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CASS/JURITEXT000047878950.xml
COUR DE CASSATION BD CHAMBRE MIXTE Audience publique du 21 juillet 2023 M. SOULARD, premier président Arrêt n° 292 B+R Pourvoi n° D 21-19.936 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, siégeant en CHAMBRE MIXTE, DU 21 JUILLET 2023 La société Hyundai Motor France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 4], a formé le pourvoi n° D 21-19.936, contre l'arrêt rendu le 5 mai 2021 par la cour d'appel de Montpellier (4e chambre civile), dans le litige l'opposant : 1°/ à la société Cerdan occasion, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], 2°/ à la société d'assurances Groupama Rhône-Alpes-Auvergne, dont le siège est [Adresse 3], prise en qualité d'assureur de la société Cerdan occasion, 3°/ à Mme [K] [R], domiciliée [Adresse 2], prise en qualité de mandataire ad hoc de la société Cerdan occasion, défenderesses à la cassation. L'affaire initialement orientée à la première chambre civile, a été renvoyée, par une ordonnance du 4 janvier 2023 du premier président, devant une chambre mixte composée de la première chambre civile, de la troisième chambre civile et de la chambre commerciale. La demanderesse au pourvoi invoque, devant la chambre mixte, un moyen de cassation. Ce moyen a été formulé dans un mémoire déposé au greffe de la Cour de cassation par la SCP Zribi et Téxier, avocat de la société Hyundai Motor France. Un mémoire en défense a été déposé au greffe de la Cour de cassation par la SARL Didier et Pinet, avocat de la société Groupama Rhône-Alpes-Auvergne. Le rapport de Mme Bacache, conseiller rapporteur, et l'avis écrit de Mme Guéguen, premier avocat général, ont été mis à la disposition des parties. Sur le rapport de Mme Bacache, conseiller, assistée de Mme Konopka, auditeur au service de documentation, des études et du rapport, les observations de la SCP Zribi et Téxier, de la SARL Didier et Pinet, et l'avis de Mme Guéguen, premier avocat général, auquel les parties, invitées à le faire, n'ont pas souhaité répliquer, après débats en l'audience publique du 16 juin 2023 où étaient présents M. Soulard, premier président, M. Chauvin, Mme Teiller, M. Vigneau, présidents, Mme Bacache, conseiller rapporteur, M. Echappé, Mmes Duval-Arnould, Darbois, doyens de chambre, Mme Fontaine, MM. Boyer, Fulchiron, Mmes Abgrall, Ducloz, conseillers, Mme Guéguen, premier avocat général, et Mme Mégnien, greffier fonctionnel-expert, la Cour de cassation, siégeant en chambre mixte, composée du premier président, des présidents, des doyens de chambre et des conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 5 mai 2021), le 27 octobre 2010, M. [I] et Mme [P] (les acquéreurs) ont acheté un véhicule d'occasion de la société Cerdan occasion (le vendeur) qui l'avait elle-même acheté, le 23 mars 2007, de la société Hyundai Motor France (le fabricant). 2. Le 23 décembre 2014, invoquant des dysfonctionnements, les acquéreurs ont assigné en référé, pour obtenir la désignation d'un expert, leur assureur et le vendeur, lequel a, le 29 juin 2015, assigné le fabricant afin de lui voir déclarer communes et opposables les opérations d'expertise. 3. Les 19 avril et 3 mai 2016, les acquéreurs ont assigné en indemnisation, sur le fondement de la garantie des vices cachés, l'assureur, le vendeur et le fabricant. Le vendeur a sollicité la garantie du fabricant qui a opposé la prescription des actions à son encontre. 4. Le vendeur a été condamné à indemniser les acquéreurs au titre de la garantie des vices cachés. La société Groupama Rhône-Alpes Auvergne, son assureur, est intervenue volontairement à l'instance d'appel. Examen du moyen Enoncé du moyen 5. La société Hyundai Motor France fait grief à l'arrêt de déclarer recevable l'action récursoire de la société Cerdan Occasion dirigée à son encontre et de la condamner à garantir celle-ci de toutes les condamnations prononcées contre elle alors « que l'action résultant des vices rédhibitoires doit être formée par l'acquéreur, non seulement dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice, mais encore dans le délai de la prescription extinctive de droit commun ; que la prescription de cette action fait obstacle à ce que le vendeur intermédiaire, qui ne dispose pas de plus de droits que l'acquéreur final, puisse exercer son action récursoire contre le constructeur ; qu'en jugeant que la prescription de l'action récursoire de la société Cerdan Occasion a commencé à courir à compter de son assignation par les consorts [I]-[P], le 23 décembre 2014, quand il résultait de ses propres constatations qu'à cette date, la prescription de l'action contre le constructeur était d'ores et déjà acquise pour avoir couru à compter de la vente initiale intervenue le 23 mars 2007, la cour d'appel a violé les articles 1648 du code civil et L. 110-4 du code de commerce. » Réponse de la Cour 6. Selon l'article 1648, alinéa 1er, du code civil, l'action en garantie des vices cachés doit être intentée dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice. 7. Avant l'entrée en vigueur de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, la Cour de cassation jugeait que l'action en garantie légale des vices cachés, qui devait être exercée dans les deux ans de la découverte du vice, devait également être mise en oeuvre dans le délai de prescription extinctive de droit commun, dont le point de départ n'était pas légalement fixé et qu'elle a fixé au jour de la vente (Com., 27 novembre 2001, pourvoi n° 99-13.428, Bull. 2001, IV n° 187 ; 3e Civ., 16 novembre 2005, pourvoi n° 04-10.824, Bull. 2005, III n° 222). 8. Dans les contrats de vente conclus entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants, cette prescription était celle résultant de l'article L. 110-4, I, du code de commerce, qui prévoyait une prescription de dix ans. Dans les contrats de vente civile, cette prescription était celle prévue à l'article 2262 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi du 17 juin 2008 précitée, d'une durée de trente ans. 9. Cependant, la loi du 17 juin 2008, qui a réduit à cinq ans le délai de prescription extinctive de droit commun des actions personnelles ou mobilières désormais prévu à l'article 2224 du code civil, a fixé le point de départ de ce délai au jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. 10. Elle a de même réduit à cinq ans le délai de prescription de l'article L. 110-4, I, du code de commerce afin de l'harmoniser avec celui de l'article 2224 du code civil, mais sans en préciser le point de départ. 11. Elle a également introduit à l'article 2232, alinéa premier, du code civil une disposition nouvelle selon laquelle le report du point de départ, la suspension ou l'interruption de la prescription ne peut avoir pour effet de porter le délai de la prescription extinctive au-delà de vingt ans à compter du jour de la naissance du droit. 12. Ce délai constitue le délai-butoir de droit commun des actions civiles et commerciales au-delà duquel elles ne peuvent plus être exercées (Ass. plén., 17 mai 2023, pourvoi n° 20-20.559, publié). 13. Par ailleurs, il a été jugé que le point de départ du délai de prescription de l'article L. 110-4, I, du code de commerce ne peut que résulter du droit commun de l'article 2224 du code civil (Com., 26 février 2020, pourvoi n° 18-25.036 ; 3e Civ., 19 mars 2020, pourvoi n° 19-13.459 ; 1re Civ., 5 janvier 2022, pourvoi n° 20-16.031 ; 2e Civ., 10 mars 2022, pourvoi n° 20-16.237; Com., 25 janvier 2023, n° 20-12.811, publié). 14. Il s'ensuit que le point de départ glissant de la prescription extinctive des articles 2224 du code civil et L. 110-4, I, du code de commerce se confond désormais avec le point de départ du délai pour agir prévu à l'article 1648, alinéa premier, du code civil, à savoir la découverte du vice. 15. Dès lors, les délais de prescription extinctive des articles 2224 du code civil et L. 110-4, I, du code de commerce ne peuvent plus être analysés en des délais-butoirs spéciaux de nature à encadrer l'action en garantie des vices cachés. 16. Il en résulte que l'encadrement dans le temps de l'action en garantie des vices cachés ne peut plus désormais être assuré que par l'article 2232 du code civil, de sorte que cette action doit être formée dans le délai de deux ans à compter de la découverte du vice ou, en matière d'action récursoire, à compter de l'assignation, sans pouvoir dépasser le délai-butoir de vingt ans à compter du jour de la naissance du droit, lequel est, en matière de garantie des vices cachés, le jour de la vente conclue par la partie recherchée en garantie. 17. L'article 2232 du code civil ayant pour effet, dans les ventes commerciales ou mixtes, d'allonger de dix à vingt ans le délai pendant lequel la garantie des vices cachés peut être mise en oeuvre, le délai-butoir prévu par ce texte relève, pour son application dans le temps, des dispositions transitoires énoncées à l'article 26, I, de la loi du 17 juin 2008, selon lequel les dispositions qui allongent la durée d'une prescription s'appliquent lorsque le délai de prescription n'était pas expiré à la date de son entrée en vigueur et il est alors tenu compte du délai déjà écoulé. 18. Il en résulte que ce délai-butoir est applicable aux ventes conclues avant l'entrée en vigueur de cette loi, si le délai de prescription décennal antérieur n'était pas expiré à cette date, compte étant alors tenu du délai déjà écoulé depuis celle du contrat conclu par la partie recherchée en garantie. 19. En ce qui concerne les ventes civiles, le même dispositif ayant pour effet de réduire de trente à vingt ans le délai de mise en oeuvre de l'action en garantie des vices cachés, le délai-butoir de l'article 2232 du code civil relève, pour son application dans le temps, des dispositions de l'article 26, II, de la loi du 17 juin 2008, et est dès lors applicable à compter du jour de l'entrée en vigueur de cette loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure. 20. La cour d'appel a constaté que la vente à l'origine de la garantie invoquée au soutien de l'action récursoire avait été conclue par le fabricant le 23 mars 2007. 21. Il en résulte que l'action récursoire intentée le 29 juin 2015 par le vendeur contre le fabricant, moins de vingt ans après, est recevable. 22. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1er, et 1015 du code de procédure civile, la décision attaquée se trouve légalement justifiée en ce qu'elle a déclaré recevable l'action récursoire du vendeur contre le fabricant. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société Hyundai Motor France aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, siégeant en chambre mixte, et prononcé par le premier président en son audience publique du vingt et un juillet deux mille vingt-trois.
CASS/JURITEXT000047878946.xml
COUR DE CASSATION LM CHAMBRE MIXTE Audience publique du 21 juillet 2023 Cassation partielle M. SOULARD, premier président Arrêt n° 290 B+R Pourvoi n° T 21-15.809 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, siégeant en CHAMBRE MIXTE, DU 21JUILLET 2023 1°/ la compagnie d'assurances Zurich Insurance PLC, dont le siège est [Adresse 2], 2°/ la société DS Smith France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], ont formé le pourvoi n° T 21-15.809, contre l'arrêt rendu le 17 février 2021 par la cour d'appel de Nîmes (4e chambre commerciale), dans le litige les opposant à la société Gaifin SRL, dont le siège est [Adresse 3] (Italie), défenderesse à la cassation. L'affaire initialement orientée à la chambre commerciale a été renvoyée, par une ordonnance du 22 septembre 2022 du premier président, devant une chambre mixte composée de la première chambre civile, de la troisième chambre civile et de la chambre commerciale. Les demanderesses au pourvoi invoquent, devant la chambre mixte, des moyens de cassation. Ces moyens ont été formulés dans un mémoire déposé au greffe de la Cour de cassation par la SARL Cabinet Munier-Apaire, avocat de la compagnie d'assurances Zurich Insurance PLC et de la société DS Smith France SAS. Un mémoire en défense a été déposé au greffe de la Cour de cassation par la SCP Hémery, Thomas-Raquin, Le Guerer, avocat de la société Gaifin SRL. Des observations en réplique ont été déposées par la SARL Cabinet Munier-Apaire, avocat de la compagnie d'assurances Zurich Insurance PLC et de la société DS Smith France SAS. Le rapport de Mme Fontaine, conseiller rapporteur, et l'avis écrit de Mme Guéguen, premier avocat général, ont été mis à la disposition des parties. Sur le rapport de Mme Fontaine, conseiller, assistée de Mme Konopka, auditeur au service de documentation, des études et du rapport, les observations de la SARL Cabinet Munier-Apaire, de la SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier et l'avis de Mme Guéguen, premier avocat général, auquel les parties, invitées à le faire, n'ont pas souhaité répliquer, après débats en l'audience publique du 16 juin 2023 où étaient présents M. Soulard, premier président, M. Chauvin, Mme Teiller, M. Vigneau, présidents, Mme Fontaine, conseiller rapporteur, M. Echappé, Mmes Duval-Arnould, Darbois, doyens de chambre, MM. Boyer, Fulchiron, Mmes Abgrall, Bacache, Ducloz, conseillers, Mme Guéguen, premier avocat général, et Mme Mégnien, greffier fonctionnel-expert, la Cour de cassation, siégeant en chambre mixte, composée du premier président, des présidents, des doyens de chambre et des conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 17 février 2021), la société Greci Agro-Industriale SRL (la société Greci), producteur de produits alimentaires longue conservation à destination des professionnels, se fournissait en poches de conditionnement stériles et hermétiques auprès de la société Rapak. 2. Des clients ayant soutenu qu'un gonflement anormal des poches avait entraîné la détérioration de leurs produits, la société Greci a déclaré le sinistre à son assureur, la société Zurich Insurance PLC (la société Zurich), qui a diligenté une expertise amiable. 3. Le 16 mai 2013, la société Greci a saisi une juridiction italienne qui a désigné un expert le 24 septembre 2013. 4. Le 25 novembre 2015, la société italienne Gaifin, cessionnaire de la créance de la société Greci, a assigné les sociétés DS Smith France, venant aux droits de la société Rapak, et Zurich en réparation de son préjudice. Examen des moyens Sur le second moyen, pris en ses première et deuxième branches 5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen Enoncé du moyen 6. Les sociétés DS Smith France et Zurich font grief à l'arrêt de rejeter leur fin de non-recevoir tirée de la forclusion de l'action en garantie des vices cachés engagée par la société Gaifin et de dire cette dernière recevable en ses demandes, alors « que la suspension de la prescription prévue par l'article 2239 du code civil n'est pas applicable au délai de forclusion de la garantie des vices cachés ; qu'en énonçant que ''le délai de 2 ans [de l'article 1648, alinéa 1er, du code civil] est suspendu lorsque le juge fait droit à une demande de mesure d'instruction présentée avant tout procès en application de l'article 2239 du code civil, le délai recommençant à courir à compter du jour où la mesure a été exécutée'' (arrêt p. 5 dernier §), pour en déduire qu'était recevable l'action en garantie des vices cachés intentée par la société Gaifin par assignation au fond du 25 novembre 2015, soit moins de deux ans après le dépôt du rapport d'expertise judiciaire le 19 décembre 2013 (arrêt p. 6 § 3), la cour d'appel a violé les articles 1648 et 2239 du code civil. » Réponse de la Cour 7. Aux termes de l'article 1641 du code civil, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage, que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus. 8. En application de l'article 1648 de ce code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2005-136 du 17 février 2005, l'action résultant de tels vices rédhibitoires devait être intentée par l'acquéreur dans un bref délai, suivant la nature de ces vices et l'usage du lieu où la vente avait été faite. 9. L'article 3 de l'ordonnance précitée a substitué à ce bref délai un délai biennal. 10. Dans sa rédaction en vigueur depuis le 28 mars 2009, issue de la loi n° 2009-323 du 25 mars 2009, l'article 1648 du code civil prévoit, en son premier alinéa, que l'action résultant des vices rédhibitoires doit être intentée par l'acquéreur dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice, en son second alinéa, que, dans le cas prévu par l'article 1642-1, l'action doit être introduite, à peine de forclusion, dans l'année qui suit la date à laquelle le vendeur peut être déchargé des vices ou des défauts de conformité apparents. 11. Dans ce second alinéa, le législateur a pris le soin de préciser qu'il s'agissait d'un délai de forclusion. 12. En revanche, il n'a pas spécialement qualifié le délai imparti par le premier alinéa à l'acheteur pour agir en garantie contre le vendeur en application de l'article 1641 du code civil. 13. La Cour de cassation l'a parfois qualifié de délai de forclusion (3e Civ., 10 novembre 2016, pourvoi n° 15-24.289 ; 3e Civ., 5 janvier 2022, pourvoi n° 20-22.670), parfois de délai de prescription (1re Civ., 5 février 2020, pourvoi n° 18-24.365 ; 1re Civ., 25 novembre 2020, pourvoi n° 19-10.824 ; 1re Civ., 20 octobre 2021, pourvoi n° 20-15.070 ; Com., 28 juin 2017, pourvoi n° 15-29.013). 14. Les exigences de la sécurité juridique imposent de retenir une solution unique. 15. Dans le silence du texte, il convient de rechercher la volonté du législateur. 16. D'une part, tant le rapport au président de la République accompagnant l'ordonnance n° 2005-136 du 17 février 2005 que le rapport n° 2836 du 1er février 2006 fait au nom de la commission des affaires économiques de l'environnement et du territoire de l'Assemblée nationale sur le projet de loi de ratification de cette ordonnance ainsi que le rapport n° 277 du 23 mars 2006 fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale du Sénat sur ce même projet de loi de ratification mentionnent un délai de prescription pour l'action en garantie des vices cachés du code civil. 17. D'autre part, l'objectif poursuivi par le législateur étant de permettre à tout acheteur, consommateur ou non, de bénéficier d'une réparation en nature, d'une diminution du prix ou de sa restitution lorsque la chose est affectée d'un vice caché, l'acheteur doit être en mesure d'agir contre le vendeur dans un délai susceptible d'interruption et de suspension. 18. L'ensemble de ces considérations conduit la Cour à juger que le délai biennal prévu à l'article 1648, alinéa 1er, du code civil est un délai de prescription. 19. La cour d'appel a énoncé, en premier lieu, que le délai de deux ans prévu à l'article 1648, alinéa 1er, du code civil pour intenter l'action en garantie des vices rédhibitoires est interrompu par une assignation en référé conformément à l'article 2241 de ce code, en second lieu, que ce délai est en outre suspendu lorsque le juge a fait droit à une demande de mesure d'instruction présentée avant tout procès en application de l'article 2239 du même code, le délai recommençant à courir à compter du jour où la mesure a été exécutée. 20. Après avoir retenu que la saisine de la juridiction italienne, le 16 mai 2013, avait interrompu la prescription jusqu'au 24 septembre 2013, date de l'ordonnance ayant désigné l'expert, elle a relevé que celui-ci avait déposé son rapport le 19 décembre 2013 et que l'assignation au fond avait été signifiée le 25 novembre 2015. 21. Ayant ainsi retenu à bon droit que le délai prévu à l'article 1648, alinéa 1er, du code civil pour exercer l'action en garantie des vices cachés est un délai de prescription susceptible de suspension en application de l'article 2239 de ce code, la cour d'appel en a exactement déduit que l'action n'était pas prescrite. 22. Le moyen n'est donc pas fondé. Mais sur le second moyen, pris en sa troisième branche Enoncé du moyen 23. Les sociétés DS Smith France et Zurich font grief à l'arrêt de les condamner in solidum à payer à la société Gaifin la somme de 377 343,78 euros en réparation de son préjudice économique, avec intérêts légaux et capitalisation, alors « que le juge ne peut se fonder exclusivement sur une expertise non judiciaire réalisée à la demande de l'une des parties ; qu'en se fondant exclusivement sur une expertise non judiciaire réalisée à la demande de la société Gaifin, à savoir un rapport de son expert-comptable (sa pièce 56 en appel), pour retenir que celle-ci démontrait, qu'au préjudice résultant des poches (prétendument) défectueuses livrées aux clients, évalué par le jugement à la somme de 13 795,04 euros, s'ajoutait un préjudice lié aux pulpes de tomates détectées par la société Greci avant commercialisation s'élevant à la somme de 363 548,74 euros, soit la somme totale de 377 343,78 euros (arrêt p. 8 §§ 3 à 6), la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile, ensemble l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. » Réponse de la Cour Vu l'article 16 du code de procédure civile : 24. En application de ce texte, le juge ne peut se fonder exclusivement sur une expertise non judiciaire réalisée à la demande de l'une des parties. 25. Pour condamner les sociétés DS Smith France et Zurich au paiement d'une certaine somme en réparation du préjudice économique subi par la société Gaifin, l'arrêt constate qu'au vu du rejet partiel de ses prétentions en première instance, la société Gaifin produit une nouvelle pièce, le rapport de M. [I], expert-comptable. 26. Après avoir analysé ce seul rapport, il retient qu'il est ainsi démontré qu'au préjudice résultant des poches défectueuses livrées aux clients, justement évalué par le jugement, s'ajoute un préjudice lié aux poches défectueuses détectées par la société Greci avant leur commercialisation. 27. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui, pour apprécier l'existence du second chef de préjudice, s'est fondée exclusivement sur le rapport d'expertise amiable établi non contradictoirement à la demande de la société Gaifin et produit par elle en appel, sans relever l'existence d'autres éléments de preuve le corroborant, a violé le texte susvisé. Portée et conséquences de la cassation 28. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des dispositions de l'arrêt condamnant in solidum les sociétés DS Smith et Zurich à payer à la société Gaifin une certaine somme en réparation de son préjudice économique entraîne la cassation des chefs de dispositif portant sur la capitalisation des intérêts, les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il dit la société Gaifin recevable en ses demandes et constate que la société DS Smith France vient aux droits de la société Rapak, l'arrêt rendu le 17 février 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ; Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ; Condamne la société Gaifin SRL aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, siégeant en chambre mixte, et prononcé par le premier président en son audience publique du vingt et un juillet deux mille vingt-trois.
CASS/JURITEXT000047878952.xml
COUR DE CASSATION LM CHAMBRE MIXTE Audience publique du 21 juillet 2023 M. SOULARD, premier président Arrêt n° 293 B+R Pourvoi n° N 20-10.763 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, siégeant en CHAMBRE MIXTE, DU 21 JUILLET 2023 La société Arbre construction, société à responsabilité limitée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 1], anciennement dénommée société des Etablissements Boulesteix, a formé le pourvoi n° N 20-10.763, contre l'arrêt rendu le 26 novembre 2019 par la cour d'appel de Poitiers (1re chambre civile), dans le litige l'opposant : 1°/ à la société SPA Edilfibro, société de droit étranger, dont le siège est [Adresse 3] (Italie), 2°/ à la société Bois et matériaux, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], venant aux droits de la société Wolseley France bois et matériaux, défenderesses à la cassation, L'affaire initialement orientée à la deuxième chambre civile puis à la chambre commerciale, a été renvoyée, par une ordonnance du 4 janvier 2023 du premier président, devant une chambre mixte composée de la première chambre civile, de la troisième chambre civile et de la chambre commerciale. La demanderesse au pourvoi invoque, devant la chambre mixte, des moyens de cassation. Ces moyens ont été formulés dans un mémoire déposé au greffe de la Cour de cassation par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Arbre construction. Un mémoire en défense a été déposé au greffe de la Cour de cassation par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Bois et matériaux. Un mémoire en défense a été déposé au greffe de la Cour de cassation par la SCP Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de la société Edilfibro. Des observations en réplique et des observations en réplique complémentaires ont été déposées par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Arbre construction. Des observations complémentaires en réponse ont été déposées par la SCP Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de la société Edilfibro. Des observations en vue de l'audience ont été déposées par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Arbre construction. Le rapport de Mme Abgrall, conseiller rapporteur, et l'avis écrit de Mme Guéguen, premier avocat général, ont été mis à la disposition des parties. Sur le rapport de Mme Abgrall, conseiller, assistée de Mme Konopka, auditeur au service de documentation, des études et du rapport, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, et l'avis de Mme Guéguen, premier avocat général, auquel les parties, invitées à le faire, n'ont pas souhaité répliquer, après débats en l'audience publique du 16 juin 2023 où étaient présents M. Soulard, premier président, M. Chauvin, Mme Teiller, M. Vigneau, présidents, Mme Abgrall, conseiller rapporteur, M. Echappé, Mmes Duval-Arnould, Darbois, doyens de chambre, Mme Fontaine, MM. Boyer, Fulchiron, Mmes Bacache, Ducloz, conseillers, Mme Guéguen, premier avocat général, et Mme Mégnien, greffier fonctionnel-expert, la Cour de cassation, siégeant en chambre mixte, composée du premier président, des présidents, des doyens de chambre et des conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 26 novembre 2019), rendu sur renvoi après cassation (Com., 16 janvier 2019, pourvoi n° 17-21.477), et les productions, le 17 mars 2003, la société Vallade Delage a confié la réalisation de travaux de charpente, couverture et bardage d'un bâtiment agricole à la société Boulesteix, devenue la société Arbre construction (le constructeur), qui s'est approvisionnée en plaques de couverture en fibrociment auprès de la société PBM Aquitaine, devenue la société Wolseley France bois matériaux, puis la société Bois et matériaux (le fournisseur), laquelle s'était elle-même fournie auprès de la société de droit italien Edilfibro (le fabricant). 2. Les plaques ont été livrées le 31 décembre 2003 selon une facture émise par la société PBM Aquitaine. 3. Le 29 juillet 2013, la société Vallade Delage, se plaignant d'infiltrations dans la toiture, a assigné le constructeur en référé pour obtenir la désignation d'un expert. 4. Les opérations d'expertise ont été étendues au fournisseur par une ordonnance rendue le 16 octobre 2013 à la suite d'une assignation délivrée par le constructeur le 17 septembre 2013 et au fabricant par une ordonnance rendue le 8 janvier 2014 à l'initiative du fournisseur ; le rapport d'expertise a été déposé le 28 mai 2015. 5. Les 22, 24 et 29 juillet 2015, la société Vallade Delage a assigné le constructeur, le fournisseur et le fabricant en indemnisation de ses préjudices. 6. Le constructeur a appelé en garantie le fournisseur et le fabricant sur le fondement de la garantie des vices cachés. Examen des moyens Sur le moyen du pourvoi additionnel et sur le premier moyen du pourvoi principal La deuxième chambre civile de la Cour de cassation a délibéré sur ces moyens, sur l'avis de M. Aparisi, avocat général référendaire, après débats à l'audience publique du 8 février 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Kermina, conseiller rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, Mme Thomas, greffier de chambre. 7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le troisième moyen du pourvoi principal 8. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Mais sur le deuxième moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche Enoncé du moyen 9. Le constructeur fait grief à l'arrêt de déclarer prescrite son action exercée contre le fournisseur et le fabricant et de dire irrecevables ses demandes envers eux, alors « que les dispositions de l'article 2232 du code civil, issues de la loi du 17 juin 2008, ont porté à vingt ans à compter du jour de la naissance du droit le délai butoir général des actions civiles et commerciales, lequel doit se substituer au délai de cinq ans de l'article L. 110-4 du code de commerce appliqué par la jurisprudence à l'action en garantie des vices cachés sous l'empire du droit antérieur ; qu'en énonçant que contrairement à ce que soutenait l'exposante au visa de l'article 2232 du code civil, c'était bien le délai de l'article L. 110-4 du code de commerce qui constituait le délai butoir de la prescription extinctive de l'action en garantie des vices cachés et ce, y compris depuis l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 réformant la prescription, pour en déduire que son action en garantie des vices cachés dirigée contre les sociétés Bois & Matériaux et Edilfibro était prescrite, la cour d'appel a violé l'article 2232 du code civil, par refus d'application, et l'article L. 110-4 du code de commerce, par fausse application, ensemble l'article 1648 du code civil. » Réponse de la Cour Recevabilité du moyen 10. Le fournisseur et le fabricant contestent la recevabilité du moyen. Ils soutiennent que la cour d'appel de renvoi a statué conformément à l'arrêt de cassation qui la saisissait. 11. Cependant, l'arrêt de cassation qui a saisi la cour d'appel de renvoi ne s'est prononcé que sur le régime de l'action principale engagée par le maître de l'ouvrage contre le constructeur et non sur celui de l'action récursoire engagée par celui-ci contre le fournisseur et le fabricant, objet du présent moyen. 12. Le moyen est donc recevable. Bien-fondé du moyen Vu les articles 1648, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2005-136 du 17 février 2005, 2232, alinéa 1er, et 2224 du code civil, dans leur rédaction issue de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, L. 110-4, I, du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la même loi, et 26, I, de ladite loi : 13. Selon le premier de ces textes, l'action résultant des vices rédhibitoires doit être intentée par l'acquéreur dans un bref délai à compter de la découverte du vice. 14. Selon le quatrième, les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par dix ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions spéciales plus courtes. 15. Selon le troisième, le délai de prescription de cinq ans des actions personnelles et mobilières court à compter du jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. 16. Selon le deuxième, le report du point de départ, la suspension ou l'interruption de la prescription ne peut avoir pour effet de porter le délai de la prescription extinctive au-delà de vingt ans à compter du jour de la naissance du droit. 17. Selon le cinquième, les dispositions de la loi du 17 juin 2008 qui allongent la durée d'une prescription s'appliquent lorsque le délai de prescription n'était pas expiré à la date de son entrée en vigueur. Il est alors tenu compte du délai déjà écoulé. 18. Avant l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, la Cour de cassation jugeait que l'action en garantie légale des vices cachés, qui devait être exercée dans un bref délai, devenu un délai de deux ans depuis l'ordonnance du 17 février 2005 précitée, à compter de la découverte du vice, devait également être mise en oeuvre dans le délai de prescription extinctive de droit commun dont le point de départ n'était pas légalement fixé et qu'elle a fixé au jour de la vente (Com., 27 novembre 2001, pourvoi n° 99-13.428, Bull. 2001, IV n° 187 ; 3e Civ., 16 novembre 2005, pourvoi n° 04-10.824, Bull. 2005, III n° 222). 19. Dans les contrats de vente conclus entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants, cette prescription était celle résultant de l'article L. 110-4, I, du code de commerce précité, d'une durée de dix ans. Dans les contrats de vente civile, cette prescription était celle prévue à l'article 2262 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi du 17 juin 2008, d'une durée de trente ans. 20. Cependant, la loi du 17 juin 2008, qui a réduit à cinq ans le délai de prescription extinctive de droit commun des actions personnelles ou mobilières désormais prévu à l'article 2224 du code civil, a fixé le point de départ de ce délai au jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. 21. Elle a de même réduit à cinq ans le délai de prescription de l'article L. 110-4, I, du code de commerce afin de l'harmoniser avec celui de l'article 2224 du code civil, mais sans en préciser le point de départ. 22. Elle a également introduit, à l'article 2232, alinéa 1er, du code civil, précité, une disposition selon laquelle le délai de prescription extinctive ne peut être porté au-delà de vingt ans à compter de la naissance du droit. 23. Ce délai constitue le délai-butoir de droit commun des actions civiles et commerciales au-delà duquel elles ne peuvent plus être exercées (Ass. plén., 17 mai 2023, pourvoi n° 20-20.559, publié). 24. Par ailleurs, il a été jugé que le point de départ du délai de prescription de l'article L. 110-4, I, du code de commerce ne peut que résulter du droit commun de l'article 2224 du code civil (Com., 26 février 2020, pourvoi n° 18-25.036 ; 3e Civ., 19 mars 2020, pourvoi n° 19-13.459 ; 1re Civ., 5 janvier 2022, pourvoi n° 20-16.031 ; 2e Civ., 10 mars 2022, pourvoi n° 20-16.237 ; Com., 25 janvier 2023, pourvoi n° 20-12.811, publié). 25. Il s'ensuit que le point de départ glissant de la prescription extinctive des articles 2224 du code civil et L. 110-4, I, du code de commerce se confond désormais avec le point de départ du délai pour agir prévu à l'article 1648, alinéa 1er, du code civil, à savoir la découverte du vice. 26. Dès lors, les délais de prescription extinctive des articles 2224 du code civil et L. 110-4, I, du code de commerce ne peuvent plus être analysés en des délais-butoirs spéciaux de nature à encadrer l'action en garantie des vices cachés. 27. Il en résulte que l'encadrement dans le temps de l'action en garantie des vices cachés ne peut plus désormais être assuré que par l'article 2232 du code civil, de sorte que cette action doit être formée dans le bref délai, devenu un délai de deux ans, à compter de la découverte du vice, ou, en matière d'action récursoire, à compter de l'assignation, sans pouvoir dépasser le délai-butoir de vingt ans à compter du jour de la naissance du droit, lequel est, en matière de garantie des vices cachés, le jour de la vente conclue par la partie recherchée en garantie. 28. L'article 2232 du code civil ayant pour effet, dans les ventes commerciales ou mixtes, d'allonger de dix à vingt ans le délai pendant lequel la garantie des vices cachés peut être mise en oeuvre, le délai-butoir prévu par ce texte relève, pour son application dans le temps, des dispositions transitoires énoncées à l'article 26, I, de la loi du 17 juin 2008 précitée. 29. Il en résulte que ce délai-butoir est applicable aux ventes conclues avant l'entrée en vigueur de cette loi, si le délai de prescription décennal antérieur n'était pas expiré à cette date, compte étant alors tenu du délai déjà écoulé depuis celle du contrat conclu par la partie recherchée en garantie. 30. En ce qui concerne les ventes civiles, le même dispositif ayant pour effet de réduire de trente à vingt ans le délai de mise en oeuvre de l'action en garantie des vices cachés, le délai-butoir de l'article 2232 du code civil, relève, pour son application dans le temps, des dispositions de l'article 26, II, de la loi du 17 juin 2008, et est dès lors applicable à compter du jour de l'entrée en vigueur de cette loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure. 31. Pour déclarer prescrites les actions récursoires du constructeur, l'arrêt énonce que le délai de l'article L. 110-4 du code de commerce constitue le délai-butoir de la prescription extinctive de l'action en garantie des vices cachés et ce, y compris depuis l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, qu'il appartenait au constructeur d'agir, non seulement dans le délai de deux ans à compter de la révélation du vice apportée par les conclusions du rapport d'expertise, mais aussi avant l'expiration du délai de l'article L. 110-4, lequel, ramené de dix à cinq ans par la loi du 17 juin 2008 et non encore échu à l'entrée en vigueur de ce texte, les matériaux ayant été livrés le 31 décembre 2003, expirait le 18 juin 2013, et en déduit que les actions du constructeur étaient prescrites lorsqu'il a assigné le fabricant et le fournisseur le 17 septembre 2013. 32. En se déterminant ainsi, alors que, depuis l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, si le délai de prescription décennal antérieur n'est pas expiré à cette date, l'action en garantie des vices cachés est encadrée par le délai-butoir de vingt ans de l'article 2232 du code civil courant à compter de la vente conclue par la partie recherchée en garantie, la cour d'appel, qui n'a pas recherché si, à la date du recours du constructeur contre son fournisseur, d'une part, et contre le fabricant, d'autre part, le délai de dix ans courant à compter de chacune des ventes conclues par ces parties n'était pas expiré, et, dans la négative, si les recours avaient été engagés dans le délai de vingt ans suivant la date de chacune des ventes, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 26 novembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ; Condamne les sociétés Edilfibro et Bois et matériaux aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, siégeant en chambre mixte, et prononcé par le premier président en son audience publique du vingt et un juillet deux mille vingt-trois.
CASS/JURITEXT000047878948.xml
COUR DE CASSATION BD CHAMBRE MIXTE Audience publique du 21 juillet 2023 M. SOULARD, premier président Arrêt n° 291 B+R Pourvoi n° V 21-17.789 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, siégeant en CHAMBRE MIXTE, DU 21 JUILLET 2023 La société Nissan Center Europe GmbH, dont le siège est [Adresse 2] (Allemagne), a formé le pourvoi n° V 21-17.789, contre l'arrêt rendu le 9 février 2021 par la cour d'appel de Poitiers (1re chambre civile), dans le litige l'opposant à M. [X] [D]-[O], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation. L'affaire initialement orientée à la première chambre civile, a été renvoyée, par une ordonnance du 4 janvier 2023 du premier président, devant une chambre mixte composée de la première chambre civile, de la troisième chambre civile et de la chambre commerciale. La demanderesse au pourvoi invoque, devant la chambre mixte, un moyen de cassation. Ce moyen a été formulé dans un mémoire déposé au greffe de la Cour de cassation par la SCP Le Bret-Desaché, avocat de la société Nissan Center Europe GmbH. Un mémoire en défense a été déposé au greffe de la Cour de cassation par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [X] [D]-[O]. Des observations en réplique ont été déposées par la SCP Le Bret-Desaché, avocat de la société Nissan Center Europe GmbH. Des observations complémentaires sur l'article 1015 du code de procédure civile ont été déposées par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [X] [D]-[O]. Des observations en réponse à l'article 1015 du code de procédure civile ont été déposées par la SCP Le Bret-Desaché, avocat de la société Nissan Center Europe GmbH. Le rapport de Mme Bacache, conseiller rapporteur, et l'avis écrit de Mme Guéguen, premier avocat général, ont été mis à la disposition des parties. Sur le rapport de Mme Bacache, conseiller, assistée de Mme Konopka, auditeur au service de documentation, des études et du rapport, les observations de la SCP Le Bret-Desaché, de la SARL Lyon-Caen et Thiriez, et l'avis de Mme Guéguen, premier avocat général, auquel les parties, invitées à le faire, n'ont pas souhaité répliquer, après débats en l'audience publique du 16 juin 2023 où étaient présents M. Soulard, premier président, M. Chauvin, Mme Teiller, M. Vigneau, présidents, Mme Bacache, conseiller rapporteur, M. Echappé, Mmes Duval-Arnould, Darbois, doyens de chambre, Mme Fontaine, MM. Boyer, Fulchiron, Mmes Abgrall, Ducloz, conseillers, Mme Guéguen, premier avocat général, et Mme Mégnien, greffier fonctionnel-expert, la Cour de cassation, siégeant en chambre mixte, composée du premier président, des présidents, des doyens de chambre et des conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 9 février 2021), le 7 mars 2008, M. [D]-[O] (l'acheteur) a acquis de la société Leader Car (le vendeur) un véhicule qui avait été vendu à l'origine par la société Nissan Center Europe (le fabricant) et mis en circulation le 30 mars 2007. 2. Les 23 août et 29 novembre 2013, l'acheteur, alléguant l'existence de vices cachés affectant l'usage du véhicule, a assigné le fabricant en référé pour obtenir la désignation d'un expert. 3. Les 6 mai et 6 juin 2016, à la suite du dépôt du rapport d'expertise le 28 janvier 2015, l'acheteur a assigné en restitution du prix et paiement de dommages et intérêts le fabricant, sur le fondement de la garantie des vices cachés, lequel a opposé la prescription de l'action. Examen du moyen Enoncé du moyen 4. Le fabricant fait grief a l'arrêt de déclarer recevables les demandes présentées par l'acheteur à son encontre, alors : « 1°/ que l'action en garantie des vices cachés prévue à l'article 1648 du code civil, qui doit être exercée dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice, est aussi enfermée dans le délai de prescription fixé par l'article L. 110-4 du code de commerce, lequel, d'une durée de dix ans ramenée à cinq ans par la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, court à compter de la vente initiale, lorsque le sous acquéreur agit contre le fabricant ou le vendeur initial ; qu'en ayant jugé que l'action en garantie des vices cachés intentée par M. [D]-[O] contre la société Nissan Center Europe, était recevable, car la prescription n'avait pu courir que depuis la découverte du vice affectant le véhicule, soit le 28 janvier 2015, date du dépôt du rapport d'expertise, quand la première mise en circulation du véhicule datant de 30 mars 2007, le délai quinquennal de prescription de l'action contre l'exposante était expiré le 19 juin 2013, la cour d'appel a violé les articles 1648 du code civil et L. 110-4 du code de commerce ; 2°/ que si le sous-acquéreur agit directement en garantie des vices cachés contre le constructeur du véhicule, la prescription quinquennale court depuis la vente initiale et non depuis le jour où l'acquéreur a connu le vice, ce point de départ n'étant opérant que pour la prescription biennale ; qu'en ayant jugé que la prescription quinquennale avait couru depuis la connaissance, par M. [D] [O], du vice affectant le véhicule, quand ce point de départ ne concernait que la seconde prescription, biennale, la cour d'appel a violé les articles 1648 du code civil et L. 110-4 du code de commerce ; 3°/ que si le sous-acquéreur agit directement en garantie des vices cachés contre le fabricant du véhicule, la prescription quinquennale court depuis la vente initiale et non depuis le jour où l'acquéreur a connu le vice, ce point de départ n'étant opérant que pour la prescription biennale ; qu'en ayant jugé que la prescription quinquennale avait couru depuis la connaissance, par M. [D]-[O], du vice affectant le véhicule, prétexte pris de ce que le vendeur initial connaissait l'existence de ce vice, la cour d'appel a violé les articles 1648 du code civil et L. 110-4 du code de commerce. » Réponse de la Cour 5. Selon l'article 1648, alinéa 1er, du code civil, l'action en garantie des vices cachés doit être intentée dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice. 6. Avant l'entrée en vigueur de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, la Cour de cassation jugeait que l'action en garantie légale des vices cachés, qui devait être exercée dans les deux ans de la découverte du vice, devait également être mise en oeuvre dans le délai de prescription extinctive de droit commun, dont le point de départ n'était pas légalement fixé et qu'elle a fixé au jour de la vente (Com., 27 novembre 2001, pourvoi n° 99-13.428, Bull. 2001, IV n° 187 ; 3e Civ., 16 novembre 2005, pourvoi n° 04-10.824, Bull. 2005, III n° 222). 7. Dans les contrats de vente conclus entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants, cette prescription était celle résultant de l'article L. 110-4, I, du code de commerce, qui prévoyait une prescription de dix ans. Dans les contrats de vente civile, cette prescription était celle prévue à l'article 2262 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi du 17 juin 2008 précitée, d'une durée de trente ans. 8. Cependant, la loi du 17 juin 2008, qui a réduit à cinq ans le délai de prescription extinctive de droit commun des actions personnelles ou mobilières désormais prévu à l'article 2224 du code civil, a fixé le point de départ de ce délai au jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. 9. Elle a de même réduit à cinq ans le délai de prescription de l'article L. 110-4, I, du code de commerce afin de l'harmoniser avec celui de l'article 2224 du code civil, mais sans en préciser le point de départ. 10. Elle a également introduit à l'article 2232, alinéa premier, du code civil une disposition nouvelle selon laquelle le report du point de départ, la suspension ou l'interruption de la prescription ne peut avoir pour effet de porter le délai de la prescription extinctive au-delà de vingt ans à compter du jour de la naissance du droit. 11. Ce délai constitue le délai-butoir de droit commun des actions civiles et commerciales au-delà duquel elles ne peuvent plus être exercées (Ass. plén., 17 mai 2023, pourvoi n° 20-20.559, publié). 12. Par ailleurs, il a été jugé que le point de départ du délai de prescription de l'article L. 110-4, I, du code de commerce ne peut que résulter du droit commun de l'article 2224 du code civil (Com., 26 février 2020, pourvoi n° 18-25.036 ; 3e Civ., 19 mars 2020, pourvoi n° 19-13.459 ; 1re Civ., 5 janvier 2022, pourvoi n° 20-16.031 ; 2e Civ., 10 mars 2022, pourvoi n° 20-16.237 ; Com., 25 janvier 2023, n° 20-12.811, publié). 13. Il s'ensuit que le point de départ glissant de la prescription extinctive des articles 2224 du code civil et L. 110-4, I, du code de commerce se confond désormais avec le point de départ du délai pour agir prévu à l'article 1648, alinéa premier, du code civil, à savoir la découverte du vice. 14. Dès lors, les délais de prescription extinctive des articles 2224 du code civil et L. 110-4, I, du code de commerce ne peuvent plus être analysés en des délais-butoirs spéciaux de nature à encadrer l'action en garantie des vices cachés. 15. Il en résulte que l'encadrement dans le temps de l'action en garantie des vices cachés ne peut plus désormais être assuré que par l'article 2232 du code civil, de sorte que cette action doit être formée dans le délai de deux ans à compter de la découverte du vice sans pouvoir dépasser le délai-butoir de vingt ans à compter du jour de la naissance du droit, lequel est, en matière de garantie des vices cachés, le jour de la vente conclue par la partie recherchée en garantie. 16. L'article 2232 du code civil ayant pour effet, dans les ventes commerciales ou mixtes, d'allonger de dix à vingt ans le délai pendant lequel la garantie des vices cachés peut être mise en oeuvre, le délai-butoir prévu par ce texte relève, pour son application dans le temps, des dispositions transitoires énoncées à l'article 26, I, de la loi du 17 juin 2008, selon lequel les dispositions qui allongent la durée d'une prescription s'appliquent lorsque le délai de prescription n'était pas expiré à la date de son entrée en vigueur et il est alors tenu compte du délai déjà écoulé. 17. Il en résulte que ce délai-butoir est applicable aux ventes conclues avant l'entrée en vigueur de cette loi, si le délai de prescription décennal antérieur n'était pas expiré à cette date, compte étant alors tenu du délai déjà écoulé depuis celle du contrat conclu par la partie recherchée en garantie. 18. En ce qui concerne les ventes civiles, le même dispositif ayant pour effet de réduire de trente à vingt ans le délai de mise en oeuvre de l'action en garantie des vices cachés, le délai-butoir de l'article 2232 du code civil relève, pour son application dans le temps, des dispositions de l'article 26, II, de la loi du 17 juin 2008, et est dès lors applicable à compter du jour de l'entrée en vigueur de cette loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure. 19. La cour d'appel a constaté que le véhicule avait été vendu par le fabricant et mis en circulation le 30 mars 2007. 20. Il en résulte que l'action directe intentée le 6 mai 2016 par l'acquéreur à l'encontre du fabricant, moins de vingt ans après, est recevable. 21. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1er, et 1015 du code de procédure civile, la décision attaquée se trouve légalement justifiée en ce qu'elle a déclaré recevable l'action de l'acquéreur à l'encontre du fabricant. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société Nissan Center Europe aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, siégeant en chambre mixte, et prononcé par le premier président en son audience publique du vingt et un juillet deux mille vingt-trois.
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 12 juillet 2023 M. CHAUVIN, président Arrêt n° 507 FS-B Pourvoi n° Z 22-16.946 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 12 JUILLET 2023 M. [L], domicilié [Adresse 1] (Inde), a formé le pourvoi n° Z 22-16.946 contre l'arrêt rendu le 2 juillet 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 1, chambre 1), dans le litige l'opposant au procureur général près la cour d'appel de Paris, domicilié en son parquet général, [Adresse 2], défendeur à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Ancel, conseiller, les observations de la SCP Poupet & Kacenelenbogen, avocat de M. [L], et l'avis de M. Salomon, avocat général, après débats en l'audience publique du 13 juin 2023 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Ancel, conseiller rapporteur, Mme Guihal, conseiller doyen, MM. Hascher, Bruyère, conseillers, Mmes Kloda, Dumas, Champ, Robin-Raschel, conseillers référendaires, M. Salomon, avocat général, et Mme Vignes, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 2 juillet 2019), M. [L], né le 20 novembre 1995 à [Localité 5] (Inde), a engagé une action déclaratoire de nationalité française par filiation paternelle. 2. Le ministère public a opposé la désuétude prévue par l'article 30-3 du code civil. Examen du moyen Enoncé du moyen 3. M. [L] fait grief à l'arrêt de le déclarer irrecevable à faire la preuve qu'il a, par filiation, la nationalité française, de juger qu'il est réputé avoir perdu la nationalité française le 17 août 2012 et d'ordonner la mention prévue par l'article 28 du code civil, alors : « 1°/ que l'article 30-3 du code civil édicte non pas une règle de preuve mais une fin de non-recevoir ; que le juge est tenu d'écarter l'irrecevabilité tirée de cette fin de non-recevoir si sa cause a disparu au jour où il statue ; que pour déclarer irrecevable M. [L] à faire la preuve qu'il a, par filiation, la nationalité française, et le juger réputé avoir perdu la nationalité française le 17 août 2012, la cour d'appel affirme que l'article 30-3 du code civil édicte une règle de preuve et non une fin de non-recevoir, de sorte qu'aucune régularisation sur le fondement de l'article 126 du code de procédure civile ne peut intervenir ; qu'elle en déduit que dès lors que les conditions d'application du premier de ces textes sont réunies en l'espèce, M. [L] n'est plus admis à rapporter la preuve de sa nationalité française par filiation, peu important que son père, M. [T], ait été déclaré français par jugement du 5 juillet 2013 (arrêt, p. 4, § 2) ; qu'en statuant ainsi, quand il résultait de ses propres constatations que l'action déclaratoire de M. [L] avait été introduite le 26 février 2015 (arrêt, p. 3, § 6), soit postérieurement au jugement déclarant son père français, ce que M. [L] pouvait utilement invoquer pour faire la preuve qu'il avait la nationalité française, la cour d'appel a violé les dispositions des articles 30-3 du code civil et 126 du code de procédure civile ; 2°/ que la condition temporelle prévue par l'article 30-3 du code civil ne concerne que le délai cinquantenaire durant lequel les ascendants sont restés fixés à l'étranger ; que pour statuer comme elle l'a fait et écarter les éléments de possession d'état de Français invoqués et produits par M. [L], la cour d'appel énonce que celui-ci ne produit ni pour lui-même ni pour son père d'éléments de possession d'état de Français, durant la période antérieure au 17 août 2012, lendemain de la date d'anniversaire des cinquante ans de l'entrée en vigueur du Traité de cession signé le 28 mai 1956 ; qu'en se déterminant ainsi, cependant que l'article 30-3 du code civil n'interdit pas de faire la preuve de la nationalité française en invoquant une possession d'état de Français postérieure à l'écoulement du délai cinquantenaire qui ne concerne que la fixation de la résidence des ascendants à l'étranger, la cour d'appel a violé les dispositions des articles 23-6 et 30-3 du code civil ; 3°/ que le point de départ de la condition tenant à la résidence des ascendants à l'étranger s'apprécie au jour de naissance du premier ascendant saisi par le Traité de cession des établissements français en Inde du 28 mai 1956 susceptible de transmettre la nationalité française à l'intéressé ; que pour statuer comme elle l'a fait, la cour d'appel affirme que le délai cinquantenaire prévu à l'article 30-3 du code civil est acquis en ce que les ascendants de M. [L] sont restés fixés depuis plus de cinquante ans à l'étranger ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la Mme [Y], grand-mère de M. [L], était effectivement saisie par ce Traité, de sorte que si le premier ascendant saisi par celui-ci était M. [T], père de M. [L] né le 23 avril 1966 et n'ayant pas atteint l'âge de cinquante ans au jour de l'introduction de l'action déclaratoire de son fils le 26 février 2015, le délai cinquantenaire n'était, à cette date, pas arrivé à son terme, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 30-3 du code civil. » Réponse de la Cour 4. Selon l'article 30-3 du code civil, celui qui réside ou a résidé habituellement à l'étranger, où les ascendants dont il tient par filiation la nationalité sont demeurés fixés pendant plus d'un demi-siècle, n'est pas admis à faire la preuve qu'il a, par filiation, la nationalité française si lui-même et celui de ses père et mère qui a été susceptible de la lui transmettre n'ont pas eu la possession d'état de Français. 5. Ce texte interdit, dès lors que les conditions qu'il pose sont réunies, de rapporter la preuve de la transmission de la nationalité française par filiation, en rendant irréfragable la présomption de perte de celle-ci par désuétude. Edictant une règle de preuve, l'obstacle qu'il met à l'administration de celle-ci ne constitue pas une fin de non-recevoir au sens de l'article 122 du code de procédure civile, de sorte qu'aucune régularisation sur le fondement de l'article 126 du même code ne peut intervenir. 6. Ayant relevé que l'intéressé ne produisait ni pour lui-même ni pour son père, seul susceptible de lui transmettre la nationalité française par filiation, des éléments de possession d'état de Français, durant la période antérieure au 17 août 2012, lendemain de la date anniversaire des cinquante ans de l'entrée en vigueur du Traité de cession des établissements français de [Localité 5], de [Localité 3], de [Localité 4] et de [Localité 6], signé le 28 mai 1956, la cour d'appel, qui n'avait pas à procéder à la recherche inopérante visée à la troisième branche, en a exactement déduit que M. [L] était réputé avoir perdu, à cette date, la nationalité française, de sorte qu'il n'était plus admis à rapporter la preuve de sa nationalité française par filiation, peu important que son père ait été déclaré français par un jugement du 5 juillet 2013. 7. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne M. [L] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze juillet deux mille vingt-trois.
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 5 juillet 2023 Cassation partielle M. CHAUVIN, président Arrêt n° 515 FS-B Pourvoi n° P 22-18.914 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 5 JUILLET 2023 Mme [T] [C], épouse [M], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° P 22-18.914 contre l'arrêt rendu le 31 mai 2022 par la cour d'appel de Caen (1re chambre civile), dans le litige l'opposant à la société Sanofi Pasteur, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme de Cabarrus, conseiller référendaire, les observations de la SCP Yves et Blaise Capron, avocat de Mme [M], de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de la société Sanofi Pasteur, l'avis écrit de M. Chaumont, avocat général, et l'avis oral de Mme Mallet-Bricout, avocat général, après débats en l'audience publique du 20 juin 2023 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme de Cabarrus, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, MM. Jessel, Mornet, Chevalier, Mmes Kerner-Menay, Bacache-Gibeili, conseillers, Mme Le Gall, conseiller référendaire, Mme Mallet-Bricout, avocat général, et Mme Tinchon, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Caen, 31 mai 2022), le 20 mars 2003, Mme [M] a été vaccinée contre la diphtérie, le tétanos et la polyomyélite au moyen du vaccin Revaxis, fabriqué par la société Sanofi Pasteur (la société). 2. Le 17 juin 2020, éprouvant différents troubles imputés par elle à une myofasciite à macrophages consécutive à la vaccination, elle a assigné la société en responsabilité et indemnisation. La société lui a opposé la prescription de son action. Examen des moyens Sur le premier moyen, pris en ses première et seconde branches Enoncé du moyen 3. Mme [M] fait grief à l'arrêt de constater l'irrecevabilité de son action à l'encontre de la société, de déclarer irrecevables ses demandes fondées sur les dispositions des articles 1245-1 et suivants du code civil et de constater l'extinction de l'instance, alors : « 1°/ que l'action en réparation fondée sur la responsabilité du fait des produits défectueux se prescrit dans un délai de trois ans à compter de la date à laquelle le demandeur a eu ou aurait dû avoir connaissance du dommage, du défaut et de l'identité du producteur ; que, lorsque le dommage est un dommage corporel, la date à laquelle le demandeur a eu ou aurait dû avoir connaissance du dommage est celle de la consolidation, qui est la date de la manifestation du dommage et, donc, la seule permettant au demandeur de mesurer l'étendue de son dommage et d'avoir ainsi connaissance de celui-ci ; qu'il en résulte que le point de départ du délai de prescription auquel est soumise l'action en réparation d'un dommage corporel fondée sur la responsabilité du fait des produits défectueux ne peut être fixé à une date antérieure à la date de la consolidation ; que, d'autre part, la date de la consolidation d'un dommage corporel est la date de stabilisation des conséquences des lésions organiques et physiologiques, c'est-à-dire celle à laquelle les lésions se fixent et prennent un caractère permanent, tel qu'un traitement n'est plus nécessaire, si ce n'est pour éviter une aggravation, et qu'il est possible d'apprécier un certain degré d'incapacité permanente réalisant un préjudice définitif ; qu'en énonçant, par conséquent, pour retenir que l'action de Mme [M], à l'encontre de la société Sanofi Pasteur fondée sur la responsabilité du fait des produits défectueux était prescrite et pour, en conséquence, déclarer irrecevables les demandes de Mme [M], fondées sur les dispositions des articles 1245-1 et suivants du code civil et constater l'extinction de l'instance entre Mme [M], et la société Sanofi Pasteur, qu'au plus tard le 15 octobre 2013, Mme [M], disposait d'éléments complets sur ses différentes pathologies et sur leur étiologie prétendue, c'est-à-dire sur leur cause résidant dans la défectuosité prétendu du vaccin à l'origine du syndrome de myofasciite à macrophage diagnostiqué au mois de mars 2008 et qu'au plus tard à la date du 15 octobre 2013, Mme [M], avait une connaissance précise du dommage, c'est-à-dire des diverses pathologies alléguées à la suite des multiples examens et bilans réalisés en 2013, quand, en se déterminant de la sorte, elle ne caractérisait pas que le 15 octobre 2013 était la date de consolidation des pathologies invoquées par Mme [M], la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l'article 1386-17 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, et des dispositions de l'article 1245-16 du code civil ; 2°/ que l'action en réparation fondée sur la responsabilité du fait des produits défectueux se prescrit dans un délai de trois ans à compter de la date à laquelle le demandeur a eu ou aurait dû avoir connaissance du dommage, du défaut et de l'identité du producteur ; l'action en réparation fondée sur la responsabilité du fait des produits défectueux se prescrit dans un délai de trois ans à compter de la date à laquelle le demandeur a eu ou aurait dû avoir connaissance du dommage, du défaut et de l'identité du producteur ; que, lorsque le dommage est un dommage corporel, la date à laquelle le demandeur a eu ou aurait dû avoir connaissance du dommage est celle de la consolidation, qui est la date de la manifestation du dommage et, donc, la seule permettant au demandeur de mesurer l'étendue de son dommage et d'avoir ainsi connaissance de celui-ci ; qu'il en résulte que le point de départ du délai de prescription auquel est soumise l'action en réparation d'un dommage corporel fondée sur la responsabilité du fait des produits défectueux ne peut être fixé à une date antérieure à la date de la consolidation ; que la circonstance que le dommage est un dommage corporel présentant un caractère évolutif est de nature à faire obstacle à la fixation de la date de la consolidation ; qu'en énonçant, par conséquent, pour retenir que l'action de Mme [M] à l'encontre de la société fondée sur la responsabilité du fait des produits défectueux était prescrite et pour, en conséquence, déclarer irrecevables les demandes de Mme [M] fondées sur les dispositions des articles 1245-1 et suivants du code civil et constater l'extinction de l'instance entre Mme [M] et la société, qu'au plus tard le 15 octobre 2013, Mme [M] disposait d'éléments complets sur ses différentes pathologies et sur leur étiologie prétendue, c'est-à-dire sur leur cause résidant dans la défectuosité prétendu du vaccin à l'origine du syndrome de myofasciite à macrophage diagnostiqué au mois de mars 2008 et qu'au plus tard à la date du 15 octobre 2013, Mme [M] avait une connaissance précise du dommage, c'est-à-dire des diverses pathologies alléguées à la suite des multiples examens et bilans réalisés en 2013, sans rechercher, ainsi qu'elle y avait été invitée par Mme [M], si les pathologies invoquées par Mme [M] ne présentaient pas un caractère évolutif et si cette circonstance n'avait pas eu pour conséquence que le délai de prescription auquel était soumise l'action de Mme [M] à l'encontre de la société fondée sur la responsabilité du fait des produits défectueux n'avait pu commencer à courir, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l'article 1386-17 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, et des dispositions de l'article 1245-16 du code civil. » Réponse de la Cour Vu l'article 1386-17, devenu 1245-16, du code civil : 4. Selon ce texte, l'action en réparation fondée sur les dispositions des articles 1245 et suivants de ce code se prescrit dans un délai de trois ans à compter de la date à laquelle le demandeur a eu ou aurait dû avoir connaissance du dommage, du défaut et de l'identité du producteur. 5. En cas de dommage corporel, la date de la connaissance du dommage doit s'entendre de celle de la consolidation, permettant seule au demandeur de mesurer l'étendue de son dommage. 6. En cas de pathologie évolutive, qui rend impossible la fixation d'une date de consolidation, le délai de prescription fixé par le texte susvisé ne peut commencer à courir. 7. Pour déclarer irrecevables les demandes de Mme [M] fondées sur la responsabilité du fait des produits défectueux, l'arrêt retient que celle-ci a subi, en 2013, de multiples examens et bilans de ses différentes pathologies, dont la plupart étaient apparues entre 2004 et 2007 et qu'au plus tard le 15 octobre 2013, jour du dernier examen médical, elle avait donc une connaissance précise de son dommage. 8. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si le dommage de Mme [M] était consolidé et, à défaut, si sa pathologie présentait un caractère évolutif faisant obstacle à la consolidation, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision. Et sur le second moyen, pris en sa quatrième branche Enoncé du moyen 9. Mme [M] fait grief à l'arrêt de constater l'irrecevabilité de son action à l'encontre de la société, de déclarer irrecevables ses demandes fondées sur les dispositions des articles 1240 et 1241 du code civil et de constater l'extinction de l'instance, alors « que l'action en responsabilité née à raison d'un événement ayant entraîné un dommage corporel, engagée par la victime directe ou indirecte des préjudices qui en résultent, se prescrit par dix ans à compter de la date de la consolidation du dommage initial ou aggravé ; qu'en retenant, par conséquent, pour constater que l'action de Mme [M], à l'encontre de la société fondée sur la responsabilité délictuelle pour faute était prescrite et pour, en conséquence, déclarer irrecevables les demandes de Mme [M], fondées sur les dispositions des articles 1240 et 1241 du code civil et constater l'extinction de l'instance entre Mme [M], et la société, que l'action de Mme [M], à l'encontre de la société fondée sur la responsabilité délictuelle pour faute était soumise au délai de prescription de cinq ans prévu par les dispositions de l'article 2224 du code civil, quand il résultait de ses propres constatations que cette action était née d'un événement ayant entraîné un dommage corporel et quand il en résultait que cette action était soumise à un délai de prescription de dix ans, la cour d'appel a violé les dispositions des articles 2224 et 2226 du code civil. » Réponse de la Cour Recevabilité du moyen 10. La société conteste la recevabilité du moyen. Elle soutient que le moyen est nouveau et mélangé de fait et de droit. 11. Cependant, le moyen est né de la décision attaquée. 12. Il est donc recevable. Bien-fondé du moyen Vu l'article 2226 du code civil : 13. Aux termes de ce texte, l'action en responsabilité née à raison d'un événement ayant entraîné un dommage corporel, engagée par la victime directe ou indirecte des préjudices qui en résultent, se prescrit par dix ans à compter de la date de la consolidation du dommage initial ou aggravé. 14. Pour déclarer irrecevables les demandes de Mme [M] fondées sur la responsabilité pour faute, l'arrêt fait application de l'article 2224 du code civil. 15. En statuant ainsi, après avoir constaté que Mme [M] agissait en réparation de préjudices résultant d'un dommage corporel, la cour d'appel a violé le texte susvisé, par refus d'application. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare irrecevables les conclusions déposées au greffe et notifiées par Mme [M] le 8 mars 2022 comme étant tardives, l'arrêt rendu le 31 mai 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ; Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rouen ; Condamne la société Sanofi Pasteur aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Sanofi Pasteur et la condamne à payer à Mme [M] la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq juillet deux mille vingt-trois.
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 6 juillet 2023 Cassation partielle Mme LEROY-GISSINGER, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 793 F-B Pourvoi n° J 22-19.623 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 6 JUILLET 2023 Mme [X] [K], épouse [G], domiciliée [Adresse 3], a formé le pourvoi n° J 22-19.623 contre l'arrêt rendu le 31 mai 2022 par la cour d'appel de Grenoble (2e chambre civile), dans le litige l'opposant : 1°/ à la société Mutuelle assurances corps santé français, dont le siège est [Adresse 1], 2°/ à la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 5], dont le siège est [Adresse 2], 3°/ à la société Mutuelle Intériale, dont le siège est [Adresse 4], défenderesses à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Philippart, conseiller référendaire, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de Mme [K], de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la société Mutuelle assurances corps santé français, et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 31 mai 2023 où étaient présents Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Philippart, conseiller référendaire rapporteur, Mme Isola, conseiller, et M. Carrasco, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 31 mai 2022), Mme [G] a été victime, le 24 mai 2015, alors qu'elle était passagère d'une motocyclette, d'un accident de la circulation impliquant un véhicule automobile assuré par la société Mutuelle assurances corps santé français (l'assureur). 2. Mme [G] a assigné l'assureur devant un tribunal de grande instance, en présence de la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 5] et de la mutuelle Intériale, en indemnisation de ses préjudices. Examen des moyens Sur les deuxième et troisième moyens 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Mais sur le premier moyen, pris en ses première et quatrième branches Enoncé du moyen 4. Mme [G] fait grief à l'arrêt de limiter à 4 014 euros l'indemnisation due au titre de l'assistance temporaire par une tierce personne, et de la débouter de sa demande d'indemnisation pour le poste d'assistance par une tierce personne après le 23 novembre 2016 et après consolidation médico-légale fixée au 18 janvier 2017, alors : « 1°/ que le poste de préjudice lié à l'assistance par une tierce personne ne se limite pas aux seuls besoins vitaux de la victime, mais indemnise sa perte d'autonomie la mettant dans l'obligation de recourir à un tiers pour l'assister dans l'ensemble des actes de la vie quotidienne ; qu'en jugeant qu'elle ne justifiait pas d'un besoin en aide humaine postérieurement à l'intervention chirurgicale du 23 novembre 2016, dans la mesure où elle aurait elle-même déclaré aux experts être en mesure d'effectuer depuis cette date les actes « ordinaires » de la vie quotidienne, la cour d'appel, qui n'a pas constaté qu'elle serait en mesure d'effectuer l'ensemble des actes de la vie quotidienne, a privé sa décision de base légale au regard du principe de la réparation intégrale sans perte ni profit ; 4°/ que le poste de préjudice lié à l'assistance par une tierce personne ne se limite pas aux seuls besoins vitaux de la victime, mais indemnise sa perte d'autonomie la mettant dans l'obligation de recourir à un tiers pour l'assister dans l'ensemble des actes de la vie quotidienne ; qu'en jugeant, pour écarter tout besoin en tierce personne postérieurement à l'intervention chirurgicale du 23 novembre 2016 et à la consolidation, que le docteur [N], médecin-conseil de l'assureur du responsable, aurait précisé, dans le cadre d'un avis du 18 janvier 2019, qu'il n'existait pas à ce jour d'impossibilité de réaliser les tâches ménagères « légères » de la maison, la cour d'appel, qui s'est prononcée par des motifs impropres à exclure l'absence de tout besoin en tierce personne, a privé sa décision de base légale au regard du principe de la réparation intégrale sans perte ni profit. » Réponse de la Cour Vu le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime : 5. Il résulte de ce principe que le poste de préjudice lié à l'assistance par une tierce personne ne se limite pas aux seuls besoins vitaux de la victime, mais indemnise sa perte d'autonomie la mettant dans l'obligation de recourir à un tiers pour l'assister dans l'ensemble des actes de la vie quotidienne. 6. Pour refuser d'allouer à Mme [G] une indemnisation au titre de l'assistance par une tierce personne après le 23 novembre 2016, l'arrêt retient que depuis cette date, elle peut assumer sans aide les actes ordinaires de la vie quotidienne, et que, depuis le 18 janvier 2019, elle n'est pas dans l'impossibilité de réaliser les tâches ménagères légères. 7. En statuant ainsi, par des motifs impropres à écarter le besoin d'assistance de Mme [G] dans la réalisation de l'ensemble des actes de la vie quotidienne, la cour d'appel a violé le principe susvisé. Portée et conséquences de la cassation 8. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des dispositions de l'arrêt fixant le préjudice de Mme [G] pour le poste d'assistance temporaire par tierce personne à la somme de 4 014 euros et la déboutant de ses demandes d'indemnisation de ce même poste après le 23 novembre 2016 ainsi qu'au titre de l'assistance après la consolidation entraîne la cassation du chef de dispositif condamnant l'assureur à lui verser la somme de 120 798,84 euros en réparation de son préjudice corporel, en deniers ou quittances, provisions non déduites, assortie des intérêts au taux légal à compter de la décision, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il fixe le préjudice de Mme [G] pour le poste d'assistance temporaire par une tierce personne à la somme de 4 014 euros , la déboute de sa demande d'indemnisation pour le poste d'assistance par une tierce personne après le 23 novembre 2016 et après consolidation et condamne la société Mutuelle assurances corps santé français à verser à Mme [G] la somme de 120 798,84 euros en réparation de son préjudice corporel, en deniers ou quittances, provisions non déduites, assortie des intérêts au taux légal à compter de la décision, l'arrêt rendu le 31 mai 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ; Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon. Condamne la société Mutuelle assurances corps santé français aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Mutuelle assurances corps santé français, ainsi que la demande formée par Mme [G] à l'encontre de la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 5] et de la mutuelle Intériale, et condamne la société Mutuelle assurances corps santé français à payer à Mme [G] la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six juillet deux mille vingt-trois.
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LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 6 juillet 2023 Cassation partielle Mme TEILLER, président Arrêt n° 532 FS-B Pourvoi n° R 21-25.214 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 6 JUILLET 2023 1°/ la société GRB, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 7], 2°/ la société B1 associés, administrateur, en la personne de M. [G] [S], domicilié [Adresse 4], en qualité d'administrateur de la société GRB , 2°/ la société [K], dont le siège est [Adresse 5], prise en la personne de M. [B] [K], agissant en qualité de mandataire judiciaire de la société GRB, ont formé le pourvoi n° R 21-25.214 contre l'arrêt rendu le 29 septembre 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 5), dans le litige les opposant : 1°/ à M. [J] [E], domicilié [Adresse 2], 2°/ à la société [E] Carozzino architectes, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 6], aux droits de laquelle vient la société Punto architectes, 3°/ à M. [O] [T], 4°/ à Mme [P] [M], épouse [T], domiciliés tous deux [Adresse 3], 5°/ à la société Losoa, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 1], défendeurs à la cassation. M. et Mme [T] et la SCI Losoa ont formé, par un mémoire déposé au greffe, un pourvoi incident éventuel. Les demanderesses au pourvoi principal invoquent, à l'appui de leur recours, un moyen de cassation. Les demandeurs au pourvoi incident éventuel invoquent, à l'appui de leur recours, un moyen de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Boyer, conseiller, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société GRB, de la société Selas B1 et associés et de la société [K], ès qualités, de Me Balat, avocat de M. et Mme [T] et de la société Losoa, de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de M. [E] et de la société [E] Carozzino architectes, et l'avis de Mme Vassallo, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 31 mai 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Boyer, conseiller rapporteur, M. Delbano, conseiller doyen, Mmes Farrenq-Nési, Abgrall, conseillers, Mme Djikpa, M. Zedda, Mmes Brun, Vernimmen, Rat, conseillers référendaires, et Mme Besse, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 29 septembre 2021), statuant sur renvoi après cassation (3e Civ., 20 avril 2017, pourvoi n° 16-12.092, Bull. 2017, III, n° 50) M. et Mme [T] ont confié à la société GRB, désormais en redressement judiciaire, des travaux de réfection d'une maison, sous la maîtrise d'oeuvre de la société [E] Carozzino architectes (la société [E]), aux droits de laquelle vient la société Punto architectes. 2. La réception est intervenue le 1er avril 2010 avec réserves. 3. Le 5 mai 2010, la société GRB a adressé son mémoire définitif à la société [E] puis a mis en demeure, le 15 juillet suivant, les maîtres de l'ouvrage de lui notifier le décompte général définitif. 4. Par lettre du 21 juillet 2010, le maître d'oeuvre a adressé à la société GRB un décompte général définitif, déduction faite notamment de pénalités de retard et du montant du marché portant sur les pierres intérieures et extérieures. 5. La société GRB a assigné M. et Mme [T] en paiement du solde du marché. Examen des moyens Sur le moyen, pris en sa première branche, du pourvoi principal Enoncé du moyen 6. La société GRB et les sociétés B1 et associés et [K] prises respectivement en leur qualité d'administrateur judiciaire et de mandataire judiciaire de la société GRB, font grief à l'arrêt de limiter à une certaine somme la condamnation à paiement prononcée contre M. et Mme [T] au titre du solde du marché, alors « que le maître de l'ouvrage qui ne conteste pas le mémoire définitif dans les délais prévus par la norme Afnor NF P 03 001 applicable à un marché de travaux, est réputé l'avoir accepté ; que la cour d'appel a constaté que dans son mémoire définitif, la société GRB avait établi à 376 092,99 euros, soit 396 778 euros TTC, le montant du marché, soit un solde restant dû s'élevant à 137 087,39 euros ; qu'elle a ajouté que M. et Mme [T] s'étant abstenus de répondre à ce mémoire dans le délai qui leur était imparti, étaient réputés avoir accepté ce montant ; qu'en appliquant néanmoins au montant du mémoire des déductions au titre de pénalités de retard et au titre de la reprise de malfaçons, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations dont il résultait que le solde du marché réclamé dans le mémoire du 4 mai 2010 était définitif et a violé l'article 1134 du code civil dans sa rédaction applicable ensemble les articles 19.6.1 et 19.6.2 de la norme Afnor NF P 03- 001. » Réponse de la Cour Vu l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 : 7. Selon ce texte, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ce qui les ont faites. 8. Il en résulte, lorsque les parties sont convenues d'une procédure contractuelle de vérification des comptes conforme à la norme Afnor NF P 03- 001, que le maître de l'ouvrage, qui ne conteste pas le mémoire définitif de l'entreprise dans les délais prévus par la procédure de clôture des comptes organisée par cette norme, est réputé l'avoir accepté et ne peut, passé ces délais, former de réclamation au titre des pénalités de retard ou du coût de reprise d'un désordre réservé à la réception. 9. Pour limiter à une certaine somme la condamnation de M. et Mme [T] au titre du solde du marché, l'arrêt déduit, par compensation entre créances réciproques, du solde restant dû, tel que résultant du mémoire définitif de l'entreprise, une somme au titre des pénalités de retard et le coût de reprise d'un désordre réservé à la réception. 10. En statuant ainsi, après avoir retenu que les maîtres de l'ouvrage, qui n'avaient pas formulé de contestation dans les délais prévus par la procédure de vérification des comptes, étaient réputés avoir accepté le mémoire définitif de l'entreprise, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les textes susvisés. Et sur le moyen du pourvoi incident éventuel Enoncé du moyen 11. M. et Mme [T] et la SCI font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes dirigées contre la société [E], aux droits de laquelle vient la société Punto architectes, alors « que la cassation qui pourrait éventuellement intervenir sur le pourvoi principal, qui critique la condamnation de l'entrepreneur à payer au maître de l'ouvrage des pénalités de retard, s'étendra nécessairement par voie de conséquence et par application des dispositions de l'article 624 du code de procédure civile, au chef de dispositif de l'arrêt attaqué qui, par confirmation du jugement, déboute le maître de l'ouvrage de sa demande indemnitaire dirigée contre l'architecte au motif que son préjudice se trouvait réparé notamment par les pénalités contractuelles de retard. » Réponse de la Cour Vu l'article 624 du code de procédure civile : 12. Aux termes de ce texte, la portée de la cassation est déterminée par le dispositif de l'arrêt qui la prononce. Elle s'étend également à l'ensemble des dispositions du jugement cassé ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire. 13. Pour rejeter l'appel en garantie formé par M. et Mme [T] à l'encontre de la société [E], l'arrêt retient que les retards dans l'exécution des travaux sont d'ores et déjà réparés par l'octroi de dommages-intérêts représentant les pénalités de retard. 14. Il en ressort que la cassation du chef de dispositif limitant à une certaine somme la condamnation prononcée contre M. et Mme [T] au titre du solde du marché de la société GRB, en ce que des pénalités de retard ont été déduites du solde réclamé par celle-ci dans son mémoire définitif, entraîne, par voie de conséquence, la cassation du chef de dispositif rejetant l'appel en garantie formé par les maîtres de l'ouvrage à l'encontre de la société [E], maître d'oeuvre, au titre des pénalités de retard, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il limite à la somme de 80 934,39 euros, la condamnation prononcée in solidum contre M. et Mme [T] au bénéfice de la société GRB et en ce qu'il rejette l'appel en garantie de M. et Mme [T] à l'encontre de la société [E] Carozzino architectes, aux droits de laquelle vient la société Punto architectes, au titre des pénalités de retard, l'arrêt rendu le 29 septembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ; Dit que la société [E] Carozzino architectes, aux droits de laquelle vient la société Punto architectes, supportera les dépens du pourvoi incident éventuel de M. et Mme [T] et condamne ceux-ci aux autres dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six juillet deux mille vingt-trois. 3e Civ., 18 novembre 2009, pourvoi n° 08-13.676, Bull. 2009, III, n° 251 (cassation partielle sans renvoi ) ;3e Civ., 26 novembre 2014, pourvoi n° 13-24.888, Bull. 2014, III, n° 158 (cassation) ;3e Civ., 20 avril 2017, pourvoi n° 16-12.092, Bull. 2017, III, n° 50 (cassation) ;      3e Civ., 18 mars 2021, pourvoi n° 20-12.596 (cassation partielle), et l'arrêt cité.
CASS/JURITEXT000047805343.xml
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 6 juillet 2023 Mme TEILLER, président Arrêt n° 529 FS-B Pourvoi n° Y 21-15.239 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 6 JUILLET 2023 La société Delta Construction, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° Y 21-15.239 contre les arrêts rendus les 16 février 2018 et 15 février 2021 par la cour d'appel de Bordeaux (4e chambre civile), dans le litige l'opposant : 1°/ à la société Blanconorte, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1] (Portugal), 2°/ à la société Bouygues immobilier, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesses à la cassation. La société Blanconorte a formé, par un mémoire déposé au greffe, un pourvoi incident contre le même arrêt. La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, deux moyens de cassation. La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation ; Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Boyer, conseiller, les observations de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de la société Delta Construction, de la SCP Alain Bénabent, avocat de la société Blanconorte, de la SCP Krivine et Viaud, avocat de la société Bouygues immobilier, et l'avis de M. Burgaud, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 31 mai 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Boyer, conseiller rapporteur, M. Delbano conseiller doyen, Mmes Farrenq-Nési, Abgrall conseillers, Mme Djikpa, M. Zedda, Mmes Brun, Vernimmen, Rat, conseillers référendaires, M. Burgaud, avocat général référendaire, et Mme Besse, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Désistement partiel 1. Il est donné acte à la société Delta construction (la société Delta) du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Bouygues immobilier (la société Bouygues). Faits et procédure 2. Selon les arrêts attaqués (Bordeaux, 16 février 2018 et 15 février 2021), la société Bouygues a confié à la société Delta deux marchés de construction que celle-ci a sous-traités, respectivement, les 29 novembre 2012 et 23 juillet 2013, à la société de droit portugais Blanconorte. 3. Après avoir fait l'objet d'une procédure collective au Portugal, la société Blanconorte, invoquant la nullité des deux contrats de sous-traitance, a assigné les sociétés Delta et Bouygues en paiement des travaux exécutés à leur juste prix. Examen des moyens Sur les deux moyens du pourvoi principal de la société Delta 4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le moyen du pourvoi incident de la société Blanconorte Enoncé du moyen 5. La société Blanconorte fait grief à l'arrêt du 15 février 2021 de confirmer le jugement en ce qu'il a mis la société Bouygues hors de cause, alors « que le maître de l'ouvrage doit, en l'absence de délégation de paiement au profit du sous-traitant exiger de l'entrepreneur principal qu'il justifie avoir fourni la caution ; que cette obligation lui impose de vérifier la délivrance effective et en temps utile de ce cautionnement ; qu'ayant elle-même constaté que les cautionnements n'avaient pu être fournis lors de la conclusion du contrat de sous-traitance puisqu'ils étaient postérieurs à cette conclusion, la cour d'appel ne pouvait décider que la société Bouygues immobilier avait rempli ses obligations car elle "dispose d'une procédure particulière pour l'acceptation des sous-traitants" lui ayant permis de constater que la demande d'agrément du sous-traitant était accompagné de la copie du contrat et de la caution bancaire prévue par la loi, sans méconnaître les conséquences légales de ses propres constatations au regard de la l'article 14-1 de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975. » Réponse de la Cour 6. Selon l'article 14-1 de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975, le maître de l'ouvrage doit, s'il a connaissance de la présence sur le chantier d'un sous-traitant, mettre l'entrepreneur principal en demeure de le lui présenter et de lui faire agréer ses conditions de paiement et, si le sous-traitant accepté et dont les conditions de paiement ont été agréées ne bénéficie pas d'une délégation de paiement, exiger de l'entrepreneur principal qu'il justifie avoir fourni une caution personnelle et solidaire obtenue par lui auprès d'un établissement qualifié. 7. Satisfait aux obligations prévues par ce texte le maître de l'ouvrage qui s'assure, à la date à laquelle il a connaissance d'un marché en sous-traitance, de la délivrance d'une caution au bénéfice du sous-traitant, peu important que celui-ci fasse le choix, plutôt que de mettre en oeuvre la garantie de paiement qui lui bénéficie, de poursuivre la nullité du contrat, au motif que la caution n'a pas été obtenue préalablement ou concomitamment au sous-traité. 8. La cour d'appel, qui a souverainement relevé que la société Bouygues justifiait avoir eu communication, lors de son acceptation de la société Blanconorte en qualité de sous-traitant de la société Delta, de la copie du contrat de sous-traitance et de la caution bancaire prévue par la loi, a exactement retenu que le maître de l'ouvrage avait satisfait à ses obligations et que la demande en réparation formée à son encontre par la société Blanconorte, au motif de la nullité du sous-traité, ne pouvait être accueillie. 9. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le pourvoi provoqué de la société Bouygues immobilier qui n'est qu'éventuel, la Cour : REJETTE les pourvois ; Condamne la société Delta aux dépens afférents à son pourvoi et la société Blancanorte aux autres dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six juillet deux mille vingt-trois.
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LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 6 juillet 2023 Mme TEILLER, président Arrêt n° 531 FS-B Pourvoi n° E 22-13.179 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 6 JUILLET 2023 1°/ Mme [C] [O], 2°/ M. [B] [I], domiciliés tous deux [Adresse 3], ont formé le pourvoi n° E 22-13.179 contre l'arrêt rendu le 13 janvier 2022 par la cour d'appel de Chambéry (2e chambre), dans le litige les opposant : 1°/ à M. [E] [V], 2°/ à M. [J] [V], domiciliés tous deux [Adresse 1], 3°/ à Mme [K] [T], veuve [V], domiciliée [Adresse 2], défendeurs à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, deux moyens de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Farrenq-Nési, conseiller, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de Mme [O] et de M. [I], de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de MM. [E] et [J] [V] et de Mme [T], veuve [V], et l'avis de Mme Vassallo, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 31 mai 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Farrenq-Nési, conseiller rapporteur, M. Delbano conseiller doyen, M. Boyer, Mme Abgrall, conseillers, Mme Djikpa, M. Zedda, Mmes Brun, Vernimmen, Rat, conseillers référendaires, et Mme Besse, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1.Selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 13 janvier 2022), M. [I] et Mme [O] (les acquéreurs) ont acquis de Mme [V], ainsi que de MM. [E] et [J] [V] (les vendeurs), la propriété d'une maison édifiée sur une parcelle dans le sous-sol de laquelle ils ont découvert, à l'occasion de la réalisation d'un projet d'extension, l'existence d'une canalisation enterrée faisant partie du réseau public des eaux usées empêchant la réalisation des travaux tels qu'envisagés. 2. Ils ont assigné les vendeurs en indemnisation de leur préjudice sur le fondement de la garantie de l'article 1638 du code civil au titre des servitudes non apparentes non déclarées et pour manquement du vendeur à son devoir d'information. Examen des moyens Sur le premier moyen , pris en sa seconde branche 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 4. Les acquéreurs font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes, alors « que l'acquéreur d'un immeuble grevé d'une charge occulte a droit à une indemnité équivalente à la diminution de la valeur du terrain qui en résulte, quand bien même il n'établit pas qu'il n'aurait pas acquis s'il en avait eu connaissance ; qu'en déboutant les demandeurs de leur demande d'indemnisation en raison de l'existence d'un réseau public d'eaux usées traversant leur terrain, au motif qu'il était nécessaire que la servitude occulte soit d'une importance telle que le bien n'aurait pas été acquis si l'acheteur en avait eu connaissance et partant que la servitude occulte ne revêt pas le critère d'importance exigé par l'article 1638 du code civil pour l'obtention de la résiliation du contrat ou d'une indemnité, sans établir que cette charge ne diminuait en rien la valeur du bien acquis, la cour d'appel a violé l'article 1638 du code civil. » Réponse de la Cour Vu l'article 1638 du code civil : 5. Aux termes de ce texte, si l'héritage vendu se trouve grevé, sans qu'il en ait été fait de déclaration, de servitudes non apparentes, et qu'elles soient de telle importance qu'il y ait lieu de présumer que l'acquéreur n'aurait pas acheté s'il en avait été instruit, il peut demander la résiliation du contrat, si mieux il n'aime se contenter d'une indemnité. 6. Cette disposition, qui figure au nombre des articles régissant la garantie en cas d'éviction, est une application du principe général posé par l'article 1626 du même code selon lequel le vendeur, dont l'obligation légale est d'assurer à l'acquéreur la possession paisible de la chose vendue, est obligé de droit à le garantir de l'éviction qu'il souffre dans la totalité ou partie de l'objet vendu ou des charges prétendues sur cet objet et non déclarées lors de la vente. 7. Il s'ensuit que l'importance de la servitude occulte exigée par l'article 1638 précité ne conditionne que la résiliation de la vente, et non l'indemnisation du préjudice pouvant résulter pour l'acquéreur de toute servitude non apparente non déclarée lors de la vente. 8. L'indemnisation est alors appréciée par le juge en fonction de l'existence et de l'importance du préjudice en résultant pour l'acquéreur. 9. Pour rejeter la demande d'indemnisation des acquéreurs, l'arrêt retient que l'acquisition du tènement immobilier n'était pas conditionnée à la possibilité de réalisation d'une extension du bâtiment et que la présence de la servitude occulte ne revêtait pas le critère d'importance exigé par l'article 1638 du code civil pour l'obtention de la résiliation du contrat ou d'une indemnité. 10. En statuant ainsi, alors qu'elle n'était saisie que d'une demande de dommages-intérêts, la cour d'appel a violé le texte susvisé. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 13 janvier 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Riom ; Condamne Mme [K] [T], veuve [V], MM. [E] et [J] [V] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [K] [T], veuve [V], MM. [E] et [J] [V] et les condamne à payer à Mme [O] et à M. [I] la somme globale de 3 000 euros. Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six juillet deux mille vingt-trois.
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 14 juin 2023 Mme DUVAL-ARNOULD, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 420 F-B Pourvoi n° E 22-18.400 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 14 JUIN 2023 1°/ M. [C] [E], 2°/ Mme [M] [E], 3°/ M. [A] [E], tous trois domiciliés [Adresse 5], ont formé le pourvoi n° E 22-18.400 contre l'arrêt rendu le 16 décembre 2021 par la cour d'appel de Nîmes (1re chambre civile), dans le litige les opposant : 1°/ à la société Polyclinique [7], société anonyme, dont le siège est [Adresse 6], 2°/ à Mme [T] [J], domiciliée [Adresse 4], 3°/ à M. [D] [W], domicilié [Adresse 3], pris tant en son nom personnel qu'en qualité de représentant légal de sa fille [F] [W], 4°/ à Mme [G] [W], épouse [P], domiciliée [Adresse 2], 5°/ à la caisse primaire d'assurance maladie des Hautes-Alpes, dont le siège est [Adresse 1], défendeurs à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, deux moyens de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Bacache-Gibeili, conseiller, les observations de Me Bertrand, avocat de MM. [C] et [A] [E] et de Mme [E], et l'avis de M. Chaumont, avocat général, après débats en l'audience publique du 10 mai 2023 où étaient présents Mme Duval-Arnould, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Bacache-Gibeili, conseiller rapporteur, M. Jessel, conseiller, et Mme Tinchon, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 16 décembre 2021), les 24 février et 24 octobre 2012, [H] [E] a subi successivement une lipoaspiration et une abdominoplastie, réalisées par M. [V], au sein de la société Polyclinique [7] (la clinique). A la suite de la survenue d'une infection, deux reprises chirurgicales ont été pratiquées, le 2 novembre 2012 par M. [V] et le 15 novembre 2012 par M. [U]. Le 16 novembre, [H] [E] est décédée d'une embolie pulmonaire. 2. M. [E], son époux, agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de représentant légal de [M] et [A] [E], ayant ensuite repris l'instance, ainsi que Mme [J], Mme [W] et M. [W], agissant en son nom personnel et en qualité de représentant légal de [F] [W], ont assigné en responsabilité et indemnisation la société Polyclinique [7], M. [V] et M.[U]. 3. M. [V] et M. [U] ont été condamnés in solidum à réparer les préjudices subis à la suite du décès de [H] [E] à hauteur de 80% au titre de négligences dans sa prise en charge. Examen des moyens Sur le moyen relevé d'office 4. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code. Vu les articles L. 1142-1, I, alinéa 2, L. 1142-1-1, 1°, et L. 1142-3-1 du code de la santé publique : 5.Selon le premier de ces textes, les établissements, services et organismes dans lesquels sont réalisés des actes de prévention de diagnostic ou de soins sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère. 6. Selon le deuxième, ouvrent droit à réparation au titre de la solidarité nationale les dommages résultant d'infections nosocomiales dans les établissements, services ou organismes mentionnés au premier alinéa du I de l'article L. 1142-1 correspondant à un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique supérieur à 25 % déterminé par référence au barème mentionné au II du même article, ainsi que les décès provoqués par ces infections nosocomiales. 7. Selon le dernier, le dispositif de réparation des préjudices au titre de la solidarité nationale mentionné au II de l'article L. 1142-1 et aux articles L. 1142-1-1 et L.1142-15 du code de la santé publique n'est pas applicable aux demandes d'indemnisation de dommages imputables à des actes dépourvus de finalité contraceptive, abortive, préventive, diagnostique, thérapeutique ou reconstructrice, y compris dans leur phase préparatoire ou de suivi. 8. Il résulte de la combinaison de ces textes qu'il appartient aux juges du fond de se prononcer sur la finalité thérapeutique, reconstructrice ou esthétique d'une intervention, à l'origine d'une infection nosocomiale, lorsqu'ils déterminent le régime d'indemnisation ou de responsabilité applicable. 9. Pour déclarer irrecevables les demandes formées contre la polyclinique [7], l'arrêt énonce que le législateur a instauré un régime d'indemnisation spécifique des dommages les plus graves découlant des infections nosocomiales dont la réparation incombe exclusivement à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) en application de l'article L. 1142-1-1, 1°, du code de la santé publique et dont les dispositions s'imposent aux victimes. 10. En se déterminant ainsi, sans se prononcer sur la finalité de l'intervention en cause et sans permettre, en conséquence, à la Cour de cassation d'exercer son contrôle sur le régime d'indemnisation ou de responsabilité applicable, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des textes susvisés. Et sur le second moyen Enoncé du moyen 11. Les consorts [E] font grief à l'arrêt de rejeter leur demande tendant à ordonner à la clinique de mettre l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (l'ONIAM) en cause, alors « qu'aux termes de l'article L. 1142-21, I, alinéa 1, du code de la santé publique, lorsque la juridiction compétente, saisie d'une demande d'indemnisation des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins dans un établissement de santé, estime que les dommages subis sont indemnisables au titre du II de l'article L. 1142-1 ou au titre de l'article L. 1142-1-1, l'ONIAM est appelé en la cause s'il ne l'avait pas été initialement ; qu'en déboutant les consorts [E] de leur demande tendant à la mise en cause de l'ONIAM, après avoir constaté que les dommages subis étaient indemnisables au titre de l'article L. 1142- 1-1 du code de la santé publique et que "seul l'ONIAM est tenu d'en assurer la réparation", de sorte qu'il lui appartenait d'ordonner la mise en cause de cet organisme avant toute décision sur le fond, la cour d'appel a violé l'article L. 1142-21, I, alinéa 1, du code de la santé publique et l'article 332 du code de procédure civile » Réponse de la Cour Vu l'article L. 1142-21, alinéa 1, du code de la santé publique 12. Aux termes de ce texte, lorsque la juridiction compétente, saisie d'une demande d'indemnisation des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins dans un établissement de santé, estime que les dommages subis sont indemnisables au titre du II de l'article L. 1142-1 ou au titre de l'article L. 1142-1-1, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) est appelé en la cause s'il ne l'avait pas été initialement. Il devient défendeur en la procédure. 13. Pour écarter la demande des consorts [E] d'ordonner à la clinique de mettre en cause l'ONIAM, l'arrêt énonce que les dispositions de l'article L. 1142-1-1, 1°, s'imposent aux victimes qui doivent former leurs demandes d'indemnisation contre celui-ci. 14. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le premier moyen, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 16 décembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ; Condamne la société Polyclique [7] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande. Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze juin deux mille vingt-trois.
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 14 juin 2023 Cassation partielle Mme DUVAL-ARNOULD, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 419 F-B Pourvoi n° C 22-15.224 Aide juridictionnelle totale en défense au profit de M. [Z]. Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 21 juin 2022. R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 14 JUIN 2023 La société Hôpital privé [5] (HP[5]), société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 4], a formé le pourvoi n° C 22-15.224 contre l'arrêt rendu le 16 février 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 1, chambre 3), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. [H] [Z], domicilié [Adresse 3], 2°/ à M. [U] [C], domicilié [Adresse 2], 3°/ à l'association Hôpital [6], dont le siège est [Adresse 1], défendeurs à la cassation. M. [C] a formé un pourvoi incident contre le même arrêt. Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation. Le demandeur au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, un moyen unique de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Bacache-Gibeili, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Hôpital privé [5], de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [Z], de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de M. [C], de l'association Hôpital [6], après débats en l'audience publique du 10 mai 2023 où étaient présents Mme Duval-Arnould, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Bacache-Gibeili, conseiller rapporteur, M. Jessel, conseiller, et Mme Tinchon, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué rendu (Paris, 16 février 2022), rendu en référé, le 3 novembre 1994, M. [Z] est né par césarienne au sein de la société Hôpital privé [5], et a été transféré par M. [C], pédiatre, exerçant son activité à titre libéral, dans le service de néonatologie de l'hôpital [6], où a été diagnostiquée une hémorragie intra-cérébrale gauche étendue. Il a conservé une triplégie droite. 2. Le 3 septembre 2020, M. [Z] a assigné la société Hôpital privé [5], M. [C] et l'association Hôpital [6] en communication sous astreinte de ses dossiers médicaux et paiement d'une provision. Examen des moyens Sur le premier moyen, pris en sa première branche, du pourvoi principal Enoncé du moyen 3. la société Hôpital privé [5] fait grief à l'arrêt de le condamner à communiquer le dossier médical de M. [Z], sous astreinte de 200 euros par jour passé le délai de huit jours à compter de la signification de l'ordonnance de référé du 3 mai 2021, alors « que le juge des référés peut ordonner l'exécution d'une obligation qu'à la condition qu'elle ne soit pas sérieusement contestable ; qu'en l'espèce, pour s'opposer à la demande de M. [Z], né le 3 novembre 1994 dans cet établissement puis transféré à l'hôpital [6], de communication de son dossier médical, formée par acte du 3 septembre 2020, la société Hôpital privé [5] a fait valoir qu'il n'était pas soumis à l'obligation de conserver le dossier médical de M. [Z] jusqu'au vingt-huitième anniversaire de ce dernier, cette obligation n'ayant été instaurée que par le décret n° 2006-6 du 4 janvier 2006 codifié à l'article R. 1112-7 du code de la santé publique, le dossier de M. [Z] ayant été détruit par la société d'archivage le 30 janvier 2015, soit plus de vingt ans après le séjour de M. [Z] au sein de son établissement ; que pour confirmer l'ordonnance de référé ayant ordonné la communication du dossier médical de M. [Z], la cour d'appel a énoncé qu'"à la date invoquée de destruction des dossiers de 1994, l'article R. 1112-7 [du code de la santé publique], dans sa rédaction issue du décret du 4 janvier 2006, avait vocation à recevoir application" et que "la société Hôpital privé [5] était, aux termes de cet article tenu de conserver le dossier de M. [Z] jusqu'au vingt-huitième anniversaire de l'intéressé, ce que l'établissement s'est abstenu de faire" ; qu'en statuant de la sorte, la cour d'appel, qui a tranché une contestation sérieuse sur l'existence de l'obligation pour la société Hôpital privé [5] de conserver le dossier de M. [Z], eu égard à la date du séjour de ce dernier dans son établissement, a violé l'article 835 du code de procédure civile » ; Réponse de la cour 4. C'est à bon droit et sans trancher de contestation sérieuse que la cour d'appel a retenu que, même si le dossier médical de M. [B] avait été ouvert en 1994, la société Hôpital privé [5] était tenue de conserver son dossier jusqu'au 3 novembre 2022 en application des dispositions de l'article R. 1112-7, modifié par le décret n° 2006-6 du 4 janvier 2006, ayant imposé, lorsque la durée de conservation d'un dossier s'achève avant le vingt-huitième anniversaire de son titulaire, de proroger la conservation du dossier jusqu'à cette date. 5. Le moyen n'est donc pas fondé. Mais sur le premier moyen, pris en sa troisième branche, du pourvoi principal Enoncé du moyen 6. la société Hôpital privé [5] fait le même grief à l'arrêt alors « que la contradiction de motifs équivaut à l'absence de motifs ; qu'en retenant que les éléments produits par la société Hôpital privé [5] "ne démontrent nullement qu'il ait été procédé à la destruction du dossier en cause" tout en énonçant "la société Hôpital privé [5] était, aux termes de [l'article R. 1112-7 du code de la santé publique] tenu de conserver le dossier de M. [Z] jusqu'au vingt-huitième anniversaire de l'intéressé, ce que l'établissement s'est abstenu de faire", la cour d'appel s'est contredite, en violation de l'article 455 du code de procédure civile » Réponse de la cour Vu l'article 455 du code de procédure civile : 7. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé. La contradiction entre les motifs équivaut à un défaut de motifs. 8. Pour condamner la société Hôpital privé [5] à communiquer, sous astreinte, le dossier médical de M. [Z], l'arrêt retient à la fois que l'établissement s'est abstenu de le conserver jusqu'au 3 novembre 2022, comme il y était tenu, et que la destruction de ce dossier n'est pas établie. 9. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui s'est contredite, n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé. Et sur le second moyen du pourvoi principal et le moyen du pourvoi incident, pris en leur première branche, rédigés en termes identiques, réunis Enoncé du moyen 10. La société Hôpital privé [5] et M. [C] font grief à l'arrêt de les condamner solidairement à verser à M. [Z] la somme de 5 000 euros à titre de provision, alors « que lorsque l'obligation du défendeur n'est pas sérieusement contestable, le juge des référés peut le condamner au versement d'une provision à valoir sur sa créance ; que la cour d'appel a retenu qu'il résultait des éléments du dossier que "subsistent des inconnues dans les circonstances de la naissance de M. [Z] et que la responsabilité de la société Hôpital privé [5] et de M. [U] [C] n'est pas à exclure avec toute l'évidence requise", et que "la demande de provision pour supporter les frais d'un procès destiné à rechercher la responsabilité éventuelle de la société Hôpital privé [5] et de M. [U] [C]" ; qu'en statuant de la sorte, par des motifs dont il résultait qu'il existait une contestation sérieuse sur la possibilité de mettre en jeu la responsabilité civile de la société Hôpital privé [5], la cour d'appel a violé l'article 835 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Vu l'article 835, alinéa 2, du code de procédure civile : 11. Il résulte de ce texte que le juge ne peut, en référé, accorder une provision au créancier que dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. 12. Pour condamner la société Hôpital privé [5] et M. [C] à payer une provision à M. [Z], l'arrêt retient qu'il subsiste des inconnues dans les circonstances de la naissance du demandeur, que la responsabilité de cet établissement n'est pas à exclure avec toute l'évidence requise et que la demande de provision pour supporter les frais d'un procès destiné à rechercher sa responsabilité éventuelle et celle de M. [C] n'est dans ces conditions pas sérieusement contestable. 13. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations l'existence d'une contestation sérieuse sur la responsabilité de la société Hôpital privé [5] et celle de M. [C], la cour d'appel a méconnu l'étendue de ses pouvoirs et violé le texte susvisé. Mise hors de cause 14. En application de l'article 625 du code de procédure civile, il y a lieu de mettre hors de cause l'hôpital [6] dont la présence n'est pas nécessaire devant la cour d'appel de renvoi. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, en ce qu'il ordonne la communication sous astreinte du dossier médical et en ce qu'il condamne solidairement la société Hôpital privé [5] et M. [C] à verser à M. [Z] la somme de 5 000 euros à titre de provision, l'arrêt rendu le 16 février 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; Met hors de cause l'hôpital [6] ; Remet sur ce point l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ; Condamne M. [Z] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze juin deux mille vingt-trois.
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 14 juin 2023 Mme DUVAL-ARNOULD, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 408 FS-B Pourvoi n° Y 22-17.520 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 14 JUIN 2023 M. [F] [I], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° Y 22-17.520 contre l'arrêt rendu le 6 avril 2022 par la cour d'appel d'Agen (chambre civile, 1re chambre), dans le litige l'opposant à M. [J] [G], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme de Cabarrus, conseiller référendaire, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [I], de la SARL Ortscheidt, avocat de M. [G], et l'avis de M. Chaumont, avocat général, après débats en l'audience publique du 10 mai 2023 où étaient présents Mme Duval-Arnould, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme de Cabarrus, conseiller référendaire rapporteur, MM. Jessel, Mornet, Chevalier, Mmes Kerner-Menay, Bacache-Gibeili, conseillers, Mme Le Gall, conseiller référendaire, M. Chaumont, avocat général, et Mme Tinchon, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Agen, 6 avril 2022), à l'issue du prononcé du divorce de M. et Mme [I], un jugement du 26 janvier 2012 a statué sur les opérations de liquidation de leur régime matrimonial. Le 26 mars 2012, M. [I], représenté par M. [G] (l'avocat), en a interjeté appel. Par ordonnance du 9 octobre 2012, le conseiller de la mise en état a constaté la caducité de la déclaration d'appel à la date du 26 juin 2012. 2. Le 16 octobre 2017, M. [I] a assigné en responsabilité civile l'avocat, qui lui a opposé la prescription de son action. Examen du moyen Sur le moyen relevé d'office 3. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code. Vu l'article 2225 du code civil, l'article 412 du code de procédure civile et l'article 13 du décret n° 2005-790 du 12 juillet 2005 relatif aux règles de déontologie de la profession d'avocat : 4. Selon le premier de ces textes, l'action en responsabilité dirigée contre les personnes ayant assisté ou représenté les parties en justice se prescrit par cinq ans à compter de la fin de leur mission. 5. Il résulte du deuxième que la mission d'assistance en justice emporte pour l'avocat l'obligation d'informer son client sur les voies de recours existant contre les décisions rendues à l'encontre de celui-ci. 6. Selon le troisième, l'avocat conduit jusqu'à son terme l'affaire dont il est chargé, sauf si son client l'en décharge ou s'il décide de ne pas poursuivre sa mission. 7. La Cour de cassation juge que l'action en responsabilité contre un avocat se prescrit à compter du prononcé de la décision juridictionnelle obtenue (1re Civ., 14 janvier 2016, pourvoi n° 14-23.200, Bull. 2016, I, n° 14). 8. Si cette jurisprudence permet de fixer un point de départ unique à la prescription de l'action en responsabilité formée contre un avocat, elle se concilie toutefois difficilement avec d'autres dispositions, telles que celles des deux derniers textes précités. 9. Il y a lieu de déduire désormais de la combinaison des textes précités que le délai de prescription de l'action en responsabilité du client contre son avocat, au titre des fautes commises dans l'exécution de sa mission, court à compter de l'expiration du délai de recours contre la décision ayant terminé l'instance pour laquelle il avait reçu mandat de représenter et d'assister son client, à moins que les relations entre le client et son avocat aient cessé avant cette date. 10. Pour déclarer irrecevable l'action de M. [I], l'arrêt retient que la mission de l'avocat a pris fin au jour de la décision constatant la caducité de l'appel. 11. En statuant ainsi, après avoir constaté que M. [I] avait mis fin à sa collaboration avec l'avocat par lettre du 23 octobre 2012, de sorte que la prescription avait commencé à courir à compter de cette date, précédant celle de l'expiration du délai de déféré, et que, le 16 octobre 2017, elle n'était pas acquise, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le moyen du pourvoi, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 6 avril 2022, entre les parties, par la cour d'appel d'Agen ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ; Condamne M. [G] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [G] et le condamne à payer à M. [I] la somme 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze juin deux mille vingt-trois. Evolution par rapport à :1re Civ., 14 janvier 2016, pourvoi n° 14-23.200, Bull. 2016, I, n° 14 (rejet).
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LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 13 juillet 2023 Mme TEILLER, président Arrêt n° 554 FS-B Pourvoi n° S 22-17.146 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 13 JUILLET 2023 1°/ la société Cleaone Holding, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 1], 2°/ la société Echiquier Enghien, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 4], ont formé le pourvoi n° S 22-17.146 contre l'arrêt rendu le 18 mars 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 4 chambre 1), dans le litige les opposant : 1°/ à la société La Française Real Estate Managers, société par actions simplifiée, 2°/ à la société Crédit Mutuel Pierre 1, société civiles professionnelle immobilière, toutes deux ayant leur siège [Adresse 2], 3°/ à la société Nexity conseil et transaction, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3], défenderesses à la cassation. Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, deux moyens de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Farrenq-Nési, conseiller, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Cleaone Holding, de la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de la société La Française Real Estate Managers et de la société Crédit Mutuel Pierre 1, et l'avis de M. Brun, avocat général, après débats en l'audience publique du 13 juin 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Farrenq-Nési, conseiller rapporteur, M. Delbano, conseiller doyen, M. Boyer, Mme Abgrall, conseillers, Mme Djikpa, M. Zedda, Mmes Brun, Vernimmen, Rat, conseillers référendaires, M. Brun, avocat général, et Mme Besse, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Désistement partiel 1. Il est donné acte à la société Echiquier Enghien du désistement pur et simple de son pourvoi. 2. Il est donné acte à la société Cleaone Holding du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Nexity conseil et transaction. Faits et procédure 3. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 18 mars 2022), la société Crédit mutuel pierre 1 (la société CMP 1) ayant pour gérante la société La Française Real Estate Managers, et la société France Investipierre, propriétaires indivis d'un immeuble, ont donné mandat à la société Nexity conseil et transaction de le vendre. 4. Le 15 décembre 2015, la société Cleaone Holding (la société Cleaone) a fait une offre d'achat que la société CMP 1 a acceptée le 22 décembre 2016, sous réserve de l'accord de son coïndivisaire. 5. L'acceptation a été réitérée avec la même réserve le 2 février 2017, la signature de la promesse de vente étant fixée au 15 mars 2017. 6. A la suite du refus, par la société France Investipierre, de vendre le bien, celui-ci a été remis en vente et la société Cleaone a fait une nouvelle offre d'achat le 8 mars 2017. 7. Le 28 mars 2017, la société CMP 1 a informé la société Cleaone de l'absence d'acceptation ferme de cette offre faute d'accord de la société France Investipierre, et s'est prévalue de la caducité, au 15 mars 2017, des accords donnés à la suite de l'offre d'achat initiale du 15 décembre 2015. 8. Le 13 novembre 2017, la société CMP 1 a acquis les parts indivises de la société France Investipierre. 9. La société Cleaone a assigné les sociétés CMP 1, France Investipierre et Nexity conseil et transaction afin qu'il soit jugé qu'à la suite de l'acceptation de l'offre initiale par la société CMP 1 et à l'acquisition, par elle, de la totalité des parts indivises du bien, la vente était parfaite au prix de la première offre et que, le jugement valant acte de vente, elle soit condamnée à régulariser cette dernière et à lui payer des dommages-intérêts. Examen des moyens Sur le second moyen 10. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen Enoncé du moyen 11. La société Cleaone fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à voir dire parfaite la vente acceptée par la société CMP1 le 22 décembre 2016, alors « que le contrat est formé par la rencontre d'une offre et d'une acceptation par lesquelles les parties manifestent leur volonté de s'engager ; que la vente est parfaite entre les parties dès qu'elles sont convenues de la chose et du prix ; que, par ailleurs, tout acte mettant fin à une indivision est un partage et que par l'effet déclaratif du partage, celui qui reçoit le bien est censé en avoir été propriétaire depuis le jour de son entrée dans l'indivision ; qu'en l'espèce, après avoir admis que "la SCPI CMP1 est devenue propriétaire unique de l'ensemble immobilier litigieux à la suite de l'acquisition des droits indivis détenus par la société France investipierre le 13 novembre 2017" et que "ce partage a un effet déclaratif qui a pour effet de réputer la SCPI CMP1 seule propriétaire du bien indivis depuis la date de son entrée dans l'indivision", soit depuis le 6 novembre 1997, la cour d'appel a pourtant jugé que "cet effet déclaratif ne permet pas de faire revivre l'acceptation qu'elle avait donnée à la proposition d'achat de la société Cleaone atteinte de caducité depuis le 15 mai 2017" ; qu'en se prononçant ainsi , lorsque l'effet déclaratif du partage avait justement eu pour effet de rendre la vente de l'ensemble immobilier parfaite entre les parties du fait de l'acceptation valablement émise par la société CMP 1 le 22 décembre 2016, peu important que la société Investipierre, alors coïndivisaire, n'ait pas donné son accord à cette vente avant la date prévue à l'acte, soit le 15 mai 2017, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations et a, ce faisant, violé l'article 883 du code civil, ensemble les articles 1113 et 1583 du code civil. » Réponse de la Cour 12. Il résulte de l'article 883 du code civil que le partage a un effet déclaratif et non constitutif, qui confère au titulaire du lot dont le bien fait partie l'ensemble des actes valablement accomplis sur ce bien depuis son entrée dans l'indivision. 13. La cour d'appel, par motifs propres et adoptés, a relevé qu'après l'offre d'achat de l'intégralité du bien immobilier pour 18 millions d'euros, il n'y avait pas eu d'acceptation ferme et définitive de vente de la part de la société CMP 1, celle-ci n'ayant jamais manifesté son intention de ne vendre que ses droits indivis et ayant subordonné son consentement à celui de son coïndivisaire, la société France Investipierre. 14. La cour d'appel a retenu à juste titre qu'à la suite du refus par la société France Investipierre de vendre, l'acceptation donnée sous condition par la CMP 1 était devenue caduque à l'issue du délai fixé pour la signature de la promesse de vente. 15. Elle en a exactement déduit que si, du fait du rachat des parts de son coïndivisaire, la société CMP 1 était devenue seule propriétaire de l'immeuble, l'effet déclaratif du partage ne permettait pas de faire revivre l'acceptation qu'elle avait donnée à la proposition d'achat de la société Cleaone, atteinte de caducité depuis le 15 mai 2017, l'effet déclaratif du partage ne s'appliquant qu'aux actes ou droits existants et valablement constitués. 16. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société Cleaone Holding aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Cleaone Holding et la condamne à payer aux sociétés Crédit Mutuel Pierre 1 et La Française Real Estate Managers la somme globale de 3 000 euros. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, signé par M. Delbano, conseiller doyen, conformément aux dispositions des articles 456 et 1021 du code de procédure civile, en remplacement du conseiller empêché, et signé et prononcé par le président en son audience publique du treize juillet deux mille vingt-trois.
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LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 13 juillet 2023 Cassation partielle Mme Teiller, président Arrêt n° 557 FS-B Pourvoi n° P 22-13.233 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 13 JUILLET 2023 1°/ M. [U] [T], 2°/ Mme [H] [N], épouse [T], tous deux domiciliés, [Adresse 2], ont formé le pourvoi n° P 22-13.233 contre l'arrêt rendu le 14 décembre 2021 par la cour d'appel de Riom (1re chambre civile), dans le litige les opposant : 1°/ à la société MJ [V], société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], prise en la personne de Mme [O] [V] agissant en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société [Adresse 5], 2°/ à M. [I] [K], domicilié [Adresse 3], défendeurs à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, deux moyens de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Zedda, conseiller référendaire, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de M. et Mme [T], de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de la société MJ [V], de la SCP Ohl et Vexliard, avocat de M. [K], et l'avis de M. Brun, avocat général, après débats en l'audience publique du 13 juin 2023 où étaient présents, Mme Teiller, président, M. Zedda, conseiller référendaire rapporteur, M. Delbano, conseiller doyen, Mme Farrenq-Nési, M. Boyer, Mme Abgrall, conseillers, Mme Djikpa, Mmes Brun, Vernimmen, Rat, conseillers référendaires, et Mme Besse, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Riom, 14 décembre 2021), la société civile de construction vente [Adresse 5] (la SCCV) a obtenu l'autorisation de construire dix maisons sur un terrain dont elle était propriétaire, qu'elle a divisé et vendu par lots en l'état futur d'achèvement, notamment à M. et Mme [T] et à M. [K]. 2. Se plaignant d'une violation, par la SCCV et M. [K], de règles contractuelles du groupement d'habitations, M. et Mme [T] les ont assignés aux fins de démolition de la maison de M. [K] et paiement de dommages-intérêts. 3. La SCCV a été mise en liquidation judiciaire par jugement du 16 avril 2021 et la société MJ [V] a été désignée en qualité de liquidateur. Examen des moyens Sur le premier moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 4. M. et Mme [T] font grief à l'arrêt de rejeter leur demande en démolition des ouvrages appartenant à M. [K] et leurs demandes indemnitaires, alors « que les documents afférents à un groupe d'habitations, dès lors qu'ils ont donné lieu aux formalités de la publicité foncière, sont opposables à tout propriétaire d'un lot au sein du groupe ; qu'en retenant que les documents intitulés Règlement de l'ensemble résidentiel "[Adresse 5]" et Plan de composition n'étaient pas opposables à M. [K], dès lors que son acte d'acquisition du 17 août 2016, qui les mentionnait à titre d'informations préalables, ne les reproduisait pas, ni ne les mentionnait comme figurant en annexe, quand pourtant ils constataient que les documents afférents au groupe ont donné lieu aux formalités de la publicité foncière, les juges du fond ont violé l'article 1134 devenu 1103 du code civil. » Réponse de la Cour Vu l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et les articles 28 et 30 du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955 : 5. Il résulte de ces textes que les restrictions au droit de propriété grevant les lots d'un groupement d'habitations ont un caractère réel et s'imposent aux acquéreurs des lots de ce groupement, même si elles ne figurent pas dans leur acte de vente, dès lors que les documents qui les contiennent ont été publiés au fichier immobilier. 6. Pour rejeter la demande de démolition des ouvrages construits sur le lot vendu à M. [K], fondée sur la violation du règlement du groupement d'habitations et de son plan de composition, l'arrêt retient que ces documents ne peuvent pas être considérés comme figurant dans l'acte notarié d'acquisition du 17 août 2016 à titre de clauses contractuelles opposables mais uniquement à titre d'informations préalables, dans la mesure où leur contenu respectif n'est ni directement reproduit dans l'acte authentique d'acquisition, ni mentionné comme étant annexé dans ce même acte d'acquisition. 7. Il ajoute que la mention de ces documents dans l'acte de vente a un caractère informatif, résultant de son intitulé même et que leur dépôt aux minutes du notaire instrumentaire ne permet leur consultation que par une démarche totalement dissociée de la formalisation de l'acte authentique. 8. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que le règlement du groupement d'habitation et son plan avaient été publiés au service de la publicité foncière, la cour d'appel a violé les textes susvisés. Et sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche Enoncé du moyen 9. M. et Mme [T] font le même grief à l'arrêt, alors « qu'interdiction est faite au juge de dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; qu'en retenant que le Règlement de l'ensemble résidentiel "[Adresse 5]" ne fixent pas les modalités et conditions constructives propres à chacun des lots privatifs, quand, en son article 2.07 intitulé Implantation des constructions par rapport aux limites séparatives, il prévoit : "Les constructions seront réalisées suivant le plan de composition", les juges du fond ont dénaturé le Règlement de l'ensemble résidentiel "[Adresse 5]". » Réponse de la Cour Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis : 10. Pour rejeter la demande de démolition fondée sur la violation du règlement du groupement d'habitations et de son plan de composition, l'arrêt retient que les articles 1.01 et 1.02 du règlement de l'ensemble résidentiel « [Adresse 5] » limitent le périmètre de compétence des dispositions de ce document aux seules règles et servitudes d'intérêt général de cet ensemble résidentiel ainsi qu'au respect des règles d'urbanisme applicables sur le territoire de la commune d'[Localité 4], à l'exclusion des modalités et conditions constructives propres à chacun des lots privatifs, qui relèvent sur un plan général du plan local d'urbanisme. 11. En statuant ainsi, alors que le règlement litigieux prévoyait des règles de dimension, d'aspect et d'implantation des constructions sur les lots privatifs, en renvoyant, s'agissant des distances à observer par rapport aux limites séparatives, au plan de composition, la cour d'appel, qui a dénaturé les termes clairs et précis de cet écrit, a violé le principe susvisé. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. et Mme [T] de leur demande en démolition de la maison en cours de construction appartenant à M. [K] et en ce qu'il les déboute de leurs demandes subsidiaires d'indemnités en allégation de préjudices de perte de vue et d'ensoleillement ainsi que de valeur vénale de leur maison d'habitation, l'arrêt rendu le 14 décembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Riom ; Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ; Condamne M. [K] et la société MJ [V], prise en sa qualité de liquidateur de la société civile de construction vente [Adresse 5], aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne in solidum M. [K] et la société MJ [V], prise en sa qualité de liquidateur de la société civile de construction vente [Adresse 5], à payer à M. et Mme [T] la somme de globale de 2 000 euros et rejette la demande de M. [K] ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize juillet deux mille vingt-trois. 3e Civ., 9 décembre 1986, pourvoi n° 85-14.348, Bull. 1986, III, n° 174 (cassation) ;3e Civ., 20 décembre 1989, pourvoi n° 88-19.438, Bull. 1989, III, n° 248 (rejet).
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LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 13 juillet 2023 Cassation sans renvoi Mme TEILLER, président Arrêt n° 553 FS-B Pourvoi n° W 21-23.747 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 13 JUILLET 2023 M. [L] [R], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° W 21-23.747 contre l'arrêt rendu le 9 août 2021 par la cour d'appel de Versailles (4e chambre), dans le litige l'opposant à la Société moderne des terrassements parisiens, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Brun, conseiller référendaire, les observations de la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat de M. [R], de la SCP Yves et Blaise Capron, avocat de la Société moderne des terrassements parisiens, et l'avis de M. Brun, avocat général, après débats en l'audience publique du 13 juin 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Brun, conseiller référendaire rapporteur, M. Delbano, conseiller doyen, Mme Farrenq-Nési, M. Boyer, Mme Abgrall, conseillers, Mme Djikpa, M. Zedda, Mmes Vernimmen, Rat, conseillers référendaires, M. Brun, avocat général, et Mme Besse, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 9 août 2021), et les productions, M. [R] (le maître de l'ouvrage) a confié la réalisation de travaux à la société Mag (l'entrepreneur principal), qui en a sous-traité une partie à la Société moderne des Terrassements parisiens (le sous-traitant). 2. Par jugement du 12 juin 2014, l'entrepreneur principal a été mis en liquidation judiciaire immédiate sans avoir réglé le solde du marché au sous-traitant. 3. Ayant adressé en vain, le 6 octobre 2014, une lettre mettant en demeure l'entrepreneur principal de lui payer le solde du marché, le sous-traitant a exercé l'action directe à l'encontre du maître de l'ouvrage. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa première branche 4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Mais sur le moyen relevé d'office 5. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code. Vu l'article 12, alinéas 1 et 3, de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 : 6. Selon ce texte, le sous-traitant a une action directe contre le maître de l'ouvrage si l'entrepreneur principal ne paie pas, un mois après en avoir été mis en demeure, les sommes qui sont dues en vertu du contrat de sous-traitance ; copie de cette mise en demeure est adressée au maître de l'ouvrage. Cette action directe subsiste même si l'entrepreneur principal est en état de liquidation des biens, de règlement judiciaire ou de suspension provisoire des poursuites. 7. Il est jugé que lorsque l'entrepreneur principal a été mis en liquidation judiciaire, le sous-traitant est tenu pour exercer l'action directe, prévue à l'article susvisé, contre le maître de l'ouvrage, d'adresser à celui-ci une copie de sa production au passif de l'entrepreneur principal, cette production tenant lieu de mise en demeure (Com., 12 mai 1992, pourvoi n° 89-17.908, Bull. 1992, IV, n° 178 ; Com., 9 mai 1995, pourvoi n° 93-10.568, Bull 1995, IV, n° 131). 8. Pour condamner le maître de l'ouvrage à payer une certaine somme au sous-traitant ayant agi directement contre lui, l'arrêt retient que ce dernier démontre avoir adressé à l'entrepreneur principal, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 6 octobre 2014, une mise en demeure de payer le solde du marché, la mise en liquidation judiciaire antérieure de l'entrepreneur principal étant indifférente. 9. En statuant ainsi, alors que faute de mise en demeure préalable à la liquidation judiciaire, seule la déclaration de créance vaut mise en demeure de l'entrepreneur principal, la cour d'appel a violé le texte susvisé. Portée et conséquences de la cassation 10. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile. 11. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond. 12. La mise en demeure adressée, le 6 octobre 2014, par le sous-traitant à l'entrepreneur principal, dessaisi de la gestion de ses biens à compter du prononcé de la liquidation judiciaire, est inefficace. En l'absence de déclaration de créance au passif de l'entrepreneur principal valant mise en demeure, l'action directe exercée par le sous-traitant contre le maître de l'ouvrage est irrecevable. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 9 août 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; DECLARE irrecevable la Société moderne des Terrassements parisiens en son action directe en paiement formée contre M. [R] ; Condamne la Société moderne des Terrassements parisiens aux dépens, en ce compris ceux exposés devant la cour d'appel ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize juillet deux mille vingt-trois. Com., 9 mai 1995, pourvoi n° 93-10.568, Bull. 1995, IV, n° 131 (cassation), et l'arrêt cité.
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LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 13 juillet 2023 Cassation partielle Mme TEILLER, président Arrêt n° 555 FS-B Pourvoi n° U 22-17.010 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 13 JUILLET 2023 La société Deloffre, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], exerçant sous l'enseigne Maisons Axcess, a formé le pourvoi n° U 22-17.010 contre l'arrêt rendu le 26 janvier 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 5), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. [L] [K], 2°/ à Mme [O] [P], domiciliés tous deux [Adresse 1], défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, six moyens de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Zedda, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société Deloffre, de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [K] et de Mme [P], et l'avis de M. Brun, avocat général, après débats en l'audience publique du 13 juin 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Zedda, conseiller référendaire rapporteur, M. Delbano, conseiller doyen, Mme Farrenq-Nési, M. Boyer, Mme Abgrall, conseillers, Mmes Djikpa, Brun, Vernimmen, Rat conseillers référendaires, M. Brun, avocat général, et Mme Besse, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 26 janvier 2022), le 16 août 2011, M. [K] et Mme [P] ont conclu avec la société Deloffre un contrat de construction de maison individuelle avec fourniture du plan. 2. La réception de l'ouvrage est intervenue le 30 septembre 2013 avec réserves. 3. Se plaignant de désordres et retards, M. [K] et Mme [P] ont assigné la société Deloffre en indemnisation de leurs préjudices. Examen des moyens Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche et sur les deuxième et quatrième moyens 4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui sont irrecevables ou qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 5. La société Deloffre fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à M. [K] et Mme [P] la somme de 4 716,40 euros au titre des surcoûts pris en charge par les maîtres de l'ouvrage, alors « que le constructeur de maison individuelle n'est pas tenu de réaliser des équipements qui ne sont ni prévus par le contrat de construction et ses annexes ni indispensables à l'implantation et à l'utilisation de l'immeuble, quand bien même ils seraient rendus nécessaires par l'autorisation d'urbanisme ; qu'ayant constaté que la notice descriptive ne portait pas mention de la réalisation de la clôture végétalisée du terrain sur lequel la maison a été édifiée, la cour d'appel qui a cependant jugé que son coût devait être pris en charge par le constructeur, au seul motif, inopérant, que le permis de construire avait été accordé sous réserve de prescriptions relatives aux clôtures, et sans constater que cette clôture aurait été indispensable à l'implantation et à l'utilisation de l'immeuble, a violé les articles L. 231-2 et R. 231-4 du code de la construction et de l'habitation. » Réponse de la Cour 6. Dès lors que, selon l'article L. 231-2 du code de la construction et de l'habitation, le contrat de construction avec fourniture du plan doit comporter l'affirmation de la conformité du projet aux règles du code de l'urbanisme, le coût des ouvrages dont la réalisation conditionne l'autorisation de construire doit être intégré dans le prix forfaitaire demandé par le constructeur ou, s'il est laissé à la charge du maître de l'ouvrage, faire l'objet d'un chiffrage de la part du constructeur. 7. Une telle interprétation est conforme aux objectifs poursuivis par ce texte, dont la finalité est d'informer exactement le maître de l'ouvrage du coût total de la construction projetée, pour lui éviter de s'engager dans une opération qu'il ne pourrait mener à son terme. 8. La cour d'appel a relevé que le plan local d'urbanisme en vigueur au jour de la signature du contrat de construction, prévoyait, dans la zone d'implantation de la maison, la clôture des terrains par des haies végétales, que les plans de la demande de permis de construire faisaient apparaître la clôture et que le permis de construire était accordé à M. [K] et Mme [P] sous réserve du respect des prescriptions relatives aux clôtures. 9. Ayant constaté que le coût de la clôture, qui devait obligatoirement être édifiée pour respecter les règles locales d'urbanisme et l'autorisation de construire, n'avait pas été inclus dans le prix forfaitaire ni chiffré au titre des prestations restant à la charge des maîtres de l'ouvrage, la cour d'appel en a exactement déduit qu'il devait être mis à la charge du constructeur. 10. Le moyen n'est donc pas fondé. Sur le sixième moyen Enoncé du moyen 11. La société Deloffre fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à M. [K] et Mme [P] la somme de 2 585,44 euros TTC au titre des frais exposés en expertise et procès-verbal d'huissier de justice, alors : « 1°/ qu'il ne peut y avoir de responsabilité civile sans faute ; qu'en condamnant la société Deloffre à payer des dommages-intérêts aux consorts [K] / [P] au titre de l'expertise amiable de l'expert [C], au seul motif, inopérant, que cette expertise a été utile à la résolution du litige, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ; 2°/ qu'en s'abstenant d'expliquer en quoi le fait pour le maître de l'ouvrage de se faire assister lors de la réception du chantier par un huissier de justice constituerait un préjudice en lien de causalité direct et certain avec une faute commise par le constructeur, le coût de son intervention étant dû que des réserves soient ou non formulées, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. » Réponse de la Cour 12. La cour d'appel s'est fondée sur les conclusions de l'expertise non judiciaire et le constat de l'huissier de justice pour condamner le constructeur à indemniser les maîtres de l'ouvrage du coût des travaux nécessaires à la levée des réserves. 13. Par motifs propres et adoptés, elle a retenu que ces actes avaient été utiles à la résolution du litige et que les frais y afférents avaient été exposés à la suite des nombreuses réserves relevées lors de la réception de l'ouvrage, consécutives au manquement contractuel de la société Deloffre. 14. Ayant retenu que le déroulement des travaux et la gestion du chantier avaient été chaotiques, elle a suffisamment fait ressortir que les frais litigieux, en ce compris les frais de l'intervention d'un huissier de justice lors des opérations de réception, étaient imputables aux fautes du constructeur. 15. Elle a, ainsi, légalement justifié sa décision. Mais sur le troisième moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 16. La société Deloffre fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à M. [K] et Mme [P] la somme de 24 795,12 euros au titre de sa garantie de parfait achèvement, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 30 septembre 2014, alors « que la garantie de parfait achèvement, à laquelle l'entrepreneur est tenu pendant un délai d'un an à compter de la réception, s'étend à la réparation de tous les désordres signalés par le maître de l'ouvrage, soit au moyen de réserves mentionnées au procès-verbal de réception, soit par voie de notification écrite pour ceux révélés postérieurement à la réception ; qu'en l'absence de notification préalable à l'entrepreneur des désordres révélés postérieurement à la réception, qu'une assignation, même délivrée avant l'expiration du délai d'un an, ne peut suppléer, les demandes indemnitaires du maître de l'ouvrage fondées sur la garantie de parfait achèvement ne peuvent être accueillies ; qu'en retenant, pour accueillir les demandes indemnitaires des consorts [K] / [P] fondées sur la garantie de parfait achèvement, que l'assignation devant le tribunal de la société Deloffre par leurs soins est intervenue par acte du 30 septembre 2014, soit dans le délai d'un an et qu'il y a donc lieu d'examiner les désordres qu'ils allèguent, tout en constatant que le seul courrier adressé le 28 octobre 2013 par les maîtres de l'ouvrage au constructeur ne concernait pas les désordres relevant de la garantie de parfait achèvement, la cour d'appel a violé l'article 1792-6 du code civil. » Réponse de la Cour Vu l'article 1792-6 du code civil : 17. Selon ce texte, la garantie de parfait achèvement, à laquelle l'entrepreneur est tenu pendant un délai d'un an, à compter de la réception, s'étend à la réparation de tous les désordres signalés par le maître de l'ouvrage, soit au moyen de réserves mentionnées au procès-verbal de réception, soit par voie de notification écrite pour ceux révélés postérieurement à la réception. 18. Ainsi, en l'absence de notification préalable à l'entrepreneur des désordres révélés postérieurement à la réception, qu'une assignation, même délivrée avant l'expiration du délai d'un an prévu à l'article 1792-6 du code civil, ne peut suppléer, le maître de l'ouvrage ne peut être indemnisé sur le fondement de la garantie de parfait achèvement. 19. Pour accueillir les demandes de M. [K] et Mme [P] sur le fondement de la garantie de parfait achèvement, l'arrêt retient que l'assignation délivrée à la société Deloffre, valant mise en demeure, est intervenue dans le délai d'un an courant à compter de la réception de l'ouvrage. 20. En se déterminant ainsi, sans constater que les désordres avaient, préalablement à l'assignation, été notifiés à l'entrepreneur, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision. Portée et conséquences de la cassation 21. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef de dispositif de l'arrêt condamnant la société Deloffre sur le fondement de la garantie de parfait achèvement entraîne la cassation du chef de dispositif condamnant l'entrepreneur à indemniser le préjudice moral des maîtres de l'ouvrage, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire. 22. En effet, la condamnation prononcée au titre du préjudice moral se fonde sur l'existence de multiples désordres. 23. La cassation des chefs de dispositif relatifs à la garantie de parfait achèvement et au préjudice moral n'emporte pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant la société Deloffre aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celle-ci. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Deloffre à payer à M. [K] et Mme [P] la somme de 24 795,12 euros TTC au titre de la garantie de parfait achèvement et la somme de 4 000 euros en réparation de leur préjudice moral, l'arrêt rendu le 26 janvier 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ; Condamne M. [K] et Mme [P] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize juillet deux mille vingt-trois.
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 12 juillet 2023 M. CHAUVIN, président Arrêt n° 484 FS-B Pourvoi n° M 21-21.185 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 12 JUILLET 2023 Mme [W] [L], épouse [D], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° M 21-21.185 contre l'arrêt rendu le 27 mai 2021 par la cour d'appel de Versailles (2e chambre, 2e section), dans le litige l'opposant à M. [E] [D], domicilié chez M. [Y], [Adresse 2], défendeur à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Beauvois, conseiller, les observations de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de Mme [L], de la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat de M. [D], et l'avis de Mme Caron-Déglise, avocat général, après débats en l'audience publique du 6 juin 2023 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Beauvois, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, Mme Antoine, M. Fulchiron, Mme Dard, Mme Agostini, conseillers, M. Duval, M. Buat-Ménard et Mme Daniel, conseillers référendaires, Mme Caron-Déglise, avocat général et Mme Layemar, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 27 mai 2021), M. [D] et Mme [L], tous deux de nationalité tunisienne, se sont mariés en Tunisie le 8 avril 2006. Ils ont acquis la nationalité française le 25 janvier 2016. 2. Le 8 août 2019, Mme [L] a saisi un juge aux affaires familiales d'une requête en divorce. 3. M. [D] a soulevé une fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée attachée à un jugement de divorce prononcé le 26 décembre 2017, sur sa demande unilatérale, par le tribunal de première instance de Sousse (Tunisie) et ayant acquis force de chose jugée sur le principe du divorce. Examen du moyen Enoncé du moyen 4. Mme [L] fait grief à l'arrêt de dire que le jugement du 26 décembre 2017, l'arrêt de la cour d'appel de Sousse du 16 mai 2018 et l'arrêt de la Cour de cassation tunisienne du 12 décembre 2018 sont opposables en France et de déclarer irrecevable sa requête en divorce, alors « que la décision d'une juridiction étrangère constatant la volonté unilatérale du mari de mettre fin au mariage sans justification aucune, sans donner d'effet juridique à l'opposition éventuelle de la femme et privant l'autorité compétente de tout pouvoir autre que celui d'aménager les conséquences financières de cette rupture du lien matrimonial est contraire au principe d'égalité des époux lors de la dissolution du mariage, et donc à l'ordre public international ; qu'en retenant, pour considérer que le jugement de divorce tunisien n'était pas contraire à l'ordre public international et en conséquence déclarer la requête en divorce de Mme [L] irrecevable, que le divorce prononcé par volonté unilatérale de M. [D] n'était pas assimilable à une répudiation et était ouvert de manière identique à chacun des conjoints, quand le juge tunisien qui avait prononcé le divorce s'était borné à constater la volonté unilatérale de M. [D] de mettre fin au mariage et n'avait pas donné d'effet juridique à l'opposition éventuelle de la femme, pour ensuite statuer sur les seules conséquences de la rupture du mariage, la cour d'appel a violé l'article 15 de la Convention franco-tunisienne du 28 juin 1972 et l'article 5 du Protocole additionnel n° 7 du 22 novembre 1984 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. » Réponse de la Cour 5. Selon l'article 15, d), de la Convention franco-tunisienne du 28 juin 1972 relative à l'entraide judiciaire en matière civile et commerciale et à la reconnaissance et à l'exécution des décisions judiciaires, les décisions contentieuses et gracieuses rendues par les juridictions tunisiennes, en matière civile, n'ont de plein droit l'autorité de la chose jugée sur le territoire français que si elles ne contiennent rien de contraire à l'ordre public international. 6. Aux termes de l'article 5 du Protocole additionnel n° 7 du 22 novembre 1984 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, les époux jouissent de l'égalité de droits et de responsabilités de caractère civil entre eux et dans leurs relations avec leurs enfants au regard du mariage, durant le mariage et lors de sa dissolution. 7. L'article 31, alinéas 1 à 4, du Livre second du code du statut personnel tunisien du 13 août 1956, consacré au divorce, qui ne peut avoir lieu que devant le tribunal selon l'article 30, dispose : « Le Tribunal prononce le divorce : 1) en cas de consentement mutuel des époux ; 2) à la demande de l'un des époux en raison du préjudice qu'il a subi ; 3) à la demande du mari ou de la femme. » 8. La cour d'appel a énoncé que l'article 31, 3), du code du statut personnel tunisien édicte un cas de divorce qui n'est pas assimilable à une répudiation unilatérale, accordée au seul mari, dès lors que celui-ci est ouvert de manière identique à chacun des conjoints. 9. Elle a retenu que, régulièrement citée et représentée par un avocat devant les juridictions tunisiennes, Mme [L] ne démontrait pas que les décisions, qui avaient été obtenues à la suite d'un débat contradictoire et à l'encontre desquelles elle avait exercé les voies de recours mises à sa disposition, avaient été rendues en fraude de ses droits. 10. Elle en a déduit à bon droit que les décisions tunisiennes invoquées par M. [D] n'étaient pas contraires au principe d'égalité des époux lors de la dissolution du mariage et donc à l'ordre public international. 11. Le moyen n'est dès lors pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne Mme [L] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze juillet deux mille vingt-trois.
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 12 juillet 2023 Mme GUIHAL, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 505 F-B Pourvois n° W 21-25.587 X 21-25.588 JONCTION R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 12 JUILLET 2023 1°/ M. [H] [T], 2°/ Mme [L] [P], épouse [T], tous deux domiciliés [Adresse 2], ont formé les pourvois n° W 21-25.587 et X 21-25.588 contre deux arrêts rendus le 4 novembre 2021 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-9), dans le litige les opposant à la société Banque Palatine, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de chaque pourvoi, trois moyens et deux moyens de cassation. Les dossiers ont été communiqués au procureur général. Sur le rapport de Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. et Mme [T], de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société Banque Palatine, et l'avis de Mme Cazaux-Charles, avocat général, après débats en l'audience publique du 13 juin 2023 où étaient présents Mme Guihal, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire rapporteur, M. Hascher, conseiller, et Mme Vignes, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; 1. En raison de leur connexité, les pourvois n° 21-25.587 et 21-25.588 sont joints. Faits et procédure 2. Selon les arrêts attaqués (Aix-en-Provence, 4 novembre 2021), par actes notariés du 1er mars 2007, la société Banque Palatine (la banque) a consenti à M. et Mme [T] (les emprunteurs) deux prêts immobiliers. 3. Les 9 et 12 décembre 2011, la banque a assigné les emprunteurs en paiement des sommes dues au titre des deux prêts. Par ordonnance du 16 novembre 2012, le juge de la mise en état a ordonné le sursis à statuer dans l'attente du prononcé d'une décision pénale définitive à la suite de l'information judiciaire et de la constitution de partie civile des emprunteurs. 4. Se prévalant des titres constitués par les actes authentiques de prêt, la banque a, d'une part, le 25 juin 2019, pris une inscription d'hypothèque judiciaire provisoire sur l'un des biens immobiliers financés et, d'autre part, suivant procès-verbaux du 20 août 2019, procédé à la saisie-attribution de certaines sommes dont les emprunteurs étaient créanciers. 5. Les 23 juillet et 26 septembre 2019, ces derniers ont assigné la banque en nullité et mainlevée de l'inscription d'hypothèque et des saisies-attribution en invoquant la prescription des créances. Examen des moyens Sur les deuxième et troisième moyens du pourvoi n° 21-25.587 et sur le second moyen du pourvoi n° 21-25.588 6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur les premiers moyens des pourvois, rédigés en termes identiques, réunis Enoncé des moyens 7. Par le premier moyen du pourvoi n° 21-25.587, les emprunteurs font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes et valider les saisies attributions à exécution successive pratiquées à la requête de la banque en cantonnant ses créances à certains montants, alors « que la prescription de l'action en recouvrement d'une créance en vertu d'un titre exécutoire ne peut être interrompue par une action qui a pour objet distinct une demande en paiement d'une créance en vue d'obtenir un titre exécutoire ; qu'en décidant que l'assignation en paiement devant le tribunal de grande instance de Grasse délivrée par la Banque Palatine par actes des 9 et 12 décembre 2011 en vue d'obtenir un titre exécutoire aurait interrompu la prescription de l'action en recouvrement de la créance en vertu du titre exécutoire que constitue l'acte notarié, la cour d'appel a violé les articles 2241 du code civil, L. 111-2 et L. 111-3, 4°, du code des procédures civiles d'exécution. » 8. Par le premier moyen du pourvoi n° 21-25.588, les emprunteurs font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes et valider l'inscription d'hypothèque judiciaire provisoire en cantonnant la créance de la banque à un certain montant, alors « que la prescription de l'action en recouvrement d'une créance en vertu d'un titre exécutoire ne peut être interrompue par une action qui a pour objet distinct une demande en paiement d'une créance en vue d'obtenir un titre exécutoire ; qu'en décidant que l'assignation en paiement devant le tribunal de grande instance de Grasse délivrée par la Banque Palatine par actes des 9 et 12 décembre 2011 en vue d'obtenir un titre exécutoire aurait interrompu la prescription de l'action en recouvrement de la créance en vertu du titre exécutoire que constitue l'acte notarié, la cour d'appel a violé les articles 2241 du code civil, L. 111-2 et L. 111-3, 4°, du code des procédures civiles d'exécution. » Réponse de la Cour 9. La cour d'appel, qui a relevé que par actes des 9 et 12 décembre 2011, la banque avait assigné les emprunteurs en paiement du solde restant dû sur les deux emprunts et que cette instance était toujours en cours à la date à laquelle la banque avait procédé à l'inscription d'hypothèque et diligenté la saisie-attribution sur le fondement des actes authentiques de prêt, en a exactement déduit que ces actions ayant le même but, à savoir le désintéressement du prêteur, l'introduction de la première avait interrompu le délai de la prescription des secondes et que l'effet interruptif ayant continué de produire ses effets, aucune prescription n'était acquise au moment de l'inscription d'hypothèque du 25 juin 2019 et des saisies du 20 août 2019. 10. Les moyens ne sont donc pas fondés. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE les pourvois ; Condamne M. et Mme [T] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par M. et Mme [T] et les condamne à payer à la société Banque Palatine la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze juillet deux mille vingt-trois.
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 12 juillet 2023 Cassation partielle Mme AUROY, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 488 F-B Pourvoi n° E 21-19.362 Aide juridictionnelle partielle en défense au profit de M. [J] [D]. Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 19 janvier 2022. R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 12 JUILLET 2023 Mme [X] [R], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° E 21-19.362 contre l'arrêt rendu le 15 avril 2021 par la cour d'appel de Bourges (chambre civile), dans le litige l'opposant à M. [J] [D], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Duval, conseiller référendaire, les observations de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de Mme [R], de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de M. [D], et l'avis de Mme Caron-Deglise, avocat général, après débats en l'audience publique du 6 juin 2023 où étaient présents Mme Auroy, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Duval, conseiller référendaire rapporteur, Mme Antoine, conseiller, Mme Caron-Deglise, avocat général, et Mme Layemar, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Bourges, 15 avril 2021), des relations entre Mme [R] et M. [D] est né [M], le 10 juin 2014. 2. Un jugement du 5 janvier 2017, confirmé par arrêt du 9 novembre 2017, a dit que l'autorité parentale est exercée conjointement, fixé la résidence habituelle de [M] au domicile de son père et accordé une droit de visite et d'hébergement au profit de la mère. 3. Informée du déménagement de M. [D] en Alsace, Mme [R] a saisi un juge aux affaires familiales afin d'obtenir le transfert de la résidence habituelle de l'enfant à son domicile. Sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 4. Mme [R] fait grief à l'arrêt de fixer, à compter du 3 mai 2021, la résidence habituelle de [M] au domicile paternel, alors « qu'il est fait un compte rendu de l'audition de l'enfant, soumis au respect du contradictoire ; que Mme [R] a fait valoir que [M] avait été entendu le 10 février 2021 et qu'elle ne s'était pas vu communiquer de compte rendu de cette audition ; qu'en statuant sur la fixation de la résidence habituelle de [M], sans s'assurer qu'avait été adressé aux parties un compte rendu de l'audition de l'enfant et que celles-ci aient été mises à même de formuler leurs observations, la cour d'appel a violé l'article 338-12 du code de procédure civile ensemble l'article 16 du même code. » Réponse de la Cour Vu les articles 338-12 et 16, alinéa 1, du code de procédure civile : 5. Il résulte du premier de ces textes, que lorsqu'il a été procédé à l'audition d'un mineur en application de l'article 388-1 du code civil, il est fait, dans l'intérêt de l'enfant, un compte rendu de cette audition, soumis au respect du contradictoire. 6. Aux termes du second, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction. 7. L'arrêt fixe la résidence habituelle de l'enfant après avoir mentionné que celui-ci a été entendu le 10 février 2021, assisté de son avocat, par le conseiller de la mise en état. 8. En statuant ainsi, alors qu'il ne résulte ni de ces énonciations ni des pièces de la procédure qu'un compte rendu de cette audition ait été communiqué aux parties, la cour d'appel a violé les textes susvisés. Portée et conséquences de la cassation 9. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef de dispositif de l'arrêt fixant, à compter du 3 mai 2021, la résidence habituelle de l'enfant au domicile paternel entraîne la cassation du chef de dispositif relatif au droit de visite et d'hébergement de la mère qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire. 10. La cassation des chefs de dispositif ci-dessus mentionnés n'emporte pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt rejetant la demande de M. [D] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et mettant à la charge de chacune des parties la moitié des dépens, justifiés des dispositions de l'arrêt non remises en cause. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il fixe, à compter du 3 mai 2021, la résidence habituelle de [M] au domicile paternel et en ce qu'il dit qu'à défaut d'accord, Mme [R] exercera son droit de visite et d'hébergement pendant l'intégralité des vacances scolaires de la Toussaint, d'hiver et de Pâques ainsi que la moitié des vacances scolaires de Noël et d'été, en alternance, première moitié les années paires et deuxième moitié les années impaires, à charge pour le père de conduire l'enfant chez la mère et d'aller le chercher ou de le faire conduire ou chercher par une personne de confiance, l'arrêt rendu le 15 avril 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Bourges ; Remet, sur ces points l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bourges autrement composée ; Condamne M. [D] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze juillet deux mille vingt-trois.
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 12 juillet 2023 Mme AUROY, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 491 F-B Pourvoi n° X 21-23.242 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 12 JUILLET 2023 Mme [W] [H], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° X 21-23.242 contre l'arrêt rendu le 16 septembre 2021 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 2-1), dans le litige l'opposant : 1°/ à Mme [E] [T], domiciliée [Adresse 2], 2°/ au procureur général près la cour d'appel d'Aix-en-Provence, domicilié en son parquet général, cour d'appel [Adresse 3], défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Fulchiron, conseiller, les observations de la SCP Alain Bénabent, avocat de Mme [H], de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de Mme [T], et l'avis de Mme Caron-Déglise, avocat général, après débats en l'audience publique du 6 juin 2023 où étaient présents Mme Auroy, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Fulchiron, conseiller rapporteur, Mme Antoine, conseiller, Mme Caron-Déglise, avocat général, et Mme Layemar, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 16 septembre 2021), Mme [T] et Mme [H] se sont mariées le 10 juin 2017. 2. Le 14 octobre 2018, Mme [H] a donné naissance à l'enfant [P]. 3. Par requête du 16 mars 2021, Mme [T] a sollicité le prononcé de l'adoption plénière de [P], à laquelle Mme [H] avait consenti par acte notarié du 2 janvier 2020. Examen du moyen Sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches 4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 5. Mme [H] fait grief à l'arrêt de prononcer l'adoption plénière de l'enfant mineur [P] [H] par Mme [T], alors « que l'adoption requiert le consentement du représentant légal de l'enfant et ne devient irrévocable que lorsque le jugement qui la prononce est passé en force de chose jugée ; qu'il en résulte que l'adoption prononcée par jugement doit d'office être annulée par le juge saisi en appel par le représentant légal de l'adopté, dès lors qu'il ne consent plus à l'adoption de son enfant ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a confirmé le jugement d'adoption cependant que Mme [H], mère de l'enfant adoptée, avait formé appel du jugement en faisant valoir qu'elle s'opposait à l'adoption plénière de l'enfant par sa conjointe en instance de divorce, Mme [T] ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles 370-3 et 359 du code civil. » Réponse de la Cour 6. Il résulte des l'articles 345-1, 1°, devenu 370-1-3, 1°, 348-1 et 348-3 du code civil, dans leur version alors applicable, que l'adoption plénière de l'enfant du conjoint, permise lorsque l'enfant n'a de filiation établie qu'à l'égard de ce conjoint, requiert le consentement de celui-ci, lequel peut être rétracté pendant deux mois. 7. Il s'en déduit qu'à défaut de rétractation dans le délai légal, l'opposition du conjoint ne lie pas le juge, qui doit seulement vérifier que les conditions de la loi sont remplies et si l'adoption est conforme à l'intérêt de l'enfant. 8. N'étant pas contesté que Mme [H] avait consenti à l'adoption de [P] par Mme [T] et n'avait pas rétracté son consentement dans le délai prévu par la loi, c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation que la cour d'appel a estimé que, malgré la séparation de l'adoptante et de la mère de l'enfant, et l'opposition de celle-ci, l'adoption demandée était conforme à l'intérêt de l'enfant et a, en conséquence, prononcé celle-ci. 9. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS , la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne Mme [H] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [H] et la condamne à payer à Mme [T] la somme de 3 000 euros. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze juillet deux mille vingt-trois.
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 12 juillet 2023 Cassation partielle sans renvoi M. CHAUVIN, président Arrêt n° 532 FS-B Pourvois n° R 21-20.361 W 21-23.425 JONCTION R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 12 JUILLET 2023 I - 1°/ M. [Y] [P], 2°/ M. [I] [P], domiciliés tous deux [Adresse 3] (Belgique), ont formé le pourvoi n° R 21-20.361 contre l'arrêt rendu le 26 mai 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 3, chambre 1), dans le litige les opposant : 1°/ à Mme [G] [P], domiciliée [Adresse 1], 2°/ à Mme [X] [O], veuve [P], domiciliée [Adresse 2], 3°/ à la société HSBC Continental Europe, société anonyme, dont le siège est [Adresse 4], défendeurs à la cassation. II - Mme [G] [P], a formé le pourvoi n° W 21-23.425 contre le même arrêt rendu, dans le litige l'opposant : 1°/ à M. [Y] [P], 2°/ à M. [I] [P], 3°/ à Mme [X] [O], veuve [P], 4°/ à la société Maray, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 5], 5°/ à la société HSBC continental Europe, société anonyme, défendeurs à la cassation. Les demandeurs au pourvoi n° R 21-20.361 invoquent, à l'appui de leur recours, deux moyens de cassation. La demanderesse au pourvoi n° W 21-23.425 invoque, à l'appui de son recours, trois moyens de cassation. Les dossiers ont été communiqués au procureur général. Sur le rapport de M. Buat-Ménard, conseiller référendaire, les observations de la SCP Alain Bénabent, avocat de MM. [Y] et [I] [P], de Mme [O], veuve [P] et de la société Maray, de la SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat de Mme [G] [P], et l'avis de M. Sassoust, avocat général, après débats en l'audience publique du 27 juin 2023 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Buat-Ménard, conseiller référendaire rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, Mmes Antoine, Poinseaux, M. Fulchiron, Mmes Dard, Beauvois, Agostini, conseillers, M. Duval, Mmes Azar, Daniel, conseillers référendaires, M. Sassoust, avocat général, et Mme Layemar, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; 1. En raison de leur connexité, les pourvois n° 21-20.361 et 21-23.425 sont joints. Désistement partiel 2. Il est donné acte à Mme [G] [P] du désistement de son pourvoi n° 21-23.425 en ce qu'il est dirigé contre la société HSBC continental Europe. Faits et procédure 3. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 26 mai 2021) et les productions, [K] [P] est décédé le 14 mars 2013, en laissant pour lui succéder sa fille [G], née d'une première union, ses fils [Y] et [I], nés d'une deuxième union, et Mme [X] [O], son épouse. 4. Par acte authentique reçu le 7 novembre 1995, [K] [P] avait consenti à ses trois enfants une « donation-partage anticipée », avec attribution, à sa fille, de la pleine propriété de quatre biens mobiliers, et à chacun de ses fils, de la nue-propriété de la moitié indivise d'un bien immobilier. 5. Par acte authentique reçu le 17 janvier 2008, auquel [K] [P] était intervenu en sa qualité de donateur, M. [I] [P] avait cédé à son frère sa quote-part indivise en nue-propriété du bien immobilier. 6. Des difficultés étant survenues au cours des opérations de comptes, liquidation et partage de la succession, Mme [G] [P] a assigné ses cohéritiers en partage judiciaire. Examen des moyens Sur le premier moyen, pris en sa troisième branche, et le second moyen du pourvoi n° 21-20.361 et sur les premier, deuxième et troisième moyens, celui-ci pris en sa seconde branche, du pourvoi n° 21-23.425 7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le premier moyen, pris en sa troisième branche, du pourvoi n° 21-20.361 et sur les premier, deuxième et troisième moyens, celui-ci pris en sa seconde branche, du pourvoi n° 21-23.425, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation, et sur le second moyen du pourvoi n° 21-20.361, qui est irrecevable. Sur le premier moyen, pris en ses deux premières branches, du pourvoi n° 21-20.361 Enoncé du moyen 8. MM. [I] et [Y] [P] font grief à l'arrêt de dire que la donation-partage du 7 novembre 1995 est une donation simple, que cette donation devra être rapportée à la succession de [K] [P] et que la valeur de cette donation devra être appréciée au moment du partage, conformément à l'article 860 du code civil, alors : « 1°/ que toute personne peut faire entre ses héritiers présomptifs, sous forme de donation-partage, la distribution et le partage de ses biens et de ses droits ou de partie d'entre eux ; que la donation et le partage peuvent être faits par actes séparés pourvu que le disposant intervienne aux deux actes ; qu'en l'espèce, après avoir relevé que par acte de donation-partage consenti par [K] [P] le 7 novembre 1995, MM. [I] et [Y] [P] avaient reçu de leur père la moitié chacun de la nue-propriété "de lots immobiliers (jugement, p. 7, alinéa 9) et que par acte en date du 17 janvier 2008, M. [I] [P] a vendu à son frère sa quote-part indivise en nue-propriété", la cour d'appel a constaté qu'en sa qualité de donateur, il [[K] [P]] était présent et a donné son consentement à la vente entre les deux frères et renoncé à sa clause révocatoire en déclarant "donner son consentement à la présente vente à titre de licitation, et ce, conformément au terme de l'acte de donation-partage ci-après visé", et "renoncer purement et simplement (...) à l'action révocatoire, légale ou conventionnelle, dont il pourrait se prévaloir en cas d'inexécution des charges et conditions de ladite donation-partage et à l'exercice du droit de retour" (arrêt, p. 9, alinéas 1 et 4) ; qu'il en résultait que le disposant était intervenu aux deux actes de donation et de partage, de sorte que l'opération constituait une donation-partage ; qu'en disant pourtant que la donation-partage du 7 novembre 1995 est une donation simple, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation de l'article 1076, alinéa 2, du code civil ; 2°/ que toute personne peut faire entre ses héritiers présomptifs, sous forme de donation-partage, la distribution et le partage de ses biens et de ses droits ou de partie d'entre eux ; que la donation et le partage peuvent être faits par actes séparés pourvu que le disposant intervienne aux deux actes ; qu'en l'espèce, pour dire que la donation-partage du 7 novembre 1995 est une donation simple, la cour d'appel a retenu qu'"il n'apparaît pas qu'il [[K] [P]] ait été à l'initiative de l'acte [du 17 janvier 2008] ni que le partage ait été réalisé sous sa médiation" (arrêt p. 9, alinéa 5) ; qu'en ajoutant ainsi à la loi des conditions qu'elle ne prévoit pas, la cour d'appel a violé l'article 1076, alinéa 2, du code civil. » Réponse de la Cour 9. Selon l'article 1075 du code civil, toute personne peut faire, entre ses héritiers présomptifs, la distribution et le partage de ses biens et de ses droits sous forme de donation-partage. 10. Aux termes de l'article 1076, alinéa 2, du code civil, la donation et le partage peuvent être faits par actes séparés pourvu que le disposant intervienne aux deux actes. 11. Il résulte de ces textes que la donation-partage, même faite par actes séparés, suppose nécessairement une répartition de biens effectuée par le disposant lui-même ou, tout au moins, sous sa direction et avec son concours. 12. La cour d'appel a retenu, par motifs adoptés, que l'acte du 7 novembre 1995, qui n'attribuait que des droits indivis à MM. [Y] et [I] [P], ne pouvait, à lui seul, opérer un partage. 13. Elle a estimé que, si [K] [P], en sa qualité de donateur, avait donné son consentement à la vente intervenue entre ses fils, en renonçant à l'action révocatoire ainsi qu'à l'exercice du droit de retour, il n'apparaissait pas, pour autant, qu'il ait été à l'initiative de l'acte du 17 janvier 2008 ni que le partage ait été réalisé sous sa médiation. 14. Elle en a déduit que l'acte n'avait pas résulté de la volonté du donateur de procéder au partage matériel de la donation, mais de celle des copartagés. 15. Ayant ainsi fait ressortir que la répartition des biens n'avait pas été effectuée par le disposant lui-même ou, tout au moins, sous sa direction, la cour d'appel a retenu à bon droit que l'acte du 7 novembre 1995 était une donation rapportable à la succession du donateur. 16. Le moyen ne peut donc être accueilli. Mais sur le troisième moyen, pris en sa première branche, du pourvoi n° 21-23.425 Enoncé du moyen 17. Mme [G] [P] fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à MM. [Y] et [I] [P] la somme de 8 000 euros chacun à titre de dommages-intérêts, alors « que la défense à une demande en justice ne peut, sauf circonstances particulières, dégénérer en abus lorsque sa légitimité a été reconnue en première instance ; qu'en retenant en l'espèce, pour accueillir la demande des appelants tendant à voir condamner Mme [G] [P] à leur verser des dommages-intérêts pour résistance abusive à leurs demandes sur l'origine de son patrimoine, que cette dernière n'avait pas déféré à l'ordonnance du juge de la mise en état lui enjoignant "de fournir des renseignements sur son patrimoine et son financement ni les annexes du rapport d'expertise à l'occasion de son divorce avec M. [F] [B]", et qu'elle avait ainsi causé un préjudice aux appelants qui n'ont pu vérifier "si ses avoirs ont pour origine des oeuvres dont elle a directement ou indirectement pris possession de M. [K] [P] ou si elle a bénéficié de la part de ce dernier de dons manuels", quand les premiers juges avaient retenu que nonobstant la décision du juge de la mise en état (...) l'utilité de la communication de pièces relatives au patrimoine personnel de Mme [G] [P] "n'est pas suffisamment démontrée dans le cadre de la demande en partage" et avaient, en conséquence rejeté la demande en dommages-intérêts présentée par MM. [Y] et [I] [P] à l'encontre de leur soeur, pour résistance abusive, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé la faute susceptible de faire dégénérer en abus le droit de Mme [G] [P] de se défendre en justice, a violé l'article 1382, devenu 1240, du code civil. » Réponse de la Cour Vu l'article 1382, devenu 1240, du code civil : 18. En application de ce texte, la défense à une action en justice ne peut, sauf circonstances particulières qu'il appartient alors au juge de spécifier, dégénérer en abus lorsque sa légitimité a été reconnue par les premiers juges, malgré l'infirmation dont leur décision a été l'objet. 19. Pour condamner Mme [G] [P] à payer à MM. [Y] et [I] [P] la somme de 8 000 euros chacun à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive, l'arrêt retient que, n'ayant pas déféré à l'ordonnance du juge de la mise en état lui enjoignant de fournir des renseignements sur son patrimoine et son financement, ainsi que les annexes d'un rapport d'expertise établi à l'occasion de son divorce, celle-ci n'a pas suffisamment justifié, y compris en cause d'appel, de la provenance et du financement de l'ensemble de son patrimoine. 20. En statuant ainsi, alors que les premiers juges avaient rejeté la demande de dommages-intérêts formée par MM. [Y] et [I] [P] nonobstant la décision du juge de la mise en état, la cour d'appel, qui n'a pas spécifié de circonstances particulières ayant fait dégénérer en abus la défense de Mme [G] [P], a violé le texte susvisé. Portée et conséquences de la cassation 21. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile. 22. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond. 23. La cassation du chef de dispositif condamnant Mme [G] [P] à payer à MM. [Y] et [I] [P] la somme de 8 000 euros chacun à titre de dommages-intérêts emporte de plein droit obligation de restitution des sommes versées au titre de l'exécution de cette disposition. 24. Elle n'emporte pas la cassation des chefs de dispositifs relatifs aux dépens et à l'application de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres dispositions de l'arrêt non remises en cause. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne Mme [G] [P] à payer à MM. [Y] et [I] [P] la somme de 8 000 euros chacun à titre de dommages-intérêts, l'arrêt rendu le 26 mai 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; Rejette la demande de dommages-intérêts de MM. [Y] et [I] [P] ; Condamne MM. [I] et [Y] [P] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze juillet deux mille vingt-trois.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ____________________ Audience publique du 21 septembre 2022 Cassation partielle sans renvoi M. CATHALA, président Arrêt n° 984 FS-B sur la recevabilité de l'intervention de la Ligue nationale de rugby, la question préjudicielle et le 1er moyen, pris en ses branches 1, 2,3 et 5 Pourvoi n° U 21-12.590 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 21 SEPTEMBRE 2022 La société Stade Toulousain Rugby, société anonyme sportive professionnelle dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° U 21-12.590 contre l'arrêt rendu le 22 janvier 2021 par la cour d'appel de Toulouse (4e chambre, section 1), dans le litige l'opposant à M. [W] [D], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation. Partie intervenante : La Ligue nationale de rugby, dont le siège est [Adresse 3]. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Flores, conseiller, les observations et les plaidoiries de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de la société Stade Toulousain Rugby, de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de M. [D], la SCP Didier et Pinet, avocat de la Ligue nationale de rugby, et l'avis de M. Desplan et Mme Rémery, avocats généraux, après débats en l'audience publique du 22 juin 2022 où étaient présents M. Cathala, président, M. Flores, conseiller rapporteur, M. Schamber, conseiller doyen, Mmes Cavrois, Monge, M. Rouchayrole, Mme Lecaplain-Morel, conseillers, Mmes Ala, Thomas-Davost, Techer, conseillers référendaires, M. Desplan, Mme Rémery, avocats généraux, cette dernière ayant pris la parole, et Mme Pontonnier, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 22 janvier 2021), M. [D] a été engagé à effet du 1er juillet 2006 par la société Stade Toulousain Rugby (la société) en qualité de joueur de rugby, selon un contrat de travail à durée déterminée pour les saisons 2006/2007 à 2008/2009. Un avenant de prolongation a été conclu le 22 avril 2008 pour les saisons 2009/2010 et 2010/2011. Un deuxième avenant de prolongation a été conclu le 26 janvier 2011 pour les saisons 2011/2012 à 2014/2015. Un dernier contrat est intervenu le 9 janvier 2015 pour les saisons 2015/2016 et 2016/2017. 2. Le 19 juillet 2017, le joueur a saisi la juridiction prud'homale de demandes en requalification de la relation contractuelle en contrat de travail à durée indéterminée et en paiement de diverses sommes au titre de la rupture de la relation de travail. Examen de la recevabilité de l'intervention de la Ligue nationale de rugby, contestée par la défense 3. Le joueur conteste la recevabilité de l'intervention volontaire de la Ligue nationale de rugby en soutenant qu'elle pas ne justifie pas d'un intérêt, pour la préservation de ses droits, à soutenir une partie. 4. Il résulte des articles 327 et 330 du code de procédure civile que les interventions volontaires sont admises si elles sont formées à titre accessoire à l'appui des prétentions d'une partie et si leur auteur a intérêt, pour la préservation de ses droits, à soutenir cette partie. 5. Le litige portant notamment sur les effets de l'homologation des contrats de travail à durée déterminée délivrée par elle, la Ligue nationale de rugby justifie d'un intérêt, pour la préservation de ses droits, à soutenir les prétentions du club. 6. L'intervention est donc recevable. Examen des moyens Sur la demande de question préjudicielle Enoncé du moyen 7. L'employeur demande à la Cour de poser à la Cour de justice de l'Union européenne la question préjudicielle suivante : « 1°/ A la lumière de l'article 165 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, les spécificités attachées à la pratique du sport professionnel tirées notamment de l'incapacité physique pour les sportifs professionnels d'exercer leur métier au-delà d'un certain âge, de la nécessité de préserver l'équité sportive, l'intérêt des compétitions et de permettre aux joueurs de valoriser leur carrière, constituent-elles des "raisons objectives" au sens du a) du paragraphe 1 de la clause 5 de l'accord-cadre sur le travail à durée déterminée annexé à la directive 1999/70/CE du Conseil du 28 juin 1999 permettant aux sportifs professionnels de conclure avec leur club des CDD successifs pour l'exercice de leur activité ? 2°/ A la lumière du préambule (2e alinéa) et des considérations générales (point 8) de l'accord-cadre sur le travail à durée déterminée desquels il résulte notamment que le droit de l'Union européenne n'a pas entendu interdire l'utilisation de CDD successifs lorsque le recours à de tels contrats convient à la fois aux travailleurs et à leurs employeurs, quelles conséquences les juridictions nationales doivent-elles tirer de l'existence de conventions et accords collectifs par lesquels les partenaires sociaux expriment leur souhait de voir leur activité professionnelle s'exercer dans le cadre de CDD successifs ? » Réponse de la Cour 8. D'abord, la Cour de justice de l'Union européenne a jugé que la notion de raisons objectives doit être entendue comme visant des circonstances précises et concrètes caractérisant une activité déterminée et, partant, de nature à justifier dans ce contexte particulier l'utilisation de contrats de travail à durée déterminée successifs. Ces circonstances peuvent résulter notamment, de la nature particulière des tâches pour l'accomplissement desquelles de tels contrats ont été conclus et des caractéristiques inhérentes à celles-ci ou, le cas échéant, de la poursuite d'un objectif légitime de politique sociale d'un Etat membre (CJUE, 26 novembre 2014, C-22/13, C-61/13 et C-448/13, Mascolo et al.). La Cour de justice de l'Union a précisé que si un Etat-membre est en droit, lors de la mise en oeuvre de la clause 5, point 1, de l'accord-cadre, de tenir compte des besoins particuliers d'un secteur spécifique, ce droit ne saurait toutefois être entendu comme lui permettant de se dispenser de respecter, à l'égard de ce secteur, l'obligation de prévoir une mesure adéquate pour prévenir et, le cas échéant sanctionner, le recours abusif aux contrats de travail à durée déterminée successifs (CJUE, 26 février 2015, C-238/14, Commission européenne c/ Grand-Duché du Luxembourg). 9. Ensuite, la Cour de cassation juge de façon constante que s'il résulte de la combinaison des articles L. 1242-1, L. 1242-2 et D. 1242-1 du code du travail que dans les secteurs d'activité définis par décret ou par voie de convention ou d'accord collectif étendu, certains des emplois en relevant peuvent être pourvus par des contrats de travail à durée déterminée lorsqu'il est d'usage constant de ne pas recourir à un contrat à durée indéterminée, en raison de la nature de l'activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois, et que des contrats à durée déterminée successifs peuvent, en ce cas, être conclus avec le même salarié, l'accord-cadre sur le travail à durée déterminée conclu le 18 mars 1999 et mis en oeuvre par la directive 1999/70/CE du Conseil du 28 juin 1999, qui a pour objet, en ses clauses 1 et 5, de prévenir les abus résultant de l'utilisation de contrats à durée déterminée successifs, impose de vérifier que le recours à l'utilisation de contrats successifs est justifié par des raisons objectives qui s'entendent de l'existence d'éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l'emploi (Soc., 23 janvier 2008, n° 06-43.040, Bull. V, n° 16 ; Soc., 17 décembre 2014, n° 13-23.176, Bull. V, n° 295 ; Soc. 4 décembre 2019, n° 18-11.989 ; Soc., 13 octobre 2021, n° 18-21.232, B). 10. La Cour de cassation juge par ailleurs que la détermination par accord collectif de la liste précise des emplois pour lesquels il peut être recouru au contrat de travail à durée déterminée d'usage ne dispense pas le juge, en cas de litige, de vérifier concrètement l'existence de raisons objectives établissant le caractère par nature temporaire de l'emploi concerné (Soc., 9 octobre 2013, n° 12-17.882, Bull. V, n° 226). 11. Enfin, il résulte de la clause 8 de l'accord-cadre sur le travail à durée déterminée conclu le 19 mars 1999, mis en oeuvre par la directive n° 1999/70/CE que les Etats membres ou les partenaires sociaux peuvent maintenir ou introduire des dispositions plus favorables pour les travailleurs et que la mise en oeuvre de l'accord-cadre ne constitue pas une justification valable pour la régression du niveau général de protection des travailleurs. 12. En l'état du droit antérieur à la loi n° 2015-1541du 27 novembre 2015, qui a organisé le recours à un contrat de travail à durée déterminée spécifique pour l'engagement des sportifs professionnels, la demande de renvoi préjudiciel propose une interprétation de la directive n° 1999/70/CE de nature à entraîner une régression du niveau général de protection des salariés concernés. Cette demande de question préjudicielle n'apparaît donc pas pertinente, faute d'influence sur la solution du litige. 13. Il n'y a, en conséquence, pas lieu de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle. Sur le premier moyen, pris en sa quatrième branche, ci-après annexé 14. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen, pris en sa cinquième branche, qui est préalable Enoncé du moyen 15. L'employeur fait grief à l'arrêt de requalifier la relation de travail en contrat à durée indéterminée et de le condamner au paiement de diverses sommes au titre de la rupture, alors « que la décision par laquelle la Ligue nationale de rugby, personne morale de droit privé chargée de l'exécution d'une mission de service public administratif au titre de la réglementation, de la gestion des compétitions professionnelles et de l'homologation des contrats des sportifs participant aux compétitions qu'elle organise, constitue un acte administratif qui s'impose au juge judiciaire, de sorte que celui-ci ne peut requalifier en contrat à durée indéterminée la relation de travail résultant de contrats à durée déterminée successifs homologués par la Ligue nationale de rugby ; qu'en énonçant néanmoins que l'homologation des contrats de travail à durée déterminée successifs de M. [D] par la Ligue nationale de rugby ne faisait pas obstacle au contrôle du juge judiciaire sur leur conformité aux règles d'ordre public en matière de contrat à durée déterminée, la cour d'appel a violé la loi des 16-24 août 1790, le décret du 16 fructidor an III et le principe de séparation des autorités administratives et judiciaires, ensemble les articles R. 132-12 et L. 222-2-6 du code du sport. » Réponse de la Cour 16. Les dispositions prévues par les articles L. 1242-1 et suivants du code du travail, relatives au contrat de travail à durée déterminée, ont été édictées dans un souci de protection du salarié, qui seul peut se prévaloir de leur inobservation. 17. Selon l'article L. 222-2-6 du code du sport, le règlement de la fédération sportive ou, le cas échéant, de la ligue professionnelle peut prévoir une procédure d'homologation du contrat de travail du sportif et de l'entraîneur professionnels et déterminer les modalités de l'homologation ainsi que les conséquences sportives en cas d'absence d'homologation du contrat. 18. Le contrôle des conditions de recours au contrat de travail à durée déterminée n'entre pas dans le champ des vérifications effectuées par une fédération ou une ligue professionnelle, qui, dans le cadre de sa mission de service public relative à l'organisation des compétitions, procède à l'homologation d'un contrat de travail. 19. Le moyen, qui postule le contraire, n'est pas fondé. Sur le premier moyen, pris en ses trois premières branches Enoncé du moyen 20. L'employeur fait le même grief, alors : « 1° / que la nature et les caractéristiques particulières des tâches confiées au travailleur sont susceptibles de constituer des raisons objectives de nature à justifier la conclusion de contrats à durée déterminée successifs ; que, dans le secteur d'activité du rugby professionnel, constituent de telles raisons objectives l'incapacité physique pour un joueur de rugby professionnel d'exercer son métier au-delà d'un certain âge sans qu'une telle circonstance caractérise une discrimination ; qu'en énonçant que la spécificité de l'activité sportive ne justifie pas en soi le caractère par nature temporaire de l'emploi, que la nécessité d'adaptation pour tenir compte des performances du salarié ne permet pas d'établir le caractère temporaire d'un emploi et que l'argument de l'âge est contraire à l'interdiction de discrimination, la cour d'appel a violé les articles L. 122-1, L. 122-1-1, 3° et D. 121-2 du code du travail (devenus les articles L. 1242-1, L. 1242-2, 3° et D. 1242-1, 5° du même code), ensemble les clauses 1 et 5 de l'accord-cadre sur le travail à durée déterminée annexé à la directive 1999/70/CE du 28 juin 1999 ; 2°/ qu'en écartant l'existence de raisons objectives établissant le caractère par nature temporaire de l'emploi occupé par M. [D], sans rechercher, comme elle y était invitée (conclusions d'appel de la SASP Stade Toulousain Rugby), si l'incapacité physique d'un individu à exercer une activité de joueur de rugby tout au long de sa carrière professionnelle n'était pas susceptible d'établir le caractère par nature temporaire de l'emploi occupé par l'intéressé, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 122-1, L. 122-1-1, 3° et D. 121-2 du code du travail (devenus les articles L. 1242-1, L. 1242-2, 3° et D. 1242-1, 5° du même code), ensemble les clauses 1 et 5 de l'accord- cadre sur le travail à durée déterminée annexé à la directive 1999/70/CE du 28 juin 1999 ; 3°/ que la prise en compte des évolutions affectant les compétences du travailleur et les besoins de l'employeur sont susceptibles de constituer des raisons objectives de nature à justifier la conclusion de contrats à durée déterminée successifs ; que, dans le secteur d'activité du rugby professionnel, constituent de telles raisons objectives, les évolutions affectant les performances d'un joueur, celles portant sur le projet tactique de l'entraîneur ou afférentes aux objectifs sportifs et économiques fixés par la direction du club ; qu'en énonçant que la spécificité de l'activité sportive ne justifie pas en soi le caractère par nature temporaire de l'emploi, que la nécessité d'adaptation pour tenir compte des performances du salarié ne permet pas d'établir le caractère temporaire d'un emploi, que les considérations relatives aux attentes du public, des supporteurs, l'influence sur la billetterie, les choix tactiques de l'entraîneur sont étrangères à l'emploi intrinsèquement occupé par M. [D], la cour d'appel a violé les articles L. 122-1, L. 122-1-1, 3° et D. 121-2 du code du travail (devenus les articles L. 1242-1, L. 1242-2, 3° et D. 1242-1, 5° du même code), ensemble les clauses 1 et 5 de l'accord-cadre sur le travail à durée déterminée annexé à la directive 1999/70/CE du 28 juin 1999. » Réponse de la Cour 21. Aux termes de l'article L. 1242-1 du code du travail, un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise. 22. S'il résulte de la combinaison des articles L. 1242-1, L. 1242-2 et D. 1242-1 du code du travail que dans les secteurs d'activité définis par décret ou par voie de convention ou d'accord collectif étendu, certains des emplois en relevant peuvent être pourvus par des contrats de travail à durée déterminée lorsqu'il est d'usage constant de ne pas recourir à un contrat à durée indéterminée, en raison de la nature de l'activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois, et que des contrats à durée déterminée successifs peuvent, en ce cas, être conclus avec le même salarié, l'accord-cadre sur le travail à durée déterminée conclu le 18 mars 1999 et mis en oeuvre par la directive 1999/70/CE du Conseil du 28 juin 1999, qui a pour objet, en ses clauses 1 et 5, de prévenir les abus résultant de l'utilisation de contrats à durée déterminée successifs, impose de vérifier que le recours à l'utilisation de contrats successifs est justifié par des raisons objectives qui s'entendent de l'existence d'éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l'emploi. 23. D'abord, la cour d'appel a retenu, sans encourir le grief visé par la première branche, que les justifications avancées par l'employeur et relatives à l'incapacité physique pour un joueur de rugby professionnel d'exercer son métier au-delà d'un certain âge et les évolutions affectant ses performances, avancées par l'employeur, qui sont liées à la personne même du salarié et non à l'emploi concerné, n'étaient pas de nature à établir le caractère par nature temporaire de cet emploi. 24. Ensuite, l'employeur s'étant borné à invoquer des justifications d'ordre général, tenant notamment aux évolutions du projet tactique de l'entraîneur et des objectifs sportifs et économiques fixés par la direction du club, la cour d'appel, qui a retenu que l'employeur n'établissait pas le caractère par nature temporaire de l'emploi concerné, a pu décider que la relation de travail devait être requalifiée en contrat à durée indéterminée. 25. Le moyen n'est donc pas fondé. Mais, sur le second moyen Enoncé du moyen 26. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner au paiement d'une certaine somme au titre des congés payés afférents au préavis, alors « que la contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs ; qu'en énonçant, d'une part, qu'il sera alloué au salarié la somme de 6 666 euros au titre des congés payés afférents au préavis et, d'autre part, qu'il lui sera alloué la somme de 7 992,92 euros à ce même titre, la cour d'appel, qui s'est contredite, a violé l'article 455 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Vu l'article 455 du code de procédure civile : 27. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé. La contradiction de motifs équivaut à une absence de motif. 28. Pour condamner la société au paiement de la somme de 7 999,92 euros au titre des congés payés afférents au préavis, l'arrêt énonce qu'il devait être alloué au joueur la somme de 66 666 euros au titre du préavis, outre 6 666 euros au titre des congés payés afférents. Il retient ensuite que, s'agissant des congés payés, l'article 5.2.2 de la convention collective du rugby professionnel prévoit que la durée des congés payés est de trois jours et qu'il sera donc alloué au joueur la somme brute de 7 999,92 euros de ce chef. 29. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui s'est contredite, n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé. Portée et conséquences de la cassation 30. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile. 31. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond. 32. Conformément à l'article 5.2.2 du titre II de la convention collective du rugby professionnel, qui prévoit l'acquisition de trois jours de congés payés par mois travaillé, le salarié peut prétendre à la somme brute de 7 999,82 euros au titre des congés payés afférents au préavis. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Stade Toulousain Rugby à payer à M. [D] la somme de 7 999,92 euros bruts au titre des congés payés afférents au préavis, l'arrêt rendu le 22 janvier 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; Condamne la société Stade Toulousain Rugby à payer à M. [D] la somme brute de 7 999,92 euros au titre des congés payés afférents au préavis ; Condamne La société Stade Toulousain Rugby aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Stade Toulousain Rugby et la condamne à payer à M. [D] la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, prononcé et signé par M. Schamber, conseiller doyen en ayant délibéré, conformément aux dispositions des articles 452, 456 et 1021 du code de procédure civile, en remplacement du président empêché, en audience publique du vingt et un septembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat aux Conseils, pour la société Stade Toulousain Rugby PREMIER MOYEN DE CASSATION La SASP Stade Toulousain Rugby reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR, après infirmation partielle du jugement du conseil de prud'hommes de Toulouse du 21 février 2008, requalifié la relation de travail entre M. [D] et la SASP Stade Toulousain Rugby en contrat de travail à durée indéterminée, condamné la SASP Stade Toulousain Rugby à payer à M. [D] les sommes de 33 333 euros au titre de l'indemnité de requalification, 66 666 euros brut au titre du préavis, 7 999,92 euros brut au titre des congés payés afférents au préavis, 86 110,25 euros au titre de l'indemnité de licenciement, 200 000 euros de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, enfin, condamné la SASP Stade Toulousain Rugby aux dépens de première instance et d'appel ainsi qu'au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; 1°) ALORS QUE la nature et les caractéristiques particulières des tâches confiées au travailleur sont susceptibles de constituer des raisons objectives de nature à justifier la conclusion de contrats à durée déterminée successifs ; que, dans le secteur d'activité du rugby professionnel, constituent de telles raisons objectives l'incapacité physique pour un joueur de rugby professionnel d'exercer son métier au-delà d'un certain âge sans qu'une telle circonstance caractérise une discrimination ; qu'en énonçant que la spécificité de l'activité sportive ne justifie pas en soi le caractère par nature temporaire de l'emploi, que la nécessité d'adaptation pour tenir compte des performances du salarié ne permet pas d'établir le caractère temporaire d'un emploi et que l'argument de l'âge est contraire à l'interdiction de discrimination, la cour d'appel a violé les articles L. 122-1, L. 122-1-1, 3° et D. 121-2 du code du travail (devenus les articles L. 1242-1, L. 1242-2, 3° et D. 1242-1, 5° du même code), ensemble les clauses 1 et 5 de l'accord-cadre sur le travail à durée déterminée annexé à la directive 1999/70/CE du 28 juin 1999 ; 2°) ALORS SUBSIDIAIREMENT QU'en écartant l'existence de raisons objectives établissant le caractère par nature temporaire de l'emploi occupé par M. [D], sans rechercher, comme elle y était invitée (conclusions d'appel de la SASP Stade Toulousain Rugby, pp. 15-16), si l'incapacité physique d'un individu à exercer une activité de joueur de rugby tout au long de sa carrière professionnelle n'était pas susceptible d'établir le caractère par nature temporaire de l'emploi occupé par l'intéressé, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 122-1, L. 122-1-1, 3° et D. 121-2 du code du travail (devenus les articles L. 1242-1, L. 1242-2, 3° et D. 1242-1, 5° du même code), ensemble les clauses 1 et 5 de l'accord-cadre sur le travail à durée déterminée annexé à la directive 1999/70/CE du 28 juin 1999 ; 3°) ALORS QUE la prise en compte des évolutions affectant les compétences du travailleur et les besoins de l'employeur sont susceptibles de constituer des raisons objectives de nature à justifier la conclusion de contrats à durée déterminée successifs ; que, dans le secteur d'activité du rugby professionnel, constituent de telles raisons objectives, les évolutions affectant les performances d'un joueur, celles portant sur le projet tactique de l'entraîneur ou afférentes aux objectifs sportifs et économiques fixés par la direction du club ; qu'en énonçant que la spécificité de l'activité sportive ne justifie pas en soi le caractère par nature temporaire de l'emploi, que la nécessité d'adaptation pour tenir compte des performances du salarié ne permet pas d'établir le caractère temporaire d'un emploi, que les considérations relatives aux attentes du public, des supporteurs, l'influence sur la billetterie, les choix tactiques de l'entraîneur sont étrangères à l'emploi intrinsèquement occupé par M. [D], la cour d'appel a violé les articles L. 122-1, L. 122-1-1, 3° et D. 121-2 du code du travail (devenus les articles L. 1242-1, L. 1242-2, 3° et D. 1242-1, 5° du même code), ensemble les clauses 1 et 5 de l'accord-cadre sur le travail à durée déterminée annexé à la directive 1999/70/CE du 28 juin 1999 ; 4°) ALORS SUBSIDIAIREMENT QU'en écartant l'existence de raisons objectives établissant le caractère par nature temporaire de l'emploi occupé par M. [D], sans rechercher, comme elle y était invitée (conclusions, SASP Stade Toulousain Rugby, pp. 14-16 et pp. 2-3), si, à l'instar du recrutement de tout joueur de rugby professionnel, le celui de M. [D] n'avait pas été décidé en tenant compte des évolutions affectant ses performances et pour l'accomplissement d'un projet tactique, sportif et économique spécifique établi par le club ayant pris fin à l'issue de la saison 2016-2017, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 122-1, L. 122-1-1, 3° et D. 121-2 du code du travail (devenus les articles L. 1242-1, L. 1242-2, 3° et D. 1242-1, 5° du même code), ensemble les clauses 1 et 5 de l'accord-cadre sur le travail à durée déterminée annexé à la directive 1999/70/CE du 28 juin 1999 ; 5°) ALORS QUE la décision par laquelle la Ligue nationale de rugby, personne morale de droit privé chargée de l'exécution d'une mission de service public administratif au titre de la réglementation, de la gestion des compétitions professionnelles et de l'homologation des contrats des sportifs participant aux compétitions qu'elle organise, constitue un acte administratif qui s'impose au juge judiciaire, de sorte que celui-ci ne peut requalifier en contrat à durée indéterminée la relation de travail résultant de contrats à durée déterminée successifs homologués par la Ligue nationale de rugby ; qu'en énonçant néanmoins que l'homologation des contrats de travail à durée déterminée successifs de M. [D] par la Ligue nationale de rugby ne faisait pas obstacle au contrôle du juge judiciaire sur leur conformité aux règles d'ordre public en matière de contrat à durée déterminée, la cour d'appel a violé la loi des 16-24 août 1790, le décret du 16 fructidor an III et le principe de séparation des autorités administratives et judiciaires, ensemble les articles R. 132-12 et L. 222-2-6 du code du sport. SECOND MOYEN DE CASSATION La SASP Stade Toulousain Rugby fait grief à l'arrêt attaqué de l'AVOIR condamnée à payer à M. [D] la somme de 7.999,92 euros brut au titre des congés payés afférents au préavis ; ALORS QUE la contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs ; qu'en énonçant, d'une part, qu'il sera alloué à M. [D] la somme de 6 666 euros au titre des congés payés afférents au préavis (arrêt, p. 11, dernier paragraphe) et, d'autre part, qu'il lui sera alloué la somme de 7 992,92 euros à ce même titre (arrêt, p. 12, § 2), la cour d'appel, qui s'est contredite, a violé l'article 455 du code de procédure civile. N4 >Sur l'appréciation du caractère temporaire de l'emploi en matière de contrat à durée déterminée, à rapprocher : Soc., 17 décembre 1997, pourvoi n° 93-43.364, Bull. 1997, V, n° 448 (cassation).
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 19 octobre 2022 Cassation partielle sans renvoi M. SOMMER, président Arrêt n° 1103 FS-B Pourvoi n° T 21-15.533 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 19 OCTOBRE 2022 La société Husson-Mourot, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° T 21-15.533 contre l'arrêt rendu le 25 mars 2021 par la cour d'appel de Nancy (chambre sociale, section 2), dans le litige l'opposant : 1°/ à Mme [Y] [U], domiciliée [Adresse 3], 2°/ à Pôle emploi, dont le siège est [Adresse 1], défendeurs à la cassation. Mme [U] a formé un pourvoi incident éventuel contre le même arrêt. La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. La demanderesse au pourvoi incident éventuel invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation également annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Marguerite, conseiller référendaire, les observations de la SCP Didier et Pinet, avocat de la société Husson-Mourot, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de Mme [U], et l'avis de M. Gambert, avocat général, après débats en l'audience publique du 6 septembre 2022 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Marguerite, conseiller référendaire rapporteur, Mme Mariette, conseiller doyen, M. Pietton, Mme Le Lay, MM. Barincou, Seguy, Mme Grandemange, conseillers, M. Le Corre, Mme Prieur, M. Carillon, conseillers référendaires, M. Gambert, avocat général, et Mme Piquot, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Nancy, 25 mars 2021), Mme [U], engagée, le 23 octobre 2007, en qualité d'assistante dentaire qualifiée, par la société Husson-Mourot, a fait l'objet d'un avertissement le 12 octobre 2018 pour une absence injustifiée. 2. Le 30 novembre 2018, elle a saisi la juridiction prud'homale afin de voir prononcer la résiliation de son contrat de travail et l'annulation de l'avertissement. Le 28 décembre 2018, elle a été licenciée pour cause réelle et sérieuse. Elle a contesté le bien-fondé de son licenciement. Examen des moyens Sur le moyen du pourvoi principal, pris en ses première, deuxième et troisième branches, ci-après annexé 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le moyen du pourvoi principal, pris en sa quatrième branche Enoncé du moyen 4. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire que le licenciement était nul, de le condamner au paiement de 38 110 euros à ce titre, d'ordonner la remise à la salariée d'un bulletin de salaire, d'un certificat de travail et d'une attestation Pôle emploi conformes à l'arrêt, d'ordonner le remboursement de la somme correspondant à six mois d'indemnités chômage, et de le condamner au paiement d'une certaine somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile, alors « qu'en cas de pluralité de motifs de licenciement, si l'un des griefs reprochés au salarié porte atteinte à une liberté fondamentale, la nullité encourue de la rupture ne dispense pas le juge d'examiner l'ensemble des griefs énoncés pour en tenir compte dans l'évaluation qu'il fait de l'indemnité à allouer au salarié ; que pour condamner l'employeur à payer à la salariée 38 110 euros (16 mois de salaire) pour licenciement nul, la cour d'appel a retenu que les barèmes de l'article L. 1235-3 du code du travail n'étaient pas applicables en cas de violation d'une liberté fondamentale et qu'il n'y avait pas lieu d'examiner les autres griefs visés par la lettre de licenciement pour apprécier l'existence d'une cause réelle et sérieuse ; qu'en statuant ainsi, quand il revenait à la cour d'étudier ces éléments pour évaluer l'indemnité allouée à la salariée, la cour d'appel a violé l'article L. 1235-2-1 du code du travail. » Réponse de la Cour 5. Aux termes de l'article L. 1235-2-1 du code du travail, en cas de pluralité de motifs de licenciement, si l'un des griefs reprochés au salarié porte atteinte à une liberté fondamentale, la nullité encourue de la rupture ne dispense pas le juge d'examiner l'ensemble des griefs énoncés, pour en tenir compte, le cas échéant, dans l'évaluation qu'il fait de l'indemnité à allouer au salarié, sans préjudice des dispositions de l'article L. 1235-3-1. 6. Ces dispositions offrent ainsi à l'employeur un moyen de défense au fond sur le montant de l'indemnité à laquelle il peut être condamné, devant être soumis au débat contradictoire. 7. Il en résulte que, lorsque l'employeur le lui demande, le juge examine si les autres motifs invoqués sont fondés et peut, le cas échéant, en tenir compte pour fixer le montant de l'indemnité versée au salarié qui n'est pas réintégré, dans le respect du plancher de six mois prévu par l'article L. 1235-3-1. 8. Après avoir retenu que l'un des griefs invoqués par l'employeur portait atteinte à la liberté fondamentale de la salariée d'agir en justice et constaté que l'employeur ne critiquait pas à titre subsidiaire la somme réclamée par cette dernière en conséquence de la nullité du licenciement, la cour d'appel a apprécié souverainement le montant du préjudice. 9. Le moyen n'est donc pas fondé. Mais sur le moyen du pourvoi principal, pris en sa cinquième branche Enoncé du moyen 10. L'employeur fait le même grief à l'arrêt, alors « que lorsque le licenciement est nul, le juge ordonne le remboursement par l'employeur de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié dans les seuls cas de nullité visés aux articles L. 1132-4, L. 1134-4, L. 1144-3, L. 1152-3, L. 1153-4, et L. 1235-11 par le code du travail, lesquels incluent le cas où le licenciement a pour cause une action en justice engagée par le salarié ou en sa faveur sur le fondement du principe de non-discrimination ou de l'égalité professionnelle ; qu'en ordonnant le remboursement par l'employeur de la somme correspondant à six mois d'indemnités chômage, quand elle constatait que l'action en résiliation judiciaire intentée par la salariée reposait sur un avertissement illégal, des actes qui n'étaient pas de sa compétence, des heures complémentaires non réglées, et une absence de suivi médical, ce dont il s'inférait que l'action en justice de la salariée, engagée sur des fondements autres que les principes de non-discrimination ou de l'égalité professionnelle, n'ouvrait pas droit à l'application de l'article L. 1235-4 du code du travail, la cour d'appel a violé ce texte. » Réponse de la Cour Vu l'article L. 1235-4 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 : 11. Aux termes de ce texte, dans les cas prévus aux articles L. 1132-4, L. 1134-4, L. 1144-3, L. 1152-3, L. 1153-4, L. 1235-3 et L. 1235-11, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé. Ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées. 12. Après avoir déclaré nul le licenciement en ce que l'employeur avait reproché à la salariée d'avoir saisi la juridiction prud'homale d'une demande en résiliation de son contrat de travail, ce grief étant constitutif d'une atteinte à une liberté fondamentale, l'arrêt ordonne le remboursement par l'employeur des allocations de chômage versées à la salariée à la suite de son licenciement, dans la limite de six mois. 13. En statuant ainsi, alors que le remboursement des indemnités de chômage ne pouvait être ordonné que dans les cas de nullité du licenciement visés à l'article L. 1235-4 du code du travail, la cour d'appel a violé le texte susvisé. Portée et conséquences de la cassation 14. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile. 15. La cassation prononcée n'implique pas, en effet, qu'il soit à nouveau statué sur le fond. Il convient de retrancher de l'arrêt attaqué le seul chef de dispositif par lequel l'employeur a été condamné au remboursement à Pôle emploi des indemnités de chômage. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le pourvoi incident, qui n'est qu'éventuel, la Cour : CASSE ET ANNULE, par voie de retranchement, mais seulement en ce qu'il ordonne le remboursement par la société Husson-Mourot à Pôle emploi de la somme correspondant au maximum à six mois d'indemnités chômage dès lors que des indemnités ont été effectivement versées à Mme [U], l'arrêt rendu le 25 mars 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Nancy ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; Condamne Pôle emploi aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf octobre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyen produit par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour la société Husson-Mourot, demanderesse au pourvoi principal La société Husson-Mourot reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que le licenciement de Mme [U] était nul, de l'avoir condamnée au paiement de 38 110 euros à ce titre, d'avoir ordonné la remise à la salariée d'un bulletin de salaire, d'un certificat de travail et d'une attestation Pole Emploi conformes à l'arrêt à intervenir, d'avoir ordonné le remboursement de la somme correspondant à six mois d'indemnités chômage, et d'avoir condamné l'employeur au paiement de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; 1°) ALORS QUE la lettre de licenciement fixe les limites du litige en ce qui concerne les motifs du licenciement ; que seule la rupture du contrat de travail prononcée en raison de l'exercice d'une action en justice, et non des conséquences de celle-ci sur les conditions de travail et les relations avec la clientèle, porte atteinte à la liberté fondamentale d'ester en justice et encourt la nullité ; que la lettre de licenciement de Mme [U] (production n° 4) faisait état des difficultés rencontrées par l'employeur avec la salariée dans la relation de travail, en raison des tensions existant à la suite de la procédure prud'hommale intentée et ressenties par les patients qui s'en plaignaient ; que pour dire le licenciement de Mme [U] nul, la cour d'appel a retenu qu'il ressortait de la lettre de licenciement que l'employeur reprochait à l'intéressée d'avoir saisi la juridiction prud'homale d'une demande en résiliation de son contrat de travail, grief constitutif d'une atteinte à une liberté fondamentale entraînant à lui seul la nullité du licenciement ; qu'en statuant ainsi, quand la lettre de licenciement ne reprochait à la salariée que les conséquences de son action en justice sur les conditions de travail et les relations avec la clientèle et non l'action en elle-même, la cour d'appel a excédé les limites du litige telles que fixées par la lettre de licenciement, et violé l'article L. 1235-2 du code du travail. 2°) ALORS QUE (subsidiairement) le licenciement notifié en violation d'une liberté fondamentale échappe à la nullité si l'exercice de cette liberté constitue un abus ; qu'il en résulte qu'en cas de mauvaise foi ou d'abus du salarié dans l'exercice de la liberté fondamentale d'ester en justice contre l'employeur, le grief tiré de la lettre de licenciement reprochant au salarié son action en justice n'emporte pas nullité du licenciement ; qu'en se bornant à retenir, pour dire le licenciement de Mme [U] nul, que la lettre de licenciement reprochait à la salariée d'avoir saisi la juridiction prud'homale d'une demande en résiliation de son contrat de travail, grief constitutif d'une atteinte à une liberté fondamentale entraînant à lui seul la nullité du licenciement, sans rechercher, comme elle y était invitée, si l'action intentée en résiliation judiciaire du contrat de travail n'était pas abusive dans la mesure où Mme [U] avait mis en place les conditions de son départ pour rejoindre un autre cabinet tout en sollicitant en justice une importante indemnisation sans subir de préjudice, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et de l'article L. 1121-1 du code du travail ; 3°) ALORS QUE (subsidiairement) en affirmant que l'employeur ne critiquait pas à titre subsidiaire la somme demandée par Mme [U] au titre de la nullité du licenciement, quand la société Husson-Mourot faisait valoir dans ses écritures d'appel (p.13, 14 et 23) que la salariée n'avait subi aucun préjudice justifiant l'indemnisation réclamée, l'intéressée ayant mis en place les conditions de son départ pour rejoindre un autre cabinet avec lequel elle avait conclu un contrat de travail, et tentait d'obtenir en justice des sommes astronomiques indues, éléments dont il résultait sans ambiguïté que l'employeur avait bien discuté dans ses écritures l'indemnisation réclamée par la salariée, la cour d'appel a dénaturé les conclusions d'appel de l'exposante en violation de l'article 4 du code de procédure civile ; 4°) ALORS QUE (subsidiairement) en cas de pluralité de motifs de licenciement, si l'un des griefs reprochés au salarié porte atteinte à une liberté fondamentale, la nullité encourue de la rupture ne dispense pas le juge d'examiner l'ensemble des griefs énoncés pour en tenir compte dans l'évaluation qu'il fait de l'indemnité à allouer au salarié ; que pour condamner la société Husson-Mourot à payer à Mme [U] 38 110 euros (16 mois de salaire) pour licenciement nul, la cour d'appel a retenu que les barèmes de l'article L. 1235-3 du code du travail n'étaient pas applicables en cas de violation d'une liberté fondamentale et qu'il n'y avait pas lieu d'examiner les autres griefs visés par la lettre de licenciement pour apprécier l'existence d'une cause réelle et sérieuse ; qu'en statuant ainsi, quand il revenait à la cour d'étudier ces éléments pour évaluer l'indemnité allouée à la salariée, la cour d'appel a violé l'article L. 1235-2-1 du code du travail ; 5°) ALORS QUE (subsidiairement) lorsque le licenciement est nul, le juge ordonne le remboursement par l'employeur de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié dans les seuls cas de nullité visés aux articles L. 1132-4, L. 1134-4, L. 1144-3, L. 1152-3, L. 1153-4, et L. 1235-11 par le code du travail, lesquels incluent le cas où le licenciement a pour cause une action en justice engagée par le salarié ou en sa faveur sur le fondement du principe de non-discrimination ou de l'égalité professionnelle ; qu'en ordonnant le remboursement par la société Husson-Mourot de la somme correspondant à six mois d'indemnités chômage, quand elle constatait que l'action en résiliation judiciaire intentée par la salariée reposait sur un avertissement illégal, des actes qui n'étaient pas de sa compétence, des heures complémentaires non réglées, et une absence de suivi médical, ce dont il s'inférait que l'action en justice de Mme [U], engagée sur des fondements autres que les principes de non-discrimination ou de l'égalité professionnelle, n'ouvrait pas droit à l'application de l'article L. 1235-4 du code du travail, la cour d'appel a violé ce texte. Moyen produit par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour Mme [U], demanderesse au pourvoi incident éventuel Mme [U] fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement en ce qu'il a refusé de prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur et l'a déboutée de ses demandes indemnitaires subséquentes. ALORS QUE constitue une atteinte à la vie privée de la salariée le fait pour l'employeur de prendre contact avec le secrétariat d'un praticien de santé consulté par cette dernière pour s'enquérir de ses disponibilités à seule fin de déterminer la possibilité pour l'intéressée d'obtenir un autre rendez-vous que celui qu'elle avait d'ores et déjà pris ; qu'en jugeant que l'enquête ainsi menée par l'employeur, reconnue par lui et constatée par l'arrêt attaqué, n'avait pas porté atteinte à la vie privée de la salariée, la cour d'appel a violé les articles 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 9 du code civil, et L. 1121-1 du code du travail. Sur la rupture du contrat de travail à l'initiative de l'employeur faisant suite à une action en justice du salarié, à rapprocher : Soc., 3 février 2016, pourvoi n° 14-18.600, Bull. 2016, V, n° 18 (rejet). Sur la nullité du licenciement intervenant à la suite d'une action en justice engagée par le salarié, à rapprocher : Soc., 28 novembre 2000, pourvoi n° 97-43.715, Bull. 2000, V, n° 395 (cassation partielle). Sur la reconnaissance de la liberté fondamentale du droit d'agir en justice, à rapprocher : Soc., 16 mars 2016, pourvoi n° 14-23.589, Bull. 2016, V, n° 50 (cassation partielle).
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 19 octobre 2022 M. SOMMER, président Arrêt n° 1102 FS-B Pourvoi n° E 21-13.060 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 19 OCTOBRE 2022 La Société de travaux d'impression de papeterie et leurs applications, (STIPA), société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° E 21-13.060 contre l'arrêt rendu le 7 janvier 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 5), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. [C] [W], domicilié [Adresse 2], 2°/ à Pôle emploi direction régionale d'Ile-de-France, dont le siège est [Adresse 3], défendeurs à la cassation. M. [W] a formé un pourvoi incident contre le même arrêt. La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, les cinq moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le demandeur au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, les deux moyens de cassation également annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Prieur, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la Société de travaux d'impression de papeterie et leurs applications, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [W], et l'avis de M. Gambert, avocat général, après débats en l'audience publique du 6 septembre 2022 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Prieur, conseiller référendaire rapporteur, Mme Mariette, conseiller doyen, M. Pietton, Mme Le Lay, MM. Barincou, Seguy, Mme Grandemange, conseillers, M. Le Corre, Mme Marguerite, M. Carillon, conseillers référendaires, M. Gambert, avocat général, et Mme Piquot, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 7 janvier 2021) et les productions, M. [W] a été engagé le 2 janvier 1997 par la Société de travaux d'impression de papeterie et leurs applications (la société), en qualité de directeur de développement. Il occupait en dernier lieu le poste de directeur commercial. 2. Contestant son licenciement pour faute grave notifié le 27 septembre 2016 et estimant ne pas être rempli de ses droits, le salarié a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes au titre de l'exécution et de la rupture du contrat de travail. Examen des moyens Sur les premier et troisième moyens du pourvoi principal et les premier et second moyens du pourvoi incident, ci-après annexés 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur les deuxième et quatrième moyens réunis du pourvoi principal Enoncé du moyen 4. La société fait grief à l'arrêt de déclarer recevable la demande du salarié au titre de remboursement de notes de frais de 2015 remises en juillet 2016 et en conséquence, de la condamner à lui verser une certaine somme au titre des notes de frais de janvier à août 2015, alors : « 1°/ qu'en application de l'article R. 1452-2 du code du travail, la requête est faite, remise ou adressée au greffe du conseil de prud'hommes ; elle comporte les mentions prescrites à peine de nullité à l'article 57 du code de procédure civile ; en outre, elle contient un exposé sommaire des motifs de la demande et mentionne chacun des chefs de celle-ci ; qu'en l'espèce, dans ses écritures, la société avait soutenu et démontré que la demande du salarié au titre des notes de frais de 2015 remises en juillet 2016 ne figurait pas dans la requête initiale devant le conseil de prud'hommes de sorte qu'elle était nécessairement irrecevable ; qu'en retenant, pour dire cette demande recevable, que le jugement mentionne dans l'exposé du litige la demande au titre des notes de frais en sorte que la demande n'est pas nouvelle, cependant qu'il lui appartenait de rechercher si cette demande figurait bien dans la requête initiale et non de déterminer si la demande était nouvelle en cause d'appel, la cour d'appel, qui a statué par des motifs inopérants, a violé le texte susvisé ; 2°/ que dans ses écritures, elle avait soutenu et démontré que la demande du salarié au titre des notes de frais de 2015 remises en juillet 2016 ne figurait pas dans la requête initiale devant le conseil de prud'hommes de sorte qu'elle était nécessairement irrecevable ; qu'en se bornant, pour dire ladite demande recevable, que celle-ci figurait dans l'exposé du litige du jugement, sans rechercher, ni préciser, si ladite demande se rattachait aux prétentions originaires par un lien de droit suffisant, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article R 1452-2 du code du travail, ensemble l'article 70 du code de procédure civile. » 5. La société fait également grief à l'arrêt de déclarer recevable la demande du salarié à titre de rappel de salaire du 26 octobre au 2 novembre 2015 et des 12 et 13 novembre 2015, alors : « 1°/ qu'en application de l'article R. 1452-2 du code du travail, la requête est faite, remise ou adressée au greffe du conseil de prud'hommes ; elle comporte les mentions prescrites à peine de nullité à l'article 57 du code de procédure civile ; en outre, elle contient un exposé sommaire des motifs de la demande et mentionne chacun des chefs de celle-ci ; qu'en l'espèce, dans ses écritures, la société avait soutenu et démontré que la demande du salarié à titre de rappel de salaire ne figurait pas dans la requête initiale devant le conseil de prud'hommes de sorte qu'elle était nécessairement irrecevable ; qu'en retenant, pour dire cette demande recevable, à affirmer que le jugement mentionne dans l'exposé du litige la demande au titre des rappels de salaire, en sorte que la demande n'est pas nouvelle, cependant qu'il lui appartenait de rechercher si cette demande figurait bien dans la requête initiale, la cour d'appel, qui a statué par des motifs inopérants, a violé le texte susvisé ; 2°/ que dans ses écritures, elle avait soutenu et démontré que la demande du salarié au titre des rappels de salaires ne figurait pas dans la requête initiale devant le conseil de prud'hommes de sorte qu'elle était nécessairement irrecevable ; qu'en se bornant, pour dire ladite demande recevable, à affirmer que celle-ci figurait dans l'exposé du litige du jugement, sans rechercher, ni préciser, si ladite demande se rattachait aux prétentions originaires par un lien de droit suffisant, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article R 1452-2 du code du travail, ensemble l'article 70 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 6. Selon les articles R. 1452-1 et R. 1452-2 du code du travail, dans leur rédaction issue du décret n° 2016-660 du 20 mai 2016, la demande en justice est formée par requête qui contient un exposé sommaire des motifs de la demande et mentionne chacun des chefs de celle-ci. 7. Aux termes de l'article R. 1453-3 du code du travail, la procédure prud'homale est orale. L'article R. 1453-5 du même code précise que lorsque toutes les parties comparantes formulent leurs prétentions par écrit et sont assistées ou représentées par un avocat, elles sont tenues de les récapituler sous forme de dispositif et elles doivent reprendre dans leurs dernières conclusions les prétentions et moyens présentés ou invoqués dans leurs conclusions antérieures. 8. Aux termes de l'article 70, alinéa 1er, du code de procédure civile, les demandes reconventionnelles ou additionnelles sont recevables si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant. 9. Il en résulte qu'en matière prud'homale, la procédure étant orale, le requérant est recevable à formuler contradictoirement des demandes additionnelles qui se rattachent aux prétentions originaires, devant le juge lors des débats, ou dans ses dernières conclusions écrites réitérées verbalement à l'audience lorsqu'il est assisté ou représenté par un avocat. 10. La cour d'appel, qui a constaté, par motifs propres et adoptés, que les demandes, d'une part, au titre des notes de frais 2015 remises en juillet 2016 et, d'autre part, au titre des rappels de salaire, dont le lien avec les prétentions formulées dans la requête initiale n'était pas contesté, figuraient dans les chefs de demande récapitulés dans le dispositif des dernières conclusions du salarié soutenues oralement et déposées lors de l'audience devant le conseil de prud'hommes, en a exactement déduit, sans être tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, qu'elles étaient recevables. 11. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le cinquième moyen du pourvoi principal, qui n'est qu'éventuel, la Cour : REJETTE les pourvois ; Laisse à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf octobre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour la Société de travaux d'impression de papeterie et leurs applications, demanderesse au pourvoi principal, PREMIER MOYEN DE CASSATION La Société STIPA fait grief à l'arrêt attaqué, infirmatif de ce chef, de l'AVOIR condamnée à payer à M. [W] les sommes de 50 385,72 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents, 2 102,80 euros au titre du salaire sur mise à pied, outre les congés payés afférents, 191 906,10 euros à tire d'indemnité conventionnelle de licenciement et de 3 490,20 euros au titre des notes de frais de janvier à août 2015, outre la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; 1) ALORS D'ABORD QUE, la falsification de documents appartenant à l'entreprise en vue de se faire rembourser des notes de frais fictives pour un montant conséquent constitue une faute grave rendant impossible la poursuite du contrat de travail ; qu'en jugeant que le licenciement pour faute grave devait être requalifié en licenciement pour faute sérieuse après avoir pourtant constaté qu'il était établi que M. [W] avait utilisé des carnets de notes du restaurant Le Petit Saint Benoît, imprimés par la Société STIPA, pour établir de fausses notes de frais pour des montants exorbitants, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ; 2) ALORS AU SURPLUS QUE, la falsification de documents appartenant à l'entreprise en vue de se faire rembourser des notes de frais fictives pour un montant conséquent constitue une faute grave rendant impossible la poursuite du contrat de travail ; qu'en retenant, pour dire que le licenciement pour faute grave devait être requalifié en licenciement pour faute sérieuse, et après avoir constaté qu'il était acquis que M. [W] avait utilisé des carnets de notes du restaurant Le Petit Saint Benoît, imprimés par la Société STIPA, pour établir de fausses notes de frais pour des montants exorbitants, qu'il n'est pas démontré que ces faits accessoires à l'exécution nécessitaient le départ immédiat du salarié de l'entreprise, la cour d'appel, qui a statué par des motifs impropres à écarter la faute grave, a derechef violé les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ; 3) ALORS EN OUTRE QUE, en affirmant que la falsification de documents appartenant à l'entreprise en vue de se faire rembourser des notes de frais fictives ne constituait pas une faute grave rendant impossible la poursuite du contrat de travail dès lors que n'était en cause qu'une obligation accessoire au contrat de travail, cependant que l'obligation de loyauté fait partie intégrante des obligations essentielles du contrat de travail, la cour d'appel a derechef violé les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ; 4) ALORS PAR AILLEURS QUE, dans ses écritures (Concl., spe., pp. 6 et s.) la Société STIPA avait rappelé que les agissements de M. [W] rendaient d'autant plus impossible la poursuite de son contrat de travail que celui-ci était directeur commercial, disposait d'une ancienneté importante et de grandes responsabilités, et qu'il n'avait pas seulement présenté des demandes exorbitantes mais s'était approprié un carnet de factures du Restaurant Le Petit Saint Benoît imprimé par la Société STIPA pour ensuite présenter des notes de frais fictives, ce qui constituait un vol, un faux et un usage de faux en vue de se faire rembourser des frais fictifs dont il avait tenté d'imputer la responsabilité à son employeur pourtant légitimement en droit d'attendre la plus grande probité de la part d'un cadre de sa position, autant d'éléments justifiant qu'il soit mis fin immédiatement à son contrat de travail ; qu'en se bornant à affirmer qu'était simplement en cause une obligation accessoire au contrat de travail, sans rechercher ni préciser, ainsi cependant qu'elle y était invitée, quelle était la place de M. [W] dans la hiérarchie, l'étendue de ses responsabilités, la gravité de ses actes et son comportement à l'égard de son employeur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ; 5) ALORS ENSUITE QUE, si la lettre de licenciement doit énoncer des motifs précis et matériellement vérifiables, l'employeur est en droit, en cas de contestation, d'invoquer toutes les circonstances de fait qui permettent de justifier ce motif ; qu'en affirmant qu'il convenait d'écarter les notes de frais ajoutées par l'employeur à la lettre de licenciement, la cour d'appel a violé l'article L. 1232-6 du code du travail, dans sa rédaction alors en vigueur ; 6) ALORS ENFIN QUE, dans la lettre de licenciement, il était également reproché à M. [W] d'avoir remis des notes de frais pour des montants excessifs, sans aucune justification et alors que M. [W] était contractuellement soumis à une demande préalable d'autorisation en cas de dépassement ; qu'en se bornant à affirmer que l'employeur ne rapportait pas la preuve que les notes transmises étaient effectivement sans lien avec les fonctions commerciales du salarié, sans rechercher, ainsi cependant qu'elle y était invitée, si le caractère excessif des notes de frais de M. [W] était justifié, la cour d'appel a derechef privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail. DEUXIEME MOYEN DE CASSATION (subsidiaire au premier) La Société STIPA fait grief à l'arrêt attaqué, d'AVOIR déclaré recevable la demande de M. [W] à titre de remboursement de notes de frais de 2015 remises en juillet 2016 et en conséquence, de l'AVOIR condamnée, à verser à M. [W] la somme de 3 490,20 euros au titre des notes de frais de janvier à août 2015 ; 1) ALORS QUE, en application de l'article R 1452-2 du code du travail, la requête est faite, remise ou adressée au greffe du conseil de prud'hommes ; elle comporte les mentions prescrites à peine de nullité à l'article 57 du code de procédure civile ; en outre, elle contient un exposé sommaire des motifs de la demande et mentionne chacun des chefs de celle-ci ; qu'en l'espèce, dans ses écritures, (Concl., pp. 3 et s. et p. 51), la Société STIPA avait soutenu et démontré que la demande de M. [W] au titre des notes de frais de 2015 remises en juillet 2016 ne figurait pas dans la requête initiale devant le conseil de prud'hommes de sorte qu'elle était nécessairement irrecevable ; qu'en retenant, pour dire cette demande recevable, que le jugement mentionne dans l'exposé du litige la demande au titre des notes de frais en sorte que la demande n'est pas nouvelle, cependant qu'il lui appartenait de rechercher si cette demande figurait bien dans la requête initiale et non de déterminer si la demande était nouvelle en cause d'appel, la cour d'appel, qui a statué par des motifs inopérants, a violé le texte susvisé ; 2) ALORS EN OUTRE QUE, dans ses écritures, (Concl., pp. 3 et s. et p. 51), la Société STIPA avait soutenu et démontré que la demande de M. [W] au titre des notes de frais de 2015 remises en juillet 2016 ne figurait pas dans la requête initiale devant le conseil de prud'hommes de sorte qu'elle était nécessairement irrecevable ; qu'en se bornant, pour dire ladite demande recevable, que celle-ci figurait dans l'exposé du litige du jugement, sans rechercher, ni préciser, si ladite demande se rattachait aux prétentions originaires par un lien de droit suffisant, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article R 1452-2 du code du travail, ensemble l'article 70 du code de procédure civile. TROISIEME MOYEN DE CASSATION La Société STIPA fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré recevable la demande de M. [W] à titre d'indemnité de congés payés et de l'AVOIR en conséquence, condamnée à verser à M. [W] la somme de 4 077,43 euros à titre de solde sur indemnité de congés payés ; 1) ALORS QUE, en affirmant que le jugement mentionne dans l'exposé du litige la demande de 4 077,43 euros au titre d'un rappel d'indemnité de congés payés, cependant qu'il résultait dudit jugement que la demande formée par M. [W] à ce titre était une demande de 10 000 euros à titre d'indemnité de congés payés sur commissions, la cour d'appel, qui a dénaturé le jugement entrepris, a violé l'article 4 du code de procédure civile, ensemble, le principe selon lequel il est interdit au juge de dénaturer l'écrit ; 2) ALORS EN TOUT ETAT DE CAUSE QUE, en application de l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait ; que dans ses écritures (Concl., spe., p. 54), la Société STIPA avait soutenu et démontré que la demande formée au titre des congés payés devant les premiers juges avait été modifiée tant dans son montant, que dans son étendue et dans son objet à hauteur d'appel dès lors qu'en première instance, M. [W] sollicitait la somme de 10 000 euros à titre de congés payés sur ses commissions et qu'à hauteur d'appel, il sollicitait la somme de 4 077,43 euros à titre de congés payés sur d'autres éléments de salaire; qu'en retenant, pour dire la demande au titre de l'indemnité de congés payés recevable, que ladite demande était mentionnée dans l'exposé du litige du jugement, la cour d'appel, qui a statué par des motifs inopérants, a violé le texte susvisé ; 3) ALORS EN OUTRE QUE, en application de l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait ; que selon l'article 565 du code de procédure civile, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent ; que dans ses écritures (Concl., spe., p. 54), la Société STIPA avait soutenu et démontré que la demande formée au titre des congés payés devant les premiers juges avait été modifiée dans son étendue et dans son objet à hauteur d'appel dès lors qu'en première instance, M. [W] sollicitait la somme de 10 000 euros à titre de congés payés sur ses commissions et qu'à hauteur d'appel, il sollicitait la somme de 4 077,43 euros à titre de congés payés sur d'autres éléments de salaire ; qu'en retenant, pour dire la demande au titre de l'indemnité de congés payés recevable, que ladite demande était mentionnée dans l'exposé du litige du jugement, sans rechercher ni préciser, ainsi cependant qu'elle y était invitée, si la demande au titre des congés payés formée à hauteur d'appel tendait aux mêmes fins que celle présentée devant les premiers juges, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés. QUATRIEME MOYEN DE CASSATION (éventuel) La Société STIPA fait grief à l'arrêt attaqué, d'AVOIR déclaré recevable la demande de M. [W] à titre de rappel de salaire du 26/10 au 2/11 /2015 et du 12 et 13/11/2015 ; 1) ALORS QUE, en application de l'article R 1452-2 du code du travail, la requête est faite, remise ou adressée au greffe du conseil de prud'hommes ; elle comporte les mentions prescrites à peine de nullité à l'article 57 du code de procédure civile ; en outre, elle contient un exposé sommaire des motifs de la demande et mentionne chacun des chefs de celle-ci ; qu'en l'espèce, dans ses écritures, (Concl., pp. 3 et s.), la Société STIPA avait soutenu et démontré que la demande de M. [W] à titre de rappel de salaire ne figurait pas dans la requête initiale devant le conseil de prud'hommes de sorte qu'elle était nécessairement irrecevable ; qu'en retenant, pour dire cette demande recevable, à affirmer que le jugement mentionne dans l'exposé du litige la demande au titre des rappels de salaire, en sorte que la demande n'est pas nouvelle, cependant qu'il lui appartenait de rechercher si cette demande figurait bien dans la requête initiale, la cour d'appel, qui a statué par des motifs inopérants, a violé le texte susvisé ; 2) ALORS EN OUTRE QUE, dans ses écritures, (Concl., pp. 3 et s.), la Société STIPA avait soutenu et démontré que la demande de M. [W] au titre des rappels de salaires ne figurait pas dans la requête initiale devant le conseil de prud'hommes de sorte qu'elle était nécessairement irrecevable ; qu'en se bornant, pour dire ladite demande recevable, à affirmer que celle-ci figurait dans l'exposé du litige du jugement, sans rechercher, ni préciser, si ladite demande se rattachait aux prétentions originaires par un lien de droit suffisant, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article R 1452-2 du code du travail, ensemble l'article 70 du code de procédure civile. CINQUIEME MOYEN DE CASSATION (éventuel) La Société STIPA fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré recevable la demande de M. [W] à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral ; 1) ALORS QUE, en application de l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait ; que selon l'article 565 du code de procédure civile, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent ; qu'en l'espèce, pour dire la demande formée à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral recevable, la cour d'appel, après avoir constaté que ladite demande n'avait pas été formée devant les premiers juges, a affirmé que, devant les premiers juges, le salarié faisait état de conditions harcelantes au titre de l'indemnisation de son licenciement sans cause réelle et sérieuse ; qu'en se déterminant ainsi, cependant qu'une demande d'indemnisation à titre de harcèlement moral ne tend aucunement à la même fin et ne repose pas sur le même objet qu'une demande à titre de licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les textes susvisés ; 2) ALORS AU SURPLUS QUE, en application de l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait ; que selon l'article 565 du code de procédure civile, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent ; qu'en l'espèce, en retenant, pour dire la demande formée à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral recevable, que, devant les premiers juges, le salarié faisait état de conditions harcelantes au titre de l'indemnisation de son licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel, qui a statué par des motifs inopérants, a violé les textes susvisés. Moyens produits par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour M. [W], demandeur au pourvoi incident, PREMIER MOYEN DE CASSATION M. [W] fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué de l'AVOIR débouté de sa demande d'indemnité pour détournement de clientèle. ALORS QUE ayant constaté que l'employeur s'était refusé à respecter la clause d'interdiction de démarcher la clientèle développée par le salarié dans le cadre de l'exécution de son contrat de travail, tout en s'abstenant d'en déduire qu'il avait continué à traiter avec les clients de son salarié et que celui-ci avait donc perdu la libre disposition de sa clientèle en violation de la clause susvisée, la cour d'appel a omis de tirer les conséquences qui s'évinçaient de ses propres constatations et partant a violé l'article 1103 du code civil. SECOND MOYEN DE CASSATION M. [W] fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué de l'AVOIR débouté de sa demande tendant au paiement d'un rappel de salaire pour la période du mois de novembre 2015. 1° ALORS QUE le juge est tenu d'ordonner le paiement d'un rappel de salaire correspondant au maintien du salaire dû au titre d'un arrêt de travail pour maladie que le salarié produit devant lui, peu important qu'il ne l'ait pas adressé à son employeur avant la rupture de son contrat de travail ; qu'en déboutant en l'espèce le salarié de sa demande en considération du fait que celui-ci ne justifiait pas de l'envoi de son arrêt de travail à son employeur au temps de l'exécution de son contrat de travail, la cour d'appel a violé l'article L. 1226-1 du code du travail. 2° ALORS QUE, à supposer les motifs des premiers juges adoptés, en retenant que le salarié ne justifiait pas de sa situation sur la période du 26 octobre au 2 novembre 2015, quand sa demande de rappel de salaire au titre de son arrêt de travail pour maladie dûment produit portait sur la période du 9 au 13 novembre 2015, la cour d'appel s'est déterminée par des motifs inopérants et partant a violé l'article L. 1226-1 du code du travail.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 19 octobre 2022 M. SOMMER, président Arrêt n° 1119 FS-B Pourvoi n° E 21-12.370 Aide juridictionnelle partielle en défense au profit de M. [Z]. Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 21 mars 2021. R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 19 OCTOBRE 2022 L'association Mission locale du pays salonais, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° E 21-12.370 contre l'arrêt rendu le 18 décembre 2020 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 4-2), dans le litige l'opposant à M. [D] [Z], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Sommé, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de l'association Mission locale du pays salonais, de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de M. [Z], et l'avis de Mme Laulom, avocat général, après débats en l'audience publique du 7 septembre 2022 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Sommé, conseiller rapporteur, M. Huglo, conseiller doyen, M. Rinuy, Mme Ott, conseillers, Mmes Chamley-Coulet, Lanoue, M. Le Masne de Chermont, Mme Ollivier, conseillers référendaires, Mme Laulom, avocat général, et Mme Pontonnier, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 18 décembre 2020), M. [Z] a été engagé par l'association Mission locale du pays salonais (la mission locale) en qualité de conseiller en insertion sociale et professionnelle, d'abord par contrats à durée déterminée des 2 février 2009 et 1er mars 2010, puis dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée, suivant avenant à effet du 1er mars 2011, avec reprise d'ancienneté au 2 février 2009. 2. Le 1er mai 2015, le salarié a été mis à disposition de la commune de [Localité 3] pour exercer ses fonctions dans le cadre du dispositif intitulé « seconde chance », issu d'une convention de partenariat entre la ville de [Localité 3] et la mission locale. Ce dispositif vise à accompagner les jeunes en difficulté en leur proposant un accompagnement individualisé et personnalisé leur permettant de s'inscrire dans un parcours d'insertion professionnelle. 3. Par lettre du 15 décembre 2015, la mission locale a licencié le salarié pour faute grave, en lui reprochant d'avoir publié sur son compte Facebook, accessible au public, « des propos incompatibles avec l'exercice de [ses] missions et notamment, une critique importante et tendancieuse du parti politique Les Républicains et [du] Front National, ainsi que des appels à la diffusion du Coran, accompagnés de citations de sourates appelant à la violence », ces faits caractérisant des « manifestations politiques et religieuses qui débordent, d'une part de [sa] vie personnelle et, d'autre part, qui comportent des excès remettant en cause la loyauté minimale requise par la qualité juridique de [sa] mission de service public » et constituant une atteinte à l'obligation de neutralité du salarié, laquelle « englobe un devoir de réserve ainsi qu'une obligation de respect de la laïcité », et un abus de sa liberté d'expression. Examen du moyen Sur le moyen, pris en ses deuxième, quatrième et cinquième branches Enoncé du moyen 4. La mission locale fait grief à l'arrêt de dire qu'elle a discriminé le salarié en raison de l'expression de ses opinions politiques et de ses convictions religieuses en procédant à son licenciement, de dire nul le licenciement, de lui ordonner de réintégrer le salarié dans un emploi équivalent à celui qu'il occupait et de la condamner au paiement de diverses sommes, alors : « 2°/ que le salarié qui participe à une mission de service public est tenu, même en dehors du service, d'un devoir de réserve qui lui impose de s'abstenir de toute manifestation d'opinion de nature à jeter le discrédit sur l'autorité chargée de la mission de service public à laquelle il participe ; qu'il en va ainsi, notamment, d'un salarié appelé à intervenir auprès du jeune public ; qu'en l'espèce, la Mission locale du pays salonais faisait valoir qu'elle avait licencié M. [Z] pour avoir, sur son compte Facebook accessible à tous, violemment critiqué l'action du gouvernement et n'avoir pas respecté les emblèmes de la République comme le drapeau français, ce qui était incompatible avec le devoir de réserve auquel était tenu le salarié en sa qualité d'agent d'une Mission locale investie d'une mission de service public ; qu'en retenant qu'à supposer même que M. [Z] ait participé à une mission de service public, cela ne lui interdisait pas de pouvoir "librement critiquer l'Etat en dehors de son travail", la cour d'appel a violé le devoir de réserve et les articles L. 1121-1, L. 1132-1 et L. 5314-2 du code du travail ; 4°/ que le salarié qui participe à une mission de service public est tenu par une obligation de laïcité qui lui interdit de faire du prosélytisme religieux ; qu'il en va ainsi, notamment, d'un salarié appelé à intervenir auprès du jeune public ; qu'en l'espèce, la Mission locale du pays salonais faisait valoir qu'elle avait licencié M. [Z] pour avoir, sur son compte Facebook accessible à tous, fait du prosélytisme religieux agressif en, notamment, diffusant des sourates du Coran appelant au combat et en invitant à diffuser massivement le Coran ; qu'en retenant que "l'employeur ne pouvait (...) faire interdiction au salarié de se livrer à des actes de prosélytisme religieux dans l'espace public en dehors de son travail" et que "le devoir de réserve qui s'impose [au salarié] en dehors de ses fonctions ne pouvant concerner l'expression publique de sa foi ni la propagation du message religieux", la cour d'appel a violé le principe de laïcité du service public, ensemble les articles L. 5314-2, L. 1121-1 et L. 1132-1 du code du travail ; 5°/ que les salariés de droit privé mis à disposition d'une collectivité territoriale sont soumis aux mêmes obligations que les fonctionnaires, dont les obligations de neutralité et de laïcité ; qu'en l'espèce, en retenant qu'un conseiller d'insertion au sein d'une mission locale, même mis à disposition d'une municipalité, ne perdait nullement sa liberté d'engagement politique et d'expression publique de cet engagement en dehors de l'exercice de ses fonctions et qu'il pouvait librement critiquer l'Etat et se livrer à des actes de prosélytisme religieux dans l'espace public en dehors de son travail, la cour d'appel a violé l'article 61-2 de la loi n° 2007-148 de modernisation de la fonction publique du 2 février 2007 et l'article 11 du décret d'application du 18 juin 2008 relatif au régime de la mise à disposition applicable aux collectivités territoriales et aux établissements publics administratifs locaux. » Réponse de la Cour Recevabilité du moyen, pris en sa cinquième branche 5. Le salarié conteste la recevabilité du moyen. Il soutient que le moyen est nouveau en ce que la mission locale n'a pas invoqué devant les juges du fond l'application des articles 61-2 de la loi n° 2007-148 de modernisation de la fonction publique du 2 février 2007 et 11 du décret d'application du 18 juin 2008 relatif au régime de la mise à disposition applicable aux collectivités territoriales et aux établissements publics administratifs locaux. 6. Cependant, devant les juges du fond, l'employeur invoquait la violation par le salarié de son obligation de neutralité en sa qualité de salarié de la mission locale mis à disposition de la commune de [Localité 3]. 7. Le moyen est donc recevable. Bien-fondé du moyen Vu les principes de laïcité et de neutralité du service public, les articles L. 1133-1, L. 5314-1 et L. 5314-2 du code du travail, l'article 61-1 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2007-148 de modernisation de la fonction publique du 2 février 2007, et l'article 11 du décret n° 2008-580 du 18 juin 2008 relatif au régime de la mise à disposition applicable aux collectivités territoriales et aux établissements publics administratifs locaux : 8. En premier lieu, les principes de laïcité et de neutralité du service public qui résultent de l'article 1 de la Constitution du 4 octobre 1958 sont applicables à l'ensemble des services publics, y compris lorsque ceux-ci sont assurés par des organismes de droit privé. 9. L'article L. 5314-1 du code du travail prévoit que des missions locales pour l'insertion professionnelle et sociale des jeunes peuvent être constituées entre l'Etat, des collectivités territoriales, des établissements publics, des organisations professionnelles et syndicales et des associations. Elles prennent la forme d'une association ou d'un groupement d'intérêt public. 10. Selon l'article L. 5314-2 du même code, les missions locales pour l'insertion professionnelle et sociale des jeunes, dans le cadre de leur mission de service public pour l'emploi, ont pour objet d'aider les jeunes de seize à vingt-cinq ans révolus à résoudre l'ensemble des problèmes que pose leur insertion professionnelle et sociale en assurant des fonctions d'accueil, d'information, d'orientation et d'accompagnement à l'accès à la formation professionnelle initiale ou continue, ou à un emploi. Elles favorisent la concertation entre les différents partenaires en vue de renforcer ou compléter les actions conduites par ceux-ci, notamment pour les jeunes rencontrant des difficultés particulières d'insertion professionnelle et sociale. Elles contribuent à l'élaboration et à la mise en oeuvre, dans leur zone de compétence, d'une politique locale concertée d'insertion professionnelle et sociale des jeunes. Les résultats obtenus par les missions locales en termes d'insertion professionnelle et sociale, ainsi que la qualité de l'accueil, de l'information, de l'orientation et de l'accompagnement qu'elles procurent aux jeunes sont évalués dans des conditions qui sont fixées par convention avec l'Etat, la région et les autres collectivités territoriales qui les financent. Les financements accordés tiennent compte de ces résultats. 11. Il résulte de ces dispositions que les missions locales pour l'insertion professionnelle et sociale des jeunes constituées sous forme d'association sont des personnes de droit privé gérant un service public. 12. Il s'ensuit que le salarié de droit privé employé par une mission locale pour l'insertion professionnelle et sociale des jeunes, constituée sous forme d'association, est soumis aux principes de laïcité et de neutralité du service public et dès lors à une obligation de réserve en dehors de l'exercice de ses fonctions. 13. En second lieu, l'article 61-1 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984, dans sa rédaction applicable, prévoit que les collectivités territoriales et leurs établissements publics administratifs peuvent, lorsque des fonctions exercées en leur sein nécessitent une qualification technique spécialisée, bénéficier de la mise à disposition de personnels de droit privé, dans les cas et conditions définis par décret en Conseil d'Etat et que les personnels ainsi mis à disposition sont soumis aux règles d'organisation et de fonctionnement du service où ils servent et aux obligations s'imposant aux fonctionnaires. 14. Selon l'article 11, I, du décret n° 2008-580 du 18 juin 2008, les collectivités territoriales et les établissements publics mentionnés à l'article 2 de la loi du 26 janvier 1984 peuvent, lorsque les besoins du service le justifient, bénéficier de la mise à disposition de personnels de droit privé pour la réalisation d'une mission ou d'un projet déterminé qui ne pourrait être mené à bien sans les qualifications techniques spécialisées détenues par un salarié de droit privé. 15. Au termes de l'article 11, III, du même décret, les règles déontologiques qui s'imposent aux fonctionnaires sont opposables aux personnels mis à disposition en application du I. 16. Il en résulte que le salarié de droit privé mis à disposition d'une collectivité publique territoriale est soumis aux principes de laïcité et de neutralité du service public et dès lors à une obligation de réserve en dehors de l'exercice de ses fonctions. 17. Pour dire que la mission locale a discriminé le salarié en raison de l'expression de ses opinions politiques et de ses convictions religieuses en procédant à son licenciement et annuler en conséquence le licenciement, l'arrêt retient qu'un conseiller d'insertion au sein d'une mission locale, même mis à disposition d'une municipalité, ne perd nullement sa liberté d'engagement politique et d'expression publique de cet engagement en dehors de l'exercice de ses fonctions et peut librement critiquer l'Etat en dehors de son travail. 18. L'arrêt retient encore que la mission locale ne peut imposer au salarié le respect de la laïcité en dehors de son activité professionnelle lui interdisant tout prosélytisme religieux dans l'espace public hors le cadre de son service, qu'en effet l'employeur ne constitue nullement une organisation confessionnelle et la laïcité ne s'impose pas aux citoyens dans l'espace public en dehors du service public, puisqu'au contraire la laïcité garantit à chacun l'exercice public de sa foi, qu'ainsi l'employeur ne pouvait faire interdiction au salarié de se livrer à des actes de prosélytisme religieux dans l'espace public en dehors de son travail, le devoir de réserve qui s'impose à lui en dehors de ses fonctions ne pouvant concerner l'expression publique de sa foi ni la propagation du message religieux, indépendamment d'éventuels rapports entre foi et activité professionnelle, lesquels rapports ne sont nullement caractérisés en l'espèce. 19. L'arrêt en déduit qu'en reprochant au salarié, au soutien de la mesure de licenciement, de n'avoir pas obtempéré à l'injonction illégitime visant à restreindre sa liberté politique et sa liberté religieuse, l'employeur a commis une discrimination au sens de l'article L. 1132-1 du code du travail, laquelle commande la nullité du licenciement aux termes de l'article L. 1132-4 du même code. 20. En se déterminant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que le salarié, conseiller en insertion sociale et professionnelle, référent au sein de la commune de [Localité 3] pour les missions d'insertion auprès d'un public de jeunes en difficulté scolaire et professionnelle, en grande fragilité sociale, avait publié sur son compte Facebook ouvert à tous, sous son propre nom, fin novembre et début décembre 2015, des commentaires mentionnant « Je refuse de mettre le drapeau... Je ne sacrifierai jamais ma religion, ma foi, pour un drapeau quel qu'il soit », « Prophète ! Rappelle-toi le matin où tu quittas ta famille pour aller placer les croyants à leurs postes de combat », la cour d'appel, qui n'a pas recherché, comme il lui était demandé, si la consultation du compte Facebook du salarié permettait son identification en qualité de conseiller d'insertion sociale et professionnelle affecté au sein de la commune de [Localité 3], notamment par les jeunes en difficulté auprès desquels le salarié exerçait ses fonctions, et si, au regard de la virulence des propos litigieux ainsi que de la publicité qui leur était donnée, lesdits propos étaient susceptibles de caractériser un manquement à l'obligation de réserve du salarié en dehors de l'exercice de ses fonctions en tant qu'agent du service public de l'emploi mis à la disposition d'une collectivité territoriale, en sorte que son licenciement était justifié par une exigence professionnelle essentielle et déterminante au sens de l'article L. 1133-1 du code du travail, tenant au manquement à son obligation de réserve, n'a pas donné de base légale à sa décision. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 18 décembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ; Condamne M. [Z] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf octobre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat aux Conseils, pour l'association Mission locale du pays salonais, Il est fait grief à l'arrêt attaqué, infirmatif de ces chefs, d'AVOIR dit que l'association Mission Locale du Pays Salonais a discriminé M. [D] [Z] en raison de l'expression de ses opinions politiques et de ses convictions religieuses en procédant à son licenciement, d'AVOIR dit nul le licenciement de M. [Z] et d'AVOIR en conséquence condamné l'association Mission Locale du Pays Salonais à verser diverses sommes à M. [Z] et ordonné sa réintégration dans un emploi équivalent à celui qu'il occupait et à lui verser le montant des salaires du 18 décembre 2020 jusqu'à sa réintégration ; AUX MOTIFS QUE l'article L. 1132-1 du code du travail disposait au temps du licenciement qu'aucun salarié ne peut être licencié en raison de ses opinions politiques ou de ses convictions religieuses et l'article L. 1132-4 précise que toute disposition ou tout acte pris à l'égard d'un salarié en méconnaissance des dispositions du présent chapitre est nul ; que l'article L. 1121-1 du code du travail précise encore que nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché ; qu'ainsi, sauf abus, le salarié jouit, dans l'entreprise et en dehors de celle-ci, de sa liberté d'expression à laquelle des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché peuvent toutefois être apportées ; qu'en effet, le droit du travail trouve à s'appliquer à une grande variété de situations parmi lesquelles des relations de travail qui prennent place au plus près des activités politiques ou des convictions religieuses ; que c'est ainsi qu'une organisation politique peut salarier un permanent ou telle église un ministre de son culte ; que dans une autre proximité de l'engagement politique ou des convictions religieuses, une entreprise commerciale peut s'adresser à une clientèle engagée politiquement ou d'une confession spécifique ; qu'il est encore à noter que le contrat de travail peut lier un salarié à une personne morale chargée d'une mission de service public, laquelle personne morale se trouve tenue à une obligation de neutralité et de laïcité ; que toutes ces situations imposent certaines restrictions à la liberté d'expression, tout autant qu'au principe de prohibition des discriminations ; que pour autant, la liberté doit rester le principe, et les restrictions de simples exceptions ; qu'en l'espèce, l'employeur reproche au salarié dans la lettre de licenciement : « une critique importante et tendancieuse du parti politique Les Républicains et le Front National, ainsi que des appels à la diffusion du Coran, accompagné de citations de sourates appelant à la violence », « Les faits consignés par l'huissier caractérisent des manifestations politiques et religieuses qui débordent, d'une part, de votre vie personnelle et, d'autre part, qui comportent des excès remettant en cause la loyauté minimale requise par la qualité juridique de votre mission de service public » ; que l'employeur justifie précisément sa position en formulant les affirmations suivantes : « Au titre de votre obligation de neutralité, il vous est interdit de prendre une quelconque position publique partiale. Cette obligation de neutralité englobe un devoir de réserve, ainsi qu'une obligation de respect de la laïcité [...]. Cette obligation emporte interdiction de se livrer à toute activité de propagande politique et, encore, de porter critique envers l'Etat. [...] Ce devoir de laïcité engendre une interdiction de propagande religieuse et de prosélytisme, dans le cadre du service, mais aussi, au sein d'un espace public » ; qu'ainsi, l'employeur reproche-t-il explicitement au salarié de se livrer, en dehors de son travail et dans l'espace public, à une activité de propagande politique, de critiquer l'Etat et encore de se livrer au prosélytisme religieux, tous comportements qu'il estime incompatibles avec sa mission de service public ; que cependant à supposer que le salarié participe bien à une mission de service public, ce que ce dernier conteste, une telle mission ne lui interdit nullement l'engagement politique ainsi que des activités de propagande politique ; qu'ainsi, même les fonctionnaires, à l'exception des hauts fonctionnaires nommés à la discrétion du gouvernement, jouissent pleinement de leur liberté d'engagement et d'action politique en dehors de l'exercice de leurs fonctions, jusqu'à pouvoir se présenter aux élections politiques sauf exceptions légales ; qu'en conséquence, un conseiller d'insertion au sein d'une mission locale, même mis à disposition d'une municipalité, ne perd nullement sa liberté d'engagement politique et d'expression publique de cet engagement en dehors de l'exercice de ses fonctions et qu'il peut librement critiquer l'Etat en dehors de son travail ; qu'il apparaît en conséquence que l'employeur, qui n'est en l'espèce nullement un parti politique et qui n'a pas mis son salarié à disposition d'une organisation politique mais d'une municipalité, a violé les dispositions de l'article L. 1121-1 du code du travail en tentant de brider, sans motif valable, la liberté politique du salarié en dehors de la relation de travail ; qu'en reprochant à ce salarié, au soutien d'une mesure de licenciement, de n'avoir pas obtempéré à une telle injonction illégitime, l'employeur a commis une discrimination au sens de l'article L. 1132-1 du code du travail, laquelle discrimination commande la nullité du licenciement aux termes de l'article L. 1132-4 ; qu'il sera relevé surabondamment que l'employeur prétend encore imposer au salarié le respect de la laïcité en dehors de son activité professionnelle lui interdisant tout prosélytisme religieux dans l'espace public hors le cadre de son service ; que cependant l'employeur ne constitue nullement une organisation confessionnelle et la laïcité ne s'impose pas aux citoyens dans l'espace public en dehors du service public ; que bien au contraire, la laïcité garantit à chacun l'exercice public de sa foi même si cet exercice est tourné vers le témoignage comme c'est parfois le cas dans plusieurs religions du Livre ; qu'il est à noter que le Conseil d'Etat, 4e et 1e chambres réunies, par arrêt du 27 juin 2018, a dit n'y avoir pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité transmise par la cour administrative d'appel de Nancy, concernant un prêtre dont l'élection en qualité de président d'une université publique était contestée, aux motifs suivants : « 3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 10 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « Nul ne doit pas être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la loi » ; qu'aux termes de l'article 1 de la Constitution : « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances [...] » ; que le principe de laïcité figure au nombre des droits et libertés que la Constitution garantit ; que notamment, il en résulte la neutralité de l'Etat, le respect de toutes les croyances et l'égalité de tous les citoyens devant la loi sans distinction de religion ; 4. Considérant qu'il résulte ainsi du principe constitutionnel de laïcité que l'accès aux fonctions publiques, dont l'accès aux fonctions de président d'université, s'effectue sans distinction de croyance et de religion ; que, par suite, il ne peut, en principe, être fait obstacle à ce qu'une personne ayant la qualité de ministre d'un culte puisse être élue aux fonctions de président d'université, celle-ci étant alors tenue, eu égard à la neutralité des services publics qui découle également du principe de laïcité, à ne pas manifester ses opinions religieuses dans l'exercice de ses fonctions ainsi qu'à un devoir de réserve en dehors de l'exercice de ces fonctions ; que, par suite, la question de la conformité au principe constitutionnel de laïcité des dispositions législatives contestées par le syndicat requérant, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux » ; qu'ainsi, l'employeur ne pouvait, sans violer les dispositions de l'article L. 1121-1 du code du travail, faire interdiction au salarié de se livrer à des actes de prosélytisme religieux dans l'espace public en dehors de son travail, le devoir de réserve qui s'impose à lui en dehors de ses fonctions ne pouvant concerner l'expression publique de sa foi ni la propagation du message religieux, indépendamment d'éventuels rapports entre foi et activité professionnelles, lesquels rapports ne sont nullement caractérisés en l'espèce ; qu'ainsi, en refusant l'exercice de sa liberté religieuse au salarié et en le licenciant pour être passé outre une telle injonction illégitime, l'employeur a commis un acte de discrimination qui entache le licenciement de nullité ; que le licenciement étant nul, il n'y a pas [lieu] d'examiner les autres griefs retenus dans la lettre de licenciement ; 1) ALORS QUE le salarié qui participe à une mission de service public est tenu, même en dehors du service, d'un devoir de réserve qui lui impose de s'abstenir de faire de la propagande politique ; qu'il en va ainsi, notamment, d'un salarié appelé à intervenir auprès du jeune public ; qu'en l'espèce, la Mission locale du pays salonais faisait valoir qu'elle avait licencié M. [Z] pour avoir, sur son compte Facebook accessible à tous, incité à ne pas voter au deuxième tour des élections municipales, violemment critiqué les candidats en lice issus des partis des Républicains et du Front National et qualifié M. [S] de « fasciste, raciste et islamophobe », ce qui était incompatible avec le devoir de réserve auquel était tenu le salarié en sa qualité d'agent d'une Mission locale investie d'une mission de service public ; qu'en retenant qu'à supposer même que M. [Z] ait participé à une mission de service public, cela ne lui interdisait pas d'avoir « des activités de propagande politique » (arrêt p. 8), la cour d'appel a violé le devoir de réserve et les articles L. 1121-1, L. 1132-1 et L. 5314-2 du code du travail ; 2) ALORS QUE le salarié qui participe à une mission de service public est tenu, même en dehors du service, d'un devoir de réserve qui lui impose de s'abstenir de toute manifestation d'opinion de nature à jeter le discrédit sur l'autorité chargée de la mission de service public à laquelle il participe ; qu'il en va ainsi, notamment, d'un salarié appelé à intervenir auprès du jeune public ; qu'en l'espèce, la Mission locale du pays salonais faisait valoir qu'elle avait licencié M. [Z] pour avoir, sur son compte Facebook accessible à tous, violemment critiqué l'action du gouvernement et n'avoir pas respecté les emblèmes de la République comme le drapeau français, ce qui était incompatible avec le devoir de réserve auquel était tenu le salarié en sa qualité d'agent d'une Mission locale investie d'une mission de service public ; qu'en retenant qu'à supposer même que M. [Z] ait participé à une mission de service public, cela ne lui interdisait pas de pouvoir « librement critiquer l'Etat en dehors de son travail » (arrêt p. 8), la cour d'appel a violé le devoir de réserve et les articles L. 1121-1, L. 1132-1 et L. 5314-2 du code du travail ; 3) ALORS QUE les missions locales pour l'insertion professionnelle et sociale des jeunes, dans le cadre de leur mission de service public pour l'emploi, ont pour objet d'aider les jeunes de seize à vingt-cinq ans révolus à résoudre l'ensemble des problèmes que pose leur insertion professionnelle et sociale en assurant des fonctions d'accueil, d'information, d'orientation et d'accompagnement à l'accès à la formation professionnelle initiale ou continue, ou à un emploi ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu qu'« à supposer que le salarié participe bien à une mission de service public, ce que ce dernier conteste, une telle mission ne lui interdit nullement l'engagement politique ainsi que des activités de propagande politique » (arrêt p. 8) ; qu'en mettant en doute, pour se déterminant comme elle l'a fait, le fait que le salarié participait bien à une mission de service public, quand cela ressortait de la loi, la cour d'appel a violé les articles L. 5314-2, L. 1121-1 et L. 1132-1 du code du travail ; 4) ALORS QUE le salarié qui participe à une mission de service public est tenu par une obligation de laïcité qui lui interdit de faire du prosélytisme religieux ; qu'il en va ainsi, notamment, d'un salarié appelé à intervenir auprès du jeune public ; qu'en l'espèce, la Mission locale du pays salonais faisait valoir qu'elle avait licencié M. [Z] pour avoir, sur son compte Facebook accessible à tous, fait du prosélytisme religieux agressif en, notamment, diffusant des sourates du Coran appelant au combat et en invitant à diffuser massivement le Coran ; qu'en retenant que « l'employeur ne pouvait (...) faire interdiction au salarié de se livrer à des actes de prosélytisme religieux dans l'espace public en dehors de son travail » (arrêt p. 8) et que « le devoir de réserve qui s'impose [au salarié] en dehors de ses fonctions ne pouvant concerner l'expression publique de sa foi ni la propagation du message religieux » (arrêt pp. 8-9), la cour d'appel a violé le principe de laïcité du service public, ensemble les articles L. 5314-2, L. 1121-1 et L. 1132-1 du code du travail ; 5) ALORS, en toute hypothèse, QUE les salariés de droit privé mis à disposition d'une collectivité territoriale sont soumis aux mêmes obligations que les fonctionnaires, dont les obligations de neutralité et de laïcité ; qu'en l'espèce, en retenant qu'un conseiller d'insertion au sein d'une mission locale, même mis à disposition d'une municipalité, ne perdait nullement sa liberté d'engagement politique et d'expression publique de cet engagement en dehors de l'exercice de ses fonctions et qu'il pouvait librement critiquer l'Etat et se livrer à des actes de prosélytisme religieux dans l'espace public en dehors de son travail, la cour d'appel a violé l'article 61-2 de la loi n° 2007-148 de modernisation de la fonction publique du 2 février 2007 et l'article 11 du décret d'application du 18 juin 2008 relatif au régime de la mise à disposition applicable aux collectivités territoriales et aux établissements publics administratifs locaux ; 6) ALORS en toute hypothèse QUE le salarié est tenu, au titre de son contrat de travail, d'une obligation de loyauté à laquelle est inhérent un certain devoir de réserve ; que tel est en particulier le cas du salarié employé par une personne en charge d'une mission d'intérêt général, et qui est amené à travailler auprès du jeune public, ce qui justifie une obligation renforcée de loyauté et de réserve ; qu'en affirmant, pour retenir une discrimination impliquant la nullité du licenciement, que « l'employeur ne pouvait (...) faire interdiction au salarié de se livrer à des actes de prosélytisme religieux dans l'espace public en dehors de son travail » (arrêt p. 8) et que « le devoir de réserve qui s'impose [au salarié] en dehors de ses fonctions ne pouvant concerner l'expression publique de sa foi ni la propagation du message religieux » (arrêt pp. 8-9), tandis que les fonctions du salarié au service de la mission locale, impliquant notamment une intervention auprès du jeune public, le rendait débiteur d'une obligation de loyauté et de réserve que violait manifestement son comportement et ses propos publics sur son compte facebook, la cour d'appel a violé les articles L. 1121-1 et L. 1221-1 du code du travail ; 7) ALORS, en toute hypothèse, QUE sauf abus, le salarié jouit en dehors de l'entreprise de sa liberté d'expression à laquelle seules les restrictions justifiées par la nature la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché peuvent être apportées ; qu'il y a abus de la liberté d'expression lorsque les propos tenus par le salarié sont injurieux, diffamatoires ou excessifs ; qu'à cet égard, le cercle de diffusion des propos constitue un paramètre pertinent, voire prépondérant, à prendre en compte pour apprécier l'existence de l'abus ; qu'en l'espèce, en ne recherchant pas si les messages publiés par M. [Z] sur son compte Facebook accessible par tous n'étaient pas injurieux, diffamatoires ou excessifs et ne constituaient donc pas un abus de la liberté d'expression, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1121-1 et L. 1132-1 du code du travail ; 8) ALORS QUE la lettre de licenciement fixe les termes et les limites du litige ; qu'en l'espèce, pour conclure à la nullité du licenciement de M. [Z], la cour d'appel s'est bornée à retenir que le salarié était en droit d'avoir « des activités de propagande politique », de « librement critiquer l'Etat en dehors de son travail » et « de se livrer à des actes de prosélytisme religieux dans l'espace public en dehors de son travail » ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si les messages publiés par M. [Z] sur son compte Facebook accessible par tous ne constituaient pas un abus de la liberté d'expression, quand il ressortait de la lettre de licenciement que la Mission locale du pays salonais avait licencié M. [Z] non seulement pour avoir manqué à ses devoirs de réserve et de laïcité mais aussi pour avoir abusé de sa liberté d'expression, la cour d'appel a violé l'article L. 1232-6 du code du travail.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 19 octobre 2022 Cassation partielle M. HUGLO, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 1107 F-B Pourvoi n° R 21-18.705 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 19 OCTOBRE 2022 Le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail de La Poste du Grand [Localité 4] (CHSCT), dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° R 21-18.705 contre l'arrêt rendu le 20 mai 2021 par la cour d'appel de Montpellier (2e chambre civile), dans le litige l'opposant à la société La Poste, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Rinuy, conseiller, les observations de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail de La Poste du Grand [Localité 4] (CHSCT), de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société La Poste, après débats en l'audience publique du 7 septembre 2022 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Rinuy, conseiller rapporteur, Mme Ott, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 20 mai 2021), dans le cadre de la mise en place par la société La Poste (la société) d'un projet intitulé « Projet d'évolution de l'organisation de [Localité 3] PDC Etablissement du Grand [Localité 4] », une réunion de présentation s'est tenue le 7 mai 2019 avec pour ordre du jour « Le projet [Localité 3] », réunion au cours de laquelle les représentants du personnel ont dénoncé des dysfonctionnements du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) du Grand [Localité 4], souhaitant voter une résolution pour ajouter le point suivant à l'ordre du jour « Fonctionnement du CHSCT » afin de voir « traiter des désaccords récurrents entre eux et le président sur le fonctionnement de leur instance ». Une nouvelle réunion s'est tenue le 16 mai suivant, à laquelle seul M. [C] s'est présenté, à l'exception des autres membres du CHSCT. Celui-ci a voté, seul, le recours à une expertise, confiée au cabinet Cateis. 2. Au motif que la direction n'entend pas collaborer à l'expertise et qu'elle ne produit pas les documents qui lui sont demandés tant par le cabinet Cateis que par le CHSCT, ce dernier a, par actes des 27 juin et 1er juillet 2019, fait assigner la société et le cabinet chargé de l'expertise devant le juge des référés du tribunal de grande instance, sur le fondement des articles 808 et 809 du code de procédure civile, aux fins de juger que la société s'est rendue responsable d'un trouble manifestement illicite, de la condamner à lui verser une certaine somme à titre de dommages-intérêts pour le non respect des prérogatives du CHSCT, qu'il lui soit ordonné de communiquer tant à l'expert qu'aux membres du CHSCT divers documents sous astreinte et de suspendre la réalisation du projet, tant que le processus de consultation du CHSCT et du comité technique (CT) n'aura pas été achevé. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa seconde branche Enoncé du moyen 3. Le CHSCT fait grief à l'arrêt de prononcer la nullité de l'assignation délivrée par lui le 27 juin 2019, alors « que le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail détermine, dans un règlement intérieur, les modalités de son fonctionnement et l'organisation de ses travaux ; que les décisions du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail portant sur ses modalités de fonctionnement et l'organisation de ses travaux ainsi que ses résolutions sont prises à la majorité des membres présents ; que le président du comité ne participe pas au vote lorsqu'il consulte les membres élus du comité en tant que délégation du personnel ; qu'en l'espèce, pour prononcer la nullité de l'assignation délivrée le 27 juin 2019 par le CHSCT du Grand [Localité 4], la cour d'appel a considéré que la délibération du 16 mai 2019, votée par le seul représentant de la délégation du personnel présent à la réunion, donnant mandat à M. [C] de représenter en justice le CHSCT pour garantir l'exécution de la délibération concomitante ayant décidé de recourir à une expertise pour projet important, était irrégulière, faute pour le président du CHSCT d'avoir participé au vote, s'agissant d'une décision portant sur les modalités de fonctionnement du comité ; qu'en statuant comme elle l'a fait, alors pourtant que la délibération du CHSCT relative à la représentation en justice du CHSCT pour garantir l'exécution de la décision de recourir à un expert dans le cadre d'une consultation sur un projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité constitue une délibération sur laquelle les membres élus du CHSCT doivent seuls se prononcer en tant que délégation du personnel, à l'exclusion du chef d'entreprise, président du comité, la cour d'appel a violé derechef l'article L. 4614-2 du code du travail, alors applicable. » Réponse de la Cour Vu l'article L. 4614-2 du code du travail applicable en la cause, dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-994 du 17 août 2015 : 4. Selon les deuxième et troisième alinéas de ce texte, si les décisions du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail portant sur ses modalités de fonctionnement et l'organisation de ses travaux ainsi que ses résolutions sont prises à la majorité des membres présents, le président du comité ne participe pas au vote lorsqu'il consulte les membres élus du comité en tant que délégation du personnel. 5. Il en résulte que la décision par laquelle le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail qui, dans le cadre d'une consultation sur un projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité, a décidé du recours à une expertise, mandate un de ses membres pour agir et le représenter en justice pour garantir l'exécution de la décision de recourir à un expert constitue une délibération sur laquelle les membres élus du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail doivent seuls se prononcer en tant que délégation du personnel, à l'exclusion du chef d'entreprise, président du comité. 6. Pour prononcer la nullité de l'assignation délivrée par le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail le 27 juin 2019, l'arrêt retient que la question de la désignation d'un représentant du CHSCT pour agir en justice, distincte de la question du vote d'une délibération relative au recours à une expertise, constitue une mesure relevant des modalités de fonctionnement du comité qui doit être prise à l'issue d'une délibération collective à laquelle doit prendre part son président. 7. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la première branche du moyen, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il prononce la nullité de l'assignation délivrée le 27 juin 2019 par le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail du Grand [Localité 4] et en ce qu'il condamne le CHSCT aux dépens de première instance et d'appel, l'arrêt rendu le 20 mai 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ; Condamne la société La Poste aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société La Poste ; En application de l'article L. 4614-13 du code du travail, condamne la société La Poste à payer à la société Meier-Bourdeau Lécuyer la somme de 3 600 euros TTC ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf octobre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat aux Conseils, pour le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail de La Poste du Grand [Localité 4], Le CHSCT du Grand [Localité 4] fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir prononcé la nullité de l'assignation délivrée le 27 juin 2019 par le CHSCT du Grand [Localité 4], alors : 1°) que le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail détermine, dans un règlement intérieur, les modalités de son fonctionnement et l'organisation de ses travaux ; que les décisions du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail portant sur ses modalités de fonctionnement et l'organisation de ses travaux ainsi que ses résolutions sont prises à la majorité des membres présents ; que le président du comité ne participe pas au vote lorsqu'il consulte les membres élus du comité en tant que délégation du personnel ; qu'en l'espèce, pour prononcer la nullité de l'assignation délivrée le 27 juin 2019 par le CHSCT du Grand [Localité 4], la cour d'appel a considéré que la délibération du 16 mai 2019, votée par le seul représentant de la délégation du personnel présent à la réunion, donnant mandat à M. [C] de représenter en justice le CHSCT pour garantir l'exécution de la délibération concomitante ayant décidé de recourir à une expertise pour projet important, était irrégulière, faute pour le président du CHSCT d'avoir participé au vote, s'agissant d'une décision portant sur les modalités de fonctionnement du comité ; qu'en statuant comme elle l'a fait, alors pourtant que la décision prise par le CHSCT pour organiser sa représentation ne peut être regardée comme une simple mesure d'administration interne, à laquelle peut prendre part le président, que lorsqu'elle est prévue par le règlement intérieur du comité, la cour d'appel a violé l'article L. 4614-2 du code du travail, alors applicable ; 2°) que le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail détermine, dans un règlement intérieur, les modalités de son fonctionnement et l'organisation de ses travaux ; que les décisions du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail portant sur ses modalités de fonctionnement et l'organisation de ses travaux ainsi que ses résolutions sont prises à la majorité des membres présents ; que le président du comité ne participe pas au vote lorsqu'il consulte les membres élus du comité en tant que délégation du personnel ; qu'en l'espèce, pour prononcer la nullité de l'assignation délivrée le 27 juin 2019 par le CHSCT du Grand [Localité 4], la cour d'appel a considéré que la délibération du 16 mai 2019, votée par le seul représentant de la délégation du personnel présent à la réunion, donnant mandat à M. [C] de représenter en justice le CHSCT pour garantir l'exécution de la délibération concomitante ayant décidé de recourir à une expertise pour projet important, était irrégulière, faute pour le président du CHSCT d'avoir participé au vote, s'agissant d'une décision portant sur les modalités de fonctionnement du comité ; qu'en statuant comme elle l'a fait, alors pourtant que la délibération du CHSCT relative à la représentation en justice du CHSCT pour garantir l'exécution de la décision de recourir à un expert dans le cadre d'une consultation sur un projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité constitue une délibération sur laquelle les membres - 6 – élus du CHSCT doivent seuls se prononcer en tant que délégation du personnel, à l'exclusion du chef d'entreprise, président du comité, la cour d'appel a violé derechef l'article L. 4614-2 du code du travail, alors applicable ;
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 19 octobre 2022 M. SOMMER, président Arrêt n° 1118 FS-B Pourvoi n° H 21-15.270 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 19 OCTOBRE 2022 Le comité social et économique, venant aux droits du comité d'entreprise de la société Wipro Limited, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° H 21-15.270 contre l'arrêt rendu le 16 février 2021 par la cour d'appel de Versailles (1ère chambre, 1ère section), dans le litige l'opposant à la société Wipro Limited, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Ott, conseiller, les observations de la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat du comité social et économique de la société Wipro Limited, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Wipro Limited, et l'avis de Mme Laulom, avocat général, après débats en l'audience publique du 7 septembre 2022 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Ott, conseiller rapporteur, M. Huglo, conseiller doyen, M. Rinuy, Mme Sommé, conseillers, Mmes Chamley-Coulet, Lanoue, M. Le Masne de Chermont, Mme Ollivier, conseillers référendaires, Mme Laulom, avocat général, et Mme Pontonnier, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 16 février 2021), la société de droit indien Wipro Limited (la société) a conclu le 24 juin 2013 avec le comité d'entreprise de sa succursale française, implantée à [Localité 1] et employant plus de cent cinquante salariés, un accord de participation. 2. Constatant une forte baisse du montant global de la réserve spéciale de participation au fil des ans, le comité d'entreprise a fait procéder à un audit des comptes arrêtés au 31 mars 2015 par le cabinet Syndex, lequel, dans son rapport remis le 19 mai 2016, en se fondant pour la détermination des capitaux propres à prendre en compte sur le « Guide de l'épargne salariale » diffusé en 2014, a conclu que le montant de la réserve spéciale de participation calculée selon l'accord de 2013 aboutissait à un montant inférieur à celui devant résulter de la formule légale. 3. Par acte du 28 mai 2018, le comité d'entreprise a fait assigner la société devant le tribunal de grande instance afin d'obtenir le versement d'un complément de la réserve spéciale de participation pour les exercices 2014/2015 à 2016/2017. 4. Le comité social et économique de la société est intervenu aux droits du comité d'entreprise. Examen du moyen Enoncé du moyen 5. Le comité social et économique fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes de condamnation de la société à verser sur les comptes bancaires le surplus de la réserve spéciale de participation pour les exercices 2014/2015, 2015/2016 et 2016/2017 et de le débouter en conséquence de toutes ses autres demandes, alors : « 1°/ que le juge a le devoir d'interpréter les textes invoqués lorsqu'ils sont nécessaires à la solution du litige ; que pour débouter le comité social et économique de sa demande tendant à ce que la réserve spéciale de participation soit calculée, pour les trois exercices considérés, suivant la formule de calcul légale dès lors que celle-ci était plus favorable que celle résultant de l'accord de participation, la cour d'appel a retenu qu'il existait un vide juridique quant à la notion de capitaux propres à prendre en compte pour le calcul de la réserve spéciale de participation des succursales françaises de sociétés étrangères de sorte que le CSE ne démontrait pas que le calcul de la réserve spéciale de participation tel que résultant de l'accord de participation n'était pas conforme à la formule légale ; qu'en refusant ainsi d'interpréter les dispositions des articles L. 3324-1 et D. 3324-4 du code du travail pour déterminer les capitaux propres à prendre en compte pour le calcul de la réserve spéciale de participation des succursales françaises de sociétés étrangères, la cour d'appel a commis un excès de pouvoir et violé l'article 4 du code civil ; 2°/ que si l'accord de participation peut établir un régime de participation comportant une base de calcul et des modalités différentes de celles définies à l'article L. 3324-1 du code du travail, cet accord ne dispense de l'application des règles définies à cet article que s'il comporte pour les salariés des avantages au moins équivalents ; qu'en retenant, pour débouter le comité social et économique de sa demande tendant à ce que la réserve spéciale de participation soit calculée, pour les trois exercices considérés, suivant la formule de calcul légale dès lors que celle-ci était plus favorable que celle résultant de l'accord de participation, que la formule de calcul prévue par l'accord de participation avait été utilisée dans un accord de participation d'une entreprise tierce homologué par le CERC en 1986, la cour d'appel, qui a statué par un motif inopérant, a violé l'article L. 3324-2 du code du travail ; 3°/ que si l'accord de participation peut établir un régime de participation comportant une base de calcul et des modalités différentes de celles définies à l'article L. 3324-1, cet accord ne dispense de l'application des règles définies à cet article que s'il comporte pour les salariés des avantages au moins équivalents ; qu'en retenant, pour débouter le comité social et économique de sa demande tendant à ce que la réserve spéciale de participation soit calculée suivant la formule de calcul légale, que celui-ci ne démontrait pas que le chiffre d'affaires retenu par la société Wipro Limited pour appliquer la formule de calcul prévue par l'accord de participation était faux, la cour d'appel, qui a statué par un motif inopérant, a violé derechef l'article L. 3324-2 du code du travail ; 4°/ que lorsque le calcul de la rémunération dépend d'éléments détenus par l'employeur, celui-ci est tenu de les produire en vue d'une discussion contradictoire ; que lorsque la formule de calcul de la réserve spéciale de participation figurant dans un accord de participation se réfère au montant du chiffre d'affaires de la société, il appartient à l'employeur de communiquer les éléments pertinents de nature à en justifier ; que le CSE avait notamment fait valoir que la somme retenue par la société à titre de "chiffre d'affaires" pour le calcul de la réserve spéciale de participation était fausse dès lors qu'elle correspondait au montant total de ses produits ("total revenue") incluant ainsi à tort, selon les normes comptables françaises, non pas seulement la production vendue, mais aussi d'autres revenus qui ne devaient pas y figurer dont l'ensemble des produits d'exploitation ("Revenue from Opération (gross)") lesquels devaient être détaillés afin d'isoler la seule part relative au chiffre d'affaires, ainsi que des produits d'autre nature (produits financiers ou produits exceptionnels par exemple) regroupés sous l'intitulé "other income", lesquels devaient être exclus du chiffre d'affaires ; qu'après avoir relevé qu'il est constant qu'en norme comptable française le chiffre d'affaires correspond à la production vendue (biens et services) la cour d'appel qui retient que le CSE ne démontrait pas que la somme figurant sous le libellé "total revenue" ne correspondait pas au chiffre d'affaires de la société Wipro Limited et notamment, à ce titre, ne justifiait pas par le moindre commencement de preuve « que la ligne "other income" telle qu'elle figure aux documents comptables de la société inclurait des produits financiers ou encore des produits exceptionnels » a inversé la charge de la preuve et violé l'article 1315, devenu 1353, du code civil ; 5°/ que le droit à la preuve qui découle du droit à un procès équitable garanti par l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales implique que chaque partie ait la possibilité de faire la preuve d'un élément de fait essentiel pour le succès de ses prétentions ; que ce droit implique celui de ne pas être débouté de ses demandes faute de produire une preuve ou une pièce exclusivement détenue par la partie adverse et qui est indispensable pour établir le bien-fondé de ses prétentions ; que le CSE avait notamment fait valoir que la somme retenue par la société à titre de « chiffre d'affaires » pour le calcul de la réserve spéciale de participation était fausse dès lors qu'elle correspondait au montant total de ses produits (« total revenue ») incluant ainsi à tort, selon les normes comptables françaises, non pas seulement la production vendue, mais aussi d'autres revenus qui ne devaient pas y figurer, dont l'ensemble des produits d'exploitation (« Revenue from Opération (gross) ») lesquels devaient être détaillés afin d'isoler la seule part relative au chiffre d'affaires, ainsi que des produits d'autre nature (produits financiers ou produits exceptionnels par exemple) regroupés sous l'intitulé « other income », lesquels devaient être exclus du chiffre d'affaires ; que l'exposant faisait valoir que l'employeur avait refusé de communiquer les éléments et informations que lui seul détenait permettant ainsi de déterminer le chiffre d'affaires utile, selon les normes comptables françaises, pour calculer la réserve spéciale de participation ; qu'après avoir pourtant relevé qu'il est constant qu'en norme comptable française le chiffre d'affaires correspond à la production vendue (biens et services), la cour d'appel qui retient que le CSE ne démontrait pas que la somme figurant sous le libellé « total revenue » ne correspondait pas au chiffre d'affaires de la société Wipro Limited et notamment, à ce titre, ne justifiait pas, par le moindre commencement de preuve, « que la ligne "other income" telle qu'elle figure aux documents comptables de la société inclurait des produits financiers ou encore des produits exceptionnels » et encore que « si le cabinet OCA fait valoir que M. [M], expert mandaté lui-même par la société, n'a pas vérifié les données sources, il n'appartient pas à la société Wipro Limited France de justifier les chiffres qui résultent de sa propre comptabilité mais au comité d'entreprise d'apporter un début de preuve de ce qu'ils sont faux, ce qu'il ne fait pas en l'espèce », a méconnu le droit à la preuve de l'exposante et violé l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble l'article 1315, devenu 1353, du code civil ; 6°/ que les articles L. 3324-1 et D. 3324-4 du code du travail déterminent, pour la formule légale de calcul de la réserve spéciale de participation des salariés, les éléments à prendre en compte au titre des capitaux propres ; qu'en déboutant le CSE de ses demandes au motif inopérant que celui-ci ne démontrait pas "sur le plan économique" la réalité du montant des capitaux propres invoqués, la cour d'appel a violé les articles L. 3324-1 et D. 3324-4 du code du travail. » Réponse de la Cour 6. Aux termes de l'article L. 3322-2, alinéas 1 et 2, du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2012-387 du 22 mars 2012, les entreprises employant habituellement au moins cinquante salariés garantissent le droit de leurs salariés à participer aux résultats de l'entreprise. Il en va de même pour les entreprises constituant une unité économique et sociale d'au moins cinquante salariés reconnue dans les conditions prévues à l'article L. 2322-4. La base, les modalités de calcul, ainsi que les modalités d'affectation et de gestion de la participation sont fixées par accord dans les conditions prévues par le présent titre. 7. L'article L. 3322-6 du même code, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007, dispose que les accords de participation sont conclus selon l'une des modalités suivantes : 1° Par convention ou accord collectif de travail ; 2° Par accord entre l'employeur et les représentants d'organisations syndicales représentatives dans l'entreprise ; 3° Par accord conclu au sein du comité d'entreprise ; 4° A la suite de la ratification, à la majorité des deux tiers du personnel, d'un projet de contrat proposé par l'employeur. S'il existe dans l'entreprise une ou plusieurs organisations syndicales représentatives ou un comité d'entreprise, la ratification est demandée conjointement par l'employeur et une ou plusieurs de ces organisations ou ce comité. 8. Aux termes de l'article L. 2262-14 du code du travail, toute action en nullité de tout ou partie d'une convention ou d'un accord collectif doit, à peine d'irrecevabilité, être engagée dans un délai de deux mois à compter : 1° De la notification de l'accord d'entreprise prévue à l'article L. 2231-5, pour les organisations disposant d'une section syndicale dans l'entreprise ; 2° De la publication de l'accord prévue à l'article L. 2231-5-1 dans tous les autres cas. Ce délai s'applique sans préjudice des articles L. 1233-24, L. 1235-7-1 et L. 1237-19-8 du code du travail. 9. Il résulte de l'article L. 2262-14 précité que le comité d'entreprise, signataire d'un accord de participation, n'est pas recevable à invoquer, par voie d'exception, l'illégalité d'une clause de cet accord. 10. L'arrêt constate que le comité d'entreprise, aux droits duquel vient le comité social et économique, est signataire de l'accord de participation du 24 juin 2013. 11. Il s'ensuit que le comité social et économique n'est pas recevable à invoquer, par voie d'exception, l'illégalité de la clause de cet accord qui, dans le silence de la loi, a déterminé le mode de calcul des capitaux propres d'une succursale française d'une société étrangère. 12. Par ce motif de pur droit après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile, l'arrêt se trouve justifié. 13. Le moyen ne peut donc être accueilli. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne le comité social et économique de la société Wipro Limited aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf octobre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat aux Conseils, pour le comité social et économique de la société Wipro Limited LE POURVOI REPROCHE A L'ARRÊT ATTAQUÉ D'AVOIR débouté le CSE de la société Wipro Limited de ses demandes de condamnation de la société Wipro Limited à verser sur les comptes bancaires le surplus de la réserve spéciale de participation pour les exercices 2014/2015, 2015/2016 et 2016/2017 et débouté en conséquence le CSE de toutes ses autres demandes ; 1) ALORS QUE le juge a le devoir d'interpréter les textes invoqués lorsqu'ils sont nécessaires à la solution du litige ; que pour débouter le comité social et économique de sa demande tendant à ce que la réserve spéciale de participation soit calculée, pour les trois exercices considérés, suivant la formule de calcul légale dès lors que celle-ci était plus favorable que celle résultant de l'accord de participation, la cour d'appel a retenu qu'il existait un vide juridique quant à la notion de capitaux propres à prendre en compte pour le calcul de la réserve spéciale de participation des succursales françaises de sociétés étrangères de sorte que le CSE ne démontrait pas que le calcul de la réserve spéciale de participation tel que résultant de l'accord de participation n'était pas conforme à la formule légale ; qu'en refusant ainsi d'interpréter les dispositions des articles L. 3324-1 et D. 3324-4 du code du travail pour déterminer les capitaux propres à prendre en compte pour le calcul de la réserve spéciale de participation des succursales françaises de sociétés étrangères, la cour d'appel a commis un excès de pouvoir et violé l'article 4 du code civil ; 2) ALORS, en outre, QUE si l'accord de participation peut établir un régime de participation comportant une base de calcul et des modalités différentes de celles définies à l'article L. 3324-1 du code du travail, cet accord ne dispense de l'application des règles définies à cet article que s'il comporte pour les salariés des avantages au moins équivalents ; qu'en retenant, pour débouter le comité social et économique de sa demande tendant à ce que la réserve spéciale de participation soit calculée, pour les trois exercices considérés, suivant la formule de calcul légale dès lors que celle-ci était plus favorable que celle résultant de l'accord de participation, que la formule de calcul prévue par l'accord de participation avait été utilisée dans un accord de participation d'une entreprise tierce homologué par le CERC en 1986, la cour d'appel, qui a statué par un motif inopérant, a violé l'article L. 3324-2 du code du travail ; 3) ALORS, au surplus, QUE si l'accord de participation peut établir un régime de participation comportant une base de calcul et des modalités différentes de celles définies à l'article L. 3324-1, cet accord ne dispense de l'application des règles définies à cet article que s'il comporte pour les salariés des avantages au moins équivalents ; qu'en retenant, pour débouter le comité social et économique de sa demande tendant à ce que la réserve spéciale de participation soit calculée suivant la formule de calcul légale, que celui-ci ne démontrait pas que le chiffre d'affaires retenu par la société Wipro Limited pour appliquer la formule de calcul prévue par l'accord de participation était faux, la cour d'appel, qui a statué par un motif inopérant, a violé derechef l'article L. 3324-2 du code du travail ; 4) ALORS, au demeurant, QUE lorsque le calcul de la rémunération dépend d'éléments détenus par l'employeur, celui-ci est tenu de les produire en vue d'une discussion contradictoire ; que lorsque la formule de calcul de la réserve spéciale de participation figurant dans un accord de participation se réfère au montant du chiffre d'affaires de la société, il appartient à l'employeur de communiquer les éléments pertinents de nature à en justifier ; que le CSE avait notamment fait valoir que la somme retenue par la société à titre de « chiffre d'affaires » pour le calcul de la réserve spéciale de participation était fausse dès lors qu'elle correspondait au montant total de ses produits (« total revenue ») incluant ainsi à tort, selon les normes comptables françaises, non pas seulement la production vendue, mais aussi d'autres revenus qui ne devaient pas y figurer dont l'ensemble des produits d'exploitation (« Revenue from Opération (gross) ») lesquels devaient être détaillés afin d'isoler la seule part relative au chiffre d'affaires, ainsi que des produits d'autre nature (produits financiers ou produits exceptionnels par exemple) regroupés sous l'intitulé « other income », lesquels devaient être exclus du chiffre d'affaire (conclusions d'appel p 35 et suivantes) ; qu'après avoir relevé qu'il est constant qu'en norme comptable française le chiffre d'affaires correspond à la production vendue (biens et services) la cour d'appel qui retient que le CSE ne démontrait pas que la somme figurant sous le libellé « total revenue » ne correspondait pas au chiffre d'affaires de la société Wipro Limited et notamment, à ce titre, ne justifiait pas par le moindre commencement de preuve « que la ligne « other income » telle qu'elle figure aux documents comptables de la société inclurait des produits financiers ou encore des produits exceptionnels » a inversé la charge de la preuve et violé l'article 1315, devenu 1353, du code civil ; 5°) ALORS QUE le droit à la preuve qui découle du droit à un procès équitable garanti par l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales implique que chaque partie ait la possibilité de faire la preuve d'un élément de fait essentiel pour le succès de ses prétentions ; que ce droit implique celui de ne pas être débouté de ses demandes faute de produire une preuve ou une pièce exclusivement détenue par la partie adverse et qui est indispensable pour établir le bien-fondé de ses prétentions ; que le CSE avait notamment fait valoir que la somme retenue par la société à titre de « chiffre d'affaires » pour le calcul de la réserve spéciale de participation était fausse dès lors qu'elle correspondait au montant total de ses produits (« total revenue ») incluant ainsi à tort, selon les normes comptables françaises, non pas seulement la production vendue, mais aussi d'autres revenus qui ne devaient pas y figurer, dont l'ensemble des produits d'exploitation (« Revenue from Opération (gross) ») lesquels devaient être détaillés afin d'isoler la seule part relative au chiffre d'affaires, ainsi que des produits d'autre nature (produits financiers ou produits exceptionnels par exemple) regroupés sous l'intitulé « other income », lesquels devaient être exclus du chiffre d'affaire (conclusions d'appel p 35 et suivantes) ; que l'exposant faisait valoir que l'employeur avait refusé de communiquer les éléments et informations que lui seul détenait permettant ainsi de déterminer le chiffre d'affaires utile, selon les normes comptables françaises, pour calculer la réserve spéciale de participation (conclusions d'appel p 37) ; qu'après avoir pourtant relevé qu'il est constant qu'en norme comptable française le chiffre d'affaires correspond à la production vendue (biens et services), la cour d'appel qui retient que le CSE ne démontrait pas que la somme figurant sous le libellé « total revenue » ne correspondait pas au chiffre d'affaires de la société Wipro Limited et notamment, à ce titre, ne justifiait pas, par le moindre commencement de preuve, « que la ligne « other income » telle qu'elle figure aux documents comptables de la société inclurait des produits financiers ou encore des produits exceptionnels » et encore que « si le cabinet OCA fait valoir que M. [M], expert mandaté lui-même par la société, n'a pas vérifié les données sources, il n'appartient pas à la société Wipro Limited France de justifier les chiffres qui résultent de sa propre comptabilité mais au comité d'entreprise d'apporter un début de preuve de ce qu'ils sont faux, ce qu'il ne fait pas en l'espèce », a méconnu le droit à la preuve de l'exposante et violé l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble l'article 1315, devenu 1353, du code civil ; 6) ALORS, enfin, QUE les articles L. 3324-1 et D. 3324-4 du code du travail déterminent, pour la formule légale de calcul de la réserve spéciale de participation des salariés, les éléments à prendre en compte au titre des capitaux propres ; qu'en déboutant le CSE de ses demandes au motif inopérant que celui-ci ne démontrait pas « sur le plan économique » la réalité du montant des capitaux propres invoqués, la cour d'appel a violé les articles L. 3324-1 et D. 3324-4 du code du travail.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 19 octobre 2022 M. SOMMER, président Arrêt n° 1254 FS-B Pourvoi n° U 21-18.248 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 19 OCTOBRE 2022 La Régie autonome des transports parisiens, établissement public à caractère industriel et commercial, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° U 21-18.248 contre l'arrêt rendu le 6 mai 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 2), dans le litige l'opposant à M. [D] [V], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Marguerite, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la Régie autonome des transports parisiens, de Me Ridoux, avocat de M. [V], et l'avis écrit et oral de M. Gambert, avocat général, lors l'audience publique du 6 septembre 2022, après débats en l'audience publique du 4 octobre 2022 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Marguerite, conseiller référendaire rapporteur, Mme Mariette, conseiller doyen, M. Pietton, Mme Le Lay, MM. Barincou, Seguy, Mmes Grandemange, Douxami, conseillers, M. Le Corre, Mme Prieur, M. Carillon, conseillers référendaires, et Mme Piquot, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 6 mai 2021), rendu en référé, M. [V], engagé le 20 août 2007 en qualité de machiniste receveur stagiaire par la Régie autonome des transports parisiens (RATP), exerçait depuis le 23 décembre 2013 les fonctions d'agent de sécurité au sein du groupe de protection et de sécurité des réseaux (GPSR). 2. Par décision du 8 août 2018, le préfet de police de Paris a abrogé la décision d'autorisation de port d'arme précédemment accordée au salarié. 3. Le salarié a postulé à un poste de machiniste-receveur et la RATP a demandé au ministère de l'intérieur une enquête sur la compatibilité du comportement du salarié avec cette fonction, sur le fondement de l'article L. 114-2, alinéa 1, du code de la sécurité intérieure. Le 30 octobre 2018, le ministre de l'intérieur a rendu un avis d'incompatibilité. 4. Le 12 décembre 2018, le salarié a été licencié, avec dispense de préavis, au visa de cet avis. 5. Sur recours du salarié, le tribunal administratif a, par jugements du 9 mai 2019, annulé la décision d'abrogation de l'autorisation de port d'arme et l'avis d'incompatibilité. 6. Le 13 décembre 2019, le salarié a saisi la formation des référés de la juridiction prud'homale pour obtenir l'annulation du licenciement et sa réintégration. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa première branche, ci-après annexé 7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le moyen, pris en sa seconde branche Enoncé du moyen 8. L'employeur fait grief à l'arrêt d'ordonner la réintégration du salarié au sein de la RATP dans son dernier poste occupé d'agent de sécurité, ou dans un poste équivalent, dans les quinze jours de la signification de l'arrêt, d'ordonner à défaut de réintégration dans ce délai une astreinte provisoire de 500 euros par jour de retard pendant six mois, de le condamner à payer par provision au salarié les salaires qu'il n'a pas perçus entre son licenciement et sa réintégration, alors « que le droit au recours effectif devant une juridiction n'a ni pour objet, ni pour effet d'interdire à l'employeur de procéder au licenciement d'un salarié sur le fondement d'une décision administrative rendant impossible l'exercice par le salarié de ses fonctions, dans l'attente d'un éventuel recours exercé par le salarié à l'encontre de cette décision administrative et de l'obtention d'une décision de justice définitive ; que dans une telle hypothèse, si un tel licenciement peut ultérieurement être privé de cause réelle et sérieuse en cas d'annulation de la décision administrative sur laquelle il est appuyé, il ne fait aucunement obstacle à ce que le salarié fasse valoir ses droits, postérieurement au licenciement, devant les juridictions compétentes ; que le droit au recours effectif est alors préservé par la possibilité pour le salarié d'obtenir réparation du préjudice résultant de son licenciement devenu injustifié ; qu'au cas présent, il résulte des propres constatations de l'arrêt que le salarié a exercé un recours, d'une part, devant la juridiction administrative pour contester l'avis d'incompatibilité émis par le SNEAS sur le fondement de l'alinéa 1 de l'article L. 114-2 du code de la sécurité intérieure, ayant servi de base à son licenciement, qui a donné lieu au jugement du 9 mai 2019 et, d'autre part, devant la juridiction prud'homale pour contester le bien-fondé de son licenciement par la RATP ; que la cour d'appel a néanmoins ordonné la réintégration du salarié au sein de la RATP et lui a alloué une provision au titre des salaires non perçus entre son licenciement et sa réintégration, au motif que la RATP avait prononcé son licenciement au visa de l'avis d'incompatibilité émis par le SNEAS avant que le salarié n'ait pu former un recours administratif à l'encontre de cette décision administrative, dont il n'avait pu prendre connaissance qu'au moment de son licenciement, ce dont elle a déduit que ‘'l'ordonnance rendue le 10 mars 2020 par le juge départiteur qui a dit n'y avoir lieu à référé sera donc infirmée, dès lors que le juge s'est limité à affirmer que le salarié avait bénéficié du droit au recours effectif pour contester la décision administrative, alors que ce recours n'a pu intervenir que postérieurement au licenciement'‘ ; qu'en statuant ainsi, cependant que le droit au recours effectif n'implique pas que le salarié puisse contester en justice le bien-fondé de la cause de son licenciement avant que ledit licenciement ne soit prononcé par l'employeur, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constations et a de plus fort violé les articles L. 1235-1, L. 1235-2 et L. 1235-3 du code du travail, ensemble les articles L. 1221-1 du code du travail et 6, §§ 1 et 13 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. » Réponse de la Cour 9. Il résulte de l'article R. 1455-6 du code du travail que le juge des référés peut, même en l'absence de disposition l'y autorisant, ordonner la poursuite des relations contractuelles en cas de violation d'une liberté fondamentale par l'employeur. 10. Selon l'article L. 1235-3-1 du code du travail, est nul le licenciement intervenu en violation de la liberté fondamentale d'agir en justice. 11. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 114-2 du code de la sécurité intérieure, les décisions de recrutement et d'affectation concernant les emplois en lien direct avec la sécurité des personnes et des biens au sein d'une entreprise de transport public de personnes peuvent être précédées d'enquêtes administratives destinées à vérifier que le comportement des personnes intéressées n'est pas incompatible avec l'exercice des fonctions ou des missions envisagées. 12. Aux termes du deuxième alinéa de cet article, si le comportement d'une personne occupant un emploi mentionné au premier alinéa laisse apparaître des doutes sur la compatibilité avec l'exercice des missions pour lesquelles elle a été recrutée ou affectée, une enquête administrative peut être menée à la demande de l'employeur ou à l'initiative de l'autorité administrative. 13. Le septième alinéa de cet article dispose que, lorsque le résultat d'une enquête réalisée en application du deuxième alinéa fait apparaître que le comportement du salarié concerné est incompatible avec l'exercice des missions pour lesquelles il a été recruté ou affecté, l'employeur lui propose un emploi autre que ceux mentionnés au premier alinéa et correspondant à ses qualifications et, en cas d'impossibilité de procéder à un tel reclassement ou en cas de refus du salarié, l'employeur engage à son encontre une procédure de licenciement, l'incompatibilité constituant la cause réelle et sérieuse du licenciement. 14. Selon le neuvième alinéa de cet article, dans le cas d'un avis d'incompatibilité émis par l'autorité administrative à la suite d'une enquête administrative menée sur le fondement du deuxième alinéa de cet article, le salarié peut contester, devant le juge administratif, l'avis de l'autorité administrative dans un délai de quinze jours à compter de sa notification et, de même que l'autorité administrative, interjeter appel puis se pourvoir en cassation dans le même délai. Les juridictions saisies au fond statuent dans un délai de deux mois. La procédure de licenciement ne peut être engagée tant qu'il n'a pas été statué en dernier ressort sur ce litige. 15. Il en résulte, d'une part, que l'avis d'incompatibilité émis sur le fondement du premier alinéa de ce texte a pour seul effet de faire obstacle à l'affectation de la personne concernée sur le poste envisagé mais ne peut justifier un licenciement, une telle mesure n'étant autorisée que sur le fondement d'un avis d'incompatibilité délivré en application du deuxième alinéa, à l'issue du recours spécifique exercé le cas échéant par l'intéressé et, d'autre part, que la saisine de l'administration par l'employeur sur un fondement qui ne correspond pas au statut du salarié, constitutive d'un détournement de procédure privant ce dernier du recours suspensif prévu par le texte susvisé, rend le licenciement nul. 16. L'arrêt a constaté que le salarié était affecté depuis le 23 décembre 2013 à un poste d'agent de sécurité au sein du GPSR de la RATP, ce dont il résulte que ce dernier occupait, lors de la demande d'avis, un emploi en lien direct avec la sécurité des personnes et des biens au sein d'une entreprise de transport public de personnes et que l'enquête administrative le concernant relevait du deuxième alinéa de l'article L. 114-2 du code de la sécurité intérieure. 17. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1, et 1015 du code de procédure civile, l'arrêt se trouve légalement justifié en ce qu'il a retenu que le licenciement, intervenu alors que l'intéressé n'avait pas eu connaissance des résultats de l'enquête administrative et n'avait pas été en mesure d'exercer le recours suspensif prévu par ce texte, constituait un trouble manifestement illicite et a ordonné sa réintégration. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la RATP aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la RATP et la condamne à payer à M. [V] la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf octobre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la Régie autonome des transports parisiens La RATP fait grief à l'arrêt attaqué infirmatif d'AVOIR ordonné la réintégration de M. [D] [V] au sein de la RATP dans son dernier poste occupé, d'agent de sécurité, ou dans un poste équivalent, dans les quinze jours de la signification du présent arrêt, d'AVOIR ordonné à défaut de réintégration dans ce délai une astreinte provisoire de 500 € par jour de retard pendant six mois, d'AVOIR condamné la RATP à payer par provision à M. [D] [V] les salaires qu'il n'a pas perçus entre son licenciement et sa réintégration ; 1. ALORS QUE si le juge des référés peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires qui s'imposent pour faire cesser un trouble manifestement illicite, il reste tenu, pour prononcer une telle mesure, de trancher le différend au regard des règles de droit applicables ; qu'en l'absence de disposition le prévoyant et à défaut de violation d'une liberté fondamentale, le juge ne peut ni annuler un licenciement, ni prononcer la réintégration du salarié dans l'entreprise ; que lorsqu'un licenciement a été fondé sur un avis d'incompatibilité rendu par le Service national des enquêtes administratives de sécurité (SNEAS) du ministère de l'Intérieur, dans les conditions prévues par l'article L. 144-2 du code de la sécurité intérieure, l'annulation ultérieure de cet avis par la juridiction administrative prive de cause réelle et sérieuse le licenciement prononcé mais n'entraîne pas sa nullité ; qu'il en résulte que lorsque le juge des référés considère qu'un licenciement est privé de cause réelle et sérieuse et/ou a été prononcé au terme d'une procédure irrégulière, il ne peut pas ordonner la réintégration du salarié dans l'entreprise et peut seulement lui allouer une provision de nature indemnitaire, destinée à couvrir le préjudice subi; qu'au cas présent, il ressort des propres constatations de l'arrêt que M. [D] [V] a occupé le poste d'agent de sécurité au Groupe de protection et de sécurité des réseaux (GPSR) au sein du département de la sécurité (SEC) de la RATP du 1er décembre 2013 au 8 août 2018, date à laquelle la Préfecture de police a abrogé l'autorisation du port d'arme dont il bénéficiait ; que M. [V], se trouvant dans l'impossibilité d'exercer des fonctions d'agent de sécurité, a effectué le 3 septembre 2018 une demande de mobilité vers le poste de machiniste receveur (i.e. conducteur) ; que conformément aux dispositions de l'article L. 114-2 et R. 114-7 du code de la sécurité intérieure, cette candidature a fait l'objet d'une enquête de sécurité du SNEAS ayant donné lieu, le 30 octobre 2018, à un avis d'incompatibilité de M. [V] aux fonctions de machiniste-receveur ; que, pour ce motif, la RATP a licencié M. [V] avec dispense de préavis le 12 décembre 2018 ; que par jugement du 9 mai 2019, le tribunal administratif de Paris a annulé l'avis d'incompatibilité émis par le SNEAS à l'encontre de M. [V], faute pour le ministère de l'intérieur de produire les éléments factuels l'ayant conduit à prendre cette décision ; que pour ordonner la réintégration de M. [V] au sein de la RATP et lui allouer une provision au titre des salaires non perçus entre son licenciement et sa réintégration, la cour d'appel, statuant en référé, a affirmé que « la RATP, appliquant le dispositif prévu par le deuxième alinéa [de l'article L. 114-2 du code de la sécurité intérieure], a notifié au salarié son licenciement par lettre du 12 décembre 2018, suite à l'avis d'incompatibilité du 30 octobre 2018 émis par le ministre de l'Intérieur. La RATP a donc mis en oeuvre un licenciement non prévu par le [premier alinéa de l'article L. 114-2], dans un cadre où le salarié n'a pas connaissance des résultats de l'enquête administrative et n'a pas été en mesure d'exercer un recours contre l'avis d'incompatibilité émis à l'issue de cette enquête. Le licenciement prononcé dans ces conditions relève du trouble manifestement illicite qui permet à la juridiction statuant en référé d'ordonner la réintégration du salarié » ; qu'en statuant ainsi, cependant que la nullité du licenciement n'était pas encourue faute de texte le prévoyant et à défaut d'une violation d'une liberté fondamentale, la cour d'appel a violé les articles L. 1235-1, L. 1235-2 et L. 1235-3 du code du travail, ensemble l'article 12 du code de procédure civile et R. 1455-6 du code du travail ; 2. ALORS QUE le droit au recours effectif devant une juridiction n'a ni pour objet, ni pour effet d'interdire à l'employeur de procéder au licenciement d'un salarié sur le fondement d'une décision administrative rendant impossible l'exercice par le salarié de ses fonctions, dans l'attente d'un éventuel recours exercé par le salarié à l'encontre de cette décision administrative et de l'obtention d'une décision de justice définitive ; que dans une telle hypothèse, si un tel licenciement peut ultérieurement être privé de cause réelle et sérieuse en cas d'annulation de la décision administrative sur laquelle il est appuyé, il ne fait aucunement obstacle à ce que le salarié fasse valoir ses droits, postérieurement au licenciement, devant les juridictions compétentes ; que le droit au recours effectif est alors préservé par la possibilité pour le salarié d'obtenir réparation du préjudice résultant de son licenciement devenu injustifié ; qu'au cas présent, il résulte des propres constatations de l'arrêt que M. [V] a exercé un recours, d'une part, devant la juridiction administrative pour contester l'avis d'incompatibilité émis par le SNEAS sur le fondement de l'alinéa 1 de l'article L. 114-2 du code de la sécurité intérieure, ayant servi de base à son licenciement, qui a donné lieu au jugement du 9 mai 2019 et, d'autre part, devant la juridiction prud'homale pour contester le bien-fondé de son licenciement par la RATP ; que la cour d'appel a néanmoins ordonné la réintégration de M. [V] au sein de la RATP et lui a alloué une provision au titre des salaires non perçus entre son licenciement et sa réintégration, au motif que la RATP avait prononcé son licenciement au visa de l'avis d'incompatibilité émis par le SNEAS avant que M. [V] n'ait pu former un recours administratif à l'encontre de cette décision administrative, dont il n'avait pu prendre connaissance qu'au moment de son licenciement, ce dont elle a déduit que « l'ordonnance rendue le 10 mars 2020 par le juge départiteur qui a dit n'y avoir lieu à référé sera donc infirmée, dès lors que le juge s'est limité à affirmer que le salarié avait bénéficié du droit au recours effectif pour contester la décision administrative, alors que ce recours n'a pu intervenir que postérieurement au licenciement » ; qu'en statuant ainsi, cependant que le droit au recours effectif n'implique pas que le salarié puisse contester en justice le bien-fondé de la cause de son licenciement avant que ledit licenciement ne soit prononcé par l'employeur, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constations et a de plus fort violé les articles L. 1235-1, L. 1235-2 et L. 1235-3 du code du travail, ensemble les articles L. 1221-1 du code du travail et 6, § 1 et 13 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° E 21-84.613 F-B 18 MAI 2022 M. DE LAROSIÈRE DE CHAMPFEU conseiller le plus ancien faisant fonction de président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 18 MAI 2022 M. [E] [D] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, chambre 4-10, en date du 27 décembre 2018, qui, pour conduite d'un véhicule après usage de stupéfiants, en récidive, l'a condamné à l'annulation de son permis de conduire et a ordonné une mesure de confiscation. Un mémoire personnel a été produit. Sur le rapport de Mme Slove, conseiller, et les conclusions de M. Valat, avocat général, après débats en l'audience publique du 6 avril 2022 où étaient présents M. de Larosière de Champfeu, conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, Mme Slove, conseiller rapporteur, Mme Leprieur, conseiller de la chambre, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. M. [E] [D] a été poursuivi devant le tribunal correctionnel, notamment du chef de conduite d'un véhicule en ayant fait usage de cannabis. 3. Les juges du premier degré l'ont déclaré coupable de ce chef et ont prononcé l'annulation de son permis de conduire. 4. M. [D] a relevé appel de cette décision et le ministère public a formé appel incident. Examen du moyen Enoncé du moyen 5. Le moyen est pris de la violation des articles L. 235-1 et R. 235-6 du code de la route et de l'arrêté du 13 décembre 2016 régissant les modalités de dépistage des stupéfiants. 6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la demande de nullité du procès-verbal d'expertise toxicologique et de tous les actes subséquents alors que le médecin ayant réalisé le prélèvement sanguin en vue de la réalisation d'une analyse permettant de savoir si le prévenu avait consommé des produits stupéfiants avant de prendre le volant, ne précise ni le volume de sang prélevé, ni le nombre de tubes utilisé pour son prélèvement. Il soutient que l'arrêté du 13 décembre 2016 prévoit l'obligation de procéder à un prélèvement sanguin de deux fois 10 ml dans deux tubes distincts ; qu'ainsi, les analyses pouvant être erronées, il n'est pas possible d'affirmer que M. [D] était sous l'emprise de produits stupéfiants alors qu'il conduisait son véhicule, ce d'autant que la fiche d'examen de comportement n'a permis de déceler aucun comportement anormal et que le taux notifié peut ainsi être faux, le taux réel pouvant être inférieur à 1 ng/ml ou pouvant être nul. Réponse de la Cour 7. Pour écarter le moyen de nullité du rapport toxicologique, l'arrêt attaqué, par motifs propres et adoptés, énonce que la quantité de sang à prélever ne fait pas l'objet de réglementation et qu'aucune disposition n'impose au praticien requis de prélever un volume minimal de sang, la référence au volume ne concernant que la capacité des tubes mis à disposition par l'agent requérant ; qu'ainsi le volume de 10 ml de sang n'est que le maximum de sang qu'il est possible de prélever. 8. Les juges ajoutent que le volume de remplissage du tube doit être laissé à l'appréciation du praticien qui tiendra toujours compte des conditions de son intervention tout en respectant les principes médicaux de la ponction sanguine. 9. Ils concluent que le prévenu qui n'a pas fait d'observations particulières lors de la notification du résultat de taux de THC-COOH, n'invoque aucun grief précis qui résulterait de l'absence de mentions précisant le volume exact de sang prélevé. 10. En prononçant ainsi, et dès lors que l'article 8 de l'arrêté du 5 septembre 2001, qui imposait le prélèvement d'une quantité minimale de sang en vue de l'analyse destinée à établir la présence de cannabis à l'occasion de la conduite d'un véhicule, a été abrogé par l'arrêté du 13 décembre 2016, qui prévoit seulement la mise à la disposition, par l'enquêteur qui requiert le prélèvement, au praticien qui l'exécute, de deux tubes de 10 ml chacun, sans imposer le recueil d'une quantité minimale de sang, la cour d'appel a justifié sa décision. 11. Par conséquent, le moyen n'est pas fondé. 12. Par ailleurs l'arrêt est régulier en la forme. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le dix-huit mai deux mille vingt-deux.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° N 22-84.417 F- B 11 OCTOBRE 2022 M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 11 OCTOBRE 2022 M. [X] [I] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, en date du 24 mai 2022, qui, sur renvoi après cassation (Crim. 22 juin 2021, n° 21-82.364), a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction le renvoyant devant le tribunal correctionnel, sous la prévention de complicité de diffamation publique envers un fonctionnaire. Un mémoire a été produit. Sur le rapport de M. Maziau, conseiller, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. [X] [I], et les conclusions de Mme Chauvelot, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 11 octobre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Maziau, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. Le 19 avril 2019, M. [T] [Y] a porté plainte et s'est constitué partie civile du chef de diffamation publique envers un fonctionnaire contre M. [H] [E], directeur de publication du Journal de l'Ile, en tant qu'auteur, M. [L] [D], journaliste, et M. [X] [I], en qualité de complices, à raison d'un article de presse publié le 19 janvier 2019. 3. Le 20 juin 2019, le doyen des juges d'instruction a rendu une ordonnance de non-informer, invitant la partie civile à engager des poursuites par voie de citation directe. 4. M. [Y] a interjeté appel de cette ordonnance. Par arrêt du 8 octobre 2019, la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion a infirmé cette ordonnance et « fait retour de la procédure au juge d'instruction saisi ». Un juge d'instruction a été désigné le 11 février 2020. 5. Le 25 février suivant, le procureur de la République a pris un réquisitoire introductif. Le 29 septembre 2020, M. [I] a été mis en examen du chef de complicité de diffamation publique envers un fonctionnaire. 6. Le magistrat instructeur a rendu un avis de fin d'information le 2 novembre 2020. Le 5 novembre suivant, M. [I] l'a saisi d'une requête aux fins de constatation de la prescription de l'action publique. 7. Par ordonnance du 9 décembre 2020, le juge d'instruction a rejeté cette requête et ordonné le renvoi de M. [I] devant le tribunal correctionnel. 8. L'intéressé a relevé appel de cette ordonnance. Examen des moyens Sur le premier moyen Enoncé du moyen 9. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction ayant rejeté la requête de M. [I] aux fins de constatation de la prescription de l'action publique, alors « qu'à compter de l'ouverture de l'information, la partie civile tient des articles 81, alinéa 9, 82-1, 156 et 173, alinéa 3, du code de procédure pénale la faculté de demander à la juridiction d'instruction l'accomplissement de certains actes interruptifs, notamment son audition ; qu'en retenant que la partie civile ne disposait d'aucun moyen de droit pour forcer le juge d'instruction à accomplir un acte afin d'interrompre la courte prescription de l'article 65 de la loi sur la presse entre l'arrêt de la chambre de l'instruction du 8 octobre 2019 et la saisine du parquet par le juge d'instruction désigné le 11 février 2020, tout en constatant que cet arrêt infirmait l'ordonnance de refus d'informer et faisait retour de la procédure au juge d'instruction saisi, auquel la partie civile pouvait donc demander l'accomplissement de certains actes interruptifs, notamment son audition, la chambre de l'instruction a méconnu les articles 65 de la loi du 29 juillet 1881, 9-3, 81, alinéa 9, 82-1, 86, 156, 173, alinéa 3, 591 et 593 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour 10. La Cour de cassation juge (Crim., 22 novembre 2005, pourvoi n° 05-82.807, Bull. n° 304) qu'il résulte de la combinaison des articles 82-1 et 89 du code de procédure pénale que la faculté de présenter une demande d'acte au juge d'instruction n'est offerte à la partie civile qu'après l'ouverture de l'information. Celle-ci ne dispose d'aucun moyen de droit pour obliger le juge d'instruction à accomplir un acte interruptif de prescription tant que le procureur de la République n'a pas pris ses réquisitions après communication de la plainte en application de l'article 86 dudit code de sorte qu'entre temps, la prescription est nécessairement suspendue. 11. En l'espèce, pour confirmer l'ordonnance du juge d'instruction ayant rejeté sa requête aux fins de constatation de la prescription de l'action publique, l'arrêt attaqué énonce que celle-ci ne saurait être constatée, puisqu'un obstacle de droit a interdit à la partie civile d'agir dès lors que, pour la période visée, de la décision de la chambre de l'instruction jusqu'à la saisine du ministère public par le juge d'instruction, la partie civile ne disposait d'aucun moyen de droit pour forcer le magistrat instructeur à accomplir un acte afin d'interrompre la courte prescription de l'article 65 de la loi sur la presse. 12. Les juges rappellent que si une jurisprudence constante de la Cour de cassation considère qu'il appartient à la partie civile de surveiller le déroulement de la procédure et d'accomplir les diligences utiles, c'est à la condition qu'elle puisse juridiquement le faire et qu'elle ne rencontre pas d'obstacle dirimant, ce qui est le cas avant l'ouverture d'une information judiciaire. 13. En se déterminant ainsi et dès lors que faute d'ouverture d'une information judiciaire, la partie civile ne disposait d'aucune voie de droit pour saisir d'une demande d'acte le doyen des juges d'instruction, la chambre de l'instruction a justifié sa décision. 14. Dès lors, le moyen doit être écarté. Mais sur le second moyen Enoncé du moyen 15. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la demande relative à une éventuelle nullité de la plainte, alors « que la chambre de l'instruction qui, comme en l'espèce, statue sur le règlement d'une procédure sur renvoi après cassation est compétente pour se prononcer sur le moyen tiré de la nullité de la plainte avec constitution de partie civile ne répondant pas aux exigences de l'article 50 de la loi du 29 juillet 1881 ; qu'en retenant, pour rejeter le moyen tiré de la nullité de la plainte avec constitution de partie civile pour méconnaissance des exigences de l'article 50 de la loi du 29 juillet 1881, que « saisie d'un appel après cassation », il ne lui appartenait pas d'examiner la question d'une éventuelle nullité de la plainte, la chambre de l'instruction a méconnu les articles 50 de la loi du 29 juillet 1881, 206 et 609-1 du code de procédure pénale, ensemble les articles 591 et 593 du même code. » Réponse de la Cour Vu les articles 206 et 609-1 du code de procédure pénale et 50 de la loi du 29 juillet 1881 : 16. Il se déduit des deux premiers de ces textes qu'il appartient à la chambre de l'instruction, statuant comme juridiction de renvoi après cassation d'un arrêt statuant sur le règlement d'une procédure, d'examiner la régularité des procédures qui lui sont soumises et, si elle découvre une cause de nullité, de prononcer la nullité de l'acte qui en est entaché et, s'il convient, celle de tout ou partie de la procédure ultérieure. 17. Il résulte du dernier de ces textes que la nullité découlant de son inobservation qui est absolue et d'ordre public, peut être invoquée d'office à tout moment de la procédure. 18. Pour rejeter la demande de M. [I] de constater la nullité de la plainte, l'arrêt attaqué énonce qu'il n'appartient pas à la chambre de l'instruction, saisie d'un appel après cassation, d'examiner la question d'une éventuelle nullité de la plainte déposée par M. [Y], question qui est de la compétence de la juridiction de fond. 19. En se déterminant ainsi, alors que la régularité de la plainte est une condition nécessaire de la validité du renvoi de la personne mise en examen devant le tribunal correctionnel, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés. 20. La cassation est par conséquent encourue. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, en date du 24 mai 2022, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ; RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le onze octobre deux mille vingt-deux.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° J 21-86.043 F-B 5 OCTOBRE 2022 IRRECEVABILITE M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 5 OCTOBRE 2022 MM. [R] [N], [U] [A] [H] et [P] [T], pris en leur qualité de syndic de faillite de la succession de [G] [Y], ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, chambre 5-1, en date du 19 mai 2021, qui a prononcé sur leur requête en incident contentieux d'exécution et en restitution. Les pourvois sont joints en raison de la connexité. Des mémoires, en demande et en défense, ainsi que des observations complémentaires ont été produits. Sur le rapport de Mme Planchon, conseiller, les observations de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de MM. [R] [N], [U] [K] et [P] [T], pris en leur qualité de syndic de faillite de la succession de [G] [Y], les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la [6], et les conclusions de M. Petitprez, avocat général, après débats en l'audience publique du 7 septembre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Planchon, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et Mme Boudalia, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. Le 1er mars 2002, une information judiciaire a été ouverte contre M. [V] [E], la [6] ([6]) et [G] [Y] des chefs, notamment, d'abus de confiance, d'abus de biens sociaux, de blanchiment, en raison de soupçons de blanchiment à l'occasion de l'acquisition, notamment, du château de la Garoupe via la société [6] en 1996 et 1997, qui aurait été financée grâce à des fonds provenant d'abus de confiance et d'abus de biens sociaux commis au préjudice des sociétés [5], de droit suisse, et [4], immatriculée à Gibraltar, dont le bénéficiaire économique était M. [O] [W]. 3. La société [6], créée en novembre 1996 à cette fin, dont le gérant était M. [E], a pour objet l'activité de marchand de biens et a acquis le château de la Garoupe au prix de 55 000 000 de francs, soit 8 380 000 euros. Elle est détenue depuis 2007 par le trust [1], constitué par [G] [Y]. 4. Le décès de ce dernier survenu le 23 mars 2013 ayant éteint l'action publique à son égard, la société [6] et M. [E] ont été renvoyés devant le tribunal correctionnel des chefs d'abus de biens sociaux et de blanchiment aggravé pour avoir de manière habituelle et en utilisant les facilités que leur procurait l'exercice de leur activité d'agent immobilier, via les sociétés de droit suisse [3] et [2], apporté leur concours à une opération de placement, de dissimulation ou de conversion du produit direct ou indirect des délits d'abus de confiance et de recels d'abus de confiance commis au préjudice des sociétés [5] et [4]. 5. Le tribunal correctionnel a déclaré, notamment, la société [6] coupable de blanchiment aggravé, l'a condamnée à une amende de 2 000 000 d'euros et a ordonné à son encontre la confiscation du château de la Garoupe dont elle était propriétaire par jugement du 9 mars 2015 qui a été confirmé par l'arrêt de la cour d'appel du 8 décembre 2015 à l'encontre duquel les deux prévenus ont formé un pourvoi qui a été rejeté par arrêt du 25 octobre 2017. 6. Parallèlement, par décisions des 10 avril et 22 octobre 2014, MM. [R] [N] et [U] [K] ont été successivement nommés en qualité d'administrateurs généraux de la succession de [G] [Y], puis le 26 janvier 2015, une juridiction britannique ayant fait droit à leur demande tendant à ce que la succession soit administrée sous la forme d'une procédure de faillite en raison de son insolvabilité, les créanciers les ont nommés, ainsi que M. [P] [T], en qualité de syndics de faillite, ce qui a eu comme conséquence, d'une part, de leur donner la qualité de représentants des créanciers, d'autre part, au regard du droit anglais, de les rendre propriétaires de tous les biens compris dans le patrimoine du défunt. 7. Par requête en date du 6 mars 2020, les trois demandeurs ont sollicité, sur le fondement de l'article 710 du code de procédure pénale, la restitution du château de la Garoupe en faisant valoir que [G] [Y], qui en avait la libre disposition, en était le véritable propriétaire. Examen de la recevabilité des pourvois 8. L'article 131-21 du code pénal prévoit que la confiscation de l'instrument de l'infraction, visée au deuxième alinéa, et les confiscations visées aux cinquième et sixième alinéas de ce texte, peuvent porter sur les biens dont le condamné est propriétaire ou, sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi, dont il a la libre disposition. 9. Il résulte de ces dispositions que le législateur, en introduisant la notion de libre disposition dans l'arsenal de la confiscation aux fins d'élargir le champ de cette sanction n'a pas entendu la substituer au droit de propriété mais organiser sa cohabitation avec ce dernier. 10. Selon la jurisprudence de la Cour de cassation, caractérise la libre disposition d'un bien le fait, pour une personne, de posséder la totalité ou une majorité des parts de la société qui en est propriétaire (Crim., 23 mai 2013, pourvoi n° 12-87.473, Bull. crim. 2013, n° 113 ; Crim., 29 janvier 2014, pourvoi n° 13-80.062, Bull. crim. 2014, n° 32), d'interposer une société immobilière, dont elle assure la gestion de fait, entre son patrimoine et elle, en recourant à des prête-noms de l'entourage familial pour exercer les fonctions ou les rôles de dirigeant de droit, d'administrateurs et d'associés (Crim., 8 novembre 2017, pourvoi n° 17-82.632, Bull. crim. 2017, n° 250 ; Crim., 23 octobre 2019, pourvoi n° 18-87.097, publié au Bulletin), de bénéficier de la signature bancaire du compte d'une société et d'en user librement (Crim., 3 avril 2019, pourvoi n° 18-83.052) ou encore le fait, sans être titulaire de parts au sein de la société propriétaire du bien immobilier, de faire de ce dernier sa résidence principale sans payer aucun loyer et gérer ladite société constituée pour les besoins de la cause entre ses deux filles (Crim., 19 novembre 2014, pourvoi n° 13-88.331). 11. S'il résulte de ces décisions que celui qui bénéficie de la libre disposition d'un bien peut en être considéré comme le propriétaire économique, ce statut n'est pas, pour la Cour de cassation, de nature à remettre en cause le titre de propriété régulier auquel s'attachent des droits et des obligations définis, dont dispose le propriétaire juridique ou légal du bien, qualifié de propriétaire de bonne foi par l'article 131-21 du code pénal, tel que cela ressort de sa jurisprudence qui interdit à l'un d'invoquer les moyens de l'autre (Crim., 15 janvier 2014, pourvoi n° 13-81.874, Bull. crim. 2014, n° 12). 12. C'est au regard de cette dichotomie que la Cour de cassation a, notamment au visa de l'article 6, § 2, de la directive 2014/42/UE du Parlement européen et du Conseil du 3 avril 2014, étendu la protection des droits du propriétaire de bonne foi au propriétaire des biens constituant l'objet ou le produit de l'infraction et énoncé que le jugement qui rejette une demande de restitution est susceptible d'appel de la part de la personne qui a formulé cette demande, sans que puisse lui être opposée l'autorité de la chose jugée de la décision ordonnant la confiscation (Crim., 7 novembre 2018, pourvoi n° 17-87.424, Bull. crim. 2018, n° 188). 13. La Cour de cassation a également permis au propriétaire de bonne foi, non condamné pénalement, d'agir sur le fondement de l'article 710 du code de procédure pénale aux fins de soulever tout incident contentieux relatif à l'exécution d'une décision pénale, même définitive, ordonnant une mesure de confiscation, y compris lorsque le bien confisqué constitue le produit direct ou indirect de l'infraction (Crim., 4 novembre 2021, pourvoi n° 21-80.487). 14. Ces solutions limitant au propriétaire de bonne foi la possibilité de remettre en cause une confiscation devenue définitive garantissent la sécurité juridique dans la gestion des biens confisqués et l'effectivité non seulement des décisions de justice prononçant une confiscation mais également des instruments européens favorisant le gel et la confiscation des produits du crime. 15. Il résulte de l'ensemble de ces éléments qu'est seul recevable à agir en application de l'article 710 du code de procédure pénale en incident d'exécution d'une décision de confiscation définitive, le propriétaire juridique ou légal du bien concerné, non condamné pénalement, qui conserve entier son droit de propriété sur celui-ci, nonobstant la libre disposition dont peut bénéficier une tierce personne. 16. En l'espèce, la confiscation du château de la Garoupe a été définitivement ordonnée à l'encontre de la société [6], propriétaire de ce bien, après qu'elle a été déclarée coupable du délit de blanchiment aggravé. 17. En conséquence, l'action des demandeurs n'étant pas recevable, leurs pourvois doivent être déclarés irrecevables. PAR CES MOTIFS, la Cour : DÉCLARE les pourvois IRRECEVABLES. FIXE à 1 500 euros la somme globale que MM. [M], [H] et [S] devront payer à la société [6] en application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le cinq octobre deux mille vingt-deux. Sur la caractérisation de la libre disposition d'un bien, à rapprocher : Crim., 8 novembre 2017, pourvoi n° 17-82.632, Bull. crim. 2017, n° 250, et l'arrêt citéCrim., 23 octobre 2019, pourvoi n° 18-87.097, publié au Bulletin Sur les droits du propriétaire de bonne foi d'un bien confisqué, à rapprocher :Crim., 15 janvier 2014, pourvoi n° 13-81.874, Bull. crim. 2014, n° 12Crim., 7 novembre 2018, pourvoi n° 17-87.424, Bull. crim. 2018, n° 188Crim., 4 novembre 2021, pourvoi n° 21-80.487
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° K 21-84.273 F-B 5 OCTOBRE 2022 M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 5 OCTOBRE 2022 M. [N] [U] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Riom, chambre correctionnelle, en date du 23 juin 2021, qui a prononcé sur sa requête en constatation de la prescription d'une peine. Un mémoire a été produit. Sur le rapport de M. Turcey, conseiller, les observations de la SCP Gadiou et Chevallier, avocat de M. [N] [U], et les conclusions de M. Petitprez, avocat général, après débats en l'audience publique du 7 septembre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Turcey, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et Mme Boudalia, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. Par arrêt définitif du 2 décembre 1998, la cour d'appel de Riom a condamné M. [N] [U], pour abus de confiance aggravés, escroqueries et faux en écriture privée, à quatre ans d'emprisonnement, 1 000 000 de francs d'amende, et cinq ans d'interdiction des droits civiques. 3. Le 30 mars 2021, il a saisi cette juridiction d'une requête en constatation de la prescription de la peine d'amende prononcée à son encontre. Examen du moyen Enoncé du moyen 4. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la requête en constatation de l'acquisition de la prescription de la peine d'amende d'un montant de 1 million de francs à laquelle M. [N] [U] avait été condamné par arrêt définitif de la cour d'appel de Riom du 2 décembre 1998, alors : « 1°/ que l'article 133-3 du code pénal, dans ses dispositions en vigueur du 1er mars 1994 au 31 mars 2017 applicables au litige, dispose : « Les peines prononcées pour un délit se prescrivent par cinq années révolues à compter de la date à laquelle la décision de condamnation est devenue définitive » ; que l'article 707 du code de procédure pénale, dans ses dispositions en vigueur du 2 mars 1959 au 1 janvier 2005 applicables au litige, précise : « Le ministère public et les parties poursuivent l'exécution de la sentence chacun en ce qui le concerne. Néanmoins, les poursuites pour le recouvrement des amendes et confiscations sont faites au nom du procureur de la République, par le percepteur » ; que ce sont ces seules dispositions qui sont applicables en l'état d'une condamnation à une peine d'amende prononcée par arrêt irrévocable de la cour d'appel de Riom du 2 décembre 1998 et que la prescription de trois ans de la peine ainsi prononcée, sauf cause interruptive de prescription, était acquise le lendemain du 8 décembre 2001 (compte tenu du délai de pourvoi en cassation à compter du prononcé), seules les causes d'interruption de droit commun de la prescription de l'époque s'appliquant et que, pour le trésorier à l'époque, la prescription ne pouvait être interrompue que par un commandement notifié au condamné ou une saisie signifiée à celui-ci mais non par l'acceptation d'un échéancier et un paiement mensuel d'une fraction de la dette ; que la cour d'appel de Riom a pourtant considéré que la prescription de la peine avait été interrompue par le paiement mensuel issu de l'échéancier qu'avait bien voulu consentir à l'époque le trésorier ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles 133-3 du code pénal, dans ses dispositions en vigueur du 1er mars 1994 au 31 mars 2017 applicables au litige, et l'article 707 du code de procédure pénale, dans ses dispositions en vigueur du 2 mars 1959 au 01 janvier 2005 applicables au litige ; 2°/ que la cour d'appel, en faisant application de l'article 707-1 alinéa 5 du code de procédure pénale actuel ou même antérieur bien que ces dispositions procédurales ne pouvaient s'appliquer à une prescription acquise le 9 décembre 2001 soit avant la création de ce texte et que l'ancien article 701 ne contenait pas de dispositions comparables à l'actuel alinéa 5, a violé ledit article 707-1 alinéa 5, par fausse application. » Réponse de la Cour 5. Pour rejeter la requête de M. [U] tendant à la constatation de la prescription de la peine d'amende prononcée à son encontre le 2 décembre 1998 par la chambre des appels correctionnels, l'arrêt attaqué relève que d'après la réponse de la direction générale des finances publiques en date du 4 février 2021, versée aux débats par l'avocat du requérant, le trésorier de [Localité 1] a accepté la mise en place d'un échéancier de paiement le 2 août 1999 et que l'intéressé a payé la somme mensuelle de 457,35 euros jusqu'en mars 2000 puis de 152,44 euros à partir du mois d'avril 2000 jusqu'au 14 janvier 2021, de sorte qu'en application de l'article 707-1, alinéa 5, du code de procédure pénale, la prescription de la peine était interrompue par le paiement mensuel issu de l'échéancier qu'a bien voulu consentir la direction des finances publiques à la demande du condamné, et que la mise en recouvrement a bien été accomplie dans les délais de la prescription, laquelle s'est trouvée interrompue mensuellement à la suite du paiement partiel de l'amende, l'échéancier dont avait bénéficié le prévenu n'étant qu'une modalité de paiement de la somme due. 6. C'est à tort que les juges ont énoncé qu'en application de l'article 707-1, alinéa 5, du code de procédure pénale, la prescription de la peine avait été interrompue par le paiement mensuel issu de l'échéancier accordé par la direction des finances publiques à la demande du condamné, alors que les dispositions de ce texte, entré en vigueur le 29 mars 2012, ne pouvaient être retenues pour écarter l'argumentation du requérant qui soutenait que la prescription était acquise avant cette date. 7. Cependant, l'arrêt n'encourt pas la censure, dès lors que l'acceptation par le Trésor public d'un échéancier de paiement le 2 août 1999, puis chacun des paiements mensuels effectués par le condamné jusqu'au 14 janvier 2021, constituaient des actes d'exécution de la peine d'amende prononcée contre M. [U], qui ont interrompu la prescription de celle-ci. 8. Ainsi, le moyen doit être écarté. 9. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le cinq octobre deux mille vingt-deux. A rapprocher :2e Civ., 16 novembre 2006, pourvoi n° 05-18.287, Bull. 2006, II, n° 322 (cassation partielle)Crim., 26 juin 2013, pourvoi n° 12-88.265, Bull. crim. 2013, n° 170 (rejet), et l'arrêt cité Sur l'interruption de la prescription d'une dette fiscale par la reconnaissance de la dette, Cf. :Conseil d'Etat, 30 juin 2000, n° 177930, publié au recueil Lebon
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° M 21-86.965 F-B 18 OCTOBRE 2022 CASSATION PARTIELLE M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 18 OCTOBRE 2022 M. [H] [W] et la société [1] ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel de Dijon, chambre correctionnelle, en date du 10 novembre 2021, qui, pour infraction au code de l'environnement, a condamné le premier à 15 000 euros d'amende dont 5 000 euros avec sursis, la seconde à 650 000 euros d'amende, a ordonné le remise en état des lieux sous astreinte et une mesure de publication, et a prononcé sur les intérêts civils. Les pourvois sont joints en raison de la connexité. Un mémoire, commun aux demandeurs, a été produit. Sur le rapport de M. Samuel, conseiller, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [H] [W] et de la société [1], et les conclusions de M. Lagauche, avocat général, après débats en l'audience publique du 20 septembre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Samuel, conseiller rapporteur, Mme Ingall-Montagnier, conseiller de la chambre, et Mme Sommier, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. La société [1], qui a pour objet social la construction, l'exploitation et la gestion de réseaux de transport de gaz, a construit un gazoduc d'une longueur de plus de 300 kilomètres, mis en service le 1er novembre 2016. De nombreux travaux se sont poursuivis postérieurement jusqu'au cours du mois de novembre 2018, pour la réparation de divers défauts. 3. La réalisation de l'ouvrage a rendu nécessaire le défrichement de zones boisées et la création d'une piste de travail d'une largeur de 30 à 40 mètres selon les secteurs, afin de permettre le passage des engins de travaux publics et la pose de la conduite de gaz. Une bande dite hors sylvandi de 10 mètres de large est restée déboisée afin de permettre l'accès au gazoduc en cas de nécessité. 4. Le projet a fait l'objet des autorisations administratives nécessaires, en particulier deux arrêtés des préfets de l'Aube et de la Haute-Marne, respectivement en date des 21 mai et 12 juin 2014, qui ont dérogé à l'article L. 411-1 du code de l'environnement et autorisé, sur le fondement de l'article L. 411-2 du même code, jusqu'au 31 décembre 2017, la destruction, l'altération ou la dégradation d'aires de repos ou sites de reproduction d'espèces animales protégées sous réserve de la mise en oeuvre de mesures définies dans le dossier prévu à cet effet. 5. Un procès-verbal de l'[2] ([2]) du 27 novembre 2019, a relevé que, plus de deux ans après le délai imparti par les arrêtés préfectoraux, les zones déboisées n'avaient pas été remises en état sur une superficie de 40,6 hectares. Un contrôle réalisé notamment le 11 mars 2020 a confirmé ces constatations. 6. La société [1] et M. [H] [W], qu'elle emploie comme directeur de projet, ont été cités devant le tribunal correctionnel pour avoir, dans diverses communes énumérées dans la prévention, entre le 1er janvier 2018 et le 11 mars 2020, porté atteinte à la conservation d'habitats naturels, en l'espèce en détruisant 40,6 hectares d'arbres hors bande non sylvandi et en ne les reboisant pas à l'issue des travaux, en violation des prescriptions prévues par les arrêtés préfectoraux de dérogation. 7. Les juges du premier degré les ont déclarés coupables et ont prononcé sur les intérêts civils. 8. Les prévenus et le ministère public ont relevé appel de cette décision. Examen des moyens Sur le premier moyen, le deuxième moyen, pris en ses deuxième, troisième, quatrième et sixième branches, et le troisième moyen, pris en sa seconde branche 9. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Sur le deuxième moyen, pris en ses première et cinquième branches Enoncé du moyen 10. Le moyen critique l'arrêt confirmatif attaqué en ce qu'il a déclaré la société [1] et M. [W] coupables d'avoir, entre le 1er janvier 2018 et le 11 mars 2020, porté atteinte à la conservation d'habitats naturels d'espèces animales protégées au titre de l'article L. 411 1 du code de l'environnement, en l'espèce en détruisant 40,6 hectares d'arbres hors bande non sylvandi et en ne les reboisant pas à l'issue des travaux, alors : « 1°/ que la loi pénale est d'interprétation stricte et que le délit d'atteinte à la conservation d'habitats naturels est une inf raction de commission ; qu'en se fondant , pour déclarer les prévenus coupables de ce chef, sur le fait que « les travaux de remise en état dans le cadre des mesures de réduction concernant les reboisements hors bande non sylvandi n'avaient pas été mis en place » et sur la seule « absence de début d'exécution des obligations de la société [1] notamment depuis la fin des travaux du gazoduc », sans caractériser un acte positif de commission d'une atteinte à la conservation d'un habitat naturel, la cour d'appel a violé les articles 7 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 111-4 du code pénal et L. 415-3 du code de l'environnement ; 5°/ qu'il n'y a point de crime ou de délit sans intention de le commettre ; qu'en se fondant , pour déclarer les prévenus coupables du délit d'atteinte à la conservation d'habitats naturels, sur la seule « constat[ation] que les travaux de remise en état dans le cadre des mesures de réduction concernant les reboisements hors bande non sylvandi n'avaient pas été mis en place » et sur la « négligence » des prévenus, sans caractériser l'intention de commettre le délit poursuivi, la cour d'appel a violé les articles 7 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 111-4, 121-3 du code pénal et L. 415 3 du code de l'environnement. » Réponse de la Cour 11. Pour confirmer le jugement ayant déclaré les prévenus coupables, l'arrêt attaqué énonce que l'article L. 411-1, 3°, du code de l'environnement pose le principe d'une protection stricte des habitats naturels et des habitats naturels des espèces protégées en interdisant leur destruction, leur altération ou leur dégradation, mais que l'article L. 411-2 du même code prévoit la possibilité de dérogations afin de permettre la construction de projets nécessaires à l'activé humaine pour des raisons d'intérêt public majeur qu'il définit. 12. Les juges rappellent que la société prévenue a notamment obtenu des dérogations préfectorales aux interdictions, d'une part, d'enlèvement et destruction de spécimens d'espèces animales protégées, d'autre part, d'altération ou dégradation de sites de reproduction ou d'aires de repos d'espèces animales protégées, d'enlèvement et de réimplantation de spécimens d'espèces végétales protégées. 13. Ils ajoutent que cette société s'était, à ce titre, expressément engagée, pour les petits mammifères, à replanter des haies arborées, arbustives et buissonnantes et, pour les oiseaux, à créer un stock de nouveaux arbres favorables à un habitat d'accueil. 14. Ils relèvent que le terme employé dans le dossier établi pour obtenir les dérogations est celui de « plantation » et non celui de « régénération naturelle des végétaux ». Ils retiennent que les possibles échanges avec l'administration sur une régénération naturelle ne peuvent justifier l'absence de début d'exécution des obligations mises à la charge de la société, notamment depuis la fin des travaux, et qu'il résulte des contrôles réalisés entre juin 2018 et le 20 mars 2020 par les agents de l'OFB que les travaux de remise en état concernant les reboisements hors bande non sylvandi n'ont pas été réalisés. 15. En se déterminant ainsi, la cour d'appel n'a méconnu aucun des textes invoqués au moyen. 16. D'une part, le délit, prévu par le 1° de l'article L. 415-3 du code de l'environnement, d'atteinte à la conservation des habitats naturels ou espèces animales non domestiques, en violation des prescriptions prévues par les règlements ou décisions individuelles pris en application de l'article L. 411-2 du même code, peut être consommé par la simple abstention de satisfaire aux dites prescriptions. 17. D'autre part, une faute d'imprudence ou négligence suffit à caractériser l'élément moral du délit. 18. Dès lors, le moyen doit être écarté. Mais sur le troisième moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 19. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné la société [1] à payer une amende délictuelle de 650 000 euros et a condamné M. [W] au paiement d'une amende de 15 000 euros et dit qu'il serait sursis partiellement pour un montant de 5 000 euros à l'exécution de cette peine, alors : « 1°/ que l'amende doit être motivée en tenant compte de la gravité des faits, de la personnalité de leur auteur et de sa situation personnelle, dont ses ressources et charges ; qu'en se bornant, pour condamner la société [1] à payer une amende délictuelle de 650 000 euros, à énoncer que le « retard pris dans la réalisation des mesures de réduction [...] a[vait] eu et [...] a[vait] toujours à ce jour des conséquences graves pour les espèces protégées identifiées » et que « le préjudice écologique [était] en conséquence important », sans s'expliquer ni sur les ressources et les charges de la société prévenue, ni sur sa situation personnelle, qu'elle devait pourtant prendre en considération au regard de la gravité des faits pour fonder sa décision, la cour d'appel ne l'a pas légalement justifiée au regard des articles 132-1, 132-20 du code pénal et 485-1 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour Vu l'article 485-1 du code de procédure pénale : 20. Selon cet article, en matière correctionnelle, le choix de la peine doit être motivé au regard des dispositions des articles 132-1 et 132-20 du code pénal, sauf s'il s'agit d'une peine obligatoire ou de la confiscation du produit ou de l'objet de l'infraction. Il en résulte que l'amende doit être motivée en tenant compte de la gravité des faits, de la personnalité de leur auteur et de sa situation personnelle, dont ses ressources et charges, en se référant aux éléments qui résultent du dossier et à ceux que le juge a sollicités et recueillis lors des débats. 21. Pour porter l'amende infligée par les premiers juges à la société [1] de 500 000 euros à 650 000 euros, l'arrêt attaqué énonce, d'une part, que cette société a un casier judiciaire vierge, qu'elle assumait une mission de service public et ne pouvait se comporter avec une telle négligence vis-à-vis de questions environnementales locales et d'un enjeu majeur au regard du contexte sociétal et écologique actuels, d'autre part, que le préjudice sera apprécié en tenant compte de déboisements portant sur 40,6 hectares et du retard inacceptable pris pour les travaux de reboisement mettant d'ores et déjà en péril certaines espèces. 22. En se déterminant ainsi, sans s'expliquer sur le montant des ressources et des charges de la prévenue, qui était représentée à l'audience, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision. 23. La cassation est par conséquent encourue de ce chef. Et sur le quatrième moyen Enoncé du moyen 24. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a ordonné à l'encontre de la société [1] prise en la personne de son représentant légal la remise en état des lieux auxquels il a été porté atteinte et ce avant le 1er février 2022 et sous astreinte journalière de 3 000 euros à compter du 1er février 2022, alors : « 1°/ que le délai imparti par le juge pour effectuer des travaux de remise en état ne court qu'à compter du jour où la décision, devenue définitive, est exécutoire ; qu'en ordonnant à la société [1] de remettre les lieux en état « avant le 1er février 2022 », sous astreinte à compter de cette date, quand le délai d'exécution de la remise en état ne pouvait courir avant que la condamnation soit devenue définitive, la cour d'appel, qui a méconnu l'effet suspensif du pourvoi en cassation, a violé les articles L. 173-5 du code de l'environnement, 569 et 708 du code de procédure pénale ; 2°/ que l'injonction de remise en état peut être assortie d'une astreinte journalière pour une durée d'un an au plus ; qu'en s'abstenant de limiter à une année la durée pendant laquelle l'astreinte pouvait courir, et en prononçant ainsi une astreinte perpétuelle, la cour d'appel, qui a excédé ses pouvoirs, a violé l'article L. 173-5 du code de l'environnement. » Réponse de la Cour Vu l'article L. 173-5 du code de l'environnement, dans sa rédaction en vigueur à la date des faits : 25. Il résulte de ce texte que, lorsqu'elle ordonne des mesures destinées à remettre en état les lieux auxquels il a été porté atteinte par les faits incriminés ou à réparer les dommages causés à l'environnement, la juridiction correctionnelle doit impartir à l'auteur de l'infraction un délai pour y procéder, et peut assortir sa décision d'une astreinte dont elle fixe le montant et la durée dans les limites déterminées par la loi. 26. L'arrêt attaqué a ordonné à l'encontre de la société [1] la remise en état des lieux auxquels il a été porté atteinte avant le 1er février 2022, sous astreinte journalière de 3 000 euros à compter de cette date. 27. En prononçant ainsi, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus énoncé. 28. D'une part, le délai d'exécution de la remise en état ne peut courir avant que la condamnation soit devenue définitive. 29. D'autre part, la cour d'appel a omis de fixer la durée de l'astreinte dans la limite d'un an au plus. 30. La cassation est par conséquent de nouveau encourue de ce chef. Portée et conséquences de la cassation 31. La cassation sera limitée à la peine d'amende prononcée contre la société [1] et à la mesure de remise en état ordonnée à son encontre. Les autres dispositions seront maintenues. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Dijon, en date du 10 novembre 2021, mais en ses seules dispositions relatives à la peine d'amende prononcée contre la société [1] et à la mesure de remise en état ordonnée à son encontre, toutes autres dispositions étant expressément maintenues, Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée, RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Besançon, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Dijon et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le dix-huit octobre deux mille vingt-deux.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° P 22-81.934 F-B 18 OCTOBRE 2022 CAS. PART. PAR VOIE DE RETRANCH. SANS RENVOI M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 18 OCTOBRE 2022 Le procureur général près la cour d'appel de Douai a formé un pourvoi contre l'arrêt de ladite cour d'appel, 6e chambre, en date du 1er mars 2022, qui, pour violences en récidive et conduite sans permis, a condamné M. [E] [Y] à deux ans d'emprisonnement, cinq ans d'interdiction de détenir ou porter une arme et a ordonné la révocation d'un sursis. Un mémoire a été produit. Sur le rapport de M. Charmoillaux, conseiller référendaire, et les conclusions de M. Lagauche, avocat général, après débats en l'audience publique du 20 septembre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Charmoillaux, conseiller rapporteur, Mme Ingall-Montagnier, conseiller de la chambre, et Mme Sommier, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. M. [E] [Y] a été poursuivi selon la procédure de comparution immédiate pour des faits de violences en récidive et conduite sans permis. 3. Devant le tribunal correctionnel, le prévenu a soulevé une exception de nullité tirée de l'irrégularité que constituerait la retranscription de déclarations faites hors la présence de son avocat dans le procès-verbal dressé par le procureur de la République en application de l'article 393 du code de procédure pénale. 4. Le tribunal a rejeté l'exception de nullité, déclaré le prévenu coupable et prononcé diverses peines. 5. M. [Y] et le ministère public ont relevé appel de cette décision. Examen du moyen Enoncé du moyen 6. Le moyen est pris de la violation des articles 393 et 591 du code de procédure pénale. 7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a partiellement fait droit à l'exception de nullité présentée par le prévenu et annulé deux lignes du procès verbal de comparution devant le procureur de la République, au motif qu'il se déduit de l'article 393 du code de procédure pénale et de la décision n° 2011-125 QPC du 6 mai 2011 du Conseil constitutionnel portant sur ce texte que ce magistrat ne saurait consigner les déclarations de la personne hors la présence de son avocat sans méconnaître les droits de la défense, alors que ladite décision portait sur une rédaction ancienne du texte et que sa rédaction actuelle, issue de la loi n° 2014-535 du 27 mai 2014, en prévoyant le droit à l'assistance d'un avocat et la notification à la personne de son droit de garder le silence, garantit suffisamment les droits de celle-ci pour permettre le recueil de ses déclarations hors la présence de son avocat. Réponse de la Cour Vu l'article 393 du code de procédure pénale : 8. Il résulte de ce texte, dans sa version issue de la loi n° 2014-535 du 27 mai 2014, que le procureur de la République qui ordonne le défèrement devant lui d'une personne qu'il envisage de poursuivre en application des articles 394, 395 et 397-1-1 du même code peut, après avoir avisé l'intéressée de son droit de garder le silence et de son droit d'être assistée d'un avocat, recueillir ses observations ou procéder à son interrogatoire. 9. Pour prononcer l'annulation partielle du procès-verbal de comparution devant le procureur de la République, l'arrêt attaqué énonce que les dispositions de l'article 393 du code de procédure pénale doivent être interprétées à la lumière des principes dégagés par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2011-125 QPC du 6 mai 2011, et que le procureur de la République ne peut dès lors, sauf à méconnaître les droits de la défense, ni interroger la personne ni consigner ses déclarations hors la présence de son avocat. 10. Les juges relèvent qu'en l'espèce, le procès-verbal mentionne que M. [Y], avisé de son droit à l'assistance d'un avocat, a désigné un conseil qui a fait savoir qu'il ne serait pas présent avant l'audience devant le tribunal correctionnel puis, qu'après avoir été informé de son droit de garder le silence, l'intéressé a fait des déclarations qui ont été retranscrites. 11. Ils en déduisent que cette retranscription a causé une atteinte aux droits de la défense faisant nécessairement grief à l'intéressé. 12. En se déterminant ainsi, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé et les principes ci-dessus rappelés, pour les motifs qui suivent. 13. En premier lieu, les motifs et la réserve d'interprétation énoncés par la décision précitée du Conseil constitutionnel, relatifs à une version ancienne du texte qui ne prévoyait ni droit à l'assistance par un avocat, ni notification du droit au silence, ni possibilité pour le procureur de la République de procéder à l'interrogatoire de la personne, ne sauraient s'imposer à l'interprétation des dispositions en vigueur. 14. En second lieu, aucune disposition législative ou conventionnelle n'interdit au procureur de la République, après avoir informé la personne de ses droits, d'interroger celle-ci et de retranscrire ses déclarations si elle souhaite en faire, l'absence éventuelle de l'avocat régulièrement avisé ayant pour seule conséquence l'impossibilité de fonder une condamnation sur les seules déclarations ainsi recueillies, en application de l'article préliminaire du code de procédure pénale. 15. La cassation est par conséquent encourue de ce chef. Portée et conséquences de la cassation 16. La cassation à intervenir ne concerne que les dispositions relatives à l'annulation partielle du procès-verbal de comparution devant le procureur de la République. Les autres dispositions seront donc maintenues. 17. La cassation aura lieu sans renvoi, la Cour de cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle de droit et de mettre fin au litige, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE et ANNULE, par voie de retranchement, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Douai, en date du 1er mars 2022, en ses seules dispositions relatives à l'annulation partielle du procès-verbal de comparution devant le procureur de la République, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Douai et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le dix-huit octobre deux mille vingt-deux.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° W 21-86.652 FS-B 19 OCTOBRE 2022 IRRECEVABILITÉ M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 19 OCTOBRE 2022 La société [2] et la [1] ont formé des pourvois contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 2e section, en date du 28 octobre 2021, qui, dans la procédure suivie, notamment, contre la première, des chefs de pratiques commerciales trompeuses, escroqueries et mise sur le marché de dispositifs médicaux sans avoir obtenu de certificat CE, a confirmé l'ordonnance de saisie pénale rendue par le juge des libertés et de la détention. Les pourvois sont joints en raison de la connexité. Un mémoire a été produit pour la [1]. Sur le rapport de Mme Planchon, conseiller, les observations de la SARL Ortscheidt, avocat de la [1], et les conclusions de M. Petitprez, avocat général, après débats en l'audience publique du 7 septembre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Planchon, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, MM. d'Huy, Wyon, Pauthe, Turcey, de Lamy, conseillers de la chambre, M. Ascensi, Mmes Fouquet, Chafaï, conseillers référendaires, M. Petitprez, avocat général, et Mme Boudalia, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. Une enquête préliminaire a été diligentée des chefs susvisés sur les agissements de la société [2] qui, à compter de mars 2020, a créé et administré plusieurs sites internet destinés à la commercialisation de produits pharmaceutiques liés à la pandémie de la Covid-19. 3. Dans le cadre des investigations, les enquêteurs ont procédé à la saisie de la somme de 908 428,77 euros figurant au crédit d'un des deux comptes ouverts par la société [2] auprès de la [1] qui, postérieurement, leur a fait savoir que, par le jeu d'une convention d'unité de comptes conclue entre elle et la société [2] le 14 décembre 2015, le solde fusionné des comptes de celle-ci était en réalité débiteur de 114 985,57 euros. 4. Le juge des libertés et de la détention a ordonné le maintien de la saisie effectuée sur le compte créditeur, à hauteur de 908 428,77 euros, par une ordonnance du 31 mars 2020 dont la société [2] et la [1] ont interjeté appel. Déchéance du pourvoi formé par la société [2] 5. La société [2] n'a pas déposé dans le délai légal, personnellement ou par son avocat, un mémoire exposant ses moyens de cassation. Il y a lieu, en conséquence, de la déclarer déchue de son pourvoi par application de l'article 590-1 du code de procédure pénale. Examen de la recevabilité du pourvoi formé par la [1] 6. En vertu d'une jurisprudence constante de la Cour de cassation (1re Civ., 20 avril 1983, pourvoi n° 82-10.114, Bull. 1983, I, n° 127 ; Com., 13 janvier 1987, pourvoi n° 85-13.997, Bull. 1987, IV, n° 15), les sommes inscrites sur un compte bancaire constituent dès leur versement, quelle que soit l'origine des fonds versés, une créance du titulaire du compte contre l'établissement de crédit auprès duquel est ouvert ledit compte. 7. Il en résulte que la [1], établissement détenteur du compte de la société [2], a la qualité de débiteur de cette dernière. 8. La Cour de cassation juge que le débiteur d'une créance saisie en application de l'article 706-153 du code de procédure pénale n'est pas un tiers ayant des droits sur ce bien au sens de ce texte et n'a donc pas qualité pour exercer un recours contre l'ordonnance de saisie ni pour se pourvoir en cassation (Crim., 20 novembre 2019, pourvoi n° 18-82.066, publié au Bulletin). 9. Il doit en être jugé de même à l'égard de l'établissement de crédit auprès duquel est ouvert le compte sur lequel les sommes ont été saisies en application de l'article 706-154 du code de procédure pénale. 10. Il appartient à l'établissement de crédit débiteur, lorsqu'il conteste devoir consigner la somme due auprès de l'Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués, de saisir le magistrat qui a ordonné la saisie ou le juge d'instruction en cas d'ouverture d'une information judiciaire postérieurement à la saisie, d'une requête relative à l'exécution de celle-ci sur le fondement de l'article 706-144 du code de procédure pénale. 11. Il s'ensuit que le pourvoi n'est pas recevable. PAR CES MOTIFS, la Cour : Sur le pourvoi formé par la société [2] : CONSTATE la déchéance du pourvoi ; Sur le pourvoi formé par la [1] : LE DÉCLARE IRRECEVABLE. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le dix-neuf octobre deux mille vingt-deux. Le Rapporteur Le Président Le Greffier de chambre Com., 13 janvier 1987, pourvoi n° 85-13.997, Bull. Crim 1987, IV, n° 15 (rejet), et l'arrêt citéCrim., 20 novembre 2019, pourvoi n° 18-82.066, publié au bulletin (déchéance), et l'arrêt cité
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 21 septembre 2022 M. MOLLARD, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 514 F-B Pourvoi n° Q 21-12.218 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 21 SEPTEMBRE 2022 M. [L] [S], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° 21-12.218 contre l'arrêt rendu le 19 novembre 2020 par la cour d'appel de Douai (chambre 2, section 1), dans le litige l'opposant à la société HSBC Continental Europe, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1] anciennement dénommée HSBC France, défenderesse à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Guerlot, conseiller référendaire, les observations de la SARL Corlay, avocat de M. [S], de la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de la société HSBC Continental Europe, après débats en l'audience publique du 14 juin 2022 où étaient présents M. Mollard, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Guerlot, conseiller référendaire rapporteur, M. Ponsot, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 19 novembre 2020), le 25 janvier 2011, la société VDL a ouvert un compte dans les livres de la société HSBC France, devenue HSBC Continental Europe (la banque). Par un acte du 29 août 2013, M. [S] s'est rendu caution des engagements de la société VDL au profit de la banque dans la limite de 360 000 euros. La société VDL ayant été mise en redressement puis liquidation judiciaires, la banque a assigné M. [S], qui lui a opposé la nullité de son engagement ainsi que sa disproportion. Examen des moyens Sur le premier moyen Enoncé du moyen 2. M. [S] fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande visant à voir prononcer la nullité du cautionnement et, en conséquence, de le condamner à payer à la banque une certaine somme, alors « que l'engagement de caution du gérant d'une société est entaché de violence, et doit à ce titre être annulé, lorsqu'il est intervenu postérieurement à l'octroi de facilités de caisse et sous la menace, exercée par le créancier, de cesser immédiatement ses crédits ; que c'est au moment où le cautionnement est donné qu'il convient de se placer pour déterminer s'il a été librement consenti ; qu'en l'espèce il est constant qu'alors que des facilités de caisse avaient été accordées à la société VDL pendant des années, il a été demandé à M. [S] d'apporter sa caution au regard d'un découvert en compte courant de 254 513,02 euros, sous la menace implicite de mettre fin à ces facilités ; qu'en décidant cependant que de telles circonstances n'étaient pas constitutives de violence donnant lieu à l'annulation de l'engagement de caution litigieux, aux motifs inopérants qu'en toute hypothèse, la banque ne pouvait pas retirer son concours financier sans en avoir averti sa cliente plus de soixante jours à l'avance, et que la société VDL ayant eu dans ces deux mois suivant l'engagement de caution un compte courant créditeur, aucun risque ne pesait sur elle, soit en se fondant sur des circonstances postérieures à l'échange des consentements, la cour d'appel a violé l'article 1109 (ancien, désormais 1143) du code civil. » Réponse de la Cour 3. L'arrêt retient qu'au moment où M. [S] s'est porté caution au profit de la banque, cette dernière n'avait envoyé à la société VDL aucune demande de régularisation du solde débiteur de son compte, et qu'il n'est justifié d'aucune demande adressée à M. [S] subordonnant le maintien des relations contractuelles de la banque avec la société VDL à son cautionnement. Il retient encore que le compte de la société VDL est redevenu créditeur seulement deux mois après l'engagement de caution de M. [S], et l'est resté plusieurs mois. Il en déduit que ni la panique à l'idée que la société VDL déposerait le bilan s'il ne la cautionnait pas, alléguée par M. [S], ni l'état de dépendance de cette société à l'égard de la banque ne sont établis. 4. En l'état de ces constatations et appréciations souveraines, la cour d'appel, qui pouvait prendre en compte l'évolution des comptes de la société VDL dans les semaines ayant suivi le cautionnement litigieux afin d'apprécier la réalité de sa situation de dépendance économique à la date où ce cautionnement a été donné, a pu statuer comme elle l'a fait. 5. Le moyen n'est donc pas fondé. Sur le second moyen Enoncé du moyen 6. M. [S] fait grief à l'arrêt attaqué de le débouter de sa demande visant à voir prononcer l'inopposabilité de son engagement et de le condamner, en conséquence, à payer à la banque une certaine somme, alors « que la caution qui a rempli, à la demande de la banque, une fiche de renseignements relative à ses revenus et charges annuels et à son patrimoine ne peut, ensuite, soutenir que sa situation financière était en réalité moins favorable que celle qu'elle a déclarée au créancier, sauf à ce que la fiche présente des anomalies apparentes sur les informations déclarées ; que du moment que des anomalies figurent dans la fiche de renseignement, les juges du fond ont le devoir de vérifier la réalité du patrimoine, sans se fonder sur cette seule fiche de renseignements, pour déterminer si le cautionnement est ou non disproportionné ; qu'en l'espèce il était fait valoir que la fiche présentait pour la banque des anomalies apparentes dès lors que les deux sociétés appartenant à M. [S] étaient évaluées à deux millions d'euros quand le capital social de VDL n'était que de 50 000 euros et que la banque savait, pour en tenir les livres, qu'elle était gravement endettée, et que la société Lille vacances présentait pour les exercice 2011/2012 et 2012/2013, au moment du cautionnement, un endettement colossal après une baisse d'activité de près de 50 % ; qu'en refusant d'examiner si la fiche présentait des anomalies aux motifs inopérants que sur la fiche étaient mentionnés d'autres biens, la cour d'appel a violé l'article L. 341-4 du code de la consommation dans sa version applicable aux faits de l'espèce, devenu L. 332-1 du même code. » Réponse de la Cour 7. Après avoir relevé que M. [S] a certifié l'exactitude des renseignements mentionnés dans la fiche patrimoniale, l'arrêt retient que, même en faisant abstraction des sommes indiquées au titre des participations détenues par ce dernier dans le capital des sociétés VDL et Lille vacances, de celles inscrites en compte courant d'associé dans les livres de ces sociétés et de leurs bénéfices, l'engagement litigieux, souscrit à hauteur de 360 000 euros, ne présente aucun caractère excessif au regard des valeurs déclarées au titre du bien immobilier, du contrat d'assurance-vie, du portefeuille boursier et des dépôts sur différents comptes bancaires, d'un montant total de 980 000 euros. 8. En l'état de ces constatations et appréciations souveraines, faisant ressortir que ceux des éléments figurant dans la fiche de renseignement qui n'étaient affectés d'aucune anomalie apparente permettaient de considérer que l'engagement souscrit n'était pas disproportionné aux biens et revenus de la caution, la cour d'appel a, à bon droit, jugé que la banque n'était dès lors pas tenue de vérifier l'exactitude des sommes mentionnées dans ladite fiche, correspondant, aux titres de participation dans le capital des sociétés VDL et Lille vacances, au compte courant d'associé dans les livres de ces sociétés et à leurs bénéfices. 9. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne M. [S] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [S] et le condamne à payer à la société HSBC Continental Europe la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un septembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SARL Corlay, avocat aux Conseils, pour M. [S]. Premier moyen de cassation Monsieur [S] fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir débouté de sa demande visant à voir prononcer la nullité du cautionnement et en conséquence de l'avoir condamné à payer à la société HSBC France la somme de 304 933,47€ outre intérêt au taux légal à compter du 15 septembre 2015, date de l'assignation, et condamnation aux frais irrépétibles et dépens Alors que l'engagement de caution du gérant d'une société est entaché de violence, et doit à ce titre être annulé, lorsqu'il est intervenu postérieurement à l'octroi de facilités de caisse et sous la menace, exercée par le créancier, de cesser immédiatement ses crédits ; que c'est au moment où le cautionnement est donné qu'il convient de se placer pour déterminer s'il a été librement consenti ; qu'en l'espèce il est constant qu'alors que des facilités de caisse avaient été accordées à la Société Vdl pendant des années, il a été demandé à Monsieur [S] d'apporter sa caution au regard d'un découvert en compte courant de 254 513,02 euros, sous la menace implicite de mettre fin à ces facilités ; qu'en décidant cependant que de telles circonstances n'étaient pas constitutives de violence donnant lieu à l'annulation de l'engagement de caution litigieux, aux motifs inopérant qu'en toute hypothèse, la banque ne pouvait pas retirer son concours financier sans en avoir averti sa cliente plus de 60 jours à l'avance, et que la société Vdl ayant eu dans ces deux mois suivant l'engagement de caution un compte courant créditeur, aucun risque ne pesait sur elle, soit en se fondant sur des circonstances postérieures à l'échange des consentements, la cour d'appel a violé l'article 1109 (ancien, désormais 1143) du code civil. Second moyen de cassation Monsieur [S] fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir débouté de sa demande visant à voir prononcer l'inopposabilité du cautionnement et en conséquence de l'avoir condamné à payer à la société HSBC France la somme de 304 933, 47€ outre intérêt au taux légal à compter du 15 septembre 2015, date de l'assignation, et condamnation aux frais irrépétibles et dépens ; Alors que la caution qui a rempli, à la demande de la banque, une fiche de renseignements relative à ses revenus et charges annuels et à son patrimoine ne peut, ensuite, soutenir que sa situation financière était en réalité moins favorable que celle qu'elle a déclarée au créancier, sauf à ce que la fiche présente des anomalies apparentes sur les informations déclarées ; que du moment que des anomalies figurent dans la fiche de renseignement, les juges du fond ont le devoir de vérifier la réalité du patrimoine, sans se fonder sur cette seule fiche de renseignements, pour déterminer si le cautionnement est ou non disproportionné ; qu'en l'espèce il était fait valoir que la fiche présentait pour la banque des anomalies apparentes dès lors que les deux sociétés appartenant à Monsieur [S] étaient évaluées à deux millions d'euros quand le capital social de VDL n'était que de 50.000 € et que la banque savait, pour en tenir les livres, qu'elle était gravement endettée, et que la société Lille Vacances présentait pour les exercice 2011/2012 et 2012/2013, au moment du cautionnement, un endettement colossal après une baisse d'activité de près de 50% ; qu'en refusant d'examiner si la fiche présentait des anomalies aux motifs inopérants que sur la fiche étaient mentionnés d'autres biens, la cour d'appel a violé l'article L. 341-4 du code de la consommation dans sa version applicable aux faits de l'espèce, devenu L. 332-1 du code de la consommation. 1re Civ., 24 mars 2021, pourvoi n° 19-21.254, Bull., (cassation).
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 21 septembre 2022 Mme MOUILLARD, président Arrêt n° 534 FS-B Pourvoi n° Z 19-26.203 Aide juridictionnelle partielle en défense au profit de M. [I]. Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 1er octobre 2020. R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 21 SEPTEMBRE 2022 La société Transports [I], société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 5], [Localité 2], a formé le pourvoi n° Z 19-26.203 contre l'arrêt rendu le 29 août 2019 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 3-4), dans le litige l'opposant : 1°/ à Mme [U] [B], domiciliée [Adresse 1], [Localité 2], 2°/ à M. [E] [I], domicilié [Adresse 4], [Localité 3], défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Lefeuvre, conseiller référendaire, les observations de la SCP Richard, avocat de la société Transports [I], de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de M. [I], et l'avis écrit de M. Lecaroz, avocat général, après débats en l'audience publique du 14 juin 2022 où étaient présents Mme Mouillard, président, Mme Lefeuvre, conseiller référendaire rapporteur, M. Mollard, conseiller doyen, Mmes Graff-Daudret, Daubigney, Fevre, Ducloz, conseillers, M. Guerlot, Mmes de Cabarrus, Lion, Tostain, MM. Boutié, Gillis, Maigret, conseillers référendaires, M. Lecaroz, avocat général, et Mme Fornarelli, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 29 août 2019), M. [I] et Mme [B] ont contracté mariage le 17 juillet 1970, sans contrat préalable. 2. Le 13 juin 2007, M. [I], revendiquant le bénéfice des dispositions de l'article 1832-2 du code civil, a notifié à la SARL Transports [I], dont son épouse était la gérante, son intention d'être personnellement associé à hauteur de la moitié des parts sociales correspondant à l'apport que cette dernière avait effectué. 3. Invoquant le refus de Mme [B] de lui communiquer les comptes de la société Transports [I], M. [I] l'a assignée, ainsi que la société Transports [I], aux fins de voir constater qu'il avait la qualité d'associé depuis le mois de juin 2007 et d'obtenir la communication de certains documents sociaux. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa troisième branche Enoncé du moyen 4. La société Transports [I] fait grief à l'arrêt de dire que M. [I] a la qualité d'associé depuis le 13 juin 2007 et de lui ordonner de lui communiquer les bilans, les comptes de résultats, les rapports de gestion et les procès-verbaux des assemblées générales ordinaires relatifs aux exercices 2014, 2015, 2016 et 2017, alors « que chaque époux peut librement exercer une profession, percevoir ses gains et salaires et en disposer après s'être acquitté des charges du mariage ; que l'époux qui exerce une profession séparée a seul le pouvoir d'accomplir les actes d'administration et de disposition nécessaires à celle-ci ; que ces dispositions s'opposent à l'exercice de la revendication de la qualité d'associé par le conjoint lorsque l'époux apporteur exerce une profession séparée et que les parts sociales qu'il a acquises sont nécessaires à l'exercice de sa profession ; qu'en affirmant néanmoins que l'autonomie professionnelle de Mme [B], au sein de la société Transports [I], n'était nullement remise en cause par la revendication par M. [I] de sa qualité d'associé de la société, Mme [B] étant toujours associée de la société à hauteur d'un quart du capital, bien que l'ensemble des parts sociales qu'elle avait souscrites ait été le support nécessaire de son activité professionnelle, qu'elle exerçait de manière séparée, ce qui faisait obstacle à la faculté de revendication de la qualité d'associé exercée par M. [I], la cour d'appel a violé les articles 223, 1421, alinéa 2, et 1832-2 du code civil. » Réponse de la Cour 5. Les articles 223 et 1421, alinéa 2, du code civil ayant pour seul objet de protéger les intérêts de l'époux exerçant une profession séparée, la société Transports [I] n'est pas recevable à se prévaloir de l'atteinte que la revendication, par M. [I], de la qualité d'associé, serait susceptible de porter au droit de Mme [I] d'exercer une telle profession. 6. Le moyen ne peut donc être accueilli. Sur le moyen, pris en sa quatrième branche Enoncé du moyen 7. La société Transports [I] fait le même grief à l'arrêt, alors « que seul peut revendiquer la qualité d'associé d'une société, celui qui est animé d'une volonté réelle et sérieuse de collaborer activement et de manière intéressée dans l'intérêt commun, avec les autres associés, à la réalisation de l'objet social ; qu'en se bornant néanmoins à affirmer, pour décider que M. [E] [I] pouvait se prévaloir de la qualité d'associé de la société Transports [I], qu'aucun risque de paralysie de la société ne pouvait faire échec à sa faculté de revendiquer sa qualité d'associé, sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si M. [I] était animé d'une volonté réelle et sérieuse de collaborer avec Mme [B], pour l'exercice d'une activité commune, dans l'intérêt de la société, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1832, 1833 et 1832-2 du code civil. » Réponse de la Cour 8. L'affectio societatis n'est pas une condition requise pour la revendication, par un époux, de la qualité d'associé sur le fondement de l'article 1832-2 du code civil. 9. Le moyen, qui postule le contraire, n'est pas fondé. Mais sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 10. La société Transports [I] fait le même grief à l'arrêt, alors « qu'en l'absence de disposition légale contraire, la renonciation à un droit n'est soumise à aucune condition de forme ; qu'elle peut être tacite dès lors qu'elle résulte d'actes manifestant sans équivoque la volonté de son auteur de renoncer à ce droit ; qu'en affirmant néanmoins, pour décider que M. [I] pouvait se prévaloir de la qualité d'associé de la société Transports [I], que s'il avait la possibilité de renoncer à son droit de revendiquer sa qualité d'associé, cette renonciation ne pouvait être qu'expresse, aucune renonciation tacite ne pouvant faire obstacle à l'exercice de son droit, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. » Réponse de la Cour Vu l'article 1134, alinéa 1, du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 : 11. Aux termes de ce texte, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. 12. La renonciation à un droit peut être tacite dès lors que les circonstances établissent, de façon non équivoque, la volonté de renoncer. 13. Pour dire que M. [I] avait la qualité d'associé depuis le mois de juin 2007 et ordonner à la société Transports [I] de lui communiquer certains documents sociaux, l'arrêt retient que si l'époux peut renoncer, lors de l'apport ou de l'acquisition des parts par son conjoint, ou ultérieurement, à exercer la faculté qu'il tient de l'article 1832-2, alinéa 3, du code civil, c'est à la condition que cette renonciation soit expresse et non équivoque et que la renonciation tacite dont se prévalent Mme [B] et la société Transports [I] ne suffit pas à faire obstacle au droit de M. [I] d'exercer cette revendication. 14. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 29 août 2019, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée ; Condamne M. [I] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, prononcé en l'audience publique du vingt et un septembre deux mille vingt-deux et signé par M. Mollard, conseiller doyen en ayant délibéré, en remplacement du président empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Richard, avocat aux Conseils, pour la société Transports [I]. IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir dit que Monsieur [E] [I] a la qualité d'associé de la Société TRANSPORTS [I] à hauteur de 125 des parts sociales, à compter du 13 juin 2007, et d'avoir ordonné à celle-ci, prise en la personne de sa gérante, de lui communiquer les bilans, comptes de résultats, rapports de gestions et procès-verbaux des assemblées générales ordinaires afférents aux exercices 2014, 2015, 2016 et 2017 ; AUX MOTIFS PROPRES QUE, sur la revendication de la qualité d'associé, selon l'article 1832-2, alinéa 3, du Code civil que la qualité d'associé est reconnue, pour la moitié des parts souscrites ou acquises, au conjoint qui a notifié à la société son intention d'être personnellement associé ; que si cette notification est postérieure à l'apport ou à l'acquisition des parts, les clauses d'agrément prévues à cet effet par les statuts sont opposables au conjoint ; qu'il ressort de ce texte que, en l'absence de clause d'agrément opposable au conjoint, la reconnaissance de la qualité d'associé résulte de la seule notification faite à la société de l'intention du conjoint de l'associé d'être personnellement associé ; que cette faculté peut être exercée jusqu'à la dissolution de la communauté, et, en cas de procédure de divorce, tant que le jugement de divorce n'est pas passé en force de chose jugée ; qu'en l'espèce, il est constant et résulte des pièces produites aux débats que par lettre recommandée du 13 juin 2007 dont la SARL TRANSPORTS [I] a accusé réception le 19 juin suivant, Monsieur [E] [I] a notifié à cette société son intention d'être personnellement associé, à hauteur de la moitié des parts sociales correspondant à l'apport en numéraire effectué par son conjoint, Madame [U] [B] épouse [I], soit 125 parts sociales, en application de l'article 1832-2, alinéa 3, du Code civil ; qu'à cette date, le divorce des époux n'était pas prononcé ; que l'examen des statuts de la SARL TRANSPORTS [I] ne révèle aucune clause subordonnant la reconnaissance de la qualité d'associé au conjoint d'un associé à un agrément préalable des autres associés ; qu'au contraire, il est expressément stipulé à l'article 12 II des statuts qu'en matière de cession de parts, les parts sociales sont librement cessibles entre associés et au profit du conjoint ; qu'en conséquence, Monsieur [E] [I] a acquis, du seul fait de la notification à laquelle il a procédé le 13 juin 2007, la qualité d'associé de la SARL TRANSPORTS [I] à hauteur des 125 parts revendiquées ; que c'est en vain que Madame [B] et la SARL TRANSPORTS [I] opposent la prescription, la faculté dont dispose le conjoint de l'associé en vertu de l'article 1832-2, alinéa 3, susvisé du Code civil pouvant être exercée pendant toute la durée du mariage, étant également observé que, selon l'article 2236 du même code, la prescription ne court pas ou est suspendue entre époux ; que par ailleurs, si l'époux peut renoncer, lors de l'apport ou de l'acquisition des parts par son conjoint, ou ultérieurement, à exercer la faculté qu'il tient de l'article 1832-2, alinéa 3, du Code civil, c'est à la condition que cette renonciation soit expresse et non équivoque ; que la renonciation tacite dont se prévalent Madame [B] et la SARL TRANSPORTS [I] ne suffit pas à faire obstacle au droit de Monsieur [I] d'exercer cette revendication ; que c'est de manière inopérante que les appelantes invoquent la liberté pour Madame [B] d'exercer une profession de manière indépendante, faute de démontrer que le fait de ne plus être associée qu'à hauteur d'un quart du capital ferait obstacle à cet exercice, et, en particulier, remettrait en cause l'autorisation administrative dont est titulaire Madame [B] ; que le risque de paralysie de la société invoqué par les appelantes, qui ne saurait en lui-même faire échec à l'exercice de la faculté offerte par l'article 1832-2, alinéa 3, du Code civil, n'est au surplus pas démontré, dès lors que la part dans le capital revendiqué par Monsieur [I] ne représente qu'un quart ; qu'en effet, selon l'article 23 II des statuts, les décisions collectives extraordinaires emportant modification des statuts nécessitent qu'elles aient été prises par des associés représentant au moins les trois quarts du capital social, de sorte que Monsieur [I] ne dispose d'aucune minorité de blocage ; qu'enfin, la reconnaissance de la qualité d'associé étant indépendante de la liquidation des intérêts patrimoniaux des époux, dès lors qu'il est constant que le capital social de la SARL TRANSPORTS [I] a été libéré avec des fonds venant de la communauté, il n'y a pas lieu de surseoir à statuer de ce chef ; que le jugement sera, en conséquence, confirmé, sans qu'il y ait lieu d'ordonner la production du courrier recommandé du 12 novembre 2008 ; ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE, sur la renonciation à la qualité d'associé, la renonciation à un droit ne se présume pas ; que les défendeurs ne versent aux débats aucun document de nature à fonder leurs allégations ; que ce moyen ne peut donc pas prospérer ; que, sur l'intérêt social de la société TRANSPORTS [I], que Monsieur [E] [I] est associé de la société TRANSPORTS [I] depuis le 13 juin 2007 et qu'il ne peut être dérogé à ses droits, il échet de dire que le moyen de la société TRANSPORTS [I] ne peut prospérer ; 1°) ALORS QU'en l'absence de disposition légale contraire, la renonciation à un droit n'est soumise à aucune condition de forme ; qu'elle peut être tacite dès lors qu'elle résulte d'actes manifestant sans équivoque la volonté de son auteur de renoncer à ce droit ; qu'en affirmant néanmoins, pour décider que Monsieur [E] [I] pouvait se prévaloir de la qualité d'associé de la Société TRANSPORTS [I], que s'il avait la possibilité de renoncer à son droit de revendiquer sa qualité d'associé, cette renonciation ne pouvait être qu'expresse, aucune renonciation tacite ne pouvant faire obstacle à l'exercice de son droit, la Cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ; 2°) ALORS QUE si la renonciation à un droit ne se présume pas, elle peut être tacite dès lors qu'elle résulte d'actes manifestant sans équivoque la volonté de son auteur d'y renoncer ; qu'en se bornant à affirmer, pour décider que Monsieur [E] [I] pouvait se prévaloir de la qualité d'associé de la Société TRANSPORTS [I], que la renonciation à un droit ne se présume pas, sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée, s'il résultait de ce que, au mois de février 1990, Monsieur [E] [I] et Madame [U] [B] avaient concomitamment constitué leur société respective, indépendamment l'un de l'autre, chacun étant seul associé de sa structure à hauteur de 50 % des parts sociales, et de ce que chacun d'entre eux avait géré sa société en toute autonomie pendant près de vingt-sept années, sans que l'un intervienne dans l'activité de l'autre, que Monsieur [E] [I] avait, sans équivoque, eu la volonté de renoncer définitivement à son droit de revendiquer la qualité d'associé de la Société TRANSPORTS [I], constituée par Madame [B], la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ; 3°) ALORS QUE chaque époux peut librement exercer une profession, percevoir ses gains et salaires et en disposer après s'être acquitté des charges du mariage ; que l'époux qui exerce une profession séparée a seul le pouvoir d'accomplir les actes d'administration et de disposition nécessaires à celle-ci ; que ces dispositions s'opposent à l'exercice de la revendication de la qualité d'associé par le conjoint lorsque l'époux apporteur exerce une profession séparée et que les parts sociales qu'il a acquises sont nécessaires à l'exercice de sa profession ; qu'en affirmant néanmoins que l'autonomie professionnelle de Madame [U] [B], au sein de la Société TRANSPORTS [I], n'était nullement remise en cause par la revendication par Monsieur [E] [I] de sa qualité d'associé de la société, Madame [B] étant toujours associée de la société à hauteur d'un quart du capital, bien que l'ensemble des parts sociales qu'elle avait souscrites ait été le support nécessaire de son activité professionnelle, qu'elle exerçait de manière séparée, ce qui faisait obstacle à la faculté de revendication de la qualité d'associé exercée par Monsieur [I], la Cour d'appel a violé les articles 223, 1421, alinéa 2 et 1832-2 du Code civil ; 4°) ALORS QUE seul peut revendiquer la qualité d'associé d'une société, celui qui est animé d'une volonté réelle et sérieuse de collaborer activement et de manière intéressée dans l'intérêt commun, avec les autres associés, à la réalisation de l'objet social ; qu'en se bornant néanmoins à affirmer, pour décider que Monsieur [E] [I] pouvait se prévaloir de la qualité d'associé de la Société TRANSPORTS [I], qu'aucun risque de paralysie de la société ne pouvait faire échec à sa faculté de revendiquer sa qualité d'associé, sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si Monsieur [I] était animé d'une volonté réelle et sérieuse de collaborer avec Madame [B], pour l'exercice d'une activité commune, dans l'intérêt de la société, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1832, 1833 et 1832-2 du Code civil. N3>Sur la renonciation par un conjoint à revendiquer la qualité d'associé, à rapprocher : Com., 12 janvier 1993, pourvoi n° 90-21.126, Bull. 1993, IV, n° 9 (rejet).
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 21 septembre 2022 Cassation partielle M. MOLLARD, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 515 F-B Pourvoi n° K 20-16.994 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 21 SEPTEMBRE 2022 M. [O] [S], domicilié [Adresse 4] (Allemagne), a formé le pourvoi n° K 20-16.994 contre l'arrêt rendu le 22 mai 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 9), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. [B] [M], domicilié [Adresse 3], 2°/ à la société [M] gestion Luxembourg, dont le siège est [Adresse 2] (Luxembourg), 3°/ à la société [M] gestion, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], défendeurs à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme de Cabarrus, conseiller référendaire, les observations de la SCP Richard, avocat de M. [S], de la SCP Ohl et Vexliard, avocat de M. [M], des sociétés [M] gestion Luxembourg et [M] gestion, après débats en l'audience publique du 14 juin 2022 où étaient présents M. Mollard, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme de Cabarrus, conseiller référendaire rapporteur, M. Ponsot, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 22 mai 2020), par acte daté du 10 juillet 2013, M. [S], salarié de la société [M] Deutschland, filiale de la société [M] gestion Luxembourg, elle-même filiale de la société [M] gestion, a acquis 500 actions de la société [M] gestion et a adhéré au pacte d'actionnaires du 9 mai 2006. Ce pacte stipule, en son article 4.2, intitulé « promesse de vente I », qu'en cas de rupture du contrat de travail de l'actionnaire salarié, ce dernier s'engage à céder ses actions à M. [M] ou toute personne qu'il se sera substituée, lequel, aux termes de l'article 4.1, intitulé « promesse d'achat I », promet de les acquérir. Le pacte prévoit qu'en cas de rupture résultant d'un licenciement, le prix des actions cédées par le salarié ne pourra excéder leur prix d'acquisition si le salarié les a acquises dans les vingt-quatre mois précédant la rupture. 2. Considérant que M. [S] avait été licencié par la société [M] Deutschland le 5 février 2014 et invoquant les stipulations du pacte en cas de licenciement, M. [M] s'est substitué la société [M] gestion Luxembourg, qui a exercé la promesse portant sur les 500 actions acquises en 2013 par M. [S]. Ce dernier s'étant opposé au transfert des titres, M. [M] et la société [M] gestion Luxembourg l'ont assigné en exécution forcée du pacte. Examen des moyens Sur le premier moyen, pris en ses quatrième, cinquième, sixième et septième branches, et le second moyen, ci-après annexés 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 4. M. [S] fait grief à l'arrêt d'ordonner l'exécution forcée du pacte d'actionnaires de la société [M] gestion du 9 mai 2006, de dire que la vente des 500 titres de classe A de la société [M] gestion détenus par M. [S] est parfaite depuis le 1er juillet 2015, date de la levée de la promesse de vente I par M. [M], de dire que l'article 6.2 du pacte est applicable, de dire en conséquence que le prix de cession s'élève à la somme de 1 501 745 euros, de dire que le transfert de propriété est intervenu le 31 août 2015, de dire que les dividendes bruts perçus par le séquestre depuis le mois d'octobre 2015 auraient dû être distribués à la société [M] gestion Luxembourg et d'ordonner la libération du séquestre des titres et des dividendes au profit de cette dernière, alors « que présente un caractère perpétuel et est à ce titre entaché de nullité, l'engagement dont la durée est telle qu'elle ne respecte pas la liberté individuelle de celui qui l'a souscrit ; qu'en déboutant M. [S] de sa demande tendant à voir prononcer la nullité du pacte d'actionnaires de la société [M] gestion pour vice de perpétuité, en ce qu'il le liait jusqu'en 2088, motif pris qu'entre temps, il pouvait mettre fin à ses obligations résultant du pacte en faisant jouer la garantie de liquidité, après avoir cependant constaté qu'avant cette échéance, M. [S] n'était en droit de céder ses actions qu'à M. [M] ou l'un de ses substitués, à un prix qu'il ne pouvait fixer lui-même, puisque déterminé selon des modalités de calcul prédéfinies, ce dont il résultait que M. [S] ne pouvait librement mettre fin à ses obligations résultant du pacte avant 2088 et que celui-ci était en conséquence affecté d'un vice de perpétuité, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 1780 du code civil. » Réponse de la Cour 5. Les engagements perpétuels ne sont pas sanctionnés par la nullité du contrat mais chaque contractant peut y mettre fin à tout moment, sous réserve de respecter le délai de préavis contractuellement prévu ou, à défaut, un délai raisonnable. 6. Le moyen, qui postule le contraire, n'est donc pas fondé. Mais sur le premier moyen, pris en ses deuxième et troisième branches Enoncé du moyen 7. M. [S] fait le même grief à l'arrêt, alors : « 2°/ que le prix de la vente doit être déterminé et désigné par les parties ; que si l'acte de vente n'a pas à porter lui-même l'indication du prix, lequel peut n'être que déterminable, la vente n'est parfaite que si l'acte permet, au vu de ses clauses, de déterminer le prix par des éléments ne dépendant pas de la seule volonté de l'une parties ou de la réalisation d'accord ultérieurs entre elles ; qu'en se bornant à énoncer, pour s'abstenir de rechercher si le prix de base de cession des actions, fixé par l'article 6.1 du pacte d'actionnaires, n'était pas déterminé ou déterminable, que le prix des actions de M. [S] devait en toute hypothèse être plafonné en application de l'article 6.2 dudit pacte, la cour d'appel, qui ne s'est pas placée à la date de la signature du pacte d'actionnaires pour en apprécier la validité au regard de la détermination du prix, a violé l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, ensemble l'article 1591 du même code ; 3°/ que le prix de la vente doit être déterminé et désigné par les parties ; que si l'acte de vente n'a pas à porter lui-même indication du prix, lequel peut n'être que déterminable, la vente n'est parfaite que si l'acte permet, au vu de ces clauses, de déterminer le prix par des éléments ne dépendant pas de la seule volonté de l'une parties ou de la réalisation d'accord ultérieurs entre elles ; que l'article 6.1 du pacte d'actionnaires fixe le prix de base de cession des actions de la société [M] gestion, dans la limite du plafond fixé par l'article 6.2 en cas de licenciement de l'actionnaire cédant ; qu'en affirmant, pour refuser d'annuler la promesse de vente I et la promesse d'achat I, que le prix était déterminable en ce qu'il avait été plafonné, bien que la détermination du prix de cession ait supposé de déterminer préalablement le prix de base, puis de le comparer avec le prix plafonné, de sorte que ce prix de base devait être déterminable, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, ensemble l'article 1591 du même code. » Réponse de la Cour Vu l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, et l'article 1591 du même code : 8. Aux termes du premier de ces textes, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Il résulte du second que si le contrat de vente peut ne pas porter en lui-même l'indication du prix, ce prix doit être déterminable et ne pas dépendre de la seule volonté d'une des parties ni d'un accord ultérieur entre elles. 9. Pour rejeter la demande d'annulation des « promesse de vente I » et « promesse d'achat I » fondée sur l'application de l'article 6.2 relatif au plafonnement du prix, ordonner l'exécution forcée du pacte d'actionnaires, dire que la vente des 500 titres de classe A de la société [M] gestion détenus par M. [S] est parfaite depuis le 1er juillet 2015, date de la levée de la promesse de vente I par M. [M], dire que l'article 6.2 du pacte est applicable, dire en conséquence que le prix de cession s'élève à la somme de 1 501 745 euros, dire que le transfert de propriété est intervenu le 31 août 2015, dire que les dividendes bruts perçus par le séquestre depuis le mois d'octobre 2015 auraient dû être distribués à la société [M] gestion Luxembourg et ordonner la libération du séquestre des titres et des dividendes au profit de cette dernière, l'arrêt, après avoir constaté que l'article 6.2 du pacte d'actionnaires stipule qu' « en cas de rupture résultant d'un licenciement, d'une révocation ou d'une démission pour quelque cause que ce soit, le prix de cession des titres acquis par le salarié dans les 24 mois précédant la rupture ne pourra excéder le prix d'acquisition des titres en question », retient que M. [S] ayant été licencié, sa situation entre dans le cas prévu à l'article 6.2 du pacte et en déduit qu'il est inutile d'examiner si le prix fixé par l'article 6.1 était déterminable. 10. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si le prix fixé par l'article 6.1 du pacte d'actionnaire, dont l'article 6.2 ne faisait que plafonner le montant dans certaines hypothèses, était déterminable, la cour d'appel a privé sa décision de base légale. Portée et conséquences de la cassation 11. Dans les motifs de sa décision, l'arrêt confirme le jugement en ce qu'il a rejeté les demandes d'annulation de l'acte d'adhésion de M. [S] au pacte d'actionnaires fondées sur le dol et l'erreur ainsi que la demande d'annulation du pacte d'actionnaires fondée sur le vice de perpétuité, et dit que l'article 6.2 du pacte d'actionnaires est applicable à M. [S]. Ce n'est que par une erreur manifestement matérielle, que la Cour est en mesure de réparer, en application de l'article 462 du code de procédure civile, qu'il omet de reprendre ces rejets dans le dispositif de sa décision. La cassation ne sera donc pas étendue à ces chefs de dispositif. PAR CES MOTIFS, la Cour : Rectifie le dispositif de l'arrêt de la cour d'appel de Paris en ce sens que, en page 17, après les mots « PAR CES MOTIFS », il y a lieu de lire « Confirme le jugement en ce qu'il a rejeté les demandes d'annulation de l'acte d'adhésion de M. [S] au pacte d'actionnaires fondées sur le dol et l'erreur ainsi que la demande d'annulation du pacte d'actionnaires fondée sur le vice de perpétuité, et dit que l'article 6.2 du pacte d'actionnaires est applicable à M. [S] » ; CASSE ET ANNULE, sauf en ce que, confirmant le jugement, il rejette les demandes d'annulation de l'acte d'adhésion de M. [S] au pacte d'actionnaires fondées sur le dol et l'erreur ainsi que la demande d'annulation du pacte d'actionnaires fondée sur le vice de perpétuité, en ce qu'il dit que l'article 6.2 du pacte d'actionnaires est applicable à M. [S], dit recevables les demandes reconventionnelles de M. [S] en lien avec les options, et déboute M. [S] de ses demandes reconventionnelles relatives aux options, l'arrêt rendu le 22 mai 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ; Condamne M. [M], la société [M] gestion Luxembourg et la société [M] gestion aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [M], la société [M] gestion Luxembourg et la société [M] gestion et les condamne in solidum à payer à M. [S] la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un septembre deux mille vingt-deux, signé par lui et M. Ponsot, conseiller en ayant délibéré, en remplacement du conseiller rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Richard, avocat aux Conseils, pour M. [S]. PREMIER MOYEN DE CASSATION IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir ordonné l'exécution forcée du Pacte d'Actionnaires de la Société [M] GESTION du 9 mai 2006, d'avoir dit que la vente des 500 titres de classe A de la Société [M] GESTION détenus par Monsieur [O] [S] était parfaite depuis le 1er juillet 2015, date de la levée de la Promesse de Vente I par Monsieur [B] [M], d'avoir dit que l'article 6.2 du Pacte était applicable, d'avoir dit en conséquence que le prix de cession s'élevait à la somme de 1.501.745 euros, d'avoir dit que le transfert de propriété était intervenu le 31 août 2015, d'avoir dit que les dividendes bruts perçus par le séquestre depuis le mois d'octobre 2015 auraient dû être distribués à la Société [M] GESTION LUXEMBOURG et d'avoir ordonné la libération du séquestre des titres et des dividendes au profit de cette dernière ; AUX MOTIFS QUE, sur la nullité du pacte pour vice de perpétuité, Monsieur [S] fait valoir que l'engagement pris est nul pour vice de perpétuité puisqu'il excède la durée de vie professionnelle ; que le nouvel article 1210 du code civil n'est pas applicable à l'espèce étant postérieur au contrat ; que Monsieur [M] soutient que dès lors que l'actionnaire lié par le pacte peut céder ses actions, il n'y a pas perpétuité ; qu'en l'espèce la durée du pacte est fixée jusqu'au 3 février 2088 ; qu'aux termes de l'article 3 du pacte Monsieur [M] s'engage "irrévocablement, sur simple demande d'un Salarié (...) à acquérir les Titres de ce Salarié (...)." ; que l'article 3.1 précise les conditions d'exercice de la garantie de liquidité qui peut être exercée "pendant la période de 2 mois suivant la date de l'arrêté des comptes annuels de la Société par le Conseil d'administration (..)" ; que certes le pacte limite le choix de l'acquéreur et détermine les modalités de calcul du prix selon une formule accepté par tous les actionnaires dont Monsieur [S] ; que cependant ces limitations ne sont pas de nature à supprimer la liberté de Monsieur [S] de céder ses actions ; qu'elles ne font que l'encadrer ; qu'ainsi Monsieur [S], avait la libre possibilité de céder ses actions tous les ans ; que le fait que la cession des titres obéisse à des conditions déterminées par le pacte ne fait pas obstacle à cette faculté dès lors que ces conditions ne sont pas telles qu'elles rendraient cette faculté illusoire ; qu'ainsi et puisque Monsieur [S] pouvait mettre fin à ses obligations résultant du pacte d'associé en faisant jouer la garantie de liquidité, le contrat n'est pas perpétuel et le pacte n'est pas nul ; que la cour relève par ailleurs que la garantie de liquidité peut être exercée à compter de la date d'arrêté des comptes et non la date de dépôt des comptes contrairement à ce que Monsieur [S] soutient ; que le jugement sera donc confirmé sur ce point ; ET AUX MOTIFS QUE, sur la nullité des promesses et de la cession, Monsieur [S] soutient que les promesses ainsi que la cession sont affectées de deux vices dont chacun suffit à emporter leur nullité ; que le premier vice est afférent au prix de cession prévu à l'article 6.1 du pacte qui n'est pas déterminable et le second à la condition purement potestative contenu dans l'article 6.2 ; que les parties [M] font valoir que le prix de cession est déterminé chaque année selon une formule acceptée par tous et que c'est sur le fondement de cette formule que Monsieur [S] a acquis ses actions ; que sur la clause potestative elles font valoir que "seules les obligations contractées sous une condition purement potestative de la part de celui qui s'oblige encourent la nullité" ; que c'est Monsieur [S] qui s'oblige à céder ses titres ; que les clauses du pacte n'encourent donc pas la nullité ; qu'avant d'examiner si la clause de détermination du prix de l'article 6.1 est affectée d'un vice, il convient d'abord de déterminer si la situation de Monsieur [S] entre dans le cas prévu à l'article 6.2 du pacte comme le soutiennent les parties [M] ; que dans une telle hypothèse il serait inutile d'examiner les griefs formulés à l'encontre de l'article 6.1 qui ne serait pas applicable à Monsieur [S] ; qu'aux termes de l'article 6.2 du pacte "en cas de rupture résultant d'un licenciement, d'une révocation ou d'une démission pour quelque cause que ce soit, le Prix de cession des Titres acquis par le Salarié dans les 24 mois précédant la rupture ne pourra excéder le Prix d'acquisition des titres en question." ; que le contrat de travail de Monsieur [S] a été rompu le 5 février 2014 par son employeur la société [M] Deutschland ; qu'une rupture d'un contrat de travail à la seule initiative de l'employeur répond sans nul doute à la définition du licenciement ; que le droit du travail allemand distingue pour l'application de mesures protectrices des salariés en cas de licenciement selon que l'entreprise a plus ou moins de dix salariés ; que lorsque la société a moins de dix salariés la loi de protection contre le licenciement n'est pas applicable ; que néanmoins le licenciement ne doit pas être contraire aux bonnes moeurs et l'employeur doit être de bonne foi ; qu'en l'espèce Monsieur [S] a saisi la juridiction allemande du travail ; que par un jugement en date du 10 juillet 2014, le tribunal du travail de Francfort a débouté Monsieur [S] de ses demandes tendant à contester son licenciement ; que Monsieur [S] demandait au tribunal de constater que la relation de travail n'avait pas été résiliée par le licenciement, qu'elle n'était pas terminée et qu'il devait en conséquence être réintégré aux anciennes conditions jusqu'à la clôture du litige ; qu'il affirmait que les critiques exprimés à l'égard de sa hiérarchie étaient justifiées, que son licenciement n'avait pour unique but que de lui rendre impossible l'opportunité de réaliser des profits sur les options d'achat et sur les actions déjà acquises et que la lettre de licenciement était affectée de vices de forme ; que le tribunal de Francfort a jugé que le licenciement n'était pas nul pour vice de forme, qu'il était valide du fait que la société employait moins de dix salariés, que le licenciement n'était pas contraire à la bonne foi ou aux bonnes moeurs et ne portait aucune infraction à l'interdiction des mesures de rétorsion ; que le tribunal a notamment relevé que Monsieur [S] ne rapportait pas la preuve de la mauvaise foi de la société, qu'aucun indice montrant que le licenciement avait été effectué sans bonne raison n'était présenté, que les critiques formulées par Monsieur [S] à l'encontre de son supérieur et ayant motivé à son licenciement n'étaient pas justifiées alors qu'au contraire une critique non justifiée à l'encontre d'un supérieur dans une petite entreprise peut constituer un motif de licenciement et enfin que le licenciement n'était pas intervenu dans le but de lui faire perdre ses possibilités de gains ; que la lecture de ce jugement montre que les juridictions allemandes exercent un certain contrôle sur les licenciements dans les petites entreprises même si les textes sont moins protecteurs dans un tel cas ; que la rupture du contrat de travail n'est donc pas laissée à l'arbitraire de l'employeur ; que la cour rappelle que la condition potestative n'est pas prohibée en soi ; qu'elle ne l'est que si l'événement formant la condition est au seul pouvoir de celui qui s'oblige ; que l'article 1174 du code civil applicable à l'espèce dispose que "Toute obligation est nulle lorsqu'elle est contractée sous une condition potestative de la part de celui qui s'oblige." ; qu'en l'espèce, celui qui s'oblige est Monsieur [S] ; qu'il s'oblige à céder ses actions s'il perd la qualité de salarié ou de collaborateur de la société ; qu'en revanche, Monsieur [M] n'a pas l'obligation de lever la promesse ; que le licenciement de Monsieur [S] était au pouvoir de la société [M] Deutschland et non au pouvoir de Monsieur [S] ; que dès lors la condition relative au licenciement ne peut entraîner la nullité du pacte et de la clause litigieuse ; que Monsieur [S] sera en conséquence débouté de sa demande tendant à voir annuler le pacte du fait de la condition purement potestative affectant les calcul du prix de cession ; que dès lors il n'est pas nécessaire d'examiner si la clause de détermination du prix de l'article 6.1 souffre ou non d'imprécision ; ET AUX MOTIFS EGALEMENT QUE, sur l'application de l'article 6.2 relatif au plafonnement du prix, Monsieur [S] soutient que l'article 6.2 ne s'applique pas aux titres acquis par le salarié avant l'adhésion au pacte, qu'il n'a pas fait l'objet d'un licenciement et enfin que la condition requise pour l'obtention du prix non plafonné est réputée accomplie ; que Monsieur [M] et les sociétés [M] font valoir que les titres acquis par Monsieur [S] l'ont bien été après la signature du pacte, que Monsieur [S] a fait l'objet d'un licenciement et enfin que ce n'est pas l'obligation de paiement du prix non plafonné qui est soumis à une condition suspensive mais le calcul du prix ; qu'aux termes de l'article 6.2 du pacte "les dispositions du présent article 6.2 ne sont pas applicables (...) aux titres acquis par le salarié avant la date des présentes." ; que la cour relève que le pacte a été signé le 9 mai 2006. Monsieur [S] y a adhéré selon lui le 11 juillet, [M] soutenant que la date d'adhésion est le 10 juillet ; que la cour considère que l'article 6.2 du pacte est une clause claire et précise et qu'elle ne nécessite pas d'interprétation ; qu'en effet, "la date des présentes" ne peut que se référer à la date d'entrée en vigueur du pacte, soit le 9 mai 2006 et non à la date de signature du pacte par chacun des futurs nouveaux actionnaires ; que cette interprétation est d'ailleurs confortée par l'article 9 du pacte selon lequel "les parties s 'engagent à ce qu'aucun titre de la Société ne soit émis, proposé à la vente ou cédé à une personne qui n'est pas déjà partie au présente Pacte d'actionnaires, à moins qu'elle n'ait formellement adhéré au Pacte selon l'engagement d'adhésion figurant en Annexe 2" ; qu'un salarié ne peut en conséquence acquérir des actions sans avoir déjà adhéré au pacte ; que c'est donc à tort que les premiers juges ont jugé que l'article 6.2 du pacte n'était pas applicable à Monsieur [S] ; que sur le licenciement de Monsieur [S], la cour a déjà observé que ce dernier avait bien fait l'objet d'un licenciement qu'il a d'ailleurs contesté devant les juridictions du travail allemandes, peu important que s'agissant d'une entreprise de moins de dix personnes les mesures protectrices du salarié soient moindres ; qu'enfin, les article 6.1 et 6.2 du pacte ne sont que des modalités de calcul du prix de cession des actions ; que l'article 6.1 n'oblige pas Monsieur [M] à payer à Monsieur [S] le prix non plafonné des actions sous la condition du non licenciement de ce dernier ; qu'il ne s'agit que d'une simple faculté pour lui ; que la cour a déjà affirmé que le débiteur de la condition était Monsieur [S] qui s'est engagé à céder ses actions, Monsieur [M] étant le créancier de l'obligation ; que les modalités de calcul du prix de cession dépendaient du pouvoir du créancier de l'obligation et non du débiteur ; que dès lors les dispositions de l'article 1178 du code civil en vigueur au moment des faits, selon lequel "La condition est réputée accomplie lorsque c'est le débiteur, obligé sous cette condition, qui en a empêché l'accomplissement" n'est pas applicable à l'espèce ; ET AUX MOTIFS QU'il résulte de ces développements que le pacte est valide et que l'article 6.2 du pacte est applicable à Monsieur [S] ; que dès lors Monsieur [M], qui s'est substitué la société [M] Gestion, a valablement levé l'option d'acquisition des actions de Monsieur [S] au prix stipulé dans l'article 6.2 du pacte ; que les dividendes attachés à ces actions, actuellement sous séquestre, seront versés à la société [M] Gestion et le séquestre sera levé ; 1°) ALORS QUE présente un caractère perpétuel et est à ce titre entaché de nullité, l'engagement dont la durée est telle qu'elle ne respecte pas la liberté individuelle de celui qui l'a souscrit ; qu'en déboutant Monsieur [S] de sa demande tendant à voir prononcer la nullité du Pacte d'Actionnaires de la Société [M] GESTION pour vice de perpétuité, en ce qu'il le liait jusqu'en 2088, motif pris qu'entre temps, il pouvait mettre fin à ses obligations résultant du Pacte en faisant jouer la garantie de liquidité, après avoir cependant constaté qu'avant cette échéance, Monsieur [S] n'était en droit de céder ses actions qu'à Monsieur [M] ou l'un de ses substitués, à un prix qu'il ne pouvait fixer lui-même, puisque déterminé selon des modalités de calcul prédéfinies, ce dont il résultait que Monsieur [S] ne pouvait librement mettre fin à ses obligations résultant du Pacte avant 2088 et que celui-ci était en conséquence affecté d'un vice de perpétuité, la Cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 1780 du Code civil ; 2°) ALORS QUE le prix de la vente doit être déterminé et désigné par les parties ; que si l'acte de vente n'a pas à porter lui-même l'indication du prix, lequel peut n'être que déterminable, la vente n'est parfaite que si l'acte permet, au vu de ses clauses, de déterminer le prix par des éléments ne dépendant pas de la seule volonté de l'une parties ou de la réalisation d'accord ultérieurs entre elles ; qu'en se bornant à énoncer, pour s'abstenir de rechercher si le prix de base de cession des actions, fixé par l'article 6.1 du Pacte d'Actionnaires, n'était pas déterminé ou déterminable, que le prix des actions de Monsieur [S] devait en toute hypothèse être plafonné en application de l'article 6.2 dudit Pacte, la Cour d'appel, qui ne s'est pas placée à la date de la signature du Pacte d'Actionnaires pour en apprécier la validité au regard de la détermination du prix, a violé l'article 1134 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, ensemble l'article 1591 du même code ; 3°) ALORS QUE le prix de la vente doit être déterminé et désigné par les parties ; que si l'acte de vente n'a pas à porter lui-même indication du prix, lequel peut n'être que déterminable, la vente n'est parfaite que si l'acte permet, au vu de ces clauses, de déterminer le prix par des éléments ne dépendant pas de la seule volonté de l'une parties ou de la réalisation d'accord ultérieurs entre elles ; que l'article 6.1 du Pacte d'Actionnaires fixe le prix de base de cession des actions de la Société [M] GESTION, dans la limite du plafond fixé par l'article 6.2 en cas de licenciement de l'actionnaire cédant ; qu'en affirmant, pour refuser d'annuler la Promesse de Vente I et la Promesse d'Achat I, que le prix était déterminable en ce qu'il avait été plafonné, bien que la détermination du prix de cession ait supposé de déterminer préalablement le prix de base, puis de le comparer avec le prix plafonné, de sorte que ce prix de base devait être déterminable, la Cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, ensemble l'article 1591 du même code ; 4°) ALORS QUE toute obligation est nulle lorsqu'elle a été contractée sous une condition potestative de la part de celui qui s'oblige ; qu'il en est ainsi lorsque le débiteur d'une obligation de somme d'argent se trouve en mesure d'échapper, par sa seule volonté, au paiement d'une partie de celle-ci ; qu'en énonçant, pour refuser d'annuler la Promesse de Vente I et la Promesse d'Achat à raison de la potestativité de l'article 6.2 du Pacte d'Actionnaire stipulant un prix plafonné en cas de licenciement de Monsieur [S], que le licenciement de celui-ci était au pouvoir de la Société [M] DEUTSCHLAND et non de Monsieur [M], sans rechercher, comme elle y était invitée, si ce dernier disposait de facto du pouvoir de licencier à tout moment Monsieur [S], du fait de ses mandats sociaux et de sa participation majoritaire indirecte dans le capital social de la Société CARMILLAC DEUTSCHLAND, ainsi que du régime juridique particulier du contrat conclu entre cette dernière et Monsieur [S], ce qui lui permettait d'échapper, par sa seule volonté, au paiement d'une partie du prix de cession, égale à la différence entre le prix de base et le prix plafonné, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1174 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ; 5°) ALORS QUE toute obligation est nulle lorsqu'elle a été contractée sous une condition potestative de la part de celui qui s'oblige ; qu'il en est ainsi lorsque le débiteur d'une obligation de somme d'argent se trouve en mesure d'échapper, par sa seule volonté, au paiement d'une partie de celle-ci ; qu'en énonçant, pour refuser d'annuler la Promesse de Vente I et la Promesse d'Achat I à raison de la potestativité engendrée par l'article 6.2 du Pacte d'Actionnaires, plafonnant le prix de cession au prix d'acquisition, dans l'hypothèse où Monsieur [S] ferait l'objet d'un licenciement, que ce licenciement conditionnait non pas l'obligation du débiteur, mais le droit du créancier, à savoir Monsieur [M], détenant le droit d'acquérir les actions, sans rechercher, comme elle y était invitée, si Monsieur [M] était lui-même obligé de s'acquitter du prix de cession sans pouvoir bénéficier d'un plafonnement, en cas de levée de l'une des Promesses en dehors de tout licenciement, de sorte que le prononcé du licenciement de Monsieur [S] lui permettait, en tant que débiteur, d'échapper au paiement d'une partie du prix de cession égale à la différence entre le prix de base et le prix plafonné, ce dont il résultait que la condition avait été stipulée en faveur du débiteur, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1174 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ; 6°) ALORS QUE, subsidiairement, l'article 6.2 du Pacte d'Actionnaires de la Société [M] GESTION stipule que le prix de cession des titres acquis dans les vingt-quatre mois précédent la rupture ne pourra excéder le prix d'acquisition des titres en question ; qu'il ajoute que ce plafonnement du prix de cession n'est pas applicable « aux Titres acquis par le Salarié avant la date des présentes » ; qu'il en résulte que ne sont pas soumis à un tel plafonnement, les titres acquis par le salarié avant son adhésion au Pacte d'Actionnaires ; qu'en affirmant néanmoins que « la date des présentes » ne pouvait que se référer à la date d'entrée en vigueur du Pacte d'Actionnaires, signé le 9 mai 2006 par les premiers adhérents audit Pacte et non à la date de sa signature par chacun des nouveaux actionnaires, la Cour d'appel a méconnu les termes clairs et précis de ce Pacte, en violation de l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; 7°) ALORS QUE, très subsidiairement, la condition est réputée accomplie lorsque c'est le débiteur, obligé sous cette condition, qui en a empêché l'accomplissement ; qu'en énonçant, pour débouter Monsieur [S] de sa demande tendant à voir juger que la cession de ses actions à Monsieur [M] interviendrait moyennant le prix fixé à l'article 6.1 du Pacte d'Actionnaires, applicable en l'absence de licenciement du cédant, que cet événement ne conditionnait pas l'obligation du débiteur mais le droit du créancier, à savoir Monsieur [M], et que les modalités de calcul du prix de cession dépendaient du pouvoir du créancier de l'obligation et non du débiteur, sans rechercher, comme elle y était invitée, si Monsieur [M] était lui-même obligé de s'acquitter du prix de cession sans pouvoir bénéficier d'un plafonnement, en cas de levée, par Monsieur [M], de la Promesse de Vente I en dehors de tout licenciement, de sorte que la non- réalisation de la condition, à savoir le licenciement de Monsieur [S], lui permettait de s'exonérer de son obligation de payer le prix de cession déplafonné, ce dont il résultait que la condition avait été stipulée en faveur du débiteur, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1178 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. SECOND MOYEN DE CASSATION IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Monsieur [O] [S] de ses demandes tendant à voir juger qu'il avait valablement exercé, les 20 et 21 juin 2016, les Options d'Achat d'Actions de la Société [M] GESTION, qui lui avaient été attribuées au mois de septembre 2011 pour un prix de 1.489.045 euros, et à voir, en conséquence, condamner cette dernière à lui livrer ou, subsidiairement, à réparer le préjudice découlant de la perte des options. lesdites actions moyennant paiement du prix ; AUX MOTIFS QU'aux termes de l'article 9.1 du Règlement du plan d'options d'achat d'actions de [M] Gestion du 4 juin 2010 "en cas de licenciement du bénéficiaire (...) pour quelque raison que ce soit, la totalité des actions attribuées au bénéficiaire révoqué ou licencié devient caduque à la date de notification du licenciement" ; que la société [M] Deutschland a adressé le 5 février 2014 une lettre à Monsieur [S] l'informant qu'elle mettait un terme à la relation de travail existant entre eux ; que c'est à juste titre que les premiers juges ont considéré qu'une rupture du contrat de travail à l'initiative de l'employeur s'analysait en un licenciement ; que par ailleurs le tribunal du travail de Francfort a estimé que ce licenciement n'était pas contraire aux bonnes moeurs ou à la bonne foi et qu'il n'était pas motivé par la volonté de priver Monsieur [S] des options d'achat qu'il détenait ; que le tribunal a donc exercé un contrôle sur le licenciement de Monsieur [S] même s'il s'agit d'un contrôle a minima ; que la rupture du contrat a été effectué par l'employeur de Monsieur [S], la société [M] Deutschland, société partie du groupe [M] mais qu'i n'est pas la filiale de Cannignac Gestion, débitrice du plan d'options d'achat d'actions ; que Monsieur [S] échoue à établir que la société [M] Gestion a eu un rôle dans son licenciement, la simple présence du logo de [M] Gestion sur la lettre de licenciement ne faisant que rappeler l'appartenance de [M] Deutschland au Groupe [M] mais ne faisant pas disparaître l'indépendance et l'autonomie des deux sociétés ; que dès lors il ne peut être reproché à la société [M] Gestion d'avoir licencié Monsieur [S] afin de le priver de ses options d'achat ; que la cour confirmera en conséquence le jugement attaqué en ce qu'il a débouté Monsieur [S] de sa demande de délivrance d'actions contre règlement du prix ; 1°) ALORS QU'en se bornant à énoncer, pour débouter Monsieur [S] de sa demande tendant à voir juger qu'il avait valablement exercé les Options d'Achat d'Actions de la Société [M] GESTION, que selon le Règlement du Plan d'Options d'Achat d'Actions, les options devenaient caduques à la date de notification du licenciement de leur bénéficiaire et que Monsieur [S] avait fait l'objet d'un licenciement par la Société [M] DEUTSCHLAND, sans rechercher, comme elle y était invitée, si les options ne pouvaient être frappées de caducité dès lors qu'elles avaient été attribuées à Monsieur [S] tandis qu'il était salarié de la Société [M] GESTION LUXEMBOURG et avait quitté cette société dans le cadre d'une rupture conventionnelle de son contrat de travail, ce dont il résultait qu'il n'avait pas fait l'objet d'un licenciement entraînant une telle caducité et que les options lui étaient définitivement acquises, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ; 2°) ALORS QUE la condition suspensive est réputée accomplie lorsque c'est le débiteur, obligé sous cette condition, qui en a empêché l'accomplissement ; que, symétriquement, la condition résolutoire est réputée défaillie lorsque c'est le débiteur, obligé sous cette condition, qui en a provoqué l'accomplissement ; qu'en se bornant à énoncer, pour décider que les Options d'Achat d'Actions de la Société [M] GESTION attribuées à Monsieur [S] étaient caduques, que selon le Règlement du Plan d'Options d'Achat d'Actions, lesdites options devenaient caduques à la date de notification du licenciement de leur bénéficiaire, que Monsieur [S] avait été licencié par la Société [M] DEUTSCHLAND et qu'il ne démontrait pas que la Société [M] GESTION, débitrice du Plan d'Options d'Achat d'Actions, avait eu un rôle dans son licenciement, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la Société [M] GESTION, qui détenait indirectement 99,99 % de la Société [M] DEUTSCHLAND, avait pu, par sa seule volonté, provoquer la réalisation la condition résolutoire de licenciement du bénéficiaire des options, de sorte que ladite condition était réputée défaillie, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1178 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 12 octobre 2022 M. MOLLARD, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 579 F-B Pourvoi n° 20-14.073 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 12 OCTOBRE 2022 La société Cobos, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° 20-14.073 contre l'arrêt rendu le 15 octobre 2019 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-1), dans le litige l'opposant au directeur général des finances publiques, domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Daubigney, conseiller, les observations de la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat de la société Cobos, de la SCP Foussard et Froger, avocat du directeur général des finances publiques, après débats en l'audience publique du 5 juillet 2022 où étaient présents M. Mollard, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Daubigney, conseiller rapporteur, M. Ponsot, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 15 octobre 2019) et les productions, la société de droit luxembourgeois Cobos (la société), propriétaire d'un bien immobilier à Saint-Jean-Cap-Ferrat, a pris l'engagement de communiquer à l'administration fiscale, à sa demande, les éléments d'information prévus à l'article 990 E, 3°, du code général des impôts afin d'être exonérée de la taxe de 3 % sur la valeur vénale des immeubles possédés en France par des entités juridiques qui ont leur siège dans un Etat membre de l'Union européenne ou dans un pays ou territoire ayant conclu avec la France une convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales ou dans un Etat ayant conclu avec la France un traité leur permettant de bénéficier du même traitement que les entités qui ont leur siège en France. 2. Considérant que la société n'avait pas respecté cet engagement pour les années 2010, 2011 et 2012, l'administration fiscale lui a notifié une proposition de rectification taxant d'office en matière de taxe de 3 % pour les trois années considérées. 3. Après mise en recouvrement des droits et pénalités et rejet implicite de sa réclamation contentieuse, la société a assigné l'administration fiscale en décharge de l'imposition réclamée. Examen du moyen Enoncé du moyen 4. La société fait grief à l'arrêt de dire qu'il n'y a pas lieu à décharge des impositions mises à sa charge au titre de la taxe de 3 % pour les années 2010, 2011 et 2012 et de rejeter toutes ses demandes, alors : « 1°/ que la preuve de l'actionnariat d'une société peut être rapportée par tout moyen ; que pour justifier l'identité de ses actionnaires au cours des années en litige, la société a produit les actes par lesquels les sociétés Intergem holding et Monegate holding ont transféré leurs dettes et leurs actions dans cette société à M. et Mme [D], le registre des actions nominatives de la société enregistrant le transfert d'actions, certifié par notaire lui donnant date certaine le 30 juillet 2008 soit quatre ans avant la demande de renseignement ; qu'en écartant ces actes, aux motifs qu'ils n'étaient que des actes sous seing privé et qu'il incombait à la société de produire des justificatifs soit déposés auprès des services publics de l'État du Luxembourg ou des autorités fiscales, soit authentifiés par un membre d'une profession réglementée, soit tenant aux flux financiers relativement au mouvement des actions, la cour a violé l'article 1358 du code civil, ensemble l'article 990 D du code général des impôts ; 2°/ que la cour a constaté que l'extrait du registre des actions nominatives de la société faisait état, de manière "univoque", de l'enregistrement du transfert des actions au nom de M. et Mme [D] ; qu'en s'abstenant de tirer les conséquences légales de ses propres constatations, d'où il résultait que la société avait régulièrement justifié de l'identité de ceux qui ont été ses actionnaires au cours des années en litige, la cour d'appel a violé l'article 990 D du code général des impôts ; 3°/ qu'il résulte des constatations de l'arrêt que la société a produit l'acte de cession des parts à M. et Mme [D] et le registre des actionnaires attestant de cette cession authentifié par notaire avec date certaine plusieurs années avant la demande de renseignement ; que la société a ainsi produit un ensemble d'éléments précis, concordants et non équivoques attestant de la réalité de la cession ; que l'arrêt attaqué n'a pas relevé le moindre élément produit par l'administration fiscale de nature à remettre en cause la réalité de cette cession ; qu'en jugeant néanmoins qu'en l'état des éléments produits, et en l'absence de justificatifs relatifs à des actes sociaux déposés auprès des services publics de l'État de l'entité, de déclaration déposée auprès des autorités fiscales, de document authentifié par un membre d'une profession réglementée ou encore notamment de tous justificatifs tenant aux flux financiers relativement au mouvement des actions, alors que le régime revendiqué est un régime dérogatoire d'interprétation stricte, il sera considéré que la société ne produit aucun élément convaincant de la détention des actions composant le capital social la cour d'appel a violé ensemble les articles 1353 et 1358 du code civil et 990 D du code général des impôts ; 4°/ qu'il résulte des constatations de la cour d'appel que la société a produit l'acte de cession et le registre des actionnaires attestant de cette cession authentifié par notaire avec date certaine plusieurs années avant la demande de renseignement ; que la société requérante a soutenu qu'en l'état de la production de cet ensemble d'éléments précis, concordants et non équivoques attestant de la réalité de la cession, et en l'absence du moindre élément produit ni même invoqué par l'administration de nature à remettre en cause la réalité de la cession il appartenait à tout le moins à l'administration fiscale de mettre en oeuvre la procédure d'assistance administrative ; que la cour d'appel, qui n'a pas répondu à ce moyen, a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 5°/ que nul ne peut être tenu de produire une preuve matériellement impossible à rapporter ; la société a exposé dans ses conclusions qu'eu égard au prix symbolique de trois euros auquel ses actions ont été cédées à M. et Mme [D], il lui était impossible de rapporter la preuve du flux financier auquel cette cession a donné lieu ; qu'en reprochant à l'exposante de ne pas avoir apporté des éléments justifiant de l'existence d'un transfert financier qui aurait corroboré la réalité de la cession intervenue en 2007 au bénéfice de M. et Mme [D], la cour d'appel a mis à sa charge une preuve impossible, violant ainsi l'article 1353 du code civil ; 6°/ que la société a exposé dans ses conclusions qu'eu égard à la législation luxembourgeoise dont elle relève il lui était impossible de verser au débat des pièces relatives à la cession de ses actions au bénéfice de M. et Mme [D] qui auraient été publiées au journal officiel luxembourgeois ou au registre du commerce et des sociétés de ce même État ; qu'en reprochant à l'exposante de ne pas avoir fourni des actes officiels ou publiés relatifs à la cession de ses actions au bénéfice de M. et Mme [D], la cour a mis à la charge de l'exposante une preuve impossible, violant à nouveau l'article 1353 du code civil. » Réponse de la Cour 5. Après avoir constaté que les sociétés Intergem et Monegate, associées fondatrices de la société Cobos, avaient, par trois conventions du 4 avril 2007, cédé leurs parts à M. et Mme [D], moyennant le paiement d'un prix global de trois euros, outre l'engagement d'apurer la dette de la société à hauteur de 30 970 euros, l'arrêt relève que si l'extrait du registre des actions nominatives de la société fait état de l'enregistrement du transfert des actions intervenu le 4 avril 2007, ce document est univoque en ce que l'information qui y figure émane uniquement de la société et de ses administrateurs, que la certification par un notaire le 30 juillet 2008 n'atteste que de la conformité du document à son original et que l'apostille par un inspecteur principal du ministère des affaires étrangères et de l'immigration n'authentifie que la qualité du notaire qui est intervenu pour certifier le document conforme à l'original, que l'attestation d'un notaire du 11 avril 2013 ne repose sur aucune autre recherche ou vérification que le registre des actions et qu'ainsi les actes de cessions ne sont que des actes sous seing privé ne pouvant corroborer la réalité économique de la cession des parts sociales en cause. 6. L'arrêt retient encore qu'il n'est pas démontré que M. et Mme [D] ont effectivement acquitté les dettes des sociétés cédantes et que les dispositions sur le transfert du passif ne résultant que d'un acte sous seing privé, la réalité de l'opération, en l'absence de justificatif d'un règlement, n'est pas établie. 7. L'arrêt retient enfin qu'il importe peu que le Luxembourg n'exige pas qu'une société publie spontanément au registre de commerce les actes relatifs aux cessions d'actions, ni même qu'une société ne puisse pas procéder à cette publication et que, même si la démonstration à la charge de la société bénéficiant du régime exonératoire peut être faite par tous moyens, en ce compris la preuve de flux financiers corrélatifs aux transactions invoquées, en l'état des éléments produits et en l'absence de justificatifs relatifs à des actes sociaux déposés auprès des services publics de l'État de l'entité, de déclaration déposée auprès des autorités fiscales, de document authentifié par un membre d'une profession réglementée ou encore de tous justificatifs tenant aux flux financiers relativement au mouvements des actions, alors que le régime revendiqué est un régime dérogatoire, la société ne produit aucun élément convaincant de la détention des actions composant son capital. 8. En l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel, qui a ainsi fait ressortir que la société ne rapportait pas la preuve qui lui incombait en application de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales, s'agissant d'une imposition établie par voie de taxation d'office, de la démonstration de son actionnariat et qui n'avait pas à la suivre dans le détail de son argumentation, a pu déduire que la société ne produisait aucun élément convaincant quant à la détention des actions composant son capital social et ne pouvait soutenir qu'il avait été procédé à un renversement à son détriment de la charge de la preuve ou que l'administration fiscale lui avait imposé de rapporter une preuve impossible. 9. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société Cobos aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Cobos et la condamne à payer au directeur général des finances publiques la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du douze octobre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat aux Conseils, pour la société Cobos. IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit qu'il n'y a pas lieu à décharge des impositions mises à la charge de la société Cobos au titre de la taxe de 3 % pour les années 2010, 2011 et 2012 et d'avoir rejeté toutes les demandes de la société Cobos ; AUX MOTIFS QUE la solution du litige exige que soient appréciés les différents éléments produits par l'intimée : - l'extrait du registre des actions nominatives de la société fait certes état de l'enregistrement du transfert des actions au nom de Monsieur et Madame [D] le 4 avril 2007, mais ce registre est un document univoque ; - le fait qu'il soit certifié par notaire le 30 juillet 2008 est également sans conséquence dans la mesure où le notaire n'a fait que certifier ainsi la conformité d'un document par rapport à l'original, sans procéder à aucune vérification de la réalité de l'information y contenue, laquelle émane de la seule société et de ses administrateurs ; - le fait également qu'il soit apostillé par l'inspecteur principal du ministère des affaires étrangères et de l'immigration est inutile, dès lors que cette apostille n'authentifie que la qualité du notaire qui est intervenu pour la certification conforme ; - l'attestation du même notaire du 11 avril 2013 ne repose par ailleurs sur aucune recherche ou vérification autre que le document univoque que constitue le registre des actions » ; - les actes de cession ne sont que des actes sous seing privé et rien ne vient corroborer la réalité économique desdites transactions » ; - les bilans n'apportent aucun élément convaincant de la composition de l'actionnariat » ; qu'il sera ajouté à ces considérations qu'aucune pièce ne démontre que monsieur et madame [D] ont effectivement acquitté les dettes des sociétés cédantes et que les dispositions sur le transfert du passif ne résultant que d'un acte sous seing privé, la réalité de l'opération, en l'absence de justificatif d'un règlement de ce chef, ne peut être considérée comme établie ; qu'il importe peu, pour l'appréciation du bien-fondé des exigences légales requises, que le Luxembourg n'exige pas qu'une société publie spontanément au registre de commerce les actes relatifs aux cessions d'actions, ni même qu'une société ne puisse pas procéder à cette publication ; que l'administration ne se prévaut pas de ce que le prix serait symbolique, mais de ce que la preuve du paiement du prix ou de la contrepartie de la cession n'est pas rapportée ; que même si la démonstration à la charge de la société bénéficiant du régime exonératoire peut être faite par tous moyens, la preuve des flux financiers corrélatifs aux transactions invoquées pouvant être l'un des moyens requis, il demeure qu'en l'état des éléments produits, et en l'absence de justificatifs relatifs à des actes sociaux déposés auprès des services publics de l'État de l'entité, de déclaration déposée auprès des autorités fiscales, de document authentifié par un membre d'une profession réglementée ou encore notamment de tous justificatifs tenant aux flux financiers relativement au mouvement des actions, alors que le régime revendiqué est un régime dérogatoire d'interprétation stricte, il sera considéré que la société ne produit aucun élément convaincant de la détention des actions composant le capital social et qu'elle ne peut prétendre, dans ces conditions, que l'administration lui imposerait un renversement de la charge de la preuve ou une preuve impossible ; 1° ALORS QUE la preuve de l'actionnariat d'une société peut être rapportée par tout moyen ; que pour justifier l'identité de ses actionnaires au cours des années en litige, la société Cobos a produit les actes par lesquels les sociétés Intergem holding et Monegate holding ont transféré leurs dettes et leurs actions dans cette société à M. et Mme [D], le registre des actions nominatives de la société enregistrant le transfert d'actions, certifié par notaire lui donnant date certaine le 30 juillet 2008 soit 4 ans avant la demande de renseignement ; qu'en écartant ces actes, aux motifs qu'ils n'étaient que des actes sous seing privé et qu'il incombait à l'exposante de produire des justificatifs soit déposés auprès des services publics de l'État du Luxembourg ou des autorités fiscales, soit authentifiés par un membre d'une profession réglementée, soit tenant aux flux financiers relativement au mouvement des actions, la cour a violé l'article 1358 du code civil, ensemble l'article 990 D du code général des impôts ; 2° ALORS QUE la cour a constaté que l'extrait du registre des actions nominatives de la société Cobos faisait état, de manière « univoque », de l'enregistrement du transfert des actions au nom de M. et Mme [D] ; qu'en s'abstenant de tirer les conséquences légales de ses propres constatations, d'où il résultait que la société Cobos avait régulièrement justifié de l'identité de ceux qui ont été ses actionnaires au cours des années en litige, la cour d'appel a violé l'article 990 D du code général des impôts ; 3° ALORS QU'il résulte des constatations de l'arrêt que la société Cobos a produit l'acte de cession des parts à M. et Mme [D] et le registre des actionnaires attestant de cette cession authentifié par notaire avec date certaine plusieurs années avant la demande de renseignement ; que la société a ainsi produit un ensemble d'éléments précis, concordants et non équivoques attestant de la réalité de la cession ; que l'arrêt attaqué n'a pas relevé le moindre élément produit par l'administration fiscale de nature à remettre en cause la réalité de cette cession ; qu'en jugeant néanmoins qu'en l'état des éléments produits, et en l'absence de justificatifs relatifs à des actes sociaux déposés auprès des services publics de l'État de l'entité, de déclaration déposée auprès des autorités fiscales, de document authentifié par un membre d'une profession réglementée ou encore notamment de tous justificatifs tenant aux flux financiers relativement au mouvement des actions, alors que le régime revendiqué est un régime dérogatoire d'interprétation stricte, il sera considéré que la société ne produit aucun élément convaincant de la détention des actions composant le capital social la cour d'appel a violé ensemble les articles 1353 et 1358 du code civil et 990 D du code général des impôts ; 4° ALORS QUE, en toute hypothèse, il résulte des constatations de la cour d'appel que la société Cobos a produit l'acte de cession et le registre des actionnaires attestant de cette cession authentifié par notaire avec date certaine plusieurs années avant la demande de renseignement ; que la société requérante a soutenu qu'en l'état de la production de cet ensemble d'éléments précis, concordants et non équivoques attestant de la réalité de la cession, et en l'absence du moindre élément produit ni même invoqué par l'administration de nature à remettre en cause la réalité de la cession il appartenait à tout le moins à l'administration fiscale de mettre en oeuvre la procédure d'assistance administrative ; que la cour d'appel, qui n'a pas répondu à ce moyen, a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 5° ALORS QUE nul ne peut être tenu de produire une preuve matériellement impossible à rapporter ; la société Cobos a exposé dans ses conclusions qu'eu égard au prix symbolique de 3 euros auquel ses actions ont été cédées à M. et Mme [D], il lui était impossible de rapporter la preuve du flux financer auquel cette cession a donné lieu ; qu'en reprochant à l'exposante de ne pas avoir apporté des éléments justifiant de l'existence d'un transfert financier qui aurait corroboré la réalité de la cession intervenue en 2007 au bénéfice de M. et Mme [D], la cour d'appel a mis à sa charge une preuve impossible, violant ainsi l'article 1353 du code civil, 6° ALORS QUE la société Cobos a exposé dans ses conclusions qu'eu égard à la législation luxembourgeoise dont elle relève il lui était impossible de verser au débat des pièces relatives à la cession de ses actions au bénéfice de M. et Mme [D] qui auraient été publiées au journal officiel luxembourgeois ou au registre du commerce et des sociétés de ce même État ; qu'en reprochant à l'exposante de ne pas avoir fourni des actes officiels ou publiés relatifs à la cession de ses actions au bénéfice de M. et Mme [D], la cour a mis à la charge de l'exposante une preuve impossible, violant à nouveau l'article 1353 du code civil.
CASS/JURITEXT000046437343.xml
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 12 octobre 2022 Cassation partielle Mme MOUILLARD, président Arrêt n° 598 FS-B Pourvoi n° K 19-18.945 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 12 OCTOBRE 2022 1°/ M. [C] [B], domicilié 24 avenue Duquesne, 75007 Paris, 2°/ M. [R] [P], domicilié 1744 Washington Way, 90291 Los Angeles - Californie (États-Unis), 3°/ la société Icadis, société à responsabilité limitée, dont le siège est 24 avenue Duquesne, 75007 Paris, 4°/ la société CBF associés, société civile professionnelle, dont le siège est 4 place de Wagram, 75017 Paris, en la personne de M. [Y] [G], agissant en qualité d'administrateur judiciaire de la société Icadis, 5°/ la société Actis mandataires judiciaires, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est 4 rue Antoine Dubois, 75006 Paris, en la personne de Mme [Z] [U], agissant en qualité de mandataire judiciaire de la société Icadis, ont formé le pourvoi n° K 19-18.945 contre l'arrêt rendu le 7 mai 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 8), dans le litige les opposant : 1°/ à M. [W] [M], domicilié 47 rue des Vignes, 75016 Paris, 2°/ à M. [N] [T], domicilié 2 rue Péreire, 78100 Saint-Germain-en-Laye, 3°/ à M. [I] [H], domicilié Halamed Hey 9, 90435 Efrata (Israël), 4°/ à M. [A] [L], domicilié 2850n Orchard St #2, 06250 Chicago IL 60657 (États-Unis), 5°/ à M. [E] [D], domicilié 31 rue Jean-Jacques Rousseau, 92150 Suresnes, 6°/ au Fonds commun de placement à risque (FCPR) Spef E-Fund, représenté par sa société de gestion, la société Seventure Partners, 7°/ au Fonds commun de placement dans l'innovation (FCPI) Banque populaire innovation, représenté par sa société de gestion, la société Seventure Partners, ayant tous deux leur siège 5-7 rue de Monttessuy, 75007 Paris, 8°/ au Fonds commun de placement dans l'innovation (FCPI) Crédit lyonnais innovation, dont le siège est 100 boulevard du Montparnasse, 75014 Paris, représenté par la société Crédit agricole Private Equity, aux droits de laquelle est venue la société Omnes Capital, dont le siège est 37-41 rue du Rocher, 75008 Paris, 9°/ à la société Omnes Capital, dont le siège est 37-41 rue du Rocher, 75008 Paris, 10°/ à la société Seventure Partners, société anonyme, dont le siège est 5-7 rue de Monttessuy, 75007 Paris, 11°/ à la société Moussedune LLC, 12°/ à la société Mousseville LLC, ayant toutes deux leur siège 9 West 57th Street Suite 4605, 10019 New York NY (États-Unis), 13°/ à la société Moussescale, dont le siège est Suite C/o Maples and Calder Ugland House South Church Street PO, Box 309GT George Town Grand Cayman (Iles Canaries), 14°/ à la société Moussetrap, dont le siège est Suite 3600 Toronto-Dominion Bank Tower 66 Wellington StreWest, MSK1N6 Toronto (Canada), 15°/ à la société Netgem, société anonyme, dont le siège est 10 avenue de l'Arche, 92419 Courbevoie cedex, 16°/ à la société Drake Star France, société par actions simplifiée, dont le siège est 25 boulevard Malesherbes, 75008 Paris, 17°/ à la société Vitis, société à responsabilité limitée, dont le siège est 10 avenue de l'Arche, 92400 Courbevoie, défendeurs à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les douze moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme de Cabarrus, conseiller référendaire, les observations de la SAS Hannotin Avocats, avocat de MM. [B] et [P] et des sociétés Icadis, CBF associés, ès qualités, et Actis mandataires judiciaires, ès qualités, de la SARL Ortscheidt, avocat de MM. [M], [T], [H], [L] et [D], du FCPI Banque populaire innovation, du FCPR Spef E-Fund, du FCPI Crédit lyonnais innovation, et des sociétés Seventure Partners, Omnes Capital, Moussescale, Moussetrap, Mousseville LLC et Moussedune LLC, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Netgem, de la SAS Buk Lament-Robillot, avocat de la société Drake Star France, de la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat de la société Vitis, et l'avis de Mme Gueguen, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 5 juillet 2022 où étaient présents Mme Mouillard, président, Mme de Cabarrus, conseiller référendaire rapporteur, M. Mollard, conseiller doyen, Mmes Graff-Daudret, Daubigney, Ponsot, M. Guerlot, Mmes Lion, Lefeuvre, Tostain, MM. Boutié, Gillis, Maigret, conseillers référendaires, Mme Gueguen, premier avocat général, et Mme Fornarelli, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 7 mai 2019) et les productions, en septembre 2006, le capital de la société anonyme Glow Entertainment Group (la société Glowria) était détenu par le fonds commun de placement dans l'innovation (FCPI) Banque populaire innovation 8, le FCPI Banque populaire innovation 9 et le fonds commun de placement à risque Spef E-Fund, représentés par leur société de gestion, la société Seventure Partners (la société Seventure), le FCPI Crédit lyonnais innovation 5 et le FCPI Crédit lyonnais innovation 6, représentés par leur société de gestion, la société Omnes Capital, les sociétés Moussescale, Moussetrap, Mousseville LLC et Moussedune LLC (les sociétés du groupe Mousse), ainsi que par MM. [P], [B], la société Icadis, MM. [M], [T], [H] et [D] et la société DVD Beteiligungs. Siégeaient au conseil d'administration de la société MM. [M], [B] et [P], ce dernier étant également président directeur général, ainsi qu'un représentant de la société Omnes Capital et un représentant de la société Seventure. 2. Des difficultés de trésorerie étant apparues fin 2006, le conseil d'administration de la société Glowria a confié à la société Lorentz Deschamps et associés, devenue la société Drake Star France, une mission de recherche de nouveaux investisseurs ou d'acquéreurs éventuels. La mission a été interrompue en février 2007 et, le 30 novembre 2007, la société Drake Star France a notifié à la société Glowria la résiliation de la convention. 3. Le 15 mai 2007, M. [L] a été nommé président du conseil d'administration de la société Glowria en remplacement de M. [P]. Le 28 juin 2007, l'assemblée ordinaire et extraordinaire de cette société a réduit le capital social à zéro puis l'a augmenté par émission d'actions nouvelles, avec droit préférentiel de souscription aux anciens actionnaires et conversion des avances en comptes courants en actions, et décidé l'attribution gratuite à tous les actionnaires de bons de souscription d'actions exerçables jusqu'au 31 décembre 2007. Les sociétés du groupe Mousse, M. [M] et les sociétés Omnes Capital et Seventure ont souscrit à l'augmentation de capital en utilisant la totalité de leurs droits. 4. Le 10 octobre 2007, la société Netgem a adressé aux investisseurs ayant souscrit à l'augmentation de capital une lettre d'intention non engageante aux termes de laquelle était envisagé un apport des actions de la société Glowria à la société Netgem en contrepartie de l'émission par celle-ci d'actions nouvelles pour un montant de 18 millions d'euros. Le 25 octobre 2007, le conseil d'administration de la société Glowria a autorisé la mise en place d'une « data room » pour un audit par la société Netgem. 5. Reprochant aux actionnaires majoritaires une stratégie concertée tendant à les évincer pour s'approprier à titre exclusif l'intégralité du produit de la cession de la société Glowria, MM. [P] et [B] et la société Icadis ont assigné, par actes des 8, 13 et 20 novembre 2007 et 8 février 2008, la société Glowria, la société Seventure, la société Omnes Capital, MM. [M], [T] et [H] et les sociétés du groupe Mousse, aux fins d'annulation de délibérations et de paiement de dommages-intérêts. 6. Le 5 décembre 2007, les sociétés du groupe Mousse, M. [M] et les sociétés Omnes Capital et Seventure ont conclu un contrat d'apport des actions Glowria à la société Netgem par échange d'actions, la société Glowria étant valorisée à 18,85 millions d'euros. 7. MM. [P] et [B] et la société Icadis n'ont pas exercé leurs bons de souscription d'actions dans le délai, expirant le 31 décembre 2007, imparti aux associés. 8. Ils ont assigné en intervention forcée la société Netgem, MM. [L] et [D], les fonds gérés par les sociétés Omnes Capital et Seventure et la société Drake Star France. 9. Le 1er août 2013, la société Glowria, devenue Video Futur Entertainment Group, a fait l'objet d'une fusion-absorption par la société Netgem. 10. Une procédure de sauvegarde a été ouverte au bénéfice de la société Icadis, les sociétés CBF associés et Actis mandataires judiciaires étant désignées administrateur et mandataire judiciaires. Recevabilité du pourvoi contestée par la défense 11. Le FCPI Banque populaire innovation et le fonds commun de placement à risque Spef E-Fund, représentés par leur société de gestion, la société Seventure, le FCPI Crédit lyonnais innovation, représenté par sa société de gestion, la société Omnes Capital, les sociétés du groupe Mousse, MM. [M], [T], [H], [L] et [D] et les sociétés Seventure et Omnes capital contestent la recevabilité du pourvoi, au motif que la déclaration de pourvoi ne vise pas expressément le FCPI Banque populaire innovation 8, le FCPI Banque populaire innovation 9, le FCPI Crédit lyonnais innovation 5 et le FCPI Crédit lyonnais innovation 6, mais seulement le « Fonds commun de placement dans l'innovation banque populaire innovation, dont le siège est 5/7 rue de Monttessuy, 75007 Paris, représenté par sa société de gestion, la société Seventure Partners » et le « Fonds commun de placement dans l'innovation Crédit lyonnais innovation, dont le siège est 100 boulevard du Montparnasse, 75014 Paris, représenté par sa société de gestion la société Omnes Capital dont le siège est 37-41 rue du Rocher, 75008 Paris. » 12. Cependant, aux termes de l'article 975 du code de procédure civile, la déclaration de pourvoi contient, à peine de nullité, l'indication des nom, prénoms et domicile du défendeur, ou, s'il s'agit d'une personne morale, de sa dénomination et de son siège social. 13. Il résulte des articles L. 214-8, L. 214-8-1 et L. 214-8-8 du code monétaire et financier d'une part, qu'un fonds commun de placement est constitué à l'initiative d'une société de gestion, d'autre part, qu'il n'a pas la personnalité morale et qu'il est représenté à l'égard des tiers par la société chargée de sa gestion, cette société pouvant agir en justice pour défendre ou faire valoir les droits ou intérêts des porteurs de parts. 14. La déclaration de pourvoi qui vise les FCPI et les sociétés chargées de leur gestion est donc régulière, peu important qu'elle ne mentionne pas les numéros des compartiments formant ces fonds. 15. Par conséquent, le pourvoi est recevable. Examen des moyens Sur le premier moyen, le troisième moyen, pris en sa seconde branche, le cinquième moyen, pris en ses deuxième et troisième branches, et les sixième, septième, huitième, neuvième, dixième et onzième moyens, ci-après annexés 16. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le deuxième moyen Enoncé du moyen 17. MM. [P] et [B], la société Icadis et les sociétés CBF associés et Actis mandataires judiciaires, ès qualités, font grief à l'arrêt de dire régulières la révocation de M. [P] en tant que président du conseil d'administration de la société Glowria et la nomination de M. [L] en tant que président, de dire le conseil d'administration de la société Glowria régulièrement composé et refuser d'annuler de ce chef les délibérations et décisions qu'il a prises à compter du 15 mai 2007 et de rejeter leur demande tendant à voir considérer M. [L] démissionnaire d'office et annuler, en conséquence, les délibérations et décisions prises par le conseil d'administration depuis le 15 août 2007, alors « que chaque administrateur doit être propriétaire d'un nombre d'actions de la société déterminé par les statuts, peu important qu'il siège en son nom propre ou au nom d'autrui ; que si, au jour de sa nomination, un administrateur n'est pas propriétaire du nombre d'actions requis ou si, en cours de mandat, il cesse d'en être propriétaire, il est réputé démissionnaire d'office, s'il n'a pas régularisé sa situation dans le délai de trois mois ; qu'en considérant que les sociétés Omnes Capital et Seventure n'étaient pas démissionnaires en ce qu'elles n'avaient pas à justifier de leur qualité d'actionnaire dès lors qu'elles ne siégeaient pas en leur nom propre au conseil d'administration de la société Glowria, la cour d'appel a violé l'article L. 225-25 du code de commerce dans sa rédaction applicable à la cause. » Réponse de la Cour 18. Si l'article L. 225-25 du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001, impose que chaque administrateur soit propriétaire d'un nombre d'actions de la société déterminé par les statuts, la société de gestion d'un FCPI désignée administratrice satisfait à cette exigence lorsque le fonds commun de placement qu'elle représente, au sens de l'article L. 214-25 du code monétaire et financier, dans sa rédaction issue de la loi n° 2003-706 du 1er août 2003, détient des actions de la société anonyme. 19. Le moyen n'est donc pas fondé. Sur le troisième moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 20. MM. [P] et [B], la société Icadis et les sociétés CBF associés et Actis mandataires judiciaires, ès qualités, font grief à l'arrêt de rejeter leur demande d'annulation de l'ordre du jour, de la convocation de l'assemblée générale du 28 juin 2007 et de l'assemblée générale du 28 juin 2007 et, en conséquence, de rejeter leurs demandes d'annulation de la réduction et de l'augmentation de capital et des actes d'exécution de ces opérations, les demandes de restitution en nature ou par équivalent monétaire des titres Glowria à MM. [B] et [P] et à la société Icadis exercées sur ce fondement, alors « que la cassation à intervenir au titre du premier [lire deuxième] moyen devra entraîner, par application de l'article 624 du code de procédure civile, la censure de l'arrêt en ce qu'il a débouté les exposants de leur demande en nullité de l'ordre du jour et de la convocation de l'assemblée générale du 28 juin 2007, de leur demande en nullité de l'assemblée générale du 28 juin 2007 et de leurs demandes d'annulation de la réduction et de l'augmentation de capital et des actes d'exécution de ces opérations, les demandes de restitution en nature ou par équivalent monétaire des titres Glowria à MM. [B] et [P] et à la société Icadis exercées sur ce fondement. » Réponse de la Cour 21. Le rejet du deuxième moyen rend le grief sans portée. Sur le quatrième moyen Enoncé du moyen 22. MM. [P] et [B], la société Icadis et les sociétés CBF associés et Actis mandataires judiciaires, ès qualités, font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes d'annulation des délibérations, résolutions et décisions prises par le conseil d'administration depuis le 15 août 2007, de l'assemblée générale du 28 juin 2007, de l'augmentation de capital non clôturée et de tous actes sociaux et décisions subséquents, de tous actes de préparation et d'exécution de cette opération, alors : « 1°/ que la cassation à intervenir au titre du premier [lire deuxième] moyen devra entraîner, par application de l'article 624 du code de procédure civile, la censure de l'arrêt en ce qu'il a débouté les exposants de leurs demandes de nullité des délibérations, résolutions et décisions prises par le conseil d'administration depuis le 15 août 2007, de l'assemblée générale du 28 juin 2007, de l'augmentation de capital non clôturée et de tous actes sociaux et décisions subséquents, de tous actes de préparation et d'exécution de cette opération ; 2°/ que la démission d'office du président du conseil d'administration, qui convoque le conseil d'administration, organise et dirige les travaux de celui-ci, et dispose d'une voix prépondérante en cas de partage des voix, affecte nécessairement la validité des décisions qui sont prises sous sa présidence ; qu'en estimant que la démission d'office de M. [A] [L] à compter du 15 août 2007 n'avait aucune incidence sur l'adoption des délibérations dont l'annulation est demandée, dès lors que seul M. [L] devant être déclaré démissionnaire d'office, le quorum du conseil d'administration était atteint et les décisions prises ont été adoptées à la majorité requise, la cour d'appel a violé les articles L. 225-37 et L. 225-51 du code de commerce. » Réponse de la Cour 23. D'une part, le rejet du deuxième moyen rend sans portée le moyen, pris en sa première branche. 24. D'autre part, ayant retenu que M. [L] n'était pas propriétaire d'actions de la société Glowria au jour de sa nomination, le 15 mai 2007, et qu'il n'avait pas régularisé sa situation à l'expiration du délai de trois mois imparti par l'article L. 225-25 du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001, la cour d'appel en a exactement déduit que les délibérations du conseil d'administration et de l'assemblée générale antérieures au 15 août 2007 n'étaient pas susceptibles d'être annulées. Elle a également retenu à juste titre que les délibérations postérieures au 15 août 2007 n'encouraient pas non plus l'annulation dès lors que, M. [L] étant le seul démissionnaire d'office, le quorum du conseil d'administration restait atteint et que les décisions prises avaient été adoptées à la majorité requise. 25. Le moyen ne peut donc être accueilli. Sur le douzième moyen Enoncé du moyen 26. MM. [P] et [B], la société Icadis et les sociétés CBF associés et Actis mandataires judiciaires, ès qualités, font grief à l'arrêt de déclarer irrecevables leurs demandes formées contre la société Drake Star France, alors « qu'une citation en justice, même en référé, un commandement ou une saisie, signifiés à celui qu'on veut empêcher de prescrire, interrompent la prescription ainsi que les délais pour agir ; qu'en énonçant que n'était pas interruptive de prescription l'assignation du 13 mai 2008, par laquelle MM. [B], [P] et la société Icadis ont fait assigner en intervention forcée la société Drake Star France aux côtés de la société Netgem, de MM. [L] et [D] et des fonds gérés par les sociétés Omnes Capital et Seventure, aux fins que le jugement à intervenir lui soit déclaré commun et opposable, lorsqu'il s'agissait pourtant d'une demande en justice exercée à son encontre de nature à interrompre la prescription, la cour d'appel a violé l'article 2244 du code civil dans sa rédaction applicable à la cause. » Réponse de la Cour 27. Une assignation en intervention forcée aux seules fins de déclaration de jugement commun n'a pas d'effet interruptif de prescription au sens de l'article 2244 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008. 28. Le moyen, qui postule le contraire, n'est donc pas fondé. Mais sur le cinquième moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 29. MM. [P] et [B], la société Icadis et les sociétés CBF associés et Actis mandataires judiciaires, ès qualités, font grief à l'arrêt de déclarer prescrites et irrecevables leurs demandes d'annulation de la convention Interonline, des conventions d'apports en compte courant d'associés et de l'incorporation au capital des avances en comptes courants, alors « que la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion ; qu'au cas présent, les exposants demandaient, dans le dispositif de leurs conclusions, que le jugement soit réformé pour les avoir déboutés de leur action en annulation de toutes opérations subséquentes, que leur action soit déclarée non prescrite et ils invoquaient, dans la discussion, de nombreux moyens tendant à écarter la prescription de leur action en annulation de la convention Interonline, des conventions d'apports en compte courant d'associés et de l'incorporation au capital des avances en comptes courants retenue par le tribunal ; qu'en énonçant qu'elle n'était pas saisie d'une demande tendant à infirmer le jugement en ce qu'il avait retenu la prescription d'une telle action, la cour d'appel a violé l'article 954 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Vu les articles 542 et 954 du code de procédure civile et 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 30. Aux termes du dernier texte, toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi. Il résulte des deux premiers que, lorsque l'appelant ne demande, dans le dispositif de ses conclusions, ni l'infirmation des chefs du dispositif du jugement dont il recherche l'anéantissement ni l'annulation du jugement, la cour d'appel ne peut que confirmer le jugement. Cependant, l'application immédiate de cette règle de procédure, qui a été affirmée par la Cour de cassation le 17 septembre 2020 (2e Civ., 17 septembre 2020, pourvoi n° 18-23.626) pour la première fois dans un arrêt publié, dans les instances introduites par une déclaration d'appel antérieure à la date de cet arrêt, aboutirait à priver les appelants du droit à un procès équitable. 31. Pour confirmer le jugement en ce qu'il déclare prescrites et irrecevables les demandes en annulation de la convention Interonline, des conventions d'apports en compte courant d'associés et de l'incorporation au capital des avances en comptes courants, l'arrêt retient que si les appelants demandent, dans le corps de leurs écritures, l'infirmation du jugement sur ce point et qu'il soit fait droit à leurs demandes, aucune demande d'infirmation du jugement en ce qu'il a dit prescrites et irrecevables ces trois demandes en annulation n'est reprise dans le dispositif de leurs conclusions. 32. En statuant ainsi, la cour d'appel a donné une portée aux articles 542 et 954 du code de procédure civile qui, pour être conforme à l'état du droit applicable depuis le 17 septembre 2020, n'était pas prévisible pour les parties à la date à laquelle elles ont relevé appel, soit le 21 octobre 2016, l'application de cette règle de procédure dans l'instance en cours aboutissant à priver MM. [B] et [P] et la société Icadis d'un procès équitable au sens de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Mise hors de cause 33. En application de l'article 625 du code de procédure civile, il y a lieu de mettre hors de cause, sur leur demande, la société Drake Star France et la société Vitis, dont la présence n'est pas nécessaire devant la cour de renvoi. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il confirme le jugement en tant qu'il déclare prescrites et irrecevables les demandes en annulation de la convention Interonline, des conventions d'apports en compte courant d'associés et de l'incorporation au capital des avances en comptes courants, et statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile sauf en ce qui concerne la société Drake Star France et la société Vitis, l'arrêt rendu le 7 mai 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ; Met hors de cause la société Drake Star France et la société Vitis ; Condamne le Fonds commun de placement innovation Banque populaire innovation et le Fonds commun de placement à risque Spef E-Fund, représentés par la société Seventure Partners, leur société de gestion, le Fonds commun de placement innovation Crédit lyonnais innovation, représenté par la société Omnes Capital, sa société de gestion, les sociétés Moussescale, Moussetrap, Mousseville LLC et Moussedune LLC, MM. [M], [T], [H], [L] et [D] et les sociétés Seventure Partners et Omnes Capital aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par le Fonds commun de placement innovation Banque populaire innovation et le Fonds commun de placement à risque Spef E-Fund, représentés par la société Seventure Partners, leur société de gestion, le Fonds commun de placement innovation Crédit lyonnais innovation, représenté par la société Omnes Capital, sa société de gestion, les sociétés Moussescale, Moussetrap, Mousseville LLC et Moussedune LLC, MM. [M], [T], [H], [L] et [D] et les sociétés Seventure Partners et Omnes Capital, les condamne in solidum à payer à MM. [P] et [B], à la société Icadis et aux sociétés CBF associés et Actis mandataires judiciaires, en leur qualité d'administrateur et mandataire judiciaires de la société Icadis, la somme globale de 3 000 euros, condamne in solidum MM. [P] et [B] à payer à la société Vitis la somme globale de 3 000 euros et les condamne à payer à la société Drake Star France la somme globale de 3 000 euros ; rejette la demande formée par la société Netgem ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, prononcé en l'audience publique du douze octobre deux mille vingt-deux, et signé par M. Mollard, conseiller doyen et Mme Graff-Daudret, conseiller le plus ancien, en remplacement du président et du conseiller rapporteur empêchés, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SAS Hannotin Avocats, avocat aux Conseils, pour MM. [B] et [P], la société Icadis, la société CBF associés, en la personne de M. [G], agissant en qualité d'administrateur judiciaire de la société Icadis et la société Actis mandataires judidiaires, en la personne de Mme [U], agissant en la personne de mandataire judiciaire de la société Icadis. PREMIER MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la demande de MM. [P] et [B] et de la société Icadis de production aux débats, par l'intermédiaire du ministère public, du rapport de valorisation de la société Glowria établi par le cabinet BD forces en décembre 2007 et versé dans la procédure d'information judiciaire ; Aux motifs que « MM. [P] et [B] et la société Icadis demandent à la cour, avant-dire droit, d'inviter le ministère public à transmettre au greffe de la chambre le rapport de valorisation de la société Glowria établi par le cabinet BD forces en décembre 2007 et versé dans la procédure d'information judiciaire. Les appelants soutiennent que ce document contredit les allégations des intimés sur la valorisation des filiales allemandes à fin 2007 et sur la justification de la dépréciation des participations de la société Glowria dans les filiales allemandes qu'ils ont opérée en mai 2007. Ils estiment qu'il permettrait de vérifier s'il n'existe pas un écart très substantiel entre la valorisation de ces actifs par les intimés dans le cadre de la cession des titres Glowria à la société Netgem au prix de 18,1 millions d'euros d'une part et la valorisation à 1 million d'euros résultant de la provision pour dépréciation faite en mai 2007 par les intimés d'autre part. La cour constate que les parties discutent longuement de la question de la provision pour dépréciation des actifs des filiales allemandes inscrite dans les comptes clos au 31 décembre 2006 de la société Glowria à la suite de la décision prise en ce sens en mai 2007 non par les intimés, comme l'affirment les appelants, mais à l'unanimité par le conseil d'administration de la société Glowria auquel MM. [P] et [B] ont participé. A l'appui de leur démonstration, les parties produisent toutes pièces utiles - dont celles ayant conduit à réévaluer la provision pour dépréciation des actifs allemands en mai 2007, date à laquelle la cour devra apprécier la pertinence de cette réévaluation -, deux rapports d'expertise établis à la demande des appelants et le rapport des commissaires aux apports du 19 février 2008 expliquant notamment la méthode de valorisation de la société Glowria au moment de la cession des titres Glowria à la société Netgem. La cour s'estime ainsi suffisamment éclairée par les pièces produites aux débats de sorte qu'il n'y a pas lieu d'y adjoindre le rapport établi par le cabinet BD forces. La demande de MM. [P] et [B] et de la société Icadis est donc rejetée. MM. [B], [P] et la société Icadis demandent par ailleurs à la cour d'ordonner à la société Netgem de remettre au greffe de la cour en vue de l'audience de plaidoiries les originaux de registre de titres et d'actionnaires de la société Glowria ou de les présenter à la cour et aux demandeurs lors de l'audience de plaidoirie. Une copie des pages pertinentes à la solution du litige du registre de titres et d'actionnaires de la société Glowria est produite aux débats. Les copies étant suffisamment lisibles pour apprécier le bien-fondé des critiques des appelants sur les mentions portées à ce registre, il n'y a pas lieu d'ordonner la communication des originaux ». 1) Alors que le juge, saisi d'une demande de communication de pièces, doit rechercher si la production litigieuse n'est pas indispensable à l'exercice du droit à la preuve et proportionnée aux intérêts antinomiques en présence ; qu'au cas présent, les exposants demandaient la production aux débats d'un rapport interne de valorisation établi en décembre 2007, commandé et validé par Netgem en concertation avec les majoritaires, en ce qu'il venait contredire leurs propres allégations sur l'évaluation des filiales allemandes ayant justifié l'augmentation de capital ; qu'en se bornant à relever qu'elle était suffisamment éclairée par les pièces déjà produites aux débats et constituées de rapports élaborés par des tiers, sans rechercher si le document litigieux, susceptible de constituer un aveu extrajudiciaire par Netgem en concertation avec les majoritaires de la surdépréciation des filiales allemandes, n'était pas indispensable à l'exercice du droit à la preuve et proportionnée aux intérêts antinomiques en présence, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; DEUXIEME MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt confirmatif ce chef d'avoir dit la révocation de M. [R] [P] en tant que président du conseil d'administration de la société Glowria et la nomination de M. [A] [L] en tant que président régulière, d'avoir dit le conseil d'administration régulièrement composé et refusé d'annuler de ce chef les délibérations et décisions prises par le conseil de la société Glowria à compter du 15 mai 2007 et d'avoir débouté les demandeurs de leur demande de considérer M. [A] [L], démissionnaire d'office et d'annuler, en conséquence, les délibérations et décisions prises par le conseil d'administration depuis le 15 août 2007 ; Aux motifs propres que « aux termes de l'article L. 225-25 du code de commerce, dans sa rédaction applicable à l'espèce, chaque administrateur doit être propriétaire d'un nombre d'actions de la société déterminé par les statuts et si, au jour de sa nomination, un administrateur n'est pas propriétaire du nombre d'actions requis ou si, en cours de mandat, il cesse d'en être propriétaire, il est réputé démissionnaire d'office, s'il n'a pas régularisé sa situation dans le délai de trois mois ; Les appelants soutiennent, sur le fondement de ces dispositions, que les sociétés Seventure et Omnes Capital, administrateurs de la société Glowria, doivent être considérées comme démissionnaires d'office aux motifs qu'au jour de leur nomination comme administrateur et à l'expiration du délai de trois mois pour régulariser la situation, elles n'étaient pas actionnaires de la société Glowria, seuls les fonds l'ayant été ; que Ils en déduisent que la révocation de M. [P] par le conseil d'administration réuni le 15 mai 2007 est nulle faute de majorité en ce sens compte tenu de la nullité des votes des représentants des sociétés Seventure et Omnes Capital ; que les sociétés de gestion et les fonds répliquent que la retranscription tardive des actions des sociétés Omnes capital et Seventure dans les registres de la société Glowria ne leur est pas imputable ; que la société Netgem fait valoir que les sociétés Omnes capital et Seventure ont régulièrement siégé au conseil d'administration, qu'elles ont en effet exercé, en leur qualité de société de gestion des fonds d'investissement, les prérogatives attachées aux actions que détenaient ces fonds qui sont dépourvus de la personnalité morale ; que M. [P] ne peut se prévaloir de sa propre carence dans la tenue des registres de la société Glowria lorsqu'il en était le président-directeur général ; qu'il résulte du registre des titres de la société Glowria que le fonds FCPR SPEF E-Fund est entré au capital de la société le 28 juin 2005 et que les fonds FCPI Banque populaire innovation 8, FCPI Banque populaire innovation 9, FCPI Crédit lyonnais innovation 5 et FCPI Crédit lyonnais innovation 6 sont entrés au capital de la société le 6 avril 2006 ; qu'aux termes du pacte d'actionnaires, conclu par les sociétés Omnes capital et Seventure agissant en leur nom propre et au nom et pour le compte des fonds dont elles sont la société de gestion, un administrateur est désigné sur la base d'une liste de candidats proposés par la société Seventure et un autre sur la base d'une liste de candidats proposés par la société Omnes capital ; que c'est en cette qualité de société de gestion des fonds actionnaires et en tant qu'elles exerçaient les prérogatives attachées aux titres détenus par les fonds résultant du pacte d'actionnaires, que les sociétés Omnes capital et Seventure ont siégé au conseil d'administration de la société Glowria ; que ne siégeant pas en leur nom propre au conseil d'administration, elles n'avaient pas à justifier de leur qualité d'actionnaire ; que le conseil d'administration, régulièrement composé, a dès lors valablement décidé la révocation de M. [P] en sa qualité de président ; que sur l'irrégularité de la désignation de M. [L] comme administrateur supplémentaire ; que les appelants soutiennent que les articles L ; que 225-17 et L ; que 225-24 du code de commerce permettant la nomination d'administrateur par le conseil d'administration ne sont applicables qu'en cas de vacance par décès ou par démission et dans le cas où le nombre des administrateurs est devenu inférieur au minimum statutaire, qu'en l'espèce ces deux conditions n'étaient pas réunies de sorte que la nomination de M. [L] comme administrateur par le conseil d'administration du 15 mai 2007 est irrégulière ; qu'ils estiment que l'assemblée générale du 28 juin 2007 n'a pu régulariser cette nullité de fond ; que les actionnaires majoritaires, d'une part, et la société Netgem, d'autre part, répliquent que la désignation de M. [L] comme administrateur s'inscrit dans le champ d'application de l'article L. 225-17 du code de commerce et qu'elle a été ratifiée par l'assemblée générale du 28 juin 2007 ; qu'aux termes de l'article L. 225-17 du code de commerce, dans sa rédaction applicable en la cause, la société anonyme est administrée par un conseil d'administration composé de trois membres au moins ; que Les statuts fixent le nombre maximum des membres du conseil, qui ne peut dépasser dix-huit ; que toutefois, en cas de décès, de démission ou de révocation du président du conseil d'administration et si le conseil n'a pu le remplacer par un de ses membres, il peut nommer, sous réserve des dispositions de l'article L. 225-24, un administrateur supplémentaire qui est appelé aux fonctions de président ; que M. [P] ayant été régulièrement révoqué comme président du conseil d'administration et n'étant pas discuté le fait que le conseil n'a pas pu le remplacer par l'un de ses membres, le conseil pouvait, conformément à ces dispositions, procéder à la nomination d'un administrateur supplémentaire appelé aux fonctions de président, et ce quel que soit le nombre d'administrateurs siégeant au conseil ; que la désignation de M. [L] comme administrateur supplémentaire et président du conseil d'administration de la société Glowria n'est donc entachée d'aucune irrégularité ; que sur la démission d'office de M. [L] ; qu'à l'appui de leurs demandes d'annulation de l'assemblée générale du 28 juin 2007 exposées dans le dispositif de leurs conclusions, MM. [P] et [B] et la société Icadis soutiennent également que M. [L] n'ayant jamais été actionnaire de la société Glowria avant le coup d'accordéon doit être considéré, en application de l'article L. 225-25 du code de commerce comme démissionnaire d'office au 15 août 2007 ; que la démission d'office alléguée de M. [L], à la supposer établie, n'est en toute hypothèse pas susceptible d'affecter la régularité des conseils d'administration des 15 et 22 mai, du 6 juin et du 9 juillet 2007 et de l'assemblée générale du 28 juin 2007 puisque, comme l'affirment les appelants eux-mêmes, elle n'est susceptible de produire ses effets qu'à l'expiration du délai de trois mois prévu par l'article L ; que 225-25 du code de commerce sus rappelé, soit le 15 août 2007 » (arrêt attaqué, p. 18-19) ; Aux motifs adoptés que « les demandeurs soutiennent que Seventure et CAPE sont démissionnaires d'office faute d'avoir transcrit au registre des mouvements de titres de la société une cession d'action d'administrateur à leur profit en application des dispositions de l'article L. 225-25 du code de commerce dans sa version du 15 mai 2007 ; qu'ils affirment ainsi que l'action d'administrateur de Seventure Partners aurait dû être retranscrite dans les registres de GLOWRIA avant le 28 septembre 2005 et que l'action d'administrateur de CAPE aurait dû être retranscrite avant le 6 juillet 2006, et que faute de ces retranscriptions ils doivent être déclarés démissionnaires d'office ; que depuis ces dates, Seventure et CAPE ont été régulièrement convoqués aux réunions du conseil d'administration et aux assemblées générales par M. [P] qui en était président jusqu'au 15 mai 2007 ; que ces contestations n'ont jamais été portées à la connaissance des intéressés avant le dépôt des conclusions des demandeurs du mois de mars 2015, soit plus de 9 ans après les faits soi-disant litigieux ; que l'article R. 228-8 du code de commerce précise que « les registres de titres nominatifs émis par une société sont établis par cette société au par une personne qu'elle habilite à cet effet », qu'ainsi la responsabilité de la tenue de ces registres revient au responsable légal de ladite société ; que M. [P] était président et représentant légal de GLOWRIA jusqu'au 15 mai 2007, qu'il appartenait donc à la société et donc à M. [P], de veiller à la régularité des inscriptions dans les registres de la société et qu'il ne saurait aujourd'hui rejeter la responsabilité de l'éventuelle mauvaise tenue des registres le d'une retranscription tardive sur ses successeurs et se prévaloir de sa propre carence pour contester la qualité d'administrateur de Seventure et de CAPE ; de surcroît, que Seventure et Cape, société de gestion des fonds d'investissement qui ne sont pas dotés de la personnalité morale, agissaient en vertu des prérogatives attachées aux actions détenues par ceux-ci, Le tribunal dira que Seventure et CAPE étaient administrateurs de GLOWRIA lors des réunions des Conseils d'administration litigieux et dira en conséquence leurs votes concernant les résolutions de révocation de M. [P] en tant que président du conseil d'administration et de nomination de M. [A] [L] en tant que président, valables ; que les demandeurs soutiennent que la nomination de M.[A] [L], comme administrateur supplémentaire, puis comme président de GLOWRIA, est illicite, car contraire à l'article L. 225-17 du code de commerce ; qu'ils défendent que celui-ci, qui dispose que « Toutefois en cas de décès, de démission ou de révocation du président du conseil d'administration et si le conseil n'a pu le remplacer par un de ses membres, il peut nommer, sous réserves des dispositions de l'article L. 225-24, un administrateur supplémentaire qui est appelé aux fonctions de président » ne s'applique que lorsque le nombre maximum d'administrateurs autorisé par la loi (18) est atteint ou lorsque ce nombre est inférieur au minimum légal de 3 administrateurs ; que les limitations reconnues à cette capacité de nomination provisoire et concernant les nombres maximum et minimum prévues par l'article L. 225-24 ne concernent que les cas de décès ou de démission, et non le cas de l'espèce de révocation ; que le conseil du 15 mai 2007 a voté la révocation de M. [P] en tant que président et que, comme il est rappelé au procès-verbal du conseil, aucun de ses membres ne souhaitant accepter les fonctions de président, il était fondé, en application de l'article L. 225-17 du code de commerce, à désigner en la personne de M. [A] [L], un administrateur supplémentaire ; que la nomination de M. [A] [L] a été ratifiée par l'assemblée générale du 28 juin 2007, conformément aux articles L. 225-24 et L. 225-17 du code de commerce, Le tribunal la dira régulière, En conséquence, le tribunal dira le conseil d'administration régulièrement composé et refusera d'annuler de ce chef les délibérations et décisions prises par te conseil de GLOWRIA à compter du 15 mai 2007, à savoir les décisions du Conseil d'Administration du 22 mai 2007, dont la résolution n° d'approbation de la seconde convention de compte-courant ; et juger irrégulier le procès-verbal signé d'un seul administrateur valide, la délibération et résolution 4 du Conseil d'Administration du 6 juin 2007 partant convocation de l'assemblée Générale Ordinaire et Extraordinaire de la société GLOW ENTERTAINMENT GROUP SA. au 28 juin 2007, la délibération et résolution 5 du Conseil d'Administration du 6 juin 2007 concernant l'approbation des conditions de rémunération d'[A] [L] et d'interOnline SA, la délibération et résolution 6 (autorisation de procéder à l'arrêté de comptes courants d'actionnaires) et la délibération et résolution 7 (approbation du transfert de siège social) du Conseil d'Administration du 9 juillet 2007 ; les délibérations et résolutions du Conseil d'Administration du 5 octobre 2007 n° l (approbation des procès-verbaux des conseils des 9 et 17 juillet 2007), n° 2 (transfert du siège), n° 3 (constat de clôture d'augmentation de capital par délégation de l'Assemblée Générale Ordinaire et Extraordinaire de la société GLOW ENTERTAINMENT GROUP SA. du 28 juin 2007), n° 4 (modification du capital social par délégation de l'assemblée Générale Ordinaire et Extraordinaire de la société GLOW ENTERTAINMENT GROUP S.A. du 28 juin 2007), et n° 5 (modification de la table d'attribution des BSPCE par délégation de l'Assemblée Générale Ordinaire et Extraordinaire de la société GLOW ENTERTAINMENT GROUP SA du 28 juin 2007), la délibération et résolution n° 2 (autorisation de data room en faveur de Netgem) du Conseil d'Administration du 25 octobre 2007 la délibération et résolution n®2 du Conseil d'Administration du 22 novembre 2007 autorisant la poursuite des pourparlers en vue la cession de l'activité DVD à Netleih, la délibération et résolution n*2 (autorisation de vendre les actifs DVD allemands à Netleih) du Conseil d'Administration du 10 décembre 2007, la délibération et résolution n° l (validation des procès-verbaux de Conseils des 25 octobre 2007 et 29 novembre 2007) et la délibération et résolution n° 3 (constat d'augmentation de capital par exercice de BAS et BSPCE tranche 1) du Conseil d'Administration du B février 200B, et de juger nul l'ordre du jour de l'Assemblée Générale Ordinaire et Extraordinaire de la société GLOW ENTERTAINMENT GROUP SA fixée au 28 juin 2007, d'annuler les convocations à l'Assemblée Générale Ordinaire et Extraordinaire de la société GLOW ENTERTAINMENT GROUP SA. fixée au 28 juin 2007 et d'annuler l'Assemblée Générale Ordinaire et Extraordinaire du 28 juin 2007 de la société GLOW ENTERTAINMENT GROUP SA et l'augmentation de capital subséquentes » ; Alors que chaque administrateur doit être propriétaire d'un nombre d'actions de la société déterminé par les statuts, peu important qu'il siège en son nom propre ou au nom d'autrui ; que si, au jour de sa nomination, un administrateur n'est pas propriétaire du nombre d'actions requis ou si, en cours de mandat, il cesse d'en être propriétaire, il est réputé démissionnaire d'office, s'il n'a pas régularisé sa situation dans le délai de trois mois ; qu'en considérant que les sociétés Omnes capital et Seventure n'étaient pas démissionnaires en ce qu'elles n'avaient pas à justifier de leur qualité d'actionnaire dès lors qu'elles ne siégeaient pas en leur nom propre au conseil d'administration de la société Glowria, la cour d'appel a violé l'article L. 225-25 du code de commerce dans sa rédaction applicable à la cause. TROISIEME MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt confirmatif de ce chef d'avoir débouté les exposants de leur demande en nullité de l'ordre du jour et de la convocation de l'assemblée générale du 28 juin 2007 et de leur demande en nullité de l'assemblée générale du 28 juin 2007 et d'avoir en conséquence débouté les exposants de leurs demandes d'annulation de la réduction et de l'augmentation de capital et des actes d'exécution de ces opérations, les demandes de restitution en nature ou par équivalent monétaire des titres Glowria à MM. [B] et [P] et à la société Icadis exercées sur ce fondement ; Aux motifs propres que « le conseil d'administration réuni les 15 mai et 6 juin 2007 étant régulièrement composé le vote de ses délibérations n'est entaché d'aucune irrégularité de ce chef. L'approbation de la convocation de l'assemblée générale fixée au 28 juin 2007, adoptée à la majorité, n'est donc elle-même atteinte par aucune nullité ; que sur la nullité de l'assemblée générale du 28 juin 2007 ; que par suite de la régularité de sa convocation par un conseil d'administration régulièrement composé, l'assemblée générale n'est entachée d'aucune nullité de ce chef ; que MM. [P] et [B] et la société Icadis soulèvent également la nullité de l'assemblée générale du 28 juin 2007 en raison de la violation des articles R. 225-102 et R. 225-113 du code de commerce sanctionnée par une nullité impérative prévue par l'article L. 225-149-3 du même code, et de la surdépréciation des titres de la filiale allemande en violation des articles L. 123-14 et L. 123-17 du code de commerce ; que la société Netgem soutient que l'article R. 225-113 du code de commerce n'est pas sanctionné par la nullité, que les appelants ne démontrent pas que le rapport du conseil d'administration ne répondrait pas aux prescriptions de ces dispositions et qu'en tant qu'administrateurs ils ont disposé de toutes les informations utiles ; que de prétendues violations des articles L. 123-14 et L. 123-17 du code de commerce ne sont pas susceptibles d'entraîner la nullité de l'assemblée générale ; qu'en vertu de l'article L. 225-149-3 du code de commerce, dans sa rédaction applicable en la cause est sanctionnée par la nullité la violation des dispositions des articles L. 225-129, L. 225-100, 225-100-2 du même code ; qu'aux termes des articles L. 225-100 et L. 225-100-2, dans leur rédaction applicable en la cause, le conseil d'administration présente à l'assemblée générale ordinaire son rapport, les comptes annuels et, le cas échéant, les comptes consolidés accompagnés du rapport de gestion y afférent. En l'espèce, les appelants ne précisent pas les carences susceptibles d'affecter le rapport de gestion, lequel reprend les informations utiles relatives à l'exercice clos le 31 décembre 2006 ; qu'aux termes de l'article L. 225-129, l'assemblée générale extraordinaire est seule compétente pour décider, sur le rapport du conseil d'administration ou du directoire, une augmentation de capital immédiate ou à terme. Seules ces dispositions, qui ne renvoient à aucun décret d'application pour définir le contenu de ce rapport, sont sanctionnées par la nullité de l'assemblée générale ; que l'article R. 225-113, qui n'est pas issu d'un décret d'application de l'article L. 225-129 et qui définit le contenu du rapport, n'est sanctionné par aucune nullité de l'assemblée générale ; qu'étant constant qu'un rapport du conseil d'administration sur l'augmentation de capital a été présenté à l'assemblée générale extraordinaire, aucune nullité de ce chef n'est établie ; que l'assemblée générale du 28 juin 2007 n'est dès lors entachée d'aucune nullité ; qu'il résulte de ce qui précède que les demandes d'annulation de la réduction et de l'augmentation de capital et des actes d'exécution de ces opérations, les demandes de restitution en nature ou par équivalent monétaire des titres Glowria à MM. [B] et [P] et à la société Icadis doivent être rejetées sur ce fondement » (arrêt attaqué, p. 20) ; Aux motifs adoptés que « le tribunal dira le conseil d'administration régulièrement composé et refusera d'annuler de ce chef les délibérations et décisions prises par te conseil de GLOWRIA à compter du 15 mai 2007, à savoir les décisions du Conseil d'Administration du 22 mai 2007, dont la résolution n° d'approbation de la seconde convention de compte-courant ; et juger irrégulier le procès-verbal signé d'un seul administrateur valide, la délibération et résolution 4 du Conseil d'Administration du 6 juin 2007 partant convocation de l'assemblée Générale Ordinaire et Extraordinaire de la société GLOW ENTERTAINMENT GROUP SA. au 28 juin 2007, la délibération et résolution 5 du Conseil d'Administration du 6 juin 2007 concernant l'approbation des conditions de rémunération d'[A] [L] et d'interOnline SA, la délibération et résolution 6 (autorisation de procéder à l'arrêté de comptes courants d'actionnaires) et la délibération et résolution 7 (approbation du transfert de siège social) du Conseil d'Administration du 9 juillet 2007 ; les délibérations et résolutions du Conseil d'Administration du 5 octobre 2007 n° l (approbation des procès-verbaux des conseils des 9 et 17 juillet 2007), n° 2 (transfert du siège), n° 3 (constat de clôture d'augmentation de capital par délégation de l'Assemblée Générale Ordinaire et Extraordinaire de la société GLOW ENTERTAINMENT GROUP SA. du 28 juin 2007), n° 4 (modification du capital social par délégation de l'assemblée Générale Ordinaire et Extraordinaire de la société GLOW ENTERTAINMENT GROUP S.A. du 28 juin 2007), et n° 5 (modification de la table d'attribution des BSPCE par délégation de l'Assemblée Générale Ordinaire et Extraordinaire de la société GLOW ENTERTAINMENT GROUP SA du 28 juin 2007), la délibération et résolution n° 2 (autorisation de data room en faveur de Netgem) du Conseil d'Administration du 25 octobre 2007 la délibération et résolution n° 2 du Conseil d'Administration du 22 novembre 2007 autorisant la poursuite des pourparlers en vue la cession de l'activité DVD à Netleih, la délibération et résolution n° 2 (autorisation de vendre les actifs DVD allemands à Netleih) du Conseil d'Administration du 10 décembre 2007, la délibération et résolution n° l (validation des procès-verbaux de Conseils des 25 octobre 2007 et 29 novembre 2007) et la délibération et résolution n° 3 (constat d'augmentation de capital par exercice de BSA et BSPECE tranche 1) du Conseil d'Administration du B février 200B, et de juger nul l'ordre du jour de l'Assemblée Générale Ordinaire et Extraordinaire de la société GLOW ENTERTAINMENT GROUP SA fixée au 28 juin 2007, d'annuler les convocations à l'Assemblée Générale Ordinaire et Extraordinaire de la société GLOW ENTERTAINMENT GROUP SA. fixée au 28 juin 2007 et d'annuler l'Assemblée Générale Ordinaire et Extraordinaire du 28 juin 2007 de la société GLOW ENTERTAINMENT GROUP SA et l'augmentation de capital subséquentes ». 1) Alors que la cassation à intervenir au titre du premier moyen devra entraîner, par application de l'article 624 du code de procédure civile, la censure de l'arrêt en ce qu'il a débouté les exposants de leur demande en nullité de l'ordre du jour et de la convocation de l'assemblée générale du 28 juin 2007, de leur demande en nullité de l'assemblée générale du 28 juin 2007 et de leurs demandes d'annulation de la réduction et de l'augmentation de capital et des actes d'exécution de ces opérations, les demandes de restitution en nature ou par équivalent monétaire des titres Glowria à MM. [B] et [P] et à la société Icadis exercées sur ce fondement ; 2) Alors qu'est nulle une délibération de l'assemblée générale décidant une augmentation de capital, dès lors qu'elle a statué sur un rapport du conseil d'administration non conforme aux exigences de l'article R. 225-13 du code de commerce ; qu'en statuant en sens contraire, la cour d'appel a violé l'article les articles L. 225-149-3, L. 225-129 et R. 225-13 du code de commerce ; QUATRIEME MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt confirmatif de ce chef d'avoir débouté les exposants de leurs demandes de nullité des délibérations, résolutions et décisions prises par le conseil d'administration depuis le 15 août 2007, de l'assemblée générale du 28 juin 2007, de l'augmentation de capital non clôturée et de tous actes sociaux et décisions subséquents, de tous actes de préparation et d'exécution de cette opération ; Aux motifs propres qu'« aux termes de l'article L. 225-25 du code de commerce, dans sa rédaction applicable à l'espèce, chaque administrateur doit être propriétaire d'un nombre d'actions de la société déterminé par les statuts et si, au jour de sa nomination, un administrateur n'est pas propriétaire du nombre d'actions requis ou si, en cours de mandat, il cesse d'en être propriétaire, il est réputé démissionnaire d'office, s'il n'a pas régularisé sa situation dans le délai de trois mois » ; que ces dispositions impliquent qu'est démissionnaire d'office l'administrateur qui n'a pas régularisé sa situation, par l'inscription du transfert d'actions à son profit sur le registre des mouvements de titres de la société, dans le délai de trois mois requis, et ce quelles que soient les circonstances à l'origine du défaut d'inscription en compte. M. [L] n'étant susceptible d'être considéré comme démissionnaire d'office qu'après l'expiration du délai de trois mois ayant commencé à courir au jour de sa désignation comme administrateur, soit le 15 mai 2007, les délibérations du conseil d'administration réuni les 22 mai, 6 juin et 9 juillet 2007 ne sont en toutes hypothèses entachées d'aucune nullité résultant de moyen de nullité soulevé par les appelants ; qu'il en est de même de l'assemblée générale du 28 juin 2007 qui n'est pas susceptible d'être annulée en conséquence d'une éventuelle nullité des délibérations du conseil d'administration réuni postérieurement ; que le 6 juin 2007, la société Seventure partners, en sa qualité de société de gestion du fonds Spef E-Fund, a consenti un prêt de consommation d'une action à M. [L], le contrat étant régi par les articles 1892 et suivants du code civil, et ce à titre gratuit et pour une durée indéterminée ; qu'aux termes de l'article 1893 du code civil, par l'effet de ce prêt l'emprunteur devient le propriétaire de la chose prêtée. La clause du contrat stipulant l'engagement de M. [L] de reverser au prêteur les éventuels dividendes perçus de la société n'est pas de nature à remettre en cause le transfert de propriété de l'action ; qu'il n'est cependant contesté par aucune des parties que l'inscription en compte de ce transfert de propriété n'est intervenue que le 1er septembre 2007 de sorte que M. [L] doit être considéré comme démissionnaire d'office à compter du 15 août 2007 ; que cette situation n'a toutefois aucune incidence sur l'adoption des délibérations dont l'annulation est demandée ; qu'en effet, seul M. [L] devant être déclaré démissionnaire d'office, le quorum du conseil d'administration était atteint et les décisions prises ont été adoptées à la majorité requise ; que les demandes de nullité doivent donc être rejetées » (Arrêt attaqué, p. 21 et 22) ; Aux motifs adoptés que « le tribunal dira le conseil d'administration régulièrement composé et refusera d'annuler de ce chef les délibérations et décisions prises par te conseil de GLOWRIA à compter du 15 mai 2007, à savoir les décisions du Conseil d'Administration du 22 mai 2007, dont la résolution n° d'approbation de la seconde convention de compte-courant ; et juger irrégulier le procès-verbal signé d'un seul administrateur valide, la délibération et résolution 4 du Conseil d'Administration du 6 juin 2007 partant convocation de l'assemblée Générale Ordinaire et Extraordinaire de la société GLOW ENTERTAINMENT GROUP SA. au 28 juin 2007, la délibération et résolution 5 du Conseil d'Administration du 6 juin 2007 concernant l'approbation des conditions de rémunération d'[A] [L] et d'interOnline SA, la délibération et résolution 6 (autorisation de procéder à l'arrêté de comptes courants d'actionnaires) et la délibération et résolution 7 (approbation du transfert de siège social) du Conseil d'Administration du 9 juillet 2007 ; les délibérations et résolutions du Conseil d'Administration du 5 octobre 2007 n° l (approbation des procès-verbaux des conseils des 9 et 17 juillet 2007), n° 2 (transfert du siège), n° 3 (constat de clôture d'augmentation de capital par délégation de l'Assemblée Générale Ordinaire et Extraordinaire de la société GLOW ENTERTAINMENT GROUP SA. du 28 juin 2007), n° 4 (modification du capital social par délégation de l'assemblée Générale Ordinaire et Extraordinaire de la société GLOW ENTERTAINMENT GROUP S.A. du 28 juin 2007), et n° 5 (modification de la table d'attribution des BSPCE par délégation de l'Assemblée Générale Ordinaire et Extraordinaire de la société GLOW ENTERTAINMENT GROUP SA du 28 juin 2007), la délibération et résolution n° 2 (autorisation de data room en faveur de Netgem) du Conseil d'Administration du 25 octobre 2007 la délibération et résolution n®2 du Conseil d'Administration du 22 novembre 2007 autorisant la poursuite des pourparlers en vue la cession de l'activité DVD à Netleih, la délibération et résolution n° 2 (autorisation de vendre les actifs DVD allemands à Netleih) du Conseil d'Administration du 10 décembre 2007, la délibération et résolution n° l (validation des procès-verbaux de Conseils des 25 octobre 2007 et 29 novembre 2007) et la délibération et résolution n° 3 (constat d'augmentation de capital par exercice de BSA et BSPECE tranche 1) du Conseil d'Administration du B février 200B, et de juger nul l'ordre du jour de l'Assemblée Générale Ordinaire et Extraordinaire de la société GLOW ENTERTAINMENT GROUP SA fixée au 28 juin 2007, d'annuler les convocations à l'Assemblée Générale Ordinaire et Extraordinaire de la société GLOW ENTERTAINMENT GROUP SA. fixée au 28 juin 2007 et d'annuler l'Assemblée Générale Ordinaire et Extraordinaire du 28 juin 2007 de la société GLOW ENTERTAINMENT GROUP SA et l'augmentation de capital subséquentes ». 1) Alors que la cassation à intervenir au titre du premier moyen devra entraîner, par application de l'article 624 du code de procédure civile, la censure de l'arrêt en ce qu'il a débouté les exposants de leurs demandes de nullité des délibérations, résolutions et décisions prises par le conseil d'administration depuis le 15 août 2007, de l'assemblée générale du 28 juin 2007, de l'augmentation de capital non clôturée et de tous actes sociaux et décisions subséquents, de tous actes de préparation et d'exécution de cette opération ; 2) Alors que la démission d'office du président du conseil d'administration, qui convoque le conseil d'administration, organise et dirige les travaux de celui-ci, et dispose d'une voix prépondérante en cas de partage des voix, affecte nécessairement la validité des décisions qui sont prises sous sa présidence ; qu'en estimant que la démission d'office de M. [A] [L] à compter du 15 août 2007 n'avait aucune incidence sur l'adoption des délibérations dont l'annulation est demandée, dès lors que seul M. [L] devant être déclaré démissionnaire d'office, le quorum du conseil d'administration était atteint et les décisions prises ont été adoptées à la majorité requise, la cour d'appel a violé les articles L. 225-37 et L. 225-51 du code de commerce ; CINQUIEME MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt confirmatif de ce chef d'avoir déclaré prescrites et irrecevables les demandes formées par les exposants en annulation de la convention Interonline, des conventions d'apports en compte courant d'associés et de l'incorporation au capital des avances en comptes courants ; Aux motifs propres que « si les appelants demandent, dans le corps de leurs écritures en pages 25 et suivantes, l'infirmation du jugement sur ce point et qu'il soit fait droit à leurs demandes, aucune demande d'infirmation du jugement en ce qu'il a dit prescrites et irrecevables ces trois demandes en annulation n'est reprise dans le dispositif de leurs conclusions ; qu'or aux termes de l'article 954 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions des parties ; qu'aucune des autres parties ne sollicite l'infirmation du jugement sur ces points ; que les actionnaires majoritaires sollicitent au contraire la confirmation du jugement en ce qu'il a dit ces demandes en annulation prescrites et irrecevables ; qu'il n'y a donc pas lieu de statuer sur la recevabilité de ces demandes d'annulation et le jugement sera confirmé sur ce point ». Aux motifs adoptés que « les demandes concernant la validité des conventions d'apport en compte courant et l'annulation de la convention signée avec Interonline, formées par M. [B], M. [P] et Icadis, apparaissent dans la procédure dans leurs conclusions déposées à l'audience du 15 mai 2014 ; qu'une demande en justice n'interrompt la prescription que relativement aux éléments qui y sont expressément désignés et non pour des éléments nouveaux présentés dans des demandes postérieures ; que deux conventions en compte courant d'associés ont été signées entre GLOWRIA et les fonds d'investissement, Seventure, CAPE, Moussetrap et Moussescale, l'une le 15 février 2007 et l'autre le 15 mai 2007 ; que les demandeurs soutiennent que la prescription triennale de l'article L. 225-42 du code de commerce ne trouve pas à s'appliquer en l'espèce car leur action est fondée sur la violation des lois et principes régissant la nullité des contrats pour laquelle la prescription est décennale ou trentenaire ; que les mêmes demandeurs affirment au dispositif demander la nullité de ces conventions « en application des dispositions des articles L. 225-38 et suivants du code de commerce», que ces articles sont ceux qui régissent les conventions réglementées ; que le tribunal dira que leur action est bien fondée sur l'inobservation des dispositions applicables aux conventions réglementées et que la prescription triennale est applicable ; que ces demandes ont été formées pour la première fois 7 ans après la signature des actes litigieux et que l'assignation du 8 novembre 2007 n'a pas interrompu la prescription ; que le tribunal dira la demande en annulation de ces conventions formée par M. [B], M. [P] et Icadis prescrite et irrecevable ; que la convention conclue par GLOWRIA avec Interonline pour fixer les conditions de rémunération de M. [A] [L], intitulée « contrat de prestations validé par le conseil d'administration de Glow » a été signée le 23 mai 2007, sous réserve de la validation du conseil d'administration ; que le conseil d'administration du 6 juin 2007 a bien validé cette convention, ainsi qu'en atteste le procès-verbal du conseil approuvé par les demandeurs ; que la demande d'annulation de cette convention apparaît dans les conclusions des demandeurs déposées à l'audience du 15 mai 2014 ; que tribunal dira la demande en annulation de cette convention Interonline formée par M. [B], M. [P] et Icadis prescrite et irrecevable ; qu'il en va de même en ce qui concerne l'incorporation des avances en compte courant au capital ; que le tribunal dira également que cette demande d'annulation de l'incorporation des avances en compte courant au capital, tardivement formée par M. [B], M. [P] et Icadis est prescrite et irrecevable » ; 1) Alors que la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion ; qu'au cas présent, les exposants demandaient, dans le dispositif de leurs conclusions, que le jugement soit réformé pour les avoir déboutés de leur action en annulation de toutes opérations subséquentes (p. 148), que leur action soit déclarée non prescrite (p. 149) et ils invoquaient, dans la discussion, de nombreux moyens tendant à écarter la prescription de leur action en annulation de la convention Interonline, des conventions d'apports en compte courant d'associés et de l'incorporation au capital des avances en comptes courants retenue par le tribunal (p. 25 s.) ; qu'en énonçant qu'elle n'était pas saisie d'une demande tendant à infirmer le jugement en ce qu'il avait retenu la prescription d'une telle action, la cour d'appel a violé l'article 954 du code de procédure civile ; 2) Alors qu'une citation en justice, même en référé, un commandement ou une saisie, signifiés à celui qu'on veut empêcher de prescrire, interrompent la prescription ainsi que les délais pour agir ; qu'au cas présent, par l'acte introductif d'instance du 8 novembre 2007, les exposants demandaient de « juger nulles l'intégralité des délibérations et décisions prises par le Conseil d'Administration depuis le 15 mai 2007 », ce qui comprenait nécessairement l'approbation des conventions règlementées telles que la convention InterOnline et de la convention d'apports en compte courant du 22 mai 2007 ; qu'en énonçant, par motifs éventuellement adoptés, qu'une telle citation en justice n'avait pas interrompu la prescription, la cour d'appel a violé l'article 2244 du code civil dans sa rédaction applicable à la cause ; 3) Alors en tout état de cause que l'interruption de la prescription s'étend d'une action à une autre même si chacune d'elles procède de causes distinctes, lorsqu'elles tendent l'une et l'autre à un seul et même but, de telle sorte que la seconde est virtuellement comprise dans la première ; qu'en l'espèce, la demande en annulation pour fraude des conventions d'apports en comptes courants ayant permis de structurer et d'accomplir l'assemblée de réduction et d'augmentation de capital, avait pour but de conforter la demande d'annulation de la délibération de l'assemblée générale ayant décidé le coup d'accordéon ; qu'en estimant, par motifs éventuellement adoptés, qu'une demande en justice n'interrompt la prescription que relativement aux éléments qui y sont expressément désignés et non pour des éléments nouveaux présentés dans des demandes postérieures, la cour d'appel a violé l'article 2244 du code civil dans sa rédaction applicable à la cause. SIXIEME MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt confirmatif de ce chef d'avoir débouté les exposants de leurs demandes d'annulation de la réduction et de l'augmentation de capital par coup d'accordéon, de tous actes préparatoires et d'exécution et toutes opérations subséquentes, pour fraude ou pour violation des règles de transparence et d'information légale et loyale des actionnaires ; Aux motifs propres que « sur la licéité du coup d'accordéon ; que la société Glowria a enregistré des pertes depuis le début de son activité commerciale (3,3 millions d'euros en 2004, 2,5 millions d'euros en 2005 et 3,9 millions d'euros en 2006) résultant d'une stratégie assumée de croissance forte au détriment de la rentabilité puis, courant 2006, d'adjonction d'une activité de vidéo à la demande à l'activité initiale de location de DVD (selon les termes du mandataire ad hoc) ; qu'au 31 décembre 2006, le passif fournisseur dépassait les 400.000 euros ; que le mandataire ad hoc, désigné le 19 février 2007, faisait état dans son rapport du 27 avril 2007 d'une prévision de besoins de trésorerie de 892.000 euros à fin mai, alors même que les fonds actionnaires avaient apporté en février et mars 2,1 millions d'euros d'avances en comptes courants ; qu'au cours du conseil d'administration du 15 mai 2007, il rappelait que la société réalisait des pertes mensuelles d'environ 480.000 euros ; que les commissaires aux comptes ont enclenché le 6 avril 2007 une procédure d'alerte, compte tenu du niveau des pertes de l'exercice 2006 et des prévisions de trésorerie négatives ; que la situation financière obérée de la société Glowria est ainsi caractérisée et les pertes avérées, peu important de savoir si ces difficultés étaient prévisibles ou non début 2007 et d'en établir les causes ; que la cour relève au demeurant que les appelants ne peuvent imputer ces difficultés aux orientations que les fonds auraient imposées à la société Glowria vers le développement de la VOD alors que M. [P] affirmait, lors du conseil d'administration du 15 mai 2007, qu'il n'y avait pas de divergences de stratégie de sa part avec les membres du conseil, qu'il avait suggéré dès 2003 au conseil d'orienter la société dans le développement de l'activité VOD dès que le marché serait propice, que c'est en grande partie sur cette stratégie que les fonds avaient effectué leur investissement en mars 2006 et que c'était dans cette voie qu'il avait mené la société depuis un an ; que compte tenu des pertes 2006, les capitaux propres de la société Glowria étaient négatifs au 31 décembre 2006 à hauteur de 260.018 euros et, dès lors, inférieurs à la moitié de son capital social fixé à la somme de 264.335,47 euros. MM. [P] et [B] et la société Icadis soutiennent que les capitaux propres de la société Glowria sont devenus négatifs à la suite d'une manipulation comptable résultant d'une dépréciation excessive de la valeur des actifs allemands dans les comptes de la société Glowria ; qu'or, aux termes du procès-verbal du conseil d'administration du 28 mai 2007, auquel MM. [P] et [B] ont participé, les commissaires aux comptes ont proposé de débattre de la valorisation réelle des actifs allemands, estimant que les survaleurs étaient à plus de 5,1 millions d'euros dans les comptes actuels, le conseil a décidé de calculer, ensemble et avec les commissaires aux comptes, "le bon niveau de dépréciation" fixé à 2,795 millions d'euros et le conseil a ensuite arrêté les comptes à l'unanimité, donc avec l'accord de MM. [P] et [B], ces derniers ayant une bonne connaissance des filiales allemandes pour en avoir été le dirigeant et M. [P] le président de la holding allemande ; que cette dépréciation fait notamment suite à une offre non engageante de la société Lovefilm de rachat des activités VOD en France et DVD en Allemagne, datée du 1er mai 2007, à un prix global compris entre 0,4 million d'euros et 1,5 millions d'euros, alors que, selon les écritures des appelants, la dépréciation initiale des titres de la filiale allemande fixait la valeur de la seule filiale allemande à 3,4 millions d'euros ; que cette lettre d'intention montre la faible valeur de marché des actifs allemands, ce qui sera confirmé ultérieurement avec leur cession au prix de 0,3 million d'euros ; que cette dépréciation reposait également sur la situation obérée du groupe allemand dont les comptes consolidés révèlent au 31 décembre 2006 des produits d'exploitation passés de 1,6 millions d'euros (contre 2,4 M€ au 31 décembre 2005), des pertes 2 millions d'euros (contre 500.000 euros au 31 décembre 2005) et des capitaux propres négatifs à hauteur de 1,3 million d'euros alors qu'au 31 décembre 2005 ils étaient positifs à hauteur de 100.000 euros ; qu'enfin, les comptes de la société Glowria de l'exercice 2006, incluant la dépréciation arrêtée par le conseil d'administration, ont été approuvés lors de l'assemblée générale du 28 juin 2007 à l'unanimité des actionnaires présents et représentés dont les appelants ; que la provision sur dépréciation des titres de la filiale allemande était ainsi justifiée au moment où elle a été arrêtée et acceptée sans réserve par MM. [P] et [B] lors du conseil d'administration du 28 mai 2007 et de l'assemblée générale du 28 juin 2007 ; que conformément à l'article L. 225-248 du code de commerce, compte tenu du niveau de ses capitaux propres, la société Glowria était tenue de réduire son capital, puis de procéder à une opération de recapitalisation, à défaut de décider sa dissolution ; que la réduction du capital de la société Glowria à zéro relevait de l'obligation des actionnaires de contribuer aux pertes sociales dans la limite de leurs apports ; que l'augmentation de capital par émission de nouvelles actions ne présentait quant à elle aucun caractère précipité. La situation obérée de la société Glowria imposait aux actionnaires de ne pas attendre l'expiration du délai légal de deux ans pour procéder à sa recapitalisation ; qu'en outre, MM. [P] et [B], en leur qualité d'administrateur, avaient connaissance dès le début de l'année 2007 des perspectives d'augmentation de capital ; qu'en effet la convention d'apport en comptes courants du 15 février 2007, approuvée par le conseil d'administration, prévoyait la possibilité d'un remboursement par compensation de ces avances avec le montant de toute souscription à une augmentation de capital et mentionnait en page 3 un apport "pouvant être remboursé par compensation dans le cadre d'une augmentation de capital à intervenir" (souligné par la cour) ; que lors du conseil d'administration du 15 mai 2007, la société Seventure a rappelé les avances ainsi consenties et que leur remboursement se ferait "prochainement par conversion de la créance en capital" qui interviendrait "a priori sous la forme d'une réduction de capital à zéro sous la condition suspensive d'une augmentation de capital immédiate" ; que la convocation de l'assemblée générale extraordinaire a été décidée par le conseil d'administration du 6 juin 2007, où étaient présents MM. [P] et [B], conseil qui a précisé que l'augmentation de capital se ferait avec maintien du droit préférentiel de souscription et serait assortie de bons de souscription d'actions valables jusqu'au 31 décembre 2007 ; que la période de souscription a été fixée du 2 au 13 juillet 2007 ; que MM. [P] et [B] et la société Icadis étaient ainsi parfaitement informés de l'augmentation de capital à venir et en mesure de prévoir d'y participer ; que l'augmentation de capital par émission de nouvelles actions était de surcroît assortie d'un droit préférentiel de souscription reconnu à tous les propriétaires d'actions anciennes et d'une attribution gratuite de bons de souscription d'actions à proportion du nombre d'actions anciennes détenues exerçables jusqu'au 31 décembre 2007, ce qui exclut la volonté alléguée par les appelants d'évincer des actionnaires contre leur gré ; qu'il se déduit de ce qui précède que l'opération de coup d'accordéon, commandée par les pertes de la société Glowria et l'objectif de maintenir son exploitation, était conforme à l'intérêt social en ce qu'elle répondait à l'impératif de recapitalisation et s'inscrivait dans une démarche de financement des besoins de trésorerie par les actionnaires majoritaires au moyen d'apports en comptes courants, effectués avant et après l'augmentation de capital pour un montant total de 6,1 millions d'euros sur l'année 2007, excluant ainsi tout caractère factice au refinancement de la société Glowria ; que ni l'existence d'autres alternatives de recapitalisation et de refinancement, à supposer qu'elles aient pu recueillir l'assentiment des actionnaires, ni la circonstance que les fonds actionnaires ont souscrit à l'augmentation de capital par compensation avec les avances en comptes courants qu'ils avaient consenties antérieurement ne sont de nature à remettre en cause la licéité du coup d'accordéon ; que sur la dissimulation des pourparlers avec la société Netgem avant l'assemblée générale litigieuse ; qu'à l'appui de leurs allégations quant à l'existence de pourparlers sur le rachat de la société Glowria par la société Netgem, MM. [P] et [B] et la société Icadis invoquent la tenue d'une réunion le 11 avril 2007 entre M. [H], représentant de la société Omnes capital, le président de la société Netgem et M. [P] au cours de laquelle la société Netgem aurait effectivement fait part de son intérêt pour le rachat de la société Glowria. Ils ne produisent aucune pièce à l'appui de leurs dires quant au contenu de cette réunion ; que les appelants produisent un courriel du 19 avril 2007 adressé par les représentants de la société Netgem à M. [L] ; que ce message intitulé "prise de contact" évoque la réflexion des deux entités sur "la pertinence d'un projet de rapprochement opérationnel voire stratégique" et tend à établir l'organisation, le calendrier et le contenu des travaux à mener ; qu'il est question au point 3 de la pertinence financière et de la structuration du projet ; que ce point porte non sur une perspective de rachat de la société Glowria mais sur le cadre financier à définir pour soutenir un rapprochement opérationnel ; que les termes de cet échange correspondent à la présentation faite par M. [L], en date du 20 avril 2007, où il est indiqué que "d'ici fin 2007 des contacts seront pris avec les principaux concurrents et partenaires industriels potentiels, dont Netgem, pour étudier des rapprochements et des synergies" ; que les contacts entre les sociétés Glowria et Netgem ont abouti à la seule conclusion d'une convention d'apport d'affaires mutuel le 24 mai 2007, ce qui correspond aux travaux annoncés par le courriel du 19 avril 2007 ; que devant les services de police, M. [H] a indiqué avoir eu un contact avec la société Netgem courant mars 2007 en vue d'un partenariat et non en vue d'une cession ; que M. [F], président de la société Netgem a confirmé ces dires, indiqué que les discussions à compter d'avril 2007 ne portaient que sur un partenariat et précisé avoir changé de position et envisagé le rachat de la société Glowria après avoir eu connaissance, au début de l'été 2007, de la signature par la société Glowria d'un contrat avec la société Carrefour présenté comme "mirifique" ; que l a société Drake Star France a indiqué, dans une lettre du 17 novembre 2008 en réponse à l'assignation de MM. [P] et [B] et de la société Icadis à son encontre, que dans le cadre de sa mission elle avait approché la société Netgem en décembre 2006 pour connaître son intérêt pour un investissement dans la société Glowria et que la société Netgem n'avait pas manifesté d'intérêt autre que commercial la présentation du 20 avril 2007 fait certes état de ce que la société Netgem avait déjà exprimé son intérêt sur la société Glowria en tablant sur une revente séparée de la division DVD à un anglo-saxon en 2008. L'expression d'un intérêt ne signifie toutefois pas que des pourparlers en vue de cette acquisition aient alors été entamés ; que cette présentation ne remet pas en cause le fait que la société Netgem s'en est tenue alors à ne souhaiter qu'un partenariat commercial conclu en mai 2007 ; que ni la communication de la société Netgem le 6 juin 2007 ni celle de la société BD forces, conseil de la société Netgem dans l'acquisition des titres Glowria, sur son site internet ne viennent démontrer l'existence de pourparlers sur le rachat des titres Glowria avant l'été 2007 ; qu'il se déduit de l'ensemble de ces éléments qu'aucune dissimulation quant à l'intérêt de la société Netgem en vue du rachat des titres de la société Glowria avant l'assemblée générale du 28 juin 2007 n'est démontrée ; que sur le manque d'information et de transparence ; qu'il a été jugé précédemment, le conseil d'administration ayant convoqué l'assemblée générale litigieuse n'était pas irrégulièrement composé et aucune nullité n'affecte ladite assemblée générale, que ce soit au titre du rapport de gestion ou du rapport du conseil d'administration sur l'augmentation de capital. Les appelants invoquent toutefois un manque d'information et de transparence résultant d'une insuffisance de ces rapports quant à la dépréciation des filiales allemandes, d'une part, et au motif de l'augmentation de capital, d'autre part, ces carences participant de la fraude alléguée ; qu'or, comme il a été constaté, MM. [P] et [B] ont participé au conseil d'administration qui a arrêté la provision pour dépréciation des actifs allemands et ont approuvé les comptes 2006 lors de ce conseil. En outre, le rapport de gestion présenté à l'assemblée générale est suffisamment précis sur les progrès, difficultés et perspectives relatifs à l'exercice 2006 sur lequel il porte et sur la provision pour dépréciation du groupe allemand dès lors qu'il en expose le montant et la méthode. Quant au motif de l'augmentation de capital et du coup d'accordéon, le rapport du conseil d'administration l'énumère précisément en ce que l'opération était commandée, à défaut de dissolution de la société, par le niveau des capitaux propres négatifs et la nécessité d'apurer les pertes accumulées, condition posée par les actionnaires financiers pour accepter le refinancement de la société. Le procès-verbal de l'assemblée générale extraordinaire du 28 juin 2007 montre que les échanges entre actionnaires et administrateurs ont été nourris à ce sujet et que chacun était parfaitement conscient des enjeux et conséquences d'une telle opération de recapitalisation ; qu'enfin, les pourparlers avec la société Netgem en vue du rachat des titres de la société Glowria s'étant déroulés après l'assemblée générale ne pouvaient y être évoqués ; que MM. [P] et [B] et la société Icadis manquent ainsi à établir des carences dans l'information donnée aux administrateurs et aux actionnaires susceptibles de caractériser une fraude ; que sur la compensation des comptes courants et la clôture de l'augmentation de capital ; que le commissaire aux comptes de la société Glowria a certifié, le 18 juillet 2007, le caractère liquide et exigible des créances détenues par les fonds sur la société ; que le caractère irrecouvrable d'une créance, à le supposer établi, ne remet pas en cause son caractère certain, liquide et exigible de sorte que les appelants ne peuvent valablement soutenir que les avances en comptes courants ne pouvaient pas être compensées ; que les conventions d'avances stipulaient expressément que les prêteurs pouvaient demander leur remboursement par compensation de ces avances avec le montant de toute souscription à une augmentation de capital ; que dans ces conditions, la souscription à l'augmentation de capital par compensation des avances en comptes courants ne révèle aucun élément susceptible de caractériser une fraude ; que comme il a été précédemment jugé, les délibérations du conseil d'administration réuni le 5 octobre 2007 ne sont entachées d'aucune irrégularité tirée d'un défaut de quorum ou d'un défaut de majorité des votes en faveur de leur adoption ; que par ailleurs, aux termes de l'article R. 225-135 du code de commerce, une augmentation de capital par émission d'actions à souscrire en numéraire est réalisée à la date du certificat du dépositaire ; qu'aucune disposition ne prévoit que la réalisation définitive d'une augmentation de capital doit être constatée par une délibération du conseil d'administration ; que la régularité des opérations d'augmentation de capital et de clôture de ces opérations n'est donc pas susceptible d'être affectée, comme le soutiennent les appelants, par la réunion du conseil d'administration avant la remise par la banque HSBC du certificat de dépôt des fonds le 9 octobre 2007. En outre, dès lors que les appelants ne contestent pas la réalité des fonds ainsi déposés, qu'ils ont participé aux conseils d'administration des 17 juillet et 5 octobre 2007 ayant évoqué les opérations d'augmentation de capital sans s'opposer aux constats du conseil d'administration quant aux souscriptions réalisées, comme le révèlent les procès-verbaux, et que le certificat de dépôt de la banque correspond à ces constats, aucun élément susceptible de caractériser une fraude n'est établi ; qu'en définitive, les appelants manquent à démontrer l'existence d'un abus de majorité ou d'une fraude de sorte que la demande d'annulation de l'assemblée générale du 28 juin 2007 sur ce fondement doit être rejetée de même que, par suite, les demandes de remise en état du capital, de restitution et de dommages-intérêts formées sur ce fondement ; que le jugement sera donc confirmé » ; Aux motifs adoptés que « les demandeurs soutiennent, pour demander l'annulation de l'assemblée générale du 28 juin 2007, qu'il y aurait eu fraude et abus de majorité de la part des majoritaires ; que l'article L. 225-248 prévoit qu'une société dont les capitaux propres sont inférieurs à la moitié du capital social doit réduire son capital du montant des pertes et reconstituer ses capitaux propres ; que la société dispose de deux exercices à partir de la constatation de ces pertes pour le faire ; que le conseil d'administration de GLOWRIA du 28 mai 2007 a arrêté les comptes à l'unanimité, que ces comptes faisaient apparaître des capitaux propres négatifs de 1 852 000 euros, inférieurs à la moitié du capital social ; que MM. [B] et [P] reprochent aux majoritaires un changement de méthode comptable dans les comptes 2006 concernant la dépréciation des participations allemandes, qui serait selon eux la seule cause de ce résultat ; qu'au cours de sa réunion du 26 mai 2007, le conseil d'administration a décidé de porter la dépréciation envisagée sur les filiales allemandes de 400 000 euros à 2,795 millions d'euros, estimant que les survaleurs sur cet actif étaient de 5,1 million d'euros ; que les demandeurs estiment que celte décision était injustifiée, que les perspectives des sociétés allemandes étaient encourageantes, que la méthode appliquée représente un changement des méthodes comptables qui n'a été ni expliqué ni justifié, et que cette dépréciation est impropre à donner une image fidèle des comptes sociaux ; que le compte-rendu de ce conseil explique que ce sont les commissaires aux comptes de GLOWRIA qui, au cours de la réunion, ont demandé un débat sur la valorisation réelle de cet actif, qu'a été soulignée le très important écart entre le budget de mai 2006 et la situation réelle, que « le conseil a décidé de suivre ce raisonnement et calcule ensemble, avec les commissaires aux comptes, le bon niveau de dépréciation qui sera de 2,795 millions d'euros. Le conseil arrête les comptes à l'unanimité » ; que ce procès-verbal est signé de MM. [B] et [P] et a été approuvé à l'unanimité des administrateurs lors de la réunion du conseil du 6 juin 2007 ; que les commissaires aux comptes n'ont jamais été mis en cause à propos de l'arrêté de ces comptes et ne sont pas dans la cause ; que ces comptes ont été approuvés à l'unanimité des actionnaires présents ou représentés, dont MM. [B] et [P], par l'assemblée générale du 28 juin 2007 ; que les rapports du mandataire ad hoc, maître [V], désigné par le tribunal de céans, et notamment celui du 31 mai 2007 faisaient état de la nécessité de refinancer l'entreprise par de « nouveaux apports par les fonds sous la forme d'une augmentation de capital à intervenir cet été après la réduction à zéro du capital social ; que le tribunal dira que les comptes intégrant la dépréciation des filiales allemandes ont été régulièrement approuvés et que les demandeurs ne sont pas fondés à les remettre en cause ; que les demandeurs soutiennent que cette opération serait frauduleuse au motif qu'elle n'a pas réellement permis de recapitaliser l'entreprise, l'apport d'argent frais à l'occasion de l'augmentation de capital étant dérisoire et cette opération n'ayant pas d'utilité au regard des perspectives d'avenir de la société ; qu'il n'appartient pas au juge d'apprécier l'opportunité économique de l'opération de coup d'accordéon litigieuse relativement à d'autres solutions de recapitalisation, mais seulement d'en contrôler le caractère éventuellement abusif ; que les pertes de GLOWRIA ayant été constatées, les capitaux propres de la société étant devenus négatifs, l'assemblée générale extraordinaire ayant écarté la dissolution de la société, la réduction du capital à zéro sous condition suspensive d'une augmentation de capital ayant été décidée avec maintien du droit préférentiel de souscription à tous les actionnaires, et l'augmentation de capital ayant au final permis d'apporter plus de 4 millions d'euros de liquidités à la société entre mai et décembre 2007, il est établi que cette réduction de capital qui constituait une des options à la disposition des dirigeants pour recapitaliser l'entreprise en perte, ne constitue pas une atteinte au droit de propriété des actionnaires et est licite ; que les demandeurs soutiennent que l'opération de coup d'accordéon a été faite dans le but d'exclure les minoritaires et constitue un abus de majorité ; qu'ils relèvent la précipitation dans laquelle a été menée l'augmentation de capital et estiment qu'ils n'ont pas reçu les informations dont ils devaient disposer pour se prononcer en connaissance de cause sur les motifs, l'importance et l'utilité de cette opération et exercer leurs droits. Ils reprochent à M. [A] [L] d'avoir sciemment omis de fournir à chaque administrateur la vraie version du diagnostic d'avril 2007, un plan financier, un plan de développement, le budget 2008 existant au 31 mai 2007 et le business plan détaillé sur 2006-2009 ; qu'ainsi le conseil d'administration de GLOWRIA se réunit le 6 juin 2007, sait 8 jours après le conseil qui a arrêté les comptes et se prononce sur la convocation d'une assemblée générale mixte en vue de procéder à l'approbation des comptes, à la reconstitution des capitaux propres par réduction du capital à zéro suivie d'une nouvelle augmentation de capital par émissions d'actions avec maintien du droit préférentiel de souscription ; que le 13 juin, cette assemblée est convoquée pour le 28 juin 2007, qu'elle approuve l'augmentation de capital et déclare la souscription ouverte le 29 juin pour une période de 15 jours ; que si ces délais peuvent être considérés comme resserrés, l'article L. 225-48 donnant la possibilité à une société dont les capitaux propres sont inférieurs à la moitié du capital social de procéder à une recapitalisation dans un délai de deux ans, il est constant que la décision de procéder à une opération de recapitalisation sans attendre l'écoulement de la totalité du délai autorisé par la loi ne saurait d'aucune manière être qualifiée d'abusive ; que lors du conseil du 6 juin 2007, M. [B] proteste contre le manque d'information fournie aux administrateurs sur la nouvelle stratégie de développement, réclame un budget détaillé et estimant n'avoir aucune visibilité sur les perspectives de la société déclare ne pouvoir sa prononcer sur l'augmentation de capital proposée, MM. [B] et [P], s'abstiennent ; que l'article R. 225-13 du code de commerce dispose que le conseil d'administration doit faire rapport à l'assemblée convoquée pour décider d'une augmentation de capital de « toutes indications sur les motifs de l'augmentation de capital proposée ainsi que sur la marche des affaires sociales », que les demandeurs soutiennent que le rapport du conseil à l'assemblée ne donna pas fautes ces indications et qu'ainsi les décisions prises en violation de cette disposition sont de nullité impérative ; que l'absence de communication du rapport prévu à l'article R. 225-13 n'est pas sanctionnée par la nullité ; que le conseil d'administration de GLOWRIA a fait un rapport à l'assemblée générale du 28 juin 2007 donnant les motifs de l'augmentation de capital, l'Information sur l'importance et l'utilité de l'opération afin de pallier les pertes enregistrées en 2006 ; que les demandeurs ont également eu connaissance du rapport spécial des commissaires aux comptes sur l'opération présentée à l'assemblée du 28 juin ; que le procès-verbal de cette assemblée fait état de l'exposé par le président, à la demande du représentant de Pélican Venture des perspectives de la société et qu'aucune question ou demande d'information complémentaire sur ces sujets n'est formulée ni par M. [B], ni par M. [P] ; que lors de cette même assemblée GLOWRIA promet la fourniture aux actionnaires du projet de budget qui sera adopté le 9 juillet 2007 par le conseil d'administration, conseil auquel siègent MM. [B] et [P] ; que le tribunal dira qu'il n'y a lieu de prononcer la nullité de l'assemblée du 28 juin pour violation des dispositions de l'article R. 225-13 et estimera MM. [B] et [P], administrateurs et actionnaires, étant régulièrement informés sur les motifs de l'augmentation de capital et les perspectives de la société pour exercer leurs droits ; que les demandeurs soutiennent que les pourparlers envisageant un rapprochement avec NETGEM ont commencé en avril 2007, soit avant l'assemblée générale du 28 juin 2007 et qu'ils ont été dissimulés au conseil d'administration, à son Président en exercice (M. [P]) et que cette dissimulation constitue une violation du pacte d'actionnaires ; qu'ils affirment que s'ils avaient eu connaissance de ces discussions, ils auraient exercé massivement leurs DPS ; que le seul document sur lequel s'appuient ces affirmations est un courriel du 19 avril 2007, produit par les défendeurs, de M. [K] directeur financier de NETGEM et administrateur de NETGEM, qui fait étal de réflexions sur « la pertinence d'un projet de rapprochement opérationnel, voire stratégique », listées lors d'un contact entre le dirigeant de NETGEM et M. [L] ; que ce document balaie les hypothèses de collaboration possibles entre les deux sociétés, évoquant des collaborations opérationnelles, des collaborations technologiques et marketing et enfin la pertinence financière d'un projet structuré ; qu'à l'issue de ces contacts, seul a été signé un contrat d'apporteur d'affaires le 24 mai 2007, qui ne représente qu'un partenariat commercial ; que ces éléments ne suffisent pas à démontrer l'existence de discussions capitalistiques ; que le tribunal dira que la fraude par dissimulation n'est pas prouvée ; que l'abus de majorité se caractérise comme une décision contraire à l'intérêt social dans l'unique dessein de favoriser les majoritaires. ; que la décision de recapitaliser la société GLOWRIA, placée depuis plusieurs mois sous mandat ad hoc, ayant fait l'objet d'une procédure d'alerte de ses commissaires aux comptes, affichant de lourdes pertes et dont les capitaux propres étaient inférieurs à la moitié du capital social a manifestement été prise dans le souci d'assurer sa pérennité et sa continuité d'exploitation ; que les décisions qui accompagnaient l'augmentation de capital n'ont constitué aucun traitement discriminatoire entre les actionnaires, en maintenant le droit préférentiel de souscription et en assurant l'émission gratuite de bons de souscription (BSA) à proportion des actions détenues, que les actionnaires ont ainsi tous supporté dans les mêmes proportions et avec les mêmes effets les conséquences de la réduction à zéro du capital, que la perte de leur part au capital de GLOWRIA de MM. [B] et [P] résulte ainsi de leur seul refus de souscrire à l'augmentation de capital ; que le tribunal dira que l'abus de majorité allégué par les demandeurs n'est pas démontré et les déboutera de leurs demandes d'annulation à ce titre ; que le tribunal dira ainsi qu'il n'y a pas matière à annulation des décisions de l'assemblée générale du 28 juin 2007 et tous les actes subséquents y compris la fusion absorption de GLOWRIA par NETGEM » ; 1) Alors que revêt un caractère frauduleux l'opération d'accordéon assortie de conditions telles qu'elles mettent les actionnaires minoritaires dans l'impossibilité d'y souscrire ; qu'au cas présent, l'augmentation de capital a été votée par l'assemblée générale extraordinaire le 28 juin 2007, avec une période de souscription fixée entre le 2 et le 13 juillet 2007, soit dans un délai de deux semaines en début d'été, en lieu et place du délai de deux ans prévu par l'article L. 225-248 du code de commerce ; qu'en outre, contrairement aux minoritaires, les actionnaires majoritaires ont pu souscrire à l'augmentation de capital grâce à la compensation de leurs avances en compte courant ; qu'ainsi, en décidant que l'augmentation de capital ne présentait pas un caractère frauduleux au regard des pertes de la société et du maintien du droit préférentiel de souscription de tous les actionnaires, sans rechercher, comme elle y était invitée, si l'opération était assortie de conditions telles qu'elles mettaient les actionnaires minoritaires dans l'impossibilité d'y souscrire au regard de l'importance des liquidités à mobiliser en un temps très réduit, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil, devenu l'article 1240 dudit code ; 2) Alors que revêt un caractère frauduleux l'opération d'accordéon qui permet aux actionnaires majoritaires de souscrire à l'augmentation de capital grâce à la compensation avec des avances en compte courant irrecouvrables, faute de réelle contrepartie à la souscription, la valeur de la créance étant proche de zéro ; qu'en énonçant que le caractère irrecouvrable d'une créance, à le supposer établi, ne remet pas en cause son caractère certain, liquide et exigible et donc la compensation, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil, devenu l'article 1240 dudit code ; 3) Alors que le juge ne peut dénaturer le sens clair et précis d'un écrit et que la compensation n'a lieu qu'entre deux dettes qui ont également pour objet une somme d'argent, ou une certaine quantité de choses fongibles de la même espèce et qui sont également liquides et exigibles ; qu'au cas présent, selon les dispositions contractuelles claires et précises des conventions de compte courant, seul l'envoi d'un courrier AR à la société rendait exigible les avances en compte courant (art. 3.1) ; qu'en énonçant que les appelants ne peuvent valablement soutenir que les avances en comptes courants ne pouvaient pas être compensées, en ce que les créances étaient certaines, liquides et exigibles, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil dans sa rédaction applicable à la cause ; 4) Alors que revêt un caractère frauduleux l'opération d'accordéon prétendument motivée par des pertes, lesquelles ne sont artificiellement créées que par des manipulations comptables ; qu'en retenant que l'opération n'était pas frauduleuse, sans rechercher si le fait pour la société d'être valorisée à hauteur de zéro lors de l'augmentation de capital, avant d'être cédée pour un prix de 18 millions d'euros trois mois plus tard, ne caractérisait pas une opération frauduleuse, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil, devenu l'article 1240 dudit code. 5) Alors enfin qu'est constitutive d'un abus de majorité la décision sociale prise contrairement à l'intérêt général de la société et dans l'unique dessein de favoriser les membres de la majorité des associés au détriment de la minorité ; qu'au cas présent, la cour d'appel s'est bornée à relever que l'augmentation de capital était conforme à l'intérêt social au regard des pertes de l'entreprise ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si la décision de réaliser un coup d'accordéon n'était pas contraire à l'intérêt social, en ce qu'elle n'avait apporté que deux mois de trésorerie à la société, laissant sa situation financière inchangée à peine deux mois après l'opération, qu'elle ne s'était traduite ni par un nouveau projet industriel, ni par l'entrée d'un nouvel investisseur, ni par un changement de direction, de sorte que l'opération avait eu pour seul objet de modifier la composition du capital social par compensation des créances en compte courant au seul profit des majoritaires et au détriment des minoritaires, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil, devenu l'article 1240 dudit code ; SEPTIEME MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt confirmatif de ce chef d'avoir débouté les exposants de leur demande d'annulation de la cession des titres Glowria pour violation du droit de préemption ; Aux motifs propres qu'« aux termes de l'article 4 du pacte d'actionnaires, dans l'hypothèse où l'une des parties souhaiterait céder tout ou partie de ses titres, elle devra préalablement notifier à chacune des autres parties l'identité du cessionnaire envisagé, le prix offert, un état des comptes courants d'associés et une copie de l'offre ferme et faite de bonne foi du cessionnaire envisagé dûment signée. Chaque partie dispose d'un délai de trente jours pour notifier au promettant son intention d'exercer ou non son droit de préemption ou, le cas échéant, son droit de sortie conjointe ; Par lettres du 12 décembre 2007, les cédants des titres Glowria ont informé MM. [P] et [B] et la société Icadis de la conclusion le 5 décembre 2007 d'un contrat d'apport de titres avec la société Netgem aux termes duquel ils s'engagent à apporter à celle-ci la totalité des actions qu'ils détiennent ou détiendront dans le capital de la société Glowria sur exercice de leurs BSA d'ici au 31 décembre 2007. Sont joints à ces lettres un état des comptes courants d'associés, un bulletin de souscription des BSA, un acte d'adhésion au contrat d'apport et une copie intégrale du contrat d'apport ; que ces lettres rappellent la possibilité pour MM. [P] et [B] et la société Icadis d'exercer leur droit de préemption dans le délai de trente jours ; que le contrat d'apport constitue la première offre ferme de la société Netgem. La lettre d'intention de la société Netgem du 10 octobre 2007 est en effet clairement stipulée comme "une simple déclaration d'intention de chacune des parties de poursuivre de bonne foi les discussions" et ne comprend pas d'offre ferme de la société Netgem. Le conseil d'administration du 25 octobre 2007 a en outre évoqué l'existence d'une offre non ferme de la société Netgem selon les termes du procès-verbal. En toute hypothèse, le droit de préemption de MM. [P] et [B] et de la société Icadis a été respecté par les cessionnaires dès lors que son exercice a été rendu possible par la notification du contrat d'apport et l'ouverture du délai de trente jours à compter de cette notification pour que les bénéficiaires exercent leur droit de préemption ou adhèrent eux-mêmes audit contrat ; que les appelants ne démontrent pas la mauvaise foi de la société Netgem, se bornant à procéder par voie d'affirmation ; que la demande d'annulation de la cession des titres Glowria fondée sur la violation du droit de préemption doit donc être rejetée ; que le jugement sera confirmé » (arrêt attaqué, p. 28-29). Aux motifs adoptés que « le pacte d'actionnaires prévoit, en son article 4, une procédure de notification préalable dans l'hypothèse où l'une des parties souhaite céder ses titres, que cette notification doit comporter des renseignements sur l'identité du cessionnaire envisagé, le prix offert, et les autres modalités de l'opération envisagée ainsi qu'une copie de l'offre ferme et faite de bonne foi, afin de purger le droit de préemption, que cette notification doit être envoyée par courrier recommandé avec AR ; qu'est produite aux débats copie du courrier recommandé avec AR adressé par les actionnaires vendeurs aux demandeurs le 12 décembre 2007, intitulée « notification d'une offre d'acquisition de 100 % des titres émis par GLOWRIA », que ce courrier contient tous les renseignements sur l'identité du cessionnaire, copie du contrat d'apport, référence aux dispositions de l'article 2 et 4 du pacte d'actionnaires et mention du délai de 30 jours pour exercer le droit de préemption ; qu'à la suite de la réception de ce courrier, les demandeurs étaient en position d'exercer leur droit de préemption ; qu'ils n'ont pas manifesté leur intention de le faire et qu'ils ne soutiennent pas avoir eu cette intention ; que le tribunal dira qu'il n'y a pas eu violation du pacte d'actionnaires et les déboutera de leur demande d'annulation de la cession des actions de GLOWRIA à NETGEM à ce titre » ; Alors que l'article 4 du pacte d'actionnaires institue un droit de préemption, lequel suppose, pour être purgé, une notification des « autres modalités de l'opération envisagée ainsi qu'une copie de l'offre ferme et faite de bonne foi du Cessionnaire Envisagé dûment signée » ; qu'il s'évince de ces stipulations claires et précises que la notification se situe en amont de la conclusion du contrat de cession ; qu'en estimant que les dispositions contractuelles avaient été respectées dès lors que les cédants avaient notifié, non pas la lettre d'intention du 10 octobre 2007 émise par Netgem le 10 octobre 2007, mais le contrat d'apport conclu avec Netgem le 5 décembre 2007, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil dans sa rédaction applicable à la cause ; HUITIEME MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt infirmatif de ce chef d'avoir débouté les exposants de leur demande en réparation de leurs préjudices contre les actionnaires majoritaires ; Aux motifs que « la cour relève qu'aucune stipulation du pacte d'actionnaires ne prévoit une obligation pour les parties de se concerter lorsque l'une d'elles envisage la cession de sa participation dans la société Glowria avant le 1er janvier 2008 ; que l'article 9 du pacte porte sur les conditions de sortie des actionnaires de référence à compter du 1er janvier 2008, par introduction en bourse de la société ou par cession des titres qu'ils détiendraient encore au 1er janvier 2009. En leur qualité de dirigeant social de la société Glowria, les actionnaires majoritaires étaient toutefois tenus d'un devoir de loyauté envers MM. [P] et [B] et la société Icadis ; qu'un manquement à ce devoir serait caractérisé s'il était démontré qu'ils se sont abstenus d'informer les autres associés de circonstances de nature à influer sur leurs décisions de ne pas souscrire à l'augmentation de capital et de ne pas exercer leurs bons de souscription d'actions au 31 décembre 2007 ; qu'aucune des pièces produites n'établit une quelconque abstention des actionnaires majoritaires dans la recherche de refinancement de la société Glowria en 2007 ; qu'il résulte en outre des pièces, dont les courriels échangés à compter de novembre 2006 entre les membres du conseil d'administration et les procès-verbaux du conseil d'administration des 9 février et 15 et 22 mai 2007, que si la société Seventure a décidé de renoncer, début janvier 2007, au financement des besoins de trésorerie de la société Glowria par un prêt relais, les fonds d'investissement ont accepté d'apporter des avances en compte courant à hauteur de 2,1 millions d'euros les 16 février et 21 mars 2007 puis de 1 million d'euros en mai 2007 dans l'attente de solution de financement pour l'exercice 2007 ; que le rapport de M. [L] daté du 20 avril 2007 est constitué d'une présentation "powerpoint" de la stratégie proposée ; qu'il a été présenté le 20 avril 2007 à la société Seventure, transmis par M. [L] par courriel du 23 avril 2007 à MM. [P] et [B] et soumis à la discussion du conseil d'administration du 23 avril 2007 présidé par M. [P], lequel a indiqué qu'il venait de recevoir cette présentation et qu'il en prendrait connaissance après la réunion du conseil ; que les travaux de M. [L] ont fait l'objet de discussions lors du conseil d'administration du 15 mai 2007, Me [V] indiquant dans son rapport de fin de mission que ce rapport "a fait l'objet d'une revue générale" au cours de ce conseil auquel il a assisté. Il ne ressort d'aucune de ces pièces que MM. [P] et [B] n'auraient pas reçu la même information que les actionnaires majoritaires ; que la participation des actionnaires majoritaires à l'augmentation de capital par conversion des avances en comptes courants ne revêt pas davantage un caractère déloyal dès lors que les conventions d'apports en comptes courants, approuvées à l'unanimité par le conseil d'administration du 9 février 2007, prévoyaient leur remboursement en numéraire ou par compensation dans le cadre d'une augmentation de capital à intervenir, et que les actionnaires majoritaires ont annoncé, lors du conseil d'administration du 15 mai 2007, leur intention de procéder au remboursement des avances par conversion ; qu'ils soutiennent que les fonds d'investissement ont également violé leurs obligations en dissimulant les pourparlers avec la société Netgem alors que le pacte d'actionnaires leur imposait de se concerter avec les fondateurs pour examiner les modalités de cession de leur participation dans la société Glowria ; qu'ils estiment que les pourparlers conduits unilatéralement par les fonds d'investissement et M. [M] constituaient en outre une violation du pacte d'actionnaires en ce que ledit pacte interdisait aux signataires de communiquer des informations confidentielles à un tiers sans autorisation du conseil d'administration ; que de la créance en capital après réduction du capital à zéro. Comme il a été dit précédemment, l'opération de coup d'accordéon était régulière et n'était pas précipitée ; qu'annoncée le 15 mai 2007 aux appelants, discutée lors du conseil d'administration du 6 juin 2007, elle a été approuvée par l'assemblée générale extraordinaire du 28 juin 2007 et l'exercice des droits préférentiels de souscription a été possible entre le 3 et le 13 juillet 2007 ; que ces circonstances ne révèlent aucune précipitation, la rapidité des opérations étant quant à elle justifiée par les besoins de financement de la société Glowria ; que comme il a été dit précédemment, l'existence d'un intérêt de la société Netgem en vue du rachat des titres de la société Glowria avant l'assemblée générale du 28 juin 2007 n'est pas démontrée ; que la convention d'apporteur d'affaires conclue entre les sociétés Glowria et Netgem le 24 mai 2007 ne traduisait aucune velléité de rachat par la société Netgem et les appelants n'établissent pas l'existence d'un quelconque audit de la société Glowria par la société Netgem ; qu'il n'est donc pas établi que les appelants n'ont pas disposé de la même information que les actionnaires majoritaires pour décider de participer ou non à l'augmentation de capital ; que la cour relève que lors du conseil d'administration du 17 juillet 2007, M. [B] a indiqué qu' "il n'avait pu souscrire [à l'augmentation de capital] ne sachant toujours pas comment les pertes prévisionnelles 2008 seraient financées", que "craignant un nouveau coup d'accordéon de la part des investisseurs financiers pour la fin de l'année 2007, il avait regretté de ne pouvoir souscrire en toute "sécurité" " et que "cette incertitude avait été partagée avec d'autres minoritaires qui ont opté pour cette même attitude de prudence." ; qu'il résulte de ces déclarations que, s'agissant de M. [B] et de la société Icadis, leur décision de ne pas souscrire à l'augmentation de capital a reposé sur l'absence de toute prise de risque à apporter son soutien à la société Glowria, mettant ainsi en doute la pérennité de l'entreprise que M. [B] avait contribué à soutenir à sa création, alors que la prise de risque est inhérente au financement des entreprises et qu'il disposait de toutes les informations pour évaluer ce risque, étant non établies que des informations essentielles à la prise de décision lui avaient été dissimulées ; qu'il ressort de l'attestation de M. [M] et de l'audition de M. [F] devant les services d'enquête que la société Netgem a fait part de son intérêt pour le rachat de la société Glowria fin août 2007. Selon le témoignage de M. [M], les discussions sur le prix de cession ont commencé le 6 septembre 2007, la valorisation initiale à 20 millions d'euros par la société Netgem a été revue par celle-ci à 16 millions d'euros puis, le 25 septembre 2007, cette valorisation était revue à 18 millions d'euros et la cession envisagée sous forme d'un échange d'actions Netgem elles-mêmes valorisées à 3,50 euros ; que le conseil d'administration de la société Glowria s'est réuni le 5 octobre 2007. Selon le procès-verbal, M. [L] a indiqué qu'un refinancement de 3 à 4 millions d'euros en 2008 était à prévoir, que, dans le cadre de ce besoin de refinancement, il avait été contacté par différents investisseurs potentiels et que, sur questions de M. [B] relatives à la valorisation de la société par les actionnaires actuels et des acheteurs potentiels, l'existence d'offres d'acquisition et des éventuelles négociations en cours, il a répondu qu'il en sera discuté le jour où une offre ferme se présenterait ; que dans un courriel qu'il a adressé le 9 octobre 2007 à M. [P] à titre de compte rendu de cette réunion à laquelle ce dernier n'assistait pas, ce courriel ayant pour objet "Conseil Glow du 5 octobre", M. [B] explique que"les majoritaires mènent des négociations pour céder l'entreprise. Mais Seventure se refuse à informer le conseil sur la nature des acquéreurs, les montants concernés et l'avancement des discussions en se réservant le droit de le "discloser" quand bon lui semblera" et que Seventure "se refuse également à indiquer à partir de quels montants ils seraient vendeurs". M. [B] indique également que les fonds seraient prêts à céder l'entreprise à tout repreneur éventuel, que "on peut penser que le montant de la vente devrait être en rapport raisonnable avec le chiffre [de 18 millions d'euros]" correspondant à leur investissement total, "ce qui pourrait signifier qu'ils regarderaient des propositions à partir de 15 millions d'euros minimum", qu' "il faudrait calculer ce que cela donnerait pour nos BSA en cas de cession de l'entreprise et que [W] [M] lui recommande "à juste titre" de les mettre dans ses PEA" ; qu'il se déduit de ce courriel, qui correspond à l'état des discussions en cours sans que l'identité du repreneur ait été dévoilée, que MM. [B] et [P] disposaient d'une information suffisante sur les intentions des fonds quant à la cession de leurs actions Glowria ; qu'en l'absence de lettre d'intention et alors que la société Netgem est cotée en bourse, la prudence des actionnaires majoritaires dans la révélation des informations sur les négociations en cours était justifiée ; que l'information sur une acquisition de la société Glowria et sa valorisation à 18 millions d'euros est corroborée par les propos de M. [B] retranscrits dans le procès-verbal du conseil d'administration du 29 novembre 2007 selon lesquels "le conseil a, le même jour, 5 octobre 2007, fait le constat de ces deux valorisations de la société ["l'entreprise ne vaut rien"] puis celle-ci vaudrait 18 millions d'euros] dans la mesure où il a d'une part constaté le coup d'accordéon et d'autre part évoqué l'opération d'acquisition" ; qu'aucune circonstance n'imposait en outre aux actionnaires majoritaires de proposer, lors du conseil d'administration du 5 octobre 2007, de rouvrir le délai de souscription à l'augmentation de capital alors que la lettre d'intention de la société Netgem n'avait pas été formalisée et qu'une telle lettre d'intention ne constituait pas une offre ferme d'acquisition. Le courriel de M. [B] du 9 octobre 2007 montre au demeurant que seule la question de l'exercice des BSA était d'ores et déjà posée sans que la possibilité de souscrire à l'augmentation de capital dans le cadre d'une nouvelle période de souscription ait été envisagée par M. [B] ; que la société Netgem a adressé une lettre d'intention le 10 octobre 2007 aux seuls actionnaires majoritaires ; que cette offre non ferme de rachat a été présentée et commentée lors du conseil d'administration du 25 octobre 2007. Si le procès-verbal ne précise pas les termes de cette offre, les commentaires apportés par les participants, dont M. [B], ne peuvent être fondés que sur la connaissance qu'ils avaient des termes de l'offre. M. [B] a ainsi indiqué souhaiter que la vente de la société soit organisée de façon professionnelle pour retenir la meilleure offre, M. [B] ayant fait part d'une offre possible par une autre société avec laquelle il avait des contacts. Le conseil d'administration a alors autorisé la mise en place d'une data room sans opposition de M. [B] ; que lors du conseil d'administration du 29 novembre 2007, M. [L] a expliqué que l'offre de la société Netgem avait été évoquée lors de deux précédentes réunions du conseil et que l'absence de document définitif résultait des difficultés rencontrées dans les négociations en raison des assignations délivrées par MM. [P] et [B] les 8, 13 et 20 novembre précédents, des garanties complémentaires ayant été demandées par la société Netgem. M. [M] a ajouté que la baisse du cours du titre Netgem justifiait une renégociation de la parité mais que cette renégociation n'avait pu aboutir en raison de la position de faiblesse résultant de l'assignation. Si aucun document définitif n'a alors été présenté, M. [L] a notamment précisé qu'il était "extrêmement probable que l'opération soit conclue de sorte que la question du financement s'en trouverait résolue". Des informations sur la valorisation de la société Glowria par l'offre non ferme de la société Netgem, soit toujours le prix de 18 millions d'euros, la valorisation des titres Glowria en résultant, l'absence de garantie de passif autre qu'une garantie sur les conséquences de l'assignation, et l'engagement des actionnaires financiers de ne pas céder leurs titres Netgem pendant deux années sont apportées par M. [M] ; qu'il en résulte de ces échanges à compter du 5 octobre 2007 que les actionnaires majoritaires n'ont pas dissimulé d'informations aux appelants quant aux pourparlers menés avec la société Netgem et ne se sont pas comportés de manière déloyale avec eux ; qu'enfin, le contrat d'apport a été conclu le 5 décembre 2007 ; que comme il a été précédemment dit, ce contrat d'apport constitue la première offre ferme de la société Netgem ; que si la société Netgem a annoncé par communiqué de presse du 6 décembre 2007 le rachat de la société Glowria et si le conseil d'administration de la société Glowria n'a pas été aussitôt réuni, les actionnaires cessionnaires des titres Glowria ont, par lettres du 12 décembre 2007, informé MM. [P] et [B] et la société Icadis de la conclusion du contrat d'apport conformément au pacte d'actionnaires, leur permettant ainsi d'exercer leur droit de préemption ou d'adhérer eux-mêmes audit contrat ; que les actionnaires majoritaires n'ont ainsi manqué ni à leur obligation de loyauté ni au pacte d'actionnaires ; que MM. [P] et [B] et la société Icadis manquent également à démontrer qu'au cours des pourparlers conduits par les actionnaires majoritaires, ceux-ci auraient violé l'article 11.2.3 du pacte d'actionnaires en communiquant des informations confidentielles à un tiers sans autorisation du conseil d'administration, les appelants ne précisant pas les informations qui auraient été ainsi divulguées et ne produisant aucune pièce à l'appui de leurs allégations portant notamment sur l'existence de data rooms non autorisées par le conseil d'administration de la société Glowria ; que MM. [P] et [B] et la société Icadis reprochent également aux actionnaires majoritaires un comportement déloyal dans la suspension de la mission de la société Drake Star France ; qu'ils ne démontrent toutefois pas que les actionnaires majoritaires aient été seuls à l'initiative d'une telle suspension alors que dans leurs écritures ils émettent deux hypothèses : celle d'une suspension à la seule initiative de la société Drake Star France et celle d'une suspension décidée par les seuls actionnaires majoritaires ; que quant aux conditions d'exercice des BSA, aucune des circonstances invoquées par MM. [P] et [B] et la société Icadis ne caractérise un comportement frauduleux ou déloyal de la part des actionnaires majoritaires. En effet, ceux-ci n'étaient tenus d'assurer aux appelants ni un effet relatif de l'exercice de leurs BSA, alors que les appelants avaient pris auparavant la décision de ne pas souscrire à l'augmentation de capital, ni aucune éventuelle perte financière née de l'exercice des BSA. En outre, au cours du conseil d'administration de la société Glowria réuni le 10 décembre 2007, le président a communiqué aux membres du conseil les projets de courriers à envoyer aux actionnaires, aux titulaires de BSA et de BSPCE relatifs au contrat d'apport, et les a informés de l'envoi aux titulaires des BSA d'une information sur les conditions d'exercice de ces bons. Ces points n'ont fait l'objet d'aucune observation de la part de MM. [P] et [B], lesquels n'ont par ailleurs soulevé aucune difficulté quant à la courte période d'exercice des BSA restant à courir ou à une éventuelle carence d'informations sur la société Netgem, la cour rappelant que dès octobre 2007 les appelants se préoccupaient de la question de l'exercice de leurs BSA ; que la possibilité pour les titulaires de BSA de les apporter à la société Netgem en échange d'actions Netgem, dans le cadre de leur adhésion au contrat d'apport, leur permettait de n'avancer aucun fond, et de se dispenser ainsi de recourir à un prêt, et de réduire le risque financier de l'opération, un tel risque étant au demeurant inhérent à toutes opérations d'investissement. Cette possibilité d'adhérer ainsi au contrat d'apport ne peut pas être analysée comme une condition d'exercice des BSA imposée par les actionnaires majoritaires ; que quant au courriel de M. [L] du 1er décembre 2007 évoquant la possibilité de solliciter une prorogation de la période d'exercice des BSA, en échange d'un abandon de l'assignation délivrée par MM. [P] et [B], il ne relève nullement d'une initiative des actionnaires majoritaires et ne constitue pas une pression mais une simple suggestion ; qu'enfin, les appelants ne démontrent pas que l'exercice de leurs BSA était conditionné à l'abandon de l'instance qu'ils avaient initiée en novembre 2007, la clause du contrat d'apport par laquelle les apporteurs s'engagent à indemniser la société Glowria et la société Netgem des préjudices effectivement supportées par elles dans le cadre de l'assignation ne signifiant pas que les appelants s'engageaient à renoncer à leur action judiciaire mais qu'ils devaient, en cas d'adhésion en supporter les éventuels risques comme tout autre apporteur ; qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments qu'aucun manquement à leur obligation de loyauté ni aucun manquement au pacte d'actionnaires de la part des actionnaires majoritaires n'est démontré. Le jugement sera infirmé sur ce point et les appelants déboutés de leur demande de dommages-intérêts à ce titre » (arrêt attaqué, p. 31-35) ; 1) Alors que la cassation au titre du sixième moyen s'agissant de la nullité pour fraude de la décision d'augmentation du capital entraînera la censure de l'arrêt sur la responsabilité des dirigeants sociaux ayant été à l'initiative d'une telle opération à raison du lien de dépendance nécessaire, par application des dispositions de l'article 624 du code de procédure civile ; 2) Alors que manque à son devoir de loyauté le dirigeant qui s'abstient d'informer les autres associés de circonstances de nature à influer sur leur consentement, et notamment de négociations menées avec un repreneur pour le rachat de leurs participations ; qu'au cas présent, il est constant que des pourparlers occultes avec le futur acquéreur Netgem se sont tenus du 19 avril 2007 au 3 juin 2007, puis que M. [M] a reconnu avoir eu connaissance, dès le mois de septembre 2007, qu'un accord avec Netgem avait été trouvé pour la valorisation de la société à hauteur de 18 millions d'euros, accord concrétisé par une lettre d'intention émise le 10 octobre 2017, valorisation qui tranchait radicalement avec l'évaluation de la société à l'occasion de l'augmentation de capital, proche de zéro ; qu'en estimant que les dirigeants n'avaient pas commis un manquement à leur devoir de loyauté, lorsqu'il était pourtant établi que les dirigeants avaient dissimulé, tant l'intérêt du futur acquéreur d'avril à juin 2007 que lors de l'assemblée générale du 28 juin 2007 (déclarations de Messieurs [L], [M], [D] excluant explicitement l'hypothèse d'acquéreur potentiel sur questions de deux actionnaires minoritaires) puis lors de trois conseils d'administration successifs qui avaient entériné l'augmentation de capital par effet de la résolution 12 (conseils du 5 octobre 2007, du 25 octobre 2007 et du 29 novembre 2007) cette information essentielle sur le prix du rachat de la société et l'identité du repreneur, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction applicable à la cause ; 3) Alors que manque à son devoir de loyauté le dirigeant qui s'abstient d'informer les autres associés de circonstances de nature à influer sur leur consentement, et notamment de négociations menées avec un repreneur pour le rachat de leurs participations, et ce quel que soit leur état d'avancement et sans que puisse être opposé le secret desdites négociations ; qu'en estimant que les dirigeants étaient fondés à ne pas communiquer aux administrateurs, lors de trois conseils d'administration successifs, la proposition émise par Netgem pour un prix de 18 millions d'euros formalisée dans une lettre d'intention émise le 10 octobre 2007, en ce qu'il ne s'agissait pas d'une offre ferme et que cette société étant cotée en bourse, son identité n'avait pas à être révélée, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction applicable à la cause ; 4) Alors que l'article 11.2.3. du pacte d'actionnaires stipule que « chacune des Parties qui pourrait, dans le cadre des stipulations du présent article 11, accéder à des informations confidentielles de la Société s'engage d'ores et déjà à en préserver la confidentialité et s'interdit de communiquer l'une quelconque de ces informations à un Tiers, quel qu'il soit, sans qu'une telle communication ait au préalable été autorisée par le conseil d'administration de la Société » ; qu'il est établi que, dès le 19 avril 2017 et jusqu'au 3 juin 2007, des négociations ont été menées par les dirigeants majoritaires avec la société Netgem, pour procéder à la reprise de la société Glowria, ce qui impliquait nécessairement la communication d'informations confidentielles sur la situation financière et contractuelle de la société, sans que le conseil d'administration n'en ait été préalablement informé dans sa collégialité ; qu'en estimant que les dirigeants n'avaient pas manqué à leurs obligations à ce titre, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction applicable à la cause. NEUVIEME MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt confirmatif de ce chef d'avoir débouté les exposants de leur demande en réparation de leurs préjudices contre la société Netgem ; Aux motifs propres que « MM. [P] et [B] et la société Icadis soutiennent que la société Netgem est liée par le pacte d'actionnaires auquel elle est partie et dont elle s'est prévalue pour faire appliquer la clause de sortie forcée ; qu'ils prétendent que la société Netgem a violé le pacte d'actionnaires en acquérant les titres Glowria sans notification d'une offre ferme et de bonne foi, en procédant à un audit sans autorisation préalable du conseil d'administration et en violant l'obligation générale de loyauté. Ils font valoir que la société Netgem est également fautive sur un fondement délictuel ; qu'ils prétendent que la société Netgem a mené des pourparlers occultes au printemps 2007 avec la société Glowria, en vue de créer un ensemble combiné, en ayant parfaitement conscience de contourner le représentant légal de la société Glowria vis-à-vis des tiers, qu'elle a également conclu dans les mêmes conditions de dissimulation un accord de coopération commerciale dans le dos du conseil d'administration de la société Glowria, qu'elle a agi en complice actif, voire instigatrice, en insérant dans le contrat d'apport leur renonciation à leurs droits au titre du pacte d'actionnaires et de la procédure qu'ils avaient initiée devant le tribunal de commerce. Ils ajoutent que la société Netgem s'est rendue complice "du maquillage et de la falsification des approbations en conventions réglementées" lors de son assemblée générale du 6 juin 2008 en approuvant les comptes clos au 31 décembre 2007 ; que la société Netgem n'était tenue d'aucune obligation d'information des actionnaires minoritaires de la société Glowria tant sur la conclusion d'un contrat d'apport d'affaires que sur les pourparlers menés avec les actionnaires majoritaires en vue de l'acquisition de leurs titres Glowria. Non-partie au pacte d'actionnaires sur cette période, il ne lui appartenait pas non plus de notifier son offre ferme aux actionnaires liés par le pacte, une telle obligation incombant aux cédants des actions Glowria en vertu de ce pacte d'actionnaires, ni n'était liée par la clause de confidentialité insérée dans le pacte ; que comme il a été précédemment dit, aucun pourparler occulte entre les actionnaires majoritaires et la société Netgem n'est démontré par les appelants ; que de même, le contrat d'apport ne comprend aucune obligation pesant sur un apporteur de renoncer à une action judiciaire ; qu'enfin, l'approbation des comptes de la société Glowria clos au 31 décembre 2007 par l'assemblée générale de la société Netgem du 6 juin 2008 n'est pas constitutive d'une faute de la part de la société Netgem ; qu'il résulte de ces éléments qu'aucune faute n'est établie à l'encontre de la société Netgem ; que le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté les appelants de leur demande de condamnation de la société Netgem sur ce fondement » (arrêt attaqué, p. 35). Aux motifs adoptés que « les demandeurs soutiennent également que NETGEM a manqué à son obligation de bonne foi et de loyauté à leur égard et devrait à ce titre être condamnée in solidum avec les Investisseurs à réparer l'éventuel préjudice qu'ils auraient subi ; que NETGEM n'était pas partie au pacte d'actionnaires, ni liée avec les demandeurs par aucun contrat et n'était à ce titre redevable à leur égard d'aucune obligation découlant de l'application de l'article 1134 du code civil ; qu'à la date de l'augmentation de capital, et des décisions d'apport de titres GLOWRIA à NETGEM, NETGEM n'était ni dirigeant, ni actionnaire de GLOWRIA et ainsi n'était tenue à aucune obligation de loyauté où d'information à l'égard des demandeurs ; qu'il n'existe aucune obligation d'information des actionnaires de la part d'un futur potentiel acquéreur ; que le tribunal dira qu'il n'y a pas lieu d'associer NETGEM à la réparation éventuelle du préjudice subi par les demandeurs du fait d'un manque au devoir d'information, et de loyauté commis par les investisseurs et les fonds, et débouter les demandeurs de leur demande de condamnation in solidum de NETGEM » (Jugement, p. 34-35) ; Alors que le tiers au contrat engage sa responsabilité délictuelle à l'égard d'un contractant, dès lors qu'il est complice de l'inexécution de ses obligations contractuelles par l'autre partie ; qu'en se bornant à relever que la société Netgem, tiers au pacte d'actionnaires, n'était tenue d'aucune obligation d'information des actionnaires minoritaires, de notification de son offre ferme ou encore de confidentialité, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si la société Netgem ne s'était pas rendue complice de l'inexécution de leurs engagements par les actionnaires majoritaires stipulés au pacte d'actionnaires, et notamment de l'obligation de confidentialité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction applicable à la cause. DIXIEME MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevables les demandes formées par MM. [B] et [P] en réparation de leur préjudice moral formée contre les intimés ; Aux motifs que « aux termes de l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait ; que selon l'article 565 du même code, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent ; que devant le tribunal, MM. [P] et [B] ont sollicité l'indemnisation d'un premier préjudice résultant, selon eux, à titre principal de la nullité de l'augmentation de capital et à titre subsidiaire de manquements des actionnaires majoritaires et de la société Netgem à leurs obligations d'information et de loyauté, et d'un second préjudice résultant du refus des actionnaires majoritaires et de la société Netgem de leur communiquer l'offre et les actes préparatoires à la cession des titres Glowria et de la communication aux débats d'un registre de mouvements de titres falsifié ; qu'ils n'ont pas demandé l'indemnisation d'un préjudice moral né d'une supposée trahison, de la durée de la procédure et d'une perte de crédibilité. Cette demande est nouvelle en cause d'appel dans la mesure où, si elle porte sur l'indemnisation d'un préjudice comme en première instance, elle n'est pas fondée sur les mêmes faits fautifs allégués contre les actionnaires majoritaires et la société Netgem. Cette demande est donc irrecevable » (arrêt attaqué, p. 36). ; Alors que les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent et que les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire ; qu'en déclarant irrecevables les demandes formées par MM. [B] et [P] en réparation de leur préjudice moral, aux motifs qu'elles n'étaient pas fondées sur les mêmes faits fautifs allégués contre les actionnaires majoritaires et la société Netgem, lorsqu'elles tendaient aux mêmes fins que les demandes indemnitaires formées en première instance à leur encontre et étaient la conséquence de l'opération frauduleuse d'ensemble dont ils avaient été victime, la cour d'appel a violé les articles 565 et 566 du code de procédure civile. ONZIEME MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevable la demande formée par M. [P] en réparation de son préjudice causé par sa révocation brutale et vexatoire ; Aux motifs que « aux termes de l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait ; que selon l'article 565 du même code, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent ; que devant le tribunal, M. [P] a sollicité l'indemnisation d'un premier préjudice résultant, selon lui, à titre principal de la nullité de l'augmentation de capital et à titre subsidiaire de manquements des actionnaires majoritaires et de la société Netgem à leurs obligations d'information et de loyauté, et d'un second préjudice résultant du refus des actionnaires majoritaires et de la société Netgem de leur communiquer l'offre et les actes préparatoires à la cession des titres Glowria et de la communication aux débats d'un registre de mouvements de titres falsifié ; qu'il n'a pas demandé l'indemnisation d'un préjudice moral né de sa révocation ; que cette demande est nouvelle en cause d'appel dans la mesure où, si elle porte sur l'indemnisation d'un préjudice comme en première instance, elle n'est pas fondée sur les mêmes faits fautifs allégués contre les actionnaires majoritaires et la société Netgem ; que cette demande est donc irrecevable ». Alors que les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent et que les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire ; qu'en déclarant irrecevable la demande formée par M. [P] en réparation de son préjudice causé par sa révocation brutale et vexatoire, aux motifs qu'elle n'était pas fondée sur les mêmes faits fautifs allégués contre les actionnaires majoritaires et la société Netgem, lorsqu'elle tendait aux mêmes fins que les demandes indemnitaires formées en première instance à leur encontre et était la conséquence de l'opération frauduleuse d'ensemble dont il avait été victime, la cour d'appel a violé les articles 565 et 566 du code de procédure civile. DOUZIEME MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt infirmatif de ce chef d'avoir déclaré irrecevables les demandes formées par les exposants contre la société Drake Star France ; Aux motifs que « MM. [B], [P] et la société Icadis soutiennent que le jugement doit être infirmé aux motifs que leur action à l'encontre de la société Drake Star France n'est pas prescrite, qu'elle est soumise aux règles de prescription antérieures à la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile car l'instance a été introduite le 8 novembre 2007 et l'assignation en intervention forcée signifiée le 13 mai 2008 avant l'entrée en vigueur de cette loi, qu'en vertu de l'article 2244 ancien du code civil cette assignation a interrompu la prescription, que les prescriptions délictuelle et contractuelle applicables en l'espèce sont respectivement décennale et trentenaire ; que la société Drake Star France réplique que l'action en responsabilité engagée par les appelants est prescrite aux motifs que le point de départ de la prescription est constitué par l'arrêt prétendument fautif de sa mission résultant de son courrier du 30 novembre 2007, que l'action en responsabilité a été introduite par les appelants le 15 mai 2014 après l'expiration du délai de prescription, intervenue le 19 juin 2013 conformément à la loi du 17 juin 2018 réduisant de dix à cinq ans le délai de prescription en la matière, et que l'assignation en intervention forcée tendant aux seules fins de déclaration de jugement commun n'est pas interruptive de prescription ; que par acte du 13 mai 2008, MM. [B], [P] et la société Icadis ont fait assigner en intervention forcée la société Drake Star France aux côtés de la société Netgem, de MM. [L] et [D] et des fonds gérés par les sociétés Omnes capital et Seventure ; qu'aux termes de cette assignation, les demandeurs sollicitent à l'encontre de la société Drake Star France que le jugement à intervenir lui soit déclarer commun et opposable ; que l'assignation ne fait état d'aucun manquement de la société Drake Star France ; que par conclusions du 15 mai 2014, MM. [B], [P] et la société Icadis ont demandé pour la première fois la condamnation de la société Drake Star France au paiement de dommages-intérêts ; que l'assignation en intervention forcée du 13 mai 2008 ne contient pas à l'égard de la société Drake Star France de demande en paiement de dommages-intérêts de sorte qu'elle n'a pas interrompu la prescription de l'action en responsabilité ; qu'aux termes des II et III de l'article 26 de la loi du 17 juin 2008, les dispositions de la loi qui réduisent la durée de la prescription s'appliquent aux prescriptions à compter du jour de l'entrée en vigueur de la présente loi, soit le 19 juin 2008, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure, mais lorsqu'une instance a été introduite avant l'entrée en vigueur de la loi, l'action est poursuivie et jugée conformément à la loi ancienne ; que l'action en responsabilité à l'encontre de la société Drake Star les conclusions du 15 mai 2014, et non par l'assignation en intervention forcée du 13 mai 2008, de sorte qu'elle est soumise aux nouvelles règles de prescription issues de la loi du 17 juin 2008 ; que l'article 15 de cette loi a réduit de dix à cinq ans la prescription des actions entre commerçants et non commerçants de sorte qu'en application du II de l'article 26 de la même loi, la prescription de l'action de MM. [B], [P] et de la société Icadis est acquise le 19 juin 2013 ; que cette action en responsabilité ayant été introduite par MM. [B], [P] et la société Icadis le 15 mai 2014 est donc prescrite ; que le jugement sera infirmé en ce qu'il a débouté MM. [P] et [B] et la société Icadis de leurs demandes de condamnation de la société Drake Star France, bien qu'ayant constaté leur prescription dans ses motifs, et ces demandes seront déclarées irrecevables » ; Alors qu'une citation en justice, même en référé, un commandement ou une saisie, signifiés à celui qu'on veut empêcher de prescrire, interrompent la prescription ainsi que les délais pour agir ; qu'en énonçant que n'était pas interruptive de prescription l'assignation du 13 mai 2008, par laquelle MM. [B], [P] et la société Icadis ont fait assigner en intervention forcée la société Drake Star France aux côtés de la société Netgem, de MM. [L] et [D] et des fonds gérés par les sociétés Omnes capital et Seventure, aux fins que le jugement à intervenir lui soit déclarer commun et opposable, lorsqu'il s'agissait pourtant d'une demande en justice exercée à son encontre de nature à interrompre la prescription, la cour d'appel a violé l'article 2244 du code civil dans sa rédaction applicable à la cause ;
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 12 octobre 2022 M. MOLLARD, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 596 F-B Pourvoi n° D 21-15.382 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 12 OCTOBRE 2022 M. [Z] [V], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° D 21-15.382 contre l'arrêt rendu le 18 février 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 9), dans le litige l'opposant à la société Euromédicom, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme de Cabarrus, conseiller référendaire, les observations de la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat de M. [V], de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de la société Euromédicom, après débats en l'audience publique du 5 juillet 2022 où étaient présents M. Mollard, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme de Cabarrus, conseiller référendaire rapporteur, M. Ponsot, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 18 février 2021), par lettre du 13 mai 2011, M. [V] a été nommé directeur général de la société par actions simplifiée International Trade Exhibition Company France (la société Itec) par décision de son associé unique, la société Euromédicom. Cette dernière l'a révoqué de ces fonctions par décision du 17 décembre 2014. 2. Considérant que sa révocation était intervenue sans juste motif, M. [V] a assigné la société Euromédicom, venant aux droits de la société Itec, en paiement d'une indemnité. Examen du moyen Enoncé du moyen 3. M. [V] fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande tendant à la condamnation de la société Euromédicom à lui payer la somme de 43 860 euros en raison de la révocation sans juste motif de son mandat de directeur général, outre les intérêts au taux légal à compter du 17 décembre 2014 et la capitalisation des intérêts, alors « que même si les statuts d'une société par actions simplifiée prévoient que le directeur général peut être révoqué ad nutum par décision de l'associé unique, ce dernier peut, par une décision extra-statutaire obligeant la société, prévoir, par référence à une lettre du même jour, qu'en cas de révocation sans juste motif, le directeur général aura droit à une indemnité ; qu'en l'espèce, nonobstant l'article 12 des statuts de la SAS Itec prévoyant que "le directeur général peut être révoqué à tout moment et sans qu'aucun motif soit nécessaire, par décision de la collectivité des associés ou de l'associé unique" et que "la cessation, pour quelque cause que ce soit et quelle qu'en soit la forme, des fonctions de directeur général, ne donnera droit au directeur général révoqué à aucune indemnité de quelque nature que ce soit", l'associé unique, par décision du 13 mai 2011, a nommé M. [V] en qualité de directeur général de la SAS Itec et précisé que "les modalités de sa rémunération et de sa collaboration de manière générale avec la société seront celles figurant dans un courrier en date du 13 mai 2011 adressé par M. [U] au directeur général [M. [V]]", ce courrier indiquant : "en cas de révocation de vos fonctions de directeur général de la société sans juste motif, vous bénéficierez d'une indemnité forfaitaire égale à six mois de votre rémunération brute fixe" ; qu'en jugeant cependant que seuls les statuts d'une société par actions simplifiée pouvaient fixer les modalités de révocation de son directeur général et qu'ainsi la décision de l'associé unique n'avait pu valablement déroger aux dispositions statutaires prévoyant une révocation ad nutum, la cour d'appel, qui a méconnu l'engagement extra-statutaire pris par l'associé unique obligeant la société Itec, a violé les articles L. 227-1 et L. 227-5 du code de commerce, ensemble l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, devenu l'article 1103 du même code. » Réponse de la Cour 4. Il résulte de la combinaison des articles L. 227-1 et L. 227-5 du code de commerce que les statuts de la société par actions simplifiée fixent les conditions dans lesquelles la société est dirigée, notamment les modalités de révocation de son directeur général. Si les actes extra-statutaires peuvent compléter ces statuts, ils ne peuvent y déroger. 5. Ayant constaté que la lettre-accord du 13 mai 2011 portant convention de direction prévoyait, en cas de révocation pour juste motif, une indemnité forfaitaire égale à six mois de la rémunération brute fixe et que l'article 12 des statuts de la société Itec stipulait que « [l]e directeur général peut être révoqué à tout moment et sans qu'aucun motif soit nécessaire, par décision de la collectivité des associés ou de l'associé unique » et que « [l]a cessation, pour quelque cause que ce soit et quelle qu'en soit la forme, des fonctions de directeur général, ne donnera droit au directeur général révoqué à aucune indemnité de quelque nature que ce soit », la cour d'appel en a exactement déduit que le procès-verbal de l'associé unique du même jour, procédant à la nomination de M. [V], qui se référait à la lettre du 13 mai 2011 pour « les modalités de sa rémunération et de sa collaboration de manière générale avec la société », n'avait pu valablement déroger à cette disposition statutaire. 6. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne M. [V] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [V] et le condamne à payer à la société Euromédicom la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, prononcé par le président en son audience publique du douze octobre deux mille vingt-deux, et signé par lui et M. Ponsot, conseiller, en remplacement du conseiller rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat aux Conseils, pour M. [V]. M. [V] reproche à l'arrêt attaqué de l'avoir débouté de sa demande tendant à la condamnation de la société Euromédicom à lui payer la somme de 43.860 € en raison de la révocation sans juste motif de son mandat de directeur général, outre les intérêts au taux légal à compter du 17 décembre 2014 et la capitalisation des intérêts ; Alors que même si les statuts d'une société par actions simplifiée prévoient que le directeur général peut être révoqué ad nutum par décision de l'associé unique, ce dernier peut, par une décision extra-statutaire obligeant la société, prévoir, par référence à une lettre du même jour, qu'en cas de révocation sans juste motif le directeur général aura droit à une indemnité ; qu'en l'espèce, nonobstant l'article 12 des statuts de la S.A.S. Itec prévoyant que « le directeur général peut être révoqué à tout moment et sans qu'aucun motif soit nécessaire, par décision de la collectivité des associés ou de l'associé unique » et que « la cessation, pour quelque cause que ce soit et quelle qu'en soit la forme, des fonctions de directeur général, ne donnera droit au directeur général révoqué à aucune indemnité de quelque nature que ce soit », l'associé unique, par décision du 13 mai 2011, a nommé M. [V] en qualité de directeur général de la S.A.S. Itec et précisé que « les modalités de sa rémunération et de sa collaboration de manière générale avec la société seront celles figurant dans un courrier en date du 13 mai 2011 adressé par M. [U] au directeur général [M. [V]] », ce courrier indiquant : « en cas de révocation de vos fonctions de directeur général de la société sans juste motif, vous bénéficierez d'une indemnité forfaitaire égale à six mois de votre rémunération brute fixe » ; qu'en jugeant cependant que seuls les statuts d'une société par actions simplifiée pouvaient fixer les modalités de révocation de son directeur général et qu'ainsi la décision de l'associé unique n'avait pu valablement déroger aux dispositions statutaires prévoyant une révocation ad nutum, la cour d'appel, qui a méconnu l'engagement extra-statutaire pris par l'associé unique obligeant la société Itec, a violé les articles L. 227-1 et L. 227-5 du code de commerce, ensemble l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, devenu l'article 1103 du même code. Sur les conditions de révocation d'un dirigeant de société par actions simplifiée, à rapprocher : Com., 9 mars 2022, 19-25.795, Bull., (rejet).
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ QUESTION PRIORITAIRE CONSTITUTIONNALITÉ ______________________ Audience publique du 5 octobre 2022 IRRECEVABILITE Mme VAISSETTE, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 676 F-D Pourvoi n° A 22-13.290 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 5 OCTOBRE 2022 Par mémoire spécial présenté le 11 juillet 2022, 1°/ M. [U] [O], domicilié [Adresse 2], 2°/ Mme [C] [Y], domiciliée [Adresse 1], ont formulé deux questions prioritaires de constitutionnalité (n° 1057) à l'occasion du pourvoi n° A 22-13.290 formé contre l'arrêt rendu le 11 janvier 2022 par la cour d'appel de Chambéry (chambre civile, 1re section), dans une instance l'opposant à : 1°/ la société BTSG², société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 3], en la personne de M. [X], pris en qualité de liquidateur judiciaire de la société [Y] équipement hôtelier, 2°/ la société Etude [K] & Guyonnet, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 4], en la personne de M. [K], pris en qualité de liquidateur judiciaire de la société [Y] équipement hôtelier, 3°/ la procureure générale près la cour d'appel de Chambéry, domiciliée en son parquet général, place du Palais de justice, 73000 Chambéry. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Brahic-Lambrey, conseiller référendaire, les observations de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de M. [O] et de Mme [Y], de la SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat des sociétés BTSG² et Etude [K] & Guyonnet, et l'avis de Mme Guinamant, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 4 octobre 2022 où étaient présentes Mme Vaissette, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Brahic-Lambrey, conseiller référendaire rapporteur, Mme Bélaval, conseiller, et Mme Mamou, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Enoncé des questions prioritaires de constitutionnalité 1. A l'occasion du pourvoi qu'ils ont formé contre l'arrêt rendu le 11 janvier 2022 par la cour d'appel de Chambéry (n° RG 21/00633), Mme [Y] et M. [O] ont, par mémoire distinct et motivé, demandé de renvoyer au Conseil constitutionnel deux questions prioritaires de constitutionnalité ainsi rédigées : « 1°/ Le 2e alinéa de l'article L. 621-9 du code de commerce qui, selon sa portée effective telle qu'elle résulte d'une interprétation jurisprudentielle constante de la Cour de cassation, autorise le technicien désigné par le juge-commissaire à établir et remettre son rapport sans avoir à respecter le principe du contradictoire, est-il conforme au principe du respect des droits de la défense garanti par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ? 2°/ Le 2e alinéa de l'article L. 621-9 du code de commerce qui, selon sa portée effective telle qu'elle résulte d'une interprétation jurisprudentielle constante de la Cour de cassation, autorise le technicien désigné par le juge-commissaire à établir et remettre son rapport sans avoir à respecter le principe du contradictoire, est-il conforme au principe d'égalité garanti par l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ? » Examen des questions prioritaires de constitutionnalité 2. Selon l'article L. 621-9, alinéa 2, du code de commerce, lorsque la désignation d'un technicien est nécessaire, seul le juge-commissaire peut y procéder en vue d'une mission qu'il détermine, sans préjudice de la faculté pour le tribunal prévue à l'article L. 621-4 de désigner un ou plusieurs experts. 3. Tout justiciable a le droit de contester la constitutionnalité de la portée effective qu'une interprétation jurisprudentielle constante confère à une disposition législative, sous la réserve que cette jurisprudence ait été soumise à la juridiction suprême compétente. 4. Cependant, il n'existe pas de jurisprudence constante selon laquelle l'article L. 621-9, alinéa 2, du code de commerce serait interprété comme autorisant le technicien désigné par le juge-commissaire à établir et remettre son rapport sans avoir à respecter le principe du contradictoire. En effet, si la Cour de cassation juge que la mission que le juge-commissaire peut confier à un technicien n'est pas une mission d'expertise judiciaire soumise aux règles du code de procédure civile et n'exige donc pas l'observation d'une contradiction permanente dans l'exécution des investigations, elle s'assure de l'association du débiteur ou du dirigeant aux opérations du technicien. (Com., 22 mars 2016, pourvoi n° 14-19.915, Bull. 2016, IV, n° 45 ; Com., 23 avril 2013, pourvoi n° 12-13.256, rectifié le 9 juillet 2013). 5. En conséquence, les questions ne sont pas recevables. PAR CES MOTIFS, la Cour : DECLARE IRRECEVABLES les questions prioritaires de constitutionnalité ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du cinq octobre deux mille vingt-deux.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 5 octobre 2022 Cassation partielle et cassation partielle sans renvoi M. RÉMERY, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 566 F-B Pourvoi n° Z 21-12.250 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 5 OCTOBRE 2022 1°/ M. [G] [N], domicilié [Adresse 5], 2°/ la société [G] et [U] [N], société à responsabilité limitée à associé unique, dont le siège est [Adresse 5], 3°/ la société MJ associés, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 6], anciennement dénommée la société [E] [H], en la personne de Mme [E] [H], agissant en qualité de commissaire à l'exécution du plan de redressement de la société [G] et [U] [N], ont formé le pourvoi n° Z 21-12.250 contre l'arrêt rendu le 5 février 2019 par la cour d'appel de Dijon (1re chambre civile) et l'arrêt rendu le 17 décembre 2020 par la cour d'appel de Dijon (2e chambre civile), dans le litige les opposant : 1°/ à la société Entreprise dijonnaise, société anonyme à conseil d'administration, dont le siège est [Adresse 9], 2°/ à M. [R] [T], domicilié [Adresse 2], mandataire judiciaire, pris en qualité de liquidateur judiciaire de la société Entreprise dijonnaise, 3°/ à la société RGA expertise & audit, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], 4°/ à M. [K] [Z], domicilié [Adresse 3], 5°/ à la société Cléon Martin Broichot & associés, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 8], 6°/ à M. [A] [L], domicilié [Adresse 4], 7°/ à M. [O] [I], domicilié [Adresse 7], défendeurs à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Barbot, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat de M. [N], de la société [G] et [U] [N] et de la société MJ associés, ès qualités, de la SCP Alain Bénabent, avocat de la société RGA expertise & audit, de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Cléon Martin Broichot & associés, de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de M. [Z], de la SCP Ohl et Vexliard, avocat de M. [L], de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. [T], ès qualités, et l'avis de Mme Guinamant, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 28 juin 2022 où étaient présents M. Rémery, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Barbot, conseiller référendaire rapporteur, Mme Vaissette, conseiller, et Mme Mamou, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon les arrêts attaqués (Dijon, 5 février 2019 et 17 décembre 2020), la société Entreprise dijonnaise (la société ED), détenue par la société holding [G] et [U] [N] (la société BRG), avait pour dirigeants MM. [N], président du conseil d'administration et directeur général, et [I], directeur général délégué. 2. Le 10 juin 2014, la société holding Carpe Diem, dirigée par M. [X], a fait l'acquisition des parts sociales de la société ED, M. [X] devenant président directeur général de celle-ci, tandis que MM. [N] et [I] démissionnaient de leurs fonctions. 3. Le 28 novembre 2014, M. [X] a déclaré la cessation des paiements de la société ED qui, par un jugement du 2 décembre 2014, a été mise en redressement judiciaire, la date de cessation des paiements étant fixée au 31 décembre 2013. 4. Le 3 avril 2015, l'administrateur judiciaire a assigné la société ED, MM. [N] et [I], en leur qualité d'anciens dirigeants de la société débitrice, et la société BRG en report de la date de cessation des paiements au 2 juin 2013. 5. La procédure collective ayant été convertie en liquidation judiciaire le 24 avril 2015, le liquidateur de la société ED, M. [T], a repris cette action. 6. Le 15 avril 2016, M. [N] a appelé en intervention forcée, à l'instance en report, M. [Z] et la société RGA expertise & audit (la société RGA), en leur qualité de commissaires aux comptes de la société débitrice, la société Cléon Martin Broichot et associés (la société Cléon), en qualité d'expert-comptable de la société débitrice, M. [L], en qualité de conciliateur puis de mandataire ad hoc de la société débitrice, afin que le jugement leur soit déclaré opposable. La jonction des procédures a été ordonnée. 7. Un jugement du 31 janvier 2017 a, notamment, déclaré irrecevables ces interventions forcées et rejeté la demande de report de la date de cessation des paiements. 8. La société ED a relevé appel principal de ce jugement, en intimant son liquidateur, M. [N], la société BRG, la société [E] [H] en qualité de mandataire judiciaire de cette dernière, et le ministère public. 9. Sur cet appel principal, le liquidateur a formé un appel incident et M. [N] un appel provoqué, après que ce dernier a de nouveau assigné en intervention forcée les personnes ci-dessus nommées, afin que la décision à intervenir leur soit rendue commune et opposable. 10. Le liquidateur a également relevé appel principal de ce jugement, en intimant la société débitrice ED, M. [N], ainsi que la société BRG et son mandataire judiciaire, la société [E] [H], qui est devenue la société MJ associés puis a été nommée en qualité de commissaire à l'exécution du plan de cette société. 11. Les deux procédures d'appel ont été jointes. 12. Le premier arrêt attaqué, infirmant une ordonnance du conseiller de la mise en état, déclare recevables l'appel principal formé par la société ED, les appels incident et provoqué consécutifs à cet appel, et l'appel principal formé par le liquidateur de cette société. 13. Le second arrêt attaqué, infirmant le jugement entrepris, reporte la date de cessation des paiements de la société ED au 2 juin 2013. Examen des moyens Sur le deuxième moyen et sur le troisième moyen, pris en ses cinquième, sixième et septième branches, ci-après annexés 14. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Mais sur le premier moyen Enoncé du moyen 15. M. [N], la société BRG et le commissaire à l'exécution du plan de celle-ci font grief au premier arrêt de déclarer recevables l'appel principal formé par la société ED et, en conséquence, celui interjeté par le liquidateur de cette société et ceux incident et provoqué consécutifs à l'appel principal, alors « que le débiteur en procédure collective, qui ne peut agir à titre principal pour faire fixer la date de la cessation des paiements, ne dispose que d'un droit propre à défendre à une action en report de la date de cessation des paiements ; que si ce droit propre inclut celui de faire appel du jugement ayant statué sur une demande de report, il ne permet pas au débiteur de faire appel de la décision ayant rejeté l'action en report de la date de cessation des paiements, un tel appel ne permettant pas de défendre à l'action ; qu'en retenant en l'espèce que la société Entreprise dijonnaise était recevable à interjeter appel du jugement ayant débouté le liquidateur judiciaire de sa demande de report de la date de cessation des paiements, en vertu de son droit propre à défendre à cette action, cependant que ladite action ayant été rejetée par le jugement de première instance, cet appel ne permettait en conséquence pas à la société Entreprise dijonnaise de mettre en oeuvre son droit propre à défendre à une telle action, la cour d'appel a violé l'article L. 631-8 du code de commerce. » Réponse de la Cour Vu les articles L. 631-8 et L. 641-5 du code de commerce : 16. Selon ces textes, seuls ont qualité à agir en report de la date de cessation des paiements l'administrateur, le mandataire judiciaire ou le liquidateur, ou le ministère public, à l'exclusion du débiteur, qui ne peut donc agir à titre principal à cette fin et ne dispose, lorsqu'il est mis en liquidation judiciaire, que d'un droit propre à défendre à l'action. Il en résulte que le débiteur ne peut former un appel principal contre un jugement qui rejette la demande de report de la date de cessation des paiements formée par l'une des parties qui a qualité pour ce faire. 17. Pour déclarer recevable l'appel principal formé par la société ED, le premier arrêt retient qu'il résulte du jugement entrepris que cette société n'a pas défendu à l'action en report de la date de cessation des paiements intentée par son liquidateur, de sorte qu'elle est recevable, en vertu de son droit propre à défendre à une telle action, à interjeter appel de ce jugement. 18. En statuant ainsi, alors qu'elle relevait que le jugement frappé d'appel par la société débitrice avait rejeté la demande de report de la date de cessation des paiements formée par son mandataire puis reprise par son liquidateur, peu important que la débitrice, régulièrement appelée en cause, n'ait pas comparu en première instance, la cour d'appel a violé les textes susvisés. Et sur le troisième moyen, pris en sa deuxième branche Enoncé du moyen 19. M. [N], la société BRG et le commissaire à l'exécution du plan de celle-ci font grief au second arrêt de reporter au 2 juin 2013 la date de cessation des paiements de la société ED et de les condamner à payer à cette dernière et à son liquidateur des indemnités de procédure, alors « que la cessation des paiements est l'impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible ; que cette impossibilité doit être précisément caractérisée à la date de la cessation des paiements retenue, le juge devant se fonder sur des éléments contemporains de cette date, sans pouvoir justifier sa décision au regard d'un état du passif exigible et de l'actif disponible soit antérieur, soit postérieur à la date retenue ; qu'en l'espèce, pour reporter la date de la cessation des paiements de la société Entreprise dijonnaise au 2 juin 2013, soit dix-huit mois avant le jugement d'ouverture de la procédure du 2 décembre 2014, la cour d'appel s'est fondée sur l'état du passif exigible et de l'actif disponible de la société débitrice au 31 décembre 2012, en relevant notamment que "concernant la situation de l'actif réalisable et du passif exigible de la seule société ED" "au 31 décembre 2012", "l'actif réalisable s'établissait à 10 574 K euros pour un passif exigible de 13 355 K euros, soit une insuffisance d'actif circulant de - 2 781 K€", qu'"il existe une situation financière obérée à fin 2012" et que "la situation de ED était irrémédiablement compromise dès le 31 décembre 2012 et qu'elle se trouvait en état de cessation des paiements dès le 30 juin 2013" ; qu'en concluant qu' "il résulte de l'ensemble de ces éléments qu'à tort les premiers juges ont rejeté la demande de report de la date de cessation des paiements formée par M. [T] ès qualités, et qu'il convient de faire droit à cette requête en fixant cette date du 2 juin 2013", sans jamais indiquer quels étaient l'actif disponible et le passif exigible de la société Entreprise dijonnaise à la date du 2 juin 2013, et en déduisant l'état de cessation des paiements de l'entreprise d'éléments non contemporains de la date retenue, et en outre majoritairement antérieurs aux mesures de restructuration mises en oeuvre par M. [N] dès le second semestre 2012 et durant tout le premier semestre 2013, avec notamment la conclusion d'un protocole d'accord constaté par ordonnance du président du tribunal de commerce de Dijon du 7 mai 2013, à l'issue d'une procédure de conciliation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 631-1 et L. 641-1 du code de commerce. » Réponse de la Cour Vu les articles L. 631-1, alinéa 1er, L. 631-8, alinéa 2, et L. 641-1, IV du code de commerce : 20. Il résulte de la combinaison de ces textes que la date de cessation des paiements, qui est fixée en liquidation judiciaire comme en matière de redressement judiciaire, ne peut être reportée qu'au jour où le débiteur était déjà dans l'impossibilité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible. Le juge saisi d'une demande de report doit donc, pour apprécier cette situation, se placer, non au jour où il statue, mais à celui auquel est envisagé le report de la date de cessation des paiements. 21. Pour reporter la date de cessation des paiements de la société ED au 2 juin 2013, le second arrêt, après avoir reproduit une partie des constatations figurant dans le rapport établi par M. [W], technicien désigné par le juge-commissaire, constate, d'abord, que, selon ce technicien, la situation de la société débitrice était irrémédiablement compromise dès le 31 décembre 2012 et que cette société se trouvait en état de cessation des paiements dès le 30 juin 2013, que les trois moratoires successifs accordés par la CCSF en avril 2013, janvier 2014 et juin 2014 ont eu pour seule conséquence une augmentation régulière des dettes fiscales et sociales, dans la mesure où le premier moratoire a permis de geler 1 418 000 euros de dettes qui ont atteint 1 780 000 euros en juin 2014, et où l'échéance de 100 000 euros qui devait être versée en mars 2014 n'a pas été honorée, ce qui confirme l'état de cessation des paiements. 22. L'arrêt constate, ensuite, au vu du rapport établi le 21 octobre 2013 par le cabinet Grant Thornton, que ce dernier conclut qu'il existait une situation financière obérée à fin de l'année 2012, que la dégradation s'est accentuée au premier semestre 2013 avec des fonds propres négatifs de 1,5 millions d'euros, et que « de fait la société pourrait se trouver en état de cessation des paiements en cas de mise en demeure de régler des dettes sociales échues (0,6 millions hors CCSF au 30 juin 2013) et/ou de dettes fournisseurs échues estimées à 1,2 millions d'euros (ce point restant à parfaire). » 23. L'arrêt retient, en outre, que M. [W] ne s'est pas contenté d'une simple analyse des pièces comptables de la société ED, puisqu'il joint à son rapport un document interne portant sur la trésorerie réelle jusqu'à fin mai 2012 et faisant apparaître, déjà en janvier 2012, un retard de paiement des fournisseurs de 584 000 euros et de 1 255 000 euros en mai 2012, ce qui semble corroborer les conclusions du cabinet Grant Thornton. L'arrêt ajoute que M. [W] a détaillé l'ensemble des assignations et relances adressées à la société débitrice au cours du second semestre 2012, ces procédures portant sur 440 321,92 euros et concernant des factures datées de mars à décembre 2012, et qu'il a également analysé les mises en demeure, relances, traites et chèques rejetés au cours du premier semestre 2013 concernant des fournisseurs impayés depuis plusieurs mois pour un montant total de 624 663,06 euros. L'arrêt précise encore que M. [W] s'est livré à l'analyse de l'évolution des dettes fiscales et sociales de la société ED, ce dont il ressort notamment qu'en 2013, les précomptes salariaux n'étaient pas payés à leur date d'exigibilité, que les soldes dûs à l'URSSAF, échus depuis plusieurs mois, atteignaient 971 000 euros le 30 avril 2013 et 826 000 euros le 31 mai suivant, les échéanciers accordés n'étant pas respectés, et que l'URSSAF a déclaré au passif une créance de 1 520 000 euros, dont 521 000 euros correspondent à des dettes antérieures au mois de juin 2013 et impayées au jour de l'ouverture de la procédure collective. 24. L'arrêt retient par ailleurs que, s'agissant des concours bancaires invoqués par M. [N] et la société BRG, le cabinet Grant Thornton relève que, dès la fin de 2012, la trésorerie de la société ED était proche du maximum autorisé, soit de 2 millions d'euros, qu'au 30 juin 2013, les retards de règlement atteignaient 2 678 000 d'euros, que concernant les avances de trésorerie consenties par OSEO sur les chantiers publics, notamment pour un montant de 346 000 euros au cours du seul second trimestre 2013, le seul fait que la société ED les ait sollicitées est symptomatique d'un état de cessation des paiements, puisqu'elles ne s'expliquent que par une recherche de trésorerie, et que s'agissant, enfin, des fonds provenant de la vente du siège social de la société ED, M. [N] et la société BRG indiquent eux-mêmes que cette dernière a remis à la société débitrice la somme totale de 985 000 euros, ce qui lui a permis de procéder à divers paiements de dettes, de sorte que ces fonds ne constituent plus un actif disponible. 25. L'arrêt retient, enfin, que le fait que la société ED ait bénéficié d'aides postérieurement au mois de juin 2013 et de procédures de conciliation, y compris en juillet 2014, est indifférent. 26. L'arrêt déduit de l'ensemble de ces éléments qu'il convient de reporter la date de cessation des paiements au 2 juin 2013. 27. En statuant par de tels motifs, impropres à caractériser l'état de cessation des paiements à la date du 2 juin 2013 qu'elle retenait, en l'absence de toute précision quant à l'actif disponible et au passif exigible à cette date, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision. Portée et conséquences de la cassation 28. En premier lieu, même si le litige sur la fixation de la date de cessation des paiements, qui ne peut être qu'unique, est par nature indivisible au sens des articles 552 et 553 du code de procédure civile, la cassation du premier arrêt sur le fondement du premier moyen, lequel ne critique que la recevabilité de l'appel principal formé par la société ED, n'est pas, à elle seule, de nature à entraîner l'irrecevabilité de l'appel incident du liquidateur, ni celle de l'appel provoqué de M. [N], pas plus que celle de l'appel principal du liquidateur, dès lors que les arrêts attaqués ne comportent aucune précision quant au point de départ des délais pour former ces appels et à la date à laquelle ces appels ont été formés. 29. La portée de la cassation du premier arrêt étant donc limitée à l'irrecevabilité de l'appel principal formé par la société ED, la première branche du troisième moyen, qui se prévaut d'une cassation du second arrêt par voie de conséquence, n'est pas fondée, en l'absence d'éléments permettant d'affirmer que les autres appels sont, eux aussi, irrecevables. 30. En second lieu, ainsi que le proposent les demandeurs au pourvoi, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1er, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile. 31. La cassation partielle prononcée à l'égard du premier arrêt n'implique pas, en effet, qu'il soit à nouveau statué sur la recevabilité de l'appel principal formé par la société ED. Demande de mise hors de cause 32. Il y a lieu de mettre hors de cause M. [Z], la société RGA et la société Cléon, dont la présence devant la cour de renvoi n'est pas nécessaire. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare recevable l'appel principal de la société Entreprise dijonnaise, l'arrêt rendu le 5 février 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon ; Dit n'y avoir lieu à renvoi sur ce point ; Déclare irrecevable l'appel principal formé par la société Entreprise dijonnaise contre le jugement rendu par le tribunal de commerce de Dijon le 31 janvier 2017 (RG n° 2015 003581) ; CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il infirme le jugement entrepris qui a débouté M. [T], en qualité de liquidateur de la société Entreprise dijonnaise, de l'ensemble de ses prétentions, en ce qu'il reporte la date de cessation des paiements de cette société au 2 juin 2013, en ce qu'il ordonne la publicité de l'arrêt, en ce qu'il statue sur les dépens et en ce qu'il condamne M. [N], la société [G] et [U] [N] et la société MJ associés, en qualité de commissaire à l'exécution du plan de cette dernière, à payer à M. [T], ès qualités, et à la société Entreprise dijonnaise des indemnités au titre de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 17 décembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon ; Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ; Met hors de cause M. [Z], la société RGA expertise & audit, et la société Cléon Martin Broichot & associés ; Condamne M. [T], en qualité de liquidateur de la société Entreprise dijonnaise, aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par M. [T], ès qualités, et par M. [N], la société [G] et [U] [N] et la société MJ associés, cette dernière en qualité de commissaire à l'exécution du plan de la société [G] et [U] [N], et condamne M. [N] à payer à M. [Z], à la société RGA expertise & audit, à la société Cléon Martin Broichot & associés et à M. [L], la somme de 3 000 euros chacun ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite des arrêts partiellement cassés ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé en l'audience publique du cinq octobre deux mille vingt-deux et signé par Mme Vaissette, conseiller qui en a délibéré, en remplacement de M. Rémery, conseiller doyen faisant fonction de président, empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat aux Conseils, pour M. [N], la société [G] et [U] [N] et la société MJ associés, en la personne de Mme [E] [H], agissant en qualité de commissaire à l'éxécution du plan de redressement de la société [G] et [U] [N]. PREMIER MOYEN DE CASSATION M. [N], la société BRG et la société MJ & Associés, ès-qualité de commissaire à l'exécution du plan de la société BRG, font grief à l'arrêt attaqué du 5 février 2019, infirmatif de ce chef, d'avoir déclaré recevables l'appel principal formé par la société Entreprise Dijonnaise, ainsi qu'en conséquence celui interjeté par Me [T] en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Entreprise Dijonnaise et ceux incident et provoqué consécutifs à l'appel principal ; ALORS QUE le débiteur en procédure collective, qui ne peut agir à titre principal pour faire fixer la date de la cessation des paiements, ne dispose que d'un droit propre à défendre à une action en report de la date de cessation des paiements ; que si ce droit propre inclut celui de faire appel du jugement ayant statué sur une demande de report, il ne permet pas au débiteur de faire appel de la décision ayant rejeté l'action en report de la date de cessation des paiements, un tel appel ne permettant pas de défendre à l'action ; qu'en retenant en l'espèce que la société Entreprise Dijonnaise était recevable à interjeter appel du jugement ayant débouté le liquidateur judiciaire de sa demande de report de la date de cessation des paiements, en vertu de son droit propre à défendre à cette action, cependant que ladite action ayant été rejetée par le jugement de première instance, cet appel ne permettait en conséquence pas à la société Entreprise Dijonnaise de mettre en oeuvre son droit propre à défendre à une telle action, la cour d'appel a violé l'article L. 631-8 du Code de commerce. DEUXIEME MOYEN DE CASSATION M. [N], la société BRG et la société MJ & Associés, ès-qualité de commissaire à l'exécution du plan de la société BRG, font grief à l'arrêt attaqué du 17 décembre 2020 d'avoir confirmé le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré irrecevables les demandes d'intervention forcée formées par M. [N] à l'encontre de MM. [Z] et [I], de la société RGA, de la société Cléon Martin Broichot et Associés et de M. [L] ; ALORS QU'un tiers peut être mis en cause par la partie qui y a intérêt afin de lui rendre commun le jugement ; que l'intérêt de la partie agissant en intervention forcée aux fins de déclaration de jugement commun est établi lorsque cette partie dispose contre le tiers d'un droit d'agir au principal qui lui confère un intérêt à se prévaloir à son encontre de l'autorité de la décision rendue ; que tel est le cas de l'ancien dirigeant d'une société en liquidation judiciaire, attrait dans une instance en report de la date de la cessation des paiements de celle-ci, qui a un intérêt à voir déclarer commun le jugement à intervenir sur cette date aux différentes personnes l'ayant assisté dans sa gestion de la société et susceptibles d'engager leur responsabilité à ce titre ; que la publication de ce jugement, qui a exclusivement lieu en cas de report de la date de cessation des paiements, ne peut priver l'ancien dirigeant de son intérêt à agir en intervention forcée, le jugement pouvant également rejeter la demande de report, et ne faire dans ce cas l'objet d'aucune publication de nature à le rendre opposable aux tiers ; qu'en retenant en l'espèce, pour décider que M. [N] ne justifiait d'aucun intérêt à mettre en cause, dans l'instance contentieuse sur le report de la date de la cessation des paiements de la société Entreprise Dijonnaise, les différents intervenants l'ayant assisté dans sa gestion de cette société, que « si la date de cessation des paiements est modifiée à l'issue de la présente procédure, la décision sera, par application des dispositions du code de commerce, mentionnée au registre du commerce et des sociétés auprès duquel la SA Entreprise Dijonnaise est immatriculée, et sera également publiée au BODACC, cette publication le rendant opposable aux tiers », cependant que, dans l'hypothèse inverse, la décision ne ferait l'objet d'aucune publication, ce qui suffisait à établir l'intérêt de M. [N] à mettre en cause les personnes visées aux fins de déclaration de jugement commun, la cour d'appel a violé l'article 331, alinéa 2, du Code de procédure civile. TROISIEME ET DERNIER MOYEN DE CASSATION M. [N], la société BRG et la société MJ & Associés, ès-qualité de commissaire à l'exécution du plan de la société BRG, font grief à l'arrêt attaqué du 17 décembre 2020, infirmatif de ce chef, d'avoir reporté au 2 juin 2013 la date de cessation des paiements de la société Entreprise Dijonnaise et de les avoir condamnés à verser à Me [T], ès-qualités de liquidateur de la société Entreprise Dijonnaise, et à cette dernière la somme de 2.000 euros chacun au titre de leurs frais irrépétibles ; 1°/ ALORS QUE, en application de l'article 624 du Code de procédure civile, la cassation à intervenir, sur le premier moyen de cassation, de l'arrêt du 5 février 2019 ayant déclaré à tort recevables les appels interjetés à l'encontre du jugement du 31 janvier 2017, entrainera par voie de conséquence celle de l'arrêt du 17 décembre 2020, qui a statué au fond ; 2°/ ALORS QUE la cessation des paiements est l'impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible ; que cette impossibilité doit être précisément caractérisée à la date de la cessation des paiements retenue, le juge devant se fonder sur des éléments contemporains de cette date, sans pouvoir justifier sa décision au regard d'un état du passif exigible et de l'actif disponible soit antérieur, soit postérieur à la date retenue ; qu'en l'espèce, pour reporter la date de la cessation des paiements de la société Entreprise Dijonnaise au 2 juin 2013, soit dix-huit mois avant le jugement d'ouverture de la procédure du 2 décembre 2014, la cour d'appel s'est fondée sur l'état du passif exigible et de l'actif disponible de la société débitrice au 31 décembre 2012, en relevant notamment que « concernant la situation de l'actif réalisable et du passif exigible de la seule société ED » « au 31 décembre 2012 », « l'actif réalisable s'établissait à 10 574 K€ pour un passif exigible de 13 355 K€, soit une insuffisance d'actif circulant de - 2 781 K€ », qu'« il existe une situation financière obérée à fin 2012 » et que « la situation de ED était irrémédiablement compromise dès le 31 décembre 2012 et qu'elle se trouvait en état de cessation des paiements dès le 30 juin 2013 » ; qu'en concluant qu'« il résulte de l'ensemble de ces éléments qu'à tort les premiers juges ont rejeté la demande de report de la date de cessation des paiements formée par Me [T] ès-qualité, et qu'il convient de faire droit à cette requête en fixant cette date du 2 juin 2013 », sans jamais indiquer quels étaient l'actif disponible et le passif exigible de la société Entreprise Dijonnaise à la date du 2 juin 2013, et en déduisant l'état de cessation des paiements de l'entreprise d'éléments non contemporains de la date retenue, et en outre majoritairement antérieurs aux mesures de restructuration mises en oeuvre par M. [N] dès le second semestre 2012 et durant tout le premier semestre 2013, avec notamment la conclusion d'un protocole d'accord constaté par ordonnance du président du tribunal de commerce de Dijon du 7 mai 2013, à l'issue d'une procédure de conciliation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 631-1 et L. 641-1 du Code de commerce ; 3°/ ALORS SUBSIDIAIREMENT QUE la cessation des paiements est l'impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible ; que les sommes pour lesquelles le débiteur bénéficie de moratoires de paiement de la part de ses créanciers ne doivent pas être prises en compte dans le passif exigible ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a expressément constaté l'existence de moratoires de paiement accordés à la société Entreprise Dijonnaise par ses créanciers, en relevant que « les retards de règlement des dettes fiscales et sociales ont régulièrement progressé, conduisant la CCSF à accorder en avril 2013 un premier moratoire pour 1 418 K€ », que « les trois moratoires successifs accordés par la CCSF en avril 2013, janvier 2014 et juin 2014 ont eu pour seule conséquence une augmentation régulière des dettes fiscales et sociales dans la mesure où le premier moratoire a permis de geler 1 418 K€ de dettes qui ont atteint 1 780 K€ en juin 2014 », « qu'il existe d'autres dettes sociales (0,6 M€ fin juin 2013) dont certaines d'entre elles ne font alors pas l'objet d'un moratoire amiable (PROBTP) » ; qu'en ne recherchant pas, ainsi qu'elle y était pourtant expressément invitée par les conclusions d'appel des exposants, si la déduction des sommes bénéficiant de ces moratoires de paiement du montant du passif exigible ne permettait pas de conclure à l'absence de cessation des paiements de la société Entreprise Dijonnaise à la date du 2 juin 2013, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 631-1 et L. 641-1 du Code de commerce ; 4°/ ALORS SUBSIDIAIREMENT QUE la cessation des paiements est l'impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible ; que les réserves de crédit dont le débiteur bénéficie de la part de ses créanciers ne doivent pas être prises en compte dans le passif exigible, peu important par ailleurs qu'elles puissent être ou non intégrées dans l'actif disponible à hauteur du montant non utilisé ; qu'en se bornant à énoncer en l'espèce que, « concernant les concours bancaires, le cabinet Grant Thornton lui-même relève que, dès la fin de 2012, la trésorerie de ED était proche du maximum autorisé de 2 M€ » et que ces réserves de crédit ne pouvaient dont être intégrées à l'actif disponible, sans rechercher, ainsi qu'elle y était pourtant expressément invitée par les conclusions des exposants (p. 24) si, compte tenu de ces concours bancaires, les découverts bancaires à la clôture des comptes annuels, intégrés par le rapport de M. [W] dans le passif exigible, ne devaient pas au contraire en être exclus, faute de toute exigibilité à la date du 2 juin 2013, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 631-1 et L. 641-1 du Code de commerce ; 5°/ ALORS SUBSIDIAIREMENT QUE les conclusions d'appel des exposants faisaient valoir que la société Entreprise Dijonnaise bénéficiait de crédits fournisseurs de la part de ses cocontractants réguliers, comme les sociétés Dijon Béton et Doras, ce que le technicien a ignoré en intégrant les retards concernant ces fournisseurs dans le passif exigible (conclusions p. 40) ; qu'en décidant que la société Entreprise Dijonnaise était en cessation des paiements au 2 juin 2013, sans répondre à ce moyen déterminant des écritures d'appel des exposants, la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ; 6°/ ALORS SUBSIDIAIREMENT QUE les conclusions d'appel des exposants faisaient également valoir qu'un certain nombre des dettes fournisseurs de la société Entreprise Dijonnaise n'étaient pas exigibles, dans la mesure où elles revêtaient un caractère contentieux en conséquence de litiges avec les fournisseurs concernés, et que le technicien les avaient indûment prises en compte dans le passif exigible, comme pour le cas du retard fournisseur Sol Nove (conclusions, p. 40) ; qu'en décidant que la société Entreprise Dijonnaise était en cessation des paiements au 2 juin 2013, sans répondre à ce moyen déterminant des écritures d'appel des exposants, la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ; 7°/ ALORS SUBSIDIAIREMENT QUE la cessation des paiements est l'impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible ; qu'une avance en compte courant, qui n'est pas bloquée ou dont le remboursement n'a pas été demandé, ne constitue pas un passif exigible supplémentaire ; qu'en retenant en l'espèce que « concernant enfin les fonds provenant de la vente du siège social de ED, les consorts [N] indiquent eux-mêmes que BRG a remis à ED au total 985 000 €, soit deux avances de 492 500 € chacune, qui ont été versées pour l'une sur le compte ouvert à la Caisse d'Epargne et pour l'autre sur son compte à la Banque Rhône-Alpes, que ces sommes lui ont permis de procéder à divers règlements de dettes, et que ces écritures ont été comptabilisées au crédit du compte-courant de BRG dans les livres de ED » et que « si ED a utilisé ces fonds pour payer des dettes, ils ne constituent plus un actif disponible, ce d'autant plus que, dès lors que ces 985 000 € figurent au crédit du compte-courant de BRG, ils correspondent non pas un actif, mais plutôt une dette pour ED », sans constater que le remboursement de ces avances avait été demandé, la cour d'appel a violé les articles L. 631-1 et L. 641-1 du Code de commerce ; 8°/ ALORS SUBSIDIAIREMENT QUE la cessation des paiements est l'impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible ; que les avances de trésorerie sont des réserves de crédit qui doivent être incluses dans l'actif disponible, sauf à ce qu'il soit établi qu'elles constituent un soutien anormal à la société débitrice, ayant pour seul but de maintenir artificiellement son activité et de retarder l'ouverture de la procédure collective ; qu'en retenant en l'espèce, « quant aux avances de trésorerie consenties par OSEO sur les chantiers publics notamment pour un montant de 346 000 € au cours du seul second trimestre 2013, (que) le seul fait qu'ED les a sollicitées est symptomatique d'un état de cessation des paiements puisqu'elles ne s'expliquent que par une recherche de trésorerie », sans constater qu'il était établi que ces avances constituaient un soutien anormal à la société Entreprise Dijonnaise, ayant pour seul but de maintenir artificiellement son activité et de retarder l'ouverture de la procédure collective, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 631-1 et L. 641-1 du Code de commerce.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 5 octobre 2022 Mme MOUILLARD, président Arrêt n° 573 FS-B Pourvoi n° W 20-22.409 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 5 OCTOBRE 2022 1°/ La société Vergnet, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], 2°/ la société Villa Florek, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], en la personne de M. [H] [C], agissant en qualité de mandataire judiciaire de la société Vergnet, ont formé le pourvoi n° 20-22.409 contre l'arrêt rendu le 5 novembre 2020 par la cour d'appel d'Orléans (chambre commerciale, économique et financière), dans le litige les opposant à la société Hydro Construction & Eng Co Ltd, dont le siège est [Adresse 3] (Éthiopie), défenderesse à la cassation. Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Vallansan, conseiller, les observations de la SCP Richard, avocat de la société Vergnet et de la société Villa Florek, ès qualités, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Hydro Construction & Eng Co Ltd, et l'avis de Mme Henry, avocat général, après débats en l'audience publique du 28 juin 2022 où étaient présents Mme Mouillard, président, Mme Vallansan, conseiller rapporteur, M. Rémery, conseiller doyen, Mmes Vaissette, Bélaval, Fontaine, M. Riffaud, Mmes Boisselet, Guillou, conseillers, Mmes Barbot, Brahic-Lambrey, Kass-Danno, conseillers référendaires, Mme Henry, avocat général, et Mme Mamou, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Orléans, 5 novembre 2020), dans le cadre d'un projet de construction d'un parc éolien en Ethiopie, la société Vergnet a conclu en 2009 avec la société éthiopienne Hydro Construction & Eng Co Ltd (la société Hydro) un contrat lui confiant la réalisation de travaux de forage et d'étanchéité. Ce contrat prévoyait en cas de litige le recours à la Cour internationale d'arbitrage de la chambre de commerce internationale (CCI), en son siège de Genève. 2. La société Vergnet ayant décidé de résilier par anticipation le contrat, la société Hydro, pour résoudre le conflit, a déposé une demande d'arbitrage le 18 avril 2013 auprès du secrétariat de la CCI aux fins de désignation d'un tribunal arbitral, puis, la société Vergnet se prévalant de l'application d'une clause contractuelle, elle a demandé la suspension de la procédure pour la désignation d'un "adjudicator". 3. La société Vergnet a été mise en redressement judiciaire le 30 août 2017, la société Villa, devenue la société Villa Florek, étant désignée en qualité de mandataire judiciaire, puis de commissaire à l'exécution du plan. Le 16 novembre 2017, la société Hydro a déclaré au passif une créance au titre d'une indemnité de résiliation du marché, qui a été contestée par la société débitrice. Par une ordonnance du 12 septembre 2018, le juge-commissaire a « renvoyé la société Hydro à saisir la juridiction compétente dans le délai d'un mois suivant la notification de l'ordonnance, conformément aux dispositions de l'article R. 624-5 du code de commerce ». L'ordonnance a été notifiée le 24 septembre 2018 à la société Hydro. 4. Le 10 octobre 2018, la société Hydro a demandé au secrétariat de la CCI la reprise de la procédure d'arbitrage. L'arbitre unique a été désigné le 28 novembre 2018. 5. Par ordonnance du 2 octobre 2019, le juge-commissaire, saisi par la société Vergnet, a prononcé la forclusion de la société Hydro et, en conséquence, rejeté sa créance. Examen du moyen Enoncé du moyen 6. La société Vergnet et son mandataire judiciaire font grief à l'arrêt de rejeter leur demande tendant à voir déclarer forclose la société Hydro, alors : « 1°/ qu'en matière d'admission des créances, lorsque le juge-commissaire se déclare incompétent ou constate l'existence d'une contestation sérieuse, il renvoie, par ordonnance spécialement motivée, les parties à mieux se pourvoir et invite, selon le cas, le créancier, le débiteur ou le mandataire judiciaire à saisir la juridiction compétente dans un délai d'un mois à compter de la notification ou de la réception de l'avis délivré à cette fin, à peine de forclusion, à moins d'appel dans les cas où cette voie de recours est ouverte ; que lorsque la juridiction compétente est une juridiction arbitrale, celle-ci n'est saisie de la contestation qu'à compter de la date à laquelle elle est constituée, c'est-à-dire à partir de l'acceptation par le ou les arbitres de leur mission ; qu'en décidant néanmoins que la demande de la société Hydro n'était pas atteinte de forclusion, motif pris qu'elle avait demandé au secrétariat de la Cour internationale d'arbitrage la désignation d'un arbitre dans le délai d'un mois suivant la notification de l'ordonnance le 18 septembre 2018, après avoir pourtant constaté que le Tribunal arbitral n'avait été constitué que le 28 novembre 2018, soit après l'expiration de ce délai, la cour d'appel a violé l'article R. 624-5 du code de commerce, ensemble les articles 1506 et 1456 du code de procédure civile, et 4.2 du règlement d'arbitrage de la Cour internationale d'arbitrage de la Chambre de commerce internationale ; 2°/ qu'en matière d'admission des créances, lorsque le juge-commissaire se déclare incompétent ou constate l'existence d'une contestation sérieuse, il renvoie, par ordonnance spécialement motivée, les parties à mieux se pourvoir et invite, selon le cas, le créancier, le débiteur ou le mandataire judiciaire à saisir la juridiction compétente dans un délai d'un mois à compter de la notification ou de la réception de l'avis délivré à cette fin, à peine de forclusion, à moins d'appel dans les cas où cette voie de recours est ouverte, peu important que l'acte de notification de cette ordonnance ne mentionne pas que ce délai d'un mois s'impose à peine de forclusion ; qu'en décidant néanmoins que la demande de la société Hydro Construction & Eng Co Ltd n'était pas atteinte de forclusion, aux motifs inopérants que l'ordonnance du 12 septembre 2018 ne mentionnait pas que la juridiction compétente devait être saisie dans le délai imparti à peine de forclusion et que les parties n'avaient pas non plus été avisées de cette sanction lors de la notification ou de la réception de l'avis délivré à cette fin, la cour d'appel a violé les articles L. 624-2 et L. 631-18 du code de commerce, ensemble les articles R. 624-5 et R. 631-28 du même code ; 3°/ que l'instance introduite devant la juridiction compétente par l'une des parties à la procédure de vérification des créances sur l'invitation du juge-commissaire s'inscrit dans cette même procédure, laquelle est indivisible entre le créancier, le débiteur et le mandataire judiciaire ou le liquidateur ; qu'il en résulte que la partie ayant déclaré sa créance, qui saisit le juge compétent afin de voir reconnaître celle-ci, doit mettre en cause les organes de la procédure collective devant ce juge ; qu'en décidant néanmoins que la société Hydro Construction & Eng Co Ltd n'était pas forclose en sa demande d'admission d'une créance au passif du redressement judiciaire, motif pris que si le mandataire judiciaire n'avait pas été mis en cause devant la juridiction arbitrale, cette fin de non-recevoir n'était pas de nature à rendre irrégulière la saisine, dans le délai d'un mois, de la Cour internationale d'arbitrage et de priver cette saisine de son effet interruptif, bien que la procédure arbitrale n'ait pas été opposable à la société Villa Florek, ès qualités, à défaut d'avoir été mise en cause par la société Hydro Construction & Eng Co Ltd devant la juridiction arbitrale, la cour d'appel a violé les articles L. 622-21 et L. 631-14 du code de commerce, ensemble les articles R. 624-5 et R. 631-28 du même code. » Réponse de la Cour 7. En premier lieu, il résulte des articles 4-1 et 4-2 du règlement d'arbitrage de la Cour internationale d'arbitrage que lorsqu'une partie désire avoir recours à l'arbitrage selon ce règlement, elle doit soumettre sa demande d'arbitrage au secrétariat, dont la date de réception est considérée être celle d'introduction de l'arbitrage. 8. Ayant retenu à bon droit que c'est la Cour internationale d'arbitrage elle-même qui devait être saisie dans le délai d'un mois prévu par l'article R. 624-5 du code de commerce, la société Hydro n'ayant pas le pouvoir de désigner directement l'arbitre, la cour d'appel en a exactement déduit que la société Hydro, qui avait sollicité du secrétaire général de la Cour internationale d'arbitrage de reprendre le cours de la procédure d'arbitrage dans le délai légal, n'était pas forclose. 9. En second lieu, si l'indivisibilité de la procédure introduite devant la juridiction compétente par l'une des parties à la procédure de vérification des créances sur l'invitation du juge-commissaire impose à la partie qui saisit le juge compétent de mettre en cause les deux autres parties à cette procédure devant ce juge, cette partie, dès lors qu'elle a saisi la juridiction compétente dans le délai de l'article R. 624-5, n'est pas forclose, ayant la faculté d'appeler les parties omises après l'expiration de ce délai. C'est donc en vain qu'est invoquée par la troisième branche, l'inopposabilité de la créance contre un arrêt qui ne pouvait se prononcer que sur la forclusion du créancier. 10. Le moyen, inopérant en sa deuxième branche pour critiquer des motifs surabondants, n'est pas fondé pour le surplus. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société Vergnet et la société Villa Florek, en qualité de mandataire judiciaire de cette dernière, aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Vergnet et la société Villa Florek, ès qualités, et condamne la société Vergnet à payer à la société Hydro Construction & Eng Co Ltd la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé en l'audience publique du cinq octobre deux mille vingt-deux et signé par Mme Vaissette, conseiller doyen, en remplacement de Mme Mouillard, président, empêché, conformément aux dispositions des articles 452, 456 et 1021 du code de procédure civile. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Richard, avocat aux Conseils, pour la société Vergnet et la société Villa Florek, en la personne de M. [H] [C], agissant en qualité de mandataire judiciaire de la société Vergnet. La Société VERGNET et la Société VILLA FLOREK, ès qualités de mandataire au redressement judiciaire de la Société VERGNET, FONT GRIEF à l'arrêt attaqué de les avoir déboutées de leur demande tendant à voir juger, sur le fondement de l'article R. 624-5 du Code de commerce, que la Société HYDRO CONSTRUCTION & ENG CO LTD était forclose en sa demande d'admission d'une créance au passif du redressement judiciaire de la Société VERGNET et d'avoir, en conséquence, renvoyé les parties devant le juge-commissaire aux fins de poursuite de la procédure de fixation de la créance de cette dernière au passif du redressement judiciaire ; 1°) ALORS QU'en matière d'admission des créances, lorsque le juge-commissaire se déclare incompétent ou constate l'existence d'une contestation sérieuse, il renvoie, par ordonnance spécialement motivée, les parties à mieux se pourvoir et invite, selon le cas, le créancier, le débiteur ou le mandataire judiciaire à saisir la juridiction compétente dans un délai d'un mois à compter de la notification ou de la réception de l'avis délivré à cette fin, à peine de forclusion, à moins d'appel dans les cas où cette voie de recours est ouverte ; que lorsque la juridiction compétente est une juridiction arbitrale, celle-ci n'est saisie de la contestation qu'à compter de la date à laquelle elle est constituée, c'est-à-dire à partir de l'acceptation par le ou les arbitres de leur mission ; qu'en décidant néanmoins que la demande de la Société HYDRO CONSTRUCTION & ENG CO LTD n'était pas atteinte de forclusion, motif pris qu'elle avait demandé au secrétariat de la Cour internationale d'arbitrage la désignation d'un arbitre dans le délai d'un mois suivant la notification de l'ordonnance le 18 septembre 2018, après avoir pourtant constaté que le Tribunal arbitral n'avait été constitué que le 28 novembre 2018, soit après l'expiration de ce délai, la Cour d'appel a violé l'article R. 624-5 du Code de commerce, ensemble les articles 1506 et 1456 du Code de procédure civile, et 4.2 du règlement d'arbitrage de la Cour internationale d'arbitrage de la Chambre de commerce internationale ; 2°) ALORS QU'en matière d'admission des créances, lorsque le juge-commissaire se déclare incompétent ou constate l'existence d'une contestation sérieuse, il renvoie, par ordonnance spécialement motivée, les parties à mieux se pourvoir et invite, selon le cas, le créancier, le débiteur ou le mandataire judiciaire à saisir la juridiction compétente dans un délai d'un mois à compter de la notification ou de la réception de l'avis délivré à cette fin, à peine de forclusion, à moins d'appel dans les cas où cette voie de recours est ouverte, peu important que l'acte de notification de cette ordonnance ne mentionne pas que ce délai d'un mois s'impose à peine de forclusion ; qu'en décidant néanmoins que la demande de la Société HYDRO CONSTRUCTION & ENG CO LTD n'était pas atteinte de forclusion, aux motifs inopérants que l'ordonnance du 12 septembre 2018 ne mentionnait pas que la juridiction compétente devait être saisie dans le délai imparti à peine de forclusion et que les parties n'avaient pas non plus été avisées de cette sanction lors de la notification ou de la réception de l'avis délivré à cette fin, la Cour d'appel a violé les articles L. 624-2 et L. 631-18 du Code de commerce, ensemble les articles R. 624-5 et R. 631-28 du même code ; 3°) ALORS QUE l'instance introduite devant la juridiction compétente par l'une des parties à la procédure de vérification des créances sur l'invitation du juge-commissaire s'inscrit dans cette même procédure, laquelle est indivisible entre le créancier, le débiteur et le mandataire judiciaire ou le liquidateur ; qu'il en résulte que la partie ayant déclaré sa créance, qui saisit le juge compétent afin de voir reconnaître celle-ci, doit mettre en cause les organes de la procédure collective devant ce juge ; qu'en décidant néanmoins que la Société HYDRO CONSTRUCTION & ENG CO LTD n'était pas forclose en sa demande d'admission d'une créance au passif du redressement judiciaire, motif pris que si le mandataire judiciaire n'avait pas été mis en cause devant la juridiction arbitrale, cette fin de non-recevoir n'était pas de nature à rendre irrégulière la saisine, dans le délai d'un mois, de la Cour internationale d'arbitrage et de priver cette saisine de son effet interruptif, bien que la procédure arbitrale n'ait pas été opposable à la Société VILLA FLOREK, ès qualités, à défaut d'avoir été mise en cause par la Société HYDRO CONSTRUCTION & ENG CO LTD devant la juridiction arbitrale, la Cour d'appel a violé les articles L. 622-21 et L. 631-14 du Code de commerce, ensemble les articles R. 624-5 et R. 631-28 du même code. N2 >Sur la nécessité de mettre en cause le créancier, le débiteur, le mandataire judiciaire ou le liquidateur lors de l'instance introduite devant la juridiction compétente sur invitation du juge commissaire, à rapprocher : Com., 5 septembre 2018, pourvoi n° 17-15.978, Bull. 2018, IV, n° 91 (rejet).
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 19 octobre 2022 M. VIGNEAU, président Arrêt n° 599 FS-B Pourvoi n° A 21-19.197 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 19 OCTOBRE 2022 1°/ La société Carrefour France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3], 2°/ la société Carrefour hypermarchés, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], 3°/ la société CSF, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3], ont formé le pourvoi n° A 21-19.197 contre les arrêts n° RG 19/19448 rendus les 16 décembre 2020 et 14 avril 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 4), dans le litige les opposant à la société Johnson & Johnson santé beauté France, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation. Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Poillot-Peruzzetto, conseiller, les observations de la SARL Delvolvé et Trichet, avocat des sociétés Carrefour France, Carrefour hypermarchés et CSF, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Johnson & Johnson santé beauté France, et l'avis de M. Douvreleur, avocat général, à la suite duquel le président a demandé aux avocats s'ils souhaitaient présenter des observations complémentaires, après débats en l'audience publique du 6 septembre 2022 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Poillot-Peruzzetto, conseiller rapporteur, Mmes Darbois, Champalaune, Michel-Amsellem, MM. Bedouet, Alt, conseillers, Mmes Comte, Bessaud, Bellino, M. Regis, conseillers référendaires, M. Douvreleur, avocat général, et Mme Labat, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Déchéance partielle du pourvoi Vu l'article 978 du code de procédure civile : 1. Le mémoire en demande ne contenant aucun moyen dirigé contre l'arrêt du 16 décembre 2020 (n° RG 19/19448), il y a lieu de constater la déchéance du pourvoi en ce qu'il est formé contre cette décision. Faits et procédure 2. Selon les arrêts attaqués (Paris, 16 décembre 2020 et 14 avril 2021), le « groupe » Carrefour comprend notamment la société Carrefour France, société holding, et les sociétés Carrefour hypermarchés et CSF (les sociétés Carrefour), qui achètent les produits distribués dans les magasins à cette enseigne. 3. La société Johnson & Johnson santé beauté France (la société JJSBF) a notamment pour activité la vente de produits d'hygiène aux enseignes de la grande distribution. 4. Le 23 janvier 2017, se fondant sur une décision de la cour d'appel de Paris du 27 octobre 2016 rejetant le recours formé contre la décision n° 14-D-19 du 18 décembre 2014 par laquelle l'Autorité de la concurrence a dit que la société JJSBF avait enfreint les dispositions de l'article 81, paragraphe 1, du traité CE, devenu l'article 101, paragraphe 1, du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), et de l'article L. 420-1 du code de commerce, en participant, entre le 22 janvier 2003 et le 3 février 2006, à une entente unique, complexe et continue sur le marché français de l'approvisionnement en produits d'hygiène, qui visait à maintenir ses marges par une concertation sur les prix de ces produits pratiqués à l'égard de la grande distribution, les sociétés Carrefour ont assigné la société JJSBF en réparation du préjudice découlant de ces pratiques. Examen du moyen Sur le moyen, pris en ses trois premières branches 5. Les sociétés Carrefour font grief à l'arrêt de dire que la réalité du préjudice n'est pas démontrée et, en conséquence, de rejeter leurs demandes en paiement de dommages et intérêts, alors : « 1°/ que l'effet direct des dispositions d'une directive qui sont inconditionnelles, suffisamment précises et complètes leur confère un effet d'éviction de la norme nationale contraire à laquelle elles se substituent lorsque qu'est expiré le délai de transposition, peu important que l'outil de transposition prévoit son entrée en vigueur postérieurement ; que l'article 13 de la directive 2014/104/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 novembre 2014, dont le délai de transposition expirait le 27 décembre 2016 (art. 21), intitulé "moyen de défense invoquant la répercussion du surcoût", dispose que "la charge de la preuve de la répercussion du surcoût incombe au défendeur (?)" ; qu'en rejetant la demande des sociétés Carrefour, demanderesses, introduite le 23 janvier 2017, soit postérieurement à l'expiration du délai de transposition, faute pour ces dernières de démontrer qu'elles n'avaient pas réalisé de marge commerciale en revendant aux consommateurs les produits , dès lors que "le demandeur à l'indemnisation doit en effet prouver, au titre de la démonstration de son préjudice, qu'il n'a pas répercuté sur le consommateur le manque à gagner résultant des marges-arrière moindres du fait de l'entente sanctionnée", motifs pris de ce que la mise à la charge du défendeur de cette preuve n'a pas été intégrée en droit positif pour la période antérieure à la transposition de la directive et en s'appuyant sur des décisions antérieures à la publication de la directive, la cour d'appel, qui a privé d'effet direct les dispositions de la directive susvisée, pourtant précises, inconditionnelles et complètes, a méconnu ce principe et celui de coopération loyale prévu à l'article 4 paragr. 3 du TUE, ensemble l'article 13 de cette directive ; 2°/ que les règles organisant la charge de la preuve sont régies par la loi en vigueur au jour de l'introduction de la demande ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt que les sociétés Carrefour ont introduit leur demande en indemnisation par acte du 23 janvier 2017, cependant que la directive 2014/104/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 novembre 2014 était directement applicable depuis le 27 décembre 2016, de sorte que les règles régissant la charge de la preuve qu'elle porte étaient applicables à cette demande ; qu'en refusant de faire application des dispositions de la directive régissant la charge de la preuve, motifs pris de ce que les faits générateurs du préjudice étaient antérieurs à "l'entrée en vigueur de la directive", la cour d'appel a violé l'article 2 du code civil ; 3°/ que le principe de primauté du droit de l'Union impose aux juridictions nationales, juges de droit commun du droit de l'Union, d'interpréter les normes du droit national afin de leur faire produire des effets conformes aux exigences de la directive, y compris pour l'interprétation du droit national antérieur à la directive ; que la directive 2014/104/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 novembre 2014 dispose, en son article 13, intitulé "moyen de défense invoquant la répercussion du surcoût", que "la charge de la preuve de la répercussion du surcoût incombe au défendeur (?)" ; qu'en faisant néanmoins peser sur les demanderesses à la réparation la charge de prouver qu'elles n'avaient pas répercuté sur les consommateurs le surcoût occasionné par les pratiques illicites de leurs fournisseurs, en se fondant sur le défaut d'intégration en droit positif de cette répartition du fardeau de la preuve, ainsi que sur un arrêt de la Cour de cassation du 15 mai 2012 (pourvoi n° 11-18.495), donc antérieur à l'entrée en vigueur de la directive, la cour d'appel a méconnu le principe de primauté du droit de l'Union et le principe d'interprétation conforme, ainsi que l'article 1240 du code civil, tel qu'interprété à la lumière de l'article 13 de la directive 2014/104/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 novembre 2014. » Réponse de la Cour 6. En premier lieu, il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) qu'une directive ne peut pas, par elle-même, créer d'obligations dans le chef d'un particulier et ne peut donc être invoquée en tant que telle à son encontre ( CJCE, 26 février 1986, [N], 152/84, Rec. p. 723, point 48 ; 14 juillet 1994, [O] [Y], C-91/92, Rec. p. I-3325, point 20 ; 5 octobre 2004, [E] e.a., C-397/01 à C-403/01, point 108 ; CJUE 19 janvier 2010, [U] [I], C-555/07, point 46). 7. Ayant relevé que le litige opposait les sociétés Carrefour à la société JJSBF, de sorte que les premières ne pouvaient invoquer contre la seconde les dispositions d'une directive, aurait-elle rempli les conditions de l'effet direct, la cour d'appel a retenu à bon droit que les dispositions de la directive 2014/104/UE du 26 novembre 2014 n'étaient pas applicables au litige. 8. En deuxième lieu, selon la jurisprudence de la CJUE (22 juin 2022, Volvo AB et DAK Trucks NV c. RM, C-267/20, point 77) si, dans un litige entre particuliers tel que celui en cause, la juridiction nationale est tenue, le cas échéant, d'interpréter le droit national, dès l'expiration du délai de transposition d'une directive non transposée, de façon à rendre la situation en cause immédiatement compatible avec les dispositions de cette directive, elle ne peut toutefois procéder à une interprétation contra legem du droit national. 9. L'article 13 de la directive 2014/104 du Parlement et du Conseil du 26 novembre 2014 relative à certaines règles régissant les actions en dommages et intérêts en droit national pour les infractions aux dispositions du droit de la concurrence des Etats membres et de l'Union européenne, intitulé « Moyen de défense invoquant la répercussion du surcoût », qui figure dans le chapitre IV intitulé « Répercussion du surcoût », énonce que « les États membres veillent à ce que le défendeur dans une action en dommages et intérêts puisse invoquer, comme moyen de défense contre une demande de dommages et intérêts, le fait que le demandeur a répercuté, en tout ou en partie, le surcoût résultant de l'infraction au droit de la concurrence. La charge de la preuve de la répercussion du surcoût incombe au défendeur, qui peut raisonnablement exiger la production d'informations par le demandeur ou par des tiers. » 10. Cette disposition, qui, selon l'article 21 de la directive, devait être transposée avant le 31 décembre 2016, l'a été en droit national à l'article L. 481-4 du code de commerce, entré en vigueur le 11 mars 2017, lequel dispose : « L'acheteur direct ou indirect, qu'il s'agisse de biens ou de services, est réputé n'avoir pas répercuté le surcoût sur ses contractants directs, sauf la preuve contraire d'une telle répercussion totale ou partielle apportée par le défendeur, auteur de la pratique anticoncurrentielle. » 11. La Cour de cassation juge, pour les faits commis antérieurement à l'entrée en vigueur de ces dispositions, sur le fondement des articles 1382 et 1315 du code civil, devenus respectivement 1240 et 1353 du même code, depuis l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, que la preuve de l'existence du préjudice causé par une pratique anticoncurrentielle incombe au demandeur à la réparation et que celui-ci doit, eu égard aux pratiques habituelles en matière commerciale, établir qu'il n'a pas répercuté le surcoût né d'une entente sur ses propres clients (Com.,15 juin 2010, pourvoi n° 09-15.816 ; 15 mai 2012, pourvoi n° 11-18-495). 12. Après avoir relevé que les faits générateurs de l'action en responsabilité engagée par les sociétés Carrefour étaient antérieurs à l'entrée en vigueur de l'article L. 481-4 du code de commerce et retenu que les dispositions de l'article 13 de la directive étaient incompatibles avec le droit national en vigueur à la date de transposition de celle-ci, la cour d'appel en a déduit, à bon droit, qu'elle ne pouvait interpréter les règles de preuve applicables à l'action dont elle était saisie à la lumière de ce dernier texte, serait-il invocable, et qu'il appartenait dès lors aux sociétés Carrefour, conformément aux règles en vigueur à la date de ces faits, de prouver qu'elles n'avaient pas répercuté sur les consommateurs le surcoût occasionné par les pratiques illicites de leurs fournisseurs. 13. Le moyen n'est donc pas fondé. Sur le moyen, pris en ses quatrième, cinquième, sixième, septième et huitième branches Enoncé du moyen 14. Les sociétés Carrefour font le même grief à l'arrêt, alors : « 4°/ que l'application effective de l'article 101 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), qui relève de l'ordre public, impose que les règles de procédure ne rendent pas excessivement difficile, sinon impossible, l'exercice des recours fondés sur le droit de l'Union européenne ; qu'en mettant à la charge des sociétés Carrefour la preuve de ce qu'elles n'avaient pas répercuté sur les consommateurs le surcoût né des pratiques anticoncurrentielles illicites antérieures à 2006 par la production de factures portant sur cette période, lorsque ces dernières ont l'obligation légale de conserver les factures pendant 10 années seulement, la cour d'appel a mis à leur charge une preuve impossible à rapporter, méconnaissant ainsi le principe d'effectivité de l'article 101 du TFUE, ensemble, l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux et l'article 1240 du code civil ; 5°/ que les juges du fond qui constatent l'existence d'un préjudice ne peuvent refuser de procéder à son évaluation, au besoin en ordonnant toute mesure d'instruction utile ; que la cour d'appel a constaté, reprenant en cela les constatations de la décision n° 14-D-18 de l'Autorité de la concurrence, que les pratiques sanctionnées avaient eu, pour tous les distributeurs, un effet significatif sur les marges arrière, générant pour ces derniers un manque à gagner ; qu'ayant constaté l'existence de ce préjudice, la cour d'appel, qui a néanmoins refusé de l'indemniser, en retenant qu'il n'était pas établi que les surcoûts ayant occasionné ces manques à gagner n'avaient pas été répercutés sur les consommateurs, la cour d'appel a violé l'article 4 du code civil ; 6°/ que la loi n° 96-588 du 1er juillet 1996, dite loi Galland, a fixé le seuil de revente à perte au tarif indiqué aux conditions générales de vente déduction faite des seules remises acquises au jour de la vente, lesquelles étaient identiques pour tous les distributeurs en raison de l'interdiction de discrimination tarifaire garantie par des conditions générales de vente transparentes et identiques pour tous, qui mentionnaient le tarif (ou prix de vente) et les conditions des éventuelles remises ou ristournes possibles ; que dès lors, l'ensemble des distributeurs, pour demeurer concurrentiels sur le marché, étaient contraints de revendre les produits au prix double-net figurant sur la facture, à peine d'enfreindre la prohibition de la revente à perte, le mécanisme ayant eu pour objet de déplacer les négociations sur les marges arrières ; qu'ainsi que l'avait constaté le tribunal et que le faisaient valoir les sociétés Carrefour , le mécanisme engendré par la réglementation en vigueur excluait que le surcoût fût répercuté sur le consommateur ; qu'en considérant néanmoins que les sociétés Carrefour n'établissaient pas ne pas avoir répercuté sur le consommateur le surcoût consécutif à la pratique anticoncurrentielle prohibée, sans rechercher si toute répercussion de ce surcoût n'était pas rendue impossible par les effets avérés de la règlementation, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1240 du code civil ; 7°/ qu'après avoir constaté l'existence, pour les distributeurs, d'un manque à gagner sur les marges arrière, occasionné par les pratiques anticoncurrentielles sanctionnées, la cour d'appel ne pouvait débouter, purement et simplement, les sociétés Carrefour de leurs demandes d'indemnisation en retenant qu'il n'était pas établi qu'elles n'avaient pas répercuté sur les consommateurs ce surcoût, sans constater que la répercussion du surcoût qu'elle supposait était d'un montant équivalent à celui généré par le manque à gagner sur les marges arrière avéré, seule constatation de nature à neutraliser l'existence du préjudice invoqué, privant ainsi sa décision de base légale au regard de l'article 1240 du code civil ; 8°/ qu' en retenant qu'il convenait d'établir, pour faire la preuve du préjudice consécutif aux pratiques illicites, que le surcoût subi ensuite des pratiques anticoncurrentielles avait été répercuté, par les sociétés Carrefour, sur les consommateurs, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la répercussion du surcoût n'était pas inenvisageable dès lors qu'elle était neutralisée par la baisse du volume des ventes induite par la hausse des prix, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1240 du code civil. » Réponse de la Cour 15. Après avoir relevé que les sociétés Carrefour demandaient l'indemnisation de leur manque à gagner uniquement au titre des marges-arrière sur lesquelles l'entente avait porté, énoncé que, dans le contexte légal et réglementaire, elles étaient demeurées libres de réaliser une marge-avant sur les produits objets de l'entente sanctionnée et retenu que celles-ci, qui ne produisaient aucun élément tiré de leur comptabilité ni aucune pièce permettant de vérifier qu'elles n'avaient pas réalisé de marge commerciale, ne rapportaient pas la preuve qu'elles n'avaient pas répercuté sur les consommateurs le surcoût généré par la concertation prohibée sur les prix incluant celle sur les marges-arrière, la cour d'appel, qui n'a pas fait application des règles de preuve rendant excessivement difficile l'exercice des recours fondés sur le droit de l'Union européenne, ni constaté l'existence d'un préjudice et n'était pas tenue de procéder à des recherches que ses constatations et énonciations rendaient inopérantes, en estimant que les sociétés Carrefour ne rapportaient pas la preuve du préjudice causé par l'entente sanctionnée, a légalement justifié sa décision. 16. Le moyen, qui manque en fait dans sa cinquième branche, n'est pas fondé pour le surplus. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne les sociétés Carrefour France, Carrefour hypermarchés et CSF aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par les sociétés Carrefour France, Carrefour hypermarchés et CSF et les condamne à payer à la société Johnson & Johnson santé beauté France la somme globale de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf octobre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SARL Delvolvé et Trichet, avocat aux Conseils, pour les sociétés Carrefour France, Carrefour hypermarchés et CSF. Il est fait grief à l'arrêt attaqué, infirmatif sur ce point, d'avoir dit que la réalité du préjudice n'est pas démontrée et d'avoir, en conséquence, débouté les sociétés Carrefour France, Carrefour Hypermarchés et CSF de leurs demandes en dommages et intérêts ; 1°) Alors, d'une part, que l'effet direct des dispositions d'une directive qui sont inconditionnelles, suffisamment précises et complètes leur confère un effet d'éviction de la norme nationale contraire à laquelle elles se substituent lorsque qu'est expiré le délai de transposition, peu important que l'outil de transposition prévoit son entrée en vigueur postérieurement ; que l'article 13 de la directive 2014/104/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 novembre 2014, dont le délai de transposition expirait le 27 décembre 2016 (art. 21), intitulé « moyen de défense invoquant la répercussion du surcoût », dispose que « la charge de la preuve de la répercussion du surcoût incombe au défendeur (?) » ; qu'en rejetant la demande des sociétés Carrefour, demanderesses, introduite le 23 janvier 2017 (arrêt, p. 3, § 3), soit postérieurement à l'expiration du délai de transposition, faute pour ces dernières de démontrer qu'elles n'avaient pas réalisé de marge commerciale en revendant aux consommateurs les produits (arrêt, p. 13, antepén. paragr.), dès lors que « le demandeur à l'indemnisation doit en effet prouver, au titre de la démonstration de son préjudice, qu'il n'a pas répercuté sur le consommateur le manque à gagner résultant des marges-arrière moindres du fait de l'entente sanctionnée » (arrêt, p. 12, § 7 et 10), motifs pris de ce que la mise à la charge du défendeur de cette preuve n'a pas été intégrée en droit positif pour la période antérieure à la transposition de la directive et en s'appuyant sur des décisions antérieures à la publication de la directive (arrêt, p. 12, ult. paragr.), la cour d'appel, qui a privé d'effet direct les dispositions de la directive susvisée, pourtant précises, inconditionnelles et complètes, a méconnu ce principe et celui de coopération loyale prévu à l'article 4 paragr. 3 du TUE, ensemble l'article 13 de cette directive ; 2°) Alors, d'autre part, que les règles organisant la charge de la preuve sont régies par la loi en vigueur au jour de l'introduction de la demande ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt que les sociétés Carrefour ont introduit leur demande en indemnisation par acte du 23 janvier 2017, cependant que la directive 2014/104/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 novembre 2014 était directement applicable depuis le 27 décembre 2016, de sorte que les règles régissant la charge de la preuve qu'elle porte étaient applicables à cette demande ; qu'en refusant de faire application des dispositions de la directive régissant la charge de la preuve, motifs pris de ce que les faits générateurs du préjudice étaient antérieurs à « l'entrée en vigueur de la directive », la cour d'appel a violé l'article 2 du code civil ; 3°) Alors, en outre, que le principe de primauté du droit de l'Union impose aux juridictions nationales, juges de droit commun du droit de l'Union, d'interpréter les normes du droit national afin de leur faire produire des effets conformes aux exigences de la directive, y compris pour l'interprétation du droit national antérieur à la directive ; que la directive 2014/104/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 novembre 2014 dispose, en son article 13, intitulé « moyen de défense invoquant la répercussion du surcoût », que « la charge de la preuve de la répercussion du surcoût incombe au défendeur (?) » ; qu'en faisant néanmoins peser sur les demanderesses à la réparation la charge de prouver qu'elles n'avaient pas répercuté sur les consommateurs le surcoût occasionné par les pratiques illicites de leurs fournisseurs, en se fondant sur le défaut d'intégration en droit positif de cette répartition du fardeau de la preuve, ainsi que sur un arrêt de la Cour de cassation du 15 mai 2012 (pourvoi n° 11-18.495), donc antérieur à l'entrée en vigueur de la directive, la cour d'appel a méconnu le principe de primauté du droit de l'Union et le principe d'interprétation conforme, ainsi que l'article 1240 du code civil, tel qu'interprété à la lumière de l'article 13 de la directive 2014/104/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 novembre 2014 ; 4°) Alors, encore, que l'application effective de l'article 101 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, qui relève de l'ordre public, impose que les règles de procédure ne rendent pas excessivement difficile, sinon impossible, l'exercice des recours fondés sur le droit de l'Union européenne ; qu'en mettant à la charge des sociétés Carrefour la preuve de ce qu'elles n'avaient pas répercuté sur les consommateurs le surcoût né des pratiques anticoncurrentielles illicites antérieures à 2006 (arrêt, p. 2, ult. paragr.) par la production de factures portant sur cette période (arrêt, p. 13, antepén. paragr., in fine), lorsque ces dernières ont l'obligation légale de conserver les factures pendant 10 années seulement, la cour d'appel a mis à leur charge une preuve impossible à rapporter, méconnaissant ainsi le principe d'effectivité de l'article 101 du TFUE, ensemble, l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux et l'article 1240 du code civil ; 5°) Alors, au surplus, que les juges du fond qui constatent l'existence d'un préjudice ne peuvent refuser de procéder à son évaluation, au besoin en ordonnant toute mesure d'instruction utile ; que la cour d'appel a constaté, reprenant en cela les constatations de la décision n° 14-D-18 de l'Autorité de la concurrence, que les pratiques sanctionnées avaient eu, pour tous les distributeurs, un effet significatif sur les marges arrière, générant pour ces derniers un manque à gagner (arrêt, p. 12, § 1er et 6) ; qu'ayant constaté l'existence de ce préjudice, la cour d'appel, qui a néanmoins refusé de l'indemniser, en retenant qu'il n'était pas établi que les surcoûts ayant occasionné ces manques à gagner n'avaient pas été répercutés sur les consommateurs, la cour d'appel a violé l'article 4 du code civil ; 6°) Alors, en outre, que la loi n° 96-588 du 1er juillet 1996, dite loi Galland, a fixé le seuil de revente à perte au tarif indiqué aux conditions générales de vente déduction faite des seules remises acquises au jour de la vente, lesquelles étaient identiques pour tous les distributeurs en raison de l'interdiction de discrimination tarifaire garantie par des conditions générales de vente transparentes et identiques pour tous, qui mentionnaient le tarif (ou prix de vente) et les conditions des éventuelles remises ou ristournes possibles ; que dès lors, l'ensemble des distributeurs, pour demeurer concurrentiels sur le marché, étaient contraints de revendre les produits au prix double-net figurant sur la facture, à peine d'enfreindre la prohibition de la revente à perte, le mécanisme ayant eu pour objet de déplacer les négociations sur les marges arrières ; qu'ainsi que l'avait constaté le tribunal (jugement, p. 7) et que le faisaient valoir les sociétés Carrefour (concl. p. 38 et s., § 137 et s.), le mécanisme engendré par la règlementation en vigueur excluait que le surcoût fût répercuté sur le consommateur ; qu'en considérant néanmoins que les sociétés Carrefour n'établissaient pas ne pas avoir répercuté sur le consommateur le surcoût consécutif à la pratique anticoncurrentielle prohibée, sans rechercher si toute répercussion de ce surcoût n'était pas rendue impossible par les effets avérés de la règlementation, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1240 du code civil ; 7°) Alors, enfin, que après avoir constaté l'existence, pour les distributeurs, d'un manque à gagner sur les marges arrière, occasionné par les pratiques anticoncurrentielles sanctionnées, la cour d'appel ne pouvait débouter, purement et simplement, les sociétés Carrefour de leurs demandes d'indemnisation en retenant qu'il n'était pas établi qu'elles n'avaient pas répercuté sur les consommateurs ce surcoût, sans constater que la répercussion du surcoût qu'elle supposait était d'un montant équivalent à celui généré par le manque à gagner sur les marges arrière avéré, seule constatation de nature à neutraliser l'existence du préjudice invoqué, privant ainsi sa décision de base légale au regard de l'article 1240 du code civil ; 8°) Alors, en tout état de cause, qu' en retenant qu'il convenait d'établir, pour faire la preuve du préjudice consécutif aux pratiques illicites, que le surcoût subi ensuite des pratiques anticoncurrentielles avait été répercuté, par les sociétés Carrefour, sur les consommateurs, sans rechercher, comme elle y était invitée (concl., p. 55, spéc. § 213), si la répercussion du surcoût n'était pas inenvisageable dès lors qu'elle était neutralisée par la baisse du volume des ventes induite par la hausse des prix, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1240 du code civil.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 19 octobre 2022 Cassation partielle Mme DARBOIS, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 604 F-B Pourvoi n° J 21-16.169 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 19 OCTOBRE 2022 La société Bleu vert, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 4], a formé le pourvoi n° J 21-16.169 contre l'arrêt rendu le 3 mars 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 4), dans le litige l'opposant : 1°/ à la société Laboratoires de Biarritz international, société de droit étranger, dont le siège est [Adresse 1] (Belgique), ayant un établissement en France, [Adresse 3], 2°/ à la société Guerin et associés, société d'exercice libéral par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], en la personne de Mme [T] [R], prise en qualité de liquidateur judiciaire de la société Les laboratoires de Biarritz, défenderesses à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Bellino, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Bleu vert, de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de la société Laboratoires de Biarritz international, après débats en l'audience publique du 6 septembre 2022 où étaient présentes Mme Darbois, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Bellino, conseiller référendaire rapporteur, Mme Champalaune, conseiller, et Mme Labat, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 3 mars 2021), par un accord de distribution du 10 octobre 2016, la société Les laboratoires de Biarritz a accordé à la société Bleu vert le droit de distribuer ses produits sur le territoire national métropolitain et ultra-marin, pour une durée de cinq ans. 2. Par acte du 27 avril 2018, la société Les laboratoires de Biarritz a cédé son fonds de commerce à la société Laboratoires de Biarritz international. 3. La société Bleu vert a passé postérieurement commande de produits qui lui ont été livrés puis facturés par la société Laboratoires de Biarritz international et les parties ont engagé des négociations en vue de la conclusion d'un nouveau contrat de distribution. 4. Par courriel du 29 octobre 2018, la société Laboratoires de Biarritz international a informé la société Bleu vert qu'elle ne signerait pas de contrat de distribution et qu'elle ne pourrait donc plus recevoir aucune commande de sa part ni effectuer aucune livraison. 5. La société Bleu vert a adressé, le 5 novembre 2018, une nouvelle commande à la société Laboratoires de Biarritz international puis l'a mise en demeure de reprendre sans délai l'exécution du contrat de distribution exclusive et de livrer sa commande. 6. N'ayant pas obtenu satisfaction, la société Bleu vert a assigné les sociétés Les laboratoires de Biarritz et Laboratoires de Biarritz international aux fins de condamnation à lui payer des dommages et intérêts. 7. La société Les laboratoires de Biarritz a été placée en liquidation judiciaire par un jugement du 3 juin 2019 et la société Guerin et associés, prise en la personne de Mme [R], a été désignée en qualité de liquidateur. Examen des moyens Sur le premier moyen Enoncé du moyen 8. La société Bleu vert fait grief à l'arrêt de mettre hors de cause la société Laboratoires de Biarritz international et de rejeter l'intégralité de ses demandes à son encontre, alors « que l'acquéreur d'une marque est tenu propter rem de respecter les droits grevant celle-ci qui ont été régulièrement concédés du chef du cédant et, donc, d'exécuter les obligations nées d'un contrat de distribution exclusive par lequel le cédant de la marque a concédé à un distributeur le droit exclusif de distribuer les produits commercialisés sous cette marque sur un territoire donné pour une durée déterminée ; qu'en l'espèce, il ressortait des constatations mêmes des juges du fond qu'après avoir, par un contrat de distribution exclusive du 20 octobre 2016, concédé à la société Bleu vert pour une durée de cinq ans le droit exclusif de distribuer en France auprès des magasins "bio" les produits cosmétiques fabriqués sous ses propres marques, la société Les laboratoires de Biarritz avait, par acte du 27 avril 2018, cédé à la société de droit belge Laboratoires de Biarritz international son fonds de commerce, cette cession incluant les droits sur ses marques ; qu'en jugeant néanmoins que le contrat de distribution exclusive du 20 octobre 2016 n'avait pas été transféré à la société Laboratoires de Biarritz international, aux motifs inopérants que lors de la cession d'un fonds de commerce, les contrats ne sont pas automatiquement transférés, à l'exception du droit au bail, des contrats d'assurance, des contrats d'édition et des contrats de travail, qui constituent des exceptions légales, que l'acte de cession du fonds de commerce n'avait pas mentionné le contrat de distribution et que la cessionnaire du fonds n'avait pas elle-même voulu poursuivre son exécution dans les mêmes conditions, la cour d'appel a violé l'article L. 714-1 du code de la propriété intellectuelle dans sa version applicable au litige, ensemble l'article 1194 du code civil dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 10 février 2016. » Réponse de la Cour 9. La cession d'un fonds de commerce comprenant la cession de la propriété des droits sur des marques n'emporte pas cession du contrat de distribution exclusive des produits revêtus de ces marques. 10. Après avoir relevé que, par l'accord de distribution signé le 10 octobre 2016, la société Les laboratoires de Biarritz avait accordé à la société Bleu vert le droit de distribuer ses produits sur le territoire national métropolitain et ultra-marin pendant cinq ans, l'arrêt retient que lors de la cession d'un fonds de commerce, les contrats ne sont pas automatiquement transférés, à l'exception du droit au bail, des contrats d'assurance, des contrats d'édition et des contrats de travail, qui constituent des exceptions légales, que l'acte de cession du fonds de commerce ne mentionnait pas le contrat de distribution litigieux, qu'après la cession du fonds, des négociations ont eu lieu avec la société Bleu vert en vue de conclure un nouveau contrat de distribution mais que par lettre du 4 octobre 2018, la société Laboratoires de Biarritz international a indiqué à la société Bleu vert qu'elle ne pouvait s'engager à signer un contrat de distribution avec elle. 11. En l'état de ces constatations et appréciations, c'est à bon droit que la cour d'appel a retenu que le contrat de distribution signé le 10 octobre 2016 n'était pas inclus dans la cession du fonds de commerce intervenue au profit de la société Laboratoires de Biarritz international. 12. Le moyen n'est donc pas fondé. Mais sur le second moyen Enoncé du moyen 13. La société Bleu vert fait le même grief à l'arrêt, alors « que le tiers qui se rend complice de l'inexécution par un contractant de ses engagements conventionnels engage sa responsabilité délictuelle envers le cocontractant victime de cette inexécution ; qu'en l'espèce, la société Bleu vert faisait valoir dans ses écritures qu'après lui avoir, par un contrat du 20 octobre 2016, concédé pour une durée de cinq ans courant jusqu'en 2021 le droit exclusif de distribuer en France auprès des magasins "bio" les produits cosmétiques conçus et fabriqués sous ses propres marques, la société Les laboratoires de Biarritz avait, par une convention du 27 avril 2018, cédé à la société de droit belge Laboratoires de Biarritz international son fonds de commerce, incluant les droits de propriété sur ses marques et brevets et l'intégralité de son stock, de sorte que ces deux sociétés, agissant ainsi de concert, avaient sciemment fait en sorte d'empêcher l'exécution jusqu'à son terme du contrat de distribution exclusive convenu au bénéfice de la société Bleu vert et de permettre à la société Laboratoires de Biarritz international de commercialiser directement, au mépris de l'exclusivité contractée en faveur du distributeur, les produits concernés par ce contrat de distribution exclusive ; que pour écarter néanmoins toute responsabilité délictuelle de la société Laboratoires de Biarritz international, la cour d'appel s'est bornée à relever que c'est par courriel du 23 novembre 2018 que la société Bleu vert avait informé la société Laboratoires de Biarritz international de ce que la société Biocoop lui avait annoncé qu'elle ne passerait plus de commandes auprès d'elle et que ce n'est que postérieurement, soit par courriel du 6 décembre 2018 que la société Laboratoires de Biarritz international avait envoyé ses propositions de travail en direct à une société Le terreau, de sorte qu'en cet état, la société Bleu vert ne démontrait pas d'agissement fautif susceptible d'engager la responsabilité délictuelle de cette dernière ; qu'en se prononçant par ces seuls motifs, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si la société Laboratoires de Biarritz international n'avait pas elle-même connaissance de l'accord de distribution exclusive conclu entre la société Les laboratoire de Biarritz au moment où elle avait acquis son fonds de commerce et si elle ne s'était pas sciemment rendu complice de son inexécution par la société Les laboratoires de Biarritz, inexécution dont elle constatait précisément l'existence, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 1200 et 1240 du code civil. » Réponse de la Cour Vu les articles 1200 et 1240 du code civil : 14. Il résulte de ces textes que le tiers à un contrat qui se rend complice de la violation par une partie de ses obligations contractuelles engage sa responsabilité délictuelle. 15. Pour mettre hors de cause la société Laboratoires de Biarritz international et rejeter les demandes de la société Bleu vert formées contre elle, l'arrêt retient que c'est par courriel du 23 novembre 2018 que la société Bleu vert a informé la société Laboratoires de Biarritz international qu'une société à laquelle elle distribuait les produits antérieurement fournis par la société Les laboratoires de Biarritz ne passerait plus par son intermédiaire pour obtenir ces produits, que ce n'est que postérieurement, soit par courriel du 6 décembre 2018, que la société Laboratoires de Biarritz international a envoyé des propositions de collaboration directement à une autre société cliente de la société Bleu vert et qu'en cet état, la société Bleu vert ne démontre pas d'agissements fautifs imputables à la société Laboratoires de Biarritz international, susceptibles d'engager sa responsabilité délictuelle. 16. En se déterminant ainsi, sans rechercher si la société Laboratoires de Biarritz international n'avait pas connaissance, lors de l'acquisition du fonds de commerce, de l'accord de distribution exclusive conclu par la société Les laboratoires de Biarritz et si elle ne s'était pas sciemment rendue complice de l'inexécution de cet accord par la société Les laboratoires de Biarritz, la cour d'appel a privé sa décision de base légale. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, confirmant le jugement, il met hors de cause la société Laboratoires de Biarritz international, et en ce que, l'infirmant, il rejette l'intégralité des demandes de la société Bleu vert à l'encontre de la société Laboratoires de Biarritz international et en ce qu'il statue sur les dépens et sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile dans les rapports entre la société Bleu vert et la société Laboratoires de Biarritz international, l'arrêt rendu le 3 mars 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ; Condamne la société Laboratoires de Biarritz international aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Bleu vert contre la société Guérin, en qualité de liquidateur de la société Les laboratoires de Biarritz, et la demande formée par la société Laboratoires de Biarritz international et condamne cette dernière à payer à la société Bleu vert la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf octobre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société Bleu vert. PREMIER MOYEN DE CASSATION La société Bleu Vert fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir mis hors de cause la société Laboratoires de Biarritz International et d'avoir débouté la société Bleu Vert de l'intégralité de ses demandes à son encontre. ALORS QUE l'acquéreur d'une marque est tenu propter rem de respecter les droits grevant celle-ci qui ont été régulièrement concédés du chef du cédant et, donc, d'exécuter les obligations nées d'un contrat de distribution exclusive par lequel le cédant de la marque a concédé à un distributeur le droit exclusif de distribuer les produits commercialisés sous cette marque sur un territoire donné pour une durée déterminée ; qu'en l'espèce, il ressortait des constatations mêmes des juges du fond qu'après avoir, par un contrat de distribution exclusive du 20 octobre 2016, concédé à la société Bleu Vert pour une durée de cinq ans le droit exclusif de distribuer en France auprès des magasins « bio » les produits cosmétiques fabriqués sous ses propres marques, la société Les Laboratoires de Biarritz avait, par acte du 27 avril 2018, cédé à la société de droit belge Laboratoires de Biarritz International son fonds de commerce, cette cession incluant les droits sur ses marques ; qu'en jugeant néanmoins que le contrat de distribution exclusive du 20 octobre 2016 n'avait pas été transféré à la société Laboratoires de Biarritz International, aux motifs inopérants que lors de la cession d'un fonds de commerce, les contrats ne sont pas automatiquement transférés, à l'exception du droit au bail, des contrats d'assurance, des contrats d'édition et des contrats de travail, qui constituent des exceptions légales, que l'acte de cession du fonds de commerce n'avait pas mentionné le contrat de distribution et que la cessionnaire du fonds n'avait pas elle-même voulu poursuivre son exécution dans les mêmes conditions, la cour d'appel a violé l'article L. 714-1 du code de la propriété intellectuelle dans sa version applicable au litige, ensemble l'article 1194 du code civil dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 10 février 2016. SECOND MOYEN DE CASSATION (subsidiaire) La société Bleu Vert fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir mis hors de cause la société Laboratoires de Biarritz International et d'avoir débouté la société Bleu Vert de l'intégralité de ses demandes à son encontre. ALORS QUE le tiers qui se rend complice de l'inexécution par un contractant de ses engagements conventionnels engage sa responsabilité délictuelle envers le cocontractant victime de cette inexécution ; qu'en l'espèce, la société Bleu Vert faisait valoir dans ses écritures qu'après lui avoir, par un contrat du 20 octobre 2016, concédé pour une durée de cinq ans courant jusqu'en 2021 le droit exclusif de distribuer en France auprès des magasins « bio » les produits cosmétiques conçus et fabriqués sous ses propres marques, la société Les Laboratoires de Biarritz avait, par une convention du 27 avril 2018, cédé à la société de droit belge Laboratoires de Biarritz International son fonds de commerce, incluant les droits de propriété sur ses marques et brevets et l'intégralité de son stock, de sorte que ces deux sociétés, agissant ainsi de concert, avaient sciemment fait en sorte d'empêcher l'exécution jusqu'à son terme du contrat de distribution exclusive convenu au bénéfice de la société Bleu Vert et de permettre à la société Laboratoires de Biarritz International de commercialiser directement, au mépris de l'exclusivité contractée en faveur du distributeur, les produits concernés par ce contrat de distribution exclusive ; que pour écarter néanmoins toute responsabilité délictuelle de la société Laboratoires de Biarritz International, la cour d'appel s'est bornée à relever que c'est par courriel du 23 novembre 2018 que la société Bleu vert avait informé la société Laboratoires de Biarritz international de ce que la société Bioccop lui avait annoncé qu'elle ne passerait plus de commandes auprès d'elle et que ce n'est que postérieurement, soit par courriel du 6 décembre 2018 que la société Laboratoires de Biarritz international avait envoyé ses propositions de travail en direct à une société Le terreau, de sorte qu'en cet état, la société Bleu Vert ne démontrait pas d'agissement fautif susceptible d'engager la responsabilité délictuelle de cette dernière ; qu'en se prononçant par ces seuls motifs, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si la société Laboratoires de Biarritz International n'avait pas elle-même connaissance de l'accord de distribution exclusive conclu entre la société Laboratoire de Biarritz au moment où elle avait acquis son fonds de commerce et si elle ne s'était pas sciemment rendu complice de son inexécution par la société Laboratoires de Biarritz, inexécution dont elle constatait précisément l'existence, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 1200 et 1240 du code civil.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 19 octobre 2022 Mme DARBOIS, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 600 F-B Pourvoi n° P 21-20.681 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 19 OCTOBRE 2022 M. [D] [C], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° P 21-20.681 contre l'arrêt rendu le 6 mai 2021 par la cour d'appel de Nîmes (chambre civile, 1re chambre), dans le litige l'opposant à la société GVG sport, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Blanc, conseiller référendaire, les observations de la SCP Didier et Pinet, avocat de M. [C], de la SARL Cabinet Munier-Apaire, avocat de la société GVG sport, et l'avis de M. Douvreleur, avocat général, après débats en l'audience publique du 6 septembre 2022 où étaient présents Mme Darbois, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Blanc, conseiller référendaire rapporteur, Mme Champalaune, conseiller, et Mme Labat, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 6 mai 2021), M. [C] a assigné la société GVG sport en résolution, aux torts de celle-ci, du contrat d'agence commerciale qui les liait et en paiement d'une indemnité de cessation de contrat. 2. La société GVG sport s'est opposée à cette dernière demande en se prévalant de la commission d'une faute grave par M. [C] et a recherché, à titre reconventionnel, la responsabilité de celui-ci du fait de cette faute et sa réparation. Examen des moyens Sur le premier moyen et le second moyen, pris en ses première et deuxième branches, ci-après annexés 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le second moyen, pris en sa troisième branche Enoncé du moyen 4. M. [C] fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à la société GVG sport la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts, alors « qu'un même manquement de l'agent commercial à ses obligations, à le supposer établi, ne peut justifier à la fois la suppression de l'indemnité de cessation de contrat et l'allocation de dommages et intérêts au mandant ; qu'en condamnant M. [C] à verser à la société GVG des dommages et intérêts pour avoir mis le site internet en maintenance, quand ce manquement avait déjà été sanctionné par la privation de l'indemnité de fin de contrat, la cour d'appel a violé l'article 1231-1 du code civil. » Réponse de la Cour 5. En cas de cessation d'un contrat d'agence commerciale, la perte par le mandataire du fait de sa faute grave, en application de l'article L. 134-13 du code de commerce, de son droit à la réparation prévue par l'article L. 134-12 de ce code ne prive pas le mandant de la possibilité d'agir en réparation du préjudice que lui a causé cette faute. 6. Après avoir retenu que M. [C] avait manqué à son obligation de loyauté envers la société GVG sport et que ces manquements caractérisaient une faute grave, de nature à le priver de l'indemnité compensatrice de fin de contrat, c'est sans méconnaître les dispositions de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, que la cour d'appel l'a ensuite condamné à réparer le préjudice causé par ces manquements. 7. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne M. [C] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [C] et le condamne à payer à la société GVG sport la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf octobre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour M. [C]. PREMIER MOYEN DE CASSATION M. [C] fait grief à l'arrêt attaqué, infirmatif de ce chef, d'AVOIR dit qu'il avait commis une faute grave au sens de l'article L.134-13 du code de commerce et de l'avoir débouté de sa demande d'indemnité au titre de l'article L.134-12. 1°) ALORS QUE dans ses conclusions d'appel (p. 20) M. [C] faisait valoir que les deux adresses e-mail « [Courriel 4] » et « [Courriel 3] » coexistaient et avaient été utilisées pour les échanges professionnels entre lui-même et la société GVG jusqu'à la rupture des relations contractuelles ; qu'en retenant, pour dire que M. [C] avait manqué à son obligation de loyauté, que l'adresse de l'administrateur du site avait été modifiée, sans répondre à ces conclusions déterminantes, la cour d'appel a privé sa décision de motifs en violation de l'article 455 du code de procédure civile ; 2°) ALORS QUE dans ses conclusions d'appel (p. 15), M. [C] faisait valoir que le site « gvg-industries.com » n'avait pas été créé par la société GVG mais par lui-même pour le compte de la société Concept Foam 04 ; qu'étant seul propriétaire de ce site, il avait pris la décision de le déconnecter lors de la rupture des relations contractuelles, pour éviter toute difficulté avec la société GVG et tout détournement de clientèle ; qu'en retenant un manquement de M. [C] à son obligation de loyauté sans répondre à ce moyen d'où il résultait que la mise hors ligne du site avait été faite dans l'intérêt même de la société GVG, la cour d'appel a derechef violé l'article 455 du code de procédure civile ; 3°) ALORS QUE pour retenir l'existence d'une faute grave, la cour d'appel a énoncé que M. [C] avait déposé la marque « la halle aux mousses » à l'INPI moins de deux mois avant la notification de la rupture de son contrat d'agent commercial ; qu'en statuant ainsi sans établir en quoi le dépôt par M. [C] d'une marque dont il était le créateur constituait un manquement à son obligation de loyauté, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L.134-12 et L.134-13 du code de commerce. SECOND MOYEN DE CASSATION M. [C] fait grief à l'arrêt attaqué de l'AVOIR condamné à payer à la société GVG Sport la somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts. 1°) ALORS QUE dans ses conclusions d'appel (p. 15), M. [C] faisait valoir que le site « gvg-industries.com » n'avait pas été créé par la société GVG mais par lui-même pour le compte de la société Concept Foam 04 ; qu'étant seul propriétaire de ce site, il avait pris la décision de le déconnecter lors de la rupture des relations contractuelles, pour éviter toute difficulté avec la société GVG et tout détournement de clientèle ; qu'en retenant un manquement de M. [C] à son obligation de loyauté sans répondre à ce moyen d'où il résultait que la mise hors ligne du site avait été faite dans l'intérêt même de la société GVG, la cour d'appel a derechef violé l'article 455 du code de procédure civile ; 2°) ALORS QU'en condamnant M. [C] au paiement de la somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts sans justifier du montant de la perte du chiffre d'affaires qui serait due à la mise en maintenance du site pendant le mois de novembre 2017, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1231-1 du code civil ; 3°) ALORS QU'en tout état de cause, un même manquement de l'agent commercial à ses obligations - à le supposer établi - ne peut justifier à la fois la suppression de l'indemnité de cessation de contrat et l'allocation de dommages et intérêts au mandant ; qu'en condamnant M. [C] à verser à la société GVG des dommages et intérêts pour avoir mis le site internet en maintenance, quand ce manquement avait déjà été sanctionné par la privation de l'indemnité de fin de contrat, la cour d'appel a violé l'article 1231-1 du code civil.
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 9 juin 2022 Cassation partielle M. PIREYRE, président Arrêt n° 588 FS-B Pourvoi n° Q 20-16.239 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 9 JUIN 2022 M. [L] [X], domicilié [Adresse 10], [Localité 4], a formé le pourvoi n° Q 20-16.239 contre l'arrêt rendu le 10 mars 2020 par la cour d'appel de Besançon (1re chambre civile et commerciale), dans le litige l'opposant : 1°/ au syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 8] à [Localité 4], dont le siège est [Adresse 8], [Localité 4], représenté par son syndic la société IGC, sis [Adresse 9], [Localité 4], 2°/ au syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 5] à [Localité 4], dont le siège est [Adresse 5], [Localité 4], représenté par son syndic M. [Z] [H], domicilié [Adresse 3], [Localité 4], 3°/ à la société Allianz, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], 4°/ à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) de Franche-Comté, dont le siège est [Adresse 6] (adresse postale [Adresse 11], [Localité 4]), anciennement dénommée RSI de Franche-Comté, 5°/ à la société Axa France IARD, société anonyme, prise en qualité d'assureur du syndicat de copropriété de l'immeuble [Adresse 8] à [Localité 4], 6°/ à la société Axa France IARD, société anonyme, prise en qualité d'assureur de la société Kiloutou, toutes deux ayant leur siège [Adresse 7], 7°/ à la société Kiloutou, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défendeurs à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Durin-Karsenty, conseiller, les observations de la SCP L. Poulet-Odent, avocat de M. [X], de la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat du syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 5] à [Localité 4] et de la société Allianz, de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de la société Axa France IARD, prise en qualité d'assureur du syndicat de copropriété de l'immeuble [Adresse 8] à [Localité 4], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Axa France IARD, prise en qualité d'assureur de la société Kiloutou et de la société Kiloutou, et l'avis de M. Aparisi, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 19 avril 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Durin-Karsenty, conseiller rapporteur, en présence de Mme Anton, auditrice au service de documentation, des études et du rapport, Mme Martinel, conseiller doyen, Mme Kermina, M. Delbano, conseillers, Mmes Jollec, Bohnert, M. Cardini, Mmes Dumas, Latreille, Bonnet, conseillers référendaires, M. Aparisi, avocat général referendaire, et Mme Thomas, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Besançon, 10 mars 2020), mandaté par le syndicat des copropriétaires du [Adresse 5] à [Localité 4] pour effectuer certains travaux, M. [X], gérant de la Sarl TP Est, a été blessé à la suite d'une chute survenue depuis une nacelle, prise en location auprès de la société Most Location devenue MBBC, qui s'est déséquilibrée au moment de son intervention sur le parking d'un membre de la copropriété du [Adresse 8] à [Localité 4]. 2. M. [X] a assigné devant un tribunal de grande instance les deux syndicats des copropriétaires et la société Allianz, assureur du syndicat de la copropriété du [Adresse 5], aux fins de les condamner, sur le fondement de leur responsabilité civile, à réparer les préjudices subis. La société Axa IARD, assureur du second syndicat des copropriétaires, est intervenue volontairement à l'instance. 3. Par jugement du 16 juillet 2019, le tribunal a notamment dit que la demande de M. [X] est recevable et fondée, mais sur les articles 1 et suivants de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985, mis hors de cause les sociétés d'assurance, Axa France IARD et Allianz, fixé l'assiette des préjudices, débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires et ordonné la réouverture des débats en invitant M. [X] à justifier de tous éléments sur l'indemnisation éventuellement perçue par l'assureur de la nacelle ou des actions entreprises à son encontre. 4. Par déclaration du 28 août 2019, M. [X] a formé un appel puis, par acte du 22 octobre 2019, a assigné en intervention forcée la société Kiloutou, venant aux droits de la société MBBC, et son assureur, la société Axa France IARD. Examen des moyens Sur le premier moyen, pris en ses troisième et quatrième branches, ci-après annexé 5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Mais sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche Enoncé du moyen 6. M. [X] fait grief à l'arrêt de le dire irrecevable en ses demandes tendant à remettre en cause le régime juridique applicable au litige et les modalités de fixation de ses préjudices patrimoniaux et extra-patrimoniaux et, en conséquence, de confirmer le jugement rendu le 16 juillet 2019 par le tribunal de grande instance de Besançon, en ce qu'il a mis hors de cause la société Axa France IARD, en sa qualité d'assureur de responsabilité civile immeuble et propriétaire d'immeuble du syndicat des copropriétaires de l'immeuble du [Adresse 8] à [Localité 4] et mis hors de cause la société Allianz en sa qualité d'assureur de responsabilité civile immeuble et propriétaire d'immeuble du syndicat des copropriétaires de l'immeuble du [Adresse 5] à [Localité 4], alors « que l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent ; qu'en l'espèce, l'acte d'appel limité de M. [X] a critiqué le dispositif du jugement rendu le 16 juillet 2019 par le tribunal de grande instance de Besançon en ce qu'il a mis hors de cause les sociétés Axa France et Allianz en leurs qualités respectives d'assureurs des syndicats de copropriétaires des [Adresse 8] et [Adresse 5], à [Localité 4] ; que cette critique, comme l'a soutenu M. [X], impliquait nécessairement celle du chef de dispositif du jugement qui a dit sa demande recevable exclusivement sur le fondement des dispositions de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 ; qu'en effet, la mise hors de cause des assureurs n'a résulté que du choix de ce fondement, la garantie qu'ils apportaient aux syndicats ayant pour objet de couvrir, non des sinistres résultant d'un accident de la circulation, mais des accidents résultant de la « responsabilité civile immeuble et propriétaires d'immeuble » ; qu'en jugeant dès lors que la demande de M. [X] tendant à remettre en cause le régime juridique applicable au litige était irrecevable, au seul motif que le chef du dispositif du jugement ayant retenu l'application de la loi du 5 juillet 1985 n'était pas visé par son acte d'appel, sans rechercher, comme elle y était invitée, et comme la loi le lui imposait, s'il n'existait pas un lien de « dépendance » nécessaire entre le chef du jugement portant sur la mise hors de cause des assureurs, dont il était fait appel, et le chef du jugement ayant décidé que l'indemnisation de M. [X] reposait sur la seule loi susvisée, la cour a privé sa décision de base légale au regard de l'article 562 alinéa 1 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Vu l'article 562, alinéa 1er du code de procédure civile : 7. Selon ce texte, l'appel ne défère à la cour d'appel que la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent, lesquels s'entendent de tous ceux qui sont la conséquence des chefs de jugement expressément critiqués. 8. Pour dire irrecevable M. [X] en ses demandes tendant à remettre en cause le régime juridique applicable au litige, l'arrêt constate qu'il a expressément limité son appel à la mise hors de cause des sociétés Allianz et Axa France IARD en qualité d'assureurs des syndicats des copropriétaires. 9. L'arrêt relève que M. [X] invoque à son bénéfice l'alinéa 1er de l'article 562 et prétend qu'en critiquant la seule mise hors de cause des assureurs, il a nécessairement critiqué l'application de la loi du 5 juillet 1985. 10. Il retient que cet argument est inopérant puisque l'appelant s'est abstenu de critiquer la disposition du jugement déféré disant que la demande de M. [X] est recevable et fondée mais sur les articles 1 et suivant de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985. 11. En se déterminant ainsi, sans rechercher s'il existait un lien de dépendance entre les chefs de jugement portant sur la mise hors de cause des assureurs et le chef de jugement ayant tranché le régime de responsabilité applicable, la cour d'appel qui, au surplus, ne pourrait que constater l'absence d'effet dévolutif sur ce point, n'a pas donné de base légale à sa décision. Et sur le second moyen, pris en sa seconde branche Enoncé du moyen 12. M. [X] fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes formées à l'encontre de la société Kiloutou et de la société Axa France IARD, intervenante forcée, prise « en sa qualité présumée » d'assureur de la société Kiloutou, alors « que les juges du fond doivent inviter les parties à présenter leurs observations dès lors qu'ils relèvent d'office un moyen, quel qu'il soit ; qu'en l'espèce, la cour, après avoir constaté qu'aucun transfert de garde de l'engin loué n'était intervenu en sa faveur et qu'il n'avait commis aucune faute inexcusable dans son usage, a néanmoins débouté M. [X] de ses demandes d'indemnisation dirigées contre la société Kiloutou et son assureur, la société Axa France, au motif qu'il ne versait pas aux débats de contrat de location avec la société Kiloutou, qu'il n'établissait pas qu'elle fût venue aux droits du loueur d'origine, et qu'il ne démontrait pas que la société Axa France fût l'assureur de l'engin ; qu'en fondant sa décision sur un tel moyen qu'aucune des parties n'avait invoqué, pas même d'ailleurs la société Kiloutou dans ses écritures jugées irrecevables, sans les inviter préalablement à présenter leurs observations à cet égard, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 16 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Vu l'article 16, alinéa 3, du code de procédure civile : 13. Il résulte de ce texte que le juge ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir, au préalable, invité les parties à présenter leurs observations. 14. Pour débouter M. [X] de ses demandes, l'arrêt retient qu'il ne verse pas aux débats de contrat de location avec la société Kiloutou, qu'il n'établit pas qu'elle soit venue aux droits du loueur d'origine, et qu'il ne démontre pas que la société Axa France IARD soit l'assureur de l'engin. 15. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui a fondé sa décision sur un moyen relevé d'office, sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations, a violé le texte susvisé. Mise hors de cause 16. En application de l'article 625 du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de mettre hors de cause la société Axa France IARD, en sa qualité d'assureur du syndicat de copropriété du [Adresse 8] à [Localité 4], la société Allianz, en sa qualité d'assureur du syndicat de copropriété de l'immeuble [Adresse 5] à [Localité 4], et le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 5] à [Localité 4] dont la présence est nécessaire devant la cour d'appel de renvoi. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit M. [X] irrecevable en ses demandes tendant à remettre en cause le régime juridique applicable au litige et les modalités de fixation de ses préjudices patrimoniaux et extra-patrimoniaux, en ce qu'il confirme le jugement ayant mis hors de cause les sociétés Axa France IARD et Allianz en leurs qualités d'assureurs des syndicats de copropriétaires du [Adresse 8] et [Adresse 5] à [Localité 4], et en ce qu'il déboute M. [X] de ses demandes formées à l'encontre de la société Kiloutou et de la société Axa France IARD, intervenante forcée, prise « en sa qualité présumée » d'assureur de la société Kiloutou, l'arrêt rendu le 10 mars 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Besançon, ainsi que les chefs de dispositif relatifs aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile ; DIT n'y avoir lieu de mettre hors de cause la société Axa France IARD, en qualité d'assureur du syndicat de copropriété du [Adresse 8] à [Localité 4], la société Allianz, en qualité d'assureur du syndicat de copropriété de l'immeuble [Adresse 5] à [Localité 4], et le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 5] à [Localité 4] ; Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ; Condamne le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 8] à [Localité 4], le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 5] à [Localité 4], la société Allianz, l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) de Franche-Comté anciennement dénommée RSI de Franche-Comté, la société Axa France IARD prise en qualité d'assureur du syndicat de copropriété de l'immeuble [Adresse 8] à [Localité 4], la société Axa France IARD prise en qualité d'assureur de la société Kiloutou et la société Kiloutou aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes de la société Axa France IARD, prise en qualité d'assureur du syndicat de copropriété de l'immeuble [Adresse 8] à [Localité 4], de la société Allianz et du syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 5] à [Localité 4], de la société Kiloutou et de la société Axa France IARD, prise en qualité d'assureur de la société Kiloutou, et les condamne à payer à M. [X] la somme globale de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf juin deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP L. Poulet-Odent, avocat aux Conseils, pour M. [X] PREMIER MOYEN DE CASSATION Le pourvoi fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit M. [L] [X] irrecevable en ses demandes tendant à remettre en cause le régime juridique applicable au litige et les modalités de fixation de ses préjudices patrimoniaux et extra-patrimoniaux et, en conséquence, confirmé le jugement rendu le 16 juillet 2019 par le tribunal de grande instance de Besançon, en ce qu'il avait mis hors de cause la société Axa France, en sa qualité d'assureur de responsabilité civile immeuble et propriétaire d'immeuble du syndicat des copropriétaires de l'immeuble du [Adresse 8] à [Localité 4] et mis hors de cause la société Allianz IARD en sa qualité d'assureur de responsabilité civile immeuble et propriétaire d'immeuble du syndicat des copropriétaires de l'immeuble du [Adresse 5] à [Localité 4], AUX MOTIFS QUE la déclaration d'appel formalisée par le conseil de M. [X] est ainsi libellée : « Objet/Portée de l'appel : appel limité aux chefs de jugement expressément critiqués. Il est fait grief au tribunal de grande instance de Besançon d'avoir : - mis hors de cause la compagnie Axa France Iard en sa qualité de compagnie d'assurance responsabilité civile immeuble et propriétaire d'immeuble du syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 8] à [Localité 4] - mis hors de cause la société Allianz Iard en sa qualité de compagnie d'assurance responsabilité civile immeuble et propriétaire d'immeuble du syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 5] à [Localité 4] » ; qu'en vertu de l'article 562 du code de procédure civile, l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent, la dévolution ne s'opérant pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible ; qu'en l'espèce, aucune des parties et notamment rappelant ne se prévaut, à juste titre, de l'indivisibilité du litige et il n'est pas sollicité l'annulation du jugement querellé mais son infirmation partielle ; que M. [X] qui invoque à son bénéfice l'alinéa 1er du texte susvisé prétend qu'en critiquant la seule mise hors de cause des assureurs des deux syndicats de copropriétaires il a nécessairement critiqué l'application de la loi du 5 juillet 1985, de sorte que la cour est saisie de l'appréciation de l'existence d'une faute et du préjudice qui en résulte ; que, cependant, cet argument est inopérant puisqu'il s'est abstenu de critiquer la disposition du jugement déféré figurant à son dispositif ainsi libellée : « dit que. la demande de M. [X] est recevable et fondée mais sur les articles 1 et suivant de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 » ; que la cour relève en outre qu'il s'est également abstenu de critiquer dans sa déclaration d'appel le chef du jugement déboutant les parties de leurs demandes plus amples et contraires et celui fixant assiette de ses préjudices patrimoniaux et extra-patrimoniaux en en énumérant les différents quantum ; qu'il s'ensuit qu'au regard de sa déclaration d'appel il n'a critiqué que la mise hors de cause du litige des assureurs des deux syndicats de copropriétaires et donc la mise en oeuvre de leur garantie ; qu'il convient par conséquent, comme le sollicitent le syndicat des copropriétaires du [Adresse 5] et son assureur la SA Allianz et la SA Axa, en sa qualité d'assureur du syndicat des copropriétaires du [Adresse 8], de déclarer irrecevables les demandes de M. [X] tendant à la mise en cause de la responsabilité civile des deux syndicats de copropriétaires et au réexamen à la hausse de ses demandes d'indemnisation de ses divers préjudices ; que M. [X] est irrecevable à remettre en cause devant la cour l'application au présent litige du régime découlant de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985, dont la question a été définitivement tranchée par le jugement partiellement frappé d'appel, de même que la question de l'absence de responsabilité des syndicats de copropriétaires et les modalités de fixation de l'indemnisation de ses préjudices, seule la critique de la mise hors de cause par les premiers juges des deux assureurs desdits syndicats pouvant être examinés à hauteur d'appel ; 1° ALORS QUE l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent ; qu'en l'espèce, l'acte d'appel limité de M. [X] a critiqué le dispositif du jugement rendu le 16 juillet 2019 par le tribunal de grande instance de Besançon en ce qu'il avait mis hors de cause les sociétés Axa France et Allianz en leurs qualités respectives d'assureurs des syndicats de copropriétaires des [Adresse 8] et [Adresse 5], à [Localité 4] ; que M. [X] a néanmoins soutenu que cette critique impliquait nécessairement celle du chef de dispositif du jugement qui a dit que sa demande était recevable et fondée seulement sur les dispositions de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985, puisque la mise hors de cause contestée n'a reposé que sur l'application exclusive de ce texte ; que, pour écarter ce moyen, la cour a retenu que « cet argument est inopérant puisque [M. [X]] s'est abstenu de critiquer la disposition du jugement déféré figurant à son dispositif » qui a retenu la recevabilité de sa demande sur le fondement de cette loi ; que, cependant, si « l'argument » [en réalité : le moyen] de M. [X] pouvait être vrai ou faux, il ne pouvait pas être «inopérant » dès lors qu'il entrait dans les prévisions de la loi et soulevait, selon ses prévisions, la question de la dépendance de deux chefs de dispositif du jugement ; qu'en se déterminant ainsi, la cour a violé l'article 562 alinéa 1 du code de procédure civile, par refus d'application ; 2° ALORS QUE l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent ; qu'en l'espèce, l'acte d'appel limité de M. [X] a critiqué le dispositif du jugement rendu le 16 juillet 2019 par le tribunal de grande instance de Besançon en ce qu'il a mis hors de cause les sociétés Axa France et Allianz en leurs qualités respectives d'assureurs des syndicats de copropriétaires des [Adresse 8] et [Adresse 5], à [Localité 4] ; que cette critique, comme l'a soutenu M. [X], impliquait nécessairement celle du chef de dispositif du jugement qui a dit sa demande recevable exclusivement sur le fondement des dispositions de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 ; qu'en effet, la mise hors de cause des assureurs n'a résulté que du choix de ce fondement, la garantie qu'ils apportaient aux syndicats ayant pour objet de couvrir, non des sinistres résultant d'un accident de la circulation, mais des accidents résultant de la « responsabilité civile immeuble et propriétaires d'immeuble » ; qu'en jugeant dès lors que la demande de M. [X] tendant à remettre en cause le régime juridique applicable au litige était irrecevable, au seul motif que le chef du dispositif du jugement ayant retenu l'application de la loi du 5 juillet 1985 n'était pas visé par son acte d'appel, sans rechercher, comme elle y était invitée, et comme la loi le lui imposait, s'il n'existait pas un lien de « dépendance » nécessaire entre le chef du jugement portant sur la mise hors de cause des assureurs, dont il était fait appel, et le chef du jugement ayant décidé que l'indemnisation de M. [X] reposait sur la seule loi susvisée, la cour a privé sa décision de base légale au regard de l'article 562 alinéa 1 du code de procédure civile ; 3° ALORS QUE l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent ; qu'en l'espèce, ayant relevé que l'acte d'appel de M. [X] ne visait que le dispositif du jugement rendu le 16 juillet 2019 qui a mis hors de cause les assureurs des syndicats, et non le chef du jugement déboutant les parties de leurs demandes plus amples ou contraires, en a conclu que la demande de M. [X] tendant à la remise en cause de la responsabilité civile des deux syndicats de copropriétaires était irrecevable ; que, cependant, M. [X] avait soutenu dans ses écritures que l'application par le tribunal de la seule loi du 5 juillet 1985 pour trancher le litige avait déterminé tout autant la mise hors de cause des assureurs que celle des syndicats de copropriétaires (concl. p. 9, § 2), soulignant la dépendance nécessaire des chefs du jugement ayant mis hors de cause les assureurs, retenu la loi de 1985 et débouté M. [X] de ses demandes dirigées contre les syndicats de copropriétaires ; qu'en jugeant dès lors irrecevables ses demandes tendant à mettre en cause la responsabilité civile des deux syndicats de copropriétaires, sans rechercher, comme elle y était invitée, s'il n'existait pas une dépendance nécessaire entre le chef du dispositif du jugement qui a mis hors de cause les assureurs sur le fondement de la loi de 1985 et celui qui a rejeté les demandes de M. [X] formulées contre les syndicats de copropriétaires sur le fondement de la responsabilité civile, la cour a privé sa décision de base légale au regard de l'article 562 alinéa 1 du code de procédure civile ; 4° ALORS QUE l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; qu'en l'espèce, M. [X], qui se référait à l'article 562 du code de procédure civile tout entier, et donc en particulier à son alinéa 2, en vertu duquel la dévolution s'opère pour le tout lorsque l'objet du litige est indivisible, avait soutenu que la décision prise par le tribunal de trancher le litige sur le seul fondement de la loi du 5 juillet 1985, avait conduit tout autant à mettre hors de cause les assureurs que les syndicats de copropriétaires assurés, de sorte que l'appel interjeté de ce jugement relatif à cette mise hors de cause, avait pour effet de saisir la cour « de l'ensemble du litige à savoir l'existence d'une faute et, dans l'affirmative, le préjudice en résultant » (concl. p. 9, § 7) ; qu'ainsi, M. [X] soutenait nécessairement que l'objet était indivisible, s'étendant de la mise hors de cause des assureurs à l'étendue du préjudice subi ; qu'en suggérant dès lors, pour dire irrecevables ses demandes relatives au réexamen à la hausse de ses demandes d'indemnisation, que M. [X] ne visait que les dispositions de l'alinéa 1er du texte susvisé et en jugeant qu'il ne se prévalait pas de l'indivisibilité du litige, la cour a méconnu les termes du litige, en violation de l'article 4 du code de procédure civile. SECOND MOYEN, SUBSIDIAIRE, DE CASSATION Le pourvoi fait grief à l'arrêt attaqué » D'AVOIR débouté M. [L] [X] de ses demandes formées à l'encontre de la société Kiloutou et de la société Axa France, intervenante forcée, prise « en sa qualité présumée » d'assureur de la société Kiloutou, AUX MOTIFS QUE M. [X] fait valoir à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où l'application de la loi du 5 juillet 1985 serait confirmée, que n'ayant pas la qualité de conducteur de l'engin qui n'était pas en mouvement et n'ayant commis aucune faute inexcusable seule est mobilisable la responsabilité de la société Kiloutou qui doit ainsi avec son assureur l'indemniser de son entier préjudice ; que si la société Kiloutou, intervenante forcée à hauteur d'appel a constitué avocat devant la cour, ses conclusions sont irrecevables ; que la société Axa, désignée comme étant l'assureur de celle-ci et également assignée en intervention forcée à hauteur d'appel n'a pas constitué avocat devant la cour ; que la cour ne trouve en la matière aucun moyen à relever d'office ; que la décision déférée a définitivement statué sur l'application du régime de responsabilité et d'indemnisation de la loi n°85-677 du 5 juillet 1985 ; que les premiers juges ont retenu que ce régime de responsabilité était applicable au motif que l'accident était consécutif an mouvement d'un élément de la fonction de déplacement du camion-nacelle, véhicule terrestre à moteur en l'occurrence la roue, qui, en s'affaissant avait provoqué l'éjection de M. [X] de sa nacelle ; que M. [X] n'avait pas qualité de conducteur au moment de l'accident dès lors qu'il se trouvait dans la nacelle de sorte que son indemnisation ne peut être écartée que si sa faute inexcusable était la cause exclusive du dommage ; que le propriétaire du véhicule en est présumé le gardien sauf pour lui à démontrer un transfert de la garde au locataire de ce véhicule ; qu'en l'espèce, la société Kiloutou n'ayant pas conclu dans les délais impartis et la société Axa n'ayant pas constitué avocat devant la cour, la preuve d'un transfert de la garde n'est pas administrée pas plus que celle d'une faute inexcusable imputable à la victime, au demeurant écartée par les premiers juges ; que M. [X] ne verse pas aux débats le contrat de location propre à justifier de la qualité de propriétaire du véhicule/engin de la société Kiloutou, ou à tout le moins que celle-ci vient aux droits du loueur d'origine, pas plus qu'il ne démontre que la société Axa est bien l'assureur du véhicule/engin à l'origine de l'accident ; qu'il en résulte que M. [X] ne peut en l'état qu'être débouté de ses demandes tant à l'encontre de la société Kiloutou que de la société Axa ; 1° ALORS QUE l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; que la cour, ayant constaté que M. [X] n'était pas été conducteur de l'engin loué impliqué dans l'accident, que la garde ne lui avait pas été transférée et qu'il n'avait commis aucune faute inexcusable à l'origine de son dommage, l'a néanmoins débouté de ses demandes d'indemnisation dirigées contre la société Kiloutou et son assureur la société Axa France, au motif qu'il ne versait aux débats aucun contrat de location justifiant la qualité de propriétaire de l'engin de la société Kiloutou, ou à tout le moins qu'elle venait aux droits du loueur d'origine, ni que la société Axa France en était l'assureur ; qu'en se déterminant ainsi, quand toutes les parties admettaient que la société Kiloutou, venant aux droits de la société Most Location, était bien propriétaire de l'engin litigieux et qu'aucune ne contestait que la société Axa France en fût l'assureur, la cour méconnu les termes du litige, en violation de l'article 4 du code de procédure civile ; 2° ALORS QUE les juges du fond doivent inviter les parties à présenter leurs observations dès lors qu'ils relèvent d'office un moyen, quel qu'il soit ; qu'en l'espèce, la cour, après avoir constaté qu'aucun transfert de garde de l'engin loué n'était intervenu en sa faveur et qu'il n'avait commis aucune faute inexcusable dans son usage, a néanmoins débouté M. [X] de ses demandes d'indemnisation dirigées contre la société Kiloutou et son assureur, la société Axa France, au motif qu'il ne versait pas aux débats de contrat de location avec la société Kiloutou, qu'il n'établissait pas qu'elle fût venue aux droits du loueur d'origine, et qu'il ne démontrait pas que la société Axa France fût l'assureur de l'engin ; qu'en fondant sa décision sur un tel moyen qu'aucune des parties n'avait invoqué, pas même d'ailleurs la société Kiloutou dans ses écritures jugées irrecevables, sans les inviter préalablement à présenter leurs observations à cet égard, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 16 du code de procédure civile. 1re Civ., 3 avril 2019, pourvoi n° 18-13.387 (cassation).
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 29 septembre 2022 M. PIREYRE, président Arrêt n° 979 F-B Pourvoi n° J 21-16.146 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 29 SEPTEMBRE 2022 La société Banque populaire Auvergne Rhône Alpes, société coopérative de banque populaire, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° J 21-16.146 contre l'arrêt rendu le 25 février 2021 par la cour d'appel d'Orléans (chambre commerciale, économique et financière), dans le litige l'opposant à la société DGM Invest, société civile, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Latreille, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de la société Banque populaire Auvergne Rhône Alpes, de la SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat de la société DGM Invest, et l'avis de M. Gaillardot, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 5 juillet 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Latreille, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Orléans, 25 février 2021), sur le fondement de deux actes notariés, la société Banque populaire Auvergne Rhône Alpes (la Banque populaire AURA), venant aux droits de la société Banque populaire Loire et Lyonnais par l'effet d'une fusion-absorption, a fait délivrer le 30 novembre 2018 à la SCI DGM Invest (la société) un commandement de payer valant saisie immobilière. Examen du moyen Enoncé du moyen 2. La Banque populaire AURA fait grief à l'arrêt d'annuler le commandement de payer valant saisie immobilière délivré à la société DGM Invest le 30 novembre 2018 et publié le 24 janvier 2019 volume 2019 S n° 4 au service chargé de la publicité foncière de [Localité 3], d'ordonner la radiation à ses frais, et de la débouter de toutes ses demandes, alors « que lorsque le débiteur, préalablement à la délivrance du commandement de payer, a été régulièrement avisé de la transmission au créancier saisissant de la créance contenue dans le titre exécutoire fondant les poursuites, il n'y a pas lieu de viser cette transmission dans le commandement de payer aux fins de saisie immobilière ; que l'accomplissement des formalités de publicité au registre du commerce et des sociétés de la fusion-absorption du créancier initial par le créancier saisissant rend opposable aux tiers la transmission universelle de patrimoine qui en résulte et avise régulièrement le débiteur de la transmission de la créance ; qu'en retenant pourtant en l'espèce que l'avis préalable à la délivrance du commandement de payer « ne peut résulter de la seule publicité exigée par les articles L. 123-9 et L. 237-2 du code de commerce », la cour d'appel a violé l'article L. 123-9 du code de commerce, ensemble l'article R. 321-3 du code des procédures civiles d'exécution. » Réponse de la Cour 3. Il résulte de l'article R.321-3 du code des procédures civiles d'exécution que si le créancier saisissant agit en vertu d'une transmission, à quelque titre que ce soit, de la créance contenue dans le titre exécutoire, le commandement de payer valant saisie vise l'acte de transmission à moins que le débiteur n'en ait été régulièrement avisé au préalable, la publicité au registre du commerce et des sociétés de la fusion-absorption concernant le créancier poursuivant ne pouvant y suppléer. 4. Après avoir constaté que la banque produisait un extrait du bulletin des annonces légales obligatoires daté du 23 juin 2017, qui concernait les « documents comptables annuels approuvés par l'assemblée générale ordinaire du 22 mai 2017 » de la Banque populaire AURA, la cour d'appel, qui a retenu que cette information était insuffisante pour suppléer à l'obligation imposée par l'article R321-3 du code des procédures civiles d'exécution et qu'il ne pouvait s'en déduire que la société ait été « régulièrement avisée » au sens de ces dispositions de la transmission de la créance de la banque qui lui avait accordé les prêts, en a exactement déduit que le commandement de payer valant saisie devait être annulé. 5. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi. Condamne la société Banque populaire Auvergne Rhône Alpes aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Banque populaire Auvergne Rhône Alpes et la condamne à payer à la société DGM Invest la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf septembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils, pour la société Banque Populaire Auvergne Rhône Alpes Il est fait grief à la décision attaquée d'avoir annulé le commandement de payer valant saisie immobilière délivré à la société DGM Invest le 30 novembre 2018 et publié le 24 janvier 2019 volume 2019 S n° 4 au service chargé de la publicité foncière de [Localité 3], ordonné la radiation aux frais de la BPAURA, et débouté la BPAURA de toutes ses demandes ; alors que lorsque le débiteur, préalablement à la délivrance du commandement de payer, a été régulièrement avisé de la transmission au créancier saisissant de la créance contenue dans le titre exécutoire fondant les poursuites, il n'y a pas lieu de viser cette transmission dans le commandement de payer aux fins de saisie immobilière ; que l'accomplissement des formalités de publicité au registre du commerce et des sociétés de la fusion-absorption du créancier initial par le créancier saisissant rend opposable aux tiers la transmission universelle de patrimoine qui en résulte et avise régulièrement le débiteur de la transmission de la créance ; qu'en retenant pourtant en l'espèce que l'avis préalable à la délivrance du commandement de payer « ne peut résulter de la seule publicité exigée par les articles L. 123-9 et L. 237-2 du code de commerce » (arrêt, p. 8, dernier alinéa), la cour d'appel a violé l'article L. 123-9 du code de commerce, ensemble l'article R. 321-3 du code des procédures civiles d'exécution.
CASS/JURITEXT000046357302.xml
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 29 septembre 2022 Annulation partielle sans renvoi M. PIREYRE, président Arrêt n° 971 F-B Pourvoi n° S 21-14.681 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 29 SEPTEMBRE 2022 M. [U] [Z], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° S 21-14.681 contre l'arrêt rendu le 28 janvier 2021 par la cour d'appel de Grenoble (chambre sociale, section B), dans le litige l'opposant à la société EG active Lyon, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Jollec, conseiller référendaire, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [Z], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société EG active Lyon, et l'avis de M. Aparisi, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 5 juillet 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Jollec, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 28 janvier 2021), le 18 juillet 2019, M. [Z] a relevé appel d'un jugement du 24 juin 2019 d'un conseil de prud'hommes rendu dans un litige l'opposant à la société EG active Lyon. 2. Cette dernière a déféré à la cour d'appel l'ordonnance du conseiller de la mise en état ayant rejeté ses demandes tendant à déclarer les conclusions de M. [Z] irrecevables, faute de déterminer l'objet du litige, et par voie de conséquence, à déclarer caduque la déclaration d'appel. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 3. M. [Z] fait grief à l'arrêt de confirmer l'ordonnance déférée en ce qu'elle a dit que le conseiller de la mise en état était compétent pour statuer sur la demande tendant à la caducité de l'appel, d'infirmer l'ordonnance pour le surplus et, statuant à nouveau, de déclarer caduque la déclaration d'appel, alors « qu'aucune disposition ne donne compétence au conseiller de la mise en état pour apprécier, en considération de leur contenu, si les conclusions des parties déterminent l'objet du litige au regard des prescriptions de l'article 954 du code de procédure civile ; que, pour confirmer l'ordonnance déférée, en ce qu'elle avait dit le conseiller de la mise en état compétent pour statuer sur la demande de caducité de l'appel, et statuer elle-même, sur déféré, sur une demande tendant à voir prononcer la caducité de l'appel au motif que les conclusions de l'appelant ne déterminaient pas l'objet du litige, la cour d'appel a retenu que le conseiller de la mise en état était compétent pour statuer sur la recevabilité des conclusions à fin de prononcer la caducité de l'appel ; qu'en statuant de la sorte par un motif inopérant, dès lors que, serait-il établi qu'elles ne déterminent pas l'objet du litige, des conclusions ne sont pas irrecevables pour ce seul motif, et quand la cour d'appel, statuant au fond, est seule compétente pour déterminer l'étendue de sa saisine et apprécier si les conclusions des parties déterminent l'objet du litige au regard de l'article 954 du code de procédure civile, la cour d'appel a violé ce texte et les articles 911-1 et 914 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 4. Il résulte des articles 908, 914 et 954 du code de procédure civile que le conseiller de la mise en état ou, le cas échéant, la cour d'appel statuant sur déféré, est compétent pour prononcer, à la demande d'une partie, la caducité de la déclaration d'appel fondée sur l'absence de mention de l'infirmation ou de l'annulation du jugement dans le dispositif des conclusions de l'appelant. 5. Le moyen, qui postule le contraire, ne peut être accueilli. Mais sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches Enoncé du moyen 6. M. [Z] fait le même grief à l'arrêt, alors : « 2°/ qu'en toute hypothèse, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; qu'il en résulte que, dès lors que l'appelant formule des prétentions au fond dans le dispositif de ses conclusions, l'objet du litige soumis à la cour d'appel est déterminé ; que lorsque l'appelant, bien que formulant des prétentions au fond dans le dispositif de ses conclusions, n'y demande ni l'infirmation ni l'annulation du jugement, la cour d'appel ne peut, dans les instances introduites par une déclaration d'appel postérieure au 17 septembre 2020, que confirmer le jugement ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt que M. [Z] formulait plusieurs prétentions au fond dans le dispositif de ses conclusions prises dans le délai prévu par l'article 908 du code de procédure civile ; qu'en retenant, néanmoins, que ces conclusions ne déterminaient pas l'objet du litige, au motif inopérant que leur dispositif ne contenait pas de demande d'annulation ou d'infirmation du jugement, et en en déduisant que l'appel aurait été caduc, la cour d'appel a violé les articles 4 et 954 du code de procédure civile ; 3°/ qu'en tout état de cause, si les conclusions de l'appelant dont le dispositif ne comporte pas de demande expresse d'infirmation ou d'annulation de la décision déférée ne déterminent pas l'objet du litige, de sorte qu'en l'absence d'autres conclusions déterminant l'objet du litige remises au greffe dans le délai prévu par l'article 908 du code de procédure civile, l'appel est caduc, l'application immédiate de cette règle de procédure, résultant d'une interprétation nouvelle des dispositions des articles 4, 908, 910-1 et 954 du code de procédure civile, dans les instances introduites par une déclaration d'appel antérieure à la date d'un arrêt publié de la Cour de cassation, affirmant cette règle, aboutirait à priver les appelants du droit à un procès équitable ; qu'en faisant application de cette règle en l'espèce, la cour d'appel a donné aux dispositions précitées une portée qui n'était pas prévisible pour M. [Z] à la date à laquelle il a été relevé appel, soit le 18 juillet 2019, cette application aboutissant donc à le priver d'un procès équitable, au sens de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. » Réponse de la Cour Vu les articles 542, 908 et 954 du code de procédure civile et 6,§1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 7. L'objet du litige devant la cour d'appel étant déterminé par les prétentions des parties, le respect de l'obligation faite à l'appelant de conclure conformément à l'article 908 s'apprécie nécessairement en considération des prescriptions de l'article 954. 8. Il résulte de ce dernier texte, en son deuxième alinéa, que le dispositif des conclusions de l'appelant remises dans le délai de l'article 908 doit comporter une prétention sollicitant expressément l'infirmation ou l'annulation du jugement frappé d'appel. 9. A défaut, en application de l'article 908, la déclaration d'appel est caduque ou, conformément à l'article 954, alinéa 3, la cour d'appel ne statuant que sur les prétentions énoncées au dispositif, ne peut que confirmer le jugement. 10. Ainsi, l'appelant doit dans le dispositif de ses conclusions mentionner qu'il demande l'infirmation des chefs du dispositif du jugement dont il recherche l'anéantissement, ou l'annulation du jugement. En cas de non-respect de cette règle, la cour d'appel ne peut que confirmer le jugement, sauf la faculté qui lui est reconnue de relever d'office la caducité de l'appel. Lorsque l'incident est soulevé par une partie, ou relevé d'office par le conseiller de la mise en état, ce dernier, ou le cas échéant la cour d'appel statuant sur déféré, prononce la caducité de la déclaration d'appel si les conditions en sont réunies (2e Civ., 4 novembre 2021, pourvoi n°20-15-766, publié). 11. Cette obligation de mentionner expressément la demande d'infirmation ou d'annulation du jugement, affirmée pour la première fois par un arrêt publié (2e Civ., 17 septembre 2020, pourvoi n° 18-23.626, publié), fait peser sur les parties une charge procédurale nouvelle. Son application immédiate dans les instances introduites par une déclaration d'appel antérieure à la date de cet arrêt, aboutirait à priver les appelants du droit à un procès équitable. 12. Pour déclarer caduque la déclaration d'appel, l'arrêt retient que les seules conclusions d'appelant prises dans le délai prévu par l'article 908, qui ne portent aucune critique des dispositions du jugement dont appel, comportent un dispositif qui ne conclut ni à l'annulation, ni à l'infirmation du jugement, et en déduit que les conclusions d'appelant remises au greffe par M. [Z] dans le délai prévu par les dispositions de l'article 907 ne déterminent pas l'objet du litige porté devant la cour d'appel et qu'il convient par conséquent, par application combinée des articles 908, 910-1 et 954 du code de procédure civile, de constater la caducité de la déclaration d'appel formée le 18 juillet 2019. 13. En statuant ainsi, la cour d'appel a donné une portée aux articles 42, 908 et 954 du code de procédure civile qui, pour être conforme à l'état du droit applicable depuis le 17 septembre 2020, n'était pas prévisible pour les parties à la date à laquelle il a été relevé appel, soit le 18 juillet 2019, l'application de cette règle de procédure, qui instaure une charge procédurale nouvelle dans l'instance en cours, aboutissant à priver M. [Z] d'un procès équitable au sens de l'article 6,§1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Portée et conséquences de l'annulation 14. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile. 15. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond. 16. Il résulte de ce qui est dit au paragraphe n° 13 qu'il y a lieu de confirmer l'ordonnance du conseiller de la mise en état ayant débouté la société EG active Lyon de son incident d'irrecevabilité des conclusions et de caducité de la déclaration d'appel et rejeté les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour : ANNULE, sauf en ce qu'il confirme l'ordonnance déférée ayant dit que le conseiller de la mise en état était compétent pour statuer sur la demande tendant à la caducité de l'appel interjeté, l'arrêt rendu le 28 janvier 2021 par la cour d'appel de Grenoble ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; CONFIRME l'ordonnance du conseiller de la mise en état ayant débouté la société EG active Lyon de son incident d'irrecevabilité des conclusions et de caducité de la déclaration d'appel et dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; DIT que l'affaire se poursuivra devant la cour d'appel de Grenoble. Condamne la société EG active Lyon aux dépens en ceux compris ceux exposés devant la cour d'appel de Grenoble au titre de la procédure d'incident ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf septembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour M. [Z] M. [Z] fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé l'ordonnance déférée en ce qu'elle avait dit que le conseiller de la mise en état était compétent pour statuer sur la demande tendant à la caducité de l'appel, d'AVOIR infirmé l'ordonnance pour le surplus et, statuant à nouveau, d'AVOIR déclaré caduque la déclaration d'appel ; 1°) ALORS QU'aucune disposition ne donne compétence au conseiller de la mise en état pour apprécier, en considération de leur contenu, si les conclusions des parties déterminent l'objet du litige au regard des prescriptions de l'article 954 du code de procédure civile ; que, pour confirmer l'ordonnance déférée, en ce qu'elle avait dit le conseiller de la mise en état compétent pour statuer sur la demande de caducité de l'appel, et statuer elle-même, sur déféré, sur une demande tendant à voir prononcer la caducité de l'appel au motif que les conclusions de l'appelant ne déterminaient pas l'objet du litige, la cour d'appel a retenu que le conseiller de la mise en état était compétent pour statuer sur la recevabilité des conclusions à fin de prononcer la caducité de l'appel ; qu'en statuant de la sorte par un motif inopérant, dès lors que, serait-il établi qu'elles ne déterminent pas l'objet du litige, des conclusions ne sont pas irrecevables pour ce seul motif, et quand la cour d'appel, statuant au fond, est seule compétente pour déterminer l'étendue de sa saisine et apprécier si les conclusions des parties déterminent l'objet du litige au regard de l'article 954 du code de procédure civile, la cour d'appel a violé ce texte et les articles 911-1 et 914 du code de procédure civile ; 2°) ALORS QU'en toute hypothèse, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; qu'il en résulte que, dès lors que l'appelant formule des prétentions au fond dans le dispositif de ses conclusions, l'objet du litige soumis à la cour d'appel est déterminé ; que lorsque l'appelant, bien que formulant des prétentions au fond dans le dispositif de ses conclusions, n'y demande ni l'infirmation ni l'annulation du jugement, la cour d'appel ne peut, dans les instance introduites par une déclaration d'appel postérieure au 17 septembre 2020, que confirmer le jugement ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt que M. [Z] formulait plusieurs prétentions au fond dans le dispositif de ses conclusions prises dans le délai prévu par l'article 908 du code de procédure civile ; qu'en retenant, néanmoins, que ces conclusions ne déterminaient pas l'objet du litige, au motif inopérant que leur dispositif ne contenait pas de demande d'annulation ou d'infirmation du jugement, et en en déduisant que l'appel aurait été caduc, la cour d'appel a violé les articles 4 et 954 du code de procédure civile ; 3°) ALORS QU'en tout état de cause, si les conclusions de l'appelant dont le dispositif ne comporte pas de demande expresse d'infirmation ou d'annulation de la décision déférée ne déterminent pas l'objet du litige, de sorte qu'en l'absence d'autres conclusions déterminant l'objet du litige remises au greffe dans le délai prévu par l'article 908 du code de procédure civile, l'appel est caduc, l'application immédiate de cette règle de procédure, résultant d'une interprétation nouvelle des dispositions des articles 4, 908, 910-1 et 954 du code de procédure civile, dans les instances introduites par une déclaration d'appel antérieure à la date d'un arrêt publié de la Cour de cassation, affirmant cette règle, aboutirait à priver les appelants du droit à un procès équitable ; qu'en faisant application de cette règle en l'espèce, la cour d'appel a donné aux dispositions précitées une portée qui n'était pas prévisible pour M. [Z] à la date à laquelle il a été relevé appel, soit le 18 juillet 2019, cette application aboutissant donc à le priver d'un procès équitable, au sens de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; 4°) ALORS QUE M. [Z] critiquait les dispositions du jugement dont il demandait l'infirmation dans la discussion de ses conclusions ; qu'en affirmant que ses conclusions ne comportaient aucune critique des dispositions du jugement, la cour d'appel a dénaturé ces conclusions et violé l'article 4 du code de procédure civile.
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 29 septembre 2022 M. PIREYRE, président Arrêt n° 974 F-B Pourvoi n° Q 21-16.220 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 29 SEPTEMBRE 2022 La société Les Maisons Batibal, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Q 21-16.220 contre l'arrêt rendu le 10 mars 2021 par la cour d'appel d'Orléans (chambre des urgences), dans le litige l'opposant à la Société d'assurance mutuelle du bâtiment et des travaux publics(SMABTP), dont le siège est [Adresse 2], prise qualité d'assureur de la société ID construction, défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Bohnert, conseiller référendaire, les observations de la SCP Le Bret-Desaché, avocat de la société Les Maisons Batibal, de la SCP L. Poulet-Odent, avocat de la Société d'assurance mutuelle du bâtiment et des travaux publics (SMABTP), et l'avis de M. Gaillardot, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 5 juillet 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Bohnert, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Orléans, 10 mars 2021), la société Les Maisons Batibal a interjeté appel, le 18 septembre 2020, de l'ordonnance de référé ayant rejeté sa demande tendant à voir déclarer communes et opposables à la Société d'assurance mutuelle du bâtiment et des travaux publics (SMABTP), en qualité d'assureur de la société ID construction, les opérations d'expertise en cours sur les malfaçons affectant un immeuble. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 2. La société les Maisons Batibal fait grief à l'arrêt de déclarer caduc son appel, alors « que l'erreur matérielle, révélée par l'objet du litige et les prétentions des parties, sur la qualité de l'intimé, affectant la première page des conclusions d'appelant, n'est pas de nature à entraîner la caducité de l'acte d'appel ; qu'en ayant constaté la caducité de l'acte d'appel, dès lors que si la société Les Maisons Batibal avait bien mentionné, dans l'acte d'appel, la qualité de la SMABTP d'assureur de la société ID construction, l'exposante avait ensuite, dans ses premières conclusions d'appelant déposées dans le délai légal, mentionné, en première page, que la SMABTP avait la qualité d'assureur de la société Vendôme Ravalement, ce qui ne constituait pourtant, au regard de l'objet du litige et des prétentions des parties, qu'une simple erreur matérielle, la cour d'appel a violé les articles 905-2 et 911 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Vu les articles 905-2 et 911 du code de procédure civile et l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 3. Selon le premier de ces textes, l'appelant dispose, à peine de caducité de la déclaration d'appel, relevée d'office par ordonnance du président de la chambre saisie ou du magistrat désigné par le premier président, d'un délai d'un mois à compter de la réception de l'avis de fixation de l'affaire à bref délai pour remettre ses conclusions au greffe. 4. Il résulte du second que sous la sanction prévue à l'article 905-2, ces conclusions sont notifiées dans le délai de leur remise au greffe ou, aux parties qui n'ont pas constitué avocat, au plus tard dans le mois suivant l'expiration du délai prévu à ce même article. 5. Pour déclarer caduc l'appel formé par la société Les Maisons Batibal, l'arrêt relève qu'un avis de fixation de l'affaire à bref délai lui a été adressé le 7 octobre 2020, qu'elle a établi des conclusions, en tête desquelles il est mentionné qu'elles ont été signifiées le 4 novembre 2020 à la « SMABTP Assureur de la SARL Vendôme Ravalement », qu'elle a signifié, le 6 novembre 2020, de nouvelles conclusions portant le même intitulé et qu'à l'expiration du délai d'un mois suivant l'avis de fixation à bref délai, l'appel était donc caduc à l'encontre de la SMABTP en qualité d'assureur d'ID construction. 6. En statuant ainsi, alors que l'erreur manifeste, affectant uniquement la première page des conclusions, en considération de l'objet du litige, tel que déterminé par les prétentions des parties devant les juges du fond, de la déclaration d'appel qui mentionne en qualité d'intimé la SMABTP en qualité d'assureur d'ID construction et du contenu des premières conclusions d'appel déposées qui fait bien référence à la qualité d'assureur de la société ID construction, n'était pas de nature à entraîner la caducité de la déclaration d'appel, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 mars 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Orléans ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles. Condamne la Société d'assurance mutuelle du bâtiment et des travaux publics (SMABTP), en sa qualité d'assureur de la société ID construction aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la Société d'assurance mutuelle du bâtiment et des travaux publics (SMABTP), en sa qualité d'assureur de la société ID construction et la condamne à payer à la société Les Maisons Batibal la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf septembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Le Bret-Desaché, avocat aux Conseils, pour la société Les Maisons Batibal LA SAS Les Maisons Batibal FAIT GRIEF A l'arrêt attaqué d'avoir déclaré caduc son appel 1°)- ALORS QUE l'erreur matérielle, révélée par l'objet du litige et les prétentions des parties, sur la qualité de l'intimé, affectant la première page des conclusions d'appelant, n'est pas de nature à entraîner la caducité de l'acte d'appel ; qu'en ayant constaté la caducité de l'acte d'appel, dès lors que si la société Les Maisons Batibal avait bien mentionné, dans l'acte d'appel, la qualité de la SMABTP d'assureur de la société ID Construction, l'exposante avait ensuite, dans ses premières conclusions d'appelant déposées dans le délai légal, mentionné, en première page, que la SMABTP avait la qualité d'assureur de la société Vendôme Ravalement, ce qui ne constituait pourtant, au regard de l'objet du litige et des prétentions des parties, qu'une simple erreur matérielle, la cour d'appel a violé les articles 905-2 et 911 du code de procédure civile ; 1°)- ALORS QUE l'erreur matérielle, révélée par l'objet du litige et les prétentions des parties, sur la qualité de l'intimé, affectant la première page des conclusions d'appelant, peut être rectifiée dans des conclusions ultérieures, même déposées hors délai d'un mois requis pour le circuit court ; qu'en ayant jugé que l'erreur sur la qualité de l'intimée, la SMABTP, figurant en première page des premières conclusions d'appelante de la société Les Maisons Batibal, n'avait pu être régularisée dans ses conclusions n° 3, la cour d'appel a violé les articles 115, 905-2 et 911 du code de procédure civile ; 3°)- ALORS QUE le droit à l'accès au juge s'oppose à ce qu'un acte d'appel régulier soit déclaré caduc, en raison de la seule erreur matérielle sur la qualité de l'intimé, affectant la première page des premières conclusions d'appelant ; qu'en ayant prononcé la caducité de l'acte d'appel déposé par la société Les Maisons Batibal, la cour d'appel a violé l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme.
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 29 septembre 2022 Cassation partielle sans renvoi M. PIREYRE, président Arrêt n° 960 F-B Pourvoi n° G 21-14.926 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 29 SEPTEMBRE 2022 1°/ M. [J] [ZN], 2°/ Mme [IK] [I], épouse [ZN], tous deux domiciliés [Adresse 25], ont formé le pourvoi n° G 21-14.926 contre l'arrêt rendu le 9 février 2021 par la cour d'appel de Rennes (1re chambre), dans le litige les opposant : 1°/ à M. [SY] [D], 2°/ à Mme [F] [NW], épouse [D], tous deux domiciliés [Adresse 14], 3°/ à la société Cap atlantic, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 22], représentée par son liquidateur, M. [J] [RJ] [ZN], 4°/ à M. [HB] [LD], 5°/ à Mme [S] [LD], tous deux domiciliés [Adresse 25], et venant aux droits de la société Cap atlantic, 6°/ à M. [G] [WP], 7°/ à Mme [YE] [U], épouse [WP], 8°/ à M. [X] [PA], 9°/ à Mme [FS] [PA], 10°/ à M. [E] [PF], 11°/ à Mme [Y] [T], épouse [PF], tous six domiciliés [Adresse 25], et venant aux droits d'[P] [Z], veuve [BJ], et de [R] [BJ], 12°/ à M. [RJ] [C], domicilié [Adresse 18], 13°/ à [R] [VL], 14°/ à [KY] [A], épouse [VL], tous deux ayant été domiciliés [Adresse 20], 15°/ à M. [B] [JU], 16°/ à Mme [L] [JU], tous deux domiciliés [Adresse 12], et venant aux droits de [O] [CZ], 17°/ à M. [AL] [N], domicilié [Adresse 21], pris en son nom personnel et en qualité d'héritier de [ST] [ZT], épouse [N], 18°/ à Mme [V] [N], domiciliée [Adresse 13], 19°/ à Mme [W] [N], épouse [H], domiciliée [Adresse 24], 20°/ à Mme [EI] [VL], domiciliée [Adresse 19], 21°/ à M. [K] [VL], domicilié [Adresse 15], 22°/ à M. [M] [VL], domicilié [Adresse 23], tous trois pris en qualité d'héritiers de [R] [VL] et [KY] [A], épouse [VL], décédés, défendeurs à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Kermina, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de M. et Mme [ZN], de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. et Mme [D], de la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat de Mme [V] [N] et Mme [W] [N] épouse [H], et l'avis de M. Aparisi, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 5 juillet 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Kermina, conseiller rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 9 février 2021) et les productions, à l'issue d'une adjudication, datant de 1967, en plusieurs lots, d'une parcelle située à [Localité 26] comportant une maison principale et des bâtiments annexes, et à la suite des cessions, et sous-divisions, successives des lots, M. et Mme [ZN] sont devenus propriétaires des lots désignés comme ceux de la maison principale. 2. Selon le cahier des charges de l'adjudication, il était prévu que l'allée menant à la maison principale resterait commune à tous les lots et que les acquéreurs des écuries, de la laiterie et du pré auraient un droit de passage de 4 mètres pour accéder à leurs lots. 3. Un litige étant né sur le statut de cette allée commune, dénommée [Adresse 22] instituée sur la parcelle BD [Cadastre 11], et desservant, à partir de la voie publique, au nord, jusqu'à sa partie sud, rétrécie sur 4 mètres, les parcelles le bordant, notamment la maison principale, un arrêt de la cour d'appel de Rennes du 17 janvier 2012, rendu entre M. et Mme [ZN] et les différents riverains, notamment Mmes [V] et [W] [N] (les consorts [N]), a dit que les droits cédés à M. et Mme [ZN] sur la parcelle BD [Cadastre 11] portaient sur la propriété privative de la partie sud, délimitée à partir du rétrécissement de la voie à 4 mètres, et sur la propriété indivise entre les riverains de la partie nord. 4. Cet arrêt a également débouté les consorts [N] de leur demande en revendication d'un droit de passage sur la partie sud de la parcelle BD [Cadastre 11] au profit de leur parcelle contigüe et leur a interdit de l'utiliser. 5. À la suite de cet arrêt, la parcelle BD [Cadastre 11] a été divisée en deux parcelles, en sa partie nord, BD [Cadastre 16], constituant le [Adresse 22], soumis à une indivision perpétuelle, et en sa partie sud, BD [Cadastre 17], constituant le chemin privé d'accès à la propriété bâtie de M. et Mme [ZN]. Parmi ces propriétés riveraines du chemin privé se trouvent celle des consorts [N] et celle de M. et Mme [D], qui ont acquis en 1987 différentes parcelles, notamment des consorts [N], et qui n'ont pas été appelés dans l'instance jugée par l'arrêt du 17 janvier 2012. 6. Se prévalant du droit de passage institué par le cahier des charges de 1967 reproduit dans leur acte d'acquisition, M. et Mme [D] ont utilisé depuis 1987 le [Adresse 22], depuis la voie publique, au nord, jusqu'à leur propriété, au sud du chemin. Sommés par M. et Mme [ZN], qui leur ont signifié l'arrêt du 17 janvier 2012, de cesser de passer sur leur parcelle privative BD [Cadastre 17] pour rejoindre leur propriété, M. et Mme [D] ont formé tierce opposition à cet arrêt. Examen des moyens Sur le premier moyen Enoncé du moyen 7. M. et Mme [ZN] font grief à l'arrêt de déclarer recevable la tierce opposition, de dire que la disposition de l'arrêt du 17 janvier 2012 par laquelle la cour a « débouté les consorts [N] de leur demande en revendication d'un droit de passage sur la partie Sud de la parcelle cadastrée BD [Cadastre 11] au profit de la parcelle jointive BD [Cadastre 5] » [en fait [Cadastre 8]] a uniquement porté sur l'absence de servitude de passage bénéficiant à la parcelle BD [Cadastre 8] sans se prononcer sur la servitude de passage grevant le fonds de M. et Mme [ZN] au profit des autres parcelles dépendant du lot n° 4 ayant fait l'objet de l'adjudication sur surenchère du 15 mars 1968 actuellement propriété de M. et Mme [D], de dire que la disposition par laquelle l'arrêt « fait interdiction aux consorts [N] d'user de ce passage sous astreinte de 40 euros par infraction constatée passé le délai d'un mois à compter de la signification de l'arrêt » est strictement personnelle aux consorts [N] en ce qu'ils sont propriétaires de la parcelle BD [Cadastre 8] et que cette interdiction ne concerne pas M. et Mme [D] en leur qualité de propriétaires des parcelles cadastrés section 177 BD [Cadastre 9] et [Cadastre 6], de dire que l'arrêt rendu par la cour d'appel de Rennes le 17 janvier 2012 ne comporte, relativement à la servitude créée par le cahier des charges dressé le 30 janvier 1967 au profit des parcelles dépendant du lot n° 4 actuellement cadastrées section 177 BD [Cadastre 9] et [Cadastre 6], aucune disposition affectant les droits de M. et Mme [D] sur cette servitude, de dire en conséquence qu'il n'y a pas lieu à rétracter ou à réformer l'arrêt rendu le 17 janvier 2012 et de condamner in solidum M. et Mme [J] [ZN] à payer aux consorts [N] une somme de 3 000 euros à titre de dommages-intérêts, alors : « 1° / que seule une personne y ayant intérêt est recevable à former tierce opposition ; que pour juger recevable la tierce opposition des époux [D], la cour d'appel a retenu que «M. et Mme [ZN] interprètent l'arrêt rendu par la cour d'appel de Rennes le 17 janvier 2012 comme ayant supprimé la servitude de passage stipulée au profit de la propriété des époux [D] par le cahier des charges rédigé en 1967» et que «se fondant exclusivement sur ledit arrêt pour interdire à M. et Mme [D] de continuer à utiliser le passage existant depuis la division du fonds en sept lots, ils lui attribuent une portée préjudiciable aux droits de M. et Mme [D], donnant ainsi à ceux-ci un intérêt à former tierce opposition à l'encontre de cette décision» ; qu'elle a cependant jugé que «la cour n'avait pas été saisie d'une demande portant sur la servitude instaurée en 1967 sauf à titre reconventionnel, de manière très limitée, par les consorts [N] qui en demandaient le bénéfice au seul profit de la parcelle BD n° [Cadastre 8] dont ils étaient restés propriétaires», ce dont elle a conclu que «l'arrêt n'a donc pas statué sur la servitude de passage stipulée par le cahier des charges de 1967 au profit des écuries, de la laiterie ainsi que du pré qui appartenaient à des tiers à ladite procédure», soulignant que «la disposition de l'arrêt invoquée par M. et Mme [ZN] est d'ailleurs parfaitement claire et dénuée de toute équivoque» ; qu'ainsi, en jugeant recevable la tierce opposition de M. et Mme [D], quand il s'évinçait de ses propres constatations qu'il était manifeste qu'aucun chef du dispositif de l'arrêt du 17 janvier 2012 ne concernait M. et Mme [D], lesquels n'avaient donc pas d'intérêt à le contester, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations, a violé les articles 31 et 583 du code de procédure civile ; 2°/ qu'est irrecevable la tierce opposition qui ne tend qu'à l'interprétation de la décision attaquée ; que pour déclarer recevable la tierce opposition de M. et Mme [D], la cour d'appel a considéré que «l'article 461 du code de procédure civile réserve le recours en interprétation aux parties à la procédure de sorte que les tiers n'ont d'autre alternative, lorsqu'une décision de justice leur est opposée, que d'agir par la voie de la tierce opposition à son encontre pour en discuter la portée» ; qu'en statuant ainsi, elle a violé les articles 461 et 582 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Recevabilité du moyen pris en sa première branche 8. M. et Mme [D] et les consorts [N] contestent la recevabilité du moyen pris en sa première branche. Il soutiennent, respectivement, que le grief est irrecevable en ce qu'il critique l'arrêt pour des motifs relatifs au bien-fondé de la demande de rétractation, et qu'il est contraire aux écritures de M. et Mme [ZN]. 9. Cependant, d'une part, la première branche ne critique que pour partie des motifs relatifs au fond et, d'autre part, si M. et Mme [ZN] ont soutenu, dans leurs conclusions devant la cour d'appel, que la tierce opposition formée par M. et Mme [D] était irrecevable en l'absence de chef de dispositif les concernant dans l'arrêt du 17 janvier 2012, ce n'est qu'à titre subsidiaire, et partant, sans contradiction, qu'ils ont développé, au fond, des moyens tendant à démontrer qu'il résultait de cet arrêt que le droit de passage revendiqué par M. et Mme [D] était dénié. 10. Le moyen, pris en sa première branche, est donc recevable. Bien-fondé du moyen 11. Selon l'article 583 du code de procédure civile, la tierce opposition n'est recevable que si la personne, non partie ni représentée au jugement qu'elle attaque, y a intérêt, cet intérêt, souverainement apprécié par les juges du fond, n'impliquant pas nécessairement que la décision attaquée ait statué sur les droits et obligations de l'opposant. 12. D'une part, après avoir constaté que M. et Mme [ZN], qui interprétaient l'arrêt du 17 janvier 2012 comme ayant supprimé la servitude de passage stipulée au profit de la propriété de M. et Mme [D] par le cahier des charges de 1967, se fondaient exclusivement sur cet arrêt pour leur interdire de continuer à utiliser le passage existant depuis la division du fonds en plusieurs lots, la cour d'appel a estimé que M. et Mme [ZN] attribuaient à cet arrêt une portée préjudiciable aux droits de M. et Mme [D], leur donnant ainsi un intérêt à former tierce opposition à l'encontre de cette décision. 13. D'autre part, il résulte de l'arrêt que le recours formé par M. et Mme [D] ne tend pas à l'interprétation de l'arrêt du 17 janvier 2012, mais à sa rétractation. 14. Le moyen, qui, en sa première branche, ne tend qu'à remettre en discussion devant la Cour de cassation l'appréciation souveraine, par la cour d'appel, de l'intérêt de M. et Mme [D] à former tierce opposition, et qui, en sa seconde branche, manque en fait, n'est, dès lors, pas fondé. Mais sur le second moyen Enoncé du moyen 15. M. et Mme [ZN] font grief à l'arrêt de les condamner in solidum à payer à Mme [V] [N] et à Mme [W] [N] épouse [H], une somme de 3 000 euros à titre de dommages-intérêts, alors « que l'effet dévolutif de la tierce opposition étant limité à la remise en question, relativement à son auteur, des points jugés qu'elle critique, le défendeur n'est pas recevable à présenter d'autres prétentions que celles tendant à faire écarter celles du tiers opposant ; qu'en l'espèce, il ressort de la procédure que M. et Mme [D] ont cru devoir former une tierce opposition contre l'arrêt de la cour d'appel de Rennes du 17 janvier 2012 et de la diriger notamment contre les consorts [N] ; qu'en faisant droit à la demande d'indemnisation des consorts [N], défendeurs à la tierce opposition, contre M. et Mme [ZN] également défendeurs à la tierce opposition, la cour d'appel a méconnu les limites de l'effet dévolutif de la tierce opposition et violé les articles 125 et 582 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Recevabilité du moyen 16. Les consorts [N] contestent la recevabilité du moyen. Ils soutiennent qu'il est nouveau et qu'il est contraire à la position défendue par M. et Mme [ZN] devant les juges du fond, qui n'ont pas conclu sur la demande de dommages-intérêts ni contesté sa recevabilité. 17. Cependant, le moyen, pris de ce que l'effet dévolutif de la tierce opposition est limité à la remise en question, relativement à son auteur, des points jugés qu'elle critique, est de pur droit. 18. Le moyen est donc recevable. Bien-fondé du moyen Vu l'article 582 du code de procédure civile : 19. Il résulte de ce texte que l'effet dévolutif de la tierce opposition étant limité à la remise en question, relativement à son auteur, des points jugés qu'elle critique, le défendeur n'est pas recevable à présenter d'autres prétentions que celles tendant à faire écarter celles du tiers opposant. 20. L'arrêt, statuant sur la demande des consorts [N], condamne M. et Mme [ZN] à leur payer une certaine somme à titre de dommages-intérêts en réparation de leur préjudice né de leur empêchement à réaliser la cession de leur immeuble en raison des allégations de M. et Mme [ZN], contraires à leurs moyens de défense invoqués dans le cadre de la procédure ayant abouti à l'arrêt du 17 janvier 2012 et de leur remise en cause injustifiée de l'existence des droits cédés à M. et Mme [D] en 1987. 21. En statuant ainsi, alors que la demande des consorts [N] était irrecevable, la cour d'appel a violé le texte susvisé. Portée et conséquences de la cassation 22. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile. 23. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond. 24. Il résulte de ce qui est dit aux paragraphes 18 et 20 que la demande de dommages-intérêts formée par les consorts [N] est irrecevable. Demande de mise hors de cause 25. La cassation étant prononcée sans renvoi, la demande de mise hors de cause de M. et Mme [D] est sans objet. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné in solidum M. et Mme [ZN] à payer à Mme [V] [N] et à Mme [W] [N] épouse [H], une somme de 3 000 euros à titre de dommages-intérêts, l'arrêt rendu le 9 février 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; DÉCLARE IRRECEVABLE la demande de dommages-intérêts formée par Mmes [V] [N] et [W] [N] épouse [H] à l'encontre de M. et Mme [ZN]. Condamne M. et Mme [D], la société Cap atlantic représentée par son liquidateur M. [J] [RJ] [ZN], M. et Mme [LD] venant aux droits de la société Cap atlantic, M. et Mme [WP], M. et Mme [PA], M. et Mme [PF], ces six derniers venant aux droits d'[P] [Z] veuve [BJ] et [R] [BJ], M. [C], [R] [VL], [KY] [A] épouse [VL], M. et Mme [JU] venant aux droits de [O] [CZ], M. [AL] [N] en son nom personnel et en qualité d'héritier de [ST] [ZT] épouse [N], Mme [V] [N], Mme [W] [N] épouse [H], Mme [EI] [VL], MM. [K] et [M] [VL], ces trois derniers en qualité d'héritiers de [R] [VL] et [KY] [A] épouse [VL], aux dépens, en ce compris ceux exposés devant la cour d'appel de Rennes statuant sur la tierce opposition ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. et Mme [ZN] à l'encontre de M. et Mme [D] et la demande formée par Mmes [V] [N] et [W] [N] épouse [H] et condamne M. et Mme [ZN] à payer à M. et Mme [D] la somme globale de 3 000 euros et Mmes [V] [N] et [W] [N] épouse [H] à payer à M. et Mme [ZN] la somme globale de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf septembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat aux Conseils, pour M. et Mme [ZN] PREMIER MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré recevable la tierce opposition formée par les époux [D] à l'encontre de l'arrêt rendu le 17 janvier 2012 par la cour d'appel de Rennes et, en conséquence : d'AVOIR dit que la disposition de l'arrêt du 17 janvier 2012 par laquelle la cour a «débouté les consorts [N] de leur demande en revendication d'un droit de passage sur la partie Sud de la parcelle cadastrée BD [Cadastre 11] au profit de la parcelle jointive BD [Cadastre 5]» [en fait [Cadastre 8]] a uniquement porté sur l'absence de servitude de passage bénéficiant à la parcelle BD n° [Cadastre 8] sans se prononcer sur la servitude de passage grevant le fonds des époux [ZN] au profit des autres parcelles dépendant du lot n° 4 ayant fait l'objet de l'adjudication sur surenchère du 15 mars 1968 actuellement propriété des époux [D] ; d'AVOIR dit que la disposition par laquelle l'arrêt «fait interdiction aux consorts [N] d'user de ce passage sous astreinte de 40 euros par infraction constatée passé le délai d'un mois à compter de la signification de l'arrêt» est strictement personnelle aux consorts [N] en ce qu'ils sont propriétaires de la parcelle BD n° [Cadastre 8] et que cette interdiction ne concerne pas les époux [D] en leur qualité de propriétaires des parcelles cadastrés section 177 BD [Cadastre 9] et [Cadastre 6] ; d'AVOIR dit que l'arrêt rendu par la cour d'appel de Rennes le 17 janvier 2012 ne comporte, relativement à la servitude créée par le cahier des charges dressé le 30 janvier 1967 au profit des parcelles dépendant du lot n° 4 actuellement cadastrées section 177 BD [Cadastre 9] et [Cadastre 6], aucune disposition affectant les droits des époux [D] sur cette servitude ; d'AVOIR dit en conséquence qu'il n'y a pas lieu à rétracter ou à réformer l'arrêt rendu le 17 janvier 2012 ; d'AVOIR condamné in solidum M. et Mme [J] [ZN] à payer à Mme [V] [N] et à Mme [W] [N] épouse [H], une somme de 3 000 euros à titre de dommages-intérêts ; AUX MOTIFS QUE, sur la recevabilité de la tierce opposition, Aux termes de l'article 582 du code de procédure civile, «La tierce opposition tend à faire rétracter ou réformer un jugement au profit du tiers qui l'attaque. Elle remet en question relativement à son auteur les points jugés qu'elle critique, pour qu'il soit à nouveau statué en fait et en droit.» ; que l'article 583 précise qu'est recevable à former tierce opposition toute personne qui y a intérêt, à la condition qu'elle n'ait été ni partie ni représentée au jugement qu'elle attaque ; que l'article 586 énonce quant à lui : «La tierce opposition est ouverte à titre principal pendant trente ans à compter du jugement à moins que la loi n'en dispose autrement. Elle peut être formée sans limitation de temps contre un jugement produit au cours d'une autre instance par celui auquel on l'oppose. En matière contentieuse, elle n'est cependant recevable, de la part du tiers auquel le jugement a été notifié, que dans les deux mois de cette notification, sous réserve que celle-ci indique de manière très apparente le délai dont il dispose ainsi que les modalités selon lesquelles le recours peut être exercé.» ; que les conditions d'exercice édictées par les dispositions sus-rappelées sont réunies dès lors que les époux [D] n'ont pas été parties à la procédure ayant abouti à l'arrêt du 17 janvier 2012 et que ce recours a été formé dans le délai de deux mois de la signification qui leur en a été faite ; que, pour contester la recevabilité de la tierce opposition, les consorts [N] font valoir que l'arrêt du 17 janvier 2012 ne lèse pas les droits des époux [D] puisqu'il renvoie, s'agissant de l'utilisation de la partie sud du [Adresse 22] actuellement cadastré BD [Cadastre 17], au cahier des charges établi le 30 janvier 1967 établissant une servitude de passage au profit de leur fonds ; que les époux [ZN] contestent également la recevabilité de la tierce opposition au motif que les tiers opposants n'ont pas d'intérêt à agir dès lors qu'ils ne critiquent précisément aucune disposition de l'arrêt du 17 janvier 2012, prétendant au contraire que cette décision est sans effets sur leurs droits ; que, cependant les époux [ZN] exposent parallèlement : - qu'ils dénient aux époux [D] tout droit à une servitude de passage sur la parcelle 177 BD [Cadastre 17] au motif que la cour d'appel de Rennes a, dans son arrêt du 17 janvier 2012, interdit aux consorts [N] tout passage sur cette parcelle, - que tenant leurs droits des consorts [N], les époux [D] n'ont pu se voir transmettre plus de droits que ceux détenus par leurs auteurs, - qu'aux fins d'opposabilité de cet arrêt et afin de leur dénier le bénéfice de la servitude figurant dans leur titre, ils ont fait signifier l'arrêt du 17 janvier 2012 aux époux [D], - qu'ils leur ont, par lettre recommandée de leur conseil en date du 1 mars 2019, interdit er tout droit de passage sur la parcelle 177 BD n° [Cadastre 17] et les ont invités à se rapprocher de leurs auteurs, les consorts [N], pour régler la difficulté d'une servitude consentie par des vendeurs qui n'en bénéficiaient pas ; qu'il se déduit de cette argumentation que les époux [ZN] interprètent l'arrêt rendu par la cour d'appel de Rennes le 17 janvier 2012 comme ayant supprimé la servitude de passage stipulée au profit de la propriété des époux [D] par le cahier des charges rédigé en 1967 ; que, se fondant exclusivement sur ledit arrêt pour interdire aux époux [D] de continuer à utiliser le passage existant depuis la division du fonds en sept lots, ils lui attribuent une portée préjudiciable aux droits des époux [D], donnant ainsi à ceux-ci un intérêt à former tierce opposition à l'encontre de cette décision ; que le moyen tiré de l'irrecevabilité du recours sera en conséquence rejeté, étant à titre superfétatoire relevé que le litige porte en fait sur l'interprétation d'une décision de justice ; qu'or l'article 461 du code de procédure civile réserve le recours en interprétation aux parties à la procédure de sorte que les tiers n'ont d'autre alternative, lorsqu'une décision de justice leur est opposée, que d'agir par la voie de la tierce opposition à son encontre pour en discuter la portée ; ET AUX MOTIFS QUE, sur le fond, le raisonnement selon lequel en jugeant que la servitude ne bénéficiait pas à la parcelle cadastrée BD n° [Cadastre 8] restée la propriété des consorts [N], l'arrêt du 17 janvier 2012 a jugé qu'elle ne bénéficiait pas davantage aux parcelles cadastrées section BD n° [Cadastre 6] et n° [Cadastre 9] dont les consorts [N] n'étaient plus propriétaires le 19 mai 2004, jour de l'assignation introductive d'instance, ne ressort ni du dispositif, ni des motifs de l'arrêt. Il n'est pas davantage conforté par une argumentation juridique pertinente ; qu'en effet, la cour n'avait pas été saisie d'une demande portant sur la servitude instaurée en 1967 sauf à titre reconventionnel, de manière très limitée, par les consorts [N] qui en demandaient le bénéfice au seul profit de la parcelle BD n° [Cadastre 8] dont ils étaient restés propriétaires ; que l'arrêt n'a donc pas statué sur la servitude de passage stipulée par le cahier des charges de 1967 au profit des écuries, de la laiterie ainsi que du pré qui appartenaient à des tiers à ladite procédure ; que la disposition de l'arrêt invoquée par les époux [ZN] est d'ailleurs parfaitement claire et dénuée de toute équivoque, en ce qu'elle déboute les consorts [N] «de leur demande en revendication d'un droit de passage sur la partie Sud de la parcelle cadastrée BD [Cadastre 11] au profit de la parcelle jointive BD [Cadastre 5]» [en fait [Cadastre 8]], étant rappelé qu'il n'était pas prétendu que la parcelle BD [Cadastre 8] correspondait «aux écuries, à la laiterie et au pré » au profit desquels la servitude avait été constituée par le cahier des charges rédigé en 1967 : qu'or une servitude est une charge imposée à un héritage pour l'usage et l'utilité d'un héritage appartenant à un propriétaire différent ; qu'il s'agit d'un droit attaché à un fonds et non à une personne ; que, dès lors, l'interdiction faite aux consorts [N] de passer sur la parcelle 177 BD [Cadastre 17] appartenant aux époux [ZN] pour la desserte de leur parcelle BD [Cadastre 8] située à l'Ouest de la maison principale est sans effet sur l'existence de la servitude créée par le cahier des charges de 1967 au profit de l'écurie, de la laiterie et du pré situés au Sud de la maison principale, actuellement cadastrés BD [Cadastre 9] et BD [Cadastre 6] (s'agissant de la laiterie et des écuries), le pré étant propriété d'un tiers ; que l'interprétation de l'arrêt faisant l'objet de la tierce opposition avancée par les époux [ZN] est contraire à leurs conclusions déposées le 1 février 2010 devant la er cour dans la procédure ayant abouti au dit arrêt ; qu'en effet dans leurs écritures, commentant la motivation des premiers juges, ils affirmaient textuellement (la typographie étant respectée) : «M. [N].... s'est porté adjudicataire le 15 mars 1968 sur surenchère du lot n° 4 de la vente judiciaire ROY. [...] Le lot n° 4 était dénommé dans le cahier des charges de la vente sur saisie immobilière COMME ETANT L'ECURIE ET LA LAITERIE et bénéficiait d'un droit de passage d'une assiette de 4 mètres. [...] les héritiers [N] vont vendre à M. et Mme [D]... les parcelles BD [Cadastre 9] et BD [Cadastre 7], c'est-à-dire la laiterie et l'écurie, ne conservant que la parcelle BD [Cadastre 8] dont l'accès est effectué par le nord de la parcelle comme l'indique à juste titre le tribunal de grande instance de Saint-Nazaire. [...] Le fonds aujourd'hui propriété des consorts [D] dispose, et lui seul, d'une servitude de passage sur le fond aujourd'hui appartenant à M. et Mme [ZN] pour se rendre sur leur lot constituant l'ancienne laiterie et l'écurie, "par le chemin le plus court et le moins dommageable".» ; qu'après avoir ainsi affirmé avec force que le fonds dominant bénéficiaire de la servitude grevant leur fonds (dont ils ne contestaient pas l'existence) était devenu pour le tout la propriété des époux [D] de sorte que seuls ceux-ci en disposaient, les époux [ZN] ne peuvent aujourd'hui de bonne foi prétendre que l'arrêt qui s'est borné, sur ce point, à accueillir leur moyen de défense, a supprimé implicitement la servitude instaurée par le cahier des charges de 1967 au profit du fonds appartenant aux dits époux [D], ce qui n'était pas l'objet du litige ; qu'en effet, l'arrêt a seulement validé leur interprétation selon laquelle la dite servitude ne bénéficiait pas à la parcelle BD [Cadastre 8] mais uniquement au fonds cédé vingt-cinq ans plus tôt par les consorts [N] aux époux [D] ; qu'a fortiori il n'est pas possible de déduire de l'arrêt de 2012 que les consorts [N] étaient sans droit à céder, en 1987, avec les parcelles BD n° [Cadastre 9] et [Cadastre 6], l'accessoire constitué par la servitude de passage instaurée par le cahier des charges de 1967 ; que ceci n'a jamais fait l'objet du litige engagé par la société Cap Atlantique et les époux [ZN] en 2004, les demandeurs se prévalant au contraire de cette cession dont ils ne discutaient pas la validité ; que c'est dès lors abusivement que les époux [ZN] prétendent dorénavant qu'en jugeant en 2012 que la servitude ne bénéficiait pas à la parcelle BD [Cadastre 8], la cour aurait implicitement supprimé rétroactivement la servitude conventionnelle de passage bénéficiant aux parcelles cédées en 1987 ; que vainement se prévalent-ils de l'article 700 du code civil selon lequel «Si l'héritage pour lequel la servitude a été établie vient à être divisé, la servitude reste due pour chaque portion, sans néanmoins que la condition du fonds assujetti soit aggravée. Ainsi, par exemple, s'il s'agit d'un droit de passage, tous les copropriétaires seront obligés de l'exercer par le même endroit.» ; qu'en effet, suivant en cela l'argumentation des époux [ZN], la cour a estimé que la servitude ne bénéficiait pas à la parcelle n° [Cadastre 8] et non pas que le fonds dominant, bénéficiaire de la servitude, avait été divisé ; que ce texte est dès lors sans objet pour apprécier la portée de la servitude conventionnelle de passage ; que, de même, le moyen tiré de l'effet relatif des contrats est tout aussi inopérant, la servitude litigieuse n'ayant pas été créée par l'acte de vente de 1987 qui ne fait qu'en rappeler l'existence mais par le cahier des charges de 1967 opposable aux propriétaires de l'ensemble des parcelles issues des lots adjugés en 1967 et 1968 et donc aux époux [ZN] dont les auteurs ont acquis les lots n° 1 et 2 ; qu'en 1987, les époux [N] étaient propriétaires de l'intégralité du lot n° 4 de sorte qu'ils pouvaient valablement en transmettre la partie bénéficiaire de la servitude avec le droit réel qui y était attaché ; que c'est seulement l'existence de la cession du fonds dominant qui a permis en 2012 à la cour, suivant en cela le raisonnement juridique des époux [ZN], de dire que les consorts [N] ne pouvaient plus se prévaloir de la servitude au profit de la parcelle sise à l'Ouest de la maison principale qu'ils avaient conservée ; que, dès lors, c'est à juste titre que les époux [D] entendent faire juger que l'arrêt du 17 janvier 2012 n'a aucun effet sur leurs droits relativement à cette servitude ; qu'enfin, à titre superfétatoire, il sera souligné que les époux [ZN] sont mal venus à soutenir, sans aucune argumentation sinon le fait que la maison est actuellement baptisée "la Bergerie", que les époux [D] ne justifiaient pas être propriétaires de la partie du lot n° 4 constituant le fonds dominant. Outre les explications détaillées parfaitement explicites contenues dans leurs conclusions de 2010 sus-reproduites, ils ont en effet dans leurs conclusions du 19 juin 2013 devant le tribunal d'instance de Saint-Nazaire, à l'occasion de l'action en bornage, exposé les éléments suivants : «les consorts [N], auteurs des consorts [D], ont été adjudicataires du lot n° 4, comprenant : "Ecuries, laiterie, et débarras en état de délabrement avec aire et ancien jardin, à l'ouest de l'article précédent, et paraissant cadastré section L numéros [Cadastre 1], [Cadastre 2] (erreur), [Cadastre 3] pour dix-neuf ares quatre vingts centiares" ; qu'après division, les parcelles de ce lot sont devenues 177 BD n° [Cadastre 4], [Cadastre 8], [Cadastre 9], [Cadastre 10] et [Cadastre 6] ; que les consorts [D] sont propriétaires des parcelles actuellement cadastrées 177 BD n° [Cadastre 9], [Cadastre 10] et [Cadastre 6] correspondant aux écuries et à la laiterie, telles que décrites au cahier des charges.» ; que les affirmations sus-reproduites portent sur des éléments de fait et non sur des analyses juridiques de sorte qu'elles font, jusqu'à démonstration contraire par leurs auteurs, preuve de la situation matérielle qu'elles décrivent ; qu'elles sont d'ailleurs confortées par le rapport d'expertise judiciaire de M. [WV] homologué par jugement du 8 avril 2015, qui conclut que le lot n° 4 comportant l'écurie et la laiterie a été vendu à M. [D], le solde étant conservé par la famille [N] ; qu'il n'appartient pas à la cour saisie uniquement de la tierce opposition à l'arrêt du 17 janvier 2012 de statuer sur l'existence et l'assiette de la servitude de passage instituée par le cahier des charges de 1967 au profit du lot n° 4, s'agissant de demandes nouvelles étrangères à la procédure ayant abouti à cet arrêt. Dès lors la demande de sursis à statuer jusqu'à la décision sur l'existence de la servitude engagée les 16, 18 et 19 novembre 2020 devant le tribunal judiciaire de Saint-Nazaire, irrecevable comme sollicitée tardivement, serait en toute hypothèse inutile ; que, cependant la tierce opposition a été rendue nécessaire par les prétentions des époux [ZN] qui ont prétendu se prévaloir d'une interprétation tendancieuse du dit arrêt pour contredire les droits réels dont ils avaient admis l'existence dans le cadre de la procédure y ayant abouti de sorte que les dépens de la tierce opposition leur incomberont de même que les frais non compris dans les dépens qu'ils ont contraint leurs adversaires à exposer ; que, par leurs allégations contraires aux moyens de défense qu'ils avaient invoqués à leur encontre dans le cadre de la procédure ayant abouti à l'arrêt du 17 janvier 2012 et par la remise en cause injustifiée de l'existence des droits cédés aux époux [D] en 1987, les époux [ZN] ont indûment empêché les consorts [N] de réaliser leur projet de cession de leur immeuble ; qu'ils leur ont ainsi occasionné un préjudice de trésorerie qui sera indemnisé par l'allocation d'une somme de 3 000 euros ; 1) ALORS QUE seule une personne y ayant intérêt est recevable à former tierce opposition ; que pour juger recevable la tierce opposition des époux [D], la cour d'appel a retenu que «les époux [ZN] interprètent l'arrêt rendu par la cour d'appel de Rennes le 17 janvier 2012 comme ayant supprimé la servitude de passage stipulée au profit de la propriété des époux [D] par le cahier des charges rédigé en 1967» et que «se fondant exclusivement sur ledit arrêt pour interdire aux époux [D] de continuer à utiliser le passage existant depuis la division du fonds en sept lots, ils lui attribuent une portée préjudiciable aux droits des époux [D], donnant ainsi à ceux-ci un intérêt à former tierce opposition à l'encontre de cette décision» ; qu'elle a cependant jugé que «la cour n'avait pas été saisie d'une demande portant sur la servitude instaurée en 1967 sauf à titre reconventionnel, de manière très limitée, par les consorts [N] qui en demandaient le bénéfice au seul profit de la parcelle BD n° [Cadastre 8] dont ils étaient restés propriétaires», ce dont elle a conclu que «l'arrêt n'a donc pas statué sur la servitude de passage stipulée par le cahier des charges de 1967 au profit des écuries, de la laiterie ainsi que du pré qui appartenaient à des tiers à ladite procédure», soulignant que «la disposition de l'arrêt invoquée par les époux [ZN] est d'ailleurs parfaitement claire et dénuée de toute équivoque» ; qu'ainsi, en jugeant recevable la tierce opposition des époux [D], quand il s'évinçait de ses propres constatations qu'il était manifeste qu'aucun chef du dispositif de l'arrêt du 17 janvier 2012 ne concernait les époux [D], lesquels n'avaient donc pas d'intérêt à le contester, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations, a violé les articles 31 et 583 du code de procédure civile ; 2) ALORS QU'est irrecevable la tierce opposition qui ne tend qu'à l'interprétation de la décision attaquée ; que pour déclarer recevable la tierce opposition des époux [D], la cour d'appel a considéré que «l'article 461 du code de procédure civile réserve le recours en interprétation aux parties à la procédure de sorte que les tiers n'ont d'autre alternative, lorsqu'une décision de justice leur est opposée, que d'agir par la voie de la tierce opposition à son encontre pour en discuter la portée» ; qu'en statuant ainsi, elle a violé les articles 461 et 582 du code de procédure civile. SECOND MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné in solidum M. et Mme [J] [ZN] à payer à Mme [V] [N] et à Mme [W] [N] épouse [H], une somme de 3 000 euros à titre de dommages-intérêts ; AUX ÉNONCIATIONS QUE les consorts [N], auteurs des époux [D], demandent à la cour de [?] condamner les époux [ZN] à leur payer la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice subi ; AUX MOTIFS QUE par leurs allégations contraires aux moyens de défense qu'ils avaient invoqués à leur encontre dans le cadre de la procédure ayant abouti à l'arrêt du 17 janvier 2012 et par la remise en cause injustifiée de l'existence des droits cédés aux époux [D] en 1987, les époux [ZN] ont indûment empêché les consorts [N] de réaliser leur projet de cession de leur immeuble ; qu'ils leur ont ainsi occasionné un préjudice de trésorerie qui sera indemnisé par l'allocation d'une somme de 3 000 euros ; ALORS QUE l'effet dévolutif de la tierce opposition étant limité à la remise en question, relativement à son auteur, des points jugés qu'elle critique, le défendeur n'est pas recevable à présenter d'autres prétentions que celles tendant à faire écarter celles du tiers opposant ; qu'en l'espèce, il ressort de la procédure que les époux [D] ont cru devoir former une tierce opposition contre l'arrêt de la cour d'appel de Rennes du 17 janvier 2012 et de la diriger notamment contre les consorts [N] ; qu'en faisant droit à la demande d'indemnisation des consorts [N], défendeurs à la tierce opposition, contre les époux [ZN] également défendeurs à la tierce opposition, la cour d'appel a méconnu les limites de l'effet dévolutif de la tierce opposition et violé les articles 125 et 582 du code de procédure civile. 2e Civ., 7 janvier 1999, pourvoi n° 95-21.197, Bull. (cassation).
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 29 septembre 2022 Cassation sans renvoi M. PIREYRE, président Arrêt n° 955 FS-B Pourvoi n° E 21-23.456 Aide juridictionnelle totale en demande au profit de Mme [H]. Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 15 octobre 2021. Aide juridictionnelle totale en défense au profit de l'Aseaj. Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 15 mars 2022. R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 29 SEPTEMBRE 2022 Mme [W] [H], domiciliée [Adresse 4]), a formé le pourvoi n° E 21-23.456 contre l'arrêt rendu le 1er juillet 2021 par la cour d'appel de Besançon (chambre spéciale des mineurs - assistance éducative), dans le litige l'opposant : 1°/ au Pôle des solidarités du Jura, dont le siège est [Adresse 2], 2°/ à M. [I] [D], domicilié [Adresse 1], 3°/ à l'Association de sauvegarde de l'enfance à l'adulte du Jura (Aseaj), dont le siège est [Adresse 3], prise en qualité de mandataire ad hoc de [V] [S], 4°/ au procureur général près la cour d'appel de Besançon, domicilié [Adresse 5], défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Delbano, conseiller, les observations de la SCP Yves et Blaise Capron, avocat de Mme [H], de la SCP Foussard et Froger, avocat du Pôle des solidarités du Jura, de la SCP Gadiou et Chevallier, avocat de l'Aseaj, et l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l'audience publique du 5 juillet 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Delbano, conseiller rapporteur, en présence de Mme [Z], auditrice au service de documentation, des études et du rapport, Mme Martinel, conseiller doyen, Mmes Kermina, Durin-Karsenty, conseillers, Mmes Jollec, Bohnert, M. Cardini, Mmes Dumas, Latreille, Bonnet, conseillers référendaires, Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, et Mme Thomas, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Besançon, 1er juillet 2021) et les productions, Mme [H] a, par déclaration du 25 janvier 2021 établie et transmise par un avocat, interjeté appel du jugement d'un juge des enfants ayant renouvelé jusqu'au 31 janvier 2022 la mesure éducative de sa fille avec placement au domicile du père. Examen du moyen Enoncé du moyen 2. Mme [H] fait grief à l'arrêt de constater que la cour d'appel de Besançon n'était saisie d'aucune demande en l'absence d'effet dévolutif de l'appel interjeté par elle, alors « qu'il résulte des dispositions des articles 562 et 933 du code de procédure civile et des stipulations de l'article 6.1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales qu'en matière de procédure d'appel sans représentation obligatoire, la déclaration d'appel, qui mentionne que l'appel tend à la réformation de la décision déférée à la cour d'appel en omettant d'indiquer les chefs du jugement critiqués, doit s'entendre comme déférant à la connaissance de la cour d'appel l'ensemble des chefs de ce jugement ; qu'en énonçant, par conséquent, pour constater qu'elle n'était saisie d'aucune demande en l'absence d'effet dévolutif de l'appel interjeté par Mme [W] [H], que l'effet dévolutif n'opère pas lorsque la déclaration d'appel ne mentionne pas les chefs de jugement qui sont critiqués, que la déclaration d'appel formée par le conseil de Mme [W] [H] le 25 janvier 2021 ne précisait pas les chefs du jugement rendu le 13 janvier 2021 par le juge des enfants du tribunal judiciaire de Lons-le-Saunier qu'elle entendait critiquer et qu'il s'en déduisait, par application combinée des articles 542, 562, 901 et 933 du code de procédure civile, que ne lui était déféré aucun des chefs du jugement rendu le 13 janvier 2021 par le juge des enfants du tribunal judiciaire de Lons-le-Saunier et qu'elle n'était pas saisie des prétentions présentées à l'audience par Mme [W] [H], quand l'appel interjeté à l'encontre d'un jugement rendu en matière d'assistance éducative est soumis à la procédure d'appel sans représentation obligatoire et quand l'appel interjeté par Mme [W] [H] tendait à la réformation d'un jugement rendu en matière d'assistance éducative, la cour d'appel a violé les dispositions des articles 562, 933 et 1192 du code de procédure civile et les stipulations de l'article 6.1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. » Réponse de la Cour 3. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code. Vu les articles 562 et 933 du code de procédure civile : 4. Selon le premier de ces textes, l'appel défère à la cour d'appel la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent. Selon le second, régissant la procédure sans représentation obligatoire devant la cour d'appel, la déclaration désigne le jugement dont il est fait appel, précise les chefs du jugement critiqués auquel l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible, et mentionne, le cas échéant, le nom et l'adresse du représentant de l'appelant devant la cour. 5. Si, pour les procédures avec représentation obligatoire, il a été déduit de l'article 562, alinéa 1er, du code de procédure civile, que lorsque la déclaration d'appel tend à la réformation du jugement sans mentionner les chefs de jugement qui sont critiqués, l'effet dévolutif n'opère pas (2e Civ., 30 janvier 2020, pourvoi n° 18-22.528, publié) et que de telles règles sont dépourvues d'ambiguïté pour des parties représentées par un professionnel du droit (2e Civ., 2 juillet 2020, pourvoi n° 19-16.954, publié), un tel degré d'exigence dans les formalités à accomplir par l'appelant en matière de procédure sans représentation obligatoire constituerait une charge procédurale excessive, dès lors que celui-ci n'est pas tenu d'être représenté par un professionnel du droit. La faculté de régularisation de la déclaration d'appel ne serait pas de nature à y remédier (2e Civ., 9 septembre 2021, pourvoi n° 20-13.673, publié). 6. Il en résulte qu'en matière de procédure sans représentation obligatoire, y compris lorsque les parties ont choisi d'être assistées ou représentées par un avocat, la déclaration d'appel qui mentionne que l'appel tend à la réformation de la décision déférée à la cour d'appel, en omettant d'indiquer les chefs du jugement critiqués, doit s'entendre comme déférant à la connaissance de la cour d'appel l'ensemble des chefs de ce jugement. 7. Il doit en être de même lorsque la déclaration d'appel, qui omet de mentionner les chefs de dispositif critiqués, ne précise pas si l'appel tend à l'annulation ou à la réformation du jugement. 8. Pour dire que la cour d'appel n'était saisie d'aucune demande, l'arrêt retient que la déclaration d'appel faite par l'avocat de Mme [H], qui ne précise pas les chefs du jugement qu'elle entend critiquer, n'a pas eu d'effet dévolutif. 9. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés. Portée et conséquences de la cassation 10. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile. 11. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond. 12. Il résulte de ce qui est dit aux paragraphes 6, 7 et 8, que la déclaration d'appel de Mme [H] doit s'entendre comme ayant déféré à la cour d'appel l'ensemble des chefs du jugement. Il résulte du jugement du 13 janvier 2021 que la mesure éducative avec placement au domicile du père a été renouvelée jusqu'au 31 janvier 2022 et est donc expirée à ce jour. L'appel est en conséquence devenu sans objet. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 1er juillet 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Besançon ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; CONSTATE que la mesure d'assistance éducative a expiré le 31 janvier 2022 ; DIT que l'appel est devenu sans objet ; Laisse les dépens exposés en première instance, en appel et devant la Cour de cassation à la charge du Trésor public ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande. Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf septembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Yves et Blaise Capron, avocat aux Conseils, pour Mme [H] Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR constaté que la cour d'appel de Besançon n'était saisie d'aucune demande en l'absence d'effet dévolutif de l'appel interjeté par Mme [W] [H] ; ALORS QU'il résulte des dispositions des articles 562 et 933 du code de procédure civile et des stipulations de l'article 6.1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales qu'en matière de procédure d'appel sans représentation obligatoire, la déclaration d'appel, qui mentionne que l'appel tend à la réformation de la décision déférée à la cour d'appel en omettant d'indiquer les chefs du jugement critiqués, doit s'entendre comme déférant à la connaissance de la cour d'appel l'ensemble des chefs de ce jugement ; qu'en énonçant, par conséquent, pour constater qu'elle n'était saisie d'aucune demande en l'absence d'effet dévolutif de l'appel interjeté par Mme [W] [H], que l'effet dévolutif n'opère pas lorsque la déclaration d'appel ne mentionne pas les chefs de jugement qui sont critiqués, que la déclaration d'appel formée par le conseil de Mme [W] [H] le 25 janvier 2021 ne précisait pas les chefs du jugement rendu le 13 janvier 2021 par le juge des enfants du tribunal judiciaire de Lons-le-Saunier qu'elle entendait critiquer et qu'il s'en déduisait, par application combinée des articles 542, 562, 901 et 933 du code de procédure civile, que ne lui était déféré aucun des chefs du jugement rendu le 13 janvier 2021 par le juge des enfants du tribunal judiciaire de Lons-le-Saunier et qu'elle n'était pas saisie des prétentions présentées à l'audience par Mme [W] [H], quand l'appel interjeté à l'encontre d'un jugement rendu en matière d'assistance éducative est soumis à la procédure d'appel sans représentation obligatoire et quand l'appel interjeté par Mme [W] [H] tendait à la réformation d'un jugement rendu en matière d'assistance éducative, la cour d'appel a violé les dispositions des articles 562, 933 et 1192 du code de procédure civile et les stipulations de l'article 6.1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. 2e Civ., 9 septembre 2021, pourvoi n° 20-13.673, Bull. (rejet).
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 21 septembre 2022 M. CHAUVIN, président Arrêt n° 660 FS-B+R Pourvoi n° C 21-50.042 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 21 SEPTEMBRE 2022 Le procureur général près la cour d'appel de Papeete, domicilié en son parquet général, [Adresse 2], a formé le pourvoi n° C 21-50.042 contre l'arrêt rendu le 29 avril 2021 par la cour d'appel de Papeete, dans le litige l'opposant : 1°/ à Mme [N] [S], 2°/ à M. [C] [M], domiciliés tous deux [Adresse 3], 3°/ à M. [F] [T], 4°/ à Mme [Z] [L], épouse [T], domiciliés tous deux [Adresse 1], défendeurs à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les neuf moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Azar, conseiller référendaire, les observations de la SCP Piwnica et Molinié et les plaidoiries de Me Molinié, avocat de Mme [S], de M. [M] et de M. et Mme [T], et l'avis de Mme Caron-Déglise, avocat général, après débats en l'audience publique du 29 juin 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Azar, conseiller référendaire rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, Mmes Antoine, Poinseaux, M. Fulchiron, Mme Beauvois, conseillers, M. Duval, conseiller référendaire, Mme Caron-Déglise, avocat général, et Mme Berthomier, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Papeete, 29 avril 2021), [I] [M] est né le 18 avril 2020, à Papeete, de l'union de Mme [S] et de M. [M]. 2. Le 6 mai 2020, ceux-ci ont saisi un juge aux affaires familiales d'une demande de délégation de l'exercice de l'autorité parentale sur leur enfant au profit de M. et Mme [T]. Examen des moyens Sur le premier moyen, pris en ses deuxième et troisième branches, sur le deuxième moyen, sur le troisième moyen, pris en sa troisième branche, sur les quatrième à sixième moyens, sur le septième moyen, pris en ses première à cinquième branches et septième branche, sur les huitième et neuvième moyens, ci-après annexés 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le premier moyen, pris en ses deuxième et troisième branches, le deuxième moyen, le troisième moyen, pris en sa troisième branche, les quatrième et cinquième moyens, le sixième moyen, pris en sa seconde branche, le septième moyen, pris en ses première à cinquième branches et septième branche, les huitième et neuvième moyens, qui sont irrecevables, et sur le sixième moyen, pris en sa première branche, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 4. Le procureur général près la cour d'appel de Papeete fait grief à l'arrêt d'accueillir la demande de délégation d'autorité parentale, alors « qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a enfreint la prohibition d'ordre public de la gestation pour autrui spécifiée aux articles 16-7 et 16-9 du code civil. » Réponse de la Cour 5. Aux termes de l'article 16-7 du code civil, les conventions portant sur la procréation ou la gestation pour le compte d'autrui sont nulles. 6. Ces dispositions reposent sur les principes d'indisponibilité du corps humain et de l'état des personnes, qui interdisent, sauf exceptions prévues par la loi, de conclure une convention portant sur un élément du corps humain ou de disposer librement de sa qualité de père ou de mère. 7. Il en résulte que le projet d'une mesure de délégation d'autorité parentale, par les parents d'un enfant à naître, au bénéfice de tiers souhaitant le prendre en charge à sa naissance, n'entre pas dans le champ des conventions prohibées par l'article 16-7 du code civil. 8. En effet, il n'existe pas d'atteinte aux principes de l'indisponibilité du corps humain et de l'état des personnes, dès lors, d'une part, que l'enfant n'a pas été conçu en vue de satisfaire la demande des candidats à la délégation, d'autre part, que la mesure de délégation, qui n'est qu'un mode d'organisation de l'exercice de l'autorité parentale, est ordonnée sous le contrôle du juge, est révocable et est, en elle-même, sans incidence sur la filiation de l'enfant. 9. La cour d'appel a constaté que la mesure de délégation d'autorité parentale avec prise de contact d'une famille en métropole n'avait été envisagée par les parents de l'enfant qu'au cours de la grossesse. 10. Elle en a exactement déduit que la mesure sollicitée ne consacrait pas, entre les délégants et les délégataires, une relation fondée sur une convention de gestation pour autrui. 11. Le moyen n'est donc pas fondé. Sur le troisième moyen, pris en ses deux premières branches Enoncé du moyen 12. Le procureur général près la cour d'appel de Papeete fait le même grief à l'arrêt, alors : « 1°/ qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu l'article 377, alinéa 1, du code civil qui ne permet pas en cas de délégation d'autorité parentale volontaire une délégation par plusieurs délégataires ; 2°/ qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a conféré à l'article 555 du code de procédure civile de Polynésie française, des effets réservés à l'article 377, alinéa 1, du code civil lequel limite pourtant en cas de délégation d'autorité parentale volontaire la possibilité de désigner un seul délégataire. » Réponse de la Cour 13. Aux termes de l'article 377, alinéa 1, du code civil, les père et mère, ensemble ou séparément, peuvent, lorsque les circonstances l'exigent, saisir le juge en vue de voir déléguer tout ou partie de l'exercice de leur autorité parentale à un tiers, membre de la famille, proche digne de confiance, établissement agréé pour le recueil des enfants ou service départemental de l'aide sociale à l'enfance. 14. Ces dispositions n'interdisent pas la désignation de plusieurs délégataires lorsque, en conformité avec l'intérêt de l'enfant, les circonstances l'exigent. 15. Le moyen n'est donc pas fondé. Sur le septième moyen, pris en sa sixième branche Enoncé du moyen 16. Le procureur général près la cour d'appel de Papeete fait le même grief à l'arrêt, alors « qu'en statuant ainsi, et en les qualifiant de proches au sens de l'article 377, alinéa 1, du code civil, après avoir constaté que le délégataire, M. [T] était inconnu des délégants et que la délégataire Mme [T] n'était connue que depuis quelques semaines la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations. » Réponse de la Cour 17. Aux termes de l'article 377, alinéa 1, du code civil, les père et mère, ensemble ou séparément, peuvent, lorsque les circonstances l'exigent, saisir le juge en vue de voir déléguer tout ou partie de l'exercice de l'autorité parentale à un tiers, membre de la famille, proche digne de confiance, établissement agréé pour le recueil des enfants ou service départemental de l'aide sociale à l'enfance. 18. Si ces dispositions ouvrent la possibilité de désigner comme délégataire une personne physique qui ne soit pas membre de la famille, c'est à la condition que celle-ci soit un proche digne de confiance. 19. Ne saurait être considérée comme un proche, au sens du texte précité, une personne dépourvue de lien avec les délégants et rencontrée dans le seul objectif de prendre en charge l'enfant en vue de son adoption ultérieure. 20. Au demeurant, une telle désignation ne serait pas conforme à la coutume polynésienne de la Faa'mu, qui permet d'organiser une mesure de délégation de l'autorité parentale dès lors qu'elle intervient au sein d'un cercle familial élargi ou au bénéfice de personnes connues des délégants. 21. En conséquence, c'est en méconnaissance du texte susvisé que la cour d'appel, après avoir constaté que Mme [S] et M. [M] étaient entrés en relation avec M. et Mme [T] à la suite de recherches d'une famille adoptante en métropole, a accueilli la demande en délégation de l'exercice de l'autorité parentale. 22. Cependant, si une jurisprudence nouvelle s'applique de plein droit à tout ce qui a été réalisé antérieurement à celle-ci et, le cas échéant, sur la base et sur la foi d'une jurisprudence ancienne, la mise en oeuvre de ce principe peut affecter irrémédiablement la situation des parties ayant agi de bonne foi, en se conformant à l'état du droit applicable à la date de leur action, de sorte que, en ces circonstances, le juge doit procéder à une évaluation des inconvénients justifiant qu'il soit fait exception au principe de la rétroactivité de la jurisprudence et rechercher, au cas par cas, s'il existe, entre les avantages qui y sont attachés et ses inconvénients, une disproportion manifeste. 23. En l'occurrence, il doit être relevé, en premier lieu, que l'utilisation de la procédure de délégation d'autorité parentale s'inscrit dans un contexte de carence du pouvoir réglementaire. En effet, si les articles L. 224-1 à L. 225-7 du code de l'action sociale et des familles, relatif aux pupilles de l'Etat et à leur adoption, sont applicables en Polynésie française, selon les adaptations qui y sont prévues aux articles L. 562-1 à L. 562-5, les dispositions réglementaires d'application de l'article L. 224-2 du même code, relatif à la composition et aux règles de fonctionnement des conseils de famille institués en Polynésie française, ne sont toujours pas adoptées à ce jour, créant de ce fait une incertitude juridique sur les modalités d'adoption d'un enfant âgé de moins de deux ans sur ce territoire. 24. En deuxième lieu, il doit être rappelé que, dans ce contexte de vide réglementaire imputable à l'Etat, les autorités locales ont aménagé le code de procédure civile applicable en Polynésie française en prévoyant, pour les enfants dont la filiation est établie mais dont les parents souhaitent dès leur naissance mettre en oeuvre un projet d'adoption, une mesure préalable de délégation d'autorité parentale. De manière spécifique, l'article 555, alinéa 3, de ce code, édicte ainsi que la requête en délégation d'autorité parentale doit être accompagnée, lorsque les délégataires ne résident pas en Polynésie française, de l'enquête sociale et de l'avis motivé émanant de l'organisme habilité à le faire suivant la loi de leur domicile ou résidence habituelle. 25. En troisième lieu, il doit être souligné que la délégation aux fins d'adoption a été admise sur ce territoire par une jurisprudence trentenaire de la cour d'appel de Papeete, jusqu'à présent jamais remise en cause. 26. Il résulte de l'ensemble de ces éléments qu'à la date de la naissance de l'enfant, les parents légaux, comme le couple candidat à la délégation, se sont engagés dans un processus de délégation d'autorité parentale en vue d'une adoption qu'ils pouvaient, de bonne foi, considérer comme étant conforme au droit positif. 27. Dans ces conditions, il apparaît que l'application immédiate de la jurisprudence nouvelle sanctionnant un tel processus porterait une atteinte disproportionnée aux principes de sécurité juridique et de confiance légitime. 28. En outre, de manière concrète, la remise en cause des situations existantes serait de nature à affecter irrémédiablement les liens qui se sont tissés ab initio entre l'enfant et les délégataires. En effet, la fin de la mesure de délégation d'autorité parentale, en supprimant tout lien juridique entre eux, peut conduire à une rupture définitive des relations de l'enfant avec ceux qui l'élèvent depuis sa naissance, dans un contexte où le projet a été construit en accord avec les parents légaux et où ceux-ci conservent la faculté de solliciter la révocation de la mesure, si tel est l'intérêt de l'enfant. 29. Dès lors, l'application immédiate de la jurisprudence nouvelle porterait également une atteinte disproportionnée à l'intérêt supérieur de l'enfant, garanti par l'article 3, § 1, de la Convention internationale des droits de l'enfant, ainsi qu'au droit au respect de la vie privée et familiale des personnes concernées, garanti par l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. 30. Ces circonstances exceptionnelles justifient par conséquent de déroger à l'application immédiate de la jurisprudence nouvelle aux situations des enfants pour lesquels une instance est en cours. 31. Il s'ensuit qu'il n'y a pas lieu d'accueillir le moyen. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Laisse à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du vingt et un septembre deux mille vingt-deux et signé par lui et Mme Vignes, greffier présent lors du prononcé. Le conseiller referendaire rapporteur le president Le greffier de chambre MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par le procureur général près la cour d'appel de Papeete Le ministère public fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement rendu par le juge aux affaires familiales du tribunal de première instance le 12 aout 2020 qui avait dit que l'autorité parentale sur l'enfant [I] [H] [M] le 18 avril 2020 à Papeete (Tahiti, Polynésie française) sera désormais exercée par Madame [Z] [X] [L] épouse [T] née le 14 mai 1981 à Laval (53000) de nationalité française et Monsieur [F] [T] né le 30 janvier 1982 à Belfort (90000), de nationalité française II -A-_Aux motifs que : II-A-1 « le juge aux affaires familiales dispose, comme il a été dit, de pouvoirs étendus pour apprécier les circonstances dans lesquelles la délégation volontaire de l'autorité parentale est demandée, la liberté et la sincérité du consentement des parents, l'existence d'une fraude ou de contreparties matérielles ou financières, permettant de caractériser dans chaque espèce s'il y a eu ou non atteinte au principe d'indisponibilité du corps humain et d'interdiction de la gestation pour autrui, en faisant intervenir tant les services sociaux que ceux de police judiciaire; et qu'une demande de délégation volontaire de l'autorité parentale à un proche digne de confiance en raison des circonstances, même quand elle est présentée dans la perspective d'une demande d'adoption ultérieure, ne saurait être rejetée sans un examen par le juge, dans chaque espèce, du respect des conditions légales et de l'intérêt supérieur de l'enfant ; » et que: « la relation entre les parents et les délégataires s'est déroulée dans la continuité du projet conçu par les parents d'un accueil de l'enfant à naître par une famille qui lui offrirait des moyens de se développer meilleurs que dans sa famille biologique, laquelle est non seulement en situation de précarité, mais aussi non préparée à lui offrir une place. C'est ce projet partagé et conforté lors de l'arrivée de [Z] [T] qui a créé une proximité, sans qu'il soit en rien établi que la relation ait été fondée sur un consentement vicié ou sur une fraude ou sur une gestation pour autrui, les délégataires n'ayant été connus des parents que deux mois avant l'accouchement. » et que : « en Polynésie française, peu de parents songent à remettre expressément leur enfant au service de l'aide à l'enfance en vue d'une admission comme pupille de l'État, et ce même lorsqu'ils bénéficient de l'accompagnement du service social. A leurs yeux, la remise de l'enfant à des tiers désireux à terme de l'adopter par une délégation volontaire de l'autorité parentale n'est pas un abandon. Ils disent «donner», confier leur enfant. Ceux qui se sentent dans l'impossibilité de faire grandir leur enfant restent attachés à la possibilité de choisir ceux qui les substitueront. Es ont ainsi le sentiment de prendre la mesure la plus protectrice pour leur enfant qu'ils ne se sentent pas en capacité de faire grandir. » et que:« Les parents biologiques comprennent et approuvent le projet d'une adoption plénière par la suite. Des assurances sont données sur le maintien des contacts » et que « L'enfant a été remis dès sa naissance à [Z] [T] » et que : « En droit interne, lorsque, comme en l'espèce, la filiation de l'enfant a été établie, et que les parents n'ont pas perdu le droit d'exercer l'autorité parentale, l'enfant peut être élevé par d'autres personnes que ses parents biologiques si ces derniers ont délégué l'autorité parentale, ou s'ils ont consenti à une adoption et que celle-ci peut être prononcée. La délégation volontaire de l'autorité parentale sur un enfant âgé de moins de deux ans à un tiers proche digne de confiance lorsque les circonstances l'exigent n'est pas illicite. Elle ne constitue pas, en soi, un détournement de procédure ou une fraude à la loi, même quand elle s'inscrit dans un projet d'adoption ultérieure de l'enfant. » et que : « Il résulte de la procédure que la grossesse de [N] [S] n'était pas désirée. La délégation volontaire d'autorité parentale peut être envisagée par un couple comme un substitut à l'absence de projet de vie pour un enfant conçu, par exemple, hors mariage. Les parents ont l'expérience de la vie et de l'éducation des enfants. [N] [S] a déjà consenti à une adoption d'un enfant qui vit en métropole. C'est la solution qu'elle déclare avoir retenue en définitive lorsqu'elle a appris sa grossesse. » et que « la procédure de la délégation volontaire de l'autorité parentale fait-elle l'objet de dispositions particulières du code de procédure civile de la Polynésie française (art. 555ss). Conscient de ce que cette procédure y est utilisée pour prendre en charge des enfants de moins de deux ans en vue de leur adoption, le législateur polynésien l'a strictement encadrée en donnant au juge aux affaires familiales de larges pouvoirs d'information, qui sont effectivement exercés par les juridictions, et en subordonnant la délégation à la justification d'un agrément en vue de l'adoption pour les personnes non résidentes en Polynésie française. que la pratique de la délégation volontaire de l'autorité parentale destinée à permettre une adoption ultérieure est contraire aux dispositions de l'article 348-5 du code civil, lequel n'admet de consentement à l'adoption d'un enfant de moins de deux ans que pour une adoption familiale ou lorsque l'enfant est remis par le service de l'aide sociale à l'enfance, cela dans le but exprès de permettre la garantie d'indisponibilité du corps humain qu'apporte l'action administrative, qui doit être la même sur l'ensemble du territoire de la République ; alors que les conditions et les effets de la délégation volontaire de l'autorité parentale sont différents de ceux de l'adoption simple ou plénière, et que, si la responsabilité des collectivités publiques peut se trouver engagée à l'égard des enfants recueillis, des parents délégants ou des personnes délégataires en raison du caractère incomplet en Polynésie française de la réglementation organisant le recueil aux fins d'adoption par le service de l'aide à l'enfance, cela ne peut conduire le juge aux affaires familiales à renoncer, par a priori, à apprécier dans chaque espèce, en considération de l'intérêt supérieur de l'enfant, s'il existe des circonstances qui justifient une délégation volontaire de l'autorité parentale, et si la décision des parents de confier leur enfant à un proche digne de confiance plutôt qu'à un établissement agréé ou au service de l'aide à l'enfanCe est libre, sincère et exempte de fraude ; » -alors qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a enfreint la prohibition d'ordre public de gestation pour autrui spécifiée aux articles 16-7 et 16-9 du Code civil -alors qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 348-4 du code civil qui ne prévoit pas pour les parents biologiques la possibilité de choisir les adoptants, choix tout aussi impossible au terme de l'article 29 de la convention de la Haye régissant l'adoption internationale -alors qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, alors même qu'elle sait que la procédure de délégation d'autorité parentale, utilisée dans un tel contexte, a pour principal objectif de confier définitivement cet enfant aux délégataires détourne la procédure de délégation d'autorité parentale de ses fins II- A- 2 « C'est le regime de la délégation de l'autorité parentale qui est appliqué par les juridictions françaises à l'institution de la kafala (recueil des enfants orphelins, abandonnés ou nés hors mariage) dans les pays de droit musulman qui ne connaissent pas l'adoption. La jurisprudence de la cour d'appel de Papeete retient que le placement d'un enfant à l'aide sociale à l'enfance en vue d'une adoption n'est pas possible en Polynésie française en raison du caractère incomplet des textes, et que la délégation volontaire de l'autorité parentale par des parents polynésiens à des personnes agréées en métropole pour adopter est licite dès lors que les conditions légales sont remplies, et que le consentement de chacun des parents à la délégation est libre, éclairé et sans réserve (CA Papeete 6 mars 2014 RG n° 14/00042 -12 mai 2016 RG n° 16/00115). En effet, si les dispositions du code de l'action sociale et des familles organisant la remise des enfants pupilles de l'État au service social (CAS, art. L224-1 à 9 & L225-1 à 7, art. L562-1 & 3) sont applicables en Polynésie française et qu'il existe des structures habilitées à accueillir les enfants et à recevoir le consentement des parents pour l'adoption, les dispositions permettant non seulement la mise en oeuvre du projet individualisé pour chacun des pupilles de l'État, mais également le consentement à l'adoption de ces enfants, demeurent inapplicables à défaut de texte réglementaire ayant fixé la composition et les règles de fonctionnement du conseil de famille. De fait, le recueil de l'enfant par le service de l'aide à l'enfance n'est à l'heure actuelle pas organisé par la Direction de la Solidarité, de la Famille et de l'Egalité (DSFE), et la solution de remise de l'enfant demandée par le ministère public n'est pas effective. La DSFE diffuse une information qui indique aux candidats à l'adoption que la délégation volontaire de l'autorité parentale par les parents est le préalable à toute adoption. » alors qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a donné une toute autre portée à la jurisprudence de la cour de cassation qui n'entend permettre le recours à la délégation d'autorité parentale que lorsque l'enfant est étranger et que l'adoption est interdite dans le pays d'origine de l'enfant; -alors que le code civil applicable en la Polynésie française n'interdit pas l'adoption ; -alors que la même cour d'appel prononce régulièrement des jugements d'adoption d'enfants par application du code civil; -alors que l'absence d'arrêté organisant le conseil de famille ne fait pas obstacle à la possibilité d'adopter; -alors que l'éventuelle mauvaise interprétation des textes par l'administration territoriale du service de l'aide à l'enfance ne fait pas obstacle à l'application de la loi par la cour d'appel; II - A-3 « Pour les motifs qui seront exposés plus loin, la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de la requête pour contrevenir à la règle de l'unicité du délégataire de l'autorité parentale doit être rejetée. Sur le nombre de délégataires : Le ministère public expose que pour être recevable, la demande de délégation ne peut viser qu'un seul délégataire ; qu'en effet, l'exercice commun de l'autorité parentale n'est dévolu par la loi qu'aux seuls parents ; que le pluriel employé par l'article 555 du code de procédure civile de la Polynésie française lorsque les délégataires n'y résident pas ne permet pas de déroger à cette règle établie par la loi et par la jurisprudence dominante approuvée par la doctrine. » et que « il est, en l'espèce, dans l'intérêt supérieur de [I] [M] qu'il soit donné effet au choix de ses parents de déléguer l'autorité parentale aux deux époux [T].» alors qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu l'article 377 al 1 du code civil qui ne permet pas en cas de délégation d'autorité parentale volontaire une délégation par plusieurs délégataires; - alors qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a conféré à l'article 555 du Code de procédure civile de Polynésie française, des effets réservés à l'article 377 al 1 du code civil lequel limite pourtant en cas de délégation d'autorité parentale volontaire la possibilité de désigner un seul délégataire; -alors que l'intérêt supérieur de l'enfant ne saurait être invoqué à l'appui d'une interprétation contraire à un texte clair; II-A-4 « Par un arrêt du 5 novembre 2008 (n°07-20.868), la Cour de cassation, première chambre civile, a rejeté un pourvoi formé contre un arrêt de la cour d'appel de Nîmes du 19 décembre 2006 au motif qu'après avoir relevé d'abord l'absence de toute contrainte ou manoeuvre des époux X .. pour inciter la mère de naissance de [V], Mme Y ... , à l'abandonner ou pour obtenir son consentement, ensuite l'absence de dissimulation ou de tromperie quant à la sincérité du but de l'adoption, à la situation de l'enfant ou à celle de la mère, enfin que la prise en charge de l'enfant dans le cadre de la délégation d'autorité parentale prononcée par le tribunal de Papeete ne caractérisait pas la fraude et que l'absence de remise préalable effective de l'enfant aux services polynésiens d'aide sociale à l'enfance compétents ne pouvait être imputée aux époux X.., c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation que la cour d'appel a décidé qu'il n'y avait eu ni fraude , ni dol de la part des adoptants, condition nécessaire, aux termes de l'article 353-2 du code civil, pour ouvrir la tierce opposition. » -alors qu'en statuant ainsi, la cour d'appel donne une portée à l'arrêt de la cour de cassation non transposable en l'espèce dès lors que l'article 353-2 du code civil, appliqué par la haute juridiction, concerne exclusivement la recevabilité de la tierce opposition à l'encontre d'un jugement d'adoption; -alors qu'en statuant ainsi, en se référant à un arrêt sans constater l'analogie des situations ni en préciser les motifs, la cour d'appel de Papeete n'a pas motivé sa décision; II-B - aux motifs que : D'un côté: « Ni l'enquête sociale, ni l'enquête de gendarmerie n'ont montré d'indice que cette délégation ait été faite moyennant des contreparties matérielles ou financières. ( .. ) » De l'autre : « La présence de [Z] [T] à la clinique et au moment de l'accouchement, comme sa participation aux frais de clinique et à la vie familiale (. ..) » alors qu'en statuant ainsi, la cour d'appel s'est contredite dans sa motivation; II-C -_aux motifs que : ll-C -1 « Le jugement entrepris a retenu que : - Il résulte du rapport d'enquête sociale que les parents biologiques vivent dans un logement "fait de bric et de broc" dépourvu d'électricité. Ils bénéficient d'aides alimentaires délivrées par le service social et de colis alimentaires de la Croix-Rouge. Monsieur [C] [M] est sans emploi et Madame [N] [S] indique être employée d'entretien d'espace vert, l'enquêtrice sociale relevant un revenu mensuel net de 55.000 à 65.000 francs CFP par mois, allocations familiales comprises. Ils ont trois autres enfants déjà à charge, âgés de 19,15 et 9 ans. Il est mentionné dans l'enquête sociale que ces derniers vont régulièrement manger chez leur tante maternelle en raison du peu de moyens financiers de M. [C] [M] et Mme [N] [S]. - Il est ainsi établi que M. [C] [M] et Mme [N] [S] ne sont pas en capacité de prendre convenablement en charge [I], qu'ils se trouvent dans une grande précarité financière, leurs ressources ne leur permettant que difficilement de subvenir à leur besoin et à ceux de leurs autres enfants, et que les circonstances exigent la délégation d'autorité parentale. Le ministère public expose que des ressources financières faibles ne suffisent pas en soi pour justifier une délégation volontaire de l'autorité parentale; que l'éducation et l'épanouissement d'un enfant, sa sécurité, sa santé, sa moralité ne découlent pas uniquement de moyens financiers ; que les parents ont pu faire face à leurs difficultés matérielles pour élever les aînés ; que leurs conditions de logement reflètent malheureusement la précarité des conditions de vie d'un grand nombre de familles, mais qu'elles n'ont pas vocation à les priver de leur droit à élever leur enfant ; que [N] [S] dispose de revenus réels, quoique faibles (80 000 F CFP et allocations familiales de 20 000 FCFP). Mais il résulte de la procédure que la requête aux fins de délégation volontaire de l'autorité parentale à l'égard de [I] [H] [M] né le 18 avril 2020 repose sur un ensemble précis et concordant de circonstances qui exigent une telle mesure : - Le couple est formé depuis 2003. Le père, sans profession, a 52 ans. La mère, employée d'entretien d'espaces verts, a 39 ans. Ils ont eu deux fils nés en 2004 et 2011. [N] [S] a trois autres enfants d'un premier lit nés en 1998, 1999 et 2000. La cadette vit au foyer. L'aîné vit avec son père à Bora-Bora. Le second a été adopté par un couple métropolitain. Les enfants sont scolarisés. Les revenus du ménage sont de 55 000 à 65 000 F CFP par mois (salaire de la mère et allocations familiales). La famille reçoit des aides alimentaires de la DSFE et de la Croix-Rouge. [N] [S] déclare qu'elle n'a pas réellement les moyens de nourrir ses enfants qui vont régulièrement manger chez sa soeur. - Le logement fait «de bric et de broc» est implanté sur un terrain en pente très abrupte. Il est constitué de trois petites pièces sans électricité. Les matelas sont posés à même le sol. L'aménagement est sommaire mais propre. - [N] [S] a appris sa grossesse quand celle-ci était avancée de quatre mois. A cette époque, elle ne percevait que deux semaines de salaire. [C] [M] s'est peu exprimé devant l'enquêtrice sociale. «C'est ma femme qui a tout géré avec mon accord», a-t-il déclaré à la gendarmerie. Le couple est lié économiquement par le fait que seule la femme travaille et que le logement de la famille se trouve sur un terrain qui appartient au père. La différence d'âge et de situation de ressources entre les époux, et leur absence de projet commun de parentalité, conduisent à constater que ce ne sont pas uniquement des difficultés matérielles et la recherche d'une vie 'meilleure, mais bien aussi l'absence de disponibilité du couple pour élever cet enfant non désiré, qui expliquent la recherche d'une famille pouvant le recueillir. En l'absence de tout projet de vie auprès de ses père et mère, [I] est exposé, dès sa naissance, au risque de devenir un enfant qui ne pourra trouver sa place, que ce soit matériellement, affectivement ou pour assurer sa protection, sa santé et son éducation, ni auprès de ses parents, ni dans la famille ou l'entourage proche de ceux-ci en Polynésie française. La mission d'enquête sociale demandait la vérification de la recherche de solutions pour l'enfant au sein des membres ou proches de la famille résidant en Polynésie française. L'enquête sociale montre que la famille est connue du service de l'aide à l'enfance puisque la mère a déclaré avoir reçu de la DSFE des aides alimentaires d'un montant de 27 000 F CFP de janvier à avril 2020. Mais il n'apparaît pas que d'autres mesures d'aide sociale ou d'aide à l'enfance ont été mises en oeuvre, et aucun élément n'a été trouvé en faveur d'une solution intrafamiliale ou de proximité. - alors qu'en statuant ainsi, dans le domaine particulier de la délégation d'autorité parentale volontaire, le juge ne saurait fonder sa décision sur la précarité matérielle et financière des parents, étrangère aux circonstances exigées par l'article 377 al 1 du Code Civil, la décision de la cour d'appel a manqué de base légale; - alors qu'en statuant ainsi, dans le domaine particulier de la délégation d'autorité parentale volontaire, le juge a insuffisamment motivé sa décision qui ne saurait se fonder sur une supposée absence de projet de parentalité, et s'exonérer ainsi des déclarations de la délégante qui a exposé tant son désir d'enfant que ses atermoiements sur le fait de remettre son enfant; II-C-2- « Le ministère public expose que - La liberté du consentement des parents à la délégation de l'autorité parentale fait question. [Z] [T] a été très présente dès son arrivée à Tahiti, accompagnant la mère aux courses et aux rendez-vous médicaux. Elle a assisté à l'accouchement, coupé le cordon ombilical et pris immédiatement l'enfant en charge dans sa chambre à la maternité, privant la mère de créer un lien ou bien de se raviser. Les relevés bancaires montrent que les époux [T] ont payé fréquemment des courses ainsi que des frais de clinique. - Devant le juge aux affaires familiales, [N] [S] a déclaré qu'elle avait changé d'avis quand elle avait accouché et que [Z] [T] était très choquée. L'enquête sociale le confirme. [N] [S] a déclaré qu'elle s'était attachée peu à peu à [I] et qu'elle était allée consulter un psychologue de la DSFE pour l'aider à prendre du recul, étant énervée par [Z] qui ne quittait pas le bébé des yeux. Elle a indiqué aux gendarmes qu'au début elle voulait le garder puis que le couple avait décidé qu'il serait mieux de le faire adopter. - Dès lors, il n'est pas rapporté en l'espèce la preuve de circonstances suffisantes et également d'un consentement suffisamment libre et éclairé exigeant qu'il soit procédé à la délégation. - Il n'a pas été justifié de ce que l'un ou L'autre des délégataires aient noué des relations de longue date avec la sphère familiale avant la naissance de l'enfant. il n'est pas établi qu'ils sont des proches de la famille et des personnes connues antérieurement au projet de délégation. Les époux [T] peuvent au contraire être qualifiés de parfaits étrangers à l'égard des parents biologiques, même s'ils ont pu nouer postérieurement à la naissance de L'enfant des relations. Le père a été quasi absent de cette démarche. il est plus à l'aise lorsque l'on s'adresse à lui en tahitien. Il ne connaît pas véritablement le couple [T] - Après contact avec des parents ayant adopté des enfants polynésiens par le biais d'une association Maeva de métropole, [Z] [T] est arrivée à Tahiti le 12 février 2020 pour rencontrer la mère. Elle a très peu rencontré le père avant la remise de l'enfant. Les parents n'avaient aucune assurance de ses capacités éducatives. Leurs relations se sont rapprochées du fait de la période de confinement (covid-19) et à l'occasion de courses et des visites médicales, sans que l'on puisse y voir une proximité attestant d'une confiance. [F] [T] n'est arrivé à Tahiti que le 9 juillet 2020. IL n'avait jamais rencontré les parents biologiques. Il était inconnu d'eux. - Les enquêtes sociales et les examens psychologiques postérieurs ne peuvent se substituer à l'examen de la situation préalable à la remise de l'enfant. Les époux [T], [N] [S] et [C] [M] concluent qu'après de multiples échanges téléphoniques en janvier 2020, [Z] [T] s'est rendue à Tahiti le 10 février 2020. Une relation sincère s'est établie entre eux suite à des visites et des échanges quotidiens. Ils ont pu vivre ensemble la fin de la grossesse. [Z] [T] participait à la vie familiale (fêtes religieuses, ballades à la plage et au centre-ville, repas familiaux) et a fait connaissance des enfants, des deux soeurs, du frère et de la mère de [N] [S]. [Z] [T] la considère comme sa soeur de coeur et projette déjà d'autres voyages à Tahiti avec des contacts téléphoniques réguliers. [N] [S] et [C] [M] considèrent bien les époux [T] comme étant des personnes dignes de confiance. Cela est confirmé par Les évaluations concordantes et positives de ce couple. Des échanges de qualité se poursuivent depuis son retour en métropole. Aucune disposition légale n'impose au juge de choisir par priorité parmi les membres de la famille le tiers à qui il délègue tout ou partie de l'autorité parentale (Civ. 1re 16 avr. 2008 n° 07-11.273). La décision des parents de déléguer l'autorité parentale et leur choix du délégataire doivent être appréciés au regard des circonstances qui exigent une telle mesure. Il n'est pas indispensable que la relation entre eux ait été longue pour que s'établissent une proximité et un rapport de confiance. Il résulte de la procédure que la grossesse de [N] [S] n'était pas désirée. La délégation volontaire d'autorité parentale peut être envisagée par un couple comme un substitut à l'absence de projet de vie pour un enfant conçu, par exemple, hors mariage. Les parents ont l'expérience de la vie et de l'éducation des enfants. [N] [S] a déjà consenti à une adoption d'un enfant qui vit en métropole. C'est la solution qu'elle déclare avoir retenue en définitive lorsqu'elle a appris sa grossesse. La relation qui s'est nouée avec les époux [T] se présente comme la construction d'un projet de vie pour l'enfant à naître. [N] [S] a été suivie par la DSFE à l'occasion d'une aide alimentaire avant l'accouchement et d'une consultation psychologique après celui-ci. Le service de l'aide à l'enfance n'a pas manifesté la nécessité, ni même la possibilité, d'un projet alternatif. La recherche de cette relation a été délibérément dirigée par les parents vers une famille adoptante en métropole. [N] [S] explique qu'elle s'est adressée à une amie à [Localité 4] qui a adopté le fils de sa soeur. C'est ainsi qu'elle a connu téléphoniquement les époux [T] en janvier 2020. Compte tenu des distances, cette relation s'est nouée par télécommunications, mais [Z] [T] s'est rendue rapidement à Tahiti, deux mois avant l'accouchement. En raison de son travail et de l'interruption des vols par l'état d'urgence sanitaire, [F] [T] n'a pu la rejoindre qu'en juillet. L'enquête sociale ordonnée par le juge des enfants a été réalisée peu après. Elle conclut que les parents biologiques expriment clairement leur volonté de confier l'enfant au couple [T] et émet un avis favorable à la demande de délégation de l'autorité parentale. Ni l'enquête sociale, ni l'enquête de gendarmerie n'ont montré d'indice que cette délégation ait été faite moyennant des contreparties matérielles ou financières. Les relevés de compte des époux [T] de janvier à juillet 2020 ont été remis aux enquêteurs. La requête conjointe aux fins de délégation de l'autorité parentale a été présentée peu après la naissance de l'enfant, le 6 mai 2020. Le juge aux; affaires familiales a entendu les parents seuls le 19 mai 2020. Ils ont confirmé leur volonté de délégation. [N] [S] a indiqué qu'elle avait changé d'avis quand elle a accouché. Néanmoins, elle n'est pas revenue ensuite sur sa décision. La présence de [Z] [T] à la clinique et au moment de l'accouchement, comme sa participation aux frais de clinique et à la vie familiale, s'expliquent par le projet de vie conçu par les parents plusieurs mois avant la naissance, dès qu'ils ont appris la grossesse. L'existence de ce projet, constant et assumé, ne permet pas de retenir que [N] [S] ait été sous emprise, ce qu'elle n'a jamais indiqué. La position en retrait de [C] [M] correspond à sa culture polynésienne et à l'absence de projet de vie de [I] dans sa famille biologique. L'absence physique de [F] [T] a été causée par la force majeure née de l'état d'urgence sanitaire. [N] [S] et [C] [M] ont confirmé leur demande de délégation de l'autorité parentale à l'audience du juge aux affaires familiales du 29 juillet 2020. Les parents ont manifesté leur confiance dans le couple [T] devant le juge aux affaires familiales ainsi que lors de l'enquête sociale et de l'enquête de gendarmerie. Ils ont souhaité le maintien des liens avec l'enfant comme mis en oeuvre avec les époux [T] et dans la perspective d'une adoption. Les évaluations faites pour l'agrément des époux [T] en vue d'adopter délivré par le conseil général du Gard le 6 février 2019 corroborent que ceux-ci sont des personnes dignes de confiance en ce qui concerne l'exercice d'une autorité parentale déléguée. Des attestations sont produites (SECRETAIN ép. [L], [A] [B] et [P], [G], [E], [K], [L] [W], [Y], [D], [O], [J], [U]) qui indiquent que l'enfant est très bien accueilli et s'insère parfaitement dans la famille [T]. Sa croissance est qualifiée de parfaite par un certificat médical du 29 octobre 2020. En définitive, la relation entre les parents et les délégataires s'est déroulée dans la continuité du projet conçu par les parents d'un accueil de l'enfant à naître par une famille qui lui offrirait des moyens de se développer meilleurs que dans sa famille biologique, laquelle est non seulement en situation de précarité, mais aussi non préparée à lui offiir une place. C'est ce projet partagé et conforté lors de l'arrivée de [Z] [T] qui a créé une proximité, sans qu'il soit en rien établi que la relation ait été fondée sur un consentement vicié ou sur une fraude ou sur une gestation pour autrui, les délégataires n'ayant été connus des parents que deux mois avant l'accouchement. Cette relation s'est déroulée en toute transparence. Aucun élément ne permet de retenir une intention de tromper le juge aux affaires familiales. L'enquête diligentée par le procureur de la République n'a pas fait apparaître d'indice d'incitation à l'abandon ni de contreparties matérielles ou financières. En premier ressort, le ministère public a conclu que son objectif n'était pas de retirer l'enfant confié mais de sécuriser les enfants polynésiens, les parents et les parents adoptants, et a préconisé une inscription virtuelle à la DSFE. [Z] [T] a déclaré «Si on m'avait dit qu'il fallait passer par la DSFE, en France, même VASE n'est pas au courant (...) Là vous me dites que je vais devoir laisser mon fils en pouponnière. » Comme il a été dit, la procédure montre que la DSFE a suivi [N] [S] pendant sa grossesse et après l'accouchement. Le service de l'aide à l'enfance n'a pas demandé à prendre en charge l'enfant en vue d'une adoption. Aucun autre proche digne de confiance n'a été proposé pour accueillir l'enfant. Il est ainsi suffisamment établi que le consentement des parents n'a pas été vicié ou entaché de fraude, et que leur choix des délégataires s'est porté sur des proches dignes de confiance. » -alors qu'en statuant ainsi, le consentement des parents à la délégation devant s'étudier distinctement du choix du délégataire dont il ne peut découler, la cour d'appel n'a pas suffisamment motivé sa décision; - alors qu'en statuant ainsi, le consentement libre et éclairé des parents devant s'étudier au jour de la signature de la requête, la cour d'appel n'a pas suffisamment motivé sa décision; - alors qu'en statuant ainsi, le consentement libre et éclairé des parents ne pouvant se déduire de la seule absence de vice ou de fraude constaté ou d'intention de tromper le juge, la cour d'appel n'a pas suffisamment motivé sa décision; -alors qu'en ne statuant pas sur les circonstances de la remise de l'enfant et de la signature de la requête, la cour d'appel n'a pas suffisamment motivé sa décision; -alors qu'en statuant ainsi, la qualité de proche digne de confiance d'un délégataire devant se constater au moment de la remise de l'enfant et de la requête, la cour d'appel n'a pas suffisamment motivé sa décision; -alors qu'en statuant ainsi, et en les qualifiants de proches au sens de l'article 377 aI 1 du Code civil, après avoir constaté que le délégataire, M. [T] était inconnu des délégants et que la délégataire Mme [T] n'était connue que depuis quelques semaines la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations; -alors qu'en statuant ainsi, le caractère digne de confiance d'un délégataire devant s'apprécier par le juge également sur sa capacité à respecter tant les fonctions parentales des parents, que le maintien du lien entre l'enfant et ses parents et la nature par définition réversible de la délégation d'autorité parentale, la cour d'appel n'a pas suffisamment motivé sa décision ; ll-C-3 «Sur le contenu de la délégation : Le ministère public expose que la délégation volontaire de l'autorité parentale est totale lorsqu'elle ne précise pas quels droits et devoirs sont délégués ; qu'en l'espèce, la mère a pu indiquer vouloir rester en contact avec l'enfant, demande à recevoir des photos, à avoir des nouvelles ; que des aménagements étaient donc indispensables pour garantir l'exercice d'un droit de visite et de correspondance avec l'enfant ; que les assurances données à cet effet par les délégataires se heurtent à leur volonté de demander une adoption plénière aux deux deux ans de la vie, ainsi qu'aux aléas de l'existence ou de la relation avec la famille biologique. Les requérants exposent que les parents sont informés de la situation de leur fils " que les époux [T] les appellent régulièrement comme ils sy étaient engagés et leur envoient des photos de [I] très fréquemment, mettant un point d'honneur à maintenir le lien familial qui a su se créer entre eux. Le jugement dont appel a retenu que : L'éloignement géographique ne saurait constituer un motif de refus de la délégation de l'exercice de l'autorité parentale dans la mesure où les moyens actuels de communication permettent d'en atténuer considérablement les effets, les époux [T] paraissant au demeurant toujours à l'audience particulièrement soucieux de ne pas rompre le lien entre [I] et ses parents biologiques et n'émettent aucune préférence entre une adoption simple ou une adoption plénière. Le jugement doit être confirmé quant à la délégation de la totalité de l'autorité parentale, et ce pour les mêmes motifs que ceux qui conduisent à valider la délégation de l'autorité parentale faîte aux deux époux [T], dans l'intérêt supérieur de l'enfant compte tenu des circonstances de l'espèce : à savoir l'impératif de garantir la sécurité de l'enfant dans sa vie quotidienne et son éducation, y compris en cas d'empêchement de l'un ou l'autre délégataire, alors que les parents biologiques sont très éloignés et ne peuvent assumer cette charge. D'autre part, les parents peuvent demander, en cas de rupture ou d'altération des liens avec l'enfant, l'application des dispositions de l'article 377-2 du code civil : la délégation pourra, dans tous les cas, prendre fin ou être transférée par un nouveau jugement, s'il est justifié de circonstances nouvelles. Le droit de consentir à l'adoption n'est jamais délégué (art. 377-3). Le jugement dont appel a exactement en droit et justement en fait constaté que les conditions légales de l'article 377 du code civil et les conditions procédurales du code de procédure civile de la Polynésie française sont remplies, et retenu que la délégation de l'exercice de l'autorité parentale sur l'enfant [I] aux époux [T] répond pleinement à l'intérieur supérieur de l'enfant. Il sera par conséquent confirmé » alors qu'en statuant ainsi, sans avoir tiré les conséquences de la volonté des parents de consentir des droits de visite et de correspondance, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations; -alors qu'en statuant ainsi, sans examiner si les droits de l'enfant tels que définis par les conventions internationales et notamment les articles 7, 8, 9 de la Convention internationale des droits de l'enfant du 20.11.1989, étaient respectés la cour d'appel n'a pas suffIsamment motivé sa décision; II-D - aux motifs que : « par requête du 6 mai 2020, les époux [T] d'une part et [N] [S] et [C] [M] d'autre part ont présenté conjointement devant le juge aux affaires familiales du tribunal de première instance de Papeete une requête aux fins de voir prononcer la délégation de l'autorité parentale sur l'enfant [I] [H] [M] né le 18 avril 2020 à Papeete en faveur des époux [T] » alors qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 377 al 1 du code civil, la délégation d'autorité parentale ne pouvant être déposée que par les seuls parents délégants. Le greffier de chambre
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LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 21 septembre 2022 Cassation partielle Mme TEILLER, président Arrêt n° 650 FS-B Pourvoi n° Z 21-21.933 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 21 SEPTEMBRE 2022 L'établissement [Localité 5] Métropole, établissement public, dont le siège est [Adresse 6], a formé le pourvoi n° Z 21-21.933 contre l'arrêt rendu le 15 juin 2021 par la cour d'appel de [Localité 5] (1re chambre civile), dans le litige l'opposant à la société Etablissements A Gré et Cie, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Maunand, conseiller doyen, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de l'établissement [Localité 5] Métropole, établissement public, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société Etablissements A Gré et Cie, et l'avis de M. Brun, avocat général, après débats en l'audience publique du 5 juillet 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Maunand, conseiller doyen rapporteur, Mme Greff-Bohnert, MM. Jacques, Bech, Boyer, Mme Abgrall, conseillers, Mme Djikpa, M. Zedda, Mme Vernimmen, conseillers référendaires, M. Brun, avocat général, et Mme Letourneur, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué ([Localité 5], 15 juin 2021), rendu sur renvoi après cassation (3e Civ., 23 septembre 2020, pourvoi n° 19-18.031) et les productions, les 27 et 29 novembre 2012, la communauté urbaine de [Localité 5] (la CUB) a, pour la construction de l'extension de la ligne C du tramway, acquis de la société Etablissements A. Gré et Cie (le vendeur) un terrain de 1997 m², composé des parcelles cadastrées AZ [Cadastre 2], AZ [Cadastre 3] et AZ [Cadastre 4], sur lequel se trouvaient d'anciennes constructions. 2. Ayant découvert dans le sol différents métaux et produits chimiques en quantités anormales, révélateurs d'une pollution d'origine industrielle et devant être traités en tant que déchets dangereux, elle a obtenu la désignation en référé d'un expert qui a déposé son rapport le 23 novembre 2013. 3. L'établissement public [Localité 5] métropole (l'acquéreur), venant aux droits de la CUB, a saisi le tribunal d'une action en indemnisation contre le vendeur, sur le fondement des articles L. 125-7 et L. 514-20 du code de l'environnement et des articles 1116, 1603 et 1641 du code civil. Examen des moyens Sur le troisième moyen, pris en sa deuxième branche, ci-après annexé 4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen Enoncé du moyen 5. L'acquéreur fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes en paiement fondées sur le dol du vendeur, alors : « 1°/ que le dol est caractérisé par des déclarations mensongères sans lesquelles l'autre partie n'aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions différentes ; qu'en écartant le dol, au cas d'espèce, quand il résultait de ses constatations que les déclarations de la société établissements A. Gré et cie dans la clause de pollution insérée au contrat de vente étaient mensongères, le vendeur n'ignorant ni l'exploitation passée ou la proximité d'une installation soumise à autorisation, ni l'exercice sur les lieux vendus ou les lieux voisins d'activités entrainant des dangers ou inconvénients pour la santé de l'environnement, ni, à compter de la destruction de la maison de gardien, le dépôt ou l'enfouissement de substances pouvant entraîner des dangers ou inconvénients pour la santé de l'environnement, la cour d'appel a violé l'article 1116, devenu l'article 1137 du code civil ; 2°/ que dès lors qu'étaient invoquées les déclarations mensongères du vendeur portant sur la pollution des terrains vendus et des terrains situés à proximité, et non une réticence dolosive, la circonstance que l'acquéreur aurait pu ou dû avoir connaissance de la pollution du terrain vendu était impropre à exclure le dol ; que dès lors, la cour d'appel a violé l'article 1116, devenu l'article 1137 du code civil ; 3°/ qu'en retenant, pour exclure le dol, que la société Etablissements A. Gré et cie n'avait pas connaissance de la pollution du terrain vendu au jour de la vente, quand il résultait de ses constatations que la destruction de la maison de gardien, antérieure à la conclusion de la vente, a révélé que des produits avaient été enfouis sur les terrains vendus et que la gérante de la société Etablissements A. Gré et cie a constaté cette pollution, la cour d'appel a violé l'article 1116, devenu l'article 1137 du code civil ; 4°/ qu'en se fondant sur les circonstances, impropres à exclure la connaissance par le vendeur de la pollution du site au jour de la vente, que celui-ci a consenti à la destruction de la maison de gardien et que, postérieurement à la vente, il a transmis à l'expert les photographies des opérations de destruction révélant la pollution, la cour d'appel a violé l'article 1116, devenu l'article 1137 du code civil ; 5°/ qu'en se fondant, pour écarter le dol, sur la circonstance impropre que l'établissement public [Localité 5] Métropole aurait eu connaissance, au jour de la vente, de ce qu'un site voisin était pollué, la cour d'appel a violé l'article 1116, devenu l'article 1137 du code civil ; 6°/ que, dans les attestations produites par la société Etablissements A. Gré et cie , les salariés de cette société ont témoigné de ce qu'en octobre 2012, du soufre a été découvert sur les terrains vendus et que les hommes travaillant sur le site portaient des masques ; qu'en retenant que les hommes portant des masques étaient les salariés des entreprises mandatées par l'établissement public [Localité 5] Métropole pour procéder à des travaux préparatoires de voiries et réseaux, la cour d'appel a dénaturé les attestations produites par la société en méconnaissance de l'interdiction faite aux juges de dénaturer les écrits produits par les parties ; 7°/ qu'en s'abstenant d'indiquer sur quels éléments elle se fondait pour dire qu'au mois d'octobre 2012, des entreprises mandatées par l'établissement public [Localité 5] Métropole pour procéder à des travaux préparatoires de voiries et réseaux ont constaté la pollution des sols et qu'elles l'en ont nécessairement informée, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 8°/ qu'en se fondant sur la circonstance, impropre à établir que l'établissement public [Localité 5] Métropole a effectivement eu connaissance de la pollution avant la vente, que des entreprises mandatées par elle ont constaté la pollution des sols en octobre 2012 et qu'elles l'auraient nécessairement informé, la cour d'appel a violé l'article 1116, devenu l'article 1137 du code civil. » Réponse de la Cour 6. Ayant, par motifs propres et adoptés, relevé que, dès le mois d'octobre 2012, l'acquéreur avait mené, parallèlement à la démolition, des travaux préparatoires des voies et réseaux divers et que les salariés des entreprises chargées de ceux-ci portaient des masques pour se protéger des émanations de soufre lors du creusement des tranchées qui faisaient apparaître une terre bleutée, la cour d'appel a retenu, sans dénaturation des attestations, par une appréciation souveraine des faits de la cause et des éléments de preuve produits, que l'acquéreur avait été informé de la nature et de l'ampleur de la pollution des sols avant la vente. 7. Ayant constaté que, malgré cette information, l'acquéreur avait confirmé son souhait de devenir propriétaire des parcelles par la signature, les 27 et 29 novembre 2012, de l'acte notarié sans réclamer une diminution du prix, elle en a exactement déduit, abstraction faite de motifs surabondants relatifs aux déclarations du vendeur, à sa connaissance de la pollution et à la connaissance, par l'acquéreur, de la pollution d'un site voisin, que le dol n'était pas établi. 8. Le moyen n'est donc pas fondé. Sur le troisième moyen, pris en ses première et troisième à sixième branches Enoncé du moyen 9. L'acquéreur fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes en paiement fondées sur la garantie des vices cachés, alors : « 1°/ que constitue un vice caché donnant lieu à garantie de la part du vendeur le défaut inhérent à la chose vendue rendant celle-ci impropre à l'usage auquel on la destine ; qu'en écartant toute garantie, sur la base de la connaissance que l'acquéreur aurait eu de la pollution du terrain vendu au jour de la vente, au motif impropre celui-ci aurait eu connaissance de la pollution d'un site voisin, la cour d'appel a violé l'article 1641 du code civil ; 3°/ que, dans les attestations produites par la société Etablissements A. Gré et cie, les salariés de cette société ont témoigné qu'en octobre 2012, du soufre a été découvert sur les terrains vendus et que les hommes travaillant sur le site portaient des masques ; qu'en retenant que les hommes portant des masques étaient les salariés des entreprises mandatées par l'établissement public [Localité 5] Métropole pour procéder à des travaux préparatoires de voiries et réseaux, la cour d'appel a dénaturé les attestations produites par la société Etablissements A. Gré et cie, en méconnaissance de l'interdiction faite aux juges de dénaturer les écrits produits par les parties ; 4°/ qu'en s'abstenant d'indiquer sur quels éléments elle se fondait pour dire qu'au mois d'octobre 2012, des entreprises mandatées par l'établissement public [Localité 5] Métropole pour procéder à des travaux préparatoires de voiries et réseaux ont constaté la pollution des sols et qu'ils en ont nécessairement informé leur mandant, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 5°/ qu'en se fondant sur la circonstance, impropre à exclure la volonté de la société Etablissements A. Gré et cie de dissimuler le vice caché, notamment dans la période postérieure à la destruction de la maison, que cette société n'aurait pas consenti à cette destruction si elle avait souhaité dissimuler la pollution, la cour d'appel a violé l'article 1641 du code civil ; 6°/ qu'en se fondant sur la circonstance, impropre à exclure la volonté de la société Etablissements A. Gré et cie de dissimuler le vice caché, notamment dans la période postérieure à la destruction de la maison, que cette société n'aurait pas consenti à cette destruction si elle avait souhaité dissimuler la pollution, la cour d'appel a violé l'article 1641 du code civil. » Réponse de la Cour 10. La cour d'appel, par motifs propres et adoptés, a relevé que, dès le mois d'octobre 2012, l'acquéreur avait mené, parallèlement à la démolition, des travaux préparatoires des voies et réseaux divers et que les salariés des entreprises chargées de ceux-ci portaient des masques pour se protéger des émanations de soufre lors du creusement des tranchées qui faisaient apparaître une terre bleutée. 11. Elle a retenu, sans dénaturer les attestations versées aux débats, par une appréciation souveraine des faits de la cause et des éléments de preuve produits, que l'acquéreur avait été informé, dès octobre 2012, par les entreprises qu'il avait chargées des travaux de voirie et réseaux divers, de la nature et de l'ampleur de la pollution des sols. 12. Elle a exactement déduit de ces seuls motifs que l'acquéreur n'était pas fondé à invoquer la garantie du vendeur au titre du vice de pollution qui lui était connu avant la vente. 13. Le moyen n'est donc pas fondé. Sur le quatrième moyen Enoncé du moyen 14. L'acquéreur fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes en paiement fondées sur le manquement à l'obligation de délivrance conforme, alors : « 1°/ que le vendeur est tenu de fournir à l'acquéreur une marchandise conforme à ce que la convention a spécifié ; qu'en se fondant, pour dire que l'établissement public [Localité 5] Métropole a eu connaissance de la pollution du terrain vendu avant la vente, sur la circonstance impropre qu'il aurait eu connaissance de ce qu'un site voisin était pollué, la cour d'appel a violé l'article 1604 du code civil ; 2°/ que, dans les attestations produites par la société Etablissements A. Gré et cie, les salariés de cette société ont témoigné qu'en octobre 2012, du soufre a été découvert sur les terrains vendus et que les hommes travaillant sur le site portaient des masques ; qu'en retenant que les hommes portant des masques étaient les salariés des entreprises mandatées par l'établissement public [Localité 5] Métropole pour procéder à des travaux préparatoires de voiries et réseaux, la cour d'appel a dénaturé les attestations produites par la société Etablissements A. Gré et cie, en méconnaissance de l'interdiction faite aux juges de dénaturer les écrits produits par les parties ; 3°/ qu'en s'abstenant d'indiquer sur quels éléments elle se fondait pour dire qu'au mois d'octobre 2012, des entreprises mandatées par l'établissement public [Localité 5] Métropole pour procéder à des travaux préparatoires de voiries et réseaux ont constaté la pollution des sols et qu'ils en ont nécessairement informé leur mandant, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 4°/ qu'en se fondant sur la circonstance, impropre à établir que l'établissement public [Localité 5] Métropole a effectivement eu connaissance de la pollution avant la vente, que des entreprises mandatées par elle ont constaté la pollution des sols et qu'elles l'auraient nécessairement informée, la cour d'appel a violé l'article 1604 du code civil. » Réponse de la Cour 15. La cour d'appel, par motifs propres et adoptés, a relevé que, dès le mois d'octobre 2012, l'acquéreur avait mené, parallèlement à la démolition, des travaux préparatoires des voies et réseaux divers et que les salariés des entreprises qu'il avait chargées de ces travaux portaient des masques pour se protéger des émanations de soufre lors du creusement des tranchées qui faisaient apparaître une terre bleutée. 16. Elle a retenu, sans dénaturer les attestations versées aux débats, par une appréciation souveraine des faits de la cause et des éléments de preuve produits, que l'acquéreur avait été informé, dès octobre 2012, par les entreprises qu'il avait chargées des travaux de voirie et réseaux divers, de la nature et de l'ampleur de la pollution des sols. 17. Elle a exactement déduit de ces seuls motifs que la signature par l'acquéreur, sans réserves, du contrat de vente intervenue les 27 et 29 novembre 2012, en connaissance de l'origine industrielle de la pollution et de sa localisation, lui interdisait de se prévaloir du défaut de conformité invoqué. 18. Le moyen n'est donc pas fondé. Mais sur le deuxième moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 19. L'acquéreur fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes fondées sur l'article L. 514-20 du code de l'environnement, alors « que, lorsqu'une installation classées soumise à autorisation ou enregistrement a été exploitée sur tout ou partie d'un terrain, le vendeur de ce terrain est tenu d'en informer par écrit l'acheteur ; que tout terrain issu de la division d'une installation ou inclus fonctionnellement dans son périmètre entre dans le domaine de l'article L.514-20 du code de l'environnement , si même il n'a pas été directement le siège de l'activité ayant donné lieu à l'exigence d'autorisation ; qu'en retenant, pour écarter l'obligation d'information de la société Etablissements A Gré et cie, qu'il n'est pas démontré qu'une activité classée a été exercée sur les parcelles cédées, la cour d'appel a violé l'article L. 514-20 du code de l'environnement. » Réponse de la Cour Vu l'article L. 514-20 du code de l'environnement, dans sa rédaction applicable en la cause : 20. Aux termes du premier alinéa de ce texte, lorsqu'une installation soumise à autorisation a été exploitée sur un terrain, le vendeur de ce terrain est tenu d'en informer par écrit l'acheteur ; il l'informe également, pour autant qu'il les connaisse, des dangers ou inconvénients importants qui résultent de l'exploitation. 21. Aux termes du troisième alinéa, à défaut, l'acheteur a le choix de poursuivre la résolution de la vente ou de se faire restituer une partie du prix ; il peut aussi demander la remise en état du site aux frais du vendeur, lorsque le coût de cette remise en état ne paraît pas disproportionné par rapport au prix de vente. 22. Pour écarter l'application de l'article L. 514-20 précité, la cour d'appel retient qu'il n'est pas démontré qu'une activité classée ait été exercée sur les parcelles cédées à l'acquéreur qui abritent depuis 1926 une maison à usage de logement. 23. En statuant ainsi, alors qu'elle avait relevé que la parcelle constituait l'entrée de l'usine exploitée de 1893 à 1961 pour une activité de traitement des déchets d'usines à gaz de manière à en extraire le soufre noir et que l'habitation était une maison de gardien, ce dont il résultait que le terrain vendu était inclus dans le périmètre de l'installation classée soumise à autorisation, la cour d'appel a violé le texte susvisé. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette les demandes de l'établissement public [Localité 5] métropole fondées sur l'article L. 514-20 du code de l'environnement, l'arrêt rendu le 15 juin 2021, entre les parties, par la cour d'appel de [Localité 5] ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de [Localité 5], autrement composée ; Condamne les établissements A. Gré et Cie aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un septembre deux mille vingt-deux, signé par Mme Teiller, président et par Mme Besse, greffier de chambre, qui a assisté au prononcé de l'arrêt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour l'établissement [Localité 5] Métropole, établissement public PREMIER MOYEN DE CASSATION L'arrêt attaqué, critiqué par l'établissement public [Localité 5] METROPOLE, encourt la censure ; EN CE QU'il a rejeté les demandes en paiement formées par l'établissement public [Localité 5] METROPOLE, venant aux droits de la COMMUNAUTE URBAINE de [Localité 5], à l'encontre de la société ETABLISSEMENTS A. GRE & CIE ; ALORS QUE, PREMIEREMENT, le dol est caractérisé par des déclarations mensongères sans lesquelles l'autre partie n'aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions différentes ; qu'en écartant le dol, au cas d'espèce, quand il résultait de ses constatations que les déclarations de la société ETABLISSEMENTS A. GRE & CIE dans la clause de pollution insérée au contrat de vente étaient mensongères, le vendeur n'ignorant ni l'exploitation passée ou la proximité d'une installation soumise à autorisation, ni l'exercice sur les lieux vendus ou les lieux voisins d'activités entrainant des dangers ou inconvénients pour la santé de l'environnement, ni, à compter de la destruction de la maison de gardien, le dépôt ou l'enfouissement de substances pouvant entraîner des dangers ou inconvénients pour la santé de l'environnement, la Cour d'appel a violé l'article 1116, devenu l'article 1137 du Code civil ; ALORS QUE, DEUXIEMEMENT, dès lors qu'étaient invoquées les déclarations mensongères du vendeur portant sur la pollution des terrains vendus et des terrains situés à proximité, et non une réticence dolosive, la circonstance que l'acquéreur aurait pu ou dû avoir connaissance de la pollution du terrain vendu était impropre à exclure le dol ; que dès lors, la Cour d'appel a violé l'article 1116, devenu l'article 1137 du Code civil ; ALORS QUE, TROISIEMEMENT, en retenant, pour exclure le dol, que la société ETABLISSEMENTS A. GRE & CIE n'avait pas connaissance de la pollution du terrain vendu au jour de la vente, quand il résultait de ses constatations que la destruction de la maison de gardien, antérieure à la conclusion de la vente, a révélé que des produits avaient été enfouis sur les terrains vendus et que la gérante de la société ETABLISSEMENTS A. GRE & CIE a constaté cette pollution, la Cour d'appel a violé l'article 1116, devenu l'article 1137 du Code civil ; ALORS QUE, QUATRIEMEMENT, en se fondant sur les circonstances, impropres à exclure la connaissance par le vendeur de la pollution du site au jour de la vente, que celui-ci a consenti à la destruction de la maison de gardien et que, postérieurement à la vente, il a transmis à l'expert les photographies des opérations de destruction révélant la pollution, la Cour d'appel a violé l'article 1116, devenu l'article 1137 du Code civil ; ALORS QUE, CINQUIEMEMENT, en se fondant, pour écarter le dol, sur la circonstance impropre que l'établissement public [Localité 5] METROPOLE aurait eu connaissance, au jour de la vente, de ce qu'un site voisin était pollué, la Cour d'appel a violé l'article 1116, devenu l'article 1137 du Code civil ; ALORS QUE, SIXIEMEMENT, dans les attestations produites, pièce 17, par la société ETABLISSEMENTS A. GRE & CIE, les salariés de cette société ont témoigné de ce qu'en octobre 2012, du soufre a été découvert sur les terrains vendus et que les hommes travaillant sur le site portaient des masques ; qu'en retenant que les hommes portant des masques étaient les salariés des entreprises mandatées par l'établissement public [Localité 5] METROPOLE pour procéder à des travaux préparatoires de voiries et réseaux, la Cour d'appel a dénaturé les attestations produites par la société ETABLISSEMENTS A. GRE & CIE, pièce n° 17 en méconnaissance de l'interdiction faite aux juges de dénaturer les écrits produits par les parties ; ALORS QUE, SEPTIEMEMENT, en s'abstenant d'indiquer sur quels éléments elle se fondait pour dire qu'au mois d'octobre 2012, des entreprises mandatées par l'établissement public [Localité 5] METROPOLE pour procéder à des travaux préparatoires de voiries et réseaux ont constaté la pollution des sols et qu'elles l'en ont nécessairement informée, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ; ET ALORS QUE, HUITIEMEMENT, en se fondant sur la circonstance, impropre à établir que l'établissement public [Localité 5] METROPOLE a effectivement eu connaissance de la pollution avant la vente, que des entreprises mandatées par elle ont constaté la pollution des sols en octobre 2012 et qu'elles l'auraient nécessairement informé, la Cour d'appel a violé l'article 1116, devenu l'article 1137 du Code civil. DEUXIEME MOYEN DE CASSATION L'arrêt attaqué, critiqué par l'établissement public [Localité 5] METROPOLE, encourt la censure ; EN CE QU'il a rejeté les demandes en paiement formées par l'établissement public [Localité 5] METROPOLE, venant aux droits de la COMMUNAUTE URBAINE de [Localité 5], à l'encontre de la société ETABLISSEMENTS A. GRE & CIE ; ALORS QUE, PREMIEREMENT, lorsqu'une installation soumise à autorisation ou à enregistrement a été exploitée sur tout ou partie un terrain, le vendeur de ce terrain est tenu d'en informer par écrit l'acheteur ; que tout terrain issu de la division d'une installation ou inclu fonctionnellement dans son périmètre entre dans le domaine de l'article L. 514-20 du Code de l'environnement, si même il n'a pas été directement le siège de l'activité ayant donné lieu à l'exigence d'autorisation ; qu'en retenant, pour écarter l'obligation d'information de la société ETABLISSEMENTS A. GRE & CIE, qu'il n'est pas démontré qu'une activité classée ait été exercée sur les parcelles cédées, la Cour d'appel a violé l'article L. 514-20 du Code de l'environnement ; ALORS QUE, DEUXIEMEMENT, et en tout cas, en écartant l'obligation d'information de la société ETABLISSEMENTS A. GRE & CIE quand il résulte de ses constatations que l'une des parcelles vendues faisait partie de l'usine classée pour en constituer l'entrée – accès et maison de gardien –, la Cour d'appel a violé l'article L. 514-20 du Code de l'environnement ; ALORS QUE, TROISIEMEMENT, et à tout le moins, en s'abstenant de rechercher si, eu égard à sa proximité de l'usine et à son usage, la parcelle en constituant la voie d'accès et sur laquelle se situait la maison de gardien n'entrait pas dans le périmètre de l'obligation d'autorisation, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 514-20 et L. 514-32 du Code de l'environnement. TROISIEME MOYEN DE CASSATION L'arrêt attaqué, critiqué par l'établissement public [Localité 5] METROPOLE, encourt la censure ; EN CE QU'il a rejeté les demandes en paiement formées par l'établissement public [Localité 5] METROPOLE, venant aux droits de la COMMUNAUTE URBAINE de [Localité 5], à l'encontre de la société ETABLISSEMENTS A. GRE & CIE ; ALORS QUE, PREMIEREMENT, constitue un vice caché donnant lieu à garantie de la part du vendeur le défaut inhérent à la chose vendue rendant celle-ci impropre à l'usage auquel on la destine ; qu'en écartant toute garantie, sur la base de la connaissance que l'acquéreur aurait eu de la pollution du terrain vendu au jour de la vente, au motif impropre celui-ci aurait eu connaissance de la pollution d'un site voisin, la Cour d'appel a violé l'article 1641 du Code civil ; ALORS QUE, DEUXIEMEMENT, en retenant, pour dire que l'acquéreur aurait eu connaissance de la pollution du terrain vendu, que la démolition de la maison de gardien a été effectuée par les entreprises chargées par lui des travaux de voirie et réseaux, quand il résulte de ses constatations que la démolition a été effectuée par la société ETABLISSEMENTS A. GRE & CIE, la Cour d'appel, qui s'est contredite, a violé l'article 455 du Code de procédure civile ; ALORS QUE, TROISIEMEMENT, dans les attestations produites, pièce 17, par la société ETABLISSEMENTS A. GRE & CIE, les salariés de cette société ont témoigné qu'en octobre 2012, du soufre a été découvert sur les terrains vendus et que les hommes travaillant sur le site portaient des masques ; qu'en retenant que les hommes portant des masques étaient les salariés des entreprises mandatées par l'établissement public [Localité 5] METROPOLE pour procéder à des travaux préparatoires de voiries et réseaux, la Cour d'appel a dénaturé les attestations produites par la société ETABLISSEMENTS A. GRE & CIE, pièce n° 17 en méconnaissance de l'interdiction faite aux juges de dénaturer les écrits produits par les parties ; ALORS QUE, QUATRIEMEMENT, en s'abstenant d'indiquer sur quels éléments elle se fondait pour dire qu'au mois d'octobre 2012, des entreprises mandatées par l'établissement public [Localité 5] METROPOLE pour procéder à des travaux préparatoires de voiries et réseaux ont constaté la pollution des sols et qu'ils en ont nécessairement informé leur mandant, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ; ALORS QUE, CINQUIEMEMENT, en se fondant sur la circonstance, impropre à établir que l'établissement public [Localité 5] METROPOLE a effectivement eu connaissance de la pollution avant la vente, que des entreprises mandatées par elle ont constaté la pollution des sols en octobre 2012 et qu'elles l'auraient nécessairement informée, la Cour d'appel a violé l'article 1641 du Code civil ; ET ALORS QUE, SIXIEMEMENT, qu'en se fondant sur la circonstance, impropre à exclure la volonté de la société ETABLISSEMENTS A. GRE & CIE de dissimuler le vice caché, notamment dans la période postérieure à la destruction de la maison, que cette société n'aurait pas consenti à cette destruction si elle avait souhaité dissimuler la pollution, la Cour d'appel a violé l'article 1641 du Code civil. QUATRIEME MOYEN DE CASSATION L'arrêt attaqué, critiqué par l'établissement public [Localité 5] METROPOLE, encourt la censure ; EN CE QU'il a rejeté les demandes en paiement formées par l'établissement public [Localité 5] METROPOLE, venant aux droits de la COMMUNAUTE URBAINE DE [Localité 5], à l'encontre de la société ETABLISSEMENTS A. GRE & CIE ; ALORS QUE, PREMIEREMENT, le vendeur est tenu de fournir à l'acquéreur une marchandise conforme à ce que la convention a spécifié ; qu'en se fondant, dire que l'établissement public [Localité 5] METROPOLE a eu connaissance de la pollution du terrain vendu avant la vente, sur la circonstance impropre qu'il aurait eu connaissance de ce qu'un site voisin était pollué, la Cour d'appel a violé l'article 1604 du Code civil ; ALORS QUE, DEUXIEMEMENT, dans les attestations produites, pièce 17, par la société ETABLISSEMENTS A. GRE & CIE, les salariés de cette société ont témoigné qu'en octobre 2012, du soufre a été découvert sur les terrains vendus et que les hommes travaillant sur le site portaient des masques ; qu'en retenant que les hommes portant des masques étaient les salariés des entreprises mandatées par l'établissement public [Localité 5] METROPOLE pour procéder à des travaux préparatoires de voiries et réseaux, la Cour d'appel a dénaturé les attestations produites par la société ETABLISSEMENTS A. GRE & CIE, pièce n° 17 en méconnaissance de l'interdiction faite aux juges de dénaturer les écrits produits par les parties ; ALORS QUE, TROISIEMEMENT, en s'abstenant d'indiquer sur quels éléments elle se fondait pour dire qu'au mois d'octobre 2012, des entreprises mandatées par l'établissement public [Localité 5] METROPOLE pour procéder à des travaux préparatoires de voiries et réseaux ont constaté la pollution des sols et qu'ils en ont nécessairement informé leur mandant, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ; ET ALORS QUE, QUATRIEMEMENT, en se fondant sur la circonstance, impropre à établir que l'établissement public [Localité 5] METROPOLE a effectivement eu connaissance de la pollution avant la vente, que des entreprises mandatées par elle ont constaté la pollution des sols et qu'elles l'auraient nécessairement informée, la Cour d'appel a violé l'article 1604 du Code civil. 3e Civ., 22 novembre 2018, pourvoi n° 17-26.209, Bull., (rejet).
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : Demande d'avis n°C 22-70.010 Juridiction : la cour d'appel de Paris Avis du 11 octobre 2022 n° 15012 B R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ COUR DE CASSATION _________________________ Deuxième chambre civile Vu les articles L. 441-1 et suivants du code de l'organisation judiciaire et 1031-1 et suivants du code de procédure civile : Énoncé de la demande d'avis 1. La Cour de cassation a reçu le 13 juillet 2022, une demande d'avis formée le 6 juillet 2022 par un conseiller de la mise en état de la cour d'appel de Paris dans une instance opposant MM. [W] et [L] [V] et Mme [Y] [V] à M. [C] et à Mme [T] [V]. 2. La demande est ainsi formulée : «- Première question : En matière de procédure ordinaire avec représentation obligatoire, selon les termes de l'article 907 du code de procédure civile, à moins qu'il ne soit fait application de l'article 905 du code de procédure civile, l'affaire est instruite sous le contrôle d'un magistrat de la chambre à laquelle elle est distribuée, dans les conditions prévues par les articles 780 à 807 et sous réserve des dispositions qui suivent. En application du 6° de l'article 789, lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu'à son dessaisissement, seul compétent, à l'exclusion de toute autre formation du tribunal pour statuer sur les fins de non-recevoir. Par ailleurs, l'article 564 du code de procédure civile dispose qu'à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger des questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance d'un fait. Selon l'article 914 du code de procédure civile « les parties soumettent au conseiller de la mise en état, qui est seul compétent depuis sa désignation et jusqu'à la clôture de l'instruction, leurs conclusions, spécialement adressées à ce magistrat, tendant à : - prononcer la caducité de l'appel ; - déclarer l'appel irrecevable et trancher à cette occasion toute question ayant trait à la recevabilité de l'appel ; les moyens tendant à l'irrecevabilité doivent être invoqués simultanément à peine d'irrecevabilité de ceux qui ne l'auraient pas été ; - déclarer les conclusions irrecevables en application des articles 909 et 910 ; - déclarer les actes de procédure irrecevables en application de l'article 930-1. Les parties ne sont plus recevables à invoquer devant la cour d'appel la caducité ou l'irrecevabilité après la clôture de l'instruction, à moins que leur cause ne survienne ou ne soit révélée postérieurement. Néanmoins, sans préjudice du dernier alinéa du présent article, la cour d'appel peut, d'office, relever la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de l'appel ou de la caducité de celui-ci. Les ordonnances du conseiller de la mise en état statuant sur la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de l'appel, sur la caducité de celui-ci ou sur l'irrecevabilité des conclusions et des actes de procédure en application des articles 909, 910 et 930-1 ont autorité de la chose jugée au principal (?).» Le 6° de l'article 789, auquel renvoie l'article 907, confère-t-il compétence ou pouvoir juridictionnel au conseiller de la mise en état pour statuer sur la recevabilité des demandes nouvelles en appel au sens de l'article 564 du code de procédure civile qui est inclus dans la section II sur les effets de l'appel du chapitre 1er sur l'appel alors que les termes de l'article 914 du code de procédure civile n'ont pas été modifiés par le décret n°2019-1333 du 20 décembre 2019 et que la compétence du conseiller de la mise en état est d'interprétation stricte ? Seconde question : L'article 910-4 du code de procédure civile dispose qu'«à peine d'irrecevabilité, relevée d'office, les parties doivent présenter, dès leurs premières conclusions mentionnées aux articles 905-2, 908, à 910, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond. L'irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formées des prétentions ultérieures. Néanmoins, et sans préjudice de l'alinéa 2 de l'article 802, demeurent recevables, dans les limites des chefs du jugement critiqués, les prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.» Le 6° de l'article 789 auquel renvoie l'article 907 confère-t-il compétence ou pouvoir juridictionnel au conseiller de la mise en état pour statuer sur la demande dont il est saisi par l'une des parties sur le fondement de l'article 910-4 du code de procédure civile tendant à voir déclarer irrecevables les prétentions sur le fond présentées par une autre partie postérieurement à ses conclusions remises en application des articles 908, 909 ou 910 du code de procédure civile alors que les termes de l'article 914 du code de procédure civile n'ont pas été modifiés par le décret n°2019-1333 du 20 décembre 2019 et que la compétence du conseiller de la mise en état est d'interprétation stricte ? » La deuxième chambre civile de la Cour de cassation a rendu le présent avis sur le rapport de Mme Jollec, conseiller référendaire, et les conclusions de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, entendue en ses observations orales ; Examen de la demande d'avis 3. L'article 789, 6° du code de procédure civile, modifié par le décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019, dispose que « Lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu'à son dessaisissement, seul compétent, à l'exclusion de toute autre formation du tribunal, pour statuer sur les fins de non-recevoir.» 4. Par renvoi de l'article 907 du code de procédure civile, ce texte est applicable devant le conseiller de la mise en état, sans que l'article 914 du même code n'en restreigne l'étendue. 5. En premier lieu, ainsi qu'il l'a été rappelé dans l'avis rendu par la deuxième Chambre civile le 3 juin 2021 (n° 21-70.006), publié, le conseiller de la mise en état est un magistrat de la cour d'appel chargé de l'instruction de l'appel. Conformément à l'article L. 311-1 du code de l'organisation judiciaire, la cour d'appel est, quant à elle, compétente pour connaître des décisions rendues en premier ressort et statuer souverainement sur le fond des affaires. 6. Il en résulte que la cour d'appel est compétente pour statuer sur des fins de non-recevoir relevant de l'appel, celles touchant à la procédure d'appel étant de la compétence du conseiller de la mise en état. Or, l'examen des fins de non-recevoir édictées aux articles 564 et 910-4 du code de procédure civile, relatives pour la première à l'interdiction de soumettre des prétentions nouvelles en appel et pour la seconde à l'obligation de présenter dès les premières conclusions l'ensemble des prétentions sur le fond relatives aux conclusions, relève de l'appel et non de la procédure d'appel. 7. En second lieu, l'examen de ces fins de non-recevoir implique que les parties n'aient plus la possibilité de déposer de nouvelles conclusions après l'examen par le juge de ces fins de non-recevoir. Il importe, en effet, dans le souci d'une bonne administration de la justice, d'éviter que de nouvelles fins de non-recevoir soient invoquées au fur à mesure du dépôt de nouvelles conclusions et de permettre au juge d'apprécier si ces fins de non-recevoir n'ont pas été régularisées. Or, en matière de procédure ordinaire avec représentation obligatoire, conformément à l'article 783 du code de procédure civile, auquel renvoie l'article 907 du même code pour la procédure d'appel, les parties peuvent déposer des conclusions jusqu'à l'ordonnance de clôture, toutes conclusions déposées postérieurement étant irrecevables. 8. Dès lors, seule la cour d'appel est compétente pour connaître des fins de non-recevoir tirées des articles 564 et 910-4 du code de procédure civile. EN CONSÉQUENCE, la Cour est d'avis que : En ce qui concerne les première et seconde questions réunies : 1/ Par renvoi de l'article 907 du code de procédure civile, l'article 789, 6° du code de procédure civile est applicable devant le conseiller de la mise en état, sans que l'article 914 du même code n'en restreigne l'étendue. 2/ Les fins de non-recevoir tirées des articles 564 et 910-4 du code de procédure civile relèvent de la compétence de la cour d'appel. Par application de l'article 1031-6 du code de procédure civile, le présent avis sera publié au Journal officiel de la République française. Fait à Paris et mis à disposition au greffe de la Cour le 11 octobre 2022, après examen de la demande d'avis lors de la séance du 4 octobre 2022 où étaient présents, conformément à l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire : M. Pireyre, président, Mme Jollec, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, Mmes Kermina, Durin-Karsenty, M. Delbano, Mme Vendryes, conseillers, Mme Bohnert, M. Cardini, Mmes Latreille, Bonnet, conseillers référendaires, Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, Mme Thomas, greffier de chambre ; Le présent avis est signé par le conseiller rapporteur, le président et le greffier de chambre. Le conseiller rapporteurLe président Le greffier de chambre
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LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 12 octobre 2022 Cassation partielle sans renvoi Mme TEILLER, président Arrêt n° 719 FS-B Pourvoi n° D 21-12.507 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 12 OCTOBRE 2022 La société Sapo, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° D 21-12.507 contre l'arrêt rendu le 20 novembre 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 6), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. [X] [E], 2°/ à Mme [G] [J], domiciliés tous deux [Adresse 1], défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Zedda, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Sapo, de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [E] et de Mme [J], et l'avis de Mme Vassallo, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 6 septembre 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Zedda, conseiller référendaire rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, Mmes Farrenq-Nési, Greff-Bohnert, MM. Jacques, Bech, Boyer, Mmes Abgrall, Grall, conseillers, Mmes Djikpa, Brun, Vernimmen, Davoine, conseillers référendaires, et Mme Besse, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 20 novembre 2020), M. [E] et Mme [J] ont confié à la société Sapo la construction d'une maison individuelle avec fourniture du plan. 2. La réception est intervenue le 6 septembre 2013 et les maîtres de l'ouvrage ont notifié au constructeur une liste de réserves par lettre du 13 septembre 2013. 3. M. [E] et Mme [J] ont assigné le constructeur et le garant de livraison aux fins, notamment, de levée de certaines réserves et de remboursement de travaux non ou mal chiffrés par le constructeur. Examen des moyens Sur le premier moyen et sur le troisième moyen, pris en sa seconde branche, ci-après annexés 4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le deuxième moyen Enoncé du moyen 5. La société Sapo fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à M. [E] et Mme [J] la somme de 21 847 euros au titre des travaux non ou mal chiffrés par la notice descriptive, alors : « 1°/ que la sanction du défaut de prévision et de chiffrage, dans la notice descriptive d'un contrat de maison individuelle, des travaux indispensables à l'implantation et à l'utilisation de la construction, que le maître d'ouvrage s'est réservés, consiste dans l'annulation du contrat et non dans la réintégration du montant de ces travaux dans le prix ; qu'en jugeant le contraire, pour mettre le coût des peintures intérieures de la maison à la charge de la société Sapo, la cour d'appel a violé l'article L. 231-2 du code de la construction et de l'habitation ; 2°/ que les travaux de peintures intérieures ne sont pas indispensables à l'utilisation d'une maison individuelle ; qu'en jugeant le contraire, pour mettre le coût des peintures intérieures de la maison à la charge de la société Sapo, la cour d'appel a violé l'article L. 231-2 du code de la construction et de l'habitation ; 3°/ que seuls les éléments présents dans la notice descriptive d'un contrat de construction de maison individuelle entrent dans le champ des travaux contractuels ; qu'en jugeant que le coût des clôtures, du portail et des places de stationnement devait être réintégré dans le prix de la construction de la maison, par cela seulement que ces éléments figuraient sur les plans et peu important que ces éléments aient été mentionnés comme devant rester à la charge des maîtres d'ouvrage, la cour d'appel a violé les articles 1134 ancien du code civil et L. 231-2 du code de la construction et de l'habitation ; 4°/ que la sanction du défaut de prévision et de chiffrage, dans la notice descriptive d'un contrat de maison individuelle, des travaux que le maître d'ouvrage s'est réservés, consiste dans l'annulation du contrat et non dans la réintégration du montant de ces travaux dans le prix ; qu'en jugeant le contraire pour mettre le coût des places de stationnement et de la clôture de la maison à la charge de la société Sapo, la cour d'appel a violé l'article L. 231-2 du code de la construction et de l'habitation. » Réponse de la Cour 6. Il résulte de l'article L. 231-2 du code de la construction et de l'habitation et de la notice descriptive type prévue par l'article R. 231-4 du même code, agréée par arrêté du 27 novembre 1991, que tous les travaux prévus par le contrat de construction doivent être chiffrés, même si le maître de l'ouvrage s'en réserve l'exécution et même s'ils ne sont pas indispensables à l'implantation de la maison ou à son utilisation. 7. En effet, le maître de l'ouvrage doit être exactement informé du coût total de la construction projetée, pour lui éviter de s'engager dans une opération qu'il ne pourra mener à son terme. 8. Il en résulte que le maître de l'ouvrage peut demander, à titre de réparation, que le coût des travaux prévus au contrat non chiffrés et le coût supplémentaire de ceux chiffrés de manière non réaliste soient mis à la charge du constructeur. 9. Les travaux de peinture intérieure figurent sur la liste de la notice descriptive type et ne peuvent donc être omis du chiffrage. La cour d'appel a retenu, à bon droit, qu'en l'absence de chiffrage, ils étaient à la charge du constructeur. 10. Par motifs propres et adoptés, elle a souverainement retenu que les clôtures, le portail et les places de stationnement figurant sur le plan faisaient partie du projet contractuel. Elle en a exactement déduit que le constructeur devait en indiquer le coût, même si le maître de l'ouvrage s'en réservait l'exécution et même s'ils n'étaient pas indispensables à l'implantation de la maison ou à son utilisation, de sorte qu'en l'absence de chiffrage, leur coût était à la charge du constructeur. 11. Le moyen n'est donc pas fondé. Mais sur le troisième moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 12. La société Sapo fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à M. [E] et Mme [J] la somme de 12 000,97 euros, alors « que les maîtres d'ouvrage qui ont attesté avoir été avisés de la révision du prix par une mention manuscrite suivie de leurs signatures, ne peuvent arguer d'un défaut d'information ; qu'en jugeant le contraire, pour condamner la société Sapo à verser à M. [E] et à Mme [J] la somme de 12 000,97 euros au titre de la révision du prix et de l'assurance dommage ouvrages, la cour d'appel a violé l'article L. 231-11 du code de la construction et de l'habitation. » Réponse de la Cour Vu l'article L. 231-11 du code de la construction et de l'habitation : 13. Selon ce texte, les modalités de la révision du prix qu'il prévoit doivent être portées, préalablement à la signature du contrat, à la connaissance du maître de l'ouvrage par la personne qui se charge de la construction. Elles doivent être reproduites dans le contrat, cet acte devant en outre porter, paraphée par le maître de l'ouvrage, une clause par laquelle celui-ci reconnaît en avoir été informé dans les conditions prévues ci-dessus. 14. Pour condamner le constructeur à rembourser les sommes perçues au titre de la révision du prix, l'arrêt relève que les modalités prévues à l'article L. 231-11 du code de la construction et de l'habitation ont été reproduites à l'article 3-2 a) et b) des conditions générales du contrat, que les maîtres de l'ouvrage ont, dans les conditions particulières, coché la case correspondant au choix de la modalité 3-2 a) et qu'ils ont signé la mention manuscrite suivante « Je reconnais avoir pris connaissance des modalités de révision du prix ». 15. Il retient que cette mention ne suffit pas à démontrer l'existence d'une information préalable de la part du constructeur au sujet des modalités possibles, permettant un choix éclairé par les maîtres de l'ouvrage. 16. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le texte susvisé. Portée et conséquences de la cassation 17. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile. 18. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond. 19. Les maîtres de l'ouvrage ayant été informés des différentes modalités possibles de révision du prix préalablement à la signature du contrat dans les conditions prévues à l'article L. 231-11 du code de la construction et de l'habitation, la demande formée au titre de la révision du prix est mal fondée et sera rejetée. 20. Après cassation de la condamnation au paiement de la somme de 12 000,97 euros incluant la somme de 1 611,57 euros au titre de la révision du prix, le constructeur sera condamné à payer la somme de 10 389,40 euros correspondant à l'autre chef de préjudice, non contesté. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Sapo à payer à M. [E] et Mme [J] la somme de 12 000,97 euros, l'arrêt rendu le 20 novembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; Rejette la demande de paiement de la somme de 1 611,57 euros formée par M. [E] et Mme [J] au titre de la révision du prix ; Condamne la société Sapo à payer à M. [E] et Mme [J] la somme de 10 389,40 euros au titre de l'assurance dommages-ouvrage ; Dit n'y avoir lieu de modifier les indemnités de procédure allouées par les juges du fond et les dépens exposés devant eux ; Condamne M. [E] et Mme [J] aux dépens exposés devant la Cour de cassation ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées devant la Cour de cassation ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze octobre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société Sapo PREMIER MOYEN DE CASSATION La société Sapo fait grief à l'arrêt partiellement infirmatif attaqué DE L'AVOIR condamnée à réaliser les travaux de reprise des réserves n° 13, 15 (ensemble du pignon est), 22 et 29, D'AVOIR dit que les travaux de reprise de ces désordres, ainsi que de la réserve n° 18, devront être réalisés sous astreinte, au profit des maîtres d'ouvrage (les consorts [E]-[J]) et D'AVOIR confirmé le jugement, concernant la levée de la réserve n° 18 ; 1°) ALORS QUE si le maître d'ouvrage est en droit, dans le cadre d'un contrat de construction de maison individuelle, de dénoncer des vices apparents dans le délai de huit jours depuis la réception, il lui incombe d'en faire la preuve ; qu'en énonçant qu'il incombait à la société Sapo et non aux maîtres d'ouvrage, de faire la preuve de ce que la réserve n° 13 (microfissure) était imputable au locateur d'ouvrage et non à l'engin de chantier que les consorts [E]-[J] avaient fait intervenir pour réaliser les travaux de terrassement qu'ils s'étaient réservé, la cour d'appel a violé les articles L. 231-8, L. 231-10 du code de la construction et de l'habitation, 1315 et 1147 anciens du code civil ; 2°) ALORS QUE si le maître d'ouvrage est en droit, dans le cadre d'un contrat de construction de maison individuelle, de dénoncer des vices apparents dans le délai de huit jours depuis la réception, il lui incombe d'en faire la preuve ; qu'en jugeant que la réalité de la réserve n° 22 (intérieur séjour – boîtier volet roulant baie à galandage – présence de rayures, joint endommagé) était établie par la production d'un constat d'huissier réalisé deux ans après la réception de la maison et le courrier du 13 septembre 2013, la cour d'appel a violé les articles L. 231-8, L. 231-10 du code de la construction et de l'habitation, 1315 et 1147 anciens du code civil ; 3°) ALORS QUE si le maître d'ouvrage est en droit, dans le cadre d'un contrat de construction de maison individuelle, de dénoncer des vices apparents dans le délai de huit jours depuis la réception, il lui incombe d'en faire la preuve ; qu'en ayant jugé que la réalité de la réserve n° 29 (étage couloir – éclairage – positionnement des éclairages non centrés sur la largeur) était établie par la production d'un constat d'huissier réalisé deux ans après la réception de la maison et le courrier du 13 septembre 2013, la cour d'appel a violé les articles L. 231-8, L. 231-10 du code de la construction et de l'habitation, 1315 et 1147 anciens du code civil. DEUXIEME MOYEN DE CASSATION La société Sapo fait grief à l'arrêt partiellement confirmatif attaqué DE L'AVOIR condamnée à payer à M. [E] et à Mme [J] la somme de 21 847 € au titre des travaux non ou mal chiffrés par la notice descriptive ; 1°) ALORS QUE la sanction du défaut de prévision et de chiffrage, dans la notice descriptive d'un contrat de maison individuelle, des travaux indispensables à l'implantation et à l'utilisation de la construction, que le maître d'ouvrage s'est réservés, consiste dans l'annulation du contrat et non dans la réintégration du montant de ces travaux dans le prix ; qu'en jugeant le contraire, pour mettre le coût des peintures intérieures de la maison à la charge de la société Sapo, la cour d'appel a violé l'article L. 231-2 du code de la construction et de l'habitation ; 2°) ALORS QUE les travaux de peintures intérieures ne sont pas indispensables à l'utilisation d'une maison individuelle ; qu'en jugeant le contraire, pour mettre le coût des peintures intérieures de la maison à la charge de la société Sapo, la cour d'appel a violé l'article L. 231-2 du code de la construction et de l'habitation ; 3°) ALORS QUE seuls les éléments présents dans la notice descriptive d'un contrat de construction de maison individuelle entrent dans le champ des travaux contractuels ; qu'en jugeant que le coût des clôtures, du portail et des places de stationnement devait être réintégré dans le prix de la construction de la maison, par cela seulement que ces éléments figuraient sur les plans et peu important que ces éléments aient été mentionnés comme devant rester à la charge des maîtres d'ouvrage, la cour d'appel a violé les articles 1134 ancien du code civil et L. 231-2 du code de la construction et de l'habitation ; 4°) ALORS QUE la sanction du défaut de prévision et de chiffrage, dans la notice descriptive d'un contrat de maison individuelle, des travaux que le maître d'ouvrage s'est réservés, consiste dans l'annulation du contrat et non dans la réintégration du montant de ces travaux dans le prix ; qu'en jugeant le contraire pour mettre le coût des places de stationnement et de la clôture de la maison à la charge de la société Sapo, la cour d'appel a violé l'article L. 231-2 du code de la construction et de l'habitation. TROISIEME MOYEN DE CASSATION La société Sapo fait grief à l'arrêt partiellement confirmatif attaqué DE L'AVOIR condamnée à payer à M. [E] et à Mme [J] la somme de 12 000,97 € ; 1°) ALORS QUE les maîtres d'ouvrage qui ont attesté avoir été avisés de la révision du prix par une mention manuscrite suivie de leurs signatures, ne peuvent arguer d'un défaut d'information ; qu'en jugeant le contraire, pour condamner la société Sapo à verser à M. [E] et à Mme [J] la somme de 12 000,97 € au titre de la révision du prix et de l'assurance dommage ouvrages, la cour d'appel a violé l'article L. 231-11 du code de la construction et de l'habitation ; 2°) ALORS QUE les maîtres d'ouvrage qui ont attesté avoir été avisés de la révision du prix par une mention manuscrite suivie de leurs signatures, ne peuvent prétendre à un défaut d'information, surtout s'ils ont signé des avenants prenant en compte les modifications de travaux qu'ils avaient demandé ; qu'en jugeant le contraire, pour condamner la société Sapo à verser à M. [E] et à Mme [J] la somme de 12 000,97 € au titre de la révision du prix et de l'assurance dommage ouvrages, la cour d'appel a violé l'article L. 231-11 du code de la construction et de l'habitation. N1 > 3e Civ., 13 novembre 2014, pourvoi n° 13-18.937, Bull. 2014, III, n° 147 (cassation) ; 3e Civ., 27 juin 2019, pourvoi n° 17-25.949, Bull., (cassation partielle) ; 3e Civ., 10 novembre 2021, pourvoi n° 20-19.323, Bull., (rejet), et l'arrêt cité.
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LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 12 octobre 2022 Cassation partielle Mme TEILLER, président Arrêt n° 720 FS-B Pourvoi n° S 20-22.911 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 12 OCTOBRE 2022 La société Le 101, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° S 20-22.911 contre l'arrêt rendu le 11 septembre 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 1), dans le litige l'opposant : 1°/ à la société Pierre Olivier Prudhon-[K] [M], société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 2], 2°/ à M. [W] [F], domicilié [Adresse 1], défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Greff-Bohnert, conseiller, les observations de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de la société Le 101, de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Pierre Olivier Prudhon-[K] [M], et l'avis de Mme Vassallo, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 6 septembre 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Greff-Bohnert, conseiller rapporteur, M. Maunand conseiller doyen, Mme Farrenq-Nési, MM. Jacques, Bech, Boyer, Mmes Abgrall, Grall conseillers, Mme Djikpa, M. Zedda, Mmes Brun, Davoine, conseillers référendaires, Mme Vassallo, premier avocat général, et Mme Besse, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Désistement partiel 1. Il est donné acte à la société civile immobilière Le 101 du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre M. [F]. Faits et procédure 2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 11 septembre 2020), par acte authentique reçu le 5 février 2014 par M. [M], notaire associé de la société civile professionnelle Pierre Olivier Prudhon-[K] [M] (la SCP), la société civile immobilière Le 101 (le vendeur) a vendu à M. [F] (l'acquéreur) plusieurs lots d'un bien immobilier. 3. Le 20 mai 2015, un procès-verbal d'infractions au code de l'urbanisme et au plan local d'urbanisme relatif au changement de destination du bien a été dressé à l'encontre de l'acquéreur et de la SCP. 4. L'acquéreur a assigné le vendeur et la SCP en annulation de la vente et en indemnisation. Examen du moyen Enoncé du moyen 5. Le vendeur fait grief à l'arrêt, après avoir prononcé la nullité de la vente, de rejeter sa demande de condamnation de la SCP à le garantir de toutes les condamnations sur les demandes formées à son encontre, alors « que les restitutions des impenses par le vendeur après l'annulation de la vente sont susceptibles d'être qualifiées de préjudices indemnisables dès lors qu'est prise en compte la valeur du bien au jour du prononcé de la nullité ; que le notaire est tenu de s'assurer de la validité et de l'efficacité des actes reçus par lui ; qu'il est également tenu à un devoir de conseil ; que le notaire qui a causé par sa faute l'annulation de la vente doit indemniser le vendeur des impenses que ce dernier doit rembourser à l'acquéreur ; que le préjudice est évalué en prenant en compte la valeur du bien au jour du prononcé de la nullité afin que le vendeur ne s'enrichisse pas sans cause ; qu'en jugeant pour débouter la société civile immobilière Le 101 de sa demande de garantie à l'encontre de la société civile professionnelle Pierre Olivier Prudhon-[K] [M], la cour d'appel, qui a jugé qu'elle « ne peut demander la garantie des notaires pour ces condamnations qui ne correspondent non à un préjudice indemnisable, mais des restitutions » a violé l'article 1382, devenu 1240 du code civil. » Réponse de la Cour Sur le moyen en ce qu'il vise les travaux de mise en conformité 6. La cour d'appel a relevé que les travaux réalisés par l'acquéreur au titre de la mise en conformité de l'électricité, de la réfection de la toiture, des parquets, des plafonds et de la peinture des murs étaient des dépenses nécessaires et utiles donnant lieu à restitution du vendeur. 7. Ces travaux devant s'analyser en des dépenses de conservation du bien, elle en a exactement déduit que cette restitution ne pouvait donner lieu à garantie du notaire, cette condamnation ne correspondant pas à un préjudice indemnisable. 8. Le moyen n'est donc pas fondé. Mais sur le moyen en ce qu'il vise les charges de copropriété, le coût de l'assurance et les taxes foncières Vu l'article 1382, devenu 1240, du code civil : 9. Aux termes de ce texte, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. 10. La cour d'appel a retenu que les condamnations prononcées au titre des charges de copropriété, du coût de l'assurance et des taxes foncières ne constituaient pas des préjudices indemnisables. 11. En statuant ainsi, alors que les condamnations prononcées au titre du remboursement des charges de copropriété, du coût de l'assurance et des taxes foncières acquittés par l'acquéreur, ne constituaient pas des restitutions consécutives à l'annulation du contrat de vente, mais présentaient un caractère indemnitaire, la cour d'appel a violé le texte susvisé. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande en garantie formée par la société civile immobilière Le 101 à l'encontre de la société civile professionnelle Pierre Olivier Prudhon-[K] [M] concernant les charges de copropriété, le coût de l'assurance et les taxes foncières acquittés par l'acquéreur, l'arrêt rendu le 11 septembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ; Condamne la société civile professionnelle Pierre Olivier Prudhon-[K] [M] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société civile professionnelle Pierre Olivier Prudhon-[K] [M] et la condamne à payer à la société civile immobilière Le 101 la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze octobre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour la société Le 101 LA SCI LE 101 FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué de l'avoir déboutée de sa demande que soit condamnée la SCP Olivier Prudhon - [K] [M] notaires associés à garantir de toutes éventuelles condamnations sur les demandes formées à son encontre tant à titre principal qu'en intérêts, frais et dépens ; ALORS QUE les restitutions des impenses par le vendeur après l'annulation de la vente sont susceptibles d'être qualifiées de préjudices indemnisables dès lors qu'est prise en compte la valeur du bien au jour du prononcé de la nullité ; que le notaire est tenu de s'assurer de la validité et de l'efficacité des actes reçus par lui ; qu'il est également tenu à un devoir de conseil ; que le notaire qui a causé par sa faute l'annulation de la vente doit indemniser le vendeur des impenses que ce dernier doit rembourser à l'acquéreur ; que le préjudice est évalué en prenant en compte la valeur du bien au jour du prononcé de la nullité afin que le vendeur ne s'enrichisse pas sans cause ; qu'en jugeant, pour débouter la SCI Le 101 de sa demande de garantie à l'encontre de la SCP Pierre-Olivier Prudhon - [K] [M] - la Cour d'appel qui a jugé qu'elle " ne peut demander la garantie des notaires pour ces condamnations qui ne correspondent non à un préjudice indemnisable, mais à des restitutions " (p. 4 de l'arrêt) a violé l'article 1382, devenu 1240, du code civil.
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LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 12 octobre 2022 Mme TEILLER, président Arrêt n° 716 FS-B Pourvoi n° 21-17.040 Aide juridictionnelle totale en défense au profit de M. [H]. Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 28 octobre 2021. R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 12 OCTOBRE 2022 La société Enedis, société anonyme à directoire, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° 21-17.040 contre l'arrêt rendu le 4 mars 2021 par la cour d'appel de Versailles (14e chambre civile), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. [C] [H], 2°/ à Mme [L] [V], domiciliés tous deux [Adresse 4], défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Brun, conseiller référendaire, les observations de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de la société Enedis, de Me [W], avocat de M. [H], et l'avis de Mme Vassallo, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 6 septembre 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Brun, conseiller référendaire rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, Mmes Farrenq-Nési, Greff-Bohnert, MM. Jacques, Bech, Boyer, Mme Grall, conseillers, Mme Djikpa, M. Zedda, Mmes Vernimmen, Davoine, conseillers référendaires, et Mme Besse, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 4 mars 2021), rendu en référé, en 2013, M. [H] et Mme [V] ont acquis deux parcelles, sur lesquelles sont édifiés deux logements à usage d'habitation. 2. Au cours du premier semestre 2016, la société Enedis a procédé, sur injonction du maire de la commune, à la suppression du branchement au réseau électrique de ces parcelles, branchement rétabli le 4 août 2016 après une instance en référé initiée par M. [H] et Mme [V]. 3. Le 27 octobre 2016, la société Enedis a supprimé une seconde fois le branchement à la suite d'une nouvelle injonction du maire. 4. Le 9 novembre 2016, le juge des référés du tribunal administratif a suspendu l'injonction du maire et enjoint à la commune de prendre auprès d'Enedis les mesures destinées au raccordement des logements sous astreinte. 5. Le 25 octobre 2018, le tribunal administratif a annulé l'injonction du maire. 6. Se plaignant du refus d'Enedis de procéder au rétablissement du branchement au réseau électrique de leurs parcelles, M. [H] et Mme [V] ont assigné en référé la société Enedis aux fins d'obtenir principalement la remise en état sous astreinte de ce raccordement. Examen du moyen Sur le moyen, pris en ses quatrième et sixième branches, ci-après annexé 7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le moyen, pris en ses première, deuxième, troisième et cinquième branches Enoncé du moyen 8. La société Enedis fait grief à l'arrêt de lui ordonner de raccorder à ses frais au réseau d'électricité les parcelles appartenant à M. [H] et Mme [V] sous astreinte, alors : « 1°/ qu'il n'existe aucune disposition particulière faisant obligation au gestionnaire du réseau public de distribution de l'électricité de raccorder tout logement à l'électricité ; qu'en retenant que la société Enedis était tenue de garantir à Mme [V] et M. [H] un logement bénéficiant d'un branchement électrique, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article L. 121-1 du code de l'énergie ; 2°/ que les conventions n'ont d'effet qu'entre les parties contractantes ; qu'en déduisant de l'acte notarié d'acquisition, qui prévoit que l'immeuble est à usage d'habitation, que la société Enedis était tenue de garantir à Mme [V] et à M. [H] un logement bénéficiant d'un branchement électrique, cependant que cette société n'était pas partie à cet acte, la cour d'appel a violé l'article 1165 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ; 3°/ que les constructions, qui n'ont pas été précédées d'un permis de construire, ne peuvent, nonobstant toutes clauses contractuelles contraires, être raccordés définitivement aux réseaux d'électricité, d'eau, de gaz ou de téléphone, quelle que soit la date à laquelle elles ont été édifiées ; que la cour d'appel relève que l'absence de permis de construire des logements litigieux est un fait constant qui ressort de l'acte de notoriété d'acquisition ; qu'en ordonnant néanmoins à la société Enedis le raccordement au réseau d'électricité des parcelles litigieuses au motif inopérant que cette dernière ne démontre pas que « le classement en zone naturelle de [ces] parcelles ou la législation dont elle se prévaut résultant notamment de l'article L. 111-12 du code de l'urbanisme pré-existent à la construction des logements en 1960 », la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de l'irrégularité qu'elle a constatée, a violé les articles L. 111-12 et L. 421-1 du code de l'urbanisme ; 5°/ que la charge de la preuve de l'existence d'un trouble manifestement illicite pèse sur celui qui s'en prévaut ; qu'en reprochant à la société Enedis de ne pas avoir démontré que « le classement en zone naturelle des parcelles litigieuses ou la législation dont elle se préva[lait] résultant notamment de l'article L. 111-12 du code de l'urbanisme pré-exist[aient] à la construction des logements en 1960 », la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et a violé l'article 1353 du code civil, ensemble l'article 835 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 9. En application de l'article L. 111-12 du code l'urbanisme, le refus de raccorder un immeuble, mesure de police de l'urbanisme destinée à assurer le respect des règles d'utilisation du sol, ne peut résulter que d'une décision de l'autorité administrative compétente (3e Civ., 15 juin 2017, pourvoi n° 16-16.838, Bull. 2017, III, n° 74). 10. La cour d'appel a, par motif adopté, retenu que la société Enedis avait procédé, le 27 octobre 2016, à la suppression du raccordement au réseau électrique des parcelles appartenant à M. [H] et Mme [V] en exécution de l'injonction du maire de la commune par décision du 23 septembre 2016, laquelle avait été annulée par la juridiction administrative, de sorte que la suppression n'avait plus de fondement juridique. 11. Elle a pu déduire, de ces seuls motifs, que le refus de procéder au raccordement au réseau opposé par la société Enedis et la privation d'électricité qui en résultait constituaient un trouble manifestement illicite. 12. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société Enedis aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Enedis et la condamne à payer à Me [W] la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze octobre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat aux Conseils, pour la société Enedis La société Enedis fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué de lui avoir ordonné de raccorder à ses frais au réseau d'électricité les parcelles cadastrées Section C numéros [Cadastre 2] et [Cadastre 3] situées [Adresse 4] appartenant à monsieur [C] [H] et madame [L] [V] dans un délai de huit jours suivant signification de la présente ordonnance, sous astreinte de 250 euros par jour de retard passé ce délai et ce, pendant 90 jours ; Alors, de première part, qu'il n'existe aucune disposition particulière faisant obligation au gestionnaire du réseau public de distribution de l'électricité de raccorder tout logement à l'électricité ; qu'en retenant que la société Enedis était tenue de garantir à madame [V] et monsieur [H] un logement bénéficiant d'un branchement électrique, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article L.121-1 du code de l'énergie ; Alors, de deuxième part, que les conventions n'ont d'effet qu'entre les parties contractantes ; qu'en déduisant de l'acte notarié d'acquisition, qui prévoit que l'immeuble est à usage d'habitation, que la société Enedis était tenue de garantir à madame [V] et à monsieur [H] un logement bénéficiant d'un branchement électrique, cependant que cette société n'était pas partie à cet acte, la cour d'appel a violé l'article 1165 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ; Alors, de troisième part, que les constructions, qui n'ont pas été précédées d'un permis de construire, ne peuvent, nonobstant toutes clauses contractuelles contraires, être raccordés définitivement aux réseaux d'électricité, d'eau, de gaz ou de téléphone, quelle que soit la date à laquelle elles ont été édifiées ; que la cour d'appel relève que l'absence de permis de construire des logements litigieux est un fait constant qui ressort de l'acte de notoriété d'acquisition ; qu'en ordonnant néanmoins à la société Enedis le raccordement au réseau d'électricité des parcelles litigieuses au motif inopérant que cette dernière ne démontre pas que « le classement en zone naturelle de [ces] parcelles ou la législation dont elle se prévaut résultant notamment de l'article L.111-12 du code de l'urbanisme pré-existent à la construction des logements en 1960 », la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de l'irrégularité qu'elle a constatée, a violé les articles L.111-12 et L.421-1 du code de l'urbanisme ; Alors, de quatrième part, qu'en se bornant à retenir que la société Enedis ne démontre pas que « le classement en zone naturelle des parcelles litigieuses ou la législation dont elle se prévaut résultant notamment de l'article L.111-12 du code de l'urbanisme pré-existent à la construction des logements en 1960 », pour en déduire que son refus n'était pas prévisible et que la méconnaissance de ces règles ne peouvait justifier une dérogation au principe selon lequel l'électricité est considérée comme un produit de première nécessité, cependant qu'il résulte de ses propres constatations que madame [V] et monsieur [H] ont acquis cette construction, le 13 juin 2013, en connaissance de ce qu'elle avait été édifiée sans permis de construire, sans rechercher s'il ne s'en déduisait pas qu'ils avaient nécessairement connaissance, au jour de la cession, de l'obstacle que pouvait constituer les dispositions de l'article L.111-6 du code de l'urbanisme, devenu L.111-12, qui sont entrées en vigueur le 1er juillet 1977, au raccordement à l'électricité des parcelles acquises, la cour d'appel, qui a statué par un motif inopérant, a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard des articles L.111-12 et L.421-1 du code de l'urbanisme, et L.121-1 du code de l'énergie ; Alors, de cinquième part, que la charge de la preuve de l'existence d'un trouble manifestement illicite pèse sur celui qui s'en prévaut ; qu'en reprochant à la société Enedis de ne pas avoir démontré que « le classement en zone naturelle des parcelles litigieuses ou la législation dont elle se préva[lait] résultant notamment de l'article L.111-12 du code de l'urbanisme pré-exist[aient] à la construction des logements en 1960 », la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et a violé l'article 1353 du code civil, ensemble l'article 835 du code de procédure civile ; Alors, de sixième part, que la société Enedis faisait valoir, dans ses conclusions, que madame [V] et monsieur [H] ne disposaient plus, à la date de leur demande, d'un contrat de fourniture avec la société EDF, condition préalable au raccordement au réseau d'électricité (conclusions de la société Enedis, p. 17 à 19) ; qu'en ne répondant pas à ce chef pertinent des conclusions de la société Enedis, la cour d'appel a par là-même, quel qu'en ait été le mérite, entaché son arrêt d'un défaut de réponse à conclusions et l'a privé de motifs en violation de l'article 455 du code de procédure civile ; 3e Civ., 15 juin 2017, pourvoi n° 16-16.838, Bull. 2017, III, n° 74 (cassation).
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 13 octobre 2022 Cassation partielle M. PIREYRE, président Arrêt n° 1064 F-B Pourvoi n° P 21-13.252 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 13 OCTOBRE 2022 La société [2], société en nom collectif, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° P 21-13.252 contre l'arrêt rendu le 12 janvier 2021 par la cour d'appel d'Amiens (2e protection sociale), dans le litige l'opposant à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) de Picardie, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Labaune, conseiller référendaire, les observations de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la société [2], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'URSSAF de Picardie, et l'avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l'audience publique du 6 septembre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Labaune, conseiller référendaire rapporteur, Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, et Mme Catherine, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 12 janvier 2021), à la suite d'un contrôle portant sur les années 2011 à 2013, l'URSSAF de Picardie (l'URSSAF) a, selon lettre d'observations du 11 juillet 2014, puis mise en demeure du 24 décembre 2014, notifié à la société [2] (la société) un redressement portant notamment sur la réintégration dans l'assiette des cotisations des indemnités de dépaysement et d'expatriation versées à deux salariés exerçant leur activité professionnelle respectivement en Chine et en Thaïlande. 2. La société a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale. Examen du moyen Sur le moyen, pris en ses trois premières branches Enoncé du moyen 3. La société fait grief à l'arrêt de rejeter son recours, alors : « 1°/ que le principe de territorialité de la législation française de sécurité sociale s'oppose à l'affiliation obligatoire au régime français de sécurité sociale des ressortissants français travaillant sur le territoire d'Etats avec lesquels la France n'est pas liée par des conventions et règlements internationaux et à l'assujettissement audit régime des rémunérations qui leur sont versées, leur soumission à la législation française de sécurité sociale en application de la seule loi française relevant d'une simple faculté et étant subordonnée à la condition que l'employeur s'engage à verser audit régime l'intégralité des cotisations dues ; qu'ayant constaté qu'il résultait des contrats d'expatriation du 26 février 2010 et du 27 octobre 2010 que les salariés concernés avaient été mutés temporairement pour une durée de trois à quatre ans par la société chez [2] (Chine) et [2] pour y exercer une activité salariée et que les contrats prévoyaient leur affiliation, par les soins de la société, à la Caisse des Français de l'étranger et la prise en charge par cette société de l'intégralité des cotisations dues à cette caisse, la cour d'appel qui, pour valider la réintégration dans l'assiette des cotisations du régime général des indemnités de dépaysement et d'expatriation versées aux salariés concernés, a dit ces deux salariés soumis à la législation française de sécurité sociale en application de l'article L. 761-2 du code de la sécurité sociale peu important leur affiliation à la Caisse des Français de l'étranger, n'a pas déduit de ses constatations les conséquences légales qui s'en évinçaient et a violé les articles L. 111-1, L. 111-2-2, L. 761-1, L. 761-2, L. 762-1 et L. 762-3 du code de la sécurité sociale, les deux premiers textes dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2015-1702 du 21 décembre 2015 applicable au litige et les deux derniers dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2018-1214 du 24 décembre 2018 applicable au litige ; 2°/ qu'aux termes des articles L. 762-1 et L. 762-3 du code de la sécurité sociale, le travailleur salarié français qui réside à l'étranger et qui n'est pas soumis à la législation française de sécurité sociale en application d'une convention internationale ou en application de l'engagement unilatéral de l'employeur de l'article L. 761-2 du code de la sécurité sociale, a la faculté de s'assurer volontairement contre les risques maladie, maternité, invalidité, accidents du travail et maladies professionnelles et vieillesse, les entreprises pouvant, pour le compte des travailleurs salariés qu'elles emploient à l'étranger, effectuer les formalités nécessaires à leur adhésion au régime d'assurance volontaire et prendre en charge tout ou partie des cotisations dues par leurs salariés ; qu'ayant constaté qu'il résultait des contrats d'expatriation du 26 février 2010 et du 27 octobre 2010 que les salariés concernés avaient été mutés temporairement pour une durée de trois à quatre ans par la société chez [2] (Chine) et [2] pour y exercer une activité salariée et que les contrats prévoyaient leur affiliation, par les soins de la société, à la Caisse des Français de l'étranger et la prise en charge par cette société de l'intégralité des cotisations dues, la cour d'appel qui, pour valider la réintégration dans l'assiette des cotisations du régime général des indemnités de dépaysement et d'expatriation versées aux salariés concernés, a dit ces deux salariés soumis à la législation française de sécurité sociale en application de l'article L. 761-2 du code de la sécurité sociale peu important leur affiliation à la Caisse des Français de l'étranger, a violé les articles L. 111-1, L. 111-2-2, L. 761-1, L. 761-2, L. 762-1, L. 762-2 et L. 762-3 du code de la sécurité sociale, les deux premiers textes dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2015-1702 du 21 décembre 2015 applicable au litige et le dernier dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2018-1214 du 24 décembre 2018 applicable au litige ; 3°/ que selon l'article L. 5422-13 du code du travail, tout employeur doit assurer contre le risque de privation d'emploi tout salarié, y compris les travailleurs salariés détachés à l'étranger ainsi que les travailleurs salariés français expatriés ; qu'ayant constaté qu'il résultait des contrats d'expatriation du 26 février 2010 et du 27 octobre 2010 que les salariés concernés avaient été mutés temporairement pour une durée de trois à quatre ans par la société chez [2] (Chine) et [2] pour y exercer une activité salariée et que les contrats prévoyaient leur affiliation, par les soins de la société, à la Caisse des Français de l'étranger et la prise en charge par cette société de l'intégralité des cotisations dues, la cour d'appel, pour dire ces deux salariés soumis à la législation française de sécurité sociale en application de l'article L. 761-2 du code de la sécurité sociale peu important leur affiliation à la Caisse des Français de l'étranger, a énoncé que les bulletins de salaire des intéressés indiquaient que l'employeur cotisait pour l'assurance chômage étant rappelé qu'en application de l'article L. 5422-13 du code du travail les travailleurs détachés dans les conditions fixées à l'article L. 762-1 du code de la sécurité sociale sont affiliés obligatoirement au régime français d'assurance chômage dès lors qu'ils travaillent pour un employeur établi en France ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles L. 111-1, L. 111-2-2, L. 761-1, L. 761-2, L. 762-1 et L. 762-2 du code de la sécurité sociale, les deux premiers textes dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2015-1702 du 21 décembre 2015 applicable au litige et le dernier dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2018-1214 du 24 décembre 2018 applicable au litige, ainsi que l'article L. 5422-13 du code du travail. » Réponse de la Cour Vu les articles L. 761-1, L. 761-2, R. 761-2 du code de la sécurité sociale, L. 762-1 et L. 762-3 du même code, ces derniers dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2018-1214 du 24 décembre 2018, applicable au litige, et l'article L. 5422-13 du code du travail ; 4. Il résulte des trois premiers de ces textes que, s'ils ne sont pas ou ne sont plus soumis à la législation française de sécurité sociale en vertu de conventions ou de règlements internationaux, les travailleurs détachés temporairement à l'étranger par leur employeur pour y exercer une activité salariée ou assimilée, rémunérée par cet employeur, sont soumis à la législation française de sécurité sociale à la condition que l'employeur s'engage à s'acquitter de l'intégralité des cotisations dues auprès de la caisse d'affiliation du salarié. 5. Il résulte des quatrième et cinquième que les travailleurs salariés ou assimilés de nationalité française qui exercent leur activité dans un pays étranger et qui ne sont pas ou ne sont plus soumis à la législation française de sécurité sociale en vertu d'une convention internationale ou de l'article L. 761-2 ont la faculté de s'assurer volontairement contre les risques de maladie et d'invalidité et les charges de la maternité, les risques d'accidents du travail et de maladie professionnelle, et d'adhérer à l'assurance volontaire contre le risque vieillesse prévue à l'article L. 742-1. Les entreprises de droit français peuvent, pour le compte des travailleurs salariés français qu'elles emploient à l'étranger, effectuer les formalités nécessaires à l'adhésion de ces personnes à ces assurances volontaires, et prendre en charge, en tout ou en partie, pour le compte du travailleur, les cotisations y afférentes. 6. Selon le dernier, l'obligation d'affiliation au régime d'assurance chômage s'applique à tout salarié, y compris les salariés détachés à l'étranger ainsi que les travailleurs français expatriés. 7. Pour dire que les salariés exerçant leur activité professionnelle à l'étranger sont soumis à la législation française de sécurité sociale en vertu de l'article L. 761-2 du code de la sécurité sociale, et confirmer le chef du redressement portant sur la réintégration dans l'assiette des cotisations dues par la société des primes de mobilité perçues par ces salariés, l'arrêt énonce que la société ne démontre pas que les contrats de travail la liant à ces derniers ont été suspendus, ni que les intéressés aient conclu un nouveau contrat de travail avec leur employeur à l'étranger, alors que les deux contrats d'expatriation signés par la société avec ses salariés comprennent déjà tous les éléments constitutifs d'un contrat de travail. Il ajoute que les bulletins de paie de la période d'expatriation confirment que la société est l'employeur des salariés, qu'elle cotise pour les assurances chômage et que l'adresse de ceux-ci est celle de leur résidence en France. Il constate que les salariés restent affiliés aux régimes de retraite et de prévoyance en France, qu'ils sont tous deux affiliés par les soins de l'employeur à la Caisse des Français de l'étranger, et que les cotisations afférentes à ces différents régimes sont à la charge de l'employeur. Il en déduit que les deux salariés ont été détachés au sens de l'article L. 761-2 du code de la sécurité sociale, peu important l'adhésion à la Caisse des Français de l'étranger dès lors que celle-ci est assimilée à une caisse du régime général de la sécurité sociale par l'arrêté du 9 mai 1988. 8. En statuant ainsi, par des motifs inopérants, alors qu'elle constatait que l'employeur ne s'était pas engagé à s'acquitter auprès de la caisse d'affiliation des salariés de l'intégralité des cotisations dues, ce dont il résultait que ces derniers n'étaient pas soumis à la législation française de sécurité sociale, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il confirme le chef de redressement n° 2 relatif aux indemnités de dépaysement ou d'expatriation et condamne en conséquence la société [2] à payer à l'URSSAF de Picardie la somme de 56 796 euros, augmentée des majorations de retard, l'arrêt rendu le 12 janvier 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ; Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens, autrement composée. Condamne l'URSSAF de Picardie aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'URSSAF de Picardie et la condamne à payer à la société [2] la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize octobre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SARL Le Prado - Gilbert, avocat aux Conseils, pour la société [2] La société [2] reproche à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR confirmé le chef de redressement n°2 relatif aux indemnités de dépaysement et d'expatriation et de l'AVOIR condamnée en conséquence à verser à l'URSSAF de Picardie la somme de 56 796 euros augmentée des majorations de retard 1°) ALORS QUE le principe de territorialité de la législation française de sécurité sociale s'oppose à l'affiliation obligatoire au régime français de sécurité sociale des ressortissants français travaillant sur le territoire d'Etats avec lesquels la France n'est pas liée par des conventions et règlements internationaux et à l'assujettissement audit régime des rémunérations qui leur sont versées, leur soumission à la législation française de sécurité sociale en application de la seule loi française relevant d'une simple faculté et étant subordonnée à la condition que l'employeur s'engage à verser audit régime l'intégralité des cotisations dues ; qu'ayant constaté qu'il résultait des contrats d'expatriation du 26 février 2010 et du 27 octobre 2010 que MM. [E] et [W] avaient été mutés temporairement pour une durée de trois à quatre ans par la société [2] chez [2] (Chine) et [2] pour y exercer une activité salariée et que les contrats prévoyaient leur affiliation, par les soins de la société [2], à la Caisse des français de l'étranger et la prise en charge par cette société de l'intégralité des cotisations dues à cette caisse, la cour d'appel qui, pour valider la réintégration dans l'assiette des cotisations du régime général des indemnités de dépaysement et d'expatriation versées à MM. [E] et [W], a dit ces deux salariés soumis à la législation française de sécurité sociale en application de l'article L. 761-2 du code de la sécurité sociale peu important leur affiliation à la Caisse des français de l'étranger, n'a pas déduit de ses constatations les conséquences légales qui s'en évinçaient et a violé les articles L. 111-1, L. 111-2-2, L. 761-1, L. 761-2, L. 762-1 et L. 762-3 du code de la sécurité sociale, les deux premiers textes dans leur rédaction antérieure à la loi n°2015-1702 du 21 décembre 2015 applicable au litige et les deux derniers dans leur rédaction antérieure à la loi n°2018-1214 du 24 décembre 2018 applicable au litige ; 2°) ALORS QU'aux termes des articles L. 762-1 et L. 762-3 du code de la sécurité sociale, le travailleur salarié français qui réside à l'étranger et qui n'est pas soumis à la législation française de sécurité sociale en application d'une convention internationale ou en application de l'engagement unilatéral de l'employeur de l'article L. 761-2 du code de la sécurité sociale, a la faculté de s'assurer volontairement contre les risques maladie, maternité, invalidité, accidents du travail et maladies professionnelles et vieillesse, les entreprises pouvant, pour le compte des travailleurs salariés qu'elles emploient à l'étranger, effectuer les formalités nécessaires à leur adhésion au régime d'assurance volontaire et prendre en charge tout ou partie des cotisations dues par leurs salariés ; qu'ayant constaté qu'il résultait des contrats d'expatriation du 26 février 2010 et du 27 octobre 2010 que MM. [E] et [W] avaient été mutés temporairement pour une durée de trois à quatre ans par la société [2] chez [2] (Chine) et [2] pour y exercer une activité salariée et que les contrats prévoyaient leur affiliation, par les soins de la société [2], à la Caisse des français de l'étranger et la prise en charge par cette société de l'intégralité des cotisations dues, la cour d'appel qui, pour valider la réintégration dans l'assiette des cotisations du régime général des indemnités de dépaysement et d'expatriation versées à MM. [E] et [W], a dit ces deux salariés soumis à la législation française de sécurité sociale en application de l'article L. 761-2 du code de la sécurité sociale peu important leur affiliation à la Caisse des français de l'étranger, a violé les articles L. 111-1, L. 111-2-2, L. 761-1, L. 761-2, L. 762-1, L. 762-2 et L. 762-3 du code de la sécurité sociale, les deux premiers textes dans leur rédaction antérieure à la loi n°2015-1702 du 21 décembre 2015 applicable au litige et le dernier dans sa rédaction antérieure à la loi n°2018-1214 du 24 décembre 2018 applicable au litige ; 3°) ALORS QUE selon l'article L. 5422-13 du code du travail, tout employeur doit assurer contre le risque de privation d'emploi tout salarié, y compris les travailleurs salariés détachés à l'étranger ainsi que les travailleurs salariés français expatriés ; qu'ayant constaté qu'il résultait des contrats d'expatriation du 26 février 2010 et du 27 octobre 2010 que MM. [E] et [W] avaient été mutés temporairement pour une durée de trois à quatre ans par la société [2] chez [2] (Chine) et [2] pour y exercer une activité salariée et que les contrats prévoyaient leur affiliation, par les soins de la société [2], à la Caisse des français de l'étranger et la prise en charge par cette société de l'intégralité des cotisations dues, la cour d'appel, pour dire ces deux salariés soumis à la législation française de sécurité sociale en application de l'article L. 761-2 du code de la sécurité sociale peu important leur affiliation à la Caisse des français de l'étranger, a énoncé que les bulletins de salaire des intéressés indiquaient que l'employeur cotisait pour l'assurance chômage étant rappelé qu'en application de l'article L. 5422-13 du code du travail les travailleurs détachés dans les conditions fixées à l'article L. 762-1 du code de la sécurité sociale sont affiliés obligatoirement au régime français d'assurance chômage dès lors qu'ils travaillent pour un employeur établi en France ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles L. 111-1, L. 111-2-2, L. 761-1, L. 761-2, L. 762-1 et L. 762-2 du code de la sécurité sociale, les deux premiers textes dans leur rédaction antérieure à la loi n°2015-1702 du 21 décembre 2015 applicable au litige et le dernier dans sa rédaction antérieure à la loi n°2018-1214 du 24 décembre 2018 applicable au litige, ainsi que l'article L. 54422-13 du code du travail ; 4°) ALORS SUBSIDIAIREMENT QUE tout jugement doit être motivé à peine de nullité, le défaut de réponse à conclusions constituant un défaut de motif ; qu'en condamnant la société [2] à payer à l'URSSAF de Picardie la somme de 56 796 euros sans répondre aux conclusions d'appel de la société qui, invoquant le règlement qu'elle avait effectué du montant de la mise en demeure, à titre conservatoire, sollicitait la confirmation du jugement entrepris en ce que le tribunal des affaires de sécurité sociale avait condamné l'URSSAF de Picardie à lui rembourser la somme de 56 796 euros en conséquence de l'annulation du chef de redressement litigieux, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 6 octobre 2022 Cassation partielle M. PIREYRE, président Arrêt n° 1035 F-B Pourvoi n° B 20-19.723 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 6 OCTOBRE 2022 1°/ M. [K] [H], domicilié [Adresse 2], 2°/ la société SK avocat, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], ont formé le pourvoi n° B 20-19.723 contre l'ordonnance n° RG 19/00935 rendue le 7 juillet 2020 par le premier président de la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1, 11 OP), dans le litige les opposant à M. [W] [G], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Pradel, conseiller référendaire, les observations de la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de M. [H] et de la société SK avocat, de Me Descorps-Declère, avocat de M. [G], et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 30 août 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Pradel, conseiller référendaire rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen,et M. Carrasco, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Aix-en-Provence, 7 juillet 2020), M. [G] a chargé M. [H] (l'avocat) de la défense de ses intérêts dans un litige l'opposant à son ex-compagne au sujet, notamment, des droits de garde, de visite et d'hébergement sur leur fille mineure. 2. Le 9 juillet 2018, l'avocat a émis une facture d'honoraires que M. [G] a contestée devant le bâtonnier de l'ordre des avocats. Examen du moyen Sur le moyen, pris en ses première, deuxième et troisième branches, ci-après annexé 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le moyen, pris en sa quatrième branche Enoncé du moyen 4. M. [H] fait grief à l'ordonnance de fixer les honoraires qui lui sont dus par M. [G], en ce qu'il représente en tant que de besoin la société SK Avocat, à la somme de 3 000 euros TTC et de dire qu'il devra, ès qualités, rembourser à M. [G] un trop-perçu de 800 euros TTC, alors « que le juge ne peut fonder sa décision sur des faits qui ne sont pas dans le débat ; qu'en retenant un taux horaire moyen de 200 euros HT pratiqué par les avocats dans le ressort de la cour d'appel d'Aix-en-Provence pour fixer les honoraires dus par monsieur [G] à son avocat, quand ce fait n'était pas dans le débat, le premier président a violé l'article 7 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Vu l'article 7 du code de procédure civile : 5. Selon ce texte, le juge ne peut fonder sa décision sur des faits qui ne sont pas dans le débat. 6. Pour fixer les honoraires dûs à M. [H], l'ordonnance retient qu'à défaut pour ce dernier d'avoir notifié un taux de rémunération horaire à son client, il sera fait application du taux horaire moyen de 200 euros HT pratiqué par les avocats dans le ressort de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, l'affaire confiée par M. [G] ne présentant aucune difficulté particulière. 7. En statuant ainsi, alors qu'il énonçait que les parties avaient repris oralement à l'audience les termes de leurs écritures et qu'il ne résultait ni de ces écritures ni des pièces de la procédure que le taux horaire moyen pratiqué par les avocats dans le ressort de la cour d'appel d'Aix-en-Provence est de 200 euros HT, le premier président, qui a fondé sa décision sur un fait qui n'était pas dans le débat, a violé le texte susvisé. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'elle déclare recevable le recours formé par M. [H] à l'encontre de la décision du bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Marseille en date du 10 décembre 2018 et rejette les fins de non recevoir soulevées par M. [H], l'ordonnance rendue le 7 juillet 2020, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cette ordonnance et les renvoie devant la juridiction du premier président de la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée. Condamne M. [G] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [G] et le condamne à payer à M. [H] la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance partiellement cassée ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six octobre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat aux Conseils, pour M. [H] et la société SK avocat Maître [K] [H] fait grief à l'ordonnance attaquée d'avoir fixé les honoraires dus par monsieur [W] [G] à la somme de 3 000 euros toutes taxes comprises, d'avoir fixé les honoraires dus par monsieur [W] [G] à maître [K] [H], en ce qu'il représente en tant que de besoin la société SK Avocat, à la somme de 3 000 euros toutes taxes comprises et d'avoir dit que ce dernier, en ce qu'il représente en tant que de besoin la société SK Avocat, devrait rembourser un trop-perçu de 800 euros toutes taxes comprises à monsieur [W] [G] ; 1) Alors qu'en relevant, pour déclarer recevable la contestation d'honoraires dirigée à l'encontre de maître [K] [H], que ce dernier n'avait pas produit aux débats l'extrait K-bis démontrant qu'il exerçait sous la forme d'une société à responsabilité limitée d'exercice libérale, document pourtant visé sous le numéro 6 du bordereau de pièces annexé à ses conclusions, dont il était constaté qu'elles avaient été déposées à l'audience et dont la communication n'avait pas été contestée par l'autre partie, sans avoir invité préalablement les parties à s'expliquer sur l'absence à son dossier de cet élément de preuve, le premier président a méconnu le principe de la contradiction et violé l'article 16 du code de procédure civile ; 2) Alors qu'une personne morale est dotée d'une personnalité juridique distincte de celle de son représentant légal et de celle de ses associés ; qu'en se fondant sur la considération impropre que maître [H] représentait nécessairement la Selarl SK Avocat dont il revendiquait l'existence et indiquait être le seul associé, quand une telle circonstance n'était pas de nature à caractériser que la société SK Avocat, dotée d'une personnalité juridique distincte de celle de son dirigeant et associé unique, avait été attraite à l'instance, le premier président a violé l'article 31 du code de procédure civile ; 3) Alors qu'en retenant l'absence de convention d'honoraires, ne serait-ce que partielle, sans répondre au moyen, clair et opérant, par lequel l'avocat faisait valoir (conclusions, pp. 7-8), preuves à l'appui, que le client avait donné son accord préalable, par courrier électronique du 22 janvier 2018, à la facturation d'une somme complémentaire de 1 000 euros hors taxes pour la rédaction des conclusions devant le juge aux affaires familiales, le premier président, qui n'a pas suffisamment motivé sa décision, a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ; 4) Alors que le juge ne peut fonder sa décision sur des faits qui ne sont pas dans le débat ; qu'en retenant un taux horaire moyen de 200 euros hors taxes pratiqué par les avocats dans le ressort de la cour d'appel d'Aix-en-Provence pour fixer les honoraires dus par monsieur [G] à son avocat, quand ce fait n'était pas dans le débat, le premier président a violé l'article 7 du code de procédure civile ; 5) Alors qu'en ne précisant pas sur quel élément de preuve il se fondait pour considérer que le taux horaire moyen pratiqué par les avocats dans le ressort de la cour d'appel d'Aix-en-Provence était de 200 euros hors taxes, le premier président a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 6) Alors qu'en l'absence de convention entre l'avocat et son client, les honoraires sont fixés par le juge taxateur, selon les usages, en fonction de la situation de fortune du client, de la difficulté de l'affaire, des frais exposés par l'avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci ; qu'en retenant un taux horaire moyen de 200 euros hors taxes pratiqué par les avocats dans le ressort de la cour d'appel d'Aix-en-Provence pour fixer les honoraires dus par monsieur [G] à son avocat, cependant qu'un tel critère n'est pas au nombre de ceux sur lesquels le juge de l'honoraire doit se fonder pour apprécier les honoraires dus, le premier président a violé l'article 10 de la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971 ; 7) Alors qu'en condamnant l'avocat au remboursement de la somme de 800 euros toutes taxes comprises à monsieur [G], quand il avait réduit à la somme de 960 euros toutes taxes comprises une prestation facturée 1 600 euros toutes taxes comprises, de sorte que le trop-perçu était de 640 euros toutes taxes comprises, le premier président, qui s'est contredit, privant sa décision de motifs, a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile. 2e Civ., 6 octobre 2022, pourvoi n° 21-15.272, Bull. (cassation partielle).
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 2 / MDTRS COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 6 octobre 2022 Annulation partielle M. PIREYRE, président Arrêt n° 1020 F-B Recours n° T 22-60.088 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 6 OCTOBRE 2022 M. [K] [B], domicilié [Adresse 1], a formé le recours n° T 22-60.088 en annulation d'une décision rendue le 17 novembre 2021 par l'assemblée générale des magistrats du siège de la cour d'appel de Metz. Le demandeur invoque, à l'appui de son recours, les cinq griefs annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Ittah, conseiller référendaire, les observations de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de M. [B], et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 30 août 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Ittah, conseiller référendaire rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et M. Carrasco, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. M. [B] a sollicité son inscription sur la liste des médiateurs de la cour d'appel de Metz. 2. Par décision du 17 novembre 2021, contre laquelle M. [B] a formé un recours, l'assemblée générale des magistrats du siège de cette cour d'appel a rejeté sa demande. Examen des griefs Sur le premier grief Exposé du grief 3. M. [B] fait valoir que l'assemblée générale a violé l'article 2 du décret du 9 octobre 2017 en ce qu'elle s'est déterminée au regard de sa seule expérience professionnelle, sans apprécier sa candidature à l'aune de la condition tenant à la formation, alors qu'il avait justifié de l'obtention des diplômes universitaires 1 et 2 délivrés par l'Ifomene, du suivi de modules de formation continue consacrés à la médiation, et de sa participation à des ateliers d'échanges ou d'analyse de pratique et de supervision. Réponse de la Cour Vu l'article 2, 3°, du décret n° 2017-1457 du 9 octobre 2017 : 4. Il résulte de ce texte qu'une personne physique ne peut être inscrite sur la liste des médiateurs près la cour d'appel que si elle justifie d'une formation ou d'une expérience attestant l'aptitude à la pratique de la médiation. Il s'en déduit que l'assemblée générale doit procéder à une appréciation globale de l'aptitude du candidat à la pratique de la médiation, au regard de ces deux critères. 5. Pour rejeter la demande de M. [B], l'assemblée générale des magistrats du siège de la cour d'appel se borne à retenir son absence d'expérience dans le domaine de la médiation, avant le dépôt de sa candidature. 6. En statuant ainsi, sans apprécier les mérites de cette candidature au regard du critère de la formation, l'assemblée générale a violé le texte susvisé. Et sur le troisième grief Exposé du grief 7. M. [B] fait valoir que l'assemblée général de la cour d'appel de Metz a violé l'article 2 du décret du 9 octobre 2017 en ce qu'elle s'est déterminée par un critère étranger à ce texte en retenant que sa profession d'avocat l'exposait à un risque de conflits d'intérêts. Réponse de la Cour Vu l'article 2 du décret n° 2017-1457 du 9 octobre 2017 : 8. Il résulte de ce texte qu'une personne physique ne peut être inscrite sur la liste des médiateurs près la cour d'appel que si elle n'a pas fait l'objet d'une condamnation, d'une incapacité ou d'une déchéance mentionnées sur le bulletin n° 2 du casier judiciaire, n'a pas été l'auteur de faits contraires à l'honneur, à la probité et aux bonnes moeurs ayant donné lieu à une sanction disciplinaire ou administrative de destitution, radiation, révocation, de retrait d'agrément ou d'autorisation, et justifie d'une formation ou d'une expérience attestant l'aptitude à la pratique de la médiation. 9. Pour rejeter la demande de M. [B], l'assemblée générale des magistrats du siège de la cour d'appel retient un risque de conflits d'intérêts liés à la profession exercée. 10. En se déterminant ainsi, par un motif tiré de critères étrangers au texte susvisé, l'assemblée générale a méconnu ce dernier. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du recours, la Cour : ANNULE la décision de l'assemblée générale des magistrats du siège de la cour d'appel de Metz en date du 17 novembre 2021, en ce qu'elle a refusé l'inscription de M. [B]. Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de la décision partiellement annulée ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six octobre deux mille vingt-deux. GRIEFS ANNEXÉS au présent arrêt Griefs produits par la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat aux Conseils, pour M. [B] M. [B] adresse les cinq griefs suivants à la décision attaquée qui seront détaillés ci-après. Il soutient : 1°) que l'aptitude à la pratique de la médiation est appréciée au regard de la formation et de l'expérience du candidat ; que, pour refuser d'inscrire M. [B] sur la liste de la cour d'appel de Metz, l'assemblée des magistrats retient qu'il ne justifie pas d'une expérience professionnelle suffisante dans le domaine de la médiation et de la réalisation de médiations avant le dépôt de sa candidature ; qu'en se déterminant au regard de la seule expérience professionnelle de M. [B] pour apprécier son aptitude à la pratique de la médiation sans tenir compte de la formation qu'il a suivie et spécialement de ses diplômes universitaires 1 et 2 délivrés par l'IFOMENE et des modules de formation continue et ateliers d'échanges ou d'analyse de pratique et supervision qu'il a suivis, l'assemblée des magistrats de la cour d'appel de Metz a violé l'article 2 du décret du 9 octobre 2017 ; 2°) que M. [B] exposait avoir réalisé cinq médiations conventionnelles et sept médiations judiciaires au cours des trois années précédant sa demande ; qu'en décidant que M. [B] ne justifiait pas d'une expérience professionnelle suffisante dans le domaine de la médiation et de la réalisation de médiations avant le dépôt de sa candidature, l'assemblée des magistrats de la cour d'appel de Metz a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation et méconnu l'article 2 du décret du 9 octobre 2017 ; 3°) que l'article 2 du décret du 9 octobre 2017 prévoit des conditions limitatives pour inscrire un médiateur sur les listes de médiateurs près la cour d'appel, tenant à l'absence de condamnation, d'une incapacité ou d'une déchéance mentionnées sur le bulletin n°2 du casier judiciaire, à l'absence de sanction disciplinaire ou administrative de destitution, radiation, révocation, de retrait d'agrément ou d'autorisation prise à la suite de l'accomplissement de faits contraires à l'honneur, à la probité et aux bonnes m?urs et à la justification d'une formation ou d'une expérience attestant de l'aptitude à la pratique de la médiation ; qu'en retenant, pour refuser d'inscrire M. [B] sur la liste de la cour d'appel de Metz, que la profession qu'il exerçait, avocat, l'exposait à un risque de conflits d'intérêts, l'assemblée des magistrats de la cour d'appel de Metz s'est déterminée par un motif étranger à l'article 2 du décret du 9 octobre 2017, en violation de cet article ; 4°) qu'en tout état de cause, l'exercice de la profession d'avocat est compatible avec les fonctions de médiateur, et spécialement avec l'indépendance exigée pour les médiateurs ; qu'en retenant, pour refuser d'inscrire M. [B] sur la liste de la cour d'appel de Metz, que la profession qu'il exerçait, avocat, l'exposait à un risque de conflits d'intérêts, l'assemblée des magistrats de la cour d'appel de Metz a violé l'article 2 du décret du 9 octobre 2017, ensemble l'article 131-5 du code de procédure civile ; 5°) que, subsidiairement, à supposer que le risque d'être exposé à des conflits d'intérêts résultant de la pratique de la profession d'avocat visait spécifiquement M. [B] et non la profession dans son ensemble, en se déterminant de la sorte, quand aucun élément du dossier ne permettait d'établir ou même de soupçonner que M. [B] risquait d'être exposé à des conflits d'intérêts, l'assemblée des magistrats de la cour d'appel de Metz a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation et méconnu l'article 2 du décret du 9 octobre 2017.
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 6 octobre 2022 Cassation partielle M. PIREYRE, président Arrêt n° 1025 F- B Pourvoi n° R 21-16.060 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 6 OCTOBRE 2022 1°/ la société Liberty Seguros, dont le siège est [Adresse 3] (Espagne), venant aux droits de la société Ercos, 2°/ L'association le Bureau central français, dont le siège est [Adresse 1], ont formé le pourvoi n° R 21-16.060 contre l'arrêt rendu le 2 mars 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 4- chambre 8), dans le litige les opposant à la société GMF assurances, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation. Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Ittah, conseiller référendaire, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de la société Liberty Seguros et de l'association le Bureau central français, de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de la société GMF assurances, et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 30 août 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Ittah, conseiller référendaire rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et M. Carrasco, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 2 mars 2021) et les productions, le 11 avril 1987, une collision s'est produite en France entre le véhicule conduit par M. [F] [E], de nationalité espagnole, assuré auprès de la société Ercos, aux droits de laquelle vient la société Liberty Seguros, et celui conduit par M. [N], assuré auprès de la société GMF assurances (la société GMF), accident au cours duquel Mme [H] [N], alors âgée de onze mois, a été grièvement blessée. 2. Par jugement du 2 décembre 1993, la société Ercos, l'association le Bureau central français (le BCF) et la société GMF ont été condamnées in solidum à indemniser intégralement le préjudice subi par Mme [H] [N] et ses parents (les consorts [N]), les deux premières étant tenues à indemnisation dans la limite de cinq millions de francs (762 245,09 euros) pour chaque victime. 3. A la suite du dépôt du rapport d'expertise médicale, la cour d'appel de Montpellier, par arrêt du 23 mars 2010, a condamné notamment la société GMF, la société Liberty Seguros et le BCF à verser à Mme [H] [N] diverses sommes en réparation de ses préjudices, a fait droit à la demande de doublement des intérêts légaux tant à l'encontre de la société GMF que de la société Liberty Seguros et a condamné in solidum ces deux sociétés pour la période allant du 14 avril 2007 à la date de la décision, par parts viriles entre elles, et la société GMF seule pour la période antérieure du 8 décembre 2003 au 13 avril 2007. 4. Statuant sur le pourvoi formé contre cet arrêt par les consorts [N], la Cour de cassation (2e Civ., 12 mai 2011, pourvoi n° 10-17.148) a cassé et annulé l'arrêt de la cour d'appel de Montpellier, mais seulement, s'agissant du doublement des intérêts légaux, en ses dispositions déboutant Mme [H] [N] de sa demande tendant à ce doublement pour la période antérieure au 8 décembre 2003 et disant que l'assiette des pénalités allouées par la cour d'appel, pour la période allant du 8 décembre 2003 à la date de l'arrêt, ne s'appliquera que sur les rentes pour les sommes payables par rente trimestrielle et qu'il convient de déduire des sommes allouées, celles déjà versées à titre provisionnel ou en exécution de la décision entreprise. 5. Par arrêt du 14 mai 2013, la cour d'appel de renvoi a dit que le doublement du taux de l'intérêt légal s'appliquerait à la totalité des indemnités allouées à compter du 11 avril 1988 et jusqu'au terme fixé par la cour d'appel de Montpellier dans son arrêt, sauf à ajouter qu'il s'appliquerait aux indemnités supplémentaires allouées par la cour jusqu'à cet arrêt, et a condamné in solidum la société Liberty Seguros et le BCF à payer à Mme [H] [N] le doublement des intérêts au taux légal du 11 avril 1988 au 23 juillet 1991 et in solidum la société Liberty Seguros, le BCF et la société GMF à payer à Mme [H] [N] le doublement des intérêts au taux légal pour la période postérieure au 23 juillet 1991 dans les conditions fixées par la cour d'appel de Montpellier dans son arrêt du 23 mars 2010. 6. Par ailleurs, M. [F] [E], faisant valoir qu'il n'avait jamais reçu signification d'un quelconque acte de procédure avant octobre 2009, a relevé appel le 12 mars 2010 du jugement du 2 décembre 1993. 7. Par arrêt du 4 novembre 2014, la cour d'appel de Montpellier a, notamment, infirmé le jugement du 2 décembre 1993 en ce qu'il a dit que la société Liberty Seguros, et le BCF, étaient tenus à indemnisation des consorts [N] dans une certaine limite et statuant à nouveau sur ce chef, a dit que la société Liberty Seguros et le BCF seraient tenus in solidum à garantie illimitée des conséquences de l'accident. 8. La société GMF, subrogée dans les droits de la victime, a assigné le BCF et la société Liberty Seguros en remboursement des sommes avancées à la victime. Examen des moyens Sur le premier moyen et le second moyen, pris en sa première branche, ci-après annexés 9. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui sont irrecevables. Mais sur le second moyen, pris en sa seconde branche Enoncé du moyen 10. La société Liberty seguros et le BCF font grief à l'arrêt de décider que la question du caractère illimité de la garantie due par eux a été définitivement tranchée par l'arrêt de la cour d'appel de Montpellier du 4 novembre 2014, de décider de la prise en charge par eux des règlements effectués par la société GMF, puis de dire qu'ils devront assumer le coût total des conséquences dommageables du sinistre, y compris le doublement des intérêts au taux légal quelle que soit la période concernée, alors « que le doublement des intérêts au taux légal sanctionne l'absence de diligences de l'assureur devant fournir une offre d'indemnisation ; qu'en faisant supporter à la société Liberty seguros et au BCF la charge d'assumer le doublement du taux d'intérêt infligé à la société GMF à raison de son absence de diligences, les juges du fond ont violé l'article L. 211-13 du code des assurances. » Réponse de la Cour Vu les articles L. 211-9 et L. 211-13 du code des assurances : 11. Il résulte de ces textes que l'assureur qui garantit la responsabilité du conducteur d'un véhicule impliqué dans un accident de la circulation est tenu de présenter à la victime une offre d'indemnité comprenant tous les éléments indemnisables du préjudice et que lorsque l'offre n'a pas été faite dans les délais impartis par le premier texte, le montant de l'indemnité offerte par l'assureur ou allouée par le juge à la victime produit intérêts de plein droit, au double du taux de l'intérêt légal, à compter de l'expiration du délai et jusqu'au jour de l'offre ou du jugement devenu définitif. 12. Pour dire que la société Liberty Seguros et le BCF devront assumer le coût total des conséquences dommageables résultant du sinistre, y compris du doublement des intérêts au taux légal quelle que soit la période concernée, l'arrêt énonce que la décision de la cour d'appel de Montpellier du 4 novembre 2014, exécutoire et « définitive », dispose que la société Liberty Seguros et le BCF seront tenus in solidum à garantie illimitée des conséquences de l'accident survenu le 11 avril 1987 au préjudice de Mme [H] [N] et de ses parents et qu'il en résulte que la société Liberty Seguros, assureur du tiers responsable, ainsi que le BCF, qui étaient légalement tenus en application de l'article L. 221-20 du code des assurances de présenter une offre à la victime, quelle que soit l'étendue de la garantie, doivent assumer le coût total des conséquences dommageables résultant du sinistre, comprenant le doublement des intérêts au taux légal, quelle que soit la période concernée. 13. En statuant ainsi, alors que la sanction du doublement du taux de l'intérêt légal, qui a un objet distinct de la condamnation à réparer les conséquences dommageables du sinistre, avait été prononcée notamment contre la société GMF en raison du non-respect de son obligation propre de présenter une offre dans les délais légaux, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que la société Liberty Seguros et l'association le Bureau central français devront assumer le coût total des conséquences dommageables résultant du sinistre et en conséquence, y compris du doublement des intérêts au taux légal quelle que soit la période concernée, l'arrêt rendu entre les parties le 2 mars 2021 par la cour d'appel de Paris ; Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée. Condamne la société GMF assurances aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société GMF assurances et la condamne à payer à la société Liberty Seguros et à l'association le Bureau central français la somme globale de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six octobre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour la société Liberty Seguros et l'association le Bureau central français. PREMIER MOYEN DE CASSATION L'arrêt, critiqué par la compagnie Liberty seguros et le bureau central français, encourt la censure ; EN CE QU'il a, infirmant le jugement, décidé que la question du caractère illimité de la garantie due par Liberty seguros et le bureau central français a été définitivement tranchée par l'arrêt de la cour d'appel de Montpellier du 4 novembre 2014, et décidé de la prise en charge par Liberty seguros et le bureau central français des règlements effectués par la GMF, puis dit que Liberty seguros et le bureau central français devront assumer le coût total des conséquences dommageables du sinistre, et débouté la compagnie Liberty seguros et le bureau central français de leur demande de condamnation de la GMF à payer les sommes mises à leur charge en exécution de l'arrêt rendu par la cour d'appel de Montpellier le 23 mars 2010 et l'arrêt de la cour d'appel de Toulouse du 14 mai 2013 au-delà du plafond de 762 195 euros ; ALORS QUE, premièrement, l'autorité de chose jugée ne peut être opposée que si la demande a lieu entre les mêmes parties ; qu'en décidant que Liberty seguros et le bureau central français ne pouvaient plus se prévaloir à l'encontre de la GMF du caractère limité de leur garantie, la question ayant été « définitivement tranchée » dans un arrêt rendu à leur encontre, mais à la requête de Madame [N], les juges du fond ont violé l'article 1351 ancien devenu 1355 du code civil ; ALORS QUE, deuxièmement, en déclarant recevable la demande de la société GMF, qui a pourtant laissé croire pendant plus de dix-sept ans qu'elle se satisfaisait du jugement du 2 décembre 1993, les juges du fond ont violé le principe suivant lequel nul ne peut se contredire au détriment d'autrui. SECOND MOYEN DE CASSATION L'arrêt, critiqué par la compagnie Liberty seguros et le bureau central français, encourt la censure ; EN CE QU'il a, infirmant le jugement, décidé que la question du caractère illimité de la garantie due par Liberty seguros et le bureau central français a été définitivement tranchée par l'arrêt de la cour d'appel de Montpellier du 4 novembre 2014, et décidé de la prise en charge par Liberty seguros et le bureau central français des règlements effectués par la GMF, puis dit que Liberty seguros et le bureau central français devront assumer le coût total des conséquences dommageables du sinistre, y compris le doublement des intérêts au taux légal quelle que soit la période concernée ; ALORS QUE, premièrement, l'autorité de chose jugée ne peut être opposée que si la demande a lieu entre les mêmes parties ; qu'en décidant que Liberty seguros et le bureau central français devaient supporter le doublement des intérêts infligé à la GMF, la question ayant été tranchée dans un arrêt rendu à leur encontre, mais à la requête de Madame [N], les juges du fond ont violé l'article 1351 ancien devenu 1355 du code civil ; ALORS QUE, deuxièmement, le doublement des intérêts au taux légal sanctionne l'absence de diligences de l'assureur devant fournir une offre d'indemnisation ; qu'en faisant supporter à Liberty seguros et au bureau central français la charge d'assumer le doublement du taux d'intérêt infligé à la société GMF à raison de son absence de diligences, les juges du fond ont violé l'article L 211-13 du code des assurances.
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 6 octobre 2022 M. PIREYRE, président Arrêt n° 1033 F-B Pourvoi n° J 21-14.996 Aide juridictionnelle totale en demande au profit de l'association Justice pour les animaux. Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 1 février 2021. R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 6 OCTOBRE 2022 L'association Justice pour les animaux, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° J 21-14.996 contre l'arrêt rendu le 9 juillet 2020 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-9), dans le litige l'opposant à Mme [V] [Z], domiciliée [Adresse 1], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Brouzes, conseiller référendaire, les observations de la SCP Doumic-Seiller, avocat de l'association Justice pour les animaux, de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de Mme [Z], et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 30 août 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Brouzes, conseiller référendaire rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et M. Carrasco, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 9 juillet 2020), un juge de la mise en état a, le 10 décembre 2018, ordonné à l'association Justice pour les animaux (l'association) de restituer à Mme [Z] 10 chiens et chats dans un délai de huit jours à compter de la décision, sous astreinte de 200 euros par jour de retard. 2. Un juge de l'exécution a liquidé l'astreinte à une certaine somme pour la période du 18 décembre 2018 au 30 janvier 2019. 3. En appel, la cour d'appel, en cours de délibéré, a demandé aux parties de « produire l'acte de signification de l'ordonnance du juge de la mise en état du 20 décembre 2018 et de formuler toutes observations utiles sur le point de départ de l'astreinte, dans la mesure où l'ordonnance du 10 décembre 2018 ne précise pas ce dernier, seul le délai de 8 jours pour restituer les animaux étant indiqué, et où lorsque le juge omet de préciser le point de départ de l'astreinte ou si une décision prévoit que l'astreinte court à compter de sa date, cette dernière ne peut courir qu'à compter de la notification de la décision ou de sa signification ». Examen du moyen Enoncé du moyen 4. L'association fait grief à l'arrêt de liquider l'astreinte prononcée par ordonnance du juge de la mise en état du 10 décembre 2018 sur la période du 20 décembre 2018 au 30 janvier 2019 à la somme de 8 200 euros, alors : « 1°/ que seule une signification à partie régulière et valable peut constituer le point de départ d'une astreinte ; qu'en affirmant que le moyen tiré de l'irrégularité et de la nullité de la signification à partie de l'ordonnance du 10 décembre 2018, soulevé par l'association dans ses notes en délibéré en réponse au soit transmis du 5 juin 2020 invitant les parties à produire l'acte de signification de l'ordonnance afin de déterminer le point de départ de l'astreinte, était irrecevable comme nouveau et sans rapport avec la question posée, la cour d'appel a violé l'article 16 ensemble l'article 678 du code de procédure civile ; 2°/ qu' en l'absence de précision de la décision prononçant une astreinte, le point de départ de celle-ci est la date à laquelle la décision devient exécutoire, soit celle de sa signification à partie ; qu'en matière de procédure avec représentation obligatoire la signification à partie doit être précédée de la signification à avocat ; qu'à défaut, la signification est irrégulière et l'astreinte ne court pas ; qu'en décidant que l'astreinte prononcée par l'ordonnance du 10 décembre 2018 avait commencé à courir à compter du 20 décembre 2018, date de la signification à partie, sans rechercher si cette signification avait été précédée de la notification à avocats requise en matière soumise à représentation obligatoire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 678 du code de procédure civile et R. 131-1 du code des procédures civiles d'exécution. » Réponse de la Cour Vu l'article R. 131-1, alinéa 1er, du code des procédures civiles d'exécution et les articles 678, 442 et 445 du code de procédure civile : 5. Selon le premier de ces textes, l'astreinte prend effet à la date fixée par le juge, laquelle ne peut être antérieure au jour où la décision portant obligation est devenue exécutoire. 6. Il découle des deux derniers de ces textes qu'après la clôture des débats, les parties ne peuvent déposer aucune note à l'appui de leurs observations, à moins qu'elles n'aient été invitées par le président et les juges à fournir les explications de droit ou de fait qu'ils estiment nécessaires ou à préciser ce qui paraît obscur. 7. Pour déclarer irrecevables les moyens tirés de l'irrégularité et de la nullité de la signification de l'ordonnance du 10 décembre 2018 soulevés par l'association dans ses notes en délibéré, l'arrêt, après avoir rappelé que les parties avaient été invitées après la clôture des débats à produire l'acte de signification de cette ordonnance et à formuler toutes observations utiles sur le point de départ de l'astreinte, retient que ces nouveaux moyens sont sans rapport avec la question posée. 8. En statuant ainsi, alors qu'en l'absence de date précise mentionnée par le juge, l'astreinte court à compter du jour de la notification ou de la signification de la décision qui l'a ordonnée, de sorte que la régularité de cet acte est en rapport avec la fixation du point de départ de l'astreinte, la cour d'appel a violé les textes susvisés. Portée et conséquence de la cassation 9. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation de la disposition de l'arrêt liquidant l'astreinte entraîne la cassation des autres chefs de dispositif, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 9 juillet 2020, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée. Condamne Mme [Z] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six octobre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Doumic-Seiller, avocat aux Conseils, pour l'association Justice pour les animaux Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir liquidé l'astreinte prononcée par ordonnance du juge de la mise en état de la 3ème chambre civile du tribunal de grande instance de Nice du 10 décembre 2018 sur la période du 20 décembre 2018 au 30 janvier 2019 à la somme de 8 200 euros. 1) ALORS QUE seule une signification à partie régulière et valable peut constituer le point de départ d'une astreinte ; qu'en affirmant que le moyen tiré de l'irrégularité et de la nullité de la signification à partie de l'ordonnance du 10 décembre 2018, soulevé par l'AJPLA dans ses notes en délibéré en réponse au soit transmis du 5 juin 2020 invitant les parties à produire l'acte de signification de l'ordonnance afin de déterminer le point de départ de l'astreinte, était irrecevable comme nouveau et sans rapport avec la question posée, la cour d'appel a violé l'article 16 ensemble l'article 678 du code de procédure civile ; 2) ALORS QU'en l'absence de précision de la décision prononçant une astreinte, le point de départ de celle-ci est la date à laquelle la décision devient exécutoire, soit celle de sa signification à partie ; qu'en matière de procédure avec représentation obligatoire la signification à partie doit être précédée de la signification à avocat ; qu'à défaut, la signification est irrégulière et l'astreinte ne court pas ; qu'en décidant que l'astreinte prononcée par l'ordonnance du 10 décembre 2018 avait commencé à courir à compter du 20 décembre 2018, date de la signification à partie, sans rechercher si cette signification avait été précédée de la notification à avocats requise en matière soumise à représentation obligatoire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 678 du code de procédure civile et R. 131-1 du code des procédures civiles d'exécution.
CASS/JURITEXT000046389235.xml
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 6 octobre 2022 Cassation partielle M. PIREYRE, président Arrêt n° 1031 F-B Pourvoi n° J 21-15.272 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 6 OCTOBRE 2022 Mme [J] [I], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° J 21-15.272 contre l'ordonnance n° RG 19/17361 rendue le 16 février 2021 par le premier président de la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-11 OP), dans le litige l'opposant : 1°/ à Mme [O] [W], domiciliée [Adresse 3], associée de la société [Adresse 2], 2°/ à la société [Adresse 2], société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 4], défenderesses à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Pradel, conseiller référendaire, les observations de la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de Mme [I], de la SCP Gadiou et Chevallier, avocat de Mme [W], de la société [Adresse 2], et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 30 août 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Pradel, conseiller référendaire rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et M. Carrasco, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Aix-en-Provence, 16 février 2021), Mme [I] a chargé en février 2016, Mme [W], avocate associée au sein de la société [Adresse 2] (la société Alpijuris), de la représenter dans une procédure de divorce. Une convention d'honoraires a été conclue le 25 mars 2016, qui prévoyait un honoraire forfaitaire fixe de 3 000 euros HT, couvrant la première instance, un honoraire du même montant pour l'appel, ainsi qu'un honoraire complémentaire de résultat de 10 % HT calculé sur le montant de la prestation compensatoire. 2. Par un jugement du 7 février 2017, un tribunal de grande instance a prononcé le divorce et octroyé à Mme [I] une certaine somme à titre de prestation compensatoire. Mme [I] a relevé appel de ce jugement et confié la défense de ses intérêts à un autre conseil. 3. Le 2 juin 2017, Mme [I] a saisi le bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Draguignan d'une demande tendant à la contestation d'une facture adressée par la société Alpijuris relative à des honoraires de résultat dans la procédure de divorce. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa deuxième branche Enoncé du moyen 4. Mme [I] fait grief à l'ordonnance de fixer les honoraires dus à Mme [W], avocate associée de la société Alpijuris, à la somme de 5 680 euros HT, soit 6 816 euros TTC, de constater le paiement à l'avocate de la somme de 3 600 euros TTC, et de dire qu'en conséquence elle devrait payer à Mme [W] un solde d'honoraires de 3 216 euros TTC, alors « que le juge ne peut fonder sa décision sur des faits qui ne sont pas dans le débat ; qu'en retenant un taux horaire moyen de 200 euros HT pratiqué par les avocats dans le ressort de la cour d'appel d'Aix-en-Provence pour fixer les honoraires litigieux, quand ce fait n'était pas dans le débat, le premier président a violé l'article 7 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Vu l'article 7 du code de procédure civile : 5. Selon ce texte, le juge ne peut fonder sa décision sur des faits qui ne sont pas dans le débat. 6. Pour fixer les honoraires dûs à Mme [W], l'ordonnance retient qu'à défaut de justification de l'acceptation d'un taux horaire de rémunération de 250 euros HT par Mme [I] et d'une complexité particulière du dossier, il sera fait application d'un taux horaire de 200 euros HT correspondant à la moyenne pratiquée par les avocats dans le ressort de la cour d'appel d'Aix-en-Provence. 7. En statuant ainsi, alors qu'il énonçait que les parties avaient repris oralement à l'audience les termes de leurs écritures et qu'il ne résultait ni de ces écritures ni des pièces de la procédure que le taux horaire moyen pratiqué par les avocats dans le ressort de la cour d'appel d'Aix-en-Provence est de 200 euros HT, le premier président qui a fondé sa décision sur un fait qui n'était pas dans le débat, a violé le texte susvisé. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'elle déclare recevable le recours formé par Mme [I] à l'encontre de la décision du bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Draguignan en date du 2 octobre 2019 et constate le paiement par cette dernière de la somme de 3 600 euros TTC, l'ordonnance rendue le 16 février 2021 entre les parties, par le premier président de la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cette ordonnance et les renvoie devant la juridiction du premier président de la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée. Condamne Mme [W] et la société [Adresse 2] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [W] et la société [Adresse 2] et les condamne à payer à Mme [I] la somme globale de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance partiellement cassée ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six octobre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat aux Conseils, pour Mme [I] Madame [I] fait grief à l'ordonnance infirmative attaquée d'avoir fixé les honoraires dus par elle à maître [W], avocate associée de la Selarl Alpijuris, à la somme de 5 680 euros hors taxes, soit 6 816 euros toutes taxes comprises, d'avoir constaté le paiement par la cliente à l'avocate de la somme de 3 600 euros toutes taxes comprises et d'avoir dit qu'en conséquence la cliente devrait payer à maître [W] un solde d'honoraires de 3 216 euros toutes taxes comprises ; 1) Alors qu'à défaut de convention d'honoraires, l'honoraire est fixé, selon les usages, en fonction de la situation de fortune du client, de la difficulté de l'affaire, des frais exposés par l'avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci ; qu'en se fondant (ordonnance, p. 3, in fine, à p. 4, in limine), pour fixer les honoraires dus par madame [I] à maître [W], sur les diligences effectuées par cette dernière et l'absence de difficulté de l'affaire, sans s'expliquer, comme il y était invité, sur la situation de fortune de la cliente, le premier président a privé sa décision de base légale au regard de l'article 10 de la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971 ; 2) Alors que le juge ne peut fonder sa décision sur des faits qui ne sont pas dans le débat ; qu'en retenant (ordonnance, p. 4, al. 1er) un taux horaire moyen de 200 euros hors taxes pratiqué par les avocats dans le ressort de la cour d'appel d'Aix-en-Provence pour fixer les honoraires litigieux, quand ce fait n'était pas dans le débat, le premier président a violé l'article 7 du code de procédure civile ; 3) Alors, à tout le moins, qu'en ne précisant pas sur quel élément de preuve il se fondait pour considérer (ordonnance, p. 4, al. 1er) que le taux horaire moyen pratiqué par les avocats dans le ressort de la cour d'appel d'Aix-en-Provence était de 200 euros hors taxes, le premier président a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 4) Alors qu'à défaut de convention d'honoraires, l'honoraire est fixé, selon les usages, en fonction de la situation de fortune du client, de la difficulté de l'affaire, des frais exposés par l'avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci ; qu'en se fondant (ordonnance, p. 4, al. 1er) sur le taux horaire moyen pratiqué par les avocats dans le ressort de la cour d'appel d'Aix-en-Provence pour fixer les honoraires litigieux, cependant qu'un tel critère n'est pas au nombre de ceux que le juge de l'honoraire est en droit de considérer pour apprécier les honoraires dus, le premier président a violé l'article 10 de la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971. 2e Civ., 6 octobre 2022, pourvoi n° 20-19.723, Bull. (cassation partielle).
CASS/JURITEXT000046388986.xml
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 28 septembre 2022 M. CHAUVIN, président Arrêt n° 679 FS-B Pourvoi n° K 20-20.260 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 28 SEPTEMBRE 2022 La société Kout Food Group, société de droit koweïti, dont le siège est [Adresse 2] (Koweit), a formé le pourvoi n° K 20-20.260 contre l'arrêt rendu le 23 juin 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 1, chambre 1), dans le litige l'opposant à la société Kabab-Ji Sal, société de droit libanais , dont le siège est [Adresse 1] (Liban), défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Guihal, conseiller, les observations de la SARL Ortscheidt, avocat de la société Kout Food Group, de la SCP Foussard et Froger, avocat de la société Kabab-Ji Sal, et l'avis de M. Sassoust, avocat général, après débats en l'audience publique du 5 juillet 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Guihal, conseiller rapporteur, M. Vigneau, conseiller doyen, MM. Hascher, Avel, Bruyère, conseillers, M. Vitse, Mmes Kloda, Champ, Robin-Raschel, conseillers référendaires, M. Sassoust, avocat général, et Mme Vignes, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 23 juin 2020), le 16 juillet 2001, la société libanaise Kabab-Ji a conclu avec la société koweïtienne Al-Homaizi Foodstuff Co WWL (AHFC) un contrat de franchise d'une durée de dix années pour l'exploitation de la marque de restauration « Kabab-Ji » au Koweït. Le contrat de franchise, ainsi que les accords conclus pour chaque point de vente, prévoyaient l'application du droit anglais. Ils stipulaient une clause d'arbitrage à [Localité 3] selon le règlement de conciliation et d'arbitrage de la Chambre de commerce internationale (CCI). 2. En 2004, la société AHFC a informé la société Kabab-Ji de la restructuration du groupe par la création d'une société holding koweïtienne, Gulf and World Restaurants & Food, devenue Kout Food Group (KFG). 3. Le 16 juillet 2011, faute de nouvel accord, les contrats sont arrivés à expiration. 4. Le 27 mars 2015, la société Kabab-Ji a introduit devant la CCI une procédure d'arbitrage à l'encontre de la société KFG. Par une sentence rendue à Paris le 11 septembre 2017, le tribunal arbitral a étendu les contrats à la société KFG et condamné celle-ci à verser à la société Kabab-Ji les redevances de licence impayées entre 2008 et 2011, outre une indemnité au titre de la perte de chance. Examen des moyens Sur le second moyen, ci-après annexé 5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen Enoncé du moyen 6. La société KFG fait grief à l'arrêt de rejeter son recours en annulation de la sentence, alors : « 1°/ que l'existence et l'efficacité de la convention d'arbitrage s'apprécient au regard de la loi expressément choisie par les parties pour la régir ; qu'en se prononçant comme elle l'a fait, motifs pris notamment qu' "aucune stipulation expresse n'a été convenue entre les parties qui désignerait la loi anglaise, comme régissant la clause compromissoire" et que "KFG ne rapporte pas la preuve d'aucune circonstance de nature à établir de manière non équivoque la volonté commune des parties de désigner le droit anglais comme régissant l'efficacité, le transfert ou l'extension de la clause compromissoire, et dont le régime est indépendant de celui des accords", après avoir pourtant constaté que selon l'article 1 du Contrat de développement de franchise (CDF), signé entre Kabab-Ji et AHFC le 16 juillet 2001, intitulé "contenu du contrat", "le présent contrat comprend les paragraphes qui précèdent, les termes énoncés ci-après, les documents qui y sont mentionnés ainsi que toute(s) pièce(s), annexe(s) ou modification(s) à celui-ci ou à ses accessoires qui doit être signé ultérieurement par les parties. Il doit être interprété dans son ensemble et chacun des documents mentionnés doit être considéré comme faisant partie intégrante du présent Contrat et interprété comme un complément aux autres", que selon l'article 15 du même contrat, et l'article 27 des CPVFs, il était prévu que le "présent Contrat sera régi par le droit anglais et interprété conformément à ces dispositions", et que selon les clauses compromissoires figurant au CDF et aux CPVFs (articles 14 et 26), les arbitres devaient appliquer "les stipulations contenues dans le Contrat" et les "principes de droit généralement reconnus dans le cadre des transactions internationales" et ne pouvaient appliquer "toute règle qui contredit la formulation stricte du Contrat", ce dont il résultait que les parties ont expressément soumis au droit anglais les conventions d'arbitrage, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations au regard de l'article 1520.1° du code de procédure civile ; 2°/ que le juge ne peut dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; qu'en se prononçant comme elle l'a fait, après avoir constaté que selon l'article 1 du Contrat de développement de franchise (CDF), signé entre Kabab-Ji et AHFC le 16 juillet 2001, intitulé "contenu du contrat", "le présent contrat comprend les paragraphes qui précèdent, les termes énoncés ci-après, les documents qui y sont mentionnés ainsi que toute(s) pièce(s), annexe(s) ou modification(s) à celui-ci ou à ses accessoires qui doit être signé ultérieurement par les parties. Il doit être interprété dans son ensemble et chacun des documents mentionnés doit être considéré comme faisant partie intégrante du présent Contrat et interprété comme un complément aux autres", que selon l'article 15 du même contrat, et de l'article 27 des CPVFs, il était prévu que le "présent Contrat sera régi par le droit anglais et interprété conformément à ces dispositions" et que selon les clauses compromissoires figurant au CDF et aux CPVFs (articles 14 et 26) les arbitres devaient appliquer "les stipulations contenues dans le Contrat" et les "principes de droit généralement reconnus dans le cadre des transactions internationales" et ne pouvaient appliquer "toute règle qui contredit la formulation stricte du Contrat", ce dont il résultait que les parties ont expressément soumis au droit anglais les conventions d'arbitrage, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis des articles 1, 14 et 15 du CDF et 26 et 27 des CPVFs, en méconnaissance de l'obligation faite au juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; 3°/ en toute hypothèse, que l'existence et l'efficacité de la convention d'arbitrage s'apprécient au regard de la loi choisie par les parties pour la régir ; qu'à défaut de stipulations manifestant une intention contraire des parties, le choix de la loi applicable au contrat est présumé valoir pour l'ensemble de ses stipulations, en ce compris la clause compromissoire ; qu'en statuant comme elle l'a fait, après avoir constaté que le CDF et les CPVFs étaient expressément soumis au droit anglais et devaient être interprétés conformément à ces dispositions, sans caractériser une intention contraire des parties de soumettre l'existence et l'efficacité de la convention d'arbitrage à une autre loi que celle applicable au contrat, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1520.1° du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 7. En vertu d'une règle matérielle du droit de l'arbitrage international, la clause compromissoire est indépendante juridiquement du contrat principal qui la contient directement ou par référence et son existence et son efficacité s'apprécient, sous réserve des règles impératives du droit français et de l'ordre public international, d'après la commune volonté des parties, sans qu'il soit nécessaire de se référer à une loi étatique, à moins que les parties aient expressément soumis la validité et les effets de la convention d'arbitrage elle-même à une telle loi. 8. Ayant souverainement retenu que le choix du droit anglais comme loi régissant les contrats, ainsi que la stipulation selon laquelle il était interdit aux arbitres d'appliquer des règles qui contrediraient les contrats, ne suffisaient pas à établir la commune volonté des parties de soumettre l'efficacité de la convention d'arbitrage au droit anglais, par dérogation aux règles matérielles du siège de l'arbitrage expressément désigné par les contrats, et que la société KFG ne rapportait la preuve d'aucune circonstance de nature à établir de manière non équivoque la volonté commune des parties de désigner le droit anglais comme régissant l'efficacité, le transfert ou l'extension de la clause compromissoire, la cour d'appel a, sans dénaturation, légalement justifié sa décision d'apprécier l'existence et l'efficacité de la convention d'arbitrage, non pas au regard du droit anglais, mais au regard des règles matérielles du droit français en matière d'arbitrage international. 9. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société Kout Food Group aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Kout Food Group et la condamne à payer à la société Kabab-Ji la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit septembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SARL Ortscheidt, avocat aux Conseils, pour la société Kout Food Group PREMIER MOYEN DE CASSATION La société KFG fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté le recours en annulation de la sentence rendue à Paris entre les parties le 11 septembre 2017 ; 1°) ALORS QUE l'existence et l'efficacité de la convention d'arbitrage s'apprécient au regard de la loi expressément choisie par les parties pour la régir ; qu'en se prononçant comme elle l'a fait, motifs pris notamment qu'« aucune stipulation expresse n'a été convenue entre les parties qui désignerait la loi anglaise, comme régissant la clause compromissoire » et que « KFG ne rapporte pas la preuve d'aucune circonstance de nature à établir de manière non équivoque la volonté commune des parties de désigner le droit anglais comme régissant l'efficacité, le transfert ou l'extension de la clause compromissoire, et dont le régime est indépendant de celui des accords », après avoir pourtant constaté que selon l'article 1 du Contrat de développement de franchise (CDF), signé entre Kabab-Ji et AHFC le 16 juillet 2001, intitulé « contenu du contrat », « le présent contrat comprend les paragraphes qui précèdent, les termes énoncés ci-après, les documents qui y sont mentionnés ainsi que toute(s) pièce(s), annexe(s) ou modification(s) à celui-ci ou à ses accessoires qui doit être signé ultérieurement par les parties. Il doit être interprété dans son ensemble et chacun des documents mentionnés doit être considéré comme faisant partie intégrante du présent Contrat et interprété comme un complément aux autres », que selon l'article 15 du même contrat, et l'article 27 des CPVFs, il était prévu que le « présent Contrat sera régi par le droit anglais et interprété conformément à ces dispositions », et que selon les clauses compromissoires figurant au CDF et aux CPVFs (art. 14 et 26), les arbitres devaient appliquer « les stipulations contenues dans le Contrat » et les « principes de droit généralement reconnus dans le cadre des transactions internationales » et ne pouvaient appliquer « toute règle qui contredit la formulation stricte du Contrat », ce dont il résultait que les parties ont expressément soumis au droit anglais les conventions d'arbitrage, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations au regard de l'article 1520.1° du code de procédure civile ; 2°) ALORS QUE le juge ne peut dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; qu'en se prononçant comme elle l'a fait, après avoir constaté que selon l'article 1 du Contrat de développement de franchise (CDF), signé entre Kabab-Ji et AHFC le 16 juillet 2001, intitulé « contenu du contrat », « le présent contrat comprend les paragraphes qui précèdent, les termes énoncés ci-après, les documents qui y sont mentionnés ainsi que toute(s) pièce(s), annexe(s) ou modification(s) à celui-ci ou à ses accessoires qui doit être signé ultérieurement par les parties. Il doit être interprété dans son ensemble et chacun des documents mentionnés doit être considéré comme faisant partie intégrante du présent Contrat et interprété comme un complément aux autres », que selon l'article 15 du même contrat, et de l'article 27 des CPVFs, il était prévu que le « présent Contrat sera régi par le droit anglais et interprété conformément à ces dispositions » et que selon les clauses compromissoires figurant au CDF et aux CPVFs (art. 14 et 26) les arbitres devaient appliquer « les stipulations contenues dans le Contrat » et les « principes de droit généralement reconnus dans le cadre des transactions internationales » et ne pouvaient appliquer « toute règle qui contredit la formulation stricte du Contrat », ce dont il résultait que les parties ont expressément soumis au droit anglais les conventions d'arbitrage, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis des articles 1, 14 et 15 du CDF et 26 et 27 des CPVFs, en méconnaissance de l'obligation faite au juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; 3°) ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QUE l'existence et l'efficacité de la convention d'arbitrage s'apprécient au regard de la loi choisie par les parties pour la régir ; qu'à défaut de stipulations manifestant une intention contraire des parties, le choix de la loi applicable au contrat est présumé valoir pour l'ensemble de ses stipulations, en ce compris la clause compromissoire ; qu'en statuant comme elle l'a fait, après avoir constaté que le CDF et les CPVFs étaient expressément soumis au droit anglais et devaient être interprétés conformément à ces dispositions (arrêt attaqué, p. 5, § 2), sans caractériser une intention contraire des parties de soumettre l'existence et l'efficacité de la convention d'arbitrage à une autre loi que celle applicable au contrat, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1520.1° du code de procédure civile. SECOND MOYEN DE CASSATION La société KFG fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté le recours en annulation de la sentence rendue à Paris entre les parties le 11 septembre 2017 ; 1°) ALORS QUE le juge doit respecter et faire respecter le principe de la contradiction ; qu'en écartant le moyen tiré de la violation par le tribunal arbitral du principe de la contradiction tiré de ce qu'il s'est fondé sur un mécanisme juridique invoqué par Kabab-Ji pour la première fois dans son mémoire post-audience, interdisant ainsi aux parties de débattre de ce mécanisme et de ses effets sur les accords, en relevant d'office, sans préalablement inviter les parties à présenter leurs observations, le moyen tiré de ce que KFG a disposé de près de deux mois pour répondre à cet argument ou solliciter un délai supplémentaire entre le dépôt du mémoire après audience de la société Kabab-Ji le 6 février 2017 et l'ordonnance procédurale n° 11 du 27 mars 2017, par laquelle le tribunal arbitral a déclaré la clôture des débats en vertu de l'article 27 du Règlement d'arbitrage CCI, de sorte qu'elle a été mise à même de débattre contradictoirement, de contester l'existence de ce mécanisme dans le droit anglais et d'en discuter ses effets sur les accords, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ; 2°) ALORS QU'en se prononçant comme elle l'a fait, sans constater que la société KFG pouvait effectivement, en considération des stipulations du règlement d'arbitrage applicable et du calendrier procédural fixé par le tribunal arbitral, déposer de nouvelles écritures pour répliquer au mémoire déposé après l'audience par la société Kabab-Ji le 6 février 2017 ou solliciter un délai supplémentaire pour le faire, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1520.4° du code de procédure civile. 1re Civ., 30 mars 2004, pourvoi n° 01-14.311, Bull. 2004, I, n° 95 (rejet).
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 5 octobre 2022 Cassation partielle M. CHAUVIN, président Arrêt n° 705 FS-B Pourvoi n° 21-15.386 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 5 OCTOBRE 2022 La société Entr'ouvert, société coopérative ouvrière de production, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° 21-15.386 contre l'arrêt rendu le 19 mars 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 2), dans le litige l'opposant : 1°/ à la société Orange, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3], 2°/ à la société Orange Business Services, dont le siège est [Adresse 1], venant aux droits de la société Orange Applications for Business, défenderesses à la cassation. Les sociétés Orange et Orange Business Services ont formé un pourvoi incident contre le même arrêt. La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexés au présent arrêt. Les demanderesses au pourvoi incident invoquent, à l'appui de leur recours, le moyen unique de cassation au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Chevalier, conseiller, les observations et plaidoiries de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Entr'ouvert et de la SAS Buk, Lament-Robillot, avocat des sociétés Orange et Orange Business Services, et l'avis de Mme Mallet-Bricout, avocat général, après débats en l'audience publique du 12 juillet 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Chevalier, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, M. Mornet, Mmes Kerner-Menay, Bacache-Gibeili, conseillers, Mmes Gargoullaud, Dazzan, Le Gall, Feydeau-Thieffry, M. Serrier, conseillers référendaires, Mme Mallet-Bricout, avocat général, et Mme Tinchon, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 19 mars 2021), la société Entr'Ouvert a conçu un logiciel dénommé « Lasso » et permettant la mise en place d'un système d'authentification unique, qu'elle diffuse sous licence libre ou sous licence commerciale en contrepartie du paiement de redevances à son profit. 2. A la suite d'un appel d'offres de l'Etat pour la réalisation du portail dénommé « Mon service public », la société Orange a fourni une solution informatique de gestion d'identités et des moyens d'interface à destination des fournisseurs de service (IDMP), au moyen d'une plate-forme logicielle dénommée « Identité Management Platform » et intégrant le logiciel Lasso. 3. Le 29 avril 2011, estimant que cette mise à disposition de son logiciel n'était pas conforme aux clauses de la licence libre et qu'elle constituait un acte de concurrence déloyale, la société Entr'Ouvert, après avoir fait procéder à une saisie contrefaçon au siège de la société Orange, a assigné celle-ci en contrefaçon de droits d'auteur et parasitisme. 4. La société Orange Application for Business, aux droits de laquelle se trouve la société Orange Business Services, est intervenue volontairement à l'instance. 5. Une expertise judiciaire de la plate-forme IDMP fournie par la société Orange a été ordonnée. Examen des moyens Sur le moyen du pourvoi incident Enoncé du moyen 6. La société Orange fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la société Entr'Ouvert la somme de 150 000 euros pour parasitisme, alors : « 1°/ que, dans ses conclusions d'appel, la société Entr'Ouvert faisait valoir, dans un premier temps, que les sociétés Orange avaient violé les articles 4 et 10 de la licence GNU GPL V2 dès lors qu'elles avaient incorporé une partie du programme dans d'autres programmes et sans écrire à l'auteur pour lui en demander l'autorisation, tout en précisant que selon le rapport d'expertise du 23 octobre 2017 le logiciel Lasso avait été encapsulé dans IDMP ; que la société Entr'Ouvert faisait encore valoir, dans un deuxième temps au titre des prétendus agissements parasitaires imputés aux sociétés Orange, se fondant en cela une nouvelle fois sur le rapport d'expertise du 23 octobre 2017, que ces dernières avaient modifié Lasso en quantité afin de le rendre compatible avec les demandes de la DGME et de construire le périmètre la distribution IDMP/MSP ; qu'en jugeant que les reproches articulés par la société Entr'Ouvert au titre des actes de parasitisme n'étaient pas tirés de violation des clauses du contrat et qu'ils ne se heurtaient dès lors pas à la règle du non-cumul des responsabilités, la cour d'appel a dénaturé les conclusions susvisées et ainsi méconnu le principe interdisant au juge de dénaturer les éléments qui lui sont soumis ; 2°/ qu'au surplus le parasitisme consiste, pour un opérateur économique, à se placer dans le sillage d'une entreprise en profitant indûment de sa notoriété ou de ses investissements, indépendamment de tout risque de confusion ; qu'en se bornant, pour allouer à la société Entr'Ouvert la somme de 150 000 euros à titre de dommages et intérêts pour parasitisme, à relever que la société Orange avait, sans bourse délier, utilisé le savoir-faire, le travail et les investissements de la société Entr'Ouvert en modifiant et incorporant le logiciel Lasso dans la solution qu'elle avait proposée en réponse à l'appel d'offre de l'Etat, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si le fait que la volonté de l'éditeur d'un logiciel libre, comme Lasso, était précisément de permettre à tout utilisateur d'exploiter et de modifier librement les logiciels qu'il édite n'était pas de nature à exclure les actes de parasitisme imputés à la société Orange, tirés de ce qu'elle aurait utilisé le logiciel en le modifiant et en l'incorporant dans la solution IDMP, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1240 du code civil ; 3°/ qu'en tout état de cause le parasitisme économique se définit comme l'ensemble des comportements par lesquels un agent économique s'immisce dans le sillage d'un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire ; qu'en se bornant, pour allouer à la société Entr'Ouvert la somme de 150 000 euros à titre de dommages et intérêts pour parasitisme, à relever que la société Orange avait, sans bourse délier, utilisé le savoir-faire, le travail et les investissements de la société Entr'Ouvert en modifiant et incorporant le logiciel Lasso dans la solution qu'elle avait proposée en réponse à l'appel d'offre de l'Etat, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si le fait que la société Orange ait réglé les prestations de service exécutées par la société Entr'Ouvert dans le cadre de contrats qu'elles avaient conclus entre elles ayant précisément pour objet la formation et le support au titre du logiciel Lasso n'excluait pas, de la part de la société Orange, un détournement indu et sans dépense du savoir-faire qui lui avait été régulièrement transmis, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1240 du code civil ; 4°/ qu'en tout état de cause, les juges qui doivent motiver leur décision doivent analyser même sommairement au besoin pour les écarter les pièces qui leur sont soumises ; qu'en omettant d'analyser les pièces 7-1 à 7-5 produites en appel par la société Entr'Ouvert dont il résultait pourtant que les parties avaient conclu entre elles un contrat de prestations de services à titre onéreux, impliquant que la société Entr'Ouvert forme une partie de l'équipe de la société Orange (anciennement France Telecom) à l'utilisation du logiciel Lasso, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 5°/ qu'il appartient à la partie qui prétend être parasitée de justifier de la notoriété du savoir-faire invoqué, des investissements réalisés pour conférer à celui-ci une valeur économique et de ses efforts tant commerciaux que financiers ; qu'en se fondant, pour la condamner pour parasitisme, sur la circonstance que la société Orange avait, sans bourse délier, utilisé le savoir-faire, le travail et les investissements de la société Entr'Ouvert, après avoir pourtant constaté que cette dernière ne produisait aucune pièces comptable ou financière pour quantifier les moyens qu'elle avait consentis au développement de la bibliothèque Lasso, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations dont il résultait l'absence de justification des investissements réalisés et, partant, l'absence de faits de parasitisme, violant ainsi l'article 1240 du code civil ; 6°/ que la contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs ; que la cour qui, après avoir constaté que la société Entr'Ouvert ne produisait aucune pièce comptable ou financière pour chiffrer son préjudice économique, a néanmoins alloué, au vu des éléments dont elle dispose, la somme de 150 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de l'entier préjudice, aussi bien économique que moral, de cette dernière, s'est contredite, privant ainsi sa décision de tout motif en violation de l'article 455 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 7. D'abord, après avoir constaté que le parasitisme invoqué était distinct des violations alléguées des clauses du contrat de licence, la cour d'appel, se fondant sur le rapport d'expertise, a relevé que, dès 2004, les parties avaient entretenu des relations d'affaires, à l'occasion desquelles la société Orange avait très vite montré son intérêt pour le logiciel Lasso en sollicitant divers renseignements, formations et prestations sur ce logiciel, que, pour répondre à l'appel d'offres, celle-ci l'avait identifié comme « permettant d'apporter la brique technique et fonctionnelle à la version IDMP », que la solution IDMP présentée alors était totalement dépendante de la présence du logiciel, qu'il était impossible, sauf au prix d'une refonte conséquente des codes sources d'IDMP, d'intégrer un autre composant logiciel qui rendrait le même service que Lasso, que la solution proposée par la société Orange avait permis de rendre IDMP conforme au protocole informatique de sécurité, que le logiciel Lasso, tel que modifié et incorporé dans la solution proposée par la société Orange, avait procuré à celle-ci l'avantage de pouvoir répondre à l'appel d'offres de l'Etat en respectant les pré-requis demandés et que celle-ci avait, sans bourse délier, utilisé le savoir-faire, le travail et les investissements de la société Entr'Ouvert. 8. Elle a pu en déduire, en l'absence de dénaturation des conclusions et sans être tenue ni de procéder à une recherche qui ne lui était pas demandée ni de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, que la société Orange avait commis des actes de parasitisme. 9. Ensuite, c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis et sans se contredire, qu'elle a retenu que, si la société Entr'Ouvert, sollicitant la somme de 500 000 euros, ne produisait aucune pièce comptable ou financière pour quantifier les moyens qu'elle avait consentis au développement du logiciel Lasso, le parasitisme opéré par la société Orange, pour remporter un marché conséquent avec l'Etat sans aucune reconnaissance ni financière, ni morale du travail et des investissements de la société Entr'Ouvert, lui avait causé un préjudice économique et moral qu'elle a évalué à 150 000 euros. 10. Le moyen n'est donc pas fondé. Sur le moyen, pris en sa troisième branche, du pourvoi principal, ci-après annexé 11. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Mais sur le moyen, pris en sa première branche, du pourvoi principal Enoncé du moyen 12. La société Entr'Ouvert fait grief à l'arrêt de la déclarer irrecevable à agir sur le fondement de la contrefaçon, alors « que la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit (CJUE, 18 décembre 2009, IT Development c. Free Mobile, aff. C-666/18) que la directive 2004/48/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au respect des droits de propriété intellectuelle, et la directive 2009/24/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 avril 2009, concernant la protection juridique des programmes d'ordinateur, doivent être interprétées en ce sens que la violation d'une clause d'un contrat de licence d'un programme d'ordinateur, portant sur des droits de propriété intellectuelle du titulaire des droits d'auteur de ce programme, relève de la notion d'« atteinte aux droits de propriété intellectuelle », au sens de la directive 2004/48, et que, par conséquent, ledit titulaire doit pouvoir bénéficier des garanties prévues par cette dernière directive, indépendamment du régime de responsabilité applicable selon le droit national ; qu'en droit français, seule l'action en contrefaçon prévue par le code de la propriété intellectuelle offre au titulaire de droits d'auteur sur un programme d'ordinateur les garanties prévues par ladite directive ; qu'il est donc recevable à agir en contrefaçon même si l'atteinte à son droit d'auteur résulte de la violation d'une clause d'un contrat de licence ; qu'en énonçant néanmoins, pour déclarer l'action de la société Entr'ouvert irrecevable, que, lorsque le fait générateur d'une atteinte à un droit de propriété intellectuelle résulte d'un acte de contrefaçon, l'action doit être engagée sur le fondement de la responsabilité quasi-délictuelle prévue à l'article L. 335-3 du code de la propriété intellectuelle et qu'en revanche, lorsque le fait générateur d'une atteinte à un droit de propriété intellectuelle résulte d'un manquement contractuel, le titulaire du droit ayant consenti par contrat à son utilisation sous certaines réserves, seule une action en responsabilité contractuelle est recevable par application du principe de non-cumul des responsabilités, la cour d'appel a violé l'article L. 335-3 du code de la propriété intellectuelle par refus d'application, ensemble les directives 2004/48 et 2009/24 par fausse interprétation et le principe de non-cumul des responsabilités par fausse application. » Réponse de la Cour Vu l'article L. 335-3, alinéa 2, du code de la propriété intellectuelle, les articles 7 et 13 de la directive 2004/48/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au respect des droits de propriété intellectuelle et l'article 1er de la directive 2009/24/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2009 concernant la protection juridique des programmes d'ordinateur : 13. Selon le premier de ces textes, constitue un délit de contrefaçon la violation de l'un des droits de l'auteur d'un logiciel définis à l'article L. 122-6 du code de la propriété intellectuelle. 14. Conformément au deuxième, les États membres veillent à ce que les autorités judiciaires compétentes, avant l'engagement d'une action au fond, puissent, sur requête d'une partie qui a présenté des éléments de preuve raisonnablement accessibles pour étayer ses allégations selon lesquelles il a été porté atteinte à son droit de propriété intellectuelle ou qu'une telle atteinte est imminente, ordonner des mesures provisoires rapides et efficaces pour conserver les éléments de preuve pertinents, de telles mesures pouvant inclure la description détaillée avec ou sans prélèvement d'échantillons, ou la saisie réelle des marchandises litigieuses et, dans les cas appropriés, des matériels et instruments utilisés pour produire et/ou distribuer ces marchandises ainsi que des documents s'y rapportant. 15. En application du troisième, les Etats membres veillent à ce que les autorités judiciaires, lorsqu'elles fixent les dommages-intérêts, prennent en considération tous les aspects appropriés tels que les conséquences économiques négatives, notamment le manque à gagner, subies par la partie lésée, les bénéfices injustement réalisés par le contrevenant et, dans des cas appropriés, des éléments autres que des facteurs économiques, comme le préjudice moral causé au titulaire du droit du fait de l'atteinte, ou, à titre d'alternative, puissent fixer, dans des cas appropriés, un montant forfaitaire de dommages-intérêts, sur la base d'éléments tels que, au moins, le montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrevenant avait demandé l'autorisation d'utiliser le droit de propriété intellectuelle en question. 16. En vertu du quatrième, les Etats membres doivent protéger les programmes d'ordinateur par le droit d'auteur. 17. La Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que « la directive [2004/48] et la directive [2009/24] doivent être interprétées en ce sens que la violation d'une clause d'un contrat de licence d'un programme d'ordinateur, portant sur des droits de propriété intellectuelle du titulaire des droits d'auteur de ce programme, relève de la notion d' « atteinte aux droits de propriété intellectuelle », au sens de la directive 2004/48, et que, par conséquent, ledit titulaire doit pouvoir bénéficier des garanties prévues par cette dernière directive, indépendamment du régime de responsabilité applicable selon le droit national (CJUE, arrêt du 18 décembre 2019, C-666/18). 18. Si, selon l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, en cas d'inexécution de ses obligations nées du contrat, le débiteur peut être condamné à des dommages-intérêts, ceux-ci ne peuvent, en principe, excéder ce qui était prévisible ou ce que les parties ont prévu conventionnellement. Par ailleurs, il résulte de l'article 145 du code de procédure civile que les mesures d'instruction légalement admissibles ne permettent pas la saisie réelle des marchandises arguées de contrefaçon ni celle des matériels et instruments utilisés pour les produire ou les distribuer. 19. Il s'en déduit que, dans le cas d'une d'atteinte portée à ses droits d'auteur, le titulaire, ne bénéficiant pas des garanties prévues aux articles 7 et 13 de la directive 2004/48 s'il agit sur le fondement de la responsabilité contractuelle, est recevable à agir en contrefaçon. 20. Pour déclarer irrecevables les demandes en contrefaçon de droits d'auteur formées par la société Entr'Ouvert au titre de la violation du contrat de licence liant les parties, l'arrêt retient que la CJUE ne met pas en cause le principe du non-cumul des responsabilités délictuelle et contractuelle et il en déduit que, lorsque le fait générateur d'une atteinte à un droit de propriété intellectuelle résulte d'un manquement contractuel, seule une action en responsabilité contractuelle est recevable. 21. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi principal, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare la société Entr'Ouvert irrecevable à agir en contrefaçon, l'arrêt rendu le 19 mars 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ; Condamne les sociétés Orange et Orange Business Services aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par les sociétés Orange et Orange Business Services et les condamne à payer à la société Entr'Ouvert la somme de 5 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq octobre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour la société Entr'ouvert, demanderesse au pourvoi principal. La société Entr'ouvert reproche à l'arrêt attaqué d'avoir dit qu'elle était irrecevable à agir sur le fondement délictuel de la contrefaçon, 1) ALORS QUE la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit (CJUE, 18 décembre 2009, IT Development c. Free Mobile, aff. C-666/18) que la directive 2004/48/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au respect des droits de propriété intellectuelle, et la directive 2009/24/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 avril 2009, concernant la protection juridique des programmes d'ordinateur, doivent être interprétées en ce sens que la violation d'une clause d'un contrat de licence d'un programme d'ordinateur, portant sur des droits de propriété intellectuelle du titulaire des droits d'auteur de ce programme, relève de la notion d'« atteinte aux droits de propriété intellectuelle », au sens de la directive 2004/48, et que, par conséquent, ledit titulaire doit pouvoir bénéficier des garanties prévues par cette dernière directive, indépendamment du régime de responsabilité applicable selon le droit national ; qu'en droit français, seule l'action en contrefaçon prévue par le code de la propriété intellectuelle offre au titulaire de droits d'auteur sur un programme d'ordinateur les garanties prévues par ladite directive ; qu'il est donc recevable à agir en contrefaçon même si l'atteinte à son droit d'auteur résulte de la violation d'une clause d'un contrat de licence ; qu'en énonçant néanmoins, pour déclarer l'action de la société Entr'ouvert irrecevable, que, lorsque le fait générateur d'une atteinte à un droit de propriété intellectuelle résulte d'un acte de contrefaçon, l'action doit être engagée sur le fondement de la responsabilité quasi-délictuelle prévue à l'article L. 335-3 du code de la propriété intellectuelle et qu'en revanche, lorsque le fait générateur d'une atteinte à un droit de propriété intellectuelle résulte d'un manquement contractuel, le titulaire du droit ayant consenti par contrat à son utilisation sous certaines réserves, seule une action en responsabilité contractuelle est recevable par application du principe de non-cumul des responsabilités, la cour d'appel a violé l'article L. 335-3 du code de la propriété intellectuelle par refus d'application, ensemble les directives 2004/48 et 2009/24 par fausse interprétation et le principe de non-cumul des responsabilités par fausse application ; 2) ALORS QUE le principe de non-cumul des responsabilités contractuelle et délictuelle s'oppose à ce que la réparation des conséquences dommageables d'un même fautif soit recherchée simultanément sur le fondement contractuel et sur le fondement délictuel ; qu'il ne s'applique pas à l'action en contrefaçon, qui sanctionne l'atteinte à un droit privatif ; qu'en conséquence, toute exploitation d'un logiciel protégé par le droit d'auteur sans l'autorisation de l'auteur est justiciable de l'action en contrefaçon, qu'elle résulte de l'absence de contrat de licence ou de l'outrepassement de ses limites ; qu'en énonçant, pour déclarer la société Entr'ouvert irrecevable à agir sur le fondement de l'article L. 335-3 du code de la propriété intellectuelle pour faire sanctionner l'atteinte à son droit d'auteur sur le logiciel Lasso, qu'elle procédait de la violation des clauses du contrat de licence GNU GPL version 2, en sorte que seule une action en responsabilité contractuelle était recevable par application du principe de non-cumul des responsabilités contractuelle et délictuelle, la cour d'appel a violé l'article L. 335-3 du code de la propriété intellectuelle par refus d'application, ensemble le principe de non-cumul des responsabilités contractuelle et délictuelle par fausse application ; 3) ALORS QU' en toute hypothèse, l'action de la société Entr'ouvert était exclusivement fondée sur l'atteinte à son droit d'auteur sur le logiciel Lasso, le contrat de licence GPN GLU v2 n'étant évoqué pour que pour démontrer que les sociétés Orange avaient porté atteinte au droit d'auteur de la société Entr'ouvert en se livrant à une utilisation non autorisée du logiciel Lasso ; que la société Entr'ouvert n'a jamais invoqué la responsabilité contractuelle des sociétés Orange ; qu'en retenant néanmoins, pour déclarer irrecevable l'action en contrefaçon de la société Entr'ouvert au nom du principe de non-cumul des responsabilités contractuelle et délictuelle, qu'elle se fondait sur le contrat de licence qui liait les parties et qu'elle se prévalait de la violation des clauses de ce contrat, la cour d'appel a méconnu les termes du litige, en violation des articles 4 et 5 du code de procédure civile ; 4) ALORS QU' en toute hypothèse, la cour d'appel invoquait également, au soutien de son action en contrefaçon de droit d'auteur, l'atteinte à son droit moral d'auteur, et plus particulièrement à son droit à la paternité du logiciel Lasso, les sociétés Orange n'ayant pas indiqué à leur cocontractant que le logiciel IDMP intégrait le logiciel Lasso créée par la société Entr'ouvert (conclusions récapitulatives d'appel de la société Entr'ouvert, p. 38 et 39) ; que l'atteinte au droit à la paternité de la société Entr'ouvert était indépendante de la violation du champ d'application du contrat de licence GPN GLU v2, lequel ne régit que les droits patrimoniaux ; qu'en déclarant irrecevable, au nom du principe de non-cumul des responsabilités contractuelle et délictuelle, l'action en contrefaçon de la société Entr'ouvert en tant qu'elle était fondée sur l'atteinte à son droit à la paternité sur le logiciel Lasso, la cour d'appel a violé les articles L. 121-1 et L. 335-3 du code de la propriété intellectuelle, ensemble le principe de non-cumul des responsabilités contractuelle et délictuelle par fausse application. Moyen produit par la SCP Buk, Lament-Robillot, avocat aux Conseils, pour les sociétés Orange et Oranges Business services, demanderesses au pourvoi incident. La société Orange fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir condamnée à payer à la société Entr'Ouvert la somme de 150 000 euros pour parasitisme ; 1°) ALORS QUE dans ses conclusions d'appel, la société Entr'Ouvert faisait valoir, dans un premier temps, que les sociétés Orange avaient violé les articles 4 et 10 de la licence GNU GPL V2 dès lors qu'elles avaient incorporé une partie du programme dans d'autres programmes et sans écrire à l'auteur pour lui en demander l'autorisation, tout en précisant que selon le rapport d'expertise du 23 octobre 2017 le logiciel Lasso avait été encapsulé dans IDMP (conclusions pages 20 et 21) ; que la société Entr'Ouvert faisait encore valoir, dans un deuxième temps au titre des prétendus agissements parasitaires imputés aux sociétés Orange, se fondant en cela une nouvelle fois sur le rapport d'expertise du 23 octobre 2017, que ces dernières avaient modifié Lasso en quantité afin de le rendre compatible avec les demandes de la DGME et de construire le périmètre la distribution IDMP/MSP (conclusions page 47) ; qu'en jugeant que les reproches articulés par la société Entr'Ouvert au titre des actes de parasitisme n'étaient pas tirés de violation des clauses du contrat et qu'ils ne se heurtaient dès lors pas à la règle du non-cumul des responsabilités, la cour d'appel a dénaturé les conclusions susvisées et ainsi méconnu le principe interdisant au juge de dénaturer les éléments qui lui sont soumis ; 2°) ALORS QU'au surplus le parasitisme consiste, pour un opérateur économique, à se placer dans le sillage d'une entreprise en profitant indûment de sa notoriété ou de ses investissements, indépendamment de tout risque de confusion ; qu'en se bornant, pour allouer à la société Entr'Ouvert la somme de 150 000 euros à titre de dommages et intérêts pour parasitisme, à relever que la société Orange avait, sans bourse délier, utilisé le savoirfaire, le travail et les investissements de la société Entr'Ouvert en modifiant et incorporant le logiciel Lasso dans la solution qu'elle avait proposée en réponse à l'appel d'offre de l'Etat, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si le fait que la volonté de l'éditeur d'un logiciel libre, comme Lasso, était précisément de permettre à tout utilisateur d'exploiter et de modifier librement les logiciels qu'il édite n'était pas de nature à exclure les actes de parasitisme imputés à la société Orange, tirés de ce qu'elle aurait utilisé le logiciel en le modifiant et en l'incorporant dans la solution IDMP, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1240 du code civil ; 3°) ALORS QU'en tout état de cause le parasitisme économique se définit comme l'ensemble des comportements par lesquels un agent économique s'immisce dans le sillage d'un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire ; qu'en se bornant, pour allouer à la société Entr'Ouvert la somme de 150 000 euros à titre de dommages et intérêts pour parasitisme, à relever que la société Orange avait, sans bourse délier, utilisé le savoir-faire, le travail et les investissements de la société Entr'Ouvert en modifiant et incorporant le logiciel Lasso dans la solution qu'elle avait proposée en réponse à l'appel d'offre de l'Etat, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si le fait que la société Orange ait réglé les prestations de service exécutées par la société Entr'Ouvert dans le cadre de contrats qu'elles avaient conclus entre elles ayant précisément pour objet la formation et le support au titre du logiciel Lasso n'excluait pas, de la part de la société Orange, un détournement indu et sans dépense du savoir-faire qui lui avait été régulièrement transmis, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1240 du code civil ; 4°) ALORS QU'en tout état de cause, les juges qui doivent motiver leur décision doivent analyser même sommairement au besoin pour les écarter les pièces qui leur sont soumises ; qu'en omettant d'analyser les pièces 7-1 à 7-5 produites en appel par la société Entr'Ouvert dont il résultait pourtant que les parties avaient conclu entre elles un contrat de prestations de services à titre onéreux, impliquant que la société Entr'Ouvert forme une partie de l'équipe de la société Orange (anciennement France Telecom) à l'utilisation du logiciel Lasso, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 5°) ALORS QU'il appartient à la partie qui prétend être parasitée de justifier de la notoriété du savoir-faire invoqué, des investissements réalisés pour conférer à celui-ci une valeur économique et de ses efforts tant commerciaux que financiers ; qu'en se fondant, pour la condamner pour parasitisme, sur la circonstance que la société Orange avait, sans bourse délier, utilisé le savoir-faire, le travail et les investissements de la société Entr'Ouvert, après avoir pourtant constaté que cette dernière ne produisait aucune pièces comptable ou financière pour quantifier les moyens qu'elle avait consentis au développement de la bibliothèque Lasso, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations dont il résultait l'absence de justification des investissements réalisés et, partant, l'absence de faits de parasitisme, violant ainsi l'article 1240 du code civil ; 6°) ALORS QUE la contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs ; que la cour qui, après avoir constaté que la société Entr'Ouvert ne produisait aucune pièce comptable ou financière pour chiffrer son préjudice économique, a néanmoins alloué, au vu des éléments dont elle dispose, la somme de 150 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de l'entier préjudice, aussi bien économique que moral, de cette dernière, s'est contredite, privant ainsi sa décision de tout motif en violation de l'article 455 du code de procédure civile. Sur le champ d'application de l'action en contrefaçon dans la propriété littéraire et artistique, cf :CJUE, arrêt du 18 décembre 2019, IT Development, C-666/18.
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 20 octobre 2022 Cassation partielle M. PIREYRE, président Arrêt n° 1087 F-B Pourvoi n° X 20-22.801 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 20 OCTOBRE 2022 M. [C] [G], domicilié [Adresse 3]), a formé le pourvoi n° X 20-22.801 contre l'arrêt rendu le 13 octobre 2020 par la cour d'appel de Reims (chambre civile, contentieux de l'exécution), dans le litige l'opposant à la société Eurocom finances SPF, société anonyme de droit luxembourgeois, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1]), défenderesse à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Latreille, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de M. [G], de la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de la société Eurocom finances SPF, et l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l'audience publique du 13 septembre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Latreille, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Reims, 13 octobre 2020), le 3 mai 2019, la société Eurocom finances SPF a fait dresser un procès-verbal de saisie de droits d'associés et de valeurs mobilières appartenant à M. [G] dans la société Renaissance 12 sur le fondement d'un acte notarié de prêt du 23 février 2015 pour une certaine somme. 2. M. [G] a contesté cette saisie. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 3. M. [G] fait grief à l'arrêt de le débouter de toutes ses prétentions et de dire que les frais de la saisie contestée sont à sa charge, alors « que le juge de l'exécution a le pouvoir d'ordonner la mainlevée de toute mesure inutile ou abusive et de condamner le créancier à des dommages-intérêts en cas d'abus de saisie ; que la disproportion ou le caractère abusif d'une mesure d'exécution forcée peut être révélée par des circonstances postérieures à la date à laquelle la mesure a été exercée et le juge de l'exécution doit ordonner la mainlevée d'une mesure d'exécution forcée se révélant, au jour où il statue, abusive ; qu'en retenant néanmoins, pour rejeter la demande de mainlevée de la saisie, à la requête de la société Eurocom finances, de droits d'associés appartenant à M. [G] dans la société civile Renaissance 12 pour paiement de la somme en principal de 500 000 euros outre pénalités et écarter son caractère abusif ou disproportionné, que ce caractère ne s'appréciant qu'au jour où la mesure avait été exercée, les circonstances postérieurs invoquées par M. [G] sont indifférentes, la cour d'appel a violé l'article L. 121-2 du code des procédures civiles d'exécution. » Réponse de la Cour Vu les articles L. 111-7 et L. 121-2 du code des procédures civiles d'exécution : 4. Selon le premier de ces textes, le créancier a le choix des mesures propres à assurer l'exécution ou la conservation de sa créance. L'exécution de ces mesures ne peut excéder ce qui se révèle nécessaire pour obtenir le paiement de l'obligation. 5. Selon le second, le juge de l'exécution a le pouvoir d'ordonner la mainlevée de toute mesure inutile ou abusive et de condamner le créancier à des dommages-intérêts en cas d'abus de saisie. 6. Il résulte de ces textes que pour trancher la demande de mainlevée de la mesure inutile ou abusive, il appartient au juge de l'exécution de se placer au jour où il statue. 7. Pour rejeter la demande de mainlevée de la saisie de M. [G], l'arrêt retient qu'il ne peut être sérieusement discuté que, pour apprécier l'abus de saisie allégué ou la disproportion de cette voie d'exécution, la cour doit se placer au jour de la réalisation de la mesure contestée. 8. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a confirmé le jugement du juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Reims du 3 février 2020 en ce qu'il avait déclaré recevable l'exception de nullité de l'assignation soulevée par la société Eurocom finances SPF et rejeté cette exception de nullité, l'arrêt rendu le 13 octobre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Reims ; Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Douai. Condamne la société Eurocom finances SPF aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Eurocom finances SPF et la condamne à payer à M. [G] la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt octobre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat aux Conseils, pour M. [G] Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR débouté M. [G] de toutes ses prétentions et dit que les frais de la saisie contestée sont à sa charge ; AUX MOTIFS QUE - Sur la demande de mainlevée de la saisie pour abus de droit et disproportion : que l'article L. 111-7 du code des procédures civiles d'exécution énonce que le créancier a le choix des mesures propres à assurer l'exécution ou la conservation de sa créance ; l'exécution de ces mesures ne peut excéder ce qui se révèle nécessaire pour obtenir le paiement de l'obligation ; que M. [G] énonce à ce sujet que : - la SA Eurocom Finances SPF a récemment pu bénéficier du règlement en sa faveur d'une somme de 230 000 euros suite à la cession par la SCI Nelson de son actif immobilier, ses parts dans la SC Renaissance 12 sont évaluées à plus de 1 470 000 euros, ce qui est très supérieur au solde de créance d'Eurocom Finances SPF, soit 270 000 euros, - Eurocom Finances SPF est elle-même redevable à la SCI EFP (filiale de la SC Renaissance 12) d'une somme de plus 276 000 euros, - la SA Eurocom Finances SPF a déclaré une créance de 480 000 euros au passif de la SCI EFP actuellement en redressement judiciaire, - la SA Eurocom Finances SPF a engagé d'autres actions pour recouvrer les sommes aujourd'hui réclamées au saisi ; Qu'il ne peut être sérieusement discuté que, pour apprécier l'abus de saisie allégué ou la disproportion de cette voie d'exécution, la cour doit se placer au jour de la réalisation de la mesure contestée, soit le 3 mai 2019 ; qu'à cette date, le versement à la SA Eurocom Finances SPF d'une somme de 230 000 euros par la SCI Nelson en sa qualité de caution hypothécaire n'était nullement d'actualité puisque le règlement allégué par M. [G] n'a été effectif que le 27 avril 2020 selon courrier du conseil de la société créancière adressé le 7 mai 2020 à maître [B], mandataire judiciaire, M. [G] produisant sous sa pièce n°23 un courrier du 25 juillet 2019 de ce même avocat à maître [X], notaire à [Localité 4], lettre par laquelle maître [I] demande à l'officier ministériel d'adresser à sa cliente le montant de son hypothèque, soit 230 000 euros ; Qu'il s'évince de ces correspondances que le règlement à Eurocom Finances SPF d'une somme de 230 000 euros suite à la réalisation de l'actif de la SCI Nelson est bien un événement postérieur à la saisie querellée, cette donnée factuelle étant par définition insusceptible d'interférer dans l'appréciation de l'utilité de la mesure d'exécution contestée ; Que si M. [G] entend également rappeler que la SA Eurocom Finances SPF est débitrice d'une somme de 276 000 euros envers la SCI EFP suite à un détournement des loyers dus à cette dernière, il s'agit-là aussi d'une donnée postérieure à la saisie querellée dès lors que le demandeur vise l'arrêt de la cour de Reims du 14 mai 2019, cette décision n'étant pas de nature à influencer l'appréciation au jour de sa réalisation de l'utilité ou non de la mesure d'exécution forcée ; Que, par ailleurs, la créance ainsi consacrée au profit de la SCI EFP n'est pas de nature à modifier le décompte de créance repris dans le procès-verbal de saisie du 3 mai 2019, lequel déduit à concurrence des loyers perçus de la SCI EFP une somme en principal de 111 769,61 euros, sauf à augmenter d'autant la dette de la SC Renaissance 12 envers le prêteur s'il ne fallait pas tenir compte de ces loyers perçus de la part de la SCI caution ; Que, sur la déclaration de créance régularisée le 23 avril 2018 par Eurocom Finances SPF au passif de la SCI EFP pour une somme de 480 000 euros à titre privilégié, il ne peut être négligé que le juge-commissaire a entendu, par ordonnance du 24 octobre 2019, surseoir sur la demande d'admission de la créance d'Eurocom, décision confirmée par arrêt de la cour d'appel de Reims du 26 mai 2020 ; Qu'ainsi, s'il est exact que la société Eurocom Finances SPF avait, au jour de la saisie contestée, déclaré une créance de 480 000 euros au passif du redressement judiciaire de la SCI SFP, il n'avait pas été statué sur l'admission de cette créance dont le sort ne semble pas encore réglé à ce jour ; Qu'il s'ensuit que la référence de M. [G] à cette déclaration de créance est indifférente dans l'appréciation du caractère abusif ou disproportionné de la voie d'exécution forcée contestée ; Que, de surcroît, les "diverses actions parallèles" engagées par Eurocom pour recouvrer les sommes aujourd'hui réclamées à M. [G] ne sont pas davantage explicitées de sorte que la cour ne peut en apprécier les conséquences sur la saisie critiquée au jour où celle-ci a été opérée ; Qu'enfin, sur la disproportion évoquée par M. [G] entre la créance d'Eurocom Finances SPF et la valeur des droits d'associés saisis, il doit être rappelé que le décompte repris dans le procès-verbal de saisie du 3 mai 2019 mentionne une créance de 499 012,45 euros (déduction faite des 111 769,61 euros obtenus par versement contesté des loyers de la SCI EFP) ; Que si le demandeur estime la valeur de ses droits saisis à la requête d'Eurocom Finances SPF à au-moins la somme de 1 470 000 euros, force est d'observer que la méthode de valorisation telle qu'employée par l'intéressé est pour le moins sommaire et en tous les cas non étayée par d'utiles justificatifs ; Qu'en effet, M. [G] expose que la société Renaissance 12 détient 99,80 % de la SCI EFP, laquelle est propriétaire d'un immeuble valorisé à 1 500 000 euros et créancière d'Eurocom à concurrence de 276 000 euros, ainsi que 12 % de [G] Enterprises par laquelle M. [G] exerce son activité professionnelle aux Etats-Unis, société qui a réalisé en 2019 un chiffre d'affaires de 3 560 000 dollars US ; Que les pièces n°10 et 11 visées par M. [G] ont respectivement trait à une offre d'achat émise par M. [S] au sujet d'un immeuble sis à [Adresse 5] (parcelle [Cadastre 2]) et à une attestation notariale évaluant le bien en juillet 2005 à 1 200 000 euros, aucun de ces documents ne faisant référence à la SCI EFP ; Que, par ailleurs, si le document daté du 10 avril 2017 porte la signature des époux [G] et de M. [S] et mentionne un accord des parties sur un prix de 1 440 000 euros net vendeur, le document n°10 bis reprend une autre offre de M. [S] en date du 31 juillet 2017 pour l'achat du même bien immobilier mais à un prix de 1 000 000 euros net vendeur ; Qu'en outre, la pièce n°29 s'apparente à un extrait de bilan comptable (profit et perte - profit and loss) correspondant à l'exercice de janvier à décembre 2019, pièce rédigée en langue anglaise avec l'intitulé "The Globe Theatre" sans que la cour puisse y saisir sans autre explication le lien avec la société [G] Enterprises ; Qu'en conclusion, aucune certitude ne peut caractériser la valorisation de ses droits d'associé dans la SC Renaissance 12 telle que présentée par M. [G] si bien qu'une comparaison d'une somme de 1 470 000 euros avec la créance d'Eurocom Finances SPF telle que reprise dans le procès-verbal de saisie apparaît des plus hasardeuses ; Qu'en définitive, c'est à bon droit que le premier juge a écarté toute connotation abusive voire disproportionnée de la saisie pratiquée à la demande de la société Eurocom Finances SPF sur les droits d'associé de M. [G] dans la société Renaissance 12 et débouté ce dernier de sa demande de mainlevée de la saisie ; 1) ALORS QUE le juge de l'exécution a le pouvoir d'ordonner la mainlevée de toute mesure inutile ou abusive et de condamner le créancier à des dommages-intérêts en cas d'abus de saisie ; que la disproportion ou le caractère abusif d'une mesure d'exécution forcée peut être révélée par des circonstances postérieures à la date à laquelle la mesure a été exercée et le juge de l'exécution doit ordonner la mainlevée d'une mesure d'exécution forcée se révélant, au jour où il statue, abusive ; qu'en retenant néanmoins, pour rejeter la demande de mainlevée de la saisie, à la requête de la société Eurocom Finances, de droits d'associés appartenant à M. [G] dans la société civile Renaissance 12 pour paiement de la somme en principal de 500 000 euros outre pénalités et écarter son caractère abusif ou disproportionné, que ce caractère ne s'appréciant qu'au jour où la mesure avait été exercée, les circonstances postérieurs invoquées par M. [G] sont indifférentes, la cour d'appel a violé l'article L. 121-2 du code des procédures civiles d'exécution ; 2) ALORS QUE le juge de l'exécution a le pouvoir d'ordonner la mainlevée de toute mesure inutile ou abusive et de condamner le créancier à des dommages-intérêts en cas d'abus de saisie ; qu'en se bornant à retenir, pour en déduire que la saisie n'était pas abusive, que pour apprécier l'abus de saisie ou sa disproportion, elle devait se placer au jour de la réalisation de la mesure contestée sans rechercher, comme elle y était invitée (conclusions de M. [G], p.17, §2 et s.), si la mesure de saisie initiée par Eurocom finances à l'encontre de M. [G], caution solidaire, ne présentait pas un caractère abusif dès lors qu'elle s'inscrivait dans la lignée du comportement de cette société, n'ayant d'autres fins que de dépouiller M. [G] de ses actifs immobiliers, comportement déjà judiciairement stigmatisé par le juge-commissaire en charge du redressement judiciaire d'une caution hypothécaire du prêt, la Sci EFP, (ordonnance du 6 juillet 2018, p. 3) et par ailleurs sanctionné dans une autre instance constatant que la société Eurocom finances SPF avait soustrait abusivement des loyers dus à la société Sci Efp aux fins d'obtenir paiement de la dette résultant de l'acte notariée du 23 février 2015 (jugement du 3 janvier 2018, p. 7), la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 121-2 du code des procédures civiles d'exécution ; 3) ALORS, en toute hypothèse, QUE si le créancier a le choix des mesures propres à assurer l'exécution ou la conservation de sa créance, l'exécution de ces mesures ne peut excéder ce qui se révèle nécessaire pour obtenir le paiement de l'obligation ; que si la disproportion d'une mesure d'exécution forcée s'apprécie à la date où la mesure litigieuse a été exercée, le juge de l'exécution doit prendre en considération les éléments postérieurs révélant, au jour où il statue, l'existence d'une disproportion ; qu'en retenant, pour écarter la disproportion de la mesure litigieuse fondée sur l'acte notarié de prêt d'une somme de 500 000 euros à la société Renaissance 12 et dirigée contre M. [G], caution solidaire de celle-ci, qu'il convenait de se placer au jour de la réalisation de la mesure contestée, le 3 mai 2019, de sorte que ne pouvaient être pris en considération dans l'appréciation du caractère disproportionné, ni le règlement à la société Eurocom Finances devenu effectif seulement le 7 mai 2020 d'une somme de 230 000 euros suite à la réalisation de l'actif de la Sci Nelson, caution hypothécaire de la société Renaissance 12, ni la condamnation prononcée par l'arrêt de la cour d'appel de Reims du 14 mai 2019 du créancier saisissant à verser à la société Efp, également caution hypothécaire de la société Renaissance 12, une somme totale de 276 769 euros à titre de dommages-intérêts, quand ces éléments étaient susceptibles d'établir le caractère disproportionné de la mesure au jour où elle statuait, la cour d'appel a violé l'article L. 111-7 du code des procédures civiles d'exécution.
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 20 octobre 2022 Annulation M. PIREYRE, président Arrêt n° 1086 F-B Pourvoi n° Q 21-12.241 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 20 OCTOBRE 2022 La SCI Tchotcha, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Q 21-12.241 contre l'arrêt rendu le 5 novembre 2020 par la cour d'appel de Colmar (chambre 12), dans le litige l'opposant à la société Banque populaire Alsace-Lorraine-Champagne, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Cardini, conseiller référendaire, les observations de Me Balat, avocat de la SCI Tchotcha, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société Banque populaire Alsace-Lorraine-Champagne, et l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l'audience publique du 13 septembre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Cardini, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 5 novembre 2020), rendu sur renvoi après cassation (1re Civ., 11 mars 2020, pourvoi n° 18-20.534), sur des poursuites de saisie immobilière engagées par la Banque populaire Alsace-Lorraine-Champagne à l'encontre de la SCI Tchotcha (la SCI), un tribunal d'instance, statuant comme tribunal de l'exécution, a ordonné l'exécution forcée. 2. Sur le pourvoi immédiat formé par la SCI, le tribunal a maintenu sa décision et transmis le dossier à une cour d'appel. Examen des moyens Sur le premier moyen Enoncé du moyen 3. La SCI fait grief à l'arrêt de déclarer mal fondé son pourvoi immédiat et, par confirmation de l'ordonnance rendue le 15 décembre 2016 par le tribunal de l'exécution forcée de Colmar, d'ordonner l'adjudication forcée des immeubles lui appartenant, alors : « 1°/ que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle ; qu'en cas de cassation, l'affaire est renvoyée devant une autre juridiction de même nature que celle dont émane l'arrêt ou le jugement cassé ou devant la même juridiction composée d'autres magistrats ; qu'en l'espèce, par arrêt du 11 mars 2020, la première chambre civile de la Cour de cassation a cassé et annulé l'arrêt rendu le 31 mai 2018 par la cour d'appel de Colmar et a renvoyé l'affaire et les parties devant la même cour d'appel, autrement composée ; qu'en statuant dans la composition suivante : « Mme Decottignies, conseillère faisant fonction de présidente, M. Robin, conseiller et Mme Robert-Nicoud, conseillère », alors que M. Robin avait siégé, également en qualité de conseiller, dans la formation ayant rendu l'arrêt cassé du 31 mai 2018, la cour d'appel a violé les articles 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, L. 431-4 du code de l'organisation judiciaire et 430 du code de procédure civile ; 2°/ que si les contestations afférentes à la régularité de la composition d'une juridiction dont les parties avaient la possibilité d'avoir connaissance doivent être présentées à peine d'irrecevabilité dès l'ouverture des débats, faute de quoi aucune nullité ne peut être ultérieurement prononcée de ce chef, même d'office, il en va autrement s'agissant de la partie qui n'a pas eu la possibilité de connaître la composition de la cour d'appel dès l'ouverture des débats ; qu'en l'espèce, en raison de la crise sanitaire, l'affaire n'a pas donné lieu à plaidoiries, de sorte que la SCI Tchotcha n'a pas été en mesure de connaître la composition de la cour d'appel à l'ouverture des débats ; qu'en statuant dès lors dans une formation irrégulière, sans qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que la SCI Tchotcha ait eu la possibilité de connaître la composition de la cour d'appel dès l'ouverture des débats, la cour d'appel a violé les articles 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, L. 431-4 du code de l'organisation judiciaire et 430 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Vu les articles 430 du code de procédure civile et L. 431-4 du code de l'organisation judiciaire : 4. Selon le second de ces textes, en cas de cassation, l'affaire est renvoyée, sous réserve des dispositions de l'article L. 411-3, devant une autre juridiction de même nature que celle dont émane l'arrêt ou le jugement cassé ou devant la même juridiction composée d'autres magistrats. 5. L'arrêt attaqué, statuant sur renvoi après cassation d'un arrêt rendu par la cour d'appel de Colmar, composée de trois magistrats, dont M. Robin, la cause étant renvoyée devant la même cour d'appel autrement composée, a été rendu après que Mme Decottignies, M. Robin et Mme Robert-Nicoud en ont délibéré. 6. En statuant ainsi, sur renvoi après cassation d'un précédent arrêt auquel M. Robin avait participé et alors qu'il ne résulte d'aucune des énonciations de l'arrêt attaqué qu'une audience aurait été tenue et que la SCI avait eu la possibilité de connaître la composition de la cour d'appel dès l'ouverture des débats, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour : ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 5 novembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Metz. Condamne la Banque populaire Alsace-Lorraine-Champagne aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt octobre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par Me Balat, avocat aux Conseils, pour la SCI Tchotcha PREMIER MOYEN DE CASSATION La SCI Tchotcha reproche à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré mal fondé son pourvoi immédiat et, par confirmation de l'ordonnance rendue le 15 décembre 2016 par le tribunal de l'exécution forcée de Colmar, d'avoir ordonné l'adjudication forcée des immeubles appartenant à la SCI Tchotcha ; ALORS, D'UNE PART, QUE toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle ; qu'en cas de cassation, l'affaire est renvoyée devant une autre juridiction de même nature que celle dont émane l'arrêt ou le jugement cassé ou devant la même juridiction composée d'autres magistrats ; qu'en l'espèce, par arrêt du 11 mars 2020, la première chambre civile de la Cour de cassation a cassé et annulé l'arrêt rendu le 31 mai 2018 par la cour d'appel de Colmar et a renvoyé l'affaire et les parties devant la même cour d'appel, autrement composée ; qu'en statuant dans la composition suivante : « Mme Decottignies, conseillère faisant fonction de présidente, M. Robin, conseiller et Mme Robert-Nicoud, conseillère », alors que M. Robin avait siégé, également en qualité de conseiller, dans la formation ayant rendu l'arrêt cassé du 31 mai 2018, la cour d'appel a violé les articles 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, L. 431-4 du code de l'organisation judiciaire et 430 du code de procédure civile ; ALORS, D'AUTRE PART, QUE si les contestations afférentes à la régularité de la composition d'une juridiction dont les parties avaient la possibilité d'avoir connaissance doivent être présentées à peine d'irrecevabilité dès l'ouverture des débats, faute de quoi aucune nullité ne peut être ultérieurement prononcée de ce chef, même d'office, il en va autrement s'agissant de la partie qui n'a pas eu la possibilité de connaître la composition de la cour d'appel dès l'ouverture des débats ; qu'en l'espèce, en raison de la crise sanitaire, l'affaire n'a pas donné lieu à plaidoiries, de sorte que la SCI Tchotcha n'a pas été en mesure de connaître la composition de la cour d'appel à l'ouverture des débats ; qu'en statuant dès lors dans une formation irrégulière, sans qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que la SCI Tchotcha ait eu la possibilité de connaître la composition de la cour d'appel dès l'ouverture des débats, la cour d'appel a violé les articles 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, L. 431-4 du code de l'organisation judiciaire et 430 du code de procédure civile. DEUXIEME MOYEN DE CASSATION La SCI Tchotcha reproche à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré mal fondé son pourvoi immédiat et, par confirmation de l'ordonnance rendue le 15 décembre 2016 par le tribunal de l'exécution forcée de Colmar, d'avoir ordonné l'adjudication forcée des immeubles appartenant à la SCI Tchotcha ; ALORS, D'UNE PART, QU' en cas de défaillance de l'emprunteur, il faut, pour que le prêteur puisse exiger, outre le paiement des échéances demeurées impayées, celui du capital restant dû et des pénalités stipulées au contrat, qu'il ait informé l'emprunteur défaillant, sans équivoque, de sa volonté de considérer le capital restant dû comme immédiatement exigible ; qu'en se fondant, pour considérer que la Banque Populaire avait informé la SCI Tchotcha, en des termes non équivoques, de son intention d'exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, sur un courrier du 16 décembre 2014 adressé par la banque à Mme [Z] [O] (arrêt attaqué, p. 5, alinéa 6), la cour d'appel, qui a ainsi pris en considération un courrier dépourvu de pertinence dès lors qu'il n'était pas adressé à la SCI Tchotcha, a privé sa décision de base légale au regard des articles 1147 et 1184 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ; ALORS, D'AUTRE PART, QU' en se fondant également, pour se déterminer, sur un courrier de la banque du 22 décembre 2015, par lequel la Banque Populaire « rappelle l'exigibilité intégrale de la totalité des concours accordés à la SCI Tchotcha » (arrêt attaqué, p. 5 in fine), cependant que ce courrier visait un ensemble de prêts sans concerner spécialement le prêt en cause, de sorte que ce courrier, qui ne comportait d'ailleurs pas la formule « déchéance du terme », était en réalité sans incidence sur les droits des parties, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1147 et 1184 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. TROISIEME MOYEN DE CASSATION La SCI Tchotcha reproche à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré mal fondé son pourvoi immédiat et, par confirmation de l'ordonnance rendue le 15 décembre 2016 par le tribunal de l'exécution forcée de Colmar, d'avoir ordonné l'adjudication forcée des immeubles appartenant à la SCI Tchotcha ; ALORS QUE le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; que pour considérer que la SCI Tchotcha ne pouvait, en vue de bénéficier du délai de forclusion biennal, se prévaloir de la qualité de consommateur, la cour d'appel a affirmé que le contrat de prêt du 18 octobre 2008 ne soumettait pas les parties « aux dispositions relatives aux consommateurs » (arrêt attaqué, p. 6, alinéas 3 et 4) ; qu'en statuant ainsi, cependant que le contrat de prêt du 18 octobre 2008 fait expressément référence aux dispositions du code de la consommation (p. 12, alinéa 7), la cour d'appel a méconnu le principe susvisé. QUATRIEME MOYEN DE CASSATION La SCI Tchotcha reproche à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré mal fondé son pourvoi immédiat et, par confirmation de l'ordonnance rendue le 15 décembre 2016 par le tribunal de l'exécution forcée de Colmar, d'avoir ordonné l'adjudication forcée des immeubles appartenant à la SCI Tchotcha ; ALORS, D'UNE PART, QUE l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement ; qu'il faut que la chose demandée soit la même, que la demande soit fondée sur la même cause et que la demande soit entre les mêmes parties ; qu'en affirmant que, saisie dans le cadre d'un pourvoi immédiat, elle ne pouvait « examiner l'ensemble des moyens déjà écartés par le tribunal de Strasbourg » (arrêt attaqué, p. 7, alinéa 2), sans préciser les moyens en cause et sans constater que les conditions nécessaires à la mise en oeuvre de la fin de non-recevoir tirée de la chose jugée était réunies à leur égard, la cour d'appel a violé l'article 1355 du code civil et l'article 480 du code de procédure civile ; ALORS, D'AUTRE PART, QU' en toute hypothèse, la banque ne peut opposer à l'emprunteur la déchéance du terme dès lors que la stipulation d'intérêts conventionnels, a été annulée ; qu'en considérant que la Banque Populaire était en droit d'opposer à la SCI Tchotcha la déchéance du terme, sans répondre aux conclusions d'appel de la SCI Tchotcha faisant valoir que le TEG avait en l'espèce été jugé erroné par la cour d'appel de Nancy dans son arrêt du 27 décembre 2016 (conclusions d'appel, p. 11 et suiv.), la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 20 octobre 2022 M. PIREYRE, président Arrêt n° 1077 F-B Pourvoi n° V 21-17.375 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 20 OCTOBRE 2022 1°/ Mme [R] [T], domiciliée [Adresse 2], 2°/ M. [Z] [O], domicilié [Adresse 1], 3°/ M. [I] [L], domicilié [Adresse 4], pris tous deux en qualité de curateurs de Mme [R] [T], ont formé le pourvoi n° V 21-17.375 contre les arrêts rendus les 15 novembre 2019 et 6 novembre 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 1), dans le litige les opposant à la société Washington valorisation, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3], défenderesse à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Delbano, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de Mme [T] et de MM. [O] et [L], en qualité de curateurs de Mme [T], de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Washington valorisation, et l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l'audience publique du 13 septembre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Delbano, conseiller rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon les arrêts attaqués (Paris, 15 novembre 2019 et 6 novembre 2020) et les productions, Mme [T], depuis lors placée sous curatelle renforcée, a contesté devant un tribunal de grande instance la vente de biens immobiliers lui appartenant, intervenue le 9 juillet 2014 au profit de la société Washington valorisation (la société). 2. Par un jugement du 19 décembre 2017, le tribunal l'a déboutée de ses demandes et a débouté la société de sa fin de non-recevoir et de sa demande en paiement de dommages-intérêts. 3. Statuant sur l'appel interjeté par Mme [T], une cour d'appel a, par arrêt du 15 novembre 2019, notamment rejeté la demande de nullité de l'ordonnance de clôture et la demande de rabat de clôture formées par Mme [T]. 4. Par arrêt du 6 novembre 2020, la même cour d'appel a déclaré recevables la demande aux fins d'annulation de la promesse de vente du 27 mai 2014 formée par Mme [T] et sa demande de dommages-intérêts, ainsi que sa requête en inscription de faux à l'encontre de la promesse de vente reçue en la forme authentique le 27 mai 2014 et de l'acte authentique de vente du 9 juillet 2014, a rejeté cette requête, et a confirmé le jugement en toutes ses dispositions. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa première branche, ci-après annexé 5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Mais sur le moyen, pris en sa seconde branche Enoncé du moyen 6. Mme [T] et ses curateurs font grief à l'arrêt du 15 novembre 2019 de rejeter la demande de nullité de l'ordonnance de clôture et la demande de rabat de clôture formée par Mme [T] aux fins de lui ouvrir un nouveau délai pour conclure et à l'arrêt attaqué du 6 novembre 2020 de débouter Mme [T] de ses demandes, alors « qu'en l'absence de calendrier de procédure fixé par le conseiller de la mise en état à l'occasion de l'examen de l'affaire auquel il procède après l'expiration des délais pour conclure et communiquer les pièces, les parties peuvent, jusqu'à la clôture de l'instruction, invoquer de nouveaux moyens et conclure à nouveau ; qu'en retenant que le respect des dispositions de l'article 910 du code de procédure civile et le principe du contradictoire étaient assurés par l'autorisation donnée à Mme [T] de déposer une note en délibéré pour conclure sur le seul appel incident de la société Washington Valorisation, la cour d'appel a violé les articles 910 et 912 du code de procédure civile ». Réponse de la Cour Vu les articles 910 et 912 du code de procédure civile : 7. Selon le premier de ces textes, l'intimé à un appel incident ou à un appel provoqué dispose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, d'un délai de trois mois à compter de la notification qui lui en est faite pour remettre ses conclusions au greffe. 8. Aux termes du second, en l'absence de calendrier de procédure fixé par le conseiller de la mise en état à l'occasion de l'examen de l'affaire auquel il procède après l'expiration des délais pour conclure et communiquer les pièces, les parties peuvent, jusqu'à la clôture de l'instruction, invoquer de nouveaux moyens et conclure à nouveau. 9. Pour rejeter la demande de nullité de l'ordonnance de clôture et la demande de rabat de cette dernière formée par Mme [T], l'arrêt relève qu'elle n'a pas demandé le report de la clôture par des conclusions remises au conseiller de la mise en état avant ladite clôture, alors qu'elle a reçu les conclusions d'appel incident dès le 19 août 2019 et que la date de la clôture était connue des parties depuis le 10 mai 2019. Il ajoute que, si elle n'a effectivement pas bénéficié du délai prévu par l'article 910 du code de procédure civile, elle a été autorisée à produire une note en délibéré sur l'appel incident de la société, de sorte que le respect de ce texte est garanti par l'autorisation de conclure ainsi donnée, sans atteinte au principe du contradictoire, aucune cause grave ni excès de pouvoir ne justifiant la révocation de l'ordonnance de clôture, la cour ne prenant en compte que la partie de la note en délibéré portant sur l'appel incident. 10. En statuant ainsi, alors qu'il résulte de ses propres constatations que l'ordonnance de clôture avait été rendue prématurément par le conseiller de la mise en état et que Mme [T] n'avait pas bénéficié du délai prévu par l'article 910 du code de procédure civile pour remettre ses conclusions au greffe, dès lors que la remise d'une note en délibéré ne pouvait assurer le respect du principe de la contradiction, la cour d'appel a violé les textes susvisés. Portée et conséquence de la cassation 11. En application de l'article 625, alinéa deux, du code de procédure civile, la cassation de l'arrêt rendu le 15 novembre 2019 entraîne, par voie de conséquence, l'annulation de l'arrêt rendu le 6 novembre 2020 qui en est la suite. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 15 novembre 2019 par la cour d'appel de Paris ; ANNULE, par voie de conséquence, l'arrêt rendu le 6 novembre 2020 par la même cour d'appel ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ces arrêts et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée. Condamne la société Washington valorisation aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Washington valorisation et la condamne à payer à Mme [T] ainsi qu'à MM. [O] et [L], en qualité de curateurs la somme globale de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt octobre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour Mme [T] et MM. [O] et [L], en qualité de curateurs Mme [T] et ses curateurs font grief à l'arrêt attaqué du 15 novembre 2019 d'avoir rejeté la demande de nullité de l'ordonnance de clôture et la demande de rabat de clôture formée par Mme [T] aux fins de lui ouvrir un nouveau délai pour conclure et à l'arrêt attaqué du 6 novembre 2020 d'avoir débouté Mme [T] de ses demandes ; 1°) ALORS QU'en application de l'article 912 du code de procédure civile, la date de la clôture ne peut être fixée par le conseiller de la mise en état avant l'expiration des délais pour conclure et communiquer les pièces ; que le conseiller de la mise en état, en fixant la date de la clôture au 5 septembre 2019 avant même que le délai de trois mois imparti à Mme [T] pour conclure sur l'appel incident formé le 19 août 2019 par la société Washington Valorisation n'ait expiré, a excédé ses pouvoirs et méconnu les droits de la défense ; qu'en rejetant la demande nullité de l'ordonnance de clôture, la cour d'appel a violé les articles 910 et 912 du code de procédure civile ; 2°) ALORS QU'en l'absence de calendrier de procédure fixé par le conseiller de la mise en état à l'occasion de l'examen de l'affaire auquel il procède après l'expiration des délais pour conclure et communiquer les pièces, les parties peuvent, jusqu'à la clôture de l'instruction, invoquer de nouveaux moyens et conclure à nouveau ; qu'en retenant que le respect des dispositions de l'article 910 du code de procédure civile et le principe du contradictoire étaient assurés par l'autorisation donnée à Mme [T] de déposer une note en délibéré pour conclure sur le seul appel incident de la société Washington Valorisation, la cour d'appel a violé les articles 910 et 912 du code de procédure civile.
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 20 octobre 2022 M. PIREYRE, président Arrêt n° 1085 F-B Pourvoi n° S 21-11.783 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 20 OCTOBRE 2022 Mme [R] [P], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° S 21-11.783 contre l'arrêt rendu le 8 décembre 2020 par la cour d'appel de Lyon (1re chambre civile B), dans le litige l'opposant à la Caisse d'épargne et de prévoyance de Rhône-Alpes, société coopérative à forme anonyme, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Cardini, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de Mme [P], de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de la Caisse d'épargne et de prévoyance de Rhône-Alpes, et l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l'audience publique du 13 septembre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Cardini, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 8 décembre 2020), M. [W] et Mme [P] ont souscrit plusieurs prêts notariés, destinés à financer l'acquisition de biens immobiliers, auprès de la Caisse d'épargne et de prévoyance de Rhône-Alpes (la banque), qui a engagé des poursuites de saisie immobilière ayant abouti à la vente de l'ensemble des biens saisis, à l'exception de trois lots, sans que leur prix ne couvre le solde des prêts. 2. Mme [P] a assigné la banque en responsabilité pour manquement à ses obligations d'information et de mise en garde à l'occasion de la souscription des prêts. Examen du moyen Enoncé du moyen 3. Mme [P] fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable l'action en réparation des manquements de la banque à ses obligations d'information et de mise en garde lors de la conclusion des prêts immobiliers, alors : « 1°/ que le juge de l'exécution ne peut prononcer de condamnation à paiement en dehors des cas prévus par la loi ; que faute de constituer une contestation de la saisie immobilière, la demande présentée par un débiteur tendant à la condamnation de la banque créancière au paiement de dommages-intérêts réparant ses manquements aux obligations d'information et de mise en garde lors de la souscription de contrats de prêt ne relève pas de la compétence du juge de l'exécution, mais du juge de droit commun ; qu'en déclarant l'action de Madame [P] en réparation des dommages causés par les manquements de la banque à ses obligations d'information et de mise en garde lors de la conclusion des 16 contrats de prêts immobiliers irrecevable pour être une contestation qui aurait dû être soulevée devant le juge de l'exécution, la cour d'appel a violé l'article L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire ; 2°/ que l'autorité de la chose jugée suppose que la chose demandée soit la même, que la demande soit fondée sur la même cause et que la demande soit entre les mêmes parties et formée par elles et contre elles en la même qualité ; que ne constitue pas une contestation de la saisie immobilière, la demande présentée par un débiteur tendant à la condamnation de la banque créancière au paiement de dommages-intérêts réparant ses manquements aux obligations d'information et de mise en garde lors de la souscription de contrats de prêt ; que, dès lors, le jugement d'orientation qui fixe la créance du créancier au regard de son titre exécutoire et l'action en réparation du dommage causé par ce créancier dans l'exécution de ses obligations de mise en garde et de conseil ne sont pas fondées sur la même cause et n'ont pas le même objet, à supposer même que les demandes soient formées par les parties en la même qualité ; qu'en invoquant l'autorité de chose jugée du jugement d'orientation pour déclarer irrecevable l'action de Madame [P] en responsabilité de la banque pour manquement à ses obligations lors de la conclusion des contrats de prêt, la cour d'appel a violé l'article 1351, devenu 1355 du code civil, ensemble l'article R. 311-5 du code des procédures civiles d'exécution. » Réponse de la Cour Vu les articles 1355 du code civil, L. 213-6, alinéas 1, 3 et 4, du code de l'organisation judiciaire et R. 311-5 du code des procédures civiles d'exécution : 4. Aux termes du premier de ce texte, l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité. 5. Aux termes du troisième, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office, aucune contestation ni aucune demande incidente ne peut, sauf dispositions contraires, être formée après l'audience d'orientation prévue à l'article R. 322-15 à moins qu'elle porte sur les actes de procédure postérieurs à celle-ci. 6. Selon le deuxième, le juge de l'exécution connaît, de manière exclusive, des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s'élèvent à l'occasion de l'exécution forcée, même si elles portent sur le fond du droit à moins qu'elles n'échappent à la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire. Le juge de l'exécution connaît, sous la même réserve, de la procédure de saisie immobilière, des contestations qui s'élèvent à l'occasion de celle-ci et des demandes nées de cette procédure ou s'y rapportant directement, même si elles portent sur le fond du droit ainsi que de la procédure de distribution qui en découle. Il connaît, sous la même réserve, des demandes en réparation fondées sur l'exécution ou l'inexécution dommageables des mesures d'exécution forcée ou des mesures conservatoires. 7. Il résulte de la combinaison de ces textes que la demande formée par le débiteur à l'encontre du créancier poursuivant devant un juge du fond, après l'audience d'orientation prévue à l'article R. 322-15 du code des procédures civiles d'exécution, ne peut être déclarée irrecevable par application de la règle énoncée à l'article R. 311-5 du même code ou de l'autorité de la chose jugée du jugement d'orientation, que si le juge de l'exécution, précédemment saisi de la procédure de saisie immobilière, était compétent pour en connaître. 8. Or, si ce dernier est compétent pour connaître de la contestation d'une mesure d'exécution forcée, il n'entre pas dans ses attributions de se prononcer sur une demande de condamnation à des dommages-intérêts contre le créancier saisissant, qui n'est pas fondée sur l'exécution ou l'inexécution dommageable de la mesure. 9. Pour déclarer irrecevable l'action de Mme [P], l'arrêt retient, par motifs adoptés, que la banque a fait délivrer plusieurs commandements aux fins de saisie des biens immobiliers alors détenus par M. [W] et Mme [P] et objets des prêts, de sorte que cette dernière a dû comparaître devant le juge de l'exécution, que les dispositions de l'article L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire énoncent que le juge de l'exécution a compétence exclusive pour connaître des contestations susceptibles de s'élever à l'occasion de la procédure de saisie immobilière, y compris s'agissant de demandes portant sur le fond du droit, l'article R. 311-5 du code des procédures civiles d'exécution prévoyant qu'à peine d'irrecevabilité, aucune contestation ne peut être formée après l'audience d'orientation prévue à l'article R. 322-15 du même code, et que les moyens soulevés par Mme [P] dans la présente procédure intéressaient directement les mesures d'exécution forcée qui étaient alors en jeu, puisque les manquements reprochés à l'établissement bancaire pouvaient, à les supposer caractérisés, faire obstacle à la vente des immeubles. Il en déduit qu'ils devaient être évoqués devant le juge de l'exécution. 10. Il retient, par motifs propres, que l'autorité de la chose jugée dont est revêtu le jugement d'orientation rend irrecevables les contestations sur le fond du droit formées postérieurement à l'audience d'orientation. 11. En statuant ainsi, alors que le juge de l'exécution ne pouvait connaître de la demande tendant à la condamnation de la banque pour manquement à son devoir d'information et de mise en garde lors de la souscription des prêts ayant servi de fondement aux poursuites de saisie immobilière, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 8 décembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon autrement composée. Condamne la Caisse d'épargne et de prévoyance de Rhône-Alpes aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la Caisse d'épargne et de prévoyance de Rhône-Alpes et la condamne à payer à Mme [P] la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt octobre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour Mme [P] IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevable l'action de Madame [P] en réparation des manquements de la banque à ses obligations d'information et de mise en garde lors de la conclusion des prêts immobiliers ; 1°) ALORS QUE le juge de l'exécution ne peut prononcer de condamnation à paiement en dehors des cas prévus par la loi ; que faute de constituer une contestation de la saisie immobilière, la demande présentée par un débiteur tendant à la condamnation de la banque créancière au paiement de dommages-intérêts réparant ses manquements aux obligations d'information et de mise en garde lors de la souscription de contrats de prêt ne relève pas de la compétence du juge de l'exécution, mais du juge de droit commun ; qu'en déclarant l'action de Madame [P] en réparation des dommages causés par les manquements de la banque à ses obligations d'information et de mise en garde lors de la conclusion des 16 contrats de prêts immobiliers irrecevable pour être une contestation qui aurait dû être soulevée devant le juge de l'exécution, la cour d'appel a violé l'article L.213-6 du code de l'organisation judiciaire ; 2°) ALORS QUE l'autorité de la chose jugée suppose que la chose demandée soit la même, que la demande soit fondée sur la même cause et que la demande soit entre les mêmes parties et formée par elles et contre elles en la même qualité ; que ne constitue pas une contestation de la saisie immobilière, la demande présentée par un débiteur tendant à la condamnation de la banque créancière au paiement de dommages-intérêts réparant ses manquements aux obligations d'information et de mise en garde lors de la souscription de contrats de prêt ; que, dès lors, le jugement d'orientation qui fixe la créance du créancier au regard de son titre exécutoire et l'action en réparation du dommage causé par ce créancier dans l'exécution de ses obligations de mise en garde et de conseil ne sont pas fondées sur la même cause et n'ont pas le même objet, à supposer même que les demandes soient formées par les parties en la même qualité ; qu'en invoquant l'autorité de chose jugée du jugement d'orientation pour déclarer irrecevable l'action de Madame [P] en responsabilité de la banque pour manquement à ses obligations lors de la conclusion des contrats de prêt, la cour d'appel a violé l'article 1351, devenu 1355 du code civil, ensemble l'article R.311-5 du code des procédures civiles d'exécution.
CASS/JURITEXT000046480908.xml
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 20 octobre 2022 M. PIREYRE, président Arrêt n° 1093 F-B Pourvoi n° J 20-22.099 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 20 OCTOBRE 2022 Mme [T] [X], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° J 20-22.099 contre l'arrêt n° RG : 19/02844 rendu le 11 septembre 2020 par la cour d'appel de Toulouse (4e chambre sociale, section 3), dans le litige l'opposant à la Caisse d'assurance vieillesse des pharmaciens, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Leblanc, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de Mme [X], de la SCP Melka-Prigent-Drusch, avocat de la Caisse d'assurance vieillesse des pharmaciens, et l'avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l'audience publique du 13 septembre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Leblanc, conseiller rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 11 septembre 2020), la Caisse d'assurance vieillesse des pharmaciens (la caisse) a décerné, le 15 octobre 2018, à Mme [X] (la cotisante), exerçant la profession de biologiste non-médecin, non-salarié, une contrainte pour avoir paiement des cotisations et majorations de retard afférentes au second semestre de l'année 2018. 2. La cotisante a formé opposition à cette contrainte devant une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale. Sur les premier, troisième et quatrième moyens, ci-après annexés 3. En application de l'article 1014 du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens, le premier étant irrecevable et les autres n'étant manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le deuxième moyen, pris en sa deuxième branche Enoncé du moyen 4. La cotisante fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de renvoi en audience collégiale, alors « qu'en matière de procédure orale, le refus d'une partie d'être entendue à juge unique et son souhait de renvoi à l'audience collégiale peuvent être présentés au jour de l'audience ; qu'en ayant jugé le contraire, aux motifs inopérants du dépôt d'un calendrier de procédure, de la nécessité de respecter le contradictoire et du principe de loyauté des débats, quand la collégialité est de droit pour une partie qui doit expressément y renoncer, ce qu'elle peut parfaitement refuser de faire le jour de l'audience, la cour d'appel a violé l'article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme, ensemble l'article 945-1 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Vu l'article 945-1 du code de procédure civile : 5. Il résulte de ce texte que si le magistrat chargé du rapport peut tenir seul l'audience, c'est à la double condition de constater que les avocats ou les personnes qui ont qualité pour présenter des observations orales ne s'y opposent pas et d'entendre les plaidoiries. 6. Pour rejeter la demande de renvoi en audience collégiale, l'arrêt relève que les parties ont été avisées par ordonnance de fixation du 1er octobre 2019 que l'affaire était inscrite au rôle d'une audience devant le magistrat rapporteur et que la cotisante qui a accusé réception de cette ordonnance n'a demandé le renvoi en audience collégiale qu'en réponse à la demande de l'intimée présentée lors de l'audience du 4 juin 2020 d'écarter des débats les pièces et conclusions transmises la veille. Il retient qu'une telle demande de renvoi se heurte au principe de loyauté des débats. 7. En statuant ainsi, alors que l'opposition des parties à la tenue de l'audience devant un juge rapporteur peut être présentée le jour même de l'audience et qu'une partie ne peut être privée de son droit à ce que l'affaire l'opposant à son adversaire soit débattue contradictoirement en audience collégiale, la cour d'appel a violé le texte susvisé. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 11 septembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux. Condamne la Caisse d'assurance vieillesse des pharmaciens aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la Caisse d'assurance vieillesse des pharmaciens et la condamne à payer à Mme [X] la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt octobre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour Mme [X] PREMIER MOYEN DE CASSATION Mme [X] fait grief à l'arrêt, confirmatif de ce chef, attaqué d'AVOIR dit que le syndicat des travailleurs assurés librement en Europe pour leur sécurité sociale n'avait pas qualité pour représenter ou assister la demanderesse ; ALORS QU'un membre d'un groupement professionnel de travailleurs indépendants peut représenter une biologiste non salariée devant un tribunal des affaires de sécurité sociale ; qu'en ayant jugé que M. [K] n'avait pas qualité, en tant que président du [3], groupement syndical de travailleurs indépendants, pour représenter Mme [X] devant le tribunal des affaires de sécurité sociale, la cour d'appel a violé l'article L. 142-9 du code de la sécurité sociale. DEUXIEME MOYEN DE CASSATION Mme [X] reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté sa demande de renvoi en audience collégiale ; 1°) ALORS QU'en matière de procédure orale, le refus d'une partie d'être entendue à juge unique et son souhait de renvoi à l'audience collégiale peuvent être présentés le jour de l'audience ; qu'en ayant jugé le contraire, la cour d'appel a violé l'article 945-1 du code de procédure civile ; 2°) ALORS QU'en matière de procédure orale, le refus d'une partie d'être entendue à juge unique et son souhait de renvoi à l'audience collégiale peuvent être présentés au jour de l'audience ; qu'en ayant jugé le contraire, aux motifs inopérants du dépôt d'un calendrier de procédure, de la nécessité de respecter le contradictoire et du principe de loyauté des débats, quand la collégialité est de droit pour une partie qui doit expressément y renoncer, ce qu'elle peut parfaitement refuser de faire le jour de l'audience, la cour d'appel a violé l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble l'article 945-1 du code de procédure civile ; 3°) ALORS QUE les juges doivent respecter le contradictoire, même en procédure orale ; qu'en ayant rejeté la demande de Mme [X] de renvoi à la formation collégiale, motif pris du principe de loyauté des débats et du respect du contradictoire, moyen qui n'a aucunement été soumis à la discussion des parties, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile. TROISIEME MOYEN DE CASSATION Mme [X] fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR écarté des débats les conclusions et pièces déposées par elle le 3 juin 2020, veille de l'audience ; ALORS D'UNE PART QU'en procédure orale, des conclusions tardivement déposées ne peuvent être écartées des débats, sans que la partie intéressée n'ait été mise en mesure de faire valoir de motif légitime ; qu'en ayant écarté des débats les conclusions et pièces déposées par Mme [X] le 3 juin 2020, sans lui permettre de faire valoir son motif légitime, tiré de ce qu'au vu de l'ordonnance du 1er octobre 2019 qui lui avait été adressée (en production), elle croyait en toute bonne foi que l'audience prévue n'avait pour objet que d'examiner la recevabilité de son appel, la cour d'appel a violé l'article 446-3 du code de procédure civile ; ALORS D'AUTRE PART QUE des conclusions ne peuvent être écartées des débats que si le juge constate qu'au regard de leur contenu et des circonstances de leur dépôt, ces conclusions n'ont pu être contradictoirement débattues ; qu'en se bornant, pour écarter les conclusions et pièces déposées par Mme [X] le 3 juin 2020, à faire état de la date de leur dépôt, sans constater que ces conclusions n'avaient pu être débattues, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 15 du Code de procédure civile. QUATRIEME MOYEN DE CASSATION Mme [X] fait grief à l'arrêt attaqué, confirmatif de ce chef, d'AVOIR validé la contrainte litigieuse, outre majorations de retard complémentaires ; 1°) ALORS QU'en procédure orale, l'irrecevabilité des conclusions de l'appelant n'a pas pour effet que la cour n'est saisie d'aucun moyen, si l'appelant est comparant ; qu'en ayant énoncé le contraire, la cour d'appel a donc violé l'article R. 142-20-1 du code de la sécurité sociale ; 2°) ALORS QUE la liberté d'entreprendre et celle de choisir son organisme d'assurance sociale s'oppose à l'obligation d'affiliation à un régime de sécurité sociale ; qu'en ayant jugé que Mme [X] avait une obligation d'affiliation auprès de la caisse intimée, la cour d'appel a violé l'article 153 TFUE, ensemble le principe de la liberté d'entreprendre.
CASS/JURITEXT000046480898.xml
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 20 octobre 2022 M. PIREYRE, président Arrêt n° 1075 F-B Pourvoi n° E 21-17.407 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 20 OCTOBRE 2022 La SCI Villa Saint Michel, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 1], anciennement dénommée SCI Le Manse, société civile immobilière, a formé le pourvoi n° E 21-17.407 contre l'arrêt rendu le 27 mai 2021 par la cour d'appel d'Amiens (1re chambre civile), dans le litige l'opposant à la SCP Alpha mandataires judiciaires, société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 2], prise en la personne de M. [V] en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de M. [Y], et anciennement dénommée société [V]-Hermont, défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Durin-Karsenty, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la SCI Villa Saint Michel anciennement dénommée SCI Le Manse, de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, avocat de la SCP Alpha mandataires judiciaires, prise en la personne de M. [V] en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de M. [Y], et l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l'audience publique du 13 septembre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Durin-Karsenty, conseiller rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 27 mai 2021), le 22 mai 2019, M [V], en qualité de liquidateur de M. [Y] a délivré un commandement de payer valant saisie immobilière à la SCI Le Manse concernant un de ses immeubles et l'a assignée devant un juge de l'exécution. 2. Par jugement d'orientation du 15 février 2021, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Compiègne a notamment ordonné la vente forcée de l'immeuble 3. Par déclaration du 15 mars 2021, la SCI Le Manse a interjeté appel de ce jugement et a été autorisée à faire assigner à jour fixe à une audience de la cour d'appel. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 4. La SCI Villa Saint Michel, anciennement dénommée SCI Le Manse, fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement ayant mentionné que le montant retenu pour la créance de la SCP [V]-Hermont, prise en la personne de M. [V], en qualité de mandataire liquidateur de M. [Y], s'élève au 22 mai 2019 à la somme de 150 089,71 euros, outre les intérêts légaux à compter de l'assignation ou de toute mise en demeure préalable tel que prévu par l'arrêt de la cour d'appel d'Amiens du 21 septembre 2010, majorés de 5 points à compter du 9 septembre 2015, d'ordonner la vente forcée des biens et droits immobiliers visés au commandement de payer valant saisie immobilière, et de dire que l'audience d'adjudication aura lieu dans les conditions fixées dans le cahier des conditions de la vente, à la barre du tribunal judiciaire de Compiègne le mardi 1er juin 2021 à 13h30, alors « qu'en appel, les prétentions des parties ainsi que les moyens sur lesquels elles sont fondées sont formulés dans les conclusions ; que la cour d'appel ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif ; qu'elle ne peut se déterminer, y compris dans les procédures à jour fixe, par référence à des débats oraux n'ayant pas porté sur des points abordés par les écritures des parties ; qu'en l'espèce, pour confirmer le jugement d'orientation, la cour d'appel a relevé que Me [V] ès qualités avait fait valoir, à l'audience de plaidoiries, que dans le dispositif de ses conclusions, la SCI Le Manse ne sollicitait ni l'infirmation, ni l'annulation du jugement, de sorte que la cour d'appel ne pouvait que confirmer le jugement ; qu'en se déterminant par référence à des débats oraux non repris dans les conclusions des parties, dans lesquelles ne figurait aucune argumentation en ce sens, la cour d'appel a violé les articles 4 et 954 du code de procédure civile, ensemble l'article 6 §1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. » Réponse de la Cour Vu les articles 4 et 954, alinéas 1er et 3 du code de procédure civile : 5. Il résulte de ces textes que l'objet du litige est déterminé par les prétentions des parties, qu'en appel, dans les procédures avec représentation obligatoire, ces prétentions ainsi que les moyens sur lesquels elles sont fondées doivent être expressément formulés dans les conclusions et que la cour d'appel ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion. 6. Après avoir relevé qu'à l'audience des débats, les conseils des parties ont été entendus en leurs plaidoiries, précisé que le liquidateur de M. [Y] a fait valoir que, dans le dispositif des conclusions de l'appelante, celle-ci ne sollicite ni l'infirmation ni l'annulation du jugement de sorte que la cour ne peut que confirmer le jugement et observé que la SCI Le Manse n'a rien fait valoir sur ce point, l'arrêt retient que cette dernière ne demandant dans le dispositif de ses conclusions ni l'infirmation ni l'annulation du jugement d'orientation, le jugement ne peut qu'être confirmé des chefs critiqués par l'appelante. 7. En statuant ainsi alors que l'argumentation développée oralement par l'intimé ne figurait pas dans ses conclusions, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 27 mai 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Douai. Condamne la SCP Alpha mandataires judiciaires prise en la personne de M. [V] en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de M. [Y] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt octobre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour la SCI Villa Saint Michel anciennement dénommée SCI Le Manse La SCI Villa Saint Michel, anciennement SCI Le Manse, fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement ayant mentionné que le montant retenu pour la créance de la SCP [V]-Hermont, prise en la personne de Me [V], ès-qualités de mandataire liquidateur de M. [Y], s'élève au 22 mai 2019 à la somme de 150 089,71 €, outre les intérêts légaux à compter de l'assignation ou de toute mise en demeure préalable tel que prévu par l'arrêt de la cour d'appel d'Amiens du 21 septembre 2010, majorés de 5 points à compter du 9 septembre 2015, d'avoir ordonné la vente forcée des biens et droits immobiliers visés au commandement de payer valant saisie immobilière, et d'avoir dit que l'audience d'adjudication aura lieu dans les conditions fixées dans le cahier des conditions de la vente, à la barre du tribunal judiciaire de Compiègne le mardi 1er juin 2021 à 13h30, 1°) Alors qu'en appel, les prétentions des parties ainsi que les moyens sur lesquels elles sont fondées sont formulés dans les conclusions ; que la cour d'appel ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif ; qu'elle ne peut se déterminer, y compris dans les procédures à jour fixe, par référence à des débats oraux n'ayant pas porté sur des points abordés par les écritures des parties ; qu'en l'espèce, pour confirmer le jugement d'orientation, la cour d'appel a relevé que Me [V] ès qualités avait fait valoir, à l'audience de plaidoiries, que dans le dispositif de ses conclusions, la SCI Le Manse ne sollicitait ni l'infirmation, ni l'annulation du jugement, de sorte que la cour d'appel ne pouvait que confirmer le jugement ; qu'en se déterminant par référence à des débats oraux non repris dans les conclusions des parties, dans lesquelles ne figurait aucune argumentation en ce sens, la cour d'appel a violé les articles 4 et 954 du code de procédure civile, ensemble l'article 6 §1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. 2°) Alors que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; que pour confirmer le jugement d'orientation, la cour d'appel a relevé que la SCI Le Manse ne demandait dans le dispositif de ses conclusions ni l'infirmation ni l'annulation du jugement d'orientation, de sorte que ce jugement ne pouvait qu'être confirmé des chefs critiqués par la SCI Le Manse ; qu'en relevant ce moyen, qui n'avait pas été articulé par les conclusions des parties, sans provoquer au préalable les explications écrites de la SCI Le Manse sur ce point, la cour d'appel a méconnu le principe de la contradiction, en violation de l'article 16 du code de procédure civile. 3°) Alors que les juges du fond ont l'obligation d'écarter l'application d'une loi ou d'un règlement s'ils constatent que cette application aurait pour effet, au prix d'une interprétation par trop formaliste de la légalité ordinaire, de porter une atteinte disproportionnée au droit d'accès au juge de l'une des parties ; qu'en l'espèce, la déclaration d'appel indiquait expressément qu'était poursuivie l'annulation ou l'infirmation du jugement déféré, la requête à jour fixe demandant quant à elle expressément la réformation de la décision entreprise ; que le dispositif des dernières conclusions, s'il ne reprenait pas exactement cette mention, demandait à la cour d'appel de statuer par des chefs de dispositif contraires à ceux du jugement entrepris ; qu'en jugeant dès lors qu'elle ne pouvait que confirmer le jugement, la SCI Le Manse ne sollicitant ni l'infirmation, ni l'annulation du jugement dans le dispositif de ses conclusions, la cour d'appel, au prix d'une interprétation par trop formaliste de la légalité ordinaire, a porté une atteinte disproportionnée au droit d'accès au juge de la SCI Le Manse, violant ainsi l'article 6 §1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. 4°) Alors que la cour d'appel ne peut confirmer un jugement sans répondre aux conclusions qui en critiquent la teneur ; qu'en confirmant le jugement entrepris sans répondre aux conclusions qui en contestaient la teneur, qu'il s'agisse de l'appréciation de la demande de sursis à statuer, de l'appréciation de la nullité du commandement aux fins de saisie-vente, de l'extinction de la dette de la SCI Manse, ou à tout le moins de l'inexactitude du décompte des sommes réclamées, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 20 octobre 2022 M. PIREYRE, président Arrêt n° 1071 F-B Pourvoi n° N 21-15.942 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 20 OCTOBRE 2022 Mme [E] [F], épouse [G], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° N 21-15.942 contre l'arrêt rendu le 18 février 2021 par la cour d'appel de Versailles (2e chambre, 1re section), dans le litige l'opposant à M. [R] [G], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Kermina, conseiller, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de Mme [F] épouse [G], de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de M. [G], et l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l'audience publique du 13 septembre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Kermina, conseiller rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 18 février 2021) et les productions, M. [G] a relevé appel, le 2 mars 2020, d'un jugement rendu le 19 décembre 2019 par le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Versailles dans un litige l'opposant à Mme [G] quant au divorce des époux et aux conséquences en résultant. 2. M. [G] a signifié ses premières conclusions d'appelant à Mme [G], alors non constituée, le 11 juin 2020. 3. Le 11 septembre 2020, Mme [G] a déposé ses premières conclusions d'intimée contenant appel incident, devant la 2ème chambre 1ère section de la cour d'appel. 4. Mme [G] a déféré à la cour d'appel l'ordonnance du conseiller de la mise en état ayant déclaré d'office irrecevables toutes conclusions que pourrait déposer l'intimée postérieurement au 11 septembre 2020. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 5. Mme [G] fait grief à l'arrêt de rejeter le déféré formé contre l'ordonnance du conseiller de la mise en état, alors « que les conclusions exigées par l'article 909 du code de procédure civile sont celles, adressées à la cour d'appel, qui sont remises au greffe et notifiées dans les délais prévus par ce texte et qui déterminent l'objet du litige ; qu'en jugeant qu'elle n'était pas saisie des conclusions d'intimée contenant appel incident de Mme [F] du 11 septembre 2020, motif pris de ce que le dispositif de ces conclusions mentionnait « il est demandé à Madame ou Monsieur le conseiller de la mise en état », quand lesdites conclusions, contenant une demande de réformation partielle du jugement entrepris, ainsi que des prétentions et des moyens sur le fond, déterminaient l'objet du litige et avaient été transmises à la cour d'appel par la voie du RPVA dans le délai de trois mois suivant la notification des conclusions de l'appelant, de sorte qu'elle en était bien saisie en dépit de la référence erronée au conseiller de la mise en état, la cour d'appel, qui a ajouté à la loi une condition que celle-ci ne comporte pas, a violé les articles 909 et 910-1 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Vu l'article 910-1 du code de procédure civile : 6. Aux termes de ce texte, les conclusions exigées par les articles 905-2 et 908 à 910 sont celles, adressées à la cour, qui sont remises au greffe et notifiées dans les délais prévus par ces textes et qui déterminent l'objet du litige. 7. Pour déclarer d'office irrecevables toutes conclusions que pourrait déposer l'intimée postérieurement au 11 septembre 2020, l'arrêt retient qu'en application de l'article 954 du code de procédure civile, seul le dispositif des conclusions doit être pris en considération, que (le dispositif des) conclusions signifiées par l'intimée, qui mentionne « il est demandé au conseiller de la mise en état », est adressé au conseiller de la mise en état, et que l'indication « plaise à la cour », dans le corps des écritures, ne peut permettre de le corriger, de sorte que, les règles de procédure civile étant édictées afin de garantir aux parties, dans un cadre de sécurité juridique, un procès équitable, les conclusions de l'intimée du 11 septembre 2020 ne saisissent pas la cour d'appel et, le délai pour conclure n'ayant pas été suspendu, l'intimée n'a pas conclu dans le délai qui lui était imparti. 8. En statuant ainsi, alors que les conclusions au fond de Mme [G] contenaient une demande de réformation partielle du jugement ainsi que des prétentions et moyens sur le fond, et lui avaient été transmises par le RPVA, selon les exigences requises, la cour d'appel, qui en était saisie quand bien même elles comportaient une référence erronée au conseiller de la mise en état, et qui ne pouvait que les déclarer recevables, a violé le texte susvisé. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 18 février 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée. Condamne M. [G] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [G] et le condamne à payer à Mme [F] épouse [G] la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt octobre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour Mme [F] épouse [G] Mme [F] fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré infondé et rejeté le déféré qu'elle avait formé à l'encontre d'une ordonnance du conseiller de la mise en état du 13 octobre 2020 qui avait déclaré irrecevables toutes conclusions qu'elle pourrait déposer postérieurement au 11 septembre 2020 ; 1°) ALORS QUE les conclusions exigées par l'article 909 du code de procédure civile sont celles, adressées à la cour d'appel, qui sont remises au greffe et notifiées dans les délais prévus par ce texte et qui déterminent l'objet du litige ; qu'en jugeant qu'elle n'était pas saisie des conclusions d'intimée contenant appel incident de Mme [F] du 11 septembre 2020, motif pris de ce que le dispositif de ces conclusions mentionnait « il est demandé à Madame ou Monsieur le conseiller de la mise en état », quand lesdites conclusions, contenant une demande de réformation partielle du jugement entrepris, ainsi que des prétentions et des moyens sur le fond, déterminaient l'objet du litige et avaient été transmises à la cour d'appel par la voie du RPVA dans le délai de trois mois suivant la notification des conclusions de l'appelant, de sorte qu'elle en était bien saisie en dépit de la référence erronée au conseiller de la mise en état, la cour d'appel, qui a ajouté à la loi une condition que celle-ci ne comporte pas, a violé les articles 909 et 910-1 du code de procédure civile ; 2°) ALORS QUE si la cour d'appel ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion, aucune règle de droit ne détermine le lieu où doit figurer la désignation de la juridiction saisie ; qu'en conséquence, en cas de discordance dans la rédaction des conclusions sur la nature de la juridiction saisie, dans celles-ci, il appartient au juge de prendre en compte l'ensemble de leurs mentions, ainsi que la nature des moyens et prétentions formulés, afin de déterminer quelle a été la volonté de leur auteur ; qu'en refusant de procéder à cette recherche, au motif que seul le dispositif des conclusions doit être pris en considération pour déterminer la juridiction saisie, la cour d'appel a violé les articles 12 et 954 du code de procédure civile ; 3°) ALORS QU'en toute hypothèse, sanctionner par une irrecevabilité l'irrégularité consistant pour l'intimé à avoir adressé, par une mention dans le dispositif, ses conclusions au fond déposées dans le délai de l'article 909 du code de procédure civile au conseiller de la mise en état et non à la cour d'appel, porte une atteinte disproportionnée au droit d'accès au juge d'appel ; qu'en se fondant sur le fait que les conclusions d'intimée contenant appel incident de Mme [F] du 11 septembre 2020 mentionnaient, dans leur dispositif, « il est demandé à Madame ou Monsieur le conseiller de la mise en état » pour estimer qu'elle n'en était pas saisie, en déduire que l'intimée n'avait pas conclu dans le délai imparti par l'article 909 et déclarer irrecevables toutes conclusions qui pourraient être déposées postérieurement au 11 septembre 2020, la cour d'appel a fait preuve d'un formalisme excessif, en violation de l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; 4°) ALORS QU'en toute hypothèse, le droit à un procès équitable exclut l'application immédiate d'une règle de procédure, qui résulte d'une interprétation nouvelle des articles 909 et 954 du code de procédure civile, à une instance introduite par une déclaration d'appel antérieure à sa formulation dans un arrêt publié de la Cour de cassation ; qu'en se fondant sur le fait que les conclusions d'intimée contenant appel incident de Mme [F] du 11 septembre 2020 mentionnaient, dans leur dispositif, « il est demandé à Madame ou Monsieur le conseiller de la mise en état » pour estimer qu'elle n'en était pas saisie, en déduire que l'intimée n'avait pas conclu dans le délai imparti par l'article 909 et déclarer irrecevables toutes conclusions qui pourraient être déposées postérieurement au 11 septembre 2020, la cour d'appel a fait application d'une sanction, résultant d'une interprétation nouvelle des articles susvisés, n'ayant jamais été formulée dans un arrêt publié de la Cour de cassation, et a ainsi violé l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 20 octobre 2022 M. PIREYRE, président Arrêt n° 1068 FS-B Pourvoi n° W 21-13.558 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 20 OCTOBRE 2022 Mme [G] [L], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° W 21-13.558 contre l'arrêt rendu le 7 janvier 2021 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 2-1), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. [R] [U], domicilié [Adresse 1], 2°/ à M. [D] [L], domicilié [Adresse 3], défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Delbano, conseiller, les observations de la SCP Jean-Philippe Caston, avocat de Mme [L], de la SCP Alain Bénabent, avocat de M. [U], et l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l'audience publique du 13 septembre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Delbano, conseiller rapporteur, en présence de Mme Anton, auditrice au service de documentation, des études et du rapport, Mme Martinel, conseiller doyen, Mmes Kermina, Durin-Karsenty, Vendryes, conseillers, Mmes Jollec, Bohnert, M. Cardini, Mmes Latreille, Bonnet, conseillers référendaires, Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, et Mme Thomas, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 7 janvier 2021) et les productions, Mme [L] a, par une déclaration du 25 janvier 2019, relevé appel du jugement par lequel un tribunal de grande instance a déclaré prescrites ses actions en nullité d'une vente consentie à M. [U], en requalification de cette vente en libéralité, en constatation de l'existence d'un recel successoral, rapport à succession et réduction de la quotité disponible et qui l'a déboutée de sa demande en paiement d'une indemnité d'occupation. 2. Le 5 avril 2019, Mme [L] a fait délivrer à M. [L], intimé n'ayant pas constitué avocat, une assignation devant la cour d'appel, avec signification de la déclaration d'appel, remise par voie électronique au greffe le 9 avril 2019. 3. Le 18 avril 2019, elle a remis au greffe des conclusions. 4. Un conseiller de la mise en état a prononcé la caducité de la déclaration d'appel, par une ordonnance que Mme [L] a déférée à la cour d'appel. Examen du moyen Sur le moyen, pris en ses deuxième, troisième et quatrième branches, ci-après annexé 5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 6. Mme [L] fait grief à l'arrêt de prononcer la caducité de sa déclaration d'appel, alors que « l'assignation vaut conclusions ; que la caducité d'une déclaration d'appel pour absence de signification, dans le délai prescrit, des conclusions à un intimé défaillant, n'est pas encourue si la déclaration d'appel, signifiée à cet intimé, détermine l'objet du litige et l'ensemble des prétentions sur le fond ; qu'en retenant, pour prononcer la caducité de la déclaration d'appel de Mme [L], que, par application des dispositions de l'article 911 du code de procédure civile, l'intéressée disposait d'un délai de quatre mois à compter de sa déclaration d'appel, soit jusqu'au 25 mai 2019, pour faire signifier ses conclusions à M. [L], intimé défaillant, que les conclusions datées du 18 avril 2019 n'ont pas été signifiées à l'intimé défaillant malgré l'avis d'avoir à y procéder adressé par le greffe de la cour, que, préalablement, le 5 avril 2019, ainsi qu'elle l'a indiqué dans sa requête, elle « avait fait délivrer par exploit d'huissier à M. [L] une assignation avec signification de la déclaration d'appel et du jugement », que cette assignation valant conclusions ne pouvait empêcher la sanction de caducité qu'à la condition de répondre aux exigences des articles 910-1, 905-2 et 908 à 910 du code de procédure civile, c'est-à-dire de déterminer l'objet du litige et, conformément aux dispositions de l'article 910-4 du même code, de présenter l'ensemble des prétentions sur le fond et que seules les conclusions du 18 avril 2019, non signifiées à l'intimé défaillant, répondaient à ces conditions, de sorte que la caducité de l'appel est encourue, faute de signification de ces dernières conclusions à M. [L], quand la déclaration d'appel de Mme [L] déterminait suffisamment l'objet du litige et l'ensemble des prétentions sur le fond, la cour d'appel a violé les articles 4, 56, 911 et 910-1 du code de procédure civile ». Réponse de la Cour 7. Devant la cour d'appel, par application de l'article 56 du code de procédure civile, l'assignation vaut conclusions dès lors qu'elle comporte des prétentions et moyens déterminant l'objet du litige conformément à l'article 954 du même code, et qu'elle répond aux exigences prescrites par les articles 906, 908,910-1, 910-4 et 911. À défaut la déclaration d'appel est caduque. 8. L'arrêt relève, par motifs propres et adoptés, que les conclusions du 18 avril 2019 n'ont pas été signifiées à l'intimé défaillant au plus tard le 25 mai 2019, malgré l'avis d'avoir à y procéder adressé à l'appelante par le greffe, et fait ressortir que l'assignation ne pouvait valoir conclusions à défaut de satisfaire aux exigences requises, de déterminer l'objet du litige et, conformément aux dispositions de l'article 910-4 du même code, de présenter l'ensemble des prétentions sur le fond. 9. Il ajoute que seules les conclusions du 18 avril 2019, non signifiées à l'intimé défaillant, répondent à ces conditions. 10. En l'état de ces constatations, énonciations et appréciations, la cour d'appel a exactement déduit que, faute de signification de ces dernières conclusions à M. [L], la caducité de l'appel était encourue. 11. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi. Condamne Mme [L] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [L] et la condamne à payer à M. [U] la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt octobre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Jean-Philippe Caston, avocat aux Conseils, pour Mme [L] Mme [L] fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR, confirmant en toutes ses dispositions l'ordonnance du conseiller de la mise en état du 10 décembre 2019, prononcé la caducité de sa déclaration d'appel ; 1°) ALORS QUE l'assignation vaut conclusions ; que la caducité d'une déclaration d'appel pour absence de signification, dans le délai prescrit, des conclusions à un intimé défaillant, n'est pas encourue si la déclaration d'appel, signifiée à cet intimé, détermine l'objet du litige et l'ensemble des prétentions sur le fond ; qu'en retenant, pour prononcer la caducité de la déclaration d'appel de Mme [L], que, par application des dispositions de l'article 911 du code de procédure civile, l'intéressée disposait d'un délai de quatre mois à compter de sa déclaration d'appel, soit jusqu'au 25 mai 2019, pour faire signifier ses conclusions à M. [L], intimé défaillant, que les conclusions datées du 18 avril 2019 n'ont pas été signifiées à l'intimé défaillant malgré l'avis d'avoir à y procéder adressé par le greffe de la cour, que, préalablement, le 5 avril 2019, ainsi qu'elle l'a indiqué dans sa requête, elle « avait fait délivrer par exploit d'huissier à M. [L] une assignation avec signification de la déclaration d'appel et du jugement », que cette assignation valant conclusions ne pouvait empêcher la sanction de caducité qu'à la condition de répondre aux exigences des articles 910-1, 905-2 et 908 à 910 du code de procédure civile, c'est-à-dire de déterminer l'objet du litige et, conformément aux dispositions de l'article 910-4 du même code, de présenter l'ensemble des prétentions sur le fond et que seules les conclusions du 18 avril 2019, non signifiées à l'intimé défaillant, répondaient à ces conditions, de sorte que la caducité de l'appel est encourue, faute de signification de ces dernières conclusions à M. [L], quand la déclaration d'appel de Mme [L] déterminait suffisamment l'objet du litige et l'ensemble des prétentions sur le fond, la cour d'appel a violé les articles 4, 56, 911 et 910-1 du code de procédure civile ; 2°) ALORS QUE l'assignation vaut conclusions ; que l'irrégularité résultant de l'absence de motivation de l'assignation est couverte par les dernières conclusions de l'appelant ; qu'au demeurant, en retenant, pour prononcer la caducité de la déclaration d'appel de Mme [L], que, par application des dispositions de l'article 911 du code de procédure civile, l'intéressée disposait d'un délai de quatre mois à compter de sa déclaration d'appel, soit jusqu'au 25 mai 2019, pour faire signifier ses conclusions à M. [L], intimé défaillant, que les conclusions datées du 18 avril 2019 n'ont pas été signifiées à l'intimé défaillant malgré l'avis d'avoir à y procéder adressé par le greffe de la cour, que, préalablement, le 5 avril 2019, ainsi qu'elle l'a indiqué dans sa requête, elle « avait fait délivrer par exploit d'huissier à M. [L] une assignation avec signification de la déclaration d'appel et du jugement », que cette assignation valant conclusions ne pouvait empêcher la sanction de caducité qu'à la condition de répondre aux exigences des articles 910-1, 905-2 et 908 à 910 du code de procédure civile, c'est-à-dire de déterminer l'objet du litige et, conformément aux dispositions de l'article 910-4 du même code, de présenter l'ensemble des prétentions sur le fond et que seules les conclusions du 18 avril 2019, non signifiées à l'intimé défaillant, répondaient à ces conditions, de sorte que la caducité de l'appel est encourue, faute de signification de ces dernières conclusions à M. [L], quand l'éventuelle irrégularité résultant de l'absence de motivation de l'assignation avait été couverte par les dernières conclusions d'appel de Mme [L], la cour d'appel a violé les articles 4, 56, 911 et 910-1 du code de procédure civile ; 3°) ALORS QUE l'assignation vaut conclusions ; que la caducité de la déclaration d'appel, faute de motivation de l'assignation, ne peut être encourue qu'avec la preuve, par celui qui l'invoque, du grief que lui a causé l'irrégularité ; que, de même, en retenant ainsi, pour prononcer la caducité de la déclaration d'appel de Mme [L], que, par application des dispositions de l'article 911 du code de procédure civile, l'intéressée disposait d'un délai de quatre mois à compter de sa déclaration d'appel, soit jusqu'au 25 mai 2019, pour faire signifier ses conclusions à M. [L], intimé défaillant, que les conclusions datées du 18 avril 2019 n'ont pas été signifiées à l'intimé défaillant malgré l'avis d'avoir à y procéder adressé par le greffe de la cour, que, préalablement, le 5 avril 2019, ainsi qu'elle l'a indiqué dans sa requête, elle « avait fait délivrer par exploit d'huissier à M. [L] une assignation avec signification de la déclaration d'appel et du jugement », que cette assignation valant conclusions ne pouvait empêcher la sanction de caducité qu'à la condition de répondre aux exigences des articles 910-1, 905-2 et 908 à 910 du code de procédure civile, c'est-à-dire de déterminer l'objet du litige et, conformément aux dispositions de l'article 910-4 du même code, de présenter l'ensemble des prétentions sur le fond et que seules les conclusions du 18 avril 2019, non signifiées à l'intimé défaillant, répondaient à ces conditions, de sorte que la caducité de l'appel est encourue, quand la caducité de la déclaration d'appel de Mme [L], faute de motivation de l'assignation, ne pouvait être encourue qu'avec la preuve, par celui qui l'invoquait, du grief que lui avait causé l'irrégularité, la cour d'appel a violé les articles 114 et 911 du code de procédure civile ; 4°) ALORS QUE le prononcé de la caducité d'une déclaration d'appel pour absence de signification, dans le délai prescrit, des conclusions à un intimé défaillant est une sanction disproportionnée au but poursuivi, à savoir l'encadrement des délais de procédure afin d'assurer la célérité et l'efficacité de l'appel, voie de recours ordinaire ; qu'en toute hypothèse, en retenant, pour prononcer la caducité de la déclaration d'appel de Mme [L], que, par application des dispositions de l'article 911 du code de procédure civile, l'intéressée disposait d'un délai de quatre mois à compter de sa déclaration d'appel, soit jusqu'au 25 mai 2019, pour faire signifier ses conclusions à M. [L], intimé défaillant, que les conclusions datées du 18 avril 2019 n'ont pas été signifiées à l'intimé défaillant malgré l'avis d'avoir à y procéder adressé par le greffe de la cour, que, préalablement, le 5 avril 2019, ainsi qu'elle l'a indiqué dans sa requête, elle « avait fait délivrer par exploit d'huissier à M. [L] une assignation avec signification de la déclaration d'appel et du jugement », que cette assignation valant conclusions ne pouvait empêcher la sanction de caducité qu'à la condition de répondre aux exigences des articles 910-1, 905-2 et 908 à 910 du code de procédure civile, c'est-à-dire de déterminer l'objet du litige et, conformément aux dispositions de l'article 910-4 du même code, de présenter l'ensemble des prétentions sur le fond et que seules les conclusions du 18 avril 2019, non signifiées à l'intimé défaillant, répondaient à ces conditions, de sorte que la caducité de l'appel est encourue, quand le prononcé de la caducité de la déclaration d'appel de Mme [L] pour absence de signification, dans le délai prescrit, des conclusions à un intimé défaillant, était une sanction disproportionnée au but poursuivi, à savoir l'encadrement des délais de procédure afin d'assurer la célérité et l'efficacité de l'appel, voie de recours ordinaire, la cour d'appel a violé l'article 6 § 1 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble les articles 911, 910-1, 905-2 et 908 à 910 du code de procédure civile.
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LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 12 octobre 2022 Mme TEILLER, président Arrêt n° 718 FS-B Pourvoi n° F 20-17.335 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 12 OCTOBRE 2022 1°/ M. [D] [T], 2°/ Mme [O] [U], épouse [T], tous deux domiciliés [Adresse 2], ont formé le pourvoi n° F 20-17.335 contre l'arrêt rendu le 12 mai 2020 par la cour d'appel de Lyon (8e chambre), dans le litige les opposant : 1°/ à la société Vilam, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], anciennement dénommée société Entreprise Vittet Joseph et fils, 2°/ à la société JTM Parquet, dont le siège est [Adresse 3], 3°/ à la société Design Parquet, dont le siège est [Adresse 4], défenderesses à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Zedda, conseiller référendaire, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de M. et Mme [T], de la SCP Gaschignard, avocat de la société Vilam, et l'avis de Mme Vassallo, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 6 septembre 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Zedda, conseiller référendaire rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, Mmes Farrenq-Nési, Greff-Bohnert, MM. Jacques, Bech, Boyer, Mmes Abgrall, Grall, conseillers, Mmes Djikpa, Brun, Vernimmen, Davoine, conseillers référendaires, Mme Vassallo, premier avocat général, et Mme Besse, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Désistement partiel 1. Il est donné acte à M. et Mme[T] du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre les sociétés JTM parquet et Design parquet. Faits et procédure 2. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 12 mai 2020), M. et Mme [T] ont confié à la société Vittet J. et fils (la société Vittet), devenue la société Vilam, la fourniture et la pose d'un parquet. 3. Invoquant des désordres, M. et Mme [T] ont, après avoir obtenu en référé la désignation d'un expert, assigné la société Vittet en réparation sur le fondement de la garantie des vices cachés et de la garantie légale de conformité. Examen des moyens Sur le premier moyen Enoncé du moyen 4. M. et Mme [T] font grief à l'arrêt de décider qu'ils avaient conclu avec la société Vittet un contrat d'entreprise, de rejeter leurs demandes et de les condamner à payer une certaine somme au titre du solde de la facture de travaux, alors : « 1°/ que le contrat de prestation de service se distingue de la vente par la réalisation d'un travail spécifique ; qu'en qualifiant de contrat d'entreprise le contrat litigieux prévoyant, sans ventilation du prix, la fourniture et la pose d'un parquet, au motif que la pose du parquet avait rendu nécessaire des coupes et une adaptation aux dimensions de chaque pièce, quand ces tâches correspondaient à un travail standard, la cour d'appel a violé l'article 1582 et les articles 1641 et suivants du code civil ; 2°/ qu'en qualifiant de contrat d'entreprise le contrat litigieux prévoyant, sans ventilation du prix, la fourniture et la pose d'un parquet, au motif de l'indissociabilité du parquet de l'ensemble carrelage sol chauffant de sorte que la dépose du parquet ne pourrait se faire sans l'enlèvement de l'ensemble, quand cette circonstance, étrangère au travail devant être effectué en exécution du contrat, était nécessairement indifférente pour statuer sur sa qualification, la cour d'appel a de nouveau violé l'article 1582 et les articles 1641 et suivants du code civil. » Réponse de la Cour 5. La cour d'appel a retenu que les travaux commandés comprenaient la pose du parquet, laquelle constituait une part importante du travail avec des coupes et une adaptation aux dimensions de chaque pièce, selon les exigences de M. et Mme [T]. 6. Ayant ainsi caractérisé, par ces seuls motifs, la commande d'un travail spécifique destiné à répondre à des besoins particuliers, elle a pu en déduire que le contrat liant les parties était un contrat de louage d'ouvrage. 7. Le moyen n'est donc pas fondé. Sur le second moyen Enoncé du moyen 8. M. et Mme [T] font le même grief à l'arrêt, alors « que selon l'article L. 211-4 du code de la consommation tel qu'issu de l'ordonnance n° 2005-136 du 17 février 2005, le vendeur « répond... des défauts de conformité résultant... de l'installation lorsque celle-ci a été mise à sa charge par le contrat ou a été réalisée sous sa responsabilité » ; qu'en s'abstenant de rechercher si, indépendamment des règles du droit civil, M. et Mme [T] n'étaient pas fondés à solliciter la condamnation de l'EURL Vittet Joseph et fils dans la mesure où, vendeur du parquet, elle s'était obligée à l'installer, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard des articles L. 211-1 et L. 211-4 à L. 211-10 du code de la consommation tels qu'issus de l'ordonnance n° 2005-136 du 17 février 2005. » Réponse de la Cour 9. La garantie de conformité prévue par les articles L. 211-1 et suivants, devenus L. 217-1 et suivants du code de la consommation, ne s'applique qu'aux biens meubles corporels dont la propriété est transférée en vertu d'un contrat de vente, auquel est assimilé le contrat de fourniture d'un bien meuble à fabriquer ou à produire. 10. Le vendeur répond également des défauts de conformité résultant de l'installation du bien lorsque le contrat met cette installation à sa charge. 11. En revanche, le locateur d'ouvrage n'est pas tenu à la garantie pour les matériaux qu'il fournit et met en oeuvre en exécution d'un contrat de louage d'ouvrage, hors le cas du contrat portant sur la fourniture d'un bien meuble à fabriquer ou à produire. Le champ d'application de la garantie légale de conformité ne peut, en effet, être étendu au-delà des prévisions de l'article L. 211-1, devenu L. 217-1 du code de la consommation. 12. La cour d'appel a retenu que le contrat passé entre les parties, portant sur la fourniture et la pose d'un parquet, devait être qualifié de contrat de louage d'ouvrage et non de contrat de vente. 13. Dès lors que le contrat n'avait pas pour objet la vente d'un bien meuble corporel et qu'il ne portait pas sur la fourniture d'un bien meuble à fabriquer ou à produire, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche inopérante, en a déduit, à bon droit, que les dispositions des articles L. 211-1 et suivants, devenus L. 217-1 et suivants, du code de la consommation ne trouvaient pas à s'appliquer. 14. Elle a, ainsi, légalement justifié sa décision. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne M. et Mme [T] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze octobre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour M. et Mme [T] PREMIER MOYEN DE CASSATION L'arrêt attaqué encourt la censure ; EN CE QU'il a décidé que Monsieur et Madame [T] avaient conclu avec l'EURL VITTET JOSEPH ET FILS un contrat d'entreprise et rejeté en conséquence les demandes de Monsieur et Madame [T], puis condamné Monsieur et Madame [T], sur la demande de l'EURL VITTET JOSEPH ET FILS, à payer une somme de 18.516,33 euros ; AUX MOTIFS PROPRES QUE « le devis émis le 10 juillet 2012 par la société Vittet J & fils porte sur la fourniture et pose d'un parquet chêne gris de Guérande avec plus value pour collage en plein sur carrelage, fourniture et pose de seuil bois, pour une surface de 100 mètres carré, avec également habillage d'escalier marches et contre-marches ; que la facture émise à la suite de ces travaux d'un montant de 22 716,53 euros mentionne les mêmes travaux ; que même si ces deux pièces ne ventilent pas les prix entre la fourniture du parquet et sa pose, les travaux commandés comportent la pose, laquelle constitue une part importante du travail commandé avec nécessairement des coupes et une adaptation aux dimensions de chaque pièce, selon les exigences des époux [T] ; que les photographies figurant au constat dressé le 12 novembre 2013 par Maître [R] à la demande des appelants, font d'ailleurs apparaître certaines de ces découpes et adaptations ; que l'expert judiciaire qui est intervenu explique que ce parquet a été collé à la colle polyuréthanne sur un carrelage existant posé lui-même sur un sol chauffant et que la dépose du parquet ne peut se faire sans l'enlèvement de l'ensemble ; que du fait du travail de pose important, de la nature des travaux effectués, du procédé de colle sur carrelage et de l'indissociabilité du parquet de l'ensemble carrelage sol chauffant, les premiers juges ont à bon droit retenu l'existence d'un ouvrage et d'un contrat d'entreprise liant les parties ; que dès lors, la responsabilité de la société Vittet ne peut être recherchée que sur le fondement des garanties légales prévues aux articles précités ou de la responsabilité contractuelle, lesquelles ne sont toujours pas invoquées en cause d'appel » ; ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « il est en effet de droit constant que les entreprises tenues à une garantie légale, ne peuvent, pour les dommages relevant de cette garantie, être actionnées sur le fondement du droit commun ; que le contrat liant Monsieur [D] [T] et Madame [O] [U] épouse [T] à l'EURL VITTET J. & FILS, comprend dans un même devis, la fourniture et la pose d'un parquet : il s'agit d'un contrat d'entreprise prévoyant la réalisation d'un ouvrage et comme tel soumis aux dispositions des articles 1792 et suivants du code civil ou pour les vices ne relevant pas des garanties prévues par ces textes, de celles de l'article 1147 du code civil ancien ; que les dispositions du code de la consommation tout comme celles du code civil, règlementent la garantie du vendeur et son inapplicables aux relations entre le maître de l'ouvrage et l'entreprise : la demande de Monsieur [D] [T] et Madame [O] [U] épouse [T] fondée tant sur l'article L 211-4 ancien du code de la consommation que sur les articles 1641 et suivants anciens du code civil est irrecevable car mal fondée en droit et sera intégralement rejetée » ; ALORS QUE, PREMIEREMENT, le contrat de prestation de service se distingue de la vente par la réalisation d'un travail spécifique ; qu'en qualifiant de contrat d'entreprise le contrat litigieux prévoyant, sans ventilation du prix, la fourniture et la pose d'un parquet, au motif que la pose du parquet avait rendu nécessaire des coupes et une adaptation aux dimensions de chaque pièce, quand ces tâches correspondaient à un travail standard, la cour d'appel a violé l'article 1582 et les articles 1641 et suivants du Code civil ; ALORS QUE, DEUXIEMEMENT, en qualifiant de contrat d'entreprise le contrat litigieux prévoyant, sans ventilation du prix, la fourniture et la pose d'un parquet, au motif de l'indissociabilité du parquet de l'ensemble carrelage sol chauffant de sorte que la dépose du parquet ne pourrait se faire sans l'enlèvement de l'ensemble, quand cette circonstance, étrangère au travail devant être effectué en exécution du contrat, était nécessairement indifférente pour statuer sur sa qualification, la cour d'appel a de nouveau violé l'article 1582 et les articles 1641 et suivants du Code civil. SECOND MOYEN DE CASSATION (subsidiaire) L'arrêt attaqué encourt la censure ; EN CE QU'il a décidé que Monsieur et Madame [T] avaient conclu avec l'EURL VITTET JOSEPH ET FILS un contre d'entreprise et rejeté en conséquence les demandes de Monsieur et Madame [T], puis condamné Monsieur et Madame [T], sur la demande de l'EURL VITTET JOSEPH ET FILS, à payer une somme de 18.516,33 euros ; AUX MOTIFS PROPRES QUE « le devis émis le 10 juillet 2012 par la société Vittet J & fils porte sur la fourniture et pose d'un parquet chêne gris de Guérande avec plus value pour collage en plein sur carrelage, fourniture et pose de seuil bois, pour une surface de 100 mètres carré, avec également habillage d'escalier marches et contre-marches ; que la facture émise à la suite de ces travaux d'un montant de 22 716,53 euros mentionne les mêmes travaux ; que même si ces deux pièces ne ventilent pas les prix entre la fourniture du parquet et sa pose, les travaux commandés comportent la pose, laquelle constitue une part importante du travail commandé avec nécessairement des coupes et une adaptation aux dimensions de chaque pièce, selon les exigences des époux [T] ; que les photographies figurant au constat dressé le 12 novembre 2013 par Maître [R] à la demande des appelants, font d'ailleurs apparaître certaines de ces découpes et adaptations ; que l'expert judiciaire qui est intervenu explique que ce parquet a été collé à la colle polyuréthanne sur un carrelage existant posé lui-même sur un sol chauffant et que la dépose du parquet ne peut se faire sans l'enlèvement de l'ensemble ; que du fait du travail de pose important, de la nature des travaux effectués, du procédé de colle sur carrelage et de l'indissociabilité du parquet de l'ensemble carrelage sol chauffant, les premiers juges ont à bon droit retenu l'existence d'un ouvrage et d'un contrat d'entreprise liant les parties ; que dès lors, la responsabilité de la société Vittet ne peut être recherchée que sur le fondement des garanties légales prévues aux articles précités ou de la responsabilité contractuelle, lesquelles ne sont toujours pas invoquées en cause d'appel » ; ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « il est en effet de droit constant que les entreprises tenues à une garantie légale, ne peuvent, pour les dommages relevant de cette garantie, être actionnées sur le fondement du droit commun ; que le contrat liant Monsieur [D] [T] et Madame [O] [U] épouse [T] à l'EURL VITTET J. & FILS, comprend dans un même devis, la fourniture et la pose d'un parquet : il s'agit d'un contrat d'entreprise prévoyant la réalisation d'un ouvrage et comme tel soumis aux dispositions des articles 1792 et suivants du code civil ou pour les vices ne relevant pas des garanties prévues par ces textes, de celles de l'article 1147 du code civil ancien ; que les dispositions du code de la consommation tout comme celles du code civil, règlementent la garantie du vendeur et son inapplicables aux relations entre le maître de l'ouvrage et l'entreprise : la demande de Monsieur [D] [T] et Madame [O] [U] épouse [T] fondée tant sur l'article L 211-4 ancien du code de la consommation que sur les articles 1641 et suivants anciens du code civil est irrecevable car mal fondée en droit et sera intégralement rejetée » ; ALORS QUE, selon l'article L.211-4 du Code de la consommation tel qu'issu de l'ordonnance n°2005-136 du 17 février 2005, le vendeur « répond... des défauts de conformité résultant... de l'installation lorsque celle-ci a été mise à sa charge par le contrat ou a été réalisée sous sa responsabilité » ; qu'en s'abstenant de rechercher si, indépendamment des règles du droit civil, Monsieur et Madame [T] n'étaient pas fondés à solliciter la condamnation de l'EURL VITTET JOSEPH ET FILS dans la mesure où, vendeur du parquet, elle s'était obligée à l'installer, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard des articles L. 211-1 et 211-4 à L.211-10 du Code de la consommation tels qu'issus de l'ordonnance n°2005-136 du 17 février 2005.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 26 octobre 2022 M. SOMMER, président Arrêt n° 1145 FS-B Pourvoi n° T 21-15.142 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 26 OCTOBRE 2022 1°/ Mme [X] [K], 2°/ M. [Y] [Z], tous deux domiciliés [Adresse 2] et agissant en qualité d'inspecteurs du travail de l'unité de contrôle n°1 du Var de la Direccte de Paca, 3°/ M. [P] [T], 4°/ Mme [G] [H], tous deux domiciliés [Adresse 2] et agissant en qualité d'inspecteurs du travail de l'unité de contrôle n°3 du Var de la Direccte de Paca, ont formé le pourvoi n° T 21-15.142 contre l'arrêt rendue le 14 janvier 2021 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-2), dans le litige les opposant : 1°/ à la société Distribution Casino France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], exploitant le supermarché Casino de [Localité 4], 2°/ au syndicat Union départementale CGT du Var, dont le siège est [Adresse 3], défendeurs à la cassation. La société Distribution Casino France a formé un pourvoi incident éventuel contre le même arrêt. Les demandeurs au pourvoi principal invoquent, à l'appui de leur recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. La demanderesse au pourvoi incident éventuel invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Flores, conseiller, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de Mme [K], MM. [Z], [T] et de Mme [H], ès qualités, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Distribution Casino France, et l'avis de Mme Molina, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 14 septembre 2022 où étaient présents M. Sommer, président, M. Flores, conseiller rapporteur, M. Schamber, conseiller doyen, Mmes Cavrois, Monge, MM. Sornay, Rouchayrole, conseillers, Mmes Ala, Thomas-Davost, Techer, conseillers référendaires, Mme Molina, avocat général référendaire, et Mme Jouanneau, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 14 janvier 2021), rendu en référé, l'arrêté du préfet du Var du 12 février 1969 a décidé la fermeture, sur tout le territoire du Var, de tous les magasins d'alimentation ou parties d'établissements sédentaires ou ambulants dans lesquels il est vendu des denrées alimentaires de toute nature, au choix du chef d'établissement, soit la journée entière du dimanche, soit la journée entière le lundi, soit du dimanche midi au lundi midi. 2. A la suite d'un contrôle effectué les 20 et 21 octobre 2019 dans le supermarché Casino de [Localité 4], ouvert au public et ayant pour activité principale la vente de produits et d'articles alimentaires, les inspecteurs du travail des unités de contrôle n° 1 et n° 3 du Var de la Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) de la région Provence-Alpes-Côte-d'Azur (PACA) ont saisi le juge des référés d'un tribunal judiciaire afin d'obtenir la fermeture de ce magasin en application de l'arrêté du 12 février 1969. Examen du moyen du pourvoi principal Enoncé du moyen 3. Les inspecteurs du travail font grief à l'arrêt de dire n'y avoir lieu à référé s'agissant de la demande de fermeture sous astreinte le dimanche du supermarché Casino de [Localité 4], alors : « 1° / que la violation d'un arrêté préfectoral de fermeture des commerces alimentaires dont la légalité n'est pas sérieusement contestée constitue un trouble manifestement illicite qu'il appartient au juge des référés de faire cesser ; qu'en l'espèce, il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué, que le supermarché Casino de [Localité 4] est ouvert le dimanche et le lundi toute la journée, contrevenant ainsi à l'interdiction posée par... l'arrêté du 12 février 1969, pris en application de l'accord sur les modalités de fermeture hebdomadaire des commerces concernés intervenu le 15 janvier 1969 [...lequel] a décidé en son article 1 : "Sur tout le territoire du département du Var, tous les magasins d'alimentation ou parties d'établissements sédentaires ou ambulants dans lesquels il est vendu des denrées alimentaires de toute nature, au détail - à l'exclusion des commerces de boulangerie, boulangerie-pâtisserie et pâtisserie - seront fermés à la clientèle une journée par semaine laissée, au départ, au choix du chef d'établissement, à savoir : - Soit la journée entière du dimanche, - soit la journée entière du lundi, - soit du dimanche midi au lundi midi" ; que par ailleurs, "la contestation portant sur la légalité de l'arrêté préfectoral du 12 février 1969 n'est pas sérieuse" ; qu'enfin "sont employés sur site le dimanche à tout le moins les employés d'une société de gardiennage" ; qu'en déboutant cependant les inspecteurs du travail des unités de contrôle n° 1 et n° 3 du Var de la DIRECCTE de Provence-Alpes-Côte-d'Azur (PACA) de leur action tendant à faire cesser le trouble manifestement illicite ainsi causé la cour d'appel, qui n'a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L. 3132-29 et L. 3132-31 du code du travail, ensemble l'article 873 du code de procédure civile ; 2°/ qu'il n'appartient qu'à l'autorité administrative, auteur de l'arrêté d'interdiction prévu par l'article L. 3132-29 du code du travail, de préciser les bénéficiaires de l'exception introduite par la loi n° 92-60 du 18 janvier 1992 au profit "des activités dont les modalités de fonctionnement et de paiement sont automatisées" ; qu'en retenant, pour débouter les inspecteurs du travail des unités de contrôle n° 1 et n° 3 du Var de la DIRECCTE de Provence-Alpes-Côte-d'Azur (PACA) de leur demande d'interdiction de l'ouverture dominicale du supermarché Casino de [Localité 4] que "le recours à une intervention humaine, que ce soit par la hotline ou par la présence d'agents de sécurité" mis à sa disposition par une entreprise de prestation de services "ne permet pas, avec l'évidence requise en référé, de dénier l'automaticité par ailleurs mise en oeuvre par la SAS Distribution Casino France dans l'ouverture et le fonctionnement de ses magasins" quand il ne lui appartenait pas de se substituer à l'autorité administrative pour apprécier si l'activité considérée était exercée dans des conditions relevant de l'exception légale, la cour d'appel a méconnu le principe de séparation des pouvoirs issu de la loi des 16 et 24 août 1790 ; 3°/ que l'exception aux règles de fermeture dominicale édictée par l'article L.3132-29 du code du travail ne s'applique qu'aux établissements fonctionnant sans le concours de personnel ; qu'en l'espèce, il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué que l'ouverture dominicale du supermarché Casino de [Localité 4] requiert "le recours à une intervention humaine, que ce soit par la hotline ou par la présence d'agents de sécurité" mis à sa disposition par une entreprise de prestation de services ; qu'en déclarant cependant que ce recours "ne permet pas, avec l'évidence requise en référé, de dénier l'automaticité par ailleurs mise en oeuvre par la SAS Distribution Casino France dans l'ouverture et le fonctionnement de ses magasins" aux motifs inopérants que les sociétés de gardiennage employant ces agents de sécurité "bénéficient d'une dérogation légale à la règle du repos dominical" la cour d'appel, qui n'a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations, a violé derechef les articles L. 3132-29 et L. 3132-31 du code du travail, ensemble l'article 873 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 4. Aux termes de l'article L. 3132-29, alinéa 1, du code du travail, lorsqu'un accord est intervenu entre les organisations syndicales de salariés et les organisations d'employeurs d'une profession et d'une zone géographique déterminées sur les conditions dans lesquelles le repos hebdomadaire est donné aux salariés, le préfet peut, par arrêté, sur la demande des syndicats intéressés, ordonner la fermeture au public des établissements de la profession ou de la zone géographique concernée pendant toute la durée de ce repos. Ces dispositions ne s'appliquent pas aux activités dont les modalités de fonctionnement et de paiement sont automatisées. 5. Selon l'arrêté du préfet du Var du 12 février 1969, sur tout le territoire du Var, tous les magasins d'alimentation ou parties d'établissements sédentaires ou ambulants dans lesquels il est vendu des denrées alimentaires de toute nature, au détail, à l'exclusion des commerces de boulangerie, boulangerie-pâtisserie et pâtisserie, seront fermés à la clientèle une journée par semaine laissée au départ au choix du chef d'établissement, à savoir, soit la journée entière du dimanche, soit la journée entière du lundi, soit du dimanche midi au lundi midi. 6. C'est par une exacte application de la loi et sans violer le principe de la séparation des pouvoirs que la cour d'appel a décidé que la journée de fermeture imposée par l'arrêté préfectoral ne concernait pas les activités dont les modalités de fonctionnement et de paiement sont automatisées. 7. L'arrêt relève que le recours à une intervention humaine que ce soit par la hotline ou la présence d'agents de sécurité ne permet pas de dénier l'automaticité mise en oeuvre par la société dans l'ouverture et le fonctionnement de ses magasins. L'arrêt ajoute qu'il n'était pas démontré que les agents de sécurité et de surveillance, lesquels n'étaient pas salariés de la société, intervenaient aux termes de contrats de prestation de services et bénéficiaient d'une dérogation légale à la règle du repos dominical, agissaient en dehors de leur fonction afin de participer au fonctionnement du magasin, pour son rangement ou l'assistance aux caisses. 8. En l'état de ces constatations, la cour d'appel a pu décider qu'aucun trouble manifestement illicite n'était caractérisé. 9. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, sans qu'il y ait lieu de statuer sur le moyen du pourvoi incident qui n'est qu'éventuel, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne Mme [K], MM. [Z], [T] et Mme [H], en leur qualité d'inspecteurs du travail, aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six octobre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour Mme [K], MM. [Z], [T] et Mme [H], ès qualités,demandeurs au pourvoi principal Les inspecteurs du travail des unités de contrôle n° 1 et n° 3 du Var de la DIRECCTE de Provence Alpes Côte d'Azur font grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit n'y avoir lieu à référé, s'agissant de la demande de fermeture sous astreinte le dimanche du supermarché Casino de [Localité 4] exploité par la SAS distribution Casino France ; 1°) ALORS QUE la violation d'un arrêté préfectoral de fermeture des commerces alimentaires dont la légalité n'est pas sérieusement contestée constitue un trouble manifestement illicite qu'il appartient au juge des référés de faire cesser ; qu'en l'espèce, il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué, « que le supermarché Casino de [Localité 4] est ouvert le dimanche et le lundi toute la journée, contrevenant ainsi à l'interdiction posée par... l'arrêté du 12 février 1969, pris en application de l'accord sur les modalités de fermeture hebdomadaire des commerces concernés intervenu le 15 janvier 1969 [...lequel] a décidé en son article 1er : « Sur tout le territoire du département du Var, tous les magasins d'alimentation ou parties d'établissements sédentaires ou ambulants dans lesquels il est vendu des denrées alimentaires de toute nature, au détail ? à l'exclusion des commerces de boulangerie, boulangerie-pâtisserie et pâtisserie - seront fermés à la clientèle une journée par semaine laissée, au départ, au choix du chef d'établissement, à savoir : - Soit la journée entière du dimanche, - soit la journée entière du lundi, - soit du dimanche midi au lundi midi » ; que par ailleurs, « la contestation portant sur la légalité de l'arrêté préfectoral du 12 février 1969 n'est pas sérieuse » ; qu'enfin « sont employés sur site le dimanche à tout le moins les employés d'une société de gardiennage » ; qu'en déboutant cependant les inspecteurs du travail des unités de contrôle n° 1 et n° 3 du Var de la DIRECCTE de Provence Alpes Côte d'Azur de leur action tendant à faire cesser le trouble manifestement illicite ainsi causé la cour d'appel, qui n'a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L.3132-29 et L.3132-31 du code du travail, ensemble l'article 873 du code de procédure civile ; 2°) ALORS QU'il n'appartient qu'à l'autorité administrative, auteur de l'arrêté d'interdiction prévu par l'article L.3132-29 du code du travail, de préciser les bénéficiaires de l'exception introduite par la loi n°92-60 du 18 janvier 1992 au profit « des activités dont les modalités de fonctionnement et de paiement sont automatisées » ; qu'en retenant, pour débouter les inspecteurs du travail des unités de contrôle n° 1 et n° 3 du Var de la DIRECCTE de Provence Alpes Côte d'Azur de leur demande d'interdiction de l'ouverture dominicale du supermarché Casino de [Localité 4] que « le recours à une intervention humaine, que ce soit par la hotline ou par la présence d'agents de sécurité » mis à sa disposition par une entreprise de prestation de services « ne permet pas, avec l'évidence requise en référé, de dénier l'automaticité par ailleurs mise en oeuvre par la SAS Distribution Casino France dans l'ouverture et le fonctionnement de ses magasins » quand il ne lui appartenait pas de se substituer à l'autorité administrative pour apprécier si l'activité considérée était exercée dans des conditions relevant de l'exception légale, la cour d'appel a méconnu le principe de séparation des pouvoirs issu de la loi des 16/24 août 1790 ; 3°) ALORS en toute hypothèse QUE l'exception aux règles de fermeture dominicale édictée par l'article L.3132-29 du code du travail ne s'applique qu'aux établissements fonctionnant sans le concours de personnel ; qu'en l'espèce, il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué que l'ouverture dominicale du supermarché Casino de [Localité 4] requiert « le recours à une intervention humaine, que ce soit par la hotline ou par la présence d'agents de sécurité » mis à sa disposition par une entreprise de prestation de services ; qu'en déclarant cependant que ce recours « ne permet pas, avec l'évidence requise en référé, de dénier l'automaticité par ailleurs mise en oeuvre par la SAS Distribution Casino France dans l'ouverture et le fonctionnement de ses magasins » aux motifs inopérants que les sociétés de gardiennage employant ces agents de sécurité « bénéficient d'une dérogation légale à la règle du repos dominical » la cour d'appel, qui n'a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations, a violé derechef les articles L.3132-29 et L.3132-31 du code du travail, ensemble l'article 873 du code de procédure civile Sur l'application, aux agents de surveillance, des règles relatives au repos hebdomadaire, à rapprocher : Soc., 26 octobre 2022, pourvoi n° 21-19.075, Bull., (rejet). Sur la détermination des établissements pouvant faire l'objet, une journée par semaine, d'une fermeture par arrêté préfectoral en application de l'article L. 3132-29, alinéa 1, du code du travail, à rapprocher : Soc., 13 octobre 2010, pourvoi n° 09-14.418, Bull. 2010, V, n° 223 (2) (rejet) ; Soc., 17 octobre 2012, pourvoi n° 11-24.315, Bull. 2012, V, n° 266 (rejet) ; Soc., 11 mai 2017, pourvoi n° 15-25.195, Bull. 2017, V, n° 78 (rejet).
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 26 octobre 2022 Cassation partielle M. SOMMER, président Arrêt n° 1144 FS-B+R Pourvoi n° V 21-14.178 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 26 OCTOBRE 2022 M. [V] [K], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° V 21-14.178 contre l'arrêt rendu le 27 janvier 2021 par la cour d'appel d'Amiens (5e chambre prud'homale), dans le litige l'opposant à la société Garage du Poteau de Senlis dépannage, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Flores, conseiller, les observations de la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat de M. [K], de la SARL Cabinet Munier-Apaire, avocat de la société Garage du Poteau de Senlis dépannage, et l'avis de Mme Molina, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 14 septembre 2022 où étaient présents M. Sommer, président, M. Flores, conseiller rapporteur, M. Schamber, conseiller doyen, Mmes Cavrois, Monge, MM. Sornay, Rouchayrole, conseillers, Mmes Ala, Thomas-Davost, Techer, conseillers référendaires, Mme Molina, avocat général référendaire, et Mme Jouanneau, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 27 janvier 2021), M. [K] a été engagé à compter du 12 décembre 1988 comme dépanneur par la société Garage du Poteau de Senlis dépannage, qui exerce une activité de dépannage de véhicules à la demande des particuliers, des professionnels ainsi que des compagnies d'assurance et d'assistance et assure une permanence pour intervenir sur une portion délimitée d'autoroute. 2. Les parties étaient convenues d'une rémunération mensuelle brute de 1 782,63 euros et du paiement des heures supplémentaires et repos compensateurs au moyen d'une commission de 10 % du chiffre d'affaires du dépannage poids-lourds et d'une commission de 20 % du chiffre d'affaires du dépannage véhicules légers, pour les interventions réalisées en dehors des horaires d'ouverture de l'entreprise. 3. Le 10 décembre 2015, le salarié a saisi la juridiction prud'homale de demandes en résiliation judiciaire du contrat de travail et en paiement de diverses sommes. 4. Le salarié a été licencié le 27 juin 2017. Examen des moyens Sur le premier moyen, le deuxième moyen, pris en ses trois dernières branches et le troisième moyen, pris en sa troisième branche, ci-après annexés 5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Mais sur le deuxième moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 6. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de toutes ses demandes et notamment de dommages-intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, au titre de la rupture brutale du contrat de travail, au titre du non-respect de la durée légale, au titre des heures supplémentaires outre congés payés afférents, au titre du repos compensateur, outre congés payés afférents, au titre du travail dissimulé, de nullité de son licenciement et de toutes les indemnités afférentes et subsidiairement de licenciement sans cause réelle et sérieuse et de toutes les indemnités afférentes, alors « que ayant expressément retenu que le salarié, dépanneur autoroutier de la société, au cours des périodes dites « d'astreinte » litigieuses de 15 jours consécutifs, « était tenu de se tenir en permanence ou à proximité immédiate des ou dans les locaux de l'entreprise, en dehors des heures et jours d'ouverture, afin de répondre sans délai à toute demande d'intervention » et qu'il était à cette fin muni d'un téléphone et intervenait à la demande d'un dispatcheur affecté à la réception continue des appels d'urgence, la cour d'appel qui conclut que l'organisation telle qu'elle résulte des pièces et documents versés aux débats lui permettent « de dire que ces périodes étaient des astreintes et non pas des permanences constituant un temps de travail effectif », sans nullement rechercher ni apprécier, ainsi qu'elle y était pourtant invitée, si, au regard des sujétions auxquelles le salarié était effectivement soumis au cours des périodes litigieuses, ce dernier n'était pas en permanence à la disposition de son employeur et s'il pouvait ou non vaquer librement à ses occupations personnelles, n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L 3121-5 du code du travail dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, L 3121-9 dudit code dans sa rédaction issue de cette loi et L 3121-1 du code du travail. » Réponse de la Cour Vu l'article L. 3121-1 du code du travail et l'article L. 3121-5 du même code, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 : 7. Aux termes du premier de ces textes, la durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles. 8. Selon le second, constitue au contraire une astreinte la période pendant laquelle le salarié, sans être sur son lieu de travail et sans être à la disposition permanente et immédiate de l'employeur, doit être en mesure d'intervenir pour effectuer un travail au service de l'entreprise, la durée de cette intervention étant considérée comme un temps de travail effectif. 9. La Cour de justice de l'Union européenne juge que relève de la notion de "temps de travail effectif", au sens de la directive 2003/88, l'intégralité des périodes de garde, y compris celles sous régime d'astreinte, au cours desquelles les contraintes imposées au travailleur sont d'une nature telle qu'elles affectent objectivement et très significativement la faculté, pour ce dernier, de gérer librement, au cours de ces périodes, le temps pendant lequel ses services professionnels ne sont pas sollicités et de consacrer ce temps à ses propres intérêts. Inversement, lorsque les contraintes imposées au travailleur au cours d'une période de garde déterminée n'atteignent pas un tel degré d'intensité et lui permettent de gérer son temps et de se consacrer à ses propres intérêts sans contraintes majeures, seul le temps lié à la prestation de travail qui est, le cas échéant, effectivement réalisée au cours d'une telle période constitue du "temps de travail", aux fins de l'application de la directive 2003/88 (CJUE, arrêt du 9 mars 2021, Radiotelevizija Slovenija, C-344/19, points 37 et 38). 10. Pour débouter le salarié de ses demandes à titre d'heures supplémentaires, l'arrêt retient que, conformément aux dispositions de la convention collective applicable, les dépanneurs de la société étaient tenus de se tenir en permanence ou à proximité immédiate des ou dans les locaux de l'entreprise, en dehors des heures et jours d'ouverture, afin de répondre sans délai à toute demande d'intervention. L'arrêt ajoute qu'il était constitué des équipes de trois ou quatre dépanneurs, munis d'un téléphone qui intervenaient à la demande du dispatcheur, lequel contrairement aux autres salariés, était spécialement affecté à la réception continue des appels d'urgence. L'arrêt en déduit que ces périodes étaient des astreintes et non pas des permanences constituant un temps de travail effectif. 11. En se déterminant ainsi, alors que le salarié invoquait le court délai d'intervention qui lui était imparti pour se rendre sur place après l'appel de l'usager, sans vérifier si le salarié avait été soumis, au cours de ses périodes d'astreinte, à des contraintes d'une intensité telle qu'elles avaient affecté, objectivement et très significativement, sa faculté de gérer librement, au cours de ces périodes, le temps pendant lequel ses services professionnels n'étaient pas sollicités et de vaquer à des occupations personnelles, la cour d'appel a privé sa décision de base légale. Et sur le troisième moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 12. Le salarié fait le même grief à l'arrêt, alors « que si l'article 1.09 d) de la convention collective nationale du commerce et de la réparation automobile du 15 janvier 1981, applicable, prévoit que « Lorsque des dépassements fréquents ou répétitifs de l'horaire collectif sont prévisibles, le paiement des heures supplémentaires peut être inclus dans la rémunération mensuelle sous la forme d'un forfait.... », un tel forfait, assis sur un salaire mensuel, doit être d'un montant fixe et ne peut être constitué d'une rémunération sous forme de commission sur le chiffre d'affaires réalisé lors des dépannages accomplis en dehors des horaires d'ouverture de l'entreprise ; qu'en retenant qu'en vertu des dispositions précitées de la convention collective et de la lettre du 1er mars 2000 signée par l'exposant aux termes de laquelle ce dernier aurait accepté que ses heures supplémentaires ne lui soient pas payées « en heures supplémentaires avec la majoration correspondante » mais « sous forme d'une commission sur le chiffre d'affaires hors taxes réalisé de nuit », les heures supplémentaires effectuées par l'exposant et les repos compensateurs dûs lors du dépassement du contingent annuel d'heures supplémentaires de 220 heures ont été rémunérées sous forme d'une commission calculée en pourcentage du chiffre d'affaires du dépannage poids-lourds et du dépannage véhicules légers, réalisés en dehors des horaires d'ouverture de l'entreprise et que « ce forfait est licite » la cour d'appel a violé les articles 1.09 d) et 1.09 bis de la convention collective précitée ensemble l'article L 3121-28 du code du travail. » Réponse de la Cour Vu l'article L. 212-5 du code du travail, alors en vigueur, et l'article 1.09 d) de la convention collective nationale du commerce et de la réparation de l'automobile du cycle, du motocycle et des activités connexes, ainsi que du contrôle technique automobile du 15 janvier 1981 : 13. Selon le second de ces textes, lorsque des dépassements fréquents ou répétitifs de l'horaire collectif sont prévisibles, le paiement des heures supplémentaires peut être inclus dans la rémunération mensuelle sous la forme d'un forfait. Le nombre d'heures sur lequel est calculé le forfait doit être déterminé en respectant la limite du nombre d'heures prévu par le contingent annuel d'heures supplémentaires visé à l'article 1.09 bis ou, exceptionnellement, d'un nombre supérieur autorisé par l'inspecteur du travail. L'inclusion du paiement des heures supplémentaires dans la rémunération forfaitaire ne se présume pas. Elle doit résulter d'un accord de volonté non équivoque des parties, d'une disposition expresse du contrat de travail ou d'un avenant à celui-ci. La rémunération forfaitaire convenue doit être au moins égale au minimum mensuel garanti applicable au salarié, complété par une majoration pour les heures supplémentaires comprises dans le forfait, majoration calculée comme indiqué à l'annexe " Salaires minima ". Ce forfait s'accompagne d'un mode de contrôle de la durée réelle du travail, qui doit être conforme aux prescriptions de l'article 1.09 a. 14. La seule fixation d'une rémunération forfaitaire, sans que soit déterminé le nombre d'heures supplémentaires inclus dans cette rémunération, ne permet pas de caractériser une convention de forfait. 15. Pour débouter le salarié de sa demande au titre des heures supplémentaires, l'arrêt retient que le salarié a, dans une lettre du 1er mars 2000, donné son accord pour que les heures supplémentaires soient payées sous forme d'une commission sur le chiffre d'affaires hors taxes réalisé de nuit. L'arrêt ajoute que les heures supplémentaires effectuées par le salarié et les repos compensateurs lors du dépassement du contingent annuel d'heures supplémentaires de 220 heures ont été rémunérés sous forme d'une commission de 10 % du chiffre d'affaires du dépannage poids-lourds et d'une commission de 20 % du chiffre d'affaires du dépannage véhicules légers réalisés en dehors des horaires d'ouverture de l'entreprise. L'arrêt en déduit que le forfait est licite. 16. En statuant ainsi, alors qu'elle avait retenu que le salarié avait effectué 737,47 heures supplémentaires en 2013, 873,31 en 2014 et 762,46 en 2015 hors astreinte et qu'il résultait de ses constatations que le forfait convenu entre les parties ne précisait ni le nombre d'heures incluses dans le forfait ni la rémunération mensuelle correspondante, la cour d'appel a violé les textes susvisés. Portée et conséquences de la cassation La cassation sur les chefs de dispositif critiqués par les deuxième et troisième moyens, qui porte sur les demandes de rappel de salaires au titre des heures supplémentaires et congés payés afférents, n'entraîne pas la cassation par voie de conséquence du chef de dispositif rejetant la demande en nullité du licenciement et en paiement des indemnités afférentes, qui ne s'y rattache pas par un lien de dépendance nécessaire ou d'indivisibilité. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déboute M. [K] de ses demandes en paiement de dommages-intérêts pour harcèlement moral, en nullité de son licenciement et en paiement des indemnités afférentes, de dommages-intérêts pour voie de fait et d'une indemnité pour défaut de formation, l'arrêt rendu le 27 janvier 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ; Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Douai ; Condamne la société Garage du Poteau de Senlis dépannage aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Garage du Poteau de Senlis dépannage et la condamne à payer à M. [K] la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six octobre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat aux Conseils, pour M. [K] PREMIER MOYEN DE CASSATION LE POURVOI REPROCHE À L'ARRÊT ATTAQUÉ D'AVOIR débouté l'exposant de toutes ses demandes et notamment de dommages et intérêts pour harcèlement moral et pour manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, de nullité de son licenciement et de toutes les indemnités y afférentes dont le doublement de l'indemnité conventionnelle de licenciement et de dommages et intérêts pour voie de fait ; 1°) ALORS QUE pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail ; que, dans l'affirmative, il revient alors au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'au soutien de la reconnaissance du harcèlement moral dont il avait été victime, l'exposant avait invoqué et offert de démontrer plusieurs faits et agissements dont il avait été victime et qui avaient eu pour effet d'entraîner une dégradation de ses conditions de travail, de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique et mentale et de compromettre son avenir professionnel, ainsi que cela ressortait encore des nombreux éléments médicaux qu'il produisait ; qu'en écartant d'abord les nombreuses attestations versées par l'exposant et décrivant de manière concordante son supérieur hiérarchique, Monsieur [X], comme une personne instable, colérique et agressive, s'emportant verbalement « tout en se levant de son siège donnant l'impression d'être prêt à en découdre avec son interlocuteur » et notamment celle de Madame [N] évoquant l'animosité de M. [X] à l'égard de l'exposant au motif notamment que « l'employeur verse des attestations en sens contraire », puis en justifiant le fait que M. [X] avait finalement été muté dans la holding, le 1er septembre 2016, se trouvant confiné à des tâches administratives sans plus de rapport avec les dépanneurs par le fait que cette décision de l'employeur « s'est inscrite dans une démarche de rationalité économique », puis en écartant les certificats médicaux et autres pièces médicales attestant de la dégradation de l'état de santé de l'exposant comme étant « insuffisants à eux-seuls à laisser présumer l'existence d'une situation de harcèlement moral s'ils ne sont pas corroborés par d'autres éléments objectifs », la cour d'appel a procédé à une appréciation séparée de chaque élément invoqué par l'exposant, en justifiant chacun d'eux pris isolément, sans nullement apprécier si, pris dans leur ensemble, les éléments ainsi matériellement établis, dont les documents médicaux relatifs à une altération de l'état de santé de l'exposant, ne laissaient pas présumer l'existence d'un harcèlement moral et a violé les articles L 1152-1 du code du travail et L 1154-1 dudit code ; 2°) ALORS QUE pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge de prendre en compte tous les éléments invoqués par le salarié ; qu'au titre du harcèlement moral, l'exposant avait notamment fait valoir que le 27 novembre 2015 Monsieur [X] s'en était pris à lui, en lui adressant des insultes, menaces voire menaces de mort, que l'exposant n'avait eu de salut que dans la fuite et qu'il avait immédiatement déposé une main-courante auprès de la police pour dénoncer ces faits qui participaient au harcèlement moral dont il avait été victime, ; qu'en se bornant à constater de manière inopérante que « le salarié appelant ne sollicite pas l'annulation de la sanction disciplinaire de mise à pied prise le 18 décembre 2015 en relation notamment avec l'incident l'ayant opposé à Monsieur [X] le 27 novembre 2015 alors même qu'il en conteste les circonstances et qu'il a déposé une plainte avec constitution de partie civile pour ces faits, suite au classement sans suite de sa plainte initiale » sans prendre en compte cet « incident », dont elle avait pourtant constaté la réalité et qui avait été qualifié par l'employeur dans sa lettre du 18 décembre 2015 d'« altercation violente avec Monsieur [H] [X] contraignant un collaborateur de notre société à intervenir pour vous séparer », ni apprécier si, pris avec les autres éléments matériellement établis, il ne faisait pas présumer l'existence d'un harcèlement moral dont avait été victime l'exposant, la cour d'appel a violé l'article L 1154-1 du code du travail, 3°) ALORS à titre subsidiaire QUE la charge de la preuve du harcèlement moral ne pèse pas sur le salarié qui n'est tenu que de présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement ; qu'à supposer qu'elle ait retenu, par motifs adoptés des premiers juges que, si Monsieur [K] expose avoir été victime le 27 novembre 2015 d'une agression de la part de Monsieur [X] sur son lieu de travail et verse la déclaration de main-courante dans laquelle il explique que Monsieur [X] lui a lancé plusieurs insultes ou grossièretés l'a menacé de coup avant de se diriger vers lui pour le frapper ce que trois salariés l'ont empêché de faire par leur intervention, « toutefois Monsieur [K] ne produit aucun élément corroborant ses déclarations » la cour d'appel qui a fait peser la charge de la preuve du harcèlement moral sur le salarié a violé l'article L 1154-1 du code du travail ; DEUXIÈME MOYEN DE CASSATION LE POURVOI REPROCHE À L'ARRÊT ATTAQUÉ D'AVOIR débouté l'exposant de toutes ses demandes et notamment de dommages et intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, au titre de la rupture brutale du contrat de travail, au titre du non-respect de la durée légale, au titre des heures supplémentaires outre congés payés y afférents, au titre du repos compensateur, outre congés payés y afférents, au titre du travail dissimulé, de nullité de son licenciement et de toutes les indemnités y afférentes et subsidiairement de licenciement sans cause réelle et sérieuse et de toutes les indemnités y afférentes ; 1°) ALORS QU' ayant expressément retenu que l'exposant, dépanneur autoroutier de la société, au cours des périodes dites « d'astreinte » litigieuses de 15 jours consécutifs, « était tenu de se tenir en permanence ou à proximité immédiate des ou dans les locaux de l'entreprise, en dehors des heures et jours d'ouverture, afin de répondre sans délai à toute demande d'intervention » et qu'il était à cette fin muni d'un téléphone et intervenait à la demande d'un dispatcheur affecté à la réception continue des appels d'urgence, la cour d'appel qui conclut que l'organisation telle qu'elle résulte des pièces et documents versés aux débats lui permettent « de dire que ces périodes étaient des astreintes et non pas des permanences constituant un temps de travail effectif », sans nullement rechercher ni apprécier, ainsi qu'elle y était pourtant invitée, si, au regard des sujétions auxquelles l'exposant était effectivement soumis au cours des périodes litigieuses, ce dernier n'était pas en permanence à la disposition de son employeur et s'il pouvait ou non vaquer librement à ses occupations personnelles, n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L 3121-5 du code du travail dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, L 3121-9 dudit code dans sa rédaction issue de cette loi et L 3121-1 du code du travail ; 2°) ALORS D'AUTRE PART QUE tout jugement doit être motivé ; qu'après avoir expressément retenu que l'exposant, dépanneur autoroutier de la société, au cours des périodes dites d'astreinte litigieuses de 15 jours consécutifs, « était tenu de se tenir en permanence ou à proximité immédiate des ou dans les locaux de l'entreprise, en dehors des heures et jours d'ouverture, afin de répondre sans délai à toute demande d'intervention » et qu'il était à cette fin muni d'un téléphone et intervenait à la demande d'un dispatcheur affecté à la réception continue des appels d'urgence, la cour d'appel qui conclut que « l'organisation telle qu'elle résulte des pièces et documents versés aux débats permettent à la cour de dire que ces périodes étaient des astreintes et non pas des permanences constituant un temps de travail effectif » sans nullement préciser la nature et le contenu des « pièces et documents versés aux débats » sur lesquels elle se serait ainsi fondée, ni procédé à leur analyse même sommaire, a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 3°) ALORS DE TROISIÈME PART et à titre subsidiaire QUE l'article 1.10 e) 1. « Permanences de service » de la convention collective nationale du commerce et de la réparation automobile du 15 janvier 1981, applicable, prévoit que « le contrat de travail peut donc comporter une clause d'astreinte », que « Les salariés dont le contrat de travail prévoit une clause d'astreinte doivent être normalement assurés de bénéficier, entre chaque période quotidienne de travail, d'un repos au moins égal à 11 heures consécutives » et encore que « La rémunération spécifique des astreintes, leurs modalités (permanence tenue au domicile ou en tout lieu autre que le lieu de travail, contact programmé avec une centrale d'appel...), les conditions de repos journalier et hebdomadaire et les compensations en repos visées ci-avant doivent être indiquées dans le contrat de travail. » ; que l'exposant avait fait valoir qu'en vertu de ce texte, si l'employeur veut mettre en place un système s'astreinte il peut le faire, mais doit impérativement le faire à travers une disposition du contrat de travail, qu'il s'agit là d'une condition nécessaire et indispensable à défaut de laquelle l'employeur ne peut pas invoquer les dispositions spécifiques de l'astreinte (conclusions d'appel p 30 et 31) ; qu'en affirmant qu'aucune disposition de la convention collective n'impose à peine de nullité que l'astreinte soit formalisée au contrat de travail, les modalités étant fixées par l'employeur conformément aux dispositions de l'article L 3121-7 du code du travail et qu'il suffit que le salarié soit informé de celles-ci et de ses conditions de travail, la cour d'appel a violé les dispositions précitées de la convention collective ensemble l'article L 3121-1 du code du travail ; 4°) ALORS ENFIN QUE l'article 1.10 e) 1. « Permanences de service » de la convention collective nationale du commerce et de la réparation automobile du 15 janvier 1981, applicable, prévoit notamment à la charge de l'employeur que « La programmation individuelle des périodes d'astreinte doit être portée à la connaissance de chaque salarié concerné 15 jours à l'avance, sauf circonstances exceptionnelles et sous réserve que le salarié en soit averti au moins 1 jour franc à l'avance....En fin de mois, l'employeur doit remettre à chaque salarié concerné un document récapitulant le nombre d'heures d'astreinte effectuées par celui-ci au cours du mois écoulé ainsi que la compensation correspondante. » ; que l'exposant avait fait valoir qu'en l'espèce l'employeur ne s'était jamais conformé à ces obligations de sorte qu'il ne pouvait se prévaloir des dispositions propres aux astreintes (conclusions d'appel p 31) ; qu'en ne répondant pas à ce moyen pertinent des conclusions d'appel dont elle était saisie, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; TROISIÈME MOYEN DE CASSATION LE POURVOI REPROCHE À L'ARRÊT ATTAQUÉ D'AVOIR débouté l'exposant de toutes ses demandes et notamment de dommages et intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, au titre de la rupture brutale du contrat de travail, au titre du non-respect de la durée légale, au titre des heures supplémentaires outre congés payés y afférents, au titre du repos compensateur, outre congés payés y afférents, au titre du travail dissimulé, de nullité de son licenciement et de toutes les indemnités y afférentes et subsidiairement de licenciement sans cause réelle et sérieuse et de toutes les indemnités y afférentes ; 1°) ALORS D'UNE PART QUE si l'article 1.09 d) de la convention collective nationale du commerce et de la réparation automobile du 15 janvier 1981, applicable, prévoit que « Lorsque des dépassements fréquents ou répétitifs de l'horaire collectif sont prévisibles, le paiement des heures supplémentaires peut être inclus dans la rémunération mensuelle sous la forme d'un forfait... », un tel forfait, assis sur un salaire mensuel, doit être d'un montant fixe et ne peut être constitué d'une rémunération sous forme de commission sur le chiffre d'affaires réalisé lors des dépannages accomplis en dehors des horaires d'ouverture de l'entreprise ; qu'en retenant qu'en vertu des dispositions précitées de la convention collective et de la lettre du 1er mars 2000 signée par l'exposant aux termes de laquelle ce dernier aurait accepté que ses heures supplémentaires ne lui soient pas payées « en heures supplémentaires avec la majoration correspondante » mais « sous forme d'une commission sur le chiffre d'affaires hors taxes réalisé de nuit », les heures supplémentaires effectuées par l'exposant et les repos compensateurs dûs lors du dépassement du contingent annuel d'heures supplémentaires de 220 heures ont été rémunérées sous forme d'une commission calculée en pourcentage du chiffre d'affaires du dépannage poids-lourds et du dépannage véhicules légers, réalisés en dehors des horaires d'ouverture de l'entreprise et que « ce forfait est licite » (arrêt p 9) la cour d'appel a violé les articles 1.09 d) et 1.09 bis de la convention collective précitée ensemble l'article L 3121-28 du code du travail ; 2°) ALORS D'AUTRE PART QUE l'article 1.09 d) de la convention collective nationale du commerce et de la réparation automobile du 15 janvier 1981, applicable prévoit que « Lorsque des dépassements fréquents ou répétitifs de l'horaire collectif sont prévisibles, le paiement des heures supplémentaires peut être inclus dans la rémunération mensuelle sous la forme d'un forfait. Le nombre d'heures sur lequel est calculé le forfait doit être déterminé en respectant la limite du nombre d'heures prévu par le contingent annuel d'heures supplémentaires visé à l'article 1.09 bis ou, exceptionnellement, d'un nombre supérieur autorisé par l'inspecteur du travail. (...). Ce forfait s'accompagne d'un mode de contrôle de la durée réelle du travail, qui doit être conforme aux prescriptions de l'article 1.09 a. » ; qu'il en résulte que ce forfait n'est pas applicable et ne peut rémunérer les heures supplémentaires accomplies au-delà du contingent annuel de 220 heures supplémentaires prévu par l'article 1.09 bis c) de la convention collective, lesquelles doivent être rémunérées sous la forme d'un complément de salaire assorti d'une majoration égale à 30 % du salaire de base, s'ajoutant à ce dernier conformément aux dispositions de l'article 1.09 bis g) de la convention collective ; qu'ayant expressément constaté que l'exposant avait réalisé 737,47 heures supplémentaires en 2013, 873,31 heures en 2014 et 762,46 heures en 2015 hors astreinte la cour d'appel qui énonce qu'est licite le « forfait » rémunérant l'ensemble de ces heures supplémentaires sous forme d'une commission calculée en pourcentage du chiffre d'affaires du dépannage poids-lourds et véhicules légers réalisés en dehors des horaires d'ouverture de l'entreprise a violé les articles 1.09 d) et 1.09 bis de la convention collective précitée ensemble l'article L 3121-28 du code du travail ; 3°) ALORS ENFIN et à titre subsidiaire QUE l'exposant avait fait valoir qu'il ressortait des termes clairs et précis de la lettre du 1er mars 2000 portant accord sur une rémunération forfaitaire pour les heures supplémentaires effectuées selon lesquels : « Suite à la mise en application de la loi des 35 heures et de l'utilisation du contingent d'heures supplémentaires, vous avez organisé une réunion entre tous les dépanneurs du garage en février 2000. Vous nous avez fait deux propositions : Soit que les dépannages effectués en dehors des heures d'ouverture du Garage – c'est-à dire en heures supplémentaires - nous soient payées en heures supplémentaires avec la majoration correspondante Soit qu'ils nous soient payés sous la forme d'une commission sur le chiffre d'affaire hors taxes réalisé de nuit. Après réflexion de ma part, je vous demande à ce que mes heures supplémentaires me soient payées sous forme d'une commission sur le chiffre d'affaire hors taxes réalisé de nuit », que ladite rémunération forfaitaire à la supposer même licite, ne couvrait pas l'indemnisation des repos compensateurs générés par les nombreuses heures supplémentaires accomplies (conclusions d'appel p 37) ; qu'en affirmant qu'en vertu de cet accord les heures supplémentaires effectuées par le salarié et les repos compensateurs dûs lors du dépassement du contingent annuel d'heures supplémentaires de 220 heures ont été rémunérés sous forme d'une commission de 10 % du chiffre d'affaires du dépannage poids-lourds et d'une commission de 20 % du chiffre d'affaires du dépannage véhicule légers en dehors des horaires d'ouverture de l'entreprise, la cour d'appel a dénaturé les termes et clairs et précis de la lettre susvisée dont il ne ressortait pas que les repos compensateurs étaient rémunérés dans le cadre de la commission forfaitaire convenue pour la rémunération des seules heures supplémentaires accomplies et a méconnu le principe faisant interdiction au juge de dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; Sur la caractérisation de la sujétion à laquelle le salarié est soumise, à rapprocher : Soc., 15 septembre 2021, pourvoi n° 19-26.331, (cassation partielle) ; Soc., 9 février 2022, pourvoi n° 20-15.085, (cassation partielle).
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 26 octobre 2022 Cassation sans renvoi M. SOMMER, président Arrêt n° 1142 FS-P Pourvoi n° D 20-12.066 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 26 OCTOBRE 2022 M. [G] [C], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° D 20-12.066 contre l'arrêt rendu le 7 novembre 2019 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 4-4), dans le litige l'opposant à la société Vintage Cruises, dont le siège est [Adresse 5] (Portugal), défenderesse à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Sornay, conseiller, les observations de la SARL Cabinet Munier-Apaire, avocat de M. [C], de la SARL Le Prado-Gilbert, avocat de la société Vintage Cruises, et l'avis de Mme Wurtz, avocat général, après débats en l'audience publique du 14 septembre 2022 où étaient présents M. Sommer, président, M. Sornay, conseiller rapporteur, M. Schamber conseiller doyen, Mmes Cavrois, Monge, MM. Rouchayrole, Flores, conseillers, Mmes Ala, Thomas-Davost, Techer, conseillers référendaires, Mme Wurtz, avocat général, et Mme Jouanneau, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 7 novembre 2019), M. [C] a été engagé par la société Vintage Cruises pour la période du 2 juin 2017 au 30 mars 2022 en qualité d'officier mécanicien posté sur le navire de passagers « SS Delphine », immatriculé à Madère (Portugal) et propriété de cette société de droit portugais. 2. L'employeur a rompu unilatéralement ce contrat de travail avant son terme, le 17 septembre 2017. 3. Contestant cette décision, le salarié a fait procéder à [Localité 4] le 25 octobre 2017 à une saisie conservatoire de ce navire, en garantie d'une créance de salaires et indemnités liée à l'exécution et à la rupture de son contrat de travail évaluée à 310 000 euros. 4. Il a par ailleurs saisi au fond le 9 novembre 2017 le conseil de prud'hommes de Nice afin d'obtenir le paiement par l'employeur de ces salaires et indemnités. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 5. Le salarié fait grief à l'arrêt d'infirmer le jugement en ce qu'il s'est déclaré compétent pour juger le différend l'opposant à son employeur et de renvoyer les parties à mieux se pourvoir, alors « que les tribunaux de l'État dans lequel la saisie d'un navire a été opérée sont compétents pour statuer sur le fond du procès, lorsque le demandeur a sa résidence habituelle dans cet État ; que, pour dire le conseil de prud'hommes de Nice incompétent pour statuer sur la créance salariale de M. [C], marin sur le navire SS Delphine, la cour d'appel a retenu que s'il avait été judiciairement autorisé à saisir en France, la saisie opérée a cessé de produire ses effets attributifs de compétence à la suite de sa mainlevée contre séquestre et que les tribunaux français ne peuvent se prononcer sur le fond du droit que si leur compétence est fondée sur une autre règle que celle régissant l'action conservatoire ; qu'en statuant ainsi, quand la seule résidence habituelle en France du créancier saisissant, constatée par l'arrêt, fondait la compétence internationale de la juridiction française pour statuer au fond, la cour d'appel, qui a ajouté, à l'article 7, § 1, a, de la Convention de Bruxelles du 10 mai 1952 pour l'unification de certaines règles concernant la saisie conservatoire des navires de mer, une condition qu'il ne comporte pas, a violé ce texte ». Réponse de la Cour Vu les articles 5 et 7, § 1, de la Convention internationale de Bruxelles du 10 mai 1952 pour l'unification de certaines règles sur la saisie conservatoire des navires de mer : 6. Selon le premier de ces textes, le tribunal ou toute autre autorité judiciaire compétente dans le ressort duquel le navire a été saisi, accordera la mainlevée de la saisie lorsqu'une caution ou une garantie suffisantes auront été fournies, sauf dans le cas où la saisie est pratiquée en raison des créances maritimes énumérées à l'article premier ci-dessus, sous les lettres o et p ; en ce cas, le juge peut permettre l'exploitation du navire par le possesseur, lorsque celui-ci aura fourni des garanties suffisantes, ou régler la gestion du navire pendant la durée de la saisie. Faute d'accord entre les parties sur l'importance de la caution ou de la garantie, le tribunal ou l'autorité judiciaire compétente en fixera la nature et le montant. La demande de mainlevée de la saisie moyennant une telle garantie, ne pourra être interprétée ni comme une reconnaissance de responsabilité, ni comme une renonciation au bénéfice de la limitation légale de la responsabilité du propriétaire du navire. 7. Selon le second, les tribunaux de l'État dans lequel la saisie d'un navire a été opérée sont compétents pour statuer sur le fond du procès, soit si ces tribunaux sont compétents en vertu de la loi interne de l'État dans lequel la saisie est pratiquée, soit dans certains autres cas, nommément définis. 8. Pour infirmer le jugement et renvoyer les parties à mieux se pourvoir, l'arrêt retient que s'il est exact que le salarié a sa résidence habituelle au [Localité 3] et qu'en droit interne français, l'article R. 1412-1 du code du travail permet au salarié de saisir le conseil de prud'hommes « du lieu où l'engagement a été contracté », en l'espèce le port français de [Localité 2], la saisie conservatoire pratiquée à sa demande a été levée contre séquestre, par une convention régularisée « à une date qui n'est pas précisée », de sorte que la compétence spécifique de la juridiction ayant ordonné cette mesure aux fins de fixer la créance maritime et éventuellement de rendre un titre exécutoire permettant la vente forcée du bien a cessé par l'effet de cette mainlevée, qui interdit désormais l'appréhension matérielle de ce navire. 9. En statuant ainsi, alors qu'il résulte des articles 5 et 7, § 1, de cette Convention que la mainlevée de la saisie d'un navire moyennant la constitution d'une garantie n'a pas pour effet de remettre en cause la compétence des tribunaux de l'État dans lequel la saisie du navire a été opérée pour statuer sur le fond du procès, la cour d'appel a violé les textes susvisés. Portée et conséquence de la cassation 10. Il est fait application, ainsi qu'il est suggéré en demande, des articles L. 411-3, alinéa 1, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile. 11. La cassation prononcée n'impliquant pas qu'il soit à nouveau statué sur le fond, il n'y a, en effet, pas lieu à renvoi. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 7 novembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; DIT que l'affaire se poursuit au fond devant le conseil de prud'hommes de Nice ; Condamne la société Vintage Cruises aux dépens, en ce compris ceux exposés devant la cour d'appel ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Vintage Cruises et la condamne à payer à M. [C] la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six octobre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SARL Cabinet Munier-Apaire, avocat aux Conseils, pour M. [C] Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR infirmé le jugement du 22 janvier 2019 par lequel le conseil de prud'hommes de Nice s'était déclaré compétent pour juger le différend opposant M. [C] à la société Vintage Cruises et d'AVOIR renvoyé les parties à mieux se pourvoir ; AUX MOTIFS QUE « sur la compétence du "forum arresti", le salarié a été autorisé par une ordonnance du juge de l'exécution près le tribunal de grande instance de Marseille signée le 25 octobre 2017 à saisir à titre conservatoire le navire "SS Delphine" en garantie d'une créance évaluée à 310 000 euros ; l'article 7-1 de la Convention internationale de Bruxelles du 10 mai 1952 pour l'unification de certaines règles sur la saisie conservatoire des navires de mer dispose que : "Les tribunaux de l'État dans lequel la saisie a été opérée seront compétents pour statuer sur le fond du procès : - soit si ces tribunaux sont compétents en vertu de la loi interne de l'État dans lequel la saisie a été pratiquée, - soit dans les cas suivants, nommément définis : a) si le demandeur a sa résidence habituelle ou son principal établissement dans l'État ou la saisie a été pratiquée ..." ; mais s'il est exact que M. [C] a sa résidence habituelle au [Localité 3] (Seine-Maritime) et qu'en droit interne français, l'article R. 1412-1 du code du travail permet au salarié de saisir le conseil de prud'hommes "du lieu où l'engagement a été contracté", en l'espèce le port français de [Localité 2], la saisie conservatoire pratiquée à sa demande a été levée contre séquestre par une convention régularisée à une date qui n'est pas précisée, de sorte que la compétence spécifique de la juridiction ayant ordonné cette mesure aux fins de fixer la créance maritime et éventuellement de rendre un titre exécutoire permettant la vente forcée du bien a cessé par l'effet de cette mainlevée qui interdit désormais l'appréhension matérielle de ce navire ; par ailleurs, et surtout, il convient, en matière de droit international privé, de séparer l'action conservatoire de l'action au fond qui, elle, résulte des normes nationales, internationales ou conventionnelles ; en ce sens, si les juridictions françaises sont seules compétentes pout statuer sur la validité d'une saisie pratiquée en France et apprécier, à cette occasion, le principe de la créance, les tribunaux ne peuvent se prononcer sur le fond du droit que si leur compétence est fondée sur une autre règle (nationale, internationale ou conventionnelle) ; la compétence du "forum arresti" trouve là sa limite ; le moyen principal soutenu par le conseil du salarié n'est donc pas en soi opérant » ; ET QUE « sur le droit européen applicable, il résulte de ses propres constatations que le travailleur accomplissait la majeure partie de son travail en dehors des eaux territoriales françaises puisque le relevé des trajets effectués par le navire qu'il produit aux débats (sa pièce 2) établit que durant les trois mois et demi de son service M. [C] a été en mer, en dehors des eaux territoriales, du 12 juillet au 8 septembre 2017, ce qui, rapporté à la durée de l'effectivité de son engagement, autorise son employeur à conclure que son salarié n'accomplissait pas habituellement son travail en France ; par ailleurs, le navire affrété par la société Vintage Cruises n'est pas un "établissement" au sens de l'article 21 précité, dès lors que cet instrument de travail ne dispose aucunement d'une autonomie juridique propre à retenir cette qualification, de sorte que ce marin doit être réputé n'ayant jamais accompli son travail dans un même pays et que le juge territorialement compétent pour connaître de son litige envers son employeur s'entend dans cette hypothèse de la juridiction du lieu "où se trouvait l'établissement qui a embauché le travailleur", soit, au cas d'espèce, le siège situé à Madère de la société de droit portugais Vintage Cruises » ; ALORS, D'UNE PART, QUE les tribunaux de l'État dans lequel la saisie d'un navire a été opérée sont compétents pour statuer sur le fond du procès, lorsque le demandeur a sa résidence habituelle dans cet État ; que, pour dire le conseil de prud'hommes de Nice incompétent pour statuer sur la créance salariale de M. [C], marin sur le navire SS Delphine, la cour d'appel a retenu que s'il avait été judiciairement autorisé à saisir en France, la saisie opérée a cessé de produire ses effets attributifs de compétence à la suite de sa mainlevée contre séquestre et que les tribunaux français ne peuvent se prononcer sur le fond du droit que si leur compétence est fondée sur une autre règle que celle régissant l'action conservatoire ; qu'en statuant ainsi, quand la seule résidence habituelle en France du créancier saisissant, constatée par l'arrêt, fondait la compétence internationale de la juridiction française pour statuer au fond, la cour d'appel, qui a ajouté, à l'article 7, 1 a de la Convention de Bruxelles du 10 mai 1952 pour l'unification de certaines règles concernant la saisie conservatoire des navires de mer, une condition qu'il ne comporte pas, a violé ce texte ; ALORS, AUSSI ET EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE la cour d'appel, qui a elle-même constaté que M. [C] a sa résidence habituelle au [Localité 3] et que l'engagement avait été contracté dans le port français de [Localité 2], ce qui, conformément à l'article R 1412-1 du code du travail permettait au salarié de saisir le juge prud'homal français, ne pouvait renvoyer les parties à mieux se pourvoir au prétexte « qu'à une date qui n'est pas précisée », la saisie conservatoire du navire « SS Delphine » avait été levée contre séquestre ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé derechef l'article 7, 1 a de la Convention de Bruxelles du 10 mai 1952 et l'article R 1412-1 précité ; ALORS, ENCORE ET EN TOUTE HYPOTHÈSE, QUE le lieu à partir duquel le travailleur accomplit habituellement son travail s'entend, dans le secteur des transports, tel le secteur maritime, du lieu à partir duquel le travailleur effectue ses missions de transport, celui où il rentre après ses missions, reçoit les instructions sur ses missions et organise son travail, ainsi que du lieu où se trouvent ses outils de travail ; qu'en retenant l'incompétence de la juridiction française pour statuer sur les demandes formées à l'encontre de son employeur par le salarié au prétexte que celui-ci n'accomplissait pas habituellement son travail dans les eaux territoriales françaises, de sorte qu'était compétente la juridiction portugaise du lieu où se trouvait l'établissement qui avait embauché le travailleur, sans rechercher, ainsi qu'elle y était expressément invitée par le salarié (conclusions, p. 17, §§ 2 à 8), s'il ne résultait pas d'un faisceau d'indices constitués par les lieux d'embarquement du salarié et d'amarrage du navire que le port de [Localité 2] constituait le port d'attache et donc le lieu à partir duquel le marin accomplissait habituellement son travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 21 1 b du règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale ; ALORS, ENFIN ET EN TOUTE HYPOTHÈSE, QUE la compétence de la juridiction du lieu où se trouve, ou se trouvait, l'établissement qui a embauché le travailleur est subsidiaire par rapport à celle du lieu où, ou à partir duquel, le travailleur accomplit habituellement son travail ou à celle du dernier lieu où il a accompli habituellement son travail ; qu'en retenant l'incompétence de la juridiction française pour statuer sur les demandes formées à l'encontre de son employeur par le salarié au prétexte que celui-ci n'accomplissait pas habituellement son travail en France, de sorte qu'était compétente la juridiction portugaise du lieu où se trouvait l'établissement qui avait embauché le travailleur, sans rechercher, ainsi qu'elle y était expressément invitée par le salarié (conclusions, p. 16 in fine et p. 17, in fine), s'il ne résultait pas d'un faisceau d'indices constitué par la signature du contrat, par l'embarquement du marin et par l'amarrage du navire dans le port français de [Localité 2] que, nonobstant la navigation ultérieure du navire en dehors des eaux territoriales françaises, la France était le dernier lieu où M. [C] avait accompli habituellement son travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 21 1 b du règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 26 octobre 2022 Cassation partielle M. SOMMER, président Arrêt n° 1141 FS-B Pourvoi n° K 21-15.963 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 26 OCTOBRE 2022 M. [F] [B], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° K 21-15.963 contre l'arrêt rendu le 14 octobre 2020 par la cour d'appel de Bordeaux (chambre sociale, section A), dans le litige l'opposant à la société ICTS Atlantique, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Monge, conseiller, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [B], de la SCP Foussard et Froger, avocat de la société ICTS Atlantique, et l'avis de Mme Molina, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 14 septembre 2022 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Monge, conseiller rapporteur, M. Schamber, conseiller doyen, Mme Cavrois, MM. Sornay, Rouchayrole, Flores, conseillers, Mmes Ala, Thomas-Davost, Techer, conseillers référendaires, Mme Molina, avocat général référendaire, et Mme Jouanneau, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux,14 octobre 2020), M. [B] a été engagé, à compter du 1er février 2002, en qualité d'opérateur qualifié de sûreté aéroportuaire par la société SGA suivant contrat à durée indéterminée. Son contrat de travail a été transféré à la société ICTS Atlantique (la société) le 19 octobre 2012. 2. Victime d'un accident du travail le 20 novembre 2014, son contrat de travail s'est, dès lors, trouvé suspendu. 3. Le 1er mars 2017, le salarié a saisi la juridiction prud'homale à l'effet d'obtenir paiement de la prime annuelle de sûreté aéroportuaire pour les années 2015 et 2016. 4. Il a été licencié le 13 juillet 2017 pour inaptitude avec impossibilité de reclassement. Examen du moyen Enoncé du moyen 5. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes de rappel de prime annuelle de sûreté aéroportuaire et de dommages-intérêts, alors « que le versement de la prime annuelle de sûreté aéroportuaire, en une seule fois en novembre, est subordonné à la double condition d'une année d'ancienneté et d'une présence au 31 octobre de chaque année, sans que soit imposée une présence effective du salarié au travail à cette date ; qu'en l'espèce, il est constant que le salarié remplissait la condition d'ancienneté et était présent dans les effectifs de l'entreprise les 31 octobre 2015 et 2016 ; qu'en retenant néanmoins que le salarié ne pouvait bénéficier de la prime motif pris que "pour les années 2015 et 2016 il n'était pas effectivement dans l'entreprise au 31 octobre 2015 et 2016, étant alors en arrêt de travail", la cour d'appel a violé l'article 2.5 de l'annexe VIII de la convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité du 15 février 1985. » Réponse de la Cour Vu l'article 1 de l'annexe VIII de la convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité du 15 février 1985 et l'article 2.5 de la même annexe : 6. Selon le premier de ces textes, les dispositions de l'accord s'appliquent aux entreprises et aux personnels employés par elles qui, dans le cadre du champ d'application général de la convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité, exercent effectivement toutes activités de contrôle de sûreté des personnes, des bagages, du fret, des colis postaux, des aéronefs et des véhicules effectuées sur les aéroports français. Elles cessent de s'appliquer aux personnels concernés dès lors qu'ils ne sont plus affectés à une mission relevant de la sûreté aérienne et aéroportuaire au sens ci-dessus défini. 7. Aux termes du second, outre la prime de performance mentionnée à l'article 3.06 ci-après et spécifiquement eu égard aux pratiques salariales existantes pour d'autres métiers exercés sur les plates-formes aéroportuaires, les salariés entrant dans le champ d'application de la présente annexe perçoivent une prime annuelle de sûreté aéroportuaire égale à 1 mois du dernier salaire brut de base du salarié concerné, non cumulable dans l'avenir avec toute autre prime éventuelle versée annuellement. Cette prime est soumise à la totalité des cotisations sociales (assurance maladie, vieillesse et chômage, etc.) Le versement de cette prime en une seule fois en novembre est subordonné à la double condition de 1 année d'ancienneté, au sens de l'article 6.05 des clauses générales de la convention collective nationale, et d'une présence au 31 octobre de chaque année. Cette prime n'est donc pas proratisable en cas d'entrée ou de départ en cours d'année, en dehors des cas de transfert au titre de l'accord conventionnel de reprise du personnel. Dans ce dernier cas, l'entreprise sortante réglera au salarié transféré ayant déjà acquis plus de 1 an d'ancienneté au moment de son départ le montant proratisé de cette prime pour la nouvelle période en cours. Le solde sera réglé par l'entreprise entrante à l'échéance normale du versement de la prime. 8. Il résulte de ces dispositions conventionnelles que la condition de présence du salarié au 31 octobre de chaque année s'entend de la présence dans les effectifs de l'entreprise, au 31 octobre de chaque année, du salarié affecté à une mission relevant de la sûreté aérienne et aéroportuaire telle que ces dispositions la définissent. 9. Pour rejeter la demande du salarié en paiement de la prime annuelle de sûreté aéroportuaire dite prime PASA, l'arrêt relève qu'il n'est nullement contesté que l'intéressé remplit la condition relative à son ancienneté, que cependant pour les années 2015 et 2016 il n'était pas présent effectivement dans l'entreprise au 31 octobre 2015 et 2016, étant alors en arrêt de travail. 10. Il retient que si la convention collective précitée prévoit une condition de présence à la date du paiement de la prime, le salarié, alors en arrêt de travail à cette date, ne peut y prétendre. Il ajoute qu'il s'agit d'une exigence de présence effective dans l'entreprise et non d'une exigence de présence continue aux effectifs comme a pu le soutenir le salarié. 11. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. [B] de ses demandes en paiement d'un rappel de prime de sûreté aéroportuaire et de dommages-intérêts, l'arrêt rendu le 14 octobre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ; Condamne la société ICTS Atlantique aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société ICTS Atlantique et la condamne à payer à M. [B] la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six octobre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour M. [B] M. [B] fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir débouté de ses demandes de rappel de prime de sûreté aéroportuaire et de dommages et intérêts. ALORS QUE le versement de la prime annuelle de sûreté aéroportuaire, en une seule fois en novembre, est subordonné à la double condition d'une année d'ancienneté et d'une présence au 31 octobre de chaque année, sans que soit imposée une présence effective du salarié au travail à cette date ; qu'en l'espèce, il est constant que le salarié remplissait la condition d'ancienneté et était présent dans les effectifs de l'entreprise les 31 octobre 2015 et 2016 ; qu'en retenant néanmoins que le salarié ne pouvait bénéficier de la prime motif pris que « pour les années2015 et 2016 il n'était pas effectivement dans l'entreprise au 31 octobre 2015 et 2016, étant alors en arrêt de travail », la cour d'appel a violé l'article 2.5 de l'annexe VIII de la convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité du 15 février 1985. Sur la notion de présence dans l'entreprise, évolution par rapport à : Soc., 5 novembre 1987, pourvoi n° 85-40.176, Bull. 1987, V, n° 623 (cassation), et l'arrêt cité.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 14 décembre 2022 Cassation partielle sans renvoi M. SOMMER, président Arrêt n° 1410 FS-B Pourvoi n° C 21-12.552 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 14 DÉCEMBRE 2022 Mme [W] [I], domiciliée [Adresse 1], [Localité 5], a formé le pourvoi n° C 21-12.552 contre l'arrêt rendu le 29 mai 2020 par la cour d'appel de Douai (chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société Aldi marché [Localité 4], société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 7], [Localité 4], défenderesse à la cassation. La société Aldi marché [Localité 4] a formé un pourvoi incident contre le même arrêt. La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, les deux moyens de cassation également annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Techer, conseiller référendaire, les observations de la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat de Mme [I], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Aldi marché [Localité 4], et l'avis de Mme Molina, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 16 novembre 2022 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Techer, conseiller référendaire rapporteur, Mme Monge, conseiller doyen, Mme Cavrois, MM. Sornay, Rouchayrole et Flores, Mmes Lecaplain-Morel et Deltort, conseillers, Mmes Ala et Thomas-Davost, conseillers référendaires, Mme Molina, avocat général référendaire, et Mme Dumont, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 29 mai 2020), Mme [I] a été engagée en 1991 par la société Aldi marché [Localité 4], en qualité d'assistante (adjointe au directeur), suivant contrat soumis à la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire du 12 juillet 2001. Elle était affectée au magasin d'[Localité 2]. Entre les 1er avril et 14 juin 2014, elle a assuré le remplacement d'un directeur momentanément absent au sein du magasin d'[Localité 3]. 2. La salariée a saisi la juridiction prud'homale le 27 mars 2015 de diverses demandes au titre de ses droits résultant dudit remplacement. Examen des moyens Sur le second moyen du pourvoi principal, ci-après annexé 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen du pourvoi principal Enoncé du moyen 4. La salariée fait grief à l'arrêt de condamner l'employeur à lui payer une somme limitée à 539,96 euros à titre de rappel de salaire, outre congés payés afférents, c'est-à-dire le salaire minimum conventionnel versé pour le poste de remplacement, et de la débouter de sa demande tendant à y inclure les sommes correspondant au différentiel de salaire effectivement versé au responsable du magasin d'[Localité 3] remplacé par elle pendant onze semaines consécutives, alors « qu'en application de l'article 4.4.3 de la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire du 12 juillet 2001, les salariés qui se voient confier pendant au moins quatre semaines consécutives la responsabilité d'une fonction correspondant à un niveau supérieur au leur bénéficient, proportionnellement au temps passé, du salaire minimum garanti à celui-ci ; que tous les avantages en espèces consentis en contrepartie ou à l'occasion du travail, s'ils ne sont pas expressément exclus par la convention collective applicable, doivent être retenus au titre du salaire minimum ; qu'en jugeant que les sommes dues à Mme [I] au titre des rappels de salaires sollicités se limitaient à 539,96 euros, majorés de l'indemnité de congés payés, sans rechercher, ainsi que cela lui était demandé, quels avantages en espèces étaient consentis en contrepartie ou à l'occasion du travail au poste de remplacement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions susvisées ainsi que du principe "à travail égal salaire égal". » Réponse de la Cour 5. Ayant retenu à bon droit que la convention collective prévoyait le versement d'un différentiel fonction du salaire minimum conventionnel applicable au salarié remplacé et non du salaire effectivement versé à celui-ci, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, a, en déduisant des versements effectués, de la rémunération conventionnelle garantie au salarié remplacé et de ses périodes de présence que la salariée avait droit à un rappel de salaire de 539,96 euros majoré de l'indemnité de congés payés, légalement justifié sa décision. Sur le premier moyen du pourvoi incident Enoncé du moyen 6. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à la salariée diverses sommes au titre des salaires, outre congés payés afférents, et à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive, alors « qu'en vertu de l'article 4.4.3 de la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire du 12 juillet 2001, dans sa rédaction antérieure à l'avenant n° 64 du 19 janvier 2018, sauf à ce que la nature de ses fonctions implique qu'il soit à même de suppléer totalement ou partiellement un supérieur hiérarchique lors de l'absence occasionnelle de celui-ci, le salarié qui se voit confier, pendant au moins quatre semaines consécutives, la responsabilité d'une fonction correspondant à un niveau supérieur au sien bénéficie, proportionnellement au temps passé, du salaire minimum garanti à celui-ci ; que pour l'attribution de ce niveau de salaire, qui ne débute qu'à compter de la cinquième semaine, n'est pas en pris en compte le temps passé par le salarié à exercer les fonctions litigieuses pendant les quatre premières semaines, cette période constituant un délai de carence ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé le texte susvisé. » Réponse de la Cour 7. Selon l'article 4.4.3, intitulé « Remplacements provisoires », de la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire du 12 juillet 2001, dans sa rédaction antérieure à l'avenant n° 64 du 19 janvier 2018, la nature même de certaines fonctions implique que les salariés qui les exercent sont à même de suppléer totalement ou partiellement un supérieur hiérarchique en cas d'absence occasionnelle de celui-ci. En dehors des cas de polyactivité et d'emplois multiples prévus aux articles 4.4.1 et 4.4.2, les salariés qui se voient confier pendant au moins quatre semaines consécutives la responsabilité d'une fonction correspondant à un niveau supérieur au leur bénéficient, proportionnellement au temps passé, du salaire minimum garanti à celui-ci. Cette situation ne peut excéder six mois ; à l'issue de ce délai, l'employeur et le salarié remplaçant acteront, au regard du motif du remplacement, longue maladie par exemple, les conséquences qui en découlent sur le contrat de travail. 8. Il en résulte que le salarié qui, en dehors des cas de polyactivité et d'emplois multiples, remplace occasionnellement un supérieur hiérarchique pendant une durée d'au moins quatre semaines consécutives n'excédant pas la limite de six mois, bénéficie du salaire minimum garanti à celui-ci pendant toute la période que dure ce remplacement. 9. Ayant constaté que, pendant quatre semaines, la salariée n'avait perçu que son propre salaire et que, pour le temps de remplacement restant, elle avait perçu, proportionnellement à son temps de travail, sa rémunération augmentée d'une fraction du salaire minimum conventionnel garanti au collègue remplacé, puis retenu que le délai de carence invoqué par l'employeur, contraire à la volonté des partenaires sociaux d'assurer au remplaçant une rémunération conforme aux fonctions provisoirement exercées, ne figurait pas dans la convention collective, la cour d'appel en a exactement déduit que le délai de quatre semaines y figurant portait sur le point de départ de l'obligation pour l'employeur d'assurer la contrepartie et que, si la convention collective ne l'obligeait pas, avant quatre semaines de remplacement, à majorer la rémunération du remplaçant, elle l'obligeait, au-delà de ce délai, à verser la contrepartie précitée sans aucun délai de carence au titre des quatre premières semaines. 10. Le moyen n'est donc pas fondé. Mais sur le second moyen du pourvoi incident, pris en sa première branche Enoncé du moyen 11. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à la salariée une certaine somme à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive, alors « que les dommages-intérêts résultant du retard dans l'exécution d'une obligation au paiement d'une somme d'argent ne consistent jamais que dans la condamnation aux intérêts au taux légal, lesquels ne courent que du jour de la sommation de payer ; que le juge ne peut allouer au créancier, serait-ce sur le fondement de la résistance abusive, des dommages-intérêts distincts des intérêts moratoires qu'à la condition de caractériser, d'une part, la mauvaise foi du débiteur, d'autre part, l'existence d'un préjudice indépendant du retard de paiement ; qu'en retenant, pour allouer à la salariée des dommages-intérêts pour résistance abusive, qu'elle avait subi un préjudice moral et financier du fait du retard fautif apporté au paiement des sommes dues , sans caractériser que cette situation était imputable à la mauvaise foi de l'employeur et qu'il en était résulté pour la salariée un préjudice distinct dudit retard, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1153, devenu 1231-6, du code civil. » Réponse de la Cour Vu l'article 1153, alinéa 4, du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 : 12. Aux termes de ce texte, le créancier auquel son débiteur en retard a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard, peut obtenir des dommages et intérêts distincts des intérêts moratoires de la créance. 13. Pour condamner l'employeur à payer à la salariée des dommages-intérêts pour résistance abusive, l'arrêt retient qu'en réparation du préjudice moral et financier subi du fait du retard fautif apporté au paiement des sommes dues il sera en sus alloué à la salariée une certaine somme à titre de dommages-intérêts réparant la totalité du préjudice invoqué en ses deux branches. 14. En statuant ainsi, sans caractériser l'existence d'un préjudice distinct de celui résultant du retard de paiement, causé par la mauvaise foi de l'employeur, la cour d'appel a violé le texte susvisé. Portée et conséquences de la cassation 15. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile. 16. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour : REJETTE le pourvoi principal ; CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Aldi marché [Localité 4] à payer à Mme [I] la somme de 1 500 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive, l'arrêt rendu le 29 mai 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; Déboute Mme [I] de sa demande de dommages-intérêts ; Laisse à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze décembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat aux Conseils, pour Mme [I], demanderesse au pourvoi principal PREMIER MOYEN DE CASSATION (rappel de salaire) Mme [I] fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné la société Aldi Marché [Localité 4] à lui payer une somme limitée à 539,96 euros au titre de rappels de salaire et 53,99 euros au titre des indemnités congés payés, c'est-à-dire le salaire minimum conventionnel versé pour le poste de remplacement, et d'avoir ainsi débouté Mme [I] de sa demande tendant à y inclure les sommes correspondant au différentiel de salaire effectivement versé au responsable du magasin d'[Localité 3] remplacé par elle pendant onze semaines consécutives ; Alors qu' en application de l'article 4.4.3 de la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire du 12 juillet 2001, les salariés qui se voient confier pendant au moins quatre semaines consécutives la responsabilité d'une fonction correspondant à un niveau supérieur au leur bénéficient, proportionnellement au temps passé, du salaire minimum garanti à celui-ci ; que tous les avantages en espèces consentis en contrepartie ou à l'occasion du travail, s'ils ne sont pas expressément exclus par la convention collective applicable, doivent être retenus au titre du salaire minimum ; qu'en jugeant que les sommes dues à Mme [I] au titre des rappels de salaires sollicités se limitaient à 539,96 euros, majorés de l'indemnité de congés payés, sans rechercher, ainsi que cela lui était demandé, quels avantages en espèces étaient consentis en contrepartie ou à l'occasion du travail au poste de remplacement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions susvisées ainsi que du principe « à travail égal salaire égal ». SECOND MOYEN DE CASSATION (Indemnisation des frais de route supplémentaires) Mme [I] fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné la société Aldi Marché [Localité 4] à lui payer une somme limitée à 539,96 euros au titre de rappels de salaire et 53,99 euros au titre des indemnités congés payés, et d'avoir ainsi débouté Mme [I] de sa demande en remboursement de ses frais de déplacement en raison de l'éloignement du site d'[Localité 3] de son domicile ; Alors que lorsque le temps de trajet dépasse le temps habituel entre le domicile et le lieu habituel du travail, il fait l'objet d'une contrepartie sous forme financière ; qu'en l'espèce, Mme [I] faisait valoir dans ses conclusions (p. 4 § 6 ; p. 5 § 7) que son temps de trajet pour se rendre sur le site d'[Localité 3] était sensiblement plus long car elle était obligée d'effectuer, sur les onze semaines de remplacement, un supplément de distance cumulée de 300 kilomètres dans la mesure où elle devait emprunter un itinéraire différent en raison des embouteillages quotidiens et elle versait aux débats un document établissant le détail de ces trajets ; qu'en jugeant que « le temps de trajet entre [Localité 5] et [Localité 3] n'est en moyenne que de quarante minutes ce qui, dans l'agglomération de [Localité 6] et sa région, ne constitue pas un temps de déplacement anormal », sans analyser ce document ni répondre au moyen développé Mme [I] dans ses conclusions, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. Moyens produits par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour la société Aldi marché [Localité 4], demanderesse au pourvoi incident PREMIER MOYEN DE CASSATION La société Aldi Marché [Localité 4] fait grief à la décision attaquée de l'AVOIR condamnée à payer à Mme [I] la somme de 539,96 euros au titre des salaires outre 53,99 euros à titre d'indemnité de congés payés et la somme de 1 500 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive, ALORS QU'en vertu de l'article 4.4.3 de la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire du 12 juillet 2001, dans sa rédaction antérieure à l'avenant n° 64 du 19 janvier 2018, sauf à ce que la nature de ses fonctions implique qu'il soit à même de suppléer totalement ou partiellement un supérieur hiérarchique lors de l'absence occasionnelle de celui-ci, le salarié qui se voit confier, pendant au moins 4 semaines consécutives, la responsabilité d'une fonction correspondant à un niveau supérieur au sien bénéficie, proportionnellement au temps passé, du salaire minimum garanti à celui-ci ; que pour l'attribution de ce niveau de salaire, qui ne débute qu'à compter de la cinquième semaine, n'est pas en pris en compte le temps passé par le salarié à exercer les fonctions litigieuses pendant les quatre premières semaines, cette période constituant un délai de carence ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé le texte susvisé. SECOND MOYEN DE CASSATION (SUBSIDIAIRE) La société Aldi Marché [Localité 4] fait grief à la décision attaquée de l'AVOIR condamnée à payer à Mme [I] la somme de 1 500 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive, 1°) ALORS QUE les dommages intérêts résultant du retard dans l'exécution d'une obligation au paiement d'une somme d'argent ne consistent jamais que dans la condamnation aux intérêts au taux légal, lesquels ne courent que du jour de la sommation de payer ; que le juge ne peut allouer au créancier, serait-ce sur le fondement de la résistance abusive, des dommages et intérêts distincts des intérêts moratoires qu'à la condition de caractériser, d'une part, la mauvaise foi du débiteur, d'autre part, l'existence d'un préjudice indépendant du retard de paiement ; qu'en retenant, pour allouer à la salariée des dommages et intérêts pour résistance abusive, qu'elle avait subi un préjudice moral et financier « du fait du retard fautif apporté au paiement des sommes dues », sans caractériser que cette situation était imputable à la mauvaise foi de l'employeur et qu'il en était résulté pour la salariée un préjudice distinct dudit retard, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1153, devenu 1231-6, du code civil ; 2°) ALORS, subsidiairement, QUE l'exercice du droit de se défendre en justice, qui inclut celui de s'opposer aux demandes adverses avant l'action en justice, ne peut ouvrir droit à des dommages-intérêts que pour autant qu'il dégénère en abus ; qu'en octroyant à la salariée des dommages et intérêts pour résistance abusive, après avoir seulement relevé que l'employeur faisait une interprétation de l'article 4.4.3 de la convention collective du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire qu'elle a jugée erronée, la cour d'appel, qui a statué par des motifs impropres à caractériser un quelconque abus de l'employeur dans la mise en oeuvre des dispositions conventionnelles litigieuses, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382, devenu 1240, du code civil.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 18 janvier 2023 Cassation partielle Mme MARIETTE, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 1 F-B Pourvoi n° R 21-19.349 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 18 JANVIER 2023 Mme [H] [G], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° R 21-19.349 contre l'arrêt rendu le 16 décembre 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 4), dans le litige l'opposant à la Caisse nationale des barreaux français, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Ollivier, conseiller référendaire, les observations de la SCP Zribi et Texier, avocat de Mme [G], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la Caisse nationale des barreaux français, après débats en l'audience publique du 22 novembre 2022 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Ollivier, conseiller référendaire rapporteur, M. Barincou, conseiller, et Mme Dumont, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 16 décembre 2020) et les productions, Mme [G] a été engagée le 2 mars 2005 en qualité de secrétaire dactylo par la caisse nationale des barreaux français. 2. Après avoir été convoquée le 21 octobre 2015 à un entretien préalable en vue d'un licenciement économique, fixé au 29 octobre 2015, au cours duquel un contrat de sécurisation professionnelle lui a été proposé, elle a adressé à son employeur, par lettre du 6 novembre 2015, le bulletin d'acceptation au dispositif. 3. Par lettre du 9 novembre 2015, l'employeur lui a notifié les motifs économiques de la rupture en lui précisant qu'en cas de refus du contrat de sécurisation professionnelle, cette lettre constituerait la notification de son licenciement. 4. Contestant les motifs de la rupture de son contrat de travail, la salariée a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes. Examen des moyens Sur le premier et le deuxième moyens, ci-après annexés 5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Mais sur le troisième moyen Enoncé du moyen 6. Mme [G] fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes tendant à constater l'absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement et à condamner l'employeur à lui payer certaines sommes à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, à titre d'indemnité compensatrice de préavis et au titre des congés payés afférents, alors : « 1°/ que lorsque la rupture du contrat de travail résulte de l'acceptation par le salarié d'un contrat de sécurisation professionnelle, l'employeur doit en énoncer le motif économique soit dans le document écrit d'information sur ce dispositif remis obligatoirement au salarié concerné par le projet de licenciement, soit dans la lettre qu'il est tenu d'adresser au salarié lorsque le délai de réponse expire après le délai d'envoi de la lettre de licenciement imposé par les articles L. 1233-15 et L. 1233-39 du code du travail, soit encore, lorsqu'il n'est pas possible à l'employeur d'envoyer cette lettre avant l'acceptation par le salarié du contrat de sécurisation professionnelle, dans tout autre document écrit, porté à sa connaissance au plus tard au moment de son acceptation ; qu'en retenant, pour juger que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse, que l'information relative à la cause économique du licenciement avait été donnée à Mme [G] lors de l'entretien préalable à un éventuel licenciement quand une telle information orale n'était pas de nature à porter valablement à la connaissance de la salariée le motif économique du licenciement afin de lui permettre d'accepter de manière éclairée un contrat de sécurisation professionnelle, la cour d'appel a violé les articles L. 1233-65, L. 1233-66, L. 1233-15, L. 1233-39 et L. 1233-67 du code du travail ; 2°/ que l'information relative au motif économique du licenciement doit être portée à la connaissance du salarié par tout document écrit au plus tard au moment de son acceptation du contrat de sécurisation professionnelle; que le salarié manifeste sa volonté de bénéficier du contrat de sécurisation professionnelle en remettant à l'employeur le bulletin d'acceptation dûment complété et signé ; qu'il résulte des pièces du dossier que Mme [G] a complété, signé, et renvoyé à l'employeur le bulletin d'acceptation du contrat de sécurisation professionnelle le 6 novembre 2015 et que l'information relative au motif économique du licenciement ne lui a été délivrée que par la lettre de licenciement, laquelle est datée du 9 novembre 2015 ; qu'en déboutant Mme [G] de sa demande tendant à voir constater que le licenciement était privé de cause réelle et sérieuse, en considérant qu'il convenait de tenir compte, pour se déterminer sur l'antériorité de l'information de l'employeur quant au motif économique du licenciement, de la date à laquelle le dossier complet d'adhésion du contrat de sécurisation professionnelle avait été envoyé, soit le 18 novembre 2015, et non pas de la date d'envoi à l'employeur du bulletin d'acceptation du contrat de sécurisation professionnelle, la cour d'appel a violé les articles 5 et 6 de la convention Unédic relative au contrat de sécurisation professionnelle du 19 juillet 2011 agréée par arrêté du 6 octobre 2011 et les articles L. 1233-65, L. 1233-66 et L. 1233-67 du code du travail ; 3°/ qu'en tout état de cause, à supposer que la cour d'appel ait entendu retenir que la salariée n'avait adressé le bulletin d'acceptation signé que le 18 novembre 2015, il résulte de la pièce d'appel n° 76 que le bulletin d'acceptation a été adressé le 6 novembre 2015 ; qu'en jugeant au contraire que la date de l'envoi de cette acceptation était du 18 novembre 2015, la cour d'appel a dénaturé la pièce n° 76 et a ainsi méconnu l'obligation faite au juge de ne pas dénaturer les éléments de la cause. » Réponse de la Cour Vu l'article 4 de la convention Unédic relative au contrat de sécurisation professionnelle du 26 janvier 2015 agréée par arrêté du 16 avril 2015 et les articles L. 1233-65, L. 1233-66 et L. 1233-67 du code du travail : 7. Il résulte de ces textes que la rupture du contrat de travail résultant de l'acceptation par le salarié d'un contrat de sécurisation professionnelle doit avoir une cause économique réelle et sérieuse. L'employeur est en conséquence tenu d'énoncer la cause économique de la rupture du contrat soit dans le document écrit d'information sur ce dispositif remis obligatoirement au salarié concerné par le projet de licenciement, soit dans la lettre qu'il est tenu d'adresser au salarié lorsque le délai de réponse expire après le délai d'envoi de la lettre de licenciement imposé par les articles L. 1233-15 et L. 1233-39 du code du travail, soit encore, lorsqu'il n'est pas possible à l'employeur d'envoyer cette lettre avant l'acceptation par le salarié du contrat de sécurisation professionnelle, dans tout autre document écrit, porté à sa connaissance au plus tard au moment de son acceptation. A défaut, la rupture est dépourvue de cause réelle et sérieuse. 8. Pour débouter la salariée de ses demandes au titre de l'absence de cause du licenciement, l'arrêt retient que l'information relative au motif économique de la rupture du contrat de travail lui a été donnée tant lors de l'entretien préalable que dans la lettre de licenciement notifiée le 9 novembre, soit antérieurement à son adhésion complète au contrat de sécurisation professionnelle intervenue le 18 novembre 2015. 9. En statuant ainsi, alors que la salariée avait adhéré au contrat de sécurisation dès le 6 novembre 2015 en adressant à son employeur le bulletin d'acceptation et qu'il ne résultait pas de ses constatations que l'employeur avait remis ou adressé personnellement à la salariée un document écrit énonçant le motif économique de la rupture avant son acceptation, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute Mme [G] de ses demandes au titre de l'absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement, tendant à la condamnation de la Caisse nationale des barreaux français à lui payer les sommes de 50 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de 7 370,40 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et de 737,04 euros au titre des congés payés afférents, en ce qu'il la condamne aux dépens et rejette ses demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 16 décembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ; Condamne la Caisse nationale des barreaux français aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la Caisse nationale des barreaux français et la condamne à payer à Mme [G] la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit janvier deux mille vingt-trois. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Zribi et Texier, avocat aux Conseils, pour Mme [G] PREMIER MOYEN DE CASSATION Mme [G] fait grief à l'arrêt attaqué de l'AVOIR déboutée de ses demandes tendant à constater la nullité de son licenciement pour harcèlement moral, condamner la CNBF à payer à Mme [G] la somme de 50 000 euros à titre de dommages et Intérêts pour harcèlement moral, condamner la CNBF à payer à Mme [G] la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité et condamner la CNBF à payer à Mme [G] la somme de 7 370,40 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 737,04 euros au titre des congés payés afférents. 1°) ALORS QUE l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs ; que la cour d'appel a retenu comme concourant à faire présumer un harcèlement moral l'existence d'une tentative de suicide de la salariée le 20 octobre 2008 pour surcharge de travail et isolement dans un petit bureau ; qu'en retenant, pour débouter Mme [G] de ses demandes fondées sur le harcèlement moral, que l'employeur justifiait d'éléments objectifs permettant de renverser la présomption aux termes de motifs dont il ne résulte pas qu'il ait pris toutes les mesures de prévention du harcèlement moral avant le 20 octobre 2008, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1152-1, L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail ; 2°) ALORS QU'en déboutant la salariée de ses demandes fondées sur le harcèlement moral pour la période comprise entre 2008 et 2012, date de sa seconde tentative de suicide aux termes de motifs inopérants pris de ce que la première tentative de suicide n'avait pas été retenue comme accident du travail, que l'employeur avait sollicité l'intervention de la médecine du travail, et que la salariée s'était vu confier des tâches très limitées entre mars et avril 2009, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé la mise-en-oeuvre de mesures propres à remédier, pendant cette période, aux plaintes de la salariée, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1152-1, L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail ; 3°) ALORS QU'il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué que la salariée se plaignant toujours d'une répartition inégalitaire de la charge de travail avait fait une seconde tentative de suicide le 27 novembre 2012 ; qu'il ressort par ailleurs des propres constatations de l'arrêt attaqué que la répartition du travail avait été modifiée unilatéralement pendant les congés d'été de 2012 au regard de l'organisation du travail ; qu'en déboutant la salariée de ses demandes fondées sur le harcèlement moral, aux termes de motifs inopérants pris de ce que le CHSCT avait constaté que Mme [G] avait une grande liberté dans l'organisation de son travail, la cour d'appel a derechef privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1152-1, L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail. 4°) ALORS QUE lorsque le salarié présente plusieurs éléments de fait constituant, selon lui, un harcèlement moral, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments pris dans leur ensemble laissent supposer l'existence d'un tel harcèlement moral et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement moral ; que cette justification ne saurait se déduire de ses seules allégations ; qu'en déboutant Mme [G] de ses demandes fondées sur le harcèlement moral aux termes de motifs exclusivement pris des allégations de l'employeur excipant de l'agressivité de la salariée envers sa collègue partageant le même bureau et du défaut de justification de ses absences par la salariée, la cour d'appel a violé l'article 1315 devenu 1353 du code civil. 5°) ALORS QU'en présence d'une présomption de harcèlement moral, il appartient à l'employeur de la renverser ; que la cour d'appel a retenu, au nombre des éléments faisant penser à un harcèlement moral, la tentative de suicide de la salariée ; qu'en retenant, pour débouter Mme [G] de ses demandes fondées sur le harcèlement moral, que cet évènement n'avait pas été retenu comme un accident du travail quand il incombait à l'employeur de démontrer que cet accident était étranger aux conditions de travail de la salariée, la cour d'appel a violé l'article L1154-1 du code du travail ; 6°) ALORS QUE l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs ; que la cour d'appel a retenu comme concourant à faire présumer un harcèlement moral l'existence d'une tentative de suicide de la salariée le 20 octobre 2008 pour surcharge de travail et isolement dans un petit bureau ; qu'en retenant, pour débouter Mme [G] de ses demandes fondées sur le harcèlement moral pour la période 2012/2015, les conclusions de l'enquête du CHSCT qui n'a pas établi l'existence d'un harcèlement moral mais a, au contraire, noté que le comportement de la salariée sur son lieu de travail était de nature à mettre en danger les autres salariés, le médecin du travail alerté et ayant entendu ces salariés, ayant conclu à veiller à ce que la salariée soit orientée vers une consultation spécialisée, sans rechercher si cette préconisation avait été suivie d'effets, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des L. 1152-1, L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail. DEUXIEME MOYEN DE CASSATION Mme [G] fait grief à l'arrêt attaqué de l'AVOIR déboutée de ses demandes tendant à condamner la CNBF à lui payer la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité ALORS QUE l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs ; qu'en retenant, pour débouter Mme [G] de sa demande de dommages et intérêts, que l'employeur démontrait avoir satisfait à son obligation « au regard des aménagements opérés à la suite des plaintes de la salariée », sans préciser de quels aménagements il s'agissait, la cour d'appel, qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 4121-1 du code du travail. TROISIEME MOYEN DE CASSATION (subsidiaire) Mme [G] fait grief à l'arrêt attaqué de l'AVOIR déboutée de ses demandes tendant à constater l'absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement, condamner la CNBF à payer à Mme [G] la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, condamner la CNBF à payer à Mme [G] la somme de 7 370,40 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 737,04 euros au titre des congés payés afférents. 1°) ALORS QUE lorsque la rupture du contrat de travail résulte de l'acceptation par le salarié d'un contrat de sécurisation professionnelle, l'employeur doit en énoncer le motif économique soit dans le document écrit d'information sur ce dispositif remis obligatoirement au salarié concerné par le projet de licenciement, soit dans la lettre qu'il est tenu d'adresser au salarié lorsque le délai de réponse expire après le délai d'envoi de la lettre de licenciement imposé par les articles L. 1233-15 et L. 1233-39 du code du travail, soit encore, lorsqu'il n'est pas possible à l'employeur d'envoyer cette lettre avant l'acceptation par le salarié du contrat de sécurisation professionnelle, dans tout autre document écrit, porté à sa connaissance au plus tard au moment de son acceptation ; qu'en retenant, pour juger que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse, que l'information relative à la cause économique du licenciement avait été donnée à Mme [G] lors de l'entretien préalable à un éventuel licenciement quand une telle information orale n'était pas de nature à porter valablement à la connaissance de la salariée le motif économique du licenciement afin de lui permettre d'accepter de manière éclairée un contrat de sécurisation professionnelle, la cour d'appel a violé les articles L. 1233-65, L 1233-66, L 1233-15, L 1233-39 et L. 1233-67 du code du travail ; 2°) ALORS QUE l'information relative au motif économique du licenciement doit être portée à la connaissance du salarié par tout document écrit au plus tard au moment de son acceptation du contrat de sécurisation professionnelle; que le salarié manifeste sa volonté de bénéficier du contrat de sécurisation professionnelle en remettant à l'employeur le bulletin d'acceptation dûment complété et signé ; qu'il résulte des pièces du dossier que Mme [G] a complété, signé, et renvoyé à l'employeur le bulletin d'acceptation du contrat de sécurisation professionnelle le 6 novembre 2015 et que l'information relative au motif économique du licenciement ne lui a été délivrée que par la lettre de licenciement, laquelle est datée du 9 novembre 2015 ; qu'en déboutant Mme [G] de sa demande tendant à voir constater que le licenciement était privé de cause réelle et sérieuse, en considérant qu'il convenait de tenir compte, pour se déterminer sur l'antériorité de l'information de l'employeur quant au motif économique du licenciement, de la date à laquelle le dossier complet d'adhésion du contrat de sécurisation professionnelle avait été envoyé, soit le novembre 2015, et non pas de la date d'envoi à l'employeur du bulletin d'acceptation du contrat de sécurisation professionnelle, la cour d'appel a violé les articles 5 et 6 de la convention Unédic relative au contrat de sécurisation professionnelle du 19 juillet 2011 agréée par arrêté du 6 octobre 2011 et les articles L 1233-65, L 1233-66 et L 1233-67 du code du travail. 3°) ALORS QU, en tout état de cause, à supposer que la cour d'appel ait entendu retenir que la salariée n'avait adressé le bulletin d'acceptation signé que le 18 novembre 2015, il résulte de la pièce d'appel n° 76 que le bulletin d'acceptation a été adressé le 6 novembre 2015 ; qu'en jugeant au contraire que la date de l'envoi de cette acceptation était du 18 novembre 2015, la cour d'appel a dénaturé la pièce n° 76 et a ainsi méconnu l'obligation faite au juge de ne pas dénaturer les éléments de la cause. Sur l'obligation de l'employeur d'énoncer dans un écrit le motif économique de la rupture avant l'adhésion du salarié à un contrat de sécurisation professionnelle, à rapprocher : Soc., 22 septembre 2015, pourvoi n° 14-16.218, Bull. 2015, V, n° 171 (1) (cassation partielle).
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 25 janvier 2023 Cassation partielle Mme CAPITAINE, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 45 F-B sur le 1er moyen Pourvoi n° X 21-16.825 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 25 JANVIER 2023 Mme [I] [G], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° X 21-16.825 contre l'arrêt rendu le 6 avril 2021 par la cour d'appel de Grenoble (chambre sociale, section A), dans le litige l'opposant à M. [E] [W], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Lacquemant, conseiller, les observations de la SCP Didier et Pinet, avocat de Mme [G], de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [W], après débats en l'audience publique du 29 novembre 2022 où étaient présents Mme Capitaine, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Lacquemant, conseiller rapporteur, Mme Salomon, conseiller, M. Juan, avocat général, et Mme Piquot, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 6 avril 2021) et les productions, Mme [G] a été engagée le 30 septembre 2011 par M. [W] en qualité de vétérinaire, statut cadre. Son contrat a fait l'objet d'un avenant le 31 août 2013. 2. La relation de travail était régie par la convention collective nationale des vétérinaires praticiens salariés du 31 janvier 2006. 3. Le 11 février 2016, la salariée a saisi la juridiction prud'homale de demandes au titre de l'exécution et de la rupture du contrat de travail. 4. Le 6 février 2018, elle a été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement. Examen des moyens Sur les deuxième et quatrième moyens, ci-après annexés 5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen Enoncé du moyen 6. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande de reclassification à l'échelon 4, cadre confirmé B, à compter du 1er octobre 2011, de sa demande de rappel de salaire au titre de la requalification de son contrat de travail à temps complet, outre les congés payés afférents, ainsi que de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail, outre le paiement des indemnités subséquentes, et de limiter le montant du rappel d'heures supplémentaires à une certaine somme, alors : « 1°/ qu'en application de l'annexe I de la convention collective nationale des vétérinaires praticiens salariés du 31 janvier 2006, relève de la classification de cadre confirmé B, échelon 4, le "vétérinaire diplômé, inscrit au tableau de l'ordre, ayant plus de 4 ans d'expérience professionnelle de cadre" ; que selon l'article 55 de cette convention collective, "les vétérinaires diplômés qui exercent leur fonction dans une entreprise entrant dans le champ d'application défini à l'article 1 sont affiliés au statut cadre ; que l'expérience acquise par le vétérinaire au cours d'un contrat de collaboration libérale doit être prise en considération pour déterminer la classification à laquelle il peut prétendre au titre du contrat de travail conclu ultérieurement ; qu'en jugeant au contraire que "Mme [G] ne peut prétendre à la prise en compte de son ancienneté en tant que vétérinaire collaboratrice pour revendiquer le bénéfice de l'échelon 4 prévu par la convention collective", la cour d'appel a violé les textes susvisés ; 2°/ et subsidiairement, qu'en déboutant Mme [G] de sa demande, quand elle constatait que la salariée avait été embauchée le 30 septembre 2011, ce dont il résultait qu'elle justifiait de quatre années d'expérience professionnelle salariée à compter du 1er octobre 2015, la cour d'appel a violé les articles 1, 55 et l'annexe I de la convention collective nationale des vétérinaires praticiens salariés du 31 janvier 2006. » Réponse de la Cour 7. Selon son article 1, la convention collective nationale des vétérinaires praticiens salariés du 31 janvier 2006 régit les rapports du travail entre les employeurs et le personnel vétérinaire salarié placé sous l'autorité ordinale vétérinaire. 8. Aux termes de l'article 55 de cette convention, les vétérinaires diplômés qui exercent leur fonction dans une entreprise entrant dans le champ d'application défini à l'article 1 sont affiliés au statut cadre. 9. L'annexe I de la convention détermine la classification des emplois en fonction de la durée d'expérience professionnelle de cadre et définit l'expérience professionnelle comme celle acquise dans la branche et calculée en période d'emploi équivalent temps plein de travail de cadre, à partir des certificats de travail. 10. Il résulte de ces textes que seule est prise en compte, pour déterminer la classification des emplois, l'expérience professionnelle acquise en qualité de vétérinaire salarié. 11. Ayant constaté que la salariée avait une expérience professionnelle de six mois en qualité de vétérinaire salarié avant son embauche, la cour d'appel a justement retenu que celle-ci ne disposait pas de l'ancienneté de quatre années qu'elle revendiquait à compter du 1er janvier 2013 pour bénéficier, à cette date, de la classification de cadre confirmé B, échelon 4. 12. Le moyen, irrecevable en sa seconde branche comme nouveau et mélangé de fait et de droit, n'est pas fondé pour le surplus. Mais sur le troisième moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 13. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande de rappel de salaire au titre de la requalification de son contrat de travail à temps complet pour la période postérieure au 31 août 2013 et de la débouter de ses demandes de rappel de congés payés afférents, de rappel d'heures supplémentaires pour la même période et de résiliation judiciaire du contrat de travail, outre le paiement des indemnités subséquentes, alors « que peuvent seuls conclure une convention de forfait en jours sur l'année, dans la limite de la durée annuelle de travail fixée par l'accord collectif prévu à l'article L. 3121-39, les cadres qui disposent d'une autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps et dont la nature des fonctions ne les conduit pas à suivre l'horaire collectif applicable au sein de l'atelier, du service ou de l'équipe auquel ils sont intégrés, ainsi que les salariés dont la durée du temps de travail ne peut être prédéterminée et qui disposent d'une réelle autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps pour l'exercice des responsabilités qui leur sont confiées ; que, pour débouter la salariée de sa demande de rappel de salaire, la cour d'appel a constaté que "M. [W] justifie de la présence au sein du cabinet d'une assistante vétérinaire jusqu'en septembre 2013 puis de l'embauche, à compter du mois de juillet 2015, d'une autre vétérinaire" et que, "compte tenu de la taille réduite du cabinet et de la présence au sein de ce dernier d'une assistante vétérinaire ou d'une autre vétérinaire, il n'apparaît pas à la cour que le fonctionnement du cabinet nécessitait l'intégration de l'activité de Mme [G] dans un horaire collectif et qu'elle peut en conséquence soutenir qu'elle relevait du statut de cadre intégré" ; qu'elle en a déduit que "Mme [G], qui ne relevait pas de l'horaire collectif de travail et qui disposait d'une réelle autonomie dans l'organisation du travail rendant impossible son intégration dans des horaires prédéterminés, fixes, avait le statut de cadre autonome, permettant ainsi de déterminer l'organisation de son temps de travail dans le cadre d'une convention de forfait annuel en jour à compter du 1er septembre 2013" ; qu'en statuant ainsi par voie d'affirmation, sans préciser concrètement en quoi la salariée aurait disposé d'une autonomie dans l'organisation de son emploi du temps et n'aurait pas été contrainte de suivre les horaires d'ouverture et de fermeture du cabinet vétérinaire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 3121-43 du code du travail en sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016. » Réponse de la Cour Vu l'article L. 3121-43 du code du travail dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 : 14. Aux termes de ce texte, peuvent conclure une convention de forfait en jours sur l'année, dans la limite de la durée annuelle de travail fixée par l'accord collectif prévu à l'article L. 3221-39 : 1°) Les cadres qui disposent d'une autonomie dans leur emploi du temps et dont la nature des fonctions ne les conduit pas à suivre l'horaire collectif applicable au sein de l'atelier, du service ou de l'équipe auquel ils sont intégrés ; 2°) Les salariés dont la durée du temps de travail ne peut être prédéterminée et qui disposent d'une réelle autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps pour l'exercice des responsabilités qui leur sont confiées. 15. Pour débouter la salariée de sa demande de rappel de salaires, à compter du 1er septembre 2013, l'arrêt retient qu'elle exerçait ses fonctions, à compter de cette date, dans le cadre d'une convention de forfait annuel en jours dès lors que, compte tenu de la taille du cabinet et de la présence en son sein d'une assistante vétérinaire ou d'une autre vétérinaire, le fonctionnement du cabinet ne nécessitait pas son intégration dans un horaire collectif de travail, qu'elle ne relevait ainsi pas du statut de cadre intégré, que disposant d'une réelle autonomie dans l'organisation de son travail rendant impossible son intégration dans des horaires prédéterminés et fixes, elle avait le statut de cadre autonome. 16. En se déterminant ainsi, par des motifs impropres à caractériser l'autonomie de la salariée dans l'organisation de son emploi du temps pour l'exercice des responsabilités qui lui étaient confiées et les raisons la conduisant à ne pas suivre l'horaire collectif de travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour : CASSE et ANNULE mais seulement en ce qu'il déboute Mme [G] de sa demande en paiement de rappel de salaires et congés payés afférents au titre de la requalification du contrat de travail à temps complet et de sa demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires, pour la période postérieure au 31 août 2013, ainsi que de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail et en paiement des indemnités subséquentes, l'arrêt rendu le 6 avril 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ; Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Chambéry ; Condamne M. [W] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [W] et le condamne à payer à Mme [G] la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq janvier deux mille vingt-trois. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour Mme [G] PREMIER MOYEN DE CASSATION Mme [I] [G] fait grief à l'arrêt attaqué de l'AVOIR déboutée de sa demande de reclassification à l'échelon 4, cadre confirmé B, à compter du 1er octobre 2011 et, en conséquence, de l'AVOIR déboutée de ses demandes de rappel de salaire au titre de la requalification de son contrat de travail à temps complet, outre les congés payés y afférents, et de résiliation judiciaire du contrat de travail, outre le paiement des indemnités subséquentes, et d'AVOIR limité le montant du rappel d'heures supplémentaires à la somme de 1.121,46 euros ; 1°) ALORS QU'en application de l'annexe I de la convention collective nationale des vétérinaires praticiens salariés du 31 janvier 2006, relève de la classification de cadre confirmé B, échelon 4, le « vétérinaire diplômé, inscrit au tableau de l'ordre, ayant plus de 4 ans d'expérience professionnelle de cadre » ; que selon l'article 55 de cette convention collective, « les vétérinaires diplômés qui exercent leur fonction dans une entreprise entrant dans le champ d'application défini à l'article 1er sont affiliés au statut cadre » ; que l'expérience acquise par le vétérinaire au cours d'un contrat de collaboration libérale doit être prise en considération pour déterminer la classification à laquelle il peut prétendre au titre du contrat de travail conclu ultérieurement ; qu'en jugeant au contraire que « Mme [G] ne peut prétendre à la prise en compte de son ancienneté en tant que vétérinaire collaboratrice pour revendiquer le bénéfice de l'échelon 4 prévu par la convention collective », la cour d'appel a violé les textes susvisés ; 2°) ET ALORS, subsidiairement, QU'en déboutant Mme [G] de sa demande, quand elle constatait que la salariée avait été embauchée le 30 septembre 2011, ce dont il résultait qu'elle justifiait de quatre années d'expérience professionnelle salariée à compter du 1er octobre 2015, la cour d'appel a violé les articles 1er, 55 et l'annexe I de la convention collective nationale des vétérinaires praticiens salariés du 31 janvier 2006. DEUXIEME MOYEN DE CASSATION Mme [I] [G] fait grief à l'arrêt attaqué de l'AVOIR déboutée de sa demande de rappel de salaire au titre de la requalification de son contrat de travail à temps complet pour la période du 30 septembre 2011 au 31 août 2013 et, en conséquence, de l'AVOIR déboutée de sa demande de rappel de congés payés y afférents et de résiliation judiciaire du contrat de travail, outre le paiement des indemnités subséquentes ; 1°) ALORS QUE la requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat à temps plein implique le paiement de l'intégralité des salaires correspondant à ce temps complet, sous la seule déduction des sommes déjà versées dont il appartient à l'employeur de justifier ; qu'en déboutant Mme [G] de sa demande de rappel de salaire au titre d'un temps complet, quand elle constatait que, faute pour l'employeur de « démontrer que Mme [G] n'était pas placée dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme elle devait travailler et qu'elle n'avait pas à se tenir constamment à sa disposition », celle-ci « est en conséquence fondée à solliciter la revendication de son contrat de travail en contrat de travail à temps complet pour la période courant du 30 septembre 2011 au 31 août 2013 », la cour d'appel a violé les articles L. 3121-1 et L. 3123-14 du code du travail en leur rédaction antérieure à celles issues de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 ; 2°) ALORS, subsidiairement, QUE, pour débouter Mme [G] de sa demande de rappel de salaire au titre d'un temps complet, la cour d'appel a retenu que « Mme [G], qui a été payée au-delà du minimum conventionnel, ne peut en conséquence prétendre à un rappel de salaire de ce chef » ; qu'en statuant ainsi par un motif inopérant tiré du niveau de rémunération de la salariée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 3121-1 et L. 3123-14 du code du travail en leur rédaction antérieure à celles issues de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 ; 3°) ET ALORS, plus subsidiairement, QU'en statuant comme elle l'a fait, sans constater que le salaire versé par l'employeur à Mme [G] au cours de la période litigieuse correspondait à la rémunération qui lui était due pour une durée du travail de 35 heures hebdomadaires, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 3121-1 et L. 3123-14 du code du travail en leur rédaction antérieure à celles issues de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016. TROISIEME MOYEN DE CASSATION Mme [I] [G] fait grief à l'arrêt attaqué de l'AVOIR déboutée de sa demande de rappel de salaire au titre de la requalification de son contrat de travail à temps complet pour la période postérieure au 31 août 2013 et, en conséquence, de l'AVOIR déboutée de ses demandes de rappel de congés payés y afférents, de rappel d'heures supplémentaires pour la même période et de résiliation judiciaire du contrat de travail, outre le paiement des indemnités subséquentes ; 1°) ALORS QUE peuvent seuls conclure une convention de forfait en jours sur l'année, dans la limite de la durée annuelle de travail fixée par l'accord collectif prévu à l'article L. 3121-39, les cadres qui disposent d'une autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps et dont la nature des fonctions ne les conduit pas à suivre l'horaire collectif applicable au sein de l'atelier, du service ou de l'équipe auquel ils sont intégrés, ainsi que les salariés dont la durée du temps de travail ne peut être prédéterminée et qui disposent d'une réelle autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps pour l'exercice des responsabilités qui leur sont confiées ; que, pour débouter la salariée de sa demande de rappel de salaire, la cour d'appel a constaté que « M. [W] justifie de la présence au sein du cabinet d'une assistante vétérinaire jusqu'en septembre 2013 puis de l'embauche, à compter du mois de juillet 2015, d'une autre vétérinaire » et que, « compte tenu de la taille réduite du cabinet et de la présence au sein de ce dernier d'une assistante vétérinaire ou d'une autre vétérinaire, il n'apparaît pas à la cour que le fonctionnement du cabinet nécessitait l'intégration de l'activité de Mme [G] dans un horaire collectif et qu'elle peut en conséquence soutenir qu'elle relevait du statut de cadre intégré » ; qu'elle en a déduit que « Mme [G], qui ne relevait pas de l'horaire collectif de travail et qui disposait d'une réelle autonomie dans l'organisation du travail rendant impossible son intégration dans des horaires prédéterminés, fixes, avait le statut de cadre autonome, permettant ainsi de déterminer l'organisation de son temps de travail dans le cadre d'une convention de forfait annuel en jour à compter du 1er septembre 2013 » ; qu'en statuant ainsi par voie d'affirmation, sans préciser concrètement en quoi la salariée aurait disposé d'une autonomie dans l'organisation de son emploi du temps et n'aurait pas été contrainte de suivre les horaires d'ouverture et de fermeture du cabinet vétérinaire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 3121-43 du code du travail en sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 ; 2°) ET ALORS QU'en statuant comme elle l'a fait, quand elle constatait que le cabinet vétérinaire ne disposait, ni d'assistant vétérinaire, ni de vétérinaire salarié autre que Mme [G], du mois de septembre 2013 au mois de juillet 2015, ce dont il résultait que la salariée, seule vétérinaire salariée de l'entreprise et ne disposant pas d'assistant vétérinaire, ne pouvait exercer sa prestation de travail en toute autonomie et devait nécessairement se conformer aux horaires d'ouverture et de fermeture de l'entreprise pendant plus de deux ans, la cour d'appel a violé l'article L. 3121-43 du code du travail en sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016. QUATRIEME MOYEN DE CASSATION Mme [I] [G] fait grief à l'arrêt attaqué de l'AVOIR déboutée de sa demande d'indemnisation des astreintes et, en conséquence, de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail, outre le paiement des indemnités subséquentes ; ALORS QUE, pour débouter la salariée de sa demande d'indemnisation des astreintes, la cour d'appel a retenu qu'« il ressort des relevés informatiques produits aux débats par M. [W], et à l'encontre desquels Mme [G] ne verse à l'instance aucun élément de preuve suffisamment pertinent de nature à en remettre en cause la véracité, que la quasi-totalité des astreintes du cabinet ont été réalisées par M. [W] et que Mme [G] a été valablement payée de celles qu'elle a effectuées » ; qu'en statuant ainsi, sans examiner les bulletins de paie versés aux débats par la salariée, lesquels ne mentionnent le paiement d'aucune heure d'astreinte, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ QUESTION PRIORITAIRE CONSTITUTIONNALITÉ ______________________ Audience publique du 25 janvier 2023 NON-LIEU A RENVOI M. SOMMER, président Arrêt n° 128 FS-B Affaire n° C 22-40.018 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 25 JANVIER 2023 Le conseil de prud'hommes de Rouen (section industrie) a transmis à la Cour de cassation, suite au jugement rendu le 21 septembre 2022, la question prioritaire de constitutionnalité, reçue le 27 octobre 2022, dans l'instance mettant en cause : D'une part, la société Sanofi Winthrop industrie, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], D'autre part, M. [V] [R], domicilié [Adresse 2], Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Techer, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société SA Sanofi Winthrop industrie, les plaidoiries de Me Rebeyrol, et l'avis de M. Halem, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 14 décembre 2022 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Techer, conseiller référendaire rapporteur, Mme Monge, conseiller doyen, MM. Sornay, Rouchayrole, Flores, Mmes Lecaplain-Morel, Deltort, conseillers, Mmes Ala, Thomas-Davost, conseillers référendaires, M. Halem, avocat général référendaire, et Mme Jouanneau, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Le 5 juillet 2021, M. [R] a saisi la juridiction prud'homale à l'effet d'obtenir la requalification des lettres de mission conclues en exécution de son contrat de travail à durée indéterminée intérimaire conclu avec la société Adecco en un contrat à durée indéterminée auprès de la société Sanofi Winthrop industrie (l'entreprise utilisatrice). Enoncé de la question prioritaire de constitutionnalité 2. Par jugement du 21 septembre 2022, le conseil de prud'hommes de Rouen a pris acte de la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par l'entreprise utilisatrice « portant sur les dispositions combinées des articles L. 1251-58-4, L 1251-5 et L. 1251-40 du code du travail pour violation des articles 4 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, et des principes de liberté contractuelle d'une part et droit au maintien de l'économie des conventions légalement conclues d'autre part ». 3. Dans son mémoire motivé devant les juges du fond, l'entreprise utilisatrice pose la question suivante : « les dispositions combinées des articles L. 1251-58-4, L. 1251-5 et L. 1251-40 du code du travail en autorisant le juge à anéantir les effets d'un contrat de travail à durée indéterminée intérimaire légalement convenu entre deux parties et en substituant de force un tiers à la relation contractuelle pour y substituer un nouveau contrat de travail à durée indéterminée, portent-elles atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit et plus précisément à la liberté contractuelle et droit au maintien de l'économie des conventions légalement conclues ? » Examen de la question prioritaire de constitutionnalité 4. Les dispositions contestées sont applicables au litige. 5. Elles n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel. 6. Cependant, d'une part, la question posée, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, n'est pas nouvelle. 7. D'autre part, la question posée ne présente pas un caractère sérieux dès lors que les dispositions législatives critiquées sont justifiées par un motif d'intérêt général de lutte contre la précarité pouvant résulter du recours abusif à l'emploi du travail temporaire, de sorte qu'elles ne portent pas une atteinte disproportionnée à la liberté contractuelle et au droit au maintien des conventions légalement conclues. 8. En conséquence, il n'y a pas lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel. PAR CES MOTIFS, la Cour : DIT N'Y AVOIR LIEU DE RENVOYER au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq janvier deux mille vingt-trois.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° E 21-84.613 F-B 18 MAI 2022 M. DE LAROSIÈRE DE CHAMPFEU conseiller le plus ancien faisant fonction de président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 18 MAI 2022 M. [E] [D] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, chambre 4-10, en date du 27 décembre 2018, qui, pour conduite d'un véhicule après usage de stupéfiants, en récidive, l'a condamné à l'annulation de son permis de conduire et a ordonné une mesure de confiscation. Un mémoire personnel a été produit. Sur le rapport de Mme Slove, conseiller, et les conclusions de M. Valat, avocat général, après débats en l'audience publique du 6 avril 2022 où étaient présents M. de Larosière de Champfeu, conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, Mme Slove, conseiller rapporteur, Mme Leprieur, conseiller de la chambre, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. M. [E] [D] a été poursuivi devant le tribunal correctionnel, notamment du chef de conduite d'un véhicule en ayant fait usage de cannabis. 3. Les juges du premier degré l'ont déclaré coupable de ce chef et ont prononcé l'annulation de son permis de conduire. 4. M. [D] a relevé appel de cette décision et le ministère public a formé appel incident. Examen du moyen Enoncé du moyen 5. Le moyen est pris de la violation des articles L. 235-1 et R. 235-6 du code de la route et de l'arrêté du 13 décembre 2016 régissant les modalités de dépistage des stupéfiants. 6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la demande de nullité du procès-verbal d'expertise toxicologique et de tous les actes subséquents alors que le médecin ayant réalisé le prélèvement sanguin en vue de la réalisation d'une analyse permettant de savoir si le prévenu avait consommé des produits stupéfiants avant de prendre le volant, ne précise ni le volume de sang prélevé, ni le nombre de tubes utilisé pour son prélèvement. Il soutient que l'arrêté du 13 décembre 2016 prévoit l'obligation de procéder à un prélèvement sanguin de deux fois 10 ml dans deux tubes distincts ; qu'ainsi, les analyses pouvant être erronées, il n'est pas possible d'affirmer que M. [D] était sous l'emprise de produits stupéfiants alors qu'il conduisait son véhicule, ce d'autant que la fiche d'examen de comportement n'a permis de déceler aucun comportement anormal et que le taux notifié peut ainsi être faux, le taux réel pouvant être inférieur à 1 ng/ml ou pouvant être nul. Réponse de la Cour 7. Pour écarter le moyen de nullité du rapport toxicologique, l'arrêt attaqué, par motifs propres et adoptés, énonce que la quantité de sang à prélever ne fait pas l'objet de réglementation et qu'aucune disposition n'impose au praticien requis de prélever un volume minimal de sang, la référence au volume ne concernant que la capacité des tubes mis à disposition par l'agent requérant ; qu'ainsi le volume de 10 ml de sang n'est que le maximum de sang qu'il est possible de prélever. 8. Les juges ajoutent que le volume de remplissage du tube doit être laissé à l'appréciation du praticien qui tiendra toujours compte des conditions de son intervention tout en respectant les principes médicaux de la ponction sanguine. 9. Ils concluent que le prévenu qui n'a pas fait d'observations particulières lors de la notification du résultat de taux de THC-COOH, n'invoque aucun grief précis qui résulterait de l'absence de mentions précisant le volume exact de sang prélevé. 10. En prononçant ainsi, et dès lors que l'article 8 de l'arrêté du 5 septembre 2001, qui imposait le prélèvement d'une quantité minimale de sang en vue de l'analyse destinée à établir la présence de cannabis à l'occasion de la conduite d'un véhicule, a été abrogé par l'arrêté du 13 décembre 2016, qui prévoit seulement la mise à la disposition, par l'enquêteur qui requiert le prélèvement, au praticien qui l'exécute, de deux tubes de 10 ml chacun, sans imposer le recueil d'une quantité minimale de sang, la cour d'appel a justifié sa décision. 11. Par conséquent, le moyen n'est pas fondé. 12. Par ailleurs l'arrêt est régulier en la forme. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le dix-huit mai deux mille vingt-deux.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° T 22-83.019 F-B 4 JANVIER 2023 CASSATION PARTIELLE M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 4 JANVIER 2023 M. [R] [F] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel d'Angers, chambre correctionnelle, en date du 5 avril 2022, qui, pour homicide et blessures involontaires, l'a condamné à douze mois d'emprisonnement avec sursis, à l'annulation de son permis de conduire, et a prononcé sur les intérêts civils. Un mémoire a été produit. Sur le rapport de Mme Goanvic, conseiller, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. [R] [F], et les conclusions de M. Croizier, avocat général, après débats en l'audience publique du 22 novembre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Goanvic, conseiller rapporteur, Mme Ingall-Montagnier, conseiller de la chambre, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. Un accident de la circulation a été provoqué par un véhicule de gendarmerie, conduit, dans le cadre de ses fonctions, par M. [R] [F]. 3. La conductrice du véhicule percuté est décédée des suites de ses blessures. Les deux passagers du véhicule de la gendarmerie ont subi des blessures ayant entraîné une incapacité de travail supérieure à trois mois. 4. M. [F], poursuivi des chefs susmentionnés, a été déclaré coupable de ces délits et responsable des dommages causés aux victimes. 5. Statuant sur les intérêts civils, le tribunal a déclaré recevables les constitutions de partie civile et donné acte de son intervention à l'agent judiciaire de l'Etat. 6. Il a condamné M. [F] au versement d'une consignation en vue de l'expertise médicale ordonnée et au paiement de diverses sommes aux parties civiles. 7. M. [F], les parties civiles et le ministère public ont relevé appel de cette décision. Examen des moyens Sur le premier moyen 8. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Mais sur le second moyen Enoncé du moyen 9. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré recevables les constitutions de partie civile de M. [M] et des consorts [T], a déclaré M. [F] responsable des préjudices subis par les parties civiles, alloué à M. [M] la somme de 10 000 euros à valoir sur la réparation de son préjudice corporel et condamné M. [F] aux dépens afférents à l'intervention des parties civiles, alors « que la responsabilité de la personne morale de droit public est, à l'égard des tiers, substituée à celle de son agent, auteur du dommage causé, dans l'exercice de ses fonctions, par un véhicule ; qu'en l'espèce où il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que l'accident de circulation litigieux est survenu alors que M. [F], maréchal des logis chef, conduisait un véhicule de la gendarmerie avec, à son bord, une collègue et M. [M] afin de se rendre au domicile de ce dernier pour y effectuer une perquisition, la cour d'appel, en faisant supporter à M. [F] les conséquences civiles de l'accident, a méconnu les articles 1er de la loi du 31 décembre 1957, 591 et 593 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour Vu l'article 1er de la loi du 31 décembre 1957 : 10. Aux termes de ce texte, la responsabilité de la personne morale de droit public est, à l'égard des tiers, substituée à celle de son agent, auteur des dommages causés dans l'exercice de ses fonctions par un véhicule de l'Etat. Il s'en déduit que la partie civile n'est pas recevable à agir contre cet agent, pénalement responsable du délit. 11. L'arrêt attaqué a déclaré recevables les constitutions de partie civile, déclaré M. [F] responsable des préjudices subis par les parties civiles et leur a alloué diverses sommes. 12. En prononçant ainsi, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé. 13. La cassation est par conséquent encourue de ce chef. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE et ANNULE, l'arrêt susvisé de la cour d'appel d'Angers, en date du 5 avril 2022, mais en ses seules dispositions relatives à l'action civile, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ; Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi dans les limites de la cassation ainsi prononcée, RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel d'Angers, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel d'Angers et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le quatre janvier deux mille vingt-trois. Crim., 13 juillet 1971, pourvoi n° 70-91.342, Bull. crim. 1971, n° 232 (rejet) ;Crim., 5 avril 1978, pourvoi n° 77-91.404, Bull. crim. 1978, n° 127 (cassation partielle) ;Crim., 28 novembre 1989, pourvoi n° 88-87.605, Bull. crim. 1989, n° 451 (rejet), et l'arrêt cité.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° T 21-87.017 F-B 5 JANVIER 2023 M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 5 JANVIER 2023 M. [K] [W] et la société [2] ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, chambre 2-12, en date du 26 octobre 2021, qui a autorisé l'exécution sur le territoire français d'une décision de confiscation prononcée par une juridiction étrangère. Les pourvois sont joints en raison de la connexité. Des mémoires ont été produits. Sur le rapport de M. Ascensi, conseiller référendaire, les observations de la SCP L. Poulet-Odent, avocat de M. [K] [W] et de la société [2], et les conclusions de M. Valat, avocat général, après débats en l'audience publique du 23 novembre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Ascensi, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et Mme Coste-Floret, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. Par jugement définitif du tribunal pénal fédéral suisse du 1er octobre 2014, M. [K] [W] a été déclaré coupable des infractions prévues par le droit suisse de corruption d'agents publics étrangers, gestion déloyale et blanchiment d'argent. 3. Il a été condamné à une peine privative de liberté de trois ans dont dix-huit mois avec sursis assorti de la mise à l'épreuve, et le tribunal a ordonné la confiscation de plusieurs biens constituant le produit des infractions poursuivies. 4. Parmi ces biens figure un appartement situé [Adresse 1], à [Localité 3], appartenant à la société civile immobilière [2] qui n'était pas partie à la procédure, le jugement mentionnant cependant qu'il devait être notifié à cette société, après son entrée en force de chose jugée. 5. Le 21 juin 2012, ce bien avait fait l'objet d'une ordonnance de saisie pénale immobilière rendue par le doyen des juges d'instruction du tribunal judiciaire de Paris en exécution d'une demande d'entraide judiciaire internationale des autorités judiciaires suisses. 6. Le 29 novembre 2019, ces autorités ont adressé à l'autorité judiciaire française une demande d'entraide aux fins d'exécution de la confiscation de l'immeuble. 7. Par requête du 25 septembre 2020, le procureur national financier a saisi le tribunal correctionnel de Paris aux fins que soit ordonnée l'exécution de la confiscation du bien immobilier. 8. Le 28 septembre 2020, M. [W] a été avisé de l'audience du 4 novembre 2020. 9. Par jugement du 4 novembre 2020, le tribunal a ordonné l'exécution de la confiscation. 10. M. [W], puis le ministère public, ont interjeté appel de la décision. Examen de la recevabilité du pourvoi formé par la société [2] 11. Aux termes de l'article 713-37 du code de procédure pénale l'exécution des décisions de confiscation prononcées par les autorités judiciaires étrangères est refusée : 1° si les faits à l'origine de la demande ne sont pas constitutifs d'une infraction selon la loi française ; 2° si les biens sur lesquels elle porte ne sont pas susceptibles de faire l'objet d'une confiscation selon la loi française ; 3° si la décision étrangère a été prononcée dans des conditions n'offrant pas de garanties suffisantes au regard de la protection des libertés individuelles et des droits de la défense ; 4° s'il est établi que la décision étrangère a été émise dans le but de poursuivre ou de condamner une personne en raison de son sexe, de sa race, de sa religion, de son origine ethnique, de sa nationalité, de sa langue, de ses opinions politiques ou de son orientation sexuelle ou identité de genre ; 5° si le ministère public français avait décidé de ne pas engager de poursuites pour les faits à raison desquels la confiscation a été prononcée par la juridiction étrangère ou si ces faits ont déjà été jugés définitivement par les autorités judiciaires françaises ou par celles d'un Etat autre que l'Etat demandeur, à condition, en cas de condamnation, que la peine ait été exécutée, soit en cours d'exécution ou ne puisse plus être ramenée à exécution selon les lois de l'Etat de condamnation ; 6° si elle porte sur une infraction politique. 12. S'agissant du deuxième de ces motifs de non-exécution, selon l'article 131-21 du code pénal, les biens appartenant à des tiers propriétaires de bonne foi ne sauraient être confisqués, y compris lorsqu'ils constituent l'objet ou le produit direct ou indirect de l'infraction (Crim., 7 novembre 2018, pourvoi n° 17-87.424, Bull. crim. 2018, n° 188). 13. Par ailleurs, selon l'article 713-38, alinéa 3, du code de procédure pénale, l'autorisation d'exécution ne peut avoir pour effet de porter atteinte aux droits licitement constitués au profit des tiers, en application de la loi française, sur les biens dont la confiscation a été prononcée par la décision étrangère. Toutefois, si cette décision contient des dispositions relatives aux droits des tiers, elle s'impose aux juridictions françaises à moins que les tiers n'aient pas été mis à même de faire valoir leurs droits devant la juridiction étrangère dans des conditions analogues à celles prévues par la loi française. 14. Les motifs de non-exécution par l'autorité judiciaire française des décisions de confiscation prononcées par les autorités judiciaires étrangères, énoncés par l'article 713-37 du code de procédure pénale précité, concernent soit la personne condamnée par les autorités judiciaires étrangères, soit le tiers propriétaire du bien confisqué. 15. Selon l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, ces personnes ont droit à ce que leur cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur leurs droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elles. 16. Leur droit au respect des biens est par ailleurs protégé par l'article 1er du premier Protocole additionnel à ladite Convention. 17. L'article 13 de la même Convention prévoit enfin que toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la Convention ont été violés a droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l'exercice de leurs fonctions officielles. 18. Il s'en déduit que la décision du tribunal correctionnel d'ordonner l'exécution d'une décision de confiscation prononcée par une autorité judiciaire étrangère, rendue en application des articles 713-36 à 713-41 du code de procédure pénale, doit être notifiée à la personne condamnée ainsi qu'au propriétaire du bien confisqué dont le titre est connu ou qui a revendiqué cette qualité au cours de la procédure. 19. Ces derniers peuvent interjeter appel du jugement dans le délai de dix jours à compter de la notification par déclaration au greffe du tribunal correctionnel, ou se pourvoir en cassation contre l'arrêt ordonnant l'exécution de la décision de confiscation. 20. En conséquence, le pourvoi de la société [2] est recevable. Examen des moyens Sur les deuxième et troisième moyens proposés pour M. [W] et le troisième moyen proposé pour la société [2] 21. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission des pourvois au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Mais sur le premier moyen proposé pour la société [2] Enoncé du moyen 22. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé le jugement déféré ayant autorisé l'exécution en France du jugement de confiscation rendu le 1er octobre 2014 par le tribunal pénal fédéral suisse, alors : « 1°/ que l'exécution en France d'une décision de confiscation prononcée par une juridiction étrangère ne peut être autorisée qu'après que l'ensemble des personnes concernées par cette décision ont été mises en mesure de faire valoir leurs observations ; qu'en confirmant le jugement ayant autorisé l'exécution en France de la décision du tribunal pénal fédéral suisse de confisquer le bien immobilier appartenant à la SCI [2] sans avoir préalablement invité cette société à présenter ses observations, quand celle-ci n'avait pas été citée à comparaître devant le tribunal correctionnel et que, n'ayant pas reçu notification du jugement, elle avait été placée dans l'impossibilité d'exercer une voie de recours contre celui-ci, la cour d'appel a méconnu le droit de propriété, le droit à une procédure juste, équitable et contradictoire ainsi que le droit à un recours juridictionnel effectif, et a violé les articles 4 et 5 de la décision-cadre 2005/212/JAI du Conseil du 24 février 2005, 6 et 8 de la directive 2014/42/UE du Parlement européen et du Conseil du 3 avril 2014, 32 et 33 du règlement (UE) n° 2018/1805 du Parlement et du Conseil du 14 novembre 2018, lus en combinaison avec les articles 17 et 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ainsi que les articles 6, § 1, et 13 de la Convention européenne des droits de l'homme, 1er du premier Protocole additionnel à cette convention et l'article préliminaire du code de procédure pénale, ensemble le principe de primauté du droit de l'Union européenne ; 2°/ que conformément à l'article 267 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne tel qu'interprété par la Cour de justice de l'Union européenne, en cas de doute sur l'interprétation des articles 4 et 5 de la décision-cadre 2005/212 du 24 février 2005, 6 et 8 de la directive 2014/42/UE du 3 avril 2014, 32 et 33 du règlement (UE) n° 2018/1805 du Parlement et du Conseil du 14 novembre 2018, lus en combinaison avec les articles 17 et 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, il appartiendra à la Cour de cassation de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle qui pourrait être ainsi rédigée : « les articles 4 et 5 de la décision-cadre 2005/212 du 24 février 2005, 6 et 8 de la directive 2014/42/UE du 3 avril 2014, 32 et 33 du règlement (UE) 2018/1805 du Parlement et du Conseil du 14 novembre 2018, lus en combinaison avec les articles 17 et 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, doivent-ils être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent à une réglementation nationale qui permet l'exécution, sur son territoire, d'une décision de confiscation prononcée par une juridiction d'un État non membre de l'Union européenne, sans que le tiers propriétaire du bien confisqué ne soit mis en mesure de présenter ses observations et, le cas échéant, de faire valoir un motif de refus d'exécution, et sans que cette personne ne dispose d'une voie de recours effective contre la décision d'autoriser l'exécution de la confiscation de son bien ? ». » Réponse de la Cour Vu les articles 6, § 1, et 13 de la Convention européenne des droits de l'homme, et 1er du premier Protocole additionnel à ladite Convention : 23. Les articles 713-36 à 713-41 du code de procédure pénale organisent, en l'absence de convention internationale en disposant autrement, l'exécution des décisions de confiscation prononcées par les autorités judiciaires étrangères, tendant à la confiscation des biens meubles ou immeubles, quelle qu'en soit la nature, ayant servi ou qui étaient destinés à commettre l'infraction ou qui paraissent en être le produit direct ou indirect ainsi que tout bien dont la valeur correspond au produit de cette infraction. 24. L'exécution de la confiscation peut être refusée pour l'un des motifs énoncés par l'article 713-37 du code de procédure pénale précité au § 11. 25. Par ailleurs l'article 713-38, alinéa 3, du code de procédure pénale dispose que l'autorisation d'exécution ne peut avoir pour effet de porter atteinte aux droits licitement constitués au profit des tiers, en application de la loi française, sur les biens dont la confiscation a été prononcée par la décision étrangère. Toutefois, si cette décision contient des dispositions relatives aux droits des tiers, elle s'impose aux juridictions françaises à moins que les tiers n'aient pas été mis à même de faire valoir leurs droits devant la juridiction étrangère dans des conditions analogues à celles prévues par la loi française. 26. L'exécution de la confiscation est autorisée par le tribunal correctionnel statuant sur requête du procureur de la République. 27. L'article 713-39 du code de procédure pénale dispose que, s'il l'estime utile, le tribunal correctionnel entend, le cas échéant par commission rogatoire, le propriétaire du bien saisi, la personne condamnée ainsi que toute personne ayant des droits sur les biens qui ont fait l'objet de la décision étrangère de confiscation. 28. Ces personnes peuvent se faire représenter par un avocat. 29. Ces dispositions sont toutefois prévues à titre de simple faculté. 30. De même, les articles 713-36 à 713-41 du code de procédure pénale ne prévoient pas que la décision du tribunal correctionnel autorisant l'exécution de la confiscation doive être notifiée à la personne condamnée et au propriétaire du bien confisqué, ni que cette décision puisse faire l'objet d'un recours de leur part. 31. Cependant, selon l'article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme, toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur leurs droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elles. 32. Par ailleurs, selon l'article 1er du premier Protocole additionnel à ladite Convention, toute personne a droit au respect de ses biens. 33. Enfin, l'article 13 de la même Convention prévoit que toute personne dont les droits et libertés reconnus dans cette Convention ont été violés, a droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l'exercice de leurs fonctions officielles. 34. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il y ait lieu de transmettre une question préjudicielle à la Cour de justice de l'Union européenne, dès lors que les textes de droit de l'Union visés au moyen ne sont pas applicables au litige, le principe qui suit. 35. Le jugement du tribunal correctionnel autorisant l'exécution d'une décision de confiscation prononcée par une autorité judiciaire étrangère doit être notifié à la personne condamnée et au tiers propriétaire du bien confisqué si son titre est connu ou s'il a revendiqué cette qualité au cours de la procédure. 36. Ces personnes sont recevables à interjeter appel de la décision dans un délai de dix jours par déclaration au greffe du tribunal correctionnel. 37. Elles ont droit à l'assistance d'un avocat au cours de l'instance d'appel, ainsi qu'à la communication en temps utile des pièces de la procédure. 38. En l'espèce, en confirmant le jugement du tribunal correctionnel ayant autorisé l'exécution de la décision de confiscation, sans avoir constaté que ce jugement avait été notifié à la société [2] dont le titre de propriété était connu, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus énoncé. 39. La cassation est par conséquent encourue. Et sur le quatrième moyen proposé pour la société [2] Enoncé du moyen 40. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé le jugement déféré ayant autorisé l'exécution en France du jugement de confiscation rendu le 1er octobre 2014 par le tribunal pénal fédéral suisse, alors : « 1°/ que l'exécution de la confiscation ordonnée par une juridiction étrangère est refusée si les biens sur lesquels elle porte ne sont pas susceptibles de faire l'objet d'une confiscation selon la loi française ; que, selon la loi française, les biens qui constituent le produit direct ou indirect de l'infraction ne peuvent être confisqués que sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi ; que, dès lors, en confirmant le jugement déféré ayant autorisé l'exécution en France de la décision de confiscation du bien immobilier appartenant à la SCI [2] et d'une quote-part de 436/10105e des parties communes générales de cet immeuble rendue par le tribunal pénal fédéral suisse le 1er octobre 2014, quand il ne ressort ni des constatations de cette décision étrangère ni de la demande d'entraide pénale que ce tiers propriétaire serait de mauvaise foi, la cour d'appel a violé les articles 18 de la Convention de Strasbourg du 8 novembre 1990 et 713-37 du code de procédure pénale, ensemble les articles 6, § 2, de la directive 2014/42/UE du Parlement européen et du Conseil du 3 avril 2014 et 131-21 du code pénal ; 2°/ que l'exécution de la confiscation ordonnée par une juridiction étrangère est refusée lorsqu'elle a été prononcée dans des conditions n'offrant pas de garanties suffisantes au regard de la protection des droits de la défense ; que tel est le cas lorsqu'elle porte sur un bien appartenant à un tiers qui n'a pas été mis en mesure de faire valoir ses droits devant la juridiction étrangère préalablement à la confiscation de son bien ; qu'en autorisant l'exécution en France de la décision de confiscation du bien immobilier appartenant à la SCI [2] rendue par le tribunal pénal fédéral suisse le 1er octobre 2014, lorsqu'il ne ressort ni des mentions de cette décision ni des informations contenues dans la demande d'entraide pénale internationale que ce tiers propriétaire ait été mis en mesure de faire valoir ses observations devant cette juridiction avant qu'elle ne prononce la confiscation de son bien, la cour d'appel a violé les articles 713-37 et 713-38 du code de procédure pénale, ensemble les articles 4 et 5 de la décision-cadre 2005/212/JAI du 24 février 2005 et les articles 6 et 8 de la directive 2014/42/UE du 3 avril 2014, lus en combinaison avec l'article 47 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, ainsi que les articles 6, § 1, de la Convention européenne et 1er du premier Protocole additionnel à cette Convention. » Réponse de la Cour Vu les articles 713-37, 2° et 3°, et 713-38, alinéa 3, du code de procédure pénale, et 131-21, alinéa 3, du code pénal : 41. Selon le premier de ces textes, l'exécution des décisions de confiscation prononcées par les autorités judiciaires étrangères est refusée si les biens sur lesquels elles portent ne sont pas susceptibles de faire l'objet d'une confiscation selon la loi française, ou bien si la décision étrangère a été prononcée dans des conditions n'offrant pas de garanties suffisantes au regard de la protection des libertés individuelles et des droits de la défense. 42. Selon le troisième, les biens appartenant à des tiers propriétaires de bonne foi ne sauraient être confisqués, y compris lorsqu'ils constituent l'objet ou le produit direct ou indirect de l'infraction (Crim., 7 novembre 2018, pourvoi n° 17-87.424, Bull. crim. 2018, n° 188). 43. Le deuxième dispose que l'autorisation d'exécution ne peut avoir pour effet de porter atteinte aux droits licitement constitués au profit des tiers, en application de la loi française, sur les biens dont la confiscation a été prononcée par la décision étrangère. Toutefois, si cette décision contient des dispositions relatives aux droits des tiers, elle s'impose aux juridictions françaises à moins que les tiers n'aient pas été mis à même de faire valoir leurs droits devant la juridiction étrangère dans des conditions analogues à celles prévues par la loi française. 44. En l'espèce, pour confirmer l'autorisation d'exécution de la décision de confiscation, l'arrêt retient que M. [W] a été condamné pour corruption d'agents publics étrangers, gestion déloyale et blanchiment d'argent, que ces infractions sont prévues et réprimées par le droit pénal français, et qu'elles font encourir à leur auteur la peine complémentaire de confiscation définie par l'article 131-21 du code pénal. 45. Les juges retiennent par ailleurs que le jugement du tribunal pénal fédéral suisse a été prononcé dans des conditions offrant des garanties suffisantes au regard de l'exercice d'un droit de recours, garantie encore assurée par les dispositions de l'article 438 du code de procédure pénale suisse qui prévoit que la décision fixant l'entrée en force est sujette à recours, de sorte qu'aucune atteinte n'a été portée aux droits de la personne poursuivie. 46. Ils constatent par ailleurs que le jugement suisse contient des dispositions relatives au respect des droits des tiers, à savoir la communication à la société [2] du jugement, étant relevé que seul M. [W] est concerné par la confiscation. 47. En se déterminant ainsi, sans rechercher, à partir des constatations de fait de la décision étrangère, et au besoin en demandant aux autorités judiciaires suisses, par commission rogatoire, la fourniture des informations complémentaires nécessaires, si la société [2] était de bonne foi, ni mieux établir, selon les mêmes modalités, que cette société avait été mise à même de faire valoir ses droits devant la juridiction suisse dans des conditions analogues à celles prévues par la loi française, alors qu'il ressort des énonciations du jugement du tribunal pénal fédéral que la société [2] n'était pas partie à cette décision qui lui a été notifiée après qu'elle fut passée en force de chose jugée, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus énoncés. 48. La cassation est par conséquent à nouveau encourue. Et sur le premier moyen proposé pour M. [W] et le deuxième moyen proposé pour la société [2] Enoncé des moyens 49. Le moyen proposé pour M. [W] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a statué en chambre du conseil, après des débats s'étant déroulés selon les mêmes modalités, alors « que la publicité des débats judiciaires est une règle d'ordre public à laquelle il ne peut être dérogé que dans les cas limitativement déterminés par la loi ; qu'aucune disposition légale ne déroge à cette règle lorsque la juridiction correctionnelle est saisie d'une requête du procureur de la République tendant à l'exécution sur le territoire français d'une décision de confiscation prononcée par une juridiction d'un État non-membre de l'Union européenne, ou d'un recours formé contre un jugement autorisant l'exécution d'une telle décision ; que, dès lors, en examinant l'appel formé par M. [W] à l'encontre du jugement autorisant l'exécution de la décision de confiscation rendue par le tribunal pénal fédéral (Suisse) et en rendant son arrêt en chambre du conseil, la cour d'appel a méconnu les articles 6, § 1, de la Convention européenne, 400, 512, 711 et 713-36 à 713-41 du code de procédure pénale et le principe ci-dessus énoncé. » 50. Le moyen proposé pour la société [2] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a statué en chambre du conseil, après des débats s'étant déroulés selon les mêmes modalités, alors « que la publicité des débats judiciaires est une règle d'ordre public à laquelle il ne peut être dérogé que dans les cas limitativement déterminés par la loi ; qu'aucune disposition légale ne déroge à cette règle lorsque la juridiction correctionnelle est saisie d'une requête du procureur de la République tendant à l'exécution sur le territoire français d'une décision de confiscation prononcée par une juridiction d'un État non-membre de l'Union européenne, ou d'un recours formé contre un jugement autorisant l'exécution d'une telle décision ; que, dès lors, en examinant l'appel formé par M. [W] à l'encontre du jugement autorisant l'exécution de la décision de confiscation rendue par le tribunal pénal fédéral (Suisse) et en rendant son arrêt en chambre du conseil, la cour d'appel a méconnu les articles 6, § 1, de la Convention européenne, 400, 512, 711 et 713-36 à 713-41 du code de procédure pénale et le principe ci-dessus énoncé. » Réponse de la Cour 51. Les moyens sont réunis. Vu les articles 400 et 512 du code de procédure pénale : 52. Il résulte de ces textes que la publicité des débats judiciaires est une règle d'ordre public à laquelle il ne peut être dérogé que dans les cas limitativement déterminés par la loi. 53. Les articles 713-36 à 713-41 du code de procédure pénale, qui organisent l'exécution des décisions de confiscation prononcées par les autorités judiciaires étrangères, ne prévoient pas de dérogation à ce principe. 54. L'arrêt attaqué énonce que les débats se sont tenus en chambre du conseil et que l'arrêt a été rendu selon les mêmes modalités. 55. En statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus énoncé. 56. La cassation est par conséquent à nouveau encourue. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Paris, en date du 26 octobre 2021, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ; RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Paris, et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le cinq janvier deux mille vingt-trois. N1>N2>Sur les droits du tiers propriétaire de bonne foi :Crim., 7 novembre 2018, pourvoi n° 17-87.424, Bull. crim. 2018, n° 188 (cassation), et l'arrêt cité.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° Q 22-80.118 FS-B 14 SEPTEMBRE 2022 M. DE LAROSIÈRE DE CHAMPFEU conseiller le plus ancien faisant fonction de président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 14 SEPTEMBRE 2022 M. [W] [Z] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'assises du Haut-Rhin, en date du 1er décembre 2021, qui, sur renvoi après cassation (Crim., 17 mars 2021, n° 20-83.245), pour viols, agressions sexuelles, aggravés, corruption de mineurs de quinze ans, en récidive, l'a condamné à vingt ans de réclusion criminelle avec une période de sûreté de douze ans, dix ans de suivi socio-judiciaire et une interdiction professionnelle définitive, ainsi que contre l'arrêt du même jour par lequel la cour a prononcé sur les intérêts civils. Un mémoire a été produit. Sur le rapport de Mme Sudre, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [W] [Z], et les conclusions de Mme Chauvelot, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 29 juin 2022 où étaient présents M. de Larosière de Champfeu, conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, Mme Sudre, conseiller rapporteur, Mme Leprieur, MM. Turbeaux, Laurent, conseillers de la chambre, Mme Barbé, M. Mallard, Mme Guerrini, conseillers référendaires, Mme Chauvelot, avocat général référendaire, et Mme Boudalia, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. Par ordonnance du 11 août 2017, le juge d'instruction a renvoyé M. [W] [Z] devant la cour d'assises du Haut-Rhin sous l'accusation de viols et agressions sexuelles sur mineur de quinze ans par personne ayant autorité, agressions sexuelles sur mineur de quinze ans et corruption de mineur de quinze ans, en récidive. 3. Par arrêt du 2 février 2018, cette juridiction a condamné M. [Z] à vingt ans de réclusion criminelle avec une période de sûreté de dix ans, cinq ans de suivi socio-judiciaire, et a ordonné la confiscation des scellés. Par arrêt distinct du même jour, la cour a prononcé sur les intérêts civils. 4. M. [Z] a relevé appel de ces deux décisions. Le ministère public et les parties civiles ont formé appel incident. 5. Par arrêt du 1er février 2019, la cour d'assises du Bas-Rhin, statuant en appel, a condamné M. [Z] à vingt ans de réclusion criminelle, avec une période de sûreté de douze ans, cinq ans de suivi socio-judiciaire et une interdiction professionnelle définitive. Par arrêt distinct du même jour, la cour a prononcé sur les intérêts civils. 6. M. [Z] a formé un pourvoi en cassation contre le seul arrêt pénal et, par arrêt du 17 mars 2021, la Cour de cassation a cassé et annulé cette décision en toutes ses dispositions et renvoyé la cause et les parties devant la cour d'assises du Haut-Rhin. Examen des moyens Sur les premier et deuxième moyens 7. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Sur le troisième moyen Enoncé du moyen 8. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a été répondu par l'affirmative à la question n° 9 ainsi libellée : « L'accusé [W] [Z] est-il coupable d'avoir à [Localité 2] entre le 1er janvier 2012 et le 20 avril 2015, favorisé ou tenté de favoriser la corruption de [N] [M] mineur de 15 ans pour être né le [Date naissance 1] 2006 ? », alors « qu'est entachée de complexité prohibée la question posée à la cour et au jury qui réunit en une formule unique le fait principal et une circonstance aggravante ; que la question visant à la fois le fait principal de corruption de mineur et la circonstance aggravante tirée de ce que le mineur était âgé de moins de 15 ans, la déclaration de culpabilité est nulle et doit entraîner la cassation de l'arrêt de condamnation, pour violation de l'article 349 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour 9. Il résulte de la feuille de questions que la cour et le jury ont été interrogés par une seule question sur la culpabilité de l'accusé du délit de corruption de mineur, commis sur la personne de [N] [M], entre le 1er janvier 2012 et le 20 avril 2015, et sur la circonstance aggravante, résultant de ce que la victime était âgée de moins de quinze ans à la date des faits. 10. Cette formulation de la question méconnaît l'article 349 du code de procédure pénale, qui exige qu'une question soit posée sur le fait principal, chaque circonstance aggravante devant faire l'objet d'une question distincte. 11. Cependant, la cassation n'est pas encourue. 12. En effet, tous les faits de viols, d'agressions sexuelles, et de corruption de mineur reprochés à l'accusé, et dont il a été reconnu coupable, concernent la même victime, [N] [M], et la cour et le jury ont répondu par l'affirmative aux questions selon lesquelles ce dernier était âgé de moins de quinze ans, au moment des faits de viols et d'agressions sexuelles commis par l'accusé entre le 1er janvier 2012 et le 20 avril 2015. 13. En l'absence d'incertitude sur la conviction de la cour d'assises quant à l'âge de la victime à la date de commission du délit de corruption de mineur de quinze ans, l'accusé ne justifie d'aucun grief résultant de la formulation de la question. 14. En conséquence, par application de l'article 802 du code de procédure pénale, le moyen ne peut être accueilli. Sur le quatrième moyen Enoncé du moyen 15. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il l'a condamné à la peine de vingt ans de réclusion criminelle, assortie d'une période de sûreté portée à douze ans, alors « que la cour d'assises n'a pas justifié, par une décision spéciale et motivée, le prononcé d'une peine de sûreté portée à 12 ans ; qu'elle a méconnu les articles 132-23 du code pénal et 593 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour 16. Pour condamner l'accusé à la peine de vingt ans de réclusion criminelle assortie d'une période de sûreté de douze ans, la cour d'assises relève la gravité des faits de viols répétés sur un jeune enfant, confié dans un cadre familial. La feuille de motivation souligne que les experts de personnalité ont relevé chez l'accusé un niveau de psychopathie élevé et incurable, une pédophilie de catégorie pédoclaste, une importante dangerosité criminologique d'ordre sexuel, avec un risque élevé de récidive. Elle relève également une absence totale de remise en cause de son comportement par l'accusé, qui rejette sur autrui la responsabilité de ses passages à l'acte, et n'a pas su mettre à profit sa précédente condamnation pour des faits similaires pour entamer la moindre introspection sur ses agissements. 17. En l'état de ces motifs dénués d'insuffisance, relevant de son appréciation souveraine, la cour d'assises qui a caractérisé, d'une part, la gravité des faits, d'autre part, la dangerosité de leur auteur, a justifié tant le choix de la peine que la durée de la période de sûreté. 18. Le moyen sera, dès lors, écarté. Mais sur le cinquième moyen Enoncé du moyen 19. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a alloué, outre diverses sommes en application de l'article 375 du code de procédure pénale, des dommages-intérêts à Mme [V] [F], M. [I] [M] et [N] [M] représenté par l'association [3] et l'a condamné à rembourser au Fonds de garantie le montant des indemnités versées à Mme [V] [F], et M. [I] [M], alors « que par arrêt du 17 mars 2021, la Cour de cassation, statuant dans les limites du pourvoi dont elle avait été saisie à l'encontre du seul arrêt pénal, a cassé et annulé l'arrêt de la cour d'assises du Bas-Rhin du 1er février 2019 et renvoyé la cause et les parties devant la cour d'assises du Haut-Rhin pour qu'il soit jugé conformément à la loi ; que l'arrêt civil du 1er février 2019 de la cour d'assises du Bas-Rhin a acquis l'autorité de la chose jugée ; qu'en statuant sur les demandes de dommages-intérêts des parties civiles et de remboursement du Fonds de garantie des victimes d'infractions, alors que l'action civile était éteinte par l'autorité de la chose jugée, la cour d'assises de renvoi a violé les articles 2, 3 et 609 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour Vu les articles 1240 du code civil, 2 et 3 du code de procédure pénale : 20. Selon le premier de ces textes, le préjudice résultant d'une infraction doit être réparé dans son intégralité, sans perte ni profit pour la victime. 21. Il résulte des deux articles susvisés du code de procédure pénale que, lorsqu'un arrêt pénal d'une cour d'assises a seul été frappé de pourvoi, la cassation de cet arrêt n'entraîne pas celle de l'arrêt statuant sur les intérêts civils, lequel a acquis l'autorité de la chose jugée (Ch. mixte, 19 mars 1982, pourvoi n° 79-15.560, Bull., Ch. mixte, n° 81 ; Crim., 10 mai 2012, pourvoi n° 11-81.437, Bull. crim. 2012, n° 114). 22. En conséquence, les parties civiles sont irrecevables à présenter toute demande nouvelle d'indemnisation autre que celle d'une augmentation des dommages-intérêts en raison du préjudice souffert depuis la première décision et d'une indemnité relative aux frais de procédure, depuis la même date. 23. Il résulte des pièces de procédure que, par arrêt pénal du 1er février 2019, la cour d'assises du Bas-Rhin, statuant en appel, a déclaré M. [Z] coupable et l'a condamné à des peines. Par arrêt distinct du même jour, la cour a prononcé sur les intérêts civils. Sur le pourvoi formé par M. [Z] contre le seul arrêt pénal, la Cour de cassation a cassé cette seule décision et renvoyé la cause et les parties devant la cour d'assises du Haut-Rhin, par arrêt du 17 mars 2021. Cette juridiction, par l'arrêt attaqué du 1er décembre 2021, a accordé aux parties civiles des dommages-intérêts, et des indemnités pour frais de procédure. 24. En prononçant ainsi, alors que l'arrêt civil du 1er février 2019 était définitif, la cour d'assises a méconnu les textes susvisés. 25. La cassation est, dès lors, encourue. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu d'examiner le sixième moyen de cassation proposé, la Cour, REJETTE le pourvoi en tant qu'il est formé contre l'arrêt pénal ; CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt civil susvisé de la cour d'assises du Haut-Rhin, en date du 1er décembre 2021, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ; RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Metz, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'assises du Haut-Rhin et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le quatorze septembre deux mille vingt-deux.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° K 22-81.816 F- B 11 JANVIER 2023 CASSATION PARTIELLE SANS RENVOI M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 11 JANVIER 2023 M. [H] [G] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'assises de la Savoie, en date du 28 janvier 2022, qui, pour viols et violences, aggravés, l'a condamné à sept ans d'emprisonnement criminel et à quinze ans de suivi socio-judiciaire ainsi que contre l'arrêt du même jour par lequel la cour a prononcé sur les intérêts civils. Des mémoires ont été produits. Sur le rapport de Mme Leprieur, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [H] [G], et les conclusions de Mme Chauvelot, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 30 novembre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Leprieur, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. M. [H] [G] a été mis en accusation des chefs de viols et violences, aggravés, devant la cour d'assises de la Haute-Savoie, par ordonnance du juge d'instruction du 28 juin 2019. 3. Par arrêt du 25 septembre 2020 de cette cour d'assises, statuant en premier ressort, il a été condamné, des chefs précités, à dix ans de réclusion criminelle et à dix ans de suivi socio-judiciaire. Un arrêt civil a été rendu le même jour. 4. L'accusé a relevé appel de ces décisions. Le ministère public et la partie civile ont interjeté appel incident. Examen des moyens Sur le premier moyen 5. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Sur le troisième moyen Enoncé du moyen 6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. [G] coupable de viols par concubin et de violences volontaires habituelles ayant entrainé une incapacité totale de travail supérieure à 8 jours par concubin, alors « que par exception au principe posé par le premier alinéa de l'article 349 du code de procédure pénale, l'article 349-1 du même code prévoit que, lorsque est invoquée comme moyen de défense l'existence de l'une des causes d'irresponsabilité pénale, la question principale ne doit pas demander si l'accusé « est coupable » mais s'il « a commis tel fait » ; que dès lors, en posant les questions de savoir si M. [G] était « coupable » d'avoir par violence, contrainte, menace ou surprise, commis un ou plusieurs actes de pénétration sexuelle et « coupable » d'avoir volontairement exercé des violences, la cour d'assises a méconnu les dispositions précitées. » Réponse de la Cour 7. Le procès-verbal des débats mentionne que le président de la cour d'assises a indiqué que la cour et le jury auraient à répondre aux questions posées dans les termes de la décision de mise en accusation et dont il a été donné lecture avant le réquisitoire et les plaidoiries. 8. Le moyen, qui invoque pour la première fois devant la Cour de cassation un grief relatif à la rédaction des questions, est irrecevable, dès lors qu'il appartenait à l'accusé ou à son avocat, s'il entendait contester la formulation des questions, d'élever un incident contentieux, dans les formes prévues par l'article 352 du code de procédure pénale. 9. Ainsi, le moyen doit être écarté. Mais sur le deuxième moyen Enoncé du moyen 10. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné M. [G] à la peine de sept ans d'emprisonnement criminel, alors « que le code pénal ne prévoit pas d'autre peine privative de liberté que d'une part, la réclusion criminelle ou détention criminelle de dix ans au moins, d'autre part, la peine d'emprisonnement ; que la peine privative de liberté prononcée en l'espèce ressortissait, par sa durée, à l'échelle des peines d'emprisonnement fixée par l'article 131-3 du code pénal ; que la cour d'assises a méconnu l'article 111-3 du code pénal. » Réponse de la Cour Vu les articles 111-3, 131-1 et 131-3 du code pénal : 11. Aux termes du premier de ces textes, nul ne peut être puni d'une peine qui n'est pas prévue par la loi, si l'infraction est un crime ou un délit. 12. Aux termes du deuxième, la durée de la réclusion criminelle ou de la détention criminelle à temps est de dix ans au moins. 13. Selon le troisième, l'emprisonnement est une peine correctionnelle. 14. Il résulte de ces dispositions combinées qu'une peine privative de liberté d'une durée inférieure à dix ans ne peut être qu'un emprisonnement correctionnel, même lorsqu'elle est prononcée en répression d'un crime. 15. Après avoir déclaré l'accusé coupable de viols et de violences, aggravés, la cour et le jury l'ont condamné à sept ans d'emprisonnement criminel. 16. En prononçant ainsi, alors que la peine privative de liberté prononcée demeurait une peine correctionnelle, la cour d'assises a méconnu le sens et la portée des textes et du principe susvisés. 17. La cassation est par conséquent encourue de ce chef. Portée et conséquences de la cassation 18. La cassation aura lieu sans renvoi, la Cour de cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle de droit et de mettre fin au litige, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE et ANNULE l'arrêt pénal susvisé de la cour d'assises de la Savoie, en date du 28 janvier 2022, mais en ses seules dispositions relatives à la nature de la peine d'emprisonnement, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; DIT que la peine d'emprisonnement de sept ans que doit subir M. [H] [G] en raison des crimes et délits dont il a été déclaré coupable est une peine correctionnelle ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'assises de la Savoie et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le onze janvier deux mille vingt-trois. Crim., 18 décembre 2002, pourvoi n° 02-81.666, Bull. crim 2002, n° 236 (cassation sans renvoi).
CASS/JURITEXT000046990260.xml
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° G 22-80.848 F- B 11 JANVIER 2023 M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 11 JANVIER 2023 M. [V] [L] a formé un pourvoi contre l'ordonnance du président de la chambre de l'application des peines de la cour d'appel de Lyon, en date du 14 janvier 2022, qui a déclaré irrecevable sa saisine directe de la chambre de l'application des peines d'une demande de libération conditionnelle. Un mémoire personnel a été produit. Sur le rapport de Mme Guerrini, conseiller référendaire, et les conclusions de Mme Chauvelot, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 30 novembre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Guerrini, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'ordonnance attaquée et des pièces de procédure ce qui suit. 2. Le 25 mars 2021, M. [V] [L] a saisi le juge de l'application des peines d'une demande de libération conditionnelle. 3. En l'absence de réponse à celle-ci, le 8 décembre 2021, M. [L] a saisi directement la chambre de l'application des peines de sa demande. Examen du moyen Enoncé du moyen 4. Le moyen est pris de la violation de l'article D. 524 du code de procédure pénale, et critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré la saisine directe de la chambre de l'application des peines irrecevable, au motif que cette saisine n'est prévue que pour les condamnés ayant effectué les deux tiers de leur peine, alors que le texte précité ne prévoit pas cette condition, et qu'en outre à la date de sa demande, il avait bien effectué les deux tiers de sa peine, sa date de libération étant fixée au 12 mai 2029 et non au 12 mai 2032 comme la décision l'a retenu. Réponse de la Cour Vu l'article D. 524 du code de procédure pénale : 5. Selon ce texte, la demande de libération conditionnelle relevant de la compétence du juge de l'application des peines doit être examinée dans les quatre mois de son dépôt, conformément aux dispositions de l'article D. 49-33 du même code. A défaut, le condamné peut saisir directement la chambre de l'application des peines. 6. Pour dire irrecevable la saisine directe effectuée par M. [L] de sa demande de libération conditionnelle, le président de la chambre de l'application des peines a considéré qu'en application des articles 730-3 et D. 523-1 du code de procédure pénale, celle-ci n'était possible que pour les condamnés ayant exécuté les deux tiers de leur peine privative de liberté d'une durée de plus de cinq ans, et qu'il ressortait de la fiche pénale de l'intéressé que, libérable le 12 mai 2032, il n'atteindrait les deux tiers de sa peine que le 3 janvier 2025. 7. En se déterminant ainsi, alors que l'intéressé avait saisi le juge de l'application des peines de sa demande de libération conditionnelle, sans que celle-ci s'inscrive dans le cadre de l'examen systématique de la situation des condamnés à une peine d'emprisonnement ou de réclusion supérieure à cinq ans ayant accompli les deux tiers de leur peine régi par l'article 730-3 du code de procédure pénale, le président de la chambre de l'application des peines a excédé ses pouvoirs. 8. L'annulation est par conséquent encourue. PAR CES MOTIFS, la Cour : ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance susvisée du président de la chambre de l'application des peines de la cour d'appel de Lyon, en date du 14 janvier 2022 ; DIT que la chambre de l'application des peines de la cour d'appel de Lyon est saisie ; RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'application des peines de la cour d'appel de Lyon, autrement présidée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe du président de la chambre de l'application des peines de Lyon et sa mention en marge ou à la suite de l'ordonnance annulée. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le onze janvier deux mille vingt-trois.
CASS/JURITEXT000046127264.xml
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° E 22-83.237 F-B 27 JUILLET 2022 M. DE LAROSIÈRE DE CHAMPFEU conseiller le plus ancien faisant fonction de président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 27 JUILLET 2022 M. [U] [M] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Fort-de-France, en date du 3 mai 2022, qui, dans l'information suivie contre lui du chef d'extorsion avec arme, a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention rejetant sa demande de mise en liberté. Des mémoires personnels ont été produits. Sur le rapport de M. Violeau, conseiller référendaire, et les conclusions de Mme Chauvelot, avocat général, après débats en l'audience publique du 27 juillet 2022 où étaient présents M. de Larosière de Champfeu, conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, M. Violeau, conseiller rapporteur, Mme Sudre, conseiller de la chambre, et Mme Coste-Floret, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. Le 18 mars 2022, M. [U] [M] a été mis en examen et placé en détention provisoire le 23 mars 2022, à l'issue d'un débat contradictoire différé. 3. Il a présenté une demande de mise en liberté, rejetée par ordonnance du juge des libertés et de la détention en date du 14 avril 2022, dont il a relevé appel. Examen de la recevabilité du mémoire personnel déposé le 10 mai 2022 4. Ce mémoire, produit au nom de M. [M] par un avocat au barreau de Fort-de-France, ne porte pas la signature du demandeur. 5. Dès lors, en application des articles 584 et suivants du code de procédure pénale, il n'est pas recevable et ne saisit pas la Cour de cassation des moyens qu'il pourrait contenir. Examen du moyen du mémoire personnel déposé le 24 mai 2022 Enoncé du moyen 6. Le moyen est pris de la violation des articles 198, D. 591 et D. 592 du code de procédure pénale. 7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré irrecevable le mémoire adressé par courriel au greffe de la chambre de l'instruction, alors que ce mémoire a été envoyé le 2 mai 2022 à 8 heures 54, soit la veille de l'audience, selon les mentions figurant sur l'accusé de réception, à l'adresse « [Courriel 1] », que le greffe avait utilisée pour envoyer à l'avocat du requérant l'avis d'audience. Réponse de la Cour 8. Il résulte des articles 198, D. 591 et D. 592 du code de procédure pénale que les mémoires produits devant la chambre de l'instruction peuvent être transmis par un moyen de télécommunication sécurisé à l'adresse électronique de ladite chambre, dans les conditions prévues par une convention passée entre le ministère de la justice et les organisations nationales représentatives des barreaux. 9. Une telle convention a été signée le 5 février 2021 avec le Conseil national des barreaux (CNB) et a pour objet de garantir notamment la sécurité des échanges entre les avocats et les juridictions, l'intégrité des actes transmis et l'identification des acteurs de la communication électronique. 10. A cette fin, elle prévoit, à son article 6.3, ainsi que dans ses annexes 5 et 9, que les avocats ne peuvent transmettre, en matière pénale, de messages électroniques aux juridictions qu'aux adresses de messagerie déclarées par le ministère de la justice au CNB comme éligibles à la communication électronique pénale, ces adresses devant répondre au format spécifique prévu par ladite convention et ses annexes. 11. Ainsi, est irrecevable le mémoire déposé devant la chambre de l'instruction qui a été envoyé à une autre adresse électronique que celle transmise par cette juridiction comme éligible à la communication électronique pénale. 12. En l'espèce, l'arrêt attaqué énonce que le mémoire transmis sur la messagerie professionnelle nominative d'un greffier, et non sur la messagerie qui devait être utilisée en application de la convention précitée, est irrecevable. 13. En l'état de ces seules énonciations, la chambre de l'instruction a fait l'exacte application des textes visés au moyen. 14. Dès lors, le moyen doit être écarté. 15. Par ailleurs, l'arrêt est régulier, tant en la forme qu'au regard des dispositions des articles 137-3 et 143-1 et suivants du code de procédure pénale. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-sept juillet deux mille vingt-deux.
CASS/JURITEXT000047073926.xml
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° K 21-82.778 FP-B 24 JANVIER 2023 M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 24 JANVIER 2023 Mmes [V] et [I] [H], et M. [R] [H], parties civiles, ont formé des pourvois contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 1re section, en date du 14 avril 2021, qui, dans l'information suivie contre MM. [B] [C] et [G] [K] des chefs de tentatives d'assassinats en relation avec une entreprise terrroriste et association de malfaiteurs terroriste, a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction déclarant irrecevables leurs constitutions de partie civile. Les pourvois sont joints en raison de la connexité. Un mémoire, commun aux demandeurs, et des observations complémentaires, ont été produits. Sur le rapport de Mme Guerrini, conseiller référendaire, les observations de la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat de Mmes [V] et [I] [H], et M. [R] [H], et les conclusions de Mme Bellone, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 17 novembre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Guerrini, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, M. de Larosière de Champfeu, Mmes Ingall-Montagnier, Labrousse, MM. d'Huy, Wyon, Mmes Ménotti, Leprieur, Sudre, Goanvic, MM. Dary, Sottet, conseillers de la chambre, M. Leblanc, Mme Chafaï, M. Michon, conseillers référendaires, Mme Bellone, avocat général référendaire, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. Le 17 août 2017, vers 17 heures, une fourgonnette a fait irruption sur la place de Catalogne à Barcelone, avant de remonter l'avenue La Rambla jusqu'à la rue de la Portaferissa, artères touristiques de la ville, fonçant dans la foule, faisant quatorze morts et plus d'une centaine de blessés. Le conducteur a pris la fuite avant d'être tué par des policiers quatre jours plus tard. L'organisation dite « Etat islamique » a revendiqué cet attentat. 3. Une information judiciaire a été ouverte à [Localité 1] des chefs susvisés, des ressortissants français ayant été blessés. 4. Mme [V] [H], sa fille, Mme [I] [H], et son fils, M. [R] [H], se sont constitués partie civile. Ils ont exposé que, présents lors de l'attentat, ils avaient subi un préjudice en relation avec celui-ci. Mmes [V] et [I] [H], impressionnées par une foule de personnes paniquées, se sont mises à courir. Mme [V] [H] s'est blessée en tombant dans sa course. Ses enfants ont indiqué souffrir de troubles psychologiques. 5. Le juge d'instruction a déclaré ces constitutions de partie civile irrecevables. 6. Mmes [V] [H], [I] [H] et M. [R] [H] ont relevé appel de cette décision. Examen du moyen Enoncé du moyen 7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré irrecevables les constitutions de partie civile de Mmes [V] et [I] [H] et de M. [R] [H], alors « que pour qu'une constitution de partie civile soit recevable devant les juridictions d'instruction, il suffit que les circonstances sur lesquelles elle se fonde permettent au juge d'admettre comme possible l'existence du préjudice allégué et la relation directe de celui-ci avec une infraction à la loi pénale ; qu'il en est notamment ainsi lorsque les dommages invoqués par le plaignant se rattachent par un lien d'indivisibilité aux faits visés à la prévention ; qu'en l'espèce, pour déclarer irrecevables les constitutions de parties civiles des consorts [H], la chambre de l'instruction a relevé qu'au vu de leur localisation précise et de leurs mouvements par rapport à la trajectoire de la camionnette, ils ne s'étaient pas trouvés directement et immédiatement exposés au risque de mort ou de blessure recherché par le terroriste ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée (v. mémoire des consorts [H]), si le mouvement de panique ayant notamment provoqué la chute de Mme [V] [H] ainsi que les blessures qu'elle a subies n'étaient pas indissociablement liés au passage du véhicule conduit par le terroriste, dont rien ne permettait en outre d'exclure un autre passage meurtrier, cette fois dans la direction des consorts [H], de sorte qu'en cet état la possibilité d'un préjudice en lien de causalité direct avec l'infraction de tentative d'assassinat ne pouvait être exclue, la chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 2, 3, 85, 87 et 593 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour Sur le moyen en ce qu'il concerne M. [R] [H] 8. Pour déclarer la constitution de partie civile de M. [R] [H] irrecevable, l'arrêt attaqué énonce que lors des faits, il ne se trouvait pas avec sa mère et sa soeur, que le lieu exact où il était n'est pas connu, la seule circonstance qu'il se soit trouvé bloqué à l'extérieur d'un périmètre circonscrit par les forces de l'ordre ne démontrant pas qu'il était sur le lieu même des faits ou dans sa proximité immédiate, de sorte que c'est par une juste analyse que le magistrat instructeur a considéré qu'il ne s'est pas trouvé directement exposé au risque de mort ou de blessure recherché par le terroriste. 9. En l'état des seuls motifs dont il résulte que M. [H] ne se trouvait pas à proximité du lieu de commission des faits, la chambre de l'instruction a justifié sa décision. 10. Il s'ensuit que le moyen, en ce qu'il concerne M. [H], n'est pas fondé. Sur le moyen en ce qu'il concerne Mmes [V] et [I] [H] 11. Pour déclarer les constitutions de partie civile de Mmes [V] et [I] [H] irrecevables, après avoir rappelé les déclarations de Mme [V] [H] selon lesquelles elle a été entraînée avec sa fille dans le mouvement de la foule paniquée, s'est blessée en tombant dans sa course, avant de voir le corps d'une femme étendu sur la route et de penser à un acte criminel, l'arrêt attaqué énonce qu'il ressort de ces déclarations qu'elles n'ont pas vu la scène ni la camionnette. 12. Les juges ajoutent que c'est par une juste analyse de la localisation précise des parties civiles et de leurs mouvements par rapport à la trajectoire de la camionnette que le magistrat instructeur a considéré qu'elles ne s'étaient pas trouvées directement et immédiatement exposées au risque de mort ou de blessures. 13. Ils en concluent que le traumatisme indéniable des plaignantes correspond à celui vécu par les témoins des conséquences de l'infraction, et non au préjudice d'une victime directe au sens de l'article 2 du code de procédure pénale. 14. C'est à tort que, pour estimer que le préjudice allégué n'était pas en relation directe avec les infractions commises, les juges ont relevé que les intéressées ne s'étaient pas trouvées sur la trajectoire de la camionnette. 15. Néanmoins l'arrêt n'encourt pas la censure. 16. En effet, il résulte de ses énonciations que, si Mmes [V] et [I] [H] se trouvaient à proximité du lieu des faits, elles ont suivi un mouvement de foule dont à l'origine elles ignoraient la cause, de sorte qu'elles n'ont pu se croire exposées à une action criminelle ayant pour but de tuer indistinctement un grand nombre de personnes. En conséquence, la possibilité de l'existence d'un préjudice en relation directe avec les infractions poursuivies n'est pas caractérisée (Crim., 15 février 2022, pourvoi n° 21-80.265, publié au Bulletin). 17. Il s'ensuit que le moyen ne peut être accueilli. 18. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme. PAR CES MOTIFS, la Cour, REJETTE les pourvois. DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-quatre janvier deux mille vingt-trois.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° U 21-85.569 F-B 24 JANVIER 2023 M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 24 JANVIER 2023 Le procureur général près la cour d'appel de Rennes, M. [U] [R] et Mme [S] [X], parties civiles, ont formé des pourvois contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de ladite cour d'appel, en date du 10 septembre 2021, qui, dans l'information suivie contre MM. [C] [Y], [L] [H], [T] [I], [J] [W], [N] [F], [A] [K], et la société [2] des chefs d'homicide involontaire et blessures involontaires, a prononcé sur des demandes d'annulation de pièces de la procédure. Les pourvois sont joints en raison de la connexité. Des mémoires, en demande et en défense, ainsi que des observations complémentaires, ont été produits. Sur le rapport de M. Michon, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [U] [R] et de Mme [S] [X], de la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de la société [2], de la SCP Spinosi, avocat de MM. [C] [Y] et [L] [H], et de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de M. [N] [F], et les conclusions de M. Aldebert, avocat général, après débats en l'audience publique du 13 décembre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Michon, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. Le 23 mai 2017, [E] [B], militaire de la marine nationale, est décédé lors d'une mission de plongée au large de [Localité 1]. 3. Sur instruction du procureur de la République du Havre, une enquête a été ouverte pour recherche des causes de la mort. 4. Elle a mis en lumière que les autorités de la marine nationale avaient connaissance d'une augmentation des oedèmes pulmonaires d'immersion depuis le recours au système respiratoire dit « Le crabe », fabriqué par la société [2], et utilisé par [E] [B] le jour de son décès. 5. Le 7 juin 2017, le procureur de la République a ordonné une enquête préliminaire pour homicide involontaire. 6. Le 12 juin 2017, le procureur de la République de Rennes, saisi suite au dessaisissement du procureur de la République du Havre en raison de la nature militaire des faits a, d'une part, adressé une demande d'avis au ministre chargé de la défense au visa de l'article 698-1, alinéa 3, du code de procédure pénale et, d'autre part, délivré un réquisitoire introductif contre personne non dénommée du chef d'homicide involontaire en visant l'urgence à faire procéder à des analyses techniques dans le cadre d'une information judiciaire. 7. Le 14 juin 2017, au visa de l'urgence, le ministre chargé de la défense a émis un avis favorable à l'ouverture d'une information judiciaire, soulignant notamment le « caractère impératif » de l'identification des causes de la mort de [E] [B] et la nécessité de lever les incertitudes sur d'éventuels dysfonctionnements du matériel de plongée. Cet avis a été versé en procédure le 19 juin 2017. 8. Par la suite, le procureur de la République a adressé, les 8 avril et 26 juin 2019, au ministre chargé de la défense des demandes d'avis relatifs aux accidents de plongée dont avaient été victimes M. [L] [R] le 8 février 2018 et M. [Z] [M] le 13 mars 2019, susceptibles de mettre en cause le dispositif de plongée précité. 9. Le ministre a émis deux avis favorables les 26 juin et 11 septembre 2019. 10. Par réquisitoires supplétifs en date des 3 et 26 septembre 2019 du chef de blessures involontaires par manquement manifestement délibéré à une obligation de sécurité ou de prudence, ayant occasionné une incapacité totale de travail supérieure à trois mois, la saisine du juge d'instruction a été étendue à ces deux accidents. 11. Entre mars 2020 et mars 2021, ont été mis en examen MM. [C] [Y], [L] [H], [T] [I], [J] [W], [N] [F], [A] [K], ainsi que la société [2]. 12. Plusieurs personnes mises en examen ont déposé, dans le délai prévu à l'article 173-1 du code de procédure pénale, des requêtes en nullité du réquisitoire introductif et de la procédure subséquente, prises notamment du défaut d'obtention de l'avis du ministre chargé de la défense préalablement à l'engagement de l'action publique. Examen des moyens Enoncé des moyens Sur le moyen unique proposé par le procureur général et sur le moyen unique proposé pour M. [R] et Mme [X] 13. Le moyen est pris de la violation des articles 698-1, 802, 591 et 593 du code de procédure pénale. 14. Le moyen proposé par le procureur général critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a annulé le réquisitoire introductif et les actes de l'information subséquents, notamment les cotes D 60 à D 583, alors : 1°/ que le préalable posé par l'article 698-1 du code de procédure pénale est de solliciter un avis du ministère de la défense et non d'en attendre le retour comme ajoute, à tort, au texte, la décision attaquée ; que la nullité de la procédure, hors flagrance, n'est pas rattachée au caractère préalable de la demande d'avis mais à l'absence d'avis figurant en procédure, absence qui peut en tout état de cause être régularisée et l'a été en l'espèce ; que c'est donc à tort que la chambre de l'instruction a ajouté au texte de l'article 698-1 du code de procédure pénale une obligation pour le ministère public d'obtenir, et non de demander, préalablement à toute poursuite, l'avis du ministre de la défense ; 2°/ que l'article 698-1 du code de procédure pénale n'est ni formellement ni automatiquement exclu du champ d'application de l'article 802 du même code ; que le Conseil Constitutionnel dans sa décision n° 2015-461 QPC du 24 avril 2015 indique que les poursuites peuvent être reprises, après régularisation, par le ministère public, de la demande d'avis initialement omise ; que c'est donc à tort que la chambre de l'instruction a qualifié de nullité d'ordre public le non-respect de la demande d'avis préalable au ministre chargé de la défense ou de l'autorité militaire habilitée par lui, en ajoutant au texte de l'article 698-1 précité. 15. Le moyen proposé pour M. [R] et Mme [X] reproche à l'arrêt attaqué d'avoir prononcé l'annulation du réquisitoire introductif (D 60) et des actes subséquents à savoir : les cotes D 61 à D 583 et l'ensemble des actes et pièces cotées en cotes A, B, C, F, P et S, après qu'il aura été établi une copie certifiée conforme à l'original et classée au greffe de la cour d'appel de Rennes ; dit qu'il sera interdit d'y puiser aucun renseignement contre les parties aux débats et dit qu'il sera fait ensuite retour du dossier au juge d'instruction de Rennes, alors : « 1°/ que l'article 698-1 du code de procédure pénale, qui subordonne les poursuites exercées pour les infractions visées à l'article 697-1 dudit code soit à la dénonciation, soit à l'avis préalable des autorités militaires, ne régit que la mise en mouvement de l'action publique à l'encontre des militaires par le procureur de la République ; qu'une telle exigence n'est dès lors requise que lorsque l'acte déclenchant les poursuites identifie, comme auteurs ou complices possibles de l'infraction eu cause, des militaires ; qu'elle ne s'impose pas lorsque les poursuites visent des personnes non dénommées ; qu'en l'espèce, en prononçant l'annulation du réquisitoire introductif, après avoir pourtant constaté que celui-ci avait été pris contre personne non-dénommée (voir arrêt, p. 6), la chambre de l'instruction a violé l'article 698-1 du code de procédure pénale ; 2°/ qu'en application de l'article 698-1 du code de procédure pénale n'est requis préalablement au déclenchement de l'action publique, que la demande d'avis émise par le procureur de la République au ministre des armées et non la réception d'un tel avis ; qu'en l'espèce, la chambre de l'instruction a constaté que le procureur de la République de Rennes « [avait] pris le soin de solliciter l'avis du ministre des armées le 12 juin 2017 » (arrêt, p. 48), soit concomitamment à son réquisitoire introductif du même jour ; qu'en jugeant pourtant qu'il convenait d'annuler ce réquisitoire en relevant que « l'avis émis le 14 juin 2017 par le ministère des armées a été reçu au parquet de Rennes qui l'a immédiatement adressé par soit-transmis au magistrat instructeur ; qu'il a été côté au dossier de l'instruction postérieurement à l'audition de M. et Mme [B] du 1er août 2017 » (arrêt, p. 48), la chambre de l'instruction a violé l'article 698-1 du code de procédure pénale ; 3°/ que la méconnaissance des formalités requises par l'article 698-1 du code de procédure civile n'est sanctionnée par la nullité que lorsque l'avis sollicité par le procureur de la République auprès du ministre des armées ne figure pas au dossier de la procédure ; qu'en prononçant toutefois la nullité du réquisitoire introductif après avoir pourtant constaté que « l'avis a été émis le 14 juin 2017 par le ministre des armées (?). Il a été côté au dossier de l'instruction postérieurement à l'audition de M. et Mme [B] du 1er août 2017 » (arrêt, p. 48), la chambre de l'instruction a violé l'article 698-1 du code de procédure pénale ; 6°/ que la méconnaissance des dispositions de l'article 698-1 du code de procédure pénale n'est pas sanctionnée par la nullité de l'acte déclenchant les poursuites en cas d'urgence ; qu'en l'espèce, le procureur de la République avait délivré un réquisitoire contre personne non dénommée pour des faits d'homicide involontaire le 12 juin 2017, sans attendre l'avis du ministre de la justice sollicité le même jour, invoquant « l'urgence à faire procéder à des analyses techniques dans le cadre d'une information judiciaire » (réquisitoire introductif ) ; que l'absence de l'avis du ministre de la justice préalablement au déclenchement des poursuites, quoique méconnaissant l'article 698-1 du code de procédure pénale, n'en était ainsi pas sanctionnée par la nullité de ce réquisitoire ; qu'en jugeant du contraire, la chambre de l'instruction a statué par des motifs contradictoires et a violé les articles 593 et 698-1 du code de procédure pénale ; 7°/ que la méconnaissance des dispositions de l'article 698-1 du code de procédure pénale n'est pas sanctionnée par la nullité de l'acte déclenchant les poursuites en cas d'urgence ; qu'en prononçant la nullité du réquisitoire introductif faute pour le procureur de la République de l'avoir délivré après réception de l'avis du ministre des armées, sans se prononcer, ainsi qu'elle y était invitée (réquisitions du procureur général, p. 77), sur la circonstance tirée de l'urgence à faire réaliser diverses analyses techniques et expertises invoquée par celui-ci, la chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 593 et 698-1 du code de procédure pénale ; 8°/ que la formalité prévue par l'article 698-1 du code de procédure pénale, qui ne tend, par l'exigence d'un avis purement consultatif préalable aux poursuites, qu'à une information plus complète de l'autorité de poursuite, n'est pas d'ordre public et est subordonnée à la preuve d'un grief ; qu'en jugeant pourtant que « ces dispositions étant édictées dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, leur méconnaissance est constitutive d'une nullité d'ordre public, à laquelle les dispositions de l'article 802 du code de procédure pénale sont étrangères » (arrêt, p. 48), prononçant l'annulation du réquisitoire introductif sans exiger la preuve d'un grief causé par l'irrégularité qu'elle constatait, la chambre de l'instruction a violé les articles 698-1 et 802 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour 16. Les moyens sont réunis. Sur le moyen proposé par le procureur général, pris en sa première branche, et sur le moyen proposé pour M. [R] et Mme [X], pris en sa deuxième branche 17. Il résulte de l'article 698-1 du code de procédure pénale qu'à défaut de dénonciation du ministre chargé de la défense ou de l'autorité militaire habilitée par lui, le procureur de la République doit demander préalablement à tout acte de poursuite, y compris en cas de réquisitoire contre personne non dénommée, de réquisitoire supplétif ou de réquisitions faisant suite à une plainte avec constitution de partie civile, sauf en cas de crime ou de délit flagrant, l'avis du ministre chargé de la défense ou de l'autorité militaire habilitée par lui. La dénonciation ou l'avis figure au dossier de la procédure, à peine de nullité, sauf si cet avis n'a pas été formulé dans le délai précité ou en cas d'urgence. 18. Il s'ensuit qu'en l'absence de dénonciation et hors hypothèse de crime ou de délit flagrant, aucun acte de poursuite ne peut être valablement ordonné par le procureur de la République avant que l'avis du ministre chargé de la défense ou celui de l'autorité militaire habilitée par lui ne figure au dossier de la procédure, sauf urgence ou si cet avis n'a pas été formulé dans le délai d'un mois à compter de la demande. 19. Dès lors, les griefs, qui reprochent à la chambre de l'instruction d'avoir prononcé la nullité du réquisitoire introductif, alors qu'elle aurait dû déduire de la seule existence de la demande d'avis du procureur de la République le 14 juin 2017 la régularité dudit réquisitoire du même jour, doivent être écartés. Sur le moyen proposé par le procureur général, pris en sa seconde branche, et sur le moyen proposé pour M. [R] et Mme [X], pris en ses troisième et huitième branches 20. En imposant au ministère public de solliciter avant tout acte de poursuite, en cas de crime ou de délit visé par les articles 697-1 ou 697-4 du code de procédure pénale, l'avis du ministre chargé de la défense ou de l'autorité militaire habilitée par lui, le législateur a entendu garantir que puissent, le cas échéant, être portées à la connaissance de l'institution judiciaire les spécificités du contexte militaire des faits à l'origine de la poursuite ou des informations particulières relatives à l'auteur présumé eu égard à son état militaire ou à sa mission (Cons. const., 24 avril 2015, décision n° 2015-461 QPC). 21. Il s'ensuit que, d'une part, la méconnaissance des dispositions précitées de l'article 698-1 du code de procédure pénale, édictées dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, est constitutive d'une nullité d'ordre public, à laquelle les dispositions de l'article 802 du code de procédure pénale sont étrangères, d'autre part, le versement ultérieur en procédure de l'avis de l'autorité compétente du ministère chargé de la défense, dans le cas où celui-ci est exigé avant tout acte de poursuite, ne saurait faire obstacle à l'annulation de tels actes accomplis antérieurement. 22. Dès lors, les griefs qui reprochent à l'arrêt attaqué d'avoir énoncé que la nullité prévue à l'article 698-1 du code de procédure pénale est une nullité d'ordre public ne sont pas fondés. Sur le moyen proposé pour M. [R] et Mme [X], pris en sa première branche 23. Il résulte des termes mêmes de l'alinéa 1er de l'article 698-1 du code de procédure pénale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2011-1862 du 13 décembre 2011 applicable au litige, que même en cas de réquisitoire contre personne non dénommée, le procureur de la République doit demander préalablement à tout acte de poursuite, sauf crime ou délit flagrant, l'avis du ministre chargé de la défense ou de l'autorité militaire habilitée par lui. 24. Ainsi, le grief doit être écarté. Mais sur le moyen proposé pour M. [R] et Mme [X], pris en ses sixième et septième branches Vu l'article 698-1, alinéa 3, du code de procédure pénale : 25. Il se déduit de ce texte, éclairé par les travaux parlementaires de la loi n° 82-621 du 22 juillet 1982, qu'en cas d'urgence, le procureur de la République, dès lors qu'il a demandé l'avis du ministre de la défense ou de l'autorité militaire habilitée par lui, peut, sans attendre le versement en procédure de celui-ci, ordonner tout acte de poursuite. 26. Pour prononcer la nullité du réquisitoire introductif et des actes subséquents, l'arrêt attaqué constate que les premiers éléments de l'enquête permettaient au procureur de la République de Rennes de considérer que l'infraction d'homicide involontaire, dont avait été victime [E] [B], avait été commise par des militaires dans l'exercice de leurs fonctions. 27. Les juges énoncent que, bien que l'avis donné par le ministère de la défense ne soit que consultatif, il constitue un préalable à toute poursuite en l'absence de dénonciation par les autorités militaires, le législateur n'ayant donné au ministère public le pouvoir de passer outre qu'en cas de flagrance ou dans l'hypothèse d'une absence de réponse du ministère chargé de la défense à l'expiration du délai d'un mois à compter de la demande d'avis. 28. Ils relèvent enfin que si le procureur de la République a sollicité l'avis du ministre des armées le 12 juin 2017 en se référant à l'article 698-1 du code de procédure pénale, pour autant, et malgré l'absence de flagrance, il a requis l'ouverture d'une information judiciaire sans attendre le retour de cet avis ou l'expiration du délai d'un mois. 29. En statuant ainsi, la chambre de l'instruction a méconnu le texte susvisé et le principe susénoncé. 30. En effet, il résulte des pièces de la procédure, dont la Cour de cassation a le contrôle, que l'urgence résultait tant des termes du réquisitoire introductif que de l'avis favorable du ministre des armées, peu important qu'elle n'ait pas été visée dans la demande d'avis du procureur de la République. 31. Il s'ensuit que la cassation est encourue de ce chef. PAR CES MOTIFS, la Cour : Sur le pourvoi du procureur général: Le REJETTE ; Sur le pourvoi de M. [R] et Mme [X] : CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Rennes, en date du 10 septembre 2021, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ; RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Rennes et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre janvier deux mille vingt-trois.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° U 22-86.401 FS-B 24 JANVIER 2023 M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 24 JANVIER 2023 M. [E] [V] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 8e section, en date du 19 octobre 2022, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs, notamment, d'importation de stupéfiants en bande organisée, infractions à la législation sur les stupéfiants et associations de malfaiteurs, a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention prolongeant sa détention provisoire. Un mémoire a été produit. Sur le rapport de M. Dary, conseiller, les observations de Me Laurent Goldman, avocat de M. [E] [V], et les conclusions de M. Lemoine, avocat général, après débats en l'audience publique du 24 janvier 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Dary, conseiller rapporteur, Mmes Labrousse, Ménotti, MM. Maziau, Seys, Mme Thomas, Chaline-Bellamy, M. Hill, conseillers de la chambre, M. Violeau, Mme Merloz, conseillers référendaires, M. Lemoine, avocat général, et Mme Sommier, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. Le 20 avril 2021, M. [E] [V] a été mis en examen, notamment, des chefs susvisés et placé en détention provisoire. 3. Son avocate a été convoquée, le 23 septembre 2022, en vue du débat contradictoire de prolongation de la détention provisoire de l'intéressé, fixé au 5 octobre suivant, dont elle a, dès le 26 septembre 2022, sollicité le report en raison de son indisponibilité à la date retenue. 4. Le juge des libertés et de la détention ayant été, ensuite, informé par le greffe du juge d'instruction que M. [V], depuis le 15 septembre précédent, souhaitait désormais se défendre seul, a répondu à l'avocate, par courriel du 27 septembre suivant, que, dès lors qu'elle n'assistait plus celui-ci, il ne serait pas fait droit à sa demande de report du débat. 5. Par ordonnance du 5 octobre 2022, le juge des libertés et de la détention a ordonné la prolongation de la détention provisoire de M. [V]. 6. L'intéressé a relevé appel de cette décision. Examen du moyen Enoncé du moyen 7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a écarté le moyen de nullité du débat contradictoire et a prolongé la détention provisoire de M. [V], alors : « 1°/ qu'afin que soit respecté son droit de disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense, la personne qui assure seule sa défense dans le cadre du débat contradictoire sur la détention provisoire doit être informée de celui-ci au plus tard cinq jours avant sa tenue ; qu'il résulte de la procédure que M. [V], qui assurait seul sa défense, n'a pas été informé préalablement à celle-ci de la tenue du débat contradictoire, de sorte qu'en écartant la nullité de ce débat tirée de l'absence de cette information préalable la chambre de l'instruction a méconnu l'article 6 § 3 b) de la Convention européenne des droits de l'homme ; 2°/ que la personne mise en examen qui n'a pas été convoquée et assure seule sa défense lors du débat contradictoire sur la détention provisoire doit être informée par le juge des libertés et de la détention de la possibilité de demander un renvoi pour préparer sa défense ; que la chambre de l'instruction qui, pour écarter le moyen de nullité tiré de ce que le juge des libertés et de la détention n'avait pas avisé M. [V], qui n'avait pas été convoqué au débat et assurait seul sa défense, de la possibilité qu'il avait de solliciter un renvoi afin de préparer sa défense, s'est retranchée derrière la circonstance qu'il n'avait pas lui-même sollicité le renvoi, a méconnu l'article 6 § 3 b) de la Convention européenne des droits de l'homme. » Réponse de la Cour 8. Pour écarter le moyen de nullité du débat contradictoire de prolongation de la détention provisoire de M. [V], l'arrêt attaqué énonce qu'il ressort du procès-verbal de ce débat que son avocate, régulièrement convoquée, étant absente et M. [V] souhaitant désormais se défendre seul, la demande de report formée par celle-ci, le 26 septembre 2022, était devenue sans objet. 9. Les juges relèvent encore, qu'après avoir été informé par le juge des libertés et de la détention qu'était envisagée la prolongation de sa détention provisoire, M. [V], qui a confirmé qu'il se défendait seul, a répondu aux questions du magistrat puis, après avoir entendu les réquisitions du ministère public, a sollicité le report du débat afin de produire des pièces concernant son projet de sortie de détention. 10. Ils en concluent que, M. [V] n'établissant pas que sa demande de renvoi, formulée après l'ouverture du débat, était fondée sur des motifs qu'il ne pouvait connaître antérieurement, le juge des libertés et de la détention n'était pas tenu d'y répondre. 11. Ils ajoutent que l'intéressé étant informé du motif du débat contradictoire et n'ayant pas sollicité le renvoi pour préparer sa défense, il ne saurait être reproché au juge des libertés et de la détention de ne pas l'avoir avisé de son droit de solliciter un renvoi ou de ne pas l'avoir ordonné d'office. 12. En se déterminant ainsi, la chambre de l'instruction n'a pas méconnu le texte visé au moyen. 13. En effet, il appartenait à M. [V], qui avait décidé de se défendre seul et avait été informé au début du débat contradictoire que celui-ci avait pour objet la prolongation de sa détention provisoire, s'il estimait n'avoir pu bénéficier du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense, de prendre l'initiative de solliciter le report du débat dès son ouverture. 14. Ainsi, le moyen doit être écarté. 15. Par ailleurs, l'arrêt est régulier, tant en la forme qu'au regard des dispositions des articles 137-3 et 143-1 et suivants du code de procédure pénale. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre janvier deux mille vingt-trois.
CASS/JURITEXT000047074145.xml
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° A 21-85.828 FP-B 24 JANVIER 2023 M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 24 JANVIER 2023 Mme [C] [X], partie civile, a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 1re section, en date du 22 septembre 2021, qui, dans l'information suivie contre MM. [M] [H] et [N] [K] des chefs de tentatives d'assassinats en relation avec une entreprise terroriste et association de malfaiteurs terroriste, a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction déclarant irrecevable sa constitution de partie civile. Un mémoire a été produit. Sur le rapport de M. Dary, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de Mme [C] [X], et les conclusions de M. Quintard, avocat général, après débats en l'audience publique du 17 novembre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Dary, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, M. de Larosière de Champfeu, Mmes Ingall-Montagnier, Labrousse, MM. d'Huy, Wyon, Mmes Ménotti, Leprieur, Sudre, Goanvic, M. Sottet, conseillers de la chambre, M. Leblanc, Mmes Guerrini, Chafaï, M. Michon, conseillers référendaires, M. Quintard, avocat général, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. Le 17 août 2017, vers 17 heures, une fourgonnette a fait irruption sur la place de Catalogne à Barcelone, avant de remonter l'avenue [Adresse 1], artères touristiques de la ville, fonçant dans la foule, faisant quatorze morts et plus d'une centaine de blessés. Le conducteur a pris la fuite avant d'être tué par des policiers quatre jours plus tard. L'organisation dite « Etat islamique » a revendiqué cet attentat. 3. Une information judiciaire a été ouverte à [Localité 2] des chefs susvisés, des ressortissants français ayant été blessés. 4. Mme [C] [X] s'est constituée partie civile, faisant valoir un préjudice psychologique. 5. Le juge d'instruction a déclaré cette constitution de partie civile irrecevable. 6. Mme [X] a relevé appel de cette décision. Examen du moyen Enoncé du moyen 7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré irrecevable la constitution de partie civile de Mme [X], alors : « 1°/ que l'action civile appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l'infraction ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu qu' « il ressort des explications précises données par Mme [X] qu'après y être descendue, elle se trouvait devant la station de métro et que la camionnette est passée derrière sur sa droite » et que son traumatisme était « indéniable » ; qu'en retenant pourtant, pour déclarer sa constitution de partie civile irrecevable, que Mme [X] n'avait pas été « directement et immédiatement exposée au risque de mort ou de blessure recherché par le conducteur de la camionnette » et que son traumatisme relevait de celui des témoins des conséquences de l'infraction et non d'une victime directe, la chambre de l'instruction qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les articles 2, 3, 85 et 593 du code de procédure pénal ; 2°/ que l'action civile appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l'infraction ; qu'en se fondant, pour retenir que Mme [X] n'avait pas été directement et immédiatement exposée au risque de mort ou de blessure recherché par le terroriste et déclarer sa constitution de partie civile irrecevable, sur le fait qu'elle ne s'était pas trouvée dans la trajectoire même de la camionnette, quand cette seule circonstance n'était pas de nature à exclure toute intention homicide à son encontre de la part du terroriste dans un attentat visant à tuer le plus de personnes possibles présentes sur la rambla, la chambre de l'instruction a privé sa décision de base légale au regard des articles 2, 3 et 85 du code de procédure pénale ; 3°/ qu'une constitution de partie civile est recevable dès lors que le préjudice invoqué découle des faits objets des poursuites ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu que le traumatisme de Mme [X] était « indéniable » ; qu'en subordonnant la recevabilité de sa constitution de partie civile à la preuve qu'elle avait été directement et immédiatement exposée à l'intention homicide du terroriste, quand il suffisait que Mme [X] puisse se prévaloir d'un préjudice qui découlait des faits poursuivis, la chambre de l'instruction a violé les articles 2, 3 et 85 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour 8. Pour confirmer l'ordonnance du juge d'instruction ayant déclaré la constitution de partie civile de Mme [X] irrecevable, l'arrêt attaqué reprend les premières déclarations de celle-ci selon lesquelles elle se trouvait, à l'heure des faits, sur La Rambla, a vu arriver de sa droite une camionnette à vive allure, a pensé qu'en raison de sa vitesse elle pouvait blesser quelqu'un, a entendu « une vague de bruit » l'ayant pétrifiée, puis a été entraînée par un tiers dans un restaurant d'où elle a pu voir des personnes allongées sur le sol, qu'elle a pensé endormies, des ambulances et des policiers. 9. Les juges, se fondant sur les déclarations ultérieures de l'intéressée, énoncent qu'il ressort de ces explications que la camionnette est passée derrière l'intéressée sans qu'elle se soit trouvée sur sa trajectoire, même si elle a pu voir des gens au sol, ressentir le mouvement et le bruit de la foule avant d'être entraînée par un tiers vers un restaurant. 10. Ils en concluent que le traumatisme indéniable de la plaignante correspond à celui vécu par les témoins des conséquences de l'infraction, et non au préjudice d'une victime directe au sens de l'article 2 du code de procédure pénale. 11. C'est à tort que, pour estimer que le préjudice allégué n'était pas en relation directe avec les infractions commises, les juges ont relevé que l'intéressée ne s'était pas trouvée sur la trajectoire de la camionnette. 12. Néanmoins, l'arrêt n'encourt pas la censure. 13. En effet, il résulte de ses énonciations que, si Mme [X] se trouvait à proximité, elle n'a pas été en situation de prendre la mesure des faits qui étaient en train de se dérouler, de sorte qu'elle ne s'est pas crue exposée à une action criminelle ayant pour objet de tuer indistinctement un grand nombre de personnes. En conséquence, la possibilité de l'existence d'un préjudice en relation directe avec les infractions poursuivies n'est pas caractérisée (Crim., 15 février 2022, pourvoi n° 21-80.265, publié au Bulletin). 14. Dès lors, le moyen doit être écarté. 15. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-quatre janvier deux mille vingt-trois.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° Z 21-86.839 F-B 25 JANVIER 2023 M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 25 JANVIER 2023 M. [T] [R] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, chambre 5-1, en date du 3 novembre 2021, qui, sur renvoi après cassation (Crim., 14 octobre 2020, pourvoi n° 19-83.247) pour aide à l'entrée irrégulière d'un étranger en France, l'a condamné à 3 000 euros d'amende avec sursis. Un mémoire a été produit. Sur le rapport de M. Brugère, conseiller, les observations de la SCP Spinosi, avocat de M. [T] [R], et les conclusions de Mme Mathieu, avocat général, après débats en l'audience publique du 14 décembre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Brugère, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et Mme Coste-Floret, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. Le 18 janvier 2018, M. [T] [R], qui conduisait son véhicule, depuis la frontière italienne vers [Localité 1], a été contrôlé par les fonctionnaires de la police aux frontières. Il avait pour passager une personne de nationalité éthiopienne, démunie de document lui permettant d'entrer et de séjourner en France. 3. M. [R] a reconnu avoir pris en charge ce ressortissant étranger à Vintimille et lui avoir fait traverser la frontière dans son véhicule, afin de le conduire à la gare de [Localité 1]. 4. Il a été poursuivi pour aide à l'entrée irrégulière d'un étranger sur le territoire national. 5. Par jugement du 14 mars 2018, il a été relaxé. 6. Le ministère public a relevé appel de cette décision. Examen des moyens Sur le troisième moyen 7. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Sur le premier moyen Enoncé du moyen 8. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté l'exception de nullité tirée de l'irrégularité de l'interpellation de M. [R], alors « que la régularité d'un contrôle d'identité doit s'apprécier au regard du fondement juridique sur lequel ceux qui l'ont réalisé entendaient agir, de sorte qu'il leur revient nécessairement de faire figurer dans leur procès-verbal le fondement légal précis de leur intervention afin que puisse être vérifié le respect des conditions relatives ; qu'en se bornant, pour rejeter le moyen de nullité tiré de cette irrégularité, à faire état des circonstances de fait de l'interpellation dont elle déduit que « le contrôle du véhicule et de ses occupants était justifié au regard des dispositions de l'article 78-2 du code de procédure pénale », lorsque de telles déductions, effectuées a posteriori, ne sauraient pallier l'irrégularité résultant de l'absence en procédure de mention du fondement légal précis sur lequel cette intervention a été effectuée, la cour d'appel a violé les articles 78-2, 591 et 593 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour 9. Pour écarter l'exception de nullité du contrôle d'identité, l'arrêt attaqué énonce qu'il résulte du procès-verbal d'interpellation du prévenu que celui-ci a été contrôlé, au volant de son automobile, sur l'autoroute, venant de l'Italie et se dirigeant vers Nice, par des policiers qui ont vu, à l'arrière du véhicule, un homme couché derrière le siège du conducteur, dissimulé par le dossier de la banquette arrière, replié sur lui. 10. La juridiction du second degré en déduit que les policiers ont ainsi pu estimer possible que les deux hommes à l'intérieur du véhicule avaient commis ou tenté de commettre une infraction, ce qui justifie la légalité du contrôle, sur le fondement de l'article 78-2 du code de procédure pénale. 11. En l'état de ces énonciations qui établissent, de manière précise, les conditions dans lesquelles le contrôle a été effectué, et permettent d'apprécier sa régularité, la cour d'appel a justifié sa décision, aucune disposition n'imposant, à peine de nullité du contrôle, que le texte qui l'autorise soit visé à la procédure. 12. Dès lors, le moyen doit être écarté. Sur le deuxième moyen Enoncé du moyen 13. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. [R] coupable du chef d'aide à l'entrée irrégulière d'un étranger sur le territoire, alors : « 1°/ que la Cour de justice de l'Union Européenne a exclu l'établissement par les Etats membres d'une répression pénale spécifique à l'encontre d'un individu ayant irrégulièrement franchi une frontière intérieure, au sens du code frontières Schengen ; qu'il s'en déduit qu'aucune répression spécifique ne saurait être établie à l'encontre d'un individu qui aide au franchissement irrégulier d'une frontière intérieure, à tout le moins lorsque c'est à des fins humanitaires qu'il procède à de tels agissements, dans la mesure où son action ne contribue pas à la création d'une situation susceptible d'être pénalement réprimée selon les exigences du droit de l'Union européenne ; qu'en entrant en voie de condamnation à l'encontre de M. [R] pour avoir aidé, dans un but humanitaire, un individu à franchir irrégulièrement une frontière intérieure, au sens du code frontières Schengen, la cour d'appel a méconnu les principes susvisés, ensemble la Charte des droits fondamentaux et la directive 2002/90 du 28 novembre 2002 ; 2°/ qu'il s'évince de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, et plus particulièrement des arrêts n° C-47/15 du 7 juin 2016 et n° C-239/11 du 6 décembre 2011, que celle-ci retient un traitement pénal similaire à l'égard de l'étranger qui séjourne irrégulièrement sur le territoire d'un Etat membre, d'une part, et de celui qui a franchi irrégulièrement une frontière intérieure, d'autre part ; qu'il s'en déduit l'impossibilité de traiter différemment les individus qui se rendent coupables d'aide à ces mêmes agissements, en particulier à des fins humanitaires ; qu'en entrant en voie de condamnation à l'encontre de M. [R] pour avoir aidé, dans un cadre humanitaire, un individu à franchir irrégulièrement une frontière intérieure, au sens du code frontières Schengen, excluant ce faisant l'immunité humanitaire prévue pour les faits d'aide au séjour irrégulier apportée dans un cadre humanitaire, la cour d'appel a méconnu les principes susvisés, ensemble le principe de non-discrimination tel qu'il résulte de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; 3°/ qu'il existe une difficulté sérieuse d'interprétation des normes européennes applicables au présent litige qu'il appartiendrait à la Cour de cassation de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle pour la résoudre. » Réponse de la Cour 14. Pour refuser de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle portant sur la conformité au droit de l'Union de la répression pénale de l'aide au franchissement irrégulier d'une frontière dans un but humanitaire, la cour d'appel énonce que l'article 1er de la directive 2002/90/CE du Conseil du 28 novembre 2002 définissant l'aide à l'entrée, au transit et au séjour irréguliers, prévoit que chaque Etat membre adopte les sanctions appropriées à l'encontre de quiconque aide sciemment une personne non ressortissante d'un Etat membre à pénétrer sur le territoire d'un Etat membre ou d'y transiter en violation de sa législation relative à l'entrée et au séjour des étrangers, un Etat membre pouvant exclure le prononcé de sanction si ce comportement vise à apporter une aide humanitaire. 15. Elle ajoute que le demandeur ne se trouve pas dans la situation d'un étranger en séjour irrégulier, qui ne peut faire l'objet de poursuites pénales tant que la procédure administrative d'éloignement engagée à son égard n'est pas conduite à son terme. 16. Elle en déduit l'absence de contradiction entre les dispositions de l'article L. 622-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et la directive susvisée. 17. En prononçant ainsi, et en déclarant le prévenu coupable d'aide à l'entrée irrégulière d'un étranger, après avoir constaté qu'il avait pris en charge dans son véhicule pour franchir la frontière, depuis l'Italie, un étranger démuni de titre lui permettant l'entrée et le séjour en France, la cour d'appel a fait l'exacte application des dispositions du droit de l'Union et du droit interne. 18. En effet, d'une part, l'article 1er de la directive 2002/90/CE du Conseil du 28 novembre 2002 permet de réprimer l'aide apportée à l'entrée irrégulière sur le territoire d'un Etat de l'Union, sans imposer d'immunité en cas de poursuite d'un but humanitaire. 19. D'autre part, l'interdiction de poursuivre pénalement un étranger qui fait l'objet d'une procédure d'éloignement en cours, n'interdit pas de poursuivre pénalement une personne qui a aidé cet étranger à franchir une frontière d'un Etat de l'Union, et qui, elle-même, ne fait pas l'objet d'une procédure d'éloignement, compte tenu de la différence de leurs situations respectives. 20. Par ailleurs, la personne qui, dans un but humanitaire, apporte une aide à l'entrée sur le territoire français, favorise la commission d'une infraction, ce qui explique qu'elle ne puisse bénéficier de l'immunité prévue en cas d'aide, poursuivant le même but, apportée au séjour et à la circulation. 21. Enfin, l'interprétation des règles communautaires s'impose ainsi avec une évidence qui ne laisse pas place à un doute raisonnable, ce qui justifie de rejeter la demande de transmission à la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle. 22. Le moyen ne peut donc être accueilli. 23. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme. PAR CES MOTIFS, la Cour : DIT n'y avoir lieu à transmettre une question préjudicielle à la Cour de justice de l'Union européenne ; REJETTE le pourvoi. Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq janvier deux mille vingt-trois.
CASS/JURITEXT000047074156.xml
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° F 22-83.997 F-B 25 JANVIER 2023 M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 25 JANVIER 2023 M. [Y] [C] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Caen, chambre correctionnelle, en date du 3 novembre 2021, qui, pour propositions sexuelles faites à un mineur de quinze ans en utilisant un moyen de communication électronique aggravées, consultation habituelle de site présentant des images à caractère pornographique de mineurs, et détention de représentations pornographiques de mineurs, a prononcé une mesure de confiscation. Un mémoire personnel a été produit. Sur le rapport de M. Mallard, conseiller référendaire, et les conclusions de Mme Mathieu, avocat général, après débats en l'audience publique du 14 décembre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Mallard, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et Mme Coste-Floret, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. En janvier 2021, M. [Y] [C] est entré en relation, sur un site internet, avec un enquêteur en charge d'une opération de cyber-infiltration tendant à lutter contre la pédophilie en ligne, se faisant passer pour une fillette âgée de 12 ans. 3. Le 2 février 2021, il s'est rendu, en voiture, sur le lieu de rendez-vous qu'il avait fixé, en ligne, avec son interlocuteur, en vue d'avoir une relation sexuelle, et a été interpellé. 4. Il a fait l'objet d'une convocation des chefs précités devant le tribunal qui l'en a déclaré coupable, l'a condamné à deux ans d'emprisonnement avec sursis, dix ans d'interdiction professionnelle, et a ordonné la confiscation, notamment, de son véhicule. 5. Le prévenu a relevé appel de cette décision, limitant son recours à la confiscation. Le ministère public a formé appel incident. Examen du moyen Enoncé du moyen 6. Le moyen est pris de la violation des articles 227-22-1 et 227-29 du code pénal. 7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé la mesure de confiscation du véhicule, aux motifs que ce dernier a permis la rencontre avec la supposée victime, de sorte qu'il a servi à commettre l'infraction, alors que celle-ci, prévue à l'article 227-22-1 du code pénal, vise les propositions sexuelles à un mineur de quinze ans en utilisant un moyen de communication électronique, et non la rencontre. Réponse de la Cour 8. Pour confirmer la mesure de confiscation du véhicule, l'arrêt attaqué énonce que cette peine complémentaire, prévue par l'article 131-21 du code pénal, est spécifiquement encourue, aux termes de l'article 227-29 du même code, par les personnes coupables du délit d'incitation d'un mineur, par un moyen de communication électronique, à commettre tout acte de nature sexuelle, y compris si cette incitation n'a pas été suivie d'effet, et porte sur la chose qui a servi ou était destinée à commettre l'infraction ou la chose qui en est le produit. 9. Les juges rappellent que M. [C] est entré en relation sur un site internet avec un enquêteur ayant initié une opération de cyber-infiltration, habilité à cet effet, s'étant présenté sous un pseudonyme correspondant à une fillette âgée de 12 ans, et qu'il a donné à la fillette fictive un rendez-vous pour une rencontre qui, selon lui, avait pour but une relation sexuelle. 10. Ils ajoutent qu'il est venu à ce rendez-vous avec son véhicule automobile et que, si l'ordinateur a permis les échanges, seul le véhicule automobile a permis la rencontre projetée. 11. Ils en concluent qu'il existe un lien entre le déplacement par le véhicule automobile et l'incitation à commettre des actes de nature sexuelle, que la rencontre avait pour objet de concrétiser, et que le véhicule automobile du prévenu a donc servi à commettre l'infraction. 12. En l'état de ces constatations, procédant de son pouvoir souverain d'appréciation, la cour d'appel a justifié sa décision. 13. En effet, elle a établi, sans insuffisance ni contradiction, que le véhicule avait permis la commission de l'infraction poursuivie, en ce que cette dernière était aggravée par la circonstance selon laquelle les propositions sexuelles ont été suivies d'une rencontre avec la personne se présentant comme un mineur de quinze ans, peu important que l'usage de ce bien n'ait pas été déterminant de la commission des faits. 14. Ainsi, le moyen n'est pas fondé. 15. Par ailleurs l'arrêt est régulier en la forme. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi. Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq janvier deux mille vingt-trois.
CASS/JURITEXT000047074158.xml
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° V 22-83.435 F-B 25 JANVIER 2023 M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 25 JANVIER 2023 Le procureur général près la cour d'appel de Riom a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'application des peines de ladite cour d'appel, en date du 26 avril 2022, qui a prononcé sur un sursis probatoire. Un mémoire a été produit. Sur le rapport de Mme Guerrini, conseiller référendaire, et les conclusions de Mme Mathieu, avocat général, après débats en l'audience publique du 14 décembre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Guerrini, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et Mme Coste-Floret, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. Par jugement contradictoire du 6 juin 2019, le tribunal correctionnel a déclaré M. [S] [F] coupable de faits de diffusion de message violent, pornographique ou contraire à la dignité accessible à un mineur, et l'a condamné à dix-huit mois d'emprisonnement dont douze mois assortis du sursis probatoire pendant deux ans. 3. Par jugement du 3 février 2022, le juge de l'application des peines a révoqué l'intégralité de ce sursis probatoire. Pour justifier cette décision, le jugement relève que, lors de sa condamnation, le demandeur a été averti, par le président de la juridiction, des obligations auxquelles il était astreint et des conséquences de leur manquement. Pour révoquer ce sursis, le juge de l'application des peines a pris en considération, d'une part, la commission, par le demandeur, d'infractions pénales le 17 août 2020 et le 10 décembre 2020, au cours du délai d'épreuve, et, d'autre part, la circonstance qu'il n'a suivi qu'à compter de 2021 les soins auxquels il était astreint. 4. M. [F] et le ministère public ont relevé appel de cette décision. Examen du moyen Enoncé du moyen 5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a infirmé la décision du juge de l'application des peines de révocation du sursis probatoire de M. [F], au motif que les manquements aux obligations, et les nouvelles infractions, retenus par le premier juge ont été commis avant que lui soient notifiées les obligations de la mise à l'épreuve, de sorte que jusqu'à cette date, ils ne pouvaient être pris en compte, alors que ces manquements doivent s'apprécier à compter du caractère exécutoire de la condamnation, de même que les nouvelles infractions commises pendant le délai d'épreuve, la notification des obligations par le juge de l'application des peines prévue à l'article R. 59 du code de procédure pénale n'étant que facultative, outre que M. [F] présent à l'audience de jugement, avait reçu notification de ses obligations par le président du tribunal correctionnel. Réponse de la Cour Vu les articles 132-41 du code pénal, 742 et R. 59 du code de procédure pénale : 6. Selon le premier de ces textes, lorsque la juridiction de jugement ne prononce pas l'exécution provisoire, la probation est applicable à l'expiration des délais d'appel du ministère public et du prévenu. 7. Selon le troisième, le juge de l'application des peines peut convoquer le condamné pour lui rappeler les obligations particulières auxquelles il est soumis et lui notifier, le cas échéant, des obligations particulières qu'il ordonne. 8. Selon le deuxième, lorsque le condamné ne se soumet pas aux mesures de contrôle ou aux obligations particulières auxquelles il est astreint au titre de la probation, ou lorsqu'il a commis une infraction suivie d'une condamnation à l'occasion de laquelle la révocation du sursis n'a pas été prononcée, le juge de l'application des peines peut ordonner la prolongation du délai de probation ou révoquer en partie ou en totalité le sursis. 9. Pour infirmer le jugement et ordonner la prolongation du délai d'épreuve pour une durée d'un an, la chambre de l'application des peines énonce que le juge de l'application des peines ne pouvait prendre en considération les infractions pénales commises par le condamné avant le 15 décembre 2020, date à laquelle les obligations du jugement de condamnation lui ont été notifiées, ni ses manquements, avant cette date, aux obligations auxquelles il était astreint, au titre de la probation. 10. En prononçant ainsi, alors que les obligations auxquelles le condamné était astreint ont été portées à sa connaissance lors du prononcé du jugement de condamnation du 6 juin 2019 et sont devenues exécutoires à l'expiration du délai d'appel contre celui-ci, indépendamment de la notification qui lui a été faite de nouveau le 15 décembre 2020 par le juge de l'application des peines, la chambre de l'application des peines a méconnu les textes susvisés. 11. La cassation est, dès lors, encourue. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'application des peines de la cour d'appel de Riom, en date du 26 avril 2022, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'application des peines de la cour d'appel de Lyon, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'application des peines de la cour d'appel de Riom et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé. Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq janvier deux mille vingt-trois.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° W 22-83.344 F-B N° 00092 ECF 25 JANVIER 2023 M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 25 JANVIER 2023 M. [F] [Y] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Rennes, 12e chambre, en date du 26 avril 2022, qui, pour agressions sexuelles aggravées, l'a condamné à dix-huit mois d'emprisonnement avec sursis, trois ans de suivi socio-judiciaire et dix ans d'interdiction professionnelle. Un mémoire a été produit. Sur le rapport de M. Mallard, conseiller référendaire, les observations de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de M. [F] [Y], et les conclusions de Mme Mathieu, avocat général, après débats en l'audience publique du 14 décembre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Mallard, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et Mme Coste-Floret, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. M. [F] [Y], enseignant au collège de [Localité 1], a fait l'objets de poursuites du chef d'agressions sexuelles commises sur deux élèves, mineures de quinze ans, [T] [U] et [B] [L] 3. Par jugement du 17 septembre 2019, le tribunal correctionnel a relaxé M. [Y], a déclaré irrecevables les constitutions de partie civile, et ordonné la confiscation des scellés. 4. Le ministère public et les parties civiles ont relevé appel de ce jugement. Examen des moyens Sur les premier et quatrième moyens et le deuxième moyen, pris en sa première branche 5. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Mais sur le deuxième moyen, pris en sa seconde branche, et le troisième moyen Enoncé des moyens 6. Le deuxième moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. [Y] coupable d'atteintes sexuelles commises par violence, contrainte, menace ou surprise sur la personne de [B] [L], alors : « 2°/ que le juge répressif ne peut prononcer une peine sans avoir relevé tous les éléments constitutifs de l'infraction qu'il réprime ; qu'en se bornant à relever, pour entrer en voie de condamnation à l'encontre du prévenu, que [B] [L] n'avait aucun motif de porter des accusations d'attouchement à l'encontre de son professeur, sans mieux s'expliquer sur le caractère volontaire du geste reproché au prévenu lorsqu'elle constatait que la plaignante avait elle-même indiqué aux gendarmes qu' « elle avait pensé « qu'il n'avait pas vraiment fait exprès » et que ce n'était que suite aux révélations de [T] [U] qu'elle avait pensé qu'il voulait « faire la même chose » », la cour d'appel a violé les articles 222-22, 222-29-1 du code pénal et 593 du code de procédure pénale. » 7. Le troisième moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. [Y] coupable d'atteintes sexuelles commises par violence, contrainte, menace ou surprise sur les personnes de [T] [U] et de [B] [L], alors « que le juge répressif ne peut prononcer une peine sans avoir relevé tous les éléments constitutifs de l'infraction qu'il réprime ; que le délit d'agression sexuelle suppose la commission d'une atteinte sexuelle avec violence, contrainte, menace ou surprise ; qu'en se bornant à constater, pour déclarer le prévenu coupable d'agression sexuelle, que les victimes étaient âgées de 12 et 13 ans au moment des faits et que lesdits faits ont été commis par leur professeur, sans mieux expliquer en quoi les agressions sexuelles auraient été commises avec violence, contrainte, menace ou surprise, la cour d'appel a violé les articles 222-22, 222-29-1 du code pénal et 593 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour 8. Les moyens sont réunis. Vu l'article 485 du code de procédure pénale : 9. Selon ce texte, tout jugement de condamnation doit constater, à la charge du prévenu, l'existence de chacun des éléments constitutifs de chacune des infractions dont il le déclare coupable. 10. Pour dire établis les délits d'agression sexuelle, l'arrêt attaqué rappelle que les déclarations des victimes, qui n'avaient aucune raison de porter de fausses accusations, sont précises et circonstanciées, qu'elles coïncident, pour l'une d'entre elles, avec des symptômes de traumatisme réactionnel objectivés par une expertise, et qu'elles s'inscrivent dans un contexte plus large d'autres révélations sur le comportement inapproprié du prévenu à l'endroit de plusieurs jeunes collégiennes. 11. Les juges en concluent qu'il résulte de la procédure et des débats la preuve suffisante que le prévenu a bien commis une agression sexuelle sur les deux victimes. 12. En se déterminant ainsi, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision pour les motifs qui suivent. 13. En premier lieu, les juges n'ont pas établi le caractère intentionnel de l'atteinte commise à l'égard de [B] [L]. 14. En second lieu, ils n'ont pas caractérisé en quoi les atteintes sexuelles auraient été commises sur les deux victimes avec violence, contrainte, menace ou surprise. 15. La cassation est par conséquent encourue. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Rennes, en date du 26 avril 2022, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ; RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Rennes, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Rennes, et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé. Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq janvier deux mille vingt-trois. Sur l'obligation pour les juges du fond de caractériser en quoi les actes reprochés ont été commis avec violence, menace, contrainte ou surprise :Crim., 17 mars 1999, pourvoi n° 98-83.799, Bull. crim. 1999, n° 49 ;Crim., 10 mai 2001, pourvoi n° 00-87.659, Bull. crim. 2001, n° 116.