légal, M. A..., et que la société TOL s'engage à désigner ce dernier, associé et dirigeant unique, en qualité de représentant permanent pendant toute la durée de son mandat. Il suit de là que les sommes litigieuses ont été perçues par la société TOL en rémunération de l'activité de dirigeant salarié de la société Willink exercée par M. A.... Il appartient ainsi à M. A... d'apporter des éléments permettant d'établir que la facturation des prestations de présidence de la société Willink par la société TOL aurait trouvé une contrepartie réelle dans une intervention qui aurait été propre à cette société et de regarder le service ainsi rendu comme l'ayant été pour son compte.
4. M. A... soutient que la société TOL concentre les fonctions de gestionnaire de la trésorerie du groupe Vocalcom, ce qui lui permet de concéder des apports en compte courant et des avances de trésorerie à la société Willink, d'un montant largement supérieur aux prestations facturées, afin de financer le développement du groupe, et qu'il ne pourrait exercer seul ce rôle de gestionnaire de trésorerie, l'interposition de la société TOL permettant de concentrer la trésorerie à un coût fiscal moindre en raison d'une centralisation des coûts de structure et d'un régime fiscal avantageux pour la remontée de dividendes. Il fait également valoir que la désignation d'une personne morale en tant que mandataire social présente des avantages pour la gestion de la responsabilité des dirigeants. Par ailleurs, il soutient que la société TOL, dont l'existence est reconnue par l'administration fiscale britannique et qui a accueilli d'autres actionnaires, n'est pas dépourvue de substance économique, dès lors qu'elle détient d'autres participations et a effectivement exercé l'activité de présidence de la société Willink, ce qui justifie l'absence de montage purement artificiel.
5. Toutefois, ces arguments généraux ne sont pas de nature à établir que les sommes en litige n'auraient pas rémunéré les prestations de présidence de la société Willink effectuées par M. A..., mais des prestations résultant d'une intervention propre de la société TOL pour son compte, l'incapacité alléguée du requérant à assumer seul les fonctions de présidence, et notamment la gestion de la trésorerie du groupe Vocalcom, étant contredite par les termes mêmes de l'article 6 de la convention de mandat du 17 mai 2011. En outre, M. A... n'apporte aucun élément de nature à démontrer que la société TOL, alors même qu'elle n'est pas dénuée de substance économique et que son intervention aurait apporté une " plus-value " au groupe, aurait effectué en propre des tâches relatives à la présidence de la société Willink autres que celles effectuées par le requérant dans le cadre du mandat. En particulier, il n'est pas démontré que l'activité alléguée de gestion de trésorerie au bénéfice du groupe aurait été exercée en propre par la société TOL et non par M. A..., lequel était d'ailleurs dirigeant et unique salarié de la société TOL, dans le cadre de l'activité de présidence de la société Willink exercée par lui. C'est par suite à bon droit qu'en application des dispositions précitées, les sommes versées à la société TOL pour les services de présidence de la société Willink ont été considérées comme imposables à l'impôt sur le revenu en France au nom de M. A....
En ce qui concerne l'interprétation administrative de la loi fiscale :
6. Aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. Sont également opposables à l'administration, dans les mêmes conditions, les instructions ou circulaires publiées relatives au recouvrement de l'impôt et aux pénalités fiscales ". Aux termes de l'article L. 80 B du même livre : " La garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A est applicable : 1° Lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal (...) ".
7. M. A... soutient que la société Vocalcom a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre des exercices 2005 et 2006, à l'issue de laquelle l'administration, après avoir adressé une proposition de rectification du 18 décembre 2008 remettant en cause la déductibilité par la société Vocalcom de management fees versés à la société TOL pour ses fonctions de direction, en l'absence d'éléments permettant d'apprécier la nature exacte des prestations et leur chiffrage, a abandonné ces rectifications au stade du recours hiérarchique, compte tenu des explications fournies. Il en conclut que cet abandon constitue une prise de position formelle quant à la réalité des fonctions exercées par la société TOL, sans qu'ait d'incidence la création de la société Willink intervenue postérieurement.
8. Toutefois, ces rectifications, dont l'abandon n'a pas été motivé et qui portaient sur une période antérieure à la création de la société Willink, ne concernaient pas le même impôt, non plus que le même contribuable, ni les mêmes années. Il n'en résulte aucune prise de position de l'administration sur l'existence d'une contrepartie réelle dans une intervention au bénéfice de la société Willink qui aurait été propre à la société TOL et sur le fait que les prestations en litige auraient été rendues pour le compte de cette société. Dans ces conditions, les circonstances invoquées par M. A... ne révèlent aucune prise de position formelle dont il serait en droit de se prévaloir sur le fondement des dispositions précitées du livre des procédures fiscales.
Sur les pénalités :
9. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration (...) entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ".
10. Il résulte de ce qui a été dit précédemment que M. A..., en tant que dirigeant et associé de la société britannique TOL, a fait facturer par cette société, qu'il contrôle, des prestations relatives à l'exercice de la présidence de la société Willink, alors qu'il a lui-même effectué ces prestations et qu'il a été expressément désigné à cet effet. Il ne pouvait ainsi ignorer que les sommes en cause ne rémunéraient aucune intervention propre de la société TOL et a, par suite, commis un acte intentionnel qui a permis, du fait de l'interposition de la société de droit britannique, d'exclure de ses salaires imposables en France une majeure partie de ses revenus. Ainsi et alors même qu'il déclarerait au Royaume-Uni, ainsi qu'en France pour l'application du taux effectif, les sommes d'un montant différent qui lui ont été versées par la société TOL, dont rien n'établit d'ailleurs qu'elles rémunéraient les mêmes fonctions, et que cette dernière aurait par ailleurs une activité économique propre, la volonté délibérée de M. A... de soustraire une partie de ses revenus salariaux à l'imposition en France doit être regardée comme établie et l'administration justifie dès lors du bien-fondé de l'application des majorations pour manquement délibéré prévues au a) de l'article 1729 du code général des impôts.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que le requérant demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée au chef des services fiscaux chargé de la direction de contrôle fiscal d'Ile-de-France.
Délibéré après l'audience du 23 novembre 2022, à laquelle siégeaient :
- Mme Brotons, président de chambre,
- Mme Topin, président assesseur,
- M. Magnard, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 décembre 2022.
Le rapporteur,
F. C...Le président,
I. BROTONS
Le greffier,
C. MONGIS
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21PA04913 |
JADE/CETATEXT000046710484.xml | Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... C... a demandé au Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2018, à hauteur de la somme de 2 872 400 francs CFP.
Par un jugement n° 2000453 du 17 mai 2021, le Tribunal administratif de
Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 16 juillet 2021 et 7 janvier 2022, M. C..., représenté par Me Anne Saudeau-Faivre, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement n° 2000453 du 17 mai 2021 du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie ;
2°) de prononcer la décharge des impositions litigieuses ;
3°) de mettre à la charge de la Nouvelle-Calédonie le versement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'administration fiscale n'a pas recherché la commune intention des parties au sens des dispositions de l'article 1156 du code civil ni tenu compte des circonstances de l'espèce ;
- sa démission était contrainte, et doit dès lors être assimilée à une cessation forcée de ses fonctions de gérant ;
- la somme de 8 700 000 francs CFP prévue par un protocole transactionnel et que l'administration regarde comme une prime de gestion correspond à une indemnisation accordée en raison de la cessation forcée de ses fonctions de gérant, qui devait bénéficier de l'exonération prévue à l'article Lp. 96 du code des impôts de la Nouvelle-Calédonie.
Par un mémoire en défense enregistré le 8 décembre 2021, le gouvernement de
Nouvelle-Calédonie, représenté par le cabinet Briard, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. C... la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi organique n° 99-209 et la loi n° 99-210 du 19 mars 1999, relatives à la Nouvelle-Calédonie ;
- le code des impôts de la Nouvelle-Calédonie ;
- le code de justice administrative dans sa version applicable en Nouvelle-Calédonie.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B...,
- les conclusions de Mme Prévot, rapporteur public,
- et les observations de Me Masquart, représentant le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., co-gérant et associé minoritaire à hauteur de 5 % du capital de la SARL Wamland d'août 2012 à août 2018, a été informé par la direction des services fiscaux, dans le cadre d'un examen de sa déclaration de revenus pour l'année 2018, qu'une discordance, à hauteur de 8 700 000 francs CFP, existait entre le montant des salaires indiqués sur sa déclaration personnelle et les revenus le concernant déclarés par la société Wamland. M. C... a alors adressé à l'administration une déclaration modificative des revenus pour 2018 intégrant la somme de 8 700 000 francs CFP. Il relève appel du jugement du 17 mai 2021 par lequel le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande en décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti en conséquence au titre de l'année 2018, à hauteur de la somme de 2 872 400 francs CFP.
2. En vertu des dispositions de l'article 1102 du code des impôts de la Nouvelle-Calédonie, un contribuable qui présente une réclamation dirigée contre une imposition établie d'après les bases indiquées dans la déclaration qu'il a souscrite ne peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition qu'en démontrant son caractère exagéré.
3. Aux termes du II de l'article Lp. 96 du code des impôts de la Nouvelle-Calédonie : " Les indemnités versées, à l'occasion de la cessation de leurs fonctions, aux mandataires sociaux, dirigeants et personnes visées à l'article 89 sont imposables. Toutefois, en cas de cessation forcée des fonctions, notamment de révocation, l'indemnité est exonérée jusqu'à 50 % de son montant, ou jusqu'à deux fois le montant de la rémunération annuelle brute perçue au cours de l'année civile précédant la cessation forcée des fonctions. La fraction exonérée retenue sera la plus forte de ces deux sommes, dans la limite de 25 millions de francs ".
4. Il résulte de l'instruction que la somme de 8 700 000 francs CFP a été versée à M. C... par la société Wamland en exécution d'un protocole transactionnel conclu le 23 août 2018 par le requérant avec la société Wamland et le co-gérant et actionnaire majoritaire de cette société. L'article 2 de ce protocole stipule que M. C... accepte de démissionner de son mandat de gérant de la société Wamland au jour de la signature du protocole et accepte de recevoir de la société Wamland la somme de 8 700 000 francs CFP à titre de prime de gérance et pour solde de tout compte. M. C... soutient toutefois qu'il a été forcé de démissionner afin d'éviter une révocation dont le menaçait le co-gérant, actionnaire majoritaire, et avoir ainsi cédé sous la contrainte en contrepartie de concessions notamment financières.
5. Il résulte de l'instruction que le départ de M. C... apparaît comme intervenu suite aux dissensions tant personnelles que professionnelles existant entre les deux gérants, qui se sont notamment traduites par une réduction des fonctions et de la rémunération de M. C..., rendant impossible la poursuite de leur collaboration professionnelle au sein de la société Wamland, que M. C... a connu, dans les mois précédant son départ, des ennuis de santé trouvant leur origine dans les difficultés professionnelles rencontrées et que le co-gérant, associé majoritaire, envisageait de réunir les associés pour statuer sur la révocation de M. C... de son mandat de gérant. La démission de l'intéressé doit par suite être regardée comme ayant le caractère d'une éviction forcée au sens des dispositions précitées du II de l'article Lp. 96 du code des impôts de la Nouvelle-Calédonie. Il suit de là que la somme de 8 700 000 francs CFP versée à M. C... à titre de prime de gérance et de solde de tout compte en exécution du protocole transactionnel conclu avec le co-gérant et la société Wamland, alors même que ce protocole transactionnel aurait également eu pour objet de fixer les conditions de la vente d'un bien immobilier appartenant à la SCI Belzebuth dont M. A... et M. C... détenaient 50 % des parts sociales chacun, doit, pour l'application des dispositions précitées du II de l'article Lp. 96 du code des impôts de la Nouvelle-Calédonie, être regardée comme exonérée d'impôt sur le revenu.
6. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... est fondé à obtenir la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2018, à raison de l'imposition de la somme de 8 700 000 francs CFP. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de
M. C..., qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que demande le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie au titre des frais qu'il a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie le versement à M. C... de la somme de 1 500 euros au titre de ces mêmes frais.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2000453 du 17 mai 2021 du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie est annulé.
Article 2 : M. C... est déchargé de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2018, à raison de l'imposition de la somme de 8 700 000 francs CFP.
Article 3 : Le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie versera à M. C... la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées par le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C... et au gouvernement de la Nouvelle-Calédonie.
Délibéré après l'audience du 23 novembre 2022, à laquelle siégeaient :
- Mme Brotons, président de chambre,
- Mme Topin, président assesseur,
- M. Magnard, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 décembre 2022.
Le rapporteur,
F. B...Le président,
I. BROTONS
Le greffier,
C. MONGIS
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21PA04020 |
JADE/CETATEXT000046710485.xml | Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'Assistance publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP) a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler le titre exécutoire n° 3078 émis à son encontre le 14 novembre 2019 par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) pour un montant de 18 810 euros et de la décharger de l'obligation de payer cette somme.
Par un jugement n° 2020129/6-3 du 20 mai 2021, le Tribunal administratif de Paris a annulé ce titre exécutoire et a déchargé l'AP-HP du paiement de la somme de 18 810 euros mise à sa charge.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 16 juillet et 14 octobre 2021, l'ONIAM, représenté par Me Saumon, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2020129/6-3 du 20 mai 2021 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de rejeter la demande présentée par l'AP-HP devant le Tribunal administratif de Paris ;
3°) de condamner l'AP-HP à lui verser la somme de 18 810 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 19 novembre 2019 et de la capitalisation des intérêts à compter du 20 novembre 2020 ;
4°) de condamner l'AP-HP à lui verser la somme de 2 821,50 euros correspondant à 15 % de la somme de 18 810 euros au titre de la pénalité prévue à l'article L. 1142-15 du code de la santé publique ;
5°) de condamner l'AP-HP à régler à l'ONIAM les frais d'expertise ;
6°) de mettre à la charge de l'AP-HP la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- M. A... a été victime d'un retard de diagnostic et de prise en charge imputable à l'AP-HP lui ayant fait perdre 50 % de chance d'éviter le décès ;
- il n'est pas certain que la prise en charge du patient lors de la reprise chirurgicale au moment de l'opération et de la réanimation soit exempte de manquements ;
- le titre exécutoire adressé à l'AP-HP était accompagné en annexe des protocoles transactionnels qui comportent la mention des bases de liquidation ;
- il est fondé à solliciter reconventionnellement la condamnation de l'AP-HP à lui verser la pénalité prévue à l'article L. 1142-15 du code de la santé publique dès lors que l'AP-HP a cru bon ne pas faire d'offre d'indemnisation aux ayants droit de M. A... alors que tant le rapport d'expertise que l'avis de la commission de conciliation et d'indemnisation étaient parfaitement explicites sur les manquements commis et que l'AP-HP s'est abstenue de rembourser les sommes versées à l'amiable à l'ONIAM.
Par un mémoire en défense enregistré le 18 octobre 2021 l'AP-HP, représentée par Me Tsouderos, conclut à titre principal au rejet de la requête de l'ONIAM, à l'annulation du titre exécutoire n° 3078 émis le 14 novembre 2019 par ce dernier et à ce que soit mise à la charge de l'ONIAM la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de la justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par l'ONIAM ne sont pas fondés et que le titre exécutoire ne comporte pas la mention des bases de liquidation.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C...,
- et les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A..., né le 16 septembre 1949, a subi une intervention de colectomie gauche par voie coelioscopique avec anastomose colo-rectale le 24 mai 2017 à l'hôpital Saint-Antoine pour traiter une tumeur bourgeonnante en rapport avec un adénocarcinome lieberkühnien invasif colique. Le 25 mai 2017 à 9h10, a été constaté un " écoulement digestif par les points de coelio-ombilicale " et une reprise chirurgicale a été réalisée à 11h10 pour traiter la péritonite iatrogène par perforation du grêle survenue en peropératoire. M. A... est décédé le 27 mai 2017 à 20h42. Son épouse, Mme D... A..., a saisi la commission de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux d'Ile-de-France (CCI) d'une demande d'indemnisation de son préjudice. Par avis du 14 décembre 2017, la CCI a diligenté une expertise confiée aux docteurs Bodenan et Valverde, anesthésiste-réanimateur et chirurgien viscéral, qui ont remis leur rapport le 1er mai 2018. Par avis du 25 octobre 2018, la CCI a retenu la responsabilité de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP) à hauteur de 50 % dans le décès de M. A..., la réparation du reste des préjudices incombant à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux (ONIAM). L'ONIAM s'est substitué à l'AP-HP pour indemniser les ayants droit de M. A..., puis, le 30 septembre 2020, a adressé à l'AP-HP le titre exécutoire n° 3078 du 14 novembre 2019 afin de recouvrer les frais engagés s'élevant à la somme de 18 810 euros. Par jugement n° 2020129/6-3 du 20 mai 2021, dont l'ONIAM relève appel, le Tribunal administratif de Paris a annulé ce titre exécutoire et a déchargé l'AP-HP du paiement de la somme de 18 810 euros mise à sa charge.
Sur le bien-fondé de la créance :
2. Aux termes de l'article L. 1142-15 du code de la santé publique : " En cas de silence ou de refus explicite de la part de l'assureur de faire une offre, ou lorsque le responsable des dommages n'est pas assuré ou la couverture d'assurance prévue à l'article L. 1142-2 est épuisée, l'office institué à l'article L. 1142-22 est substitué à l'assureur. Dans ce cas, les dispositions de l'article L. 1142-14, relatives notamment à l'offre d'indemnisation et au paiement des indemnités, s'appliquent à l'office, selon des modalités déterminées par décret en Conseil d'Etat. L'acceptation de l'offre de l'office vaut transaction au sens de l'article 2044 du code civil. La transaction est portée à la connaissance du responsable et, le cas échéant, de son assureur. Sauf dans le cas où le délai de validité de la couverture d'assurance garantie par les dispositions du cinquième alinéa de l'article L. 251-2 du code des assurances est expiré, l'office est subrogé, à concurrence des sommes versées, dans les droits de la victime contre la personne responsable du dommage ou, le cas échéant, son assureur. Il peut en outre obtenir remboursement des frais d'expertise. (...) Lorsque l'office transige avec la victime, ou ses ayants droit, en application du présent article, cette transaction est opposable à l'assureur ou, le cas échéant, au responsable des dommages sauf le droit pour ceux-ci de contester devant le juge le principe de la responsabilité ou le montant des sommes réclamées. (...) ". Aux termes de l'article L. 1142-1 du même code : " I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute ".
3. Il résulte de l'instruction que si l'ONIAM se prévaut du retard de diagnostic de la péritonite iatrogène par perforation du grêle survenue en peropératoire dont M. A... a été victime, la feuille de transmissions ciblées de la nuit du 24 au 25 mai 2017, si elle a été communiquée tardivement aux experts désignés par la CCI, mentionne néanmoins que le patient a été vu par une infirmière à 22 heures, 2 heures et 6 heures du matin avec à chaque fois un relevé de ses constantes, montrant seulement une augmentation de son pouls relevé à 100 à 6 heures avec une température à 37,8 °C et qu'il s'est plaint de douleurs à l'épaule gauche qui ont été soulagées. Par ailleurs, cette feuille mentionne que M. A... était algique au niveau abdominal lors de la surveillance intervenue à 18h30 et 20 heures. Ainsi, si l'épouse de M. A... a indiqué avoir reçu un appel de ce dernier à 23 heures le 24 mai 2017 lui affirmant " souffrir atrocement " sans que personne ne soit venu l'assister, ces informations ne sont pas corroborées par les pièces du dossier de sorte qu'il ne peut être considéré, contrairement à ce qu'ont estimé les experts, que M. A... n'a pas bénéficié de surveillance pendant la nuit du 24 au 25 mai et qu'il y a eu une faible considération des douleurs ressenties par l'intéressé. Enfin si l'ONIAM soutient, en s'appuyant sur la note médicale des docteurs Malartic et Cervesato, que si M. A... avait été examiné entre 23 heures et 6 heures du matin après l'appel à son épouse et avant l'apparition de signes de décompensation, le médecin aurait constaté une défense abdominale et que des examens scanographiques auraient pu être réalisés au moindre doute pour confirmer une péritonite, il ne résulte pas des pièces du dossier, comme indiqué précédemment, que les constantes de l'intéressé, relevées à trois reprises pendant la nuit, et les doléances exprimées par ce dernier au personnel médical présent durant la nuit du 24 au 25 mai permettent d'établir que M. A... n'a pas bénéficié d'une surveillance adéquate, alors que son pouls relevé à 6 heures était à 100 et non à 190 comme mentionné par les experts. Il s'ensuit qu'aucune faute qui serait liée à l'absence de surveillance de M. A... et qui serait à l'origine d'un retard de diagnostic ne peut être opposée à l'AP-HP.
4. Il résulte d'autre part de l'instruction et notamment des mentions de la feuille de transmissions ciblées de la nuit du 24 au 25 mai 2017, que ce n'est qu'après l'ingestion d'un thé à 8h30 qu'a été constaté lors de l'examen réalisé à 9h10 un " écoulement digestif par point de coelio-ombilicale " et que M. A... a été orienté vers le bloc opératoire où la reprise chirurgicale a débuté à 11h10, comme indiqué sur la feuille d'anesthésie peropératoire produite par l'AP-HP. Par suite, contrairement à ce que soutient l'ONIAM, qui reprend les conclusions du rapport d'expertise précité, l'établissement du diagnostic de la complication de péritonite n'a pas été trop tardif compte tenu de cette chronologie et l'intervention chirurgicale qui s'en est suivie non plus, dès lors que la reprise chirurgicale n'a débuté que deux heures après que le diagnostic a été posé à 9h10 et non à 8h30 comme le soutient l'ONIAM. Il suit de là qu'aucune tardiveté fautive dans la reprise chirurgicale de M. A... ne peut être opposée à l'AP-HP.
5. Enfin, en soutenant qu'il n'est pas certain que la prise en charge du patient lors de la reprise chirurgicale au moment de l'opération et de la réanimation soit exempte de manquements en l'absence de mise en place immédiate d'antibiothérapie et de surveillance hémodynamique entre l'heure du diagnostic et la nouvelle intervention chirurgicale et compte tenu de la durée de cette intervention, l'ONIAM n'établit pas qu'une faute de nature à engager la responsabilité de l'AP-HP aurait été commise pendant cette seconde opération.
6. Il résulte de tout ce qui précède que l'ONIAM n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé le titre exécutoire n° 3078 émis à l'encontre de l'AP-HP le 14 novembre 2019 pour un montant de 18 810 euros et l'a déchargée de l'obligation de payer cette somme. Par suite, ses conclusions tendant à l'annulation du jugement, à la condamnation de l'AP-HP à lui verser les sommes de 18 810 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 19 novembre 2019 et de la capitalisation des intérêts à compter du 20 novembre 2020, et de 2 821,50 euros correspondant à 15 % de la somme de 18 810 euros au titre de la pénalité prévue à l'article L. 1142-15 du code de la santé publique et au paiement des frais d'expertise ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les frais liés à l'instance :
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'AP-HP, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, au titre des frais exposés par l'ONIAM et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'ONIAM la somme demandée par l'AP-HP au titre des mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de l'ONIAM est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et à l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris.
Délibéré après l'audience du 14 novembre 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Le Goff, président de chambre,
- M. Ho Si Fat, président assesseur,
- Mme Collet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 décembre 2022.
La rapporteure,
A. C...Le président,
R. LE GOFF
Le greffier,
P. TISSERAND
La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 21PA04022
1 |
JADE/CETATEXT000046710491.xml | Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. F... C... E... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 7 juillet 2021 par lequel la préfète du Val-de-Marne l'a obligé à quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays à destination d'une mesure d'éloignement et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.
Par un jugement n° 2114590/8-2 du 20 août 2021, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 7 juillet 2021 de la préfète du Val-de-Marne, lui a enjoint de délivrer sans délai une autorisation provisoire de séjour à M. E... et de réexaminer la situation de celui-ci dans le délai de trois mois à compter de la notification du jugement et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 27 septembre 2021, la préfète du Val-de-Marne demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2114590/8-2 du 20 août 2021 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de rejeter la demande de M. E....
Elle soutient que :
- l'intéressé a été régulièrement entendu ;
- les autres moyens soulevés en première instance par M. E... ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense enregistré le 28 juin 2022, M. E..., représenté par Me Rapoport, conclut :
1°) au rejet de la requête ;
2°) d'enjoindre à la préfète du Val-de-Marne ou au préfet territorialement compétent de réexaminer sa situation et de lui délivrer sans délai une autorisation provisoire de séjour ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761 1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 à verser à son conseil sous réserve de sa renonciation à percevoir la part contributive de l'État au titre de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- le premier juge a retenu à bon droit comme fondé le moyen tiré du vice de procédure qui entache l'arrêté attaqué ;
- il a été porté atteinte à son droit d'être assisté d'un avocat prévu à l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration et par l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- les dispositions du 2° de l'article L. 813-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ont été méconnues ;
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen sérieux de sa situation personnelle ;
- elle est entachée d'une erreur de droit dès lors qu'elle est fondée sur l'article L. 611-1 1° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors qu'il a entrepris des démarches en vue de solliciter un titre de séjour ;
- elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
En ce qui concerne la décision portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire :
- elle est entachée d'une erreur de droit dès lors qu'elle est fondée sur les articles L. 612-2 et L. 612-3 1° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors qu'il a entrepris des démarches en vue de solliciter un titre de séjour ;
En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
- elle est illégale en raison de l'illégalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français et refus d'octroi d'un délai de départ volontaire ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen sérieux de sa situation personnelle ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
M. E... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris du 31 janvier 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été rendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- et les observations de Me Rapoport, avocat de M. C... E....
Considérant ce qui suit :
1. M. E..., ressortissant ivoirien né le 12 juillet 1987, est entré en France le 11 décembre 2017 selon ses déclarations. Par arrêté du 7 juillet 2021, la préfète du Val-de-Marne l'a obligé à quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays à destination d'une mesure d'éloignement et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans. Par jugement n° 2114590/8-2 du 20 août 2021, dont la préfète du Val-de-Marne relève appel, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 7 juillet 2021 de la préfète du Val-de-Marne et lui a enjoint de délivrer sans délai une autorisation provisoire de séjour à M. E... et de réexaminer la situation de celui-ci dans le délai de trois mois à compter de la notification du jugement et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal :
2. Il ressort des pièces du dossier et notamment du procès-verbal du 7 juillet 2021 à 13h50 que, contrairement à ce qu'a considéré le premier juge, M. E... a bien été entendu au sujet de la perspective d'une mesure d'éloignement préalablement à l'édiction de l'arrêté attaqué. En effet, M. E... a été auditionné par les services de police le 7 juillet 2021 et a ainsi été mis à même de formuler ses observations et de porter à la connaissance de l'administration, avant que ne soit prise la décision contestée, l'ensemble des informations pertinentes relatives à sa situation personnelle. En tout état de cause, le requérant ne se prévaut d'aucune information pertinente qu'il aurait été empêché de porter à la connaissance de l'administration avant que ne soit prise la décision et qui, si elle avait pu être communiquée à temps, aurait été de nature à faire obstacle à cette décision. Dans ces conditions, le droit d'être entendu de M. E... n'a pas été méconnu.
3. Il suit de là que la préfète du Val-de-Marne est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a annulé l'arrêté du 7 juillet 2021 au motif que l'intéressé n'a pas été entendu avant l'adoption de cette décision en méconnaissance du respect des droits de la défense et que cette décision a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière.
4. Il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. E... devant le Tribunal administratif de Paris et la Cour.
Sur les autres moyens invoqués par M. E... :
5. En premier lieu, par un arrêté n° 2021/1836 du 28 mai 2021 de la préfète du Val-de-Marne, publié le même jour au recueil des actes administratifs de la préfecture, M. A... D..., attaché, adjoint à la cheffe du bureau de l'éloignement et du contentieux, au sein de la direction des migrations et de l'intégration, a reçu délégation à l'effet de signer les décisions dans la limite de ses attributions, dont relève la police des étrangers, en cas d'absence ou d'empêchement d'autorités dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elles n'ont pas été absentes ou empêchées lors de la signature de l'acte attaqué. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté aurait été signé par une autorité incompétente doit être écarté comme manquant en fait.
6. En deuxième lieu, les décisions portant obligation de quitter le territoire et interdiction de retour sur le territoire français comportent l'énoncé des dispositions légales dont il a été fait application ainsi que des circonstances de fait au vu desquelles elles ont été prises et notamment de la situation personnelle et administrative de M. E.... Contrairement à ce que soutient le requérant, la préfète n'était pas tenue de mentionner de manière exhaustive tous les éléments relatifs à la situation personnelle dont il entendait se prévaloir. Il s'ensuit que le moyen tiré d'une insuffisance de motivation doit être écarté.
7. En troisième lieu, il ressort de la motivation même des décisions portant obligation de quitter le territoire et interdiction de retour sur le territoire français que la préfète s'est livrée à un examen circonstancié de la situation de M. E....
8. En quatrième lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable ". D'autre part, aux termes de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " 1. Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions, organes et organismes de l'Union. / 2. Ce droit comporte notamment : a) le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre (...) ". Si ces dispositions ne sont pas par elles-mêmes invocables par un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement, celui-ci peut néanmoins utilement faire valoir que le principe général du droit de l'Union relatif au respect des droits de la défense imposait qu'il soit préalablement entendu et mis à même de présenter toute observation utile sur la mesure d'éloignement envisagée.
9. Ainsi qu'il a été dit au point 2 du présent arrêt, dès lors que le droit de M. E... d'être entendu n'a pas été méconnu, le moyen selon lequel l'arrêté du 7 juillet 2021 de la préfète du Val-de-Marne aurait pris en méconnaissance de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration et de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ne peut qu'être écarté.
10. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : 1° L'étranger, ne pouvant justifier être entré régulièrement sur le territoire français, s'y est maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; (...) ".
11. S'il ressort des pièces du dossier que M. E... a sollicité la délivrance d'un visa auprès des autorités consulaires françaises, il n'établit pas avoir obtenu ce visa. Par ailleurs, si le requérant soutient avoir effectué des démarches en vue de l'obtention d'un titre de séjour et qu'une attestation de demandeur d'asile lui a été remise le 15 janvier 2020 suite à la demande de réexamen qu'il a déposée après le rejet de sa première demande d'asile le 8 juin 2018, cette attestation de demande d'asile délivrée dans le cadre de la procédure accélérée de réexamen n'était valable que jusqu'au 7 février 2020. Ainsi, M. E... n'était, à la date à laquelle a été pris l'arrêté attaqué, titulaire d'aucun titre de séjour en cours de validité. Le moyen selon lequel la décision portant obligation de quitter le territoire français prise par la préfète serait entachée d'une violation du 1° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
12. En sixième lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...) / 4° La reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou il ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 542-1 et L. 542-2, à moins qu'il ne soit titulaire de l'un des documents mentionnés au 3° ; (...) ". Aux termes de l'article L. 541-2 du même code : " L'attestation délivrée en application de l'article L. 521-7, dès lors que la demande d'asile a été introduite auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, vaut autorisation provisoire de séjour et est renouvelable jusqu'à ce que l'office et, le cas échéant, la Cour nationale du droit d'asile statuent ".
13. Il ressort des pièces du dossier que, contrairement à ce que soutient le requérant, à la date de la décision portant obligation de quitter le territoire français, soit le 7 juillet 2021, la demande de réexamen de sa demande d'asile avait été définitivement rejetée par la Cour nationale du droit d'asile par décision du 3 juin 2020 notifiée le 3 juillet 2020 et M. E... n'était pas titulaire d'une autorisation provisoire de séjour. Par suite, le moyen selon lequel la décision portant obligation de quitter le territoire a méconnu les dispositions du 4° de l'article L. 611-1 et celles de l'article L. 743-1, devenu l'article L. 541-2 du même code, n'est pas fondé.
14. En septième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
15. M. E... soutient résider en France depuis quatre années à la date de l'obligation de quitter le territoire français, travailler depuis le 20 juin 2020 auprès de la société Étoile du Sud en tant que magasinier puis de boucher et ainsi justifier d'une bonne insertion dans la société française. Toutefois, ces seules circonstances ne permettent pas de considérer qu'en prenant la décision portant obligation de quitter le territoire français, la préfète du Val-de-Marne aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
16. En huitième lieu, M. E... ne peut utilement invoquer les dispositions du 2° de l'article L. 813-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui prévoient le bénéfice de l'assistance d'un avocat désigné par l'intéressé ou commis d'office par le bâtonnier, lesquelles s'appliquent à l'étranger auquel est notifié un arrêté de placement en rétention.
17. En neuvième lieu, aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : (...) / 2° L'étranger s'est vu refuser la délivrance ou le renouvellement de son titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour au motif que sa demande était manifestement infondée ou frauduleuse ; (...) ". Aux termes de l'article L. 612-3 du même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : 1° L'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; (...) ".
18. Il ressort de ce qui a été indiqué au point 11 du présent arrêt que M. E... ne justifie pas être entré régulièrement sur le territoire français et qu'à la date de la décision portant refus de délai de départ volontaire, il était, après le rejet définitif de la demande de réexamen de sa demande d'asile, en situation irrégulière sans avoir à nouveau sollicité la délivrance d'un titre de séjour. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision portant refus de délai de départ volontaire fondée sur les articles L. 612-2 et L. 612-3 1° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile serait entachée d'une erreur de droit alors qu'il avait entrepris des démarches en vue de solliciter un titre de séjour ne peut qu'être écarté.
19. En dixième lieu, dès lors que les décisions portant obligation de quitter le territoire français et refus d'octroi d'un délai de départ volontaire ne sont pas entachées d'illégalité, le moyen tiré de ce que la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de ces décisions ne peut qu'être écarté.
20. En dernier lieu, en se bornant à soutenir qu'il s'agit de la première mesure d'éloignement prononcée à son encontre à l'issue d'une procédure de demande d'asile engagée durant laquelle il s'est maintenu sur le territoire français, M. E... n'établit pas que la décision portant interdiction de de retour serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
21. Il résulte de tout ce qui précède que la préfète du Val-de-Marne est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 7 juillet 2021, lui a enjoint de délivrer sans délai une autorisation provisoire de séjour à M. E... et de réexaminer la situation de celui-ci dans le délai de trois mois à compter de la notification du jugement et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il y a lieu dès lors d'annuler le jugement du 20 août 2021 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris et de rejeter la demande présentée par M. E... devant le Tribunal administratif de Paris de même que ses conclusions d'appel.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2114590/8-2 du 20 août 2021 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. E... devant le Tribunal administratif de Paris et ses conclusions d'appel sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... C... E... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie du présent arrêt sera adressée à la préfète du Val-de-Marne.
Délibéré après l'audience du 14 novembre 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Le Goff, président de chambre,
- M. Ho Si Fat, président assesseur,
- Mme Collet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 décembre 2022.
La rapporteure,
A. B... Le président,
R. LE GOFF
Le greffier,
P. TISSERAND
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 21PA05243 |
JADE/CETATEXT000046710456.xml | Vu la procédure suivante :
I. Par une requête et huit mémoires enregistrés les 5 août 2020, 9 décembre 2020, 11 janvier 2021, 19 janvier 2021, 9 février 2021, 24 février 2021, 2 septembre 2021, 12 octobre 2021 et 16 décembre 2021 sous le numéro 20PA02114, la société Média Bonheur, représentée par la SCP Hélène Didier et François Pinet, demande à la cour :
1°) de condamner le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) à lui verser la somme de 1 245 554 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 11 février 2020 et de la capitalisation des intérêts, en raison des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de la faute qu'il a commise en rejetant sa candidature pour l'exploitation d'un service de radio dans la zone de Lorient ;
2°) de mettre à la charge du CSA la somme de 6 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision du CSA du 29 mars 2017 rejetant sa candidature pour l'exploitation d'un service de radio dans la zone de Lorient, ainsi que les trois décisions du même jour par lesquelles il a autorisé la société SERC à exploiter le service Fun Radio, la société FG Concept à exploiter le service Radio FG et l'association CAB à exploiter le service RMN FM, sont entachées d'illégalité, comme l'a jugé de manière définitive la cour administrative d'appel de Paris par un arrêt du 10 juillet 2018 ; cette illégalité constitue une faute engageant la responsabilité du CSA à son égard ;
- elle a perdu une chance sérieuse d'exploiter une fréquence sur la zone de Lorient entre le 20 avril 2017 et le 30 avril 2019 ; les effets de cette perte de chance se déploient jusqu'à l'échéance de l'autorisation qui lui a été accordée à l'issue du réexamen de sa candidature, soit jusqu'au 19 avril 2022 ;
- eu égard notamment aux résultats d'audience de Radio Bonheur dans la zone comparable de Saint-Brieuc entre 2004 et 2007, et aux recettes publicitaires qu'aurait générées l'exploitation d'un émetteur à Lorient, il y a lieu d'évaluer son préjudice à la somme de 1 215 554 euros ; le montant des rémunérations de son dirigeant ne doit pas être intégré dans les charges directement exposées pour l'exploitation d'une fréquence, dès lors qu'il ne s'agit que d'un mode de distribution des bénéfices ;
- elle a subi un préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence, qui doivent être indemnisés à hauteur de 30 000 euros.
Par six mémoires en défense enregistrés les 24 novembre 2020, 7 janvier 2021, 1er février 2021, 16 février 2021, 1er octobre 2021 et 14 décembre 2021, le CSA, représenté par Me Gury, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la société Média Bonheur en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la demande de la société Média Bonheur au titre des troubles dans ses conditions d'existence et du préjudice moral est irrecevable dès lors qu'elle n'a pas fait l'objet d'une demande indemnitaire préalable ;
- les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
II. Par une requête et huit mémoires enregistrés les 5 août 2020, 9 décembre 2020, 11 janvier 2021, 19 janvier 2021, 9 février 2021, 24 février 2021, 2 septembre 2021, 24 novembre 2021 et 23 décembre 2021 sous le numéro 20PA02115, M. B..., représenté par la SCP Hélène Didier et François Pinet, demande à la cour :
1°) de condamner le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) à lui verser la somme de 964 150 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 7 juin 2019 et de la capitalisation des intérêts, en raison des préjudices qu'il estime avoir subis du fait du rejet de la candidature de la société Média Bonheur pour l'exploitation d'un service de radio dans la zone de Lorient ;
2°) de mettre à la charge du CSA la somme de 6 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision du CSA du 29 mars 2017 rejetant sa candidature pour l'exploitation d'un service de radio dans la zone de Lorient, ainsi que les trois décisions du même jour par lesquelles il a autorisé la société SERC à exploiter le service Fun Radio, la société FG Concept à exploiter le service Radio FG et l'association CAB à exploiter le service RMN FM, sont entachées d'illégalité, comme l'a jugé de manière définitive la cour administrative d'appel de Paris par un arrêt du 10 juillet 2018 ; cette illégalité constitue une faute engageant la responsabilité du CSA ;
- la société Média Bonheur, dont il est le gérant, a perdu une chance sérieuse d'exploiter une fréquence sur la zone de Lorient entre le 20 avril 2017 et le 30 avril 2019 ; les effets de cette perte de chance se déploient jusqu'à l'échéance de l'autorisation accordée à la société, à l'issue du réexamen de sa candidature, soit jusqu'au 19 avril 2022 ;
- il a subi un préjudice résultant de la perte de rémunérations, variables chaque année, ayant pour origine l'exploitation du service tant par la société Média Bonheur que par la société Régie Bonheur, client exclusif de la première ; la perte de chance d'exploiter le programme Radio Bonheur dans la zone de Lorient a entraîné une perte de recettes publicitaires d'exploitation ; la perte de ces sommes constitue pour lui un préjudice propre ;
- eu égard notamment aux résultats d'audience de Radio Bonheur dans la zone de Saint-Brieuc entre 2004 et 2007, et aux recettes publicitaires qu'aurait générées l'exploitation d'un émetteur à Lorient, il y a lieu d'évaluer son préjudice financier à la somme de 934 150 euros ;
- il a subi un préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence, qui doivent être indemnisés à hauteur de 30 000 euros.
Par six mémoires en défense enregistrés les 24 novembre 2020, 7 janvier 2021, 1er février 2021, 16 février 2021, 1er octobre 2021 et 21 décembre 2021, le CSA, représenté par Me Gury, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de M. B... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la demande de M. B... au titre des troubles dans ses conditions d'existence est irrecevable dès lors qu'elle n'a pas fait l'objet d'une demande indemnitaire préalable ;
- les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986,
- la loi n° 2021-1382 du 25 octobre 2021,
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- les conclusions de Mme Pena, rapporteure publique,
- les observations de Me Pinet, représentant la société Média Bonheur et M. B..., et les observations de Me Gury, représentant l'ARCOM.
Considérant ce qui suit :
1. Par une décision du 23 novembre 2015, le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) a lancé un appel à candidatures pour l'exploitation de services radiophoniques par voie hertzienne terrestre en modulation de fréquence à temps complet ou partagé dans le ressort du comité territorial de l'audiovisuel de Rennes. Par quatre décisions du 29 mars 2017, n° 2017-227, n° 2017-229, n° 2017-231 et n° 2017-233, il a autorisé respectivement, dans la zone de Lorient, la société SERC à exploiter un service de radio de catégorie D dénommé " Fun Radio ", la société Ouï FM à exploiter un service radio de catégorie D dénommé " Ouï FM", la société FG Concept à exploiter un service radio de catégorie D dénommé " Radio FG", et l'association Comité d'animation de Bretagne à exploiter un service radio de catégorie B dénommé " RMN FM". Par une décision du même jour, notifiée le 17 mai 2017, le CSA a rejeté la candidature de la société Média Bonheur pour la diffusion en catégorie B du service dénommé " Radio Bonheur " sur cette même zone.
2. Par un arrêt n° 17PA02113, 17PA02114, 17PA02115, 17PA02116 du 10 juillet 2018, la cour administrative d'appel de Paris a annulé les décisions du 29 mars 2017 rejetant la candidature de la société Média Bonheur et autorisant la société SERC, la société FG Concept et l'association Comité d'animation de Bretagne à exploiter des services de radio dans la zone de Lorient. La cour a en outre enjoint au CSA de réexaminer la candidature de la société Média Bonheur dans le délai de huit mois. Par une décision du 17 avril 2019, le CSA a autorisé la société Média Bonheur à exploiter un service de radio de catégorie B par voie hertzienne terrestre en modulation de fréquence dénommé Radio Bonheur dans la zone de Lorient, pour la période allant du 30 avril 2019 au 19 avril 2022.
3. Estimant avoir été privé des rémunérations qu'il aurait perçues du fait de l'exploitation de la fréquence refusée à la société Média Bonheur par la décision annulée du 29 mars 2017, M. B..., gérant de la société Média Bonheur, a demandé au CSA d'indemniser ses préjudices par un courrier reçu le 7 juin 2019 et qui a été implicitement rejeté. La société Média Bonheur, estimant avoir été illégalement privée de la possibilité d'exploiter une fréquence à Lorient entre le 20 avril 2017 et le 30 avril 2019, a demandé l'indemnisation de ses préjudices auprès du CSA, par un courrier reçu le 11 février 2020 et qui a été implicitement rejeté. La société Média Bonheur et M. B... demandent à la cour de condamner le CSA à leur verser les sommes respectives de 1 245 554 euros et de 964 150 euros en réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis.
Sur la jonction :
4. Les requêtes enregistrées sous les numéros 20PA02114 et 20PA02115 présentent à juger des questions semblables et ont fait l'objet d'une instruction commune ; il y a lieu par suite de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.
Sur les conclusions indemnitaires :
I. En ce qui concerne la responsabilité :
I. A. S'agissant de la responsabilité à l'égard de la société Média Bonheur :
5. D'une part, pour annuler par un jugement du 10 juillet 2018 devenu définitif la décision du 29 mars 2017 du CSA rejetant la candidature de la société Média Bonheur pour l'exploitation d'un service de radio dans la zone de Lorient, la cour a estimé, en premier lieu, que le motif tiré de l'éloignement géographique de ses studios par rapport à la ville de Lorient plus important que ceux de la radio RFM FM, était entaché d'une erreur de droit, dès lors que s'il incombe au CSA de tenir compte, dans l'appréciation des candidatures qui lui sont soumises, des contributions respectives des candidats à la production de programmes réalisés localement, les dispositions du 5° de l'article 29 de la loi du 30 septembre 1986 n'entendaient pas introduire de critère géographique autre que celui de la production locale, dans la zone considérée, desdits programmes. La cour a par ailleurs considéré que la décision du 29 mars 2017 était entachée d'une erreur d'appréciation en ce qu'au regard tant de la prise en compte de l'intérêt du public de la zone considérée que de l'impératif de sauvegarde du pluralisme des courants d'expression socio-culturels, il n'existait pas à Lorient de radio ciblant un large public senior et proposant une programmation équivalente à la sienne, aucune offre radiophonique déjà présente dans cette zone n'étant entièrement dédiée à cette tranche d'âge ni ne proposant un programme consacré à l'accordéon, à la chanson française dite " gold " et à des artistes très peu diffusés. Enfin, la cour a estimé qu'avant l'appel à candidatures, six des treize radios privées autorisées dans la zone l'étaient en catégorie D, et que la sélection de Radio Bonheur en catégorie B aurait permis d'éviter d'aggraver ce déséquilibre, permettant ainsi de mieux satisfaire à l'objectif de juste équilibre entre réseaux nationaux de radiodiffusion et services locaux régionaux et thématiques que le choix de Ouï FM, de Fun Radio et de Radio FG, toutes trois en catégorie D.
6. D'autre part, pour annuler les décisions du 29 mars 2017 du CSA autorisant la société SERC, la société FG Concept et l'association Comité d'animation de Bretagne à exploiter un service de radio dans la zone de Lorient, la cour a notamment relevé que la préférence accordée par le CSA à la radio RMN FM n'était justifiée que par la plus faible distance des studios de production de cette dernière à la ville de Lorient par rapport à ceux de Radio Bonheur, et par suite entachée d'illégalité, comme il a été dit au point précédent, et que l'autorisation accordée aux services Fun Radio et Radio FG, toutes deux de catégorie D, dont les programmations s'apparentaient à l'offre musicale déjà assurée par d'autres radios déjà autorisées dans la zone de Lorient, alors que le service Radio Bonheur permettait d'accueillir une offre de service plus originale, méconnaissait l'impératif de sauvegarde du pluralisme des courants socio-culturels prévu par les dispositions de l'article 29 de la loi du 30 septembre 1986.
7. Il résulte des motifs exposés aux points 5 et 6 du présent arrêt que la candidature présentée par la société Média Bonheur pour l'exploitation du service de radio " Radio Bonheur " doit être regardée comme ayant disposé d'une chance sérieuse d'obtenir une autorisation à l'occasion de l'appel à candidatures lancé par décision du 23 novembre 2015, alors au surplus que la société requérante a été autorisée par une décision du CSA du 17 avril 2019, à l'issue du réexamen de sa candidature ordonné par la cour par l'arrêt du 10 juillet 2018, à exploiter le service de radio de catégorie B dénommé Radio Bonheur dans la zone de Lorient pour la période allant du 30 avril 2019 au 19 avril 2022. Par suite, la société Média Bonheur est fondée à demander l'indemnisation du manque à gagner résultant de son éviction irrégulière de la zone de Lorient.
I. B. S'agissant de la responsabilité à l'égard de M. B... :
8. Si M. B..., gérant de la société Média Bonheur, demande à être indemnisé des rémunérations dont il aurait été privé du fait de l'éviction irrégulière de ladite société de la zone de Lorient, il résulte de ce qui a été dit aux points 5 à 7 du présent arrêt que seule cette dernière, destinataire de la décision de rejet annulée, a droit à la réparation du préjudice qui résulte pour elle de manière certaine de l'illégalité fautive commise par le CSA. Le préjudice que l'intéressé invoque en sa qualité de gérant, qui ne saurait être regardé comme un préjudice personnel, distinct du préjudice dont la société Média Bonheur est fondée à obtenir réparation, constitue au contraire un préjudice indirect insusceptible d'être indemnisé par l'administration dès lors qu'il trouve son origine dans les relations existant entre la société Média Bonheur et lui-même. Par suite, en l'absence de lien de causalité direct entre les illégalités fautives commises par le CSA et le préjudice invoqué par M. B..., ce dernier n'est pas fondé à soutenir que la responsabilité du CSA serait engagée à son égard.
II. En ce qui concerne la période d'indemnisation :
9. Il résulte de l'instruction que la société Média Bonheur a été autorisée, par une décision du CSA du 17 avril 2019, à exploiter le service de radio de catégorie B dénommé Radio Bonheur dans la zone de Lorient pour la période allant du 30 avril 2019 au 19 avril 2022. Elle n'est donc fondée à être indemnisée de son manque à gagner que pour la période allant du 20 avril 2017, date d'effet des autorisations accordées après l'appel à candidatures du 23 novembre 2015, au 29 avril 2019, et non au 30 avril 2019 comme elle le demande. Si elle soutient en outre que les effets des décisions annulées porteraient également sur la période postérieure au 30 avril 2019, elle n'établit pas la réalité de cette allégation.
III. En ce qui concerne le montant du préjudice indemnisable :
III. A. S'agissant du manque à gagner :
10. L'indemnité due, au titre du manque à gagner, à une entreprise irrégulièrement évincée d'un appel à candidatures qu'elle avait des chances sérieuses d'emporter ne constitue pas la contrepartie de la perte d'un élément d'actif mais est destinée à compenser une perte de recettes commerciales. Elle doit être regardée comme un profit de l'exercice au cours duquel elle a été allouée et soumise, à ce titre, à l'impôt sur les sociétés. Par suite, le manque à gagner du candidat évincé doit, lorsqu'il est calculé par référence au résultat d'exploitation de la société dans les zones pour lesquelles elle a été autorisée à émettre, être évalué avant déduction de l'impôt sur les sociétés.
11. Contrairement à ce que soutient la société requérante, il n'y a lieu ni de calculer le montant du préjudice subi au regard des audiences de la radio Média Bonheur et des recettes réalisées dans la zone de Saint-Brieuc entre 2004 et 2007, qui ne sauraient être comparées à la zone de Lorient à partir de 2017, ni d'intégrer dans le calcul de l'indemnité due le montant de la rémunération de son dirigeant, dès lors qu'elle est mentionnée, dans les comptes qu'elle produit, comme une charge.
12. Il résulte de l'instruction, notamment des documents comptables produits par la société Média Bonheur, que le résultat d'exploitation annuel moyen de cette dernière, avant déduction de l'impôt sur les sociétés, pour les années 2013, 2014 et 2015, seules années pertinentes dès lors notamment qu'au cours de l'année 2016 la société requérante a bénéficié durant seulement onze mois sur douze d'une quatrième fréquence à Saint-Malo, s'élève à 61 093,77euros, somme qu'il convient de diviser par trois, qui est le nombre des fréquences exploitées par la société Média Bonheur au cours de ces années, soit 20 364,59 euros, correspondant une somme de 18,86 euros par jour et par fréquence. La période d'engagement de responsabilité du CSA représentant sept cent trente-neuf jours, et compte tenu des gains d'échelle sur la programmation qui est identique dans toutes les zones, il sera fait une juste appréciation du manque à gagner pour la société requérante de l'exploitation d'une fréquence sur la zone de Lorient entre le 20 avril 2017 et le 29 avril 2019 en lui allouant de ce chef la somme de 15 000 euros. Cette somme doit être mise à la charge de l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM) en application des dispositions de la loi n° 2021-1382 du 25 octobre 2021 relative à la régulation et à la protection de l'accès aux œuvres culturelles à l'ère numérique.
III. B. S'agissant des troubles dans les conditions d'existence et du préjudice moral :
13. La société Média Bonheur, qui soutient avoir subi des troubles dans ses conditions d'existence et un préjudice moral, n'établit pas la réalité de ces préjudices, et notamment aucune atteinte qu'auraient porté les illégalités fautives imputables au CSA à sa réputation. Dans ces conditions, et alors que les actions contentieuses qu'elle a précédemment engagées ont donné lieu au versement de sommes au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, sa demande doit être rejetée, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée en défense par le CSA.
IV. En ce qui concerne les intérêts et la capitalisation des intérêts :
14. Il résulte de l'instruction que la société Média Bonheur a formé auprès du CSA une demande indemnitaire préalable tendant à la réparation de son préjudice par courrier reçu le 11 février 2020. Il y a lieu par suite d'assortir la somme mentionnée au point 12 du présent arrêt des intérêts au taux légal à compter du 11 février 2020, lesquels seront capitalisés à compter du 11 février 2021, date à laquelle les intérêts étaient dus pour une année entière, et à chaque échéance annuelle ultérieure à compter de cette dernière date.
Sur les frais liés au litige :
15. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'ARCOM le versement de la somme de 1 500 euros à la société Média Bonheur sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi qu'à la charge de M. B... le versement à l'ARCOM de la somme de 1 500 euros sur le fondement des mêmes dispositions. Ces dernières font en revanche obstacle à ce que soit mis à la charge de la société Média Bonheur le versement d'une somme à l'ARCOM au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens, de même qu'à ce que soit mis à la charge de l'ARCOM le versement d'une somme à M. B... au même titre.
D É C I D E :
Article 1er : L'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique est condamnée à verser à la société Média Bonheur la somme de 15 000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 11 février 2020 et de la capitalisation des intérêts à compter du 11 février 2021 et à chaque échéance annuelle ultérieure à compter de cette dernière date.
Article 2 : L'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique versera la somme de 1 500 euros à la société Média Bonheur en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : M. B... versera la somme de 1 500 euros à l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Média Bonheur, à M. B... et à l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique.
Copie en sera adressée à la ministre de la culture.
Délibéré après l'audience du 15 novembre 2022 à laquelle siégeaient :
- M. Ivan Luben, président de chambre,
- Mme Marianne Julliard, présidente-assesseure,
- Mme Gaëlle Mornet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 décembre 2022.
La rapporteure,
G. A...Le président,
I. LUBENLa greffière,
N. DAHMANI
La République mande et ordonne à la ministre de la culture, en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N°s 20PA02114, 20PA02115
2 |
JADE/CETATEXT000046710442.xml | Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de condamner l'Etat à lui verser la somme de 388 979 euros en réparation du préjudice subi à la suite du refus de délivrance du brevet d'État d'éducateur sportif du 2ème degré option tennis, assortie des intérêts au taux légal à compter de sa demande préalable et de la capitalisation de ces intérêts.
Par jugement n° 1304640 du 7 juin 2016, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.
Par arrêt n° 16VE02303 du 28 mars 2019, la cour administrative d'appel de Versailles, sur l'appel de M. A..., a annulé ce jugement et a condamné l'Etat à verser à l'intéressé une somme de 19 829,66 euros, cette somme portant intérêts au taux légal à compter du 8 janvier 2013 et ces intérêts étant capitalisés au 8 janvier 2014 et à chaque échéance annuelle ultérieure.
Par une décision n° 430630 du 3 mai 2021, le Conseil d'Etat, saisi d'un pourvoi formé par la ministre des sports, a annulé l'article 2 de cet arrêt du 28 mars 2019 et renvoyé dans cette mesure l'affaire devant la cour administrative d'appel de Versailles.
Procédure devant la cour après renvoi du Conseil d'Etat :
Par un mémoire, enregistré le 15 décembre 2021, la ministre des sports et des jeux olympiques et paralympiques conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les frais de formation, les frais de déplacement et les pertes de revenus invoqués par M. A... sont sans lien avec l'illégalité fautive des refus de validation de ses acquis de l'expérience en vue de l'obtention du brevet d'État d'éducateur sportif du 2ème degré option tennis, intervenus en 2006 et 2008.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'éducation ;
- le code du sport ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C...,
- et les conclusions de Mme Moulin-Zys, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ancien joueur de tennis professionnel et titulaire du brevet d'État d'éducateur sportif du premier degré, option tennis, a satisfait avec succès, au cours de l'année 2000-2001, aux épreuves de la formation commune du brevet d'Etat d'éducateur sportif du premier degré. Il a effectué une demande de délivrance d'une dispense pour les épreuves du brevet d'État d'éducateur sportif du deuxième degré, option tennis. Par une décision du 29 janvier 2002, le directeur régional de la jeunesse et des sports d'Île-de-France lui a accordé une dispense pour les épreuves générale et technique, mais a rejeté sa demande pour l'épreuve pédagogique, à laquelle M. A... s'est présenté sans succès lors des sessions de 2002, 2003, 2004 et 2005. Au titre de la session 2006, il a demandé la validation des acquis de l'expérience pour l'obtention de cette épreuve pédagogique. La délibération du 13 octobre 2006 par laquelle le jury a rejeté sa demande a été annulée par un jugement du tribunal administratif de Poitiers du 30 avril 2008 devenu définitif, au motif que ce jury avait commis une erreur de fait en estimant que l'intéressé n'avait pas procédé à une description de ses activités dans le dossier de candidature. Par une nouvelle délibération du 10 octobre 2008, le même jury a, de nouveau, refusé de valider ses acquis pour cette même épreuve. Cette seconde décision de refus a été annulée par une décision n° 343766 du Conseil d'État du 22 février 2012, au motif que l'administration n'avait pas mis le candidat en mesure, d'une part, de présenter un nouveau dossier comportant, le cas échéant, l'expérience complémentaire acquise entre 2006 et 2008 et, d'autre part, de demander à être entendu, s'il le souhaitait, lors d'un entretien.
2. Le 27 décembre 2012, M. A... a saisi l'administration d'une demande indemnitaire qui a été implicitement rejetée. Par un arrêt du 28 mars 2019, la cour administrative de Versailles a, sur l'appel de l'intéressé, annulé le jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 7 juin 2016 rejetant ses conclusions à fin d'indemnisation et a condamné l'Etat à verser à M. A... la somme de 19 829,66 euros à raison de l'illégalité fautive des deux décisions de refus du jury de validation de l'épreuve pédagogique du brevet d'Etat d'éducateur sportif du deuxième degré, dont 5 000 euros au titre des pertes de revenus et frais de déplacement pour participer à l'épreuve, 9 829,66 euros au titre des dépenses de formation vainement exposées et 5 000 euros au titre du préjudice moral. Le Conseil d'Etat, sur le pourvoi formé par la ministre des sports, a, par une décision n° 430630 du 3 mai 2021, annulé l'article 2 de cet arrêt du 28 mars 2019 en tant qu'il statue sur les conclusions indemnitaires présentées par M. A... au titre des frais de formation et des pertes de revenus et frais de déplacement exposés pour participer à l'épreuve pédagogique du brevet d'État d'éducateur sportif du deuxième degré, option tennis et a renvoyé l'affaire devant la Cour dans cette mesure.
Sur l'étendue du litige
3. Le Conseil d'Etat n'a annulé l'article 2 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles qu'en tant qu'il statue sur les conclusions indemnitaires présentées par M. A... au titre des frais de formation et des pertes de revenus et frais de déplacement exposés pour participer à l'épreuve pédagogique du brevet d'État d'éducateur sportif du deuxième degré, option tennis. Il s'ensuit que la condamnation de l'Etat à verser à M. A..., au titre de son préjudice moral, la somme de 5 000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 8 janvier 2013, intérêts eux-mêmes capitalisés au 8 janvier 2014 et à chaque échéance annuelle ultérieure et le rejet des conclusions indemnitaires de M. A..., présentées au titre de la perte de revenus induite par l'absence d'obtention du brevet d'État d'éducateur sportif du deuxième degré, option tennis, sont devenus définitifs. Dès lors, il n'appartient plus à la cour de se prononcer sur ces conclusions.
Sur la régularité du jugement :
4. Si M. A... soutient que le jugement attaqué est irrégulier, tout d'abord, en ce que le tribunal administratif aurait considéré à tort que son dossier ne démontrait pas qu'il disposait des compétences pédagogiques requises par le référentiel professionnel, ensuite, en ce qu'il n'a pas retenu que le jury s'est fondé sur les éléments extérieurs à son expérience professionnelle et a fait preuve de partialité dans son appréciation et, enfin, en ce qu'il a écarté l'existence d'une perte de chance sérieuse d'obtenir un meilleur déroulement de carrière, de tels moyens, qui se rattachent au bien-fondé du raisonnement des premiers juges, sont sans incidence sur la régularité de leur décision. Ces moyens doivent, dès lors, être écartés.
Sur les conclusions indemnitaires :
En ce qui concerne les fautes commises par l'Etat :
5. Par le jugement précité du 30 avril 2008 devenu définitif, le tribunal administratif de Poitiers a annulé la décision du jury de validation des acquis de l'expérience refusant de valider l'épreuve pédagogique présentée par M. A... au titre de la session 2006 du brevet d'État d'éducateur sportif du deuxième degré, option tennis, au motif que le jury avait commis une erreur de fait " en considérant que l'intéressé n'avait pas procédé à une description de ses activités " alors que son dossier comportait plusieurs pages consacrées à cette description. A la suite de cette annulation, le jury de la session 2008 a confirmé son refus sans que M. A... en soit informé préalablement et mis à même de présenter une demande d'entretien et, le cas échéant, de fournir un dossier actualisé en ce qui concerne ses acquis. Cette seconde décision de refus a été annulée pour ce motif par une décision du Conseil d'État du 22 février 2012 ainsi qu'il a été dit au point 1 du présent arrêt. Ainsi, ces deux décisions du jury de validation de l'épreuve pédagogique du brevet d'État d'éducateur sportif du deuxième degré étaient entachées d'illégalité. Dès lors, M. A... est fondé à soutenir que ces illégalités constituent une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat, pour autant qu'elles aient été à l'origine d'un préjudice direct et certain.
En ce qui concerne les préjudices subis par M. A... :
6. M. A... sollicite, d'une part, le versement d'une indemnité d'un montant total de 39 229 euros correspondant, d'une part, aux dépenses de formations qu'il a engagées en vain pour préparer le brevet d'État d'éducateur sportif du deuxième degré, option tennis et, d'autre part, aux pertes de revenus qu'il a exposées lors de ces formations. Néanmoins, il résulte de l'instruction que ces formations ont été entreprises par M. A..., non en vue de constituer son dossier de validation des acquis de l'expérience mais de préparer, pour les sessions de 2002 à 2005, l'épreuve pédagogique du brevet d'État d'éducateur sportif du deuxième degré, option tennis. Ces dépenses et pertes de revenus sont donc sans lien avec l'illégalité des refus fautifs mentionnés au point précédent.
7. M. A... sollicite, d'autre part, le versement d'une indemnité de 3 500 euros au titre de ses frais de déplacement et des pertes de revenus causés par la présentation de l'épreuve pédagogique du brevet d'État d'éducateur sportif du deuxième degré, option tennis. Toutefois, pour les mêmes motifs qu'exposés précédemment, ces dépenses et pertes de revenus sont sans lien avec l'illégalité des refus fautifs de valider les acquis de l'expérience du requérant.
8. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande en ce qui concerne les préjudices précités. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A..., en tant qu'elle porte sur les frais de formation et les pertes de revenus et frais de déplacement exposés pour participer à l'épreuve pédagogique du brevet d'État d'éducateur sportif du deuxième degré, option tennis, est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à la ministre des sports et des jeux olympiques et paralympiques.
Délibéré après l'audience du 10 novembre 2022, à laquelle siégeaient :
M. Albertini, président de chambre,
M. Mauny, président assesseur,
Mme Villette, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 décembre 2022.
La rapporteure,
A. C...
Le président,
P.-L. ALBERTINI
La greffière,
F. PETIT-GALLAND
La République mande et ordonne au ministre des sports et des jeux olympiques et paralympiques en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
N° 21VE01255002 |
JADE/CETATEXT000046710495.xml | Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 5 août 2020 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2117612/5-2 du 28 octobre 2021, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 23 novembre 2021, M. B..., représenté par Me Collas, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris du 28 octobre 2021 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de police du 5 août 2020 ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois et sous astreinte de 15 euros par jour de retard, ou à titre subsidiaire de réexaminer sa demande ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros au profit de son conseil en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'arrêté du préfet de police n'est pas suffisamment motivé ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation personnelle ;
- cet arrêté a été pris au terme d'une procédure irrégulière dès lors que la commission du titre de séjour n'a pas été saisie, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors qu'il justifie résider en France depuis plus de dix ans ;
- le préfet a méconnu les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans la mesure où il remplit les conditions pour être admis exceptionnellement au séjour à ce titre ;
- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle ;
- l'arrêté du préfet porte atteinte à son droit au respect de sa vie privée et familiale, en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le préfet a violé les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la décision l'obligeant à quitter le territoire français n'est pas suffisamment motivée ;
- cette décision et la décision fixant le pays de destination sont dépourvues de base légale en raison de l'illégalité de la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour.
Par un mémoire enregistré le 18 octobre 2022, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Paris du 8 mars 2022.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme A... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant mauritanien né le 31 décembre 1967, déclare être entré en France le 3 janvier 2004. Par un arrêté du 5 août 2020, le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. B... demande à la cour d'annuler le jugement du 28 octobre 2021 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. En premier lieu, l'arrêté attaqué, pris dans le cadre des dispositions de l'article L. 313-14, alors en vigueur, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mentionne les éléments de droit dont il fait application ainsi que les considérations de fait relatives à la situation personnelle, familiale et professionnelle de M. B.... Il est par suite suffisamment motivé.
3. En deuxième lieu, il ne ressort ni des termes de cet arrêté, ni des pièces du dossier que le préfet de police n'aurait pas procédé à un examen complet de la situation de M. B....
4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-14, alors en vigueur, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. / L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. (...) ".
5. D'une part, M. B... ne produit à l'appui de sa demande, en ce qui concerne notamment les années 2015 et 2016, que quelques pièces qui ne présentent pas de caractère suffisamment probant pour établir sa résidence habituelle en France depuis plus de dix ans à la date de l'arrêté attaqué, dès lors qu'il s'agit essentiellement de factures, de relevés de livret A ne montrant de mouvement qu'en février 2015 et novembre 2016, d'une ordonnance et d'un compte-rendu hospitalier établis en novembre 2016, et d'attestations de passage annuel établies par la communauté internationale pour la solidarité et le développement. Par suite, le préfet de police n'a pas pris cet arrêté au terme d'une procédure irrégulière en ne saisissant pas la commission du titre de séjour au titre des dispositions précitées de l'article L. 313-14, alors en vigueur, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
6. D'autre part, M. B... soutient qu'il justifie de motifs exceptionnels de nature à permettre son admission exceptionnelle au séjour au titre des dispositions précitées, en raison de l'ancienneté de sa présence en France et de ses efforts d'intégration professionnelle. Toutefois, comme il vient d'être dit, il ne justifie pas de sa présence habituelle sur le territoire français notamment en 2015 et 2016. Par ailleurs, il ne produit à l'appui de sa demande aucun bulletin de paie, et la majeure partie de ses avis d'imposition indiquent qu'il n'a perçu aucun revenu. M. B... n'établit donc pas l'existence de motifs exceptionnels au sens des dispositions de l'article L. 313-14, alors en vigueur, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, au regard desquelles le préfet de police n'a par suite pas commis d'erreur manifeste d'appréciation. Il n'a pas davantage, pour les mêmes motifs, commis d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de son arrêté sur la situation personnelle de l'intéressé.
7. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ".
8. M. B... soutient qu'il a développé des attaches personnelles sur le territoire français et que des membres de sa famille résident en France. Il n'établit cependant pas le lien de parenté ainsi allégué par la seule production d'attestations des intéressés. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier qu'il se déclare célibataire et que ses trois enfants majeurs vivent en Mauritanie, son pays d'origine. Dans ces conditions, le préfet de police n'a pas porté atteinte à son droit au respect de sa vie privée et familiale en prenant l'arrêté contesté ; il n'a donc pas méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
9. En cinquième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " et aux termes de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
10. M. B... soutient que l'arrêté attaqué méconnaît les stipulations précitées. Ces dernières ne peuvent cependant être utilement invoquées à l'encontre des décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français. En tout état de cause, il n'établit pas la réalité de menaces personnelles dont il ferait l'objet en se bornant à faire référence, à l'appui de sa demande, à des rapports généraux d'Amnesty International et du Conseil des droits de l'homme des Nations Unies relatifs à la situation des droits humains et à la pauvreté en Mauritanie. Ces moyens ne peuvent donc qu'être écartés.
11. En sixième lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne (...) lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré ; (...). La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I (...). ". Si les dispositions du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile imposent à l'administration de motiver l'obligation de quitter le territoire français, elles la dispensent d'une motivation spécifique en cas, notamment, de refus de délivrance d'un titre de séjour. Dans cette hypothèse, la motivation de la décision portant obligation de quitter le territoire se confond avec celle du refus de titre de séjour dont elle découle nécessairement et n'implique pas, par conséquent, dès lors que ce refus est lui-même motivé et que les dispositions législatives qui permettent d'assortir ledit refus d'une obligation de quitter le territoire français ont été rappelées, une motivation factuelle particulière.
12. Comme il a été dit au point 2 du présent arrêt, le préfet de police a suffisamment motivé son arrêté en exposant les raisons de droit et de fait pour lesquelles il refusait de délivrer un titre de séjour à M. B.... Par ailleurs, les dispositions législatives qui permettent d'assortir ce refus d'une obligation de quitter le territoire français ont été rappelées par le même arrêté. Le moyen tiré d'une insuffisante motivation de la décision obligeant l'intéressé à quitter le territoire français doivent dès lors être rejetées.
13. En dernier lieu, il résulte de ce qui a été exposé aux points précédents que la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour à M. B... n'est pas illégale. Par suite, la décision l'obligeant à quitter le territoire français n'est pas dépourvue de base légale. Il s'ensuit que la décision fixant le pays de destination, contenue dans le même arrêté, n'est pas davantage dépourvue de base légale dès lors que la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas entachée d'illégalité.
14. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 5 août 2020. Ses conclusions à fin d'annulation doivent donc être rejetées. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1990 doivent également être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera transmise au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 15 novembre 2022 à laquelle siégeaient :
- M. Ivan Luben, président de chambre,
- Mme Marianne Julliard, présidente-assesseure,
- Mme Gaëlle Mornet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 décembre 2022.
La rapporteure,
G. A...Le président,
I. LUBENLa greffière,
N. DAHMANI
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 21PA05972
2 |
JADE/CETATEXT000046710481.xml | Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... C... a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 4 juin 2021 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, lui a interdit de retourner en France pendant une durée de deux ans et a fixé le pays de destination d'une mesure d'éloignement.
Par jugement n° 2105314 du 9 juin 2021, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des pièces enregistrées les 23 juin et 2 juillet 2021, M. C..., représenté par Me Martin-Pigeon, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2105314 du 9 juin 2021 du Tribunal administratif de Melun ;
2°) d'annuler l'arrêté du 4 juin 2021 du préfet de la Seine-Saint-Denis ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer une carte de séjour temporaire mention " vie privée et familiale " ou de réexaminer sa situation dès la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'arrêté attaqué est entaché d'un vice de procédure dès lors qu'il a été privé de son droit à être entendu ;
- il est insuffisamment motivé ;
- il n'a pas été précédé d'un examen circonstancié et approfondi de sa situation ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation personnelle ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- la décision portant refus de délai de départ volontaire est entachée d'une erreur de droit dès lors que le préfet s'est cru à tort en situation de compétence liée ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation personnelle ;
- la décision portant interdiction de retour est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation personnelle ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
La requête a été transmise au préfet de la Seine-Saint-Denis qui n'a pas produit d'observations.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant serbe né le 6 juin 1980, est entré en France en 2009 selon ses déclarations. Par arrêté du 4 juin 2021, le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, lui a interdit de retourner en France pendant une durée de deux ans et a fixé le pays de destination d'une mesure d'éloignement. Par jugement n° 2105314 du 9 juin 2021, dont M. C... relève appel, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. En premier lieu, M. C... invoque les moyens tirés de ce que l'arrêté attaqué est entaché d'un vice de procédure dès lors qu'il a été privé de son droit à être entendu, de l'insuffisance de motivation de ce dernier et du défaut d'examen circonstancié et approfondi de sa situation. Toutefois, il n'apporte à l'appui de ces moyens, déjà soulevés devant le Tribunal administratif de Melun, aucun élément nouveau susceptible de remettre en cause l'appréciation portée à juste titre par le premier juge. Il y a dès lors lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit aux points 3 à 5 du jugement attaqué.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
4. M. C... soutient être entré en France en 2009 mais n'établit toutefois sa présence par les pièces qu'il produit qu'à compter de l'année 2015, les pièces antérieures étant peu nombreuses et limitées à deux mois pour les années 2011 et 2012 et à l'aide médicale d'Etat et à deux documents bancaires en janvier et février sans aucun mouvement de fonds pour l'année 2013 et à la seule aide médicale d'Etat en 2014. Par ailleurs, si M. C... soutient qu'il vit en concubinage avec une compatriote, dont il ne ressort pas des pièces du dossier et n'est pas soutenu qu'elle serait en situation régulière en France, il produit des documents à une autre adresse que celle qui apparaît sur les documents mentionnant les deux noms et ceci au titre des années 2015, 2016 et 2017 de sorte que l'existence de la vie commune n'est établie qu'à compter de la signature du contrat de bail pour l'occupation d'un logement à compter du 1er mai 2018. Par ailleurs, s'il se prévaut de la scolarisation depuis l'année 2015 de leur fils, né le 22 septembre 2012, qui était en classe de CE2 à la date de l'arrêté attaqué, il n'établit pas contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de son enfant. S'il fait valoir qu'il subvient aux besoins de sa famille, il ne produit aucune déclaration de revenus et uniquement une promesse d'embauche en qualité d'électricien postérieure à la date de l'arrêté attaqué. Dans ces conditions, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, les décisions portant obligation de quitter le territoire français et interdiction de retour ne peuvent être regardées comme ayant porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels ces décisions ont été prises. Les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'ont ainsi pas été méconnues. Pour les mêmes motifs, M. C... n'est pas davantage fondé à soutenir que ces deux décisions et la décision portant refus de délai de départ volontaire seraient entachés d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
5. En troisième lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant susvisée : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
6. Dans les circonstances de l'espèce, M. C... ne fait état d'aucune considération faisant obstacle à ce que la cellule familiale composée de lui-même, de sa compagne en situation irrégulière en France et de leur fils se reconstitue dans un autre pays que la France, de sorte que l'obligation de quitter le territoire français attaquée n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990.
7. En dernier lieu, si M. C... soutient que la décision portant refus de délai de départ volontaire est entachée d'une erreur de droit dès lors que le préfet de la Seine-Saint-Denis s'est cru à tort en situation de compétence liée, il ne ressort toutefois ni des termes de sa décision, ni des autres pièces du dossier que le préfet se serait cru tenu de lui refuser un délai de départ volontaire suite à l'obligation de quitter le territoire français qu'il a prise. Par suite, doit être écarté le moyen tiré de ce que cette décision serait entachée d'une erreur de droit.
8. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 4 juin 2021 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, lui a interdit de retourner en France pendant une durée de deux ans et a fixé le pays de destination d'une mesure d'éloignement. Ses conclusions à fin d'annulation doivent être rejetées ainsi que, par voie de conséquence, celles qu'il a présentées à fin d'injonction et sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au préfet de la Seine-Saint-Denis.
Délibéré après l'audience du 14 novembre 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Le Goff, président de chambre,
- M. Ho Si Fat, président assesseur,
- Mme Collet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 décembre 2022.
La rapporteure,
A. B... Le président,
R. LE GOFF
Le greffier,
P. TISSERAND
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 21PA03470 |
JADE/CETATEXT000046710480.xml | Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Média Bonheur a demandé à la cour administrative d'appel de Paris de condamner l'État à lui verser la somme globale de 1 632 867 euros ou la somme de 1 716 euros par jour en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait des décisions du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) des 5 avril 2011 et 16 octobre 2013 refusant de lui attribuer une fréquence dans la zone de Laval.
Par un arrêt n° 15PA03418 du 24 mai 2018, la cour administrative d'appel de Paris a condamné l'État à lui verser la somme de 25 000 euros et rejeté le surplus des conclusions de sa requête.
Par une décision n° 422535 du 16 juin 2021, le Conseil d'État, statuant au contentieux, a annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 24 mai 2018 en tant qu'il fixe le montant du préjudice indemnisable et a renvoyé l'affaire devant la cour dans la mesure de l'annulation prononcée.
Procédure devant la cour :
Par une requête et sept mémoires enregistrés les 4 mars 2014, 4 juin 2014, 3 juillet 2015, 27 janvier 2016 régularisé par un mémoire du 23 mars 2016, 15 juin 2017, 3 août 2021, 18 novembre 2021 et 7 mars 2022, la société Média Bonheur, représenté par la SCP Didier-Pinet, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) de condamner l'État ou à défaut l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM) à lui verser la somme de 1 632 867 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 4 novembre 2013 et de la capitalisation des intérêts ;
2°) de mettre à la charge de l'État ou à défaut de l'ARCOM la somme de 6 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le préjudice qu'elle a subi du fait de l'illégalité fautive commise par le CSA correspond à son manque à gagner au titre de l'exploitation d'une fréquence sur la zone de Laval du 10 juillet 2011 au 10 juillet 2016 ;
- le montant de ce préjudice doit être déterminé au regard des bénéfices normalement attendus de l'exploitation d'une fréquence sur Laval et calculé sur la marge nette que cette exploitation aurait engendrée, et non au regard du résultat fiscal net réalisé par la société au titre des exercices clos en 2011, 2012 et 2013 ; le montant des rémunérations de son dirigeant ne doit pas être intégré dans les charges directement exposées pour l'exploitation d'une fréquence, dès lors qu'il ne s'agit que d'un mode de distribution des bénéfices ;
- eu égard aux recettes, notamment publicitaires, associatives et liées à la vente de divers produits, dont elle aurait pu bénéficier par l'exploitation d'une fréquence sur la zone de Laval, appréciées notamment au regard des résultats d'audience enregistrés au titre de l'exploitation d'une fréquence sur la zone comparable de Saint-Brieuc entre 2004 et 2007, et à la faiblesse des charges supplémentaires, qui ne sauraient inclure les frais de location d'un local et le coût de l'embauche d'un salarié, son préjudice doit être évalué à la somme de 1 632 867 euros pour la période allant du 10 juillet 2011 au 10 juillet 2016.
Par six mémoires enregistrés les 2 février 2015, 18 décembre 2015, 1er juin 2016, 28 juillet 2017, 20 octobre 2021 et 17 février 2022, l'ARCOM, venue aux droits et obligations du CSA, représentée par Me Gury, conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986,
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- les conclusions de Mme Pena, rapporteure publique,
- les observations de Me Pinet, représentant la société Média Bonheur,
- et les observations de Me Gury, représentant l'ARCOM.
Considérant ce qui suit :
1. Par une décision du 23 septembre 2013, le Conseil d'État, statuant au contentieux, a annulé la décision du 5 avril 2011 par laquelle le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) avait rejeté la candidature de la société Média Bonheur en vue de l'exploitation du service de radiodiffusion sonore par voie hertzienne " Radio Bonheur " dans la zone de Laval et a enjoint au CSA de réexaminer cette candidature. Par une décision du 16 octobre 2013, le CSA a, après l'avoir réexaminée, à nouveau rejeté la candidature de la société Média Bonheur au motif qu'il n'y avait pas de fréquence disponible dans la zone de Laval et a estimé qu'il n'y avait pas lieu de lancer un nouvel appel à candidatures pour un service de radiodiffusion sonore par voie hertzienne dans cette zone de Laval. Par une décision du 27 juillet 2015, le Conseil d'État, statuant au contentieux, a annulé cette décision en tant qu'elle refusait de lancer un appel à candidatures. Dès le 15 octobre 2014, le CSA avait toutefois lancé un appel à candidatures auquel la société Média Bonheur a été admise comme candidate de plein droit.
2. Par un arrêt du 24 mai 2018, la cour administrative d'appel de Paris, saisie par la société Média Bonheur, a retenu, comme il ressort des termes de la décision du Conseil d'État du 16 juin 2021, la responsabilité du CSA, doté de la personnalité morale et ayant succédé aux droits et obligations de l'État depuis le 1er janvier 2014, en application des dispositions de l'article 33 de la loi du 15 novembre 2013, du fait de l'illégalité de sa décision du 5 avril 2011, et l'a condamné à lui verser une indemnité de 25 000 euros en réparation du préjudice subi.
3. Par une décision du 16 juin 2021, le Conseil d'État, statuant au contentieux, a annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 24 mai 2018 en tant qu'il fixe le montant du préjudice indemnisable et a renvoyé l'affaire devant la cour dans la mesure de l'annulation prononcée. Il résulte de cette décision qu'il n'y a lieu d'examiner que le montant du préjudice indemnisable du fait du manque à gagner subi par la société Média Bonheur en raison de la perte d'une chance sérieuse d'obtenir une autorisation d'émettre dans la zone de Laval entre le 10 juillet 2011 et le 10 juillet 2016.
4. L'indemnité due, au titre du manque à gagner, à une entreprise irrégulièrement évincée d'un appel à candidatures qu'elle avait des chances sérieuses d'emporter ne constitue pas la contrepartie de la perte d'un élément d'actif mais est destinée à compenser une perte de recettes commerciales. Elle doit être regardée comme un profit de l'exercice au cours duquel elle a été allouée et soumise, à ce titre, à l'impôt sur les sociétés. Par suite, le manque à gagner du candidat évincé doit, lorsqu'il est calculé par référence au résultat d'exploitation de la société dans les zones pour lesquelles elle a été autorisée à émettre, être évalué avant déduction de l'impôt sur les sociétés.
5. Contrairement à ce que soutient la société requérante, il n'y a lieu ni de calculer le montant du préjudice subi au regard des audiences de la radio Média Bonheur et des recettes réalisées dans la zone de Saint-Brieuc entre 2004 et 2007, qui ne sauraient être comparées à la zone de Laval à partir de 2011, ni d'intégrer dans le calcul de l'indemnité due le montant de la rémunération de son dirigeant, dès lors qu'elle est mentionnée, dans les comptes qu'elle produit, comme une charge.
6. Il résulte de l'instruction, notamment des documents comptables produits par la société Média Bonheur, que le résultat d'exploitation annuel moyen de cette dernière, avant déduction de l'impôt sur les sociétés, pour les années 2011, 2012 et 2013, seules années pertinentes, s'élève à 50 233,56 euros, somme qu'il convient de diviser par trois, qui est le nombre des fréquences exploitées par la société Média Bonheur au cours de ces années, soit une somme de 27 907,53 euros pour la période d'engagement de responsabilité de cinq ans. Compte tenu des gains d'échelle sur la programmation qui est identique dans toutes les zones, il sera fait une juste appréciation du manque à gagner pour la société requérante de l'exploitation d'une fréquence sur la zone de Laval entre le 10 juillet 2011 et le 10 juillet 2016 en lui allouant de ce chef la somme de 30 000 euros.
7. Il résulte de l'instruction que la société Média Bonheur a formé auprès du CSA une demande indemnitaire préalable tendant à la réparation de son préjudice par courrier du 31 octobre 2013, reçu le 4 novembre 2013. Il y a lieu par suite d'assortir la somme mentionnée au point précédent des intérêts au taux légal à compter du 4 novembre 2013, lesquels seront capitalisés à compter du 4 novembre 2014, date à laquelle les intérêts étaient dus pour une année entière, et à chaque échéance annuelle ultérieure à compter de cette dernière date.
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la société Média Bonheur, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement d'une somme au titre des frais exposés par l'ARCOM, venue aux droits et obligations du CSA, et non compris dans les dépens. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge de l'ARCOM le versement de la somme de 1 500 euros au requérant sur le fondement des mêmes dispositions.
D É C I D E :
Article 1er : L'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique est condamnée à verser à la société Média Bonheur la somme de 30 000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 4 novembre 2013 et de la capitalisation des intérêts à compter du 4 novembre 2014 et à chaque échéance annuelle ultérieure à compter de cette dernière date.
Article 2 : L'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique versera la somme de 1 500 euros à la société Média Bonheur en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Média Bonheur et à l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique.
Copie en sera adressée à la ministre de la culture.
Délibéré après l'audience du 15 novembre 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Ivan Luben, président de chambre,
- Mme Gaëlle Mornet, première conseillère,
- Mme Gaëlle Dégardin, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 décembre 2022.
La rapporteure,
G. A...Le président,
I. LUBEN
La greffière,
N. DAHMANI
La République mande et ordonne à la ministre de la culture, en ce qui la concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 21PA03461 |
JADE/CETATEXT000046710494.xml | Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'association Ohalei Yaacov - Le Silence des Justes a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'une part, d'annuler la décision implicite A... laquelle le département de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande de remboursement des frais de prise en charge des mineurs souffrant de troubles autistiques placés A... le juge des enfants de B..., d'autre part, de condamner le département de la Seine-Saint-Denis à lui verser la somme de 5 114 427,27 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 28 mai 2019.
A... un jugement n°1910447 du 20 septembre 2021, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
A... une requête enregistrée le 4 novembre 2021 et un mémoire en réplique et récapitulatif enregistré le 18 juillet 2022, l'association Ohalei Yaacov - Le Silence des Justes, représentée A... Me Pariente, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler la décision implicite A... laquelle le département de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande de remboursement des frais de prise en charge des mineurs placés A... le juge des enfants de B... ;
3°) de condamner le département de la Seine-Saint-Denis à lui verser la somme de 5 114 427,27 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 28 mai 2019 ;
4°) de mettre à la charge du département de la Seine-Saint-Denis le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- c'est à tort que le tribunal a estimé qu'elle n'établissait pas avoir exposé au cours des années 2016 à 2018 des dépenses d'entretien, d'éducation et de conduite d'un montant supérieur aux sommes versées A... le département de la Seine-Saint-Denis alors que ses demandes sont relatives aux dépenses forfaitaires de prise en charge en cellule d'urgence des mineurs placés A... le juge des enfants, sur le fondement de tarifs déterminés A... son conseil d'administration et connus du département ;
- c'est à tort que le tribunal a estimé qu'elle aurait admis que le département s'était totalement acquitté de sa dette alors qu'elle n'a cessé de contester les règlements partiels du département ;
- en conditionnant le règlement de sa dette à la preuve A... l'association de ce qui relève de frais de soins dans ses frais d'accueil des enfants, au motif que ces derniers souffrent d'autisme, le département commet une erreur de droit et une violation du principe de non- discrimination consacré A... l'article 1er de la Constitution, l'article 14 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son Protocole n°12 ; cette preuve n'a pas à être rapportée, seules suffisaient la production de factures et la démonstration de ce que les enfants ont été bien accueillis A... l'association ;
- si le département remet en cause les tarifs appliqués A... l'association et prétend qu'ils lui paraissent largement supérieurs à ceux qui sont pratiqués A... des établissements spécialisés dans l'accueil de jeunes en très grande difficulté et correspondant à un prix de journée de 511 euros, il ne donne aucun élément de comparaison avec des établissements accueillant des jeunes souffrant d'une pathologie autiste sévère nécessitant un accueil et un accompagnement individualisé 24 heures sur 24 et sept jours sur sept ;
- le juge ne saurait exiger d'une association spécialisée de modifier sa tarification d'ordre privé sans contredire le juge judiciaire et porter atteinte à l'obligation de résultat en ce qui concerne l'accueil des personnes souffrant d'autisme ; il appartient à la juridiction d'évaluer le quantum du préjudice subi A... l'association, qui a exposé des frais très importants nécessaires à l'accueil en urgence de mineurs souffrant d'autisme sévère, démontré A... la production de sa comptabilité validée A... une société de commissaires aux comptes.
A... un mémoire en défense enregistré le 20 juin 2022, le département de la Seine-Saint-Denis représenté A... Me Lefevre conclut au rejet de la requête et à la condamnation de l'association appelante à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Constitution ;
- la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;
- le code de l'action sociale et des familles ;
- le code civil ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C...,
- et les conclusions de Mme Pena, rapporteur public.
- les observations de Me Pariente, représentant l'association Ohalei Yaacov - Le Silence des Justes, et les observations de Me Doulain, représentant le département de la Seine-Saint-Denis.
Considérant ce qui suit :
1. L'association Ohalei Yaacov - le Silence des Justes accueille au sein d'une structure d'urgence médicalisée non autorisée des mineurs autistes placés A... décisions du juge des enfants près le tribunal de grande instance de B..., sans que le tarif de prise en charge des dépenses d'entretien, d'éducation et de conduite incombant au département de la Seine-Saint-Denis ait été fixé ou négocié avec ce dernier. Estimant que les tarifs pratiqués A... l'association et fixés A... une délibération de son conseil d'administration étaient particulièrement élevés, le département de la Seine-Saint-Denis lui a demandé A... courrier du 18 octobre 2016 d'expliciter les modalités de détermination de ses tarifs. En l'absence de réponse de l'association, le département a décidé à compter de l'année 2016 de prendre comme référence pour le remboursement des dépenses lui incombant le tarif fixé A... l'agence régionale de santé (ARS) pour l'accueil de jour des enfants handicapés, pour lequel l'association dispose d'une autorisation. A... un courrier du 23 mai 2019, l'association a réclamé au département de la Seine-Saint-Denis le versement des sommes dont elle estime qu'il est redevable au titre de l'accueil de ces enfants au cours de la période courant à compter du mois de janvier 2016 au 30 avril 2019 pour un montant total de 6 942 653,40 euros, demande restée sans réponse. L'association a saisi le tribunal administratif de Montreuil d'une requête tendant à l'annulation de cette décision implicite de rejet et à la condamnation du département de la Seine-Saint-Denis à lui verser la somme de 5 114 427,27 euros au titre de la prise en charge financière de ces mineurs au titre des années 2016 à 2018. Elle relève appel du jugement du 20 septembre 2021 A... lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté ses demandes.
Sur les conclusions dirigées contre la décision implicite de rejet de la demande préalable :
2. La décision implicite résultant du silence gardé A... le département de la Seine-Saint-Denis sur la demande du 23 mai 2019 présentée A... l'association Ohalei Yaacov - le Silence des Justes a eu pour seul effet de lier le contentieux à l'égard de l'objet de cette demande. A... suite, il n'y a lieu de statuer que sur les seules conclusions indemnitaires de la requête et ses conclusions accessoires.
Sur les conclusions indemnitaires :
3. Aux termes de l'article 375-3 du code civil : " Si la protection de l'enfant l'exige, le juge des enfants peut décider de le confier : / (...) 4° A un service ou à un établissement habilité pour l'accueil de mineurs à la journée ou suivant toute autre modalité de prise en charge ; (...) ". Aux termes de l'article L. 228-3 du code de l'action sociale et des familles : " Le département prend en charge financièrement au titre de l'aide sociale à l'enfance, à l'exception des dépenses résultant de placements dans des établissements et services publics de la protection judiciaire de la jeunesse, les dépenses d'entretien, d'éducation et de conduite de chaque mineur : / 1° Confié A... l'autorité judiciaire en application des articles 375-3, 375-5 et 433 du code civil à des personnes physiques, établissements ou services publics ou privés ; (...) ". Aux termes de l'article L. 228-4 du code de l'action sociale et des familles : " (...) Les dépenses mentionnées à l'article L. 228-3 sont prises en charge A... le département du siège de la juridiction qui a prononcé la mesure en première instance, nonobstant tout recours éventuel contre cette décision. / Le département chargé de la prise en charge financière d'une mesure, en application des deuxième à cinquième alinéas ci-dessus, assure celle-ci selon le tarif en vigueur dans le département où se trouve le lieu de placement de l'enfant ". Enfin, aux termes de l'article L. 240-10 du code de l'action sociale et des familles : " Les frais d'hébergement et de soins dans les établissements ou services mentionnés au 2° du I de l'article L. 312-1 ainsi que les frais de soins concourant à cette éducation dispensée en dehors de ces établissements, à l'exception des dépenses incombant à l'Etat en application de l'article L. 242-1, sont intégralement pris en charge A... les régimes d'assurance maladie, dans la limite des tarifs servant de base au calcul des prestations. / A défaut de prise en charge A... l'assurance maladie, ces frais sont couverts au titre de l'aide sociale sans qu'il soit tenu compte des ressources de la famille. ".
4. En premier lieu, contrairement à ce que soutient l'association appelante, le tribunal n'a nullement considéré que l'association aurait admis que le département se serait totalement acquitté de sa dette mais s'est borné à indiquer au point 5 du jugement attaqué que jusqu'à sa demande préalable formulée du 23 mai 2019, l'association n'avait pas contesté le certificat de paiement établi A... le département le 13 avril 2017 pour la prise en charge de l'accueil des enfants au cours de l'année 2016 et qu'elle avait, au cours des années 2017 et 2018, établi des factures sur la base du tarif de l'accueil de jour des enfants handicapés retenu A... le département. A... suite, le tribunal a, à juste titre, analysé sa requête comme tendant au remboursement de sommes qu'elle n'avait pas réclamées jusqu'à la date de sa réclamation indemnitaire préalable.
5. L'association Ohalei Yaacov soutient, en deuxième lieu, que si le département remet en cause les tarifs appliqués A... l'association et prétend qu'ils lui paraissent largement supérieurs à ceux qui sont pratiqués A... des établissements spécialisés dans l'accueil de jeunes en très grande difficulté, il ne donne aucun élément de comparaison avec des établissements accueillant des jeunes souffrant d'une pathologie autiste sévère nécessitant un accueil et un accompagnement individualisé 24 heures sur 24 et sept jours sur sept. Toutefois, il résulte du courrier du 7 février 2017 de la directrice générale adjointe des services du département de Seine-Saint-Denis qu'elle y indique, dans la suite des constatations du rapport d'inspection définitif de la mission conjointe de l'ARS et du département de la Seine-Saint-Denis de mars 2016 produit A... ce dernier, que la prise en charge annuelle à temps plein tarifié A... l'association pour un enfant de 306 888 euros, est trois fois supérieur aux coûts médians régionaux pour une place de maison d'accueil spécialisée autiste qui est de 100 000 euros A... an et que " A... ailleurs ces tarifs sont bien supérieurs à ceux habituellement pratiqués A... les établissements spécialisés suivant les jeunes en très grande difficulté avec une prise en charge en mini-collectifs soit 511 euros A... jour et A... enfant ". En outre, les constatations de la mission conjointe quant à l'opacité et la cherté des tarifs de l'association pour l'accueil des mineurs autistes dans le cadre de sa cellule d'urgence médicalisée ont été confirmées A... l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) dans son rapport de mars 2019 qui évoque des " montants exceptionnellement élevés (près de 800 euros A... jour) ". A... suite, l'association Ohalei Yaacov - le Silence des Justes ne peut utilement soutenir que le juge administratif ne saurait exiger d'une association spécialisée de modifier sa tarification " d'ordre privé " sans contredire le juge judiciaire ni porter atteinte à l'obligation de résultat en ce qui concerne l'accueil des personnes souffrant d'autisme, dès lors qu'il ne lui est demandé que de justifier les frais dont elle demande le remboursement.
6. En troisième lieu, l'association Ohalei Yaacov soutient que c'est à tort que le tribunal a estimé qu'elle n'établissait pas avoir exposé au cours des années 2016 à 2018 des dépenses d'entretien, d'éducation et de conduite d'un montant supérieur aux sommes versées A... le département de la Seine-Saint-Denis alors que ses demandes sont relatives aux dépenses forfaitaires de prise en charge en cellule d'urgence des mineurs placés A... le juge des enfants, sur le fondement de tarifs déterminés A... son conseil d'administration et connus du département. L'association prétend qu'elle n'a pas à rapporter la preuve de la ventilation des dépenses exposées en faveur de ces mineurs, seules suffisant selon elle la production de factures et la démonstration de ce que les enfants ont été bien accueillis en son sein et qu'il appartient à la juridiction d'évaluer le quantum de son préjudice, démontré A... la production de sa comptabilité validée A... une société de commissaires aux comptes. Toutefois, ainsi que l'a jugé le tribunal, les dispositions citées au point 3, qui déterminent limitativement les dépenses devant être prises en charge financièrement A... le département, n'impliquent pas que ce dernier prenne en charge l'intégralité des frais sollicités A... l'association, et notamment les frais de soins qui doivent être pris en charge A... l'assurance maladie. Il résulte en effet de l'article L. 228-3 du code de l'action sociale et des familles que le département n'assumant au titre de l'aide sociale à l'enfance que les dépenses d'entretien, d'éducation et de conduite de chaque mineur, il est en conséquence fondé à demander que l'association justifie l'imputation à ces seules dépenses des sommes dont elle lui demande le remboursement. Or l'association n'établit pas plus en appel qu'en première instance, A... la seule production de factures non détaillées et le budget prévisionnel de la cellule d'accueil d'urgence pour 2016, qu'elle ne demande au département de la Seine-Saint-Denis que les dépenses d'entretien, d'éducation et de conduite exposées pour les personnes accueillies au sein de sa cellule d'urgence médicalisée. En outre, il résulte du rapport de l'IGAS de mars 2019 qu'elle préconise : " (...) un renforcement substantiel A... l'association de ses procédures de gestion : comptes annuels établis dans les délais légaux et certifiés, mise en place d'une comptabilité analytique permettant d'imputer clairement charges et coûts aux différentes activités de l'association et une traçabilité des flux financiers...". A... suite, en évaluant globalement les dépenses exposées au titre de la période litigieuse A... référence à un prix globalisé à la journée ne permettant pas de préciser les sommes incombant au département, l'association Ohalei Yaacov - Le Silence des justes ne met pas la Cour en mesure de vérifier que le montant total de 5 114 427,27 euros au titre de la prise en charge financière des mineurs au titre des années 2016 à 2018 euros dont elle sollicite le remboursement, corresponde aux frais strictement imputables au département de la Seine-Saint-Denis, à l'exclusion d'autres frais généraux et des frais d'hébergement et de soins dont le financement relève de l'assurance maladie, dès lors qu'il n'est ni démontré ni même allégué A... l'association que ces frais de soins n'étaient pas susceptibles d'être pris en charge A... les régimes d'assurance maladie. Il en résulte que le moyen ne peut qu'être écarté.
7. L'association Ohalei Yaacov soutient, enfin, qu'en conditionnant le règlement de sa dette à la preuve de ce qui relève de frais de soins dans ses frais d'accueil des enfants, au motif que ces derniers souffrent d'autisme, le département commet une erreur de droit et une violation du principe de non-discrimination consacré A... l'article 1er de la Constitution, l'article 14 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son Protocole n° 12. Toutefois, ce moyen ne peut qu'être écarté dès lors que la demande de justification présentée A... le département n'est nullement motivée A... la circonstance que les personnes accueillies souffrent d'un handicap mais repose sur la stricte obligation pour lui de réserver ses financements au remboursement des frais d'entretien, d'éducation et de conduite de ces personnes qui lui incombe, à l'exclusion d'autres frais, ainsi qu'il a été dit au point précédent.
8. Il résulte de tout ce qui précède que l'association Ohalei Yaacov - Le Silence des Justes n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, A... le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Sur les frais de l'instance :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que le département de la Seine-Saint-Denis, qui n'est pas la partie perdante, verse à l'association Ohalei Yaacov - Le Silence des Justes la somme qu'elle demande au titre des frais de l'instance. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de cette dernière une somme de 1 000 euros à verser au département de la Seine-Saint-Denis au titre de ces mêmes dispositions.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de l'association Ohalei Yaacov - Le Silence des Justes est rejetée.
Article 2 : L'association Ohalei Yaacov - Le Silence des Justes versera au département de la Seine-Saint-Denis une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Ohalei Yaacov - Le Silence des Justes et au département de la Seine-Saint-Denis.
Délibéré après l'audience publique du 15 novembre 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Ivan Luben, président de chambre,
- Mme Marianne Julliard, présidente assesseure,
- Mme Gaëlle Dégardin, première conseillère.
Rendu public A... mise à disposition au greffe le 06 décembre 2022.
La rapporteure,
M. JULLIARDLe président,
I. LUBEN
La greffière,
N. DAHMANI
La République mande et ordonne au préfet de la Seine-Saint-Denis en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
21PA05670 2
2 |
JADE/CETATEXT000046710457.xml | Vu la procédure suivante :
I. Par une requête et huit mémoires enregistrés les 5 août 2020, 9 décembre 2020, 11 janvier 2021, 19 janvier 2021, 9 février 2021, 24 février 2021, 2 septembre 2021, 12 octobre 2021 et 16 décembre 2021 sous le numéro 20PA02114, la société Média Bonheur, représentée par la SCP Hélène Didier et François Pinet, demande à la cour :
1°) de condamner le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) à lui verser la somme de 1 245 554 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 11 février 2020 et de la capitalisation des intérêts, en raison des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de la faute qu'il a commise en rejetant sa candidature pour l'exploitation d'un service de radio dans la zone de Lorient ;
2°) de mettre à la charge du CSA la somme de 6 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision du CSA du 29 mars 2017 rejetant sa candidature pour l'exploitation d'un service de radio dans la zone de Lorient, ainsi que les trois décisions du même jour par lesquelles il a autorisé la société SERC à exploiter le service Fun Radio, la société FG Concept à exploiter le service Radio FG et l'association CAB à exploiter le service RMN FM, sont entachées d'illégalité, comme l'a jugé de manière définitive la cour administrative d'appel de Paris par un arrêt du 10 juillet 2018 ; cette illégalité constitue une faute engageant la responsabilité du CSA à son égard ;
- elle a perdu une chance sérieuse d'exploiter une fréquence sur la zone de Lorient entre le 20 avril 2017 et le 30 avril 2019 ; les effets de cette perte de chance se déploient jusqu'à l'échéance de l'autorisation qui lui a été accordée à l'issue du réexamen de sa candidature, soit jusqu'au 19 avril 2022 ;
- eu égard notamment aux résultats d'audience de Radio Bonheur dans la zone comparable de Saint-Brieuc entre 2004 et 2007, et aux recettes publicitaires qu'aurait générées l'exploitation d'un émetteur à Lorient, il y a lieu d'évaluer son préjudice à la somme de 1 215 554 euros ; le montant des rémunérations de son dirigeant ne doit pas être intégré dans les charges directement exposées pour l'exploitation d'une fréquence, dès lors qu'il ne s'agit que d'un mode de distribution des bénéfices ;
- elle a subi un préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence, qui doivent être indemnisés à hauteur de 30 000 euros.
Par six mémoires en défense enregistrés les 24 novembre 2020, 7 janvier 2021, 1er février 2021, 16 février 2021, 1er octobre 2021 et 14 décembre 2021, le CSA, représenté par Me Gury, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la société Média Bonheur en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la demande de la société Média Bonheur au titre des troubles dans ses conditions d'existence et du préjudice moral est irrecevable dès lors qu'elle n'a pas fait l'objet d'une demande indemnitaire préalable ;
- les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
II. Par une requête et huit mémoires enregistrés les 5 août 2020, 9 décembre 2020, 11 janvier 2021, 19 janvier 2021, 9 février 2021, 24 février 2021, 2 septembre 2021, 24 novembre 2021 et 23 décembre 2021 sous le numéro 20PA02115, M. B..., représenté par la SCP Hélène Didier et François Pinet, demande à la cour :
1°) de condamner le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) à lui verser la somme de 964 150 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 7 juin 2019 et de la capitalisation des intérêts, en raison des préjudices qu'il estime avoir subis du fait du rejet de la candidature de la société Média Bonheur pour l'exploitation d'un service de radio dans la zone de Lorient ;
2°) de mettre à la charge du CSA la somme de 6 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision du CSA du 29 mars 2017 rejetant sa candidature pour l'exploitation d'un service de radio dans la zone de Lorient, ainsi que les trois décisions du même jour par lesquelles il a autorisé la société SERC à exploiter le service Fun Radio, la société FG Concept à exploiter le service Radio FG et l'association CAB à exploiter le service RMN FM, sont entachées d'illégalité, comme l'a jugé de manière définitive la cour administrative d'appel de Paris par un arrêt du 10 juillet 2018 ; cette illégalité constitue une faute engageant la responsabilité du CSA ;
- la société Média Bonheur, dont il est le gérant, a perdu une chance sérieuse d'exploiter une fréquence sur la zone de Lorient entre le 20 avril 2017 et le 30 avril 2019 ; les effets de cette perte de chance se déploient jusqu'à l'échéance de l'autorisation accordée à la société, à l'issue du réexamen de sa candidature, soit jusqu'au 19 avril 2022 ;
- il a subi un préjudice résultant de la perte de rémunérations, variables chaque année, ayant pour origine l'exploitation du service tant par la société Média Bonheur que par la société Régie Bonheur, client exclusif de la première ; la perte de chance d'exploiter le programme Radio Bonheur dans la zone de Lorient a entraîné une perte de recettes publicitaires d'exploitation ; la perte de ces sommes constitue pour lui un préjudice propre ;
- eu égard notamment aux résultats d'audience de Radio Bonheur dans la zone de Saint-Brieuc entre 2004 et 2007, et aux recettes publicitaires qu'aurait générées l'exploitation d'un émetteur à Lorient, il y a lieu d'évaluer son préjudice financier à la somme de 934 150 euros ;
- il a subi un préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence, qui doivent être indemnisés à hauteur de 30 000 euros.
Par six mémoires en défense enregistrés les 24 novembre 2020, 7 janvier 2021, 1er février 2021, 16 février 2021, 1er octobre 2021 et 21 décembre 2021, le CSA, représenté par Me Gury, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de M. B... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la demande de M. B... au titre des troubles dans ses conditions d'existence est irrecevable dès lors qu'elle n'a pas fait l'objet d'une demande indemnitaire préalable ;
- les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986,
- la loi n° 2021-1382 du 25 octobre 2021,
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- les conclusions de Mme Pena, rapporteure publique,
- les observations de Me Pinet, représentant la société Média Bonheur et M. B..., et les observations de Me Gury, représentant l'ARCOM.
Considérant ce qui suit :
1. Par une décision du 23 novembre 2015, le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) a lancé un appel à candidatures pour l'exploitation de services radiophoniques par voie hertzienne terrestre en modulation de fréquence à temps complet ou partagé dans le ressort du comité territorial de l'audiovisuel de Rennes. Par quatre décisions du 29 mars 2017, n° 2017-227, n° 2017-229, n° 2017-231 et n° 2017-233, il a autorisé respectivement, dans la zone de Lorient, la société SERC à exploiter un service de radio de catégorie D dénommé " Fun Radio ", la société Ouï FM à exploiter un service radio de catégorie D dénommé " Ouï FM", la société FG Concept à exploiter un service radio de catégorie D dénommé " Radio FG", et l'association Comité d'animation de Bretagne à exploiter un service radio de catégorie B dénommé " RMN FM". Par une décision du même jour, notifiée le 17 mai 2017, le CSA a rejeté la candidature de la société Média Bonheur pour la diffusion en catégorie B du service dénommé " Radio Bonheur " sur cette même zone.
2. Par un arrêt n° 17PA02113, 17PA02114, 17PA02115, 17PA02116 du 10 juillet 2018, la cour administrative d'appel de Paris a annulé les décisions du 29 mars 2017 rejetant la candidature de la société Média Bonheur et autorisant la société SERC, la société FG Concept et l'association Comité d'animation de Bretagne à exploiter des services de radio dans la zone de Lorient. La cour a en outre enjoint au CSA de réexaminer la candidature de la société Média Bonheur dans le délai de huit mois. Par une décision du 17 avril 2019, le CSA a autorisé la société Média Bonheur à exploiter un service de radio de catégorie B par voie hertzienne terrestre en modulation de fréquence dénommé Radio Bonheur dans la zone de Lorient, pour la période allant du 30 avril 2019 au 19 avril 2022.
3. Estimant avoir été privé des rémunérations qu'il aurait perçues du fait de l'exploitation de la fréquence refusée à la société Média Bonheur par la décision annulée du 29 mars 2017, M. B..., gérant de la société Média Bonheur, a demandé au CSA d'indemniser ses préjudices par un courrier reçu le 7 juin 2019 et qui a été implicitement rejeté. La société Média Bonheur, estimant avoir été illégalement privée de la possibilité d'exploiter une fréquence à Lorient entre le 20 avril 2017 et le 30 avril 2019, a demandé l'indemnisation de ses préjudices auprès du CSA, par un courrier reçu le 11 février 2020 et qui a été implicitement rejeté. La société Média Bonheur et M. B... demandent à la cour de condamner le CSA à leur verser les sommes respectives de 1 245 554 euros et de 964 150 euros en réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis.
Sur la jonction :
4. Les requêtes enregistrées sous les numéros 20PA02114 et 20PA02115 présentent à juger des questions semblables et ont fait l'objet d'une instruction commune ; il y a lieu par suite de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.
Sur les conclusions indemnitaires :
I. En ce qui concerne la responsabilité :
I. A. S'agissant de la responsabilité à l'égard de la société Média Bonheur :
5. D'une part, pour annuler par un jugement du 10 juillet 2018 devenu définitif la décision du 29 mars 2017 du CSA rejetant la candidature de la société Média Bonheur pour l'exploitation d'un service de radio dans la zone de Lorient, la cour a estimé, en premier lieu, que le motif tiré de l'éloignement géographique de ses studios par rapport à la ville de Lorient plus important que ceux de la radio RFM FM, était entaché d'une erreur de droit, dès lors que s'il incombe au CSA de tenir compte, dans l'appréciation des candidatures qui lui sont soumises, des contributions respectives des candidats à la production de programmes réalisés localement, les dispositions du 5° de l'article 29 de la loi du 30 septembre 1986 n'entendaient pas introduire de critère géographique autre que celui de la production locale, dans la zone considérée, desdits programmes. La cour a par ailleurs considéré que la décision du 29 mars 2017 était entachée d'une erreur d'appréciation en ce qu'au regard tant de la prise en compte de l'intérêt du public de la zone considérée que de l'impératif de sauvegarde du pluralisme des courants d'expression socio-culturels, il n'existait pas à Lorient de radio ciblant un large public senior et proposant une programmation équivalente à la sienne, aucune offre radiophonique déjà présente dans cette zone n'étant entièrement dédiée à cette tranche d'âge ni ne proposant un programme consacré à l'accordéon, à la chanson française dite " gold " et à des artistes très peu diffusés. Enfin, la cour a estimé qu'avant l'appel à candidatures, six des treize radios privées autorisées dans la zone l'étaient en catégorie D, et que la sélection de Radio Bonheur en catégorie B aurait permis d'éviter d'aggraver ce déséquilibre, permettant ainsi de mieux satisfaire à l'objectif de juste équilibre entre réseaux nationaux de radiodiffusion et services locaux régionaux et thématiques que le choix de Ouï FM, de Fun Radio et de Radio FG, toutes trois en catégorie D.
6. D'autre part, pour annuler les décisions du 29 mars 2017 du CSA autorisant la société SERC, la société FG Concept et l'association Comité d'animation de Bretagne à exploiter un service de radio dans la zone de Lorient, la cour a notamment relevé que la préférence accordée par le CSA à la radio RMN FM n'était justifiée que par la plus faible distance des studios de production de cette dernière à la ville de Lorient par rapport à ceux de Radio Bonheur, et par suite entachée d'illégalité, comme il a été dit au point précédent, et que l'autorisation accordée aux services Fun Radio et Radio FG, toutes deux de catégorie D, dont les programmations s'apparentaient à l'offre musicale déjà assurée par d'autres radios déjà autorisées dans la zone de Lorient, alors que le service Radio Bonheur permettait d'accueillir une offre de service plus originale, méconnaissait l'impératif de sauvegarde du pluralisme des courants socio-culturels prévu par les dispositions de l'article 29 de la loi du 30 septembre 1986.
7. Il résulte des motifs exposés aux points 5 et 6 du présent arrêt que la candidature présentée par la société Média Bonheur pour l'exploitation du service de radio " Radio Bonheur " doit être regardée comme ayant disposé d'une chance sérieuse d'obtenir une autorisation à l'occasion de l'appel à candidatures lancé par décision du 23 novembre 2015, alors au surplus que la société requérante a été autorisée par une décision du CSA du 17 avril 2019, à l'issue du réexamen de sa candidature ordonné par la cour par l'arrêt du 10 juillet 2018, à exploiter le service de radio de catégorie B dénommé Radio Bonheur dans la zone de Lorient pour la période allant du 30 avril 2019 au 19 avril 2022. Par suite, la société Média Bonheur est fondée à demander l'indemnisation du manque à gagner résultant de son éviction irrégulière de la zone de Lorient.
I. B. S'agissant de la responsabilité à l'égard de M. B... :
8. Si M. B..., gérant de la société Média Bonheur, demande à être indemnisé des rémunérations dont il aurait été privé du fait de l'éviction irrégulière de ladite société de la zone de Lorient, il résulte de ce qui a été dit aux points 5 à 7 du présent arrêt que seule cette dernière, destinataire de la décision de rejet annulée, a droit à la réparation du préjudice qui résulte pour elle de manière certaine de l'illégalité fautive commise par le CSA. Le préjudice que l'intéressé invoque en sa qualité de gérant, qui ne saurait être regardé comme un préjudice personnel, distinct du préjudice dont la société Média Bonheur est fondée à obtenir réparation, constitue au contraire un préjudice indirect insusceptible d'être indemnisé par l'administration dès lors qu'il trouve son origine dans les relations existant entre la société Média Bonheur et lui-même. Par suite, en l'absence de lien de causalité direct entre les illégalités fautives commises par le CSA et le préjudice invoqué par M. B..., ce dernier n'est pas fondé à soutenir que la responsabilité du CSA serait engagée à son égard.
II. En ce qui concerne la période d'indemnisation :
9. Il résulte de l'instruction que la société Média Bonheur a été autorisée, par une décision du CSA du 17 avril 2019, à exploiter le service de radio de catégorie B dénommé Radio Bonheur dans la zone de Lorient pour la période allant du 30 avril 2019 au 19 avril 2022. Elle n'est donc fondée à être indemnisée de son manque à gagner que pour la période allant du 20 avril 2017, date d'effet des autorisations accordées après l'appel à candidatures du 23 novembre 2015, au 29 avril 2019, et non au 30 avril 2019 comme elle le demande. Si elle soutient en outre que les effets des décisions annulées porteraient également sur la période postérieure au 30 avril 2019, elle n'établit pas la réalité de cette allégation.
III. En ce qui concerne le montant du préjudice indemnisable :
III. A. S'agissant du manque à gagner :
10. L'indemnité due, au titre du manque à gagner, à une entreprise irrégulièrement évincée d'un appel à candidatures qu'elle avait des chances sérieuses d'emporter ne constitue pas la contrepartie de la perte d'un élément d'actif mais est destinée à compenser une perte de recettes commerciales. Elle doit être regardée comme un profit de l'exercice au cours duquel elle a été allouée et soumise, à ce titre, à l'impôt sur les sociétés. Par suite, le manque à gagner du candidat évincé doit, lorsqu'il est calculé par référence au résultat d'exploitation de la société dans les zones pour lesquelles elle a été autorisée à émettre, être évalué avant déduction de l'impôt sur les sociétés.
11. Contrairement à ce que soutient la société requérante, il n'y a lieu ni de calculer le montant du préjudice subi au regard des audiences de la radio Média Bonheur et des recettes réalisées dans la zone de Saint-Brieuc entre 2004 et 2007, qui ne sauraient être comparées à la zone de Lorient à partir de 2017, ni d'intégrer dans le calcul de l'indemnité due le montant de la rémunération de son dirigeant, dès lors qu'elle est mentionnée, dans les comptes qu'elle produit, comme une charge.
12. Il résulte de l'instruction, notamment des documents comptables produits par la société Média Bonheur, que le résultat d'exploitation annuel moyen de cette dernière, avant déduction de l'impôt sur les sociétés, pour les années 2013, 2014 et 2015, seules années pertinentes dès lors notamment qu'au cours de l'année 2016 la société requérante a bénéficié durant seulement onze mois sur douze d'une quatrième fréquence à Saint-Malo, s'élève à 61 093,77euros, somme qu'il convient de diviser par trois, qui est le nombre des fréquences exploitées par la société Média Bonheur au cours de ces années, soit 20 364,59 euros, correspondant une somme de 18,86 euros par jour et par fréquence. La période d'engagement de responsabilité du CSA représentant sept cent trente-neuf jours, et compte tenu des gains d'échelle sur la programmation qui est identique dans toutes les zones, il sera fait une juste appréciation du manque à gagner pour la société requérante de l'exploitation d'une fréquence sur la zone de Lorient entre le 20 avril 2017 et le 29 avril 2019 en lui allouant de ce chef la somme de 15 000 euros. Cette somme doit être mise à la charge de l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM) en application des dispositions de la loi n° 2021-1382 du 25 octobre 2021 relative à la régulation et à la protection de l'accès aux œuvres culturelles à l'ère numérique.
III. B. S'agissant des troubles dans les conditions d'existence et du préjudice moral :
13. La société Média Bonheur, qui soutient avoir subi des troubles dans ses conditions d'existence et un préjudice moral, n'établit pas la réalité de ces préjudices, et notamment aucune atteinte qu'auraient porté les illégalités fautives imputables au CSA à sa réputation. Dans ces conditions, et alors que les actions contentieuses qu'elle a précédemment engagées ont donné lieu au versement de sommes au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, sa demande doit être rejetée, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée en défense par le CSA.
IV. En ce qui concerne les intérêts et la capitalisation des intérêts :
14. Il résulte de l'instruction que la société Média Bonheur a formé auprès du CSA une demande indemnitaire préalable tendant à la réparation de son préjudice par courrier reçu le 11 février 2020. Il y a lieu par suite d'assortir la somme mentionnée au point 12 du présent arrêt des intérêts au taux légal à compter du 11 février 2020, lesquels seront capitalisés à compter du 11 février 2021, date à laquelle les intérêts étaient dus pour une année entière, et à chaque échéance annuelle ultérieure à compter de cette dernière date.
Sur les frais liés au litige :
15. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'ARCOM le versement de la somme de 1 500 euros à la société Média Bonheur sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi qu'à la charge de M. B... le versement à l'ARCOM de la somme de 1 500 euros sur le fondement des mêmes dispositions. Ces dernières font en revanche obstacle à ce que soit mis à la charge de la société Média Bonheur le versement d'une somme à l'ARCOM au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens, de même qu'à ce que soit mis à la charge de l'ARCOM le versement d'une somme à M. B... au même titre.
D É C I D E :
Article 1er : L'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique est condamnée à verser à la société Média Bonheur la somme de 15 000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 11 février 2020 et de la capitalisation des intérêts à compter du 11 février 2021 et à chaque échéance annuelle ultérieure à compter de cette dernière date.
Article 2 : L'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique versera la somme de 1 500 euros à la société Média Bonheur en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : M. B... versera la somme de 1 500 euros à l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Média Bonheur, à M. B... et à l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique.
Copie en sera adressée à la ministre de la culture.
Délibéré après l'audience du 15 novembre 2022 à laquelle siégeaient :
- M. Ivan Luben, président de chambre,
- Mme Marianne Julliard, présidente-assesseure,
- Mme Gaëlle Mornet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 décembre 2022.
La rapporteure,
G. A...Le président,
I. LUBENLa greffière,
N. DAHMANI
La République mande et ordonne à la ministre de la culture, en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N°s 20PA02114, 20PA02115
2 |
JADE/CETATEXT000046710469.xml | Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... E... a demandé au Tribunal administratif de Paris de condamner l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP) à lui verser la somme de 32 414,50 euros en réparation du préjudice imputable à sa prise en charge par l'Unité de formation et de recherche (UFR) Garancière pour des soins dentaires de 2007 à 2010 et à titre subsidiaire, de condamner l'AP-HP à lui verser 75 % de la somme de 32 414,50 euros, en raison de la perte de chance de démontrer la responsabilité du dentiste libéral ayant assuré la suite des soins de l'UFR Garancière du fait de la perte de son dossier médical par l'AP-HP.
Par un jugement n° 1914564/6-2 du 2 mars 2021, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 26 avril 2021 et 16 septembre 2022, M. E..., représenté par Me Archen, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1914564/6-2 du 2 mars 2021 du Tribunal administratif de Paris en tant qu'il a seulement reconnu que la perte de son dossier médical constituait un défaut d'organisation fautif du service public hospitalier susceptible d'engager la responsabilité de l'AP-HP pour les préjudices en lien direct et certain avec cette faute ;
2°) de condamner l'AP-HP à lui verser les sommes de 27 414,50 euros au titre des dépenses de santé actuelles et de 4 000 euros au titre des souffrances endurées en réparation de la non-conformité des soins réalisés lors de sa prise en charge par l'Unité de formation et de recherche (UFR) Garancière pour des soins dentaires de 2007 à 2010 ;
3°) à titre subsidiaire, de condamner l'AP-HP à lui verser 75 % de la somme de 31 414,50 euros en raison de la perte de chance de démontrer la responsabilité du dentiste libéral ayant assuré la suite des soins de l'UFR Garancière, du fait de la perte de son dossier médical par l'AP-HP ;
4°) de mettre à la charge de l'AP-HP la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- sa demande tendant à l'engagement de la responsabilité de l'AP-HP au titre de la faute médicale commise est recevable ;
- une faute de nature à engager la responsabilité de l'AP-HP a été commise par l'UFR Garancière dans la pose d'implants dentaires du fait de la réalisation non conforme des soins prodigués qui est à l'origine de l'ensemble des complications ultérieurement subies ; les fautes sont caractérisées par l'absence d'assainissement préalable, l'indication erronée de traitement implantaire et prothétique et le mauvais positionnement implantaire ;
- le lien de causalité exclusif entre ses antécédents et le dommage allégué dont se prévaut l'AP-HP n'est retenu par aucun des experts ;
- la perte de son dossier médical par l'AP-HP constitue un manquement à son obligation de conservation du dossier médical et a empêché l'expert, le docteur F..., de se prononcer sur la conformité des soins qui lui ont été prodigués au sein de l'AP-HP ;
- la perte du dossier médical entraîne un renversement de la charge de la preuve impliquant qu'il appartient à l'AP-HP de démontrer qu'elle n'engage pas sa responsabilité dans la survenue du dommage subi et que compte tenu des manquements avérés de l'AP-HP relevés par les deux rapports d'expertise, l'intégralité de la réparation des préjudices subis sera mise à la charge de l'AP-HP ;
- la perte du dossier médical est à l'origine d'une perte de chance d'être indemnisé du dommage subi dès lors qu'en l'absence de ce dossier, il n'est pas parvenu à démontrer le lien de causalité entre les soins réalisés par le docteur D... et son dommage ; l'absence de son dossier médical ne permet pas de démontrer la contre-indication de la pose par le docteur D... de la prothèse sur un implant dont la stabilité était douteuse ; la perte de son dossier médical lui a fait perdre une chance de 100 % de démontrer la responsabilité du docteur D... et d'obtenir l'indemnisation des préjudices qu'il a subis ; à titre subsidiaire, l'AP-HP doit l'indemniser de ses préjudices dans une proportion qui ne saurait être inférieure à 75 % compte tenu de la perte de chance qu'il a subie ;
- en l'absence de consolidation de son état de santé, il sollicite l'indemnisation de ses dépenses de santé actuelles à hauteur de 27 414, 50 euros et des souffrances qu'il a endurées à hauteur de 4 000 euros.
Par un mémoire en défense enregistré le 16 mai 2022, l'AP-HP, représentée par Me Tsouderos, conclut au rejet de la requête de M. E... et des conclusions qui seraient formées par la caisse primaire d'assurance maladie des Pyrénées-Atlantique et, à titre subsidiaire, conclut à ce que le montant des demandes soit ramené à de plus justes proportions.
Elle soutient que s'agissant de l'existence d'une faute médicale imputable à l'AP-HP, il est permis de s'interroger sur la recevabilité de ce fondement de responsabilité non soulevé dans la demande indemnitaire préalable et que les moyens soulevés par M. E... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C...,
- et les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... E..., né le 23 avril 1955, a bénéficié de novembre 2007 à octobre 2009 de soins dentaires au sein de l'Unité de formation et de recherche (UFR) Garancière relevant de la faculté de chirurgie dentaire de l'Hôtel Dieu, établissement de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP). Plusieurs dents ont été extraites, quatre implants et quatre vis implantaires ont été posées en vue de la fixation d'une prothèse dentaire correspondant à huit dents et une prothèse provisoire a été posée. Suite au déménagement de M. E... à Bidart (Pyrénées-Atlantiques), la poursuite des soins a été réalisée par le docteur D..., chirurgien-dentiste exerçant à titre libéral dans cette commune, lequel a, le 27 juillet 2010, posé un bridge conventionnel provisoirement scellé. M. E... a ensuite présenté une parodontite chronique et sévère qui a conduit à la perte des implants posés à l'UFR Garancière et a nécessité l'extraction de plusieurs dents, une chirurgie d'assainissement maxillaire, une reconstruction osseuse avant la pose d'une prothèse définitive vissée en 2013. Par jugement du 19 novembre 2018, le Tribunal de grande instance de Bayonne, saisi par M. E... d'une demande d'indemnisation dirigée contre le docteur D... et son assureur, lui a, après avoir ordonné une expertise judiciaire confiée au docteur F..., qui a déposé son rapport le 26 septembre 2016, alloué la somme de 2 000 euros sur le fondement d'un défaut d'information imputable à ce praticien et a rejeté le surplus de ses demandes relatives à la qualité des soins dispensés. Par courriers des 7 mars et 30 avril 2019, M. E... a formé une demande préalable d'indemnisation auprès de l'AP-HP qui l'a implicitement rejetée. Par jugement n° 1914564/6-2 du 2 mars 2021, dont M. E... relève appel, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'AP-HP à lui verser les sommes de 27 414,50 euros au titre des dépenses de santé actuelles et de 4 000 euros au titre des souffrances endurées en réparation du préjudice imputable à sa prise en charge par l'UFR Garancière pour des soins dentaires de 2007 à 2010 et à titre subsidiaire, de condamner l'AP-HP à lui verser 75 % de ces sommes en raison de la perte de chance de démontrer la responsabilité du dentiste libéral ayant assuré la suite des soins de l'UFR Garancière du fait de la perte de son dossier médical par l'AP-HP.
Sur les conclusions indemnitaires :
En ce qui concerne la faute alléguée de l'AP-HP dans la prise en charge de M. E... :
2. Aux termes du I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. Les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère ".
3. Aux termes de l'article R. 1112-7 du code de la santé publique : " Les informations concernant la santé des patients sont soit conservées au sein des établissements de santé qui les ont constituées, soit déposées par ces établissements auprès d'un hébergeur agréé en application des dispositions à l'article L. 1111-8. / Le directeur de l'établissement veille à ce que toutes dispositions soient prises pour assurer la garde et la confidentialité des informations ainsi conservées ou hébergées. / Le dossier médical mentionné à l'article R. 1112-2 est conservé pendant une durée de vingt ans à compter de la date du dernier séjour de son titulaire dans l'établissement ou de la dernière consultation externe en son sein. (...) ".
4. En premier lieu, dès lors que dans sa demande préalable adressée à l'AP-HP les 7 mars et 30 avril 2019, M. E... a sollicité l'indemnisation " suite aux soins qu'ils a reçus ", il doit être regardé comme sollicitant l'engagement de la responsabilité de l'AP-HP du fait de l'existence d'une faute médicale qui lui serait imputable de sorte que contrairement à ce que soutient l'AP-HP, les premiers juges n'ont pas considéré à tort que ce fondement de responsabilité était recevable.
5. En deuxième lieu, M. E... soutient que la perte de son dossier médical par l'AP-HP constitue un manquement à l'obligation de conservation du dossier médical, lequel a empêché l'expert le docteur F... de se prononcer sur la conformité des soins qui lui ont été prodigués au sein de l'AP-HP et entraîne ainsi un renversement de la charge de la preuve impliquant qu'il appartient à l'AP-HP de démontrer qu'elle n'engage pas sa responsabilité dans la survenue du dommage qu'il a subi et que compte tenu des manquements avérés de l'AP-HP relevés par les deux rapports d'expertise, l'intégralité de la réparation des préjudices qu'il a subis sera mise à la charge de cette dernière. Toutefois, l'incapacité de l'AP-HP à communiquer aux experts le dossier médical de M. E... n'est pas, en tant que telle, de nature à établir l'existence de manquements fautifs de l'établissement de santé dans la prise en charge du patient. En revanche, elle implique que la Cour tienne compte de ce que ce dossier médical était absent dans l'appréciation portée sur les éléments qui lui sont soumis pour apprécier l'existence des fautes reprochées à l'établissement dans la prise en charge du patient.
6. En troisième lieu, M. E... soutient que l'AP-HP a commis une faute de nature à engager sa responsabilité lors de la pose des implants dentaires du fait de la réalisation non conforme des soins prodigués qui est à l'origine de l'ensemble des complications ultérieurement subies et que les fautes sont caractérisées par l'absence d'assainissement préalable, l'indication erronée de traitement implantaire et prothétique et le mauvais positionnement implantaire.
7. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise du docteur F... que M. E... a reconnu qu'il n'avait jamais eu aucun souci avec la prothèse provisoire qui lui a été posée au sein de l'UFR Garancière, qu'en revanche, dans les trois mois qui ont suivi la pose de la prothèse scellée par le docteur D..., celle-ci a commencé à bouger et a dû être rescellée et que dès le premier rescellement, il a eu des douleurs violentes. Par ailleurs, si le docteur D... a indiqué avoir signalé à M. E... l'existence d'une légère mobilité de l'implant situé au niveau de la dent 23 et avoir eu un échange à ce titre avec le chirurgien-dentiste de l'AP-HP, aucune trace de ces échanges n'est produite et aucune radiographie utile n'existe alors qu'il est constant par ailleurs que ladite prothèse scellée a été posée plusieurs mois après la dernière visite de M. E... au sein de l'AP-HP, de sorte que l'état osseux autour de cet implant aurait pu s'altérer entretemps, et que si le docteur D... avait des doutes sur l'ostéo-intégration, il n'a ni demandé à l'intéressé de consulter à nouveau l'AP-HP ni envoyé des clichés récents au chirurgien-dentiste qui l'avait suivi dans cet établissement ou adressé son patient à un spécialiste avant de procéder à la pose de la prothèse scellée. L'expert en conclut que le docteur D... a pris un risque en bâtissant le bridge sur des implants dont l'un d'eux pouvait ne pas être fiable. Si l'absence du dossier médical de M. E... concernant les soins prodigués au sein de l'AP-HP et de radiographies attestant de l'état osseux de de ce dernier au terme de ces soins faisant obstacle à l'examen de l'évolution de cet état et de la stabilité d'un de ses implants est regrettable, cette circonstance ne permet toutefois pas à elle seule d'établir qu'il existerait une faute qui aurait été commise par l'AP-HP dans le cadre des soins qui ont été prodigués à l'intéressé ayant conduit à la parodontite chronique sévère et généralisée de maxillaire dont il a souffert alors qu'en revanche, sont relevés dans le rapport d'expertise l'existence du tabagisme de M. E... et d'un traitement antidépresseur, ses problèmes d'hygiène dentaire après les soins ainsi que le risque pris par le praticien libéral. Enfin, si le cliché panoramique du 21 février 2012 auquel fait référence le docteur B... dans son rapport odonto-stomatologique du 3 mars 2014 montre un état parodontal plus que précaire, il a été pris plus de deux ans après la fin des soins prodigués au sein de l'AP-HP et ne permet pas davantage, ni aucune autre pièce du dossier, d'établir l'absence d'assainissement préalable, l'indication erronée de traitement implantaire et prothétique et le mauvais positionnement implantaire, au demeurant non relevés par l'expertise du docteur F... dont se prévaut le requérant tandis que les radiographies des rétro-alvéolaires réalisées en 2010 permettent de distinguer un niveau osseux horizontal autour des implants et l'absence de signe de péri-implantite. Il suit de là qu'en l'absence d'élément de nature à caractériser l'existence d'une faute qui aurait été commise par l'AP-HP lors de la prise en charge de M. E... pour les soins dentaires réalisés de novembre 2007 à octobre 2009 au sein de l'UFR Garancière qui serait à l'origine de préjudices dont il se prévaut, le moyen tiré de ce que les premiers juges ont rejeté à tort sa demande tendant à la condamnation de l'AP-HP sur ce fondement doit être écarté.
En ce qui concerne la faute liée à la perte du dossier médical de M. E... :
8. M. E... soutient que la perte de son dossier médical est à l'origine d'une perte de chance d'être indemnisé du dommage qu'il a subi dès lors qu'en l'absence de ce dossier, il n'est pas parvenu à démontrer le lien de causalité entre les soins réalisés par le docteur D... et son dommage, que l'absence de son dossier médical ne permet pas de démontrer la contre-indication de la pose par le docteur D... de la prothèse sur un implant dont la stabilité était douteuse et que la perte de son dossier médical lui a fait perdre une chance de 100 % de démontrer la responsabilité du docteur D... et d'obtenir l'indemnisation des préjudices qu'il a subis.
9. La perte du dossier médical de M. E... est constitutive d'une faute dans l'organisation du service public hospitalier de l'AP-HP susceptible d'engager sa responsabilité et l'indemnisation des préjudices qui sont en lien direct et certain avec cette faute. Toutefois, il ressort des termes du jugement du Tribunal de grande instance de Bayonne du 19 novembre 2018 que l'absence dudit dossier médical ne l'a pas empêché d'apprécier si la responsabilité du docteur D... était ou non engagée par les soins qu'il a réalisés et de considérer au vu notamment de l'expertise médicale ordonnée qu'il n'existait aucun lien de causalité entre la pose de la prothèse scellée provisoirement par ce praticien et le dommage subi par M. E... eu égard à la pluralité de facteurs de risque dès lors qu'il n'est effectivement pas établi que la péri-implantite sévère à laquelle ce dernier était exposé ait son origine certaine et exclusive dans les soins et prothèses réalisés par le docteur D.... Il s'ensuit que la perte du dossier médical de M. E... par l'AP-HP n'est pas à l'origine d'une perte de chance d'être indemnisé du dommage qu'il a subi.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'AP-HP à lui verser les sommes de 27 414,50 euros au titre des dépenses de santé actuelles et de 4 000 euros au titre des souffrances endurées en réparation du préjudice imputable à sa prise en charge par l'UFR Garancière pour des soins dentaires de 2007 à 2010 et, à titre subsidiaire, de condamner l'AP-HP à lui verser 75 % de ces sommes, en raison de la perte de chance de démontrer la responsabilité du dentiste libéral ayant assuré la suite des soins de l'UFR Garancière du fait de la perte de son dossier médical par l'AP-HP.
Sur les frais liés à l'instance :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'AP-HP, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, au titre des frais exposés par M. E... et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... E... et à l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris.
Délibéré après l'audience du 14 novembre 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Le Goff, président de chambre,
- M. Ho Si Fat, président assesseur,
- Mme Collet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 décembre 2022.
La rapporteure,
A. C...Le président,
R. LE GOFF
Le greffier,
P. TISSERAND
La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 21PA02226 |
JADE/CETATEXT000046710482.xml | Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... A... a saisi le tribunal administratif de Melun d'une demande tendant à titre principal à l'annulation de la décision du 21 octobre 2019 par laquelle le directeur de l'institut de formation en soins infirmiers (IFSI) (PSEUDO) " Emile Roux " (PSEUDO)de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris a décidé de l'exclure à titre définitif de la formation conduisant à la délivrance du diplôme d'État d'infirmier.
Par un jugement n° 1911532 du 5 février 2021, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 29 juin 2021, et un mémoire en réplique, enregistré le
27 avril 2022, M. A..., représenté par Me Andrieux, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 5 février 2021 du Tribunal administratif de Melun ;
2°) d'annuler la décision mentionnée ci-dessus du 21 octobre 2019 ;
3°) d'enjoindre au directeur de l'Institut de formation en soins infirmiers (PSEUDO) Emile Roux (PSEUDO) de le réinscrire en tant qu'étudiant en troisième année dans un délai de sept jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris la somme de
1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision du 21 octobre 2019 est entachée d'incompétence et d'irrégularité formelle car elle n'est pas tamponnée ;
- elle est entachée de vices de procédure, d'une part, du fait de l'irrégularité du rapport motivé préalable à son édiction, d'autre part, pour non-respect des droits de la défense du fait de l'envoi tardif de la convocation à la réunion de la section compétente ;
- les conditions de la notification de la décision litigieuse sont irrégulières ;
- elle est entachée de défaut de motivation ;
- elle est entachée d'erreurs de fait dans la mesure où les manquements qui lui sont reprochés ne sont assortis d'aucun justificatif factuel ;
- elle est entachée d'erreur d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 avril 2022, l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris, représentée par Me Lacroix, conclut au rejet de la requête et demande, en outre, qu'une somme de 1 800 euros soit mise à la charge de M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par M. A... sont infondés.
Par une ordonnance du 18 juillet 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au
31 août 2022 à 12 heures.
Par une décision du 7 avril 2021, le bureau d'aide juridictionnelle a accordé l'aide juridictionnelle totale à M. A....
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de la santé publique ;
- l'arrêté du 21 avril 2007 relatif aux conditions de fonctionnement des instituts de formation paramédicaux ;
- l'arrêté du 31 juillet 2009 relatif au diplôme d'État d'infirmier ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B... ;
- les conclusions de Mme Naudin, rapporteure publique ;
- et les observations de Me Guardiola pour l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... était élève-infirmier au sein de (PSEUDO)l'IFSI " Emile Roux " (PSEUDO) de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris qu'il a intégré en février 2012. Il a interrompu sa formation pour des motifs d'ordre familial entre février 2015 et février 2018. Le 23 septembre 2019, le stage du semestre 6 de la troisième année de formation qu'il effectuait au sein du service de rééducation des adultes de (PSEUDO) l'Institut Robert Merle D'Aubigné à Valenton (PSEUDO) a été suspendu par le directeur de l'IFSI à la demande de la directrice des soins de l'établissement d'accueil. Sa situation a alors été présentée à la section compétente pour le traitement pédagogique des situations individuelles des étudiants, laquelle s'est prononcée, lors de sa séance du 18 octobre 2019, en faveur de son exclusion définitive. Cette décision a été prononcée par le directeur de l'IFSI le 21 octobre 2019, notifiée le 26 octobre suivant. M. A... a saisi le tribunal administratif de Melun d'une demande tendant à l'annulation de cette décision. Par un jugement du 5 février 2021, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. M. A... relève appel de ce jugement.
2. Aux termes de l'article 12 de l'arrêté du 21 avril 2007 susvisé : " La section compétente pour le traitement pédagogique des situations individuelles des étudiants est présidée par le directeur de l'institut de formation ou son représentant ". Aux termes de l'article 15 du même arrêté : " La section rend, sans préjudice des dispositions spécifiques prévues dans les arrêtés visés par le présent texte, des décisions sur les situations individuelles suivantes : / 1. Etudiants ayant accompli des actes incompatibles avec la sécurité des personnes prises en charge ; / (...) / Le dossier de l'étudiant, accompagné d'un rapport motivé du directeur, est transmis au moins sept jours calendaires avant la réunion de cette section. / L'étudiant reçoit communication de son dossier dans les mêmes conditions que les membres de la section. La section entend l'étudiant, qui peut être assisté d'une personne de son choix. / L'étudiant peut présenter devant la section des observations écrites ou orales. / Dans le cas où l'étudiant est dans l'impossibilité d'être présent ou s'il n'a pas communiqué d'observations écrites, la section examine sa situation. / Toutefois, la section peut décider à la majorité des membres présents de renvoyer à la demande de l'étudiant l'examen de sa situation à une nouvelle réunion. Un tel report n'est possible qu'une seule fois. / (...) ". Aux termes de l'article 16 du même arrêté : " Lorsque l'étudiant a accompli des actes incompatibles avec la sécurité des personnes prises en charge, le directeur de l'institut de formation, en accord avec le responsable du lieu de stage, et le cas échéant la direction des soins, peut décider de la suspension du stage de l'étudiant, dans l'attente de l'examen de sa situation par la section compétente pour le traitement pédagogique des situations individuelles des étudiants. Cette section doit se réunir, au maximum, dans un délai d'un mois à compter de la survenue des faits. / Lorsque la section se réunit, en cas de suspension ou non, elle peut proposer une des possibilités suivantes : / - soit alerter l'étudiant sur sa situation en lui fournissant des conseils pédagogiques pour y remédier ou proposer un complément de formation théorique et/ ou pratique selon des modalités fixées par la section ; / - soit exclure l'étudiant de l'institut de façon temporaire, pour une durée maximale d'un an, ou de façon définitive ". Aux termes de l'article 17 du même arrêté : " (...) / Le directeur notifie, par écrit, à l'étudiant la décision prise par la section dans un délai maximal de cinq jours ouvrés après la réunion de la section. Elle figure à son dossier pédagogique. / (...) ".
3. En premier lieu, la décision attaquée portant exclusion définitive de M. A... de la formation au diplôme d'État d'infirmier a été prise, le 21 octobre 2019, après que la section compétente pour le traitement pédagogique des situations individuelles des étudiants se soit prononcée dans le même sens lors de sa séance du 18 octobre 2019, par M. D... E..., dont il n'est pas contesté qu'il occupait alors régulièrement les fonctions de directeur par intérim de l'IFSI (PSEUDO) " Emile Roux " (PSEUDO). La seule circonstance, tirée de ce que l'intéressé n'aurait pas mentionné qu'il avait également la qualité de président de la section compétente pour le traitement pédagogique des situations individuelles des étudiants, n'est pas de nature à entacher la décision attaquée d'incompétence dès lors, en tout état de cause, qu'il occupe cette fonction de plein droit en vertu des dispositions, citées au point 2, de l'article 12 de l'arrêté du 21 avril 2007. Enfin, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision litigieuse devait être tamponnée, l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration imposant seulement la signature de l'auteur de la décision et la mention en caractères lisibles du prénom, du nom et de la qualité du signataire. Dès lors, les moyens tirés de l'incompétence et de l'irrégularité formelle de la décision litigieuse doivent être écartés.
4. En deuxième lieu, il résulte des dispositions, citées au point 2, de l'article 15 de l'arrêté du 21 avril 2007 susvisé que les copies du dossier de l'étudiant et du rapport de saisine de la section compétente pour le traitement pédagogique des situations individuelles des étudiants doivent être transmises à l'intéressé au moins sept jours calendaires avant la réunion de la commission. Celui-ci y est entendu avec l'assistance de la personne de son choix et il peut adresser des observations écrites. La section compétente pour le traitement pédagogique des situations individuelles des étudiants délibère valablement sur la situation de l'étudiant régulièrement convoqué, quand bien même celui-ci n'est pas présent ou n'a pas adressé d'observations écrites.
5. D'une part, la circonstance que le rapport transmis à la section soit signé par la directrice adjointe de l'IFSI et non par le directeur n'a privé M. A... d'aucune garantie et n'a pas été susceptible d'avoir une incidence sur le sens de la décision litigieuse.
6. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que M. A... a été convoqué devant la section compétente pour le traitement pédagogique des situations individuelles des étudiants par un courrier du directeur de l'IFSI(PSEUDO) " Emile Roux " (PSEUDO) du 1er octobre 2019, réceptionné le 11 octobre suivant, soit sept jours avant la date de la séance prévue le 18 octobre 2019. Par ailleurs, l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris fait valoir en défense, sans que M. A... ne la contredise, que ce dernier a eu un entretien avec la direction de l'IFSI (PSEUDO) " Emile Roux " (PSEUDO) dès la suspension de son stage le 23 septembre 2019 et qu'il a alors été informé que sa situation serait soumise à l'examen de la section compétente pour le traitement pédagogique des situations individuelles des étudiants. En outre, il ressort des énonciations de la convocation et des pièces du dossier que celle-ci était accompagnée du rapport de saisine de la section compétente pour le traitement pédagogique des situations individuelles des étudiants au vu duquel celle-ci a été appelée à statuer. Les circonstances tirées de ce que ce rapport aurait été établi trois jours après la date d'établissement du courrier de convocation et qu'il serait signé par l'adjointe au directeur de l'IFSI sont en elles-mêmes sans incidence sur l'exercice par M. A... de ses droits de la défense. Enfin, il ne résulte d'aucune des dispositions applicables de l'arrêté du 21 avril 2007 susvisé que le report d'une séance de la section compétente pour le traitement pédagogique des situations individuelles des étudiants soit de droit, celle-ci étant au contraire même tenue, en vertu des dispositions de l'article 16 du même arrêté, de se réunir dans le mois qui suit l'interruption du stage d'un étudiant. En l'espèce, la demande de report présentée pour M. A... n'a été formée que la veille de la séance alors que l'intéressé avait été informé de la saisine de la section compétente pour le traitement pédagogique des situations individuelles des étudiants dès le 23 septembre 2019 et qu'il avait reçu sa convocation et les pièces du dossier le 11 octobre suivant. M. A... n'avance aucune considération propre à justifier l'impossibilité de se présenter personnellement. A cet égard, s'il mentionne que sa résidence se situe à Nantes, il est constant que cette circonstance ne l'a pas empêché de suivre sa formation qui a exclusivement eu lieu en région parisienne. Comme l'a jugé à juste titre le tribunal, c'est donc sans méconnaître les droits de la défense que la demande de report a pu être rejetée. Enfin, la circonstance que l'intéressé n'ait contacté un avocat que le 17 octobre n'est imputable qu'à lui-même. Dès lors, M. A... doit être regardé comme ayant disposé d'un temps suffisant pour préparer sa défense et comme ayant eu accès au dossier au vu duquel il a été statué sur sa situation. Le moyen tiré de la méconnaissance des droits de la défense doit donc être écarté.
7. En troisième lieu, la circonstance tirée de ce que la décision de la section compétente pour le traitement pédagogique des situations individuelles des étudiants n'aurait pas été notifiée dans le délai de cinq jours ouvrés prévu à l'article 17 de l'arrêté du 21 avril 2007 est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée, laquelle s'apprécie indépendamment de la régularité de sa notification. Le moyen soulevé en ce sens par M. A... doit donc être écarté comme inopérant.
8. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / (...) / 2° Infligent une sanction ; / (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ". La décision par laquelle le directeur d'un IFSI, après examen de la section compétente pour le traitement pédagogique des situations individuelles des étudiants, exclut de la formation conduisant au diplôme d'État d'infirmier un étudiant ayant commis des actes incompatibles avec la sécurité des personnes prises en charge ne constitue pas une sanction et n'entre pas dans les autres catégories de décisions individuelles défavorables dont l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration ou un texte particulier impose la motivation. Le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision attaquée soulevé par M. A... doit donc être écarté comme inopérant.
9. En cinquième et dernier lieu, il ressort des pièces du dossier, notamment du rapport motivé adressé par la direction de l'IFSI à la section compétente pour le traitement pédagogique des situations individuelles des étudiants dont les énonciations ne sont pas contredites par les différents rapports de stages produits par M. A..., que ce dernier a rencontré des difficultés persistantes tout au long de sa formation, tant sur le plan de l'acquisition et de la mise en pratique des connaissances et compétences professionnelles que sur le plan de l'attitude vis-à-vis des patients et des personnels soignants. Comme l'a déjà relevé le tribunal, il n'a atteint la troisième année de formation qu'après avoir redoublé tant la première que la deuxième année, années au titre desquelles il lui reste encore, à la date de la décision attaquée, dix crédits ECTS (European Credits Transfer System) à valider. Il n'a de plus validé certaines unités d'enseignement qu'au prix de très nombreuses présentations. En particulier, deux unités d'enseignement fondamentales des semestres 1 et 2 de la première année de formation n'ont été validées qu'après respectivement 8 et 4 présentations aux examens. De même, il a échoué à valider de très nombreux stages puisqu'à la date de la décision attaquée, il a déjà été effectué
14 stages alors que la formation n'en comporte en principe que 10. Son stage de semestre 6 effectué au sein du service de rééducation des adultes de l'Institut (PSEUDO)Robert Merle D'Aubigné à Valenton (PSEUDO) a été interrompu dès le 23 septembre 2019, trois semaines à peine après son début, à la demande de la directrice des soins de cet établissement qui a relevé de nombreux manquements et insuffisances susceptibles d'affecter la sécurité des soins et des patients. M. A... n'établit pas que celle-ci ait fait preuve d'une animosité particulière à son égard. En particulier, plusieurs des appréciations portées à son encontre sont déjà présentes dans les précédents rapports de stage synthétisés dans le rapport de saisine de la section compétente pour le traitement pédagogique des situations individuelles des étudiants et y compris dans les rapports qu'il produit et dont il se prévaut. Ses insuffisances par rapport aux règles d'hygiène sont en effet régulièrement relevées dès les stages effectués au cours de sa première année de formation. Il en va de même de l'insuffisance de ses connaissances théoriques et de ses difficultés dans l'exécution des soins. Dès lors, eu égard à la persistance de ces difficultés, à l'absence de toute progression et aux dysfonctionnements qu'elles ont pu occasionner sur ses différents lieux de stage, c'est sans commettre d'erreurs de fait et d'erreur d'appréciation que le directeur de l'IFSI et la section compétente pour le traitement pédagogique des situations individuelles des étudiants ont pu, à la suite de l'interruption d'un stage survenue au cours de la cinquième année d'inscription de M. A... au sein de l'établissement, décider son exclusion définitive pour motif pédagogique. Dès lors, les moyens tirés des erreurs de fait et de l'erreur d'appréciation soulevés par M. A... doivent être écartés.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Par voie de conséquence ses conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
11. Enfin, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées au titre du même article par l'Assistance Publique -Hôpitaux de Paris.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et à l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris.
Délibéré après l'audience du 22 novembre 2022 à laquelle siégeaient :
- M. Célérier, président de chambre,
- M. Niollet, président assesseur,
- M. Pagès, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 6 décembre 2022.
Le rapporteur,
D. PAGES
Le président,
T. CELERIER
La greffière,
Z. SAADAOUI
La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé de en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 21PA03614 2 |
JADE/CETATEXT000046710496.xml | Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Foncière Vélizy Rose a demandé au Tribunal administratif de Montreuil, à titre principal, la décharge de la retenue à la source à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2014, pour un montant de 1 542 857 euros en droits, assortie des majorations et intérêts correspondants, ainsi que le versement des intérêts moratoires sur cette somme, et, à titre subsidiaire, la réduction de cette retenue à la source par application du taux de 5 % prévu par l'article 8 de la convention fiscale franco-luxembourgeoise.
Par un jugement n° 2003368/9 du 23 septembre 2021, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 23 novembre 2021 et 1er mars 2022, la société Foncière Vélizy Rose, représentée par Me Jérôme Delaurière, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 23 septembre 2021 du Tribunal administratif de Montreuil ;
2°) de prononcer la décharge en droits et pénalités des impositions litigieuses ainsi que la restitution des sommes versées, majorées des intérêts moratoires ;
3°) subsidiairement de poser une question préjudicielle à la Cour de justice de l'Union européenne ayant pour objet de déterminer si la mise à sa charge de la retenue à la source en litige constitue une entrave disproportionnée à la liberté d'établissement et, en cas de réponse négative si la mise à sa charge de cette retenue à la source au taux de 42,85 % constitue une entrave disproportionnée à la liberté d'établissement ;
4°) à titre subsidiaire d'autoriser l'application du taux réduit de retenue à la source de 5 % prévu à l'article 8 de la convention fiscale franco-luxembourgeoise en lieu et place du taux de 30 % prévu par l'article 187 du code général des impôts et de prononcer la décharge et le remboursement résultant de cette application ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative
Elle soutient que :
- l'administration ne pouvait remettre en cause la qualité de bénéficiaire effectif de la société Vélizy Rose Investment (VRI) sans mettre œuvre la procédure de répression des abus de droit, les dividendes en cause ayant été effectivement perçus et régulièrement comptabilisés et redistribués par cette société qui en a eu la propriété, et la rectification opérée par l'administration étant fondée sur l'existence d'un montage artificiel ;
- elle a supporté une retenue à la source au taux de 42,85 % que sa société mère VRI n'a pas pu imputer ;
- l'application combinée des dispositions des articles 119 bis 2 et 119 ter du code général des impôts mettant à sa charge une retenue à la source au taux de 42,85 % du seul fait du rejet de la qualité de " bénéficiaire effectif " de la société VRI, au motif que celle-ci ne serait pas la bénéficiaire économique du dividende, constitue une discrimination au regard de la liberté d'établissement et, en tant que de besoin, de la liberté de circulation des capitaux garanties par le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
- cette discrimination a un caractère injustifié et disproportionné ;
- la société VRI était le bénéficiaire effectif des dividendes, lesquels ont été perçus par elle et régulièrement redistribués ;
- le critère du reversement à bref délai des dividendes est insuffisant en l'espèce, le reversement ayant été effectué conformément à la décision du conseil de gérance, par une société ayant un caractère de joint-venture, dans le but de protéger les investisseurs contre les effets d'une procédure collective et permettant de réunir six investisseurs dans de bonnes conditions, sans motif fiscal ;
- le fait que la société VRI était juridiquement détenue à 100 % par la société Dewnos depuis mai 2014 n'est pas pertinent pour écarter sa qualité de bénéficiaire effectif ;
- la société VRI avait une adresse effective et non une adresse de domiciliation ;
- le fait qu'elle ait principalement utilisé la trésorerie issue de l'acompte sur dividendes perçus de sa filiale pour pouvoir elle-même procéder à la redistribution du produit correspondant ne constitue pas un élément pertinent pour refuser de reconnaitre à la société VRI la qualité de bénéficiaire effectif de l'acompte perçu ;
- la société VRI a eu recours à des moyens matériels et humains ;
- le pacte d'actionnaire et le contrat de fiducie confirment le rôle de joint-venture de la société VRI ;
- l'administration ne peut refuser l'application du taux conventionnel de 5 % sans mettre œuvre la procédure de répression des abus de droit ;
- la société VRI était le bénéficiaire effectif des dividendes au sens de la convention franco-luxembourgeoise.
Par un mémoire en défense enregistré le 31 janvier 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
- la directive 90/435/CEE du 23 juillet 1990 ;
- la convention entre la France et le Grand-Duché de Luxembourg tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d'assistance administrative réciproque en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune signée à Paris le 1er avril 1958 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- les conclusions de Mme Prévot, rapporteur public,
- et les observations de Me Delaurière, représentant la société Foncière Vélizy Rose.
Considérant ce qui suit :
1. La société Foncière Vélizy Rose SAS, qui exerce une activité de location immobilière, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité qui a porté sur les exercices clos les 31 décembre 2013, 2014 et 2015. À l'issue de cette procédure, l'administration a notamment remis en cause l'exonération de la retenue à la source appliquée par la société sur le fondement de l'article 119 ter du code général des impôts consécutivement au versement, au cours de l'année 2014, à la société Vélizy Rose Investment (VRI), société de droit luxembourgeois, d'une somme de 3 600 000 euros à titre d'avance sur des dividendes distribués. L'administration a, par suite, mis à la charge de la société Foncière Vélizy Rose SAS une retenue à la source d'un montant de 1 542 857 euros en droits, assortie d'une majoration de 10 % en application de l'article 1728 du code général des impôts et des intérêts de retard correspondants. La société Foncière Vélizy Rose SAS relève appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant, à titre principal, à la décharge de ladite retenue à la source ainsi que de la majoration et des intérêts correspondants et, à titre subsidiaire, à la réduction de la retenue à la source par application du taux de 5 % prévu par l'article 8 de la convention fiscale franco-luxembourgeoise.
2. Aux termes du 2 de l'article 119 bis du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige " Les produits visés aux articles 108 à 117 bis donnent lieu à l'application d'une retenue à la source dont le taux est fixé par l'article 187 lorsqu'ils bénéficient à des personnes qui n'ont pas leur domicile fiscal ou leur siège en France (...) ". Aux termes de l'article 119 ter du même code : " 1. La retenue à la source prévue au 2 de l'article 119 bis n'est pas applicable aux dividendes distribués à une personne morale qui remplit les conditions énumérées au 2 du présent article par une société ou un organisme soumis à l'impôt sur les sociétés au taux normal. / 2. Pour bénéficier de l'exonération prévue au 1, la personne morale doit justifier auprès du débiteur ou de la personne qui assure le paiement de ces revenus qu'elle est le bénéficiaire effectif des dividendes (...) ". Aux termes de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales : " Afin d'en restituer le véritable caractère, l'administration est en droit d'écarter, comme ne lui étant pas opposables, les actes constitutifs d'un abus de droit, soit que ces actes ont un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes ou de décisions à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, si ces actes n'avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles. (...) ".
3. En premier lieu, pour remettre en cause l'exonération de la retenue à la source en litige, l'administration, qui a au demeurant, à supposer que le moyen soit soulevé, régulièrement motivé la proposition de rectification conformément aux dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, a relevé, d'une part, que la société Vélizy Rose Investment a reçu la somme de 3 600 000 euros le 2 juillet 2014, qu'elle l'a reversée dans son intégralité dès le 3 juillet 2014, alors qu'elle n'avait pas d'autres fonds disponibles, à la société Dewnos Investment, également société de droit luxembourgeois, d'autre part, que la société Vélizy Rose Investment détenait l'intégralité du capital social de la société requérante et qu'elle avait elle-même pour associé unique la société Dewnos Investment, enfin, que la société Vélizy Rose Investment ne disposait d'aucun moyen humain et matériel, qu'elle n'avait pas d'autre activité que celle de porter les titres de la société Foncière Vélizy Rose SAS et que ses deux dirigeants étaient également ceux de son actionnaire unique, la société Dewnos Investment. L'administration, par ces motifs, n'a écarté aucun acte constitutif d'un abus de droit en raison de son caractère fictif, ou, en raison de ce que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, il n'aurait pu être inspiré par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que le contribuable, s'il n'avait pas passé ces actes, aurait normalement supportées, eu égard à sa situation ou à ses activités réelles, mais s'est bornée à constater que la société Vélizy Rose Investment ne pouvait être regardée comme étant le bénéficiaire effectif de l'avance sur dividendes d'un montant de 3 600 000 euros versée par la société Foncière Vélizy Rose SAS, au sens de l'article 119 ter du code général des impôts. Par conséquent, et alors même que les dividendes en cause ont été effectivement perçus et régulièrement comptabilisés et redistribués par la société Vélizy Rose Investment qui en a eu la propriété, l'administration n'a pas implicitement mis en œuvre la procédure de répression des abus de droit prévue à l'article L. 64 du livre des procédures fiscales ni méconnu les dispositions de cet article. En outre, la circonstance que, dans sa version applicable à compter du 1er janvier 2016, le 3 de l'article 119 ter permette de refuser l'exonération en cause quand un montage ou une série de montages ont été mis en place à cette fin, et non pour des motifs commerciaux valables qui reflètent la réalité économique, n'est pas de nature à remettre en cause les constatations qui précèdent.
4. En deuxième lieu, les articles 49 et 54 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, relatifs à la liberté d'établissement, s'opposent, ainsi qu'il résulte de la décision de la Cour de justice de l'Union européenne C-170/05 du 14 décembre 2006, à une législation nationale prévoyant, pour les seules sociétés mères non-résidentes, une imposition par voie de retenue à la source des dividendes distribués par des filiales résidentes, quand bien même une convention fiscale entre l'Etat membre en cause et un autre Etat membre, autorisant cette retenue à la source, prévoit la possibilité d'imputer sur l'impôt dû dans cet autre Etat la charge supportée en application de ladite législation nationale, lorsqu'une société mère est dans l'impossibilité, dans cet autre Etat membre, de procéder à l'imputation prévue par ladite convention. Toutefois, une société ne saurait utilement se prévaloir des règles qui précèdent lorsque les sommes que sa société-mère, à qui elle a versé des sommes, n'en est pas le bénéficiaire effectif, ainsi qu'il sera expliqué au point 7. Le moyen tiré de ce que contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, elle a effectivement supporté une retenue à la source au taux de 42,85 % que sa société mère Vélizy Rose Investment n'a pas pu imputer est par suite inopérant.
5. En troisième lieu, la Cour de justice de l'Union européenne a relevé dans les motifs de son arrêt du 26 février 2019 Skatteministeriet contre T Danmark et Y Denmark Aps (aff. C-116/16 et C-117/16, point 113) que les mécanismes de la directive 90/435/CEE, en particulier son article 5, sont " conçus pour des situations dans lesquelles, sans leur application, l'exercice par les Etats membres de leurs pouvoirs d'imposition pourrait conduire à ce que les bénéfices distribués par la société filiale à sa société mère soient soumis à une double imposition. De tels mécanismes n'ont en revanche pas vocation à s'appliquer lorsque le bénéficiaire effectif des dividendes est une société ayant sa résidence fiscale en dehors de l'Union puisque, dans un tel cas, l'exonération de la retenue à la source desdits dividendes dans l'Etat membre à partir duquel ils sont versés risquerait d'aboutir à ce que ces dividendes ne soient pas imposés de façon effective dans l'Union ". Les dispositions du 2 de l'article 119 ter du code général des impôts, en ce qu'elles subordonnent le bénéfice de l'exonération à la condition que la personne morale justifie auprès du débiteur ou de la personne qui assure le paiement des dividendes qu'elle en est le bénéficiaire effectif, sont par suite compatibles avec les objectifs de la directive 90/435/CEE du 23 juillet 1990. Si la société requérante fait valoir que l'application combinée des dispositions des articles 119 bis 2 et 119 ter du code général des impôts mettant à sa charge une retenue à la source au taux de 42,85 % du seul fait du rejet de la qualité de " bénéficiaire effectif " de la société Vélizy Rose Investment, au motif que celle-ci ne serait pas la bénéficiaire économique du dividende, constitue une discrimination au regard de la liberté d'établissement et de la liberté de circulation des capitaux, elle ne saurait valablement se prévaloir de ce qu'elle a été discriminée par rapport aux sociétés qui versent effectivement des dividendes à leur société mère établie en France, dès lors qu'ainsi qu'il a sera dit au point 7., elle a versé des sommes à sa maison mère sans que celle-ci puisse être regardée comme le bénéficiaire effectif des versements. La circonstance que les sociétés-mères établies à l'étranger aient à respecter la condition d'être le bénéficiaire effectif des dividendes versés, ne saurait, eu égard à ce qui vient d'être dit et au fonctionnement du système de retenue à la source, être regardée comme imposant aux sociétés versant des dividendes à l'étranger une exigence excessive. Il en est de même de la circonstance, qui procède de la nature même de la retenue à la source, que, lorsque la personne qui assure le paiement des revenus visés par le 2 de l'article 119 bis du code général des impôts n'a pas opéré la retenue à la source prévue par cet article ou ne l'a pas versée au Trésor, le montant brut des revenus mis en paiement sur lequel doit être appliquée la retenue à la source comprend, en plus des produits effectivement versés au bénéficiaire, un montant égal à l'avantage résultant de la non perception de la retenue à la source.
6. En quatrième lieu, la Cour de justice de l'Union européenne a, dans les motifs de son arrêt susmentionné du 26 février 2019, relevé que la circonstance qu'une société agit comme société relais peut être considérée comme établie lorsque celle-ci a pour unique activité la perception des dividendes et la transmission de ceux-ci au bénéficiaire effectif ou à d'autres sociétés relais. L'absence d'activité économique effective doit, à cet égard, à la lumière des spécificités caractérisant l'activité économique en question, être déduite d'une analyse de l'ensemble des éléments pertinents relatifs, notamment, à la gestion de la société, à son bilan comptable, à la structure de ses coûts et aux frais réellement exposés, au personnel qu'elle emploie ainsi qu'aux locaux et à l'équipement dont elle dispose.
7. Il résulte de l'instruction la société Vélizy Rose Investment a reversé dans son intégralité, dès le 3 juillet 2014, à la société Dewnos Investment, également société de droit luxembourgeois, la somme de 3 600 000 euros qu'elle avait reçue le 2 juillet 2014, et qu'au titre de l'exercice en cause elle détenait l'intégralité du capital social de la société requérante et avait pour associé unique la société Dewnos Investment ainsi que les deux mêmes dirigeants que cette société. Il est constant que la société Vélizy Rose Investment a utilisé la trésorerie issue de l'acompte sur dividendes perçu de sa filiale pour procéder à cette redistribution. La Cour ne trouve au dossier aucun élément de nature à identifier, en ce qui concerne la société Vélizy Rose Investment, l'existence d'une activité distincte de celle de relais dans la perception et la redistribution de dividendes et l'utilisation, à ce titre des moyens matériels et humains. La circonstance qu'elle aurait engagé des dépenses de loyers, de bureau, d'honoraires ainsi que de rémunération qui lui auraient été facturées par la société Everrock pour un montant de 25 320,04 euros ne saurait être regardée comme suffisante à cet égard. Si la société requérante fait également valoir que la société Vélizy Rose Investment a été initialement créée dans le cadre d'un pacte d'actionnaire par un groupe d'investisseurs soucieux de se protéger contre une procédure collective, et que la réunion de toutes les actions entre les mains de la société Dewnos Investment a été accompagnée d'un contrat de fiducie liant cette dernière aux autres investisseurs, une telle circonstance n'est pas de nature à démontrer que la société Vélizy Rose Investment avait une activité distincte de celle de relais dans la perception et la redistribution de dividendes, et cela alors même que cette redistribution a été régulièrement décidée et effectuée conformément à la décision du conseil de gérance. Il suit de là que l'administration n'a pas inexactement qualifié la société Vélizy Rose Investment en estimant que celle-ci ne pouvait être regardée comme le bénéficiaire effectif de la somme de 3 600 000 euros versée le 2 juillet 2014. Il en résulte que la société Foncière Vélizy Rose SAS ne pouvait être exonérée de la retenue à la source prévue par le 2 de l'article 119 bis du code général des impôts.
8. Enfin, aux termes de l'article 8 de la convention franco-luxembourgeoise susvisée : " 1. Les dividendes payés par une société qui a son domicile fiscal dans un Etat contractant à une personne qui a son domicile fiscal dans l'autre Etat contractant sont imposables dans cet autre Etat. / § 2. a) Toutefois, ces dividendes peuvent être imposés dans l'Etat contractant où la société qui paie les dividendes a son domicile fiscal, et selon la législation de cet Etat, mais l'impôt ainsi établi ne peut excéder : / 1. 5 % du montant brut des dividendes si le bénéficiaire des dividendes est une société de capitaux qui détient directement au moins 25 % du capital social de la société de capitaux qui distribue les dividendes (...) ". Aux termes de l'article 10 bis de la même convention : " Pour bénéficier des dispositions de l'article 8, paragraphes 2, 3 et 4, (...) la personne qui a son domicile fiscal dans un des Etats contractants doit produire aux autorités fiscales de l'autre Etat contractant une attestation, visée par les autorités fiscales du premier Etat, précisant les revenus pour lesquels le bénéfice des dispositions visées ci-dessus est demandé et certifiant que ces revenus et les paiements prévus à l'article 8, paragraphes 3 et 4, seront soumis aux impôts directs, dans les conditions du droit commun, dans l'Etat où elle a son domicile fiscal. (...) ".
9. Ni ces stipulations, qui sont antérieures à l'introduction d'une clause dite de bénéficiaire effectif dans l'article 10, intitulé " dividendes ", du modèle de convention fiscale concernant le revenu et la fortune établi par l'Organisation de coopération et de développement économiques, dans sa version adoptée par son conseil le 11 avril 1977, ni aucun des éléments relatifs au contexte ou au but dans lequel la convention précitée a été établie, ne s'opposent à ce que le bénéfice de l'application du taux réduit de retenue à la source qu'elles prévoient pour les revenus de dividendes payés à un résident de l'autre Etat partie à la convention soit subordonné à la condition que le résident en cause soit le bénéficiaire effectif de ces revenus. Pour les mêmes motifs que ceux mentionnés au point 3., la société requérante ne peut davantage soutenir que l'administration ne peut s'opposer à l'application du taux de 5 % faute d'avoir respecté les dispositions de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales. Pour les mêmes motifs que ceux mentionnés au point 7., il ne résulte pas de l'instruction que la société Vélizy Rose Investment serait le bénéficiaire effectif des dividendes versés par la société Foncière Vélizy Rose SAS. Il suit de là que la société requérante n'est pas fondée à se prévaloir du régime de la retenue à la source au taux de 5 % prévu par les stipulations précitées de l'article 8 de la convention franco-luxembourgeoise.
10. Il résulte de tout ce qui précède que la société Foncière Vélizy Rose n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que la requérante demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société Foncière Vélizy Rose est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Foncière Vélizy Rose et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée au chef des services fiscaux chargé de la direction de contrôle fiscal d'Ile-de-France.
Délibéré après l'audience du 23 novembre 2022, à laquelle siégeaient :
- Mme Brotons, président de chambre,
- Mme Topin, président assesseur,
- M. Magnard, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 décembre 2022.
Le rapporteur,
F. A...Le président,
I. BROTONS
Le greffier,
C. MONGIS
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
7
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N° 21PA05986 |
JADE/CETATEXT000046710497.xml | Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... C..., épouse A..., a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge de l'obligation de payer les sommes de 2 675 752,73 euros et 12 746 663,20 euros procédant de deux avis à tiers détenteur émis le 26 septembre 2017, respectivement, par le comptable du service des impôts des particuliers du 6ème arrondissement de Paris pour avoir paiement de cotisations d'impôt sur le revenu et de contributions sociales mises à la charge de M. et Mme A... au titre des années 1989, 1990 et 1991, ainsi que des pénalités correspondantes, et par le comptable du service des impôts des particuliers du 7ème arrondissement de Paris pour avoir paiement de cotisations d'impôt sur le revenu mises à la charge de M. et Mme A... au titre des années 1992, 1993 et 2016 et de taxe d'habitation au titre de l'année 2016, ainsi que des pénalités correspondantes.
Par un jugement n° 1800009/1-1 du 31 janvier 2019, ce tribunal a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 19PA00701 du 24 novembre 2020, la Cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé contre ce jugement par Mme A....
Par une décision n° 449067 du 22 novembre 2021, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a annulé l'arrêt de la Cour administrative d'appel de Paris du 24 novembre 2020 et renvoyé l'affaire à ladite Cour.
Procédure devant la Cour après renvoi :
Par une requête et des mémoires enregistrés les 11 février 2019, 4 novembre 2019, 18 décembre 2019, 31 décembre 2019, 2 janvier 2020, 16 janvier 2020, 22 janvier 2020, 13 février 2020, 27 février 2020, et 18 janvier 2022, Mme A..., représentée par Me Philip et Me de Stefano, demandait à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1800009/1-1 du 31 janvier 2019 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) à titre principal, de la décharger de l'obligation de payer les sommes de 2 675 752,73 euros et 12 746 663,20 euros réclamées par les services des impôts des particuliers des 6ème et 7ème arrondissements de Paris ;
3°) à titre subsidiaire, de surseoir à statuer jusqu'à la décision du tribunal de la procédure collective statuant sur l'assignation dont il a été saisi le 13 décembre 2019 ;
4°) à titre infiniment subsidiaire, de la décharger de l'obligation de payer la somme de 2 675 752,73 euros ainsi que les prélèvements sociaux ;
5°) à titre encore plus subsidiaire, de saisir le Tribunal des Conflits et de surseoir à statuer jusqu'à ce qu'il se soit prononcé sur la juridiction compétente pour statuer sur l'effet du rejet des créances litigieuses par la procédure de liquidation judiciaire ouverte à l'égard de l'époux débiteur principal ;
6°) en tous cas, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutenait que :
- le jugement est irrégulier en ce qu'il a omis de motiver sa réponse aux moyens tirés de ce qu'elle est un codébiteur distinct de son époux et qu'elle devait faire l'objet d'un titre de recouvrement individuel ;
- la créance de l'administration fiscale n'est pas établie dès lors qu'il n'existe aucun titre exécutoire individuel valide émis à son encontre, alors qu'elle est un codébiteur distinct de son époux ;
- l'action en recouvrement des impositions mises en recouvrement le 31 mai 1997 est prescrite faute de la preuve d'un acte interruptif avant la notification des avis à tiers détenteur contestés le 5 octobre 2017 ;
- les mises en demeure du 30 novembre 2012 ne lui ont pas été régulièrement notifiées et ne peuvent avoir d'effet interruptif, pas plus que les contentieux d'assiette ;
- la créance de 2 675 752,76 euros dont se prévaut le service des impôts de Paris 6ème n'est pas justifiée, ce service ayant lui-même ramené sa créance définitivement déclarée à un montant de 4 403 219,88 euros qui a été totalement réglé par les liquidateurs le 15 avril 2009 ;
- la déclaration définitive de sa créance par ce service à hauteur du montant de 4 403 219,88 euros constitue une prise de position opposable à l'administration fiscale en vertu de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui garantit la protection des biens ;
- la créance dont se prévaut le service des impôts de Paris 7ème est éteinte dans son patrimoine, pour avoir été définitivement rejetée par ordonnance du 20 octobre 2009 du juge commissaire dans le cadre de la procédure collective visant M. A..., toujours ouverte ;
- compte tenu du jugement de confusion des patrimoines du 31 mai 2015, elle n'était pas un codébiteur distinct à la date où la créance du service des impôts de Paris 7ème a été éteinte par cette ordonnance ;
- elle n'a jamais bénéficié d'une procédure contradictoire lui permettant d'exercer son droit de réclamation, en violation du principe de non-discrimination, du principe de proportionnalité affirmé par l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention ;
- la solidarité fiscale prévue par les dispositions de l'article 1685 du code général des impôts ne vise pas les prélèvements sociaux mais uniquement l'impôt sur le revenu ;
- si la Cour s'estime incompétente pour statuer sur l'une des questions soulevées, il y a lieu de saisir le Tribunal des Conflits ;
- les créances fiscales visées par les actes de poursuite ont été intégralement réglées à hauteur des créances admises dans la procédure collective sous patrimoine commun (créance revendiquée par le SIP du 6ème) et sont, pour le surplus, forcloses s'agissant de créances rejetées de cette procédure (créance revendiquée par le SIP du 7ème).
Par un mémoire enregistré le 31 janvier 2022, la SELARL Fides, prise en la personne de Me Bertrand Corre, agissant ès qualités de liquidateur de Mme B... C... épouse A..., représentée par Me Antoine Benech et Me Lorraine Monteilhet, demande à la Cour de prendre acte de son intervention volontaire à la présente instance, et s'en rapporte au fond à justice.
Par des mémoires en défense enregistrés les 3 mai 2019, 17 décembre 2019, 30 décembre 2019, 13 janvier 2020, 10 février 2020, 25 février 2020, 19 janvier 2022, 25 Janvier 2022 et 5 juillet 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête et s'en rapporte à la Cour pour apprécier la recevabilité de l'intervention.
Il soutient que les moyens de Mme A... ne sont pas fondés.
Mme A... et la SELARL Fides ont été mises en demeure, en application du deuxième alinéa de l'article R. 611-8-1 du code de justice administrative, de produire un mémoire récapitulatif reprenant les conclusions et les moyens qu'elles entendaient, à l'issue de l'instruction, soumettre à la Cour.
Un mémoire récapitulatif a été présenté le 26 juillet 2022 par Mme A... qui demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1800009/1-1 du 31 janvier 2019 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de la décharger de l'obligation de payer les sommes de 2 675 752,73 euros et 12 746 663,20 euros réclamées par deux avis à tiers détenteur émis le 26 septembre 2017 par les services des impôts des particuliers des 6ème et 7ème arrondissements de Paris ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les jugements de rétractation partielle des jugements d'ouverture des procédures collectives des sociétés GBT et FIBT du 6 mai et du 2 décembre 2009 ont spécifiquement réservé dans leur dispositif les opérations de fixation et de traitement du passif des entités et personnes sous procédure collective sous patrimoine commun ;
En ce qui concerne les sommes réclamées par le comptable du service des impôts des particuliers du 6ème arrondissement de Paris :
- l'intégralité du passif admis à la procédure collective a bien été réglée par les liquidateurs par chèques tirés sur la Caisse de Dépôts et Consignations en date du 15 avril 2009 et du 30 novembre 2009, en ce compris la créance du SIP du 6ème, soit 4 403 219,88 euros ;
- la créance encore revendiquée par le SIP du 6ème n'a pas été admise au passif de la procédure et ne saurait résulter d'une omission ; elle n'a pas d'objet compte tenu des dégrèvements accordés ;
En ce qui concerne les sommes réclamées par le comptable du service des impôts des particuliers du 7ème arrondissement de Paris :
- la créance revendiquée par le SIP du 7ème est éteinte par la procédure collective sous patrimoine commun, ainsi que cela ressort de l'ordonnance du 20 octobre 2009.
Par un mémoire enregistré le 30 août 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique admet la recevabilité du mémoire du 26 juillet 2022 et se rapporte pour le surplus à ses écritures antérieures.
Par un mémoire récapitulatif enregistré le 31 août 2022, la SELARL Fides, prise en la personne de Me Bertrand Corre, agissant ès qualités de liquidateur de Mme B... C... épouse A... demande à la Cour de prendre acte de son intervention volontaire à la présente instance, et s'en rapporte au fond à justice.
Par ordonnance du 5 septembre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 28 septembre 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n°85-98 du 25 juillet 1985 relative au redressement et à la liquidation judiciaire des entreprises ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Magnard, rapporteur,
- les conclusions de Mme Prévot, rapporteur public,
- et les observations de Me Bachelot, substituant Me Philip et Me de Stefano, représentant Mme A....
Considérant ce qui suit :
1. Deux avis à tiers détenteur ont été émis le 26 septembre 2017, d'une part, à hauteur de 2 675 752,73 euros, par le comptable du service des impôts des particuliers du 6ème arrondissement de Paris pour avoir paiement de cotisations d'impôt sur le revenu et de contributions sociales mises à la charge de M. et Mme A... au titre des années 1989, 1990 et 1991, ainsi que des pénalités correspondantes, et, d'autre part, à hauteur de 12 746 663,20 euros, par le comptable du service des impôts des particuliers du 7ème arrondissement de Paris pour avoir paiement de cotisations d'impôt sur le revenu mises à la charge de M. et Mme A... au titre des années 1992, 1993 et 2016 et de taxe d'habitation au titre de l'année 2016, ainsi que des pénalités correspondantes. Mme C..., épouse A..., relève appel du jugement du 31 janvier 2019 du Tribunal administratif de Paris rejetant sa demande tendant la décharge de l'obligation de payer les sommes procédant de ces deux avis à tiers détenteur.
Sur l'intervention de la SELARL FIDES :
2. Le mémoire en intervention de la SELARL Fides ne vient au soutien d'aucune des parties principales au litige et n'est assorti d'aucun moyen. Il est par suite irrecevable. Il n'y a donc pas lieu d'admettre l'intervention en cause.
Sur les conclusions de Mme A... :
3. Aux termes du troisième alinéa de l'article 50 de la loi n°85-98 du 25 juillet 1985 relative au redressement et à la liquidation judiciaire des entreprises, alors en vigueur : " La déclaration des créances doit être faite alors même qu'elles ne sont pas établies par un titre. Les créances du Trésor public et des organismes de prévoyance et de sécurité sociale ainsi que les créances recouvrées par les organismes visés à l'article L. 351-21 du code du travail qui n'ont pas fait l'objet d'un titre exécutoire au moment de leur déclaration sont admises à titre provisionnel pour leur montant déclaré. En tout état de cause, les déclarations du Trésor et de la sécurité sociale sont toujours faites sous réserve des impôts et autres créances non établis à la date de la déclaration ; sous réserve des procédures judiciaires ou administratives en cours, leur établissement définitif doit, à peine de forclusion, être effectué dans le délai prévu à l'article 100 ".
4. En premier lieu, Mme A... soutient que le jugement du 2 décembre 2009 du tribunal de commerce de Paris n'avait, compte tenu de son dispositif, que partiellement procédé à la rétractation des jugements ayant prononcé, en 1994, la liquidation judiciaire des sociétés dont M. A... était l'associé et à la suite desquels les époux A... avaient eux-mêmes été mis en liquidation judiciaire, et qu'en conséquence, elle était fondée à continuer d'opposer à l'administration la forclusion des créances prévue dans les cas mentionnés au 3ème alinéa précité de l'article 50 de la loi du 25 juillet 1985. Elle fait valoir s'agissant des sommes réclamées par le comptable du service des impôts des particuliers du 6ème arrondissement de Paris, que la créance n'a pas été admise au passif de la procédure collective, et s'agissant des sommes réclamées par le comptable du service des impôts des particuliers du 7ème arrondissement de Paris, que la créance est éteinte par la procédure collective sous patrimoine commun, ainsi que cela ressort de l'ordonnance du 20 octobre 2009.
5. Il résulte toutefois de l'arrêt de la Cour d'appel de Paris du 30 juin 2015 que la rétractation des jugements d'ouverture des procédures collectives des sociétés GBT et FIBT a emporté l'annulation des procédures collectives concernant les associés qui en sont la suite ou l'application, sans qu'il soit besoin d'une décision de rétractation à leur égard, ce dont la Cour d'appel a déduit que Mme A..., dont la liquidation judiciaire reposait sur sa seule qualité d'associée de la société FIBT, n'était pas personnellement en liquidation judiciaire. Cette décision a été confirmée par la Cour de cassation le 13 décembre 2016 et a eu pour effet de priver rétroactivement les jugements mentionnés ci-dessus de tous leurs effets. Il suit de là que la requérante ne peut se prévaloir, pour justifier de la forclusion des créances qui lui sont réclamées, de la seule circonstance que les sommes litigieuses n'ont pas été admises au passif des procédures collectives, en invoquant le régime des procédures collectives et les règles relatives aux déclarations de créances et à leurs effets telles qu'elles résultent de l'application de la loi du 25 janvier 1985. Par ailleurs, le délai de prescription de l'action en recouvrement prévu à l'article L. 274 du livre des procédures fiscales a été suspendu, nonobstant sa rétractation ultérieure, par le jugement d'ouverture de la procédure collective à l'encontre de la contribuable.
6. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que les sommes réclamées à la requérante par le comptable du service des impôts des particuliers du 6ème arrondissement de Paris correspondent au solde d'un rappel d'impôt sur le revenu, assorti des contributions sociales et prélèvements sociaux, portant sur les années 1989, 1990 et 1991, mis en recouvrement le 30 avril 1994, et que ces sommes, qui n'ont pas fait l'objet de dégrèvements, ne sont par suite, contrairement à ce qui est soutenu, pas dépourvues d'objet. Si Mme A... fait valoir qu'il convient de prendre en compte les dégrèvements résultants de litiges fiscaux, elle n'apporte à l'appui de son moyen aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé et la portée.
7. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : L'intervention de la SELARL Fides n'est pas admise.
Article 2 : La requête de Mme C... épouse A... est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C..., épouse A..., à la SELARL Fides et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et de Paris.
Délibéré après l'audience du 23 novembre 2022, à laquelle siégeaient :
- Mme Brotons, président de chambre,
- Mme Topin, président assesseur,
- M. Magnard, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 décembre 2022.
Le rapporteur,
F. MAGNARDLe président,
I. BROTONS
Le greffier,
C. MONGIS
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 21PA06005 2 |
JADE/CETATEXT000046710483.xml | Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 25 janvier 2021 par lequel le préfet de police a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2103545/1-1 du 16 juin 2021, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire de régularisation enregistrés les 13 juillet 2021 et 10 mai 2022, M. B..., représenté par Me Giudicelli-Jahn, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris du 16 juin 2021 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de police du 25 janvier 2021 ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois et sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'arrêté du préfet de police a été pris au terme d'une procédure irrégulière dès lors que la commission du titre de séjour n'a pas été saisie, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors qu'il justifie de dix années de présence habituelle en France ;
- l'arrêté contesté méconnaît les stipulations des articles 3 et 10 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 ; il justifie de cinq années de résidence régulière sur le territoire français, ce qui lui ouvre droit au bénéfice d'un titre de séjour valable dix ans ;
- le préfet de police a commis une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que sa présence en France depuis plus de dix ans et son insertion professionnelle constituent des motifs exceptionnels de nature à justifier son admission exceptionnelle au séjour.
Par un mémoire enregistré le 18 octobre 2022, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme A... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant tunisien né le 1er juin 1978, déclare être entré en France en 2003. Par un arrêté du 25 janvier 2021, le préfet de police a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. B... demande à la cour d'annuler le jugement du 16 juin 2021 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. En premier lieu, aux termes de l'article 3 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 : " Les ressortissants tunisiens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent Accord, reçoivent, après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an et renouvelable et portant la mention " salarié ". Après trois ans de séjour régulier en France, les ressortissants tunisiens visés à l'alinéa précédent peuvent obtenir un titre de séjour de dix ans. Il est statué sur leur demande en tenant compte des conditions d'exercice de leurs activités professionnelles et de leurs moyens d'existence. ".
3. Pour refuser à M. B... la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des stipulations précitées, le préfet de police a relevé qu'il ne travaillait plus et ne justifiait pas de moyens d'existence. Il ne ressort pas des pièces du dossier que ces motifs seraient erronés. Par suite, le moyen tiré de la violation desdites stipulations ne peut qu'être écarté.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 10 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 : " Un titre de séjour d'une durée de dix ans, ouvrant droit à l'exercice d'une activité professionnelle, est délivré de plein droit, sous réserve de la régularité du séjour sur le territoire français : [...] g) Au ressortissant tunisien titulaire d'un titre de séjour d'un an délivré en application des articles 5, 7 ter, ou 7 quater, qui justifie de cinq années de résidence régulière ininterrompue en France, sans préjudice de l'application de l'article 3 du présent Accord. 2. Sont notamment considérés comme remplissant la condition de séjour régulier, les bénéficiaires d'un titre de séjour d'un an délivré en application des articles 7 ter et 7 quater. 3.Ce titre de séjour est renouvelé de plein droit pour une durée de dix ans. ". Contrairement à ce qu'il soutient, M. B... ne justifie pas de cinq années de résidence régulière en France, ne produisant de titre de séjour en qualité de salarié que pour les périodes allant du 26 mai 2016 au
25 mai 2017, du 26 mai 2017 au 25 mai 2018, et du 13 janvier 2020 au 12 janvier 2021. Il n'est donc pas fondé à soutenir qu'il pourrait bénéficier d'un titre valable dix ans sur le fondement des stipulations précitées.
5. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 313-14, alors en vigueur, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. / L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. (...) ". Portant sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaire prévues par les dispositions auxquelles il renvoie, l'article L. 313-14 n'institue pas une catégorie de titres de séjour distincte mais est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France soit au titre de la vie privée et familiale, soit au titre d'une activité salariée. Il fixe ainsi, notamment, les conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France au titre d'une activité salariée. Dès lors que l'article 3 de l'accord franco-tunisien prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant tunisien souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 313-14 à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national, s'agissant d'un point déjà traité par l'accord franco-tunisien, au sens de l'article 11 de cet accord. Toutefois, ses stipulations n'interdisent pas au préfet de délivrer un titre de séjour à un ressortissant tunisien qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit. Il appartient au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation. Enfin, l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 n'a pas entendu écarter l'application des dispositions de procédure qui s'appliquent à tous les étrangers en ce qui concerne la délivrance, le renouvellement ou le refus de titres de séjour.
6. D'une part, M. B... soutient qu'il réside habituellement en France depuis plus de dix ans à la date de l'arrêté attaqué du 25 janvier 2021. Il ne produit cependant, en ce qui concerne l'année 2011, qu'un duplicata d'ordonnance daté du 18 novembre 2011, une fiche de circulation à l'hôpital Saint-Louis du même mois de novembre, une feuille de soins datée de novembre ne mentionnant ni son prénom ni son adresse, une facture non probante datée également de novembre ainsi qu'un courrier publicitaire non daté établi par une société proposant une assurance complémentaire santé. Dans ces conditions, il ne justifie pas de sa présence habituelle sur le territoire français au cours des dix années précédant l'arrêté contesté. Par suite, le préfet de police n'a pas pris cet arrêté au terme d'une procédure irrégulière en ne saisissant pas la commission du titre de séjour au titre des dispositions précitées de l'article L. 313-14, alors en vigueur, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
7. D'autre part, si le requérant soutient qu'il est bien intégré à la société française et qu'il a travaillé régulièrement au cours des dernières années, il ne produit à l'appui de sa demande que des bulletins de paie concernant, pour les dernières années, les mois de janvier 2015 à septembre 2015, de novembre 2015 à avril 2016, de septembre et octobre 2016, d'avril 2017, et de novembre 2019 à mai 2020 en qualité de boulanger. Ces circonstances ne suffisent pas à établir qu'il justifierait de motifs exceptionnels de nature à permettre sa régularisation dans le cadre du pouvoir discrétionnaire dont dispose le préfet de police, qui n'a par suite commis aucune erreur manifeste d'appréciation en refusant de renouveler son titre de séjour en qualité de salarié.
8. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 25 janvier 2021 par lequel le préfet de police a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera transmise au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 15 novembre 2022 à laquelle siégeaient :
- M. Ivan Luben, président de chambre,
- Mme Marianne Julliard, présidente-assesseure,
- Mme Gaëlle Mornet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 décembre 2022.
La rapporteure,
G. A...Le président,
I. LUBENLa greffière,
N. DAHMANI
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 21PA03955
2 |
JADE/CETATEXT000046710454.xml | Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... E... a demandé au Tribunal administratif de Paris de condamner l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP) à lui verser la somme de 8 000 euros au titre du préjudice d'impréparation et l'AP-HP ou, à défaut, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à lui verser les sommes respectivement de 25 000 euros et de 30 000 euros au titre de ses troubles dans ses conditions d'existence et de ses préjudices patrimoniaux en lien avec sa prise en charge à l'hôpital Bichat en 2006.
Par un jugement n° 1707372/6-1 du 24 mai 2019, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par un arrêt avant-dire droit du 26 février 2021, la Cour a décidé qu'il serait, avant de statuer sur la requête de Mme E... tendant à ce qu'elle soit indemnisée par l'AP-HP des préjudices qu'elle estime avoir subis lors de sa prise en charge à l'hôpital Bichat en 2006, procédé à une expertise en vue de donner toute précision à la Cour sur le point de savoir, d'une part, si les diagnostics établis et les traitements, interventions et soins prodigués à l'hôpital Bichat et leur suivi ont été consciencieux, attentifs, diligents et conformes aux données acquises de la science et s'ils étaient adaptés à l'état de la patiente et aux symptômes et, d'autre part, si le dommage corporel constaté présente un lien de causalité direct, certain et exclusif avec un manquement imputable à l'établissement et, enfin, si le dossier médical et les informations recueillies permettent de savoir s'il a été procédé de façon complète à l'information de Mme E..., et dans la négative, de préciser si Mme E... a subi une perte de chance de se soustraire au risque par un refus des actes de soins pratiqués si elle en avait connu tous les dangers ou si, compte tenu des douleurs dont elle souffrait, de leur évolution probable et aussi des risques d'échec ou de complications à court ou à plus long terme susceptibles d'être provoquées par ces interventions, elle aurait en toute probabilité accepté de subir ces interventions si elle avait correctement été informée des risques encourus.
Par une ordonnance du 22 avril 2021, la présidente de la Cour a désigné le docteur C... en qualité d'expert.
Par une ordonnance du 1er juin 2021, la présidente de la Cour a accordé au docteur C... une allocation provisionnelle d'un montant de 2 880 euros à valoir sur le montant des honoraires et débours devant être ultérieurement taxés et mise à la charge de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris.
Le rapport d'expertise a été déposé le 26 juillet 2022.
Par une ordonnance du 5 août 2022, le premier vice-président de la Cour a liquidé et taxé les frais et honoraires du docteur C... à la somme de 2 610 euros, incluant l'allocation provisionnelle d'un montant de 2 880 euros accordée par l'ordonnance du 1er juin 2021 et a ordonné au docteur C... de rembourser à l'Assistance-Hôpitaux de Paris la somme de 270 euros.
Par un mémoire enregistré le 23 septembre 2022, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), représenté par Me Saumon, conclut, à titre principal, à sa mise hors de cause et, en tout état de cause, au rejet de la requête de Mme E... et à la condamnation de tout succombant aux dépens.
Il soutient que :
- Mme E... n'a pas présenté en cause d'appel de demande dirigée contre l'Office ;
- le rapport d'expertise du docteur A... doit être retenu dans l'ensemble de ses conclusions comme un élément d'information ;
- les conditions d'intervention de la solidarité nationale ne sont pas réunies ; le dommage subi par Mme E... n'est pas imputable à un accident médical ; en tout état de cause, les seuils de gravité d'intervention de la solidarité nationale ne sont pas atteints.
Mme E... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris du 30 août 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme F...,
- et les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme E..., née en 1968, a été opérée d'un hallux valgus du pied droit le 19 juin 2006 à l'hôpital Bichat qui dépend de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP). Le 21 août 2006, ont été pratiquées dans cet hôpital la même intervention au pied gauche ainsi qu'une reprise chirurgicale afin de traiter des métatarsalgies sur le matériel d'ostéosynthèse précédemment mis en place sur son pied droit. A compter de 2009, Mme E... a souffert de douleurs au niveau des pieds survenant lors de la marche. Un traitement par antalgiques ainsi que le port de semelles orthopédiques lui ont alors été prescrits. Entre 2013 et 2015, elle a réalisé des examens d'imagerie par résonance magnétique et consulté plusieurs chirurgiens, lesquels, face à la persistance des douleurs, ont proposé de réaliser une intervention chirurgicale correctrice, que l'intéressée a refusée. En mai 2015, Mme E... a sollicité du Tribunal administratif de Paris la désignation d'un expert. Le docteur D..., expert désigné par ordonnance du 6 juillet 2015, a rendu son rapport le 17 novembre 2015. Le 24 janvier 2017, Mme E... a présenté une demande indemnitaire préalable auprès de l'AP-HP qui a rejeté cette demande par une décision du 2 mars 2017. Par un jugement avant-dire droit du 22 juin 2018, le Tribunal administratif de Paris a ordonné une nouvelle expertise médicale avant de statuer sur les conclusions de la demande de Mme E.... Le rapport d'expertise du docteur A..., désigné par une ordonnance du 23 juillet 2018, a été déposé le 6 décembre 2018. Mme E... a, dans le dernier état de ses écritures, demandé au Tribunal administratif de Paris de condamner l'AP-HP à lui verser, à titre principal, la somme de 88 000 euros et, à titre subsidiaire, si seul un défaut fautif d'information était retenu par le tribunal, la somme de 43 000 euros, en raison des préjudices qu'elle a subis dans les suites de sa prise en charge à l'hôpital Bichat en 2006, augmentées des intérêts au taux légal à compter du 24 janvier 2017 et avec la capitalisation des intérêts. Par un jugement du 24 mai 2019, dont Mme E... relève appel, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
2. Par un arrêt du 26 février 2021, la Cour a, avant-dire-droit sur les conclusions de Mme E..., décidé de procéder à une expertise aux fins notamment de donner toute précision à la Cour sur le point de savoir, d'une part, si les diagnostics établis et les traitements, interventions et soins prodigués à l'hôpital Bichat et leur suivi ont été consciencieux, attentifs, diligents et conformes aux données acquises de la science et s'ils étaient adaptés à l'état de la patiente et aux symptômes et, d'autre part, si le dommage corporel constaté présente un lien de causalité direct, certain et exclusif avec un manquement imputable à l'établissement et, enfin, si le dossier médical et les informations recueillies permettent de savoir s'il a été procédé de façon complète à l'information de Mme E..., et dans la négative, de préciser si Mme E... a subi une perte de chance de se soustraire au risque par un refus des actes de soins pratiqués si elle en avait connu tous les dangers ou si, compte tenu des douleurs dont elle souffrait, de leur évolution probable et aussi des risques d'échec ou de complications à court ou à plus long terme susceptibles d'être provoquées par ces interventions, elle aurait en toute probabilité accepté de subir ces interventions si elle avait correctement été informée des risques encourus. Le docteur C..., désigné en qualité d'expert par la présidente de la Cour, a déposé son rapport le 26 juillet 2022.
Sur la régularité du jugement attaqué :
3. Le tribunal a, pour rendre le jugement du 24 mai 2019, pris en compte les conclusions du rapport d'expertise du docteur A..., expert qu'il avait désigné, qui s'est fondé notamment sur une radiographie du 27 septembre 2006 dont il avait demandé la communication à l'AP-HP lors de la réunion d'expertise du 6 novembre 2018. Or, il résulte de l'instruction que ce cliché radiographique n'a pas été transmis par l'expert à Mme E... avant la remise de son rapport et n'a pas non plus fait l'objet d'un pré-rapport. Dans ces conditions, ainsi que l'a jugé la Cour dans son arrêt avant-dire droit du 26 février 2021, le tribunal a, alors même que ce rapport avait été soumis au contradictoire devant lui, entaché son jugement d'irrégularité et, par suite, Mme E... est fondée, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens tirés de l'irrégularité du jugement, à demander l'annulation du jugement attaqué.
4. Dès lors, il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme E... devant le Tribunal administratif de Paris.
Sur la responsabilité de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris :
En ce qui concerne la faute médicale :
5. Aux termes du I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. (...) ".
6. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport de l'expertise diligentée par la Cour, que le diagnostic d'hallux valgus bilatéral symptomatique présenté par Mme E... a été correctement posé, que les interventions de chirurgie correctrice des 19 juin et 21 août 2006 étaient indiquées et que les médecins de l'hôpital Bichat ont pratiqué une ostéotomie de type scarf au niveau du premier métatarsien et de varisation au niveau de la première phalange du pied droit puis du pied gauche de Mme E... qui sont des techniques classiques de traitement d'un hallux valgus. La reprise chirurgicale au pied droit réalisée lors de l'intervention chirurgicale du 21 août 2006 était également indiquée afin de traiter des métatarsalgies sur le matériel d'ostéosynthèse mis en place le 19 juin 2006. Ces interventions de chirurgie correctrice ont été effectuées conformément aux règles de l'art et aux données acquises de la science. Il ressort notamment de la radiographie de contrôle post-opératoire du 27 septembre 2006 que le raccourcissement du premier métatarsien de chaque pied, lequel est l'un des objectifs de l'intervention pour éviter la récidive de l'hallux valgus, n'est pas excessif. Selon l'expert, les métatarsalgies de transfert apparues en 2009 chez Mme E... sont une conséquence classique des interventions chirurgicales subies en 2006. En effet, le raccourcissement du premier métatarsien, ainsi qu'il a été dit, permet de corriger l'hallux valgus, mais constitue également un des facteurs favorisant l'apparition de métatarsalgies secondaires sans pour autant que ces dernières résultent d'une faute médicale. Dans le cas de Mme E..., les métatarsalgies de transfert ont été également favorisées par les " anomalies architecturales constitutionnelles de ses avant-pieds " et la pathologie dégénérative des avant-pieds qui continue à évoluer pour son propre compte. Il s'ensuit que les médecins n'ont commis aucune faute médicale lors des interventions chirurgicales des 19 juin et 21 août 2006 à l'hôpital Bichat. Mme E... n'est, dès lors, pas fondée à soutenir que la responsabilité de l'AP-HP serait engagée sur le fondement des dispositions du I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique.
En ce qui concerne le défaut d'information :
7. Aux termes de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique : " Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. (... ). Cette information incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences et dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables. Seules l'urgence ou l'impossibilité d'informer peuvent l'en dispenser. Cette information est délivrée au cours d'un entretien individuel. (...) ".
8. En cas de manquement à cette obligation d'information, si l'acte de diagnostic ou de soin entraîne pour le patient, y compris s'il a été réalisé conformément aux règles de l'art, un dommage en lien avec la réalisation du risque qui n'a pas été porté à sa connaissance, la faute commise en ne procédant pas à cette information engage la responsabilité de l'établissement de santé à son égard, pour sa perte de chance de se soustraire à ce risque en renonçant à l'opération. Il n'en va autrement que s'il résulte de l'instruction, compte tenu de ce qu'était l'état de santé du patient et son évolution prévisible en l'absence de réalisation de l'acte, des alternatives thérapeutiques qui pouvaient lui être proposées ainsi que de tous autres éléments de nature à révéler le choix qu'il aurait fait, qu'informé de la nature et de l'importance de ce risque, il aurait consenti à l'acte en question.
9. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise du docteur C..., que Mme E... n'a pas été préalablement informée par les médecins de l'hôpital Bichat du risque fréquent et normalement prévisible de développer des métatarsalgies secondaires à la suite des interventions chirurgicales correctrices de l'hallux valgus bilatéral des 19 juin et 21 août 2006. Ce défaut d'information des médecins, qui ne se trouvaient ni dans l'urgence ni dans l'impossibilité d'informer Mme E..., est constitutif d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'AP-HP.
10. Il résulte de l'instruction que Mme E... présentait un hallux valgus bilatéral symptomatique nécessitant un traitement médical par antalgiques et qui s'aggravait progressivement. Si Mme E... avait refusé les interventions chirurgicales correctrices, la pathologie des avant-pieds aurait continué à évoluer entraînant à la fois une aggravation de la déformation des pieds, de l'enraidissement et des douleurs engendrant une gêne à la marche majeure. Il ne résulte pas de l'instruction qu'une alternative thérapeutique était possible. Dans ces circonstances, il résulte de l'instruction que Mme E... n'aurait pas renoncé aux interventions chirurgicales correctrices de l'hallux valgus bilatéral si elle avait été informée du risque fréquent de développer ultérieurement des métatarsalgies de transfert. Dans ces conditions, le manquement des médecins à leur devoir d'information n'a privé Mme E... d'aucune chance de se soustraire au risque qui s'est réalisé en renonçant aux opérations. Par suite, les conclusions indemnitaires de Mme E... présentées au titre de la perte de chance doivent être rejetées.
11. Enfin, le manquement des médecins à leur obligation d'informer le patient des risques encourus ouvre pour l'intéressé, lorsque ces risques se réalisent, le droit d'obtenir réparation des troubles qu'il a subis du fait qu'il n'a pas pu se préparer à cette éventualité. S'il appartient au patient d'établir la réalité et l'ampleur des préjudices qui résultent du fait qu'il n'a pas pu prendre certaines dispositions personnelles dans l'éventualité d'un accident, la souffrance morale qu'il a endurée lorsqu'il a découvert, sans y avoir été préparé, les conséquences de l'intervention doit, quant à elle, être présumée.
12. Il résulte de l'instruction, ainsi qu'il a été dit au point 6, que dans le cas de Mme E..., le raccourcissement du premier métatarsien de chacun des pieds n'est pas le seul facteur de nature à favoriser l'apparition de métatarsalgies secondaires, lesquelles sont apparues trois ans après les interventions chirurgicales en cause. Dans ces conditions, Mme E... n'est pas fondée à soutenir que le défaut d'information des médecins de l'hôpital Bichat quant au risque fréquent de développer des métatarsalgies secondaires à la suite d'une intervention chirurgicale correctrice d'un hallux valgus serait à l'origine d'un préjudice d'impréparation.
13. Il résulte de ce qui précède que les conclusions de Mme E... dirigées contre l'AP-HP doivent être rejetées.
Sur l'engagement de la solidarité nationale :
14. Aux termes du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, de la durée de l'arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire. Ouvre droit à réparation des préjudices au titre de la solidarité nationale un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique supérieur à un pourcentage d'un barème spécifique fixé par décret ; ce pourcentage, au plus égal à 25 %, est déterminé par ledit décret ". L'article D. 1142-1 du même code dispose que : " Le pourcentage mentionné au dernier alinéa de l'article L. 1142-1 est fixé à 24 %. (...) ". Il résulte de ces dispositions que l'ONIAM doit assurer, au titre de la solidarité nationale, la réparation des dommages résultant directement d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins à la double condition qu'ils présentent un caractère d'anormalité au regard de l'état de santé du patient comme de l'évolution prévisible de cet état et que leur gravité excède le seuil défini à l'article D. 1142-1 du même code.
15. Il résulte de l'instruction que les métatarsalgies de transfert présentées par Mme E... sont à l'origine pour l'intéressée d'un déficit fonctionnel permanent de l'ordre de 5 % qui est inférieur au seuil de 24 % défini à l'article D. 1142-1 du code de la santé publique. Le dommage ne remplit pas par ailleurs les autres critères de gravité prévus par les dispositions de l'article L. 1142-1 de ce code. Par suite, l'ONIAM est fondé à demander sa mise hors de cause.
16. Il résulte de tout ce qui précède que Mme E... est fondée à demander l'annulation du jugement attaqué du 24 mai 2019 du Tribunal administratif de Paris qui a rejeté sa requête et que sa demande présentée devant le tribunal administratif et ses conclusions d'appel sont rejetées.
Sur les frais d'expertise :
17. Aux termes du premier alinéa de l'article 24 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Les dépenses qui incomberaient au bénéficiaire de l'aide juridictionnelle s'il n'avait pas cette aide sont à la charge de l'Etat ". Aux termes de l'article 40 de la même loi : " L'aide juridictionnelle concerne tous les frais afférents aux instances, procédures ou actes pour lesquels elle a été accordée, à l'exception des droits de plaidoirie. / (...) / Les frais occasionnés par les mesures d'instruction sont avancés par l'Etat". Aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de tout autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. / Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties (...) ". Il résulte de la combinaison de ces dispositions que lorsque la partie perdante bénéficie de l'aide juridictionnelle totale, et hors le cas où le juge décide de faire usage de la faculté que lui ouvre l'article R. 761-1 du code de justice administrative en présence de circonstances particulières de mettre les dépens à la charge d'une autre partie, les frais d'expertise incombent à l'Etat.
18. Mme E... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale en première instance par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris du 23 août 2017. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'État les frais d'expertise de la présente affaire, liquidés et taxés à la somme de 1 800 euros en ce qui concerne le docteur D... et à la somme de 1 524 euros en ce qui concerne le docteur A... par ordonnances respectivement du 29 avril 2016 et du 17 décembre 2018 du vice-président du tribunal administratif de Paris
19. Mme E... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale dans la procédure d'appel par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris du 30 août 2019. Dans les circonstances de l'espèce, les frais de l'expertise confiée au docteur C..., liquidés et taxés à la somme de 2 610 euros par une ordonnance du 5 août 2022 du vice-président de la Cour, sont mis à la charge de l'Etat.
Sur les frais liés au litige :
20. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'AP-HP, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que le conseil de Mme E... demande sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1707372/6-1 du 24 mai 2019 du Tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme E... devant le Tribunal administratif de Paris et ses conclusions d'appel sont rejetées.
Article 3 : Les frais d'expertise, liquidés et taxés à la somme de 1 800 euros en ce qui concerne le docteur D... et à la somme de 1 524 euros en ce qui concerne le docteur A... par ordonnances respectivement du 29 avril 2016 et du 17 décembre 2018 du vice-président du tribunal administratif de Paris et à la somme de 2 610 euros en ce qui concerne le docteur C... par une ordonnance du 5 août 2022 du vice-président de la Cour sont mis à la charge définitive de l'Etat.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... E..., à l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris, à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, à la caisse primaire d'assurance maladie de Paris, à la caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-Saint-Denis et à Me de Folleville.
Copie en sera envoyée pour information aux experts, MM. D..., A... et C....
Délibéré après l'audience du 14 novembre 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Le Goff, président de chambre,
- M. Ho Si Fat, président assesseur,
- Mme Larsonnier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 décembre 2022.
La rapporteure,
V. F... Le président,
R. LE GOFF
Le greffier,
P. TISSERAND
La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19PA03660 |
JADE/CETATEXT000046710468.xml | Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... D... épouse F... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 4 juillet 2019 par laquelle le préfet de police a rejeté sa demande de regroupement familial au bénéfice de l'enfant Nassim G..., recueilli en vertu d'une kafala.
Par un jugement n° 1915086/2-1 du 17 novembre 2020, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 18 avril 2021, Mme D... épouse F..., représentée par Me Puillandre, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1915086/2-1 du 17 novembre 2020 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler la décision du 4 juillet 2019 par laquelle le préfet de police a rejeté sa demande de regroupement familial ;
3°) d'ordonner toute mesure d'instruction nécessaire à la vérification de la régularité de la décision d'adoption prononcée à l'étranger ;
4°) d'enjoindre au préfet de police de réexaminer sa demande de regroupement familial ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Me Puillandre au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative et les entiers dépens.
Elle soutient que :
- la décision contestée a été signée par une autorité incompétente ;
- elle méconnaît les dispositions des articles L. 411-1, L. 411-5 et L. 411-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations des articles 3-1 et 10 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense enregistré le 4 avril 2022, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme D... épouse F... ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 6 septembre 2022, prise en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative, la clôture de l'instruction a été fixée au 11 octobre 2022 à midi.
Mme D... épouse F... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal judiciaire de Paris du 26 janvier 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. B... A... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C... D... épouse F..., ressortissante marocaine née le 28 juillet 1957 a sollicité le 17 mars 2017 l'introduction en France au titre du regroupement familial de l'enfant Nassim G..., recueilli en vertu d'une kafala prononcée par le tribunal d'instance de Figuig au Maroc le 14 août 2016. Par un arrêté du 4 juillet 2019, le préfet de police a refusé de faire droit à sa demande. Mme D... épouse F... relève appel du jugement du 17 novembre 2020 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. En premier lieu, par un arrêté n° 2019-00368 du 17 avril 2019, régulièrement publié au bulletin municipal officiel de la Ville de Paris du 23 avril 2019, le préfet de police a donné à M. François Lematre, conseiller d'administration de l'intérieur et de l'outre-mer, chef du 10ème bureau au sein de la direction de la police générale de la préfecture de police et signataire de l'arrêté contesté, délégation à effet de signer tous les actes dans la limite de ses attributions, au nombre desquelles figure la police des étrangers. Le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué aurait été signé par une autorité incompétente doit, par suite, être écarté comme manquant en fait.
3. En deuxième lieu, d'une part, aux termes des dispositions de l'article L. 411-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicables au litige : " Le ressortissant étranger qui séjourne régulièrement en France depuis au moins dix-huit mois, sous couvert d'un des titres d'une durée de validité d'au moins un an prévus par le présent code ou par des conventions internationales, peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre du regroupement familial, par son conjoint, si ce dernier est âgé d'au moins dix-huit ans, et les enfants du couple mineurs de dix-huit ans ". Aux termes des dispositions de l'article L. 411-4 du même code : " L'enfant pouvant bénéficier du regroupement familial est celui qui répond à la définition donnée au dernier alinéa de l'article L. 314-11 ". Enfin aux termes des dispositions de l'article L. 314-11 du même code : " (...) L'enfant visé aux 2°, 8° et 9° du présent article s'entend de l'enfant ayant une filiation légalement établie, y compris l'enfant adopté, en vertu d'une décision d'adoption, sous réserve de la vérification par le ministère public de la régularité de cette décision lorsqu'elle a été prononcée à l'étranger ".
4. D'autre part, aux termes des dispositions alors applicables de l'article L. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le regroupement familial ne peut être refusé que pour l'un des motifs suivants : / 1° Le demandeur ne justifie pas de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille. Sont prises en compte toutes les ressources du demandeur et de son conjoint indépendamment des prestations familiales. Les ressources doivent atteindre un montant au moins égal au salaire minimum de croissance mensuel ; / 2° Le demandeur ne dispose pas ou ne disposera pas à la date d'arrivée de sa famille en France d'un logement considéré comme normal pour une famille comparable vivant en France ". De même, aux termes des dispositions de l'article L. 411-6 du même code : " Peut être exclu du regroupement familial : / 1° Un membre de la famille dont la présence en France constituerait une menace pour l'ordre public ; / 2° Un membre de la famille atteint d'une maladie inscrite au règlement sanitaire international ; / 3° Un membre de la famille résidant en France ".
5. Il ressort des pièces du dossier que Mme D... épouse F... a recueilli son petit-fils E... G... par une kafala prononcée le 14 août 2016 par le Tribunal d'instance de Figuig au Maroc. Dans ces conditions, et dès lors que la kafala ne crée aucun lien de filiation, les enfants confiés ainsi à leurs grands-parents n'entrent dans aucune des catégories d'enfants visés par les dispositions du dernier alinéa de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et éligibles au regroupement familial prévu par l'article L. 411-1 du même code. Il en résulte qu'est, en tout état de cause, sans incidence sur la légalité de la décision contestée la circonstance qu'aucune vérification de régularité n'ait été effectuée par le ministère public. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet de police, en refusant de faire droit à la demande de regroupement familial de Mme D... épouse F... au profit de son petit-fils, aurait méconnu les dispositions des articles L. 411-1, L. 411-5 et L. 411-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
6. En deuxième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Aux termes de l'article 10 de la même convention : " 1. Conformément à l'obligation incombant aux Etats parties en vertu du paragraphe 1 de l'article 9, toute demande faite par un enfant ou ses parents en vue d'entrer dans un Etat partie ou de le quitter aux fins de réunification familiale est considérée par les Etats parties dans un esprit positif, avec humanité et diligence. Les Etats parties veillent en outre à ce que la présentation d'une telle demande n'entraîne pas de conséquences fâcheuses pour les auteurs de la demande et les membres de leur famille. / 2. Un enfant dont les parents résident dans des Etats différents a le droit d'entretenir, sauf circonstances exceptionnelles, des relations personnelles et des contacts directs réguliers avec ses deux parents. A cette fin, et conformément à l'obligation incombant aux Etats parties en vertu du paragraphe 1 de l'article 9, les Etats parties respectent le droit qu'ont l'enfant et ses parents de quitter tout pays, y compris le leur, et de revenir dans leur propre pays. Le droit de quitter tout pays ne peut faire l'objet que des restrictions prescrites par la loi qui sont nécessaires pour protéger la sécurité nationale, l'ordre public, la santé ou la moralité publiques, ou les droits et libertés d'autrui, et qui sont compatibles avec les autres droits reconnus dans la présente Convention ". De même, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
7. Si les dispositions combinées des articles L. 314-11, L. 411-1 et L. 411-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoient que l'enfant pouvant bénéficier du regroupement familial est l'enfant légitime ou naturel ayant une filiation légalement établie ainsi que l'enfant adopté, il appartient toutefois à l'autorité administrative de s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, qu'une décision refusant le bénéfice du regroupement familial demandé pour un enfant n'appartenant pas à l'une des catégories ainsi mentionnées ne porte pas une atteinte excessive aux droits des intéressés au respect de leur vie privée et familiale et ne méconnaît pas les stipulations de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 selon lesquelles dans toutes les décisions qui concernent les enfants, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale.
8. D'une part, Mme D... épouse F... soutient que l'arrêté en litige méconnaît l'intérêt supérieur de son petit-fils, E... G..., qu'elle a recueilli par kafala prononcée par le Tribunal d'instance de Figuig au Maroc le 14 août 2016, dès lors que son fils, père de l'enfant, souffre de crises épileptiques et qu'il n'exerce, ainsi que son épouse, aucune activité professionnelle. La requérante fait valoir qu'elle subvient financièrement aux besoins de la famille et qu'elle souhaite que son petit-fils puisse vivre en France afin d'y poursuivre des études lui permettant par la suite de prendre soin de ses parents. Toutefois, et alors que l'intéressée ne conteste pas avoir recueilli son petit-fils par kafala, il est constant que Nassim G..., âgé de plus de sept ans à la date de l'arrêté en litige, n'est pas démuni d'attaches familiales dans son pays d'origine où il vit auprès de ses parents. En outre, Mme D... n'apporte aucun élément de nature à établir qu'elle entretiendrait un lien affectif avec cet enfant, ni qu'elle contribuerait effectivement aux besoins de la famille de son fils. Dans ces conditions, et alors qu'en tout état de cause Mme D... n'établit pas ni même n'allègue qu'elle ne pourrait se rendre régulièrement au Maroc pour y voir son petit-fils, l'intéressée n'est pas fondée à soutenir que le préfet de police aurait méconnu l'intérêt supérieur de cet enfant. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations des articles 3-1 et 10 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ne peut qu'être écarté.
9. D'autre part, et compte tenu de ce qui a été dit au point précédent, la décision du 4 juillet 2019 ne porte pas davantage une atteinte disproportionnée au droit de Mme D... épouse F... au respect de la vie privée et familiale. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
10. En troisième lieu, si Mme D... épouse F... soutient que l'arrêté en litige méconnaîtrait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, elle n'assortit ce moyen d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé. Par suite, le moyen doit être écarté.
11. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de procéder au supplément d'instruction demandé par Mme D... épouse F..., que l'intéressée n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ainsi, en tout état de cause, que celles présentées par son conseil au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme D... épouse F... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... D... épouse F... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 14 novembre 2022 à laquelle siégeaient :
- M. Le Goff, président de chambre,
- M. Ho Si Fat, président assesseur,
- Mme Larsonnier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 décembre 2022.
Le rapporteur,
F. HO SI A... Le président,
R. LE GOFF
Le greffier,
P. TISSERAND
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21PA02008 |