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politique-réalité
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[ "michel rouger" ]
167
LES JEUX D'ARGENT EN LIGNE
# LES JEUX D'ARGENT en LIGNE Drolissime. Le même jour, le 08 juin, chacun de leur coté, le ministère de l'économie autorise onze opérateurs de jeux en ligne à monter leur piège à parieurs et celui de la justice renvoie en correctionnelle le plus gros des parieurs qui a fait perdre 5 milliards d'€ à son patron en voulant, dit il, les lui faire gagner. Comprenne qui pourra ! Funny, isn't it, aurait dit ce bon Mister LLOYD, dans sa taverne sur la Tamise, qui inventa les paris transformés en assurances maritimes. Hélas pour elle, la Société générale n'était pas assurée contre les pertes créées par l'audacieux joueur qui a failli la décaver. Elle devrait compter le temps qu'il va falloir aux 11 opérateurs des nouveaux paris en ligne pour ramasser 4,9 milliards d' € dans la poche de leurs parieurs. Espérons qu'il en faudra beaucoup sinon nous sommes bons pour un ISPP, impôt de solidarité avec les pauvres parieurs, proposé par le Député BOUILLON, of course.
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fonds documentaire mrc
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[ "michel rouger" ]
461
L'EUROPE ETERNELLE
# L'EUROPE ETERNELLE Au cours du déjeuner précédant l'écriture de ce papier, avec la jeune ambassadrice d'un pays du moyen orient, nous avons évoqué la France éternelle, amitié séculaire oblige. Elle avait regardé l'émission sur l'appel du 18 juin 40. Elle connaissait la parole du Général «  J'arrivais au moyen orient compliqué avec des idées simples ». La tonalité de notre entretien m'a fait penser qu'elle découvrait une France compliquée avec ses idées simples. D'où le passage par l'Europe éternelle. Au début du siècle dernier, la meilleure représentation de l'Europe tenait en 1 phrase «  Les Allemands sont des factionnaires, les Anglais des actionnaires, les Français des fonctionnaires » Qu'y a-t-il de changé ? Rien ! Les Allemands, unis sous la férule des prussiens, rêvaient de conquêtes après qu'ils aient accompagné les Anglais et les Austro Hongrois dans les deux guerres napoléoniennes du début et de la fin du 19^ème^ siècle. Ils se préparaient à la lutte armée conquérante. Ils mettaient leurs fusils en faisceau. Pratique militaire qui a inspiré le fascisme des années de plomb qui a produit tant de ravages en Europe. Aujourd'hui leur soif de conquête n'est plus étanchée par les invasions militaires. Elle est satisfaite par la conquête des marchés de consommateurs. Les faisceaux sont devenus des réseaux d'entreprises, les armes dominatrices, la qualité de leurs productions, la rigueur dans l'organisation, l'effort dans la réalisation. Les Anglais, hier comme aujourd'hui, sont des actionnaires, toujours aussi présents dans ces fameux «  marchés » où ils ont installé leurs échoppes qui offrent tous les produits d'argent, du plus solide au plus gazeux, voire au carrément toxique. Les Français étaient fonctionnaires avec d'exceptionnels ingénieurs formés à Polytechnique, capables des plus belles réussites industrielles. Ils n'ont pas changé, sauf que, grâce à l'école nationale d'administration les prouesses administratives ont étouffé les industrielles, avant de commencer à ruiner tout le monde. Ce vieux monde occidental compliqué avait pris pour habitude de régler, temporairement, ses problèmes par les multiples guerres qu'il se faisait entre deux des innombrables traités qui ont jalonné son histoire. Il ne le peut plus. Les dernières ont atteint un tel niveau d'horreurs qu'un break de 65 ans a été déclaré. Mais les divergences ont maintenant atteint un niveau difficile à gérer. Les Allemands sont de plus en plus conquérants industriels rigoureux, les Anglais marchands financiers égoïstes et intéressés, l'esprit fonctionnaire des Français rejette, plus que jamais, les contraintes de l'économie et de l'argent qui perturbent leur modèle social, comme les efforts de la compétition industrielle qui contrarient leur mode de vie. Ces divergences, comme les termites, détruisent lentement le bâtiment européen qui abrite ces trois peuples auxquels se sont ajoutés leurs voisins et leurs problèmes. Il ne faut pas s'étonner que l'étranger qui nous aime bien nous trouve compliqués.
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[ "michel rouger" ]
362
NOTES DE LECTURE : L'AME DES NATIONS (ALAIN MINC)
# Notes de lecture : L'AME des NATIONS (Alain Minc) La première partie chapitre 1 à 8 mériterait le titre «  la fresque et le funambule » Comme toutes les fresques qui regroupent plusieurs évocations, chacun la voit avec ses prismes. Pour l'Angleterre, parfait, pour la France, la Russie et l'Italie, bien, pour l'Allemagne je suis marqué par les 2 années passées, en col bleu, avec un prisonnier allemand, 1945-1947, pendant lesquelles j'ai connu une toute autre Allemagne. Je suis autant convaincu par la pertinence de la définition du peuple nation que par celle de l'instabilité des gènes allemands sur lesquels cette définition est construite. Cette remarque en entraine une autre qui vaut pout tout l'ouvrage. Toute analyse qui utilise la génétique, même par provocation dans des domaines où il n'est pas usuel de la trouver, les nations, ne peut faire l'économie d'une référence à l'Epigénétique. En effet, l'application de cette science nouvelle aux individus parait encore plus pertinente à l'égard des groupes d'individus, peuples, nations, etc ..  Le reste de l'ouvrage offre la dégustation de tellement de produits gouleyants, servis sur un buffet long de 5 siècles, que c'est un régal pour l'esprit pragmatique, sans doute une incongruité, apparemment préméditée, pour l'esprit académique. Tant mieux pour le premier, tant pis pour le second. J'y ai retrouvé le bon vieux « Diplomatie » du Dear Henry, que je croisais quand il l'a écrit et qui m'en a fait destinataire dédicacé. Une anecdote qui valide le dernier alinéa de la page 132. Le 08 décembre 1941, Pearl Harbour, le jeune officier de la Luftwaffe qui logeait dans une chambre réquisitionnée dans notre maison, est venu me souhaiter mon 13^ème^ anniversaire. Francophone et francophile il a dit à ma mère : adieu, madame, je pars sur le front russe, pour rien, car aujourd'hui nous avons déjà perdu la guerre Un mot sur le « Miracle » conclusif. Il y a dans ces 13 pages de très nombreuses réflexions, parfois presque mot à mot, présentes dans mes interventions orales ou écrites depuis 2008. Enfin, pensez vous publier, un jour, une autre provocation de voltigeur en passant les nations dans le scanner de la caractérologie ?
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[ "michel rouger" ]
509
LA CORBEILLE ET LE MACHIN.
# LA CORBEILLE ET LE MACHIN. A chaque époque ses maux qui durent et ses mots qui changent. Les maux, ce sont ceux des conflits, éternels, entre les pouvoirs politiques qui gèrent le temps social de leurs peuples, et les puissances d'argent qui leurs prêtent ce qui leur manque. Ce sont aussi ceux de la cohabitation des Etats dans un continent, l'Europe, chargé d'histoire et de guerres. Nous ne sommes pas prés de guérir de ces maux. En attendant il faudra jouer avec les mots, éphémères, pour cacher la réalité des maux. Les mots de Charles De Gaulle, pour répondre aux attaques des puissances d'argent contre le Franc, sont restés : La CORBEILLE, balustrade symbolique de la Bourse parisienne autour de laquelle se pressaient les commis des spéculateurs des années 60, balayés d'une phrase célèbre, *la politique de la France ne se fait pas à la corbeille.* Le MACHIN, qui marquait durement le mépris dans lequel le général tenait les institutions européennes débutantes. Les mots de Nicolas Sarkozy ont changé. Les MARCHES, ces salles des banques au sein desquelles s'agitent les traders, nouveau nom des spéculateurs, ont remplacé la corbeille. BRUXELLES, son Euro, et ses eurocrates touche à tout, ont remplacé le machin. Que cachent ces mots ? 16 pays se sont associés, dans l'Euro pour partager un destin économique et monétaire commun. Chacun veut croit pouvoir jouer sa partition, solo, pour des motifs sociaux et culturels. L'économie construite sur une monnaie commune ne le permet pas. Elle exige une discipline d'exécution imposée par un chef. C'est sur ce point que Bruxelles, faute de chef, ressemble encore au Machin du Général, et inspire le mépris des marchés. Ces 16 pays de l'Euro, France comprise, sont doublement endettés. La dette BLEUE, inférieure à 60 % de leur PIB. La dette ROUGE, au dessus. Les marchés ont pris peur lorsqu'ils ont vu que la dette ROUGE des 16 pays, avoisinait 1.500 Milliard d'€, dont l'Espagne et la France qui affichent entre 400 et 500 milliards d€ chacune. Ils ont profité de l'affaire grecque pour sonner le tocsin, exiger des garanties en cas de faillite. D'où les 750 milliards d'€, mobilisés à la hâte à Bruxelles le 10 mai. Ca ne suffit déjà pas, il faut que les banques centrales prennent le relais des banques privées, lourdement chargées en dettes d'Etats, car leur mise en faillite, comme LEHMAN, serait plus facile à déclarer que celle des Etats. Il reste, maintenant, à faire travailler le temps pour rembourser tout cet argent. En développant nos investissements et nos ventes, sans faire un plaisir politique aux maniaques de la redistribution fiscale et de l'assistanat, qui calculent déjà les augmentations d'impôts qui bloqueraient la croissance, comme les cendres volcaniques bloquent les avions . Nous en avons pour 10 ans, au mieux, à condition de garder notre sang froid face à la disparition des mensonges des Etats providentiels. Consolons nous ! Ce qui s'est passé en Europe le 10 mai 2010 est moins grave que le 10 mai 1940 lorsque les panzers nazis ont envahi la France.
704
politique-réalité
2010-10-01
0
[ "michel rouger" ]
159
LA FENETRE DE TIR
# La FENETRE de TIR On connait la fenêtre de St Pierre de Rome d'où le Pape bénit urbi et orbi. On découvre la fenêtre de tir du palais de l'Elysée dont l'ouverture sera fatale à quelques ministres qui n'ont pas volé assez haut ou couru assez vite. Les petits malins l'ont compris qui n'ont pas envie de jouer aux petits canards en bois colorés qui défilent devant les tireurs rigolards des stands de tir des fêtes foraines. Chacun essaie de s'en tirer comme il peut. Fillon en tirant sa révérence, Bussereau à tire d'aile, Borloo, Copé, Baroin, Chatel, en tirant la couverture à eux, sans que personne ne sache qui tire les ficelles. Bref ça tire à hue et à dia. Quand le cor sonnera la fin de la chasse, on oubliera vite le tableau. Sauf Marianne, qui titrera « Un forcené abat 12\* ministres et se retranche à l'Elysée » ! \*prévision audacieuse, SGDG, pour de vrai
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fonds documentaire mrc
2014-04-01
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[ "michel rouger" ]
2,135
COLLOQUE DROIT ET COMMERCE : LA GOUVERNANCE ET LE JUGE
# COLLOQUE DROIT et COMMERCE : La GOUVERNANCE et le JUGE *« Amours ne veult autre pasture, Que doulce loyale gouvernance »* Dans son édition originale de 1878, le Littré est on ne peut plus concis sur le sens du mot français gouvernance. Après avoir fait référence au système institutionnel qui vécut, dans un temps lointain, à Lille et à Arras il cite le poème médiéval et la phrase qui ouvre ce propos. Certes, on ignore à quelle date le poète qui en est l\'auteur à uni les Amours et la gouvernance qui leur donnait cette pâture douce et loyale, dont le sens, d'un autre temps, peut échapper aux contemporains. En effet, sans que le président Marc Viénot y voit malice, on imagine mal que son docte rapport sur la Corporate Governance, connaisse d\'ici quelques siècles, la notoriété de la poésie de notre auteur inconnu. On pourrait imaginer, pour donner longue vie à ce document qui a fait le tour de la France, en 1999, de le rewriter, en langage des trouvères du pays des Flandres au moyen âge ! Hors sujet, revenons vers le juge. Le poète, qui fournit le fil rose de ce propos, tout habité par les Amours de l'époque, ne pouvait imaginer que la gouvernance occuperait le débat public au début du millénaire suivant le sien, pour qu'elle soit la pâture douce et loyale des amours modernes que sont celles de l'argent. Restons dans la douceur et la loyauté, faisons entrer le Juge, tout le monde debout et découvert, et offrons lui un panorama de la gouvernance qui intéresse les amis de Droit et commerce, et leur évite de tourner la tête vers celui offert par la grande plage de Deauville. ## La gouvernance fin-de-siècle. Ce modèle dit de corporate governance couvre les deux dernières décennies du XXe siècle, les années 80/90, aux Etats unis, siège des nouveaux investisseurs dans les fonds propres des entreprises, que sont les Fonds de pension des retraités américains de plus en plus nombreux. Ce modèle qui recommande la douceur et postule la loyauté, ignore la sanction du juge, lequel, de fait, sera écarté de sa mise en œuvre. Tout est fait, à l'époque pour qu'il soit bien clair que les règles de Corporate governance constituent un ensemble de standards de comportement des décideurs et des administrateurs, regroupés sous le nom de Soft Law. Il suffit de se reporter aux discussions des théoriciens du droit prompts à faire l'exégèse des nouveaux mots du vocabulaire juridique pour se remémorer les débats sur la signification, au regard de l'office des juges, des trois mots, recommandationsSoft law -, directives -- Droit Européen -, lois - droit français. Place à l'application. Cette application s'est faite de manière douce, mais pas toujours loyale, au cours de cette première période fin de siècle. L'affaire fut du domaine privé. Le juge y fut absent parce que les conséquences de la déloyauté ne sont apparues qu'au cours de la période suivante de début de siècle. Opérateur, au cours de cette époque, une fois quittée la responsabilité de la juridiction commerciale parisienne, j'ai connu les prémices de la corporate governance comme administrateur de deux multinationales de droit français, conseiller d'une banque internationale de droit néerlandais, administrateur d'une société de droit américain leader sur son marché globalisé. Les choses y furent fermes mais douces et loyales. Ainsi, la corporate governance est apparue comme un ensemble de recommandations douces, de caractère privé, visant à susciter le comportement loyal des décideurs auxquels les fonds confiaient leur argent, comme jadis, la dot de la riche épousée. La tradition, surannée, du bon père de famille, retrouvait une raison d'être, sans aller au-delà. Ni les postes dans les conseils, ni même la participation aux délibérations des assemblées n'était recherchée. Le postulat de la loyauté prévalait. Le juge n'avait rien à faire dans cette union voulue paisible. Les bourses de capitaux offraient un terrain suffisant pour y régler les mécomptes. Il faut quand même noter que c'est au cours de cette période fin de siècle qu'est née, aux Etats unis, avant d'arriver en France dix ans plus tard, la sœur bâtarde de la corporate governance, la défeasance. Appliquées, sous la gouvernance des pouvoirs publics, les defeasances, ont tenté de réparer, hors la vue des juges, les grosses malfaçons constatées dans les secteurs financiers contrôlés par la puissance publique. Les deux plus connues furent celles des Saving & loans aux Etats unis, et du Crédit lyonnais en France. Chacun sait, qu'opérateur de la seconde, je me suis abstenu, depuis 20 ans, d'en commenter les tenants et les aboutissants, jusqu'en 2015, date de fin légale de l'opération. Patience ! mais il est utile de relever combien sont étroites les marges qui séparent gouvernance et gouvernement, comme vont le démontrer les avatars célèbres, puis les catastrophes du début du 21^ème^ siècle. ## la gouvernance début de siècle Est-ce l\'effet du changement de millénaire, toujours est-il qu\'à peine le rapport Viénot diffusé en France en 1999 les affaires ont commencé à mal tourner de l\'autre côté de l\'Atlantique. Avant d\'aborder comment c'est fait le passage de la douceur de la gouvernance fin-de-siècle, sans juges, vers la brutalité, voire la violence, de la gouvernance début de siècle, avec juges, il convient de rappeler qu\'elles étaient les trois bases de la gouvernance telle qu\'elle nous fut apprise par les maîtres es gouvernance, théoriciens plus que praticiens. La Corporate Governance repose sur trois piliers : - L*a Transparence* qui crée l\'obligation pour les dirigeants qui font appel au marché des capitaux de donner un accès transparent aux décisions prises au sein des organes sociaux de l'entreprise, voire par eux-mêmes. - la *Conformité ( Compliance)* qui rappelle l\'obligation de respecter les lois afin d\'éviter à leur entreprise, donc à ses parties prenantes, dont les investisseurs, les conséquences négatives de l\'irrespect des lois. - L'*Accountability ( le rendu de comptes)* qui rappelle l'évidence de devoir rendre des comptes, situation banale en France pays hyper fiscalisé. On retrouve dans ce triptyque un comportement ancestral des humains qui, depuis des millénaires, ont fabriqué des outils reposant sur trois bases, le plus célèbre étant le Tripalium romain, qui servait à entraver les bêtes rétives, avant de donner son nom au travail...et au plus fameux des codes sortis de l'imagination bureaucratique. Les manifestations de déloyauté qui ont mis un terme brutal à la douce governance pratiquée aux Etas unis, ont affecté les comptes, et avec les tricheries et maquillages révélées, fait exploser les concepts de transparence et de conformité, en ouvrant la porte aux juges. Elle leur avait été entrouverte, dans les années 80, dans l'affaire des Junk bonds qui avait valu une lourde condamnation a Michael Milken, Ils s'y sont engouffrés en passant les portes des grands noms de Worldcom, d'Enron, d'Arthur Andersen, et des Frères Reichmann, sans oublier Donald Trump. L'effondrement de ces monuments, qui n'en ont pas eu de similaires dans la France à peine sortie de l'économie administrée, n'a pas épargné ses voisins, la Grande Bretagne avec son projet londonien Canary Wharf, l'Italie avec Parmalat, l'Allemagne avec ses caisses d'épargne. Ces catastrophes financières, qui ont gardé leur caractère privé, ont permis de réinstaller le juge partout où la suspicion et la défaillance étaient manifestes, qu\'il s\'agisse des maquillages inventant des actifs inexistants, ou des passifs créés par une mauvaise prise de risques , justifiant l'intervention du juge des faillites. Ce fut l'occasion de dissocier, clairement le rôle des deux juges, celui qui sanctionne les infractions, celui des procédures collectives propres aux défaillances commerciales et financières. Sans mélanger les fautes de gouvernance avec celles des anticipations maladroites. En effet, le propre de toute entreprise est de prendre, et de subir les risques inhérents au marché sur lequel elle développe son objet social : y compris en France où le choix de constitutionnaliser le principe de précaution n\'a pas empêché que certains grands établissements, leaders sur leurs marchés, connaissent des poursuites inhérentes à des risques géopolitiques mal calculés. Ce qui a été ainsi décrit, après avoir été qualifié d'avatars de cette seconde période de la Gouvernance et du rôle du Juge, s'est vite révélé bien modeste au regard de la catastrophe planétaire des produits toxiques issus de l\'imagination débridée de la finance et de la cupidité. Cette catastrophe que j'ai vécue, de l\'intérieur, a raison des responsabilités occupées, dans un établissement implanté sur ces marchés à la fois explosifs et toxiques, mérite trois commentaires. En 1990, l'analyse des conséquences de l'explosion des promesses de ventes d'immeubles à rénover dans Paris, leur circulation spéculative entre marchands, le financement anticipé de plus values utopiques par les banques cherchant à doper leur Produit net bancaire, annonçait la crise de 1992. Elle s'est produite à la date prévue. Limitée aux seules opérations des marchands, elle n'a représenté que 1% de la crise des subprimes, aux Etats unis, étendue à l'ensemble d'une population avide de plus values immobilières qui compenseraient la diminution des revenus du travail. Ce sont les juges qui, de part et d'autre de l'Atlantique, ont géré les deux drames, l'un commercial, l'autre social. En 2000, les débats ouverts, à Pékin, lors d'une mission commerciale Franco Chinoise, avec plusieurs dizaines de banquiers locaux, sur l'intérêt, pour eux, d'utiliser les produits dérivés et structurés pour l'allègement de leurs bilans plombés par l'immobilier, ont tourné court. Il est clairement apparu que la structure de ces produits, leur composition, échappaient aux critères compréhensibles de l'analyse humaine des risques raisonnablement prévisibles. Les Chinois, inventeurs de l'inusable boulier, refusaient de se livrer, pieds et poings liés, aux algorithmes. En 2007, ils ont eu raison, lorsqu'est apparue l'énorme défaillance de gouvernance géo politique des autorités monétaires américaines, trop confiantes dans la douceur et la loyauté d'opérateurs qui étaient allés à l'extrémité inimaginable d'une cupidité cachée dans les équations de leurs modèles, trop souvent bricolés, générateurs de décisions irresponsables. C'est à ce moment qu'il fut facile de comprendre les dangers qui menaçaient de tout effondrer à court terme. Puis, de pressentir les transformations de la douce et loyale gouvernance, de la fin du 20^ème^ siècle, lorsqu'au milieu du 21^ème^ , tout serait géré par les modèles et les automates. ## La Gouvernance milieu de siècle L\'institut PRESAJE, dans sa lettre de début juin 2014, traitera d\'une question qui intéresse toutes les jeunes générations : « L'e révolution dévorera-t-elle ses enfants. » Dans une série de réflexions, plusieurs auteurs connus, reprendront le thème évoqué ci-dessus, qui n\'a rien d\'un sujet de science-fiction. On le sait, même si on ne le dit pas au JT de 20 heures. En 2040, demain, les filles et les garçons, en âge de s'exprimer, voire de voter, nés depuis Google, le 04 septembre 1998, représenteront plus du tiers de la population française. Ils seront le présent dynamique, l'ambition et l'avenir de la France. Ils géreront leur vie, leurs opérations avec les outils qui leur sont familiers, selon des modèles artificiels comme le nom est donné à l\'intelligence qu\'il sera possible de greffer dans les cerveaux humains, d\'ici peu. A nouveau ce n\'est pas de la science-fiction. Dés aujourd\'hui, on pratique ou on rencontre certaines formes de décision inaccessibles à l\'esprit humain. *Le trading haute fréquence* qui a réduit le temps de transaction sur les marchés à la milliseconde. La *modélisation de la complexité* qui introduit des hypothèses de haute improbabilité et constituent la trame des réflexions des meilleurs savants sur l'avenir de l'homme. Les *automates* qui gèrent les relations quotidiennes. Plus trivialement, il suffit de voir la comédie Mystico financière par laquelle un trader original a berné l\'ensemble des systèmes de contrôle d\'une banque hautement spécialisée pour dévorer quelques milliards d\'euros en quelques semaines. il convient donc que les juristes et les juges réfléchissent à cette évolution qui les attend avant qu\'ils aient refermé la porte des entreprises dans lesquelles ils ont eu à opérer, voire où ils opèrent encore. Ce ne sont pas seulement les juges judiciaires qui sont concernés par cette troisième partie du propos ce sont les régulateurs. Un mot pour conclure en revenant sur une incompréhension qui a affecté mon propos oral sur le cerveau des juristes et des juges. Que chacun se reporte vers le livre de Michel Serres « les petites poucettes ». Le fonctionnement de leur cerveau fait corps avec les outils qu'elles, ou ils, gèrent à longueur de journée. Ils ignorent tout du droit et de la justice, les sanctions, positives comme négatives, binaires comme le langage numérique, j'aime, je déteste, appartenant aux réseaux sociaux. Il faudra bien que les cerveaux classiques, voire archaïques, se rapprochent d'eux pour pratiquer le langage des humains avant qu'ils, ou elles, ne puissent plus que comprendre celui des humanoïdes qui seront leurs compagnons de tous les jours. Les enjeux de la future gouvernance de cette nouvelle race de décideurs sont la, ils sont immenses, tant pour les risques encourus que pour les efforts à accomplir.
706
politique-réalité
2010-11-01
0
[ "michel rouger" ]
123
LA PROVOCRATIE
# La PROVOCRATIE La Provoc, carburant des médias, est entrain de rejoindre la techno et la plouto, dans le fonctionnement de la démo-cratie. Depuis des décennies, les règles de la circulation avaient imposé le passage par le boulevard du Centre pour atteindre l'avenue du Pouvoir. Voila que, depuis peu, le chemin est dévié par la ruelle de la provocation où sont installés les magasins de Jean Luc Mélenchon, coté gauche, et Dominique de Villepin, coté droit. Il ne manque que la Une du Monde, par Plantu, qui montre Lady Gaga, la Reine de la provoc, jambes en l'air, bras dessus, bras dessous, avec JLM et DDV, hurlant à tuer le micro *SARKOZY, SARKOZY, SARKOZY à la LANTERNE* La qualité du débat s'améliore nettement
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fonds documentaire mrc
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0
[ "michel rouger" ]
581
LA RÉFORME DE LA JUSTICE PASSE PAR LA RÉFORME DE LA CARTE JUDICIAIRE
# La réforme de la justice passe par la réforme de la carte judiciaire Quel que soit le prochain Chef de l'Etat, la réflexion approfondie qu'il devra mener sur la situation actuelle de la justice française le conduira à en proposer une réforme considérable. Rien ne pourra être raisonnablement reconstruit et accepté par les diverses parties prenantes (magistrats, avocats, fonctionnaires de justice, forces de la police et de la gendarmerie nationales, travailleurs sociaux etc..) sans que la **carte judiciaire** soit d'abord complètement revue. La France dénombre aujourd'hui plus de 1100 juridictions dont 37 cours d'appel, 186 tribunaux de grande instance, 475 tribunaux d'instance, 185 tribunaux de commerce et 271 conseils de prud'hommes. Cette dispersion, vertueusement expliquée par la nécessité que le juge soit proche du justiciable, porte en elle une grande partie des maux dont souffre la justice de notre pays : - son manque de cohérence, d'abord, puisque la carte judiciaire ne recoupe pas la carte administrative ; - son manque d'efficacité, ensuite, si l'on considère que les 78 tribunaux de grande instance ne disposant que d'une seule chambre (et donc d'un nombre restreint de magistrats) ne peuvent fonctionner de façon satisfaisante ; - son manque d'équilibre, aussi, puisque les moyens octroyés à la justice diffèrent d'une juridiction à l'autre ; - son incapacité, enfin, à digérer quelque réforme que ce soit qui bouleverse un acquis fragile. La tâche du futur Président et de son garde des Sceaux sera difficile et assurément impopulaire, car il faudra ignorer les grincements de dents locaux, les caprices et les crispations, ainsi que l'expression des intérêts personnels et corporatistes qui se manifesteront pour lutter contre la nécessité de ramener à un seul par département le nombre des tribunaux de grande instance et à une seule par région administrative le nombre des cours d'appel. Cette mesure est pourtant indispensable car elle permettra, notamment : - de rompre enfin l'isolement des magistrats, dénoncé dans l'affaire d'Outreau ; - de lisser la charge des travail entre les magistrats des diverses juridictions ; - de regrouper les juges d'instruction  et de rendre ainsi plus facile leur désignation par paire ; - d'imaginer enfin la véritable et effective juridiction collégiale de la détention provisoire à laquelle le réformateur rêve en vain depuis des années ; - de créer, à côté de juridictions spécialisées au plan national (à Paris, le terrorisme et la santé, à Brest et Toulon les accidents maritimes, à Toulouse les accidents aéronautiques, par exemple) de véritables pôles judiciaires de compétence, en matière pénale et civile (presse, contrefaçon, atteintes à l'environnement et pollution, affaires financières compliquées, questions de filiation etc...) qui, loin d'avoir pour effet d'éloigner la justice du justiciable, lui assureront une compétence pointue fondée sur une pratique fréquente  et réduiront aussi les distorsions de jurisprudence ; - de limiter la compétence des tribunaux de grande instance aux litiges les plus complexes et, parallèlement, de développer la compétence des tribunaux d'instance aux litiges de la vie courante, faisant ainsi en sorte de rapprocher le juge du justiciable... Mise en place sous le Premier Empire et réformée en 1958, la carte judiciaire est archaïque, complexe, disparate et interdit donc toute réforme de poids, rendue cependant nécessaire par l'ampleur des évolutions démographiques, sociologiques, administratives et technologiques intervenues depuis lors. Sa refonte en profondeur, telle qu'esquissée ci-dessus, n'est possible que dans le cadre général d'une réorganisation des services de l'Etat, qui faute d' être menée au tout début du quinquennat, restera alors à l'état de beau projet mort-né !
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fonds documentaire mrc
2010-01-01
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[ "michel rouger" ]
380
PHILIPPE SEGUIN ET L'IDENTITÉ NATIONALE.
# Philippe SEGUIN et l'identité nationale. Le décès de Philippe Seguin renvoie le « débat » sur l'identité à sa médiocrité. Dans un peuple, comme dans une famille, on reconnait leurs identités lors de leurs rassemblements autour des grands défunts qui partageaient leurs valeurs. Les valeurs de la République sont celles du peuple français, elles marquent son identité. Elles sont entretenues par l'exemple, avant de l'être par le débat. Le mauvais exemple en tue l'âme, l'esprit du débat ne peut pas la ressusciter. Victor Hugo l'a très bien dit, sous une autre forme. Ces valeurs vont être remises au goût du jour dans les discours et les hommages prononcés autour du grand défunt, en oubliant l'essentiel. Tous les grands hommes de l'histoire de France, de ses royautés, de ses Empires, et de ses républiques étaient originaires du peuple de la province. A condition qu'ils se soient, par leur mérites, leurs courages, fait une place à Paris, cette ville qui a confisqué la France à force de la représenter, d'y regrouper tous les pouvoirs, au profit d'une bourgeoisie d'influence qui installe ses obligés au pouvoir suprême. Quitte à émigrer en cas d'échec - Coblence, Versailles, Vichy, Genève - Cette bourgeoisie, qui n'a pas pu momifier son Roi que le peuple avait coupé en deux, a momifié ses intérêts tels qu'elle les a perdus en 1792. Elle a trouvé dans l'héritage du grand Monarque républicain qu'elle a toujours combattu, De Gaulle, matière à conserver son trésor. Elle a perverti l'âme de la République en reconstituant les bases et les ordres de l'ancien régime. La Cour, qui entoure le Monarque élu, les grands féaux et leurs féodalités, sans oublier les bouffons et saltimbanques qui distraient le peuple en moquant le souverain. La Noblesse d'Etat qui remplace celle du sang. Le Clergé régulier remplacé par L'ENA, le Clergé séculier de la fonction publique, tous au service de la religion d'Etat, l'impôt. Le tiers Etat, le peuple des contribuables, dont les doléances ne sont reconnues que venant des « partenaires sociaux » seuls autorisés à utiliser la grève des employés de l'Etat comme moyen de négociation. Profitons de cet instant de bonheur qui voit les valeurs de la République reconnues, avant d'être oubliées demain, comme les rapports de Cour des comptes que Philippe Seguin présidait.
709
fonds documentaire mrc
2010-03-01
0
[ "michel rouger" ]
464
LA REPUBLIQUE SPECTACLE
# La REPUBLIQUE SPECTACLE Quelle sacrée soirée offerte par nos télés nationales. Elles ont fait de nos modestes régionales un buzz international. On a vu les deux premières ministres «  issues des urnes », Martine et Ségolène, sommer le Roi président de se transformer en potiche après avoir mangé son bicorne. Le lendemain tout est rentré dans l'ordre républicain. Les ministres et les gens de la Cour ont regagné le château, après leurs chevauchées, pour certains héroïques, pour tous ratées. La première ministre bis se fait photographier sur un perron avec son gouvernement provincial. La première ministre ter fait sa déclaration politique au JT de 20 h à TF1. L'éducation nationale est en grève. Le président siégeant en son donjon avec son premier ministre renvoie un ministre dans ses foyers, et un impôt aux calendes que l'on a plus le droit d'appeler grecques pour ne pas fâcher ANGELA. Que du banal. Cette aventure sans lendemain m'a conduit à rechercher comment vivait la République ( Vive la République), avant la télé. Je suis allé relire les news de l'année 1910 dans l'*ILLUSTRATION,* de la belle époque. Le gouvernement étant remanié après des élections locales, j'ai lu : « *conformément aux indications fournies par le scrutin même et par les habituelles consultations des personnages politiques en vue, le Chef de l'Etat a confié au Président du conseil la mission de former un nouveau* *ministère, ce qui a été fait en quelques heures »* Une telle permanence, séculaire, dans le fonctionnement de nos institutions, m'a rassuré. Elle a été confirmée par une caricature. A l'époque, les affiches électorales n'existaient qu'à Londres. Un caricaturiste, à l'évidence ancêtre de G. Frèche, avait imaginé le futur modèle français  à coller sur nos panonceaux, avec un texte court: *Ne nommez pas mon concurrent il a une trop sale tète.* Le plus drôle étant extrait du discours d'un député radical inconnu : *Notre programme socialiste est à la fois simple et vaste. Nous voulons supprimer du même coup toutes les fortunes et toutes les infortunes.* Ce député inconnu révélait un grand sens politique au temps des demi mondaines et des cocus et cocues en redingote et en faux cul. Et une bonne vision de ce qui se dirait un siècle plus tard à la télé, au temps des bobos en jeans et des peoples en Prada. 1910 c'est aussi le décès d'Edouard VII, le grand Roi d'une Angleterre au sommet de sa puissance. La définition du grand Roi, en forme d'oraison funèbre, devrait être apprise par cœur, voire copiée 500 fois, par tous ceux qui, comme E. Faure ne peuvent pas s'empêcher d'être ministres, voire présidents, et de passer à la télé. J'y reviendrai en donnant des nouvelles de notre République, hospitalisée en soins intensifs après une hémorragie de 15 millions d'électeurs.
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politique-réalité
2010-11-01
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LA SANTÉ C'EST LE TRAVAIL
# La santé c'est le travail La grande originalité du gouvernement Fillon 2 est d'avoir mis la santé dans le ministère du travail. C'est un pied de nez magistral à tous ceux qui considèrent qu'on ruine sa santé au travail. Xavier Bertrand et la belle Nora Berra vont pouvoir s'atteler à cette mission passionnante de créer des emplois qui donnent du travail sans fatiguer les travailleuses et les travailleurs, ni altérer leur santé. La vastitude de ce programme, comme aurait dit une autre belle en politique, risque de fatiguer les grands directeurs de ce méga ministère. Pour gérer des affaires aussi compliquées , je suggère qu'ils se réunissent dans une salle Henri Salvador pour les traiter au son apaisant du « *travail c'est la santé* ».
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fonds documentaire mrc
2010-10-01
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LE BEURRE ET LES CANONS
# Le BEURRE et les CANONS On ressent mieux ce qu'on a vécu que ce qu'on a appris. C'est pourquoi je reviens vers ces sinistres années d'avant la guerre de 39 /45, telles que je les ai vécues. 1934, je me régale des aventures de STAVISKY qui mélangent argent, politique, et justice. Eternel. Sauf que l'escroc se faisait suicider aussi vite qu'il est aujourd'hui mis en garde à vue. 1935 on commence à parler de choses sérieuses. L'Allemagne, hitlérienne depuis 2 ans, s'agite en récupérant la Rhénanie perdue en 1919. Chacun y va de son discours martial, mais personne ne bouge, alors qu'une simple pichenette militaire aurait suffi pour mettre Hitler et sa clique par terre. 1936, c'est en France le temps du beurre, alors que de l'autre coté du Rhin c'est celui des canons, les Nazis ayant compris qu'ils seraient très vite les maitres d'une Europe épuisée et sans volonté de se battre après la saignée de 14 / 18. A condition de se réarmer à toute vitesse en exigeant le maximum d'efforts des allemands. Ce que j'ai ressenti de ces années de veulerie et de lâcheté politique, revient lorsque j'entends les tubes de l'époque, «  amusons nous faisons les fous », « prosper yop la boum » ou «  tout va très bien Madame la Marquise ». Retour en 2010, au beurre et aux canons. Rien n'a changé. L'Allemagne vient d'exiger des allemands réunifiés dix ans d'efforts, exceptionnels pour une époque où l'Etat providence, modèle européen, incite les citoyens à s'en détourner. Les usines allemandes, qui exportent à tout va, ont remplacé, en puissance, les canons des panzers et des Stukas qui ont mis la France à genoux en six semaines. Certes, la France essaie de faire comprendre aux français qu'il faut se préparer à des temps plus difficiles, qui le seront d'autant plus qu'on tardera à passer des discours et des manifs aux actes. En vain. Ils paieront ce déni de réalité lorsque le déséquilibre de puissance et de richesse avec les allemands deviendra insupportable. Pourquoi cette pédagogie ne passe pas plus en 2010 qu'en 1935 ? Il y a 75 ans la ruine et les souffrances de 14 / 18, la der des der -- voir nos monuments aux morts --suffisaient à rejeter tout nouvel effort guerrier. Le peuple, celui qui paie toutes les additions des aventures guerrières, était prêt à accepter Munich pour ne pas revoir Verdun. On peut le comprendre, même l'admettre. En 2010 rien de semblable après les 50 ans de paix qui ont suivi la décolonisation. Ce n'est pas le rejet spontané du sacrifice des enfants après celui des pères 20 ans plus tôt. C'est l'inverse, le choix que souhaiterait faire le peuple actuel du sacrifice de ses enfants pour éviter celui de leurs parents. L'histoire remettra à sa place, honteuse, ce choix qui aura détruit la société française en quelques années.
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fonds documentaire mrc
2010-02-01
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LE BONHEUR EST DANS LE PRÊT
# LE BONHEUR EST DANS LE PRÊT *On arrête de monter sur le Grec.* Voila ce qu'a dit hier, un grand opérateur de notre place financière dans un petit comité amical, d'anciens de l'X, des Mines, et du collège de St Jean D'Y, pour expliquer comment les banques européennes refusaient d'aller faire voir nos euros chez les Grecs. Au passage, il a montré le peu d'appétit, des mêmes banques, pour monter sur le dollar, pas plus que dans tous ces « Véhicules » fabriqués dans les usines de WALL Street avec encore plus de défaut qu'une vulgaire Toyota. Alors, qui prête à tous ces affamés de crédits qui n'arrivent pas à boucler leurs budgets, de la Grèce, à l'Islande en passant par 21départements de notre douce France, qui n'ont pas demandé à GOLDMAN SACHS de maquiller leurs comptes comme l'ont fait les Grecs. Contrairement aux mensonges mis dans la tète des français. Ce ne sont pas les banquiers chez lesquels nous avons nos comptes qui financent les candidats à la faillite, quelques soient les taux d'intérêts facturés, et peut être encaissés, un jour. Ce sont ces fonds, en général, anglo américains, qui regorgent d'argent, à raison de leur puissance mondiale, et de leur capacité d'intervention dans la politique américaine, derrière la locomotive GOLDMAN qui vit au coeur de la Maison blanche. Savez vous qui est la banque N° 1 mondiale dans le financement des grands projets comme dans celui de l'aéronautique, et N° 2 dans celui du « Shipping », les bateaux de commerce : le Crédit agricole. Nous sommes loin des Hedge funds spéculateurs. Certes, l'usage du bouc émissaire est bien utile, surtout quand il a la tronche pas trop sympathique du Trader, mais ça aboutit à casser la figure du guichetier quand son patron vous a refusé un crédit. Car le problème reste entier. Personne ne nie qu'il faut accroitre la capacité de distribution de crédit ( terme d'emprunteur) ou de prêts (terme de prêteur) mais personne ne peut nier que la période qui vient, au cours de laquelle il faudra rembourser, sera de plus en plus risquée. Au surplus, tout le monde ne pourra pas être servi, tant les Etats, eux-mêmes assoiffés de crédits, entreront en concurrence avec l'économie. On observe déjà cette concurrence sur les taux d'intérêts. L'Etat français paie une surprime, dans les instruments de garantie de défaut de paiement, très nettement supérieure à celle de Danone. Enfin, cerise sur le gâteau, le comité de Bâle, qui a remplacé les Gnomes de Zurich dans la régulation du système bancaire et des risques qu'il prend, a concocté des normes, imposables aux banques européennes, évidemment pas aux Hedge funds anglo américains, dont les conséquences feront passer le goût du crédit. En vitesse de croisière ces normes amputeront la croissance tant attendue de six points. Sans jeu de mots, pour que le bonheur soit dans le prêt, il faudra défendre son pré carré. Il ne vous étonnera pas qu'on commence à parler, d'une séparation de biens entre Nicolas et Angela, pour créer deux Euros, l'Euro franc et l'Euro mark au choix des pays de l'U E.
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LE CONFLIT D\'INTÉRÊTS
# Le conflit d\'intérêts Parler de conflit d\'intérêts à des jeunes étudiants, dans le cadre d\'une conférence sur la triche, impose un préambule explicatif. En effet, si la triche ne connaît pas de minimum d\'âge(1) - dès que l\'on est capable de jouer, on l'est aussi de tricher - l\'engagement dans le conflit d\'intérêts suppose l\'accès à un statut, donc à un minimum d\'âge, pour se voir confier un intérêt qui pourrait entrer en conflit avec le sien propre. Un instant, il m'est venu à l\'esprit un titre provocateur pour mon propos : « Le conflit d\'intérêts pour les nuls ». Microsoft a popularisé la formule pour son Windows. Ce n\'était pas suffisant pour accepter le risque de blesser de jeunes étudiants bien formés par leur école. J\'ai oublié le titre en conservant le texte qui le méritait. Avant de passer aux exemples concrets qui vous permettront de poser les questions auxquelles une longue expérience me permet de répondre, je vous demande de retenir sept réflexions basiques sur le sujet. 1. Le conflit d\'intérêts est aussi vieux que le conflit de voisinage. Dans le premier, le conflit repose sur la gestion égoïste et méprisante des intérêts de l\'autre qui vous ont été confiés. Dans le second le conflit repose sur le comportement égoïste et méprisant que les voisins se reprochent à l\'égard de leur territoire ou de leur personne. Ces deux conflits sont vieux comme le monde avec des conséquences difficiles à mesurer pour le premier, beaucoup plus facile pour les seconds dans les procès, voir les guerres qu\'ils ont entraînées. 2. Le conflit d\'intérêts vit de manière endémique dans les relations entre les individus. Il se répand partout, n\'épargne personne, prend toutes les formes, s'adapte à tous les terrains. C\'est à la fois un virus intrusif qui vient perturber une relation a priori équilibrée. Pire c\'est est un virus mutant qui peut changer de forme selon l\'hôte qu\'il vient infecter. 3. Le conflit d\'intérêts se développe sur un terrain de prédilection, celui que se disputent la morale et le droit, en se perdant dans les combats qui les opposent, lorsque l\'un entend s\'imposer à l\'autre. Vous le verrez en faisant votre expérience de vie, quelles que soient les dérives médiatiques qui confondent le droit et la morale, ces deux notions, qui peuvent vivre en parallèle, ne doivent jamais être confondues. Le juge dit le droit, il est la « bouche de la Loi », de l'ensemble de règles communes, démocratiquement choisies. S'il fait la morale, Il prive sa décision de la base légale par laquelle elle s\'impose à tous. Le conflit d\'intérêts joue de la confrontation entre le droit et la morale, dont son auteur va chercher à tirer profit. 4. Dans les pays qui vivent avec le double héritage du siècle des lumières dans leur culture, et des siècles d\'opacité dans leurs administrations, le conflit d\'intérêts prospère, sans retenue, dans les jeux d\'influence qui sont le régal, et le sport favori, des technostructures de tout État à forte tendance régalienne. Soyez attentifs, avec le temps vous vous régalerez vous-même. Contentez vous du spectacle, pour être acteur il aurait fallu faire une autre école. 5. Le conflit d\'intérêts est une maladie opportuniste et silencieuse qui suppose pour celui qui veut s\'en préserver une profonde connaissance de soi-même, ajoutée à une bonne dose d\'objectivité dans l\'appréciation des intérêts pris en charge, des réactions subjectives qu\'ils peuvent provoquer, des sentiments que les titulaires des intérêts confiés peuvent inspirer. 6. Le conflit d\'intérêts est une maladie contagieuse qui ne comporte pas plus de stigmates chez celui qui est contaminé que chez celui qu\'il contamine. Cette forme de contagion impose une observation froide et lucide des relations, des conseils, des experts qui sont parties prenantes dans la gestion des intérêts confiés ou des missions reçues. 7. Le conflit d\'intérêts appartient à la même famille que l\'ambiguïté, celui qui les pratique en sort toujours à son détriment. Ces quelques réflexions, plus que synthétiques, constituent une base pour un colloque d\'au moins 48 heures. Plus modestement, je voulais vous les présentées pour deux raisons. La première, évidente, immédiate, est de solliciter vos réactions par des questions. La seconde, à plus long terme, a pour objectif de vous convaincre de la réalité du trouble que provoque le conflit d\'intérêts au sein de la vie économique à laquelle vous vous destinez. La chose existe, mais les mots pour la dire sont le plus souvent tus, ce qui fait douter de son existence. Je pense comme Marguerite Yourcenar « On ne doit pas craindre les mots lorsque l'on a consenti aux choses ». Ne craignez pas les mots de conflit d\'intérêts ils vous aideront à comprendre les réalités qu\'ils définissent. Vous ferez mieux la différence entre, d'une part, ce conflit, critiquable et critiqué, d'autre part, les débats et les combats de la vie économique, les antagonismes et les affrontements d\'intérêt qui sont au coeur du dynamisme économique, des contrats et des accords dans lesquels les intérêts se rejoignent après s\'être opposés. Pour compléter l\'éclairage il est indispensable de passer par le bureau du juriste, hélas malheureux, car la loi ne lui a apporté aucune définition du conflit d\'intérêts. Ce qui est logique puisqu\'il se développe sur un terrain mal cadastré pour la part du droit et pour celle de la morale. Néanmoins, le juriste propose une définition tout à fait acceptable : **Le conflit d\'intérêts se définit comme une situation dans laquelle les intérêts personnels d\'une personne sont en opposition avec ses devoirs, lesquels tendent justement à la protection des intérêts dont elle a la charge.** Pour parler le langage de cette journée, je terminerai en vous disant que l\'on se met en conflit d\'intérêts lorsqu\'on triche, à son profit, quelle qu\'en soit la forme, avec les devoirs que l\'on devait remplir à l\'égard d\'un autre. Cette tricherie est moins décelable que ne l'est la fraude qui appartient à une catégorie aggravée dans les pratiques que la loi réprime. Par contre, le tricheur est beaucoup plus répandu que le fraudeur. Dans la nomenclature que j'ai dressé des uns et des autres, une douzaine, dont le type de comportement est éligible au poste de tricheur ou de fraudeur, j'en ai relevé huit éligibles à la pratique des conflits d'intérêts, capable de s'y engager presque naturellement, en oubliant leurs devoirs. Le peureux, le menteur, le mythomane, le spéculateur, le cupide, le pervers, le joueur et le manipulateur. A moins qu'on ait changé le monde sans me le dire, je pense que vous les trouverez sur votre chemin, mais pas seulement, car, heureusement, vous rencontrerez des collègues, des clients et des concurrents normalement fréquentables. J\'en ai fini, je vais vous donner quelques exemples concrets et illustratifs pris dans les activités commerciales qui devraient vous occuper d\'ici peu.
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LE NOUNOURS ET L'ÉLÉPHANT
# Le nounours et l'éléphant Roselyne BACHELOT est parfaite en ministre de la santé. Elle la respire, la santé, avec sa bonne humeur, sa jovialité. Elle a un coté maman nounours, au pelage multicolore. La ministre idéale pour ces oursons turbulents de français. Comme je l'aime bien, je suis allé me faire vacciner, sans bon, contre l'avis de mon médecin, pour découvrir le guichet à piqures de son collègue HORTEFEUX. Après quoi, je l'ai écoutée expliquer à la télé le grand succès de l'opération qui s'est déroulée comme les experts auraient souhaité qu'elle se déroulât. Sauf que les français avaient boudé, bêtement, les vaccins qu'elle avait sagement stockés. Je suis alors revenu, en pensée, vers le fameux guichet, fermé aux heures d'ouverture et ouvert à celles de fermeture, modèle service des cartes grises, où, après 2 heures de queue, j'avais été piqué par une infirmière en treillis de combat qui s'est excusée de ne pas avoir de pansement après piqure, pour éviter de tacher mon bras de chemise, l'administration ne l'ayant pas livrée. Le tout dans l'ambiance bon enfant des abris souterrains de la guerre de 39/45. Comme je n'aime pas polémiquer, j'ai oublié le résultat qui a montré qu'au lieu de vacciner le maximum de français pour le minimum d'argent on avait fait l'inverse. Où est alors le raté ? Croire, sans rire, que les français iraient, spontanément, se faire *piquer par la police,* révèle une connaissance étrange de leurs comportements, que seuls les diplômés d'une grande école partagent avec les experts en psychologie sociale. C'est grâce à ce raté que notre bonne maman nounours, s'est transformée en éléphant dans notre hexagonal magasin de porcelaine.
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2010-11-01
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LE ROI ET SON MINISTRE
# le ROI et son MINISTRE La séquence politico-médiatique agitée de l'été 2010, avec son effet retard 2012, méritent qu'on s'y arrête. En préférant les leçons de MACHIAVEL aux commentaires des deux DUHAMEL, pour comprendre ce qui s'est passé, se passe et se passera. Le PRINCE nous a appris, dans sa parabole de la vallée et de la montagne, qu'il faut être tout en haut - le ROI - pour bien voir la vallée - le PEUPLE - qui, de tout en bas, a la meilleure vision de son Roi, en haut. C'est en passant récemment par Solutré, la roche chère à F. Mitterrand, que cette chronique m'a été inspirée. N. SARKOZY succède à deux rois républicains, qui ont occupé le haut de la montagne pendant 26 ans à eux deux 1981/2007. Ils n'ont gouverné qu'à mi temps, et tenté de régner sous les sarcasmes et les attaques des médias qui profitaient de leur incapacité de convaincre par une pédagogie courageuse. Avec les guignols de la télé et les Astérix de la presse de dénonciation la France s'est bien marrée mais elle crève à feu doux, désindustrialisée, surendettée, déprimée. Ce ne sont pas les médias qu'il faut blâmer, mais ceux qui, à force de ne pas vouloir déplaire, ont créé ce marasme. Conscient de cette réalité le vainqueur de 2007, hyper actif par nature, a voulu réformer avec un grand R ce que les « Rois fainéants » lui avaient laissé. Il a exposé une vision dynamique de la rupture, et a développé, avec son « collaborateur » plus doué que lui sur le sujet, parce que plus posé, une pédagogie efficace qui a fait revivre la démocratie représentative parlementaire. Elle l'a aidé à gérer le séisme de la crise financière de 2008 qu'aucun des responsables n'avait ni prévu, ni été capable d'en mesurer les effets catastrophiques. Puis à dominer la pseudo révolte de 2010. Hélas ! Premier enfant de la télé à accéder au pouvoir suprême, N. SARKOZY a cru qu'elle lui imposait de plaire à l'opinion exprimée par les médias pour convaincre le peuple. Un brouillard artificiel lui avait caché la vallée d'où émergeait, bien visible, le sommet montagneux qu'il occupait et qui déplaisait au peuple parce qu'il avait confondu le métier de la star, qui peut plaire sans convaincre, avec celui du dirigeant qui doit convaincre sans se croire obligé de plaire. F. FILLON a su être ce ministre. F. FILLON lui a été tellement précieux que le Roi l'a préféré à d'autres plus plaisants, convaincu qu'il est qu'il faudra gouverner jusqu'au bout et que régner sans gouverner n'a pas d'intérêt. Avec le risque de se voir remplacé par de nouveaux Rois fainéants qui trouveront que le travail a été fait, et qui mettront la France en RTT. Son analyse n'est pas contredite par les faits. Qu'elles qu'aient été la puissance des grèves et des défilés, même si le nombre des manifestants étaient comptés comme Perette comptait ses veaux, ses vaches, et ses couvées, force est restée à la Loi. Envers et contre tout, y compris les coups de boutoirs qui ont remplacé les coups de bâtons de Guignol, sur le pire sujet qui fâche l'opinion, l'argent. Elle veut bien que la politique sente la m... comme l'a dit le Pape du radicalisme triomphant sous les 3^ème^ et 4^ème^ Républiques, E. Herriot, mais l'argent doit rester sans odeur, surtout pas celle de la politique. Même dans ces pires conditions la France est restée gouvernable. Pendant 18 mois, elle va apprendre à gérer ce président qui a, plus que jamais, envie d'agir, de jouer le voltigeur des guerres de mouvement, malgré le bruit des casseroles, sur lesquelles pleuvront les coups de bâtons de Guignol. Il y sera aidé par un ministre efficace qui apporte à son Roi le calme, la pondération, la pédagogie. Au moins jusqu'aux vacances d'été 2011, après quoi, selon l'arrivée ou non de Grouchy-Bayrou, à ses cotés, dans la bataille décisive, ou celle, en face de Blücher - DSK, N. Sarkozy pourrait changer la donne avant les prochaines vendanges. Pour la première fois depuis que l'ENA a pris le pouvoir en 1974, en s'installant tout en haut de la montagne, le pays se voit proposer une offre politique originale. Comment le peuple, dans le bas de sa vallée, jugera t'il le Roi lorsqu'il proposera qu'on le remonte en haut de sa montagne ? Mystère et boule de cristal.
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2010-12-01
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LE SLOGAN, MIROIR DE LA POLITIQUE
# Le Slogan, Miroir de la Politique C'est parti pour la présidentielle 2012. Le magasin aux slogans est ouvert pour 18 mois. Les orfèvres vont ciseler leurs chefs d'œuvres. Ce propos a pour objet de mettre en évidence les quelques slogans de base, devenus des standards de la communication électorale. Comme ceux du jazz, de la pop, ou de la chansonnette. Le slogan est apparu dans nos dictionnaires au tournant des années 50/60. Importé d'Ecosse, comme le Whisky, il qualifie une phrase brève utilisée à des fins de propagande ou de publicité. Le commerce le pratiquait depuis les années 30. *Dubo,Dubon, Dubonnet,* ou *y a bon Banania* . Les Nazis en ont fait le sinistre *Arbeit macht frei* d'Auschwitz, les français de Londres, l'amusant *Radio Paris ment Radio Paris est allemand* . La paix et la démocratie revenues avec l'élévation du niveau de vie, le slogan, grâce aux décors offerts par la Pub et les shows politiques à la télé, a envahi l'espace communication sur la base de trois grands standards. Le premier, d'origine commerciale, est né en 1962 au Salon des arts ménagers ***La joie de vivre dans le décor de vos rêves.*** . Il invitait les françaises à devenir les bonnes ménagères, bases de l'audimat de la télé naissante. Elles devaient créer le confort du foyer, pendant que le mari pensait à la bagnole de ses rêves et profiter en famille, grâce au crédit et au plein emploi, de l'équipement et de la consommation de masse, qui étouffent les révolutions. Ce qui s'est vérifié en 1968. Ce standard a été repris par tous les arrangeurs de la Com, adapté à tous les publics, à tous les décors et à tous les rêves par tous les candidats des sept présidentielles de 1965 à 2002. A chaque fois la joie de vivre fut promise, en changeant, plus ou moins le décor, et en invitant l'électeur à rêver avec le candidat ....en dénonçant le cauchemar à vivre avec le concurrent. Ce standard de Com électorale nous sera resservi, en 2012, sur tous les tons, tous les décors, pour tenter d'écarter, en vain, un classique de la communication électorale remis, récemment, au goût du jour. Ce second standard est né fin 1955, dans un mouvement de protestation populiste, d'extrême droite, le Poujadisme, au coté duquel J.M. Le PEN entra en politique avec le slogan ***Sortez les sortants,*** bien proche*,* du ***il faut tous qu'ils s'en aillent*** que J.L. MELENCHON fait entrer par la gauche. Avec un bonus original, qui assimile l'éventuel entrant DSK aux sortants vilipendés. A ces deux standards s'ajoutera le troisième, remake de ***la force tranquille*** de 1981, relookée centriste ambidextre, par les récents et récentes papys et mamies. Confits dans les souvenirs de leurs jeunesses, ces candidats, n'ont toujours pas compris que ce slogan, pépère et lourdaud, sur fond de ruralité nostalgique, sentait bon la force paisible des bœufs qui tiraient, jadis, la charrette des Rois fainéants. Ils vont rengainer à tue tète : ***fais*** ***dodo Nicolas mon petit frère*** sur le rythme ***Casse toi** , **pauvre C...*** Le slogan sera enfin devenu programme electoral
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LE SPORT, L'OR, L\'ARGENT ET LE PLOMB.
# Le sport, l'or, l\'argent et le plomb. Le sport, fonderie humaine aux centaines de millions d'ouvriers, produit le seul alliage qui peut fabriquer le plus vil des plombs, en mélangeant deux métaux précieux, l'or et l\'argent. ## La valeur or. Une pièce d\'or à deux faces, comme le sport. Le côté pile attire le sportif cérébral, à comportement égo centré, qui vit son sport dans sa personne, comme le vit le millénaire marcheur de Compostelle, l'explorateur des pôles, le grimpeur des cimes, et le navigateur solitaire. Ces grands sportifs trouvent l\'équilibre entre les muscles qui les portent vers le résultat, et ce super muscle, le cerveau dont les activités cérébrales, les guident vers le but. Montaigne a déjà vanté l\'intérêt de cette dualité. Le côté face attire le sportif physique, à comportement ethno centré, qui vit son sport dans son groupe, qu'il idéalise dans le fameux Dream team. Le sportif ethno centré, plus attaché à l'environnement social qu'à celui de la nature, le chemin, accepte la confrontation avec lui-même dans son effort individuel, mais aussi celle avec les autres et leurs efforts collectifs. Son « mental » est différent de celui de l'égo centré. C\'est le côté face du sport, plus brillant, plus extraverti, qui a construit sa séduction à l\'égard de la société sur les techniques de communication qui produisent spectacle et argent. Là, est la valeur OR du sport, pour tous ceux qui contribuent à sa promotion. Elle fait que tout sport est école de management, au sens le plus large du terme. Une école qui valorise les conduites altruistes du bénévolat, l\'intégration sociale par l\'effort et la réussite, assure les liens inter générationnels, distribue à la fois de la récompense et de la distraction.... Et forme au sport des sports, la conduite des hommes. Les échanges, que cette valeur OR a suscités, ont entraîné la multiplication des parties prenantes à une entreprise, à ambitions mondiales, inévitablement créatrice d'une nouvelle valeur ARGENT. ## La valeur argent. Le développement phénoménal des activités sportives pose la question de la finalité de cette évolution. À l\'évidence, tout est légitime dans la démarche vers l'argent donc vers l'économie : la rémunération de l\'effort personnel et des sacrifices du sportif, l\'investissement indispensable aux équipements sportifs et aux compétitions de toutes sortes en tous lieux, l\'implication des collectivités territoriales au sein desquelles s\'expriment les tendances ethnocentriques, le défraiement des bénévoles qui animent et encadrent les clubs, les licenciés, les écoles et leurs élèves, comme la présence des financiers qui apportent leurs moyens et leur argent. Tout est légitime, à condition que chacun respecte la grande mission sociétale du sport, et ne la subordonne pas à son propre marché, à ses propres intérêts. ## La transformation de l\'or en plomb par l\'argent. La question à répondre n\'est pas celle de savoir s\'il faut interdire l\'alliage entre l\'or et l\'argent. L\'économie de marché, est devenue standard, jusqu'au plus profond des échanges entre internautes qui s'affranchissent de tous les systèmes économiques antérieurs. La seule réponse utile doit aider à comprendre pourquoi la légitimité des bases économiques du sport ne doit pas être détruite par les dérives constatées récemment. Lorsque la rémunération des efforts n'est plus compensatoire de l\'effort lui-même mais déterminée par les spectacles qu\'ils produisent, lorsque les chimistes entrent dans le jeu, lorsque l\'investissement dans les équipements est absorbé par la compétition politique, lorsque l\'implication des collectivités mélange l'argent du contribuable avec celui du financier, lorsque les associations à but non lucratif deviennent des associations lucratives sans but, et que les parieurs se postent en en embuscade, alors le plomb n'est pas loin. ## La crainte et l'espoir Quand le sport perd son crédit, tout le monde souffre, comme quand le banquier perd le sien. A commencer par toutes les parties prenantes, du poussin dans son club à l'icône mondiale à la télé. Encore plus, globalement, cette économie sportive émergente qui s'est installée, comme le coucou, dans le nid douillet où roucoulaient l'activité sportive, physique ethno centrée, et la philosophie sportive, cérébrale et égo centrée. Il faut qu'elles comprennent qu'elles sont responsables du nouveau Monde du sport, d'une économie qu'on ne peut plus jeter hors du nid, responsabilités qui créent des devoirs. Il est utopique d\'imaginer réguler un tel secteur économique, construit en 30 ans sur des intérêts difficilement maîtrisables, si on ne lui applique pas les règles de gouvernance que l\'économie, plus ancienne, des autres secteurs, a mis en œuvre, dans la douleur. Pour y arriver il faudra construire les trois piliers de cette gouvernance, la transparence, la conformité, et le rendu de compte. La transparence a pour objectif d'éliminer tout ce qui peut apparaître comme un élément de tricherie dissimulée, soit dans les fonctions d\'arbitrages, dans le gestion des compétitions, dans celle des équipements, comme dans celle du mouvement sportif et de ses régulateurs. La conformité a pour objectif de compléter la transparence en invitant les décideurs et opérateurs de toutes les parties prenantes au respect de règles élémentaires propres à un type d\'activité qui doit impérativement conserver une philosophie humaniste, préservée des excès d\'ambition, de concurrence et de lucre caractéristiques des marchés émergents. Le rendu de compte, exprimé par le mot anglais, la langue du sport mondialisé, d'accountablity, a pour objectif de vérifier la transparence et la conformité en invitant les mêmes dirigeants de toutes les parties prenantes, à établir, en interne, les comptes financiers de toutes les structures opérationnelles. Aussi bien que leurs instruments juridiques. Ce sera la meilleure expression de leur acceptation de la régulation souhaitable. Vaste programme, comme aurait dit le général De Gaulle, face à la mise en œuvre duquel il ne faut pas s\'effrayer de la multiplication des initiatives, des intervenants, des propositions, des débats et des contributions qui seront versées. En espérant que l'activité, la philosophie et l''économie sportive, rassemblées, réussiront l'indispensable fonderie d\'un autre alliage, celui des praticiens du sport, de l\'économie, et du droit. J'attends l'ouvrage qui complétera cette réflexion.
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[ "michel rouger" ]
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LE SIÈCLE DES OMBRES
# Le siècle des ombres Le début de ce 21^ème^ siècle fait craindre qu\'il apparaisse celui des ombres. Celles du totalitarisme des sciences techniques, dites dures, qui s\'agitent dans la pénombre des écrans qui, dorénavant, relient chaque individu au reste du monde. Agitation adroitement dissimulée derrière le grand méchant marché qui attire toutes les hostilités, alors qu\'il n\'est que le produit d\'une globalisation des échanges mondiaux, construits sur les technologies des puces. Ces petits insectes, plus addictiogènes qu' urticants, dirigent, vers le consommateur global les marchandises des conteneurs des méga cargos ; stockent, dans les nuages des big datas, les données personnelles qu'elles font tomber en pluie fine, là où elles le veulent ;  guident les paraboles qui attirent, comme les mouches vers les toiles d'araignées, les réseautés sociaux, équipés d'antennes portables en 4G, permettant de produire, d\'acheter, de vendre, de placer ou de gagner leur argent où ils veulent. Ce totalitarisme technologique, après l'idéologique de 20^ème^ siècle, est issu de l'application, pleine de bonnes intentions, comme l'enfer, des sciences physiques et mathématiques. Il provoque des mutations génétiques caricaturales, chez les personnages qui constituent l'ossature humaine des sociétés nées des valeurs du siècle des lumières. Incomprises du public, par la défaillance pédagogique des corps intermédiaires, elles entrainent les frustrations pathologiques de la société française. Le Commerçant qui avait appris de Montaigne qu\'il doit rester à mi-chemin entre la générosité et le brigandage, a vu naitre un mutant, le trader compulsif, prisonnier des robots qui lui permettent d\'assouvir sa cupidité, par tous les échanges opérés dans l'ombre des de ses écrans l\'Educateur des enfants de la République, qui leur apprenait à apprendre la tète bien faite pour tous, est devenu un formateur prisonnier des programmes qui apprennent aux meilleurs à se faire une tète bien pleine, renvoyant les autres vers l'école de la vie, sans GPS ni paquetage de survie. Le Chef, politique ou économique, que le citoyen, le salarié, aiment respecter, est devenu un manager normal ou zélé, prisonnier des process que les gourous organisationnels, productivistes ou bureaucratistes, selon leurs clients, imposent autant à celui qui manage qu\'à celui qui est managé. Le médecin qui vivait avec son patient dans la confidence, est devenu un praticien pressé, prisonnier des normes de la protection sociale étatisée, et de la distribution de produits aussi compliqués, pour lui, malgré la longueur de leurs notices, que ceux de la finance moderne, pour l'investisseur, en un peu moins toxique. Le Juge, premier régulateur des pathologies de la société, prisonnier des normes pléthoriques, est devenu un applicateur obligé de textes recomposés à Bruxelles, sans traçabilité, auprès duquel les justiciables, frustrés, cherchent l'application d'un archaïque droit à la vengeance. Le bon vieux dépanneur, lui-même, proche de son client, est remplacé par un répondeur stupide, humanoïde à la voix et au temps calibrés, automate après vente qui enregistre la plainte du client, sans le satisfaire, comme le vendeur a encaissé le prix de la vente, sans tenir ses engagements. Le, la Journaliste, les vrais, qui font comprendre où est le chemin entre le passé et l\'avenir par l\'analyse des faits et des idées, lutte sur son clavier contre le modèle de communication qui fait vendre, compulsive, émotive et instantanée, qui ignore le temps et l'espace de la vie de ses lecteurs. Cette évocation des mutations génétiques des principaux personnages de la vie en société, fortement ressenties, ne peut pas constituer un procès en sorcellerie contre les sciences dures et leurs apports technologiques. Elles ont suffisamment contribué au bien être des humains pour en préserver les acquis en leur faisant admettre qu'elles se sont fourvoyées sur les chemins de la macro économie financière. Les désastres humains qu'elles ont provoqués, autant sociétaux que politiques, leur imposent de faire une plus grande place aux sciences de l'homme, ce gêneur fait de chair et d'esprit Ce rééquilibrage demandera plusieurs décennies s'il est pacifique. S'il est convulsif, comme certains le prôneraient, l'alternative verrait les individus, incarcérés dans la prison de Big brother, déplorer qu'ils se sont bêtement abandonnés à un faux frère.
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[ "michel rouger" ]
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LES LOUPS SONT ENTRÉS DANS LA VILLE
# Les loups sont entrés dans la ville J'ai hésité avant de choisir ce titre emprunté à la chanson de Serge Reggiani. Je pensais pasticher l\'autre Serge, Gainsbourg, avec *« Je te hais moi non plus ».* Car le temps de la haine est revenu. Pas la haine du combat, face au visage de l\'ennemi, qui porte en elle l\'espoir et le courage de vaincre l\'agresseur. Ceux ont vécu les années 40 l\'ont fréquentée. La haine d\'aujourd\'hui est sans visage, stupide, encagoulée et sauvage qui détruit l\'inconnu, le passant, l\'autre. Cette haine qui fait peur, qui provoque le désespoir autant qu\'elle l\'exprime. Ceux qui ont lu les deux dernières chroniques de J.G. Guillebaud dans *Sud-Ouest Dimanche, « La chasse à l\'homme » et « La peur de l\'autre »,* comprendront pourquoi un écrivain humaniste sonne le tocsin. Qu\'avons-nous fait pour en arriver là ? Ceux qui me lisent depuis que L*\'Echo* m\'a accueilli savent à quel point les conflits qui se développent entre l\'individu-identité et la société-appartenance me paraissent dangereux pour notre liberté. Essayons de comprendre par quel chemin nous allons dans l\'impasse. ## L'état de passe-droit La société française souffre de la maladie qui la pousse à faire cohabiter les incompatibles. La comédie du pouvoir à deux têtes en est l\'art suprême. Elle symbolise deux aspirations contradictoires. Avec une obstination de castor, la France construit et reconstruit un Etat omnipotent qui impose d\'autant plus de lois et de règlements qu\'il refuse de se les appliquer. Ce système, qui vient d\'inspirer à une trentaine d\'éminents dirigeants de cet Etat 800 pages de critiques acerbes (Notre Etat), serait invivable si nous n\'utilisions pas nos grands talents en matière de système D. C\'est ainsi que le plus phénoménal système de droit cohabite avec le plus élaboré des systèmes de passe-droit. Y a qu\'un malheur, comme disait un avocat célèbre, tout le monde n\'a pas son passe-droit, qui reste le privilège de ceux qui jouent avec les impôts, les amendes, les Assedic, les gyrophares et les cocardes. Quant aux autres, les frustrés, il leur reste, heureusement si l\'on peut dire, le passe-droit du pauvre appelé incivilité dans le langage courant. Comme la drogue douce, l\'incivilité procure du plaisir sans grand risque, sauf celui à force de banalisation de chercher plus fort pour encore mieux échapper à la troupe des frustrés. Le passage à la drogue dure de la violence est la seconde étape. Nous y sommes. ## De la violence à la haine Le moteur de la violence a besoin de carburant, comme tout moteur à explosion. Où trouve-t-on ce carburant bourré d\'octanes ? Dans les stations aux pompes colorées du scandale de la corruption et des petits et grands trafics (toute ressemblance avec une personne connue est purement fortuite). Comment ce réseau ravitailleur de violence et de haine s\'est-il implanté ? D\'abord au milieu des années 70 lorsque la haute administration a mis la main sur le pouvoir pour ne plus le lâcher. Elle a installé \"son\" Etat dans l\'économie, convaincue qu\' elle seule gérerait tout ce patrimoine mieux que quiconque en bon père de famille instruit des grandes choses ignorées des \"petits\". Mais 25 ans après, on connaît le résultat qui mélange le meilleur et le pire. A nos frais. Ensuite au milieu des années 80 lorsque, changeant brusquement de cap, la France est partie jouer dans la division de la finance internationale sans se rendre compte que cette conversion brutale perturberait nos grands commis. On connaît la suite. Curieusement, à l\'envers de la sagesse populaire, le garde-chasse a pris goût au braconnage avec le résultat qui a mélangé le pire au pire. Enfin au milieu des années 90, lorsque la financiarisation de toutes les activités humaines globalisées s\'est branchée sur notre société de passe-droit en ouvrant la porte à ce fourre-tout baptisé corruption, à défaut de mot adapté à la situation. Le mal s\'est installé en 25 ans. Il ne pouvait qu\'entraîner chez les générations suivantes ces réactions d\'incivilité, de violence et de haine, à ne pas confondre avec les dérives des communautés d\'outre-Atlantique qui sont structurelles. Chez nous, elles ne seront que conjoncturelles, si nous voulons en prendre conscience. De toute manière, ce n\'est pas en cassant l\'omelette qu\'on refera les oeufs. Plus simplement, il faut espérer que l\'arrivée des femmes en politique locale permettra de faire sortir les loups de la ville sinon de les transformer en agneaux.
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[ "michel rouger" ]
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LES MAUX DE L'ÉCONOMIE FRANÇAISE.
# Les maux de l'économie française. Comme toujours, lorsqu'il est confronté à une crise qu'il ne peut pas résoudre, l'Etat Français, grand administrateur de l'économie, procède à une analyse superficielle des conséquences observées, désigne un fautif, et le pénalise pour le dommage subi. Le patron, par principe suspect, subit la punition bien connue : *Taxe ton patron tous les matins, si tu ne sais pas pourquoi, lui le sait ».* Ca ne résout pas le problème posé, mais ça fait toujours du bien de sacrifier le bouc. Et voila que, pour la première fois depuis 30 ans, il ne suffit plus de hurler après les conséquences d'une crise économique, politique, sociale et morale, ni de taper sur les entrepreneurs, tant les véritables causes sont devenues éclatantes, lorsque l'on compare les évolutions respectives de l'Allemagne et de la France. Les négligences accumulées d'un pouvoir d'Etat trop monarchique face aux évolutions géo politiques de l'Europe, ont suffi, pour entrainer les maux que subissent les Français. L'affaire débute il y a 30 ans, lorsque la France s'est engagée dans une collectivisation de son économie, exception politique et historique incompréhensible en occident, pour rejoindre le modèle d'économie collectiviste qui allait disparaitre dans l'effondrement de la Russie et de ses satellites. Les entrepreneurs qui voyaient leur développement dans l'ouverture vers le monde, ont du rebrousser chemin, assignés à résidence par le contrôle des changes, avant d'être corsetés par le fameux Ni-Ni qui congelait l'économie. Dix ans furent perdus dans cet aller - retour. L'affaire s'est aggravée, il ya 20 ans, sous le règne finissant de F. Mitterrand par la négligence avec laquelle la réunification de l'Allemagne a été traitée. Elle se révèle catastrophique aujourd'hui, alors que ses héritiers spirituels sont au pouvoir. Jusqu'en 1992 les 2 pays étaient coupés en deux. L'Allemagne avec son économie à l'ouest et son idéologie collectiviste à l'est, bien séparées par le rideau de fer. La France avec son économie productive dans le privé, son idéologie collectiviste au cœur de son Etat. En dix a ns l'Allemagne s'est débarrassée de l'idéologie pernicieuse qui l'aurait bridée. La France l'a conservée. On connait le résultat. 20 ans de perdus. La réalité va finir par s'imposer, de gré ou de force. L'Allemagne n'a aucune raison de nous aider. Elle a retrouvé sa puissance, sa première place en Europe. D'autant plus que la France dispose de tous les moyens pour s'en sortir, à condition d'arrêter de rêvasser. Pour le moment la politique économique s'inspire de la célèbre fable de La Fontaine, le Meunier, son Fils et l'âne. Avec l'entreprise dans le rôle de l'âne, subissant les caprices des uns et des autres, sous les quolibets, l'État dans le rôle du Meunier, toujours prêt à se faire porter par l'Âne, et le financier dans le rôle du fils, tout aussi prêt à vivre sur le dos de l'Âne, comme à partager son bon dos avec l'Etat, tout en lui chipotant l'avoine qu'il quémande en vain. On ne voit pas comment le développement de ce modèle pourrait être durable.
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2011-03-01
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[ "jean-claude fortuit" ]
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LES MAUX DES MOTS
# LES MAUX DES MOTS Les mots sont assassins. S'il y a des mots doux, il y en a de féroces et même dans la vie de tous les jours les bons mots peuvent être assassins. C'est ainsi que le mot « réforme », en France, ayant connu des fortunes sanglantes dans des guerres de religion, continue d'agiter les esprits. « Réformer » en politique, c'est une action qui s'inscrit dans une politique. Au niveau de la réflexion politique, l'action doit donc être guidée par les mêmes principes que ceux qui inspirent soit le gouvernement s'il s'agit d'une politique de gouvernement soit sa contestation s'il s'agit d'une politique de contestation. Dans cette démarche en tout cas il faut se rappeler que lorsqu'une réforme est nécessaire, plus on traîne à la faire et plus elle coûte cher. Mais lorsqu'on veut passer de la philosophie à la pratique il ne faut pas s'engager dans une réforme sans tenir le plus grand compte des circonstances. C'est tout spécialement le cas en période électorale ou pré-électorale. Et plus encore pour ce qui touche à la fiscalité. Outre qu'il faut savoir se contenter alors des réformes qui ne troubleront pas l'esprit du corps électoral - et spécialement de la partie de ce corps sur laquelle on s'appuie - il faut être attentif, dans tout ce qu'on engage, à la portée des mots dont on veut faire usage. Avoir lancé une réforme des retraites sans avoir tout d'abord fait valoir l'urgente nécessité d'une garantie des retraites est une erreur à ne pas renouveler. Parler de « réforme fiscale » est sans doute moins épouvantable que de lancer l'idée d'une « révolution fiscale ». Mais c'est assez vague pour fournir des armes à l'adversaire sans dissiper l'inquiétude de ses partisans. Ceux-ci se mobiliseront plus volontiers au lendemain qu'à la veille d'une campagne électorale au nom d'une « justice fiscale » dont l'intérêt s'imposerait même aux contestataires. Il faut donc bien user des mots. Certes le vocabulaire des juristes est toujours respecté par les politiciens. Il est pourtant moins clair qu'il y paraît puisqu'il est fait pour être utilisé par l'accusation comme par la défense. Quant aux mots les plus usuels, leur usage incertain tient parfois aux maladresses du langage. Mais c'est d'abord l'insuffisante appréciation de leur pouvoir qui les rend aussi dangereux qu'un tromblon chargé de poudre et de plombs entre les mains d'un enfant de trois ans. Les journalistes, qui les tournent dans tous les sens, chargent beaucoup d'entre eux de contenus inattendus, parfois même explosifs ; ils parlent beaucoup plus volontiers de révolutions que d'évolutions. Les universitaires, même les plus « scientifiques » ne sont pas insensibles à la contagion. On écrit de quoi remplir les bibliothèques des Nations Unies pour présenter l'allongement de l'espérance de vie en bonne santé comme l'annonce d'un « vieillissement démographique » assorti d'un fardeau de « dépendances ». Et pourtant, dans les faits, il s'agit d'une heureuse conquête dont il faut assumer toutes les conséquences, qui sont largement positives puisque des hommes et des femmes parviennent de plus en plus nombreux plus loin dans une vie en meilleure santé. Ils peuvent donc mieux profiter d'une vie plus longue et plus active pour acquérir plus de richesse et de confort, pour eux-mêmes et pour leurs descendants, enfants, petits enfants et arrière-petits enfants. On devrait y trouver l'expression d'une solidarité plus forte que la « dépendance » dont se gargarisent quelques fabricants de fauteuils. Dénonçons donc l'usage malveillant de ces mots équivoques. Surtout, prenons-y garde. Les maux des mots, c'est le pluriel du mal.
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[ "michel rouger" ]
1,286
LES MUTATIONS DE L'ENTREPRISE ET DE SON MANAGEMENT.
# Les MUTATIONS de l'ENTREPRISE et de son MANAGEMENT. Tous les pays du monde - sauf CUBA et La COREE du nordayant rejoint l'économie de marché au cours de la décennie écoulée, l'entreprise de type occidental se trouve face à une obligation de mutation. Plusieurs circonstances ou évolutions déterminantes ont déjà provoqué ou provoqueront cette obligation incontournable. Les innovations technologiques, les transformations géopolitiques, les modifications des comportements humains, l'altération des capacités de production forment le trio. Ensemble, elles pousseront, de gré ou de force, les entreprises de grande taille, comme leurs concurrentes ou associées de taille intermédiaire, à faire muter le management de leurs opérations de production, de biens ou de services. Elles doivent en prendre conscience. ## I. Les innovations technologiques. Les « progrès de l'humanité » ont toujours eu pour moteur les innovations technologiques. Jusques et y compris dans les périodes d'enrichissement philosophique et intellectuel, le siècle des lumières, dont le support de développement fut constitué par la phénoménale aventure industrielle qui l'a accompagné. Les innovations apparues au tournant , entre le second et le troisième millénaire de l'ère chrétienne, porteuses d'une convergence inouïe et inédite entre la télévision, internet et le téléphone mobile, ont réduit quasiment à néant les deux grandes servitudes qui pesaient sur l'humanité depuis des millénaires, le temps et l'espace. Ces innovations ont donné un caractère mondial, irréversible, à trois éléments essentiels de la vie des hommes, la santé, la finance et, plus récemment le sport. Cette mondialisation, d'une autre nature que celle des marchés, toujours soumis aux tentations de protection, n'a connu que peu de manifestations, mais remarquables par leurs conséquences :les épidémies grippales de 2005 - 2010, le krach financier de 2008, les mondiaux de football de 2002, 2006, 2010. Les entreprises installées sur les marchés régionaux, nationaux, communautaires ou internationaux sont toutes exposées aux bienfaits, ou aux méfaits, de cette situation. Les bienfaits apparents sont connus :les échanges d'avis, de conceptions, de propositions, de normes, de science, provoquent des débats - voir l'activisme des pays du G 20 -- qui aident à la production du principal des bienfaits, la croissance des niveaux de vie. Ils entrainent aussi des méfaits dont les résultats ne sont pas encore perceptibles, le plus insidieux étant les transferts de savoirfaire et de faire - savoir aux profit de nouvelles communautés humaines et au détriment de celles qui ont monopolisé le savoir depuis 3 siècles. ## II. les transformations géopolitiques. Trois phénomènes se sont conjugués à la fin du 20^ème^ siècle pour accélérer ces transformations : l'incapacité du vieux monde européen de se doter des structures politiques qui lui éviteraient de retourner vers ses divisions internes et les conflits ravageurs qu'elles ont provoqués ; l'incapacité du nouveau monde américain de se doter des structures de régulation de son libéralisme financier ; la capacité des grands pays du reste du monde de se doter des moyens économiques et financiers permettant un accès aux décisions dévolues antérieurement aux euro américains. C'est ainsi que la compétition est engagée, en termes de puissance, entre celles qui sont attachées à un libéralisme de type occidental et celles qui s'installent dans un capitalisme à deux branches, l'asiatique et le moyen - oriental. Cette compétition rude, voire cruelle, est difficilement contournable par les entreprises qui en subissent les effets. Sauf à ce que les Etats jouent la politique de Gribouille de fermeture de leurs frontières. Cette compétition est d'autant plus incertaine dans ses résultats que les pays compétiteurs disposent de systèmes politiques autoritaires, donc fragiles à terme. Ce qui leur permet de satisfaire un ethno centrisme, parfois revanchard, défavorable, par principe, aux concurrents étrangers dont les dirigeants et leurs opérateurs devront être bardés, non pas seulement des diplômes de leur spécialité, mais aussi d'une très solide culture générale : politique, géopolitique, culturelle et sociétale. Dans cette compétition il est utile d'observer à quel point la notion même d'entreprise a muté en 20 ans sous l'effet de l'effondrement du système soviétique et du ralliement de la Chine communiste à l'économie de marché. En France spécialement qui a vu des pans entiers de l'économie administrée et des entreprises sous - productives qu'elle contrôlait, rejoindre le secteur productif en changeant de mode de production. ## III. les modifications comportementales. A nouveau les entreprises françaises du secteur libre, à peine sorties des difficultés de l'intégration dans leur milieu de celles de l'économie administrée, à l'égal de ce que les länders de l'Allemagne de l'ouest ont vécu avec ceux de l'ex RDA, se trouvent confrontées à plusieurs défis. Proches du mode d'administration de l'Etat français, elles ont progressivement subi le mode de gestion de leurs opérations en vigueur dans le monde dominant anglo saxon. Des standards de gouvernance découverts il y a 10 ans, aux normes comptables, aux pratiques fusionnées des bourses, en passant par les conflits d'incohérences entre les droits - écrits ou coutumiers - leur modèle originel est devenu obsolète. Comme un malheur n'arrive jamais seul, la population active employée dans le secteur productif a muté génétiquement en inversant, certes pour une minorité, mais suffisamment pour poser problème, l'ordre qui voulait que le travail passe avant le plaisir. Il est vrai que les standards de gestion à l'anglo - saxonne, la manie de tout encadrer par des processus fabriqués par des consultants irresponsables, le tabou de la toute puissance des outils mathématiques et des machines qui leurs sont associés, ont contribué à créer cette évolution vers l'individu plaisir et liberté contestant le droit pour l'employeur d'exiger travail et efforts. Ces modifications comportementales , ajoutées à l'esprit volontiers frondeur du Français , aux difficultés d'intégration des populations migrantes vers tous les pays d'Europe, et au mauvais fonctionnement de l'éducation nationale, entrainent une réelle altération des capacités de production de la « force de travail » des entreprises. ## IV. altération des capacités de production Ce sujet est volontiers tabou, sans autre justification que le rappel du premier devoir des dirigeants de toute entreprise : valoriser la qualité de son personnel . Trois plaies sont à soigner en même temps, dont le traitement mériterait, pour chacune, une conférence spéciale : la sous - formation de base des « produits » livrés par l'éducation nationale au monde de la production ; l'obsolescence des adultes qui ont vécu les 3/4 de leur carrière sans avoir été confrontés aux évolutions décrites ci-dessus ; la montée d'une incapacité nouvelle, née des addictions en tous genres , des psychotropes et anxiolytiques. Comme il n'est pas possible de développer chaque sujet, et les conséquences qu'il comporte, il suffit de citer un chiffre sur le seul coût des addictions à l'alcool dans l'entreprise, établi par un prestataire spécialisé dans leur traitement : entre 1,4 et 1,7 % des recettes. ## Conclusion L'accumulation et la conjugaison de ces mutations globales ne trouvera les solutions aux problèmes qu'elles posent que dans le comportement du management de proximité des individus. A condition qu'ils aient été eux mêmes formés à prendre ces mutations en compte, à les comprendre et à les admettre, et qu'ils soient soutenus, sur le long terme par les structures de l'entreprise. Revenant au tout début de ce propos l'effort devrait porter : - sur l'éducation à l'économie financière, ne serait ce que pour briser, par la connaissance, l'opacité dans laquelle elle se complait - sur l'éducation aux problèmes de santé , de plus en plus présents dans toute collectivité productive - sur les vertus de la pratique de vrai sport d'entreprise, source de réhabilitation d'une activité dénaturée par le sport spectacle. Il faut reconstruire ce «  middle management » cher aux anglo saxons, non sans ressemblance avec le rôle de sous --officier. C'est lui qui, fera la transition entre le passé et l'avenir mutant, donc développer sa formation, sa connaissance, son savoir.
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politique-réalité
2011-03-01
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[ "michel rouger" ]
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LES TROIS MARIANNES
# LES TROIS MARIANNES Au 19^ème^ siècle, le grand historien Jules Michelet a glorifié la République et la France qu'il aimait comme une personne. L'empereur abattu, ses bustes disparurent au profit de ceux de la femme conquérante de la liberté, inspirée par DELACROIX. La République est devenue femme pour 150 ans. Au 20^ème^ siècle nos maires ont siégé sous le buste, plus ou moins généreux, des sculpteurs officiels d'une Marianne progressivement recrutée dans le show biz. Au 21^ème^ siècle, la belle Ségolène, qui ferait un beau buste de Marianne, est partie, sans succès, à la conquête du pouvoir de l'homme dont la photo présidentielle, en pied, lui imposait la présence d'un personnage éphémère, alors qu'elle se veut éternelle. Comment tout cela va t'il évoluer ? Quelle Marianne issue de la politique pourrait voir sa photo au dessus du buste de celle issue du show biz ? Pour répondre, il faut apprécier les chances des trois plus crédibles, à un an de distance du scrutin, puis celles des courants politiques et électoraux qui les porteraient vers la présidentielle de 2012. Commençons par CHRISTINE, la reine de Bercy et des conférences internationales. Elle n'est candidate à rien, si ce n'est à un poste, o combien symbolique, de représentante des français de l'étranger. Au service de l'actuel président, elle navigue sur le courant planétaire, mondial - économiste, en compagnie des institutions financières et bancaires du globe, des conglomérats industriels multinationaux, des firmes d'experts internationaux. A défaut d'un électorat qui la soutiendrait, qu'elle ne sollicite pas, elle sait que les intérêts bien compris des français, stimulés par les leaders politiques qui parlent « globish », suffiront pour que ce courant mondialiste, fertilise les urnes de 2012 et conserve le pouvoir. Poursuivons avec MARTINE. Reine des préaux d'écoles et des militants, elle représente la branche sociale du courant gouvernemental -- européaniste inventeur des Etats providence. Etatiste de formation, elle attire l'électorat de la fonction publique dont l'accroissement de la population a vidé toutes les tirelires nourrissantes de l'Etat providence. Volontariste de conviction, elle combat les contraintes de l'économie marchande globalisée qui a gagné le monde entier, y compris la France, par l'autre branche libérale du même courant gouvernemental -- européaniste, auquel elle a abandonné l'Elysée en 1995. L'électorat qui la soutient est il en mesure de l'installer sur le trône ? Réponse NON ! Peut elle espérer revenir à l'Elysée comme locataire de Matignon ? Réponse OUI. Terminons par MARINE, la reine des sondages. Celle qui sait parler *au peuple* , ce qui est essentiel en politique, alors que MARTINE, par formation, ne parle que *du peuple*, et CHRISTINE parle *aux populations*. MARINE est portée par un courant national - étatiste, fortement acclimaté en France, pour le pire, l'Etat français, - 1940-1944 - pour le meilleur, la 5^ème^ République - 1958 - 2008\*. L'émergence électorale de ce courant en 2012 est garantie, de l'instant où la fille de son père qui l'activait, a su le canaliser. Elle attire à elle, les français qui veulent rester français, les enclavés d'une économie qui les ignore, les orphelins de parti communiste et les frustrés de la 5ème. Tous ces bons français, mis en chanson, jadis, par Maurice Chevalier forment un électorat, bien de chez nous, parti à l'assaut d'un pouvoir suprême qui leur restera inaccessible. Conclusion : les faiblesses en présence étant ce qu'elles sont, il faut attendre le bon vouloir des super compétiteurs mâles qui arriveront avec leur bon courant et leur bon électorat. Le gagnant, sera celui qui, comme feu le grand Maître de chais de Jarnac aura réussi à faire le meilleur assemblage. Une pièce de la grande champagne de Christine, une autre des fins bois de Martine, une troisième des bois à terroir de Marine. Plus 2 bonbonnes des borderies de la maison Bayrou-Borloo et de la coopérative MélenchonBesancenot. Libéral complaisant avec les marchés étrangers et leurs institutions, social intransigeant avec les militants régionaux, il séduira l'électeur, qui, à la manière des parents pour leurs enfants, admettront que leur président soit un démon au dehors, à condition qu'il reste un bon petit ange à la maison. Deux noms ...devinez ! \* une autre fois, j'expliquerai pourquoi je dresse l'acte de décès de la 5^ème^ en 2008
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[ "michel rouger" ]
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DES LETTRES ET DES CHIFFRES
# Des LETTRES et des CHIFFRES La numérisation des lettres et des mots sous forme de chiffres, pour libérer la pensée exprimée des servitudes de l'espace et du temps est une révolution, qui apparaîtra aussi importante que l\'invention de l\'alphabet et celle de l\'imprimerie. Elle intervient au moment ou les peuples sont de plus en plus nombreux, après un siècle de tragédies sanglantes, à rechercher dans la convergence des objectifs de l'Economie, du Droit et de la justice la réussite d'une démocratie à vocation humaniste qui s'opposera au retour des violences globalisées. La convergence de l 'Economie, du Droit et de la justice, nous sommes chez PRESAJE, qui y consacre son objet social, sans avoir toujours reçu le succès mérité par le simple fait que l\'économie s\'est largement ouverte sur le monde, en s'éloignant de l'hexagone, que la loi, élément premier du Droit, fait l\'objet de graves critiques d\'inadaptation à ce que la nation attend, et que la justice tend à se refermer sur elle-même. Les temps, en France, sont hélas à la divergence. Cela ne doit pas nous empêcher de regarder quels effets la généralisation de la numérisation qui a envahi notre quotidien - 3 ouvrages de Presaje sur 8 - et l'explosion de la communication qu'elle entraîne aura sur la convergence recherchée. Ces effets sont perceptibles, en trois temps. A court terme ils conduisent déjà vers une unification du « VOULOIR » des peuples, qui ont dorénavant accès à un minimum de connaissances, d\'obtenir, de leurs dirigeants, un équilibre des rapports entre le Droit, l\'Economie, et la Justice, qui permette de garantir l'Etat de Droit qui caractérise les sociétés développées. A long terme, Les choses sont plus aléatoires. Encore que l'on assiste à un regain d\'intérêt pour l\'analyse prospective qui fournit quelques éléments permettant de mieux comprendre. Les effets ne porteront plus seulement sur le « VOULOIR » mais aussi sur le « POUVOIR ». La pratique binaire sur laquelle repose la numérisation ramène alors à une alternative simple. Le positif voit se manifester les premiers balbutiements de la notion de démocratie participative, certes plus construite à partir d'effet de mode que de réflexion, qui ouvre la perspective d'une expression politique différente du sentiment des citoyens. Elle pourrait entraîner une transformation du pouvoir. A condition que cessent les confusions et les perversités actuelles nées du mélange entre le spectacle, l\'information, la connaissance, et la pratique monarchique. Le négatif nous obsède déjà. Un pouvoir terroriste globalisé s'est construit à partir d'une « base » rattachée à un individu, dont on ne sait ni ou il est, ni même s'il existe encore, et qui ne vit que sur la « toile » pour diffuser ses ordres qui sont exécutés en influant gravement sur la vie de centaines de millions d' occidentaux. Al Quaida et Ben Laden ont construit une organisation politique mutante grâce à la numérisation de leurs messages. S'ils font beaucoup d'émules, craignons le pire. De fait, tout dépendra de la manière de traiter les effets de cette révolution dans le moyen terme, en les orientant, entre le vouloir et le pouvoir vers le « SAVOIR ». C'est possible, les moyens sont la, mais cela suppose une transformation profonde de la source, de l'organisation et de la transmission du savoir. Il faudra être nombreux pour engager le chantier. On possède le contenant, doit on y mettre les mêmes contenus, la même pédagogie, les mêmes sujets comme on nous a appris à les traiter avant la numérisation. Certainement pas. Il faut redistribuer les sujets utiles pour faire comprendre l'importance de la convergence indispensable entre le Droit, l'Economie et la Justice, et inventer une nouvelle pédagogie dans notre pays qui, continue à les voir diverger. Modestement, avec les « créateurs de contenus » qui l'ont rejoint, PRESAJE a choisi 3 grands thèmes de recherches, tous essentiels, parce que c'est à ces trois endroits que la divergence est la plus néfaste. La Responsabilité, le Travail, la Santé. Ces recherches et leurs contenus sont ouverts à tous. Au simple spectateur qui visite notre site, à celui qui partage notre vision sociétale, et qui souhaiterait participer aux travaux engagés, ou y intéresser des jeunes de son entourage dont l'avenir est en jeu.
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politique-réalité
inconnue
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[ "michel rouger" ]
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MAISONS DE TOLERANCE
# MAISONS de TOLERANCE 65 ans après la fermeture de ces maisons que la discrétion des bourgeois qui les pratiquaient empêchait d'appeler par leur nom - les bordels --, voila que la préoccupation du contrôle sanitaire du traitement des addictions à la consommation de sexe serait étendue à celle des drogues. Leur futur nom fait déjà débat. Récemment de hauts responsables religieux étrangers ont autorisé les responsables de leurs paroisses à organiser des soirées dansantes dans les lieux de culte pour conserver les fidèles, addicts de la musique techno, sous contrôle de sainteté. Pourquoi ne pas créer des circuits automobiles sur lesquels les bourrés à 3 fois la dose acceptable par la soufflette du gendarme pourraient satisfaire leur addiction en 3 V ( volant, verre, vitesse) sous contrôle sécuritaire. Voila des clients pour le circuit inutilisé de Magny cours.
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institut présaje
2018-04-01
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[ "quentin riollet" ]
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SORTIR DE SA ZONE DE CONFORT, SE DÉCOUVRIR, APPRENDRE LA DIVERSITÉ DU MONDE
# Sortir de sa zone de confort, se découvrir, apprendre la diversité du monde En Septembre 2016, je décolle pour la Nouvelle-Zélande à la découverte du monde et de moi-même. Facile à faire sur le papier mais finalement pas si évident que ça en pratique et peut-être pas à la portée de tout le monde certainement du fait que la volonté doit être moteur déterminant dans ce genre d'entreprise. Mais la volonté initiale n’est pas suffisante pour mener à bien ce type de projet et j'en ai fait l'expérience. Je suis parti avec un ami qui me semblait prêt pour ce genre de périple, malheureusement c'était un peu trop pour lui. Mal du pays et sortie trop brusque de sa zone de confort, il n'aura tenu qu'une dizaine de jours. Sortir de sa zone de confort et en assumer les conséquences, voilà la première étape nécessaire pour que ce voyage, cette découverte, puisse enfin commencer. Et en parlant de zone de confort, c’est certainement d’abord d’accepter d’être seul face à ses choix. Certaines personnes, par leur caractère ou leur éducation, ont des facilités à s'ouvrir et aller facilement vers les autres et ce travail sur soi-même est moins important à réaliser que pour une personne plus réservée. Chacun aura donc plus ou moins de facilité à gérer cette partie cruciale. L'ouverture d'esprit est également un pré requis essentiel qui permet de s'ouvrir aux autres et d’accéder à la finalité de s'ouvrir soi-même. Dans ce cadre, l'éducation est un excellent bagage pour réussir. Elle permet d'être mieux préparé à ce genre d'expérience, consciemment ou inconsciemment, et donc de pouvoir affronter certaines épreuves avec plus d'aisance. Par exemple, durant mon périple j’ai rencontré de nombreux allemands très jeunes et j’ai découvert que l'expérience des voyages est ancrée dans la culture et l'éducation allemande depuis des décennies. Après le baccalauréat, les allemands ont en quelque sorte l'obligation de partir vivre à l'étranger durant 1 ou 2 ans, avant de reprendre leurs études. Alors qu'en France, comme point de comparaison, c'est au bon vouloir de chacun grâce aux PVT (Programme Vacances Travail) ou bien selon certains résultats scolaires ou écoles par le biais d'Erasmus. Quel dommage de brider ce genre d'expérience de vie et on comprend mieux pourquoi l’Allemagne et les allemands sont plus naturellement tournés à l’international. L'argent et le travail sont également des points intéressants à aborder car les deux ont plutôt rythmé mon parcours. Tout d'abord l'argent. Ce fut un choc à mon arrivée en Nouvelle Zélande. Je savais que la vie était plus chère qu'en Europe mais je n'avais pas imaginé à quel point. Et ce fut un second choc lors de mon passage de Nouvelle Zélande à l'Asie du Sud (Indonésie dans un premier temps puis Malaisie et Thaïlande). En effet, le taux de change entre le Dollar néo-zélandais et la roupie indonésienne était incroyable, et j'étais devenu multimillionnaire dans un pays où le coût de la vie était très faible. A ce moment là, j'ai réalisé la facilité et la qualité de vie que nous pouvions obtenir seulement grâce à une devise de forte valeur. La vie sur place était tellement peu chère que cela pouvait être traitre, il a donc fallu surveiller les dépenses car il me fallait tenir environ 2 mois sans revenus. Venons-en au travail. J'ai travaillé régulièrement en Nouvelle Zélande, entre mes différents road trips. Le but de mon escapade était de faire le tour des deux Iles néo-zélandaises. C'est pourquoi j'ai opté pour des petits jobs que je trouvais le long de mon chemin, la plupart du temps via des agences d'intérim. J'ai été surpris de la facilité à trouver du travail, l'esprit étant très anglo-saxons, on vous laisse votre chance si vous faites preuve de détermination, quel que soit le domaine. J'ai donc été amené à travailler dans un verger, dans un atelier de montage de palettes de transport et sur des chantiers de construction plus ou moins gros. Durant cette année de voyage, j'ai également découvert différentes cultures et modes de vie. En Nouvelle-Zélande, la population est très diversifiée et se compose principalement de kiwis (racine anglo-saxonne), de Maoris (racine polynésienne) et d'asiatiques (principalement chinois). C'est un vrai melting-pot. J'ai remarqué que les gens vivaient beaucoup en communauté, en partageant leurs logements, principalement en raison d’une mesure gouvernementale visant à faciliter l'obtention de la nationalité néo-zélandaise par le biais d'acquisitions territoriales. De ce fait, beaucoup de riches chinois viennent investir en Nouvelle-Zélande afin de pouvoir s'y installer et quitter le régime communiste de leur pays. Cela entraine malheureusement une augmentation démesurée des prix de l'immobilier et cela est assez contraignant pour les natifs car très peu d'entre eux ont le pouvoir d'achat nécessaire pour acheter un bien. C'est pour cela que la majorité des jeunes actifs vivent en collocation. En Asie, le manque de moyen est un facteur de cette vie en communauté mais pas que, c'est aussi dans leur culture de vivre au maximum en famille en s'occupant des plus anciens. Cela est en particulier dû à leurs religions que sont l'hindouisme et le bouddhisme qui prônent la proximité entre les gens, les éléments, comme si tout était lié formant un tout. Du coup, la facilité des échanges et l'entraide est remarquable. Cela crée une réelle différence avec le mode de vie des sociétés occidentales où l'esprit est bien plus individualiste. Peut-être une réflexion à porter sur ce point pour améliorer le bien vivre ensemble. La découverte n'est bien entendu pas qu'une expérience basée sur l'humain. C'est aussi une exploration globale, environnementale, culturelle et celle-ci est parsemée d'embuches. Comme évoqué précédemment, la fameuse zone de confort est la plus redoutable. Dans un premier temps, se retrouver à des milliers de kilomètres de chez soi, ses proches, n'est pas évident. Ensuite, il faut s'acclimater à l'environnement en se familiarisant à la langue locale, vivre en communauté (dans des auberges, en collocation ou chez des locaux), conduire différemment (conduite à gauche) ou bien faire face à certains préjugés et une certaine animosité (j'ai aussi rencontré des gens très communautaires qui ne comprenaient pas l'intérêt de voyager et me considéraient juste comme un étranger, alors que mon but n'était que de découvrir et partager). Et le meilleur moyen de faire face à toutes situations est de faire preuve d'adaptabilité. La capacité d'adaptation est une chose essentielle à travailler et celle-ci est liée à un facteur prépondérant : la positivité. Faire preuve d'esprit positif donne pleinement la force d'aller au bout des choses. Sans ça, la volonté se perd et la force d'adaptation s'amoindrit. En fait, tout ceci nous amène à une seule et même chose, le développement de soi. Et la positivité m’a été bien utile quand on se retrouve seul au bout du monde, sans trop de repères, avec une voiture et un budget restreint. Quelques situations concrètes : Faire 700 kms afin de rencontrer un employeur et me prendre un lapin au dernier moment ; Me retrouver à court d'argent après 2 mois de road trip, travailler dans un domaine inconnu (construction) et vivre pendant trois semaines sans confort (assumer une journée de travail éreintante puis s'organiser pour prendre une douche, faire à manger, la vaisselle et pour finir rentrer dormir sur le camp où il n'y a aucune commodités à 30mn du centre ville) ; Avoir un accident dans un pays étranger avec ma voiture avec une assurance locale alors que je suis sur le point de la vendre…. ## En conclusion Vivre ce genre d'expérience est bénéfique en tout point. Faire preuve de positivité permet de nous adapter en toute circonstance et donc d'aller de l'avant. C'est assez valorisant et cela aide à prendre confiance en soi. Et lorsque l'on a vécu certaines situations, plus ou moins complexes, on peut faire un point, prendre du recul et de la hauteur, relativiser et voir les choses d'une nouvelle façon et obtenir une certaine ouverture d'esprit. Aujourd'hui, je peux affirmer que je me considère comme citoyen du monde. En cela, je pense que nous devrions chercher à mieux comprendre, voire nous inspirer de certaines cultures où le partage et les échanges sont au centre du cadre de vie et j’ai pu constater qu’ainsi les relations et l’entraide se passent plus facilement, plus naturellement que dans d'autres sociétés (l'Europe en point de comparaison) où nous sommes trop centré sur nous même et individualiste. Le développement de soi et l’ouverture aux autres et à leurs connaissances, permettraient certainement de réduire certains clivages qui nourrissent toutes les formes d’exclusion et de communautarisme et empêchent à terme le bon fonctionnement de la société. Je pense que le but de tout être humain devrait être simplement d’apprendre à s'améliorer tout au long de sa vie et ainsi intrinsèquement d'améliorer son environnement. Enfin, j'aimerais conclure par un point concernant la mise en boites des personnes dans notre société. Trop souvent, la valorisation des capacités d'une personne est basée, dans 90% des cas, sur l’unique performance scolaire, donc les diplômes et son intelligence déterminée par le chiffre du QI. Il serait important d'élargir ces critères normatifs et sélectifs pour toute personne ayant évolué dans différents environnements en développant sa capacité d'appréhension et de gestion des situations, aimant découvrir par une nature curieuse, ou étant caractérisé par une certaine force mentale. La richesse et la valeur ajoutée de ce genre de profil n’est certainement pas à opposer au profil d'une personne hautement diplômée et dont la spécialisation est optimale dans un domaine donné. Elle est simplement différente et potentiellement complémentaire, grâce à des parcours différents. En résumé, dans un monde diversifié et toujours en mouvement il me semble maintenant indispensable de prendre en compte le parcours d’expériences de chacun pour construire la ou les sociétés de demain.
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institut présaje
2018-03-01
4
[ "diana ungureanu" ]
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UNE STRATÉGIE POUR L'EXCELLENCE EN MATIÈRE DE FORMATION DES PREFESSIONNELS DE LA JUSTICE AU DROIT DE L'UNION EUROPÉENNE
# Une stratégie pour l'excellence en matière de formation des prefessionnels de la justice au droit de l'Union Européenne Motto: " Lorsqu'une chose évolue, tout ce qui est autour évolue de même." Paulo Coelho / L'Alchimiste 1. Un environnement juridique sûr dans toute l'Union européenne Une formation élaborée, approfondie et diversifiée des professionnels de la justice, à commencer par les juges, au droit de l'Union Européenne fait partie des outils au service de la construction de l’espace judiciaire européen. Le juge de l'UE de droit commun est le juge national. Les tribunaux nationaux sont responsables de la mise en œuvre du droit européen, qu'ils sont souvent tenus d’appliquer directement. Ils doivent aussi interpréter la législation nationale conformément aux normes européennes. L’inscription au Traité d’Amsterdam du nouvel objectif de création d’un « espace de liberté, de sécurité et de justice », a fait de la formation judiciaire un enjeu nouveau. Le principe de reconnaissance mutuelle, qui repose essentiellement sur un haut niveau de confiance mutuelle entre les systèmes judiciaires des Etats membres et la constitution d'une "culture judiciaire européenne", basée sur un sentiment d'appartenance à un même espace que doivent partager les professionnels de la justice des Etats membres, font de la formation judiciaire une question majeure. 2. «Le succès n'est rien que la permission de continuer. »^(1)^ La Commission Européenne a assumé le rôle de catalyseur de la politique européenne en matière de formation des professionnels de la justice^(2)^ au droit de l'UE. L’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, en décembre 2009, a donné une base juridique au développement des actions en matière de formation judiciaire européenne, envisagée par les articles 81 et 82 comme l’une des mesures nécessaires pour renforcer la coopération judiciaire en matière civile, commerciale et pénale. La Commission a inscrit la formation judiciaire européenne en tant que priorité dans le plan d’action^(3)^ mettant en œuvre le programme de Stockholm^(4)^ adopté par le Conseil de l'UE en décembre 2009 sur "Une Europe ouverte et sûre qui sert et protège les citoyens". La stratégie à long terme relative à la formation judiciaire européenne^(5)^, adoptée par la Commission Européenne en 2011, a fixé des objectifs spécifiques en matière de formation des professionnels de la justice devant être atteints d’ici à 2020, parmi lesquels le plus important est de permettre à 700 000 praticiens du droit, soit la moitié des praticiens du droit de l’Union européenne, de prendre part à des activités de formation judiciaire européenne d’ici 2020 en exploitant toutes les ressources disponibles au niveau local, national et européen. La Commission s’est engagée à accroître les fonds disponibles pour la formation judiciaire européenne et a appelé les États membres et les professions juridiques à faire en sorte que les praticiens du droit bénéficient, au cours de leur carrière, au moins d'une semaine de formation sur l’acquis et les instruments juridiques de l’Union européenne. De nombreux résultats positifs ont été engrangés grâce à cette stratégie: le nombre impressionnant des participants^(6)^ que la formation judiciaire a atteint dans les dernières années, la préoccupation pour la qualité et l’efficacité de la formation, le développement des réseaux professionnels, la multiplication des échanges professionnels et l'implication des responsables de la formation. 3. Consulter, pour mieux concevoir. La Commission Européenne vous écoute « Que la stratégie soit belle est un fait, mais n’oubliez pas le résultat ». C’est par cette citation de Winston Churchill qu’on commence notre plaidoirie pour la participation de toute personne intéressée par l’analyse des résultats de la stratégie actuelle en matière de formation judiciaire européenne et le modelage d’une nouvelle. La formation judiciaire européenne n’est pas une construction prédéterminée ni une opinion individuelle, mais le résultat d’une consultation large et approfondie et évaluée de manière scientifique. La volonté politique détermine la dimension de l’intervention, mais c’est dans le cadre des consultations lancées par la Commission que les données qui soutiendront les futures mesures proposées pour répondre aux besoins réels, actuels et concret seront recueillies. Une nouvelle consultation publique est en cours pour évaluer l'actuelle stratégie en matière de formation judiciaire européenne et pour préparer la prochaine couvrant la période 2019-2025, prévue pour l'automne 2018. L'objectif est de recueillir le point de vue des parties prenantes sur la formation des professionnels de la justice sur la législation de l'UE, d'évaluer la formation en cours et d'élaborer les nouveaux besoins en matière de formation. Deux questionnaires sont disponibles jusqu'au 26 avril 2018: un questionnaire d'ordre général sur la formation à la législation de l'UE^(7)^ à l'attention des professionnels de la justice, de leurs représentants ou de leurs formateurs; et un questionnaire ciblé^(8)^ qui s'adresse aux spécialistes de la formation judiciaire européenne. C’est à la fois une opportunité et une responsabilité pour chaque professionnel de la justice de contribuer à l’amélioration de la qualité de la formation et d’en soutenir et dessiner son avenir. 4. Conclusions « Il y a toujours un avenir pour ceux qui pensent à l’avenir ». En paraphrasant François Mitterrand, nous sommes convaincus que la meilleure façon de prédire l’avenir, c'est de le créer, voilà le rôle déterminant de la nouvelle stratégie sur la formation judiciaire européenne. Cette ambition se fonde sur une prise de conscience des professionnels de la justice de leur rôle dans l’établissement d’une culture judiciaire européenne qui implique une confiance mutuelle assumée, préservée et consolidée. ------------------------------- (1) Gilles Archambault, Les pins parasols (2) Juges, procureurs, greffiers, huissiers, avocats, notaires, traducteurs et interprètes juridiques, agents pénitentiaires, agents de probation, etc. (3) www.eur-lex.europa.eu/legal-content/EN/TXT/?uri=celex:52010DC0171 (4) www.eur-lex.europa.eu/legal-content/EN/TXT/?uri=celex:52010XG0504(01) (5) www.eur-lex.europa.eu/legal-content/EN/ALL/?uri=CELEX:52011DC0551 (6) https://e-justice.europa.eu/fileDownload.do?id=e17ab8e9-cb1c-485b-acd8-d56178384ec3 (7) https://ec.europa.eu/eusurvey/runner/GeneralConsultationEuropeanJudicialTraining.com (8) https://ec.europa.eu/eusurvey/runner/TargetedConsultationEuropeanJudicialTraining.com
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institut présaje
2018-03-01
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[ "michel rouger" ]
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EDITO : FORMATIONS, PERFORMANCES
# EDITO : Formations, Performances Le débat sur la formation professionnelle, l’apprentissage, fait rage dans les tribunes politiques avec son modèle scolaire construit sur la transmission de maîtres à élèves. Il sent trop le passé, pour pouvoir aider ceux qui ont besoin de formations et de performances pour répondre aux exigences de la société. C’est pourquoi ce débat sociétal mérite l’apport original de l’Institut PRESAJE aux questions posées, celles des conséquences de l’évolution de la vie en société qui affectent la vie personnelle de chaque individu, ses compétences et son employabilité. Elles dépassent l’organisation de la société qui appartient au champ politique. Le désir de se former, la volonté d’améliorer ses compétences, la nécessité de mieux se connaitre, de mieux vivre ou faire vivre la société dans laquelle chacun cherche sa meilleure place, la plus utile, conduisent tout citoyen, toute citoyenne à apprendre, pas seulement pour accomplir son devoir quand il est au service du public, mais aussi quand il est au service de son entourage privé. C’est le sujet traité par chacune des contributions éditoriales de cette lettre. Encore que chaque propos expose une situation propre à son auteur. L’obsolescence du savoir antérieur entrainé par les innovations, la complexité des process, l’hyper spécialisation qui enferme, voire sclérose le super diplômé des grandes institutions et des systèmes étatiques, communautaires, ou globalisés, aussi bien que l’inadaptation des systèmes collectifs d’apprentissage et de formations. Chacun de nos auteurs a su l’exprimer. A toutes celles et tous ceux, souvent désemparés face à leurs besoins quotidiens de formations, générales ou techniques, s’ajoutent toutes celles et tous ceux dont l’imagination fertile et les ambitions novatrices, les font participer à de nouveaux bataillons d’autodidactes d’action, avides de formation, modèle 2025. Leurs réflexions naturelles spontanées ne peuvent qu’être traitées séparément. Chacun sait à quel point nos institutions Judiciaires et Hospitalières, en ce début de siècle, font souffrir ceux qui les servent. PRESAJE leur réserve la 1ère de ses 2 lettres de printemps. La suivante laissera parler ceux qui occupent les terrains vierges à défricher. Expatriation, finance, management, services. Ces autodidactes de l’action pas seulement de l’étude, dont nous avions dessinés les personnages, dans un échange au Sénat, il y a plus de 20 ans, avec le modèle de l’autodidacte d’action, le Président René MONORY. Quand je fais appel à l'expérience que j’ai vécue, il y a presque 75 ans, lorsque je me suis mis au travail manuel, en 1944, pour dix ans, après avoir abandonné l'école, et choisi, plus de force que de gré, la dureté de la condition des travailleurs de l'aussitôt après guerre. Ce fut à la fois le renouveau et la liberté. Depuis 20 ans, La globalisation numérique fait revivre aux jeunes adultes, à leur tour, la ruée vers l’action libérée, même si elle aspire à un peu moins de contraintes. Ils nous raconteront, où, comment, avec qui ils se forment et acquièrent ce dont ils ont besoin. L'institut PRESAJE s'est toujours fait un devoir d'aborder les sujets qu’il retient en les introduisant dans les débats public, où on ne les attend pas. Tel celui de l’APPRENANCE, concept récent (2005), qui se marie discrètement avec la PERFORMANCE. Laissons parler les soignants de la société, juges, médecins, pour apprécier cette évolution.
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institut présaje
2018-03-01
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[ "mónica martí-garcía" ]
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LA NOUVELLE STRATÉGIE DE L'UE SUR LA FORMATION JUDICIAIRE
# La nouvelle stratégie de l'UE sur la Formation Judiciaire Avec l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, la justice devient une politique solidement établie au niveau européen qui se consolide, dans ces dernières années, par l’adoption d’importantes mesures législatives ayant un impact direct non seulement dans les systèmes judiciaires des États membres mais aussi dans la vie des citoyens européens. Le traité de Lisbonne a donné compétence à l’Union européenne pour fournir « un soutien à la formation des magistrats et des personnels de justice» sur des sujets liés à la coopération judiciaire en matière civile et pénale. Dans ce contexte, la formation judiciaire est un outil indispensable de l’espace européen de justice pour s’assurer que les droits garantis par la législation de l’Union européenne deviennent une réalité, pour accroître l’efficacité des systèmes judiciaires dans les États membres et pour renforcer la confiance mutuelle et la reconnaissance des décisions des praticiens du droit dans leurs systèmes judiciaires respectifs. La mise en œuvre d’une véritable culture européenne en matière de justice exige que le développement du droit de l’Union soit accompagné de mesures garantissant le principe de sécurité juridique et une interprétation uniforme du droit de l’Union. Ainsi la formation des professionnels de la justice dans l’UE, compétence qui relève principalement de chaque État membre, requiert un contexte juridique et institutionnel cohérent et efficace afin de garantir l’Etat de droit, l’indépendance du pouvoir judiciaire et le respect des principes et valeurs démocratiques sur lesquels l‘UE est fondée. À l’automne prochain, une nouvelle Communication de la Commission européenne accompagnera l’adoption de la nouvelle stratégie de l’UE en matière de formation judiciaire pour la période 2019-2025. Les institutions européennes, voire le Parlement européen et le Conseil de l’UE dans sa formation Justice auront un mot à dire sur le sujet. Les antécédents de cette nouvelle stratégie, très attendue par les milieux concernés, reposent sur la Communication de la Commission de 2011 « Susciter la confiance dans une justice européenne. Donner une dimension nouvelle à la formation judiciaire » qui établit des objectifs ambitieux et mesurables afin de permettre à la moitié des praticiens de l’Union européenne de prendre part à des activités de formation judiciaire européenne à l’horizon 2020, et ce, notamment, grâce à l’instrument financier « Justice Programme 2014-2020 ». Conformément à la feuille de route de la Commission, la nouvelle stratégie mise en place pour la période 2019-2025 devrait aider les professionnels de justice à garantir l'application correcte du droit de l'UE, à se former sur l’acquis de l’Union et à élargir son champ d’application afin de cibler d’autres professionnels du droit (i.e. les fonctionnaires de prisons impliqués dans la lutte contre la radicalisation et la violence extrémiste). Elle devra, enfin, tenir compte de la situation dans des pays candidats et voisins vis-à-vis desquels l’appui à la coopération judiciaire en matière pénale dans le cadre du contre-terrorisme et lutte contre la cybercriminalité constitue une priorité majeure. Une évaluation de la politique de formation judiciaire mise en place en 2011 accompagne la nouvelle stratégie. Telle évaluation relève de différentes sources et rapports annuels publiées par la Commission qui mettent en relief les réalisations de la formation judiciaire. Cette évaluation mettra en exergue les défis et les nouveaux objectifs englobés par la nouvelle stratégie au-delà de 2020. Dans une perspective globale, les actions de formation nationales et transfrontières visant les juges et procureurs de l’UE ne doivent pas rester entravées d’obstacles par le manque de temps et de ressources humaines dans les juridictions, la méconnaissance des langues étrangères (English as lingua franca) ou de budget suffisant. Les États membres sont appelés à considérer que le temps investi en formation est un investissement continu qui garantit l’exercice de la justice. Un acteur clé dans le contexte de la politique européenne de formation judiciaire est, sans aucun doute, le Réseau européen de formation judiciaire (REFJ/EJTN), considéré par le Conseil au niveau de l’UE le mieux à même de coordonner, grâce aux membres du réseau, des actions nationales de formation et d’élaborer une offre de formations transfrontières à l’intention des juges et des procureurs. Réunis à Amsterdam en 2016, les membres du REFJ ont adopté dans une déclaration solennelle les neuf principes fondamentaux de la formation judiciaire, principes qui reconnaissent l’importance et la spécificité de la formation dont doivent bénéficier les juges et procureurs dans des sociétés démocratiques. Durant la période 2019 et 2025, de nouvelles questions doivent être considérées comme matières de formation (i.e. l’asile et l’immigration, la preuve digitale, les garanties procédurales, la lutte contre toute forme de criminalité par Internet ou la mise en place d’un parquet européen), les compétences de gestion et de leadership que les magistrats doivent acquérir pour faire face à ces défis et enfin l’apprentissage par des nouvelles technologies. La nouvelle stratégie sur la formation judiciaire doit présenter un cadre efficace et commun capable de guider les activités de formation des magistrats européens dans un avenir où les nouvelles générations de professionnels de la justice européenne joueront un rôle essentiel dans l’espace de liberté, sécurité et justice.
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institut présaje
2018-04-01
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[ "jérôme spitzer" ]
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ENTREPRENDRE, INNOVER ET APPRENDRE : AVENTURE HONG-KONGAISE
# Entreprendre, Innover et Apprendre : Aventure Hong-Kongaise Mon aventure Hong-Kongaise commence en 2008 lorsque, après avoir conclu mon MBA à l’école des Roches en Suisse, mon désormais ami Sébastien Blondeau me proposa de gérer la partie « Retail » de son business à Hong Kong : « Pata Negra House » (PNH). Ce fût la première grande chance qui a jalonné ma vie professionnelle. En effet alors que j’étais de retour à Paris, passant quelques jours dans l’appartement de mes parents, mon père avait invité à déjeuner un de ses meilleurs amis Marc Blondeau. Celui-ci m’a questionné sur ce que je voulais faire et m’a suggéré d’appeler son fils pour travailler avec lui ! Donc je peux dire aujourd’hui que tout est parti de la cuisine de mes parents. Cette décision a fait basculer ma vie. Je considère aujourd’hui Hong Kong réellement comme la ville où non seulement je vis mais où je me sens chez moi. J’y ai rencontré ma femme, y élève mes enfants et y exerce mon métier passionnément, dans un cadre certes stressant mais très stimulant. La chance a continué de me sourire. Cet ainsi que lors de mon passage comme retail manager chez Pata Negra House j’ai pu découvrir et comprendre un marché ultra concurrentiel mais aussi très attractif et doté d’une énergie hors norme. Mais surtout au cours de cette expérience j’ai rencontré Oliver Caisson qui deviendra peu de temps après mon associé. En effet j’ai rencontré Olivier tout juste un an après mon arrivée : Pâques 2009. Ayant constaté que nous avions la même passion et la même ambition, nous avons décidé très vite d’ouvrir un restaurant ensemble. Le nom « Pastis » nous est apparu évident et avec le concours de nos familles respectives nous nous sommes lancés dans l’aventure puisque les financements de ce premier restaurant ne pouvaient être effectués qu’avec des fonds propres. Mais surtout nos familles et nos amis, et c’était ma deuxième chance, ont profondément cru en nous et se sont impliqués enfin je pense notamment, mais sans oublier tous les autres, à ma mère qui s’est rendue plusieurs fois aux Puces et a écumée les ventes pour nous aider dans notre décoration et n’a pas hésité à passer un mois à Hong Kong pour aider notre premier chef Stanley à se familiariser davantage avec la cuisine française de bistrot. Cet ainsi que notre ambition commune, lié à un climat économique favorable et une administration Hong Kongaise unique, a fait que nous avons pu imaginer mettre en place et construire notre premier restaurant en quelques mois. Hong Kong est très étonnante de ce point de vue-là : création d’une société en moins d’une semaine, ouverture d’un compte en banque en quelques semaines, location d’un espace en quelques jours sans avoir à payer un fonds de commerce. Ce dernier point a été clé dans notre développement, étant donné que nous étions de jeunes entrepreneurs et que les banques ne nous finançaient pas, il nous fallait un projet à notre hauteur. Et, cerise sur le gâteau, pour l’ouverture de Pastis l’administration hong-kongaise a fait une démonstration qu’elle était non seulement business friendly mais même business « helping ». Nous avions en effet quelques appréhensions car les services administratifs à Hong Kong sont nombreux et il faut satisfaire aux règlementations tant en termes d’hygiène, d’incendie, de police etc… Or huit jours avant la date d’ouverture j’ai reçu un coup de fil d’un agent public qui m’a demandé quand cela nous dérangeait le moins qu’ils fassent leurs visites de contrôle et qu’il était inutile pour nous de nous préoccuper des autres services car il allait leur demander de venir en même temps que lui : en deux heures tout était réglé. Par la suite nous avons continué à procéder de la même manière et avec les mêmes facilités administratives, en apportant toujours nos fonds propres. En revanche, l’inconvénient est que nous sommes à la merci des propriétaires qui décident de notre avenir à chaque renouvellement de bail. Pastis a été et est toujours un succès incroyable il a financé une grande partie de notre groupe. Nous avons aujourd’hui huit restaurants en attendant l’ouverture de « Café Claudel » pour la fin du premier semestre 2018, un bar, une boucherie et une cave à vin ce qui fait un peu plus d’une ouverture par an depuis que nous avons commencé. Nous n’avons jamais fonctionné en chaîne et tous nos concepts sont uniques. Cela nous demande plus de travail mais nous croyons fortement dans ce qui reste notre axe essentiel de développement : « toujours chercher à surprendre et innover Ces opportunités sont venues du fait que la ville est en perpétuel mouvement .et que des espaces se libèrent en permanence, ainsi que par l’absence de fonds de commerce et enfin par un système fiscal très favorable au développement du business puisqu’il n’y a pas d’impôts sur les dividendes ce qui nous a permis de réinvestir systématiquement tous nos bénéfices dans de nouvelles affaires. Notre développement a été très « organique », nous avons toujours attendu d’avoir les moyens pour ouvrir une nouvelle affaire ; en outre nous avons fait venir nos amis des écoles hôtelières que nous avions fréquentées et qui sont désormais tous associés : Benoît Bernardini, Frank Lebiez, Jérôme Abraham notamment. Pour leurs permettre d’avoir eux-mêmes un développement harmonieux nous avons inventé, avec Olivier, un business model que l’on peut qualifier également de friendly. Nous leurs avons proposé d’investir chacun dans un ou plusieurs nouveaux restaurants en leur prêtant personnellement, Olivier et moi, la somme nécessaire à financer leurs actions, sachant que leur seule obligation de remboursement consistait et consiste toujours à ce que les dividendes nous soient versés prioritairement jusqu’à remboursement complet du prêt accordé, celui-ci étant stipulé sans intérêt. Notre groupe va fêter ses neuf ans, nous allons ouvrir notre prochain restaurant dans un lieu iconique et central : Tai Kwun. Nos projets pour l’avenir sont : de continuer à développer nos activités à Hong Kong mais nous allons surtout chercher à exporter quelques-uns de nos concepts en dehors de Hong Kong en espérant que la chance continuera à nous sourire.
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institut présaje
2018-04-01
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[ "marie-christine levet" ]
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LE DIGITAL AU SERVICE DE L'HUMAIN POUR UNE NOUVELLE SOCIÉTÉ APPRENANTE
# Le digital au service de l'humain pour une nouvelle société apprenante L’investissement dans l’éducation digitale : un des enjeux de la réussite du passage à une société apprenante. En 1997 naissait le World Wild Web (www) . En 30 ans, un « tsunami numérique » s’est abattu sur des pans entiers de l’économie faisant naître de nouveaux champions capables de changer les règles du jeu, et entraînant un profond bouleversement du monde du travail. 65% des enfants en primaire feront un métier qui n’a pas encore été inventé. Il y a urgence à faire en sorte que l’école forme mieux à la société du XXIe siècle et développe les compétences requises par les parcours de vie de demain, à savoir la créativité , la pensée critique , le travail collaboratif , le droit à l’essai et à l’erreur. 50 % des métiers d’aujourd’hui seront supprimés ou profondément modifiés dans les années à venir. Les compétences qui avaient un champ d’action d’une vingtaine d’années sont maintenant obsolètes en 2 ans . Face à l’accélération de la mutation, il va falloir « apprendre à apprendre » et « surtout apprendre tout au long de sa vie ». Chacun alternera périodes de formation initiale, de salariat, d’entrepreneuriat, et d’auto-formation pour favoriser son employabilité . C ‘est la fin du diplôme à vie . Les entreprises devront aussi très rapidement mieux contribuer à former leurs salariés pour les reconvertir dans un mode beaucoup plus collaboratif . Cette obsolescence toujours plus rapide des connaissances et cette émergence de nouveaux métiers, en totale pénurie, obligent au déploiement rapide d’un écosystème digital pour aider à transformer l’éducation. Les plateformes numériques d’éducation digitale permettent une accélération de la diffusion des savoirs, dans une inclusion sociale et géographique renouvelée et l’accès à une éducation de qualité pour le plus grand nombre Les avancées de l’intelligence artificielle, des sciences cognitives, du big data, offrent une personnalisation réelle des apprentissages et une plus grande autonomie de choix dans les parcours . « L’adpative learning » permet une éducation qui s’adapte aux besoins, aux acquis et aux désirs de chacun. L’Education digitale ou Edtech est-elle le prochain tsunami ? 9 milliards ont été investis dans l’Edtech dans le monde depuis 2015 dont 90% aux USA et en Chine. La Chine a annoncé vouloir investir 30 milliards de dollars d’ici 2020, pour un public de 400 millions d’élèves et 120 millions de travailleurs à former. La compétition mondiale pour les savoirs est engagée. La France y a toute sa part. C‘est l’engagement que j’ai pris en créant Educapital, le premier fonds d’investissement européen dédié au secteur de l’éducation et de la formation. Notre objectif est de faire émerger les champions français de l’Edtech, en construisant une plateforme d'investissements responsables. A l’instar des autres secteurs, l’innovation viendra d’acteurs qui disruptent un marché et qui atteignent vite une taille européenne. Une plateforme européenne d’investissements permet de soutenir de futurs champions capables d’exploiter les percées de la recherche en didactique, en sciences cognitives et de la communication. C’est ainsi que nous construirons une société apprenante, collectivement, qui sera capable de transmettre nos valeurs. La responsabilité de l’investissement dans les technologies de l’éducation porte également sur l’importance attachée à l’éthique. La nouvelle société apprenante se fonde sur plus de confiance, avec des échanges horizontaux et collaboratifs, qui vont contribuer à une émancipation des personnes par la valorisation de leurs talents et de leurs expériences propres. Il est crucial de leur garantir un niveau très élevé de sécurité d’accès et de compréhension des données, dans un cadre juridique respectueux et éclairé. Le changement de paradigme, qui nous fait basculer d’une société d’apprentissages linéaires et présentiels à une véritable éducation choisie et collaborative, implique d’apprendre à apprendre en valorisant la participation de chacun à la co-construction de son savoir. Une société apprenante de l’autonomie, de l’écoute et de la confiance en l’autre, de l’apprentissage par le questionnement et l’expérience, sont des perspectives réalisables. L’éducation est un marché mondial compétitif dans lequel l’influence culturelle, le maintien des valeurs humanistes, la possibilité du libre-choix éclairé apparaissent comme des impératifs de survie. La singularité française, “Science sans conscience n’est que ruine de l’âme”, nécessite le développement d’outils, de systèmes et de services qui nous permettent de transmettre des acquis uniques, de préserver des savoir-faire, de préparer les nouveaux savoirs-être. Si l’intelligence artificielle ouvre des possibilités d’observation et d’analyse importantes pour la réussite du changement de la société apprenante, l’autorégulation, la bienveillance dans les modalités d’évaluation, la participation des acteurs sont primordiales. La France commence, avec retard, à s’intéresser sérieusement aux technologies de l’éducation. La conjoncture est favorable à un déploiement rapide. Les alarmes des parents, inquiets de l’effondrement du niveau des élèves dans les classements internationaux, sont écoutées. Les difficultés des entreprises à recruter les nouveaux talents indispensables sont comprises. Les propositions des scientifiques et des chercheurs pour une rupture innovante sont soutenues. La présence de Jean-Michel Blanquer au lancement du fonds Educapital a été un signal fort pour tout l’écosystème de l’éducation innovante , l’annonce d’une coopération public privée exemplaire pour gagner très vite la bataille d’une éducation au numérique et par le numérique au service de l’humain.
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institut présaje
2018-04-01
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[ "nathalie lugagne" ]
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LA FORMATION TOUT LE LONG DE LA VIE: IMPACT ÉCONOMIQUE ET SOCIAL POUR LES ENTREPRISES ET LES INSTITUTIONS D'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR
# La formation tout le long de la vie: impact économique et social pour les entreprises et les institutions d'enseignement supérieur Quels que soient les pays, la formation continue des adultes, ou Life Long Learning dans les pays anglo-saxons, représente un besoin crucial pour l’économie et une mission sociale pour l’enseignement supérieur, qui n’est pas moins importante que l’éducation première. Les universités dans le monde commencent seulement à en prendre conscience et découvrent les perspectives nouvelles qui leur sont offertes par la formation continue, entre autres avec les progrès de la digitalisation qui changent les modes de consommation des connaissances et les règles des marchés. Partout, même si c’est encore plus vrai dans certains pays, en particulier les moins avancés économiquement, les besoins de formation de ceux qui travaillent ou sont en position de travailler sont considérables. Parallèlement, la fréquence des mobilités entre positions dans l’entreprise et plus encore d’une entreprise à l’autre, ne cesse de s’accélérer. L’automatisation, l’informatisation, la digitalisation, l’ubérisation détruisent, créent et transforment les métiers : plus que jamais la destruction créative de Schumpeter est à l’œuvre. Une récente étude de Mc Kinsey^(1)^ estime par exemple que 4 % de la main d’œuvre mondiale sera affectée par l’automatisation à l’horizon 2030, soit 375 millions de travailleurs qui vont devoir s’adapter et apprendre de nouveaux métiers. En France, ce sont 5,6 millions d’emplois qui seront touchés. En parallèle, 280 millions d’emplois pourraient être créés à l'horizon 2030 dans des professions qui n'existent pas encore. Les professions qui exigent seulement une éducation secondaire diminueront au bénéfice des professions nécessitant des diplômes universitaires plus élevés. « Le plus grand défi sera de s'assurer que les travailleurs ont les compétences et le soutien nécessaires pour effectuer cette transition vers de nouveaux emplois » souligne McKinsey. Dès aujourd’hui, les entreprises trouvent difficilement les talents dont elles ont besoin et recherchent auprès des divers acteurs du secteur de la formation, acteurs traditionnels comme les Business Schools ou les cabinets de conseil ou acteurs nouveaux comme les plateformes de formation digitale, une aide au développement de leur capital humain. Ainsi, la transformation rapide des métiers et l’obsolescence associée des compétences, mais aussi la mobilité accrue et les nouvelles attentes émanant des jeunes générations, et la problématique liée de la rétention des talents, la volonté enfin des entreprises dans le cadre d’un économie du savoir, de développer de plus en plus les compétences de leurs salariés dans une démarche ouverte et inclusive de gestion de leurs talents, font émerger de manière forte des besoins en formation tout au long de la vie. Ces besoins ne sont pas suffisamment couverts aujourd’hui, l’offre étant fragmentée et souvent de qualité inégale. La grande loi de la formation professionnelle en France, datant de 1971, a été mise en place à une époque où le chômage était peu élevé et où la formation s’adressait aux seuls salariés. Mais depuis, le monde a changé. Il est essentiel aujourd’hui de repenser la formation professionnelle pour combattre le chômage, préparer l'avenir et soutenir la compétitivité des entreprises. En 2002, avec la loi sur la modernisation sociale, le concept de certification a été intégré dans l’arsenal législatif français. Avec ce concept, s’est vue ancrée la centralité de la notion de compétences qui peuvent être acquises par l’expérience ou par des formations initiales ou professionnelles. Le processus de certification mis en œuvre par les différents institutions d’enseignement supérieur et organismes de formation professionnelle permet d’évaluer et de confirmer les compétences nécessaires à un poste déterminé, selon l’inventaire de compétences listé, archivé et mis à jour par le CNCP depuis 2009. L’enjeu de qualité de l’offre de formation professionnelle continue est un pendant indissociable des réformes mises en œuvre visant, de manière générale, à une plus grande personnalisation des dispositifs de formation des actifs. L’amélioration de la qualité et de l’information sur l’offre de formation est une nécessité avec le développement de dispositifs destinés à améliorer l’autonomie des individus dans le choix de leurs parcours et transitions professionnels. C’est aussi un enjeu pour les entreprises et les pouvoirs publics afin qu’ils soient en capacité de construire leur stratégie de formation. En 2014, la loi sur la formation continue a renforcé le lien entre la labellisation opérée par le CNCP et le financement possible des formations, dans l’optique de garantir la qualité des programmes proposés. La nouvelle réforme de la formation continue, lancée en début d’année 2018 par le gouvernement Macron, souhaite créer plus d’opportunités, pour tous les actifs, et faciliter l’accès à des formations de manière simplifiée et ouverte. Le lien entre formation, certification, et personnalisation des parcours subsiste et est même renforcé, dans un objectif clairement affiché de lutter contre le chômage. Visant à assurer une meilleure adéquation de l’offre de formation avec les besoins de développement des compétences des entreprises, la réforme à venir contribuera à mettre l’accent sur les offres certifiantes, capitalisables et modulaires. Cette tendance de long terme des orientations de nos législateurs fait écho aux directives de l’Europe qui, dès 2004, a souhaité établir un cadre de référence commun afin de faciliter la mobilité et aider à la comparaison des certifications et diplômes via les réseaux ENIC - NARIC^(2)^. Elle se retrouve également en dehors de l’Europe, notamment en Asie. Ceci correspond à une volonté renforcée, d’une part, de rendre les formations, qu’elles soient initiales ou continues, en relation claire avec les compétences qu’elles permettent de développer et partant les emplois sur lesquels elles permettent de déboucher et, d’autre part, de rendre les actifs acteurs de leur développement professionnel en leur donnant les moyens d’élargir leur employabilité, quelle que soit l’entreprise ou l’activité professionnelle dans laquelle ces personnes se projettent. Pour répondre à cette tendance du marché de la formation et aux exigences des organismes de régulation et de certification, HEC Executive Education a choisi de mener une réflexion sur son offre de formation continue, destinée aux adultes, en permettant des équivalences entre ses différents programmes, qu’ils soient courts, sur mesure, certifiants ou diplômants. L’offre Life Long Learning ainsi déployée permet de répondre de manière efficace aux besoins de trois types de population : les alumni d’HEC souhaitant rafraichir leurs compétences, les salariés souhaitant créer un parcours personnalisé en partant de modules capitalisables en vue de certificats et/ou de diplômes, et les entreprises souhaitant mettre en place une politique avancée de gestion des compétences. On ne peut que se réjouir de ce rôle stratégique que prend aujourd’hui la formation continue qui vient apporter dynamisme et agilité à un marché du travail qui favorise de plus en plus la mobilité, la capacité d’adaptation permanente et l’innovation. ------------------------------- (1) “What the future of work will mean for jobs, skills, and wages”, James Manyika, Susan Lund, Michael Chui, Jacques Bughin, Jonathan Woetzel, Parul Batra, Ryan Ko, and Saurabh Sanghvi, McKinsey Global Institute, Novembre 2017. (2) European Network of Information Centres – National Academic Recognition Information Centres
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institut présaje
2018-04-01
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[ "philippe rouger" ]
1,400
40 ANS D'INNOVATIONS INFORMATIQUES ET L'"AUTODIDACISME"
# 40 ans d'innovations informatiques et l'"Autodidacisme" Le XXIème siècle sera celui de l’autoformation institutionnalisée et permanente Il y a 50 ans les acteurs de la révolution de mai 1968 voulaient libérer les individus du carcan de l’autorité qui était imposé tant dans le cadre moral que professionnel. L’arrivée de l’informatique allait répondre à leurs attentes. Et 10 ans plus tard, fin des années 70 une première rupture a bousculé le monde professionnel, l’informatique individualisée faisait son apparition. Au fil des révolutions technologiques, elle allait imposer ses principes de fonctionnement, ses méthodes, ses modes de management et ces règles organisationnelles (les fameux process) pour arriver au monde que nous connaissons aujourd’hui. Ces 40 ans ont profondément modifié la société et dans un mauvais raccourci je pourrais dire, « l’individualisation que mai 68 portait de ses vœux, l’informatique l’a fait ». ## Mais au fait, c’était comment avant ? Avant, dans les années 60 – 70 et jusqu’au milieu des années 80 l’informatique était émergente et totalement centralisée. D’énormes ordinateurs (IBM, Bull…), bien inférieurs à la puissance d’un portable d’aujourd’hui, occupaient d’immenses salles climatisées à coté des imprimantes de plusieurs mètres de long débitant leurs flots de listings et des disques durs d’une capacité de stockage de 300 méga octets et de la taille d’une machine à laver. L’accès à ces ordinateurs était fait à l’aide de terminaux dits esclaves car ne disposant d’aucune capacité de traitement ou d’autonomie. Bref la « préhistoire du Digital » comme on dirait aujourd’hui. Et bien sûr tout cela coutait très cher et n’était à la portée que de très grandes entreprises qui avaient les moyens financiers suffisants. Et tout d’un coup, à la fin des années 70, arrivèrent les premiers ordinateurs personnels, suivis de près par les premiers logiciels de traitements de texte avec imprimante intégrée et les mini ordinateurs permettant aux PME de s’informatiser. La démocratisation de l’informatique était lancée et, pour accompagner ces changements, les sociétés de services et de logiciels se sont développées de toutes parts. C’est à cette époque que naissent Cap Gemini, Sopra, Microsoft ou Apple. On y trouve aussi les premiers logiciels « paramétrables» pour que les utilisateurs puissent se libérer des informaticiens et prendre leur autonomie. Cela ne s’est pas fait tout seul, il a fallu former les personnes au passage du papier au logiciel, de la connaissance aux règles et aux paramétrages, de la production à la gestion de projet et aux nouveaux modes d’organisation. C’est ainsi que les SSII (Société de Services en Ingénierie Informatique) de l’époque ont généralisé la diffusion vers les entreprises les concepts et les méthodes liées à l’informatisation. Et là, pas d’autre solution pour les entreprises que l’adaptation permanente pour acquérir les bénéfices promis par l’introduction puis la généralisation de l’informatique en termes d’efficacité, de rapidité, de productivité qui ont été et reste les facteurs essentiels de la rentabilité et de la survie. Nombreuses sont celles qui ne se sont pas adaptées et ont disparu. DEC (Digital Equipement Corporation), numéro 2 mondial juste derrière IBM au milieu des années 80, rate le virage du PC et négocie mal le virage vers les services, disparait à la fin des années 90 malgré des réussites technologiques importantes comme sa base de données (RDB) qui a bien aidé à la réussite d’Oracle et Altavista qui a dominé les moteurs de recherche avant Google. ## 40 ans d’apprentissage permanent. Mais ce sont les métiers et les personnes qui ont été les plus impactés et transformés par l’informatisation à marche forcée lors de ces 40 dernières années. En vrac ; l’arrivée des réseaux mondiaux du fixe et de l’Internet avec les services web, mail, messagerie, commerce électronique ; la gestion collaborative, la sécurité, la cryptographie ; la téléphonie mobile, les smart phones et leurs applications ; les plateformes d’intermédiations ; les ordinateurs portables de plus ne plus puissant, rendant encore plus autonome les utilisateurs ; la généralisation de la mise en processus des métiers et des tâches et enfin les outils de développement de plus en plus performant qui ont permis la robotisation de nombreuses tâches. Cette période se caractérise aussi par un triple mouvement. Les techniciens sont devenus de plus en plus spécialisés pour devenir des experts, les producteurs utilisateurs ont vu leurs tâches augmentées et assistées et les managers, notamment dans les grands groupes ont vu leur vie professionnelle envahie par les process, la gestion des flux et l’accompagnement à la conduite du changement. Les spécialistes, venant de l’informatique ou d’autres activités, n’ont eu de possibilité que d’accroitre leurs expertises vers une hyperspécialisation et le développement permanent de leurs compétences pour garantir leur position ou leur poste. Les producteurs/utilisateurs ont été aussi soumis à une remise en cause permanente. Aujourd’hui difficile de ne pas maitriser l’ensemble des outils informatiques, téléphoniques ou collaboratif. Demain, ce sera la programmation et il est même d’ores et déjà prévu d’en apprendre les bases aux enfants dès le primaire, comme cela se passe dans d’autres pays comme le Canada ou l’Angleterre. Mais ces 40 ans d’innovation permanente auront aussi beaucoup changé le mode de recrutement et de gestion des ressources humaines, en particulier au sein des structures innovantes lors de chaque période d’avancée technologique. La caractéristique de ces périodes de rupture technologique et de changement est que les compétences techniques sont rares et le besoin important. La recherche des entreprises va donc se porter vers des profils à forts potentiels très motivés et où le diplômes à une valeur importante mais non déterminante. Cela a fait la joie de nombreux autodidactes qui ont pu ainsi intégrer le secteur informatique, comme cela a été le cas pour ses débuts dans les années 80, à l’arrivée de l’Internet, des réseaux ou des applications mobiles. Ces entreprises ont privilégié et généralisé l’apprentissage permanent, qu’il soit individuel ou collectif dans le seul objectif de réussir le projet porté en commun. Ce mouvement s’est encore accéléré et c’est la vague que nous connaissons depuis 20 ans dans les startups avec des fonctionnements et des organisations plus horizontaux que verticaux et où l’apprentissage par l’expérimentation successive est la « norme ». Faire et apprendre en même temps, voilà la nouvelle règle. Cette méthode a notamment été mise en place pour les applications mobiles avec un cycle de produit très rapide ; une idée, un développement, une béta, un test en ligne et si les retours clients ne sont pas suffisants on jette et s’ils sont bons on débugge tout en maintenant l’application en ligne. Et c’est aussi dans cet esprit que X. Niel a lancé son école 42 où toute personne motivée peut venir se former, quels que soient son origine et son bagage et avec un modèle d’apprentissage très orienté sur la pratique. ## L’autodidacte, profil caractéristique de notre monde moderne. Le parcours professionnel de chacun est et sera souvent multiple. Hier une personne ne connaissait le plus souvent qu’une entreprise et qu’un métier. Ce temps est révolu, les nouvelles générations savent très bien quelles seront amenées à être multi-métiers, certainement multi-activités, voire multi-secteurs (privé et public) et qu’aucune formation initiale ne peut répondre à tous ces critères. Quel que soit son diplôme, on pourra être amené à changer de métier et se retrouver autodidacte dans sa nouvelle activité, bien qu’aillant une formation supérieure dans un autre domaine. Chaque année, des nouveaux entrepreneurs seront des dizaines de milliers à créer des entreprises innovantes et apprendront tout en faisant lors du lancement et du développement de startups. Ils mettront en œuvre des qualités particulières et essentielles telles que la curiosité, la passion d’apprendre, la capacité à l’improvisation et la résistance à l’incertitude qui sont des gènes communs aux autodidactes. Et Wikipédia ne s’y est pas trompé car « Autodidacte » se transforme en «autoformation» qui est « le fait de se former par soi même quel qu’en soient les moyens notamment par la ou les pratiques qui me semblent les plus justes ». Enfin, la fameuse citation d’« O.L Barenton, confiseur » livre d’Auguste Detoeuf paru en 1951, « Dieu n'a créé que le ciel et la terre, l'Autodidacte a fait mieux : il s'est créé lui-même ». Là est peut être une des bases de la société apprenante. Place aux millénnials et aux nouvelles générations qui savent déjà que quelles que soient leurs formations initiales, l’obligation d’apprendre sera leurs lots et qu’ils seront plus jugés sur ce qu’ils réaliseront que sur ce qu’ils sont.
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institut présaje
2018-04-01
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[ "michel rouger" ]
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COMMENT S'EN SORTIR ?
# Comment s'en sortir ? C'est la question posée à la majorité des Français, tiraillés entre la réforme et le refus, dans une période qui cumule les jacqueries féodales, les frondes royales, les grognes napoléoniennes et les légitimes revendications de la « Sociale ». Alors que le travail, qui se transforme, très vite, exigerait qu’on l’organise et le valorise plutôt qu’on le refuse. Jeunes ou moins jeunes, ceux qui ne vivent que de leur travail, sont bien obligés de répondre à la question avant de la rejeter en cherchant à se mettre à la charge de l’Etat. Ceux qui se sont exprimés dans la précédente lettre, avec leurs formations permanentes et collectives comme ceux qui, dans celle-ci, s’engagent, avec leurs moyens, pour « s’en sortir » montrent qu’ils s’adaptent aux réalités. Au début de la vie professionnelle, comme dans le renouveau d'une suivante, à chaque fois, le maçon est au pied de son mur. La manière de s'en sortir ne dépend que de lui. Je l’ai appris il y a 75 ans, et à plusieurs reprises par la suite, encore tout récemment. Tout tient à la volonté personnelle de s’en sortir car rien n’est jamais gagné. Dans la France rurale et coloniale, 1930-1950, c’était la famille qui permettait de s’en sortir, soit en préparant et installant le successeur soit en ne le retenant pas. Dans celle urbanisée et étatisée des années 1960-1970, c‘était l’Etat autoritaire qui nourrissait en assurant la promotion sociale. Dans la France déclinante de 1980-1990 ce fut l’Etat providence, à crédit. Dans la mondialisée de 2000-2010 c’est l’individu qui doit s’en charger. Les jeunes Français, qu’ils soient au pied de leur mur, ou à mi hauteur commencent à le comprendre dans un pays qui s’attarde dans le passé comme il l’a déjà fait, pour son malheur. Jusqu’à enfermer sa jeunesse, aujourd’hui, dans cette « assignation à résidence » éducative, culturelle, productive et sociologique dénoncée dans le super débat du 15 avril entre deux prises de catch médiatico politique. Il y a un mois j’ai retrouvé un de mes copains de l’école primaire de 1938 perdu de vue depuis le stade de foot en 1941 – 77 ans, un sacré bail. Nous sommes partis sur la même ligne, avec les mêmes moyens, lui avec des chaines aux pieds. Il a été victime de cet enfermement malgré une courte scolarité remarquable qui lui a permis d’écrire un bel ouvrage à 85 ans. Ouvrier cordonnier avec son père 1942 – 1963, employé EDF 1964 -1984, dans une sous préfecture économiquement ruinée, retraité depuis 34 ans. Chacun comprendra pourquoi je voudrais tant aider ceux qui veulent « s’en sortir ».
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institut présaje
2018-04-01
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[ "pierre-alexandre petit" ]
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SORTIR DU CADRE DE SA FORMATION, FAIRE LE CHOIX DE L'HORIZONTALITÉ
# Sortir du Cadre de sa Formation, Faire le choix de l'Horizontalité A l’heure de l’hyperspécialisation dès les bancs de l’école, la “post-formation” apparait comme un passage obligé, d’une part pour mieux se préparer aux évolutions technologiques et comportementales de plus en plus rapides mais surtout pour se garantir un certain niveau d’épanouissement personnel tout au long de carrières qui s’étendront sur plus de 45 ans. Mise à part la caste – désormais rare – des entrepreneurs n’ayant jamais eu d’expérience en tant que salarié en entreprise, agence ou cabinet, la majorité des individus diplômés aujourd’hui a suivi un curriculum en « entonnoir » les poussant souvent inconsciemment à se spécialiser dans un secteur et/ou une compétence très précise. La spécialisation répond à un objectif d’employabilité immédiate, et les systèmes éducatifs semblent avoir été organisés afin de permettre à chacun de trouver un domaine d’expertise, une niche, dans laquelle il ou elle pourra être utile et autonome (et être rémunéré en conséquence) à défaut de s’y épanouir. Ce système trouve probablement son fondement dans la théorie économique classique : dans les Recherches sur la Nature et les Causes de la Richesse Des Nations (1776), Adam Smith expliquait notamment que, sous réserve d’accumulation de capital suffisant, l’amélioration de la productivité du travail dépendrait de sa division, ouvrant la porte à la spécialisation des individus comme le moyen nécessaire au succès économique de la société Or, même dans le cadre de sociétés autrement moins complexes qu’aujourd’hui – et alors que l’espérance de vie était inférieure à la durée sur laquelle une carrière s’étend de nos jours – Smith avait identifié un effet néfaste de l’hyperspécialisation. Il énonçait notamment que la répétition de tâches ne permettait pas à l’individu de développer son intelligence ni d'exercer son imagination et le mettait donc à risque de perdre naturellement l'habitude de déployer ces facultés. Depuis le 18e siècle, des révolutions technologiques majeures et une organisation du travail nouvelle avec une spécialisation accrue dans tous les secteurs ont permis au capital de s’accumuler et à la productivité de significativement augmenter. Il fait peu de doutes que l’organisation contemporaine du travail a joué un rôle essentiel dans prospérité à long terme de la société. A l’échelle de l’individu, la spécialisation semble aussi avoir un effet bénéfique sur le court ou moyen terme en apportant la satisfaction d’être reconnu comme une référence dans un domaine précis. Mais dans la mesure où les structures hiérarchiques pyramidales sont devenues la norme – surtout dans les grands groupes dont les rangs sont nourris chaque année par des promotions entières d’élèves issus de grandes écoles – la spécialisation finit par limiter les perspectives de carrière car seuls certains éléments peuvent évoluer verticalement. Il existe donc une réelle opportunité d’horizontalité, c’est-à-dire d’acquisition de nouvelles compétences nécessaires à une évolution transversale et suffisantes à un épanouissement personnel. Peu de gens en saisissent la nécessité mais beaucoup semblent en ressentir le besoin, du moins parmi les salariés qui, comme moi, répondent à la définition de cadre issu d’école de commerce ayant commencé à travailler il y a 5 à 10 ans et vivant dans un grand centre urbain. Chez cette catégorie d’actifs, le besoin d’horizontalité, qui se traduit parfois par une reconversion en tant que commerçant ou artisan, fait de plus en plus l’objet d’analyses^(1)^. Mais au-delà de la quête de sens et de l’envie irrépressible de produire quelque chose de ses mains, la nécessité d’acquérir des compétences multiples apparait comme un enjeu majeur pour une génération d’individus dont le seul actif est un cerveau programmé et qui vont devoir faire face à l’émergence de l’intelligence artificielle. Il devient en effet de plus en plus probable que nous soyons les témoins dans un avenir relativement proche (5-10 ans) d’une nouvelle révolution « industrielle » reposant sur des machines capables de traiter des volumes d’information à des vitesses infiniment supérieures au cerveau humain et capables d’apprendre à faire de meilleurs choix que nous. A l’image de ce qui s’est passé lors de la seconde révolution industrielle, quand les ouvriers ont été mis en concurrence avec des machines d’une productivité bien supérieure, les cadres soutiendront difficilement la comparaison quand les réseaux neuronaux seront mis à disposition de toutes les entreprises. Or, dans un premier temps, chacune de ces machines sera spécialisée dans un petit nombre de tâches, dans un secteur donné ou pour une entreprise spécifique. Il ne semble pas envisageable à moyen terme de voir la même machine maitriser plusieurs compétences qui, prises individuellement, sont pourtant déjà à la portée de l’intelligence artificielle (par exemple cumuler l’optimisation logistique, la traduction en plusieurs langues, l’écriture d’articles de presse et la composition musicale). Ce n’est certainement qu’une question de temps mais, dans ce contexte, la maitrise de plusieurs compétences ne serait plus seulement un enjeu de développement personnel mais aussi un avantage concurrentiel indéniable. A titre personnel, ce ne sont ni l’overdose d’open-spaces, ni l’analyse des grandes tendances dans la Tech, qui ont motivé la recherche constante d’horizontalité, mais plutôt une grande curiosité. Ces opportunités horizontales, j’essaie de les saisir à travers des expériences diverses à l’étranger et par l’acquisition de compétences complémentaires à mon métier, voire totalement nouvelles dans des secteurs adjacents. Depuis que j’ai débuté ma carrière il y a une petite dizaine d’années (dont plus de la moitié à l’étranger entre les Pays-Bas, les Etats-Unis et désormais avec Londres comme point de base), cette démarche a pu prendre des formes aussi variées que l’obtention d’un diplôme international d’analyse financière, de l’apprentissage de différents langages informatiques, de la pratique de nouveaux sports ou de recherches dans des domaines scientifiques divers et variés^(2)^. Lorsqu’il s’agit de compétences purement techniques, se former seul est relativement simple, notamment depuis l’avènement d’internet mettant à disposition toutes sortes de sites, articles, vidéos, tutoriels... A l’autre bout du spectre des défis intellectuels se trouve l’acquisition de nouvelles méthodes de réflexion ; l’articulation de nouveaux langages ou concepts. Pour cela, vivre (et travailler) à l’étranger est probablement la meilleure des écoles car cela impose d’exercer quotidiennement la flexibilité de son raisonnement en se confrontant souvent à des individus pour lesquels la notion de « normal », voire « oui » et « non », peuvent avoir une signification très différente de la nôtre. L’un des aspects les plus enrichissants de ce type de démarche est que « réussir » n’est pas synonyme de « vaincre » mais simplement de « comprendre » quelque chose, quelqu’un, parfois soi-même. Et là où il n’y a pas de compétition, il y a souvent des mains tendues. Enfin « réussir » dans ce type de situations n’exige qu’une seule chose : accepter les moments de flottement, les tâtonnements et les approximations qui jalonnent le chemin. Sortir de sa zone de confort permet d’exercer son intelligence et son imagination et contribue à améliorer sa compréhension des choses qui nous entourent en appréhendant chaque jour un peu mieux la façon dont elles fonctionnent. Et accessoirement, cela permet d’ajouter une corde à son arc. A force d’ajouter des cordes à mon arc, il finira par ressembler à une harpe. Il sera alors temps de se lancer dans un nouveau défi et d’apprendre la musique. ------------------------------- (1) voir sur Youtube l’émission web Turfu Express : la Révolte des Premiers de la Classe (2) l’une de mes sources d’inspiration récentes pour tous sujets scientifiques et défis mathématiques: www.quantamagazine.org
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institut présaje
2018-03-01
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[ "marie compere" ]
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FORMATION PROFESSIONNELLE CONTINUE ET NOUVEAUX DÉFIS : ENJEUX POUR LES PROFESSIONNELS DU MONDE JUDICIAIRE
# Formation Professionnelle Continue et nouveaux défis : enjeux pour les professionnels du monde judiciaire Au visa notamment de l’article 14 de la Charte des droits fondamentaux selon lequel « toute personne a droit à l'éducation, ainsi qu'à l'accès à la formation professionnelle et continue »^(1)^, les États membres de l’Union européenne, la France la première, réfléchissent à ce sujet qui prend une tournure particulière lorsque l’on s’adresse aux professionnels du monde judiciaire. Prenons l’exemple du magistrat. C’est un professionnel qui, à la suite d’une sélection et d’une formation dédiées, doit a priori être en mesure de délivrer un savoir-faire^(2)^ et être doté d’un savoir-être^(3)^à ce point spécifiques que ses prérogatives lui sont conférées par la loi et ses décisions susceptibles d'être exécutées par la force publique. Rappelons la technicité que requiert l’exercice de cette profession aux mille fonctions. Sont ainsi déterminés les enjeux de la formation professionnelle du magistrat, qu’il exerce ou non en juridiction, quelle que soit sa situation hiérarchique, et qui fait le choix d’assumer au quotidien une responsabilité singulière, aux yeux de tous, aux siens en premier. Dans son discours aux auditeurs de justice de la promotion 2018^(4)^, Olivier Leurent, magistrat et directeur de l’École nationale de la magistrature, rappelait ainsi ces fondamentaux qui poursuivent le magistrat tout au long de sa carrière : « Vous le savez, par l’interprétation qu’il fait de la Loi, le magistrat est source de droit et, à ce titre, il participe à la définition du bien commun, avec pour seule légitimité, sa compétence et son éthique. » L’humilité à laquelle cette profession oblige requiert aujourd’hui de la part du magistrat, mais aussi des instances au nom de qui il exerce, du temps de formation. C’est sans doute le défi oublié aujourd’hui, dans un contexte rarement favorable au plein effectif et aux piles de dossiers raisonnables. La France est, hélas, l’un des pays les plus mal lotis à ce sujet. L’entier soutien hiérarchique est, dans cette situation, parfois moins enthousiaste à faire respecter de jure et de facto ce droit à la formation qui est aussi une obligation^(5)^. Il y va pourtant de la recherche constante de l’amélioration de la qualité des décisions et de la nécessaire respiration du magistrat, dont on rappelle utilement qu’il est de surcroît le formateur de ses pairs. Il faut du temps pour s’approprier et consolider son habitus juridique, alors qu’évolue la règle, se développent de nouveaux contentieux qui changent les méthodes de travail. Le renouvellement de son métier et celui de ses collaborateurs, la nécessité de disposer d’outils adaptés aux sujets qu’il a la charge d’instruire ne peuvent pas plus être occultés. L’adoption et le respect de standards européens transcendant les systèmes nationaux, l’acculturation à l’autre, quel qu’il soit, au-delà de la barrière de la langue et du système juridique sollicité, sont encore des défis auxquels il est quotidiennement confronté. Cet habitus peut du reste évoluer : un détachement, une mise à disposition dans une instance autre qu’une juridiction, la nomination au sein d’un futur parquet européen ou dans une juridiction pénale internationale sont autant d’exemples obligeant le magistrat à découvrir, voire à créer de nouveaux paradigmes, parfois plus encore qu’en changeant de fonction au sein de son système national. L’un des défis les plus prégnants aujourd’hui est encore la diversité des professionnels de justice à former ainsi que l’exploitation des compétences^(6)^ de ceux qui embrassent ces métiers : 30 % des auditeurs de justice (magistrats en formation) de la promotion 2018 ont ainsi eu un parcours professionnel antérieur avant d’intégrer l’ENM et ce mouvement va croissant ; 8 089 nouveaux conseillers prud'hommes français (juges élus parmi des employeurs, salariés, retraités ou demandeurs d’emploi) y recevront une formation initiale jusqu'en avril 2019 ; près de 6 000 magistrats et professionnels du monde judiciaire étrangers (européens et non européens)^(7)^ ont également bénéficié d’une action de formation, quel que soit le système juridique concerné. La coopération, ou la technicité de certains contentieux suppose un langage qui transcende les règles nationales et les fonctions - d’où la diversité des intervenants sollicités et parfois le mélange des publics, afin de délivrer une formation de qualité. Le point culminant de ces défis de la formation ? Sa nécessaire professionnalisation. C’est la place première et évidente des instituts de formation judiciaires nationaux qui, à l’instar de l’ENM^(8)^, se doivent d’être bien autre chose que des académies, mais bien des écoles d’application. L’anticipation et l’émulation constantes ainsi que la recherche de méthodes pédagogiques les plus pertinentes sont certaines des clés que l’on retrouve, par exemple, au sein du Réseau européen de formation judiciaire^(9)^(REFJ) que l’ENM a contribué à créer en 2000. Cette évidence doit être constamment défendue. C’est ainsi que le 8 novembre 2017, les membres de l’Organisation internationale pour la formation judiciaire (IOJT), composée de 129 institutions de formation judiciaire représentant 79 pays, ont adopté à l’unanimité la Déclaration des principes de la formation judiciaire^(10)^. Cette déclaration - portée initialement par l’ENM - affirme le principe selon lequel « La formation judiciaire est essentielle pour garantir un haut niveau de compétence et de performance. La formation judiciaire joue un rôle fondamental pour garantir l’indépendance de la justice, l’État de droit et la protection des droits de tous » (art. 1er). Cette déclaration doit se traduire quotidiennement et de la manière la plus efficiente pour chacun de ceux qui, en conscience, exercent une profession qu’ils ont eux-mêmes choisie. ------------------------------- (1) De manière plus générale, cf. le rapport du parlement européen sur « Une nouvelle stratégie en matière de compétence pour l’Europe » http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-//EP//NONSGML+REPORT+A8-2017-0276+0+DOC+PDF+V0//FR (2) http://www.enm.justice.fr/?q=Pedagogie-ENM (3) Il doit œuvrer en application de principes notamment rappelés dans le Recueil des obligations déontologiques des magistrats publié en 2010 par le Conseil supérieur de la magistrature français : l’indépendance, l’impartialité, l’intégrité, la légalité, l’attention à autrui, et l’obligation de discrétion et de réserve http://www.conseil-superieur-magistrature.fr/sites/default/files/atoms/files/recueil_des_obligations_deontologiques_des_magistrats_fr.pdf (4) http://www.enm.justice.fr/sites/default/files/kiosque/Discours-OL-Accueil-Promotion-ADJ-2018.pdf (5) En France, ce droit à la formation continue pour le magistrat est acquis depuis le décret du 4 mai 1972, mais n’est une obligation que depuis le 1er janvier 2008 (à raison de 5 jours par an). (6) http://www.enm.justice.fr/?q=actu-05fevrier2018_La-lettre-ENM-info-49-reconversion-dans-la-magistrature (7) La magistrature française regroupe environ 8000 magistrats. On s’étonnera de l’absence de données précises du rapport annuel rendu par le ministère de la justice http://www.justice.gouv.fr/art_pix/stat_Chiffres%20Cl%E9s%202017.pdf (8) L’ENM est ainsi régulièrement sollicitée lors de la création et le renforcement d’instituts de formation et s’inspire des modèles étrangers. (9) http://www.ejtn.eu/fr/ (10) http://www.enm.justice.fr/?q=actu-08novembre2017_Declaration-mondiale-des-principes-de-la-formation-judiciaire
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institut présaje
2018-03-01
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[ "jean petit" ]
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SISYPHE MÉDECIN, OU LA QUADRATURE D'UN CERCLE VERTUEUX
# Sisyphe médecin, ou la quadrature d'un cercle vertueux Les médecins et les autres professionnels de santé sont confrontés, depuis la fin du XXème siècle et dans tous les pays développés, à une accélération de l’évolution des connaissances et des conditions d’exercice de leurs métiers. Dans ce contexte d’obsolescence rapide, le maintien de leurs compétences est devenu un enjeu majeur. Le XXème siècle a été marqué par les premiers réels progrès de la médecine, la lutte contre les maladies infectieuses, l’essor de la chirurgie, ou les premières améliorations du pronostic des affections coronariennes, vasculaires cérébrales et en cancérologie. La médecine est alors un exercice principalement solitaire, parfois qualifié d’art, mais elle est devenue efficace. Le médecin, qui a acquis pendant plus de 10 ans une somme considérable de connaissances peu évolutives, devient un professionnel respectable et réputé infaillible. Les années 80s marquent un tournant. Le nombre des travaux de recherche explose, suivi par celui des publications, parfois entachées de conflits d’intérêt, voire de fraudes. Des Agences d’Etat, telles que le National Institute for Clinical Excellence (NICE) en Grande Bretagne et l’institution qui préfigure la Haute Autorité de Santé (HAS) en France, développent des « Références médicales » ou des « Recommandations pour la Pratique Clinique » qui constituent des synthèses issues d’un processus rigoureux de validation de l’état de la science à un moment donné. Toutes les « Sociétés Savantes » de spécialités médicales développent également des recommandations à l’intention de leurs adhérents voire des patients. L’accroissement du volume des connaissances est si rapide que de nombreuses spécialités médicales, telles que la pédiatrie, la cardiologie ou la cancérologie doivent développer des « surspécialités ». Il est communément admis aujourd’hui que le délai au terme duquel la moitié des connaissances des médecins et des paramédicaux sont obsolètes et doivent être profondément actualisées varie entre 3 et 5 ans selon les domaines d’exercice^(1)^. Chacun se réjouira, bien sûr, des progrès sous-tendus pour les patients. Mais ces progrès supposent une mise en conformité des pratiques professionnelles, ce qui n’est pas la moindre des difficultés dans un environnement réticent au changement. L’obsolescence des compétences ne concerne pas uniquement les connaissances relatives aux pratiques de prévention, de diagnostic ou de traitement. Les progrès médicaux, la montée en puissance des questions économiques, le vieillissement de la population et l’accroissement des malades chroniques et le développement des démarches qualité ont entrainé de profondes modifications dans l’organisation des soins. L’accélération des prises en charge et le développement de l’ambulatoire en ont été les premières conséquences ; suivra dans les prochaines années la définition d’un « parcours » de soins doté de modalités financières spécifiques pour les patients porteurs de maladies chroniques. Les aspirations des usagers à être acteurs de leur santé constituent une autre évolution majeure et récente pour la pratique des professionnels de santé. Regroupés dans une structure puissante (France Assos Santé, créée en 2017, est forte de 76 associations nationales militant pour les droits des patients et des usagers^(2)^), les patients – usagers – clients ont imposé l’abandon du paternalisme médical et la généralisation des décisions partagées entre médecins et malades. Parallèlement, de nouvelles modalités de travail se sont imposées. En milieu hospitalier, mais aussi en médecine de ville et dans les établissements pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), l’exercice solitaire a laissé la place à des soins coordonnés en équipe pluri disciplinaire et pluri professionnelle. Ainsi pour la prise en charge d’un patient porteur d’une tumeur cancéreuse, une décision concertée pluridisciplinaire établie sur la base des recommandations en vigueur sera proposée au patient en vue d’établir un plan personnalisé de soins. Outre le médecin généraliste, cancérologues, chirurgiens, anesthésistes, radiothérapeutes et radiologues, biologistes, voire cardiologues, pneumologues, gériatres… pourront être mobilisés, de même que les infirmières, kinésithérapeutes, diététiciens, onco-psychologues et bien d’autres… Face à ces évolutions, le socle des connaissances fournies par la formation initiale, pour indispensable qu’il soit, est très vite fragilisé. Au-delà des connaissances fondamentales – en règle peu évolutives – et de l’état de la science durant sa période de formation, le futur professionnel de santé doit d’emblée apprendre à s’insérer dans un environnement instable et à remettre en cause ses compétences tout au long de sa vie. Ce que ses maîtres n’ont parfois pas eu à faire, du moins dans les mêmes proportions. Il s’agit évidemment d’une exigence éthique pour chacun. Cependant l’Etat, garant des meilleurs soins et informé de la pertinence parfois discutable de certains d’entre eux, ne pouvait s’exonérer de la mission de promouvoir et de contrôler le maintien des compétences des professionnels de santé. Initiée en 2004, révisée en 2009 puis en 2016, la démarche s’est avérée complexe. Elle se développe progressivement. Elle repose sur une procédure obligatoire pour tous les professionnels de santé, dont l’objectif est de maintenir leurs compétences, à titre individuel et au sein de leurs équipes, afin de garantir la qualité et la sécurité des soins^(3)^. Dénommée « Développement Professionnel Continu » (DPC)^(4)^, cette procédure repose sur des actions de formation, des actions d’amélioration des pratiques professionnelles et des actions de gestion et prévention des risques. L’obligation est triennale, elle est satisfaite par la participation documentée à deux actions au minimum, dont l’une au moins doit répondre à des objectifs nationaux définis par voie règlementaire. L’organisation du dispositif est confiée à une Agence nationale du DPC , et les modalités de son financement sont établies. Parallèlement, le Ministère de la Santé et des Solidarités et le Ministère de l’Enseignement Supérieur ont engagé en 2017 la conception d’un dispositif de « re-certification » des médecins, puis des autres catégories de professionnels de santé^(5)^. La re-certification est une procédure adoptée par de nombreux pays pour garantir aux citoyens les soins les plus pertinents. En France, elle est soutenue par l’Ordre des Médecins. Ces démarches devront intégrer les évolutions issues des nouvelles technologies de l’information et de la communication, telles que la robotisation, l’intelligence artificielle et les différents modes de télémédecine, qui sont appelées à bouleverser l’exercice des métiers de la santé. ------------------------------- (1) Le turn-over infernal de l’innovation médicale. La durée de validité des recommandations médicales ne dépasse plus 5 ans. R. Amalberti, Association Nationale pour la Prévention du Risque Médical (https://www.prevention-medicale.org/Actualites-et-revues-de-presse/Toutes-les-actualites/turn-over-innovation-medicale ) (2) http://www.france-assos-sante.org (3) Code de la Santé Publique, Article L4021-1 (4) https://www.agencedpc.fr (5) http://solidarites-sante.gouv.fr/actualites/presse/communiques-de-presse/article/reunion-avec-les-membres-de-la-mission-recertification
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institut présaje
2018-10-01
1
[ "thomas cassuto" ]
1,614
LA VALEUR DE L'HOMME À L'ÉPREUVE DE L'ÉGALITARISME
# La valeur de l'homme à l'épreuve de l'égalitarisme "Homo sapiens sapiens est mortuus. Vivat homo sapiens augeri"^(1)^ Les chantres de l’humanité augmentée se sont éveillés à la lueur de l’intelligence artificielle naissante. Ils succèdent à des courants successifs de pensée à l’affût de l’épiphanie d’une nouvelle humanité. Ces apôtres modernes idéalisent la machine dépassant l’être humain, s’y substituant dans toutes les tâches de la vie courante. Ces néo-modernistes s’émerveillent d’un humanoïde dont la personnalité vient à être prolongée par la machine. A l’opposé, les tenants d’un égalitarisme social humaniste sont entrés en résistance. Ils voient dans la notion d’humanité augmentée la remise en cause de l’article 1er de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen « les hommes naissent et demeurent égaux en droits ». Affirmer que la réalité est ailleurs garantirait sans doute de ne pas être entendu. Et pourtant. Il est un principe darwinien universel que l’homme évolue en permanence. Les facteurs, le rythme et la direction de cette évolution varie sans réel déterminisme ou prédictibilité. Au premier rang des facteurs, figure le développement de la connaissance, puis de la santé et enfin de l’adaptation biologique à l’environnement. En effet, c’est l’esprit sain qui commande l’être. À tel point que l’environnement est asservi à l’homme, jusqu’à épuisement, pour satisfaire des désirs immédiats quitte à sacrifier les générations futurs. La puissance de la connaissance se traduit concrètement par le fait que la diffusion du progrès, hier par les livres, aujourd’hui par les réseaux numériques, augmente les capacités cognitives. Le développement de la médecine et de la génétique contrecarre la sélection naturelle au profit d’une sélection utilitariste mi-eugéniste^(2)^, mi-édoniste. Le développement de la robotique ouvre la voie aux exosquelettes. Enfin, l’intelligence artificielle suggère la possibilité de transcender les capacités cognitives pour penser plus vite, plus large et plus loin. Il y a pourtant un leurre. L’esprit humain reste l’étalon de toute chose, pour le meilleur et pour le pire. Ainsi, seul l’esprit humain peut donner un sens et une valeur à l’humanité. L’humanité augmentée suggère que demain tous les maux seront terrassés. Il est séduisant d’annoncer la fin de la mort ou de la maladie. Il s’agit bien sûr d’une utopie, même si les progrès réalisés en un siècle créent une illusion de réalisme. Deux formes d’humanité risquent de coexister. Celle augmentée qui tendra à s’affranchir des limites physiques et psychiques du commun des mortels. L’autre, démunie, qui s’en remettrait à sa nature propre. Dans un tel contexte de confrontation industrialo-sociétale, quelle serait la portée rémanente du principe d’égalité? Nous sommes en présence d’une double rupture technologique. L’intelligence artificielle et les nouvelles technologies transforment les activités humaines. L’individu pourra de moins en moins conserver sa posture d’opérateur économique sans intégrer les capacités de ces énièmes nouvelles technologies. Le coût de cette augmentation est susceptible de créer de nouvelles formes d’inégalité. Les considérations éthiques et bioéthiques pourraient constituer un frein à l’avènement d’une nouvelle organisation sécuritaire du monde où le soldat serait remplacé par la machine garantissant de manière inédite une suprématie stratégique de la puissance industrielle dans les rapports de force. Demain, la puissance se mesurera dans le nombre de robots militaires, la puissance des réseaux qui les commandes et le potentiel réel de modernisation de l’ensemble. A l’échelle du village planétaire, au nom de l’égalité entre les hommes, nous avons la capacité soit de rejeter ces évolutions, et, dans le même temps de provoquer et d’accentuer un retard par rapport aux développements des autres puissances économies existantes ou émergentes qui ne s’embarrassent de considérations (remords, réserves, préventions, d’inhibition d’origine) humanistes. Nous avons également la possibilité de nous approprier et d’être acteur de ce progrès afin d’en fixer les règles. La protection des données personnelles illustre le rapport de force entre les acteurs du big data face auxquels l’Europe fait figure de nain et la volonté farouche de conserver une souveraineté et un contrôle de ce nouvel or noir. La construction du droit est un puissant révélateur de ce rapport de force^(3)^. Ainsi, nous disposons encore de la possibilité de définir un cap pour le développement raisonné et rationnel de ces technologies au service de l’ensemble des citoyens. À cet égard, l’exemple des biotechnologies, révolution industrielle des années 90 est illustratif. La société ne peut rejeter en bloc ces évolutions sauf à s’extraire du sens de l’histoire qui pousse l’homme à rechercher le progrès et lui impose d’en suivre la voie quelle qu’en soit l’issue... La controverse existe et ne cesse de s’amplifier moins pour des raisons idéologiques que du fait d’une quête asymétrique de médiatisation. Il est un fait que la vulgarisation des enjeux de ces tendances est de nature à attirer l’attention, à secouer les opinions et à donner un coup d’avance à ceux qui auront porté en premier ces idées. Ce débat présente plusieurs mérites, notamment celui de nous obliger à réfléchir aux impacts sociétaux futurs et sur la perception de la transformation de l’humanité à l’aune du principe d’égalité. Ainsi, demain, confrontée à des systèmes politico-économiques qui soumettent l’égalité au prima de la quête de puissance planétaire, l’Union européenne n’aura d’autre choix de renforcer ces liens afin de préserver à la fois son modèle de primauté des droits fondamentaux qui n’a de valeur que pour autant qu’elle préserve sa prééminence et son avenir économique. Au demeurant, une telle ambition sera nécessairement mise à l’épreuve par le rapport des forces démographiques. La conscience aiguë que la société européenne a d’elle-même risque d’être disqualifiée par son impossibilité à modéliser une révolution écologique qui interromprait la dérive suicidaire de la surexploitation des ressources. Seul un multilatéralisme qui semble avoir vécu et qui s’ouvre sur une grande parenthèse, serait à même de se focaliser sur les grands intérêts collectifs venant primer sur les aspirations consuméristes alimentées par une fuite en avant technologique. Loin de libérer l’homme, l’intelligence artificielle pourrait venir l’asservir en faisant primer le principe « technology is beautiful ». A l’opposé, l’égalitarisme viendrait nier que la science peut offrir à l’homme des capacités à même de transcender l’évolution naturelle de l’espèce humaine. Les risques sont multiples. Ils concernent moins le remplacement de l’homme par la machine que la disqualification de l’homme dans de nombreuses tâches, y compris à haute valeur ajoutée^(4)^. Le danger que nous entrevoyons concerne plus globalement le modèle sociétal fondé sur une collectivité d’individus unis par la recherche d’un progrès dédié au bien-être ou pour certains au bonheur. La quête technologique devient une fin et non plus un moyen au service de l’homme. Le parallèle avec le sport est ici saisissant. La recherche de la performance à tout prix au service d’un spectacle planétaire prime sur l’accomplissement humain et l’épanouissement. Le rapport à la nature et à l’environnement s’en trouve d’autant plus affecté que la quête technologique engendre un épuisement accéléré des ressources pour alimenter un marché mondial conditionné par la sa croissance démographique. Le réel défi posé par l’intelligence artificielle réside dans la capacité de nos sociétés à maintenir l’homme, dans sa singularité, au cœur du contrat social. L’accès à l’humanité augmentée révélera une autre forme de discrimination par le cens. Mais il est plus que probable que cette évolution ne garantira ni le bonheur ni la réussite individuelle. Nous pouvons en effet prédire que l’épanouissement individuel, cosubstantiel de l’humanité, sera indépendant de l’homme augmenté. Il est illusoire, pour encore un certain temps au moins, de croire en une éthique autonome de l’algorithme^(5)^. Pour autant, les technologies d’augmentations de l’être humain vont s’imposer pour deux raisons décisive. Elles répondent à un besoin sinon une nécessité de remédier aux imperfections, insuffisances ou accidents de la vie. C’est le cas notamment des bioprothèses associées au système nerveux central. Elles permettent également d’amplifier les capacités cognitives. Ainsi, prêcher l’égalitarisme serait une erreur en ce qu’elle priverait une génération de rester dans le jeu de la concurrence mondialisée, à condition de conserver une capacité critique, c’est-à-dire de préserver un débat démocratique sur les grandes transformations sociétales. Les orientations bioéthiques des 25 dernières années démontrent que l’homme n’est pas près de renoncer au progrès lorsqu’il y décèle l’opportunité de satisfaire à ces désirs. Quand bien même, l’affirmation du droit au désir mettrait en échec le principe d’égalité au sens du droit naturel. Les hommes naissent égaux en droit. Par leur travail et leurs compétences acquises, ils se différencient les uns des autres sans que ne soit remise en cause l’égalité dans l’exercice des droits. ## CONCLUSION L’irrigation de l’ensemble des activités sociétales par l’intelligence artificielle, fut-elle faible, n’est pas de nature, à moyen terme, à modifier les rapports entre les hommes et les machines. La substitution de l’homme par la machine manifeste le propre de la révolution industrielle depuis plus de deux siècles. De fait, seul l’homme peut qualifier une machine ou un processus d’intelligent, quand bien même ce processus aurait été programmé par lui-même. En revanche, cette irrigation envahissante hors cadre normatif structuré impose à l’homme de s’adapter au mieux et au plus vite à ces technologies. Le défi sera double : définir un cadre universellement acceptable au développement de la technologie et former l’homme à se l’approprier au mieux de ses intérêts. Ainsi, le principe d’égalité pourra se mesure à l’aune de l’accès à la connaissance et non dans le pouvoir économique de l’accès à la technologie. (1) Homo sapiens sapiens est mort. Vive homo sapiens augmenté. (2) Entendu ici au sens d’amélioration de la santé publique. (3) Thomas Cassuto « Droit et intelligence artificielle » actualité juridique Dalloz 14 mars 2018. (4) Thomas Cassuto « La justice à l’épreuve de sa prédictibilité » AJ Pénal Dalloz, juillet-août 2017 pp. 335. (5) Thomas Cassuto « Justice et intelligence artificielle » Revue l’ENA juin 2018, n° 481 pp. 35.
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institut présaje
2018-03-01
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[ "thomas cassuto" ]
1,244
LA FORMATION PROFESSIONNELLE EN DROIT, UN BESOIN EXISTENTIEL
# La formation professionnelle en droit, un besoin existentiel 60 ans d’Union européenne. 50 ans d’arrêt Van Gend En Loos. Les anniversaires ne sont pas seulement l’occasion de festivités. La remémoration importe d’autant plus qu’elle fait le lien avec le présent et ouvre sur le futur. L’histoire des institutions européennes repose, bien sûr, sur ses origines dramatiques. Elle décrit, surtout, la construction inédite d’un espace politique s’intégrant progressivement par des transferts de souveraineté réalisé dans l’intérêt commun des citoyens. Elle postule, à juste titre, qu’en dehors de l’Union, point de salut pour les États et leurs citoyens. Pourquoi l’Europe, sinon pour rechercher la paix et le progrès pour tous ? Quel meilleur vecteur de progrès que la confrontation des idées, des connaissances, des recherches et bien sûr des talents à travers la formation ? L’union européenne promeut la formation professionnelle car elle est essentielle à sa prospérité, au développement des compétences de ses salariés et au renforcement de sa compétitivité. Encore nous faut-il faire évoluer la formation professionnelle. ## 1- La formation professionnelle juridique au cœur de l’Union européenne Revenons au droit. Les articles 81 et 82 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) consacrent la formation judiciaire comme principe fondamental du renforcement de la coopération judiciaire L’intégration européenne est le fruit d’une ambition politique. Elle est le résultat d’une audace juridique rarement égalée. En effet, sans la Cour de justice, point de primauté du droit communautaire ni d’effet direct. Or, il s’agit des deux mécanismes essentiels de la construction du droit européen dans sa réalité pratique quotidienne. Sauf que, souvent, les juristes font du droit communautaire sans véritablement en avoir conscience. Et pour cause, la loi nationale constitue toujours un écran. Le juge comme l’avocat se réfèrent à la loi nationale supposée transposer le droit européen. L’invocation du droit communautaire est marginale et souvent considérée comme suspecte. Surtout lorsqu’il s’agit de remettre en cause la sacro-sainte norme nationale. Ceci pour démontrer l’importance de la formation et de l’expérience, à titre professionnel, du droit communautaire. Cette expérience permet aux praticiens, au juge national en particulier – juge naturel du droit communautaire – de s’approprier le droit communautaire à l’origine d’un nombre croissant de normes et de jurisprudences nationales. La formation par la confrontation aux institutions européennes permet d’appréhender concrètement leur fonctionnement, les atouts d’un pluralisme politique, économique, culturel et linguistique. Elle permet également d’y découvrir des méthodes de travail qui s’imprègnent des expériences collectives et individuelles de 28 pays. Le creuset européen permet de faire émerger des talents et des compétences qui apportent au pot commun l’excellence de l’expérience nationale qui se confronte à des réalités plurielles. Ce creuset permet de démultiplier les potentiels individuels au service d’un réel progrès commun y compris dans les domaines du droit. À l’heure de la surinformation synonyme d’hyper-ignorance, il devient évident que l’on ne peut mieux réfléchir et construire qu’à plusieurs. C’est le cas dans les administrations et les entités économiques nationales. C’est encore plus le cas dans la sphère juridique européenne et internationale. ## 2- L’expérience renouvelée de la formation Encore faut-il que cette expérience puisse être partagée. Car, quelle valeur donner à la formation si elle est déconnectée d’une réalité qui évolue plus rapidement que les cycles longs de formation ? Quelle est la pertinence d’un enseignement qui se fixe pour objectif de transmettre un savoir à un instant T, la loi, la jurisprudence, si les données brutes transmises ont cessé d’être pertinentes à la fin de cet enseignement ? C’est bien le sens de la formation professionnelle continue qui est une démarche à double sens : favoriser le partage du retour d’expérience et se former pour former en retour afin répondre aux défis sociétaux à venir. Il est donc nécessaire d’encourager la recherche en lui associant des professionnels. La société est sujette à des mutations à vélocité croissante. Le monde du droit n’y échappe pas et ce, malgré sa tradition conservatrice inhérente à la nécessaire notion de sécurité juridique. La mondialisation du droit et l’invasion de l’intelligence artificielle constituent deux des principales composantes de ces mutations. Afin de ne pas répéter certains errements observés au cours des années 1990 avec l’informatisation et la mutation de la bureautique, il est nécessaire pour le monde du droit de se former aux nouveaux outils. Cette nécessité s’impose également pour anticiper les nouvelles formes de criminalité qui commencent à émerger par l’exploitation de ces nouvelles technologies. ## 3- Les principes directeurs de la formation professionnelle La formation professionnelle, initiale et continue, doit répondre au défi des changements d’échelle dans la construction du droit. L’accroissement de la production de normes depuis 30 ans, l’augmentation du contentieux stimulé par un droit au juge invoqué parfois à l’excès et les outils technologiques qui permettent de développer des arguments de plus en plus sophistiqués pour ne pas dire sophistes fragilisent la capacité des institutions, notamment judiciaires à répondre aux sollicitations. Pour ce faire, la formation doit répondre à plusieurs principes. - Verticalité et réciprocité. Les échanges doivent être opérés de manière réciproque afin que l’expérience puisse être soumise au regard critique et enrichie par le dialogue. Le retour d’expérience systématisé est l’occasion, outre de diffuser de bonnes pratiques, de les consolider avec celles d’autres professionnels. L’expérience des anciens et des spécialistes doit être partagée avec les juniors et les généralistes. Ainsi, elle se doit d’être à l’écoute des idées nouvelles que peuvent relayer les moins expérimentés. - Horizontalité. La spécialisation ne doit pas priver le praticien d’une ouverture transversale. Le partage d’expériences dans des domaines a priori différents ou la confrontation avec d’autres cultures stimule le regard critique sur sa propre pratique pour lui permettre d’évoluer positivement et de rester en phase avec les grandes évolutions sociétales. C’est ainsi que des innovations, y compris dans le domaine du droit, ont pu percer et être consacrées par le législateur. - Temporalité. L’offre de formation s’est étoffée. Les MOOC, le e-learning offrent des vecteurs complémentaires qui rapprochent formateurs et auditeurs malgré les distances qui les séparent. Mais elle nécessite des choix. La formation doit s’intégrer dans le temps contraint de celui du travail, soumis à la pression de la productivité affectée par l’augmentation du nombre d’affaires et à leur technicité. - Dynamique. La formation doit cibler son public notamment en fonction des besoins actuels et futurs. - Orientation pratique. Moins de savoir théorique, au demeurant évolutif, et plus d’interaction avec les auditeurs pour les mettre en situation et les inviter à contribuer à la résolution de problèmes topiques. - Rétribution. L’individu, confronté à une offre pléthorique et hétérogène, conserve une liberté dans le niveau d’investissement de sa formation, il est utile de sanctionner les formations par un diplôme ou une certification marquant des étapes dans l’acquisition de compétences précises. - Progressivité. Il s’agit de développer de véritables parcours de formation et la réalisation de travaux personnels qui soient le résultat d’une mise en cohérence par le professionnel et les organismes de formation avec lesquels il interagit. Les formations proposées aux professionnels du droit sont soumises à une forte concurrence. Leurs qualités progressent constamment. Ainsi, depuis plus de 15 ans, l’Institut PrésaJe stimule la recherche prospective sur des sujets sociétaux et en assure la restitution la forme d’ouvrages, de colloques et de lettres électroniques. PrésaJe diffuse ainsi les résultats de la confrontation pure des idées et des pratiques. Le droit étant par sa nature le ferment de sa propre évolution, il est vital que la réflexion pure ne soit jamais éloignée de l’expérience.
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institut présaje
2018-04-01
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[ "isabelle proust" ]
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ALLER VERS UNE SOCIÉTÉ APPRENANTE, C'EST ALLER VERS UNE SOCIÉTÉ DE LA CONFIANCE
# Aller vers une société apprenante, c'est aller vers une société de la confiance « C’est un changement de culture qui n’a rien d’évident.» Le rapport Taddei, Becchetti-Bizot, Houzel, Naves pointe le « changement de culture » qu’implique l’évolution vers une société apprenante. On admet maintenant que la « révolution digitale » induit de tels changements sur l’organisation (renversement des hiérarchies, affaiblissement des symboles de pouvoir, collaboration, prise de risque) qu’elle est autant affaire de culture que de technologie. Dans les deux cas, l’énorme potentiel ouvert par les nouvelles technologies dépend de la mise en œuvre par les hommes, dont les habitudes se trouvent bouleversées. La société apprenante est une société où l’on anticipe que les connaissances risquent d’être très vite dépassées à tous les niveaux et dans tous les domaines, et où il apparaît comme un impératif social de créer les conditions d’une large diffusion des savoirs, de sorte que chacun se forme tout au long de sa vie, sous peine de s’exclure du marché du travail et de se marginaliser. Aller vers une société apprenante revient à généraliser à tous ce qui n’est considéré comme un impératif aujourd’hui que pour certaines catégories de professionnels (médecins, scientifiques, professionnels du droit, management …). Dans ce défi d’impliquer une population entière - c’est-à-dire d’intéresser, d’inciter et de rendre matériellement possible l’accès aux savoirs et à la formation - l’entreprise est partie prenante à double titre. Il lui revient d’abord d’adapter les compétences de ses salariés. Les dispositifs de formation continue, comme la formation professionnelle ou les initiatives d’universités en ligne, sont une partie significative de la réponse aux besoins individuels. Au-delà, c’est le jeu relationnel entre les acteurs et la posture du manager qui sont amenés à évoluer fortement pour favoriser la diffusion des connaissances, qui devient un facteur clé de la compétitivité, voire de la survie d’une entreprise. La complexité et l’évolution rapide des techniques empêchent une personne de maîtriser l’intégralité des connaissances qui pouvaient sembler auparavant suffisantes pour diriger un secteur, une entreprise. L’expérience n’est plus forcément un atout. Soutenue par la technologie et la mise en réseaux, la diffusion des connaissances implique une posture d’ouverture et de collaboration. C’est une remise en cause des schémas d’organisation pyramidale de nos sociétés, où encore majoritairement le chef doit savoir plus et contrôler tout. L’école, l’entreprise (à quelques exceptions près), en valorisant la performance individuelle par rapport à un cadre, alimentent une logique de compétition qui pousse à contrôler et à se conformer au modèle existant. C’est l’inverse d’une logique d’ouverture qui incite à collaborer et à réfléchir. Favoriser la diffusion des savoirs nous incite à passer de l’autorité qui impose et qui contrôle à une autorité de compétences qui influence et coordonne. C’est reconnaître à tout individu, quel que soit son âge ou son grade, la capacité à apporter des savoirs nouveaux ou des usages utiles. Ainsi le reverse mentoring s’est-il imposé dans de nombreuses entreprises, des shadow committees ont été constitués pour que les plus jeunes forment les dirigeants aux nouvelles technologies, ou contribuent formellement à la réflexion stratégique. Ces ajustements pragmatiques contribuent au nivellement des hiérarchies dans l’entreprise souhaité par les jeunes générations, tout en répondant au besoin d’individuation, c’est-à-dire à l’aspiration à la reconnaissance par chacun de son apport spécifique au collectif. Enfin, promouvoir une société apprenante c’est aussi encourager l’innovation dans toutes les sphères de la société. C’est encourager l’expression d’idées nouvelles, la remise en cause, l’adaptation permanente. Or un environnement propice à l’innovation est un environnement où l’on accepte que l’échec fasse partie du processus normal d’une amélioration continue. Il implique l’existence de relations de qualité et de confiance. Les entreprises les plus avancées dans leur réflexion sur l’organisation et les comportements qui assureront leur compétitivité demain s’efforcent de créer le cadre de confiance qui autorise la prise de risque, donc favorise la prise d’initiatives et les boucles vertueuses d’essais-erreurs. Pourtant établir une relation de confiance n’est pas évident car, comme le rappelle Eric Albert, associé fondateur de Uside, elle part de soi et c’est d’abord un inconfort et un risque. En effet, faire confiance c’est prendre le risque de l’interdépendance. C’est-à-dire accepter une dépendance mutuelle qui repose sur une collaboration choisie et non sur la contrainte et le contrôle. Pour l’entretenir, c’est une discipline dans la manière de s’adresser aux autres, de formuler ses attentes ou d’admettre ses torts. En somme, c’est à l’opposé des manières de faire de la majorité de nos organisations actuelles. Les discours sur la bienveillance, la confiance, l’acceptation de l’erreur … bien plus qu’une concession à l’air du temps favorisent les conditions d’une société apprenante.
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institut présaje
2018-10-01
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[ "michel rouger" ]
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LA RENAISSANCE DU DROIT CITOYEN, LE TEMPS COURT DES QUESTIONS
# La renaissance du droit citoyen, le temps court des questions L’Institut PRESAJE est l’héritier de 25 années de réflexions sur la société. Aujourd'hui il évoque l’exigence et l’urgence de faire renaître le Droit, seul support solide de notre Démocratie. Le monde vient de changer brutalement. La France est directement concernée. Elle à rejoint la mondialisation des échanges économiques, dominée par la puissance américaine, malgré que les principes qu’elle imposait: La Finance préférée à l'Economie, le Marché à l'État, le contrat à la Loi, l'arbitrage à la justice étaient hostiles à son modèle issu de la guerre de 39/45. Elle s’y est pliée, avec ses partenaires européens, parce que le débat, toujours ouvert entre les forts et les faibles, les rassemblait à la même table des négociations multilatérales. Ce fut le temps des grand-messes des traités internationaux et des organisations mondiales. Ce modèle, critiqué, est abandonné, au profit de relations bilatérales qui peuvent conduire aussi bien vers de nouvelles guerres économiques, on y est, que vers des guerres néo coloniales lorsque le colonisateur négociera en tête-à-tête avec le colonisé affaibli. Cette perspective explique l’attitude de la Grande-Bretagne qui veut se séparer de l'Europe communautaire dont la diversité des nations et de leurs intérêts lui interdisent d’être reconnue comme interlocuteur efficient dans les discussions bi -latérales dorénavant dominantes. ## La France face à de telles perspectives Elle continue à vivre, cahin-caha, son couple Nation Etat. La Nation reste construite sur la Loi, le Droit et la Justice, cette Justice réparatrice que tout citoyen attend qu’elle soit Rendue parce qu'elle est Due par l'État qui détient la force pour faire appliquer la loi et le droit. L’Etat à la tète ailleurs. Il est de plus en plus couteux, il a construit ou importé pléthore de règlements, et atteint la limite des impôts qu’il ne peut plus faire payer que par un contribuable sur deux. Même si ce n’est pas du tout le moment, Le divorce entre la Nation et l'État est prévisible. Trois crises y contribueront auxquelles il faudrait échapper. Il reste peu de temps ! ## La crise des Pouvoirs institutionnels Quatre déséquilibres institutionnels provoquent une situation d’instabilité et de doute à laquelle les réformes entreprises devraient remédier, avec du temps, et beaucoup de pédagogie. - Le taux d’abstention aux élections, - La présence des partis extrémistes dans les scrutins et les médias, - La personnalisation du pouvoir présidentiel, - La fracture qui sépare Paris des territoires. Face à cette dérive, les réformes engagées éviteront elles le divorce Nation-institutions ? ## La crise des valeurs humanistes C’est un fait mondial, quatre mouvements de fond menacent les valeurs humanistes en général et spécialement le principe Français d’Egalité de droits entre les citoyens. Le colonialisme des entreprises planétaires (colloque PRESAJE Amboise 2015) L’augmentation non régulée des capacités physiques et mentales de l’être humain La naissance puis le développement d'une société d'humanoïdes assistants et concurrents. L’utilisation monopolistique des bases de données, stockées et décryptées comme les gènes humains, pour manipuler, orienter et coloniser les motivations économiques humaines. Ces types de sociétés, fortement inégalitaires, seront ils compatibles avec l'obsession égalitaire de la communauté Française ? ## La crise des institutions européennes A la fin du désastre de la deuxième guerre mondiale les trois peuples qui avaient subi la domination du nazisme, l'Allemagne, la France et l'Italie se sont engagés dans un modèle, commun, original, de leur vivre ensemble, grâce à l’aide américaine et au plan Marshall. Aujourd'hui, l'unilatéralisme américain, qui régente l’Occident, domine une économie globale de marché qui a poussé l’Europe du type Rhénan à s'élargir à intégrer l'Oder et le Danube, pour commercer ensemble. Pas pour vivre ensemble. L'hostilité de l’administration américaine à cette Europe vient de s’exprimer brutalement. « On veut une Europe de nations en guerre entre elles, pas d’une Europe autonome ». C’est clair. Elle imposera la révision du projet initial. Les Européens pourront ils sauver le soldat EUROPE ? ... et la France avec ! ## Le temps long des réponses Les réponses attendues ne pourront pas se limiter aux motifs sur lesquels les questions ont été posées. Elles déborderont sur les significations à donner à cette indispensable renaissance du droit, de quels droits, de la loi, de quelles lois, de la justice, de quelle justice. Un chantier est ouvert. Il comportera plusieurs types de communications. Les prochaines lettres, les colloques, comme celui du 1er octobre sur la Cour pénale internationale qui participe au buzz médiatique mondial créé par D. TRUMP, voire des manifestations originales, élargies, dans un domaine, le Droit, caractéristique de l’entresoi des spécialistes. En signant collectivement cet éditorial l’équipe de rédaction de la lettre PRESAJE vous ouvre la porte vers l’avenir de l’Institut reconstruit grâce à la renaissance de notre droit citoyen.
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institut présaje
2018-10-01
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[ "jean-pierre spitzer" ]
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COMMENT ASSURER NOTRE SOUVERAINETÉ AU XXIE SIECLE
# Comment assurer notre souveraineté au XXIe siecle La France s’est constituée contre les empires pour conquérir sa souveraineté c’est-à-dire pour utiliser les termes de droit institutionnel, pour avoir la compétence de sa compétence ; ou en mots de tous les jours pour décider elle-même ce qu’elle voulait pour ses citoyens. Ayant acquis cette indépendance, elle a tenté – et parfois réussi (mais à quel prix !...) – d’être un acteur majeur du monde avec des apports considérables. Ainsi du XVIIème au début du XXème siècle, la lutte s’est exercée d’abord contre l’Angleterre puis contre l’Allemagne. Aujourd’hui encore beaucoup d’analyses portent sur la lutte pour notre souveraineté… contre l’Allemagne ! Qui serait par trop dominante. Les tenants de ces « combats » qui s’auto-intitulent souverainistes ou patriotes dénoncent pêle-mêle Maastricht et l’ordo-libéralisme qui auraient conduit à la domination germanique en Europe et sabordé le modèle français, nous privant ainsi de notre souveraineté. Ils oublient que François MITTERRAND avait tranché ce débat en deux épisodes – 1983 et le maintien du serpent monétaire (déjà contre Chevènement entre autres), et les fameuses règles mises en place lors de l’instauration de l’euro des 3% de déficit et 60% de dette publique^(1)^. A la fin des années 1980 la France était loin d’atteindre ces chiffres et François MITTERRAND disait à l’époque que si ces chiffres étaient atteints, une telle politique de finances publiques serait désastreuse, ruinant les Français, épargnants et retraités. Ce « modèle français » a donc été abandonné autour des années 1990. Cependant, alors que Tony BLAIR et Gerhard SCHRÖDER – sociaux-démocrates tout deux – réformaient leur pays, nous avons vécu dans l’ouate corrézienne ! Ce qui n’est certes pas désagréable pour ceux qui y vivent mais tragique pour leurs enfants. Donc, de grâce, face aux enjeux planétaires, au plus grand risque de déclassement auquel l’Europe n’a jamais été confrontée, ouvrons les yeux, regardons la réalité en face et cessons de croire en une souveraineté nationale auto-proclamée susceptible d’être une réponse à ces défis. A cet égard je me souviens que lorsque nos professeurs d’histoire-géographie nous enseignaient la chute de Constantinople nous trouvions ridicule qu’on continuât à discuter du sexe des anges pendant que les Ottomans étaient entrain de conquérir tout l’Empire d’Orient et faisaient le siège de Constantinople. Le citoyen Européen que je suis n’en rit plus aujourd’hui, car à nos portes se pressent ceux qui contestent notre modèle. Certes ils ne veulent pas nous conquérir avec une armée comme à la fin du XVème siècle mais l’islamisme politique, et sa dérive le terrorisme, sont indiscutablement nos ennemis. A cet égard, il y a le feu au Sud : il suffit d’évoquer la Libye et tout le sud Sahara ; il y a également le feu à l’Est, Irak et Syrie représantant une véritable pétaudière. Or aujourd’hui nous sommes incapables d’y faire face, comme nous étions incapables dans le passé de nous opposer à des guerres que nous jugions pourtant à juste titre dénuées de pertinence et aujourd’hui tout juste capable de suivre notre puissant allié sans pouvoir exercer quelqu’influence que ce soit. Par ailleurs, ce même allié, théoriquement notre meilleur ami, décide quand il veut avec qui nous pouvons commercer, grâce à la dictature du dollar, la mobilisation de SWIFT et à sa puissance juridico-judiciaire. Face à ce défi que faisons-nous ? Décrétons-nous la mobilisation générale européenne pour lutter contre le terrorisme extérieur et à l’intérieur de nos frontières ? Faisons-nous preuve d’une solidarité exemplaire afin d’organiser ou de canaliser les flux migratoires par une action forte en dehors et dans nos frontières ? Faisons-nous tout pour promouvoir l’euro comme monnaie de réserve et prévoyons-nous des contre feux à la puissance dominante juridico-judicaire ? Rien de tout cela ! Pendant ce temps là nous nous livrons à nos passions tristes : - Détestation de « Bruxelles » avec ces conséquences : Brexit – populismes divers, etc. - Lutte pour le leadership européen (beaucoup d’entre nous croient toujours que c’est pour le leadership mondial …) matinée d’anti-germanisme primaire. Bref à l’instar de ce qui restait de Empire d’Orient à la fin du XVème siècle, nous refusons la réalité tragique et discutons d’une autre forme du sexe des anges. Alors que la réalité des menaces crève les yeux. Or, à l’évidence ni la France seule, ni l’Allemagne seule ^(2)^ sont capables de répondre à ces défis et encore moins de continuer à être un acteur indépendant dans le concert des puissances mondiales. Au mieux notre pays bénéficierait d’une souveraineté formelle, c’est-à-dire apparente Il suffit d’évoquer à cet égard les exemples norvégien et suisse. Surtout ce dernier dont on connaît la souveraineté sourcilleuse mais qui n’a pas hésité à s’incliner et à modifier tout un pan important de sa législation face à des exigences américaines. Donc toute recherche de solution face aux défis existants, autour d’un retour à l’Etat nation est voué à l’échec. Au mieux ce sont des rêveries d’avant 1939 que de penser que notre avenir indépendant réside à l’intérieur de l’Hexagone. En revanche nous pouvons poser la question comme l’a fait le Général de Gaulle après la guerre : pour être indépendant et donc souverain, il faut avoir toute la capacité de se défendre ce qui nécessite également une certaine puissance économique et financière. Seul le cadre de l’Europe unifiée, c’est-à-dire l’Union Européenne, permet de remplir ces conditions qui sont quasiment aujourd’hui des prérequis en vue de rester indépendant. Evidemment cette construction européenne n’est pas une panacée et n’est pas aujourd’hui, dans l’état ou elle est, une solution. Alors que faire pour être indépendant et pour appeler comme l’a fait notre Président de la République à une souveraineté européenne ? Une question une première réponse s’impose c’est celle qu’a donné Jean MONNET : « Continuez ». Mais aujourd’hui il faut continuer en changeant assez fondamentalement cette Union, voire même en y amorçant une espèce de révolution copernicienne. En premier lieu, les citoyens ne se réapproprieront l’idée européenne que s’ils ont la très nette conscience que l’Union Européenne les protège. A cette fin il faut restaurer les frontières de l’Union – seul moyen de sauver et sauvegarder l’espace Schengen où il est si agréable à vivre pour l’ensemble des citoyens européens – ce qui ne signifie pas construire des murs mais maîtriser nos frontières en redonnant le sentiment aux citoyens européens d’habiter un territoire à eux et non pas ouvert au monde entier. Ceci n’empêchera en rien une politique d’émigration généreuse, mais surtout pertinente et adoptée par le Parlement et le Conseil des Ministres. Ceci nécessitera de transférer les grandes compétences régaliennes de protection à l’Union notamment en matière de défense, d’asile et d’émigration et de lutte contre le terrorisme. Par ailleurs, pour permettre à l’Union d’assurer de telles compétences, il sera nécessaire de rebasculer sur les Etats membres l’organisation économique et sociale puisque le cadre est tracé : les libertés fondamentales, notamment les quatre grandes libertés sont acquises et assurées, les règles de concurrences sont fixées et leur application peut très bien être déléguée aux Etats membres sous contrôle de la Cour de justice, et, notamment dans le secteur de la concurrence, de celui de la Commission en tant que gardienne des traités. En contrepartie, l’Union Européenne devra avoir plus de compétences pour mettre en place une véritable politique monétaire et une harmonisation fiscale et sociale ce qui signifie que les règles nationales soient harmonisées ce qui est différent de la création de règles européennes uniformes dans les 27 Etats membres. A cette fin, et pour donner une chance à cette inversion de tendance – c’est-à-dire mettre fin à 25 ans de mauvaise Europe (élargissement forcenée avec disparition du territoire, aucune avancée dans les secteurs régaliens et une inflation de normes et de mesures dans la vie quotidienne des Européens) – il a lieu de mettre en place une adaptation du processus décisionnaire qui est loin d’être facile. En effet, nous savons comme il est difficile de prendre des décisions réformatrices importantes au niveau national étatique dans nos démocraties. Cependant la possibilité de nous maintenir parmi les puissances souveraines – même si elles sont interdépendantesexiste. L’Union Européenne a toujours un potentiel formidable et les Européens ont fait preuve d’un remarquable instinct de survie durant notre déjà longue histoire. Reste à savoir si cet instinct peut s’exercer dans une démocratie pluraliste ouverte comme celle qui existe aujourd’hui dans l’Union Européenne ou s’il conduit les Européens à décider de mettre en place des « chefs », certes élus mais aux mains libres, sans respecter nos valeurs essentielles, c’est-à-dire sans avoir une opposition à statut, une justice et une presse libres, ainsi qu’un Etat de droit notamment en ce qui concerne le respect des droits de l’Homme. Le déclinisme étant sans avenir et la démocrature peu séduisante, c’est dans le cadre de notre démocratie fondée non seulement sur l’élection mais également sur ces valeurs qu’il faudra trouver les moyens de construire cette souveraineté européenne. Des pistes ont été tracées par le Président de la Commission Monsieur JUNCKER, dans son récent discours sur l’état de l’Union. D’autres peuvent y être ajoutées : - Revenir à une Commission resserrée comme cela est prévue par le Traité de Lisbonne ce qui permettrait à tout le moins d’éviter un Commissaire à l’élargissement et quelques autres aberrations. - Injecter de la politique dans l’Union européenne – et non de la démocratie comme cela est souvent souligné par erreurrendant le pouvoir européen visible et populaire. - Rendre les travaux du Conseil des ministres transparents, permettant ainsi aux citoyens européens de suivre la politique européenne. - Installer ce pouvoir au sein de frontières clairement délimitées. - Eriger l’euro en monnaie de réserve. Bien sûr, cette liste n’est pas exhaustive mais tel est le chemin pour maintenir ou reconquérir une souveraineté que nous ne pourrons exercer qu’en la partageant au sein de cette Union Européenne où malgré les différences entre les Etats membres, les valeurs nous sont communes (pour l’heure…). Tout ceci à condition que dans les années à venir les citoyens européens se réapproprient cette idée européenne et écartent eux-mêmes les tentations de démocrature ou de démocratie illibérale, certes parfaitement explicables du fait de notre carence depuis 25 ans, et en quelque sorte de notre abandon génital de l’héritage que nous avaient laissé, à la suite des fondateurs, François MITTERRAND, Helmut KOHL et Jacques DELORS. Il appartient à la jeunesse européenne de reprendre, en le modifiant à son goût, cet héritage afin d’assurer à l’avenir le maintien de notre souveraineté réelle c’est-à-dire de rester, voire de redevenir, un acteur spécifique du monde. Je rejoins Vincent FERÉ qui a brillamment démontré l’inanité du retour au souverainisme national pour les Européens, prélude à l’effacement de nos pays et la grandeur du souverainisme européen, « gage de l’accomplissement de leur histoire et de la pérennité de leur civilisation^(3)^ (1) Ces pourcentages s’entendent par rapport à notre PIB. (2) Ni le Royaume-Uni d’ailleurs !... (3) Vincent FERÉ in « COMMENTAIRE » n°162, page 331.
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2013-06-01
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[ "philippe escande" ]
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LES NOUVEAUX LUDDITES: INTERNET, MOTEUR DE LA CROISSANCE MAIS PAS CELUI DE L’EMPLOI
# Les nouveaux Luddites: Internet, moteur de la croissance mais pas celui de l’emploi Au XIXème siècle, la révolution industrielle a détruit des centaines de milliers d’emplois dans les métiers traditionnels mais, peu à peu, à l’ère de la mécanique et de l’électricité, on assista à des créations massives de nouveaux emplois. Productivité, emploi et croissance ont longtemps progressé au même rythme. Pour Philippe Escande, le numérique ouvre un nouveau cycle de destruction-création de richesse. Mais le basculement va se faire dans un délai très court sans relève visible de l’emploi. Gare à la tempête sociale. Dans dix ans, c’est peut-être un robot qui aura écrit ces lignes. Les ordinateurs ont commencé par effectuer de simples additions, par piloter d’autres machines, jouer puis gagner aux échecs, remplacer les dactylos puis les assistants. Demain, ils se substitueront aux avocats, analystes et journalistes, comme ils le font déjà pour des tâches simples. Avec la puissance de la machine : des scanners intelligents pourront, par exemple, analyser et synthétiser 570 000 documents juridiques en deux jours… C’est ce que l’on appelle le travail automatisé de la connaissance. Il fait partie d’une douzaine de technologies, identifiées par le cabinet McKinsey comme celles qui auront le plus d’impact sur la société et les entreprises dans les dix ans qui viennent (lire le Monde Eco & Entreprise du 24 mai 2012). Selon eux, l’automatisation de la connaissance touchera (détruira ?) le travail des quelques 250 millions de « travailleurs intellectuels » d’ici 2025 à travers le monde, soit 10% des travailleurs sur la planète. Si l’on élargit le cercle à des innovations à venir comme la robotique avancée ou l’impression 3D dans l’industrie manufacturière, on se retrouve delà du milliard d’individus affectés. Bien sûr, ce débat de l’homme contre la machine n’est pas nouveau. Il constitue la trame de la révolution industrielle. Verra-t-on bientôt ressortir de leur tombe ces tondeurs et tricoteurs sur métier à bras du nord de l’Angleterre qui, en 1811, se sont révoltés contre leurs machines au point de les détruire en masse ? Le pouvoir de l’époque n’a pas pris de gants, il a pendu treize de ces « luddites » en colère, et leur profession a totalement disparu dès 1820. C’était le début de l’histoire industrielle. Depuis, l’économie nous a enseigné que la productivité et les machines n’étaient pas l’ennemi de l’emploi. Pourtant, deux siècles plus tard, le débat semble ressurgir. Aux Etats-Unis, le travail de nombreux économistes américains ces deux dernières années a remis le sujet sur la table en interrogeant le trio infernal innovation-productivité-emploi. A la base de leur interrogation à tous, le double constat d’une croissance molle dans les pays avancés depuis plus d’une dizaine d’année et d’une difficulté à sortir d’un chômage structurel, que l’on connaît bien en France, mais qui est une nouveauté aux Etats-Unis. Pour Robert Gordon et Tyler Cowen, c’est le manque d’innovation qui encalmine toute reprise économique et empêche donc l’emploi de repartir. Une thèse popularisée par l’entrepreneur Peter Thiel et le champion d’échec Garry Kasparov. Depuis la fin des années 70, assurent-ils, aucune innovation de grande ampleur, comparable à l’électricité et l’automobile au début du XXème siècle, n’a provoqué de choc suffisant pour réveiller croissance et emploi. Nous avons mangé les « fruits des branches basses » (« low hanging fruits »), ceux qui étaient les plus faciles à cueillir, suggère Tyler Cowen dans son livre « La grande stagnation ». Pas d’innovation pas de croissance, sauf à crédit (ce qui s’est passé ces dix dernières années) et pas d’emploi en quantité suffisante. ## Internet et la panne de travail Faux, rétorquent leurs confrères Andrew McAffe et Eric Brynjolfsson, qui insistent au contraire dans « The race against the machine » sur le fait que c’est le trop plein d’innovation qui serait la cause de la panne du travail. Une thèse intuitivement plus satisfaisante dès lors que l’on contemple la vague de bouleversements qu’est en train de provoquer l’internet, voire les télécoms. Le débat récent en France sur l’effet positif ou négatif de l’arrivée de l’opérateur Free sur le marché de la téléphonie mobile en est la plus parfaite illustration. Car il est manifeste que, comme au temps des luddites du XIXème, des emplois traditionnels sont détruits en masse par l’internet. En 2011, la Comareg, premier groupe français de petites annonces avec son magazine Paru-Vendu édité en 200 versions régionales, a fait faillite, laissant sur le carreau plus de 1600 personnes. Ce fut le plus gros plan social de l’année. Cette entreprise prospère et bien implantée a été assassinée par un trublion de l’internet intitulée benoîtement « leboncoin.fr ». Par ce mélange d’ubiquité, d’universalité  et d’intemporalité qui caractérise internet, il est devenu le lieu incontournable de la petite annonce locale, qu’elle soit d’emploi, de logement ou d’automobile. A l’époque, leboncoin.fr employait 60 personnes… Et l’on pourrait réitérer la même expérience avec Google face aux annuaires, AirBnB face aux hôteliers ou les sites de transport face aux taxis. A chaque fois, l’internet permet un usage plus étendu, avec dix fois moins de personnel. C’est cela la « lutte contre la machine ». Et le tuyau est encore plein d’innovations de ce type, de l’internet mobile à l’internet des objets, en passant par le Big Data. Nous semblons engagés dans une démarche inverse de celle décrite dans les années 1980 par le prix Nobel d’économie Robert Solow. Il s’exclamait en substance : « on retrouve l’informatique partout sauf dans les statistiques de la productivité ». Aujourd’hui ces gains sont tels que l’emploi ne suit plus. Selon les experts de McKinsey, le seul usage de l’analyse des masses de données informatiques, le « Big Data », pourrait réduire de 25 à 50% les coûts de recherche et développement d’un produit. Les fermetures de centres de recherche ne sont donc pas terminées. Pourtant, comme le rappelle l’équipe de McKinsey, il faut raison garder, et surtout reprendre les évolutions sur longue période. Son raisonnement tient en trois constats. 1. Premièrement, la productivité, mesurée par le produit intérieur brut par employé, n’a cessé de croître depuis trente ans. Aux Etats-Unis, elle a même été plus forte ces dix dernières années, avec un rythme de 1,8% par an. Une donnée à avoir en tête même si la croissance qui a été tirée par l’investissement dans les années 1990 l’a été plutôt par la bulle immobilière et la dette dans les années 2000. 2. Deuxièmement, la croissance de la productivité sur longue période est toujours corrélée positivement à celle de l’emploi. Si d’une année sur l’autre, on peut noter des divergences, celles-ci sont effacées dès que l’on examine les décennies. 3. Enfin, troisièmement, dans un pays développé, on trouve in fine toujours une corrélation entre la « maturité internet » d’un pays (pénétration, usage…) et sa croissance. Dès lors, si l’on pense que l’innovation ne se tarit pas mais repart au contraire sur un rythme très soutenu, on peut être optimiste sur la perspective à long terme de la croissance. Reste que la rapidité de diffusion d’internet est infiniment supérieure à celle du moteur à explosion ou de l’électricité, y compris pour les générations les plus avancées qui ne sont pas nées avec. Et donc la transition, déjà douloureuse à l’époque de la migration des campagnes vers les villes, conséquence directe de la mécanisation, pourrait l’être encore davantage. C’est elle qui encombre l’esprit des politiques, d’Aulnay à Florange, en passant par la presse quotidienne, et qui est porteuse pour eux des plus grandes menaces. Celle du retour sous une forme ou sous une autre des luddites de l’Angleterre profonde...
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institut présaje
2013-06-01
7
[ "michel volle" ]
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LE « NUMÉRIQUE » ET LA CRÉATION DE RICHESSE. TROISIÈME RÉVOLUTION INDUSTRIELLE : UNE URGENCE POUR LA FRANCE
# Le « numérique » et la création de richesse. Troisième révolution industrielle : une urgence pour la France La troisième révolution industrielle est lancée. Elle transforme radicalement l’univers productif : les marchés, les produits, la façon de les produire, les assemblages de biens et services, les formes de la concurrence, l’organisation des entreprises, les règles et outils de la stratégie et de la régulation, etc. Pour Michel Volle, la France prend du retard dans la conversion de son modèle de croissance. Dans les années 1880, elle avait réagi tardivement à la révolution du pétrole et de l’électricité mais elle avait ensuite très bien rebondi. Elle est face au même défi aujourd’hui. Dans certaines usines, on voit des robots partout. Les emplois qui subsistent sont leur supervision et leur maintenance, qui exigent de savoir se débrouiller en cas d'incident : la « main d’œuvre » a été remplacée par un « cerveau d’œuvre ». Jetez un coup d’œil dans les bureaux d'une direction générale : les gens sont soit en réunion, soit devant l'écran-clavier qui leur donne accès à un système d'information. Les tâches répétitives physiques et mentales que demande l'action productive sont ainsi soit automatisées, soit assistées par un automate. Si l'informatisation a ainsi transformé le processus productif, elle transforme aussi les produits : ils deviennent des assemblages de biens et de services. L'automobile, produit emblématique de l'économie mécanisée, ne se conçoit plus sans des services de conseil, financement, location, assurance, garantie, entretien, remplacement, renouvellement, dont la qualité importe autant ou même davantage pour le client que les attributs de la voiture. La cohésion de cet assemblage est assurée par un système d'information. L'organisation s'est, elle aussi, transformée : les produits sont de plus en plus souvent élaborés par un réseau de partenaires entre lesquels une ingénierie d'affaires a défini le partage des responsabilités, dépenses et recettes. Un système d'information, là encore, assure l'inter-opérabilité et la transparence du partenariat. Le coût de production réside presque en entier dans l’investissement que demandent la conception et la programmation des automates, ainsi que le dimensionnement d'un réseau de services. Il en résulte que les rendements d'échelle sont croissants et cela rend la concurrence féroce : pour survivre, les entreprises doivent différencier leur produit afin de conquérir sur le marché mondial un monopole de niche sur un segment des besoins, puis renouveler ce monopole par l'innovation. ## La société transformée dans toutes ses dimensions Le rapport entre l'informatique et l'informatisation est analogue à celui qui existe entre la construction navale et l'art de la navigation : la première conditionne la seconde, qui lui indique ses exigences. Si l'informatique est une technique et une science, l'informatisation touche dans l'entreprise puis dans la société à toutes les dimensions de l'anthropologie : psychologie des individus, sociologie des organisations et des classes sociales, philosophie des méthodes et démarches de la pensée, et même métaphysique des valeurs, orientations et choix fondamentaux. Elle a en effet modifié la nature à laquelle l'action humaine est confrontée : l'Internet a supprimé nombre des effets de la distance, chacun peut enrichir sur la Toile une ressource documentaire dont l'accès n'a pas de limite, le corps humain s'équipe d'un réseau de prothèses autour du téléphone « intelligent », l'impression 3D décentralise la production des biens auxquels elle confère une solidité jusqu'alors inconnue. Et nous n'avons encore rien vu : ce qui nous attend dans la suite du XXIe siècle sera plus bouleversant encore. ## Une délicate période de transition Produits, façon de produire, structure du marché, forme de la concurrence, exigences de la stratégie et de la régulation : tout est donc transformé par cette troisième révolution industrielle. Mais cela s'applique-t-il aujourd'hui en France à tous les produits, à toutes les entreprises ? Pas encore. La plupart de nos entreprises peinent à s'affranchir des habitudes et traditions que la mécanisation a gravées dans leur organisation. Celles qui ont délocalisé la production dans des pays à bas salaire continuent à employer une main d’œuvre nombreuse. Les directions générales qui n'ont pas encore compris comment l'on peut diriger un « cerveau d’œuvre » se comportent de façon autoritaire et absurde envers les « gens du terrain ». Il en a toujours été de même en France. Au début du XIXe siècle, sa mécanisation a été lente, à la fin du même siècle elle n'a pas été parmi les premiers à tirer parti de l'électricité et du pétrole. Aujourd'hui elle est donc à la traîne dans l'informatisation : alors qu'elle est classée cinquième selon le niveau du PIB, les enquêtes comparatives la classent vingtième dans la mise en œuvre des TIC. Le mot « informatisation » est d'ailleurs jugé « ringard », une dame ministre m'a même dit un jour que le mot « informatique » la « faisait marrer ». Elle préférait « numérique », mais ce mot incite les politiques à se focaliser sur les aspects médiatiques de l'informatisation en ignorant une transformation qui concerne l'ensemble du système productif, et pas seulement le « secteur du numérique ». Mais les entreprises qui n'ont pas compris l'informatisation ne survivront pas longtemps, et les pays qui la méprisent perdront bientôt le droit à la parole dans le concert des nations. ## La France va rattraper son retard L'histoire montre cependant que si la France démarre toujours lentement, elle sait comment rattraper son retard : son économie et sa société étaient en crise en 1889 mais elle a dès 1900 rejoint le premier rang. Certaines entreprises (Axon', Asteelflash, Lippi, Withings, etc.) ont parfaitement compris les règles du nouveau jeu stratégique : la priorité, aujourd'hui, est de multiplier et développer de telles entreprises. L'enjeu est beaucoup plus important que les « problèmes de société » ou le déficit budgétaire sur lesquels l'énergie du politique se focalise malheureusement : la meilleure façon de résoudre ces « problèmes », c'est d'orienter le système productif en fonction des possibilités comme des risques qu'apporte la troisième révolution industrielle.
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institut présaje
2013-06-01
9
[ "jacques barraux" ]
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C’EST QUOI, L’ESPRIT D’ENTREPRISE ? UNE CONVERSATION DANS LA LORRAINE DE 2013
# C’est quoi, l’esprit d’entreprise ? Une conversation dans la Lorraine de 2013 L’esprit d’entreprise, c’est d’abord une forme particulière de l’esprit de contradiction. Un instinct de l’action à contre-courant. Tout va mal en France ? C’est le bon moment pour se lancer quand la peur de la déglingue générale paralyse le plus grand nombre. L’esprit d’entreprise, c’est ensuite l’art de marier les trois ingrédients de la réussite : une idée, une méthode, une équipe. Au cœur de la France en récession, le témoignage d’un chef d’entreprise modeste, ignoré des médias mais acteur sans complexe de la mondialisation. Mai 2013 dans les environs de Pont-à-Mousson, une région au cœur de la crise européenne. Conversation avec le patron d’une entreprise de mécanique de 150 salariés (110 en France et 40 dans une petite filiale en Allemagne). Il s’appelle Francis Gris. Il a créé son entreprise dans les années 80, à l’ombre de la sidérurgie en faillite. Comment réagit-il à l’avalanche de mauvaises nouvelles sur l’industrie (en général) et l’automobile (en particulier), son principal client ? « Je n’ose pas le dire. Le premier semestre 2013 est pour nous un moment de surchauffe ». L’explication est simple. Elle témoigne de la plasticité d’un monde industriel « made in France » totalement incompris de l’opinion et des médias. Dans les pays d’Europe du Nord, c’est positivement sous l’angle du bien-être au travail, et surtout de la performance économique, que les questions du stress au travail ont été abordées, et il y a fort longtemps déjà. Les premiers accords entre partenaires sociaux ont été signés sur ces sujets en 1977 au Danemark, alors que dans notre pays il aura fallu attendre 2008 pour voir le jour d’un Accord national interprofessionnel sur la question du stress au travail. L’automobile européenne a des problèmes de surcapacités. Pas l’automobile mondiale. Gris Découpage, c’est le nom de l’entreprise lorraine, a des clients mondiaux comme Mercedes et Renault implantés à la fois dans des pays à forte croissance et des pays à faible croissance. Si l’Europe a moins besoin de boîtes de vitesse, le reste du monde lui, soutient la demande, et les composants de haute performance de Gris Découpage sont assurés de leurs débouchés. L’entreprise dépend moins de l’humeur des Européens que de celle des Chinois, des Russes ou des Brésiliens. Petite mais mondiale via des clients globaux. ## Parcours classique d’entrepreneur Francis Gris est à l’image des milliers de chefs d’entreprises qui ont réussi leur parcours malgré trente années de dérèglement macro-économique de la France. Il est modeste par tempérament mais totalement à l’aise dans l’arène hors-frontières. Il a créé son entreprise dans les années 80. Un pari risqué. Il s’était porté candidat pour reprendre une activité peu glorieuse d’Usinor-Sacilor dans le domaine des produits déclassés, se lançant alors dans la production de rondelles, un produit basique de quincaillerie. Un marché aujourd’hui contrôlé à 100% par l’industrie asiatique. Il a opté rapidement pour une stratégie de sortie par le haut, ce qui lui vaut aujourd’hui de s’accrocher à une niche clairement identifiée dans le monde des équipementiers. Une idée (la pièce haut de gamme pour un marché universel) ; une méthode (un temps d’avance en performance qualité ; une extension dans la Rhur) ; une équipe (à forte tonalité commerciale pour rentabiliser un lourd investissement machine). Comme des milliers d’entreprises saines ignorées des médias, Gris Découpage est une entreprise familiale. Céline, la fille du patron, âgée de 36 ans, semble vouée à prendre la suite de l’entreprise. L’esprit d’entreprise se transmet aussi par les gènes…
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institut présaje
2013-06-01
6
[ "albert merlin" ]
1,318
DU MACHINISME À LA PRODUCTIVITÉ ORGANISATIONNELLE
# Du machinisme à la productivité organisationnelle Le mot « productivité » a pris une couleur franchement négative dans le débat public. L’opinion le perçoit comme un accélérateur de chômage en temps de crise : « faire autant avec moins de moyens ». Pour Albert Merlin, cette attitude traduit une incompréhension devant les nouveaux mécanismes de la création de richesses. Du machinisme pur et dur, il nous faut passer à la productivité organisationnelle. Evoquant le déclin de la pratique religieuse en France, Hervé Le Bras et Emmanuel Todd parlent (avec un plaisir à peine voilé) de « catholicisme zombie »1. Ne faudrait-il pas en dire autant de la productivité, vu la modeste place qui lui est réservée dans les discours de tout acabit ? On nous parle beaucoup de R&D, de marketing, de benchmarking, de toutes les recettes possibles et de leurs condiments ; mais où trouve-t-on la moindre référence à la notion de productivité, alors que celle-ci était naguère considérée comme la mère nourricière de notre industrie ? Question de mode ? C’est vite dit. Nous sommes, en réalité, face à une véritable incompréhension des mécanismes de la création de richesses. Parce que, à mesure que la croissance a commencé à vaciller, on a fini par brouiller le concept de base de la productivité. Alfred Sauvy – il y a quelque 60 ans ! – expliquait que la productivité pouvait revêtir deux formes : soit faire « plus avec des moyens inchangés », soit faire «  autant avec moins de moyens ». De nos jours, sous le poids de la crise et des charges, on ne voit guère que la seconde version. D’où l’idée : productivité égale chômage. On ne va pas jusqu’à suggérer de revenir à la lampe à huile et à la marine à voile, mais l’idée d’un nécessaire ralentissement des progrès de productivité pour augmenter le nombre des emplois (nous en sommes là !...) participe implicitement de cette démarche : à preuve le succès – heureusement remis en question depuis quelque temps – de l’idée du partage du travail ! Comme si le gigantesque bond de notre niveau de vie depuis la révolution industrielle, décennie après décennie, n’était pas directement issu des progrès de productivité accomplis dans notre appareil productif ! Qu’est-ce que la hausse du niveau de vie si ce n’est la baisse du nombre d’heures de travail nécessaires à l’acquisition de tel ou tel produit, ou telle ou telle fourniture de service ? Jacqueline Fourastié, qui, au prix d’un travail statistique obstiné, tient à jour les séries de prix réels (prix de vente/salaire horaire) les plus caractéristiques, nous montre inlassablement comment ces prix baissent au fur et à mesure que se diffuse le progrès technique : cela va du prix réel du beefsteak (divisé par 3 en trente ans) à l’ampoule électrique (divisé par 6) ou à l’automobile bas de gamme (divisé par 2). Sans parler du matériel informatique et de ses satellites. Rappeler aujourd’hui ce mécanisme générateur de pouvoir d’achat, au moment où sévit le chômage, ne va pas de soi. Où est la difficulté, de nos jours ? Simplement dans l’insuffisance du mécanisme de « déversement » : pour qu’une croissance suffisante se développe, il faut que fonctionne le « spill over effect », selon lequel les effectifs dégagés dans les industries traditionnelles passent dans les secteurs neufs : là où naissent de nouveaux besoins. Ce qui est normalement le cas dans les technologies nouvelles et dans la plupart des secteurs tertiaires. Pourquoi cette belle mécanique ne fonctionne-t-elle pas (ou si peu) de nos jours ? D’abord parce que trop souvent on a voulu, dans le monde du tertiaire normalement porteur d’emplois, transposer de façon simpliste les recettes de la productivité manufacturière, de nature principalement quantitative. C’est ce que font trop souvent les grandes surfaces commerciales quand elles s’acharnent à réduire le plus possible le nombre d’employés par rayon. Résultat : le consommateur se sent abandonné, sans l’ombre d’un conseil sur les produits, avec, en outre, un manque total d’aide à la sortie du magasin. Alors que les super-stores américains ont compris depuis longtemps qu’ils devaient porter leurs efforts non sur le « dénominateur » de leur ratio de productivité mais sur le « numérateur » à travers une amélioration constante, patiente et sans faille de la chaîne commandes/stocks/livraisons, appuyée sur un système informatique ultra performant. En témoigne la rotation des stocks : 10 fois dans l’année en France, plus de 20 fois aux Etats-Unis. Et ce gain de productivité organisationnelle permet d’offrir au client un « plus » : le coup de main salvateur au moment de transporter et de décharger son caddy. Rien de tel chez nous2. Une exception, toutefois, dans ce vaste domaine du commerce appelé à affronter mille défis : la métamorphose des grands magasins « haussmanniens », qui jouent de plus en plus la carte de la haute qualité et de l’esthétique : en somme une sorte de productivité « génétiquement modifiée » . ## La productivité « new look » Cela ne se fait pas en un jour. La performance se mesure de moins en moins en tonnes, et l’effort de productivité ne se limite plus à l’usine : c’est toute la chaine de la valeur qui est concernée. Il ne s’agit plus seulement d’une hausse du niveau de vie mais d’une transformation du mode de vie. Quitte à revenir aux joies de la bonne vieille brouette quand on veut retrouver, pour le plaisir, l’odeur du foin et de l’étable. Cette remise en question est évidemment transposable à quantité de secteurs, qu’il s’agisse de conception, de fabrication ou de fourniture de services. C’est la naissance d’un nouveau monde. Pensons aux entreprises sectoriellement et géographiquement diversifiées : naguère obligés de surveiller les lignes de production par des contacts et des voyages incessants, les ingénieurs peuvent maintenant le faire de façon beaucoup plus efficace à partir de leurs bureaux. En témoigne Saint-Gobain, où le directeur du verre plat suit et compare en permanence la marche de ses seize lignes de float glass d’un bout à l’autre de l’Europe, à partir de son cockpit informatique central : fini les déplacements des techniciens, les réunions et les allers-retours gaspilleurs de temps ! On voit poindre l’objection : tout cela n’est que de la gestion améliorée (ô combien !), mais quand on aborde la productivité créative, génératrice de produits nouveaux – seul moyen, à la longue, d’assurer de façon pérenne la hausse du « numérateur » – c’est tout autre chose : entre les mille chemins de croissance offerts par l’évolution technologique, comment choisir ? La difficulté n’est pas niable, mais c’est parfois une excuse facile pour baisser les bras ! Car grâce à l’informatique, les entreprises ont mille moyens de simuler, de calculer, de chiffrer les paris en termes de coûts/avantages. Dans ce même numéro de Presaje.Com, Michel Volle explique comment cela devient décisif dans le processus de création de richesses. Bien sûr, l’ordinateur ne fait pas tout, même quand il est « intelligent » : pour imaginer l’avenir il faut une vision. Les frères Michelin l’avaient, quand ils s’enflammaient, dans leur tout premier guide, à propos de l’automobile du XXème siècle  et de ses conséquences sur les modes de vie : parce qu’ils avaient compris les mille apports de la productivité, même s’ils ne connaissaient pas le mot ! On ne nous fera pas croire que ce qui était possible chez ces industriels de 1900, démunis d’esclaves numériques, ne le serait plus à l’heure du « big data ». Question d’éducation, nous dit-on : les Français ont des neurones aussi performants que ceux de leurs voisins, mais se révèlent plus lents à passer à l’action. Mais nos concurrents ne nous attendront pas. Du machinisme pur et dur, il nous faut passer maintenant à la productivité organisationnelle et « prolifique ». Vite. ^1^ Le mystère français (Seuil). ^2^ Cf Ph. Lemoine, Université de tous les savoirs, Odile Jacob.
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institut présaje
2013-06-01
5
[ "gérard thoris" ]
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ET SI ON ESSAYAIT LE LAISSER-FAIRE PLUTÔT QUE LE DIRE ?
# Et si on essayait le laisser-faire plutôt que le dire ? Un rapport succède à un rapport précédent. Une commission succède à une autre commission. Un engagement présidentiel succède à un autre engagement présidentiel. L’encouragement public aux vocations d’entrepreneurs ne faiblit pas dans notre pays… ponctué de décisions contradictoires et d’annonces sans lendemain. Gérard Thoris s’inquiète de la gestion erratique d’un dossier essentiel pour l’économie française. Il est évident que, sans les multiples talents qui innervent la France, la situation économique actuelle serait grave mais non désespérée. Mais enfin, l’impératif de l’entreprise, cela fait des lustres qu’il est défendu ; les rapports officiels et officieux sur le rôle positif que pourraient jouer les pouvoirs publics sont légion ; les réflexions conjointes entre partenaires sociaux sur l’état de l’industrie ou de tel ou tel secteur pullulent. Cela fait nécessairement partie du processus démocratique. Mais quand un rapport enterre l’autre parce que, entre temps, on a changé de majorité, quand on se limite aux effets d’annonce sans engager même de projet de loi ou signer la moindre directive d’application, quand on sélectionne une mesure symbolique en oubliant tout ce qui engage véritablement en termes de changement, alors oui, c’est désespérant ! Les « Assises de l’entrepreneuriat » sont un exemple prototypique de cet entrelacs d’effets d’annonce, de catalogues où la puissance publique peut puiser pour alimenter son goût hyperbolique de l’action, de promesses très bientôt non tenues mais qui occupent les esprits englués dans l’instant. Elles se tiennent cinq ans après que l’éminence grise de François Mitterrand, qui ne devrait pas effrayer son successeur à l’Elysée, ait proposé «300 décisions pour changer la France»^1^ Ainsi, par exemple, ce rapport proposait de favoriser l’entrepreneuriat en créant le statut de l’auto-entrepreneur. Déjà, entre la proposition et la réalité, les niveaux d’exemption fiscale avaient fondu. Mais enfin, si l’on en juge par le nombre de créations d’entreprise sous ce statut, il est clair qu’il répond à une demande. Sans doute, ici ou là, fallait-il mieux gérer la coexistence de ce statut avec celui des artisans. Cela pouvait se faire par un allègement de la fiscalité de ces derniers ; cela se fera par un alourdissement de la fiscalité des premiers ! Nous venons de vivre un instant quasi magique d’émerveillement devant la capacité des partenaires sociaux à négocier un accord national interprofessionnel qu’une loi a repris ensuite tel quel. Certes, ce n’était peut-être pas au cœur des débats, mais enfin, pour être « au service de la compétitivité des entreprises »2, il n’était sans doute pas inutile de simplifier l’écheveau de la représentation salariale et syndicale. On aurait pu imaginer un article rédigé de la manière suivante : « dans les PME de moins de 250 salariés est mis en place une représentation sociale unique sous la forme d’un conseil d’entreprise exerçant les fonctions du comité d’entreprise, des délégués du personnel, des délégués syndicaux et du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail. Ce conseil d’entreprise est le lieu privilégié de la négociation ». En fait, le lecteur attentif se souvient immédiatement qu’il s’agit de la « décision » 37 du rapport Attali déjà cité. S’il a disparu de l’agenda, est-ce parce que le problème a été solutionné – mais qu’on nous dise comment ? Est-ce parce que ce n’est pas un problème – mais alors pourquoi l’avoir mentionné comme une mesure phare pour restaurer la croissance en France ? Très candidement, ne serait-ce pas parce que le sujet est tabou – mais s’il faut éliminer les sujets qui fâchent des négociations alors, pourquoi créer de nouvelles commissions pour entériner des désaccords persistants ? Finalement, on le sait bien, « les Assises de l’entrepreneuriat » ont été décidées pour réparer une décision prise sans concertation dans la Loi de finances 2013, à savoir augmenter la taxation des plus-values de cession de valeurs mobilières. On pourrait croire qu’il n’y a ni coût ni prix pour sauver la face des pouvoirs publics. Peut-être que neuf commissions pour l’oubli ne sont pas un budget pour les ministres en exercice. Mais il y a un coût pour certains entrepreneurs puisque, en passant, la base de la fiscalité sur les plus-values a été élargie. Ce genre de concertation a l’esprit d’un contrôle fiscal à l’échelle de la Nation ! Alors, on se met à rêver, non pas au laisser-faire manchestérien, mais à une simple accalmie dans l’accumulation de mesures incitatives et, ô esprit insensé, à une mise en cale sèche des politiques publiques, un retour en grâce et même un élargissement de la révision générale des politiques publiques. Mais quand on est ministre si peu de temps, peut-on se faire un nom dans le silence du laisser-faire ? ^1^ Jacques Attali (2008), «Rapport de la Commission pour la libération de la croissance française : 300 décisions pour changer la France », Paris, La Documentation Française. ^2^ Sous titre de l’ Accord National Interprofessionnel du 11 janvier 2013 pour un nouveau modèle économique et social au service de la compétitivité des entreprises et de la sécurisation des parcours professionnels et de l’emploi des salariés
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institut présaje
2013-06-01
4
[ "françois ecalle" ]
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LA CROISSANCE, L’ETAT ET LES ENTREPRENEURS
# La croissance, l’Etat et les entrepreneurs La France n’a plus le choix. L’Etat n’a plus les moyens d’être un moteur de la croissance. Le seul moteur disponible est désormais entre les mains de l’entrepreneur, analyse François Ecalle. Notre pays se caractérise par une très faible croissance de son PIB par habitant, ce qui interdit d’augmenter à la fois le pouvoir d’achat et les dépenses publiques, sauf à choisir la voie insoutenable de l’endettement. La nécessaire augmentation de la productivité des actifs dépend désormais avant tout de l’entreprise. Dans son Etude économique sur la France de mars 2013, l’OCDE rappelle que le taux de croissance du PIB par habitant au cours des 30 dernières années y est particulièrement faible. Il se situe au 31ème rang parmi les 34 pays pris en compte (avec toutefois deux grands pays derrière nous : Italie et Japon). ## Taux de croissance du PIB par habitant de 1990 à 2011 (%) La croissance du PIB par habitant n’est certes pas le Graal de toute politique économique et le rapport de 2009 de Stiglitz, Sen et Fitoussi a rappelé, une nouvelle fois, les limites de cet indicateur. Il est toutefois essentiel pour comprendre l’évolution des finances publiques, ce qui est trop souvent oublié. Les prélèvements obligatoires ne sont pas assis sur le « bonheur brut » ou la qualité de notre environnement, mais sur des flux monétaires qui constituent les principales composantes du PIB (les salaires versés, les bénéfices des entreprises…) ou ses principaux modes d’utilisation (la consommation des ménages notamment). En moyenne, sur plusieurs années, la croissance des recettes publiques est ainsi égale à celle du PIB (on dit que leur élasticité au PIB est unitaire). Ces prélèvements obligatoires financent le fonctionnement des services publics et assurent des revenus à ceux qui ne travaillent pas (retraités, malades, chômeurs) ou complètent ceux des autres (familles nombreuses…). Or le volume des services publics nécessaires et des revenus de remplacement ou de complément dépend pour une bonne part du nombre d’habitants. La croissance des dépenses publiques, à politique inchangée, est donc assez largement déterminée par les évolutions démographiques. La création annuelle de richesse, que constitue le PIB, doit permettre à la fois de rémunérer les facteurs de production de cette richesse, travail et capital, et de financer les dépenses publiques. Si le PIB par habitant n’augmente pas, ou quasiment pas comme en France, il faut soit que les rémunérations par tête ne croissent pas1, soit que les dépenses publiques par habitant soient revues à la baisse. La France n’a jamais choisi entre ces deux solutions et, par défaut, en a retenu de fait une troisième qui est insoutenable à long terme : la rémunération des facteurs de production et les dépenses publiques ont continué, à la fois, à augmenter, mais ces dernières ont été financées par l’endettement. Il existe heureusement une quatrième solution, bien plus satisfaisante que les trois précédentes : augmenter plus fortement la production par habitant. La faiblesse de sa croissance en France ne résulte pas d’une structure démographique spécialement défavorable qui serait, par exemple, caractérisée par une progression particulièrement forte de la population totale rapportée à la population d’âge actif (15 à 64 ans). Le classement de la France est quasiment identique au regard des taux de croissance du PIB par personne d’âge actif ou par habitant. Si le taux d’activité des plus jeunes (15 à 24 ans) et des plus anciens (55 à 64 ans) est plus faible en France que dans les autres pays de l’OCDE, celui de la tranche d’âge intermédiaire (25 à 54 ans) y est en effet plus élevé. ## L’enjeu central est donc d’augmenter la productivité de la population d’âge actif. Les gains de productivité peuvent avoir de multiples sources : la formation initiale et professionnelle, le progrès technique, la réorganisation des modes de production, etc. Les analyses économiques montrent que leur source principale diffère fondamentalement selon le degré de développement d’un pays. Dans les pays en retard de développement, comme l’était l’Europe par rapport aux Etats-Unis pendant les Trente Glorieuses, ils résultent d’un rattrapage technologique des pays avancés, souvent guidé par l’Etat, accompagné par une élévation du niveau de qualification. Dans les pays avancés, comme la France aujourd’hui, les gains de productivité résultent beaucoup plus de l’innovation et d’un mouvement schumpétérien de destruction créatrice. Ils ne peuvent reposer que sur l’esprit d’entreprise, la liberté d’entreprendre et l’incitation, fiscale en particulier, à la prise de risque. Le moteur de la croissance n’est plus l’Etat, qui certes gardera toujours de nombreuses fonctions essentielles, mais l’entrepreneur. Si les « trente piteuses » ont suivi les Trente Glorieuses en France, c’est probablement parce que nous n’avons pas su changer de modèle de croissance. ^1^ Entendues en termes « réels », c’est-à-dire de pouvoir d’achat, comme le PIB ou les dépenses publiques dans cet article.
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institut présaje
2013-06-01
2
[ "michèle debonneuil" ]
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LES GISEMENTS FABULEUX DE L’ÉCONOMIE « QUATERNAIRE »
# Les gisements fabuleux de l’économie « quaternaire » Nous vivons la fin d’un cycle. La croissance ne reviendra pas avec les recettes de l’économie d’hier. Michèle Debonneuil, spécialiste des services à la personne, décrit l’avènement d’une économie « quaternaire » qui ne voit plus de frontières entre le « secondaire » et le « tertiaire », entre l’industrie et les services. Facilité par la révolution du numérique, le passage à l’économie « quaternaire » se traduira par la naissance de marchés de « solutions ». Des solutions qui vont permettre de transformer la vie au quotidien tout en révélant d’immenses gisements d’emplois nouveaux. 1. La croissance ne reviendra pas avec les recettes de l’économie d’hier Baisser les salaires pour améliorer la compétitivité des entreprises n’est pas la bonne solution. Il y a quelque chose de diabolique dans les politiques de rigueur qui finissent par étrangler les populations des pays en difficulté. L’Allemagne n’est pas le modèle à suivre pour réveiller la croissance. Elle a pratiqué pendant une dizaine d’années un politique de baisse des coûts qui a réussi parce que les autres pays… n’en faisaient pas autant. Ses succès viennent de l’inaction de ses partenaires et clients. Il faut se convaincre que nous vivons la fin d’un cycle. Nous allons assister à la relève d’un cycle de croissance tiré par les gains de productivité des biens industriels, lesquels ont pu satisfaire un grand nombre de besoins : se nourrir, se vêtir, se loger, se déplacer, s’équiper. Mais dès le début du cycle de croissance tiré par les gains de productivité des biens industriels, un problème s’est posé pour la satisfaction de besoins essentiels de services comme l’hôpital, l’école ou l’aide aux personnes fragiles, impossibles à soumettre à la même logique des gains de productivité. D’où la mise en place dans les grandes démocraties d’activités non productrices, ce que l’on appele les « services publics et sociaux », financés par une partie des gains de productivité dégagés par l’industrie. Or le système est à bout de souffle. Les gains de productivité de l’industrie ne suffisent plus à financer des besoins qualitatifs de plus en plus massifs en matière de santé, d’éducation ou de gestion de la dépendance (allongement de la durée de la vie). 2. Nous entrons dans le cycle de la nouvelle « économie quaternaire » Il n’y a plus de distinction entre les activités « secondaires » et les activités « tertiaires », entre l’industrie et les services. Les deux ont fusionné pour assurer la production de « solutions ». C’est l’explosion des technologiques numériques qui permet de construire un modèle de croissance radicalement nouveau, gisement prometteur de l’emploi. Là où ils se trouvent, que ce soit dans leur domicile ou dans la rue, les consommateurs ont d’ores et déjà l’accès direct à des biens (Velib, voitures, appareils ménagers ou électroniques) ou à des personnes (service après-vente, aides diverses) susceptibles de répondre à de nouveaux besoins. Autre levier : la possibilité de repérer ou de déclencher automatiquement à distance des changements d’état des biens ou de personnes situées à domicile. Exemples pour les biens matériels : la fermeture et l’ouverture de portes, de volets, de lumières ou d’appareils électroniques. Exemples pour les personnes : la détection de la chute d’une personne âgée ou la présence d’un voleur dans un appartement. En interconnectant toutes ces possibilités à celles déjà offertes par les échanges de « data » (voix, image, texte), en exploitant les ressources infinies de l’internet des objets, il devient possible de concevoir des « solutions » qui satisferont nos besoins d’une façon complètement nouvelle par rapport aux biens matériels achetés ou aux services rendus jusque là dans des lieux dédiés comme l’hôpital ou le magasin. 3. L’aide à la vie à domicile est un chantier-test de l’économie quaternaire En attendant l’avènement d’un « réseau quaternaire » entre personnes, entre machines ou entre objets, il faut en passer par la création de plates-formes d’échanges de données numérisées projet par projet. Cela passe par un travail commun entre les entreprises, l’Etat, les collectivités territoriales et les associations. Le chantier est immense. Il est d’ores et déjà ouvert chez les acteurs de l’aide aux personnes en pertes d’autonomie. D’abord, les entreprises qui s’occupent de la vie à domicile (opérateurs d’eau, gaz, électricité, Legrand, Fichet-Bauche, opérateurs téléphoniques etc.) se sont regroupés dans des consortiums qui mettent en place une plate-forme commune pour faciliter les échanges entre objets : mise en marche ou arrêt des appareils à distance, repérage de pannes, télésurveillance etc. De leur côté, les services sociaux des départements se préoccupent des moyens d’aider les personnes en perte d’autonomie. Et surtout, de leur permettre de vivre à leur domicile en profitant des « solutions » ouvertes par les technologies numériques : chemin lumineux au sol, télésurveillance, commandes à distance. Dans plusieurs régions et départements, des projets public-privé sont développés depuis plusieurs mois, premiers maillons de ce qui deviendra plus tard le réseau quaternaire. Evidemment, les pouvoirs publics ont un rôle essentiel à jouer dans ce processus de transformation économique et sociale. Eux seuls peuvent capitaliser les expériences ponctuelles par la mise au point de véritables nouveaux services de l’économie quaternaire. Des services qui seraient standardisés et disponibles en open source. C’est ce que j’appelle la nouvelle infrastructure numérique du quaternaire.
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institut présaje
2013-06-01
1
[ "michel rouger" ]
1,410
LES MOTS DE L´ENTREPRENEUR ET CEUX DE L’ETAT
# Les MOTS de l´ENTREPRENEUR et ceux de L’ETAT Il y a d´un côté ceux qui se méfient des patrons et de l´entreprise privée, et de l´autre ceux qui ricanent sur les fonctionnaires et l´appareil d´Etat. Deux mondes qui ne donnent pas le même sens aux mots. Michel Rouger s´amuse à le démontrer à partir de cinq termes-clé qui touchent à l´économie et à la société : le créatif, la liberté, la responsabilité, le risque et l´expérience. Les discours, politiques comme économiques, ne changent pas, décennie après décennie. La France manque d’entrepreneurs, elle a trop d’Etat… Facile et superficiel, car au pays des grandes idées qui doivent rayonner sur le monde, nous n’arrivons pas à nous accorder sur le sens de nos mots. Par exemple, les deux mots qui figurent en titre n’expriment pas du tout le même concept selon l’idéologie et la circonstance, auxquelles s’ajoutent les cultures et les formations propres aux deux grandes fonctions - le politique et l’économique - telles qu’elles jouent leurs rôles, essentiels au bon équilibre de la société. Surtout quand ces cultures inspirent des luttes intestines, en vouant, tour à tour, aux gémonies les PATRONS et leurs ENTREPRISES, l’ETAT et ses FONCTIONNAIRES. Pour aider à comprendre comment se produit cette accumulation d’inepties économiques, il faut s’inspirer de Confucius et de son attachement au sens des mots. Au moins pour tenter de corriger nos défauts, au sens basique du mot, ce qui nous manque. Prenons en cinq, facilement compréhensibles. L’entrepreneur, le vrai, est un créatif qui se projette dans un espace de liberté, qui prend ses responsabilités, ses risques et privilégie l’expérience assumée à la théorie enseignée. Pour lui, c’est clair, pas pour l’Etat. Chacun reste enfermé dans son langage, et la France dans son marasme, faute d’une pédagogie qui lui permette d’en sortir en les conciliant. ## Le créatif. Comme son nom l’indique, il crée. Il ne se contente ni d’inventer, ni d’innover, voire de rénover. Il réalise un projet qu’il construira pour le plus longtemps, le plus grand espace, le plus grand nombre de clients et d’emplois possibles. A ses débuts, même soutenu par des politiques qui veulent donner à leur action les images successives du novateur, innovateur, rénovateur,  son rôle est aussi méconnu que son personnage, de la part des administrations de l’Etat. Pourtant, n’en déplaise à ses contempteurs, l’entreprise dépend avant tout de son créateur pour apporter, plus tard, la richesse dont la société bénéficiera. Les administrations les plus ouvertes à la modernité, parce qu’elle donne une belle image qui se vend bien dans la quête aux budgets, y voient un innovant, séduisant. Elles ignorent qu’il ne sert à rien d’innover sans la volonté de créer, de construire, d’offrir ce qui sera le monde à venir. Elles ne connaissent du projet que le SOFT, l’idée, pas le HARD, sa construction, sa mise en pratique. Leur premier réflexe est scepticisme et méfiance. La règle de précaution veut alors que le créatif soit traité comme un banal assujetti au guichet de l’administration d’en bas, voire comme entité statistique dans la catégorie des partenaires sociaux de l’administration d’en haut. ## La liberté. L’analyse du sens de ce mot, le premier de notre fière devise républicaine, dans les vocabulaires de l’Etat et de l’entrepreneur, est passionnante. Il a un vrai sens pour le créatif. Il en a besoin pour vaincre les résistances au changement des sceptiques et des conservateurs. Ceux qui partagent le projet avec lui en ont autant besoin pour investir leur temps, leur argent, leur imagination en se dispensant des sécurités offertes à ceux qui sont apeurés par les risques. Ce concept est naturellement incompréhensible par l’Etat. Construit, comme l’Armée des guerres impériales du XIXème siècle, puis comme chef de guerre des armées de l’économie industrielle du XXème siècle, il limite la liberté d’entreprendre aux exigences de la discipline citoyenne, par la norme et le règlement, au-delà même de la Loi. Le rapport récent sur les 400.000 normes qui constituent la camisole de force infligée au monde des entrepreneurs explique tout. Y compris le taux de mortalité de ces fantassins de l’économie, chair à canons des obusiers de la bureaucratie. 80 % à dix ans. On l’oublie. C’est à la fois le déni de réalité et le déni de liberté. De temps en temps, l’entrepreneur trouve un peu de liberté en assumant une vocation de substitution, destinée à pallier la défaillance du politique, lorsque le choix, historique, du chômage de masse pèse trop lourd sur la communauté. Il devient créatif d’emplois assistés, associé dans le traitement de la rémission de ce cancer sociétal. Son banquier est lui-même invité à quitter chapka, moufles et parka pour diffuser la chaleur bienfaisante du pouvoir de dire oui, le temps d’accumuler les pertes, avant de retrouver la prudente frilosité qui assure les gains. On le voit, l’entreprise libre reste victime, en France, de l’image héritée des années de guerre froide, celle du renard libre dans le poulailler libre. ## La responsabilité. L’esprit d’entreprise la revendique comme contrepartie de la liberté, sans toujours en comprendre les limites, surtout les conséquences. Montesquieu, en son temps, a défini l’esprit de commerce comme s’exerçant à mi chemin entre la générosité et le brigandage. Ces deux mots servent de cadre à l’exercice et à la mise en cause des responsabilités encourues par l’entrepreneur qui sont à la mesure des normes que nul n’est censé ignorer, et des risques de défaillance qu’elles provoquent à un niveau démesuré. A partir de quoi, chacun s’accroche à ses certitudes. L’administration à sa suspicion de brigandage, qui sait, comme les bons chiens de garde, que le contrevenant qui a pénétré en territoire interdit doit être ¨ chopé ¨ lorsqu’il sort. L’entrepreneur à sa manifestation de générosité qui l’a entrainé en zone de chasse interdite, voire à s’y installer, sans que le moindre barrage ne l’ait empêché, convaincu de n’avoir enfreint aucune norme face au mutisme du garde qui s’est joué de sa bonne foi. A ce petit jeu de mots, la pièce que l’entrepreneur a entre les mains perd aussi bien pile que face. Il subit le poids de la forme indissociable du couple responsabilité/culpabilité dans lequel la culpabilité est préjugée pour tout ce qui est initiative individuelle. ## Le risque. Il fait partie du quotidien de l’entrepreneur. Sans lui, pas de vertu stimulatrice dans l’effort. Avec lui, l’apprentissage des moyens de le maîtriser, sous toutes les formes qu’il revêt. Le seul outil disponible pour éviter qu’il se réalise en détruisant le projet reste l’esprit de prévention. L’Etat préfère l’esprit de précaution face aux risques que tout assujetti rencontrera et qu’il entend protéger. Il en a fait une loi constitutionnelle. Ce qui déprécie tout effort de prévention. Puis, faute pour l’administration de pouvoir ni tout bloquer ni tout interdire, elle laisse des trous dans les sécurités des systèmes étatiques construits, de fait, pour une protection illusoire. Le mot de risque change alors totalement de sens selon qu’il pèse sur l’entrepreneur, même bénévole, réputé, voire préjugé, à la fois responsable et coupable, et l’Etat, au besoin pour sa propre raison, à la fois non coupable et irresponsable devant les tribunaux réservés au vulgaire. ## L’expérience. L’entrepreneur ne peut compter que sur elle, la sienne comme celle de ceux qui l’accompagnent dans son projet, pour affronter les défis qu’il rencontrera dans sa démarche créative, sa recherche de liberté, sa prise de risques et de responsabilités. Une expérience faite d’une accumulation d’efforts, de sens pratique, de réalisme, de maîtrise des réussites comme des échecs, en un mot, de qualités humaines de générosité que la malignité, tout aussi humaine, peut faire brigandage. L’Etat, grand organisateur des carrières de ses serviteurs, voit dans l’expérience individuelle sur laquelle ils pourraient exercer leur office ou leurs missions, matière à détournement de pouvoir et d’autorité. La théorie, pièce maîtresse du concours d’accès au statut, dessine la carrière administrative dans le moule de laquelle le serviteur sera coulé corps et âme. Avec une différence entre le guichetier d’en bas, qui gère les assujettis, rivé à son indice et à son échelle, et les grands serviteurs des administrations centrales seuls autorisés à pantoufler dans le monde des grandes entreprises, donc plus ouverts aux expériences de ceux qui ont contribué à les créer. Les maux de l’économie expriment ce que disent les mots de ceux qui la créent et de ceux qui la contrôlent quand ils ne l’administrent pas directement ou indirectement. On dit le Français peu doué pour les langues. C’est vrai pour celles de l’économie !
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institut présaje
2013-06-01
3
[ "françois lainée" ]
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DIRIGEANTS D’HYPER-CROISSANCE, DES INCONNUS PORTEURS D’ESPOIR !
# Dirigeants d’hyper-croissance, des inconnus porteurs d’espoir ! À la source de notre croissance se trouvent une poignée de sociétés, les PME d’hyper-croissance. Des entreprises capables de croître beaucoup et durablement, parce qu’elles maîtrisent la vraie innovation, savent équilibrer exigences et gratification de leur personnel, et surtout ont à leur tête des dirigeants d’exception, explique François Lainée. Portrait robot des entreprises et des équipes qui donnent à espérer dans la relève du pays. La croissance ! Mot magique, fluide perdu, carburant sociétal… Elle semble disparue, on la cherche et l’implore. Et pourtant, avant d’être cette abstraite déesse macroéconomique, elle est le résultat de choix de tous les jours, ceux des consommateurs quand ils passent à l’acte, et ceux de dirigeants qui font grossir leur entreprise et, pour ce faire, produisent, vendent, investissent. Et, au cœur de la croissance, cachés dans le maquis des milliers d’entreprises de notre pays, il y a un petit groupe d’exceptions : les sociétés d’hyper-croissance. Ce sont ces PME, de 50 à 2000 employés qui, malgré leur  taille déjà conséquente, voient leurs effectifs continuer de croître, significativement (plus de 15% annuellement), régulièrement (plus de 3 ans sur les 5 dernières années). On en compte en France moins de 2.000, sur un total de 28.000 sociétés de la taille indiquée, soit moins de 7%. Ont-elles des points communs ? A première vue très peu. On en trouve en effet dans le commerce autant que dans l’industrie (15% chacun), et surtout dans les services, notamment aux entreprises (55%). Des sociétés de haute technologie, certainement, éditeurs de logiciels (Neolane, TraceOne), ingéniéristes (Nexeya), ou conseils (Niji,Oxand) mais pour une faible part. Et par contre, beaucoup de sociétés à l’activité peu glamour, comme le nettoyage (Austral, Lustral) ou la sécurité (Technigarde, GLN, S2curité), industriels, ou divers commerces. Beaucoup n’exportent pas, et croissent malgré tout, montrant que le lien entre emploi et mondialisation est bien moins simple qu’on ne voudrait souvent le croire. A-t-on alors affaire à l’archétype de l’entrepreneur fondateur, parti de rien et toujours aux commandes de sa société ?  Eh bien non. Près de la moitié de ces sociétés sont filiales de grands groupes, et conservent pourtant une vitesse de croissance forte dans la durée, et les patrons des sociétés indépendantes, souvent, ne les ont pas fondées. ## La clé d’une offre innovante Pourtant, premier indice, tous les dirigeants d’hyper-croissance que j’ai pu rencontrer sont d’accord sur un point : à la fondation de leur capacité à hyper-croître se trouve… une offre innovante. Mais pas l’innovation dont trop souvent encore on rêve chez nos ministres, avec des brevets et de la science pointue. L’innovation, celle dont le juge de paix est, et n’est que le marché. Ainsi Sogal, un fabricant de placards, sans brevets, a connu une croissance forte et durable en faisant percevoir son offre comme des solutions à agrandir l’espace. Ce concept lui a ouvert toutes grandes les portes de l’Asie, lieu où la place est rare ; ses gammes industrielles ont fait le reste ensuite. Autre point commun très clair : l’hyper-attention portée aux ressources humaines. Le recrutement, d’abord, exercice difficile car l’hyper-croissance exige des employés une capacité à se remettre en cause en permanence, à savoir décider en univers incertain, à être très autonome tout en jouant en équipe. Un environnement pas fait pour tout le monde. Aussi, en conséquence, ceux qui sont embauchés sont traités avec autant d’attention qu’ils connaissent d’exigence. Dans ces sociétés, l’immense majorité des dirigeants a pour règle la tolérance à l’échec, et le souci de réorienter avec une seconde chance les employés qui n’ont pas trouvé leurs marques dans un premier poste. Ainsi dans une société de voyages personnalisés sur Internet, une hôtesse d’accueil est devenue patronne d’agence locale, et un chef de produit export attaché  de presse, tous deux bien à leur place dans leurs nouvelles fonctions. ## Une envie de dépassement Mais ces deux points communs trouvent leur origine dans un troisième, qui est le faisceau de caractéristiques personnelles hors du commun qui se retrouvent chez les dirigeants de ces entreprises. Des ressemblances qui ne tiennent pas aux études, aux itinéraires qui les ont amenés là, ni même vraiment à l’âge où ils sont devenus dirigeants d’hyper-croissance, mais plutôt à des qualités touchant au caractère. Tout d’abord ils sont animés d’une envie insatiable de dépassement, certains poursuivant la croissance comme le but en soi, d’autres la subissant comme le résultat du désir forcené de satisfaire parfaitement les clients. Conséquence de cette ambition, l’exigence qu’ils imposent à toute activité dans l’entreprise ; pour eux le bien est l’ennemi du mieux, quel que soit le domaine. Troisième caractéristique, contrepoint nécessaire de la seconde, leur culture de l’erreur ; ils reconnaissent les leurs, ce qui leur donne plus de chances de les corriger, et leur permet aussi d’accepter celles des autres. Ensuite ils sont tous tournés vers l’extérieur de l’entreprise,  dirigeant eux-mêmes la stratégie, et s’impliquant de manière forte dans le développement commercial, et le recrutement, plutôt que la R&D ou la finance. Enfin, une clé de voûte de leur savoir-croître est la capacité réelle à recruter des adjoints meilleurs qu’eux dans chacun des domaines. Régner par la médiocrité n’est pas à leur menu et ils ne craignent pas qu’un jour on les remplace (même si cela arrive), parce qu’ils ont conscience que leur savoir-faire de chef d’orchestre est en lui-même unique. Dans les temps difficiles que nous traversons, ces dirigeants inconnus, trop peu nombreux hélas, sont des porteurs d’espoir. Leur nombre, leur santé, leur moral, devraient être les indicateurs avancés que scrutent nos autorités et, peut-être, des modèles pour nos gouvernants.
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institut présaje
2016-04-01
7
[ "philippe rouger" ]
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DE L’AIDE AU DIAGNOSTIC À LA RÉVOLUTION DU BIG DATA INDIVIDUEL
# De l’aide au diagnostic à la révolution du Big data individuel Volume, variété, vélocité. La règle des trois V appliquée depuis longtemps aux données de la météorologie, de la finance ou du marketing s’impose désormais dans l’univers de la santé, ouvrant des brèches dans l’espace de vie intime des individus. Mais, explique Philippe Rouger, le Big data n’est que l’une des composantes technologiques de la révolution à venir dans la médecine. Lors des multiples conférences qui se tiennent sur le thème de la santé et de la médecine, on entend généralement des médecins expliquer comment ils comptent utiliser les outils du Big data. Essayer de comprendre comment le Big data va lui-même exploiter les techniques de la médecine serait sans doute plus intéressant si l’on veut comprendre quels sont les enjeux et les risques que représentent les évolutions actuelles. Le terme de Big data a été rapidement récupéré par le marketing et appliqué à toutes sortes de produits mettant en œuvre des données, qu’il s’agisse de statistiques, d’analyse de données ou encore d’open data, ce qui a créé une certaine confusion. En réalité, on peut parler de Big data lorsque les trois V suivants sont réunis : un énorme volume de données, une très grande variété dans la nature de ces données, et enfin une extrême vélocité dans leur production. Les données du Big data se renouvellent en effet tous les jours, voire toutes les heures ou même à chaque instant. La première application du Big data s’est faite dans la météorologie, pour laquelle on a créé l’expression de data science. Au fil du temps et de l’amélioration des algorithmes et outils de calculs appliqués à ces données, les prévisions sont devenues de plus en plus justes, d’abord à un jour, deux jours, trois jours, puis à une semaine et davantage. Une autre application spectaculaire est celle de la finance : des serveurs à haute fréquence analysent en temps réel des volumes colossaux de données, identifient des tendances et passent automatiquement des ordres d’achat ou de vente. Aujourd’hui, 60 % des ordres donnés en Bourse sont formulés par des machines. ## Les applications du Big data à la santé Dans le domaine de la santé, le Big data va tout d’abord permettre d’améliorer le diagnostic des maladies chroniques grâce au recueil et à l’analyse d’un très grand volume de données. Il servira également à compiler l’ensemble des données administratives et à mieux les gérer. Enfin, on commence à voir se dessiner la notion de Big data individuel, qui permettra à chaque personne d’accéder à ses données génétiques mais aussi aux données biologiques résultant de ses interactions avec son environnement et évoluant en permanence, ce qui représentera un volume de données incommensurable. Cette approche est encore émergente et, pour le moment, n’est pas autorisée en France ni dans une partie de l’Europe. Une révolution pour la médecine À mon sens, le Big data ne suffira pas en lui-même à révolutionner la santé. Il faudra, pour cela, qu’il s’accompagne d’autres révolutions technologiques qui auront également un impact très important sur la santé, comme le développement de la télémédecine, les autoanalyseurs, les nanotechnologies, les objets connectés. Tous ces outils génèreront des données qui pourront être recueillies et traitées dans le cadre du Big data, ce qui permettra, sinon de révolutionner la médecine, du moins de la faire fortement progresser.
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institut présaje
2016-06-01
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[ "michel barbet-massin", "yvonne muller" ]
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BREXIT, QUELLE INCIDENCE SUR LA NORMALISATION COMPTABLE ?
# Brexit, quelle incidence sur la normalisation comptable ? La normalisation comptable est aussi une affaire de politique. Au sein de l'union européenne, la Grande-Bretagne exprimait jusqu'ici le point de vue de l'école juridique anglo-saxonne face à l'école juridique représentée par l'Allemagne et la France. Elle a joué un rôle actif dans l'adoption des règlements européens en matière d'IFRS. Quelle sera la suite à donner en cas de retrait des instan ces communautaires ? La normalisation comptable internationale des entreprises est, au-delà de sa dimension juridique, une affaire politique. Au sein de l'union européenne, la Grande-Bretagne a joué un rôle déterminant dans l'adoption, par l'Europe, des IFRS, fortement marquées par la culture juridique anglo-saxonne. Dès lors, si la Grande-Bretagne devait sortir de l'union européenne, la question se poserait moins du maintien (à priori évident) des IFRS pour les entreprises anglaises que de l'influence de la Grande-Bretagne dans le processus de normalisation internationale. Si elle demeure confidentielle en raison de sa complexité, la normalisation comptable internationale des entreprises cotées présente un réel enjeu politique tant pour la Grande Bretagne que pour l’Europe qui, depuis un règlement de 2002, a adopté le référentiel international (les IFRS, International Financial Reporting Standards) établi par un normalisateur privé, l’IASB (International Accounting Standards Board) le rendant obligatoire pour les comptes consolidés de toutes les entreprises cotées européennes. Celles-ci disposent, à travers ce référentiel, d’un langage comptable commun non seulement pour l’Europe, mais au-delà puisque les IFRS sont aujourd’hui appliquées par plus de 100 pays dans le monde. Dès lors, au-delà de la question de son impact sur l’économie britannique, le Brexit pose également celle, financière et politique, de savoir si les normes comptables utilisées par les plus grandes entreprises britanniques sont susceptibles de changer et, par contrecoup, celle de savoir, dans quelle mesure les choix de l’Europe pourraient être modifiés, en ce domaine, par la sortie des britanniques de l’Union européenne. ## Quels impacts pour les britanniques ? Ironie de l’histoire peut-être, la normalisation comptable internationale trouve ses racines en Grande-Bretagne. Initié dès les années 1970 par un anglais, Henry Benson, associé du cabinet Coopers and Lybrand, le processus de normalisation comptable internationale est alors confié à un organisme privé basé à Londres, l’International Accounting Standards Committee (IASC) devenu en 2001 l’IASB. Il vise concrètement à permettre la compatibilité et la comparabilité dans le monde de l’information financière diffusée par les grandes entreprises sur les marchés financiers. Après l’échec, dans les années 1970/1980, d’une harmonisation comptable européenne, la Commission européenne va faire le choix politique, en 2002, d’adopter les normes comptables élaborées par l’IASB, leur application étant fixée au 1er janvier 2005. Pour ce faire, la Commission recourt alors à un outil juridique fort, le règlement, dont l’application est immédiate et directe dans tous les Etats membres Les britanniques ont non seulement mis en œuvre ce règlement, et toutes leurs sociétés cotées s’y conforment, mais ils sont au-delà de cette application. Dans le cadre du transfert des responsabilités de normalisation nationale de l’Accounting Standard Board (ASB) au Financial Reporting Council (FRC) en 2012, ce dernier a émis trois normes importantes (FRS 100 à 102), applicables à compter du 1er janvier 2015 à la fois au Royaume-Uni et en Irlande. Ces normes ouvrent la possibilité pour toutes les sociétés, même non cotées, d’appliquer pour l’établissement de leurs comptes sociaux, les normes IFRS telles qu’adoptées par l’UE, avec certaines simplifications en matière de notes annexes pour les sociétés faisant partie d’un groupe publiant des comptes consolidés selon les normes IFRS telles qu’adoptées par l’UE. A défaut d’utiliser cette possibilité, les sociétés doivent appliquer FRS 102, ou FRS 105 pour les plus petites entreprises, normes globales directement inspirées de la norme IFRS pour les PME, sous réserve de certaines adaptations à la règlementation européenne et à la loi anglaise sur les sociétés. En outre, et alors que la Commission européenne débat aujourd’hui de l’éventuelle élaboration de normes comptables internationales pour le secteur public, les EPSAS («European Public Sector Accounting Standards»), la Grande-Bretagne a, depuis 2009, adopté, pour les comptes de l’Etat (WGA, Whole of Government Accounts), des normes directement inspirées des IFRS. Dans ce contexte, le Brexit pourrait ne pas avoir, ou très peu, de conséquences sur la réglementation comptable britannique. Plaident en faveur d’une sorte de statu quo : le caractère récent des normes comptables internationales, l’attachement manifesté par la Grande-Bretagne à ces normes qui ont vocation à s’appliquer aux entreprises privées, cotées ou non, mais aussi aux comptes de l’Etat, ainsi que l’intérêt pour les entreprises britanniques, en particulier celles cotées, d’utiliser un référentiel comptable universellement reconnu disposant de l’équivalence avec les normes comptables américaines, les US GAAP, évitant ainsi de coûteux exercices de transposition. La Grande-Bretagne devrait donc continuer à s’appuyer sur les IFRS dont l’élaboration mais aussi l’interprétation sont assurées par des organismes privés au sein desquels l’Union européenne cherche simplement à exercer une réelle influence. Sans doute la procédure d’adoption des normes pourrait être modifiée, puisque la Grande-Bretagne, qui ne serait plus liée par le Règlement européen de 2002, pourrait soumettre l’application des IFRS à une procédure d’adoption interne se réservant le choix de les refuser et/ou de les interpréter selon ses propres critères. La Grande-Bretagne pourrait donc faire directement référence aux IFRS et non aux IFRS telles qu’adoptées par l’UE ou encore aux IFRS telles qu’adoptées par le Royaume Uni; mais ce dernier cas semble à ce stade improbable les entreprises britanniques ne faisant pas actuellement usage des exceptions autorisées par l’UE. Se posera néanmoins la question de savoir si les normes comptables britanniques continueront pour le futur d’être également celles de l’Irlande, question dont on conviendra qu’elle se pose plus pour l’Irlande que pour la Grande-Bretagne. ## Quels impacts pour l'union européenne ? Le principal effet d’un Brexit se poserait en terme d’influence : quelle capacité d’influence la Grande Bretagne pourrait-elle garder sur les règlementations européennes et, plus globalement, dans l’élaboration des normes comptables internationales ? Ne dit-on pas que l’échec d’une harmonisation comptable pour l’UE est essentiellement dû à la divergence entre l’école juridique continentale menée par la France et l’Allemagne et l’école juridique anglo-saxonne représentée par la Grande-Bretagne ? Cet échec n’a-t-il pas favorisé l’essor de l’initiative anglaise d’une normalisation comptable internationale, que l’on dit toute imprégnée de l’esprit du capitalisme anglo-américain par opposition au capitalisme rhénan ? Le siège de l’IASB ne se trouve-t-il pas à Londres, à quelques mètres de celui du FRC ? Quelle serait la place des anglais au sein des différents organismes, internationaux et européens (ARC, EFRAG etc.. à supposer que le Royaume-Uni reste membre de l’AELE) qui participent au processus de normalisation comptable ? Peut-on imaginer qu’un anglais assure la présidence ou la vice-présidence, comme par le passé, de l’IASB ? Finalement c’est rappeler que la normalisation comptable internationale est, au-delà de la technique, une affaire politique, tout comme le BREXIT qui pourrait bien secouer la Grande-Bretagne dans des domaines que l’on pouvait penser épargnés. Michel Barbet-Massin, Associé Mazars et Yvonne Muller-Lagarde, Maître de conférences en droit privé, Université Paris Ouest Nanterre.
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institut présaje
2016-04-01
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[ "alain-michel ceretti" ]
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LES DROITS INDIVIDUELS RECONFIGURÉS PAR LE BIG DATA
# Les droits individuels reconfigurés par le Big data Les questions de santé font partie des préoccupations du Défenseur des droits. Le témoignage d’Alain-Michel Ceretti est doublement instructif. A titre professionnel, il dirige une entreprise d’électronique et à titre personnel, son épouse ayant contracté une infection nosocomiale, il a fondé avec elle une association, Le Lien, destinée à défendre le droit des malades. C’est ce qui l’a conduit à occuper des fonctions auprès des médiateurs de la République. Jusqu’à ce jour, le pôle santé de l’institution du Défenseur des droits n’a eu à traiter qu’un faible nombre de dossiers liés à la question du Big data. En 2014 et 2015 tous portent sur la divulgation d’informations personnelles via Internet, à la suite d’incidents techniques ou de manipulations erronées. Le pôle santé n’a pas constaté de volonté de nuire ni de problème ## L’intérêt des données de santé pour les acteurs publics et privés Le Big data représente un outil précieux pour de nombreux acteurs publics et privés de la santé. Pour une agence régionale de santé par exemple, connaître le nombre de personnes souffrant du diabète de type 2 et leur profil en termes d’âge facilite la mise en place de moyens correspondant aux besoins. Mais c’est également un outil de décision industrielle et commerciale pour les acteurs fabriquant des dispositifs médicaux et des médicaments liés à cette pathologie. Les données du Big data devraient également permettre aux industriels de mieux gérer les risques liés à leurs produits, grâce au suivi des personnes y ayant eu recours. ## Le SNIIRAM En France, il existe d’ores et déjà une grande base de données, le SNIIRAM (Système National d’Information Interrégimes de l’Assurance Maladie), qui collecte les informations sur les soins reçus par les assurés et permet aux territoires de santé de se doter des moyens nécessaires. Cette base présente l’intérêt de couvrir l’ensemble de la population française, alors que dans les pays où les patients doivent recourir à des assurances privées, les données sont fragmentées entre plusieurs entreprises. Le système français bénéficie aussi d’outils très performants de suivi des profils des patients et de la façon dont ils sont pris en charge. La loi qui est actuellement en préparation va ouvrir la base du SNIIRAM aux industriels en leur imposant un certain nombre de conditions. En particulier, l’exploitation des données ne devra pas revêtir de caractère commercial, formule qui va probablement entraîner énormément de contentieux. Par ailleurs, le législateur distingue les données qui ne permettent pas d’identifier les personnes et celles qui permettent de le faire par recoupement ou « rechaînage ». L’utilisation des unes sera complètement ouverte et celles des autres soumise à conditions. ## Les données issues des objets connectés À côté de cette base de données officielle, il existe de très nombreuses autres données, en particulier celles recueillies par les objets connectés, dont on ne sait pas vraiment quelles sont leur qualité ni leur fiabilité, sans parler de leur statut juridique. Combien de fois chacun de nous a-t-il cliqué sur une case pour certifier qu’il avait pris connaissance des conditions générales d’utilisation d’une application, sans même avoir ouvert la page correspondante ? Certaines de ces applications sont gratuites, d’autres payantes. Dans le premier cas, en l’absence de bannières publicitaires, on peut se demander comment l’éditeur du logiciel gagne de l’argent. Souvent, il propose des services payants ou des dispositifs médicaux à connecter au smartphone,  mais on peut supposer aussi qu’il revend les données à des tiers. C’est ainsi qu’on a vu récemment publier une étude sur l’évolution du poids en fonction des âges dont la source était Withing, célèbre fabricant de balances électroniques. D’aucuns considèreront que ce n’est pas grave : «Quelle importance si Withing utilise gratuitement mes données, dans la mesure où il me fournit en contrepartie un service qui m’intéresse ?» On peut cependant craindre que ce genre d’utilisation ne soit qu’un début. ## La certification des applications Il y a quelques années, on trouvait dans les supermarchés des yaourts censés exercer un effet bénéfique sur la santé. Une réglementation a été mise en place et, désormais, aucun fabricant de produits alimentaires ne peut se prévaloir de résultats en matière de santé sans les avoir démontrés. Il devra en être de même en ce qui concerne les applications concernant la santé. En 2013, on dénombrait aux États-Unis 165 000 objets connectés susceptibles d’avoir impact sur la santé et vendus comme tels. On en est aujourd’hui à plus de 300 000 et de nouveaux objets apparaissent chaque jour. Le secteur connaît actuellement une bulle et comme toujours dans ce cas, de très nombreux acteurs, petits, moyens et grands, se positionnent. Il est nécessaire que les pouvoirs publics instaurant une régulation pour ne pas laisser les consommateurs démunis devant la multiplication des objets et les risques qu’ils peuvent présenter. Des premières sanctions viennent d’ailleurs de tomber aux États-Unis : la Federal Trade Commission, en charge de ces questions, a infligé une amende de 150 000 $ à la société Carrot Neurotechnology pour avoir indiqué sans preuve scientifique suffisante que son application pouvait améliorer la vision. En France, le Conseil de l’Ordre demande des mesures similaires, mais je n’ai pas vu de disposition de ce type dans le projet de loi Santé. ## L’aide au diagnostic Depuis quelques années, il existe des logiciels d’aide au diagnostic. En France, les sociétés proposant ces applications doivent être agréées par la Haute Autorité de Santé pour que leur produit puisse être installé sur l’ordinateur d’un médecin. Le logiciel Watson, développé par IBM, est capable de réaliser des calculs à une vitesse extraordinaire, ce qui peut s’avérer extrêmement précieux dans le traitement des cancers, pour lequel on s’oriente vers une approche individuelle sur la base du séquençage ADN des tumeurs. Le nombre des messages chimiques transmis par une tumeur cancéreuse est d’environ trois milliards, ce qui représente dix téraoctets d’informations. Aucun être humain, si compétent soit-il, ne pourrait gérer une telle masse d’information. Le logiciel d’IBM est capable d’établir la cartographie de la tumeur en moins d’une seconde à partir de ces données et de définir le traitement adéquat. ## Le risque de dépendance à des entreprises privées Le premier séquençage complet d’un génome humain, réalisé en 2003, avait coûté deux milliards d’euros. Aujourd’hui, le prix d’un séquençage n’est plus que de mille dollars, et il va probablement tomber à cent ou même à dix dollars assez rapidement, ce qui va créer un véritable marché. Google et Apple ont pris une avance considérable dans ce domaine. Si la France ne se dote pas d’une plateforme sécurisée permettant de recueillir ce type de données et de s’en servir pour des traitements, elle risque de se retrouver, vis-à-vis de ces firmes américaines, dans la même situation de dépendance qu’au lendemain de la guerre en matière d’antibiotiques.
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institut présaje
2016-04-01
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[ "bruno gencarelli" ]
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TRANSPARENCE, QUALITÉ DE L’INFORMATION, PROTECTION DES DONNÉES PRIVÉES : L’ACTION DE L’UNION EUROPÉENNE
# Transparence, qualité de l’information, protection des données privées : l’action de l’Union européenne En 2012, la Commission européenne a présenté un projet de réforme de la protection des données personnelles. Que s’est-il passé depuis lors ? Pour Bruno Gencarelli, l’un des porteurs du projet et négociateur de l’accord de 2015 conclu avec les Etats-Unis, le droit de la protection des données personnelles et plus largement de la vie privée a désormais atteint sa maturité. Le droit de la protection des données personnelles,et plus largement de la vie privée, a fait l’objet d’une constitutionnalisation à travers la Charte des droits fondamentaux, dont l’article 8 est désormais contraignant. Il a également trouvé une base juridique spécifique dans le Traité européen, qui permet à l’Union européenne de légiférer en la matière, et du reste un très important paquet législatif est actuellement en cours de négociation. Enfin, le droit de la protection des données personnelles fait l’objet d’une jurisprudence abondante et particulièrement protectrice à la Cour de justice, que ce soit à propos du rôle des autorités de contrôle indépendantes (les CNIL), du droit des individus et en particulier du droit à l’oubli, ou encore de la prise en compte de la protection des données dans les domaines sensibles comme la prévention et la répression des infractions pénales. ## La matière première de l’économie numérique Ces évolutions juridiques n’ont fait qu’accompagner l’ampleur prise par la collecte, le traitement et le partage des données à caractère personnel, qui sont devenues la véritable matière première de l’économie numérique. Ces données irriguent la recherche et constituent désormais un aspect essentiel de très nombreuses activités. ## Une nouvelle pertinence pour la protection des données personnelles La question de la protection des données met en évidence un paradoxe. Alors qu’on parle d’étanchéité pour des données dites sensibles ou ultra-sensibles les données de santé, on s’aperçoit que les données en question peuvent être agrégées et combinées avec d’autres : les frontières tombent. On observe également que des notions comme le principe de finalité sont brouillées : il devient difficile d’anticiper quel usage sera fait des information recueillies. L’émergence du Big data a ainsi paradoxalement pour effet de conférer une nouvelle pertinence à la notion de protection des données privées, alors que cette notion pouvait paraître dépassée et, si j’ai bien compris, réservée aux «vieux cons» ## Vers de nouvelles avancées législatives ? La nécessité de protéger la vie privée est déjà prise en compte dans le droit national, depuis la loi Informatique et liberté de 1978, et dans le droit européen, depuis la directive de 1995. Nous nous efforçons maintenant d’obtenir de nouvelles avancées. Le consentement à la communication des données devrait être explicite. La qualité de l’information fournie pourrait être meilleure, et les pages en petits caractères, que personne ne lit, pourraient être remplacées par des icônes ou par des symboles graphiques. Les finalités du traitement des données devraient être spécifiées. Le droit applicable devrait être clairement déterminé : dès qu’il y a ciblage d’un utilisateur européen et/ou fourniture d’un service, le droit européen devrait s’appliquer, indépendamment de la localisation de la société. La question des transferts internationaux devrait également être clarifiée, sachant que, le plus souvent, les données recueillies traversent l’Atlantique. Nous travaillons aussi sur les questions de discrimination, notamment à propos des profils de santé qui pourraient constituer une barrière à l’embauche. La réforme du cadre législatif en matière de protection des données est en voie d’adoption. Elle en est actuellement à la phase des trilogues, c’est-à-dire de la négociation finale entre les trois institutions, Parlement, Conseil et Commission. Le nouveau cadre législatif comportera trois grands axes. ## Rationalisation et simplification Le premier concerne la rationalisation et la simplification du cadre réglementaire en matière de protection des données. L’adoption d’un règlement au lieu d’une directive permettra de mettre fin à la fragmentation des droits nationaux, dans une matière qui est par définition transfrontalière. La simplification se traduira par la suppression de nombreuses obligations de notification d’autorisations préalables, qui se sont avérées peu efficaces en matière de protection des données. On passera d’un système ex ante à un système ex post, avec des mécanismes internes de contrôle (évaluation d’impact, obligation de documentation…) et des mécanismes externes, comportant notamment la possibilité de sanctions financières crédibles. Cette démarche de simplification et d’harmonisation, qui traverse l’ensemble du texte, se heurte à certaines limites, notamment dans le domaine qui nous intéresse aujourd’hui, celui de la santé. C’est un effet un domaine où les compétences de l’Union européenne sont limitées et où les États membres sont soucieux de préserver certains particularismes nationaux. Notre proposition prévoyait, par exemple, l’adoption de mesures communes de réduction des risques, comme le recours à la pseudonymisation, mais les résistances des États membres se sont avérées relativement fortes en la matière. ## Renforcement des droits des individus Le deuxième axe est le renforcement et la mise à jour des droits des individus. À partir du socle que constituent le droit national, le droit européen de 1995 et les droits tels que l’accès à l’information et à sa rectification, nous proposons d’introduire des droits nouveaux tels que le droit à la portabilité des données. Un individu devrait pouvoir faire déplacer ses données d’un fournisseur de services à un autre, ce qui lui permettrait de choisir celui qui lui apporte davantage de garanties en matière de protection et de sécurité des données. La concurrence serait ainsi renforcée et les barrières à l’entrée abaissées. ## La mise en œuvre du droit Le troisième axe est celui de la mise en œuvre du droit. En 2014, on a constaté une augmentation de 50 % des incidents de sécurité. Compte tenu de la valeur des données personnelles, les conséquences de ces incidents sont de plus en plus sérieuses, et ce risque concerne aussi bien le secteur privé que le secteur public. Or, il ne peut pas y avoir de règle de droit crédible s’il n’existe pas de sanction crédible attachée à sa violation. C’est pourquoi nous proposons de permettre aux CNIL européennes d’imposer des sanctions financières proportionnelles au poids des entreprises en cause, c’est-à-dire calculées par rapport à leur chiffre d’affaires. Au-delà de ce système de sanction, nous proposons un véritable changement de gouvernance en matière de protection des données. Aujourd’hui, chaque CNIL agit sur son propre territoire, alors que les affaires dont nous parlons sont transfrontalières et ont un impact pour l’ensemble des citoyens européens ou pour une grande partie d’entre nous. C’est pourquoi nous proposons la création d’un guichet unique pour les recours. L’instruction des dossiers serait assurée par l’une des autorités nationales qui devrait décider des mesures à prendre avec les autres autorités concernées. Il ne s’agirait pas de créer une super autorité européenne mais bien un système reposant sur la mise en réseau des CNIL européennes et sur leur collaboration.
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2016-04-01
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[ "pascal durand" ]
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QUI SERA LE GARDIEN DE NOTRE VIE INTIME ?
# Qui sera le gardien de notre vie intime ? Autrefois, le patient venait consulter le médecin quand il se sentait mal. Aujourd’hui, on passe d’une logique de la demande à une logique de l’offre. Il circule sur notre planète autant de données électroniques que d’étoiles dans l’univers. Qui organise, qui contrôle, qui finance le traitement des données de santé ? Pour Pascal Durand, qui plaide pour un retour au droit “dur”, le Big data pose aussi un problème de souveraineté aux Etats et à l’Europe. Au cours de l’Antiquité, un basculement s’est opéré entre le monde des Grecs, qui terminaient leurs lettres par «Sois heureux», et celui des Romains, qui les concluaient par «Porte-toi bien». On est passé du souhait d’une vie harmonieuse à une préoccupation centrée sur le mens sana in corpore sano. Aujourd’hui, non seulement nos concitoyens continuent à se préoccuper de leur santé, mais ils revendiquent le droit de ne plus être malades, et bientôt peut-être le droit de ne plus mourir. Le corps médical et le monde de la santé tout entier sont désormais confrontés à cette logique du zéro risque. Face à cette situation, on peut aller soit vers le meilleur, soit vers le pire des mondes. Le rôle de la science, mais aussi des juristes, est de trouver un juste équilibre. À un moment où on n’entend parler que de soft law et où l’on nous explique que les professions peuvent s’autoréguler sans qu’il soit besoin de légiférer, j’apprécie les propos des porteurs du projet de réforme présenté par la Commission européenne sur l’impossibilité d’affirmer un droit sans prévoir les sanctions correspondantes. L’ex avocat que je suis se réjouit de constater que la Commission se met à nouveau à aimer le droit «dur», sans lequel, effectivement, il n’y a pas de vie en société possible. ## Qui financera le traitement des données de santé ? Il existe d’ores et déjà, sur notre planète, autant de données électroniques que d’étoiles dans l’univers. Le problème n’est plus de collecter les données : elles s’offrent spontanément. Dans le passé, c’était le médecin qui interrogeait le patient venu le consulter : «Comment vous sentez-vous ? Avez-vous mal plutôt ici ou plutôt là ?» Désormais, le patient envoie lui-même ses données au médecin. Parfois même, les informations sont transmises aux médecins sans le consentement du patient, ou avec un consentement fictif. Le vrai problème n’est donc plus celui de la collecte, mais celui du traitement. Qui va traiter toutes ces données ? À quel coût ? Et qui prendra ce coût en charge ? Qui financera le traitement des données du Big data en matière de santé ? Il est peu probable que ce soit l’État, compte tenu du déficit auquel il est confronté. Sa prise en charge sera vraisemblablement assurée soit par un partenariat public-privé, soit directement par des acteurs privés, comme c’est déjà le cas, pour l’essentiel, aux États-Unis. ## De la documentation à la manipulation ? Ceci entraînera un autre type d’évolution. Dans le passé, lorsqu’un patient consultait un médecin, c’était généralement parce qu’il se sentait mal, même s’il y a toujours eu des hypocondriaques. Désormais, on passe de la logique de la demande à celle de l’offre : les gens vont être sollicités en permanence par des offres de santé : « Attention à votre pression artérielle ! Faites-vous suffisamment de sport ? Comment va votre cœur ?» On peut craindre alors de passer de la documentation à la manipulation. ## Qui sera le gardien de notre vie intime ? Jacques Ellul observait que la technique allait toujours plus vite que son environnement socio-économique et juridique et, sur ce point, il avait raison. La captation des données électroniques est une réalité objective et acquise : quoi que nous fassions, les données seront collectées. Nous allons maintenant devoir «courir» derrière ce nouveau phénomène et poser des garde-fous pour éviter les dérives. Le Conseil d’État a déjà eu à se prononcer à propos des appareils respiratoires utilisés pour lutter contre les apnées du sommeil. Sachant que ces appareils ont un coût, la tentation était grande, pour l’État qui est en déficit, de contrôler si les patients les utilisent ou non et, le cas échéant, de leur imposer des sanctions. De même, on pourrait imaginer que les pouvoirs publics cherchent à vérifier si les patients prennent bien leurs médicaments, ce qui nécessiterait qu’ils pénètrent dans la sphère d’intimité des personnes. Fort heureusement, le Conseil d’État s’est opposé à ce que nous entrions dans une telle logique. Mais il y a de quoi s’inquiéter pour l’avenir, surtout sachant que nous aurons de plus en plus affaire à des acteurs privés. Pour paraphraser une formule d’Antoine Garapon, qui sera le gardien de notre vie intime ## Préserver la souveraineté des États et de l’Europe Cela m’amène à une question essentielle, celle de la souveraineté. Nous évoquons l’évolution des textes sur la protection des données personnelles au niveau français et européen. Mais le droit n’existe qu’à travers la souveraineté. Or, le Traité transatlantique qui est en train d’être négocié a vocation à supprimer les juridictions nationales, voire européennes, pour aller vers une juridiction supranationale. Dans ces conditions, quel sera l’organe juridictionnel chargé de faire en sorte que tous les textes dont nous discutons soient respectés et appliqués ? Allons-nous confier le contrôle des grands groupes industriels qui sont en train de collecter des données personnelles à de simples juridictions arbitrales, qui n’auront de compte à rendre à aucun État ni à aucun parlement ou instance Ne soyons pas naïfs : au moment où le Big data va jouer un impact majeur sur notre vie, nous ne devons surtout pas renoncer à nos systèmes de contrôle, qu’ils soient médicaux ou judiciaires. Il en va de la survie de nos valeurs et même, j’oserais dire, de notre civilisation.
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institut présaje
2016-04-01
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[ "christiane féral-schuhl" ]
1,873
VERS UNE DICTATURE SCIENTIFIQUE DES DONNÉES PERSONNELLES ?
# Vers une dictature scientifique des données personnelles ? Adélaïde a 35 ans... Elle adore les "applis" mobiles dédiées à la santé et au bien-être. Elle utilise une balance digitale, un tensiomètre, une montre connectée et une variété d’autres capteurs reliés à des cabinets médicaux, des entreprises, des laboratoires ou des organisations quelque part en Europe ou dans le monde. Christiane Féral-Schuhl part d’un exemple fictif pour décrire le basculement très concret de nos contemporains "branchés" dans un monde peu soucieux de la protection de la sphère intime des individus. Il y a trente ans déjà, une petite association, l’AMII (Association médicale d’informatique individuelle), se réunissait au sous-sol du siège de l’Ordre des médecins, dans le 7ème arrondissement. Ses membres, des médecins passionnés d’informatique, réfléchissaient aux questions liées à l’utilisation des technologies dans leur exercice professionnel, notamment avec la mise en place annoncée de la carte vitale. J’avais été invitée à participer à certains de leurs débats et je me souviens que, dès cette époque, la question centrale était de savoir à qui appartenaient les données de santé. En effet, tous les professionnels intervenant auprès du patient (médecin, infirmière, garde-malade...) n’y avaient pas le même accès. Quid dans ce contexte du secret professionnel ? Plus largement, des règles d'éthique ? En trente ans, beaucoup de choses se sont passées, en particulier le clonage de la brebis Dolly, et le Meilleur des mondes décrit par Aldous Huxley n’est plus de la science-fiction. Pour répondre à la question posée « vers une dictature scientifique des données personnelles ? », je vous propose de vous présenter une jeune femme que nous appellerons Adélaïde. ## L’exemple d’Adélaïde Agée de 35 ans, Adélaïde est cadre supérieur dans une banque, « pacsée » et mère de deux enfants. Elle a pris l’habitude d’utiliser une balance digitale, un tensiomètre, une montre connectée, des lentilles spéciales qui lui permettent de surveiller son taux de glycémie car elle a été alertée sur les risques de diabète, etc. Ces différents objets connectés lui permettent de collecter en continu des informations sur son corps et sur son cerveau : poids, calories absorbées et dépensées, température, pression artérielle, souffle, clignements de paupières, variations d’humeur, bâillements... Vous l’avez compris, elle est totalement fan des appli mobiles dédiées à la santé et au bien-être et elle n’a que l’embarras du choix avec plus de 100 000 applications téléchargeables ! Elle s’est même équipée d’un fauteuil « intelligent » qui lui permet d’évaluer en moins de 10 minutes son état de santé, y compris son acuité visuelle et auditive. Son plateau-repas, après son footing, sera programmé pour tenir compte de toutes ces données. Son coach l’accompagne efficacement à distance car il peut analyser les données et ainsi l’aider à atteindre son objectif : perdre trois kilos. Il peut ajuster son régime et son programme sportif au jour le jour. Ces données sont également télétransmises à une startup américaine, Flatiron Health, qui a pour mission de dépister les éventuels cancers, ainsi qu’à Diabéo, une filiale de Sanofi qui suit l’évolution du taux de glucose dans le sang des patients diabétiques. L’Hôpital américain, également destinataire, est équipé du supercalculateur Watson qui gère son dossier médical, régulièrement mis à jour par les praticiens ayant l’occasion d’examiner Adélaïde. Ce dossier comprend aussi les résultats de toutes les analyses qu’elle a effectuées depuis sa naissance ainsi que les antécédents médicaux familiaux. Ces informations sont par ailleurs transmises aux services de l’Assurance maladie, qui peut ainsi vérifier qu’Adélaïde prend bien les traitements qui lui sont prescrits, sans oublier son courtier d’assurance santé, qui est parvenu à lui obtenir des réductions sur ses primes d’assurance car il a démontré qu’elle suit un régime strict et applique des règles d’hygiène irréprochables. Le cabinet d’audit M. est également destinataire de ces données car Adélaïde a été sélectionnée parmi d’autres volontaires pour participer à des essais cliniques qui lui permettront d’obtenir des points de fidélité. Enfin, le médecin d’Adélaïde est au cœur du dispositif. Il peut ainsi contrôler les éventuels effets secondaires des médicaments en suivant à distance, au moyen d’un algorithme, les douleurs qu’elle ressent de manière aléatoire sur le côté droit et qu’elle lui a signalées. Lorsqu’elles se produisent, elles provoquent une alerte graduée, en fonction de l’importance de la douleur, sur son ordinateur. Adélaïde n’a pas besoin de se préoccuper de quoi que ce soit : tous ces capteurs travaillent pour elle et son coach numérique, doublé d’un agenda électronique, lui dit, à la seconde près, quelle conduite elle doit tenir. Son alimentation est automatiquement programmée en tenant compte de ses goûts, de ses allergies et de ses intolérances. Dernier détail : son compte Facebook lui envoie des alertes sur l’état de santé de ses amis, ce qui lui permet d’éviter de rencontrer ceux d’entre eux qui sont enrhumés ou grippés ! Cette description n’est pas futuriste : tous les dispositifs évoqués existent d’ores et déjà, en 2015. Non seulement ils permettent à Adélaïde de conserver une bonne santé, mais celle-ci peut légitimement penser qu’elle participe au bien collectif. Elle pourra vous expliquer que l’analyse de ces données, avec celle de millions d’autres, permettront de réduire la mortalité (certaines applications permettent de prévoir la diffusion des épidémies à partir des données ou de dépister des maladies par la génétique), de prévenir un risque de maladie à partir du génome (médecine prédictive), notamment les pathologies chroniques dont les paramètres sont bien identifiés et reliés à des mécanismes physiologiques clairs (par exemple pour suivre l’évolution du taux de glucose dans le sang et partager les données par smartphone vers le médecin). Elle vous dira que cela permet d’adapter les traitements à certains types de patients, en fonction de leur profil génétique (médecine personnalisée) et d’aider les professionnels à poser des diagnostics ou faire un choix de traitement pour les patients, de vérifier les effets secondaires des médicaments pour mieux les prévenir, par exemple en croisant les données enregistrées par l’assurance maladie, on pourrait observer le taux d’hospitalisation des patients prenant tel ou tel médicament (pharmacovigilance)... ## Des données sensibles Ces données, recueillies à la fois à l’occasion des diverses activités d’Adélaïde et lors des examens médicaux qu’elle subit, sont toutefois considérées comme sensibles car elles révèlent toutes les fragilités de cette jeune femme, par exemple sa vulnérabilité au stress ou aux épidémies, ou encore ses risques cardio-vasculaires. En fait, il s’agit de données « ultra » sensibles qui touchent à la sphère s’agit de données que, parfois, l’on ne partage même pas avec ses proches les plus intimes. Ces données sont d’autant plus sensibles qu’elles ne désignent pas forcément un comportement actif, qui pourrait être contrôlé, mais des caractéristiques propres à une personne. On touche à ce que le professeur Gérard Cornu appelle, «la sphère d’intimité chacun». Rappelons ce qu’écrivait le professeur Jean Carbonnier à cet égard : «Il sied d’accorder à l’individu une sphère secrète de vie d’où il aura le pouvoir d’écarter les tiers.» ## Un consentement et une sécurité renforcés pour l’individu D’où l’importance, dès qu’il s’agit des données de santé de l’individu, de renforcer le principe de l’autodétermination informationnelle, c’est-à-dire la possibilité pour chacun de décider de communiquer ou de ne pas communiquer ses données. D’où l’importance également de renforcer la sécurité des données de santé. C’est dans cet objectif que le législateur a exigé que l’hébergement informatique des données médicales soit assuré par un hébergeur agréé (Agence des systèmes d'informations partagées de santé - ASIP santé), garantissant de hauts niveaux de sécurité, et a fixé des règles de sécurité et de confidentialité pour tous les établissements de santé : exigence d’anonymat, chiffrement des données, recours au codage des données nominatives, etc. ## Un sentiment trompeur de sécurité À la question posée «Allons-nous vers une dictature scientifique des personnelles ?», il est probable qu’Adélaïde répondrait par la négative : «Ce n’est pas une dictature. Je maîtrise la situation, j’améliore mon bien-être, je vais peut-être réussir à me débarrasser de ces trois kilos qui me pourrissent la vie, je suis autonome dans la gestion de ma santé.» Adélaïde ignore probablement que toutes ces données sont collectées à son insu via les historiques de navigation sur les moteurs de recherche, les blogs, les sites, et qu’il est désormais possible d’analyser les conversations sur Facebook : 51 % d’entre elles porteraient sur des questions de santé, permettant d’alerter sur l’état contagieux de ses « amis » ! Elle ne sait sans doute pas que ces données sont croisées, reformatées, optimisées, exploitées également à son insu, vendues à prix d’or. Elle ignore que même les bases de données publiques anonymisées peuvent permettre une identification indirecte des personnes, car celles-ci sont toujours désignées par un même numéro d’anonymat. Elle n’imagine pas que les algorithmes utilisés pour optimiser le fonctionnement d’un certain nombre de services présentent le risque « d’enfermement de l’internaute dans une personnalisation dont il n’est pas maître. »^1^, ni même qu’ils sont faillibles et qu’ils peuvent provoquer une erreur, par exemple à la suite d’un bug dans un logiciel d’aide au diagnostic. Le patient risque de se trouver enfermé dans une situation dont, loin de la maîtriser, il lui sera très difficile de sortir. Enfin, elle ne sait pas que ces données pourraient tomber entre les mains de personnes non autorisées. Par exemple un employeur éventuel qui n’a aucune envie de recruter une personne qui risque d’être malade un jour sur deux. La capacité de travail ou la résistance au stress pourraient devenir des critères de sélection. De leur côté, les compagnies d’assurance pourraient envisager de proposer des offres plus onéreuses à des personnes en situation de maladie, de faiblesse ou de vulnérabilité, ou encore présentant des antécédents familiaux. Les banques pourraient sélectionner les dossiers de prêts. Le responsable du service de bioéthique de l’UNESCO m’expliquait il y a déjà quelques années que les maladies génétiques peuvent désormais être anticipées au moins deux générations à l’avance... Adélaïde croit qu’elle reste libre, à tout moment, de collecter et de communiquer ou non ces données. Elle ne se rend pas compte qu’un jour, peut-être, ceux qui refuseront de le faire seront considérés comme ayant quelque chose à cacher. ## « La vie privée, un problème de vieux cons ? » D’ores et déjà, 7 millions de Français ont été séduits par la santé connectée et, d’après Mark Zuckerberg, le fondateur de Facebook, on assiste à l’émergence d’une nouvelle norme sociale à ce sujet : «Les gens sont désormais très à l’aise avec l’idée de partager davantage d’informations, de manière plus ouverte et avec davantage d’internautes.» Certains considèrent même que le débat sur la vie privée est complètement dépassé, à l’instar de son ouvrage «La vie privée, un problème de vieux cons ?». Je reste également convaincue que c’est à l’individu et à nul autre de choisir ce qu’il rend public ou non. A lui et à lui seul de décider si, comme le suggère Stefan Zweig « seule l’illusion rend heureux, non le savoir », ou si, selon la vision de Rousseau, « le monde de l’illusion vaut mieux que la réalité car nous y trouvons plus de plaisir ». S’il est parfois préférable de ne pas savoir, à tout le moins, posons en règle que c’est toujours à l’individu de choisir ! ^1^ Rapport Conseil d’Etat 2014
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[ "marjorie obadia" ]
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L’ACCÈS AUX DONNÉES PERSONNELLES, L’EXEMPLE DU DOSSIER MÉDICAL NUMÉRIQUE
# L’accès aux données personnelles, l’exemple du dossier médical numérique La France dispose d’un solide arsenal de protection des données de santé à caractère personnel explique Marjorie Obadia qui a eu l’occasion d’aborder la question des droits des patients et des professionnels de santé à la direction des affaires juridiques de l’Assistance Publique – Hôpitaux de Paris. D’après l’article 2 de la loi Informatique et liberté de 1978, texte particulièrement protecteur, une «donnée à caractère personnel» se définit comme «toute information relative à une personne physique identifiée ou qui peut être identifiée, par un référence à un numéro d’identification ou à un ou plusieurs éléments qui lui sont propres». Quant aux «données de santé à caractère personnel», elles recouvrent bien plus données liées à la personne physique elle-même. Selon le projet de Règlement européen relatif aux données personnelles, il s’agit de «toute information relative à la santé physique ou mentale d’une personne, ou à la prestation de services de santé à cette personne». La loi Informatique et liberté interdit la collecte et le traitement des données personnelles concernant les origines raciale ou ethnique, les opinions politiques, syndicales, philosophiques et religieuses des personnes, mais également les données concernant la santé et tout particulièrement la vie sexuelle, à l’exception «des traitements nécessaires aux fins de la médecine préventive, de la recherche médicale, des diagnostics médicaux, de l’administration de soins ou de traitements, ou à la gestion des services de santé, et mis en œuvre par un membre d’une profession de santé». ## Les droits du patient Depuis la loi Kouchner de 2002, le patient a un droit d’accès aux données le concernant, et en particulier au dossier médical constitué par les établissements publics de santé comme ceux de l’AP-HP. Il s’agit aussi bien du dossier médical papier, comprenant les comptes-rendus d’hospitalisation et de consultation, les examens de laboratoire, ou encore l’imagerie médicale, que du dossier informatique ou informatisé. L’établissement de santé est le gardien et non le propriétaire de ces données. Il doit en assurer la bonne tenue et la communication au patient, ce qui pose souvent des problèmes très concrets d’extraction de données issues de systèmes d’information et de répertoires très divers en fonction des services et des spécialités présents au sein d’un même hôpital. Le dossier en question doit être exhaustif et la jurisprudence de la CNIL en excepte uniquement les notes personnelles du médecin. Le dossier médical étant considéré comme un document administratif, il existe une jurisprudence parallèle, celle de la CADA (Commission d’accès aux documents administratifs). L’approche de la CADA est sans doute moins protectrice du patient que celle de la CNIL, qui s’efforce souvent de prémunir le patient contre lui-même. À un établissement de santé qui se demandait s’il avait le droit de communiquer à un patient son dossier médical à travers une simple adresse mail, comme celui-ci l’exigeait, la CADA a répondu que le patient était un adulte censé mesurer les risques qu’il prenait pour lui-même ou pour autrui et en assumer la responsabilité. En ce qui concerne le dossier médical informatisé, l’article 39 de la loi de 1978, rappelé à l’article 43 du même texte, prévoit que le patient a le droit de demander la rectification, le complément ou l’effacement de certaines mentions «pour un motif légitime». La jurisprudence est toutefois assez restrictive sur cette notion de «motif légitime ». Le patient a également le droit de s’opposer à ce que les données à caractère personnel le concernant fassent l’objet d’une collecte ou d’un traitement, sauf si ce traitement répond à une obligation légale ou si ce droit est expressément écarté par la disposition spéciale de la CNIL qui a autorisé le traitement en question. En vertu des articles 25 et 26 de la loi de 1978, la CNIL jouit ainsi d’une prérogative que ses détracteurs jugent abusive sur le traitement et la conservation des données dites sensibles, en particulier toutes les données qui pourraient être visées par l’interdiction concernant la vie privée, les origines raciales ou les mœurs figurant à l’article 8. Enfin, le patient a droit à une information a priori et systématique sur son droit d’accès aux données le concernant et de rectification de ces données, ainsi que sur les droits généraux liés à la personne. ## Les droits des professionnels de santé La loi Informatique et liberté pose que l’ensemble des données médicales liées au parcours de santé du patient dans l’établissement doivent être accessibles, dans son intérêt, à tous les professionnels de santé qui le prennent en charge. Le Code de la Santé publique définit l’équipe de soin de façon très restrictive : il s’agit des professionnels de santé directement concernés par la prise en charge médicale du patient. L’article 25 du projet de loi Santé marque à cet égard une ouverture, puisque l’équipe médicale serait élargie à l’ensemble des professionnels participant directement ou indirectement aux actes de diagnostic et aux actes thérapeutiques, de compensation du handicap ou de prévention de la perte d’autonomie, c’est-à-dire à la sphère non seulement médicale mais médico-sociale et sociale. Le consentement du patient ne serait requis que pour des personnes extérieures à cette équipe de soin entendue au sens large. ## Les droits des chercheurs Je n’ai pas le temps de développer beaucoup le dernier point, sur l’accès aux données personnelles au titre de la recherche et des études sur les politiques de santé publique. Nous devrons être attentifs à l’article 43 du projet de loi de Marisol Touraine qui prévoit que les chercheurs puissent avoir accès non seulement à la base de données SNIIRAM mais à la base PMSI (Programme de médicalisation des systèmes d’information) et à d’autres bases nationales.
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institut présaje
2016-06-01
5
[ "françois ecalle" ]
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LES FINANCES PUBLIQUES DU ROYAUME-UNI : LE BREXIT POURRAIT FAIRE RECHUTER UN MALADE EN CONVALESCENCE
# Les finances publiques du Royaume-Uni : le Brexit pourrait faire rechuter un malade en convalescence Le panache et le romantisme insulaire des prosélytes du Brexit ne doit pas faire oublier qu’en dépit des communiqués triomphants sur la croissance et l’emploi, la situation des finances publiques du Royaume-Uni est encore très fragile. Une sortie de l’Union européenne se traduirait par des pertes de recettes qui la dégraderait fortement. Il s’y ajouterait une période d’attentisme préjudiciable à l’activité. Rapportées au PIB, les dépenses publiques du Royaume-Uni ont augmenté de 5 points de 2000 à 2007 alors que la hausse des recettes a été inférieure à 1 point. La situation de ses finances publiques était ainsi très fragile en 2007, avec un déficit public de 3,0 % du PIB et un déficit structurel (corrigé des fluctuations du PIB) de 4,3 % du PIB selon la Commission européenne. Elle s’est fortement dégradée avec la crise de 2008-2009 et les mesures de relance qui ont été prises : en 2009, le déficit public était de 10,8 % du PIB, le déficit structurel de 8,0 % du PIB et la dette publique a atteint 86,2 % du PIB (contre 40,2 % en 2000). Les années 2009 à 2015 ont été marquées par une forte baisse des dépenses publiques, de plus de 6 points de PIB (de 49,6 à 43,2 %), et une légère hausse des recettes (moins de 1,5 point). Le déficit public a donc été nettement réduit, de même que le déficit structurel. Le déficit public reste néanmoins très important en 2015 (4,4 % du PIB) et la dette a frôlé le seuil de 90 % du PIB. En outre, si les dépenses publiques ont bien diminué en euros constants, la baisse du ratio dépenses / PIB résulte aussi pour partie de la forte croissance de son dénominateur (le PIB a augmenté de 2,0 % en moyenne annuelle en volume), qui n’est probablement pas durable. Cela se traduit par le maintien du déficit structurel à un niveau également très élevé (4,5 % du PIB). La situation des finances publiques du Royaume-Uni reste donc très fragile et une sortie de l’Union européenne pourrait la dégrader de nouveau très fortement. Les conséquences d’un tel événement sont largement imprévisibles. D’un strict point de vue économique, les études publiées sur ce sujet (cf. notamment l’analyse de l’OCDE et le rapport du HM Treasury) mettent en avant deux types d’effet, comme le note le « office of budget responsability » (l’homologue du Haut Conseil des finances publiques) dans son dernier rapport. A long terme, la réduction des échanges commerciaux avec l’Union européenne aurait un effet négatif sur la productivité du Royaume-Uni, surtout du fait d’une moindre concurrence, et donc sur le PIB, le pouvoir d’achat et finalement le produit des prélèvements obligatoires. Les estimations de cet effet divergent fortement d’une étude à l’autre, et il serait positif selon certaines, notamment parce que les auteurs prennent des hypothèses plus ou moins favorables au Royaume-Uni sur les nouvelles relations qu’il entretiendrait avec l’Union européenne et les autres pays développés. L’Europe commettrait toutefois une très lourde erreur si elle acceptait de renégocier ses relations avec un pays qui la quitte dans des conditions favorables à celui-ci. Il est donc plutôt probable que l’impact sur le PIB et les recettes publiques du Royaume-Uni serait fortement négatif. Comme ses dépenses publiques sont déjà à un bas niveau par rapport aux autres pays, il serait difficile de les réduire plus. Il existe des marges de hausse des prélèvements obligatoires, mais au détriment du niveau de vie des ménages et de l’attractivité du pays, qui sera déjà affectée par l’éloignement de l’Europe. Une nouvelle aggravation du déficit et de l’endettement public est donc prévisible. A plus court terme, les études économiques mettent surtout en avant l’incertitude pour les décideurs économiques qui résultera de la mise en place de nouvelles relations avec l’Union européenne. Il est certain que l’incertitude a un impact négatif sur les décisions d’investissement et de recrutement des entreprises, au moins un effet d’attente, et la seule certitude est que la définition de nouvelles relations avec l’Union européenne sera longue et difficile. Il n’est pas possible d’exclure de violents mouvements de capitaux avec des effets déstabilisateurs si l’échec de ces négociations est anticipé. Il convient enfin de noter que la contribution du Royaume-Uni au budget de l’Union européenne n’est pas un véritable enjeu de finances publiques. Nette des rabais obtenus et des transferts de l’Union en faveur du Royaume, elle ne représente que 0,3 % du PIB.
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institut présaje
2016-06-01
4
[ "david curry" ]
1,147
POURQUOI LES BRITANNIQUES SONT TENTÉS PAR LE BREXIT
# Pourquoi les Britanniques sont tentés par le Brexit “Brexit” ou “Remain” ? Au lendemain du référendum du 23 juin, l’Europe ouvrira une nouvelle page de son histoire. Qu’elle le veuille ou non, la Grande-Bretagne y sera associée. Bruxelles l’exaspère mais elle est déjà affranchie d’une bonne part de ses contraintes. La jeune génération sera-t-elle plus à l’aise que ses aînés pour réconcilier le coeur et la raison ? Il est parfaitement possible que le 23 juin les Britanniques votent pour quitter l’Union Européenne. Les élites du pays – le monde des affaires et de l’éducation, les professions libérales – sont pour la grande majorité dans le camp “Remain”. Le gouvernement conservateur est déchiré, depuis le conseil de ministres jusqu’aux députés. Ses militants, souvent âgés, soutiennent le camp du “Brexit”. Le Labour Party s’est prononcé officiellement pour le maintien dans l’Union (“pro-Remain”), mais le parti - profondément divisé – pèse peu dans la campagne. La classe ouvrière, soutien traditionnel du Labour Party, s’est laissée séduire par l’United Kingdom Independence Party (UKIP). Ce dernier a recueilli 14 % des votes lors de l’élection de 2015, mais le double dans certaines circonscriptions traditionellement Labour dans le nord de l’Angleterre. En Ecosse, le Labour historiquement majoritaire, s’est fait battre sèchement aux élections de 2015 par le parti national (Scottish National Party -SNPégalement pro Remain), ne conservant qu’un seul siège de député au parlement. La défaite du Labour aux élections l’a fait réagir en portant à sa tête un leader plus marqué à gauche, Jeremy Corbyn, qui s’engage peu dans la campagne pour le maintien dans l’Union Européenne. La presse populaire la plus lue en Grande Bretagne fait campagne agressivement pour le “Brexit”. Avec les sondages 50/50 (mais 30% de l’électorat est toujours indécis) la grande question est de savoir s’il y aura une réaction populiste contre l’establishment - un moment Trump! Pourquoi ce scepticisme manifeste à l’égard de ce que les britanniques ne cessent d’appeler “l’Europe” ? En réalité les relations du Royaume Uni avec le reste de l’Europe ont été biaisées dès le départ, bien qu’il y ait également des raisons plus récentes à cette réticence. Le Royaume Uni a boudé la création de ce qui est maintenant l’Union Européenne. C’était le seul pays européen à ne pas avoir été battu lors de la seconde guerre mondiale et, avec encore un empire considérable, se considérait toujours comme une grande puissance. Pour les pays continentaux, la création de “l’Europe” était une façon d’imposer la paix. Mais c’était également un moyen de retrouver une identité, de l’influence, et en quelque sorte une integrité politique et nationale. Quand la Grande Bretagne a finalement demandé à adhérer à la CEE c’était parce que sa vision de l’après-guerre s’était révélée être une illusion. C’était un symbole de la perte de sa position de grande puissance, de son déclin économique et de ce que l’on pourrait décrire comme un manque de confiance nationale. Le double veto du Général de Gaulle ne fit que souligner ce déclin en position et en influence. Quand la Grande Bretagne est devenue membre de l’Union Européenne, il a été annoncé à la population britannique que l’objectif était économique, et non politique. L’Union Européenne était censée apporter à “l’homme malade de l’Europe” un traitement de choc. Le Royaume Uni a toujours été plus à l’aise avec la notion du développement du Marché commun et a toujours défendu la position d’une économie ouverte au monde. Il a toujours été mal à l’aise avec un programme d’engagement politique mais favorable à l’élargissement, en partie parce que cet élargissement rend plus difficile la réalisation d’une Europe politiquement intégrée. Le Royaume Uni a réussi à formaliser une semi-indépendance au sein de l’Union: il n’appartient pas à l’union monétaire; il n’a pas signé l’accord de Schengen; et en matière de droit et de justice s’est réservé le droit de choisir les éléments qui lui conviennent. Conformément aux négociations de David Cameron en début d’année, le Royaume Uni ne participera pas à la construction d’une “union sans cesse plus étroite entre les peuples européens”, pour reprendre les termes du préambule du Traité de Rome. Des événements plus récents ont renforcé les réticences britanniques. Sa position économique s’est inversée du fait de la révolution Thatcher. Le Royaume Uni figure maintenant en tête de file des économies européennes tandis que le reste de l’Europe connaît des problèmes de chômage persistants. L’échec quasi total des grands pays continentaux, en particulier la France, à réformer un marché du travail sclérosé et à créer une économie plus compétitive est un mystère absolu pour les Britanniques. Thatcher’s children (les héritiers de Madame Thatcher) décrivent maintenant l’Union Européenne comme une organisation du passé et non du futur. La situation ne s’est pas améliorée avec l’introduction d’une monnaie unique sans la mise en place du système de contrôle économique et politique qui aurait été nécessaire à son succès. Tandis que le camp “Remain” ne cesse d'insister sur l'économie, le camp “Brexit” brandit l'argument de l'immigration. L'économie relativement saine de la Grande Bretagne et sa croissance du marché de l'emploi (avec un taux de chômage deux fois moins important qu’en France) se sont révélés être très attractifs pour les candidats à l'immigration. Les derniers chiffres montrent qu'en 2015 l'immigration nette (après déduction de l'émigration hors du pays) était de 333.000 dont 184.000 venant de l'UE (58.000 de la Roumanie et de la Bulgarie). Selon l'Office of National Statistics la population de l'Angleterre seule devrait avoir augmenté de 4 millions de personnes d’ici 2024. Le camp Brexit évoque la pression que de tels chiffres exercent sur le logement, l'éducation, les services de santé et souligne son effet négatif sur les salaires. Il soutient que l'immigration est hors de contrôle et que ce contrôle ne peut s'exercer qu'en sortant de l'Union Européenne. Le gros problème pour David Cameron est que lors des élections générales de 2010 il s'était engagé à réduire l'immigration nette à moins de 100.000 par an. Mission impossible !!! Quand David Cameron est arrivé au pouvoir il a cherché à faire face aux divisions obsessionnelles de son parti sur l’Europe en promettant un référendum IN/OUT. Mais il est clair que même si le camp du oui l’emportait largement, cela ne rapprocherait pas pour autant le Royaume Uni de la vision de l’Europe qu’ont les “continentaux”. Un vote britannique pour le “Brexit” aurait des conséquences dramatiques, car il renforcerait les mouvements populistes anti-européens sur le continent. Cela donnerait également à l’Allemagne une position encore plus dominante dans l’Union. Les alliés du Royaume Uni seraient désorientés et le Président Poutine assisterait, sans doute avec grande satisfaction, au spectacle d’une alliance occidentale à la dérive. Le camp “Remain” met en garde les Britanniques de ne pas s’aventurer dans l’inconnu. Le problème est que beaucoup n’aiment pas ce qu’ils connaissent - l’Europe - bien plus qu’ils ne craignent l’aventure à laquelle les invite un vote pour le “Brexit” !
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institut présaje
1026-04-01
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[ "michel rouger" ]
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EDITORIAL : NOUVEAU CYCLE
# Editorial : Nouveau cycle En terminant mon hommage à l'équipe de rédaction de nos 80 lettres publiées entre 2002 et 2015 ­ 53 sous forme papier, 27 sous forme électronique ­j'ai annoncé dans notre dernière édition de Presaje.Com un nouveau cycle de publications pour 2016. Il se met en place avec la lettre numéro 28, réalisée par une nouvelle équipe issue de notre conseil d'administration. Jacques BARRAUX assure la continuité de la rédaction avec Isabelle PROUST et Philippe ROUGER, président des Editions PREMICES en charge de la diffusion de nos publications. Xavier LAGARDE, vice président de PRESAJE, devient président de ses publications. Sur le fond, les contenus publiés respecteront les spécialités reconnues comme étant la marque de notre Institut, la Justice, le Droit, l'Economie, la Finance et le Sport. Cette lettre, comme la précédente, traite d'un autre sujet, majeur dans la période que nous vivons, celui de la Santé. Si l'explosion des banques de données gérées par des sociétés américaines vient bouleverser les activités des êtres humains, dans la Santé elles attaquent leurs personnes physiologiques, psychologiques et leur identité génétique. Pour comprendre ces bouleversements il suffit de faire référence au décryptage du fonctionnement d'une cellule cancéreuse qui ouvrirait la voie à un traitement de ce fléau. Les bases de données actuelles, les moyens de calcul qu'elles offrent, permettront rapidement de traiter les centaines de milliards d'informations utiles pour comprendre les dérèglements d'une seule cellule cancéreuse. À quel prix ? Pour qui ? Le débat est ouvert dans la communauté scientifique médicale, laquelle, faute de disposer aujourd’hui des moyens de stockage de données et de calculs, reste dépendante des traitements médicamenteux ou chirurgicaux qui ont permis de sérieuses avancées sur cette horrible maladie. A nouveau, à quel prix et pour qui ? La compétition sera vite ouverte entre deux modes de traitement, qui pourrait en révéler un troisième qui s’écarterait aussi bien des Big data que des Big pharma. Il faudra du temps. C’est pourquoi PRESAJE veut sensibiliser son lectorat sur un sujet qui occupera les prochaines décennies. C’est aussi pourquoi, à raison du poids des images dans la pédagogie de notre époque vous retrouverez l’esprit de nos lettres sous la forme d'images vidéo diffusées sur le site TV duquel PRESAJE a choisi d'être partenaire.
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institut présaje
2016-04-01
4
[ "thomas cassuto" ]
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SANTÉ ET VIE PRIVÉE À L’HEURE DE L’INVASION DU NUMÉRIQUE PLANÉTAIRE
# Santé et vie privée à l’heure de l’invasion du numérique planétaire Comment trouver le bon équilibre entre la recherche du progrès pour tous – que facilite le numérique - et la protection de notre vie privée ? L’Institut Presaje avait organisé en septembre 2015 un colloque avec France Amérique et l’Association française des docteurs en droit sur les conséquences du basculement général des données personnelles dans la fournaise mondiale. Ce numéro de Presaje.Com est consacré aux temps forts des débats animés par Thomas Cassuto. Mon smartphone est doté d’une application grâce à laquelle il me suffit de poser mon pouce sur l’écran pour connaître ma pression artérielle. Je constate que celle-ci est actuellement de 115 sur 73 et ce résultat vient probablement d’être envoyé aux quatre coins du monde. Sans doute vais-je recevoir prochainement des incitations à adopter un nouveau régime alimentaire ou à acheter des produits susceptibles d’améliorer mon fonctionnement cardio-vasculaire. Lorsque j’ai téléchargé ce logiciel, j’ai vraisemblablement accepté des conditions générales dont je n’ai compris ni le sens ni la portée. En particulier, je n’ai pas de certitude sur la juridiction à laquelle je devrais faire appel si cette application me donnait des informations erronées et si, par exemple, elle me laissait penser que je suis en bonne santé alors que je suis malade. Autre exemple de l’arrivée du Big data dans le domaine de la santé : depuis 2008, moteur de recherche Google se dit capable de prévoir l’apparition des épidémies de grippe avec dix à quinze jours d’avance sur les organismes de veille sanitaire, simplement en dénombrant les requêtes formulées sur ce thème. Des données personnelles peuvent donc être recueillies même sans passer par une application telle que celle que j’ai installée sur mon smartphone. Ne peut-on craindre que toutes ces données parviennent un jour chez nos assureurs et que ceux-ci, lorsqu’ils constateront que nous ne sommes pas en bonne santé, s’opposent à nos demandes de crédit ou nous imposent des surprimes ?
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institut présaje
2016-06-01
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[ "thomas cassuto" ]
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BREXIT, UN MOMENT DE VÉRITÉ POUR L’EUROPE JUDICIAIRE. IMPROBABLES PERSPECTIVES JUDICIAIRES D'UNE HYPOTHÈSE
# Brexit, un moment de vérité pour l’Europe judiciaire. Improbables perspectives judiciaires d'une hypothèse Depuis son entrée dans la Communauté, le Royaume-Uni a constamment revendiqué un statut à part. Une attitude qui a pu contribuer aux lenteurs de la construction d’une Europe judiciaire. Concrètement, le dénouement des liens en cas de Brexit aurait plus de conséquences négatives outre-Manche que dans le reste de l’Union. En s’enfermant dans une indépendance confinant à l’isolement, le Royaume-Uni prendrait même le risque de rendre le droit continental plus attractif. Le 13 octobre 2014, l'Institut PRESAJE organisait à Paris un colloque sur le thème « quel avenir pour la coopération judiciaire en Europe ? ». Le sujet était vaste, mais il n'occultait pas la question de la coopération judiciaire avec le Royaume-Uni. Sylvie Petit-Leclair, Procureure générale évoquait notamment que cette coopération était possible... et que les différences entre les systèmes ne pouvaient être un obstacle en soi. En effet, si la coopération judiciaire n'apparaît pas être un élément central du marché commun instauré en 1957, elle peut à certains égards illustrer la difficulté de la relation entre les îles britanniques et le continent. Car, naturellement, en créant un ordre juridique supranational, l'UE se devait de se doter des moyens de le faire respecter et de protéger ses citoyens. Pourtant, la construction d'une Europe judiciaire constitue l'un des chantiers les moins aboutis l'Union. En effet, alors que le marché commun a connu un développement accéléré, la conception et la mise en œuvre d'une politique pénale destinée à protéger ce marché commun a fait défaut. Dans ce contexte, de manière quasi paradoxale, la perspective d'un Brexit laisse entrevoir peu de conséquences pour les continentaux et de bien plus négatives, y compris sur le terrain de la souveraineté, pour les sujets de sa Majesté. 1. Un Brexit sans grande conséquences judiciaires en Europe continentale La mise en œuvre des Traités de Maastricht puis de Lisbonne a instillé l'idée que le Royaume-Uni n'était pas véritablement dans l'UE. Dans le cadre du troisième pilier, les décisions cadres, devaient être adoptées à l'unanimité, la Commission ne disposait pas de pouvoir de constatation de manquement. Ainsi, les dispositions de ces instruments étaient rédigées dans un langage peu contraignant et leur transposition par les États membres ne pouvait guère être critiquée. S'agissant de la libre circulation des personnes, la position du Royaume-Uni devait conduire à la création d'un Espace Schengen excluant les Iles Britanniques et conduisant à un contrôle aux frontières, sans grande plus-value sur le plan de la sécurité. L'entrée en vigueur du Traité de Lisbonne devait confirmer cette tendance. En effet, à l'issue d'une période transitoire de 5 ans, le troisième pilier était communautarisé, la Commission retrouvant de jure une plénitude de juridiction pour sanctionner sa parfaite transposition. Mais, le Royaume-Uni se voyait octroyer un double mécanisme d'option, d'une part sur le paquet du troisième pilier et d'autre part sur les mesures adoptées consécutivement. Ainsi, le Royaume-Uni, dispose du droit discrétionnaire de choisir d'appliquer ou non une législation qu'il a négocié au Conseil et au Parlement. L'option exercée ces dernières années de ne pas participer à certains instruments est apparue comme une régression pour les droits des citoyens de ce pays. Le paradoxe ultime réside dans l'instauration d'un parquet européen par décision à l'unanimité des États membres ou dans le cadre d'une coopération renforcée. Autrement dit, la garantie d'un projet ambitieux, premier transfert de souveraineté en matière de poursuites judiciaires dépend d'une décision à l'unanimité. Le Royaume-Uni étant opposé à un transfert de souveraineté, le Brexit pourrait permettre de relancer une nouvelle orientation à ce dossier afin de mieux protéger les intérêts financiers de l'UE et ses contribuables. Plus généralement, la formulation lors du sommet de Tempere en 1999 de faire de la reconnaissance mutuelle la pierre angulaire de la coopération judiciaire a relancé la coopération judiciaire. Ce principe, inspiré de la pratique au Royaume-Uni, a également permis au système de common law de revendiquer ses spécificités. Du fait du Brexit, la coopération judiciaire trouverait encore dans les instruments du Conseil de l'Europe des outils mais avec un degré d'efficacité singulièrement réduit, là où la coopération trouve déjà des limites. Les anglais feraient ainsi objectivement choix de traverser le Channel en 2CV, délaissant ainsi la Rolls aux continentaux. La situation dans le domaine de la coopération judiciaire civile est globalement la même. Le Brexit devra nécessairement être compensé pour éviter que la cause des citoyens britanniques ne devienne stérile. La reconnaissance au Royaume-Uni des décisions continentales ne sera sans doute pas pire. Par ailleurs, ce pays devra trouver des solutions pour s'assurer que les décisions rendues par les juridictions insulaires bénéficient d'un minimum d'autorité de la chose jugée sur le continent. Ainsi, les conventions de La Haye en matière de contrat, de droit de la famille etc. assureraient un service minimum. En revanche, plus douloureuse pourrait être la situation du Royaume-Uni. 2. Un Brexit douloureux pour le Royaume-Uni ? Si les contrôles aux frontières ne peuvent protéger le Royaume-Uni de la pression migratoire, qui s'exerce notamment depuis Calais ou Ostende, comment la sortie du Royaume-Uni, qui perdrait ainsi son influence dans l'UE pour débattre et tenter de résoudre le plus en amont possible, notamment d'un point de vue géographique, pourrait-elle améliorer sa situation. Le Brexit, pourrait conduire à l'instauration d'un régime d'association dans le cadre de l'Espace Economique Européen, placerait le Royaume-Uni vis-à-vis de l'UE avec la possibilité de choisir d'appliquer des règles qu'il n'aurait pas négocié dans le cadre du Conseil. L'indépendance idéologique y gagnerait au prix d'une servitude technocratique, l'accord d'association ne pouvant être négocié que sur une base acquise. Dans le cadre d'EUROJUST et d'EUROPOL, le Royaume-Uni se verrait sans doute admis comme observateur et pourrait participer à la marge mais sans pouvoir y peser. Globalement, il s'exclurait du train de la modernité. L'idée qui tend à se développer d'un ordre public européen auquel peuvent se consacrer et se coordonner en toute confiance les autorités des États membres prospérerait à l'insu du Royaume-Uni enfermé dans une indépendance confinant à l'isolement pur et simple. Outre que le Royaume-Uni pourrait apparaître un havre d'autant plus propice à l'investissement criminel qu'il s'est exclu de l'UE, il se trouverait relayé au second rang dans la lutte contre la criminalité organisée. Ceux qui vitupèrent contre Bruxelles se conforteraient dans l'idée que le crime vient du continent en omettant pudiquement de relever qu'il trouverait au Royaume-Uni un terreau fertile à sa prospérité. L'objectivité commanderait alors la pudeur compatissante vis-à-vis d'un choix démocratique et souverain, quand bien même celui-ci serait à contre-courant de l'Histoire et contraire aux intérêts de ses promoteurs. Enfin, dans le domaine du droit civil, la sortie du Royaume-Uni pourrait redonner vigueur à l'attrait du droit continental. L'UE pourrait continuer à harmoniser les droits nationaux afin de renforcer l'attractivité et la compétitivité du marché commun en réduisant, indépendamment du Royaume-Uni, les obstacles à la concurrence et en renforçant la sécurité juridique dans cet espace. ## Anti-conclusion La relation entre le Royaume-Uni et l'UE ne s'achèvera pas le 23 juin 2016. Nul ne peut ignorer le rôle déterminant de ce pays dans la défense de la liberté en Europe. Ainsi, son destin est intimement lié au continent. A cet égard, l'héritage de Churchill est double. La démocratie britannique, au prix d'immenses sacrifices, s'est constituée en rempart contre la tyrannie et la barbarie. Ces sacrifices étaient légitimes au nom des principes défendus et de l'ancrage vital du Royaume-Uni en Europe. Au XXIème siècle, face aux superpuissances économiques et militaires, avenues ou émergentes, seule une Europe politiquement unie sur ses fondements peut faire face aux défis futurs. La perspective d'un Brexit apparaîtrait comme une victoire purement dialectique des souverainistes. La prétendue préservation de l'indépendance d'une fonction éminemment régalienne telle que la Justice pourrait laisser entendre que les droits des citoyens, l'ordre public national et l'intérêt d'une Nation seraient mieux protégés. C'est sans conteste une affirmation fausse, qui, si elle devenait contagieuse, précipiterait l'Europe dans la décadence néo-moyenâgeuse d'une collection de sociétés-Etats repliées sur elles-mêmes. Après avoir forcé l'entrée dans la CEE, le Royaume-Uni a constamment revendiqué un statut à part. En consacrant cette singularité, les Traités ont ouvert la voie à un marchandage permanent dont l'une des issues ne pouvait être que la rupture, c'est à dire, la confrontation intime du peuple anglais avec lui-même sur son avenir dans l'UE. S'il est difficile de retenir un partenaire même lorsque cela va à l'encontre de son propre intérêt, le débat outre-Manche ne peut nous laisser indifférents. Même si le Brexit offrait à l'UE l'opportunité de reprendre sa marche en avant, dans un sursaut existentiel vital, notamment dans le domaine d'une intégration judiciaire. Sur le plan judiciaire, laissons la parole un brin optimiste à Michael Hopmeier, juge londonien (Circuit judge, Kingston-on-Thames, au moment de son intervention.) et intervenant lors du colloque du 13 octobre 2014: « but [...] we still share the same end goal, namely that we all want to see an effective result which is fair, with proper orders and judgments enforced quickly with proper reciprocal recognition and enforcement of orders in the EU. ». Cet idéal que les praticiens du droit partagent serait incontestablement et dramatiquement remis en cause par un Brexit. ^1^ http://presaje.com/media/uploads/verbatim_coop%C3%A9ration_judiciaire_13_10_14_-_vd.pdf ^2^ Circuit judge, Kingston-onThames, au moment de son intervention.
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institut présaje
2016-06-01
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[ "pierre-alexandre petit" ]
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BREXIT ET INDUSTRIE FINANCIÈRE : LA CITY ANTICIPE DES CONSÉQUENCES LIMITÉES
# Brexit et Industrie financière : la City anticipe des conséquences limitées L’industrie financière britannique a largement bénéficié de l’appartenance à l’Union Européenne, le Marché Unique permettant de pérenniser une prééminence de longue date alors que la mondialisation s’accélérait. Les professionnels devraient-ils pour autant s’inquiéter d’un brexit ? Les changements réglementaires ne remettraient probablement pas en cause la suprématie de la City qui anticipe une légère perte de compétitivité-coûts et une diminution d’activité pendant les longues négociations de sortie de l’Union. La position dominante à l’échelle mondiale dont jouit aujourd’hui le Royaume-Uni dans de nombreux secteurs de l’industrie financière tient en partie du principe de passeport Européen, permettant à toute filiale britannique d’une banque internationale de vendre ses produits ou services à travers l’Espace Economique Européen. Depuis l’instauration du marché unique, Londres a ainsi attiré les investissements étrangers pour renforcer un leadership établi et s’imposer comme portail des transactions financières entre l’Europe et le reste du monde. Quelques chiffres peuvent témoigner du statut unique du Royaume-Uni pour la Finance européenne: alors que le pays ne représente qu’environ 13% de la population et 15% du PIB de l’UE, il pèse 24% des services financiers de l’union. Londres représente aussi 30% de la capitalisation boursière européenne ou 32% des actifs bancaires. Et pour rentrer dans le détail de la suprématie britannique, le pays représente 50% des services de gestion de fonds européens, 64% des levées de fonds en private equity, 74% des ventes de produits dérivés de taux, 78% du trading de devises ou encore 85% des actifs de hedge funds(1). Le secteur représente plus d’un million d’emplois de l’autre cote de la Manche et près de 7% du PIB ; £65 milliards de recettes fiscales. Un écosystème complexe s’articule autour d’une main d’œuvre très qualifiée qui afflue du monde entier - un quart d’étrangers dans la City dont 50% provenant d’autres pays de l’UE -, de réseaux très denses d’intermédiaires, de conseils et de lobbyistes en tous genres et repose sur des infrastructures inégalées en Europe. Cela constitue un avantage compétitif si significatif qu’il semble très peu probable de voir d’autres villes européennes venir déloger Londres de sa position dominante en cas de brexit. Pour autant, une sortie de l’UE ne serait pas indolore pour la City et ses investisseurs. En premier lieu, une perte de compétitivité relative du Royaume-Uni peut être attendue en raison de l’augmentation des coûts pour servir les marchés européens et internationaux. Hors de l’Union, les accords de libre-échange négociés par l’UE pour accéder à ces marchés pourraient être remis en cause. La question des échanges intra-européens est plus complexe en l’absence d’alternative équivalente à Londres pour fournir aux clients européens des services financiers. Des coûts supplémentaires semblent donc inévitables, soit pour recréer un pôle financier compétitif en Europe continentale, soit pour que les institutions financières britanniques obtiennent et maintiennent les agréments ou les équivalences avec les réglementations en vigueur dans l’UE. Parmi les contraintes réglementaires essentielles figurent celles qui régissent la façon dont les produits financiers peuvent être commercialisés sous forme de parts de fonds: UCITS pour la vente de détail et AIFMD pour la vente aux investisseurs professionnels. Dans les deux cas, la réglementation européenne impose que les fonds et leurs sociétés de gestion soient domiciliés dans un pays membre, même si les décisions d’investissement sont déléguées par la société de gestion à un prestataire hors de l’UE. Le maintien du statut UCITS ou AIFMD est un réel enjeu car ces dénominations sont désormais essentielles au-delà des frontières européennes, notamment en Asie et en Amérique du Sud. Néanmoins, la plupart des fonds gérés depuis le Royaume Uni et commercialisés en Europe continentale sont d’ores et déjà structurés ainsi et les impacts du brexit pourraient ne se limiter qu’à la minorité des fonds ou de leurs sociétés de gestion qui sont domiciliés au Royaume Uni : - AIFMD: L’obtention d’une équivalence de la part de l’UE serait probablement privilégiée si c’est envisageable dans le cadre du nouveau modèle de relations commerciales (c’est le cas de la Suisse par exemple). L’alternative serait de transférer le fonds et sa société de gestion dans un pays membre tout en déléguant les décisions d’investissement à la société basée au Royaume-Uni. Dans le cas du fonds, le transfert pourra toutefois être un fait générateur d’imposition ; - UCITS: il n’existe pas d’équivalence donc le fonds et la société de gestion devront être transférés avec les mêmes conséquences pour l’AIFMD. Ce fonctionnement limiterait l’impact négatif de la perte du passeport européen pour les institutions basées au Royaume-Uni qui vendent des produits financiers à des investisseurs européens. Mais les banques intermédiaires de la City, qui passent des ordres ou agissent comme chambres de compensation, resteraient incapables de traiter avec des gérants européens sans équivalence MiFID (directive sur les marches d’instruments financiers) ou EMIR (produits dérivés OTC). Ce qui pourrait obliger ces banques à ouvrir des succursales en Europe continentale. Toutes choses égales par ailleurs, une décentralisation imposée par la réglementation Européenne devrait donc contribuer à l’augmentation des coûts moyens en réduisant les économies d’échelles réalisées aujourd’hui par un seul acteur. Le brexit aurait donc des conséquences plus probablement défavorables pour l’industrie financière européenne et plus particulièrement pour l’industrie financière britannique. Il ne faut pas tant redouter les conséquences réglementaires qu’une diminution significative des volumes d’activité liée à l’incertitude concernant la durée et le résultat des négociations de sortie et leurs implications macro-économiques. (1) Blacrock Investment Institute, BoE, MSCI et theCityUK (février 2016)
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institut présaje
2016-06-01
1
[ "jean-marc daniel" ]
711
BREXIT OR NOT BREXIT, A LOT OF QUESTIONS...
# Brexit or not Brexit, a lot of questions... La campagne pour le référendum britannique a réveillé le souvenir exalté des Vikings, un peuple épris de liberté, toujours prêt à se projeter sur l’ensemble de la planète. Les partisans du Brexit comptent sur les solidarités mondiales de “l’Anglosphère” pour compenser un éventuel passage à vide dans les relations du pays avec le Vieux Continent. Des relations qui pourraient reprendre ensuite dans un climat de clarification inédit jusqu’à aujourd’hui... D’inenvisageable il y a peu, le Brexit est devenu possible voire probable. Pour le Royaume-Uni, cela constituerait évidemment un repli. Mais gageons que ce repli ne se ferait pas sur le pré-carré de l’Angleterre historique. En effet, le Royaume-Uni a des liens multiples. Sur le plan commercial, l’Union européenne occupe la première place, mais ce fut lent au point qu’elle n’a dépassé dans le commerce extérieur britannique les 50% que depuis 5 ans. Le Royaume-Uni garde, en outre, des liens significatifs avec l’Amérique si bien que son cycle conjoncturel a un déroulé plus proche de celui des Etats-Unis que de celui de l’Allemagne ou de la France. C’est en partant de ce constat que Tony Blair avait plaidé à la fin des années 90 le maintien du Royaume-Uni hors de l’Union monétaire. Il avait eu néanmoins l’habileté de faire voter par son parlement l’indépendance de la Banque d’Angleterre, selon la logique du traité de Maastricht, de façon à maintenir l’illusion d’une Grande Bretagne dans l’antichambre de la monnaie unique et à garantir, de ce fait, à la finance anglaise, la possibilité de s’affirmer comme un des principaux acteurs de la vie de l’euro. Il y a un troisième ensemble qui joue un rôle important dans la vie anglaise, ce que certains proches de David Cameron appellent « l’anglosphère ». Pour eux, il convient de repartir de la vision du monde qui fut celle de Benjamin Disraëli et que décrivit l’essayiste allemand Oswald Spengler, l’auteur du Déclin de l’Occident, dans un autre de ses livres intitulé Prussianité et Socialisme. A l’en croire, l’Angleterre n’aurait pas été structurée par les Angles et les Saxons mais par les Vikings, venus d’abord du Danemark puis de la Normandie française. L’âme anglaise serait l’héritière d’un esprit viking combinant une quête sans limite géographique de la richesse et un attachement indéfectible à la petite communauté du drakkar. Policé avec le temps, cet esprit nourrirait l’attachement à la liberté notamment économique et la volonté de projeter à la surface de la planète son « drakkar ». L’« anglosphère » en résulterait sous forme de réseau associant des pays démocratiques et commerçants. On y trouverait la Nouvelle Zélande qui a refusé d’abandonner son actuel drapeau incorporant l’Union Jack et l’Inde et le Pakistan devenus des maîtres au cricket et qui viennent de fournir à Londres un nouveau maire, mais ni les Etats-Unis ni une Ecosse aux nostalgies celtiques et cherchant des alliances continentales. Pour le Royaume-Uni, ou plus exactement l’Angleterre, le Brexit signifierait une réorientation de ses priorités vers Singapour, Hong Kong, Abuja ou Sydney. George Osborne, le chancelier de l’échiquier, a annoncé une apocalypse économique en cas de Brexit. Il n’en serait rien. Dans un premier temps, la livre accuserait le coup, avant qu’une politique monétaire restrictive ne stabilise la situation. Puis, le Royaume-Uni se tournerait vers l’anglosphère, continuant à commercer mais sans converser avec l’Europe continentale. Quant à celle-ci, elle découvrirait qu’elle a oublié le Royaume-Uni depuis longtemps. Aujourd’hui elle se construit sans lui autour de la zone euro, pour laquelle le départ anglais conduirait à une clarification avec le rapatriement des opérations de compensation qui se font encore à Londres sur Paris ou Francfort. Il faudrait ensuite entamer des négociations sur la sortie de la République tchèque ou du Danemark, un membre à bien des égards proches de l’anglosphère. Pour l’Union européenne, ce serait le début d’une nouvelle crise, avant tout politique, une de ces crises qui lui ont jusqu’à présent permis d’avancer. Il s’agirait alors d’aller vers une identification toujours plus forte entre elle et la zone euro, selon une logique que décrivait récemment le président Giscard d’Estaing dans son livre sur le projet « Europa ». Car l’autre choix serait la disparition, dont il serait facile mais vain de rendre coupable la « perfide Albion ».
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institut présaje
2014-06-01
8
[ "yves montenay" ]
831
LA MACHINE EST… UN HOMME COMME LES AUTRES
# La machine est… un homme comme les autres La machine ? C’est tout à la fois le diable et le Bon Dieu. Pour les uns, c’est l'ennemi. L’instrument de nouvelles formes d’esclavage. Pour les autres au contraire, c’est le Bon Dieu. L'allié, le protecteur de nos fragilités physiques, l’outil de la délivrance. Yves Montenay pense au contraire que le robot, la machine, ne méritent pas d’aussi extrêmes appréciations. Il remarque malicieusement que nous les humains, nous sommes souvent routiniers et machinaux. En somme la machine est un homme comme les autres… ## La machine, un diable impuissant ? La machine, c’est le diable : elle détruit l’emploi des « travailleurs », elle génère un monde mécanique, machinal, qui sera sans pensée ni culture et qui fait du livre un objet dépassé¹. Parallèlement (incohérence !), ce serait un diable impuissant : la productivité stagne, voyez Stiglitz, ou encore Pollin qui écrit : « La croissance de la productivité est revenue à des niveaux très faibles… épuisement du progrès technique » ². C'est un raisonnement bien rapide ! La productivité globale d'un pays ne dépend pas que des machines. Elle dépend à long terme de l'efficacité de l'enseignement (qui semble en baisse en Occident). Dans l'immédiat, la productivité pâtit d'abord des réglementations foisonnantes notamment en matière de droit du travail, de fiscalité, de sécurité ou d'environnement. Malgré cela, notre niveau de vie ne s'écroule pas. Donc les innovations (au sens large) ont continué à apporter d'importants progrès, et c’est ce qui nous permet de supporter le surcoût des fantaisies dogmatiques ou clientélistes (règlementations ci-dessus, multiples impôts et cotisations, devenues « usines à gaz » au fil des compromis). Dans le seul domaine de la gestion du personnel, ce sont les comptables, avec leurs machines et leurs logiciels, qui permettent aux entreprises de faire face au délire réglementaire. Remarquons par ailleurs que, comme Stiglitz, Pollin classe les nouveaux usages en « bons » et en « mauvais » : le premier fustige l'innovation en marketing et publicité, le second les jeux pour smartphones. Bref, ils jugent pour les autres ! Or la liberté et la créativité de notre monde s'appuient sur des individus libres qui choisissent eux-mêmes l'usage de ce que le marché leur offre. Faut-il un guide suprême comme en URSS, en Allemagne nazie ou en Iran ? Ayant parcouru les pays de l'Est à la belle époque du communisme, j'ai vu que le Gosplan avait jugé bon d’ignorer l'électroménager et les produits d'hygiène de base, et que les ménagères trimaient dans de multiples bricolages sordides. ## Le Bon Dieu et notre ingratitude A l'opposé, pour d'autres, la machine, c'est le Bon Dieu ! Car il s'agit de miracles : des petits robots permettent au chirurgien d'atteindre sa "cible" avec moins de saignements, de douleurs et de risques infectieux. Ou, miracle trivial, mais important par sa fréquence : je trouve en 30 secondes un dossier très ancien dont je ne me souviens ni du nom ni de la date. Et il y a les miracles que l'on ne remarque plus : le Bon Dieu a donné aux ménagères leurs aspirateurs et machines à laver, leur épargnant la serpillière et le lavoir. Il leur a donné l'industrie textile leur épargnant le ravaudage et le tricot. Le Bon Dieu, toujours lui, nous a donné l’espace par la voiture, l'avion et la fusée. Il nous a libéré des douleurs et des maladies par les médicaments de masse. Il nous a libéré intellectuellement par l’accès quasi gratuit à l'information, littérature comprise. Nous verrons bientôt le paysan ivoirien être à égalité d’accès avec l'intellectuel parisien. Mais nous sommes ingrats. Instruits et en bonne santé, nous pouvons critiquer « la société de consommation ». Le Bon Dieu toutefois, ne se décourage pas : The Economist du 29 mars nous donne 16 pages enthousiastes sur les robots, ces « immigrants du futur » qui viendront travailler et jouer avec nous, et explorent déjà l’espace pour notre compte. « La révolution cognitive » serait en marche, et cet excellent journal nous dit que la machine dépassera le cerveau humain dans les 20 prochaines années³. ## « Un homme comme les autres » Restons sur terre. Aujourd'hui les technologies les plus folles ne sont rien sans le cerveau de la ménagère ou du chirurgien. Le robot indépendant de l'humain imaginé par Asimov, et que l'on doit brider par « Les trois lois de la robotique » pour qu'il ne nous domine pas, n'est pas le problème d'aujourd'hui. Et Toyota rend aux hommes ce qu’il avait confié aux robots^4^. Bref, la machine n’existe pas sans l'homme, et comme par ailleurs beaucoup d'hommes sont routiniers voire machinaux, je conclus, peut-être provisoirement, que la machine est un homme comme les autres. ^1^ Christian Bobin La grande vie, Gallimard 2014 ^2^ Les Echos du 2 avril 2014 ^3^ Citant Ray Kurzweil, directeur de recherche chez Google, spécialiste du « transhumanisme » qui multiplie les interventions sur ce sujet. ^4^ Bloomberg, chaine économique, 8 avril 2014
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institut présaje
2016-06-01
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[ "michel rouger" ]
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EDITORIAL : EUROP STORY. LUCIDE OU PERFIDE ALBION
# Editorial : EUROP STORY. LUCIDE ou PERFIDE ALBION Les Britanniques ont senti le vent mauvais qui souffle sur le Vieux Continent. Au rêve de la génération Jean Monnet, ils opposaient naguère celui d’un grand marché libéral élargi à une Europe Centrale libérée du joug communiste. Aujourd’hui tout les indispose dans les prémisses d’une Europe à direction allemande, fruit d’un impressionnant décrochage de la France. Prenons la peine de les écouter. Un bon millénaire d’antagonismes et de conflits entre l’Angleterre et la France, étendus, au fil des temps, au Royaume-Uni, ont établi, entre les deux peuples, une relation troublée par la défiance. La perfidie fut le grief plus souvent évoqué par les Français contre leurs voisins, entre deux courtes périodes de cordialités organisées par les diplomates. En 1904, l’entente cordiale s’est installée entre eux, jusqu’à la proposition britannique faite en 1940 de fusionner les deux pays à la veille de l’effondrement de la France. Cette cordialité, vigilante, a résisté aux horreurs de la guerre. Puis, la France a oublié la perfidie, Albion étant devenue, après mûre réflexion, en 1973, membre de l’Europe institutionnelle. Comment ces relations vont-elles évoluer quelle que soit la réponse britannique au référendum sur le Brexit ? Perfidie réactivée face à l’égoïsme de leur éloignement, ou lucidité reconnue à nos voisins, face à nos propres échecs communautaires. That’s the question ? Pour éclairer votre réponse, je vous propose ce texte commentant les élections européennes. «Nous avons voté pour envoyer nos représentants faire les lois et les règlements européens qui constituent 70% des obligations que nous devons respecter, bon gré mal gré. Les explications préalables ont plus que manqué, au point de décourager prés de 60% des électeurs. Comme dans l'auberge espagnole bien connue, chacune des familles qui y sont invitées trouvera dans celle de Bruxelles ce qu'elle y apportera, dans le plus grand désordre. L'Anglais pensera toujours à son United Kingdom qui ne sera jamais sacrifié au profit d’une Union plus ou moins désunie. Le Français rêvera toujours à son Union politique Européenne dont il serait l’inspirateur. Comprenons ce que cela signifie en termes de pouvoir et d'Etats. Aux continentaux qui rêvent des Etats-Unis d'Europe, les Anglo-saxons rappellent que ces Etats-Unis existent déjà, qu'ils s'appellent l'Amérique, fondée par leurs ancêtres, avec leur langue, rejoints par les migrants successifs de l’Europe centrale et méditerranéenne. Grâce à quoi les peuples restés sur le sol européen, spécialement les Français, ont été sauvés trois fois, en 1917, 1943, et 1949 des griffes de leurs démons politiques totalitaires et guerriers. Les rares Français de Londres, qui, avec le Général de Gaulle ont lutté pied à pied pendant quatre ans pour arracher aux alliés Anglo-saxons une place dans la victoire de 1945 ont espéré créer cette Europe avec les Allemands qui avaient besoin de faire oublier leurs crimes. Mais le temps a passé, le couple a vieilli, la fécondité n'est plus là. Engagées dans cette mutation, les deux grandes nations continentales ont abandonné leurs pouvoirs, au profit d’une l'Europe qui a affaibli leurs Etats respectifs. Sans pour autant créer un vrai pouvoir politique continental. Les Allemands, moins, grâce à leur réunification. Les Français, absents des mouvements géopolitiques de l’Europe au début des années 90, n’ont rien compris et sont déjà déclassés. Le rêve de la génération Jean Monnet est en train de se diluer dans le projet que nos amis de l'autre côté du tunnel n'ont jamais caché, celui d'un grand marché-espace économique, sans monnaie unique, intégrant l'Europe centrale, que Churchill voulait, en 1944, conquérir avant que les Russes ne l’accaparent. » Attention ! ce texte concerne les élections européennes de 2004, pas celles de 2014, lors du passage de 15 à 25 membres qui a retardé le débat sur le Brexit. ## Qu’observent nos amis Anglais que nous nous obstinons à ne pas voir ? On se supporte de plus en plus mal au sein du continent et de ses 28 membres. Ils se demandent ce qu’a fait l’Europe institutionnelle pour corriger les dérives devenues mortelles pour la France de plus en plus déclassée, économiquement et politiquement face à l’Allemagne ? Rien ! La France non plus d’ailleurs. Le temps gâché a compliqué la solution. Les peuples n’ont plus la patience d’attendre. Une période de troubles s’annonce. Les Anglais ont senti monter ce vent mauvais qui souffle du continent, alors que pourraient naître, aux USA, les orages d’une aventure politique populiste moins bienveillante à l’égard de l’inconstance politique de l’Europe continentale qu’ils ont sauvée en 1945. S’y ajoutent les risques d’un retour de la Russie et de ses intérêts stratégiques pour un glacis protecteur. Toujours aussi attentifs aux mouvements géopolitiques qui agitent le Moyen Orient qu’ils n’ont jamais quitté des yeux, ils ne voient pas bien où peuvent mener, économiquement et politiquement, les relations germano turques dans une Europe sous direction allemande. Brexit ou pas, en 2016 ou plus tard, nos amis Anglais sont déjà prêts, dans leur tète, à rentrer dans leurs ports, d’où ils repartiront, le moment venu, pour aider l’Europe et la France à sortir du énième pétrin historique dans lequel elles se seront fourrées. Le peuple Anglais vit ses interrogations que notre monarchie Républicaine ignore. Comme à chaque fois, depuis 2 siècles, qu’il a ressenti l’inquiétude, il se tourne vers cette autre partie de lui même, qui règne à Washington, pour sauver l’avenir. Et pour faire triompher leur vision d’une Europe marchande politiquement apaisée. Essayons de les comprendre !
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institut présaje
2014-06-01
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[ "gérard thoris" ]
1,579
INTERNET ET LA NOUVELLE MÉDIATION DE LA RELATION CLIENT
# Internet et la nouvelle médiation de la relation client En 1897, Paul Valéry prononce une phrase géniale qui décrit parfaitement la stratégie des grandes marques pour cibler le consommateur d’aujourd’hui par le biais des collectes de données internet : « C’est par une obéissance servile à son désir complexe qu’on s’emparera de lui ». Gérard Thoris décrit la révolution qui s’opère dans le domaine de la relation client. Une relation qui suit désormais un parcours en trois degrés numériques mais qui n’annonce pas pour autant la disparition du commerce physique. « Ce client, qui se croit libre, et vit dans l'innocence, est analysé sans le savoir, sans qu'on le touche. Il est classé, défini parmi toute sa ville, avec toute sa province, et tout son pays. On sait ce qu'il mange, ce qu'il boit, ce qu'il fume, et comment il paie. On médite sur ses désirs. À Hambourg ou à Nuremberg, quelqu'un a peut-être tracé des courbes qui représentent l'exploitation de ses plus petites manies, de ses plus minces besoins. Il se verrait – lui qui se sent vivre si personnellement, si intimement – là confondu par le nombre, avec des milliers d'autres personnalités qui préfèrent la même liqueur, la même étoffe que lui. Car on sait là-bas plus de choses sur son propre pays qu'il n'en sait lui-même. On connaît mieux que lui le mécanisme de sa propre existence, ce qu'il lui faut pour vivre, et ce qu'il lui faut pour amuser un peu sa vie. On connaît sa vanité, et qu'il rêve d'objets de luxe, et qu'il les trouve trop chers. On lui fabriquera ce qu'il faut, le champagne de pommes, les parfums tirés de tout. Le client ne sait pas combien de chimistes songent à lui. On lui fabriquera exactement ce qui doit satisfaire, à la fois, sa bourse, son envie, ses habitudes, et on réalisera pour lui quelque chose d'une perfection moyenne. « C'est par une obéissance servile à son désir complexe qu'on s'emparera de lui ». On se demande bien comment Paul Valéry a pu écrire cela en 1897¹ mais c’est aujourd’hui visible pour tous. Les gigantesques bases de données d’Amazon, de Google et de biens d’autres – mais qu’est-ce que La Redoute ou les 3 Suisses ont fait de leur avance en ce domaine ? – sont directement alimentées par le client lui-même. C’est la technologie qui l’a permis, mais c’est le consommation qui, au final, en valide l’usage. Reprenons quelques-unes de ces formules percutantes. ## Une vente sur deux est précédée d’une visite sur internet « C’est par une obéissance servile à son désir complexe qu’on s’emparera de lui ». Aujourd’hui, une vente en magasin sur deux est précédée d’une visite sur le site Internet de l’enseigne : research on line, purchase off line disent les spécialistes du marketing – on ignore ce que l’académie de mercatique en pense ! Cela veut bien dire que le client part d’un besoin, voire d’un désir, et qu’il précise la forme de ce besoin en regardant les produits qui lui correspondent. S’il passe encore en magasin, c’est qu’il a besoin de le toucher, de le sentir et de compléter l’information rationnelle qu’il a collectée à une information sensible. Le vendeur peut se sentir dépossédé de son pouvoir, surtout s’il se contente d’être un lieu de retrait des colis. Le click and collect est effectivement le degré zéro de la relation client. Son travail est donc de trouver le moyen d’entrer en relation personnelle avec le client qui vient simplement chercher un colis. Et pour cela, il dispose de bien des outils que la technologie moderne met à son service. Le premier degré de la relation client, c’est évidemment de profiter de la remise du produit pour proposer du conseil complémentaire. Mais sur quelle base le fournir ? Mais c’est tout simple, lorsque le consommateur a fait le tour du magasin virtuel pour définir son achat, il est passé par bien des articles. Comme toujours en cas d’hésitation, il est revenu plusieurs fois sur un article particulier. C’est donc le moment de lui proposer de toucher, sentir, tenir en mains l’objet de son attention. Pour être sûr de pouvoir le faire en live, encore faut-il que le vendeur dispose de l’information en direct. C’est assez simple ; il suffit que le bluetooth du téléphone portable soit activé pour qu’une borne repère l’entrée de ce client précis en boutique. La tablette du vendeur en est informée, ainsi que de la liste des articles que ce client précis a consultée sur Internet avant de venir. Voilà de quoi ouvrir une relation commerciale ! Le second degré de la relation client, c’est de lui faire des offres personnalisées lorsqu’il s’arrête longuement sur un produit dans la boutique. C’est le projet de Fidzup², une jeune pousse (ouf) française qui, comme sa base line (eh oui) l’indique, se donne comme objectif le « retargeting publicitaire pour le monde physique ». En bref, si vous sortez un vêtement de son linéaire, votre Smartphone vibre et vous savez que vous bénéficiez d’une remise de 30 % sur ce produit… si vous l’achetez maintenant ! A vous de croiser l’offre publicitaire à toute l’information dont vous disposez sur ce client particulier… Cela s’appelle le… geofencing ! A ce moment, vous pouvez entrer dans le troisième degré de la relation client et lui proposer de payer directement avec son Smartphone. Cela permet d’éviter les multiples changements d’avis qui traversent le cerveau ou le cœur du client entre le rayon et la caisse. Evidemment, parmi ces changements d’avis, il y a la pénibilité de la queue. Ce paiement par Smartphone est plus difficile en France car les données doivent passer par un terminal bancaire. Qu’à cela ne tienne, le boitier double existe et le vendeur n’a qu’à s’approcher du client pour lui proposer de payer sans passer par la caisse. Cela s’appelle le… digital wallet ! A la fin de la journée, vous pourrez constater l’augmentation substantielle de votre chiffre d’affaires. Mais vous n’aurez pas fini votre travail. Il vous faudra analyser le flux de vos clients quotidiens. Le système Quividi³ analyse les flux vidéo transmis de plusieurs points de l’enseigne et vous fournit une analyse quantitative des clients qui y sont passés : reconnaissance faciale du sexe, des tranches d’âge et, bientôt, de l’humeur. Il ne reste plus qu’à croiser ces informations avec le temps passé sur un article particulier pour préparer votre prochain programme de promotion ciblée. Si, au passage, le consommateur a scanné les étiquettes de produits pour disposer d’informations complémentaires, vous pourrez reconstituer son parcours personnalisé car, évidemment, le téléphone aura laissé une trace sur votre système d’information ! On pourrait continuer ce parcours dans lequel la technique est devenue le nouvel interface de la relation client. Mais, en bons marxistes, il nous faut tirer quelques conclusions générales quant à l’impact de la technique sur les systèmes sociaux. Puisque l’acte d’achat est le critère fondamental de l’efficacité de la relation client, c’est autour du terminal de paiement que se noue le futur système de distribution. Aujourd’hui Wal Mart développe le Scan & Go . Avec son smartphone, le consommateur scanne lui-même les produits qu’il dépose dans son panier mais il doit encore passer par un terminal de paiement. Demain, ce terminal disparaîtra et, avec lui, la nécessité de concentrer sur un espace unique une multitude de marchandises. L’hypermarché permettait d’éviter les multiples passages en caisse des magasins spécialisés ; le Scan & Pay fait disparaître l’un des fondements de l’hypermarché. Small is beautiful et Wal Mart se donne comme objectif à vingt ans de (re)devenir une start up! Mais, en même temps, ces systèmes redonnent une chance au commerce physique par rapport au commerce Internet. Si, aujourd’hui, l’acte d’achat physique est reporté, c’est pour être sûr d’avoir le meilleur prix. Internet est, pour le consommateur, une base de données sur les meilleurs prix en ligne. Le commerce physique a sa chance si le commerçant assure son client qu’il ne trouvera le produit moins cher nulle part ailleurs grâce, justement, aux promotions ciblées. On aura compris que cette nouvelle chance est liée à l’utilisation des technologies modernes. Les enseignes qui n’utiliseront pas l’un ou l’autre de ces systèmes vont être confrontées à de graves difficultés car elles seront en retard sur les pratiques de leurs clients. Enfin, mais peut-on s’arrêter sur un tel sujet, les banques perdent de fait le monopole du système de paiement. Ce n’est pas pour rien que PayPal invente le paiement sans contact avec le boitier Beacon (on n’ose dire balise) que le commerçant installe dans son magasin. Tous les Smartphones équipés de l’application PayPal peuvent payer de façon dématérialisée en connexion Bluetooth ! Comme de bien entendu, le premier paiement fournit des informations que le commerçant pourra utiliser pour satisfaire les derniers besoins cachés de son client ! Evidemment, ce dernier peut désespérer d’être ainsi dévoilé. De fait, la plus grande menace pour la distribution, ce sont les clients qui vont inventer des circuits alternatifs^4^. Les mêmes techniques peuvent favoriser le développement de circuits courts, basés sur le bénévolat, où le consommateur définit lui-même la charte des produits qu’il veut acheter. Le monde de demain est ouvert ; c’est la technique qui permet cette ouverture ; ce sont les hommes de conviction qui dessineront les contours de ce qui sera ! ^1^Valéry, Paul (1897), « Une conquête méthodique », Oeuvres, volume 1, Paris, Gallimard, coll. ''Bibliothèque de la Pléiade", p. 974 ^2^ http://www.fidzup.com ^3^ http://www.quividi.com/fr/ ^4^ http://www.cooplalouve.fr
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institut présaje
2014-06-01
3
[ "jean-luc girot" ]
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FAUT-IL CRAINDRE LE « E-EVERYTHING » ?
# Faut-il craindre le « e-everything » ? Les innovations du XIXème siècle et du XXème siècle ont modifié le cours de l’Humanité. Celles de ce début de XXIème siècle sont numériques. Comme on a pu le voir au cours des deux siècles précédents, elles inspirent tout à la fois des craintes et des espoirs. Jean-Luc Girot pense qu’une fois encore, il importe de dédramatiser l’inéluctable. Ce sont les humains qui détiennent les clés du bien et du mal, pas les machines. Le 25 août 1837, Louis-Philippe, Roi des Français, inaugurait la première ligne de chemin de fer, édifiée par Émile Pereire entre Paris et St Germain-en-Laye. A la dernière minute, le gouvernement en place considéra qu’il était trop dangereux de faire voyager le Roi dans cette curieuse machine et il fut décidé d’y envoyer… son épouse et ses fils. Fort heureusement pour ces derniers, le voyage se déroula sans encombre et chacun parvint à bon port, sain et sauf. 177 ans plus tard, 3 millions de nos compatriotes circulent chaque jour en train dans notre pays, et certains à une allure parfaitement inconcevable en 1837. C’est dire si cette invention était majeure, tout le monde aujourd’hui en conviendra. Des innovations majeures, il ne cessera d’en naître tout au long du siècle suivant, captivantes par leur audace, mais inquiétantes aussi pour leurs contemporains. De ce point de vue, rien n’a changé ; le XXIe siècle apporte également son lot d’innovations, qui sont ni plus ni moins aussi captivantes et inquiétantes que leurs illustres ainées. Les innovations de ce début de millénaire sont numériques. L’innovation, c’est l’exploitation de l’information, sa diffusion, sa maîtrise. L’ancien PDG de Google, Eric Schmidt, estimait en 2010 que nous produisions tous les deux jours environ 5 exaoctets (1 Eo représente 10^18 octets) d’informations… soit autant qu’entre le début de la culture humaine et 2003 ! ## D’où-vient l’explosion du volume de l’information et à quoi sert-elle ? Nous, les humains, sommes les premiers producteurs et consommateurs de cette nouvelle richesse. Internet est devenu en une décennie une source intarissable d’information. Nous y stockons tout notre savoir et le mettons à disposition de nos contemporains, sous la forme d’un texte, d’une image, d’une vidéo. Une crevaison sur la route ? Un didacticiel disponible sur internet montrera la marche à suivre pour remplacer la roue du véhicule, en prenant en compte les spécificités de sa marque ! Rechercher une recette de cuisine, visiter un musée à distance, connaître la force du vent à Quimper en temps réel ? Tout est disponible sur Internet et la toile n’oublie rien. A cela s’ajoute la production de nos inventions : le « machine to machine », ou l’internet des objets. La malheureuse épopée du vol MH370 de Malaysia Airlines a appris au grand public, qu’audelà des informations strictement nécessaires à la gestion du trafic aérien, d’autres informations étaient adressées en catimini aux avionneurs et aux motoristes. Toutes ces données sont stockées, analysées à des fins d’amélioration de la fiabilité des produits et de la maîtrise de la sécurité des vols. Dans un autre domaine, les banques collectent également des informations pour les aider, par exemple, à détecter les fraudes à la carte bancaire : le montant prélevé est comparé aux habitudes de consommation, la situation géographique du retrait est comparée à la dernière position connue. Autre exemple : demain, les automobiles seront informées par les feux tricolores des carrefours de l’état du trafic. Le déclenchement d’un airbag enverra un message aux secours, en géolocalisant l’accident. ## Faut-il craindre les données ? Big Brother existe-t-il ? Tout d’abord, un paradoxe. Chacun se méfie énormément de certaines données sensibles comme celles issues de la géolocalisation des téléphones mobiles, qui ne sont dans les faits accessibles que sous le contrôle d’un juge, et par conséquent sont relativement difficiles à exploiter et, dans le même temps, tout à chacun publie sur les réseaux sociaux des informations personnelles bien plus critiques. En effet, divulguées à tort et à travers, les données personnelles peuvent tomber dans de mauvaises mains. Dans ce domaine, le risque le plus important est l’usurpation d’identité. Pour obtenir une carte d’identité, il est demandé par l’administration de produire un extrait d’acte de naissance, qu’il est possible de se procurer sur internet, avec sa date de naissance et le nom patronymique de ses parents. Le mal n’est pas là où on croit. ## Il faut dé-diaboliser l’information et éduquer les usagers. A l’instar du chemin de fer au XIXe siècle, l’information doit être maîtrisée par nos contemporains. Inutile de la craindre, il faut la comprendre et l’utiliser à bon escient, pour tous les avantages qu’elle procure. Et s’il existe bien un revers à la médaille, à nous d’être vigilant en contrôlant l’information qu’on rend publique et cessons de stigmatiser le progrès. Ne délaissons pas la valeur ajoutée et l’énorme potentiel de l’information. Le développement du « e-everything » est inéluctable, il fait désormais partie de notre quotidien, ne nous en privons pas.
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institut présaje
2014-06-01
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[ "bernard lecherbonnier" ]
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ENTREPRENDRE ET RÉUSSIR À MILLE LIEUX DE L’UNIVERS HIGH-TECH. L’ESPRIT D’ENTREPRISE IGNORE LES MODES ET LES FRONTIÈRES DE MÉTIERS
# Entreprendre et réussir à mille lieux de l’univers high-tech. L’esprit d’entreprise ignore les modes et les frontières de métiers La « start up » du numérique est l’enfant chérie des médias. Mais l’esprit d’entreprise souffle partout. Vieux et nouveaux métiers, tous sans exception sont ouverts aux entrepreneurs imaginatifs. Bernard Lecherbonnier, éditeur, directeur de recherche à l’Université de Paris a fondé avec des amis l’association « La France qui gagne ». Il décrit trois parcours originaux dans des secteurs réputés saturés : le spectacle, l’hôtellerie et… le musée ! On se souvient du fameux aphorisme de De Gaulle : « Des chercheurs qui cherchent, on en trouve. Des chercheurs qui trouvent, on en cherche. » Appliquons la leçon aux entrepreneurs. Elle n’a pas pris une ride. Où sont donc les entrepreneurs qui, non seulement, entreprennent, mais qui, de plus, ont le culot de réussir ? On a tout à fait raison de supposer que pour créer une entreprise prospère, il vaut mieux se tourner vers le numérique que vers la culture des artichauts ou vers la fabrication de brouettes. Pour autant, le numérique est-il la panacée universelle ? Non. Le cerveau d’un entrepreneur est une bizarre chose. En gros, ce qu’est la tarte Tatin à la tarte traditionnelle. Une anomalie qui réussit. Louis Renault, Marcel Dassault, Jean-Luc Lagardère, Claude Bébéar sont plus proches de Picasso que de Puvis de Chavannes. Des inventeurs, des visionnaires et aussi des maniaques. Des gens qui fraient leur voie et qui vont jusqu’au bout d’eux-mêmes, quoi qu’il se passe, quels que soient les obstacles. En un mot des génies. Il est clair que nos universités ne forment pas des génies. Cela se saurait. Il est clair que nos grandes écoles savent mieux formater les intelligences que susciter l’imagination. On sait fabriquer du manager à la chaîne et du gestionnaire au kilomètre. La potion magique d’où sort l’inventeur, on en a perdu la recette, si tant est qu’on l’ait jamais connue. Néanmoins, nous comptons tous autour de nous des réussites foudroyantes. Souvent cela se produit dans des secteurs apparemment obsolètes. Je pense à Marc Guiraud, le créateur d’AEF, Agence Education et Formation, qui a créé son Agence de Presse spécialisée dans les questions d’Education à un moment où l’avenir des agences de presse semblait bien sombre et où les questions d’éducation n’intéressaient personne. Je pense à tel autre qui a su surfer sur la vague de la parapharmacie pour fonder un groupe important dans le domaine des huiles essentielles. Enfin au fondateur d’une major de l’Intérim alors que l’offre en ce domaine semblait déjà surchargée… Autant de cas, autant de modèles et d’angles d’attaque différents. Avec quelques amis nous venons de constituer une Association, la France qui gagne, pour mettre en valeur des « success stories » récentes. J’en choisis trois dans des domaines réputés pour être saturés : le spectacle, le musée, l’hôtellerie. - Hazis Vardar Bergers, les parents d’Hazis Vardar ont dû abandonner les pâturages albanais pour une herbe moins verte à Bruxelles. Le père travaille dans une épicerie de quartier et avec la mère, ils inculquent de solides valeurs à leurs enfants. Hazis et ses frères commencent dans le bâtiment et prospèrent continuellement jusqu’à ce que l’un des frères se pique de théâtre. Un des deux frères écrit, l’autre produit et monte les spectacles. Ils achètent un modeste théâtre bruxellois en faillite, puis un deuxième et d’autres à Avignon, Toulouse. Enfin c’est le grand bond vers Paris pour acquérir l’un des fleurons de la nuit parisienne, le mythique Palace. Il est vrai qu’entre-temps le Clan des Divorcées d’Alil Vardar a fait le tour du monde. Grâce aux frères Vardar, le Palace qui s’assoupissait retrouve une nouvelle jeunesse et fait salle comble depuis des années avec, à l’affiche, des stars de music-hall qu’ils produisent. Demain les Etats-Unis ? Les Vardar ne disent pas non. - Philippe Vaurs Les affaires hôtelières, Philippe Vaurs est tombé dedans tout petit. En 1872 son arrière-grand-mère à créé l’hôtel Regis à Laguiole. Cet hôtel est toujours dans la famille puisqu’il est aujourd’hui dirigé par son oncle. Philippe Vaurs décide cependant de sortir de l’hôtellerie bourgeoise pour se faire un nom dans le luxe… Avec son complice Olivier Lapidus, il fait entrer des matières originales et un design élégant dans des lieux où l’on dort. En quelques années il crée une chaine de prestige : Hotel O, le Five, Seven, Legend Hotel, le Félicien sont quelques uns d’Elegancia Hotels, la ligne d’établissements d’exception qu’il a créée avec son associé. - Eddy Van Belle Homme d’affaires averti, PDG puis Président de Puratos (filiales dans 63 pays, plus de 6 500 salariés (53 usines, 1,4 milliards d’euros de chiffre d’affaires), Eddy Van Belle a décidé d’innover dans le champ culturel. Il commence par un musée de l’éclairage, continue par un musée de la frite à Bruges. Ainsi est née la tendance des musées alimentaires dont les musées du chocolat qu’il multiplie à travers le monde. Si anecdotiques que soient ces exemples, ils fournissent cependant des indicateurs précieux : on ne devient pas, on naît inventeur. La société peut au mieux ouvrir des voies, indiquer des horizons. L’inventeur va où il veut armé de sa seule foi en son projet et de sa détermination. Armé aussi de cette forme d’intelligence originale qui lui dicte, face à l’obstacle, d’effectuer des choix que personne d’autre ne prendrait à sa place. Le grand homme se juge au pied du mur. Un dernier mot. La société ne sait pas produire d’entrepreneur. En revanche elle sait très bien les tuer.
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2014-06-01
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[ "armand braun" ]
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LE NUMÉRIQUE, LA SOCIÉTÉ ET L’ETAT. C’EST LA NATURE MÊME DE L’ETAT QUI EST REMISE EN CAUSE
# Le numérique, la société et l’Etat. C’est la nature même de l’Etat qui est remise en cause Il a fallu des siècles à l’Etat pour devenir « empereur en son royaume ». Or voici que dans le monde entier, se dessine une toute nouvelle géographie des organisations de pouvoir. L’Etat cohabite désormais sur le sol national avec de puissants interlocuteurs, acteurs du numérique et entreprises, qui entretiennent des rapports différents à l’espace et au temps. Pour Armand Braun, le numérique a un double impact sur la société et sur l’Etat. Tant de sujets occupent le débat public que celui sur « l’impact du numérique » est négligé, sauf quand il se produit quelque chose de notable comme, en ce moment, la question de la fiscalité ou celle de Netflix. Essayons d’aller plus loin. Les services que rend le numérique, son caractère indispensable, son pouvoir vont renouveler l’activité et l’organisation de tous nos dispositifs administratifs, voire la vie politique et les institutions elles-mêmes. On peut considérer que le numérique, dans ses diverses déclinaisons, n’est après tout qu’un fournisseur, et ne lui accorder que la qualité de fournisseur important puisque toutes les organisations publiques y ont recours. Il serait déjà préférable de constater que les acteurs du numérique interviennent au cœur même de la complexité de toutes les formes d’organisation publiques et que leur contribution va bien au-delà de la simple prestation de services. Il ne serait peut-être pas absurde de s’interroger sur ce que signifie désormais cette omniprésence de systèmes techniques indépendants à caractère mondial et dont les ressources sont égales ou supérieures à celles de nombreux Etats (WhatsApp, une start up de cinquante personnes, est en train d’être rachetée pour 16 milliards d’euros, à peu près le montant des économies que prévoit de réaliser l’Etat chaque année en France). ## Le numérique impacte la société Il est omniprésent : 80% des Français sont connectés. Il exerce sur la vie des gens des influences négatives et positives. D’un côté, il favorise chez la masse des internautes une tranquillité passive de joueurs et de consommateurs. De l’autre, il apporte à l’esprit d’entreprise, auparavant confiné dans des cercles étroits et des périmètres limités, des ressources techniques considérables. Il accentue et multiplie les identités individuelles : grâce à lui, chaque personne est désormais à la fois citoyenne, internaute, peut devenir productrice de biens et de services. Et il est par ailleurs un créateur d’écosystèmes et de communautés fondés sur les loisirs, les affaires, des domaines de la connaissance, des croyances. Si tous les progrès technologiques ont bien été des multiplicateurs de projets, aucun ne fournit à cet égard une base aussi large que le numérique. ## Il impacte la relation entre la société et l’Etat Avant le numérique, l’Etat était la seule structure administrant la vie des personnes et des groupes. Il exerçait un pouvoir inscrit dans l’Histoire, légitime et confondu avec l’idée de Nation, que nul sur le territoire n’avait l’idée de contester et chaque personne était tenue par le devoir d’obéissance civique. Aujourd'hui, le devoir demeure, mais il ne se confond plus comme auparavant avec l’obéissance. Hier le souci du bien commun était la responsabilité spécifique de l’Etat, aujourd'hui la société intervient pour donner ses points de vue, le numérique est son allié ; la question de l’environnement en est un bon exemple. ## Le numérique impacte la nature même de l’Etat Non dans sa vocation profonde, qui est de représenter la Nation, de conduire le débat politique et de prendre en charge des responsabilités primordiales d’intérêt général telles que la sécurité, l’ordre public, la justice… Mais dans sa manière pratique de fonctionner. Pas encore pleinement aujourd’hui : la différentiation entre administration et bureaucratie n’est pas encore accomplie et, selon l’expression d’un expert étranger, « par comparaison avec les autres pays européens, la France folâtre beaucoup », mais inévitablement demain. Parler de résistance au changement serait certes exact et pourtant simpliste. Comprenons l’Etat ! Il était historiquement « empereur en son royaume », il lui faut désormais coexister sur le sol national avec de puissants interlocuteurs, entreprises et acteurs du numérique qui entretiennent des rapports différents à l’espace et au temps ; ils mettent en cause toute la pyramide de l’autorité et possèdent une forme sui generis de légitimité, dont témoigne cette plaisanterie qui a cours aux Etats-Unis : « quand Mark Zuckerberg décroche son téléphone, c’est Barack Obama qui répond ». ## Les acteurs du numérique ne sont pas pour l’Etat des interlocuteurs comme les autres Leur interdépendance actuelle va les conduire à devenir solidaires, voire fusionnels. Mais l’Etat semble n’avoir pas encore appréhendé la problématique d’ensemble de sa relation avec eux. Il exerce des pressions sur des dossiers spécifiques comme la fiscalité, entend que les acteurs du numérique se conforment à ses lois et règlements, aux décisions de la Justice. De leur côté, sûrs de leur pouvoir, les acteurs du numérique n’agissent pas avec la prudence nécessaire vis-à-vis de l’Etat : ils font parfois preuve de désinvolture à l’égard d’une institution d’autant plus susceptible et sensible à son rang qu’elle est appauvrie et contrainte ; il leur arrive aussi de le contourner. Ils sous-estiment la capacité d’action des Etats, quand ils se sentent cernés. Il a fallu des siècles à l’Etat pour devenir ce qu’il est, en arriver à rendre, quoique l’on puisse dire, les immenses services dont nous lui sommes redevables. Les acteurs du numérique sont l’expression toute récente de la société de l’information. Etrangement, ils tendent à se situer à parité dans une « géographie » émergente des organisations de pouvoir à travers le monde, entièrement nouvelle, imprévisible dans ses développements. L’actualité fournit pourtant un motif d’inquiétude. Les tensions montent sur la planète, ressenties parfois jusque bien loin de leur épicentre. Les Etats s’inquiètent du retour des passions collectives et des idéologies. Ils commencent à percevoir le numérique comme un facteur de risque : en termes de sécurité évidemment, mais aussi parce qu’il rend le contrôle social beaucoup plus difficile. A la récente Conférence de Rio, ce sont les nations totalitaires qui ont été les plus intransigeantes sur cette « régulation », mais les autres, sous couvert de la défense des intérêts de leurs ressortissants, ont suivi avec ardeur. Il serait temps que l’importance de cette question soit enfin comprise et approfondie. Si la dynamique que portent les acteurs du numérique venait à être compromise, si nous devions assister à la multiplication d’ « Internet croupions » nationaux, c’est le mouvement du monde qui serait mis en péril, c’est la peur qui l’emporterait sur la vie. Faisons confiance aux acteurs du numérique, ils sauront préserver leur intégrité et leur liberté. Invitons-les à réfléchir avec la société civile et avec l’Etat à une prospective de leur avenir solidaire. Soumettons cette problématique à l’opinion publique, qui n’y a accès pour le moment que de manière partielle, à travers ce que lui expliquent les médias. Et mettons au défi les experts en sciences politiques de concevoir les manières de le faire. Cette problématique est difficile mais stimulante. Elle va dans le sens du message de Pierre Teilhard de Chardin et de Gaston Berger : l’espoir d’accéder à un niveau supérieur de civilisation.
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2014-06-01
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[ "pierre-antoine merlin" ]
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DANS LA CRÉATIVITÉ LOGICIELLE, LES FRANÇAIS SONT PARMI LES PLUS INNOVANTS
# Dans la créativité logicielle, les Français sont parmi les plus innovants Apprendre à lire, à écrire, à compter… et à programmer. L’académicien Serge Abiteboul voudrait convaincre les pouvoirs publics d’enrichir l’enseignement de base à l’école. Souffrant d’une image médiocre sur le marché mondial de l’économie numérique, la France dispose d’une chance historique de revenir dans la course explique Pierre-Antoine Merlin. Ses compétences en matière de logiciel sont son meilleur atout pour les années à venir. Encore faut-il les faire fructifier. Chacun en convient, la capacité à innover est porteuse de croissance et de compétitivité. Comment la France, grande pourvoyeuse d’innovations en tout genre, peut-elle tirer son épingle du jeu ? En choisissant ses domaines d’excellence. A priori pourtant, les motifs d’insatisfaction ne manquent pas. Au dernier CeBIT de Hanovre, qui constitue aujourd’hui le plus grand salon mondial de l’économie numérique, les Français, fidèles à leur réputation, étaient pratiquement invisibles. Les raisons invoquées sont toujours les mêmes : c’est loin, il fait froid, il faut parler allemand. Des arguments d’une grande vulgarité, prononcés par des esprits habituellement mieux inspirés, et qui reflètent surtout l’enkystement de la pensée. Or, le savoir-faire français ne peut percer le mur de l’indifférence qu’en se dévoilant, en ajoutant le faire-savoir au savoir-faire. Dans le business, il n’y a pas de place pour le péché d’orgueil. Car à quoi sert d’avoir un potentiel performant sur les marchés internationaux, si personne n’est là pour le constater ? Au-delà de ce constat désolant, qui remet les velléités du made in France à leur place, il y a les chiffres. Dans son enquête sur les perspectives en termes d’innovation et de numérique, le think tank G9+ estime que la France patauge dans une honnête médiocrité, oscillant entre la quinzième et la trentième place, selon les critères que l’on retient. Ce diagnostic pâlichon est confirmé par l’économiste Jean Brilman, qui pointe l’absence totale de riposte face à l’insatiable hydre GAFA (Google, Amazon, Facebook, Apple), que les citoyens alimentent quotidiennement en lui confiant, avec une grande spontanéité, leurs données personnelles. ## Ressources cachées mais bien réelles Voilà un diagnostic apparemment bien pessimiste. Mais peut-être ne savons-nous pas regarder les trésors d’ingéniosité que recèle l’économie française. Ce n’est pas recourir à la méthode Coué que dire cela : dans le nucléaire, la biotech, l’analyse prédictive, l’internet des objets et même la robotique, la France fait la course en tête. Prenons cet exemple : l’entreprise de robotique Aldebaran. Elle est inconnue du grand public et même des professionnels du numérique, en dehors du cercle étroit de ses clients et de ses concurrents. En revanche, elle fait un tabac à l’étranger. Le secteur numérique français a donc tout à gagner à se concentrer sur l’innovation, qui a donné par exemple le Minitel, converti par les Américains en triomphe international "sous le nom plus vendeur d’Internet, à partir du seul annuaire électronique", comme le confia un jour Bill Gates à l’auteur de ces lignes. Car ce n’est pas dans l’équipement matériel qu’il faut rechercher l’excellence française. Ni, comme on l’a longtemps cru, dans les services, tirés vers le bas avec les emplois de coursiers et les centres d’appel. C’est donc bien plutôt dans l’intelligence, la créativité, l’imagination, la capacité à concevoir des liens permanents entre les hommes et les choses. ## Les logiciels Big Data, gisements de croissance à deux chiffres L’intelligence du monde, c’est le domaine du logiciel, qui met à profit la compétence des ingénieurs, qu’ils soient "maison" ou sortis de Polytechnique. "Tout le monde devrait apprendre à programmer un ordinateur, cela apprend à penser", disait l’ennemi juré de Bill Gates, Steve Jobs, pas informaticien pour deux sous, mais parfaitement d’accord avec son contemporain capital. En France, plusieurs scientifiques de renom, dont l’académicien Serge Abiteboul, veulent convaincre les pouvoirs publics d’enrichir l’enseignement de base à l’école : lire, écrire, compter... et programmer. C’est en effet l’esperanto des temps modernes - et ses chances de succès sont plus grandes. Déjà, le numéro un mondial du product life management, sorte de CAO du XXIème siècle, est français : Dassault Systèmes. Pour sa part, le cabinet d’études International Data Corp voit l’industrie française du logiciel comme le principal pourvoyeur de croissance et d’emploi à court et moyen terme. Dans un rapport conjoint avec Syntec Numérique, il pronostique une accélération du marché : les indicateurs avancés concernant les appels d’offres et les carnets de commandes "confirment le dynamisme de l’activité", écrit-il. Au niveau mondial aussi, l’industrie du logiciel redémarre. Cette année, annonce l’institut Gartner Group, les ventes de logiciels big data frôleront la croissance à deux chiffres. Là encore, la France a un avantage concurrentiel. Parti de rien il y a un quart de siècle, le Français Business Objects est devenu numéro un de cette spécialité, avant de vendre son activité à un autre Européen, le groupe SAP. Ces tendances sont logiques. Le développement et l’édition de logiciels commandent tous les secteurs de l’économie. Nul n’y échappe. C’est une grande chance pour la France de s’être positionnée, dès les années 60, et peut-être sans le savoir, sur ce gisement inépuisable. A tel point que - est-ce un effet subliminal ? - les politiques et industriels français n’arrêtent pas de dire qu’il faut "changer de logiciel", à l’image d’Hervé Morin ce 5 avril dans Les Echos. Plutôt que changer de logiciel, au sens figuré, la France devrait l’adopter et l’adapter, au sens propre.
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2014-06-01
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[ "michel godet" ]
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LE ROBOT, LA MACHINE ET LE CHÔMAGE. COMMENT RETROUVER LA MACHINE À CRÉER DES EMPLOIS D’ALFRED SAUVY ?
# Le robot, la machine et le chômage. Comment retrouver la machine à créer des emplois d’Alfred Sauvy ? « Il existe toujours une solution de plein emploi ». Alfred Sauvy a eu l’audace d’écrire cette phrase il y a plus de 30 ans dans « La machine et le chômage ». Une affirmation fondée sur l’idée que les gains de productivité obtenus grâce aux machines et aux robots ne sont pas un problème pour l’emploi si le « déversement » de la richesse produite s’effectue dans des conditions normales vers les services. Hélas, en France, explique Michel Godet, tout se ligue pour que ce « déversement » se passe dans les pires conditions. La France se distingue par ses multiples exceptions qui ne sont pas seulement culturelles, mais concernent aussi le marché du travail, l’emploi des jeunes et des seniors, la politique industrielle… Depuis 30 ans, au lieu de réformer en profondeur, nos gouvernants ont piloté à vue à grands renforts de dettes et de gaspillages publics. L’emploi en France n’a cessé de se dégrader depuis que nous laissons filer les déficits publics. Le dernier budget à l’équilibre fut celui de Raymond Barre en 1980 et nous étions aussi à 5% de chômeurs ! A se demander si les deux phénomènes, à savoir chômage faible et équilibre budgétaire, ne sont pas des vertus liées. Depuis, la dette publique qui était de 20% du PIB est passée à plus de 95%. Notre (mauvaise) gestion jacobine de l’économie nous a conduits à cette impasse : un coût du travail trop élevé, conduisant à moins d’emplois, plus de chômage et une rentabilité insuffisante des entreprises pour investir et préparer l’avenir. Plus de trente ans après sa publication, le célèbre ouvrage d’Alfred Sauvy La machine et le chômage (Dunod, 1980) reste d’une étonnante modernité. Son optimisme nous rassure car, pour lui : « Il existe toujours une solution de plein emploi ». Aux yeux d’Alfred Sauvy, les gains de productivité dans l’industrie ne seraient pas un problème pour l’emploi si le « déversement » de la richesse produite s’effectuait normalement en faveur des services. Il signifiait ainsi que les besoins sont sans bornes et extensibles. L’emploi total a augmenté de 3,5 millions en France depuis 1975 et la population active de 5,5 millions dont 4,5 millions de femmes et seulement un million d’hommes. Mais la demande solvable ne s’exprime que si les conditions d’offre sont favorables :« La politique doit supprimer ou réduire les rigidités défavorables à l’emploi et comporter aussi des incitations propres à faciliter l’ajustement compromis ». ## Le coût du travail et le Smic, une barrière à l’emploi La finalité des entreprises n’est pas de créer des emplois, mais de la richesse. La compétitivité internationale impose de rémunérer les facteurs de production à leur valeur internationale. L’homme n’est pas une marchandise, mais le marché du travail, malheureusement, fonctionne, aussi, comme un marché : ce qui est rare est cher, et la baisse des prix suscite la demande de ce qui est abondant. Pour une croissance donnée, la création d’emplois dépend, d’abord, du coût complet du travail : plus il est élevé, plus les entreprises automatisent, sous-traitent ou délocalisent. Depuis des lustres, les gouvernements successifs, de droite comme de gauche, confondant politique économique et politique sociale, ont été immanquablement tentés de donner un « coup de pouce » au Smic en l’augmentant. L’intention est généreuse et louable : il s’agit de penser à ceux qui sont en bas de l’échelle des revenus. Il est bon de rappeler ce que disait A. Sauvy à ce propos :« La rigidité éliminatoire qui résulte par exemple du salaire minimal […] peut être compensée par une prime ou subvention accordée, soit au travailleur reconnu partiellement inapte (rémunéré en dessous du salaire minimal), soit à l’entreprise pour la dédommager d’accorder le salaire minimal aux travailleurs sous productifs ». Quand on s’interroge sur le recul de la compétitivité-coût de l’économie française et des pertes de parts de marché à l’export depuis 2001, on ne peut manquer de la rapprocher des hausses rapides du Smic suite aux 35 heures. Comme le relève le rapport Champsaur : « La réduction du temps de travail sans perte de salaire a conduit, toutes choses égales par ailleurs, à augmenter le Smic de 11,4%. A ce premier effet direct, s’est ajouté l’impact indirect […] de 5,7% supplémentaires, soit une hausse totale de 17,1% ». Si le Smic était resté indexé sur l’inflation, et n’avait pas connu des coups de pouces, il serait trois fois plus faible et donc bien inférieur au RSA socle d’aujourd’hui 500 €. Et même depuis 2001, les coups de pouce ont continué : sans eux le Smic horaire brut ne serait pas à 9 € mais à 8 €. Entendons bien le message : il y a des gens que l’on n’embauche pas parce qu’ils coûtent trop cher compte tenu de la valeur de leur compétence et du coût de l’éventuelle débauche. Il s’agit bien de rendre la croissance (faible) plus créatrice d’emplois en baissant les charges qui pèsent sur le coût du travail. Le gouvernement Valls semble avoir compris ce message. ## L’incitation à travailler et la question du revenu minimum d’activité «Aucune allocation de chômage ne devrait être accordée sans une certaine contrepartie de travail » (Alfred Sauvy) La voie à suivre est connue depuis longtemps : passer du salaire minimum au revenu minimum d’activité. Ce n’est pas aux entreprises d’assurer la fonction de redistribution sociale, c’est à la collectivité de le faire par l’impôt négatif dans un esprit responsable et solidaire. Laissons respirer le marché du travail et les entreprises rémunérer les travailleurs en fonction de la rareté relative de leur compétence. Ce revenu minimum en contrepartie d’une activité existe déjà au travers du RSA et de la prime pour l’emploi qui mériteraient être fusionnés. On pourrait aussi revenir aux zones de revenu minimum différencié : il y en avait 20 dans les années 1950 et 1960 pour tenir compte du coût de la vie et du logement. On peut vivre avec le Smic dans le Loir-et-Cher et le Cantal, mais pas en Île-de-France où le coût du logement est en moyenne supérieur de 50% à celui de la province. La meilleure des sécurités, c’est la compétence et celle-ci passe par l’insertion professionnelle réussie. Le marché du travail n’est pas assez ouvert à l’entrée de ceux qui veulent travailler. C’est bien l’insertion qui est en soi formatrice et source de valorisation des compétences. De ce point de vue, il n’y a pas à hésiter : mieux vaut un travailleur pauvre qui va s’en sortir en développant ses compétences qu’un chômeur pauvre qui va tomber dans la trappe de l’assistance de longue durée et de l’exclusion. Face au chômage de masse des jeunes les plus éloignés du marché du travail, l’Etat stratège ne peut se contenter de laisser faire le marché, il doit intervenir pour forcer l’insertion précoce des jeunes. Dans les pays à chômage faible comme l’Allemagne où la Suisse, 50% des jeunes entre 15 ans et 19 ans sont en apprentissage, placés sous la responsabilité des entreprises, contre moins de 10% chez nous ! ## Les dangers de l’arithmétique du temps de travail « Il y a toujours un compromis possible entre une rémunération et une réduction du temps de travail, mais il est vain de prétendre consommer deux fois le même progrès […] En tous cas, l’erreur majeure à ne pas commettre est l’uniformité et la rigidité. » (Alfred Sauvy) Il est toujours tentant de prendre sa calculette pour montrer, chiffres à l’appui, qu’avec tout l’argent consacré à l’indemnisation du chômage, on pourrait salarier tous les chômeurs. Hélas, la société ne fonctionne pas comme une chaudière que l’on pourrait régler de manière centralisée. … L’arithmétique n’est pas en cause. Les calculs sont justes, et l’on peut d’ailleurs les multiplier à l’infini. De toute façon, la réalité du terrain est contraire à la fiction de ces solutions papier : les pays où les taux de chômage sont les plus faibles sont aussi ceux où la durée du travail par habitant est la plus élevée. C’est l’activité qui crée l’emploi, et il faudrait travailler plus pour travailler tous.
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institut présaje
2014-06-01
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[ "michel rouger" ]
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L’ E-RÉVOLUTION VA-T-ELLE DÉVORER SES ENFANTS ?
# L’ e-révolution va-t-elle dévorer ses enfants ? Hier la menace nucléaire, aujourd'hui les robots et le vertige des algorithmes. La révolution numérique alimente les fantasmes. Les Big Datas annoncent-elles des pluies fertilisantes ou des grêles destructrices sur l'Humanité ? Michel Rouger pense que l'e-révolution produit tout à la fois des poisons et leur antidote. L'important est que le droit et la justice ne soient pas tenus à distance des conquêtes de Prométhée. L'e-révolution va-telle dévorer ses enfants ? Probable, disent des chercheurs qui réfléchissent à l'évolution future de l’être humain, en exprimant une « e-inquiétude » sur les développements de la révolution numérique, qui propose à son cerveau les services que le machinisme industriel a offert à son corps, pour en démultiplier la puissance, pour le meilleur, comme pour le pire. Ces personnalités sont issues des secteurs dans lesquels les technologies à l’imagination galopante prospèrent : santé, économie, finance, échanges. L’une d’entre elles, Laurent Alexandre, connu pour ses travaux sur le transhumanisme et la fin de la mort, s’alarme des projets des neuro-révolutionnaires (Le Monde du 7 mai). La science, qui a conquis les « petites Poucettes » chères à Michel Serres, qui jouent sur le clavier du portable à longueur de journées, a mis en œuvre les multiples outils virtuels, offerts aux décideurs qui font tourner les manèges du temps présent, à l’instar de Charlie Chaplin qui faisait tourner les engrenages des Temps modernes en 1936. Il y a une vingtaine d'années, les États-Unis, face aux premiers risques de l’usage de ces outils dans la finance, ont inventé les grands principes de la gouvernance imposés au monde entier Ce fut le bon temps, fugace, de la transparence, de la conformité, et du rendu de compte, traités par PRESAJE dans un ouvrage d’Hervé Dumez. Juste avant l’intoxication propagée par les produits virtuels qui ont failli tuer l’économie mondiale. Cette catastrophe a démontré la cupidité de ceux qui sont prêts à vendre leur âme au diable réincarné dans des outils mortifères pour les citoyens et les épargnants. Seul le droit de la responsabilité, mondialement pratiqué, peut en limiter les effets désastreux. Hélas, l’esprit du droit, sa capacité préventive et dissuasive sont trop distanciés dans l’usage des outils numérisés. La justice, elle, est carrément larguée. Citons 3 exemples : En 2008, la disparition de 5 milliards d’euros dans une affaire de trading boursier voit l’auteur condamné à la prison. Il réclame que l’automate modélisé, qui lui avait été confié par leur propriétaire, soit jugé, avec eux. Somnambule au long cours, rêvant à des lois qui condamneraient les machines, pour ce que celui qui les manipule leur a fait faire, il est allé chercher le secours et l’absolution de la loi divine… et des télévisions. En 2009, la disparition d’un avion dans l’Atlantique a, difficilement, révélé l’inadaptation, en situation extrême, de la réaction des pilotes aux automatismes complexes du pilotage modélisé. Etablir, 15 ou 20 ans plus tard, les responsabilités de la catastrophe, pour éviter sa reproduction, conduira à des années de débats stériles, dont les conclusions seront à jamais contestées, tant par leur complexité que par leur caractère tardif. En 2014, la disparition d’un autre avion dans le Pacifique révèle que les informations produites par les modèles d’interconnexion de tous les objets qu’utilisent les hommes sont détenues par les grands services de sécurité et/ou d’espionnage de la planète. Ils les ont lâchées au compte goutte pour mieux cacher aux concurrents d’où et comment ils les tenaient. En attendant, l’avion et ses passagers restent au fond de l’océan. Peut-on dire que l’irresponsabilité juridique des algorithmes, modèles, automates et Big Datas qui constituent l’e-révolution échappent à la sanction judiciaire de leurs failles ? Les « e-inquiets » de la science le disent quand ils voient que les moyens utilisés s’affranchissent de tous les droits protecteurs des êtres humains. Prenons à nouveau 3 exemples : Les masses d’informations individuelles collectées sur tout et tout le monde, utilisables à toutes les fins possibles, assurent aux opérateurs qui les détiennent leur domination sur la totalité des êtres humains connectés. Elles dépassent déjà l’imaginaire (l’équivalent de 25.000 milliards de bons vieux CD). Ce n’est qu’un début. Ces monstrueuses Big Datas, cachées dans les « clouds », rassemblent tout ce que produisent ordinateurs, tablettes, smartphones, modèles, automates, objets interconnectés et autres robots. Selon les cas, elles feront tomber la pluie fertilisante ou la grêle destructrice, sans aucun contrôle humain. Comme le font les drones. Il reste à franchir l’étape décisive, l’implantation dans le cerveau humain des éléments de l’intelligence artificielle, qui permettront de créer les supermen de l’humanité compétitive, en leur ajoutant les mutations génétiques qui modèleront un corps performant à la mesure des cerveaux équipés des prothèses de la super intelligence. Devons-nous passer de l’ « e-inquiétude » à l’ « e-angoisse » ? Non. Ces outils ne maîtriseront pas la force de l’émotion humaine qui soulève les révoltes, comme la foi soulève les montagnes. L’e-révolution a produit l’antidote de ses poisons, le web 2 0, avec l’interconnexion des individus qui vivent sur la terre. Il les aidera à se protéger du ciel chargé des « nuages » que les sciences, hors droit, hors justice, sont en train d’accumuler.
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institut présaje
2014-06-01
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[ "françois lainée" ]
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"RÉSEAU INANIMÉ", AURAIS-TU DONC UNE ÂME ?
# "Réseau inanimé", aurais-tu donc une âme ? L’internet 2.0, c’est la mise en relation directe de gens qui, au départ, ne se connaissent pas. Ils se connectent pour échanger. Les actions qui l’on met ensuite en œuvre sur la toile coopérative sont facilitées par un élément-clé : la confiance. François Lainée explique comment nait cette confiance. Internet est certainement la forme la plus visible et prégnante du numérique dans la vie de M Toutlemonde. Moyen de communication qui tue lentement le courrier, outil de travail, supermarché à domicile, medium d’information, recherche d’amis ou plus si affinité… Internet a sa place dans pratiquement tous les actes de la vie courante. Depuis une petite dizaine d’années, l’internet social, le fameux 2.0, est monté en puissance pour rendre ce réseau encore plus impactant. Le 2.0, c’est la mise en relation directe des internautes, de personnes qui ne se connaissent pas, pour échanger (Facebook, Twitter), produire de la connaissance (Wikipedia et ses articles communautaires, Coyote sur l’infotrafic), acheter (Zanytude, Looneo…), enquêter sur des personnes perdues de vue (Annonces de France), former des pétitions (Avaz, Politic Angels). Ces actions que nous mettons en œuvre sur la toile coopérative, comme tous nos actes, sont facilités ou inhibés par un élément clé : la confiance. Confiance que nous avons dans le dispositif par lequel nous agissons, et surtout confiance dans les contributeurs avec lesquels ce dispositif nous amène à interagir. Ces personnes, pourtant, le sens commun dirait que « nous ne les connaissons pas ». Alors, comment et pourquoi pouvons-nous leur accorder notre confiance ? La notion de confiance est, selon une acception largement acceptée, un état psychologique dans lequel nous acceptons notre vulnérabilité, le risque de ne pas atteindre notre objectif et d’en avoir les désagréments sur la base d’une croyance optimiste sur les intentions (ou le comportement) d'autrui. Cet état se fonde lui-même sur plusieurs convictions : - celle que l’autre comprend les phénomènes comme nous et que ses paroles ont le même sens que les nôtres ; - celle que l’autre comprend, ou peut comprendre, nos paroles, comportements et intentions ; - notre confiance en nous-même, c’est-à-dire la croyance que nous avons dans notre propre capacité à apprécier les risques de ne pas atteindre nos buts dans nos relations interpersonnelles. On peut alors comprendre comment le monde virtuel communautaire offre des voies, certaines traditionnelles, d’autres originales, de construire une confiance qui ouvre ces nouveaux espaces d’action : - L’échange interactif : c’est une des fonctions de base de l’internet social. Toute publication, d’article, de témoignage ponctuel, de questions, peut facilement donner lieu à commentaire, ou générer une discussion. Les forums, qu’on trouve sur tout domaine spécifique, sont ainsi des lieux d’échange foisonnants, de vrais « comptoirs de cafés en ligne ». Et l’interaction génère la confiance, parce qu’elle permet de vérifier, par les contenus et tonalités des commentaires, que l’autre est compréhensible et me comprend. - Le multi media : cet effet est lié à la puissance de l’image et du film. La chose vue communique une puissance d’émotion en général bien supérieure aux mots dans la même durée. Elle est particulièrement propice au temps court qui est celui de nos interactions individuelles avec le monde numérique. La possibilité massive offerte à chacun de lier des images à ses interventions, en plus de la simplicité de générer des images grâce aux téléphones mobiles, sont des vecteurs majeurs de la possibilité d’une confiance numérique collective. - L’effet de foule : c’est le cœur du phénomène. C’est parce que les connexions existent en très grand nombre, et parce que les connexions directes nous connectent indirectement au monde entier (on a pu prouver qu’effectivement un lien à moins de 6 personnes pourrait nous permette en principe de faire parvenir un message par mail à n’importe qui, si les intermédiaires y consentaient), que nous pouvons trouver tant d’occasions de faire confiance à « des inconnus ». - Le bouche à oreille ubiquitaire : c’est une conséquence de l’effet de foule, le ressort essentiel de la puissance du réseau. L’impact d’un message est évidemment lié au nombre de personnes qui en ont connaissance et peuvent choisir d’agir ou non en conséquence. Avec l’existence de fonctions de partage et de lieux numériques spécifiquement organisés pour faciliter ce partage, il n’y a plus d’horizon ou de vitesse limite pour le bouche à oreille. En témoignent les séquences vidéo de YouTube parfois vues par plus d’un milliard de personnes ! - La concordance ou discordance des faits : c’est le phénomène, essentiel, de modération collective. Sur tout sujet, il y a des sachants. Des personnes, indépendantes, qui détiennent des vérités factuelles, parce que leur métier ou le contexte les y ont amenés. Alors, sur de nombreux sujets, si l’information diffusée au départ contient des inexactitudes, celles-ci vont être révélées par des sachants dans la foule, et le message va se modifier, ou l’émotion s’éteindre. Wikileaks est, en négatif (révélation de choses cachées), l’exemple emblématique de ce phénomène. Cette force, a priori positive car elle donne aux émotions collectives plus d’ancrage dans la réalité, n’est pas universelle. Des insinuations mensongères à caractère personnel, par exemple, peuvent difficilement être démenties par ce mécanisme. Par contre les propos infondés d’un politicien en campagne peuvent rapidement être contredits par les faits, et même donner lieu à une « notation de crédibilité//mensonge » Ces forces donnent au réseau des humains connectés une puissance phénoménale, par le simple effet exponentiel de la connectivité. Les phénomènes de pétition en ligne en sont un des exemples les plus frappants. Dans le monde physique, obtenir l’appui d’un millier de personnes pour appuyer une revendication est un effort massif. Il faut construire un message convaincant qui restera figé, le faire connaître de façon très large, souvent par du porte à porte avant que le bouche à oreille physique puisse jouer, trouver les arguments de conviction des premiers inconnus abordés, avec un taux de chute considérable (celui de l’écoute multiplié par celui, bien plus important encore, du courage de s’engager en signant). Les coûts de transaction de chacune de ces étapes limitent considérablement la probabilité que ces initiatives aboutissent. Dans le monde numérique connecté, chacune de ces étapes voit son coût dramatiquement réduit. Qui plus est, le message initial peut être renforcé par des commentaires de soutien, qui voyagent alors avec lui et le renforcent par la puissance du témoignage. Le message trouvé peut plus facilement atteindre une foule bien plus large, et changer positivement de forme au cours de son voyage. Ainsi une émotion (ce qui met l’âme en mouvement) émise et partagée numériquement par une personne ou un groupe trouve-t-elle un milieu où la diffusion est a priori grandement facilitée, lui donnant les chances de devenir une action collective, par laquelle l’émetteur atteint finalement, ou dépasse, son but. Mais, dira-t-on, cette facilité à lancer des initiatives dans le monde connecté est allée de pair avec l’incroyable multiplication de ces initiatives. Sur n’importe quel sujet, les sites abondent, alors que le temps disponible pour chacun reste forcément contraint. Dès lors, chaque source numérique ne voit-elle pas sa puissance diminuée d’autant, et finalement presque annulée ? Eh bien non, comme le prouve l’émergence continue de nouveaux centres massifs d’agglomération communautaire (Facebook et Twitter étant des exemples emblématiques). Là encore, la raison fondamentale est la force de la connectivité. Dans un monde aux liens ténus mais hyperdenses, les émotions numériques diffusées par un groupe d’acteurs sont comme une onde dans un milieu dense et excitable. Ce milieu, nous en sommes à la fois des centres d’émission, des récepteurs d’émotion, et des transmetteurs éventuels vers d’autres agents. Même si chaque agent n’est que rarement transmetteur, parce que son temps est partagé, la densité de connexions surcompense cette faiblesse, parce que le nombre de routes potentielles entre deux agents, et le nombre d’agents potentiellement connectés, donnent in fine une capacité de résonance au milieu qui croît avec sa taille. L’autre phénomène majeur de ces émotions connectées et des actions collectives qui en résultent est qu’elles ne sont pas spontanées. A leur source, il y a toujours un acteur ou un groupe qui a stimulé le réseau avec une motivation propre (parfois d’emblée l’objectif de réunir des soutiens pour une action, parfois juste pour susciter des réactions et des échanges, parfois même simplement pour témoigner et se soulager par le partage). Ces sources, comme dans le monde physique, peuvent être des groupes puissants (partis, entreprises, syndicats…) ou des anonymes, sincères ou manipulateurs. De ce point de vue, l’émotion numérique, l’action collective, sont à notre image, porteuses de nos qualités et contradictions. Leur différence essentielle avec le monde réel est ici que la densité connectée donne aux anonymes sans moyens une vraie chance de transformer l’émotion en action, et que les forces de rappel de la modération collective donnent sans douter plus de chance aux manipulations d’être détectées. Ces nouveaux espaces offerts à l’émotion partagée et à l’action collective, ces déplacements de la confiance vers des modes et des acteurs nouveaux, nous les devons fondamentalement à la densité de connexion que nous avons atteinte avec l’internet social. Ils ont fondamentalement modifié les distances interpersonnelles, en nous rapprochant potentiellement de personnes que nous ne verrons jamais physiquement, et en creusant potentiellement la distance (déjà souvent si grande) avec notre voisin de palier. Comment ne pas y songer, dans un wagon de métro, en voyant plus de la moitié des voyageurs plongés dans le monde de leur smartphone plutôt que dans celui du train ? Et comme cette densité va continuer de croître, via l’internet des objets qui nous connectera aussi avec et via des machines, via la réalité augmentée qui va mêler plus intimement les mondes physiques et virtuels, via les possibilités sémantiques du web qui vont contribuer à donner plus de sens encore aux émotions, nous n’avons encore rien vu sans doute, sur les immenses mouvements sociétaux que nous pourrons collectivement construire. A nous, chacun dans notre rôle et nos convictions, de faire le meilleur usage, collectif et individuel, de cette incontournable évolution.
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institut présaje
2015-12-01
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[ "thomas cassuto" ]
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L’AFFAIRE MAXIMILLIAN SCHREMPF DEVANT LA COUR DE JUSTICE DE L’UNION EUROPÉENNE. VERS LA FIN DE L’HÉGÉMONIE AMÉRICAINE SUR LES DONNÉES PERSONNELLES EN EUROPE ?
# L’affaire Maximillian Schrempf devant la Cour de Justice de l’Union européenne. Vers la fin de l’hégémonie américaine sur les données personnelles en Europe ? Les révélations fracassantes d’Edouard Snowden sur les méthodes américaines de surveillance et d’espionnage sont à l’origine d’un recours d’une importance cruciale pour les Européens. L’usager d’un réseau social ignore généralement que ses données personnelles et ses confidences sur la toile sont transférées vers les Etats-Unis de manière massive et automatique. « L’affaire Schrempf » est l’occasion pour la Cour de Luxembourg de stopper les dérives et d’imposer une meilleure protection des données intimes - santé, mœurs, opinions, modes de consommation - des citoyens européens. « Les transferts de données à caractère personnel constituent un volet important et nécessaire des relations transatlantiques. Ils font partie intégrante des échanges commerciaux transatlantiques, [...] qui supposent le transfert de grands volumes de données entre l’Union européenne et les États-Unis ». C’est par ce rappel de la communication de la Commission européenne du 27 novembre 2013 que l’Avocat général Yves Bot introduit ses conclusions dans l’affaire Maximillian Schrempf contre Data Protection Commissioner^1^ (DPC). Les faits à l’origine de la saisine de la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) concernent une grande majorité des citoyens européens. M. Schrempf, citoyen autrichien, est un client Facebook. Son profil est enregistré auprès de Facebook Irlande, siège européen du réseau social mondial et filiale de Facebook USA. M. Schrempf, s’appuyant sur les révélations d’espionnage massif d’Édouard Snowden, demande au DPC irlandais (l’équivalent de la CNIL) de vérifier les conditions de transfert de ses données personnelles vers les USA. Cette autorité a estimé que la requête était futile, vexatoire, car dépourvue de fondement juridique. Elle a donc refusé d’instruire cette plainte. M. Schrempf a alors saisi la High Court, qui interroge à son tour la CJUE d’une question préjudicielle sur la régularité du dispositif européen de protection des données, qui établit la reconnaissance d’une sphère de sécurité (Safe Harbore) aux USA. Le 6 octobre 2015, la CJUE a jugé qu’une autorité nationale de contrôle de la protection des données est compétente pour examiner la demande d’un particulier concernant la protection de ses droits à l’égard de données transférées vers un Etat tiers, en l’occurrence les Etats-Unis, lorsqu’il est invoqué que le droit ou les pratiques en vigueur dans cet Etat n’assurent pas un degré de protection adéquat. La cour annule en outre la décision 2000/520/CE de la Commission. 1. Le principe de la sphère de sécurité est-il conforme au droit de l’Union européenne ? La protection des données est organisée par la directive 95/46/CE qui prévoit l’interdiction de principe de la transmission de données personnelles hors de l’Union européenne, sauf reconnaissance par la Commission européenne d’une sphère de sécurité dans l’État de transfert. En application de cette directive, la Commission européenne, par la décision 2000/520/CE du 26 juillet 2000, a décidé que les États-Unis présentent des garanties conformes à la notion de sphère de sécurité, autorisant le transfert des données personnelles de l’UE vers ce pays. Il s’agit d’une décision à portée générale fondée sur un contrôle a priori. Dans ce contexte, la Cour rappelle que la protection des données personnelles peut être limitée notamment dans un but de sécurité nationale, dès lors que cette ingérence répond aux trois critères de légalité, de légitimité et de proportionnalité. Cette question comporte donc des enjeux de souveraineté. Par ailleurs, l’effectivité de la protection doit s’analyser à la lumière de la révélation de programmes massifs de surveillance. Par cette décision, la Cour critique la Commission européenne, qui s’oppose au recours de M. Schrempf pour avoir maintenu la décision 2000/520 malgré une défaillance systémique et une rupture de la confiance dans ce domaine. La Cour souligne que le contexte de la décision de 2000 ayant changé, un contrôle a posterio et une suspension de la reconnaissance du Safe Harbor s’imposaient. Faisant référence à l’arrêt Digital Rights Ireland, la Cour, qui rappelle qu’elle est seule compétente pour invalider les actes de la Commission, annule la décision de 2000 comme contraire aux Traités et à la Charte. Cet arrêt reprend l’argumentation de l’Avocat général Bot qui critiquait le fait que les données transférées aux USA sont exposées à des programmes massifs de surveillance et que les Européens ne disposent pas, dans ce pays, de recours pour faire garantir leurs droits sur la protection de leurs données. Ces critiques concernent le traitement des données par un fournisseur de services tel que Facebook dont les usagers/clients font un usage massif et renoncent a priori à tout droit sur leurs données personnelles. En effet, ces données, transférées vers les États-Unis, sont exploitées et peuvent permettre le profilage des individus à leur insu à des fins plus larges que strictement commerciales. Le citoyen européen ne dispose pour sa part d’aucune voie de recours ou de contrôle du traitement de ces données personnelles. La décision rendue est donc symboliquement forte pour la protection des données et pour l’affirmation du rôle du juge européen dans la défense des droits des citoyens européens vis-à-vis des entreprises mondialisées. Reste encore à évaluer les conséquences de cette décision. 2. Quelles conséquences ? L’annulation de la décision 2000/520 n’implique pas un arrêt immédiat du transfert automatique ou systématique des données individuelles collectées sur le territoire d’une filiale vers sa maison mère aux États-Unis. Ainsi, toutes les applications téléphoniques informatiques etc. ne devraient pas cesser de fonctionner en ce qu’elles engendrent automatiquement le transfert de ces données y compris pour des données collectées dans un cadre par exemple médical, et ce, même avec le consentement de la personne. D’autant plus que cette décision semble avoir été anticipée par les fournisseurs de services et les éditeurs d’applications pour obtenir le consentement au transfert des données par les usagers/clients. Il s’agit en effet pour ces sociétés de protéger le modèle économique reposant sur le transfert de données indispensable aux activités commerciales qui y sont adossées. L’arrêt Google contre l’Espagne du 14 mai 2014^2^ illustre la capacité des grandes entreprises à s’adapter à une évolution soudaine du cadre juridique. Pour satisfaire à une telle décision, le traitement des données pourrait rester géographiquement localisé sur le territoire de l’UE au moyen d’adaptations plus techniques que juridiques. Cette solution pourrait susciter des critiques notamment de la part des entreprises qui ont toujours vu d’un mauvais œil les mécanismes tendant à cloisonner le droit applicable par référence à la localisation du client plutôt que celle du fournisseur. La restructuration de l’implantation opérationnelle de ces entreprises pourrait également avoir des conséquences fiscales. Mais cette décision ouvre la voie à un contrôle renforcé du transfert des données par les autorités européennes indépendantes de contrôle telles que la CNIL. Forte de la légitimité d’une prééminence du droit communautaire fortement rappelée, outre les garanties particulières nationales en matière de protection des données personnelles, ces autorités pourraient exercer un contrôle très pointu sur la gestion des données personnelles par ces entreprises. Ce contrôle pourrait concerner le contenu des contrats de prestation de service liés aux applications, les conditions de recueil du consentement des clients/consommateurs et la garantie que ces données ne sont pas transmises aux États-Unis. Dans cette perspective, les industriels et les professionnels du droit ont commencé à déployer des solutions, qu’ils soumettront pour validation aux autorités nationales, destinées à satisfaire aux exigences imposées par la Cour, au droit communautaire issu de la directive de 1995 et, bien sûr, à préserver leur modèle économique. Cette affaire, et en particulier ses orientations, ont suscité une vive inquiétude outre-Atlantique. La solution dégagée n’est pas une surprise. Les autorités américaines et les entreprises accoutumées à la jurisprudence de la Cour Suprême ne sous-estiment pas la capacité de la Cour de Luxembourg à bousculer l’ordre juridique communautaire établi et, par voie de conséquence, les relations juridiques entre les États-Unis et l’UE. Les autorités américaines ont indiqué qu’elles continueraient à administrer le « Safe Harbor » non par défi, mais comme gage de bonne foi. A brève échéance, il n’est pas certain que la décision 2000/520/CE, fruit de longues négociations politiques, puisse être utilement remplacée. Il est alors possible d’espérer que cette décision conduise le législateur américain à ouvrir l’accès aux voies de recours à des non-résidents et à des non-citoyens américains. Le cadre juridique de la protection des données personnelles se développe à grande vitesse. Ainsi, parallèlement à la remise en cause du principe du Safe Harbor, l’Union européenne a conclu le 8 septembre 2015, au terme de quatre années de négociation avec les Etats-Unis, un accord-cadre sur la transfert de données dit « Umbrella Agreement ». Pour entrer en vigueur, cet accord devra encore être ratifié par l’ensemble des Etats membres et par le Congrès américain. En outre, la mise en œuvre de ces principes et de ces instruments devra s’interpréter à la lumière des dispositions futures de la directive et du règlement européens, présentés par la Commission européenne en janvier 2012, toujours en cours de négociation entre le Parlement européen et le Conseil. De même, la création d’un PNR (Passenger Name Record) européen constituera un marqueur dans l’élaboration de fichiers européens alimentés par des entités privées et mis à disposition des autorités publiques. Ce cadre juridique complexe induit des enjeux humains et économiques majeurs. La décision de la Cour dépasse dès lors la stricte protection des données personnelles. 3. Une annulation qui porte au-delà de la protection des données Comme y invitait l’Avocat général, la Cour donne une leçon à la Commission dans le domaine de la protection des données personnelles. Indirectement, la Cour critique la doctrine générale des États-Unis en matière de traitement et de protection des données personnelles dont la réalité et l’ampleur ont pris une autre dimension avec les révélations d’Edouard Snowden. Il faut souligner que le juge européen et en l’occurrence la High Court d’Irlande, en soumettant cette question préjudicielle à la Cour de Luxembourg, aura ouvert la voie à un rétablissement des équilibres. On comprend que ce n’est pas la surveillance en tant que telle qui est visée, mais son caractère massif, non discriminant, qui ne satisfait, de l’avis de la Cour, ni aux exigences de légalité, ni à celles de légitimité et de proportionnalité. En conséquence, les autorités fédérales américaines et les entreprises de l’internet pourraient être conduites à revoir en profondeur leur appréhension des données personnelles et à élaborer un droit plus respectueux des droits des citoyens sur leurs propres données. Encore faudra-t-il que le citoyen s’approprie utilement l’exercice de ces droits. On pourra alors retenir que le juge européen aura fait preuve d’une audace et d’une efficacité exemplaires pour consacrer non seulement le principe fondamental de la protection des données personnelles consacré par le droit européen, mais également sa prééminence sur des activités économiques et de renseignement menées à l’étranger. On retiendra avec satisfaction que l’avenir du droit communautaire ne réside pas seulement dans l’harmonisation d’un droit cantonné au territoire européen mais également dans la défense de ses valeurs essentielles à l’étranger, ou à tout le moins dans la relation avec des États tiers. En tant que première puissance économique mondiale, l’UE peut en avoir les moyens politiques, à condition qu’elle en ait l’ambition judiciaire. Tenté par l’expression d’une crise de légitimé, le citoyen pourrait trouver à s’y reconnaître. ## Conclusion La décision du 6 octobre 2015 ne peut être examinée en faisant abstraction des attentats du 11 janvier et du 13 novembre 2015. La propagande totalitaire est toujours liée à la confiscation, à la surexploitation et au détournement des moyens de communication. Le web et les réseaux sociaux ne peuvent plus se retrancher derrière un principe de neutralité qui protège ceux qui en abuse à des fins criminelles. Il est possible, en modernisant effectivement les institutions judiciaires, de continuer à lutter efficacement comme le terrorisme, sans recourir à des moyens d’exception. Il appartient à l’État, et en particulier au juge, dans le respect de l’Etat de droit, de dégager et d’affermir des solutions qui permettent de préserver la souveraineté de la puissance publique garante de la sécurité des citoyens, dès lors que, derrière les écrans anonymes, se mènent des opérations destinées à tuer aveuglément et à tenter d’abattre la démocratie. ^1^ Conclusions présentées le 23.09.2015 dans l’affaire C-362/14. ^2^ V. (Dir. Thomas Cassuto) L’Europe du droit face aux entreprises planétaires, Bruylant septembre 2015, p. 111.
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institut présaje
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[ "patrick légeron" ]
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LES BIG DATA EN MÉDECINE : QUELS IMPACTS POUR LE PATIENT ?
# Les Big Data en médecine : quels impacts pour le patient ? Hier, la santé était l’affaire du médecin. Elle est aujourd’hui l’affaire du médecin et du patient. Il aura fallu la double révolution de la technologie et des mœurs pour que chacun d’entre nous ait le moyen de reprendre le pouvoir sur son corps. A partir d’un simple smartphone, tout individu peut devenir « le témoin du fonctionnement de son corps en temps réel » constate le docteur Légeron qui en tire les conséquences sur les politiques de santé. L’accès à de multiples données sur nous-mêmes doit avoir une vertu de responsabilisation. Comme il semble loin le temps où le médecin, à l‘issue de la consultation, ne fournissait guère d’information à son patient. « Les chiffres de votre tension artérielle ? Mais ce n’est pas votre problème, c’est le mien ! » s’entendait-il souvent répondre. On avait même vu à la fin des années 1970 des associations de cardiologues s’opposer à la vente libre des tensiomètres. Les seules données de santé auxquelles chacun de nous pouvait accéder directement se résumaient à notre poids, notre taille et la température de notre corps, grâce aux pèse-personnes, aux toises et aux thermomètres. La santé était d’abord l’affaire des médecins et rarement celle des patients qui n’avaient pas à s’en inquiéter. Aujourd’hui ce sont des dizaines, voire des centaines d’informations sur l’état de notre organisme auxquelles chacun de nous peut accéder facilement. Aussi bien par des tests biologiques aisés à réaliser (de grossesse, de séropositivité), que par des capteurs auxquels nous pouvons facilement nous brancher. Grâce à notre smartphone ou tout autre appareillage de connexion, nous pouvons « monitorer » le nombre de pas réalisés dans l’heure, la journée ou la semaine écoulée et le nombre de calories que nous avons brûlées. Nous pouvons suivre les variations de notre glycémie, de notre poids ou de notre pression artérielle. Progressivement, aucune des variables physiologiques, témoins du fonctionnement adéquat ou inadéquat de notre corps, n’échappe à la « captation » et à l’information fournie en retour à l’individu. Au-delà de notre corps, ce sont aussi des données sur notre état mental et psychologique qui progressivement deviennent accessibles. Nous pouvons d’ores et déjà être informés de notre niveau de stress mais aussi de l’activité électrique de notre cerveau (ondes alpha, thêta, etc.) et sans doute demain de nos états émotionnels (en captant le fonctionnement de notre cerveau limbique). Mais que faire de cette masse, de cette avalanche d’informations sur nous-mêmes auxquelles nous n’avons pas accès spontanément ? Comment gérer cette « infobésité » sanitaire ? Nous voyons déjà dans les consultations de médecine un accroissement des préoccupations hypocondriaques chez les patients. Le développement des sites internet de santé avait permis à tous d’avoir une connaissance (hélas pas toujours rigoureuse) sur les maladies et leurs traitements. Avant même de voir un médecin, nombre de patients connaissaient le trouble dont ils étaient atteints ou croyaient être atteints. De nombreux médecins se désolaient de voir comment des patients, interprétant mal la description de symptômes de maladies décrites sur ces sites, remettaient en question leurs diagnostics. Les informations qu’ils recueillaient en ligne sur les thérapeutiques les poussaient aussi fréquemment à challenger les traitements de leur médecin. Jusqu’alors la préoccupation des patients sur leur santé se basait sur des symptômes ressentis (douleur, essoufflement, palpitations, etc.), mais pas sur le fonctionnement intime (et caché) de leur organisme. C’était la seule partie visible de l’iceberg. Avec l’accès à quasiment tout de notre corps, le « connais-toi toi-même » rencontre la science d’Hippocrate. Scruter avec anxiété tous nos indicateurs corporels, physiologiques et comportementaux risque de faire de chacun de nous un Docteur Knock qui, avec une grande sagesse, nous rappelait que la bonne santé est un état inquiétant, car ne pouvant que s’aggraver. Avec cette préoccupation permanente et globale portée au corps, les psychiatres s’alarment d’un probable accroissement de l’hypocondrie qui pourrait devenir la maladie d’une société de l’hyper-connexion du corps. Cependant, et comme dans beaucoup d’autres domaines, ce n’est pas tant l’accès à cette multitude de données sur nous-mêmes qui est le véritable problème que l’usage que l’on en fera. Ainsi, la prise de conscience de certains états de notre corps a été à la base de thérapeutiques innovantes et efficaces. Les techniques dites de « biofeedback », développées depuis une quarantaine d’années maintenant, en sont le meilleur exemple. Le patient, grâce à des capteurs placés sur son corps et qui recueillent un état physiologique (par exemple la tension de l’un de ses muscles, ou son rythme cardiaque), est informé des variations de cet état au moyen d’un signal sonore ou de la visualisation d’une courbe sur un écran. Il est témoin du fonctionnement de son corps en temps réel, et cette « prise de conscience physiologique » va lui permettre d’essayer de contrôler cette variable. Il s’agit d’une véritable « rétroaction biologique » dont l’efficacité a été validée dans quelques pathologies : la rééducation des muscles des sphincters, certaines formes de céphalées en apprenant à contrôler la tension des muscles du front, quelques pathologies vasculaires comme la maladie de Raynaud, en agissant sur la vasodilatation des petites artères des extrémités des membres. Aujourd’hui cette approche a fait l’objet de nouveaux développements sur une variable bien précise de notre corps dénommée la « cohérence cardiaque », autrement dit les variations du rythme de notre cœur. Prendre conscience de cette variable, puis apprendre à la maitriser s’avère être une approche particulièrement efficace de gestion du stress, comme l’ont souligné plusieurs études publiées dans de prestigieuses revues scientifiques. Les programmes de gestion de la cohérence cardiaque, sous forme de nombreuses applications pour smartphones, se développent rapidement. Grâce à l’accès que chacun de nous peut avoir à toutes ces données sur notre corps, nous accroissons cette conscience (« awareness ») de notre organisme et, au-delà, de notre santé que nous ne subissons plus et sur laquelle nous pouvons agir. Depuis plusieurs années, la médecine a fait de la responsabilisation du patient l’un de ses axes majeurs de la prise en charge thérapeutique. Cette évolution fondamentale est à encourager : l’individu n’est plus un objet, mais un sujet. Il devient l’un des acteurs essentiels de sa santé, mais à côté du médecin, car il ne saurait être le seul acteur. Ce patient devient un expert qui, comme tout expert, a accès à de la connaissance, ici celle de son corps. Mais cet expert doit aussi posséder le mode d’emploi de ces connaissances. Le rôle de l’éducation sanitaire devient ici prépondérant. Mais une éducation à la santé revisitée et actualisée dépassant la simple dimension de l’hygiène de vie. Chacun de nous devrait y avoir accès et très tôt. Malheureusement rares sont aujourd’hui dans notre pays les véritables programmes proposés dans ce domaine.
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institut présaje
2015-12-01
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[ "dominique charron" ]
535
DU MYTHE D’ASCLEPIOS AU BIG DATA
# Du mythe d’Asclepios au Big Data L’exploitation des données médicales individuelles que permet la révolution du Big Data pose un redoutable problème de fiabilité. Comment s’assurer de la rigueur des procédures de traitement des données et de la compatibilité des modèles d’interprétation ? Il est un domaine de la médecine, celui de la médecine biologique, où cette exigence de qualité pourrait inspirer d’autres disciplines. Du mythe d’Asclepios à la médecine 4P - Prédictive, Préventive, Personnalisée et Participative - du XXIème siècle, la pratique médicale a évoluée via des changements de paradigmes successifs. Si l’empirisme observationnel d’Hippocrate a fondé la médecine de l’individu, les évolutions scientifiques et technologiques ont produit des ruptures. Ainsi la vaccination - Jenner et Pasteur - a introduit la dimension collective et publique en médecine alors que la génétique a apporté des bases scientifiques à la prédiction et à la prévention. La prise de conscience que les données médicales individuelles seront une source exceptionnelle de valorisation tant pour les individus que pour la société met le thème du Big Data au centre des préoccupations des acteurs de la santé publique et privée. J’ai souhaité contribuer ici ponctuellement au débat en relevant des aspects spécifiques concernant ma spécialité : la biologie médicale. Il n’y a pas d’avenir au Big Data sans que les données individuelles qui en constituent le socle soient soumises à une exigence de qualité et que celle-ci puisse être vérifiable. Des procédures, nomenclatures et standards sont requis à tous les niveaux du recueil, du stockage, de la curation, de l’agrégation, de l’analyse et de l’exploitation des données. Toute anomalie, erreur ou omission dans ce domaine est susceptible d’entrainer la corruption de la chaine de valeurs du Big Data. Heureusement, il est un domaine de la médecine qui est déjà très engagé dans une démarche qualité. Il s’agit de la biologie médicale, initiée il y a plusieurs décennies, en premier dans le domaine de l’histocompatibilité (typage HLA) afin de permettre la comparabilité des données d’identification biologique des individus (donneur et receveur) en transplantation et les échanges internationaux des organes et des cellules souches hématopoietiques. La communauté HLA a élaboré une nomenclature, des standards et organisé des contrôles de qualité afin que la compatibilité puisse être anticipée sur des résultats obtenus dans des laboratoires différents hématopoietiques. Une politique d’accréditation des laboratoires a été mise en place. Cette démarche de qualité s’est étendue à l’ensemble de la biologie, et en premier à la génétique dans le cadre des programmes sur le génome humain. Désormais l’ensemble des actes de biologie médicale réalisés en France doivent émaner de laboratoires accrédités (accréditation COFRAC). Dans la mesure où les analyses biologiques sont des éléments essentiels des diagnostics (70%) et du suivi thérapeutique, les données individuelles générées dans ce cadre sont immédiatement intégrables au Big Data sur le critère de qualité. Ainsi la biologie médicale est-elle déjà un élément essentiel et incontournable de la médecine irréprochable à laquelle nous - individus et société - aspirons tous. sources: - HLA, immunogenetics, pharmacogenetics and personalized medicine. - Vox Sang. 2011 Jan ; 100(1):163-6 - Auffray C, Charron D, Hood L. - Predictive, preventive, personalized and participatory medicine: back to the future. - Genome Med. 2010 Aug 26 ; 2(8):57
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institut présaje
2015-12-01
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[ "philippe rouger" ]
1,136
LE MARIAGE DE L’HOMME ET DES BIG DATA, C’EST PRESQUE MAINTENANT...
# Le mariage de l’homme et des Big Data, c’est presque maintenant... Après le haut débit pour les réseaux et le cloud pour les traitements, les Big Data sont le nouveau produit d’appel du numérique. Les chercheurs, les météorologues ou les hommes de marketing les collectent, les analysent et les exploitent depuis bien longtemps. Le fait nouveau, c’est la prise de conscience par l’opinion et la classe politique des perspectives ouvertes par la mise en données de la vie intime des individus par-delà les frontières. Une révolution qui attend d’être encadrée. 2015 restera-t-elle vraiment comme l’année du Big Data ? Dans les faits, non, car ces « grosses données » existent depuis de nombreuses années dans le domaine des sciences (CERN), du marketing, de la finance et dans notre prédictif journalier tels que les sondages et surtout la météo. Par contre, pour le grand public et les politiques, oui, car cela sonne l’entrée dans une nouvelle époque de l’ère numérique comme si ce seul terme permettait de trouver des solutions à tous les maux de l’économie française et de relancer la croissance... Pas une conférence parlant d’innovation sans que les Big Data soient au centre des débats ! Et plusieurs dizaines de livres ont été publiés ces deux dernières années pour décrire, expliquer les changements, que dis-je, la révolution qu’annonce cette nouvelle technologie ! Mais en fait, les Big Data, qu’est-ce que c’est ? C’est à la fois une réalité technique, un produit marketing et un débat de société (en particulier sur la mise en données du corps humain) Ces « grosses data » répondent à la règle des 5V. Les trois premiers V (Volume, Variété et Vélocité) apportent les éléments objectifs à la qualification de Big Data, c’est-à-dire un très grand nombre de données, d’une importante variété et arrivant par flots très rapides. Les deux derniers V (Véracité et Valeur) donnent une information qualitative à ces données par l’analyse de la qualité, de la fiabilité, de l’intérêt ou de l’ « actionnabilité » des données collectées. Pour se donner une idée des données stockées en 2010, on les estimait à 1.2 zeta (1000 milliards de milliards d’octets - 10 puissance 21) dans le monde. Les prévisions pour 2014 avaient bondi à 4.5 zeta. On en sera certainement à 40 zeta en 2020. Et le Big Data s’accompagne du développement d’applications ou plateformes (multi applications), d’IA (intelligence artificielle) qui visent à donner un sens aux données traitées. Humainement difficile voire impossible de traiter un tel volume d’informations. Nous devons nous reposer sur des plateformes qui regroupent infrastructure de stockage, calculateur hyper puissant, systèmes de gestion de données particuliers et algorithmes pour les traiter. Au départ, les Big Data étaient principalement liées à la science (recherche en particulier nucléaire) qui pouvait disposer de super calculateur et de stockage presque illimité. L’exemple le plus proche de nous qui se perfectionne depuis des dizaines d’années est la météo dont le dernier calculateur comporte 60000 cœurs Intel Xeon et un stockage de 45 peta-octets (million de milliards d’octets). C’était le temps des « data science ». Mais depuis 20 ans, les capacités de traitements et de stockage se sont démocratisées et sont à la portée de toutes les grandes entreprises. Voilà l’arrivée des Big Data. Le premier secteur à se lancer a été le marketing (data mining) ou les sociétés de sondage. La finance a suivi avec ses plateformes décisionnelles (haute fréquence ou autres). Aujourd’hui, plus de 60 % des transactions financières sont traitées par des plateformes numériques. A suivi l’industrie du numérique, portée par les GAFAMT (Google, Amazon, Facebook, Apple, Microsoft, Twitter), qui a vite compris l’intérêt marketing et commercial qu’elle pouvait tirer de cette technologie dont le nom sonne si bien aux oreilles, qui se traduit et s’explique si facilement. Cette démocratisation technologique et la simplicité du terme font qu’aujourd’hui les Big Data c’est un peu tout, et surtout n’importe quoi si on lit ce qui est proposé ! Statistique, analyse de données, open data, outil de diagnostic... Bref, dès que le nombre de données est important, nous sommes dans les Big Data qui représentent le nouveau produit d’appel du numérique (après le haut débit pour les réseaux et le cloud pour les traitements). Le sujet qui pose question aujourd’hui, ce sont les applications et les algorithmes qui doivent traiter les Big Data pour en faire une sélection, un regroupement ou un traitement pour transformer une série de données en une métadonnée qui sera accessible et compréhensible par les personnes qui vont les utiliser dans leur métier, et plus généralement dans leur vie. Pourquoi ? Tout simplement parce que les Big Data s’attaquent maintenant à l’homme. Les Big Data sont en train de s’immiscer de plus en plus intimement dans la vie de l’individu, que ce soit dans sa consommation ou sa vie, dans son être biologique (génome, biochimie, micro biome), dans la collecte d’informations liées à notre environnement, à nos activités physiques ou mentales avec les objets connectés. Et encore une fois, les milliards de données que porte chacun devront être traités par des plateformes, des applications et des algorithmes. Heureusement, du côté de la maladie et globalement de la santé, les données sont bien gardées. De nombreux projets de recherche sont lancés et protégés dans le cadre académique. Ces nouvelles capacités technologiques sont notamment utilisées pour des analyses de données personnalisées en comparaison aux référentiels complexes des maladies chroniques dans le cadre de la médecine 4P - Prédictive, Prédictive, Préventive, Personnalisée et Participative. Cela permet d’avancer notamment sur des thérapies liées au diabète ou au cancer. Mais cela peut aussi est utilisé pour établir des statistiques sur un très grand nombre de données, comme le projet de la CNAMTS et de l’Ecole polytechnique qui a débuté en 2015 sur les données de tous les Français avec pour objectif la détection de signaux faibles ou anomalies en pharmaco-épidémiologie, l’identification de facteurs utiles pour mieux analyser les parcours de soins, la lutte contre les abus et la fraude. Par contre, l’échec de Google vient de démontrer la difficulté de comprendre le comportement humain avec l’arrêt de son projet sur la prédiction des épidémies, en particulier de la grippe ; ses prédictions étaient surévaluées de 50% par rapport à la réalité. Mais que l’on ne se trompe pas : ce ne sont que les premiers essais, et demain les résultats s’amélioreront rapidement. L’avenir nous le dira... Restent les premières questions posées par l’arrivée de ces technologies quand elles touchent l’humain. Qui sera propriétaire et/ou détenteur des données issues des analyses de son propre corps et qui pourra en disposer ? Comment construire les processus de validations qualitatives ou imposer une régulation sur ces applications, intelligence artificielle ou algorithmes dont on ne maitrise pas le fonctionnement et encore moins la qualité des résultats ? Presaje a encore bien du travail.
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institut présaje
2017-11-01
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[ "thomas cassuto" ]
1,603
L’HARMONISATION DES ORGANISATIONS JUDICIAIRES EN EUROPE. FORCES CENTRIFUGES – FORCES CENTRIPÈTES
# L’harmonisation des organisations judiciaires en Europe. Forces centrifuges – Forces centripètes Sur le plan institutionnel, la construction européenne s’est étalonnée selon le principe de la politique des petits pas et les Institutions judiciaires n’ont pas échappé à ce mouvement même si la cour de justice a appliqué rapidement les principes de primauté du droit communautaire. Les droits de l’homme, les droits de la défense, les droits procéduraux, les droits des victimes et l’avènement d’un parquet européen sont autant avancées progressives dans l’harmonisation et l’intégration des organisations judiciaires en Europe. Au nom d’une impérieuse nécessité, la reconstruction politique de l’Europe à la sortie de la seconde guerre mondiale a emprunté un chemin à rebours de l’histoire. Pour la première fois, un groupe d’États s’est engagé sur la voie d’une intégration politique par le transfert de compétences vers une organisation supra-étatique. L’Europe, notion purement géographique selon Bismark, est devenue une réalité politique dessinée notamment par Robert Schuman et Jean Monnet. Sur le plan institutionnel, la construction européenne s’est étalonnée selon le principe de la politique des petits pas, moins selon un schéma philosophique abouti comme au 18ème siècle, mais en vertu des réticences individuelles ou collectives opposées par les États à transférer des compétences essentielles, notamment régaliennes. Il en résulte que le miracle européen ayant permis de faire de l’UE la première puissance économique mondiale ne s’est pas accompagné d’une mise en place précoce des structures qui en auraient été la nécessaire conséquence. C’est le cas en particulier sur le plan judiciaire. Pourtant, l’avènement d’un marché unique a été l’occasion pour le juge européen, concept collectif incluant le juge national et la cour de Luxembourg avec lequel il entretient un véritable dialogue, d’assurer l’uniformité du droit communautaire et par voie de conséquence son développement harmonieux sous l’angle de la cohérence juridique. Il faut rappeler que la coopération judiciaire en matière civile s’est accompagnée de l’adoption de nombreux instruments qui constituent le quotidien des praticiens. Ainsi, les règlements Bruxelles I et suivants, opèrent par la définition de règles relatives à la compétence, à la loi applicable etc. une véritable harmonisation sourde non seulement dans le droit applicable mais également dans l’application du droit avec des conséquences non négligeables en matière de droit des contrats, de droit de la famille, des successions etc., et dont l’interprétation commune est garantie par la Cour de justice de l’Union européenne. L’avènement d’un pouvoir judiciaire harmonisé en Europe, notamment en matière pénale, est encore un long chemin mais qui connaît des avancées récentes importantes. Cette évolution aussi nécessaire qu’inéluctable, est le reflet de la confrontation de forces multiples, subtiles et complexes. L’instauration d’un parquet européen constitue incontestablement une étape essentielle et un marqueur des enjeux démocratiques dans l’Union européenne et en Europe. Alors que la cinquième République cantonnait notre juge national au rang d’autorité judiciaire, le juge européen a assumé pleinement son rôle dans les équilibres démocratiques européens. C’est le cas d’abord du fait de la cour de justice des Communautés basée à Luxembourg qui dès l’origine, par les arrêts Costa contre Enel et Van Gend En Loos a affirmé les principes de la primauté et de l’applicabilité direct du droit communautaire. Ces décisions, qui n’allaient pas de soi, sont en réalité aussi importantes que les Traités communautaires qu’elles interprètent. En effet, elles donnent une réalité concrète à la notion d’intégration politique européenne et permettent la mise en œuvre d’une politique d’harmonisation au service d’un grand marché unique dans l’intérêt de l’ensemble de la collectivité européenne, bien au-delà de la somme des intérêts nationaux. C’est également le cas de la Cour européenne de sauvegarde des droits de l’Homme qui, au sein du conseil de l’Europe, deuxième Europe, moins intégrée mais plus étendue, conforte le développement de l’État de droit. Par son interprétation dynamique de la Convention qu’il applique, le juge de Strasbourg a pesé directement sur la réforme des systèmes judiciaires européens dans le domaine pénal et plus récemment dans le domaine civil. Il faut ajouter que la CEPEJ opérant un constant benchmarking offre les indicateurs accompagnant sinon contraignant les États à rapprocher leurs organisations judiciaires. Enfin, elle a influencé en profondeur la protection des droits, notamment des droits de la défense, dans l’ordre juridique communautaire. Sous l’influence de plusieurs mécanismes, ces deux dynamiques ont convergé de manière spectaculaire avec l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne. Deux exemples l’illustrent. Le premier, réside dans l’intégration de la Charte européenne des droits dans les Traités de l’Union et la reconnaissance de la CEDH comme partie intégrante des valeurs fondamentales reconnues par l’Union. Qu’importe finalement que l’adhésion de l’UE à la Convention prévue par l’article 6 du Traité soit différée pour des motifs sérieux de rapports entre les deux cours européennes. Le second est la conséquence de la communautarisation de la coopération judiciaire en matière pénale par l’effet du Traité, c’est-à-dire l’abolition du troisième pilier honni des praticiens. Ainsi, depuis cette date, et selon un rythme soutenu, l’Union a adopté plusieurs instruments destinés à établir des normes minimales communes élevées dans les domaines des droits procéduraux et des droits des victimes. Ces instruments sont, incontestablement, une source d’harmonisation entre les États membres de leurs organisations judiciaires par le relèvement des standards dynamiques qui concourent à l’affermissement de l’État de droit tels que définis par les juges de Luxembourg et de Strasbourg. Surtout, c’est l’avènement du parquet européen qui va entraîner une mutation profonde de l’organisation judiciaire au sein de l’Union européenne. Certes, il ne s’agit que d’une création dans le cadre d’une coopération renforcée entre 20 États membres, mais qui intervient alors que le Royaume-Uni, premier opposant à la consécration conventionnelle de cette institution, tente de négocier son départ de l’Union européenne. Tout un symbole. En effet, l’opposition britannique au développement d’une Europe judiciaire s’est traduite dans le Traité de Maastricht par la création du 3ème pilier, chimère juridique, dans le cadre de laquelle, les actes normatifs adoptés à l’unanimité n’étaient pas contraignants quant à leur transposition en droit interne. Résultat, alors que les personnes, les biens, les services et les capitaux, y compris criminels, circulent librement, les autorités judiciaires pénales ne pouvaient coopérer qu’au bénéfice du bon-vouloir des parties. L’architecture politique de l’UE s’en est trouvée profondément altérée, et ce pour encore trois ans avant que le procureur européen ne prennent effectivement ses fonctions. Ce déséquilibre a un coût : au moins 100 milliards d’euros annuels au titre des seuls fraudes intracommunautaires, ceci au préjudice des finances publiques et de l’économie réelle. Le parquet européen est une révolution. Il constitue le premier transfert de souveraineté en matière de justice pénale, selon un schéma relativement simple : un organe européen qui centralise et coordonne l’exercice des poursuites. Une compétence nationale pour instruire et juger les procédures. Des règles de coopération entre les autorités nationales renforcées pour assurer la bonne fin des enquêtes. La solution retenue par le législateur européen fait écho à la réflexion menée par le Conseil d’État sur le projet de parquet européen. Cette étude posait la question « le droit pénal et la procédure pénale doivent-ils continuer à relever de la souveraineté des États ? », et, en soutenant avec ferveur le projet de procureur européen, apportait implicitement un début de réponse négative. Dans le cadre de la conférence sur l’avenir de la coopération judiciaire pénale en Europe, organisée par l’Institut PRESAJE, les intervenants avaient souligné l’importance de disposer d’un renforcement de la coopération. Lors de sa conclusion, Jean Arthuis, ancien ministre des finances et à la date de la conférence Président de la Commission du budget au Parlement européen avait souligné l’importance de protéger les intérêts financiers de l’Union européenne. Il s’étonnait de l’aveuglement politique face à l’impotence des systèmes judiciaires nationaux confrontés à la criminalité transfrontalière. L’une des caractéristiques du procureur européen et des procureurs délégués qui lui seront rattachés réside dans leur indépendance. Ainsi, il ne fait guère de doute que la mise en œuvre de cette institution nécessitera une réforme constitutionnelle du parquet français, souvent proposée, toujours reportée. Par ailleurs, la coordination des procédures, autrement dit la répartition de leurs multiples volets entre différentes autorités judiciaires conduira à un rapprochement des standards procéduraux destinés à garantir la recevabilité de la preuve pénale, quand bien même celle-ci serait libre. Progressivement, le concept de Corpus Juris évoqué notamment par le professeur Delmas-Marty devrait prendre corps au titre de la nécessité pratique, là ou un certain réalisme politique avait conduit à ne pas s’engager sur la voie périlleuse d’une « harmonisation » de la procédure pénale en Europe. Ainsi, la politique des petits pas, chère aux pères fondateurs de l’Europe, aura également permis à l’Europe de la justice de faire son chemin, même si celle-ci a peiné à suivre le rythme de la construction européenne. Gageons que cette évolution majeure, qui ne sera toutefois pas mise en œuvre avant 2020, aura un impact important pour restaurer la confiance des citoyens dans la construction d’un supra-état continent encore en panne d’un rapprochement fiscal. Les Entretiens d’Amboise organisés par PRESAJE en 2015, laissaient entrevoir de nouvelles perspectives. Le manque à gagner fiscal à l’échelle communautaire a amené plusieurs États à poser le principe d’un tel rapprochement. Dans cette perspective, le juge aura un rôle décisif. Dès lors, l’avènement d’un système judiciaire intégré, c’est-à-dire de systèmes judiciaires nationaux rassemblés autour de la défense d’un intérêt général unioniste, doit ainsi permettre, dans le cadre de la renaissance du droit européen, de circonscrire les effets négatifs de la concurrence et du dumping fiscal auxquels se livrent les États membres, selon une logique macro juridique totalement contre-productive, au seul bénéfice bien compris des grandes entreprises mondialisées et au détriment de cet intérêt général commun.
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institut présaje
2017-11-01
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[ "jean-pierre spitzer" ]
1,126
A PROPOS DE LA VICTOIRE PRÉTENDUMENT ÉTRIQUÉE DE MADAME MERKEL
# A propos de la victoire prétendument étriquée de Madame MERKEL La victoire de Madame MERKEL, le 22 septembre dernier est apparue étriquée, elle est pourtant bien réelle car elle est située dans un contexte d’engagement fort en terme d’immigration et d’intégration et au sortir d’une crise qui a secoué toute l’Europe qui a fait que tous les autres dirigeants ont perdu leur élection. Sans avoir perdu le pouvoir, la coalition qu’elle pourra constituer dans le temps dictera par contre sa politique L'ensemble des commentateurs, y compris en Allemagne, titre depuis le 22 septembre sur lavictoire étriquée de Madame MERKEL aux dernières élections, en soulignant qu'avec 33%des voix, elle a perdu près de 7 % par rapport au dernier scrutin, elle-même ayant perdu 17% dans sa circonscription de l'Allemagne de l'Est. Certes, ce constat dans sa brutalité n'est pas faux. Cependant, il y a quatre ans, l'AFD était balbutiante et pour ainsi dire n'existait pas encore puisqu'elle n'avait pas atteint la barre des 5 % lui permettant d'être présente au Bundestag. Or, si l'on additionne les voix de la CDU/CSU avec celles de l'AFD, on aboutit à un total de voix supérieure à celui obtenu par la coalition des chrétiens démocrates il y a quatre ans. C'est là une première observation, même si celle-ci doit être relativisée car il n'est pas certain que tous les électeurs qui se sont tournés vers l'AFD auraient voté pour Madame MERKEL, d'autant que, semble-t-il, les électeurs qui ont voté pour l'AFD ont été en premier lieu motivés par les questions d'immigration et choqués par la politique de Madame MERKEL en faveur des migrants. Nonobstant, il faut immédiatement rappeler qu'il s'agit là d'un phénomène pratiquement courant et commun à tous les grands pays européens (ainsi qu'aux Etats Unis) relatif à une grande peur et qui, dans le cas de l'Allemagne, semble quelque peu heurter le bon sens fondamental qui a animé Madame MERKEL. Rappelons qu'elle a voulu, par sa politique, faire face au déclin démographique important de l'Allemagne, et assurer à son pays une potentielle main d’œuvre pour effectuer des tâches que les citoyens allemands, suivant en cela les français, les anglais, et quelques autres, ne veulent plus ou ne peuvent plus exécuter. Néanmoins, et malgré cette montée de l'extrême droite, encore une fois commune à tous les pays même si elle semble plus dangereuse encore chez nos voisins allemands, Madame MERKEL a fait un score qui laisse son poursuivant immédiat à environ 13 % derrière elle, et totalise 20 % de voix de plus que l'AFD. Imagine-t-on en France François FILLON avec 13 points de plus que MACRON et 20 points de plus que Marine LE PEN au premier tour ? Et qu'en serait-il d'un deuxième tour entre Madame MERKEL et Monsieur SCHULZ : il est fort à parier que le résultat ne serait pas très éloigné de celui de Monsieur MACRON face à Madame LEPEN. Il résulte qu'en termes purement électoraux, il ne s'agit pas là d'une victoire à la Pyrrhus, mais d'une évolution qui a, il convient de le répéter encore et encore, frappé tous nos pays. Il y a encore 35 ans, en France, au Royaume Uni, en Espagne, en Allemagne, les deux camps principaux, en gros une droite conservatrice parlementaire et une gauche sociale-démocrate parlementaire, rassemblaient entre 70 et 80 % des voix. Ces deux grands blocs ont éclaté, à droite entre une droite extrême et une droite parlementaire elle-même fissurée tant sur la question sociétale que sur la question européenne et sur d'autres encore, et une gauche divisée entre une gauche extrême ou radicale et une gauche sociale-démocrate elle-même traversée par les mêmes fissures que la droite parlementaire, la question sociétale étant remplacée par la question écologique. Dans ce contexte de fragmentation de l'opinion, Madame MERKEL reste en Europe à un niveau très élevé de voix au premier tour. Cette première observation n'est pas l'observation essentielle pour nous Français, car il s'agit simplement d'une relativisation de commentaires politiques et médiatiques effectués à chaud et donc contestables. La question qu'il convient de se poser est celle de l'avenir des relations privilégiées entre la France et l'Allemagne, et grâce à ces relations privilégiées, de l'avenir de l'Europe. Sur ce terrain, il pouvait sembler certain que, depuis plusieurs mois, Madame MERKEL et surtout son Ministre des Finances Monsieur SCHÄUBLE avaient mis de l'eau dans leur vin en ce qui concerne la gestion de la zone euro, et semblaient se rapprocher des thèses françaises telles qu'exprimées par notre Président de la République, tant à Athènes qu'à la Sorbonne. Il est encore plus certain que si une grande coalition pouvait être reformée - ce qu'à l'heure actuelle le SPD exclut - cette tendance serait renforcée. En revanche, l'alliance, semble-t-il contrainte pour Madame MERKEL, avec le FDP, comporte un risque important puisque le FDP a clairement indiqué pendant la campagne qu'il était pour l'application stricte des règles du traité de Maastricht et pour l'exclusion de la Grèce de la zone euro. Indiscutablement, nous sommes fort loin d'une politique de plus grande solidarité en matière économique et financière de la zone euro, de même le FDP a totalement exclu que puisse être instaurée une espèce de ministre des finances de l'Europe (plus précisément de l'Eurozone) et encore plus qu'il puisse exister un budget de la zone euro, tel qu'évoqué par Monsieur MACRON. Mais là encore, l'histoire n'est pas définitivement écrite puisque, dès le soir des élections, le Président du FDP, Monsieur LINDNER, a semblé mettre de l'eau dans son vin, en tout cas en ce qui concerne un « patron » de la zone euro, tout en continuant à exclure le terme Ministre des finances de l'Union Européenne, tout en martelant qu'il était nécessaire que tout le monde respecte les règles. Et Madame MERKEL a réagi très favorablement aux propositions de Monsieur MACRON dans son discours à la Sorbonne. Bref, ces élections permettent indiscutablement à Madame MERKEL d'effectuer un quatrième mandat tout en lui compliquant la tâche pour former une coalition avec un gouvernement stable et solide. Surtout elles lui compliquent la tâche pour mener une politique européenne davantage compatible avec celle que souhaite mener la France sous la conduite de notre nouveau Président de la République, à moins que le SPD, passant outre à la pétition de principe de Monsieur SCHULZ, n'accepte, dans un souci d'intérêt général, à reformer une grande coalition. Mais quoiqu'il en soit, elle semble manifestement dans l'exercice de son leadership ne pas accepter que l'offre politique européenne de l'Allemagne soit entravée. Il me semble que c'est cela l'enseignement le plus important qui se dégage de ces élections allemandes, et non pas une prétendue victoire à la Pyrrrhus de Madame MERKEL à laquelle personne n'est en mesure de contester le leadership de la politique allemande en ce moment.
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institut présaje
2015-12-01
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[ "alain lamassoure" ]
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7 MILLIARDS DE BIG BROTHERS, ET MOI ET MOI ET MOI...
# 7 MILLIARDS DE BIG BROTHERS, ET MOI ET MOI ET MOI... La naissance de l’imprimerie annonçait une révolution dans la culture et dans la politique. Internet annonce trois ruptures dans l’ordre du monde. Rupture dans la perception de l’espace par des milliards d’habitants de la planète aujourd’hui connectés. Rupture temporelle avec le principe d’instantanéité au fondement du numérique. Rupture dans la « fabrique de l’information » avec le phénomène Big Data. Faut-il s’inquiéter de la montée en puissance d’un futur « Big Brother » ? C’est sous-estimer le pouvoir réel des internautes. Troisième révolution industrielle ? C’est ainsi que l’on présente souvent l’irruption d’internet dans nos économies et nos sociétés, particulièrement depuis les perspectives offertes par l’interconnexion généralisée des personnes, des sources documentaires, des objets, que résume l’expression Big Data. Il s’agit bien d’une révolution, mais de nature différente : tout comme l’usage antique du collier d’épaule ou des moulins à eau et à vent, la machine à vapeur et l’électricité augmentaient la capacité humaine à mobiliser l’énergie pour produire davantage. Cette fois, il s’agit d’une prodigieuse diffusion des connaissances, et aussi d’une capacité presque infinie de les accroître en les combinant. La bonne référence historique serait plutôt l’invention de l’imprimerie : l’édition d’ouvrages à des dizaines de milliers d’exemplaires sortait définitivement la culture du temps des coffres-forts élitistes qu’étaient devenus les monastères, conservateurs jaloux des secrets de la nature, des philosophes et de Dieu. Mais à la diffusion du savoir, internet ajoute trois dimensions supplémentaires : l’espace, le temps et l’enrichissement par le calcul. L’espace : toute la planète est concernée. Au XVIe siècle, une faible proportion de la population savait lire, et elle était concentrée géographiquement dans les rares foyers de civilisation. En 2015, la moitié des Africains utilisent déjà un mobile, et il suffira d’une génération pour que toute l’humanité soit connectée. Le temps : l’instantanéité. Le temps d’un clic, tout le savoir de l’humanité est à la portée de n’importe qui. Enfin le calcul, la combinaison, le rapprochement des données apparemment les plus diverses pour percer les secrets de l’économie, de la société, de la nature, de nos corps et de nos âmes. Une révolution aussi brutale ne peut que donner le vertige. Vertige enthousiaste chez les uns, notamment toute la génération des geeks, qui inventent au rythme des jeux vidéos qui ont formé et distrait leur enfance. Inquiétude chez les anciens, la génération des lecteurs de Georges Orwell et Aldous Huxley, qui voient poindre l’ombre d’un Big Brother capable de contrôler les faits et gestes de toute l’humanité. Pourtant, la vraie originalité du Big Data n’est pas dans la menace d’un Big Brother. Elle réside dans la transformation de chacun d’entre nous, chacun des 7 milliards d’êtres humains, en Big Brother potentiel de l’ensemble des autres. Les données personnelles que nous acceptons de publier nous-mêmes sur les réseaux sociaux ou de confier à d’innombrables fournisseurs de services, combinées avec notre géolocalisation permanente, l’usage des moteurs de recherche (je « googlelise » tel inconnu), celui d’engins diaboliques comme les mini-drones, sans oublier la capacité infinie des smartphones à se transformer en autant de caméras cachées, et adieu toute intimité personnelle dans le monde de la transparence généralisée ! La santé est sans doute l’un des domaines où le Big Data offre le plus de promesses. L’explosion des capacités d’observation et de calcul à l’échelle moléculaire, la transmission instantanée des informations à distance, la diffusion immédiate et mondiale des résultats des expériences, l’exploitation des prodigieux gisements statistiques que recèlent les caisses d’assurances maladie, les hôpitaux, les compagnies d’assurances, comme celle des modes de vie et de l’alimentation : tous les éléments sont réunis pour que l’art d’Esculape connaisse lui aussi une révolution, au moins aussi importante que la révolution pasteurienne. D’où l’urgence d’inviter médecins, chercheurs, juristes, législateurs à en mesurer les opportunités et les risques, pour en fixer les règles. C’est le mérite de l’institut Presaje de jouer les pionniers dans cette mission d’intérêt planétaire. Une grande aventure humaine commence !
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2015-12-01
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DES DEFIS DU VIVANT AU DEFI DES SOIGNANTS
# Des DEFIS du VIVANT au DEFI des SOIGNANTS Qu’il soit malade ou en bonne santé, le rapport de chaque individu avec les professionnels de santé a changé de nature en moins de dix années. Une transformation suivie à la trace par l’institut Presaje. Le changement de paradigme n’est pas seulement le fruit d’une rupture d’origine scientifique. Il est sociétal avant d’être médical. C’est pourquoi il est essentiel de réinsérer le droit civil dans les controverses médicales ou commerciales qui pèseront sur la physionomie des nouvelles règles de la vie en société Ces réflexions sur le Défi des Soignants prolongent celles de l’ouvrage publié en 2004 par Thomas Cassuto chez Presaje « Les Défis du Vivant », cet être humain qui ne peut pas se réduire à ses maladies et à ses rapports avec leurs soignants. À l’époque, généticiens et biologistes de renommée mondiale avaient lancé un projet de développement des liens entre la biologie et la médecine, dans le but de mieux connaitre le vivant par ses gènes, et de mieux le soigner. Leurs réflexions ont mûri et se sont bonifiées. Elles donnent, en 2015, une vision claire de l’évolution de la santé. ## Un changement irréversible de paradigme La médecine, la santé ou la Sécurité sociale assurent la fonction soignante de l’État-providence, au sens très large des besoins de la société. Les moyens - le budget des soins dispensés - de leur couverture sociale et de leur administration ministérielle absorbent le quart des prélèvements obligatoires imposés aux Français, 250 milliards d’euros. Il fait vivre des centaines de milliers de professionnels, libéraux ou fonctionnaires. Ce système est engagé dans une irréversible mutation provoquée par trois évolutions qui sont en cours de d’achèvement - L’évolution des sciences mathématiques et des méthodes de modélisation, décentralisées, mieux adaptées à la complexité du monde, qui périment le mode de fonctionnement de l’Etat technocratique et centralisé, pavé bloquant de toute réforme. - L’arrivée du smartphone et l’explosion des réseaux sociaux qui ont donné à chaque être humain la faculté de partager des connaissances, dont il était écarté, sur la santé, les maladies et la médecine en lui offrant de participer, avec la recherche biologique, à la prévention des maladies chroniques les plus graves qui pourraient l’affecter. - Le mariage de la biologie et de l’informatique qui a fourni les puissances de calcul et de stockage de données, indispensables aux scientifiques pour décrypter l’infiniment petit du corps humain et de sa génétique. Quoiqu’en aient dit, il y a 250 ans, le naturaliste Buffon et le physicien Laplace en affirmant que l’homme n’irait jamais au fond des choses, il n’en est plus très loin, en 2015, y compris chez l’être vivant. Le premier grand défi des soignants est d’admettre, de comprendre, que ce changement de paradigme est sociétal avant d’être médical, et que les sciences de la maladie et des soins, si remarquables soient-elles, devront dorénavant faire à l’être vivant la place qu’il revendique, pour mieux gérer sa courte vie. ## Les premiers pas de la médecine préventive et prédictive Depuis trois ans les biologistes français, chinois et américains ont engagé la réalisation de leurs projets d’une médecine préventive qui fera participer l’individu en bonne santé, pas le malade, aux travaux scientifiques, auxquels il fournira ses propres données biologiques pour être éclairé sur les risques qu’il encourt face aux maladies les plus graves qui l’affecteront au cours de son vieillissement. L’Américain est en avance, il se prépare à entrer en concurrence avec Google d’une part, les industriels des objets connectés d’autre part, exploitant leurs Big Data. Le Chinois, dans son laboratoire de Shanghai, est engagé dans une course de rattrapage. Les Franco-européens ont entrepris le même parcours, sur les mêmes bases scientifiques. Ils piétinent devant la porte de l’administration française, fermée à double tour. Il faut le comprendre. Un système qui gère des assujettis depuis 70 ans, qui traite les maladies de patients soumis à un modèle étatique rigoureux, tarde à reconnaitre l’utilité de transmettre la science médicale, monopolisée par l’Etat soignant, en « open source » à tout le monde sur le web. Alors que ni le modèle économique de la médecine préventive, ni son modèle scientifique ne sont ni achevés ni éprouvés. Pour débloquer la porte française verrouillée à double tour, une question s’impose : pourquoi ces biologistes du monde entier, spécialement au sein de l’Union Européenne, s’engagent-ils comme ils le font dans la prévention ? Parce que le développement des comportements de prévention, en tous domaines, est devenu indispensable par le fait de la complexité qui rend les sociétés humaines incapables de tout guérir, partout, tout le temps, sans auparavant, chercher à prévenir. Le second défi n’est jamais évoqué. Jusqu’à quand le budget de la santé déjà exsangue pourra-t-il, dans un pays qui rassemble autant de pauvres, chômeurs ou retraités, bloquer les économies attendues de la prévention des souffrances - les vieux - dans une société assoiffée de croissance - les jeunes - pour maintenir ses assujettis et leurs soignants, dans son coûteux et unique modèle curatif ? Plus très longtemps. Le débat est ouvert puisqu’il est sociétal avant d’être médical. ## La renaissance des droits du vivant dans la santé En 2008, Presaje s’est inquiété dans un colloque très visité de la situation de «Santé malade de la Justice ». Le colloque de 2015 sur « Les Big Data à l’assaut de la santé » montre qu’elle est malade d’une carence du droit. Les effets de cette carence menacent le modèle français. Elle provient du mariage de la santé et de l’informatique, dont les champions croient dur comme fer que le droit fait obstacle au progrès scientifique. Erreur lorsqu’il s’agit de l’être humain, qui doit pouvoir profiter du progrès, sans perdre ses droits élémentaires. A court terme, qui n’est jamais le temps des réflexions de Presaje, tout va toujours très bien, comme quand on passe devant le 30ème étage en tombant du 50ème ! Ainsi en mars, le colloque sur « Le droit européen face aux entreprises planétaires » a évoqué plusieurs sujets brûlants, qui n’inquiétaient pas grand monde et qui, brutalement à l’automne, éclatent au grand jour. Par exemple, la Cour de justice de l’Union européenne qui casse l’accord dit de Safe Habor qui a permis aux Big Data de gérer, dans leurs pays, les données stockées après avoir été collectées en Europe. Pareillement, le colloque de 2015 à France Amériques a mis en évidence le besoin urgent et impératif de poser la question des droits essentiels des personnes vivantes, alors que se profile à court terme une « uberisation » de la santé. Quoi qu’en pensent ceux qui sont en train de passer devant le 30ème étage, en route pour « O ground » ! Le droit civil basique est exclu, avec ses spécialistes, des grands colloques médicaux. Il faut l’y réinsérer. Les enjeux sont trop importants, même si on affecte de les ignorer. Le sujet étant sociétal et médical, il appartient aux juristes en partage avec les médecins. Une question majeure a été posée : peut-on traiter de la même manière la privée et l’intimité de l’être humain ? Non ! La vie privée est attachée à l’activité de tout être humain qui vit, reconnu par une identité par nature privée, celle du sujet dit de droit, disposant de l’usage - l’Usus - de cette vie privée, donc de l’acceptation ou du refus de ce qu’en font les tiers. Sur ce sujet, les médias ont ouvert le chemin sur lequel le droit civil et les juges sont déjà installés. L’intimité est attachée à la constitution physiologique, donc génétique, qui construit la personnalité, élément de reconnaissance intérieure, par l’esprit qui l’anime, différente de l’identité, élément de reconnaissance extérieure. Cette intimité sera de plus en plus violée par toutes les intrusions provoquées par les meilleures ou les pires des causes, par tous ceux qui peuvent dorénavant aller au fond des choses. Y compris du vivant. Le troisième défi des soignants est là. Croient-ils dans le droit qui construit et régule la vie en société, ou croient-ils que la noblesse de leur engagement à l’égard de ceux qui souffrent, sous l’autorité de l’Etat souverain, les exonère des servitudes du droit ? C’est ce que pensaient certains juges, en 2008. Le changement de paradigme, la numérisation, l’uberisation rampante, aggravent leurs risques. Presaje devrait planter quelques palmiers dans ce désert en développement.
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LA MORT DE L’EUROPE DES TRAITES
# La mort de l’EUROPE des TRAITES L’Europe des traités est morte parce qu’elle a confié le destin des peuples a une Europe des institutions qui ne pouvaient être que des administrations, compliquées par les diversités culturelles des deux Europe géographiques et historiques, la Germanique et la Latine , sans responsabilité, ni pouvoirs politiques adaptés. Pour expliquer cette inévitable agonie, il faut faire référence à un document de 2011, au cœur du tsunami financier qui a submergé l’économie occidentale. Le texte, en italique, a été produit par PRESAJE. Ces extraits rendent hommage à son vice président, Albert MERLIN, disparu il y a 2 ans. ## Le déclassement subi par la France, en 20 ans, face à l’Allemagne. Texte 2011. L’Europe est passée, début 90, d’une coupure longitudinale, le rideau de fer et le mur de Berlin, à une coupure latitudinale le 45e parallèle. Dans l'ancien modèle les mauvais étaient à l'est, enfermés dans leur complexe Militaro - idéologique. Les bons étaient à l'ouest, ouverts au monde, avec leur modèle socialo-industriel, né de la communauté charbon acier. En dix ans l’Est géopolitique a disparu. L’Allemagne a retrouvé sa puissance géographique. Pendant ces temps cruciaux la France, avec les meilleures intentions du monde, a solidifié les bases de son modèle socialohédoniste providentiel. Les Allemands lui ont tourné le dos en construisant leur modèle monétaire et industriel exportateur. Pourquoi, alors, l’Europe politique n’est elle pas déjà morte ? La raison tient aux trois décisions prises, toutes favorables à l’Allemagne toutes défavorables à la France. Pour que ce couple francoallemand, séparé de biens, pas encore de corps, se rabiboche, il faudra que soit l’Allemagne change, soit la France change. 1. La première décision a consisté pour les dirigeants français, en 1990, à regarder, passer le train de la réunification allemande. 2. La seconde décision a consisté, en 1992, à élaborer, dans le traité de Maastricht, un modèle d’inspiration germanique plus que latine, en souscrivant des engagements de déficit et d'endettement que la France serait incapable de tenir. C’était la mort de l’état providence. 3. La troisième décision a consisté à adopter l’Euro sans la Grande Bretagne. Elle a remis la France et son modèle providentiel entre les mains de l’Allemagne. Depuis 20 ans l’Europe vit avec un grand malade, son vieux père, le modèle socialoindustriel né, pendant la guerre froide. Il a généré deux enfants aux caractères inconciliables, le modèle latin socialo-providentiel consommateur, le germanique monétaire et industriel producteur. En 2017, la sortie de la grande crise occidentale apparaissant, les élections rénovatrices de 2017 poussent la France à se rapprocher de l’Allemagne pour sortir l’Europe des institutions des conséquences dramatiques de ses échecs. En créant l’Europe des adhésions. Vaste programme aurait dit le Général ## Les erreurs de jugements économiques sur l’évolution de la CHINE. Texte 2011. Le premier Ministre chinois veut « rassurer » les Européens en affirmant à son premier client, l’Allemagne, que la Chine ne voulait pas racheter l’Europe. Ce qui peut aussi signifier, qu’elle attend qu’elle se vende elle-même. En 2017. C’est fait pour une partie de l’économie française. La pensée occidentale à considéré que, de l'instant où le monde, dit émergent, Chinois en tète, avait choisi le modèle de l’économie de marché, il avait ipso facto rejoint le modèle occidental construit sur le bien-être, la croissance et la démocratie, but suprême. C’est faux. En 2017. C’est faux. La croissance chinoise prospère en occident sans être gênée, chez elle, par les contraintes de la démocratie et du bien être. La pensée occidentale à considéré que l'Occident organisateur de la globalisation des échanges gérerait la répartition du travail entre les pays, en se gardant les fonctions « nobles », et en laissant partir les petits emplois chez les pauvres. Comme il l'avait fait au XIXe siècle avec les classes sociales non instruites prolétarisées invitées, par la bourgeoisie instruite, au développement du machinisme et de l'industrie. C’est faux. En 2017. C’est faux. L’Occident partage son influence avec la CHINE, devenue un concurrent redoutable chez les pays pauvres. ## L’évolution de la crise américaine, le digital et le « Trumpisme » texte 2011 Les Etats unis sont confrontés à une triple difficulté interne qui exigera d’eux un traitement à long terme. Le vieillissement naturel de sa population financé par une épargne qui appelle des rendements élevés des capitaux nécessaires pour l’entretien d’une classe inactive. La dégradation de la santé physique des classes moyennes, par une obésité liée à un mercantilisme de consommation. La dégradation des infrastructures dont l’indispensable remise en état est empêchée par les blocages politico fiscaux. L'administration fédérale a estimé que le modèle de capitalisme fordiste qui avait supporté le complexe militaro-industriel victorieux de la deuxième guerre mondiale et de la guerre froide, ne produisait pas assez de rentabilité pour traiter les trois difficultés du pays, pensions de retraite, santé, infrastructures. Les États-Unis, la réserve fédérale, ont remplacé ce modèle par le monétaro financier dérégulé reposant sur le capitalisme managérial, la share holder value des fonds de pension, la fair market value des prédateurs financiers. Ce qui avait été bon pour GM (General Motors) et l'Amérique ne l’était plus. Ce fut G. S.(Goldman Sachs) qui devint le modèle américain. Une fois cet emballement dérégulé, incontrôlé, installé dans la vie économique, il était inévitable qu'après avoir buté sur l'insuffisante rentabilité du complexe Militaro industriel et du capitalisme fordiste, les États-Unis buteraient sur l'excès de cupidité du capitalisme managérial et du complexe monétaro financier. Face à la désindustrialisation du pays il a fallu changer le modèle pour celui de l’Allemagne, à la fois monétaire et industriel. Ce sera le retour vers un nouveau modèle de guerre froide qui aidera les Etas Unis à se rétablir. En 2017 ces 3 phrases expliquent l’« l’America greatest » de D. Trump ». et son cout pour l’Europe occidentale déjà dominée par la digitalisation importée des US. ## Conclusion En 2017 la France se réveille, après avoir pris conscience de l’affaiblissement de son Etat Nation, face à celui de l’Allemagne, met les bouchées doubles pour l’inviter l’Allemagne à l’aider à faire son retard. Cet article actualise le pourquoi de la mort de l’Europe des traités au moment de l’inversion des situations géopolitiques respectives de la France et de l’Allemagne. L’une la France tente de se réunifier, en échappant aux blocages idéologiques et aux divisions partisanes héritées de la guerre froide, entre collectivistes et libéraux. L’autre, l’Allemagne, qui a retrouvé la toute puissance de son Etat Nation, cherche à se débarrasser des contraintes, imposées par la guerre froide, pour retrouver ses vieux démons réveillés par sa puissance reconquise. Il ne s’agit plus du bonheur des Peuples, hélas, mais de la puissance des Nations dont la démesure a produit tant de catastrophes. C’est ce que l’Angleterre à déjà compris, en quittant le continent. C’est ce que les régionalistes séparatistes européens ont entrepris de combattre, à long terme, en morcelant, et en réduisant la puissance des Etats Nations.
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LES MORTS ET LES RENAISSANCES DES INSTITUTIONS DE L’EUROPE
# Les morts et les renaissances des institutions de l’Europe Pendant des siècles, les peuples Européens conflictuels et naturellement turbulents, comme leurs Rois naturellement conquérants, se sont fait la guerre jusqu’à ce que, vainqueurs ou vaincus, exsangues ou enrichis, ils s’en remettent aux traités qui actaient, plus ou moins provisoirement, les morts et les renaissances politiques, juridiques et économiques. Guerres multiformes qui ont entrainé les pulsions dominatrices de peuples messianistes, à la fois constructeurs et destructeurs, conquis et conquérants, chauvins et mondialistes. Les peuples d’Europe occidentale les plus marqués par la 2ème guerre mondiale, la France et l’Allemagne, née entre eux, ont décidé de s’en remettre aux traités pour Vivre en paix, sans attendre de ne pouvoir le faire qu’après s’être entretués. Cette décision intelligente a produit une quarantaine de traités en 60 ans, sans compter ceux propres à l’adhésion des membres, qui ont eux même généré d’innombrables institutions. Cette Europe des traités préventifs est elle morte ? La réponse est OUI. Parce que son règne est fini. L’Europe des adhésions doit vivre à son tour, sans tuer son passé, en le faisant vivre, actualisé. Pour cela il ne suffit pas de témoigner il faut proposer. En précisant que les Institutions construites par l’ Europe des Traités sont aussi résistantes et durables que les bunkers abandonnés par le mur de l’Atlantique de 1940-1944, et qu’il faudra savoir gérer cet héritage. C’est quand il faut imaginer ce que devrait être une Europe des adhésions, que le bât blesse, en commençant par définir les 2 mots : - Europe, signifie France et Allemagne pour pouvoir redémarrer l’Union, comme en 1957. - Adhésions, signifie accord des peuples adhérents engagés au-delà de leurs diplomates et leurs élus. Ce sont les adhésions qui font l’Europe, pas l’inverse, tenté, depuis 60 ans et raté. Revenons à l’Europe continentale ravagée par ses choix déments. A la sortie de cet enfer, j’ai cherché à me faire expliquer ce que fut le nazisme, à chaud, par le prisonnier allemand avec lequel j’ai travaillé, au quotidien, dans le camionnage, entre 1945 et 1947. Il avait 38 ans, moi 16, l’âge d’être mon père, officier, cultivé, entrepreneur de travaux publics à Stuttgart. L’explication reste valable aujourd’hui. Je laisse parler Robert Hahn. « Crois moi, Michel, quand Hitler parlait, c’est à moi tout seul qu’il parlait, même quand il hurlait, ça me faisait du bien en pensant à l’humiliation de mon père après 1918. Hitler était un vrai orateur. Les défilés, les voitures, les flambeaux, les oriflammes, les uniformes, n’étaient que des symboles. Ce qui m’impressionnait c’était son verbe, sa langue. Je rêvais de pouvoir l’imiter. Je l’ai suivi jusqu’au bout, en faisant mon métier, avec les ingénieurs du mur de l’Atlantique. J’ai été nazi je n’ai jamais été SS. S’il fallait le refaire, pour défendre l’Allemagne je le ferais » Je laisse au lecteur le choix de la conclusion qu’il souhaite donner aux circonstances vécues, avec nos tribuns aux verbes flamboyants, qui excitent les passions des 2 cotés du Rhin. Les peuples Germains et Francs, si prompts à se faire la guerre, étant ce qu’ils sont, cela suppose que ces fameuses institutions, décrites indestructibles, offrent du concret aux peuples pour éviter qu’ils soient prêts à rentrer chez eux, pour rejouer au Casse pipes, la fleur au fusil. Elles ont du pain sur la planche, quand on sait tout ce qui est en retard en matière fiscale, sociale et concurrentielle, dans un marché qui se veut Européen en restant national. Surtout quand on voit les divergences et les compromis arrachés sur les travailleurs détachés. Parmi tous les sujets créatifs, qui pourraient être porteurs d’adhésions, les innovations, qui doivent faire oublier le passif des institutions issues des traités, concernent trois domaines : La création d’une économie Européenne concurrentielle, face aux deux prédateurs que sont les Etats unis et la Chine, doit être régulée pour défendre les grandes filières intra européennes, faites d’innombrables PME/PMI, en laissant, au siècle précédent, la querelle de la nationalité des grandes entreprises multinationales de l’ère industrielle revendiquées par chaque Etat. Il faut imaginer le démembrement des fonctions des PME/PMI des grandes filières, la nue propriété, le capital, le marché, appartenant aux structures de droit européen, l’usufruit, la production, le terroir, appartenant aux structures de droit national. L’affirmation d’un Droit Européen, à la place de celui qui s’est voulu continental depuis 30 ans, lequel, faute de courage et d’imagination, a trop longtemps abdiqué, face à l’impérialisme juridico judiciaire des digitaliens du GAFA, et autres entreprises mondiales, rattachées à d’autres droits et d’autres juridictions, installées sur le sol des pays adhérents à l’Europe. L’harmonisation des systèmes juridiques et judiciaires des adhérents, indispensables pour réguler les opérations transfrontières internes aux marchés transnationaux dont la disparité des organisations ajoute au déclassement sociétal de la France face à l’Allemagne. Systèmes polyvalents, constitués de juges du droit Européens aussi bien que du droit de leur nationalité. A défaut le réveil de nos antagonismes latents produira ce que nous avons déjà vécu.
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EUROPE DES ADHÉSIONS ET STRATÉGIES ÉCONOMIQUES
# Europe des adhésions et stratégies économiques PRESAJE a abordé ce sujet, il y a cinq ans, en publiant, chez BRUYLANT*, dans la collection Micro Droit - Macro Droit dirigée par Th. CASSUTO, le remarquable ouvrage de Viviane de BEAUFORT, « Entreprises stratégiques nationales et modèle économique européen », dont Madame A.M. IDRAC, ministre du commerce extérieur avait rédigé la préface, et moi même la post face. Le temps passé depuis cette publication exige de faire un point d’actualité. Rien n’a changé. La France des traités européens reste attachée à une conception nationale de la propriété des entreprises dites stratégiques, face à une mondialisation économique qui reconnait plus facilement les grands marchés continentaux, seuls capables d’exercer une capacité concurrentielle dont les petits marchés nationaux sont démunis. Par exemple : Alstom, reine des débats politiques en cet automne 2017, a subi une double peine. Elle a été victime de la malédiction des entreprises stratégiques étatisées françaises, des 3 A, Alcatel, Alstom, Areva, qui cherchent leurs stratèges quand c’est trop tard, après avoir perdu beaucoup d’argent. Au surplus, dans le cas de l’industrie ferroviaire, le principal acheteur des trains fabriqués par Alstom restant l’Etat Français, le fabricant a du tenir compte de la stratégie hésitante de sa cliente, sur endettée comme son propriétaire, l’Etat. Sur ce sujet de la stratégie du ferroviaire, permettez moi de revenir à l’automne 1950. Jeune entrepreneur qui voulait re vivifier son pays, j’ai passé avec la SNCF un contrat de remplacement de 150 kms de lignes de chemin de fer marchandises par des camions. Lors de la présentation du projet aux syndicats de cheminots, j’ai assisté à un dialogue musclé entre eux et le directeur local des « Chemins de fer » comme on disait à l’époque. «  Dis moi, directeur, tu es un cheminot comme moi. Les chemins de fer sont la propriété du peuple, c’est une propriété stratégique dont nous sommes les gardiens pour les Français. Tu n’y toucheras pas. Le pays saintongeais a besoin de nous pour éviter qu’il devienne un désert social. Réponse du directeur : avec quel argent ? On s’en fout. On est payés pour mettre du charbon dans la chaudière, toi pour mettre des impôts dans notre budget ». Qu’y a t’il de changé, 67 ans plus tard, dans le dialogue social à la Française ? Peu dans la forme, mais beaucoup dans le fond. Cette malédiction aggravée ne s’est pas répandue au-delà des années 80. Elle a progressivement épargné les grandes filières Françaises, l’agro alimentaire, la viticulture, le bois, les travaux publics et la construction, le tourisme et les loisirs de masse, le sport, le Luxe et l’hyper commerce, mondialisés, sans oublier demain, qui verra nos capacités nationales, non étatisées, affronter les marchés du digital. Certes, la France a été écartée de l’industrie métallurgique lourde qui aurait eu sa place en Europe, si ses dirigeants avaient compris qu’une entreprise stratégique, dans la mondialisation, ne se définit pas à partir d’un territoire et du pouvoir qui s’y exerce mais à partir d’un marché, des chances et des moyens à rassembler pour y prendre sa place …. Et la conserver. L’automobile le démontre, installée qu’elle est partout. Sans perdre son caractère stratégique grâce aux stratèges qu’elle a su recruter, à temps. Rejoignions l'ouvrage de Viviane de BEAUFORT, professeur à L’ESSEC, dont la conclusion a été achevée avant Noel 2010. A l’époque, les pays rassemblés par les traités vivaient la crise financière, parfois dramatique, provoquée par l’hyper spéculation des Etats Unis. Les Institutions communautaires vivaient les dérapages de l’endettement des nations qui se libéraient de leurs engagements. Il fallait repasser par le cap d’une bonne espérance. Aujourd’hui, la crise est derrière les dirigeants renouvelés, en Occident et en Europe – sauf en Allemagne -l’horizon s’éclaircit. L’Europe des traités va connaitre une pause. Les institutions ont du pain sur la planche, pour plusieurs années. Elles vont être écartelées entre la séparation imposée par le Brexit et la cohésion réclamée par les peuples continentaux, qui veulent une harmonisation, entre eux, du social et du fiscal, pour adhérer à l’avenir. Or, dans le traitement communautaire de ces déchirements, souvent culturels, comment éviter le débat sur la stratégie économique commune qui commande la réussite sans laquelle les institutions seront impuissantes pour fournir ce que l’on attend d’elles. Les choses ne sont pas simples car l’Europe est restée imprégnée par l’économie industrielle du 20ème siècle née du charbon et de l’acier, ce qui a fait son succès, plus en Allemagne qu’en France. Un nouveau modèle économique se dessine au sein duquel les PME et le PMI, rassemblées en filières, occupent le marché continental présenté comme le 1er mondial. Elles sont l’équivalent de ce que fut le charbon et l’acier pour le modèle économique précédent. C’est ce qu’ont compris les chinois en achetant des PME-PMI en France, dans les « filières » du 21ème siècle, tourisme, viticulture, bois, sport, etc, en toute discrétion Une question, posée, en conclusion, dans la post face de l’ouvrage de 2010, sur l’avenir des filières et des PME – PMI Françaises montrait déjà à quel point le déclassement économique entre l'Allemagne et la France inquiétait. Il est plus qu’urgent d’y remédier. Cette situation permettrait t’elle aux pays de la zone Euro, en commençant par la France et l’Allemagne, de développer des secteurs stratégiques communautaires, Européanisés, en sachant garder l’image qualité du producteur national, qui vit dans le produit ou le service rendu. La réponse a été OUI, à plusieurs conditions - Que la France qui dispose des compétences technologiques, financières, juridiques et logistiques, agrégées par des systèmes de gouvernance à tendance étatiques, accepte, de les mettre au service des structures économiques des grandes et petites entreprises qui ont vocation de s'installer sur le marché mondial. Sans chercher à les faire gouverner par l’Etat. - Que la France accepte, à défaut de politique industrielle reposant sur des monstres étatisés, d’aider à l'émergence des filières du secteur des PME-PMI, elles mêmes européanisées pour mieux affronter la concurrence mondiale. - Que l'Hexagone, remarquable par la forme et la nature de territoires qui lui offrent une production équilibrée entre le Primaire agricole, viticole, devenu agroalimentaire, le Secondaire manufacturier industriel, le Tertiaire commercial et touristique et le Quaternaire de la société de la connaissance et des loisirs, accepte que les investissements souvent risqués pour ce développement ne soient pas freinés par, un système bancaire trop orienté vers le financement de la dette de l’ETAT. - Que le principe de précaution ne soit pas un principe d’abstention. - Que les systèmes de régulations économiques, administratives, juridiques, fiscaux, comptables et surtout judiciaires s'adaptent au retour d'un secteur à part entière, ls PME-PMI, européanisé, comme les grandes sociétés du marché mondial. C’est à ce prix, qu’en conjuguant nos efforts nous pourrons espérer l’Europe des adhésions. Mais le peuple Allemand ne se laissera pas prendre la place qu'il a conquise au prix de tant d'efforts pendant la première décennie du XXIe siècle. Il observe, depuis 30 ans, le manque de persévérance et la difficulté à accepter les efforts, voir les sacrifices à consentir, par un voisin Français qui s’est laissé distancer et déclasser. On retrouve, 80 ans plus tard, le débat entre le beurre – le bonheur du peuple – et les canons – la puissance de la Nation. N’en rajoutons pas. En perdant sa puissance la France de 2017 a perdu son beurre. Et terminons sur une réflexion optimiste. La période actuelle semble favorable à l’harmonie intellectuelle entre personnes de générations et de sexes distincts. Puisse cette évolution inspirer le couple Franco Allemand à la recherche de L’EUROPE des ADHESIONS.
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institut présaje
2017-11-01
0
[ "michel rouger" ]
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EDITO
# Edito L’EUROPE a vécu, avec ses Rois, de nombreuses morts marquées par les prières au défunt et les Viva destinés au suivant. C’est ainsi depuis CHARLEMAGNE et le découpage de l’Europe carolingienne entre ses trois fils. Un bon millénaire plus tard, PRESAJE, ouvre le dossier de l’EUROPE de demain qui va dominer tous les autres, en dessinant le futur du Droit, de la Justice et de l’Economie, donc de la vie de nos sociétés humaines. Pour être clair, il faut séparer l’actuelle Europe des Institutions, née de l’Europe des traités, l’une et l’autre mortelles, des deux Europe immortelles, L’Europe géographique : La Germanique et la Latine séparées par le Rhin et le Danube. L’Europe historique, façonnée par les siècles de conflits religieux entre le catholicisme et le protestantisme, avant que ses monstres idéologiques et totalitaires ne ravagent le 20ème siècle. Ces 2 Europe ont connu, à la fin de la dernière boucherie collective, une mutation qui a permis l’élaboration, par la diplomatie, de l’Europe des traités, lesquels ont installé l’Europe des Institutions qui devait obtenir l’adhésion démocratique des 28 peuples concernés. C’est raté, chez les français depuis 2005, sans sortie forcée, chez les Britanniques, depuis 2016, avec sortie en cours de discussion. Cet échec, patent, est il réversible grâce à un sursaut commun de la France, de l’Allemagne et de leurs dirigeants, au cours des 4 années qui verront l’adhésion ou l’hostilité des peuples à l’Europe des Institutions, exprimées par les élections de 2020. Le risque de l’échec final est réel, mais rien n’est perdu, selon la prise de conscience des futures conséquences. Pour vous aider à le comprendre je mets deux grands traités Européens en parallèle. Le congrès de Vienne en 1815 et le traité de Versailles, en 1919. Le premier, générateur d’adhésions, nous a laissés en paix, France et Allemagne, pendant 50 ans. Le second nous a valu la grande boucherie du 20ème siècle. En l’état, l’Europe des Institutions étant gravement malade, faute d’avoir su créer l’adhésion des peuples, celle des traités préventifs est elle morte ? La réponse est OUI. Ces réflexions doivent expliquer pourquoi et comment deux Europe institutionnelles devraient se succéder, d’ici 4 ans, celle des adhésions, remplaçant celle des traités. En passant, vite, au-delà des divergences qui opposent les deux grands peuples des 2 Europe immortelles. Le Germanique et le Latin, issus de la géographie et de l’histoire, rassemblés, séparément, dans la République Fédérale d’Allemagne et la République Française. Le chantier est plus que problématique. Le niveau de déséquilibre atteint entre la puissance des 2 principaux pays de l’Europe géographique est générateur des pires aventures pour l’avenir. Elles se dessinent déjà de chaque coté du Rhin et du Danube. Cette situation mérite autant de réflexions sur le passé que de propositions pour l’avenir.
788
institut présaje
2017-11-01
4
[ "jean-pierre spitzer" ]
1,818
LE DROIT ET LE JUGE EUROPÉEN
# Le droit et le juge européen Un droit et un juge européen nécessitent une Europe structurée autour d’institutions fortes et des répartitions clairement définies avec ses états membres. Une fois cela mis en place la grande question qui reste est à quoi sert ce juge européen et ce droit européen, et s’il y a lieu de les réformer ? Pour qu’il y ait un droit et un juge européen, il faut une « Europe ». Une telle Europe doit avoir la possibilité de mettre en place au moins une institution délibérative susceptible de créer ce droit européen, et une institution judiciaire mettant en place des juridictions dont le propre est qu’elle doit statuer sur tout le territoire européen et que leurs jugements ou arrêts y soient exécutés. Or, c’est ce système qui a été mis en place dès 1950 dans le premier traité européen qui était le traité CECA (la Communauté Européenne pour le Charbon et l’Acier). Dès ce moment Jean MONNET avait imaginé un schéma qui parait encore aujourd’hui indépassable, dès lors qu’on souhaite avoir un droit et un juge européens. Les six Etats qui ont décidé de fonder la CECA, étant tous souverains ont mis en place le système suivant : - Le pouvoir d’édicter des normes appartient aux Etats, d’où la création du Conseil des Ministres au sein duquel se réunissent les Ministres des différents Etats toutes les semaines ou tous les quinze jours, en tout cas périodiquement, à Bruxelles. - La Haute Autorité qui incarne l’intérêt général, dispose à cet effet du pouvoir d’initiative – mais pas de celui de décision – et à laquelle est confiée le soin de veiller à l’application des décisions ainsi prises. Elle deviendra la Commission en 1965. - Et une Cour de justice qui, aux termes de l’Art.19 du Traité Union Européenne, « assure le respect du droit dans l’interprétation et l’application des traités ». Elle est donc juge de la conformité des droits nationaux au Traité, des conflits entre Etats membres, ce qui relève du Juge constitutionnel ; également en charge de veiller à l’unification de ce droit, ce qui relève du juge de cassation, outre le fait de régler un certain nombre de litiges directs, soit entre les organes de cette Communauté et des entreprises ou des personnes physiques, soit opposant les personnes travaillant au sein d’une institution à celle-ci. En ce qui concerne ce juge communautaire, cela a très bien fonctionné et l’institution s’est adaptée au développement de l’intégration européenne et aux nouvelles compétences. Aujourd’hui, ce juge européen relève de « l’institution Cour de justice » qui représente environ 2 000 personnes – dont la quasi-moitié est représentée par les traducteurs et interprètes – et est divisée en trois tribunaux ou cour : - Au sommet : la Cour de justice aujourd’hui « juge constitutionnel » et « juge de cassation » essentiellement, qui a également gardé une grande compétence en ce qui concerne les questions préjudicielles que les juges nationaux peuvent poser à la Cour de Luxembourg lorsqu’une question de validité d’un texte communautaire dérivé peut se poser, ou lorsque se posent des questions liées à l’interprétation desdits textes. - Le Tribunal en charge des règlements des litiges directs résultant notamment de l’ensemble des décisions prises par la Commission en exécution du droit de l’Union. - Et, enfin, le Tribunal de la fonction publique qui est compétent pour juger les conflits entre les institutions et leur personnel. Bref, ce juge et ce droit existent à ce jour et constituent probablement un des aspects de la construction européenne les moins contestés. Elle a joué un rôle considérable en adoptant la méthode d’interprétation téléologique, c’est-à-dire de finalité. C’est ainsi qu’elle a rendu les célèbres arrêts VAN GEND&LOOS et COSTA c/E.N.E.L. au début des années 1960 qui ont fondé les deux piliers de l’actuelle Union : la primauté du droit communautaire sur celui des Etats membres et l’effet direct, c’est-à-dire la possibilité pour chaque citoyen de l’Union de revendiquer, devant son juge national, la protection issue du droit de l’Union. Bien qu’à écouter ou lire les interventions des partisans du hard Brexit, la Cour de justice serait également en ligne de mire de ceux qui contestent la construction européenne telle qu’elle existe. Certes, ce n’est pas dans le cadre de cet article, qu’il y a lieu de discuter de la pertinence ou non de ceux qui critiquent la construction européenne, rappelons cependant que si la critique est fondée en ce qui concerne le fonctionnement de l’union depuis 20/25 ans, il ne faut pas faire de confusion entre les hommes qui ont assuré ce fonctionnement, et l’ont mal assuré, et les institutions elles-mêmes. Ainsi, ce n’est pas parce que la Cour de cassation ou le Conseil d’Etat rendrait un jour un mauvais arrêt que l’institution est condamnable et qu’il faudrait la changer. Néanmoins, il n’est pas interdit de poser la question de savoir à quoi sert ce juge européen et ce droit européen, et s’il y a lieu de les réformer. En ce qui concerne tout d’abord le droit européen, celui-ci est constitué de nombreux traités, du traité CECA au traité de Lisbonne, de l’ensemble du droit dérivé : règlements, directives, décisions, et des enseignements de la jurisprudence de la Cour de justice. Les critiques contre ce droit sont les mêmes que les critiques en matière de droit interne : trop touffu, trop complexe, bref relativement inaccessible à la grande majorité des citoyens avec, de surcroît, un handicap supplémentaire qui est l’éloignement à la fois géographique et linguistique. Pour essayer d’y remédier, ce sont les Etats membres qui sont toujours à la manoeuvre car, même si aujourd’hui le Parlement Européen a une certaine compétence « législative » du fait de la codécision avec le Conseil des ministres, c’est toujours celui-ci qui a le dernier mot. Donc, si ce droit européen apparait à beaucoup de nos concitoyens comme abscons et inadapté, c’est en premier lieu de la responsabilité des différents gouvernements de chacun des Etats membres. En ce qui concerne le Juge, dès lors que le droit européen est instauré, son existence est automatique. Ou alors, il faudrait accepter que le droit européen, si l’on prend l’exemple de la monnaie unique et à tout le corpus juridique qui la sous-tend, pourrait donner lieu à 19 interprétations, c’est-à-dire à autant d’interprétations que d’Etats membres de la Zone Euro… Ce serait la fin de l’Euro. Car, il est évident que les interprétations seraient très rapidement différentes et on assisterait exactement à ce qui s’est passé en Europe il y a deux siècles : une grande majorité des Etats Européens – hormis les Iles Anglo-Normandes – ont adopté le code civil ; mais à peine une génération plus tard, les droits nationaux ont montré des différences notables dans l’application de ce code civil et surtout son interprétation. Partant, l’existence d’un droit européen exige d’en assurer l’unité d’application et d’interprétation, et oblige à veiller à ce que la structure des pouvoirs mise en place pour créer le droit européen soit respectée. Donc, il faut un juge à la fois constitutionnel, ou plutôt institutionnel en matière européenne, et de cassation ; ce qui sur le plan européen présente une originalité certaine, puisqu’il est également le juge qui veille à l’unité du droit par le jeu des questions préjudicielles posées par chacun des magistrats nationaux. Bref, ce juge européen joue indiscutablement un rôle considérable, notamment en prenant appui sur le droit au juge dont dispose chaque citoyen européen, c’est-à-dire l’absence de déni de justice, ce qui lui a permis de se transformer à plusieurs reprises en législateur d’appoint jouant un rôle non seulement de juge au sens français du terme, mais presque à l’égal du prêteur romain. En clair, il existe un vrai pouvoir judiciaire au sein de l’Union Européenne à la différence de l’autorité judiciaire française. Enfin, quant à l’importance et l’utilité de ce droit et de ce juge européens, il suffit de prendre un exemple qui, depuis quelques semaines défraye la chronique, celui d’Airbus, en précisant d’entrée de jeu que cet exemple ne fait que suivre ceux d’Alcatel, de Technip, d’Alstom, etc… De quoi les entreprises européennes ont-elles le plus peur aujourd’hui ? Surement pas du juge européen ! Mais bien plus de ce qui est souvent qualifié de risque atomique : la crainte d’être confronté au droit et au juge américains. (Le Monde du vendredi 13.10.2017). Or, les Etats-Unis ont, depuis une quinzaine d’années, une conception totalement impérialiste, puisque le droit américain s’applique dès lors qu’un contrat est conclu en dollars, ou que des faits pourraient être qualifiés de corruption au sens de la législation américaine, etc… et de tels faits, à partir du moment où le soupçon existe, relèvent de la juridiction du juge de New York. Alors, les journaux – tant Marianne que le Monde ou la Tribune notamment – ont pu s’interroger sur Boeing, posant même la question de savoir si Boeing n’a pas provoqué ce cataclysme d’Airbus, car l’accès au marché américain est essentiel à l’avionneur européen et la moindre condamnation en termes de corruption équivaudrait à le priver de ce marché pendant un certain nombre d’années, outre le scandale actuel qui réduit cette pépite européenne à une quasi inaction sur le plan commercial depuis 2014. Il est évident, sauf pour quelques jacobins rêvant de 1793 mais surtout de Napoléon et de Louis XIV, que la réponse ne peut pas être uniquement française. Le marché français est ridiculement étroit par rapport au marché américain et toute velléité de riposte ou de contre-offensive contre Boeing au regard du marché français, ne serait d’aucun effet. La réponse ne peut se situer qu’au plan européen avec l’instauration d’un droit – ou même l’utilisation d’un droit déjà existant – pour contrebattre la tendance impérialiste du droit américain et l’utilisation du juge européen, comme cela est déjà le cas en ce qui concerne l’action de la Commission qui a imposé aux géants américains de se soumettre à la fiscalité des Etats Européens – Google, Amazon, Microsoft, … - pour d’une part protéger les entreprises européennes et d’autre part, être en mesure d’agiter la menace de rétorsion, voire d’empêcher l’accès à un marché de 500 millions de consommateurs. Même si le TGV à quelque peu diminué l’attractivité du marché européen dans le domaine aérien, cela reste la seule possibilité de réponse à la tentative, largement en cours, de nos amis américains de continuer ce qu’ils ne peuvent plus faire avec leurs armées, c’est-à-dire exercer une domination, à défaut d’être mondiale, au moins du monde occidental. En conséquence, le juge et le droit européens non seulement jouent un rôle considérable au sein de l’Union aujourd’hui existante, mais ils représentent, pour la protection et la sécurité des différents acteurs européens, une des meilleures armes à la condition expresse que nos gouvernements nationaux mettent en place non seulement les instruments nécessaires, mais également des hommes et des femmes qui s’en servent efficacement, pour notre bien commun.
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institut présaje
2017-05-01
1
[ "francis megerlin" ]
702
MÉDICAMENT INNOVANTS : IMPASSE NORMATIVE, ISSUE CONTRACTUELLE. COMMENT GÉRER LE RAPPORT DE FORCES ENTRE LES PRODUCTEURS ET L’ACHETEUR?
# Médicament innovants : impasse normative, issue contractuelle. Comment gérer le rapport de forces entre les producteurs et l’acheteur? A l’heure de la big data et à l’aube de contraintes fortes, comment rétablir la confiance entre producteurs et acheteurs sur le marché des technologies de santé ? L’envolée des pétitions de prix et l’extrême spécialisation des médicaments se sont traduites ces dernières décennies par un étirement des négociations, voire leur échec potentiel. Les acteurs privés et publics sont au pied du mur, les outils doivent évoluer. Aujourd’hui, explique Francis Megerlin, une approche nouvelle peut reposer sur la garantie contractuelle de valeur. Comment gérer le rapport de forces entre les producteurs et l’acheteur ? L’enjeu est majeur pour le patient, qui veut accéder au médicament autorisé (ici par autorisation de mise sur le marché AMM) ; l’industriel, qui veut accéder au marché remboursable, et en France pour l’Etat, tenu par la garantie constitutionnelle de l’accès de tous aux meilleurs soins, et comptable d’un budget approuvé par la représentation nationale. L’Etat porte la responsabilité politique du choix des produits remboursables et de la négociation de leurs prix avec les producteurs. Or, les pétitions de prix comme les revendications d’efficacité thérapeutique sont parfois une source de désarroi. L’acheteur s’interroge : les études rapportées sont-elles suffisantes ? sont-elles fiables ? les résultats d’essais protocolisés sont-ils extrapolables en pratique de soins ? La survie bilatérale est engagée, les positions se tendent, les normes s’accumulent. Le marché est grossièrement animé par deux tendances : du côté de l’offre, de nouveaux produits autorisés avec des indications toujours plus ciblées et des pétitions de prix toujours plus élevés, donnant parfois lieu à un usage intensif, sans données d’efficacité/sécurité à long terme. Du côté de l’acheteur, la confiance est ébranlée, le budget contraint, la pression politique forte, et l’aversion aux risques (ici économique – de ne pas retrouver le résultat attendu au prix payé) croissante. Il en résulte un renforcement des exigences réglementaires a priori, un étirement des négociations, voire une rupture de dialogue entre producteur et acheteur : elle s’exprime en le refus d’achat au prix demandé (même après remises confidentielles), ou le refus de vente au prix proposé. Face au spectre du rationnement selon des critères cliniques – comme aux Etats-Unis, voire sociaux – comme parfois au Royaume-Uni, différentes logiques sont à l’œuvre. Par le contrat, ces dernières visent à restaurer le dialogue et pourraient être un outil de transformation des systèmes, lorsqu’elles reposent sur la garantie économique selon un modèle « satisfait ou remboursé » (F. Lhoste). Le contrat de résultat, alternative au rationnement ? Face aux prix demandés, l’acheteur ne veut pas un produit, ni un service, mais une solution – et doit pouvoir rendre compte à la collectivité de ses décisions. Il en résulte de nouveaux comportements : certains producteurs s’engagent sur des indicateurs de performance en vie réelle, à l’échelle individuelle (résultat par patient) voire populationnelle (% de succès sur la population traitée), avec modulation du prix selon la valeur éprouvée, ou remboursement à due proportion de l’échec, voire paiement subordonné au résultat – ceci n’excluant pas les accords prix/volumes et les remises confidentielles (les prix internationaux n’étant qu’une base de négociation). A l’ère de la data-masse, la possibilité d’une connaissance de l’usage et valeur en pratique de soins, a fortiori de l’enregistrement de la preuve d’efficacité, fondent un nouveau paradigme pour les contrats et la gouvernance. Cette possibilité est nourrie des progrès continus des sciences et techniques en matière de scores, biologie, imagerie, etc. pourvu que les indicateurs proposés soient cliniquement pertinents pour contrat – sujet majeur ! Loin des « algorithmes » règlementaires actuels et des études sophistiquées et instrumentalisables, ces types d’accords visent à restaurer la confiance entre parties, et renouvellent la dialectique norme / contrat. Développés dans plusieurs pays, leur champ d’application est certes limité en France, mais les gouvernements successifs témoignent de leur intérêt. La performance ne relève toutefois pas du seul mérite intrinsèque d’une molécule ou de combinaisons: l’intelligence collective dans l’organisation des soins et leur management documenté ne sont elles pas une condition du succès ? L’autonomie responsable, éclairée par la data-masse, ne pourrait-elle fonder une nouvelle réflexion sur la transversalité et la temporalité de la gouvernance ?
790
institut présaje
2017-05-01
2
[ "dominique hoestlandt" ]
908
POURQUOI IL FAUT SE MÉFIER DU MILLEFEUILLE BIO
# Pourquoi il faut se méfier du millefeuille bio Mettre en garde les Français contre les atteintes à la biodiversité c’est bien. Les informer, les alerter, les sensibiliser, c’est utile. Mais à trop en dire et à trop en faire, il y a un risque à introduire auprès des opinions publiques une représentation totalement faussée de la biodiversité, assimilée à un « état de nature » statique et mesurable. Plus grave, depuis 15 ans, la France a accumulé un véritable millefeuille de règlements qui risquent à terme d’induire des réactions hostiles explique Dominique Hoestlandt. La vie est apparue sur terre voilà 3,4 milliards d’année, l’homo sapiens voilà 200.000 ans, la biodiversité – le mot – voilà 35 ans seulement. Ce néologisme – car c’en est un – apparait en 1986 dans les actes d’un colloque scientifique sur la diversité biologique. Car c’est d’elle qu’il s’agit : de l’extraordinaire foisonnement des formes prises par la vie, des gènes et organismes les plus infimes (bactéries…) aux organismes plus évolués (plantes, animaux, êtres humains) et à leurs écosystèmes^1^. C’est dire son extraordinaire complexité, et sa capacité à évoluer sans cesse ; la biodiversité est dynamique. Magie des mots : l’opinion publique et les politiques, séduits par ce néologisme qui sonnait comme un idéal, y virent une richesse, mais une richesse en sursis. Cette biodiversité – fruit de milliards d’années d’évolutions adaptatives – avait empiriquement trouvé les meilleurs compromis entre le vivant et notre planète. Mais le rythme d’érosion que lui font subir nos activités humaines depuis quelques siècles est beaucoup trop rapide pour la capacité d’adaptation naturelle des espèces, et font entrer notre planète dans une séquence inédite, peu documentée scientifiquement. Pour mobiliser les opinions publiques mondiales, les scientifiques cherchèrent à nous alerter sur ces dangers, et à montrer ce que nous gagnerions à utiliser la biodiversité et les services rendus par certains écosystèmes. Leur message confortait une prise de conscience récente de ce qu’avec l’explosion démographique de l’humanité au XXe siècle, son développement devait se réformer s’il voulait être durable. Diverses institutions internationales se saisirent de cette problématique biodiversité. En 1992 se tint à Rio le Sommet de la terre qui statua sur la biodiversité. En 2005 fut publié le Millenium Ecosystems Assessment, collationnant les travaux de centaines de chercheurs décrivant les écosystèmes. En 2010, année internationale de la biodiversité, se tint une COP 10 sur ce thème - la Conférence de Nagoya – qui adopta un plan stratégique décennal et proposa de créer l’IPBES, qui ferait pour la biodiversité ce que fait le GIEC pour le climat. L’Europe articula en mai 2011 une stratégie à horizon 2020. La France, dotée d’une stratégie nationale pour la biodiversité au début de ce siècle (SNB 2002-2010), la prolongea par la SNB 2011-2020. Furent créés l’Observatoire de la biodiversité (ONB), le Conseil scientifique du patrimoine naturel et de la biodiversité (CSPNB), le Système d’information sur la nature et les paysages (SINP), le Centre d’échange pour la convention sur la diversité biologique (CEF), l’inventaire national du patrimoine naturel (INPN) géré par le Muséum national d’histoire naturelle (MNHM). Par une loi d’août 2016, elle institua des Atlas de la biodiversité communale (ABC), et une Agence Française pour la biodiversité (AFB). Au cours des dernières décennies, diverses réglementations instituèrent, en un vrai millefeuille, de multiples zones de protection ou de restauration de la biodiversité : zones Natura, parcs nationaux, parcs naturels régionaux, réserves naturelles, réseau des sites classés, conservatoires d’espaces naturels, parcs naturels marins, aires de protection de biotopes, sites du conservatoire du littoral et des rivages lacustres... Ces zonages se recouvrent partiellement certes, mais font au total 12,5% du territoire métropolitain (pour ne rien dire des zones humides, ni des trames vertes et bleues, elles aussi intouchables). ## Inflation réglementaire Or cette surabondance réglementaire a progressivement introduit une représentation approximative, voire inexacte, de la complexité de cette diversité biologique comme de sa dynamique : la biodiversité y est assimilée à un état de nature (statique et mesurable), plutôt qu’à l’enchevêtrement de systèmes dynamiques de toutes tailles, extraordinairement complexes. On parle de la protéger, de la sauvegarder, de la restaurer… expressions naïves de la doxa administrative ; on la confond avec un état des lieux, un patrimoine dont on connaîtrait un état originel - seul légitime. Dans la vie publique locale, cette biodiversité est parfois prise en otage par certains conservatismes trouvant dans sa défense un argument facile pour contrer un projet qui impacte un habitat. Et quel projet ne le fait pas ? Mais, à surenchérir en son nom dans ce millefeuille, on risque de lasser nos concitoyens, qui verront dans cette luxuriance réglementaire l’explication des difficultés que nous avons à lancer de nouveaux projets ; ils soupçonneront que la biodiversité est un mauvais prétexte pour paralyser les collectivités locales qui aménagent leurs territoires, et les entreprises qui s’y installent. Lassitude à prévenir : à vouloir demain s’affranchir de certains règlements, on risque de jeter le bébé (la biodiversité) avec l’eau du bain (les réglementations). Ce qui serait fâcheux. Alors ? Alors il est plus urgent que jamais de mieux connaître et mieux comprendre cette biodiversité, et donc de former plus de naturalistes qu’on ne le fait aujourd’hui. Et il est vital de mieux faire connaître et de faire comprendre cette biodiversité locale, même en ville, à nos concitoyens et à leurs enfants. ^1^ écosystème : ensemble de relations qui relient un être vivant à son milieu, lui permettent d’y vivre et de s’y reproduire.
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institut présaje
2013-10-01
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[ "jacques barraux" ]
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LES FRANÇAIS PARLENT-ILS TOUS LA MÊME LANGUE ? PAS DE CONSENSUS SANS ACCORD PRÉALABLE SUR LE SENS DES MOTS
# Les Français parlent-ils tous la même langue ? Pas de consensus sans accord préalable sur le sens des mots Il y a deux formes de consensus : le consensus d’analyse et le consensus de l’action. Le premier conditionne le second. Pas d’action commune possible entre deux partenaires de bords différents sans une entente préalable sur le sens des mots et les données d’un problème. Pour Jacques Barraux, c’est là où les Français ont un sérieux handicap à remonter. Prenons notre courage à deux mains. Ce matin d’octobre, le temps est doux. La France travaille. Ouvrons notre ordinateur pour sonder au hasard l’humeur des Français. Commençons par le site de « France Inter », une radio qui ne cache pas ses sympathies pour la gauche mais dont les journalistes sont de bons professionnels. Les auditeurs commentent les journaux du matin. Là, premier choc. Le ton est d’une violence inattendue. Déferlement de haine contre tout ce qui incarne le système : les patrons, l’Europe, la dette, la crise, Bercy (trop complaisant avec les capitalistes), la BCE, le FMI, l’édito « ultra-libéral » de Dominique Seux, le « racisme » de Manuel Valls... C’est plus rude que le ton « Inter » des journaux du matin. Consensus zéro. Changeons de bord pour une promenade dans les sites de la droite décomplexée. Nouveau déferlement de haine contre des cibles voisines de celles du camp d’en face : l’euro, les technocrates de Bruxelles, les banques anglo-saxonnes, mais aussi - spécificité maison - les immigrés, les fonctionnaires et Bercy (pour le matraquage fiscal). La fracture politique du pays se lit chaque matin sur les blogs, les réseaux sociaux et les forums. ## Les mots n’ont pas le même sens d’un camp à l’autre Internet a libéré la parole des citoyens. On a beau savoir qu’au-delà des vitupérations convenues des protestataires de tous bords les majorités de gouvernement se forment au centre (centre-gauche à la Mendès-France ou à la Mitterrand ; centre-droit à la De Gaulle ou à la Pompidou), une question vient au bout des lèvres : en France, les mêmes mots ont-ils le même sens pour tout le monde ? Hélas non. La France semble souffrir d’asymétrie de l’information. Pourtant, l’information de qualité existe. Elle est accessible à tous mais elle atteint ses cibles de manière fractionnée. Seule une minorité d’acteurs économiques juge nécessaire de l’appréhender dans sa globalité. Explication. Pour l’essentiel, l’information de qualité (approfondie, vérifiée, hiérarchisée) est consommée cercle par cercle. Dans l’espace balisé d’un métier, d’une profession, d’une branche de l’économie ou d’une organisation militante. Les agriculteurs, les banquiers, les industriels, les diplomates, les médecins, chaque corporation a ses réseaux, ses journaux de référence, ses sites spécialisés, ses relais internationaux. L’information est dense, complète et de bon niveau à l’échelle micro-économique. C’est la synthèse générale qui semble inaudible ou interprétée de manière déformée en fonction du mode de vie et des convictions idéologiques de chacun (commerçant versus fonctionnaire ; rural versus citadin ; propriétaire versus locataire ; cadre courtisé versus demandeur d’emploi etc.). Les données d’un problème ne sont pas perçues de la même manière d’un groupe social à l’autre parce que les Français ne s’entendent pas sur le vocabulaire basique de l’économie. Les mots n’ont pas le même sens selon le genre de vie ou selon la famille de pensée. Le mot « compétitivité » est un simple outil de comparaison pour les uns, une arme de guerre du libéralisme pour les autres. Le mot « Roumanie » n’a pas le même sens pour un cadre exportateur de Renault et pour le voisin d’un camp de Roms. Comment dès lors débattre sereinement d’emploi, d’Europe, de protectionnisme, de croissance ou de monnaie. La politique agricole commune, la stratégie d’un groupe comme Total, le contrôle des flux de capitaux : plus les sujets sont techniques, plus se fait sentir le besoin d’un apprentissage du citoyen aux données de base de tout problème, y compris pour les sujets qui ne les concernent pas directement. Le bon fonctionnement de la démocratie implique que le jour du scrutin qui décide de l’avenir du pays, le vote des citoyens ne soit pas seulement guidé par les affirmations simplistes des démagogues du moment. Commençons donc par rechercher le consensus des mots avant, dans une deuxième étape, de s’attaquer au consensus des projets.
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institut présaje
2017-05-01
5
[ "michel rouger" ]
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LE TRAVAILLEUR, LE BUREAUCRATE ET LA FICHE DE PAIE.
# Le travailleur, le bureaucrate et la fiche de paie. Le témoin le plus éclairant des transformations du modèle français depuis la Libération est sans conteste la feuille de paye du salarié, cet agent économique lié par un lien de subordination à son entreprise. La comparaison d’une feuille de salaire de 1952 avec celle d’un salarié de 2017 est saisissante. En 1952, constate Michel Rouger, la retenue sociale représentait 6% du salaire brut. Elle dépasse aujourd’hui les 20%. Entre temps, l’Etat-Providence a perdu l’essentiel de ses repères. La fiche de paie est l’instrument le plus lourdement chargé de tous les symboles qui marquent les relations entre les êres humains. Il fallait l’imagination bureaucratique d’un collecteur de taxes, prélèvements et impôts, typiquement français, pour l’inventer comme elle est devenue. La fiche de paie du travailleur salarié, celui qui est subordonné à son employeur et que le bureaucrate veut protéger de la malignité et de la cupidité du « patron exploiteur » porte cette écriture en filigrane. Y compris celle du travailleur indépendant, qui veut être salarié de lui-même, libre et à son compte, écrite sur le même papier filigrané. Qu’est ce qu’une fiche de paie : 3 nombres, le salaire brut, les retenues, le salaire net. X chiffres variables, qui expliquent comment on passe d’un nombre à l’autre. Il suffit de les analyser sur le très long terme pour apprécier quelle est la réalité de notre modèle social, réputé huitième merveille du monde. C’est difficile car il s’agit du domaine intime de l’individu, déjà obligé de se dévoiler au percepteur, peu enclin à montrer, réellement, ce qui révèle son statut et sa rémunération, que le secret permet d’enjoliver. Ce travail a été possible grâce à la collecte de soixante cinq années de fiches de paies rendues anonymes, entre 1952 et 2017. Ce travailleur subordonné, devenu urbain, vivant au sein de l’économie de services, a livré les secrets de sa vie de salarié, face à la bureaucratie de l’Etat-providence, sur 2 sujets, la retenue opérée sur le salaire brut, la rédaction de la fiche de paie. Dans l’économie de survie de l’après guerre, 1945-1950, de type rural, non administrée, il n’y avait que 2 choix, le travail, ou le trafic, en continuité du marché noir. C’est, hélas la même chose aujourd’hui pour les décrocheurs des cités de non droit, condamnés aux trafics, faute d’emplois à mettre en fiches, par des politiques qui s’évertuent à tuer le goût au travail pour mieux refuser la subordination. La 1ère fiche de paie étudiée apparait en 1952, lorsque l’administration a mis un terme à la liberté ambiante, chez les artisans ruraux, du paiement de « la main à la main » qui ne laissait pas le temps d’écrire la future fiche de paie. Ce prototype comporte 14 chiffres en 3 nombres. La retenue sociale représente 6 % du salaire brut. 1956, l’artisan rural est devenu employé urbain à Paris, sa belle et vraie fiche de paie comporte 33 chiffres, le nombre de la retenue toujours 6 % du salaire brut. 1966, 33 chiffres la retenue passe à 8%. En 1976, le travailleur fête l’arrivée des grands administrateurs de l’Etat au pouvoir. Les chiffres sur sa fiche de paie passent de 31 à 220, la retenue à 10 %, puis en 1986, de 220 à 252 chiffres alors que la retenue grimpe à 12 %, le double de 1956. En 1996, dernière de la série du 20ème siècle, record battu, 390 chiffres, la retenue passant à 14 %. Derniers flashs, en 2006 et 2016, on réduit à 330 puis à 311 chiffres, mais la retenue atteint 20% sur le salaire brut, le double d’il y a 40 ans. Sacré progrès ! Conclusion : En cette année électorale, les grands savants de la macro économie, comme les candidats, dans leurs professions de foi, nous expliquent que tous nos malheurs ont débuté il y a 40 ans. Le « travailleur inconnu » le savait, depuis longtemps, en lisant ses fiches de paies. S’il était candidat, il proposerait de faire figurer le poids de la bureaucratie sociale dans le compte pénibilité des entreprises.
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institut présaje
2017-05-01
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[ "jean petit" ]
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LA SÉCURITÉ DES PATIENTS DANS LES ÉTABLISSEMENTS DE SANTÉ. APPROCHE NORMATIVE ADMINISTRÉE OU APPROCHE PRAGMATIQUE PROFESSIONNELLE ?
# La sécurité des patients dans les établissements de santé. Approche normative administrée ou approche pragmatique professionnelle ? Aux yeux de l’opinion, les affaires récentes du Médiator et de la Dépakine ont montré les limites du recours aux normes légales et réglementaires pour prévenir les risques d’erreurs humaines ou de défaillances techniques dans le domaine de la santé. Si les normes ont permis de réels progrès elles ont peu d’impact sur le respect des bonnes pratiques par les professionnels constate le docteur Jean Petit. D’où l’importance primordiale du développement sur le terrain d’une culture collective de sécurité. En 2009, une étude française sur les événements indésirables associés aux soins en estimait le nombre entre 600 000 et 880 000 par an. Ces événements entraineraient un décès près d’une fois sur dix, et la moitié pourrait être évitée. Affirmer, pour faire accepter l’imprévu, que « le risque zéro n’existe pas » suppose que tout ait été mis en œuvre pour réduire les erreurs humaines et les défaillances techniques. En France, cette mobilisation s’est concrétisée depuis 30 ans par une approche fondée sur la norme établie par l’État et sur l’engagement des professionnels. Place de l’une et de l’autre, responsabilité collective et individuelle… le débat, empreint de philosophie politique, n’est pas original. Le recours aux normes légales et réglementaires est l’approche la plus traditionnelle. Ces normes ont d’abord concerné les « vigilances ». Depuis 1973, la pharmacovigilance recense les effets indésirables inattendus des médicaments. Les affaires du Médiator® et plus récemment de la Dépakine® démontrent les limites de l’exercice. Faute de priorités et de réalisme, l’approche normative règlementaire a connu des échecs et a laissé de côté des sujets majeurs, comme les complications chirurgicales. Mais elle aligne aussi de beaux succès. Des normes de structure et de ressources élaborées en partenariat avec les collèges professionnels ont permis de sécuriser les activités soumises à autorisation, par exemple la transfusion sanguine (1993) ou l’anesthésie dont les complications graves ont été réduites de plus de 10 fois en 20 ans. ## Les limites des normes Mais les normes ne permettent pas le contrôle des risques complexes et rares, tels que des erreurs d’identité ou de côté en chirurgie. Elles ont en effet peu d’impact sur le respect des bonnes pratiques et ne permettent pas de développer la culture de sécurité des professionnels, qui relèvent des méthodes d’amélioration continue de la qualité. L’objectif n’est plus d’être conforme à une norme – si justifiée fut-elle –, mais de résoudre des problèmes et d’améliorer la prise en charge des patients au moyen d’actions ciblées, priorisées et itératives. Dans l’approche normative, la conformité se contrôle et la non-conformité se sanctionne. Dans l’approche pragmatique, un travail collectif permet de trouver derrière chaque erreur – et en particulier humaine – une opportunité d’amélioration. Sept Lois de santé depuis 1991 ont progressivement donné à ces démarches d’amélioration continue un statut de… normes. Elles sont pilotées par la Haute Autorité de Santé (HAS). Pour les hôpitaux et cliniques, une procédure d’évaluation externe dénommée certification a été créée. Dans certaines disciplines « à risques », l’Assurance Maladie peut prendre en charge une partie des cotisations de responsabilité civile des médecins engagés dans une démarche dite « accréditation » et qui repose sur des retours d’expérience. Si la judiciarisation de ces accidents reste limitée, les indemnisations et les contentieux civils ou administratifs ne cessent d’augmenter. La déclaration des événements indésirables graves associés aux soins, l’analyse de leurs causes systémiques et leur prise en compte dans une logique d’amélioration des pratiques constituent également des obligations légales qui viennent d’être précisées (Décret 2016-1606 du 25/11/2016). Ce dispositif concilie exigence réglementaire et responsabilité professionnelle : tout événement grave doit être déclaré sans délai à l’Agence Régionale de Santé, et l’établissement ou les professionnels déclarants disposent d’une période de 3 mois pour en analyser les causes profondes puis dégager et mettre en œuvre des actions de prévention. Un retour d’expérience national est prévu. Médecins et paramédicaux, pourtant confrontés au principe de précaution, à la confusion permanente entre lien et conflit d’intérêt, et à l’obsolescence de plus en plus rapide de leurs connaissances, restent engagés dans une attitude de progrès qui leur permet notamment de mieux s’approprier des exigences importantes – réglementaires – et de les dépasser. Cette démarche devra permettre une réglementation moins exubérante. Les professionnels de santé doivent pouvoir rester libres de leurs pratiques, tant qu’elles ne comportent pas de risque accru pour les patients et que l’accord de ceux-ci a été recueilli. Il existe donc bien une complémentarité entre l’approche normative traditionnelle et les démarches laissées à la responsabilité des professionnels.
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institut présaje
2017-05-01
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[ "isabelle proust" ]
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EN ENTREPRISE, DE LA NORME QUI PROTÈGE À LA NORME QUI ÉTOUFFE
# En entreprise, de la norme qui protège à la norme qui étouffe Plus l’entreprise grandit et s’internationalise, plus elle se trouve enserrée dans une épaisse forêt de normes. Normes volontaires pour s’assurer le strict contrôle de ses filiales et de ses services. Normes imposées pour se mettre en conformité avec les règlements et les standards des Etats et des marchés. Avec au bout du compte un risque grandissant d’alourdissement des procédures et de démotivation des équipes. Comment concilier sécurité, souplesse et performance s’interroge Isabelle Proust ? Notre environnement économique, social, culturel pousse à la production de normes : par précaution, des protocoles et des interdictions pour protéger notre santé, une régulation pour protéger nos droits de consommateurs … Pour se protéger elle-même dans son fonctionnement interne, l’entreprise produit également de la norme. Plus sa taille grossit, plus les normes – sous la forme de process, reportings, autorisations préalables … – augmentent et contraignent, au point d’étouffer. La normalisation dans l’entreprise a été rendue nécessaire tant par les impératifs de « compliance » (respect des standards techniques, de sécurité, environnementaux et des réglementations financières) que par l’extension de la taille des multinationales, comptant de nombreuses filiales dont il faut contrôler les flux financiers. Sur le plan technique, il convient de respecter des cahiers des charges stricts, de remplir des dossiers d’homologation etc. Cela se fait au nom d’un impératif de sécurité, et si la lourdeur est critiquée, elle est admise au nom de l’intérêt de tous. Il en est différemment de la lourdeur des processus comptables et financiers, qui, s’ils répondent pourtant à un impératif de bon fonctionnement des marchés pour la protection de tous les épargnants, n’en apparaissent pas moins comme l’injonction d’une « direction déconnectée du terrain ». Que vaudrait une entreprise et comment pourrait-on coter des actions d’entreprises sur un marché si les bilans n’obéissaient pas à des règles communes et si l’on ne pouvait s’assurer que ces mêmes bilans correspondent à une réalité tangible ? quelques scandales financiers sont là pour nous rappeler l’importance des procédures comptables et financières. ## Dérive Mais le sens de cette régulation a été perdu au fur et à mesure de la multiplication des normes. Dans le même mouvement d’une critique sociale du gigantisme des multinationales, on constate une perte d’efficacité, qui tend à remettre en cause ce modèle (plusieurs études de l’OCDE font apparaître une tendance très nette à la diminution des montants et de la rentabilité des investissements des grandes entreprises hors de leur pays d’origine ; la direction de Danone a annoncé en février 2017 privilégier pour le futur des stratégies locales, à l’opposé de « la mondialisation à l’ancienne »). Les deux causes sont en effet liées : c’est la complexité de contrôler un groupe aux multiples ramifications, associée à une volonté d’optimisation des ressources employées, qui est à l’origine de l’inflation des procédures en entreprises. Puis, à force de vouloir protéger, la norme a étouffé : la créativité, l’interaction entre les métiers et les gens … La lourdeur des process internes a fini par éloigner de l’objectif final et de la réalité de terrain. Elle a fait perdre le sens du travail. Les « reportings pour le siège » et organigrammes matriciels – sources d’injonctions souvent contradictoires – font l’objet d’un rejet massif de la part de salariés démotivés, au point de faire voler en éclat le modèle hiérarchisé et cadré de l’entreprise traditionnelle, et pas seulement sous la pression des millenials qui arrivent sur le marché du travail. Les startups sont appelées à la rescousse, via des accélérateurs dans les grands groupes, pour redonner du sens, de l’agilité et libérer les énergies. Comment concilier sécurité, performance et épanouissement au travail, c’est tout l’enjeu de la réflexion managériale aujourd’hui, de l’entreprise libérée à l’évolution des comportements des managers. Car, au-delà des modèles ou des structures, dans un environnement extrêmement mouvant, où il s’agit de gérer l’incertitude, les process ne sont plus une protection mais un frein. Et c’est bien plus sur la capacité d’adaptation individuelle qu’il faut agir. Il est une catégorie dont le quotidien est de gérer l’incertitude, c’est l’entrepreneur. Quand le forum Peter Drucker de novembre 2016 s’intitule « The entrepreneurial society », il n’est pas question de dire que toutes les nouvelles générations vont faire naître des Steve Jobs mais que nous sommes tous amenés, grâce à notre souplesse comportementale, à savoir gérer l’incertitude. C’est-à-dire « une société de l’entrepreneuriat » dans laquelle « l’esprit d’entreprise et l’innovation sont normaux ».
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institut présaje
2017-05-01
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[ "michel rouger" ]
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EDITO
# Edito La première décennie du 21ème siècle, qui a vu naitre notre Institut avec ses équipes de chercheurs, s’est développée dans le charme de la « mondialisation heureuse ». C’est la période des réglementations et normes utiles. La première décennie du 21ème siècle, qui a vu naitre notre Institut avec ses équipes de chercheurs, s’est développée dans le charme de la « mondialisation heureuse ». C’est la période des réglementations et normes utiles. Elles nous ont apporté protections et contrôles dans tous les secteurs de la société ; la santé et les médicaments, l’hygiène et l’alimentation, les déplacements collectifs ou individuels, les infrastructures et la construction ou le chiffre ou le droit. Elles ont facilité le développement commercial en permettant d’avoir des règles mondiales communes pour diffuser le plus largement et le plus simplement possible les produits. On y trouve notamment l’aviation, l’alimentation, les produits manufacturés et en particulier les matériels technologique, les téléphones, les ordinateurs ou les logiciels ces 30 dernières années. Elles ont ouvert l’accès aux échanges pour tous et partout dans le monde. Que ferions nous si nous devions gérer plusieurs protocoles Internet ou téléphonique incompatibles entre eux ? La seconde décennie se termine dans les querelles de la « mondialisation anxieuse ». Les réglementations, les « normes », de toutes provenances, accablent une société surtaxée et sur contrôlée, dans laquelle l’opinion publique fait ses chouchous de ceux qui subissent en râlant. PRESAJE, fidèle à la vocation de ses études sociétales n’avait pas d’autre choix que de parler de ces normes qui imposent une triple peine à la société Française. Celle, paralysante, de la bureaucratie qui régit la société, ajoutée à celle aggravante du protectionnisme montant, puis à celle ruineuse du déclassement de la Nation né de l'affaiblissement des équilibres européens. Comment ? En traitant les questions que les analystes patentés ne savent, ni ne peuvent, ni veulent poser, selon la phrase célèbre, slogan de la plus grosse faillite française. C’est fait dans cette lettre qui affronte les aléas d’une campagne électorale « hors normes ». Le choix éditorial de fin 2016 de parler de ces normes découlait de la forme prévisible des grands débats de société qui verraient les candidats s’affronter sur les institutions européennes, l’économique, le social, la santé, la nature et l’écologie, la Justice. Ce choix a été judicieux. Ce sont sur ces sujets, où foisonnent les normes les plus contraignantes, que PRESAJE veut attirer l’attention au travers d’expériences vécues par ceux qui y sont confrontés tous les jours et pas seulement 6 mois tous les cinq ans. Ce sont les normes qui font débats en permanence. Les débats électoraux intermittents ne défont jamais les normes. C’est un travail à plein temps. Laissons parler ceux qui savent pour mieux aider à les défaire.
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institut présaje
2013-10-01
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[ "bernard lecherbonnier" ]
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LA « FABRIQUE » DU CONSENSUS : UN LENT CHEMINEMENT, UNE RENCONTRE INCARNÉE. TÉMOIGNAGE
# La « fabrique » du consensus : un lent cheminement, une rencontre incarnée. Témoignage Le consensus ne se décrète pas. Il se façonne, se construit jour après jour. Aucune recette de management ne vient au secours d’un leader incapable de motiver et de rassembler autour d’un projet. Le consensus nait de la rencontre au quotidien, de l’intériorisation progressive d’opinions ou de valeurs communes ainsi que l’explique Bernard Lecherbonnier à travers deux expériences vécues. Impossible pour moi d’écrire une ligne sur le thème du consensus sans me rappeler, sans partager une anecdote vécue en compagnie de Marcel Jullian, le scénariste de La Grande Vadrouille. Nous déambulions boulevard du Montparnasse et nous tombons sur un de ces producteurs mondains qui font le pied de grue dans les restaurants à la mode. Le dialogue manque franchement de chaleur. Jullian reproche au gandin son absence d’engagement dans un récent conflit professionnel avec le ministère de la Culture. L’homme déploie ses grands bras en signe de défense : « Mais, Marcel, vous le savez bien. Je n’aime pas les conflits ! Je suis un consensuel ! » L’oeil acéré de Jullian décoche sa flèche : « Vous êtes un con…sensuel ? Je n’en ai jamais douté. Et c’est agréable ? » Bien à tort, j’ai toujours tendance à assimiler les tenants du consensus à ce bavard distingué aux tempes argentées et à la pochette avantageuse. Bien à tort, car j’en ai connu d’autres qui, sans nécessairement ni l’énoncer ni le proclamer, faisaient réellement consensus autour d’eux. C’était le cas de mon premier patron. Le troisième de la dynastie. Une société familiale créée à la fin du XIX ème siècle et devenue au fil des décennies la référence en son domaine. Infatigable, la mèche en bataille, il portait ses troupes au combat, tel un général de l’Empire. L’esprit de conquête inspirait toute son action. La connaissance approfondie de son entreprise, de son métier, de son marché lui donnait, bien plus que sa légitimité héréditaire, une autorité absolue que nul ne serait venu contester un tant soit peu. Je me rappelle qu’il appelait les représentants, les commerciaux de la firme ses « ambassadeurs ». Et ce n’était pas un acte de démagogie de sa part. Chacun d’ailleurs revendiquait ce titre. Ce type de dirigeant continue d’exister. Le consensus s’est créé autour d’eux dans l’action, en marchant. L’organisation de leur société s’est également modelée au fil du temps et au rythme des événements. L’accent est davantage mis sur les compétences que sur les fonctions. La physiologie d’une telle entreprise est difficile à décrire, encore plus à formaliser. Les directeurs se sont façonné leur place, leurs responsabilités par et à travers leurs initiatives et leurs succès. ## Le mythe de l’organigramme rationnel Lorsque ce monarque éclairé a dû céder la barre à son successeur, issu, pour sa part, de la haute technocratie, la première préoccupation de l’arrivant fut de mettre de « l’ordre » dans l’organisation générale des postes et des fonctions, à ses yeux tout à fait opaque. Si, avec le partant, nul ne prononça jamais le mot « consensus », en revanche cela devint la marotte du nouveau PDG. « Vous aurez un organigramme dans les six mois ! Il faut que cette société ait enfin des règles de fonctionnement claires, admises et comprises par tous ! », annonça-t-il du haut de son autorité. De la boite de Pandore surgirent aussitôt les vices de la division : rivalités refoulées, règlements de comptes sournois, revendications étouffées, conflits souterrains… Néanmoins, contre vents et marées, la création de l’organigramme devint l’obsession du nouveau régime dont le tort fut surtout de s’inspirer de modèles théoriques alors que l’analyse de l’existant aurait dû et pu guider son action réformatrice. Trois ou quatre esquisses donnèrent lieu à des mouvements sociaux, au départ de cadres mécontents, à une dégradation générale des résultats. L’esprit de conquête collectif avait laissé place au mauvais génie de l’ambition individuelle, de l’arrivisme déterminé. Il fallut près de deux ans pour que fût enfin publié le fameux organigramme censé apporter le consensus dans une entreprise défigurée. Le consensus ne se décrète pas, il se façonne et il se crée. Telle est la leçon que je tire de cette expérience. Pour mener à bien une réorganisation consensuelle, il ne suffit pas d’emprunter des schémas livresques. Il faut s’appuyer sur la réalité pour la dynamiser et ouvrir des perspectives. ## Une expérience heureuse en Scandinavie Exemplaire est à ce sujet la transformation d’une grande société de nettoyage scandinave, spécialisée dans le ménage des bureaux. Comme toutes ses semblables, cette entreprise effectuait ses tâches de nuit dans les buildings d’affaires et employait des personnels majoritairement féminins et étrangers. A la pénibilité des travaux s’ajoutait l’absence de toute reconnaissance envers les agents. La présidente de la société avait la désagréable impression de commander et d’administrer des escouades d’esclaves auxquels on manquait singulièrement de respect et qui souffraient de l’ingratitude de leur état. Elle s’employa à convaincre ses grands clients d’accueillir les équipes de nettoyage aux heures ouvrables. Cette modification d’horaire entraîna en chaîne de multiples transformations : les employés apprirent à connaître et à apprécier le personnel de ménage, leurs exigences devinrent moins maniaques, des relations personnelles se nouèrent entre les personnels de bureau et de nettoyage. Ainsi naquirent notamment un grand nombre de liens individuels qui prirent parfois la forme de micro-entreprises : aide ménagère, baby-sitting, gardiennage, cuisine… Le fossé social et culturel s’était comblé entre populations de travailleurs qui se regardaient précédemment en chiens de faïence. Est-il besoin de souligner le bénéfice citoyen réalisé, sur le plan de l’intégration, à travers une telle initiative ? Tout consensus artificiel est un miroir aux alouettes. Bernanos a écrit fort justement : « Qui part d’une équivoque ne peut aboutir qu’à un compromis. » Les politiques sont les champions de ce type d’accord conjoncturel et factice. Un véritable consensus suppose que chaque partie gagne à la transaction.
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institut présaje
2013-10-01
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[ "patrick légeron" ]
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LA DÉFIANCE, OBSTACLE À UN « CONSENSUS DE DIAGNOSTIC » SUR LE STRESS AU TRAVAIL DANS L’ENTREPRISE
# La défiance, obstacle à un « consensus de diagnostic » sur le stress au travail dans l’entreprise La question posée illustre la difficulté du dialogue entre deux camps : « Avant de parler de stress au travail, dites-nous si vous êtes du côté du patron ou du côté des salariés ! ». En intervenant dans une entreprise déstabilisée par des affaires de suicides, Patrick Légeron n’avait d’autre intention que de construire un « consensus de diagnostic ». Il a pris alors la mesure de la chape de défiance qui pèse sur le monde du travail. Il y a une dizaine d’années, alors qu’émergeait au sein du monde du travail la question du stress et de la souffrance qui pouvait y être liée, j’intervenais au sein d’un Comité d’hygiène et de sécurité^1^ d’une grande entreprise dont l’un des salariés venait de faire une tentative de suicide sur son lieu de travail. J’allais exposer aux participants présents, représentants de la direction des ressources humaines et partenaires sociaux, les actions qui pourraient être mises en place pour réduire le stress et prévenir les situations à risques pour les salariés. Avant même de prendre la parole, je suis assez violemment apostrophé par l’un des membres de cette commission. « Dites-nous d’abord si vous êtes du côté du patron ou du côté des salariés ». J’avoue avoir été déstabilisé par cette question, pensant que travailler à améliorer le bien-être des salariés dans une entreprise était une approche « gagnant-gagnant » et bénéficiait tout autant aux individus qu’à l’entreprise. Je pensais aussi qu’en tant qu’expert, je n’étais pas là pour m’inscrire dans un « camp » mais expliquer comment le stress pouvait se développer dans un environnement de travail et comment il pouvait être combattu^2^. Hélas, aujourd’hui encore, l’abord des risques psychosociaux arrive difficilement à faire l’objet d’un consensus dans le monde du travail. Bien sûr, en 2004, un accord européen avait été signé par l’ensemble des partenaires sociaux des 15 pays de l’Union. Cet accord avait même été transposé en France en 2008 au niveau interprofessionnel avec l’aval de l’ensemble des syndicats patronaux et de salariés sur la question du stress au travail. Mais, comme les débats avaient été rudes et laissent encore des traces ! Les positions assez idéologiques sont malheureusement trop fréquentes entre un patronat et des directions d’entreprises qui voient dans le stress uniquement des manifestations de faiblesse psychologique de salariés et celles de certains syndicats qui expliquent tout par une organisation du travail délétère et des formes de management harcelante. En fait, la posture sérieuse est de considérer que ces deux visions du stress professionnel (individuelles et environnementales) se complètent plutôt qu’elles ne s’excluent. Reconnaître une partie de vérité des deux côtés, comme l’établissent les nombreuses recherches scientifiques réalisées dans ce domaine^3^ et travailler à construire un consensus de diagnostic puis d’action tant au niveau collectif qu’individuel est difficile dans notre pays, contrairement à nombreux de nos voisins, surtout d’Europe du Nord, chez qui ces questions sont abordées sereinement et les réponses largement consensuelles. Ce difficile consensus s’explique en partie par l’importante défiance qui existe dans le monde du travail. Au vu des nombreuses enquêtes internationales, la France est un pays où la confiance à autrui est plus faible que dans les autres pays de niveau de développement comparable ^4^. Au sein des entreprises, nous sommes le pays où les syndicats ont le moins de confiance dans le patronat et réciproquement, d’où la dureté du dialogue social aboutissant rarement à des consensus. Dans une récente enquête française réalisée auprès de milliers de salariés, 12% seulement des répondants indiquaient qu’ils faisaient confiance aux syndicats pour améliorer leur bien-être au travail et encore moins (4%) à la direction de leur entreprise. L’immense majorité (74%) estimait que c’était à eux-mêmes qu’ils faisaient le plus confiance dans ce domaine ^5^. Ce repli sur soi quasi narcissique, et l’individualisme qui en résulte, se nourrissent des difficultés du consensus dans le monde du travail. Ils compromettent aussi sérieusement l’indispensable collectif qui doit s’y développer. ^1^ Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail ^2^ Légeron P. Le stress au travail. Odile Jacob, Paris 2001,2003 ^3^ Bellego M., Légeron P., Ribéreau-Gayon H. Les risques psychosociaux au travail. Les difficultés des entreprises à mettre en place des actions de prévention. De Boeck, Bruxelles 2012 ^4^ Algan Y., Cahuc P., Zylberberg A. La fabrique de la défiance. Albin Michel, Paris 2012 ^5^ Krauze J., Méda D., Légeron P., Schwartz Y. Quel travail voulons-nous ? La grande enquête. Les Arènes, Paris 2012.
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institut présaje
2013-10-01
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[ "gérard moatti" ]
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LA POLITIQUE SUR LE RING : QUAND LA LOI ENCOURAGE ET ORGANISE L’ANTAGONISME
# La politique sur le ring : quand la loi encourage et organise l’antagonisme La pratique de l’invective en politique et le combat mortel entre deux camps sont les conséquences objectives de la loi constitutionnelle constate Gérard Moatti. Notre pays se fracture au second tour de l’élection présidentielle. Le quinquennat impose aux présidentiables de taper très vite et très fort. Et la « politique spectacle » ne ferait pas recette sans d’incessantes surenchères démagogiques. La France toujours en guerre contre elle-même, digne héritière d’une Gaule indocile et belliqueuse, la France et ses « 36 millions de sujets, sans compter les sujets de mécontentement », comme disait il y a un siècle et demi Henri de Rochefort, la France querelleuse, chicaneuse, réfractaire au consensus... Cette réputation dans laquelle nous nous complaisons, peut-être parce qu’au fond, elle nous flatte, est-elle vraiment méritée ? Il suffit, direz-vous, de lire les journaux, de regarder la télévision : l’actualité hexagonale n’y est faite que de conflits, protestations, invectives... C’est vrai, mais on peut trouver à cela deux explications : d’une part, la presse ne s’intéresse guère aux trains qui arrivent à l’heure, ni aux sujets sur lesquels tout le monde est d’accord ; d’autre part, elle consacre une grande place à la scène politique, et il est vrai que cette scène est toujours agitée. Mais est-elle le reflet fidèle de la nation ? Ou plutôt un miroir déformant ? Regardons de l’autre côté du Rhin : l’Allemagne, pays du consensus... Cet art de la maîtrise des conflits, cette vie publique qui nous semble tranquille, dépassionnée, sont certes les fruits de l’histoire : les traumatismes du nazisme et de la guerre ont vacciné pour longtemps le personnel politique contre les excès d’agressivité et les violences verbales. Mais les institutions y sont aussi pour beaucoup : alors qu’Angela Merkel vient de triompher aux élections législatives, un mode de scrutin complexe - mi-direct, miproportionnel - la prive de la majorité absolue et l’obligera sans doute à gouverner avec le SPD, comme elle l’a fait entre 2005 et 2009. Même au vainqueur, les structures politiques imposent la recherche du consensus. ## Chacun enfermé dans son camp En France, au contraire, les institutions semblent avoir été calibrées pour l’exclure. D’abord l’élection présidentielle, qui oppose au deuxième tour deux candidats, représentant les deux principales formations politiques : il faut être dans un camp ou dans l’autre, et les formations qui prétendent échapper à cette dichotomie sont menacées d’étiolement, ou rapidement contraintes de se plier à la règle - comme en témoignent les tribulations du Mouvement démocrate de François Bayrou. En outre, le raccourcissement du mandat présidentiel à cinq ans, adopté par référendum en 2000, renforce l’âpreté de l’affrontement, pour trois raisons. D’abord, il rétrécit l’horizon politique, et fait vivre les personnalités « présidentiables » (ou qui se croient telles) dans un climat constant de campagne électorale. Ensuite, il impose au président élu un calendrier serré pour tenir les promesses de son programme, ce qui avive les impatiences des électeurs et les critiques du camp adverse. Enfin, parce que les élections législatives suivent de près l’élection présidentielle, il rend très improbable un scénario de cohabitation - qui impliquerait, malgré tout, une certaine modération dans le combat politique. Le mode de scrutin des élections législatives joue dans le même sens. Uninominal, éliminant les candidats ayant obtenu au premier tour moins de 12,5% des voix des électeurs inscrits, il favorise les grands partis, et traduit les fluctuations de l’électorat en basculements brutaux. Basculements entre la gauche et la droite (les élections de 2007 ont permis à Nicolas Sarkozy, et celles de 2012 à François Hollande, de disposer de majorités absolues à l’Assemblée nationale), mais aussi au sein de chaque camp (la montée du FN divise l’UMP, et menace même sa prépondérance au sein de la droite). ## Prime à la surenchère démagogique Ce caractère radical des changements de majorité alourdit les enjeux de la lutte et influe sur le comportement des acteurs. Avant l’élection présidentielle, il encourage les surenchères démagogiques - on l’a vu lors de la campagne de 2012. Les élections passées, il est très rare qu’une mesure prise par l’équipe en place trouve grâce aux yeux de l’opposition - au sein de laquelle, en outre, s’exerce une rivalité dans la virulence des critiques - alors que, dans bien des domaines, on peutconstater une grande continuité dans les politiques effectivement mises en œuvre. Cet antagonisme « par construction » est-il un handicap pour le pays ? Oui, parce qu’il accélère l’usure du pouvoir et fragilise son action : pour toute réforme projetée, à la patiente recherche de consensus se substitue le test incertain des sondages - ou l’épreuve de la rue. Et aussi parce que les partis dits « de gouvernement », à force de transformer la politique en spectacle, ruinent sa crédibilité et accréditent des scénarios autrement redoutables...
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institut présaje
2013-10-01
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[ "armand braun" ]
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LA RECHERCHE DE CONSENSUS OU L’APPRENTISSAGE DU NOUVEL ART DE VIVRE ENSEMBLE
# La recherche de consensus ou l’apprentissage du nouvel art de vivre ensemble Au départ, deux points de vue opposés. A l’arrivée, un compromis en vue d’une action commune. Dans les sociétés traditionnelles, le « consensus » est l’aboutissement de longues approches et de longs palabres. Mais qu’en est-il dans le monde crispé et pressé de ce début de XXIème siècle ? Armand Braun voit trois difficultés à surmonter dans le contexte actuel. D’abord prendre acte d’un durcissement général des antagonismes. Ensuite, surmonter un diffus sentiment de défiance. Enfin, civiliser les mœurs de la société numérique... Le consensus n’a pas d’âge. Cette manière de négocier est sans doute née avec le marché, dans un lointain passé : sans consensus, en effet, pas de transaction. Le consensus évite les conflits : il permet de tenir compte de la diversité des points de vue, peut faire surgir des compromis auxquels nul n’aurait pensé initialement, il est aussi un moyen pour chacun de s’obliger à clarifier et approfondir sa propre pensée, de faire effort pour l’expliquer et y rallier éventuellement les autres. La recherche du consensus, souvent secrète, certainement dénuée de transparence, est une démarche vertueuse. Depuis toujours, les familles, les groupes de toute nature, les nations recherchent le consensus, en leur sein et dans leurs relations avec les autres. L’exemple le plus connu est celui de la création, dans les années qui ont suivi la deuxième Guerre mondiale, des institutions de Bruxelles par les Etats européens dans l’intention de préserver durablement la paix. La recherche du consensus jouera certainement un rôle demain, comme hier et aujourd'hui. Pourtant, parmi les innombrables transformations que subit le monde, il y a lieu de penser qu’elle va devenir de plus en plus difficile... ... parce que les temps le sont : la défiance tend à remplacer la confiance a priori nécessaire à la recherche du consensus, ... parce que tous les groupes humains subissent de terribles tensions dont les difficultés de fonctionnement de plus en plus grandes que rencontrent les institutions internationales, européennes et mondiales sont une illustration parmi bien d’autres, ... parce que beaucoup de décisions relèvent d’alternatives qui excluent tout compromis et interdisent une issue gagnant-gagnant ; un exemple : l’exploitation des gaz de schistes en France se fera ou ne se fera pas (not in my back yard), ... parce que les arbitrages entre avenir et présent se font presque toujours en faveur de ce dernier, dans l’indifférence aux conséquences à plus long terme, ... en relation avec la montée des outils numériques et des réseaux sociaux, dont le fonctionnement ignore les longues palabres souvent nécessaires à l’apparition du consensus. Le consensus peut porter sur n’importe quoi : faire ou défaire ; promouvoir ou étouffer ; il y a le consensus momentané, qui n’est qu’un armistice ; le consensus imposé, qui est une forme de capitulation ; le consensus immédiatement discrédité défini par ce poncif médiatique : « une décision qui ne fait pas l’unanimité » ; le consensus instrumentalisé par un pouvoir, une croyance ou une idéologie, comme cet « état de consensus » que déclarait le Père Supérieur d’un couvent du Moyen âge pour imposer son point de vue quand les moines n’arrivaient pas à se mettre d’accord ou optaient dans un sens différent du sien (cette anecdote m’a été racontée par Jean-Marie Domenach). En matière politique, par exemple, le consensus est recherché à travers des systèmes de représentation (élus, partenaires sociaux...) qui subissent une désaffection dont témoigne la montée ininterrompue de l’abstention électorale. En fait, ce principe majeur de la vie en société se dégrade, entre autres du fait de l’expression immédiate rendue possible par les nouvelles technologies de l’information et de la communication. Que va-t-il advenir de ce principe de la démocratie qui veut qu’il y ait consensus pour donner le pouvoir à la majorité, alors même que tout le monde n’en partage pas les options ? Le thème du consensus pourrait retrouver une certaine importance au moment où les antagonismes se durcissent entre les administrations et la société civile, les artisans et les entrepreneurs, les analphabètes de l’informatique et les geeks, les jeunes et les vieux, les tenants d’idéologies différentes... Les milieux se referment sur eux-mêmes. L’enjeu, c’est ce que les Allemands appellent la Gemeinschaft, expression que la notion de vivre ensemble traduit imparfaitement. Entre les personnes, entre les groupes, entre les personnes et les groupes, entre tous et les institutions, les règles et les principes de relations harmonieuses sont, de fait, affaiblis. Il s’agit de les repenser ou de les revitaliser. Il faut inventer ex nihilo des consensus en phase avec la réalité d’aujourd’hui et de demain. Thème apparemment désuet, la recherche du consensus redevient un programme s’il est encore possible de faire contrepoids au rapport de force, son adversaire historique.