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CASS/JURITEXT000046760827.xml
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 14 décembre 2022 Cassation partielle Mme TEILLER, président Arrêt n° 885 FS-B+R Pourvoi n° S 21-21.305 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 14 DÉCEMBRE 2022 1°/ la société Architecture technique environnement (ATE), société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], 2°/ la société Mutuelle des architectes français (MAF), dont le siège est [Adresse 2], ont formé le pourvoi n° S 21-21.305 contre l'arrêt rendu le 28 mai 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 6), dans le litige les opposant : 1°/ à la société Archibald, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3], pris en qualité de mandataire liquidateur de la société Arcade Ingénierie, 2°/ à la société Arcade ingénierie, dont le siège est [Adresse 5], 3°/ à la société l'Auxiliaire, dont le siège est [Adresse 4], défenderesses à la cassation. Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Zedda, conseiller référendaire, les observations de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de la société Architecture technique environnement et de la société Mutuelle des architectes français, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de la société l'Auxiliaire, et l'avis de M. Brun, avocat général, après débats en l'audience publique du 8 novembre 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Zedda, conseiller référendaire rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, Mme Farrenq-Nési, MM. Jacques, Boyer, Mme Abgrall, conseillers, Mmes Djikpa, Brun, conseillers référendaires, M. Brun, avocat général, et Mme Besse, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Déchéance du pourvoi examinée d'office 1. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 978 du même code. Vu l'article 978 du code de procédure civile : 2. Il résulte de ce texte qu'à peine de déchéance, le mémoire en demande doit être signifié au défendeur n'ayant pas constitué avocat au plus tard dans le mois suivant l'expiration du délai de quatre mois à compter du pourvoi. 3. La société Architecture technique environnement (la société ATE) et la Mutuelle des architectes français (la MAF) n'ont pas signifié le mémoire ampliatif à la société Arcade ingénierie ni à la société Archibald, prise en sa qualité de liquidateur de la société Arcade ingénierie. 4. Il s'ensuit que la déchéance du pourvoi principal doit être constatée à l'égard de ces sociétés. Faits et procédure 5. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 28 mai 2021), l'office public de l'habitat d'Aubervilliers (l'OPH) a confié au groupement constitué notamment de la société ATE, assurée auprès de la MAF, la maîtrise d'oeuvre de travaux de restructuration et de réhabilitation d'un immeuble. 6. La société Arcade développement, devenue Arcade ingénierie, assurée auprès de la société L'Auxiliaire, est intervenue en qualité de sous-traitant de la société ATE. 7. La réception a eu lieu le 2 novembre 2008. 8. Se plaignant de désordres, l'OPH a, sur requête adressée le 13 septembre 2011 au tribunal administratif, obtenu la désignation d'un expert par ordonnance du 1er décembre 2011. 9. Par jugement du 19 janvier 2016, confirmé par arrêt de la cour administrative d'appel du 15 mars 2018, la société ATE a été condamnée, avec d'autres constructeurs, à payer à l'OPH une certaine somme pour remédier aux désordres. 10. Par acte du 6 mars 2018, la société ATE et la MAF ont assigné la société Archibald, ès qualités, et la société L'Auxiliaire pour que celle-ci soit condamnée à leur rembourser les sommes qu'elles avaient payées à l'OPH. Examen du moyen Enoncé du moyen 11. La société ATE et la MAF font grief à l'arrêt de déclarer irrecevables comme prescrites les demandes formées contre la société L'Auxiliaire, alors « que le recours d'un constructeur contre un autre constructeur ou son sous-traitant se prescrit par cinq ans à compter du jour où le premier a fait l'objet de la demande indemnitaire qui motive ce recours ; que ce délai ne peut courir à compter d'une requête en référé expertise ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu, pour déclarer irrecevable l'action exercée par la société ATE et la MAF contre la compagnie l'Auxiliaire au mois de mars 2018, que la prescription avait commencé à courir à compter de la requête en référé-expertise adressée par l'OPH d'Aubervilliers au tribunal administratif de Montreuil, soit le 13 septembre 2011 ; qu'en statuant ainsi, alors que le point de départ du délai était la date à laquelle l'OPH d'Aubervilliers avait formé contre la société ATE une demande indemnitaire devant le tribunal administratif de Montreuil, soit le 28 novembre 2014, de sorte que l'action formée au mois de mars 2018 n'était pas prescrite, la cour d'appel a violé l'article 2224 du code civil. » Réponse de la Cour Vu les articles 2219 et 2224 du code civil et l'article L. 110-4, I, du code de commerce : 12. Aux termes du premier de ces textes, la prescription extinctive est un mode d'extinction d'un droit résultant de l'inaction de son titulaire pendant un certain laps de temps. 13. Il résulte des deux derniers que les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. 14. Par un arrêt rendu le 16 janvier 2020 (3e Civ., 16 janvier 2020, pourvoi n° 18-25.915, publié), la troisième chambre civile a jugé, d'une part, que le recours d'un constructeur contre un autre constructeur ou son sous-traitant relevait des dispositions de l'article 2224 de code civil et se prescrivait par cinq ans à compter du jour où le premier avait connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer, d'autre part, que tel était le cas d'une assignation en référé-expertise délivrée par le maître de l'ouvrage à l'entrepreneur principal, laquelle mettait en cause la responsabilité de ce dernier. 15. Cette dernière règle oblige cependant les constructeurs, dans certains cas, à introduire un recours en garantie contre d'autres intervenants avant même d'avoir été assignés en paiement par le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, dans le seul but d'interrompre la prescription. En effet, même lorsqu'ils ont interrompu la prescription en formant eux-mêmes une demande d'expertise contre les autres intervenants à l'opération de construction, le délai de cinq ans qui, après la suspension prévue par l'article 2239 du code civil, recommence à courir à compter du jour où la mesure d'expertise a été exécutée, peut expirer avant le délai de dix ans courant à compter de la désignation de l'expert, pendant lequel le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage peuvent agir en réparation de leurs préjudices. 16. La multiplication de ces recours préventifs, qui nuit à une bonne administration de la justice, conduit la Cour à modifier sa jurisprudence. 17. Le constructeur ne pouvant agir en garantie avant d'être lui-même assigné aux fins de paiement ou d'exécution de l'obligation en nature, il ne peut être considéré comme inactif, pour l'application de la prescription extinctive, avant l'introduction de ces demandes principales. 18. Dès lors, l'assignation, si elle n'est pas accompagnée d'une demande de reconnaissance d'un droit, ne serait-ce que par provision, ne peut faire courir la prescription de l'action du constructeur tendant à être garanti de condamnations en nature ou par équivalent ou à obtenir le remboursement de sommes mises à sa charge en vertu de condamnations ultérieures. 19. La jurisprudence nouvelle s'applique à l'instance en cours, dès lors qu'elle ne porte pas une atteinte disproportionnée à la sécurité juridique de la société L'Auxiliaire tout en préservant le droit d'accès au juge de la société ATE et de la MAF. 20. Pour déclarer irrecevables les demandes de la société ATE et de la MAF, l'arrêt relève que ces sociétés ont assigné la société L'Auxiliaire en mars 2018, plus de cinq années après le 13 septembre 2011, date à laquelle la requête aux fins d'expertise les concernant avait été adressée au tribunal administratif par le maître de l'ouvrage, sans qu'il soit fait état d'aucun acte interruptif entre ces deux dates. 21. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que l'assignation avait été délivrée à la société L'Auxiliaire par la société ATE et la MAF moins de cinq ans après la requête de l'OPH adressée à la juridiction administrative aux fins d'indemnisation de ses préjudices, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, la Cour : CONSTATE la déchéance du pourvoi en tant qu'il est dirigé contre la société Arcade ingénierie et la société Archibald, prise en sa qualité de liquidateur de la société Arcade ingénierie ; CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevables les demandes formées par la Mutuelle des architectes français et la société Architecture technique environnement pour prescription, l'arrêt rendu le 28 mai 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ; Condamne la société l'Auxiliaire aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze décembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat aux Conseils, pour la société Architecture technique environnement et la société Mutuelle des architectes français La société Ate et la Maf font grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevables comme prescrites les demandes formées contre la société l'Auxiliaire ; Alors que le recours d'un constructeur contre un autre constructeur ou son sous-traitant se prescrit par cinq ans à compter du jour où le premier a fait l'objet de la demande indemnitaire qui motive ce recours ; que ce délai ne peut courir à compter d'une requête en référé expertise ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu, pour déclarer irrecevable l'action exercée par la société Ate et la Maf contre la compagnie l'Auxiliaire au mois de mars 2018, que la prescription avait commencé à courir à compter de la requête en référé-expertise adressée par l'OPH d'Aubervilliers au tribunal administratif de Montreuil, soit le 13 septembre 2011 ; qu'en statuant ainsi, alors que le point de départ du délai était la date à laquelle l'OPH d'Aubervilliers avait formé contre la société ATE une demande indemnitaire devant le tribunal administratif de Montreuil, soit le 28 novembre 2014, de sorte que l'action formée au mois de mars 2018 n'était pas prescrite, la cour d'appel a violé l'article 2224 du code civil.
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LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 14 décembre 2022 Mme TEILLER, président Arrêt n° 888 FS-B Pourvoi n° H 21-24.539 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 14 DÉCEMBRE 2022 M. [T] [M], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° H 21-24.539 contre l'arrêt rendu le 22 octobre 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 1), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. [W] [H], 2°/ à Mme [L] [B], tous deux domiciliés [Adresse 3], 3°/ à la société Privilège Courtage, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 4], 4°/ à la société [O] [O]-[C] Chevallier, société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 1], défendeurs à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Farrenq-Nési, conseiller, les observations de la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat de M. [M], de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [H], de Mme [B] et de la société [O] [O]-[C] Chevallier, de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de la société Privilège Courtage, et l'avis de M. Burgaud, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 8 novembre 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Farrenq-Nési, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, MM. Jacques, Boyer, Mme Abgrall, conseillers, Mme Djikpa, M. Zedda, Mmes Brun, Vernimmen, conseillers référendaires, M. Burgaud, avocat général référendaire, et Mme Besse, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 22 octobre 2021), par acte du 22 mai 2018 reçu par M. [O], notaire, M. [M] (le vendeur) a conclu avec M. [H] et Mme [B] (les acquéreurs), par l'intermédiaire de la société Terraza immobilier, agence immobilière, une promesse de vente d'un appartement. 2. La promesse contenait une condition suspensive d'obtention d'un prêt d'un montant de 414 000 euros maximum remboursable sur vingt-cinq ans au taux de 2 % l'an hors assurance. 3. Le 20 juillet 2018 les acquéreurs ont notifié au vendeur leur renonciation à cette acquisition. 4. Assignés en paiement de sa commission par l'agence immobilière, ils ont appelé en intervention forcée le vendeur, la société Privilège courtage, qu'ils avaient mandatée pour l'obtention d'un prêt, ainsi que la société civile professionnelle [O] et [O]-[C] afin d'obtenir, principalement, la restitution par le vendeur de la somme de 10 000 euros versée au titre de l'indemnité d'immobilisation et séquestrée entre les mains du notaire, outre des dommages et intérêts. 5. Reconventionnellement, M. [M] a demandé la condamnation des acquéreurs à lui verser la somme de 38 600 euros au titre de l'indemnité d'immobilisation prévue à la promesse. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa seconde branche, ci-après annexé 6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 7. Le vendeur fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en paiement de l'indemnité d'immobilisation, alors « que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; que la condition suspensive est réputée accomplie si celui qui y a intérêt en a empêché l'accomplissement ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la condition suspensive stipulée dans la promesse de vente du 22 mai 2018 prévoyait « le financement de l'acquisition par M. [H] et Mme [B] au moyen d'un prêt d'un montant maximum de 414 000 euros au taux de 2 % l'an, remboursable sur une durée de 300 mois ; qu'il s'en déduisait que M. [H] et Mme [B] étaient tenus d'accepter toute offre de prêt d'un montant de 414 000 euros ou inférieur ; qu'en jugeant, pour déclarer la promesse de vente caduque et rejeter la demande de M. [M] tendant au paiement de l'indemnité d'immobilisation, que « M. [H] et Mme [B] ayant déposé une demande de prêt aux conditions de la promesse qui ont été refusées par la banque qui n'a consenti qu'à leur accorder un prêt à un montant inférieur, la condition n'a pu être réalisée sans que cette défaillance puisse être imputée à M. [H] et Mme [B] qui n'étaient pas tenus d'accepter un financement d'un montant inférieur à celui qu'ils avaient estimé nécessaire à l'acquisition du bien » et que « l'indication dans la promesse que le montant du prêt que M. [H] et Mme [B] se sont engagés à sollicier était d'un montant maximum de 414 000 n'était en effet pas de nature à les contraindre à accepter toute offre de prêt d'un montant inférieur », tandis que M. [H] et Mme [B] étaient tenus d'accepter l'offre de prêt d'un montant de 407 000 euros faite à leur courtier puisque celle-ci était conforme aux caractéristiques définies dans la promesse de vente, dont elle ne dépassait pas le montant maximum, la cour d'appel a violé les articles 1103 et 1304-3 du code civil. » Réponse de la Cour 8. La cour d'appel a relevé que les acquéreurs avaient fait une demande de prêt conforme aux caractéristiques définies dans la promesse de vente, pour le montant maximal de 414 000 euros, qui leur avait été refusé par la banque qui n'avait consenti à leur accorder qu'un prêt de 407 000 euros. 9. Elle a retenu à bon droit que l'indication, dans la promesse, d'un montant maximal du prêt n'était pas de nature à contraindre les acquéreurs à accepter toute offre d'un montant inférieur. 10. Elle en a exactement déduit que, la défaillance de la condition n'étant pas imputable aux acquéreurs, la promesse était devenue caduque. 11. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne M. [M] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze décembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat aux Conseils, pour M. [M] M. [M] fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué de l'avoir débouté de sa demande en paiement de la somme de 38.600 € dirigée contre M. [H] et Mme [B] ; 1°) Alors que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; que la condition suspensive est réputée accomplie si celui qui y avait intérêt en a empêché l'accomplissement ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la condition suspensive stipulée dans la promesse de vente du 22 mai 2018 prévoyait « le financement de l'acquisition par M. [H] et Mme [B] au moyen d'un prêt d'un montant maximum de 414.000 € au taux de 2% l'an, remboursable sur une durée de 300 mois » (arrêt, p. 4 § 3) ; qu'il s'en déduisait que M. [H] et Mme [B] étaient tenus d'accepter toute offre de prêt d'un montant de 414.000 € ou inférieur ; qu'en jugeant, pour déclarer la promesse de vente caduque et rejeter la demande de M. [M] tendant au paiement de l'indemnité d'immobilisation, que « M. [H] et Mme [B] ayant déposé une demande de prêt aux conditions de la promesse qui ont été refusées par la banque qui n'a consenti qu'à leur accorder un prêt à un montant inférieur, la condition n'a pu être réalisée sans que cette défaillance puisse être imputée à M. [H] et Mme [B] qui n'étaient pas tenus d'accepter un financement d'un montant inférieur à celui qu'ils avaient estimé nécessaire à l'acquisition du bien » et que « l'indication dans la promesse que le montant du prêt que M. [H] et Mme [B] se sont engagés à solliciter était d'un montant maximum de 414.000 € n'était en effet pas de nature à les contraindre à accepter toute offre de prêt d'un montant inférieur » (arrêt, p. 4 § 3), tandis que M. [H] et Mme [B] étaient tenus d'accepter l'offre de prêt d'un montant de 407.000 € faite à leur courtier puisque celle-ci était conforme aux caractéristiques définies dans la promesse de vente, dont elle ne dépassait pas le montant maximum, la cour d'appel a violé les articles 1103 et 1304-3 du code civil ; 2°) Alors que, subsidiairement, M. [H] et Mme [B] avaient soutenu qu'« aucune demande de prêt à hauteur de 414.000 € ne fut jamais faite » et que le courtier, la société Privilège Courtage, avait formulé « une demande de prêt à hauteur de 407.000 € auprès de la Banque Populaire Val de France, pour laquelle il recevait un accord de financement » (concl., p. 5 § 3 et 4) ; que la société Privilège Courtage soutenait qu'« après transmission des éléments non conformes aux déclarations faites, les consorts [H]-[B] ne pouvaient bénéficier de l'assistance bancaire sollicitée » et qu'elle avait « alors proposé une offre conforme à leur capacité d'endettement » (concl., p. 6 § 8 et 9) ; que la société Privilège Courtage ne soutenait donc pas avoir déposé auprès des banques des demandes de prêt à hauteur de 414.000 €, mais faisait valoir qu'elle avait estimé que de telles demandes étaient vouées à l'échec au regard des revenus et charges des emprunteurs et avait donc formé des demandes à hauteur de 407.000 € ; qu'en jugeant que M. [H] et Mme [B] avaient « déposé une demande de prêt aux conditions de la promesse qui ont été refusées par la banque qui n'a consenti qu'à leur accorder un prêt à un montant inférieur » (arrêt, p. 4 § 3), tandis qu'aucune des parties ne soutenait que la société Privilège Courtage, mandataire des consorts [H] et [B], avait déposé auprès des banques des demandes de prêt à hauteur de 414.000 € qui avaient été refusées, la cour d'appel a modifié l'objet du litige, violant ainsi l'article 4 du code de procédure civile.
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 15 décembre 2022 M. PIREYRE, président Arrêt n° 1317 F-B Pourvoi n° M 19-20.763 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 15 DÉCEMBRE 2022 M. [P] [S] [T], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° M 19-20.763 contre l'arrêt rendu le 4 juin 2019 par la cour d'appel de Bordeaux (chambre sociale, section B), dans le litige l'opposant au Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante, dont le siège est [Adresse 2], défendeur à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Chauve, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [T], de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat du Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante, et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 8 novembre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Chauve, conseiller rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et M. Carrasco, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 4 juin 2019), M. [T] a saisi le 19 janvier 2018 le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (le FIVA) à fin de réparation de ses préjudices liés à la reconnaissance d'une maladie professionnelle occasionnée par l'amiante, qui lui a opposé un refus en raison de la prescription de sa demande. Il a saisi une cour d'appel aux mêmes fins. Examen du moyen Sur le moyen, pris en ses quatrième, cinquième, sixième, septième et huitième branches, ci-après annexé 2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs dont les quatre premiers sont irrecevables et dont le dernier n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Mais sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches Enoncé du moyen 3. M. [T] fait grief à l'arrêt de dire son recours prescrit, alors : « 1°/ que les droits de la victime au bénéfice des prestations et indemnités prévues par la législation professionnelle se prescrivent à compter de la date à laquelle la victime est informée par un certificat médical du lien possible entre sa maladie et une activité professionnelle ; que l'examen tomodensitométrique ne constitue pas le certificat médical faisant courir la prescription ; que, pour déclarer prescrit le recours de la victime auprès du FIVA, la cour d'appel relève « qu'il résulte du scanner thoracique du 12 décembre 2007, produit aux débats, lequel mentionne des « calcifications punctiformes sous pleurales pariétales antérieures bilatérales plus marquées à gauche », et du certificat médical établissant le lien entre la maladie et l'exposition à l'amiante du 28 janvier 2013, que M. [T] a eu connaissance du lien entre sa pathologie et l'exposition à l'amiante dès le 12 décembre 2007 » ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale, ensemble l'article 53 de la loi du 23 décembre 2000 ; 2°/ que les droits de la victime au bénéfice des prestations et indemnités prévues par la législation professionnelle se prescrivent à compter de la date à laquelle la victime est informée par un certificat médical du lien possible entre sa maladie et une activité professionnelle ; qu'en cas de succession de certificats médicaux, la prescription ne court qu'à compter du premier certificat qui énonce le lien possible entre la maladie et l'activité professionnelle de la victime – les certificats antérieurs, même s'ils diagnostiquent la même maladie, ne font pas courir la prescription, car la première constatation médicale de la maladie ne s'assimile pas avec la date de la connaissance du lien entre la maladie et la profession ; que, pour déclarer prescrit le recours de la victime auprès du FIVA, la cour d'appel relève « qu'il résulte du scanner thoracique du 12 décembre 2007, produit aux débats, lequel mentionne des « calcifications punctiformes sous pleurales pariétales antérieures bilatérales plus marquées à gauche », et du certificat médical établissant le lien entre la maladie et l'exposition à l'amiante du 28 janvier 2013, que M. [T] a eu connaissance du lien entre sa pathologie et l'exposition à l'amiante dès le 12 décembre 2007 » ; qu'ayant ainsi mis en évidence que le lien entre la maladie et l'exposition à l'amiante avait été établi pour la première fois par le certificat médical de 2013, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale, ensemble l'article 53 de la loi du 23 décembre 2000. » Réponse de la Cour Recevabilité du moyen 4. Le FIVA conteste la recevabilité du moyen pour être mélangé de fait et de droit en ce qu'il invoque les règles du livre IV du code de la sécurité sociale, notamment les dispositions de l'article L. 461-1 de ce code alors que M. [T] n'invoquait dans ses conclusions d'appel que l'article 53 de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000 et l'arrêté du 5 mai 2002 fixant la liste des maladies dont le constat vaut exposition à l'amiante. 5. Cependant, l'arrêt rappelle que M. [T] sollicitait l'indemnisation du FIVA à la suite de la reconnaissance de l'origine professionnelle de sa maladie au visa du tableau n° 30 des maladies professionnelles, de sorte que les dispositions de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale visées par le moyen étaient dans le débat. 6. Le moyen est, dès lors, recevable. Bien-fondé du moyen Vu l'article 53, III bis, de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000 : 7. Selon ce texte, la demande d'indemnisation de la victime d'une maladie liée à une exposition à l'amiante adressée au FIVA se prescrit par dix ans à compter de la date du premier certificat médical établissant le lien entre la maladie et l'exposition à l'amiante. 8. Pour dire le recours de M. [T] prescrit, l'arrêt retient qu'il résulte du scanner thoracique du 12 décembre 2007 mentionnant des calcifications punctiformes sous pleurales pariétales antérieures bilatérales plus marquées à gauche et du certificat médical établissant le lien entre la maladie et l'exposition à l'amiante du 28 janvier 2013 que M. [T] a eu connaissance du lien entre sa pathologie et l'exposition à l'amiante dès le 12 décembre 2007. 9. En statuant ainsi, alors d'une part que le scanner thoracique du 12 décembre 2007, dont les conclusions ne mentionnaient ni l'exposition à l'amiante ni le caractère professionnel de la pathologie, ne pouvait constituer le certificat médical établissant le lien entre la maladie et l'exposition à l'amiante, d'autre part, qu'elle constatait que le certificat médical établissant ce lien était daté du 28 janvier 2013, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé le texte susvisé. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 4 juin 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux autrement composée ; Condamne le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante et le condamne à payer à M. [T] la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze décembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour M. [T] Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que le recours de M. [T] est prescrit ; AUX MOTIFS QUE : « selon l'article 53 de la loi du 23 décembre 2000, la demande d'indemnisation d'une victime d'une maladie liée à une exposition à l'amiante adressée au FIVA se prescrit par dix ans à compter de la date du premier certificat médical établissant le lien entre la maladie et l'exposition à l'amiante, l'aggravation ou le décès. En l'espèce, le 19 janvier 2018, M. [T] a saisi le FIVA d'une demande d'indemnisation au titre de ses préjudices subis du fait de sa pathologie. Le jugement du tribunal des affaires de la sécurité sociale de la Dordogne, rendu le 18 février 2016, met en évidence que « le premier diagnostic de plaques pleurales a été posé à la suite d'un scanner thoracique du 12 décembre 2007, de sorte que Monsieur [T] se savait atteint par les dangers de l'amiante et a vécu dans la crainte permanente d'une aggravation de son état se répercutant inévitablement sur son moral". Il résulte du scanner thoracique du 12 décembre 2007, produit aux débats, lequel mentionne des « calcifications punctiformes sous pleurales pariétales antérieures bilatérales plus marquées à gauche », et du certificat médical établissant le lien entre la maladie et l'exposition à l'amiante du 28 janvier 2013, que M. [T] a eu connaissance du lien entre sa pathologie et l'exposition à l'amiante dès le 12 décembre 2007. La demande d'indemnisation de M. [T] en réparation de ses préjudices est, en conséquence, prescrite » ; 1) ALORS QUE les droits de la victime au bénéfice des prestations et indemnités prévues par la législation professionnelle se prescrivent à compter de la date à laquelle la victime est informée par un certificat médical du lien possible entre sa maladie et une activité professionnelle ; que l'examen tomodensitométrique ne constitue pas le certificat médical faisant courir la prescription ; que, pour déclarer prescrit le recours de la victime auprès du FIVA, la cour d'appel relève « qu'il résulte du scanner thoracique du 12 décembre 2007, produit aux débats, lequel mentionne des "calcifications punctiformes sous pleurales pariétales antérieures bilatérales plus marquées à gauche", et du certificat médical établissant le lien entre la maladie et l'exposition à l'amiante du 28 janvier 2013, que M. [T] a eu connaissance du lien entre sa pathologie et l'exposition à l'amiante dès le 12 décembre 2007 » ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale, ensemble l'article 53 de la loi du 23 décembre 2000 ; 2) ALORS QUE les droits de la victime au bénéfice des prestations et indemnités prévues par la législation professionnelle se prescrivent à compter de la date à laquelle la victime est informée par un certificat médical du lien possible entre sa maladie et une activité professionnelle ; qu'en cas de succession de certificats médicaux, la prescription ne court qu'à compter du premier certificat qui énonce le lien possible entre la maladie et l'activité professionnelle de la victime – les certificats antérieurs, même s'ils diagnostiquent la même maladie, ne font pas courir la prescription, car la première constatation médicale de la maladie ne s'assimile pas avec la date de la connaissance du lien entre la maladie et la profession ; que, pour déclarer prescrit le recours de la victime auprès du FIVA, la cour d'appel relève « qu'il résulte du scanner thoracique du 12 décembre 2007, produit aux débats, lequel mentionne des "calcifications punctiformes sous pleurales pariétales antérieures bilatérales plus marquées à gauche", et du certificat médical établissant le lien entre la maladie et l'exposition à l'amiante du 28 janvier 2013, que M. [T] a eu connaissance du lien entre sa pathologie et l'exposition à l'amiante dès le 12 décembre 2007 » ; qu'ayant ainsi mis en évidence que le lien entre la maladie et l'exposition à l'amiante avait été établi pour la première fois par le certificat médical de 2013, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale, ensemble l'article 53 de la loi du 23 décembre 2000 ; 3) ALORS QUE le scanner du 12 décembre 2007 stipule « Résultats : Le parenchyme pulmonaire est homogène. Absence d'infiltration interstitielle. Pas d'image nodulaire parenchymateuse pulmonaire visible. A noter par ailleurs des calcifications sous pleurales punctiformes pariétales antérieures bilatérales plus marquées à gauche. Pas de processus expansif intra-thoracique. Conclusion : Calcifications punctiformes sous pleurales pariétales antérieures bilatérales plus marquées à gauche. Le reste de l'investigation est normal. A comparer aux examens antérieurs » (production) ; qu'en affirmant que « M. [T] a eu connaissance du lien entre sa pathologie et l'exposition à l'amiante dès le 12 décembre 2007 » – quand le scanner ne fait aucune référence à l'amiante ou à l'activité professionnelle de la victime – la cour d'appel a violé l'obligation pour les juges de ne pas dénaturer les documents de la cause, ensemble l'article 4 du Code de Procédure Civile ; 4) ALORS QUE, pour que des lésions pleurales bénignes puissent être reconnues comme des affections professionnelles consécutives à l'inhalation des poussières d'amiante, il faut qu'il s'agisse de « plaques calcifiées ou non péricardiques ou pleurales, unilatérales ou bilatérales, lorsqu'elles sont confirmées par un examen tomodensitométrique » ; que, par définition, les plaques calcifiées doivent faire l'objet d'un certificat médical qui doit être « confirmé » par un scanner, le scanner ne faisant pas lieu de certificat médical ; que la cour d'appel relève « qu'il résulte du scanner thoracique du 12 décembre 2007, produit aux débats, lequel mentionne des "calcifications punctiformes sous pleurales pariétales antérieures bilatérales plus marquées à gauche", et du certificat médical établissant le lien entre la maladie et l'exposition à l'amiante du 28 janvier 2013, que M. [T] a eu connaissance du lien entre sa pathologie et l'exposition à l'amiante dès le 12 décembre 2007 » ; qu'en statuant ainsi sans rechercher le certificat médical datant de 2007 que le scanner venait « confirmer », la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale, ensemble le tableau n° 30 des affections professionnelles consécutives à l'inhalation des poussières d'amiante et l'article 53 de la loi du 23 décembre 2000 ; 5) ALORS QUE, que les affections professionnelles consécutives à l'inhalation des poussières d'amiante sont « A. – Asbestose : fibrose pulmonaire diagnostiquée sur des signes radiologiques spécifiques, qu'il y ait ou non des modifications des explorations fonctionnelles respiratoires. Complications : insuffisance respiratoire aiguë, insuffisance ventriculaire droite. B. – Lésions pleurales bénignes avec ou sans modifications des explorations fonctionnelles respiratoires : – plaques calcifiées ou non péricardiques ou pleurales, unilatérales ou bilatérales, lorsqu'elles sont confirmées par un examen tomodensitométrique ; – pleurésie exsudative ; – épaississement de la plèvre viscérale, soit diffus soit localisé lorsqu'il est associé à des bandes parenchymateuses ou à une atélectasie par enroulement. Ces anomalies constatées devront être confirmées par un examen tomodensitométrique. C. – Dégénérescence maligne bronchopulmonaire compliquant les lésions parenchymateuses et pleurales bénignes ci-dessus mentionnées. D. – Mésothéliome malin primitif de la plèvre, du péritoine, du péricarde. E. – Autres tumeurs pleurales primitives » ; que la cour d'appel constate que « le scanner thoracique du 12 décembre 2007, produit aux débats, mentionne des "calcifications punctiformes sous pleurales pariétales antérieures bilatérales plus marquées à gauche" » ; qu'en estimant néanmoins que « M. [T] a eu connaissance du lien entre sa pathologie et l'exposition à l'amiante dès le 12 décembre 2007 » – quand les énonciations du scanner ne correspondent à aucune des maladies énoncées dans le tableau n° 30 – la cour d'appel a violé l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale, ensemble le tableau n° 30 des affections professionnelles consécutives à l'inhalation des poussières d'amiante et l'article 53 de la loi du 23 décembre 2000 ; 6) ALORS QUE lorsqu'un différend fait apparaître, en cours d'instance, une difficulté d'ordre médical relative à l'état de la victime, la juridiction de sécurité sociale ne peut statuer qu'après mise en oeuvre de la procédure d'expertise médicale technique ; que la cour d'appel relève « qu'il résulte du scanner thoracique du 12 décembre 2007, produit aux débats, lequel mentionne des "calcifications punctiformes sous pleurales pariétales antérieures bilatérales plus marquées à gauche", et du certificat médical établissant le lien entre la maladie et l'exposition à l'amiante du 28 janvier 2013, que M. [T] a eu connaissance du lien entre sa pathologie et l'exposition à l'amiante dès le 12 décembre 2007 » ; qu'en statuant ainsi – alors que la solution du litige dépendait de l'appréciation de l'état de la victime au regard des conditions de désignation des affections professionnelles consécutives à l'inhalation des poussières d'amiante du tableau n° 30, de sorte qu'il existait une difficulté d'ordre médical qui ne pouvait être tranchée qu'après mise en oeuvre d'une expertise médicale technique – la cour d'appel a violé l'article L. 141-1 du code de la sécurité sociale, ensemble le tableau n° 30 des affections professionnelles consécutives à l'inhalation des poussières d'amiante ; 7) ALORS QUE, pour les salariés qui ont été exposés à l'amiante dans leur activité professionnelle, l'indemnisation du préjudice d'anxiété répare l'inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante et l'angoisse qui est réactivée lorsqu'ils sont amenés à subir des contrôles et examens réguliers ; que, pour estimer que M. [T] a eu connaissance du lien entre sa pathologie et l'exposition à l'amiante dès le 12 décembre 2007, la cour d'appel relève que « le jugement du tribunal des affaires de la sécurité sociale de la Dordogne, rendu le 18 février 2016, met en évidence que « le premier diagnostic de plaques pleurales a été posé à la suite d'un scanner thoracique du 12 décembre 2007, de sorte que Monsieur [T] se savait atteint par les dangers de l'amiante et a vécu dans la crainte permanente d'une aggravation de son état se répercutant inévitablement sur son moral » ; qu'en statuant ainsi – alors que l'anxiété face au risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante est nécessairement antérieur à cette maladie – la cour d'appel a violé l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale, ensemble le tableau n° 30 des affections professionnelles consécutives à l'inhalation des poussières d'amiante et l'article 53 de la loi du 23 décembre 2000 ; 8) ALORS en tout état de cause QUE l'interdiction faite aux juges du fond de motiver leur décision par référence leur impose de ne pas trancher un litige au fond en se fondant sur la motivation retenue dans une autre décision de justice ; que, pour estimer que M. [T] a eu connaissance du lien entre sa pathologie et l'exposition à l'amiante dès le 12 décembre 2007, la cour d'appel relève que « le jugement du tribunal des affaires de la sécurité sociale de la Dordogne, rendu le 18 février 2016, met en évidence que "le premier diagnostic de plaques pleurales a été posé à la suite d'un scanner thoracique du 12 décembre 2007, de sorte que Monsieur [T] se savait atteint par les dangers de l'amiante et a vécu dans la crainte permanente d'une aggravation de son état se répercutant inévitablement sur son moral" » ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 15 décembre 2022 Cassation partielle M. PIREYRE, président Arrêt n° 1309 F-B Pourvoi n° G 21-16.007 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 15 DÉCEMBRE 2022 Mme [E] [O], domiciliée [Adresse 3], a formé le pourvoi n° G 21-16.007 contre l'arrêt rendu le 5 janvier 2021 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-1), dans le litige l'opposant : 1°/ à la société Generali IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], 2°/ à la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône, dont le siège est [Adresse 2], défenderesses à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Ittah, conseiller référendaire, les observations de la SCP Didier et Pinet, avocat de Mme [O], de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société Generali IARD, et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 8 novembre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Ittah, conseiller référendaire rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et M. Carrasco, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 5 janvier 2021), rendu sur renvoi après cassation (2e Civ., 12 décembre 2019, pourvoi n° 18-24.398) et les productions, le 9 décembre 1998, Mme [O], alors âgée de 3 ans, a été blessée dans une station de lavage exploitée par la société Pereira, assurée par la société Generali IARD (l'assureur). 2. Une cour d'appel, par arrêt du 9 février 2006, a fixé, d'une part, le préjudice soumis à recours de Mme [O] à la somme de 422 249,41 euros, comprenant la créance de la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône (la caisse) d'un montant de 31 149,41 euros, et les postes de préjudice de la gêne dans les actes de la vie quotidienne, l'incapacité temporaire partielle, l'incapacité permanente partielle et la perte d'une chance professionnelle, d'autre part, son préjudice personnel non soumis à recours, puis a condamné les responsables du dommage in solidum à payer à la caisse le montant de sa créance et à Mme [O] le solde indemnitaire lui revenant au titre de son préjudice corporel, déduction faite de la prestation de la caisse et d'une provision qui avait été précédemment allouée. 3. Par la suite, Mme [O] a assigné l'assureur, en présence de la caisse, afin d'obtenir l'indemnisation de ses frais de prothèses futures pour la période postérieure à la fin de sa puberté. Examen du moyen Sur le moyen, pris en ses troisième, quatrième, cinquième et sixième branches, ci-après annexé 4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Mais, sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 5. Mme [O] fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables ses demandes à l'encontre de l'assureur alors « que la victime d'un dommage n'est pas tenue de présenter dans la même instance toutes les demandes tendant à l'indemnisation des divers postes de préjudice en résultant, ni n'est tenue de réserver les postes futurs et certains non réclamés à cette occasion ; qu'en se fondant, pour déclarer irrecevable la demande présentée au titre des frais prothétiques, sur ce que M. [O], agissant ès qualités, était tenu de présenter lors de l'instance ayant donné lieu à l'arrêt de la cour d'appel de Lyon du 9 février 2006, toutes les demandes tendant à l'indemnisation du préjudice corporel subi par Mme [O] et sur ce que n'avait pas été réservé à cette occasion le poste relatif aux frais prothétiques futurs, la cour d'appel a violé les articles 1355 du code civil et 480 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Vu l'article 1355 du code civil : 6. Il résulte de ce texte que, s'il incombe au demandeur de présenter dès l'instance relative à la première demande l'ensemble des moyens qu'il estime de nature à fonder celle-ci, il n'est pas tenu de présenter dans la même instance toutes les demandes fondées sur les mêmes faits. 7. Pour déclarer irrecevables les demandes formées par Mme [O] à l'encontre de l'assureur, en raison de l'autorité de la chose jugée le 9 février 2006, par la cour d'appel de Lyon, l'arrêt constate que cette cour d'appel a chiffré les dommages de Mme [O], alors enfant, en se fondant sur le rapport d'expertise judiciaire du 25 juin 2002 qui précisait qu'au moment de son examen, son état était stabilisé sur le plan de l'appareillage, mais qu'il serait nécessaire de le réexaminer à deux reprises, une première fois au début de sa puberté, et une seconde fois à la fin de cette dernière. 8. L'arrêt constate ensuite que les frais de prothèse dont Mme [O] demande la réparation, dans le cadre de la présente instance, sont les frais de prothèses futures pour la période postérieure à la fin de la puberté. 9. Il ajoute que ces frais ne pouvaient pas être déterminés, au jour de l'établissement du rapport d'expertise pris en compte par l'arrêt de la cour d'appel de Lyon, et retient qu'ils n'ont donc pas pu être indemnisés par cette décision. 10. L'arrêt retient ensuite que le représentant légal de Mme [O] était tenu de présenter, lors de l'instance devant la cour d'appel de Lyon, toutes les demandes tendant à l'indemnisation des divers postes du préjudice corporel de la victime et qu'il devait, lorsque ces postes étaient certains, mais futurs et non encore précisément chiffrables, solliciter qu'ils soient réservés. 11. Il déduit de l'absence de réserve formulée par le représentant légal de Mme [O] quant aux frais prothétiques futurs, que les frais d'appareillage doivent être réputés avoir été liquidés d'une manière définitive par la cour d'appel de Lyon, en ce qu'elle a alloué à la caisse la somme de 31 149,41 euros au titre de ses débours qui, pour partie, correspondaient à des frais de prothèses futures. 12. En statuant ainsi, alors, d'une part, qu'il résultait de ses propres constatations que les frais de prothèses futures, pour la période postérieure à la puberté, n'avaient pas été pris en compte par l'arrêt du 9 février 2006, d'autre part, que Mme [O], sans être contrainte de faire réserver ses droits, n'était pas tenue de présenter, au cours de la première instance, toutes les demandes fondées sur le dommage qu'elle avait subi, la cour d'appel a violé le texte susvisé. Portée et conséquences de la cassation 13. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des dispositions de l'arrêt en ce qu'il confirme le jugement ayant déclaré irrecevables les demandes formées par Mme [O] à l'encontre de l'assureur, entraîne la cassation des chefs de dispositifs de l'arrêt qui ont dit n'y avoir lieu d'ordonner une mesure d'instruction et qui ont confirmé le jugement déboutant la caisse de toutes ses demandes, principales comme accessoires, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit n'y avoir lieu d'ordonner une mesure d'instruction, et confirme le jugement déféré en ce qu'il a déclaré irrecevables les demandes formées par Mme [E] [O] à l'encontre de la société Generali IARD et débouté la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône de toutes ses demandes, principales comme accessoires, l'arrêt rendu le 5 janvier 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ; Condamne la société Generali IARD aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Generali IARD et la condamne à payer à Mme [O] la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze décembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour Mme [O] Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir déclaré irrecevables les demandes formées par Mme [O] à l'encontre de la société Generali IARD ; 1°) Alors que la victime d'un dommage n'est pas tenue de présenter dans la même instance toutes les demandes tendant à l'indemnisation des divers postes de préjudice en résultant, ni n'est tenue de réserver les postes futurs et certains non réclamés à cette occasion ; qu'en se fondant, pour déclarer irrecevable la demande présentée au titre des frais prothétiques, sur ce que M. [O], agissant ès qualités, était tenu de présenter lors de l'instance ayant donné lieu à l'arrêt de la cour d'appel de Lyon du 9 février 2006, toutes les demandes tendant à l'indemnisation du préjudice corporel subi par Mme [O] et sur ce que n'avait pas été réservé à cette occasion le poste relatif aux frais prothétiques futurs, la cour d'appel a violé les articles 1355 du code civil et 480 du code de procédure civile ; 2°) Alors que l'autorité de chose jugée ne fait pas obstacle à ce que soit demandée la réparation d'un préjudice, en lien avec le même dommage, qui n'a pu être pris en compte par la première décision ; que la cour d'appel, qui a constaté que selon le rapport d'expertise du Dr [Z] du 25 juin 2002, les frais de prothèse futures pour la période postérieure à la fin de la puberté, dont il est demandé réparation, n'ont pas pu être déterminés au jour du rapport d'expertise et n'ont pas pu être indemnisés par l'arrêt de la cour d'appel de Lyon du 9 février 2006, a dès lors, en opposant l'autorité de chose jugée, violé les articles 1355 du code civil et 480 du code de procédure civile ; 3°) Alors qu'en retenant successivement que « le conseil de la victime n'a émis aucune prétention, ni réserve s'agissant des frais prothétiques futurs », et que « dans le cadre de l'instance liquidative du préjudice de Mme [O], des frais futurs d'appareillage ont été réclamés et chiffrés », la cour d'appel s'est contredite, en violation de l'article 455 du code de procédure civile ; 4°) Alors que l'autorité de chose jugée ne peut pas être opposée en l'absence d'identité de partie ; qu'en se fondant, pour opposer à Mme [O] l'autorité de chose jugée par la cour d'appel de Lyon dans son arrêt du 9 février 2006, sur le chef de dispositif, qui n'intéressait pas Mme [O], ayant alloué à la Caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône une somme de 31 149,41 €, la cour d'appel a violé les articles 1355 du code civil et 480 du code de procédure civile ; 5°) Alors que l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui fait l'objet d'un jugement et a été tranché dans son dispositif ; qu'en se fondant, pour déterminer ce à quoi correspondait la somme de 31 149,41 € retenue par l'arrêt du 9 février 2006, sur des éléments produits devant elle par la société Generali IARD et ne figurant pas même dans les motifs de cet arrêt, la cour d'appel a violé les articles 1355 du code civil et 480 du code de procédure civile ; 6°) Alors qu'il ne résulte pas du dispositif de l'arrêt de la cour d'appel de Lyon du 9 février 2006, même éclairé par ses motifs, que des frais de prothèse auraient été demandés et alloués ou qu'une telle demande aurait été rejetée ; qu'en opposant à la demande tendant à l'indemnisation de ce poste de préjudice l'autorité de chose jugée par cet arrêt, la cour d'appel a dès lors violé les articles 1355 du code civil et 480 du code de procédure civile.
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 14 décembre 2022 M. CHAUVIN, président Arrêt n° 905 F-B Pourvoi n° R 21-17.141 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 14 DÉCEMBRE 2022 Le bâtonnier de l'ordre des avocats de Paris, domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° R 21-17.141 contre l'arrêt rendu le 18 février 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 13, audience solennelle), dans le litige l'opposant à Mme [V] [E], épouse [F], domiciliée [Adresse 2], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Le Gall, conseiller référendaire, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat du bâtonnier de l'ordre des avocats de Paris, et l'avis de M. Chaumont, avocat général, après débats en l'audience publique du 8 novembre 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Le Gall, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Tinchon, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 18 février 2021) rendu sur renvoi après cassation (1re Civ., 26 septembre 2018, pourvoi n° 17-26.831), par décision du 27 octobre 2015, sur des poursuites engagées par le bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Paris (le bâtonnier), le conseil de discipline des avocats de cet ordre a prononcé à l'encontre de Mme [E], avocate, au titre de plusieurs manquements à des principes essentiels de la profession, dont la violation des dispositions de l'article P. 31, alinéa 1er, du Règlement intérieur du barreau de Paris (RIBP) relatif au domicile professionnel, la sanction de l'interdiction d'exercice de la profession pour une durée de deux ans, outre, à titre accessoire, la privation du droit de faire partie du conseil de l'ordre, du Conseil national des barreaux et des autres organismes professionnels, et de se présenter aux fonctions de bâtonnier ou de vice-bâtonnier pendant une durée de dix ans. 2. Mme [E] a formé un recours devant la cour d'appel de Paris. Examen du moyen Enoncé du moyen 3. Le bâtonnier fait grief à l'arrêt de dire que la violation des dispositions de l'article P. 31, alinéa 1er, du RIBP n'est pas établie et de prononcer contre Mme [E] la sanction d'interdiction temporaire d'exercice de la profession pour une durée d'un an dont six mois assortis d'un sursis et la sanction complémentaire de privation du droit de faire partie du conseil de l'ordre, du Conseil national des barreaux et des autres organismes professionnels, et de se présenter aux fonctions de bâtonnier ou de vice-bâtonnier pendant une durée de cinq ans, alors : « 1°/ que le domicile professionnel de l'avocat dans le ressort de son barreau doit correspondre à un exercice effectif ; qu'ayant constaté que Mme [E]-[F] avait reconnu travailler depuis son domicile personnel situé à [Localité 3] et venir régulièrement à [Localité 4] pour son activité professionnelle en y louant ponctuellement un bureau et qu'elle avait recours aux services d'un centre de domiciliation pour le transfert de son courrier, la cour d'appel, qui a néanmoins retenu que la violation par Mme [E]-[F] des obligations afférentes au domicile professionnel n'était pas établie, n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, dont il résultait que le domicile professionnel déclaré par Mme [E]-[F] dans le ressort du barreau de Paris ne correspondait pas à un exercice effectif, violant les articles 5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, 165 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, 15 du règlement intérieur national de la profession d'avocat et P. 31 du règlement intérieur du barreau de Paris ; 2°/ que le conseil de l'ordre peut autoriser à titre temporaire, et pour la durée qu'il fixe, l'avocat à se domicilier soit au sein de locaux affectés par l'ordre, soit dans les locaux du cabinet d'un autre avocat dans le ressort du même barreau ; qu'en énonçant, pour affirmer que la violation par Mme [E]-[F] des obligations afférentes au domicile professionnel n'était pas établie, que sa domiciliation au sein du centre d'affaires Espace Entreprise Buroclub ne différait pas d'une domiciliation au sein du centre d'affaires des avocats du barreau de Paris ayant pris la suite en 2015 de la « Pépinière », bien que Mme [E]-[F] ne fût domiciliée ni dans des locaux affectés par l'ordre, ni au sein des locaux d'un autre avocat et que cette domiciliation ne fût ni temporaire, ni autorisée par le conseil de l'ordre, la cour d'appel a violé les articles 5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, 165 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, 15 du règlement intérieur national de la profession d'avocat et P. 31 du règlement intérieur du barreau de Paris ; 3°/ qu'en toute hypothèse, l'avocat doit exercer son activité professionnelle dans des conditions matérielles conformes aux usages et dans le respect des principes essentiels de la profession ; que la location ponctuelle d'un bureau dans un centre d'affaires pluridisciplinaire ne permet pas à l'avocat d'exercer son activité dans le respect des principes de dignité et d'indépendance et de garantir le respect du secret professionnel ; qu'en décidant, au contraire, qu'il n'était pas démontré que le local loué par Mme [E]-[F] au sein du centre d'affaires Espace Entreprise Buroclub ne garantissait pas l'exercice de la profession dans le respect de ses principes essentiels, notamment de dignité, d'indépendance, et dans le respect du secret professionnel, la cour d'appel a violé les articles 5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, 165 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, 1er et 15 du règlement intérieur national de la profession d'avocat et 1er et P. 31 du règlement intérieur du barreau de Paris. » Réponse de la Cour 4. Ayant retenu que, si Mme [E] avait reconnu travailler depuis son domicile personnel situé à [Localité 3] et venir régulièrement à [Localité 4] pour son activité professionnelle, elle justifiait d'une location effective, depuis le 10 mai 2010, d'un bureau dans un centre d'affaires sis à [Localité 4] où l'ensemble des courriers relatifs à la procédure de contrôle de sa comptabilité et à la procédure disciplinaire lui avaient été adressés et où le contrôle de comptabilité avait été effectué, que cet espace lui permettait de faire accueillir ses clients par un service dédié et de recevoir au moins deux personnes dans un lieu assurant la confidentialité et qu'elle disposait d'une ligne téléphonique et d'un service de transfert de courrier, la cour d'appel a pu en déduire que Mme [E], qui justifiait ainsi d'un domicile professionnel effectif garantissant l'exercice de sa profession dans le respect de ses principes essentiels, notamment de dignité et d'indépendance, et dans le respect du secret professionnel, n'avait pas méconnu son obligation relative au domicile professionnel. 5. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne le bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Paris aux dépens ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze décembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour le bâtonnier de l'ordre des avocats de Paris. Le bâtonnier de l'ordre des avocats de Paris reproche à l'arrêt attaqué, infirmant l'arrêté du conseil de discipline du 27 octobre 2015 sur ces points, d'avoir dit que la violation des dispositions de l'article P. 31 alinéa 1er du règlement intérieur du barreau de Paris relatif au domicile professionnel n'était pas établie et d'avoir prononcé à l'encontre de Mme [E]-[F] la sanction de l'interdiction temporaire d'exercice de la profession pour une durée d'un an, dont 6 mois assortis d'un sursis, et, à titre de sanction accessoire, la privation du droit de faire partie du conseil de l'ordre, du conseil national des barreaux, des autres organismes professionnels et de se présenter aux fonctions de bâtonnier ou de vice-bâtonnier pendant une durée de 5 ans, 1) ALORS QUE le domicile professionnel de l'avocat dans le ressort de son barreau doit correspondre à un exercice effectif ; qu'ayant constaté que Mme [E]-[F] avait reconnu travailler depuis son domicile personnel situé à [Localité 3] et venir régulièrement à [Localité 4] pour son activité professionnelle en y louant ponctuellement un bureau et qu'elle avait recours aux services d'un centre de domiciliation pour le transfert de son courrier, la cour d'appel, qui a néanmoins retenu que la violation par Mme [E]-[F] des obligations afférentes au domicile professionnel n'était pas établie, n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, dont il résultait que le domicile professionnel déclaré par Mme [E]-[F] dans le ressort du barreau de Paris ne correspondait pas à un exercice effectif, violant les articles 5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, 165 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, 15 du règlement intérieur national de la profession d'avocat et P. 31 du règlement intérieur du barreau de Paris ; 2) ALORS QUE le conseil de l'ordre peut autoriser à titre temporaire, et pour la durée qu'il fixe, l'avocat à se domicilier soit au sein de locaux affectés par l'ordre, soit dans les locaux du cabinet d'un autre avocat dans le ressort du même barreau ; qu'en énonçant, pour affirmer que la violation par Mme [E]-[F] des obligations afférentes au domicile professionnel n'était pas établie, que sa domiciliation au sein du centre d'affaires Espace Entreprise Buroclub ne différait pas d'une domiciliation au sein du centre d'affaires des avocats du barreau de Paris ayant pris la suite en 2015 de la « Pépinière », bien que Mme [E]-[F] ne fût domiciliée ni dans des locaux affectés par l'ordre, ni au sein des locaux d'un autre avocat et que cette domiciliation ne fût ni temporaire, ni autorisée par le conseil de l'ordre, la cour d'appel a violé les articles 5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, 165 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, 15 du règlement intérieur national de la profession d'avocat et P. 31 du règlement intérieur du barreau de Paris ; 3) ALORS QU' en toute hypothèse, l'avocat doit exercer son activité professionnelle dans des conditions matérielles conformes aux usages et dans le respect des principes essentiels de la profession ; que la location ponctuelle d'un bureau dans un centre d'affaires pluridisciplinaire ne permet pas à l'avocat d'exercer son activité dans le respect des principes de dignité et d'indépendance et de garantir le respect du secret professionnel ; qu'en décidant, au contraire, qu'il n'était pas démontré que le local loué par Mme [E]-[F] au sein du centre d'affaires Espace Entreprise Buroclub ne garantissait pas l'exercice de la profession dans le respect de ses principes essentiels, notamment de dignité, d'indépendance, et dans le respect du secret professionnel, la cour d'appel a violé les articles 5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, 165 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, 1er et 15 du règlement intérieur national de la profession d'avocat et 1er et P. 31 du règlement intérieur du barreau de Paris.
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 14 décembre 2022 M. CHAUVIN, président Arrêt n° 898 F-B Pourvoi n° U 21-23.032 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 14 DÉCEMBRE 2022 Mme [B] [N], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° U 21-23.032 contre l'arrêt rendu le 17 juin 2021 par la cour d'appel de Douai (3e chambre), dans le litige l'opposant : 1°/ à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), dont le siège est [Adresse 3], 2°/ à la caisse primaire d'assurance maladie du Hainaut, dont le siège est [Adresse 1], défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Mornet, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de Mme [N], de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, et l'avis de M. Chaumont, avocat général, après débats en l'audience publique du 8 novembre 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Mornet, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Tinchon, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 17 juin 2021), après avoir subi une intervention bariatrique le 26 avril 2010, Mme [N] a présenté des fistules ayant nécessité des colostomies et saisi d'une demande d'indemnisation la commission de conciliation et d'indemnisation qui a émis l'avis que les conditions de gravité et d'anormalité du dommage étaient remplies et que la réparation de ses préjudices incombait à hauteur de 50 % à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (l'ONIAM). 2. Le 20 novembre 2018, après un échec de la procédure de règlement amiable, en l'absence d'offre d'indemnisation de l'ONIAM, Mme [N] a assigné celui-ci en indemnisation, à hauteur de 50 %, des dommages subis. Examen du moyen Sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches, ci-après annexé 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Mais sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 4. Mme [N] fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes d'indemnisation, alors « qu'il résulte de l'article L. 1142-1, II, du code de la santé publique que, lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I de ce texte, ou celle d'un producteur de produits n'est pas engagée, l'ONIAM doit assurer, au titre de la solidarité nationale, la réparation de dommages résultant directement d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins à la condition qu'ils présentent un caractère d'anormalité au regard de l'état de santé du patient comme de l'évolution prévisible de cet état ; que, lorsque les conséquences de l'acte médical ne sont pas notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé par sa pathologie en l'absence de traitement, elles ne peuvent être regardées comme anormales sauf si, dans les conditions où l'acte a été accompli, la survenance du dommage présentait une probabilité faible ; que, pour apprécier le caractère faible ou élevé du risque dont la réalisation a entraîné le dommage, il y a lieu de prendre en compte la probabilité de survenance d'un événement du même type que celui qui a causé le dommage et entraînant une invalidité grave ou un décès ; qu'il ne résulte pas de cette règle d'appréciation que le critère de l'anormalité tendant à la fréquence de survenance du risque soit subordonné à la preuve d'une invalidité grave ou d'un décès ; que, pour écarter l'anormalité du dommage, la cour d'appel a retenu que Mme [N], qui n'avait pas subi de déficit fonctionnel permanent et n'avait été placée en invalidité de seconde catégorie que selon les critères fixés par le code de la sécurité sociale, ne démontrait pas l'invalidité grave qu'elle avait subie ; qu'en exigeant ainsi la preuve de l'invalidité grave de la patiente, bien que cette preuve ne soit pas requise pour établir l'anormalité du dommage, la cour d'appel a violé l'article L. 1142-1, II, du code de la santé publique. » Réponse de la Cour Vu les articles L. 1142-1, II, et D. 1142-1 du code de la santé publique : 5. Aux termes du premier de ces textes, lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'incapacité permanente ou de la durée de l'incapacité temporaire de travail. 6. Il s'en déduit qu'une indemnisation au titre de la solidarité nationale est soumise à des conditions distinctes tenant à l'absence de responsabilité, à l'imputabilité du dommage à un acte de prévention, de diagnostic ou de soins, à son anormalité et à sa gravité. 7. S'agissant de la gravité du dommage, le second de ces textes a fixé le taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique à 24 %, tout en admettant aussi un caractère de gravité dans le cas d'un arrêt temporaire des activités professionnelles ou des gênes temporaires constitutives d'un déficit fonctionnel temporaire supérieur ou égal à un taux de 50 % pendant une durée au moins égale à six mois consécutifs ou à six mois non consécutifs sur une période de douze mois ou encore, à titre exceptionnel, dans le cas une inaptitude définitive à l'exercice de l'activité professionnelle antérieure ou de troubles particulièrement graves, y compris d'ordre économique, dans ses conditions d'existence. 8. S'agissant de l'anormalité du dommage, cette condition doit être regardée comme remplie lorsque l'acte médical a entraîné des conséquences notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé par sa pathologie de manière suffisamment probable en l'absence de traitement. Dans le cas contraire, les conséquences de l'acte médical ne peuvent être considérées comme anormales sauf si, dans les conditions où l'acte a été accompli, la survenance du dommage présentait une probabilité faible. 9. Si, pour apprécier le caractère faible ou élevé du risque dont la réalisation a entraîné le dommage, il a été jugé qu'il y avait lieu de prendre en compte la probabilité de survenance d'un événement du même type que celui qui avait causé le dommage et entraînant une invalidité grave ou un décès (CE 15 octobre 2018, n° 409585, B ; CE 30 novembre 2021, n° 443922, B ; 1re Civ., 19 juin 2019, pourvoi n° 18-20.883, publié), cette précision vise uniquement à la prise en compte de la probabilité de survenance d'un dommage d'une gravité comparable à celui effectivement subi par le patient et n'affecte pas la condition de gravité du dommage ouvrant droit à réparation qui est déterminée par les textes susvisés. 10. Pour écarter l'anormalité du dommage et rejeter les demandes d'indemnisation de Mme [N], l'arrêt retient que, pour apprécier la probabilité de survenance du dommage, il y a lieu de se fonder sur le risque de survenue d'une fistule entraînant une invalidité grave ou un décès pour la patiente, qu'après sa consolidation, Mme [N] ne présente aucun déficit fonctionnel permanent et n'a été placée en invalidité de seconde catégorie que selon les critères fixés par le code de la sécurité sociale et qu'à défaut d'établir l'anormalité du dommage subi, celle-ci ne remplit pas les conditions nécessaires à son indemnisation au titre de la solidarité nationale. 11. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui a soumis l'indemnisation du dommage à l'exigence d'une invalidité grave, a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 17 juin 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Douai autrement composée ; Condamne l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et le condamne à payer à Mme [N] la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze décembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour Mme [N]. Madame [N] fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que le préjudice qu'elle avait subi ne relevait pas de la solidarité nationale et d'avoir, en conséquence, rejeté ses demandes d'indemnisation formées à ce titre ; Alors, d'une part, qu'il résulte de l'article L. 1142-1, II, du code de la santé publique que, lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I de ce texte, ou celle d'un producteur de produits n'est pas engagée, l'ONIAM doit assurer, au titre de la solidarité nationale, la réparation de dommages résultant directement d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins à la condition qu'ils présentent un caractère d'anormalité au regard de l'état de santé du patient comme de l'évolution prévisible de cet état ; que, lorsque les conséquences de l'acte médical ne sont pas notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé par sa pathologie en l'absence de traitement, elles ne peuvent être regardées comme anormales sauf si, dans les conditions où l'acte a été accompli, la survenance du dommage présentait une probabilité faible ; que, pour apprécier le caractère faible ou élevé du risque dont la réalisation a entraîné le dommage, il y a lieu de prendre en compte la probabilité de survenance d'un événement du même type que celui qui a causé le dommage et entraînant une invalidité grave ou un décès ; qu'il ne résulte pas de cette règle d'appréciation que le critère de l'anormalité tendant à la fréquence de survenance du risque soit subordonné à la preuve d'une invalidité grave ou d'un décès ; que, pour écarter l'anormalité du dommage, la cour d'appel a retenu que Madame [N], qui n'avait pas subi de déficit fonctionnel permanent et n'avait été placée en invalidité de seconde catégorie que selon les critères fixés par le code de la sécurité sociale, ne démontrait pas l'invalidité grave qu'elle avait subie ; qu'en exigeant ainsi la preuve de l'invalidité grave de la patiente, bien que cette preuve ne soit pas requise pour établir l'anormalité du dommage, la cour d'appel a violé l'article L. 1142-1, II, du code de la santé publique ; Alors, d'autre part et en tout état de cause, que, pour écarter l'anormalité du dommage, la cour d'appel s'est bornée à relever que Madame [N], qui n'avait pas subi de déficit fonctionnel permanent et n'avait été placée en invalidité de seconde catégorie que selon les critères fixés par le code de la sécurité sociale, ne démontrait pas l'invalidité grave qu'elle avait subie ; qu'en statuant ainsi, par des motifs inopérants, sans se prononcer sur la probabilité qu'à l'occasion d'une intervention bariatrique par « by pass », la survenance d'une double fistule, une fistule colique suivie d'une fistule anastomotique, ait conduit à une incapacité fonctionnelle de près de huit mois et à un arrêt de toute activité professionnelle pendant la même durée, la cour d'appel, qui ne s'est ainsi pas prononcée sur la fréquence de survenance du risque nécessaire à l'appréciation de l'anormalité du dommage, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1142-1, II, du code de la santé publique ; Alors, enfin et en tout état de cause, que, pour écarter l'anormalité du dommage, la cour d'appel s'est bornée à relever que Madame [N], qui n'avait pas subi de déficit fonctionnel permanent et n'avait été placée en invalidité de seconde catégorie que selon les critères fixés par le code de la sécurité sociale, ne démontrait pas l'invalidité grave qu'elle avait subie ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si Madame [N] dont il était constant qu'elle avait été atteinte d'un déficit fonctionnel temporaire d'un taux minimal de 75 % pendant près de huit mois et d'un préjudice esthétique permanent, n'était pas, de ce seul fait, atteinte d'une invalidité grave, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1142-1, II, du code de la santé publique.
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 14 décembre 2022 Cassation partielle M. CHAUVIN, président Arrêt n° 899 F-B Pourvoi n° N 21-22.037 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 14 DÉCEMBRE 2022 M. [O] [C], domicilié [Adresse 5], a formé le pourvoi n° N 21-22.037 contre l'arrêt rendu le 1er juin 2021 par la cour d'appel de Pau (1re chambre), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. [K] [Y], domicilié [Adresse 2], 2°/ à la société Ceram Tec GmbH, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 6] (Allemagne), société de droit allemand, venant aux droits de la société CeramTec AGInnovative, CeramTec Engineering, 3°/ à la société Johnson & Johnson Medical, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 1], venant aux droits de la société Depuy France, 4°/ à la caisse primaire d'assurance maladie des Landes, dont le siège est [Adresse 3], représentée par la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 7], et actuellement [Adresse 3], 5°/ à la société Msanté Mutuelle Familiale Landaise, dont le siège est [Adresse 4], et actuellement [Adresse 4], défendeurs à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Kerner-Menay, conseiller, les observations de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de M. [C], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie des Landes, de la SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat des sociétés Ceram Tec GmbH et Johnson & Johnson Medical, et l'avis de M. Chaumont, avocat général, après débats en l'audience publique du 8 novembre 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Kerner-Menay, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Tinchon, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Pau, 1er juin 2021), à la suite de la pose d'une prothèse de hanche, pratiquée le 10 février 2003 par M. [C] (le chirurgien) dans l'exercice d'une activité libérale au sein d'un établissement de santé public, M. [Y] a présenté plusieurs luxations ayant nécessité des réinterventions comportant la pose d'un dispositif anti-luxation et un changement de prothèse. 2. Les 27 février 2012 et 10 juillet 2013, il a assigné en responsabilité et indemnisation, d'une part, la société Depuy France, fabricant de la prothèse, aux droits de laquelle est venue la société Johnson & Johnson Médical, qui a mis en cause la société Ceramtec, fabricant de la tête fémorale, d'autre part, le chirurgien. Il a appelé à l'instance la caisse primaire d'assurance maladie des Landes (la caisse), qui a sollicité le remboursement de ses débours. 3. La responsabilité des sociétés Depuy France et Ceramtec a été écartée. Examen du moyen Enoncé du moyen 4. Le chirurgien fait grief à l'arrêt de le déclarer responsable d'une faute commise lors de l'intervention du 10 février 2003 et de le condamner à payer différentes sommes à M. [Y] et à la caisse, alors « que même lorsqu'ils ont recours à des produits de santé pour l'accomplissement d'un acte médical, les professionnels de santé n'engagent leur responsabilité qu'en cas de faute ; qu'il appartient au patient de prouver que son dommage est imputable à une telle faute ; qu'il résulte des termes de l'expertise judiciaire de M. [Z], confortée par celle préalable de l'expert M. [H], qu'« il n'y a pas eu de fautes, erreurs, maladresses, ou négligence dans la pose de prothèse totale de hanche droite par le chirurgien, le 10 février 2003 » et que « la prothèse de hanche droite posée le 10 février 2003 par le chirurgien était tout à fait adaptée à la morphologie et à l'âge de M. [Y] »; qu'en jugeant que « le chirurgien a néanmoins commis une faute en ne tirant pas les conséquences des caractéristiques morphologiques de son patient [?] qui commandaient d'implanter un dispositif anti-luxation », sans préciser quels éléments probants et médicaux lui permettaient de retenir une telle faute médicale pourtant écartée par les deux seuls experts judiciaires consultés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique ». Réponse de la Cour Vu l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : 5. Selon ce texte, la responsabilité des professionnels de santé au titre d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins n'est engagée qu'en cas de faute. 6. Pour condamner le chirurgien à payer différentes sommes à M. [Y] et à la caisse, après avoir constaté que les deux expertises judiciaire et administrative réalisées n'avaient retenu aucune faute, erreur, maladresse ou négligence du chirurgien, l'arrêt retient, au vu des luxations intervenues après l'intervention initiale, que celui-ci aurait dû tirer les conséquences des caractéristiques morphologiques de son patient en implantant, dès la première intervention, un dispositif anti-luxation, que la survenance des luxations était la preuve de cette mauvaise appréciation initiale, que ce dispositif s'était avéré efficace puisque les luxations ne s'étaient pas reproduites et que cette faute était à l'origine de l'entier dommage subi par M. [Y]. 7. En se déterminant ainsi, sans préciser sur quels éléments médicaux elle se fondait pour parvenir à cette conclusion contraire à celles des expertises judiciaire et administrative réalisées, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision. Mise hors de cause 8. En application de l'article 625 du code de procédure civile, il y a lieu de mettre hors de cause, sur leur demande, les sociétés Depuy France, aux droits de laquelle vient la société Johnson & Johnson Medical et Ceramtec GmbH, dont la présence n'est pas nécessaire devant la cour d'appel de renvoi. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il confirme le jugement en ce qu'il a exonéré de toute responsabilité les sociétés Depuy France et Ceramtec GmbH, l'arrêt rendu le 1er juin 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ; Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ; Met hors de cause les sociétés Depuy France aux droits de laquelle vient la société Johnson&Johnson Medical et Ceramtec GmbH ; Condamne M. [Y] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze décembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SARL Le Prado - Gilbert, avocat aux Conseils, pour M. [C]. M. [C] fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué, De l'AVOIR déclaré responsable sur le fondement de l'article 1147 du code civil du préjudice actuel de M. [Y] du fait de la faute commise lors de l'opération chirurgicale pratiquée le 10 février 2003 sous le statut de praticien libéral et de lui AVOIR en conséquence enjoint de réparer le préjudice corporel de M. [Y] évalué à 124 637, 88 euros et de payer la somme de 59 531,04 euros à M. [Y] outre intérêts et la somme de 65 106, 84 euros à la caisse primaire d'assurance maladie des Landes outre intérêts et la somme de 1 091,00 euros au titre de la rémunération forfaitaire réglementée ; ALORS QUE même lorsqu'ils ont recours à des produits de santé pour l'accomplissement d'un acte médical, les professionnels de santé n'engagent leur responsabilité qu'en cas de faute ; qu'il appartient au patient de prouver que son dommage est imputable à une telle faute ; qu'il résulte des termes de l'expertise judiciaire de M. [Z], confortée par celle préalable de l'expert [H], qu' « il n'y a pas eu de fautes, erreurs, maladresses, ou négligence dans la pose de prothèse totale de hanche droite par le Docteur [C], le 10 février 2003 » et que « la prothèse de hanche droite posée le 10 février 2003 par le Docteur [C] était tout à fait adaptée à la morphologie et à l'âge de Monsieur [Y] » (rapport d'expertise de M. [Z], p. 14) ; qu'en jugeant que « le chirurgien a néanmoins commis une faute en ne tirant pas les conséquences des caractéristiques morphologiques de son patient [?] qui commandaient d'implanter un dispositif anti-luxation » (arrêt, p. 5 dernier §), sans préciser quels éléments probants et médicaux lui permettaient de retenir une telle faute médicale pourtant écartée par les deux seuls experts judiciaires consultés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique.
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 14 décembre 2022 Cassation sans renvoi M. CHAUVIN, président Arrêt n° 894 FS-B Pourvoi n° K 21-20.885 Aide juridictionnelle totale en demande au profit de M. [S]. Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 1er juin 2021. R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 14 DÉCEMBRE 2022 M. [C] [S], domicilié chez Mme [V] [M], avocate, [Adresse 1], a formé le pourvoi n° K 21-20.885 contre l'ordonnance rendue le 5 janvier 2021 par le premier président de la cour d'appel de Paris, dans le litige l'opposant au préfet de la Seine-Saint-Denis, domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Mornet, conseiller, les observations de Me Bertrand, avocat de M. [S], et l'avis de M. Chaumont, avocat général, après débats en l'audience publique du 8 novembre 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Mornet, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, M. Chevalier, Mmes Kerner-Menay, Bacache-Gibeili, conseillers, Mmes Le Gall, de Cabarrus, Feydeau-Thieffry, M. Serrier, conseillers référendaires, M. Chaumont, avocat général, et Mme Tinchon, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Paris, 5 janvier 2021), et les pièces de la procédure, le 2 novembre 2020, M. [S], de nationalité algérienne, en situation irrégulière sur le territoire national, a été placé en rétention administrative, en exécution d'une obligation de quitter le territoire français. Par ordonnances des 4 novembre et 3 décembre 2020, le juge des libertés et de la détention a prolongé la rétention pour une durée de vingt-huit, puis de trente jours. 2. Le 1er janvier 2021, le juge des libertés et de la détention a été saisi par le préfet, sur le fondement de l' article L. 552-7, alinéa 5, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), d'une requête en troisième prolongation de la mesure de rétention. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 3. M. [S] fait grief à l'ordonnance d'accueillir la demande, alors « que le juge des libertés et de la détention peut, à titre exceptionnel, être saisi d'une demande de troisième prolongation de la rétention, notamment lorsque, dans les quinze derniers jours, l'étranger a fait obstruction à l'exécution d'office de la mesure d'éloignement ; que pour ordonner une troisième prolongation de la mesure de rétention concernant M. [S], le premier président a retenu que ce dernier ne présentait aucun document d'identité ou de voyage en cours de validité et ne fournissait pas d'élément sur sa réelle identité et notamment sa nationalité, "ce qui constitue une obstruction continue à l'exécution de la mesure d'éloignement" ; qu'en se fondant, pour se déterminer, sur la notion "d'obstruction continue", sans caractériser l'existence d'un acte positif volontaire imputable à M. [S] commis "dans les quinze derniers jours" et tendant à faire obstruction à la mesure d'éloignement, le premier président a violé l'article L.552-7, alinéa 5, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. » Réponse de la Cour Vu l'article L. 552-7, alinéa 5, du CESEDA, dans sa rédaction issue de la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 : 4. Selon ce texte, le juge des libertés et de la détention peut, à titre exceptionnel, être saisi d'une demande de troisième prolongation de la rétention, notamment lorsque, dans les quinze derniers jours, l'étranger a fait obstruction à l'exécution d'office de la mesure d'éloignement. 5. La présentation d'un document d'identité ou de voyage qui n'est plus en cours de validité ne caractérise pas une obstruction à l'exécution de la mesure d'éloignement. 6. Pour prolonger la rétention de M. [S], l'ordonnance retient, par motifs adoptés, qu'il n'a présenté aucun document d'identité ou de voyage en cours de validité et n'a pas fourni d'élément sur sa réelle identité et notamment sa nationalité, ce qui constitue une obstruction continue à l'exécution de la mesure d'éloignement. 7. En statuant ainsi, alors, d'une part, qu'il résultait de ses constatations que M. [S] avait présenté un document d'identité qui n'était plus en cours de validité, d'autre part, que son identité et sa nationalité, mentionnées sur les ordonnances, n'étaient pas contestées, le premier président, qui n'a pas caractérisé l'existence d'un acte d'obstruction à la mesure d'éloignement commis dans les quinze derniers jours, a violé le texte susvisé. Portée et conséquences de la cassation 8. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1er, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile. 9. La cassation prononcée n'implique pas, en effet, qu'il soit à nouveau statué sur le fond, dès lors que, les délais légaux pour statuer sur la mesure étant expirés, il ne reste plus rien à juger. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 5 janvier 2021, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Paris ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance cassée ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze décembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par Me Bertrand, avocat aux Conseils, pour M. [S] M. [C] [S] fait grief à la décision attaquée d'avoir ordonné une troisième prolongation de la mesure de rétention le concernant pour une durée de quinze jours à compter du 1er janvier 2021, ALORS, d'une part, QUE le juge des libertés et de la détention peut, à titre exceptionnel, être saisi d'une demande de troisième prolongation de la rétention, notamment lorsque, dans les quinze derniers jours, l'étranger a fait obstruction à l'exécution d'office de la mesure d'éloignement ; que pour ordonner une troisième prolongation de la mesure de rétention concernant M. [S], le premier président a retenu que ce dernier ne présentait aucun document d'identité ou de voyage en cours de validité et ne fournissait pas d'élément sur sa réelle identité et notamment sa nationalité, « ce qui constitue une obstruction continue à l'exécution de la mesure d'éloignement » (motifs adoptés de l'ordonnance du JLD de Meaux, p. 2 al. 5) ; qu'en se fondant, pour se déterminer, sur la notion « d'obstruction continue », sans caractériser l'existence d'un acte positif volontaire imputable à M. [S] commis « dans les quinze derniers jours » et tendant à faire obstruction à la mesure d'éloignement, le premier président a violé l'article L.552-7, alinéa 5, du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; ALORS, d'autre part, QUE le juge des libertés et de la détention peut, à titre exceptionnel, être saisi d'une demande de troisième prolongation de la rétention, notamment lorsque la mesure d'éloignement n'a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l'intéressé et qu'il est établi par l'autorité administrative compétente que cette délivrance doit intervenir à bref délai ; qu'en ordonnant une troisième prolongation de la mesure de rétention concernant M. [S], sans caractériser le fait que la délivrance des documents de voyage interviendrait à bref délai, le premier président a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.552-7, alinéa 5, du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 31 août 2022 Cassation partielle M. CHAUVIN, président Arrêt n° 619 F-B Pourvoi n° K 21-11.455 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 31 AOUT 2022 La société ITAC, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° K 21-11.455 contre l'arrêt rendu le 17 novembre 2020 par la cour d'appel de Versailles (13e chambre), dans le litige l'opposant : 1°/ à la société Audit bureautique conseils, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 4], 2°/ à la société CM-CIC Leasing Solutions, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], 3°/ à la société Kotel, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesses à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Avel, conseiller, les observations de la SARL Delvolvé et Trichet, avocat de la société ITAC, de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société Audit bureautique conseils, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société CM-CIC Leasing Solutions, de Me Laurent Goldman, avocat de la société Kotel, après débats en l'audience publique du 14 juin 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Avel, conseiller rapporteur, M. Vigneau, conseiller doyen, et Mme Vignes, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 17 novembre 2020), le 23 juin 2017, à l'occasion d'un démarchage, la société Itac, cabinet d'expertise-comptable, a conclu avec la société GE capital équipement finance, devenue la société CM-CIC Leasing Solutions (la société CM-CIC),un contrat de location d'un photocopieur. 2. Le 4 août 2017, invoquant l'exercice de son droit de rétractation, la société Itac a sollicité, auprès de la société Audit bureautique conseils, l'annulation immédiate du contrat de location. 3. La société Itac a assigné en paiement la société CM-CIC, ainsi que la société Kotel, prise en sa qualité d'apporteur d'affaires. Examen du moyen Enoncé du moyen 4. La société Itac fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, de dire que le contrat était résilié à ses torts, de la condamner à restituer le photocopieur à la société CM-CIC et à lui payer la somme de 21 108 euros avec intérêts au taux légal à compter du 8 février 2018 au titre des loyers impayés et à échoir, outre les pénalités pour la location du photocopieur, alors « qu'il résulte de l'article L. 221-3 du code de la consommation que le professionnel employant cinq salariés au plus, qui souscrit, hors établissement, un contrat dont l'objet n'entre pas dans le champ de son activité principale, bénéficie des dispositions protectrices du consommateur édictées par ce code, en particulier du droit de rétractation institué par l'article L. 221-18 ; qu'il incombe donc aux juges du fond de déterminer exclusivement si l'objet du contrat conclu entre dans le champs de cette activité principale ; qu'en l'espèce, pour dénier à la société Itac, société d'expertise-comptable, qui avait conclu hors de son établissement un contrat portant sur le photocopieur Samsung, le bénéfice des dispositions protectrices du code de la consommation et du droit de rétractation prévu par ce code, la cour d'appel s'est employée exclusivement à rechercher si celle-ci avait par là-même contracté dans un champ de compétence qui était le sien et qui lui permettrait d'apprécier les conditions de ce contrat indispensable à son activité ; qu'en appliquant ainsi un critère lié au champ de compétence du professionnel, critère étranger à celui imposé par le texte susvisé et tiré de l'inclusion de l'objet du contrat dans champ de l'activité principale du professionnel, en l'occurrence celle d'expert-comptable, à laquelle, en outre, un contrat de location de photocopieur ne se rapporte pas, la cour d'appel a violé celui-ci. » Réponse de la Cour Vu l'article L. 221-3 du code de la consommation : 5. Selon ce texte, les dispositions du code de la consommation applicables aux relations entre consommateurs et professionnels sont étendues aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels dès lors que l'objet de ces contrats n'entre pas dans le champ de l'activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq. 6. Pour rejeter les demandes de la société Itac, dire que le contrat du 23 juin 2017 a été résilié à ses torts et la condamner à payer diverses sommes à la société CM-CIC Leasing Solutions et à restituer le photocopieur objet de ce contrat, l'arrêt retient que celle-ci disposait de toutes les compétences professionnelles pour apprécier les conditions financières d'un contrat de location portant sur un photocopieur, matériel de bureau indispensable à son activité principale, de sorte qu'elle ne pouvait bénéficier des dispositions protectrices du code de la consommation et du droit de rétractation prévu par ce code. 7. En se déterminant ainsi, par des motifs impropres à établir que les contrats de location entraient dans le champ de l'activité principale de la société Itac, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision. Demande de mise hors de cause 8. En application de l'article 625 du code de procédure civile, il y a lieu de mettre hors de cause société Kotel dont la présence n'est pas nécessaire devant la cour d'appel de renvoi. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il rejette la demande en garantie de la société Audit bureautique conseils à l'encontre de la société Kotel, l'arrêt rendu le 17 novembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée ; Met hors de cause la société Kotel ; Condamne la société CM-CIC Leasing Solutions et la société Audit bureautique conseils aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette leurs demandes et les condamne à payer à la société ITAC la somme globale de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un août deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SARL Delvolvé et Trichet, avocat aux Conseils, pour la société ITAC La société Itac fait grief à l'arrêt de l'avoir déboutée de ses demandes, d'avoir dit que le contrat de location n°BU2452600 du 23 juin 2017 conclu entre elle et la société CM-CIC Leasing Solutions pour le photocopieur Samsung était résilié à ses torts, de l'avoir condamnée à restituer à la société CM-CIC Leasing Solutions le photocopieur multifonctions de marque Samsung objet de la convention résiliée, dans le délai d'un mois à compter de la signification de cet arrêt et, passé ce délai, sous astreinte provisoire de 20 euros par jour de retard pendant trois mois, et de l'avoir condamnée à payer à la société CM-CIC Leasing Solutions la somme de 21.108 euros avec intérêts au taux légal à compter du 8 février 2018 au titre des loyers impayés et des loyers à échoir outre les pénalités pour la location du photocopieur Samsung, Alors qu'il résulte de l'article L. 221-3 du code de la consommation que le professionnel employant cinq salariés au plus, qui souscrit, hors établissement, un contrat dont l'objet n'entre pas dans le champ de son activité principale, bénéficie des dispositions protectrices du consommateur édictées par ce code, en particulier du droit de rétractation institué par l'article L. 221-18 ; qu'il incombe donc aux juges du fond de déterminer exclusivement si l'objet du contrat conclu entre dans le champs de cette activité principale ; qu'en l'espèce, pour dénier à la société Itac, société d'expertise-comptable, qui avait conclu hors de son établissement un contrat portant sur le photocopieur Samsung, le bénéfice des dispositions protectrices du code de la consommation et du droit de rétractation prévu par ce code, la cour d'appel s'est employée exclusivement à rechercher si celle-ci avait par là-même contracté dans un champ de compétence qui était le sien et qui lui permettrait d'apprécier les conditions de ce contrat indispensable à son activité ; qu'en appliquant ainsi un critère lié au champ de compétence du professionnel, critère étranger à celui imposé par le texte susvisé et tiré de l'inclusion de l'objet du contrat dans champ de l'activité principale du professionnel, en l'occurrence celle d'expert-comptable, à laquelle, en outre, un contrat de location de photocopieur ne se rapporte pas, la cour d'appel a violé celui-ci. 1re Civ., 27 novembre 2019, pourvoi n° 18-22.525 , Bull., (cassation) et l'arrêt cité.
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 31 août 2022 M. CHAUVIN, président Arrêt n° 620 F-B Pourvoi n° B 21-13.080 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 31 AOUT 2022 Mme [Y] [V], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° B 21-13.080 contre l'arrêt rendu le 14 janvier 2021 par la cour d'appel de Douai (chambre 1, section 2), dans le litige l'opposant à Mme [E] [X] [F], domiciliée [Adresse 2], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Avel, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de Mme [V], après débats en l'audience publique du 14 juin 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Avel, conseiller rapporteur, M. Vigneau, conseiller doyen, et Mme Vignes, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 14 janvier 2021), au cours du mois de février 2017, Mme [V] a pris contact avec Mme [X] [F] aux fins de procéder à des travaux d'aménagement, d'ameublement et de décoration de son appartement. 2. Après le règlement de différents acomptes, le 7 juillet 2017, Mme [X] [F] a émis une facture de solde des travaux. 3. Mme [V] l'a assignée en restitution de sommes indûment versées et, subsidiairement, en indemnisation. Examen des moyens Sur le premier moyen, pris en sa troisième branche, et sur les deuxième et troisième moyens, ci-après annexés 4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen, pris en ses deux premières branches Enoncé du moyen 5. Mme [V] fait grief à l'arrêt de rejeter la demande d'annulation des contrats conclus avec Mme [X] [F], alors : « 1°/ que constitue un contrat conclu à distance au sens de l'article L. 221-1 du code de la consommation la convention passée entre un professionnel et un consommateur, dans le cadre d'un système organisé de vente ou de prestation de services à distance, sans la présence physique simultanée du professionnel et du consommateur, par le recours exclusif à une ou plusieurs techniques de communication à distance jusqu'à la conclusion du contrat ; qu'en écartant cette qualification, après avoir néanmoins constaté que les contrats avaient été conclus sans la présence physique simultanée des parties et par le recours exclusif à des techniques de communication à distance, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations en violation de l'article L. 221-1 du code de la consommation ; 2°/ que doit être qualifié de contrat à distance, tout contrat entre un professionnel et un consommateur qui ne se trouvent pas physiquement en présence, peu important le moyen de communication utilisé entre eux et peu important que le professionnel exerce individuellement, hors d'un système organisé de prestation de service à distance ; qu'en jugeant que le contrat de travaux ayant lié Mmes [V] et [X] [F] n'avait pas été conclu à distance, au motif que cette dernière n'avait pas mis en place de système organisé de prestation de service à distance, la cour d'appel a violé l'article L. 221-1 du code de la consommation. » Réponse de la Cour 6. Après avoir retenu qu'il n'était ni soutenu ni établi que les contrats avaient été conclus au titre d'un système organisé de vente ou de prestation de services à distance, la cour d'appel en a déduit à bon droit que, bien qu'ayant été conclus sans la présence physique simultanée des deux parties et par le recours exclusif de techniques de communication à distance, ceux-ci ne pouvaient pas être qualifiés de contrats à distance au sens de l'article L. 221-1 du code de la consommation. 7. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne Mme [V] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un août deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour Mme [V] PREMIER MOYEN DE CASSATION Mme [V] fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR confirmé le jugement entrepris, en ce qu'il avait rejeté la demande d'annulation des contrats conclus avec Mme [X] [F] ; 1°) ALORS D'UNE PART QUE constitue un contrat conclu à distance au sens de l'article L. 221-1 du Code de la consommation la convention passée entre un professionnel et un consommateur, dans le cadre d'un système organisé de vente ou de prestation de services à distance, sans la présence physique simultanée du professionnel et du consommateur, par le recours exclusif à une ou plusieurs techniques de communication à distance jusqu'à la conclusion du contrat ; qu'en écartant cette qualification, après avoir néanmoins constaté que les contrats avaient été conclus sans la présence physique simultanée des parties et par le recours exclusif à des techniques de communication à distance, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations en violation de l'article L. 221-1 du code de la consommation ; 2°) ALORS QUE doit être qualifié de contrat à distance, tout contrat entre un professionnel et un consommateur qui ne se trouvent pas physiquement en présence, peu important le moyen de communication utilisé entre eux et peu important que le professionnel exerce individuellement, hors d'un système organisé de prestation de service à distance ; qu'en jugeant que le contrat de travaux ayant lié Mmes [V] et [X] [F] n'avait pas été conclu à distance, au motif que cette dernière n'avait pas mis en place de système organisé de prestation de service à distance, la cour d'appel a violé l'article L. 221-1 du code de la consommation ; 3°) ALORS QUE le formalisme précontractuel prescrit entre prestataire de service professionnel et consommateur se résout en dommages-intérêts ; qu'en déboutant Mme [V] de sa demande d'indemnisation, formée au titre de l'absence de devis qui lui avait été présenté par Mme [X] [F], motif pris de ce que la méconnaissance du formalisme précontractuel prévu par le code de la consommation n'était pas sanctionnée par la nullité du contrat, quand l'exposante avait également sollicité l'indemnisation du préjudice qu'elle avait subi, la cour d'appel a violé l'article 1231-1 du code civil. DEUXIEME MOYEN DE CASSATION Mme [V] fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR confirmé le jugement entrepris, en ce qu'il avait rejeté la demande de nullité des contrats conclus avec Mme [X] [F] ; ALORS QUE constitue une réticence dolosive le fait de faire croire à un client qu'on est un professionnel de la construction ; qu'en ayant jugé que Mme [X] [F] ne s'était rendue coupable d'aucune réticence dolosive au détriment de l'exposante, dès lors qu'elle ne lui aurait pas fait croire qu'elle travaillait dans le cadre de sociétés, sans rechercher si l'intéressée n'avait pas fait usage d'une fausse qualité, en faisant croire qu'elle était une professionnelle de l'aménagement et de la décoration, alors même qu'elle n'était pas même inscrite au RCS, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 1137 du code civil. TROISIEME MOYEN DE CASSATION Mme [V] fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR condamné Mme [V] à régler à Mme [X] [F] la somme de 7 978,26 euros ; ALORS QUE les juges du fond ne peuvent condamner le client d'un prestataire de service prétendu à régler deux fois le même poste de travaux ; qu'en condamnant Madame [V] à payer à Mme [X] [F] la somme de 7 978,26 €, incluant le poste « peinture » à hauteur de 3 700 € dont elle avait constaté (arrêt, p. 8 § 6) que Mme [V] l'avait déjà réglé, la cour d'appel a violé l'article 1103 du code civil.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 28 septembre 2022 Cassation partielle M. HUGLO, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 1028 F-B sur le 2e moyen pris en ses 1ère et 2e branches Pourvoi n° W 21-12.776 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 28 SEPTEMBRE 2022 Mme [J] [K], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° W 21-12.776 contre l'arrêt rendu le 17 décembre 2020 par la cour d'appel de Papeete (chambre sociale), dans le litige l'opposant : 1°/ au conseil d'administration de la mission catholique de [Localité 4] et dépendances, dont le siège est [Adresse 2], 2°/ à la direction diocésaine de l'enseignement catholique de Polynésie française, dont le siège est [Adresse 3], défenderesses à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Ott, conseiller, les observations écrites de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de Mme [K], de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat du conseil d'administration de la mission catholique de [Localité 4] et dépendances, et de la direction diocésaine de l'enseignement catholique de Polynésie française, après débats en l'audience publique du 29 juin 2022 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Ott, conseiller rapporteur, M. Rinuy, conseiller, Mme Laulom, avocat général, et Mme Jouanneau, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué ( Papeete, 17 décembre 2020), Mme [K] a été engagée, selon contrat à durée indéterminée du 3 juin 2005, par la direction diocésaine de l'enseignement catholique de Polynésie française en qualité de responsable du département psychologie à tiers temps et au service psychologie de la direction de l'enseignement catholique à deux tiers de temps, puis a été nommée, par avenant du 30 avril 2014, responsable pédagogique des filières en sciences humaines à temps complet. 2. Par lettre du 28 février 2017, elle a été convoquée à un entretien pour reclassement eu égard à la réduction de son temps de service pour motif économique, entretien dont la date a été reportée au 21 mars 2017. 3. Par lettre du 22 mars 2017, la directrice diocésaine a proposé à la salariée une modification de son contrat de travail, avec réduction de son temps de travail à treize heures par semaine, afin d'assurer la responsabilité des deuxième et troisième années de licence de psychologie. Il lui a été proposé d'autres postes à deux tiers de temps. Suite au refus par la salariée de ces postes de reclassement, la directrice diocésaine lui a, par lettre du 19 mai 2017, proposé deux nouveaux postes. 4. Par lettre du 29 mai 2017, la salariée a été désignée déléguée syndicale. Par requête du 12 juin 2017, le conseil d'administration de la mission catholique de [Localité 4] et dépendances et la direction diocésaine ont sollicité l'annulation de cette désignation. 5. Après nouveau refus des propositions de reclassement, la salariée a été convoquée, par lettre du 26 juin 2017, à un entretien préalable au licenciement pour motif économique, entretien dont la date a été reportée au 7 juillet 2017. 6. Par jugement du 11 juillet 2017, le tribunal de première instance de Papeete a annulé la désignation de la salariée en qualité de délégué syndical. 7. Par lettre du 22 juillet 2017, la salariée a été licenciée pour motif économique, avec dispense de préavis de quatre mois, en raison de difficultés économiques de l'Institut entraînant la fermeture de certaines filières dont elle est responsable. 8. Le 25 octobre 2017, la salariée, invoquant une violation de son statut protecteur et contestant le motif économique de son licenciement, a saisi la juridiction prud'homale aux fins de dire son licenciement, à titre principal, nul et illicite et, à titre subsidiaire, sans cause réelle et sérieuse et de condamner le conseil d'administration de la mission catholique de [Localité 4] et dépendances et la direction diocésaine au paiement de diverses sommes. Examen des moyens Sur le premier moyen, pris en sa quatrième branche Enoncé du moyen 9. La salariée fait grief à l'arrêt d'ordonner la mise hors de cause du CAMICA, alors « qu'en affirmant péremptoirement, pour dire que le CAMECA devait être mis hors de cause, qu'il était justifié que la DDEC constituait un établissement distinct du CAMICA qui a une autonomie suffisante pour disposer de son propre personnel sans préciser les éléments sur lesquels elle se fondait et alors que la DDEC et le CAMICA reconnaissaient dans leurs écritures que la DDEC ne disposait pas d'existence juridique propre, la cour d'appel, qui n'a pas motivé sa décision, a violé l'article 268 du code de procédure civile polynésien. » Réponse de la Cour Recevabilité du moyen 10. La direction diocésaine de l'enseignement catholique de Polynésie française et le conseil d'administration de la mission catholique de Polynésie française soulèvent l'irrecevabilité du moyen comme étant contraire à la thèse soutenue devant la cour d'appel par la salariée, revendiquant que la direction diocésaine soit reconnue comme étant son employeur. 11. Cependant, la salariée sollicitait devant la cour d'appel la condamnation solidaire de la direction diocésaine de l'enseignement catholique de Polynésie française et du conseil d'administration de la mission catholique de Polynésie française au paiement de diverses sommes au titre de la rupture de son contrat de travail. 12. Le moyen, qui n'est pas incompatible avec la thèse soutenue devant les juges du fond et qui est né de la décision attaquée, est dès lors recevable. Bien fondé du moyen Vu l'article 268 du code de procédure civile polynésien : 13. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé. Le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs. 14. Pour infirmer le jugement ayant mis hors de cause la direction diocésaine de l'enseignement catholique et mettre hors de cause le conseil d'administration de la mission catholique de Polynésie française, l'arrêt retient que la salariée a signé avec la direction diocésaine de l'enseignement catholique de [Localité 4] et dépendances un contrat de travail à durée indéterminée, lequel a fait l'objet ultérieurement d'un avenant, et qu'il est justifié de ce que la direction diocésaine est un établissement distinct du CAMICA qui a une autonomie suffisante pour disposer de son propre personnel. 15. En statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de la direction diocésaine de l'enseignement catholique de Polynésie française et du conseil d'administration de la mission catholique de Polynésie française faisant valoir que la première n'avait pas de personnalité juridique propre et n'était qu'un établissement distinct du second, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé. Sur le deuxième moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 16. La salariée fait grief à l'arrêt de dire régulier et valable son licenciement pour motif économique, alors « que l'employeur est tenu de demander l'autorisation administrative de licencier un salarié lorsque ce dernier bénéficie du statut protecteur à la date de l'envoi de la convocation à l'entretien préalable ; qu'en jugeant que Mme [K] n'était pas fondée à faire valoir que son employeur aurait dû solliciter l'autorisation préalable de la licencier auprès de l'inspection du travail après avoir pourtant relevé, d'une part, que Mme [K] avait été désignée déléguée syndicale par lettre du 29 mai 2017 et d'autre part, qu'elle avait été convoquée à un entretien préalable par lettre du 26 juin 2017, enfin, qu'elle avait été licenciée par lettre en date du 22 juillet 2017 sans que ne soit sollicitée l'autorisation préalable de l'inspection du travail, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations dont il résultait que Mme [K] bénéficiait du statut de salarié protégée à la date de la convocation à l'entretien préalable et avait néanmoins été licenciée sans autorisation préalable de l'inspection du travail, violé les articles Lp. 2511-1 et Lp. 2511-2 du code du travail polynésien. » Réponse de la Cour Vu l'article Lp. 2511-1 et l'article Lp. 2511-2 devenu l'article Lp. 2512-1 du code du travail polynésien : 17. Il résulte de ces textes que l'autorisation administrative de licenciement est requise lorsque le salarié bénéficie de la protection à la date d'envoi de la convocation à l'entretien préalable au licenciement. 18. Pour rejeter la demande en nullité du licenciement pour violation du statut protecteur, l'arrêt retient que la demande d'autorisation administrative est nécessairement postérieure à l'entretien préalable au licenciement et que les textes ne fixent pas de délai à respecter par l'employeur pour solliciter une autorisation administrative de licenciement, sous le seul risque du non respect du délai maximum de notification du licenciement s'il tarde à saisir l'inspection du travail. L'arrêt ajoute qu'au moment de l'envoi de la lettre datée du 22 juillet 2017 portant notification du licenciement pour motif économique, force est de constater que la désignation de la salariée en tant que délégué syndical a été annulée le 11 juillet 2017 par jugement réputé contradictoire en dernier ressort, exécutoire dès son prononcé et, la salariée ayant perdu sa qualité de salarié protégé postérieurement à l'entretien préalable du 7 juillet 2017, il ne peut dès lors être fait grief à l'employeur de ne pas avoir sollicité une autorisation administrative qui n'avait plus lieu d'être demandée. 19. En statuant ainsi, alors, d'une part, qu'elle avait constaté que la salariée avait été désignée, le 29 mai 2017, déléguée syndicale avant l'envoi de la lettre du 16 juin 2017 la convoquant à l'entretien préalable au licenciement et qu'il était constant que l'employeur n'avait pas sollicité l'autorisation administrative de licenciement et alors, d'autre part, que l'annulation de la désignation d'un délégué syndical n'a pas d'effet rétroactif, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés. Et sur le deuxième moyen , pris en sa deuxième branche Enoncé du moyen 20. La salariée fait le même grief à l'arrêt, alors « qu'en application de l'article Lp. 2511-1 6° du code du travail polynésien, ne peut intervenir qu'après autorisation de l'inspecteur du travail, le licenciement des anciens délégués syndicaux, représentants du personnel, ou représentants syndicaux pendant six mois après la cessation de leurs fonctions ou de leur mandat ; qu'en retenant, pour dire que le licenciement de Mme [K], désignée déléguée syndicale par lettre en date du 29 mai 2017 n'était pas soumis à autorisation préalable de l'inspection du travail, que celle-ci ne contestait pas n'avoir jamais exercé de fonctions syndicales, la cour d'appel, qui a ajouté à la loi une condition qu'elle ne prévoyait pas, a violé l'article susvisé. » Réponse de la Cour Vu l'article Lp. 2511-1, 6°, du code du travail polynésien : 21. Selon ce texte, ne peut intervenir qu'après autorisation de l'inspecteur du travail, le licenciement des anciens délégués syndicaux, représentants du personnel ou représentants syndicaux pendant six mois, après la cessation de leurs fonctions ou de leur mandat. 22. Il résulte de ce texte que la protection bénéficie au salarié, titulaire d'un mandat de délégué syndical, sans condition d'exercice effectif de ses fonctions, et qu'elle s'applique au salarié dont le mandat est annulé par une décision de justice, l'annulation de la désignation n'ayant pas d'effet rétroactif. 23. Pour rejeter la demande en nullité du licenciement pour violation du statut protecteur, l'arrêt retient que la protection de six mois de l'ancien délégué syndical prévue par l'article Lp. 2511-1 du code du travail polynésien ne commence qu'après la cessation de ses fonctions ou de son mandat et que la salariée ne conteste pas n'avoir jamais exercé ses fonctions syndicales. 24. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que le mandat de délégué syndical dont la salariée avait été investi le 29 mai 2017 avait été annulé par jugement du 11 juillet 2017, ce dont elle aurait dû déduire que la salariée bénéficiait à compter de cette date de la protection complémentaire de six mois, la cour d'appel, qui a ajouté une condition non prévue par la loi, a violé le texte susvisé. Portée et conséquences de la cassation 25. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des dispositions de l'arrêt déboutant la salariée de ses demandes en nullité du licenciement pour violation du statut protecteur entraîne la cassation du chef du dispositif déboutant la salariée de ses demandes subsidiaires au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare l'appel recevable et déboute la salariée de sa demande au titre de la majoration pour ancienneté, l'arrêt rendu le 17 décembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Papeete ; Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Papeete autrement composée ; Condamne la direction diocésaine de l'enseignement catholique de Polynésie française et le conseil d'administration de la mission catholique de [Localité 4] et dépendances in solidum aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la direction diocésaine de l'enseignement catholique de Polynésie française et le conseil d'administration de la mission catholique de [Localité 4] et dépendances et condamne la direction diocésaine de l'enseignement catholique de Polynésie française et le conseil d'administration de la mission catholique de [Localité 4] et dépendances à payer in solidum à Mme [K] la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit septembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour Mme [K] PREMIER MOYEN DE CASSATION Madame [J] [K] fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR ordonné la mise hors de cause du CAMICA ; 1) ALORS QUE, en retenant que c'est la DDEC de Polynésie Française qui devait seule être considérée comme l'employeur de Mme [K] alors qu'il est constant et tel que la DDEC et le CAMICA le reconnaissaient expressément dans leurs écritures, que la DDEC ne dispose pas de la personnalité juridique et que son directeur agit sur délégation du CAMICA dont elle dépend et qui seul dispose de la personnalité juridique, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article Lp. 1211-1 du code du travail polynésien ; 2) ALORS A TOUT LE MOINS QUE, pour dire que le CAMECA devait être mis hors de cause, les premiers juges avaient relevé que la DDEC de Polynésie française ne disposait pas de la personnalité juridique ; qu'en se bornant, pour mettre hors de cause le CAMECA, à relever que le contrat de travail de Mme [K] avait été conclu avec la DDEC et qu'il était justifié qu'elle constituait un établissement distinct, sans réfuter les motifs déterminants des premiers juges, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article Lp. 1211-1 du code du travail polynésien ; 3) ALORS EN OUTRE QUE, en retenant, pour dire que le CAMECA devait être mis hors de cause, qu'il était justifié que la DDEC constituait un établissement distinct du CAMICA qui a une autonomie suffisante pour disposer de son propre personnel, la cour d'appel, qui a statué par des motifs inopérants, a derechef violé l'article Lp. 1211-1 du code du travail polynésien ; 4) ALORS AU SURPLUS QUE, en affirmant péremptoirement, pour dire que le CAMECA devait être mis hors de cause, qu'il était justifié que la DDEC constituait un établissement distinct du CAMICA qui a une autonomie suffisante pour disposer de son propre personnel sans préciser les éléments sur lesquels elle se fondait et alors que la DDEC et le CAMICA reconnaissaient dans leurs écritures que la DDEC ne disposait pas d'existence juridique propre, la cour d'appel, qui n'a pas motivé sa décision, a violé l'article 268 du code de procédure civile polynésien ; 5) ALORS ENFIN, QUE, en mettant hors de cause le CAMICA après avoir pourtant constaté que la DDEC ne disposait pas de la personnalité juridique ce dont il résultait que Mme [K] serait dans l'impossibilité de pouvoir faire exécuter la décision à intervenir, la cour d'appel a violé le droit à l'exécution des jugements, ensemble le droit de recours effectif garantis par les articles 6, §§ 1 et 13, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. DEUXIEME MOYEN DE CASSATION Madame [J] [K] fait grief à l'arrêt attaqué de l'AVOIR déboutée de sa demande tendant à l'annulation de son licenciement ainsi que de ses demandes financières subséquentes ; 1) ALORS QUE, l'employeur est tenu de demander l'autorisation administrative de licencier un salarié lorsque ce dernier bénéficie du statut protecteur à la date de l'envoi de la convocation à l'entretien préalable ; qu'en jugeant que Mme [K] n'était pas fondée à faire valoir que son employeur aurait dû solliciter l'autorisation préalable de la licencier auprès de l'inspection du travail après avoir pourtant relevé, d'une part, que Mme [K] avait été désignée déléguée syndicale par lettre du 29 mai 2017 et d'autre part, qu'elle avait été convoquée à un entretien préalable par lettre du 26 juin 2017, enfin, qu'elle avait été licenciée par lettre en date du 22 juillet 2017 sans que ne soit sollicitée l'autorisation préalable de l'inspection du travail, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations dont il résultait que Mme [K] bénéficiait du statut de salarié protégée à la date de la convocation à l'entretien préalable et avait néanmoins été licenciée sans autorisation préalable de l'inspection du travail, violé les articles Lp. 2511-1 et Lp. 2511-2 du code du travail polynésien ; 2) ALORS EN TOUT ETAT DE CAUSE QUE, en application de l'article Lp 2511-1 6° du code du travail polynésien, ne peut intervenir qu'après autorisation de l'inspecteur du travail, le licenciement des anciens délégués syndicaux, représentants du personnel, ou représentants syndicaux pendant six mois après la cessation de leurs fonctions ou de leur mandat ; qu'en retenant, pour dire que le licenciement de Mme [K], désignée déléguée syndicale par lettre en date du 29 mai 2017 n'était pas soumis à autorisation préalable de l'inspection du travail, que celle-ci ne contestait pas n'avoir jamais exercé de fonctions syndicales, la cour d'appel, qui a ajouté à la loi une condition qu'elle ne prévoyait pas, a violé l'article susvisé ; 3) ALORS AU SURPLUS QUE, dans ses écritures, Mme [K] avait soutenu et démontré que la condition d'exercice des mandats pour pouvoir bénéficier de la protection n'était pas prévue par le code du travail polynésien et qu'en application du principe de spécialité législative, une telle condition, prévue par l'article L. 2411-3 du code du travail métropolitain ne pouvait lui être appliquée ; qu'en se bornant à affirmer péremptoirement que Mme [K] ne contestait pas ne pas avoir exercé son mandat, sans expliquer ni préciser sur quel fondement le code du travail métropolitain pourrait être appliqué à une situation régie par le code du travail polynésien, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article Lp. 2511-1 du code du travail polynésien, ensemble l'article L. 2411-3 du code du travail métropolitain ; 4) ALORS A TOUT LE MOINS QUE, dans ses écritures, Mme [K] avait soutenu et démontré que la condition d'exercice des mandats pour pouvoir bénéficier de la protection n'était pas prévue par le code du travail polynésien et qu'en application du principe de spécialité législative, une telle condition, prévue par l'article L. 2411-3 du code du travail métropolitain ne pouvait lui être appliquée ; qu'en se bornant à affirmer péremptoirement que Mme [K] ne contestait pas ne pas avoir exercé son mandat sans répondre aux écritures précises et déterminantes de Mme [K] sur ce point, la cour d'appel a violé l'article 268 du code de procédure civile polynésien. TROISIEME MOYEN DE CASSATION (Subsidiaire au deuxième) Mme [J] [K] fait grief à l'arrêt d'AVOIR dit régulier et valable son licenciement pour motif économique ; 1) ALORS D'UNE PART, sur la cause économique, QUE, en application de l'article Lp. 1222-11 du code du travail polynésien, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification du contrat de travail, consécutives notamment 1. à des difficultés économiques sérieuses ; 2. ou à des mutations technologiques ; 3. ou à des nécessités de réorganisation en vue de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise ; 4. ou à la cessation d'activité de l'entreprise » ; que lorsque l'entreprise appartient à un groupe, la réalité de la cause économique à l'origine du licenciement doit être appréciée au niveau du groupe ou du secteur d'activité auquel appartient l'entreprise ; qu'en se bornant, pour dire que le licenciement pour motif économique de Mme [K] était fondé sur une cause réelle et sérieuse, à affirmer que les éléments financiers produits corroborent l'existence de difficultés économiques ayant contraint l'employeur à licencier la salariée du fait de la fermeture envisagée de la filière psychologie, sans rechercher, ni préciser, d'une part, si les difficultés économiques étaient suffisamment sérieuses pour justifier le licenciement et d'autre part, sans expliquer en quoi était caractérisée l'existence, au niveau du secteur d'activité du groupe auquel l'employeur appartient, de difficultés économiques, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article susvisé ; 2) ALORS A TOUT LE MOINS QUE, se bornant, pour dire que le licenciement pour motif économique de Mme [K] était fondé sur une cause réelle et sérieuse, à affirmer que les éléments financiers produits corroborent l'existence de difficultés économiques ayant contraint l'employeur à licencier la salariée du fait de la fermeture envisagée de la filière psychologie, sans préciser, les raisons pour lesquelles les difficultés économiques étaient suffisamment sérieuses au niveau de l'Enseignement catholique de Polynésie française, la cour d'appel, qui n'a pas motivé sa décision et mis la Cour de Cassation en mesure d'exercer son contrôle, a violé l'article 268 du code de procédure civile ; 3) ALORS AU SURPLUS QUE, en se bornant à viser trois pièces versées par les défendeurs aux débats, sans préciser en quoi celles-ci permettaient de constater l'existence de difficultés économiques sérieuses au niveau de l'ensemble de l'Enseignement catholique de Polynésie française, la cour d'appel a derechef privé sa décision de base légale au regard de l'article Lp. 1222-11 du code du travail polynésien ; 4) ALORS PAR AILLEURS QUE, dans ses écritures, Mme [K] avait soutenu et démontré qu'il résultait des pièces versées par l'employeur et sur lesquelles la cour d'appel a cru pouvoir fonder toute son argumentation, qu'aucune difficulté économique sérieuse n'affectait l'enseignement catholique lequel est financé à près de 60 % par des fonds publics, qu'aucune alerte du commissaire aux comptes n'avait jamais été formulée, en outre, que Mme [K] était la première et la seule salariée à avoir fait l'objet d'un licenciement au sein de l'Enseignement catholique ; qu'en se bornant à viser les pièces produites par l'employeur sans répondre à ces écritures déterminantes, la cour d'appel a derechef violé l'article 268 du code de procédure civile polynésien ; 5) ALORS ENCORE QUE, dans ses écritures et pièces à l'appui, Mme [K] avait démontré que l'absence de toute difficultés économiques sérieuses était confirmée par le registre du personnel dont il ressortait que très peu de temps après son licenciement, ce sont pas moins de six salariés qui avaient été embauchés par l'Enseignement catholique, ce qui suffisait à établir l'absence de toute cause économique sérieuse ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen déterminant, la cour d'appel a derechef violé l'article 268 du code de procédure civile polynésien ; 6) ALORS D'AUTRE PART, EN TOUT ETAT DE CAUSE, sur le reclassement, QUE, selon l'article Lp. 1222-12 du code du travail polynésien, le licenciement ne peut intervenir que lorsque le reclassement de l'intéressé ne peut être réalisé dans le cadre de l'entreprise ou du groupe ; qu'en se bornant, pour dire que l'employeur n'avait pas manqué à son obligation de reclassement, à affirmer que l'employeur aurait envoyé des courriers à l'ensemble des établissements, sans rechercher, ainsi cependant qu'elle y était invité, si les recherches de reclassement avaient été loyales et sérieuses et plus encore, si l'employeur avait tout mis en oeuvre pour tenter de reclasser sa salariée, et en particulier, avait réalisé tous les efforts de formation et d'adaptation afin s'assurer le reclassement de son salarié, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article susvisé ; 7) ALORS ENFIN QUE, dans ses écritures, Mme [K] avait encore soutenu et démontré d'une part, que l'employeur n'avait pas tout mis en oeuvre pour tenter de la reclasser, d'autre part, qu'il s'était borné à lui adresser des offres de reclassement qui n'étaient ni individualisées, ni fermes, et pour certaines, radicalement imprécises, ce qui privait également le licenciement de cause réelle et sérieuse ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen précis et circonstancié, la cour d'appel a violé l'article 268 du code de procédure civile polynésien.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 28 septembre 2022 M. HUGLO, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 1042 F-B Pourvoi n° E 21-16.993 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 28 SEPTEMBRE 2022 1°/ M. [M] [C], domicilié [Adresse 1], agissant en qualité de représentant du comité social et économique (CSE), 2°/ le syndicat CGT des personnels Aldi marché [Localité 2], dont le siège est [Adresse 3], ont formé le pourvoi n° E 21-16.993 contre l'arrêt rendu le 24 mars 2021 par la cour d'appel d'Orléans (chambre des urgences), dans le litige les opposant à la société Aldi marché [Localité 2], société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 4], défenderesse à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Ollivier, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [C] et du syndicat CGT des personnels Aldi marché [Localité 2], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Aldi marché [Localité 2], après débats en l'audience publique du 29 juin 2022 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Ollivier, conseiller référendaire rapporteur, Mme Sommé, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Orléans, 24 mars 2021), M. [C], en qualité de membre du comité social et économique de la société Aldi marché [Localité 2] (la société), a saisi la juridiction prud'homale le 21 août 2020, selon la procédure accélérée au fond, pour obtenir notamment la mise en place d'un registre du droit d'alerte en matière de risque grave pour la santé publique ou l'environnement au niveau de tous les magasins Aldi marché. 2. Le syndicat CGT des personnels Aldi marché [Localité 2] est intervenu volontairement à l'instance. Examen du moyen Enoncé du moyen 3. Le représentant du comité social et économique et le syndicat font grief à l'arrêt de les débouter de leurs demandes tendant à ce qu'il soit ordonné, sous astreinte, à la société la mise en place du registre du droit d'alerte en matière de santé et d'environnement dans chaque établissement du périmètre de la société, qu'il lui soit enjoint de justifier de la mise en place de ces registres dans les établissements désignés, par constat d'huissier à ses frais, ce sous astreinte, et qu'il lui soit fait injonction de communiquer au représentant du comité social et économique la copie des actes d'huissiers constatant la mise en place des registres du droit d'alerte en matière de santé et d'environnement, ce sous astreinte, et de débouter le syndicat de sa demande de dommages-intérêts, alors « que le travailleur s'il estime, de bonne foi, que les produits ou procédés de fabrication utilisés ou mis en oeuvre par l'établissement font peser un risque grave sur la santé publique ou l'environnement, de même que le représentant du personnel au comité social et économique qui constate, notamment par l'intermédiaire d'un travailleur, qu'il existe un tel risque, alertent immédiatement l'employeur, cette alerte devant être consignée sur un registre spécial ; que pour dire que la société Aldi Marché [Localité 2] n'a pas l'obligation de mettre en place un registre d'alerte en matière de santé et d'environnement dans chacun de ses magasins, la cour d'appel a retenu que ces magasins ne sont pas des entités légales indépendantes et qu'il ne s'agit pas d'établissements distincts au sens de l'article L. 2313-4 du code du travail, la société Aldi marché [Localité 2] n'étant dotée que d'un seul CSE ; qu'en statuant par ces motifs impropres à exclure que les magasins constituent le niveau pertinent de mise en place du registre, la cour d'appel a violé les articles L. 4133-1, L. 4133-2, et D. 4133-1 à D. 4133-3 du code du travail. » Réponse de la Cour 4. Il résulte des articles D. 4133-1 à D. 4133-3 du code du travail que les alertes du travailleur ou du représentant du personnel au comité social et économique en matière de risque grave pour la santé publique ou l'environnement sont consignées sur un registre spécial qui est tenu, sous la responsabilité de l'employeur, à la disposition des représentants du personnel au comité social et économique. 5. Ayant constaté que la société n'était dotée que d'un seul comité social et économique et que le registre spécial était tenu au siège de l'entreprise dans les Yvelines à la disposition des représentants du personnel, la cour d'appel a exactement retenu que la société n'avait pas l'obligation de mettre en place un registre d'alerte en matière de risque grave pour la santé publique ou l'environnement dans chacun des magasins de la société. 6. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne le syndicat CGT des personnels Aldi marché [Localité 2] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit septembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour M. [C] et le syndicat CGT des personnels Aldi marché [Localité 2] M. [C] et le syndicat CGT des personnels Aldi marché [Localité 2] font grief à l'arrêt confirmatif attaqué de les AVOIR déboutés de leurs demandes tendant à ce qu'il soit ordonné, sous astreinte, à la société Aldi marché [Localité 2] la mise en place du registre du droit d'alerte en matière de santé et d'environnement dans chaque établissement du périmètre de la société, qu'il lui soit enjoint de justifier de la mise en place de ces registres dans les établissements désignés, par constat d'huissier à ses frais, ce sous astreinte, et qu'il lui soit fait injonction de communiquer à M. [C], membre du CSE, la copie des actes d'huissiers constatant la mise en place des registres du droit d'alerte en matière de santé et d'environnement, ce sous astreinte, et d'AVOIR débouté le syndicat CGT des personnels Aldi marché [Localité 2] de sa demande de dommages et intérêts ALORS QUE le travailleur s'il estime, de bonne foi, que les produits ou procédés de fabrication utilisés ou mis en oeuvre par l'établissement font peser un risque grave sur la santé publique ou l'environnement, de même que le représentant du personnel au comité social et économique qui constate, notamment par l'intermédiaire d'un travailleur, qu'il existe un tel risque, alertent immédiatement l'employeur, cette alerte devant être consignée sur un registre spécial ; que pour dire que la société Aldi Marché [Localité 2] n'a pas l'obligation de mettre en place un registre d'alerte en matière de santé et d'environnement dans chacun de ses magasins, la cour d'appel a retenu que ces magasins ne sont pas des entités légales indépendantes et qu'il ne s'agit pas d'établissements distincts au sens de l'article L. 2313-4 du code du travail, la société Aldi Marché [Localité 2] n'étant dotée que d'un seul CSE ; qu'en statuant par ces motifs impropres à exclure que les magasins constituent le niveau pertinent de mise en place du registre, la cour d'appel a violé les articles L. 4133-1, L. 4133-2, et D. 4133-1 à D. 4133-3 du code du travail.
CASS/JURITEXT000046330549.xml
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 21 septembre 2022 Cassation partielle M. CATHALA, président Arrêt n° 963 FS-B+R Pourvoi n° Q 21-13.552 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 21 SEPTEMBRE 2022 M. Guy Loup Mignot, domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Q 21-13.552 contre l'arrêt rendu le 20 janvier 2021 par la cour d'appel de Versailles (19e chambre), dans le litige l'opposant à la société Impairoussot, société à responsabilité limitée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Ott, conseiller, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [Z], de la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat de la société Impairoussot, et l'avis de Mme Roques, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 15 juin 2022 où étaient présents M. Cathala, président, Mme Ott, conseiller rapporteur, M. Huglo, conseiller doyen, M. Rinuy, Mmes Sommé, Agostini, conseillers, Mmes Chamley-Coulet, Lanoue, M. Le Masne de Chermont, conseillers référendaires, Mme Roques, avocat général référendaire, et Mme Lavigne, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 20 janvier 2021), M. [Z] a été engagé à compter du 6 juillet 2015 par la société Impair, devenue la société Impairoussot (la société), en qualité de directeur des opérations. 2. Par lettre recommandée du 17 juillet 2016, le salarié a demandé à son employeur la mise en place des élections des délégués du personnel en l'informant de sa candidature. 3. Le 11 août 2016, il a été convoqué à un entretien préalable au licenciement avec mise à pied à titre conservatoire. Il a été licencié le 7 septembre 2016 pour insuffisance professionnelle et faute grave sans que l'employeur ait sollicité de l'inspecteur du travail une autorisation de licenciement. 4. Le 31 octobre 2016, le salarié a saisi la juridiction prud'homale aux fins de déclarer son licenciement nul, d'ordonner sa réintégration et de condamner l'employeur à lui verser diverses sommes. 5. Il a fait valoir ses droits à la retraite le 30 juin 2019. Examen des moyens Sur le premier moyen Enoncé du moyen 6. Le salarié fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes en paiement des heures supplémentaires accomplies, des contreparties obligatoires en repos, et de l'indemnité pour travail dissimulé et de limiter à certaines sommes les condamnations de la société au titre de l'indemnité pour violation du statut protecteur, à titre de rappel de salaire pour la période de mise à pied conservatoire outre les congés payés afférents, alors « qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments ; qu'ayant constaté que le salarié avait produit des relevés quotidiens extraits de la pointeuse détaillant les heures de travail qu'il prétendait avoir effectuées entre juillet 2015 et juin 2016, des agendas reportant ses heures de travail, des notes de frais, des courriels faisant état d'un travail le week-end, des tableaux récapitulatifs de ses heures de travail semaine après semaine et plusieurs attestations de collègues, tout en refusant de constater que le salarié avait présenté, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées afin de permettre à l'employeur, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments, la cour d'appel a violé les articles L. 3171-2 et L. 3171-4 du code du travail. » Réponse de la Cour Vu l'article L. 3171-4 du code du travail : 7. Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l'article L. 3171-3 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, l'employeur tient à la disposition de l'inspecteur ou du contrôleur du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire. 8. Enfin, selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable. 9. Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d' heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant. 10. Pour débouter le salarié de sa demande de rappel de salaire pour heures supplémentaires au motif que celle-ci n'était pas suffisamment étayée, l'arrêt retient, après avoir dit que la convention de forfait était privée d'effet et ne pouvait être opposée au salarié, que le salarié verse aux débats les relevés quotidiens des heures de travail qu'il prétend avoir effectuées entre juillet 2015 et juin 2016, des agendas, des notes de frais ainsi que les tableaux récapitulatifs de ses heures de travail, semaine après semaine, et plusieurs attestations de collègues, que cependant ces tableaux sont établis en fonction d'une amplitude théorique de travail sans que le salarié produise les éléments lui ayant permis de déterminer ses horaires de début et de fin de journée, que l'agenda retrace son activité professionnelle, au jour le jour, mais les indications horaires que le salarié a lui-même relevées sont lacunaires, très imprécises et impossibles à contrôler, que les attestations se bornent à évoquer la disponibilité et la charge importante de travail de l'intéressé sans indication de date ni éléments suffisamment précis permettant de corroborer les décomptes de son temps de travail et que l'examen des notes de frais ne permet pas davantage de reconstituer la durée de travail de l'intéressé. 11. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations, d'une part, que le salarié présentait des éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre et, d'autre part, que ce dernier ne produisait aucun élément de contrôle de la durée du travail, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur le seul salarié, a violé le texte susvisé. Et sur le second moyen Enoncé du moyen 12. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande en paiement des congés payés assis sur l'indemnité due au titre de la violation du statut protecteur, alors « qu'un salarié dont le licenciement est annulé par une décision judiciaire en raison de la violation de son statut protecteur contre le licenciement a droit à des congés annuels payés pour la période comprise entre la date du licenciement et la date de son départ à la retraite ; qu'en refusant en l'espèce au salarié, dont le licenciement a été annulé pour violation de son statut protecteur, et qui est parti à la retraite le 1er juillet 2019, le droit à des congés payés afférents à l'indemnité réparant son préjudice pour la période comprise entre son licenciement et son départ à la retraite, la cour d'appel a violé les articles L. 2411-6 et L. 3141-1 du code du travail. » Réponse de la Cour Recevabilité du moyen 13. La société conteste la recevabilité du moyen. Elle soutient que le moyen est nouveau puisque le salarié ne s'est aucunement prévalu, dans ses conclusions d'appel pourtant postérieures à l'arrêt du 25 juin 2020 de la Cour de justice de l'Union européenne, de la position prise par cette juridiction qui a retenu que la période d'éviction d'un salarié entre son licenciement jugé nul et sa réintégration peut être assimilée à du temps de travail effectif permettant l'ouverture du droit aux congés payés. 14. Cependant le salarié, licencié en violation de son statut protecteur, a réclamé le paiement des congés payés afférents à l'indemnité devant lui être allouée au titre de la violation du statut protecteur. 15. Le moyen, qui est de pur droit, est donc recevable. Bien-fondé du moyen Vu les articles L. 2411-1, L. 2411-2 et L. 2411-6 du code du travail et l'article 7 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail : 16. Il résulte des articles L. 2411-1, L. 2411-2 et L. 2411-6 du code du travail que le licenciement d'un salarié protégé, sans autorisation administrative de licenciement ou malgré refus d'autorisation de licenciement, ouvre droit à ce dernier à une indemnité pour violation du statut protecteur. 17. Selon la jurisprudence constante de la Cour de cassation (Soc., 25 novembre 1997, pourvoi n° 94-43.651, Bull. 1997, V, n° 405), la sanction de la méconnaissance par l'employeur du statut protecteur d'un représentant du personnel, illégalement licencié et qui ne demande pas sa réintégration, est la rémunération que le salarié aurait perçue jusqu'à la fin de la période de protection en cours et non la réparation du préjudice réellement subi par le salarié protégé pendant cette période. Cette indemnité est due quand bien même le salarié a retrouvé un emploi durant la période en cause. 18. De même, l'indemnité due au titre de la violation du statut protecteur est une indemnité forfaitaire, de sorte que le salarié qui ne demande pas sa réintégration ne peut prétendre au paiement des congés payés afférents (Soc., 30 juin 2016, pourvoi n° 15-12.984 ; Soc., 21 novembre 2018, pourvoi n° 17-15.874 ; Soc., 21 novembre 2018, pourvoi n° 17-11.653). 19. Par ailleurs, la Cour de justice de l'Union européenne, dans son arrêt du 25 juin 2020 (CJUE, 25 juin 2020, Varhoven kasatsionen sad na Republika Bulgaria, aff. C- 762/18 et Iccrea Banca, aff. C-37-19), a dit pour droit que l'article 7, paragraphe 1, de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil, du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail, doit être interprété en ce sens qu'il s'oppose à une jurisprudence nationale en vertu de laquelle un travailleur illégalement licencié, puis réintégré dans son emploi, conformément au droit national, à la suite de l'annulation de son licenciement par une décision judiciaire, n'a pas droit à des congés annuels payés pour la période comprise entre la date du licenciement et la date de sa réintégration dans son emploi, au motif que, pendant cette période, ce travailleur n'a pas accompli un travail effectif au service de l'employeur. 20. La Cour de justice a précisé dans cette décision que, selon une jurisprudence constante de la Cour, le droit au congé annuel, consacré à l'article 7 de la directive 2003/88, a une double finalité, à savoir permettre au travailleur de se reposer par rapport à l'exécution des tâches lui incombant selon son contrat de travail, d'une part, et disposer d'une période de détente et de loisirs, d'autre part (arrêt du 20 juillet 2016, Maschek, C-341/15, EU:C:2016:576, point 34 et jurisprudence citée) (point 57). 21. Cette finalité, qui distingue le droit au congé annuel payé d'autres types de congés poursuivant des finalités différentes, est basée sur la prémisse que le travailleur a effectivement travaillé au cours de la période de référence. En effet, l'objectif de permettre au travailleur de se reposer suppose que ce travailleur ait exercé une activité justifiant, pour assurer la protection de sa sécurité et de sa santé visée par la directive 2003/88, le bénéfice d'une période de repos, de détente et de loisirs. Partant, les droits au congé annuel payé doivent en principe être déterminés en fonction des périodes de travail effectif accomplies en vertu du contrat de travail (arrêt du 4 octobre 2018, Dicu, C-12/17, EU:C:2018:799, point 28 et jurisprudence citée) (point 58). 22. Dès lors, la période comprise entre la date du licenciement illégal et la date de la réintégration du travailleur dans son emploi, conformément au droit national, à la suite de l'annulation de ce licenciement par une décision judiciaire, doit être assimilée à une période de travail effectif aux fins de la détermination des droits au congé annuel payé (point 69). 23. Enfin, la Cour de justice a précisé, que, dans l'hypothèse où le travailleur concerné a occupé un autre emploi au cours de la période comprise entre la date du licenciement illégal et celle de sa réintégration dans son premier emploi, ce travailleur ne saurait prétendre, à l'égard de son premier employeur, aux droits au congé annuel correspondant à la période pendant laquelle il a occupé un autre emploi (points 79 et 88). 24. Selon une jurisprudence constante de la Cour de cassation (Soc., 14 novembre 2018, pourvoi n° 17-14.932, publié), pour percevoir sa pension de retraite, le salarié doit rompre tout lien professionnel avec son employeur. Il en résulte que le salarié dont le contrat a été rompu par l'employeur et qui a fait valoir ses droits à la retraite ne peut ultérieurement solliciter sa réintégration dans son emploi ou dans un emploi équivalent. Dans ce cas, le salarié qui a fait valoir ses droits à la retraite, rendant ainsi impossible sa réintégration, a droit au titre de la violation du statut protecteur à la rémunération qu'il aurait perçue depuis la date de son éviction jusqu'à celle de son départ à la retraite (Soc., 13 février 2019, pourvoi n° 16-25.764 publié). 25. A cet égard, la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que l'article 7, paragraphe 2, de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil, du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail, doit être interprété en ce sens qu'il s'oppose à une législation nationale, telle que celle en cause au principal, qui prive du droit à une indemnité financière pour congé annuel payé non pris le travailleur dont la relation de travail a pris fin suite à sa demande de mise à la retraite et qui n'a pas été en mesure d'épuiser ses droits avant la fin de cette relation de travail (CJUE, 20 juillet 2016, Maschek, aff. C-341/15). 26. La Cour de justice a précisé, dans les motifs de sa décision, que l'article 7, paragraphe 2, de la directive 2003/88, tel qu'interprété par la Cour, ne pose aucune condition à l'ouverture du droit à une indemnité financière autre que celle tenant au fait, d'une part, que la relation de travail a pris fin et, d'autre part, que le travailleur n'a pas pris tous les congés annuels payés auxquels il avait droit à la date où cette relation a pris fin (arrêt du 12 juin 2014, Bollacke, C-118/13, EU:C:2014:1755, point 23). Il s'ensuit, conformément à l'article 7, paragraphe 2, de la directive 2003/88, qu'un travailleur, qui n'a pas été en mesure de prendre tous ses droits à congé annuel payé avant la fin de sa relation de travail, a droit à une indemnité financière pour congé annuel payé non pris. N'est pas pertinent, à cet égard, le motif pour lequel la relation de travail a pris fin. Dès lors, la circonstance qu'un travailleur mette, de son propre chef, fin à sa relation de travail, n'a aucune incidence sur son droit de percevoir, le cas échéant, une indemnité financière pour les droits au congé annuel payé qu'il n'a pas pu épuiser avant la fin de sa relation de travail (points 27 à 29). 27. Il en résulte que, lorsque le salarié protégé, dont le licenciement est nul en l'absence d'autorisation administrative de licenciement et qui a demandé sa réintégration, a fait valoir, ultérieurement, ses droits à la retraite, rendant ainsi impossible sa réintégration dans l'entreprise, l'indemnité due au titre de la violation du statut protecteur ouvre droit au paiement, au titre des congés payés afférents, à une indemnité compensatrice de congés payés. Dans l'hypothèse où le salarié a occupé un autre emploi au cours de la période comprise entre la date du licenciement illégal et celle de son départ à la retraite, il ne saurait toutefois prétendre, à l'égard de son premier employeur, aux droits au congé annuel correspondant à la période pendant laquelle il a occupé un autre emploi. 28. Après avoir fixé l'indemnité pour violation du statut protecteur due au salarié au montant de la rémunération dont ce dernier a été privé entre son éviction de l'entreprise et son départ à la retraite le 30 juin 2019, l'arrêt retient que cette indemnité n'ouvre pas droit à congés payés. 29. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés. Portée et conséquences de la cassation 30. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef du dispositif de l'arrêt ayant rejeté la demande du salarié en paiement des heures supplémentaires entraîne la cassation des chefs de dispositif de l'arrêt rejetant les demandes du salarié au titre des contreparties obligatoires en repos et au titre de l'indemnité pour travail dissimulé, ainsi que des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant la société à payer au salarié les sommes de 4 129,58 euros à titre de rappel de salaire durant la période de mise à pied à titre conservatoire, de 412,95 euros correspondant aux congés payés afférents et de 160 577,12 euros à titre d'indemnité pour violation du statut protecteur et ordonnant à la société de remettre au salarié un bulletin de paie récapitulatif, un certificat de travail et une attestation Pôle emploi, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il rejette la demande de M. [Z] au titre du préjudice moral, en ce qu'il dit que la convention de forfait en jours n'est pas opposable à M. [Z] et dit que son licenciement est nul ainsi qu'en ce qu'il condamne la société Impairoussot à payer à M. [Z] au titre de la prime d'objectifs les sommes de 4 333 euros à titre de rappel de salaire pour l'année 2015 et 433,30 euros correspondant aux congés payés et 7 333 euros à titre de rappel de salaire pour l'année 2016 et 733,30 euros correspondant aux congés payés, et en ce qu'il condamne la société Impairoussot à payer à M. [Z] la somme de 3 000 euros pour la procédure suivie en première instance et en appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande au même titre de la société Impairoussot et condamne celle-ci aux dépens, l'arrêt rendu le 20 janvier 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée ; Condamne la société Impairoussot aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Impairoussot et la condamne à payer à M. [Z] la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, prononcé et signé par M. Huglo, conseiller doyen, en ayant délibéré, en remplacement du président empêché, en l'audience publique du vingt et un septembre deux mille vingt-deux, conformément aux dispositions des articles 456 et 1021 du code de procédure civile. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour M. [Z] PREMIER MOYEN DE CASSATION M. [Z] fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement en ce qu'il a rejeté ses demandes en paiement des heures supplémentaires accomplies, des contreparties obligatoires en repos, et de l'indemnité pour travail dissimulé et d'AVOIR limité les condamnations de la société Impairoussot à la somme de 160.577,13 euros à titre d' indemnité pour violation du statut protecteur et 4.129,58 euros à titre de rappel de salaire pour la période de mise à pied conservatoire outre les congés payés afférents. ALORS QUE en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments ; qu'ayant constaté que le salarié avait produit des relevés quotidiens extraits de la pointeuse détaillant les heures de travail qu'il prétendait avoir effectuées entre juillet 2015 et juin 2016, des agendas reportant ses heures de travail, des notes de frais, des courriels faisant état d'un travail le week-end, des tableaux récapitulatifs de ses heures de travail semaine après semaine et plusieurs attestations de collègues, tout en refusant de constater que le salarié avait présenté, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées afin de permettre à l'employeur, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments, la cour d'appel a violé les articles L. 3171-2 et L. 3171-4 du code du travail. SECOND MOYEN DE CASSATION M. [Z] fait grief à l'arrêt attaqué de l'AVOIR débouté de sa demande en paiement des congés payés assis sur l'indemnité due au titre de la violation du statut protecteur. ALORS QUE un salarié dont le licenciement est annulé par une décision judiciaire en raison de la violation de son statut protecteur contre le licenciement a droit à des congés annuels payés pour la période comprise entre la date du licenciement et la date de son départ à la retraite ; qu'en refusant en l'espèce au salarié, dont le licenciement a été annulé pour violation de son statut protecteur, et qui est parti à la retraite le 1er juillet 2019, le droit à des congés payés afférents à l'indemnité réparant son préjudice pour la période comprise entre son licenciement et son départ à la retraite, la cour d'appel a violé les articles L. 2411-6 et L. 3141-1 du code du travail. CJUE, arrêt du 25 juin 2020, Varhoven kasatsionen sad na Republika Bulgaria, C- 762/18 ; CJUE, arrêt du 25 juin 2020, Iccrea Banca, C-37-19 ; CJUE, arrêt du 20 juillet 2016, Maschek, C-341/15.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 21 septembre 2022 M. CATHALA, président Arrêt n° 965 FS-B sur le second moyen Pourvoi n° E 20-17.058 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 21 SEPTEMBRE 2022 1°/ le syndicat Engie énergie Force Ouvrière, dont le siège est [Adresse 1], 2°/ le comité social et économique d'établissement "BtoC" de la société Engie, dont le siège est [Adresse 1], ont formé le pourvoi n° E 20-17.058 contre l'arrêt rendu le 4 juin 2020 par la cour d'appel de Versailles (14e chambre), dans le litige les opposant à la société Engie, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Sommé, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat du syndicat Engie énergie Force Ouvrière et du CSE d'établissement "BtoC" de la société Engie, de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Engie, les plaidoiries de Me Goulet et de Me Gatineau, et l'avis de Mme Laulom, avocat général, après débats en l'audience publique du 15 juin 2022 où étaient présents M. Cathala, président, Mme Sommé, conseiller rapporteur, M. Huglo, conseiller doyen, M. Rinuy, Mmes Ott, Agostini, conseillers, Mmes Chamley-Coulet, Lanoue, M. Le Masne de Chermont, conseillers référendaires, Mme Laulom, avocat général, et Mme Lavigne, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 4 juin 2020), statuant en référé, le groupe Engie est organisé en vingt-quatre Business Units (BU), dont la BU Business to Consumer (« BtoC »). La société Engie, société mère du groupe Engie, comporte quatre établissements, dont l'établissement commercialisateur. Celui-ci, qui est chargé notamment des activités commerciales d'énergie et de services en France auprès des clients particuliers, est composé d'une partie de la BU France « BtoC ». 2. En 2014, a été créée la direction marché clients particuliers (DMPA) ayant pour mission de commercialiser en France les offres d'énergie et des services auprès des clients particuliers. Elle était composée de sept directions, dont la direction des opérations relation clients (DOReC). En 2016, la société Engie a présenté aux représentants du personnel un projet de réorganisation de la DOReC, lequel a abouti, le 26 octobre 2016, à la signature, entre la DMPA et les organisations syndicales représentatives, d'un « accord social accompagnant l'évolution de l'organisation de la direction des opérations (DOReC) de la direction marché clients particuliers ». Cet accord a été conclu pour une durée déterminée de trois ans arrivant à échéance le 31 décembre 2019. Y était notamment annexé un document (annexe 1) intitulé « projet d'évolution de l'organisation de la direction des opérations relation clients (DOReC) de la DMPA ». 3. En 2017, la DMPA a été scindée en deux directions, la direction tarif réglementé (DTR) et la direction grand public (DGP). Chaque direction de la DMPA et notamment la DOReC, renommée à cette occasion direction du service clients (DSC), a été répartie entre ces deux nouvelles directions. Cette organisation a été mise en place à compter du 1er janvier 2018. 4. Le 29 mai 2018, deux projets relatifs à l'organisation de ces deux directions ont été présentés au comité d'établissement commercialisateur. Le processus d'information-consultation a fait l'objet d'une suspension en application d'un accord conclu le 25 juillet 2018 avec les organisations syndicales représentatives. 5. Au cours du premier trimestre de l'année 2019, compte tenu des dispositions du projet de loi relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite loi Pacte, alors en discussion à l'Assemblée nationale, visant à la suppression des tarifs réglementés de vente de gaz et d'électricité en 2023, la société Engie a présenté, à nouveau, au comité d'établissement commercialisateur un projet d'ajustement de l'organisation de la DTR. 6. Le Conseil constitutionnel, par décision du 16 mai 2019 (n° 2019-781 DC), a annulé les dispositions de la loi Pacte n° 2019-486 du 22 mai 2019 relatives à la suppression des tarifs réglementés de vente de gaz et d'électricité en juillet 2023. Ces dispositions ont été reprises par la loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l'énergie et au climat. 7. Consulté sur les orientations stratégiques de l'entreprise entre le 2 avril et le 26 juin 2019, le comité central d'entreprise de la société Engie a rendu son avis le 26 juin 2019. 8. Concomitamment à l'élaboration de la loi du 8 novembre 2019, la société Engie a présenté au comité d'établissement commercialisateur, lors d'une réunion du 22 octobre 2019, un document intitulé « point d'étape sur la trajectoire 2023 », visant les répercussions de la fin programmée des tarifs réglementés, et annoncé l'ouverture d'une procédure d'information- consultation sur la « trajectoire 2023 » ainsi que la négociation d'un accord d'établissement d'accompagnement social. 9. Invoquant l'annonce de l'employeur à cette occasion de la suppression à intervenir de plusieurs centaines d'emplois à horizon 2023, le syndicat Engie énergie Force ouvrière (le syndicat) a saisi, le 13 novembre 2019, le président du tribunal de grande instance, statuant en référé, à l'effet, sous astreinte, de faire défense à la société Engie de mettre en oeuvre tout projet de restructuration sur le périmètre de l'accord DOReC du 26 octobre 2016 et tout processus consultatif des institutions représentatives du personnel de l'entreprise sur un projet de restructuration sur le périmètre de cet accord tant que l'organisation cible qui y est définie n'aura pas été pleinement mise en place et que tous les postes n'auront pas été valablement pourvus, d'enjoindre à la société Engie de publier et de pourvoir l'ensemble des postes inclus à l'organisation cible convenue dans l'accord DOReC du 26 octobre 2016 et de faire défense à la société Engie d'engager tout processus consultatif des institutions représentatives du personnel sur un projet de restructuration tant que l'information-consultation sur les orientations stratégiques n'aura pas été valablement et loyalement mise en oeuvre. 10. A la suite des élections professionnelles s'étant déroulées au mois de novembre 2019, les comités sociaux et économiques ont été mis en place au sein de la société Engie. 11. Le comité social et économique d'établissement « BtoC » (le comité social et économique), venant aux droits du comité d'établissement commercialisateur, est intervenu volontairement à l'instance en cause d'appel. Examen des moyens Sur le non-lieu à statuer sur le pourvoi, soulevé par la défense, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de débouter le syndicat et le comité social et économique de leurs demandes tendant à faire défense à la société Engie de mettre en oeuvre tout projet de restructuration sur le périmètre de l'accord DOReC du 26 octobre 2016 et tout processus consultatif des institutions représentatives du personnel de l'entreprise sur un projet de restructuration sur le périmètre de cet accord tant que l'organisation cible qui y est définie n'aura pas été pleinement mise en place et que tous les postes n'auront pas été valablement pourvus et à enjoindre à la société Engie de publier et de pourvoir l'ensemble des postes inclus à l'organisation cible convenue dans l'accord DOReC du 26 octobre 2016 12. Le syndicat et le comité social et économique se sont pourvus en cassation contre l'arrêt du 4 juin 2020 rendu dans l'instance en référé par la cour d'appel de Versailles. 13. Cependant, il a été statué au fond, par arrêt de la cour d'appel de Versailles du 4 février 2021, sur les prétentions qui avaient donné lieu à l'instance en référé au cours de laquelle a été rendu l'arrêt attaqué. 14. Par conséquent le pourvoi, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de débouter le syndicat et le comité social et économique de leurs demandes tendant à faire défense à la société Engie de mettre en oeuvre tout projet de restructuration sur le périmètre de l'accord DOReC du 26 octobre 2016 et tout processus consultatif des institutions représentatives du personnel de l'entreprise sur un projet de restructuration sur le périmètre de cet accord tant que l'organisation cible qui y est définie n'aura pas été pleinement mise en place et que tous les postes n'auront pas été valablement pourvus et à enjoindre à la société Engie de publier et de pourvoir l'ensemble des postes inclus à l'organisation cible convenue dans l'accord DOReC du 26 octobre 2016, est devenu sans objet. Sur le second moyen, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de débouter le syndicat et le comité social et économique de leur demande tendant à faire défense à la société Engie d'engager tout processus consultatif des institutions représentatives du personnel sur un projet de restructuration tant que l'information-consultation sur les orientations stratégiques n'aura pas été valablement et loyalement mise en œuvre Enoncé du moyen 15. Le syndicat et le comité social et économique font ce grief à l'arrêt, alors : « 1°/ que ne satisfait pas à son obligation d'information-consultation du comité social et économique sur un projet de réorganisation l'employeur qui passe sous silence les suppressions de postes que ce projet va entraîner ; qu'en l'espèce, pour conclure que la société Engie avait respecté son obligation de consultation du comité social et économique d'établissement dans le cadre de son "Point d'étape sur la Trajectoire 2023", la cour d'appel a retenu qu'il ressortait du document remis par la direction au comité central d'entreprise, et qui faisait état du basculement d'au moins quatre sites de la DTR vers la DGP d'ici 2023, que la direction avait bien porté à la connaissance de ce dernier "la nécessaire restructuration de la BU France BtoC du fait de la fin prévue des tarifs réglementés du gaz" ; qu'en statuant ainsi, quand le syndicat Engie Energie Force Ouvrière et le comité social et économique d'établissement ne contestaient pas que le comité avait été informé sur la restructuration de la Bu France BtoC mais faisaient valoir que la direction s'était contentée d'exposer la "bascule" de sites affectés aux tarifs réglementés vers les activités d'offres de marché, sans évoquer la suppression massive de postes dont l'employeur entendait assortir ce projet, de sorte que l'information ainsi donnée n'était ni complète, ni sincère ni loyale, la cour d'appel, qui a statué par un motif inopérant, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 2312-8, L. 2312-37 et L. 2312-39 du code du travail, ensemble l'article R. 1455-6 du même code ; 2°/ que le comité social et économique est consulté sur les orientations stratégiques de l'entreprise et sur leurs conséquences sur l'activité, l'emploi, l'évolution des métiers et des compétences, l'organisation du travail, le recours à la sous-traitance, à l'intérim, à des contrats temporaires et à des stages ; qu'en l'espèce, le syndicat Engie Energie Force Ouvrière et le comité social et économique d'établissement faisaient valoir que la société Engie n'avait pas respecté son obligation d'information et de consultation loyale lors de la consultation sur les orientations stratégiques qui s'était déroulée entre le 2 avril et le 26 juin 2019 puisque les documents d'information transmis aux partenaires sociaux et aux représentants du personnel ne faisaient pas état de suppression de postes ; que pour conclure néanmoins que le comité social et économique d'établissement avait été "loyalement et intégralement informé sur les orientations stratégiques de la "Trajectoire 2023"", la cour d'appel a retenu que l'expert Secafi mandaté par le comité central d'entreprise avait rendu son rapport au mois de juin 2019 dans lequel il avait effectué une simulation de l'évolution des effectifs pour la DTR indiquant un passage de 872 salariés en 2017 à 419 en 2023, soit une baisse de 453 emplois ; qu'en statuant ainsi, quand il ressortait de ses propres constatations qu'à la date de la consultation sur les orientations stratégiques, l'employeur était nécessairement au courant de la suppression d'emplois puisque cette dernière avait pu être chiffrée par l'expert et qu'il n'en avait pourtant nullement informé lui-même les représentants du personnel, la cour d'appel a violé les articles L. 2312-17, L. 2312-22 et L 2312-24 du code du travail, ensemble l'article R. 1455-6 du même code ; 3°/ que le comité social et économique est consulté sur les orientations stratégiques de l'entreprise et sur leurs conséquences sur l'activité, l'emploi, l'évolution des métiers et des compétences, l'organisation du travail, le recours à la sous-traitance, à l'intérim, à des contrats temporaires et à des stages ; qu'en l'espèce, pour conclure que le comité social et économique d'établissement avait été "loyalement et intégralement informé sur les orientations stratégiques de la "Trajectoire 2023"", la cour d'appel a retenu que l'expert Secafi mandaté par le comité central d'entreprise avait rendu son rapport au mois de juin 2019 dans lequel il avait effectué une simulation de l'évolution des effectifs pour la DTR indiquant un passage de 872 salariés en 2017 à 419 en 2023, soit une baisse de 453 emplois ; qu'en s'attachant aux informations obtenues par le comité central d'entreprise grâce au recours à une expertise pour vérifier si l'employeur avait satisfait à son obligation loyale d'information envers le comité d'établissement, quand elle ne devait s'attacher qu'aux éléments remis directement par l'employeur au comité d'établissement, la cour d'appel a commis une erreur de droit en violation des articles L. 2312-17, L. 2312-22 et L. 2312-24 du code du travail, ensemble l'article R. 1455-6 du même code ; 4°/ que l'objet du litige est déterminé par les conclusions respectives des parties ; qu'en l'espèce, en retenant que le seul document versé aux débats par les intimés concernant les "annonces" de la direction faites au mois d'octobre 2019 ne mentionnait pas la suppression de 400 à 500 postes qu'ils dénonçaient, quand cette suppression de poste n'était pas contestée par la société Engie, la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 16. En application des articles L. 2323-1 et L. 2323-31 du code du travail, dans leur rédaction issue de la loi n° 2015-994 du 17 août 2015, le comité d'entreprise, qui a pour mission d'assurer une expression collective des salariés permettant la prise en compte permanente de leurs intérêts dans les décisions relatives à la gestion et à l'évolution économique et financière de l'entreprise, à l'organisation du travail, à la formation professionnelle et aux techniques de production, est informé et consulté sur les mesures de nature à affecter le volume et la structure des effectifs et sur les projets de restructuration et de compression des effectifs. 17. En vertu des articles L. 2323-6 et L. 2323-10 du code du travail, dans leur rédaction issue de la loi n° 2015-994 du 17 août 2015, le comité d'entreprise est consulté chaque année sur les orientations stratégiques de l'entreprise, définies par l'organe chargé de l'administration ou de la surveillance de l'entreprise, et sur leurs conséquences sur l'activité, l'emploi, l'évolution des métiers et des compétences, l'organisation du travail, le recours à la sous-traitance, à l'intérim, à des contrats temporaires et à des stages. 18. Selon l'article L. 2327-2, alinéa 3, du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-994 du 17 août 2015, le comité central d'entreprise est seul consulté sur les projets décidés au niveau de l'entreprise qui ne comportent pas de mesures d'adaptation spécifiques à un ou plusieurs établissements. Dans ce cas, son avis accompagné des documents relatifs au projet est transmis, par tout moyen, aux comités d'établissement. Le comité central d'entreprise est également seul consulté sur les projets décidés au niveau de l'entreprise lorsque leurs éventuelles mesures de mise en oeuvre, qui feront ultérieurement l'objet d'une consultation spécifique au niveau approprié, ne sont pas encore définies. 19. Il ressort des constatations de l'arrêt qu'entre le 2 avril et le 26 juin 2019, la société Engie a procédé à la consultation du comité central d'entreprise sur les orientations stratégiques de l'entreprise, ce dernier ayant rendu son avis le 26 juin 2019, et que le comité d'établissement commercialisateur, qui n'a pas été consulté sur lesdites orientations, ne soutenait pas qu'il aurait dû l'être. 20. Il en résulte que la cour d'appel a débouté à bon droit le syndicat et le comité social et économique de leur demande tendant à faire défense à la société Engie d'engager tout processus consultatif des institutions représentatives du personnel sur le projet de réorganisation tant que l'information-consultation sur les orientations stratégiques de l'entreprise n'aura pas été valablement et loyalement mise en oeuvre. 21. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1er, et 1015 du code de procédure civile, la décision déférée se trouve légalement justifiée. PAR CES MOTIFS, la Cour : DIT n'y avoir lieu à statuer sur le pourvoi en ce qu'il fait grief à l'arrêt de débouter le syndicat Engie énergie Force ouvrière et le comité social et économique d'établissement « BtoC » de la société Engie de leurs demandes tendant à faire défense à la société Engie de mettre en oeuvre tout projet de restructuration sur le périmètre de l'accord DOReC du 26 octobre 2016 et tout processus consultatif des institutions représentatives du personnel de l'entreprise sur un projet de restructuration sur le périmètre de cet accord tant que l'organisation cible qui y est définie n'aura pas été pleinement mise en place et que tous les postes n'auront pas été valablement pourvus et à enjoindre à la société Engie de publier et de pourvoir l'ensemble des postes inclus à l'organisation cible convenue dans l'accord DOReC du 26 octobre 2016 ; REJETTE le pourvoi pour le surplus ; Condamne le syndicat Engie énergie Force ouvrière et le comité social et économique d'établissement "BtoC" de la société Engie aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, prononcé et signé par M. Huglo, conseiller doyen, en ayant délibéré, en l'audience publique du vingt et un septembre deux mille vingt-deux, en remplacement du président empêché, conformément aux dispositions des articles 456 et 1021 du code de procédure civile. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat aux Conseils, pour le syndicat Engie énergie Force Ouvrière et le comité social et économique d'établissement "BtoC" de la société Engie PREMIER MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes du syndicat Engie Energie Force Ouvrière et du comité social et économique d'établissement BtoC de la société Engie ; AUX MOTIFS QUE sur la violation de l'accord DOReC et de son annexe 1 : l'article 1104 du code civil, d'ordre public, dispose que les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi ; qu'en l'espèce, les parties s'accordent sur la valeur contraignante de l'accord social accompagnant l'évolution de l'organisation de la direction des opérations relation clients (DOReC) de la direction marché clients particuliers signé entre la SA Engie, établissement France Branche Energie Europe BU France B to C, entité Direction marché clients particuliers d'une part, et l'ensemble des organisations syndicales représentatives au sein de l'établissement, dont le syndicat intimé, d'autre part ; que cet accord fait à plusieurs reprises, et notamment dans le paragraphe 2 consacré à son champ d'application, référence à l'annexe 1 constituée par le « Projet d'évolution de l'organisation de la direction des opérations Relation Clients (DOReC) de la DPMA », laquelle annexe est comme l'accord paraphée sur chaque page par I'ensemble des parties ; qu'ainsi, l'annexe doit être comprise comme étant une partie inhérente de l'accord, ayant la même force contraignante que lui ; que toutefois, il résulte des termes de l'accord DOReC qu'il a pour objet de définir les modalités d'accompagnement des salariés concernés par le projet d'évolution de l'organisation de la direction ; qu'en préambule, il est spécifié que « l'ambition partagée des signataires de l'Accord est de donner la possibilité à chacun des salariés concernés par cette évolution d'organisation de vivre cette évolution de la façon la plus sereine possible, convaincu que tout sera mis en oeuvre pour lui assurer un avenir professionnel en adéquation avec son expérience et ses aspirations professionnelles, en respectant au mieux ses contraintes personnelles et familiales et en sauvegardant ses intérêts financiers » ; que dans le paragraphe 2 relatif à son champ d'application, sont précisément définis les salariés concernés (salariés des CRC des sites mentionnés, salariés du « SNC » présents sur les sites CRC dont l'activité de production de relation clients connaîtra une diminution d'emplois d'ici fin 2019, salariés des fonctions d'appui et de pilotage impactés par une réduction des emplois d'ici fin 2019), ce dont il ressort clairement que sont uniquement visés les salariés de la DOReC concemés par le projet de réorganisation ; qu'ainsi, si l'annexe 1 comprend des cibles d'effectifs à atteindre, variant selon les différents sites géographiques concernés, il découle des termes de l'accord que ces organisations cibles ne peuvent avoir de force contraignante à l'égard de la SA Engie que s'agissant des salariés de l'entreprise visés dans l'accord ; qu'or il résulte du courriel adressé le 9 août 2019 (pièce numéro 21 de l'appelante) qu'à cette date, l'ensemble des postes vacants ont été publiés localement sur le portail ONE HR de l'entreprise, accessible à l'ensemble des salariés du groupe Engie en France, conformément aux dispositions de l'ordonnance du juge des référés de Nanterre du 24 juillet 2019 lui en faisant injonction ; que l'appelante justifie ensuite avoir publié ces mêmes postes au sein de la bourse de l'emploi des IEG le 16 septembre 2019, puis deux nouveaux postes le 25 octobre 2019 ; que pour démontrer « les multiples résistances de la société à publier les postes vacants même après qu'une décision de justice ait été rendue pour lui imposer de le faire sous astreinte », les intimés se contentent d'indiquer qu'ils ont sollicité devant le juge de l'exécution la liquidation de l'astreinte ; que toutefois, la décision rendue suite à cette saisine n'est pas communiquée et cette saisine ne saurait à elle seule démontrer la tardiveté de la réaction de l'appelante à cet égard ; qu'il résulte ainsi des débats que la SA Engie a respecté son obligation de publication des postes vacants ressortant du périmètre de l'accord DOReC ; qu'il ne saurait lui être reproché le fait que tous les postes n'ont pas été pourvus et les intimés n'invoquent au demeurant pas que des salariés concernés par l'accord auraient vu leur candidature rejetée ; que par ailleurs, il ne ressort pas davantage des débats que des sites géographiques visés dans l'accord DOReC auraient été fermés sans l'approbation des IRP ; que de la même manière, le lien de causalité entre le fait que des locaux aient été redimensionnés sur certains sites et l'absence de recrutement suite à la publication des postes n'est en l'espèce pas démontré ; qu'il découle de ce qui précède que les intimés échouent à rapporter la preuve de la déloyauté de la SA Engie dans la mise en oeuvre de l'accord DOReC de sorte qu'ils seront déboutés de leur demande tendant à ce qui lui soit fait interdiction de mettre en oeuvre tout projet de restructuration sur le périmètre de l'accord DOReC tant que l'organisation cible qui y est définie n'a pas été pleinement mise en place et que tous les postes aient été valablement pourvus ; que l'ordonnance critiquée sera infirmée de ce chef ; que de la même manière, l'ordonnance entreprise sera infirmée en ce qu'elle a : - interdit sous astreinte à la SA Engie d'engager tout processus consultatif des IRP de l'entreprise sur un projet de restructuration sur le périmètre de l'accord Dorec tant que l'organisation cible qui y est définie n'a pas été pleinement mise en place et que tous les postes aient été pourvus, - ordonné sous astreinte à la SA Engie de publier et de pourvoir l'ensemble des postes inclus à l'organisation cible convenue dans l'accord Dorec ; 1) ALORS QUE les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits ; que l'accord social accompagnant l'évolution de l'organisation de la direction des opérations relations clients de la direction marché clients particuliers, conclu le 26 octobre 2016, prévoyait dans son annexe 1 des organisations cibles avec un nombre de collaborateurs à atteindre par sites, des effectifs planchers en dessous desquels il ne pouvait être descendu et une obligation pour l'employeur de pourvoir tout nouveau poste de l'organisation cible devenu vacant sur les sites ayant vocation à poursuivre leur activité de relation clientèle ou ayant des activités de siège de la direction des opérations relations clients ; qu'en jugeant que si l'annexe 1 faisait partie intégrante de l'accord du 26 octobre 2016 et avait la même force contraignante que lui, les organisations cibles définies dans l'annexe 1 n'avaient cependant de force contraignante vis-à-vis de la société Engie « que s'agissant des salariés de l'entreprise visés dans l'accord », quand il ressortait au contraire de l'accord et de son annexe 1 que l'employeur s'était engagé à atteindre les effectifs cibles définis dans l'annexe 1 et à les maintenir jusqu'au 31 décembre 2019, la cour d'appel a méconnu la force obligatoire de l'annexe 1 de l'accord du 26 octobre 2016 qu'elle ainsi violée, ensemble l'article 1134 du code civil, devenu l'article 1103, ensemble l'article R. 1455-6 du code du travail ; 2) ALORS QUE les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi ; que l'employeur qui attend d'être condamné sous astreinte par le juge pour exécuter son obligation née d'un accord collectif n'exécute pas loyalement ce dernier ; qu'en l'espèce, pour juger qu'aucune faute ne pouvait être reprochée à la société Engie quant à la publication des postes vacants relevant du périmètre de l'accord Dorec, dont elle a retenu le caractère contraignant, la cour d'appel a affirmé que la saisine du juge de l'exécution ne saurait à elle seule démontrer la tardiveté de la réaction de la société Engie et qu'à la date du 9 août 2019, l'ensemble des postes vacants avaient été publiés localement sur le portail ONE HR de l'entreprise, accessible à l'ensemble des salariés du groupe Engie en France, conformément aux dispositions de l'ordonnance du juge des référés de Nanterre du 24 juillet 2019 lui en faisant injonction ; qu'en statuant ainsi, quand il ressortait de ses propres constatations que l'employeur n'avait exécuté son obligation née de l'accord du 26 octobre 2016 qu'après avoir été condamné à une lourde astreinte, ce qui caractérisait en soi une exécution déloyale de l'accord, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil, devenu les articles 1103 et 1104, et l'annexe 1 de l'accord du 26 octobre 2016, ensemble l'article R. 1455-6 du code du travail ; 3) ALORS QUE l'annexe 1 de l'accord du 26 octobre 2016 disposait que « tout nouveau poste de l'organisation cible devenu vacant devra être pourvu sur les sites ayant vocation à poursuivre leur activité de relation clientèle ou ayant des activités de siège de la DMPA » ; qu'en relevant pour juger que la société Engie avait satisfait à son obligation de publication des postes vacants relevant du périmètre de l'accord Dorec, qu'elle avait publié l'ensemble des postes vacants localement sur le portail ONE HR de l'entreprise et au sein de la bourse de l'emploi des industries électriques et gazières, quand il ressortait de l'annexe 1 de l'accord que tout poste devenu vacant devait être pourvu, ce qui impliquait que l'employeur publie si nécessaire les postes vacants à l'externe, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil, devenu l'article 1103, et l'annexe 1 de l'accord du 26 octobre 2016, ensemble l'article R. 1455-6 du code du travail ; 4) ALORS QUE l'interprétation d'un accord collectif faite par le comité de suivi de cet accord est un élément qui doit être pris en considération par le juge appelé à interpréter cet accord ; qu'en l'espèce, en ne recherchant pas, comme elle y était pourtant invitée, si le comité de suivi de l'accord collectif du 26 octobre 2016 ne comparait pas à chaque réunion de suivi le nombre de salariés présents avec celui à atteindre par sites selon les effectifs cibles prévus dans l'accord, ce qui démontrait que l'employeur s'était bien engagé à atteindre ces effectifs cibles et qu'il était lié par ces derniers, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil, devenu l'article 1103, et de l'annexe 1 de l'accord du 26 octobre 2016, ensemble l'article R. 1455-6 du code du travail. SECOND MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes du syndicat Engie Energie Force Ouvrière et du comité social et économique d'établissement BtoC de la société Engie ; AUX MOTIFS QUE l'article L. 2323-1 ancien du code du travail dispose que : « Le comité d'entreprise a pour objet d'assurer une expression collective des salariés permettant la prise en compte permanente de leurs intérêts dans les décisions relatives à la gestion et à l'évolution éconornique et financière de l'entreprise, à l'organisation du travail, à la formation professionnelle et aux techniques de production. Il formule, à son initiative, et examine, à la demande de l'employeur, toute proposition de nature à améliorer les conditions de travail, d'emploi et de formation professionnelle des salariés, leurs conditions de vie dans l'entreprise ainsi que les conditions dans lesquelles ils bénéficient de garanties collectives complémentaires mentionnées à l'article L. 911-2 du code de la sécurité sociale. Il exerce ses missions sans préjudice des dispositions relatives à l'expression des salariés, aux délégués du personnel et aux délégués syndicaux » ; que selon les 3 premiers alinéas de l'article L. 2323-10 du même code, « chaque année, le comité d'entreprise est consulté sur les orientations stratégiques de l'entreprise, définies par l'organe chargé de l'administration ou de la surveillance de l'entreprise, et sur leurs conséquences sur l'activité, l'emploi, l'évolution des métiers et des compétences, l'organisation du travail, le recours à la sous-traitance, à l'intérim, à des contrats temporaires et à des stages. Cette consultation porte, en outre, sur la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences et sur les orientations de la formation professionnelle. Le comité émet un avis sur les orientations stratégiques de l'entreprise et peut proposer des orientations alternatives. Cet avis est transmis à l'organe chargé de l'administration ou de la surveillance de l'entreprise, qui formule une réponse argumentée. Le comité en reçoit communication et peut y répondre. La base de données mentionnée à l'article L. 2323-8 est le support de préparation de cette consultation » ; que par ailleurs, comme précédemment rappelé, l'ancien article L. 2327-15 du même code précise également que : « Le comité d'établissement a les mêmes attributions que le comité d'entreprise, dans la limite des pouvoirs confiés au chef de cet établissement. Le comité d'établissement est consulté sur les mesures d'adaptation des projets décidés au niveau de l'entreprise spécifiques à l'établissement et qui relèvent de la compétence du chef de cet établissement. Lorsqu'il y a lieu de consulter à la fois le comité central d'entreprise et un ou plusieurs comités d'établissement, un accord peut définir l'ordre et les délais dans lesquels le comité central d'entreprise et le ou les comités d'établissement rendent et transmettent leurs avis. A défaut d'accord, l'avis de chaque comité d'établissement est rendu et transmis au comité central d'entreprise et l'avis du comité central d'entreprise est rendu dans des délais fixés par décret en Conseil d'Etat » ; qu'en l'espèce, il ressort des débats que le 22 octobre 2019 la direction de la SA Engie a présenté au CSE d'établissement un document intitulé « Point d'étape sur la Trajectoire 2023 », portant en en-tête la mention de ce que « la fin programmée des TR impose à Engie BtoC de mener une réflexion sur son modèle et son organisation » ; qu'au titre du « calendrier et prochaines étapes », sont notamment prévus le lancement de la procédure d'information-consultation sur la Trajectoire 2023 (« Projet à étapes ») ainsi qu'en parallèle la négociation d'un accord d'établissement d'accompagnement social ; que cependant le contenu de ce document apparaît cohérent avec celui intitulé « présentation des orientations stratégiques 2019-2021de la société Engie SA » remis par la direction de l'entreprise au comité central le 10 avril 2019 et qui énonce, en pages 11 et suivantes, les transformations majeures auxquelles sont confrontés les acteurs fournissant et commercialisant du gaz et le bouleversement du cadre réglementaire avec la suppression totale des tarifs réglementés du gaz au 1er juillet 2023 ; qu'en page l6 de ce document, il est précisément explicité : « Il est nécessaire d'adapter le modèle organisationnel de la BU France BtoC, compte tenu de la fin prévue des tarifs réglementés du gaz, tout en veillant à construire une organisation qui réponde aux enjeux de compétitivité et de marché. Dans ce contexte, la BU France BtoC a identifié des premiers jalons de trajectoire à horizon 2023. Ces jalons prévoient le changement de rattachement d'au moins 4 sites DTR vers la DGP d'ici 2023, du fait des perspectives de fin des tarifs réglementés. Les hypothèses sur lesquelles cette trajectoire 2020/2023 est déterminée, et le rattachement des sites de la DTR à la DGP en découlant, feront l'objet, chaque année, d'un examen devant les IRP. Cet examen annuel permettra : - d'y apporter d'éventuels correctifs en fonction de l'évolution du contexte économique, régulatoire et concurrentiel, - de faire le bilan de l'évolution du portefeuille de la DTR, - de faire un point sur l'évolution des effectifs, - de déterminer quel site serait amené à être rattaché à la DGP au titre de l'année concernée » ; qu'il résulte de la lecture de ce document que la direction de la société Engie a bien porté à la connaissance du comité central d'entreprise la nécessaire restructuration de la BU France BtoC du fait de la fin prévue des tarifs réglementés du gaz dans le cadre de ce qu'elle a nommé la « trajectoire 2023 » ; que par ailleurs, l'expert Secafi désigné par le comité central d'entreprise de la SA Engie à la suite de ce comité central d'entreprise a rendu son rapport au mois de juin 2019, indiquant avoir été mandaté sur la GEPP (gestion des emplois et des parcours professionnels) ; que l'expert a notamment fait un « zoom sur le commerce BtoC » en prenant en compte la « fin annoncée des TRV » et a effectué une simulation de l'évolution des effectifs pour la DTR indiquant un passage de 872 salariés en 2017 à 419 en 2023 (soit une baisse de 453 emplois) ; qu'ainsi, il ne ressort pas de ces éléments que le CSE d'établissement, que ce soit directement ou par les informations reçues par l'intermédiaire du comité central d'entreprise, n'aurait pas été loyalement et intégralement informé sur les orientations stratégiques de la « Trajectoire 2023 » étant souligné que le seul document versé aux débats par les intimés concernant les « annonces » de la direction faites au mois d'octobre 2019 ne mentionne pas la suppression de 400 à 500 postes qu'ils dénoncent ; qu'en conséquence, il sera dit n'y avoir lieu à référé sur cette demande et l'ordonnance critiquée sera également infirmée en ce qu'elle a interdit à la société Engie d'engager tout processus consultatif des institutions représentatives du personnel de l'entreprise sur un projet de restructuration tant que l'information consultation sur les orientations stratégiques n'a pas été valablement et loyalement mise en oeuvre sous astreinte ; 1) ALORS QUE ne satisfait pas à son obligation d'information-consultation du comité social et économique sur un projet de réorganisation l'employeur qui passe sous silence les suppressions de postes que ce projet va entraîner ; qu'en l'espèce, pour conclure que la société Engie avait respecté son obligation de consultation du comité social et économique d'établissement dans le cadre de son « Point d'étape sur la Trajectoire 2023 », la cour d'appel a retenu qu'il ressortait du document remis par la direction au comité central d'entreprise, et qui faisait état du basculement d'au moins quatre sites de la DTR vers la DGP d'ici 2023, que la direction avait bien porté à la connaissance de ce dernier « la nécessaire restructuration de la BU France BtoC du fait de la fin prévue des tarifs réglementés du gaz » ; qu'en statuant ainsi, quand le syndicat Engie Energie Force Ouvrière et le comité social et économique d'établissement ne contestaient pas que le comité avait été informé sur la restructuration de la Bu France BtoC mais faisaient valoir que la direction s'était contentée d'exposer la « bascule » de sites affectés aux tarifs réglementés vers les activités d'offres de marché, sans évoquer la suppression massive de postes dont l'employeur entendait assortir ce projet, de sorte que l'information ainsi donnée n'était ni complète, ni sincère ni loyale, la cour d'appel, qui a statué par un motif inopérant, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 2312-8, L. 2312-37 et L. 2312-39 du code du travail, ensemble l'article R. 1455-6 du même code ; 2) ALORS QUE le comité social et économique est consulté sur les orientations stratégiques de l'entreprise et sur leurs conséquences sur l'activité, l'emploi, l'évolution des métiers et des compétences, l'organisation du travail, le recours à la sous-traitance, à l'intérim, à des contrats temporaires et à des stages ; qu'en l'espèce, le syndicat Engie Energie Force Ouvrière et le comité social et économique d'établissement faisaient valoir que la société Engie n'avait pas respecté son obligation d'information et de consultation loyale lors de la consultation sur les orientations stratégiques qui s'était déroulée entre le 2 avril et le 26 juin 2019 puisque les documents d'information transmis aux partenaires sociaux et aux représentants du personnel ne faisaient pas état de suppression de postes ; que pour conclure néanmoins que le comité social et économique d'établissement avait été « loyalement et intégralement informé sur les orientations stratégiques de la "Trajectoire 2023" », la cour d'appel a retenu que l'expert Secafi mandaté par le comité central d'entreprise avait rendu son rapport au mois de juin 2019 dans lequel il avait effectué une simulation de l'évolution des effectifs pour la DTR indiquant un passage de 872 salariés en 2017 à 419 en 2023, soit une baisse de 453 emplois ; qu'en statuant ainsi, quand il ressortait de ses propres constatations qu'à la date de la consultation sur les orientations stratégiques, l'employeur était nécessairement au courant de la suppression d'emplois puisque cette dernière avait pu être chiffrée par l'expert et qu'il n'en avait pourtant nullement informé lui-même les représentants du personnel, la cour d'appel a violé les articles L. 2312-17, L. 2312-22 et L 2312-24 du code du travail, ensemble l'article R. 1455-6 du même code ; 3) ALORS QUE le comité social et économique est consulté sur les orientations stratégiques de l'entreprise et sur leurs conséquences sur l'activité, l'emploi, l'évolution des métiers et des compétences, l'organisation du travail, le recours à la sous-traitance, à l'intérim, à des contrats temporaires et à des stages ; qu'en l'espèce, pour conclure que le comité social et économique d'établissement avait été « loyalement et intégralement informé sur les orientations stratégiques de la "Trajectoire 2023" », la cour d'appel a retenu que l'expert Secafi mandaté par le comité central d'entreprise avait rendu son rapport au mois de juin 2019 dans lequel il avait effectué une simulation de l'évolution des effectifs pour la DTR indiquant un passage de 872 salariés en 2017 à 419 en 2023, soit une baisse de 453 emplois ; qu'en s'attachant aux informations obtenues par le comité central d'entreprise grâce au recours à une expertise pour vérifier si l'employeur avait satisfait à son obligation loyale d'information envers le comité d'établissement, quand elle ne devait s'attacher qu'aux éléments remis directement par l'employeur au comité d'établissement, la cour d'appel a commis une erreur de droit en violation des articles L. 2312-17, L. 2312-22 et L. 2312-24 du code du travail, ensemble l'article R. 1455-6 du même code ; 4) ALORS QUE l'objet du litige est déterminé par les conclusions respectives des parties ; qu'en l'espèce, en retenant que le seul document versé aux débats par les intimés concernant les « annonces » de la direction faites au mois d'octobre 2019 ne mentionnait pas la suppression de 400 à 500 postes qu'ils dénonçaient, quand cette suppression de poste n'était pas contestée par la société Engie, la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 21 septembre 2022 Cassation partielle M. CATHALA, président Arrêt n° 986 FS-B Pourvoi n° T 21-16.821 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 21 SEPTEMBRE 2022 La société Ipsos Observer, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° T 21-16.821 contre l'arrêt rendu le 17 mars 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 3), dans le litige l'opposant à Mme [C] [L], domiciliée [Adresse 1], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Ala, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société Ipsos Observer, et l'avis de M. Desplan, avocat général, après débats en l'audience publique du 22 juin 2022 où étaient présents M. Cathala, président, Mme Ala, conseiller référendaire rapporteur, M. Schamber, conseiller doyen, Mmes Cavrois, Monge, MM. Rouchayrole, Flores, Mme Lecaplain-Morel, conseillers, Mmes Thomas-Davost, Techer, conseillers référendaires, M. Desplan, avocat général, et Mme Pontonnier, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 17 mars 2021), Mme [L] a été engagée à compter du 4 novembre 2004 par la société Ipsos observer en qualité d'enquêteur vacataire par plusieurs contrats à durée déterminée d'usage. A compter du 1er janvier 2011, elle a été engagée par contrat à durée indéterminée intermittent. 2. La relation de travail était soumise à la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseil du 15 décembre 1987, dite Syntec. 3. Le 7 janvier 2013, la salariée a saisi la juridiction prud'homale de demandes tendant à ce que la relation contractuelle soit requalifiée en contrat à durée indéterminée à temps complet et que lui soient versées des sommes afférentes à ces requalifications. Examen des moyens Sur le premier moyen, pris en ses trois premières branches et le second moyen, pris en ses six premières branches, ci-après annexés 4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur la première branche du premier moyen qui est irrecevable et sur les autres griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Mais sur le premier moyen, pris en sa quatrième branche Enoncé du moyen 5. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à verser une certaine somme à titre de rappel de salaire pour la période du 1er janvier 2008 au 31 octobre 2013, outre congés payés afférents, alors « que la requalification d'un contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée ne porte que sur le terme du contrat et laisse inchangées les stipulations contractuelles relatives à la durée du travail ; que réciproquement, la requalification d'un contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet ne porte que sur la durée de travail et laisse inchangées les autres stipulations relatives au terme du contrat ; qu'en conséquence, il appartient au salarié qui prétend au paiement de rappels de salaire pour les périodes interstitielles séparant deux contrats à durée déterminée d'établir qu'il s'était tenu à la disposition de l'employeur en vue d'effectuer un travail pendant ces périodes ; qu'en l'espèce, pour faire droit à la demande de rappel de salaire sur la base d'un temps complet pour la période du 1er janvier 2008 au 31 octobre 2013 formée par Mme [L], la cour d'appel a retenu, par motifs propres et adoptés, compte tenu de la requalification du contrat de travail à durée indéterminée en contrat de travail à temps plein, il n'y avait pas lieu de déduire du décompte établi par Mme [L], les jours d'indisponibilité ou les congés sans solde résultant selon elle d'un choix de la salariée, étant par ailleurs souligné que la salariée indique avoir été contrainte de déposer des demandes de jours de congés à certaines dates ; qu'en statuant par de tels motifs sans rechercher si Mme [L] rapportait la preuve qui lui incombait qu'elle s'était tenue de la société Ipsos pendant les périodes d'indisponibilité et de congés sans solde, la cour d'appel a violé les dispositions des articles L. 1245-1 et L. 3123-14 en sa rédaction alors applicable du code du travail, ensemble des articles 1134 dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 et 1315, devenu 1353 du code civil. » Réponse de la Cour Vu l'article L. 1245-1 du code du travail dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 et l'article L. 1245-2 du même code : 6. En application de ces textes, la requalification d'un contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet ne porte que sur la durée du travail et laisse inchangées les autres stipulations relatives au terme du contrat, réciproquement, la requalification d'un contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée ne porte que sur le terme du contrat et laisse inchangées les stipulations contractuelles relatives à la durée du travail. 7. Il en résulte que le salarié, engagé par plusieurs contrats à durée déterminée et dont le contrat de travail est requalifié en un contrat à durée indéterminée, ne peut prétendre à un rappel de salaire au titre des périodes non travaillées séparant chaque contrat que s'il établit qu'il s'est tenu à la disposition de l'employeur pendant ces périodes pour effectuer un travail. 8. Pour condamner l'employeur à une certaine somme au titre d'un rappel de salaire outre congés payés afférents, l'arrêt, après avoir requalifié les contrats à durée déterminée d'usage en contrat de travail à durée indéterminée à temps complet pour la période antérieure au 1er janvier 2011, relève que, pour s'opposer à la demande de rappel de salaire sur la base d'un temps plein, l'employeur opère une déduction des périodes d'absence de la salariée en indiquant que celle-ci s'était déclarée indisponible ou en congés sans solde. L'arrêt retient que, compte tenu de la requalification du contrat de travail en contrat à durée indéterminée à temps plein, il n'y a pas lieu de déduire du décompte établi par la salariée les jours d'indisponibilité ou les congés sans solde. 9. En se déterminant ainsi, sans rechercher si, au cours des périodes d'indisponibilité ou de congés sans solde, la salariée rapportait la preuve qu'elle s'était tenue à la disposition de l'employeur en vue d'effectuer un travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale. Et sur le second moyen, pris en sa septième branche Enoncé du moyen 10. L'employeur fait le même grief à l'arrêt, alors « que lorsqu'un salarié ne fournit pas la prestation inhérente à son contrat de travail, l'employeur ne peut être tenu de lui verser un salaire que si une disposition légale, conventionnelle ou contractuelle lui en fait obligation ; qu'en l'espèce, la société Ipsos Observer faisait valoir que les jours d'indisponibilité et les congés sans solde posés par Mme [L] ne pouvaient donner lieu au paiement d'un rappel de salaire puisque ces jours d'indisponibilité et de congés sans solde correspondaient à des périodes pendant lesquelles la salariée avait expressément manifesté sa volonté de ne pas travailler et ne se maintenait pas à la disposition de la société ; qu'en retenant néanmoins que, compte tenu de la requalification du contrat de travail à durée indéterminée en contrat de travail à temps plein, il n'y avait pas lieu de déduire du décompte établi par Mme [L] les jours d'indisponibilité ou les congés sans solde sans rechercher si la salariée ne s'était pas délibérément abstenue de fournir la prestation inhérente à son contrat de travail pendant ces périodes, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l'article L. 1221-1 du code du travail. » Réponse de la Cour Vu l'article L. 1221-1 du code du travail et l'article 1315 devenu l'article 1353 du code civil : 11. L'employeur est tenu de fournir un travail et de payer sa rémunération au salarié qui se tient à sa disposition. 12. Pour condamner l'employeur à une certaine somme à titre d'un rappel de salaire outre congés payés afférents, l'arrêt, après avoir requalifié le contrat de travail intermittent en contrat de travail à temps complet pour la période postérieure au 1er janvier 2011, relève que, pour s'opposer à la demande de rappel de salaire sur la base d'un temps plein, l'employeur opère une déduction des périodes d'absence de la salariée en indiquant que celle-ci s'était déclarée indisponible ou en congés sans solde. L'arrêt retient que, compte tenu de la requalification du contrat de travail en contrat à durée indéterminée à temps plein, il n'y a pas lieu de déduire du décompte établi par la salariée les jours d'indisponibilité ou les congés sans solde. 13. En se déterminant ainsi, sans rechercher si l'employeur démontrait avoir rempli l'obligation de fournir un travail dont il était débiteur du fait de la requalification du contrat de travail intermittent en contrat de travail à temps complet et si la salariée avait, en se déclarant indisponible ou en congés sans solde, refusé d'exécuter son travail ou de se tenir à sa disposition, la cour d'appel, a privé sa décision de base légale. Portée et conséquences de la cassation 14. La cassation prononcée sur les premier et second moyens n'entraîne pas la cassation des chefs de dispositif qui condamnent l'employeur au paiement d'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à supporter la charge des entiers dépens, justifiés par d'autres condamnations non remises en cause. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Ipsos Observer à verser à Mme [L] la somme de 37 040,32 euros au titre d'un rappel de salaire du 1er janvier 2008 au 31 octobre 2013 outre congés payés afférents, l'arrêt rendu le 17 mars 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ; Condamne Mme [L] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Ipsos Observer ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, prononcé et signé par M. Schamber, conseiller doyen en ayant délibéré, conformément aux dispositions des articles 452, 456 et 1021 du code de procédure civile, en remplacement du président empêché, en l'audience publique du vingt et un septembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour la société Ipsos Observer PREMIER MOYEN DE CASSATION (relatif à la période d'emploi sous contrats à durée déterminée) La société IPSOS OBSERVER fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir condamnée à payer à Madame [L] une somme de 37 040,32 euros à titre de rappel de salaire pour la période du 1er janvier 2008 au 31 octobre 2013 et une somme de 3 704 euros au titre des congés payés afférents ; ALORS en premier lieu QUE le contrat de travail du salarié à temps partiel est un contrat écrit ; que ce contrat doit mentionner la durée hebdomadaire ou, le cas échéant, mensuelle prévue et la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois ; qu'en l'absence d'écrit comportant ces mentions, l'emploi est présumé à temps complet et il incombe alors à l'employeur qui conteste cette présomption de rapporter la preuve, d'une part de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue, d'autre part que le salarié n'était pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il n'avait pas à se tenir constamment à la disposition de l'employeur ; qu'en l'espèce, en considérant que la relation de travail antérieure à la signature du contrat à durée indéterminée intermittent devait être requalifiée en un contrat à temps complet et en allouant à Madame [L] un rappel de salaire de ce chef au seul motif que la Cour n'était pas en mesure de vérifier que la société IPSOS avait respecté l'obligation de faire figurer les mentions susvisées dans les contrats de la salariée quand cette circonstance faisait seulement naître une présomption simple de travail à temps complet que l'employeur avait la faculté de renverser, la Cour d'appel a violé les dispositions de l'article L. 3123-14 du Code du travail dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 ; ALORS en deuxième et en toute hypothèse lieu QUE le contrat de travail du salarié à temps partiel est un contrat écrit ; que ce contrat doit mentionner la durée hebdomadaire ou, le cas échéant, mensuelle prévue et la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois ; qu'en l'absence d'écrit comportant ces mentions, l'emploi est présumé à temps complet et il incombe alors à l'employeur qui conteste cette présomption de rapporter la preuve, d'une part de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue, d'autre part que le salarié n'était pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il n'avait pas à se tenir constamment à la disposition de l'employeur ; qu'en l'espèce, afin d'établir que Madame [L] avait connaissance de ses périodes et heures de travail et n'était donc pas contrainte de se tenir en permanence à la disposition de son employeur, la société IPSOS OBSERVER versait aux débats les plannings établis mensuellement par la société et communiqués à la salariée ; que pour considérer que l'employeur ne versait aucun élément permettant d'établir que la salariée était en mesure de connaître à l'avance ses périodes d'activité et son rythme de travail et requalifier la relation de travail en un contrat à temps complet, le Conseil de prud'hommes a relevé que Madame [L] faisait valoir que les plannings qui lui étaient remis mensuellement n'avaient pas de valeur contractuelle et pouvaient être modifiés à tout moment ; qu'à supposer ces motifs adoptés, en se fondant sur cette circonstance pour requalifier la relation de travail en un contrat à temps complet et allouer à la salariée un rappel de salaire de ce chef, sans rechercher si les plannings mensuels remis à Madame [L] sur la période en cause avaient effectivement fait l'objet de modifications, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l'article L. 3123-14 du Code du travail dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 ; ALORS en troisième lieu QUE la requalification d'un contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée ne porte que sur le terme du contrat et laisse inchangées les stipulations contractuelles relatives à la durée du travail ; que réciproquement, la requalification d'un contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet ne porte que sur la durée de travail et laisse inchangées les autres stipulations relatives au terme du contrat ; qu'en conséquence, il appartient au salarié qui prétend au paiement de rappels de salaire pour les périodes interstitielles séparant deux contrats à durée déterminée d'établir qu'il s'était tenu à la disposition de l'employeur en vue d'effectuer un travail pendant ces périodes ; qu'en faisant droit, en l'espèce, à la demande formée par Madame [L] à titre de rappel de salaire sur la base d'un temps plein pour la période du 1er janvier 2008 au 31 octobre 2013, sans rechercher si la salariée rapportait la preuve qui lui incombait qu'elle s'était tenue à la disposition de la société IPSOS OBSERVER en vue d'effectuer un travail pendant l'ensemble des périodes interstitielles séparant deux contrats, la Cour d'appel a violé les dispositions des articles L. 1245-1 et L.. 3123-14 en sa rédaction alors applicable du Code du travail, ensemble des articles 1134 dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 et 1315, devenu 1353 du Code civil ; ALORS en quatrième lieu et en toute hypothèse QUE la requalification d'un contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée ne porte que sur le terme du contrat et laisse inchangées les stipulations contractuelles relatives à la durée du travail ; que réciproquement, la requalification d'un contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet ne porte que sur la durée de travail et laisse inchangées les autres stipulations relatives au terme du contrat ; qu'en conséquence, il appartient au salarié qui prétend au paiement de rappels de salaire pour les périodes interstitielles séparant deux contrats à durée déterminée d'établir qu'il s'était tenu à la disposition de l'employeur en vue d'effectuer un travail pendant ces périodes ; qu'en l'espèce, pour faire droit à la demande de rappel de salaire sur la base d'un temps complet pour la période du 1er janvier 2008 au 31 octobre 2013 formée par Madame [L], la Cour d'appel a retenu, par motifs propres et adoptés, compte tenu de la requalification du contrat de travail à durée indéterminée en contrat de travail à temps plein, il n'y avait pas lieu de déduire du décompte établi par Madame [L], les jours d'indisponibilité ou les congés sans solde résultant selon elle d'un choix de la salariée, étant par ailleurs souligné que la salariée indique avoir été contrainte de déposer des demandes de jours de congés à certaines dates ; qu'en statuant par de tels motifs sans rechercher si Madame [L] rapportait la preuve qui lui incombait qu'elle s'était tenue de la société IPSOS pendant les périodes d'indisponibilité et de congés sans solde, la Cour d'appel a violé les dispositions des articles L. 1245-1 et L. 3123-14 en sa rédaction alors applicable du Code du travail, ensemble des articles 1134 dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 et 1315, devenu 1353 du Code civil ; ALORS en cinquième lieu et en toute hypothèse QUE la requalification d'un contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée ne porte que sur le terme du contrat et laisse inchangées les stipulations contractuelles relatives à la durée du travail ; que réciproquement, la requalification d'un contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet ne porte que sur la durée de travail et laisse inchangées les autres stipulations relatives au terme du contrat ; qu'en conséquence, il appartient au salarié qui prétend au paiement de rappels de salaire pour les périodes interstitielles séparant deux contrats à durée déterminée d'établir qu'il s'était tenu à la disposition de l'employeur en vue d'effectuer un travail pendant ces périodes ; que dans ce cadre, il lui appartient de justifier qu'il n'était pas à la disposition d'un autre employeur pendant les périodes litigieuses ; qu'en l'espèce, pour faire droit à la demande de rappel de salaire sur la base d'un temps complet pour la période du 1er janvier 2008 au 31 octobre 2013 formée par Madame [L], la Cour d'appel a retenu, par motifs propres et adoptés, que la rémunération que la salariée avait pu percevoir par ailleurs auprès d'autres employeurs ne pouvait affecter la rémunération à laquelle elle avait droit du fait de la requalification ; qu'en statuant par de tels motifs alors qu'il se déduisait de la perception d'autres revenus par la salariée que cette dernière ne s'était pas tenue à la disposition de la société IPSOS pendant tout ou partie des périodes interstitielles et qu'elle ne pouvait donc prétendre au paiement d'un rappel de salaire pour ses périodes, la Cour d'appel a violé les dispositions des articles L. 1245-1 et L. 3123-14 en sa rédaction alors applicable du Code du travail, ensemble des articles 1134 dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 et 1315, devenu 1353 du Code civil. ALORS en sixième lieu et en toute hypothèse QUE le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motif ; qu'en l'espèce, la société ISPOS OBSERVER faisait valoir, s'agissant de la somme réclamée par Madame [L] à titre de rappel de salaire sur la base d'un temps complet, que, lorsqu'elle était employée sous contrat à durée déterminée, la salariée avait toujours bénéficié de congés payés sous la forme d'une indemnité compensatrice de congés payés équivalente à 10% de sa rémunération et que la salariée ne pouvait en conséquence solliciter un rappel de salaire pour les périodes correspondant aux congés payés qui lui avaient, en réalité, été déjà rémunérées par avance ; qu'en laissant sans réponse ce moyen déterminant des conclusions de la société exposante, la Cour d'appel a méconnu les exigences découlant de l'article 455 du Code de procédure civile. SECOND MOYEN DE CASSATION (relatif à la période d'emploi sous contrat à durée indéterminée intermittent) La société IPSOS OBSERVER fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir condamnée à payer à Madame [L] une somme de 37 040,32 euros à titre de rappel de salaire pour la période du 1er janvier 2008 au 31 octobre 2013 et une somme de 3 704 euros au titre des congés payés afférents ; ALORS en premier lieu QUE le contrat de travail intermittent est un contrat écrit qui comporte notamment la durée annuelle minimale de travail du salarié, les périodes de travail, la répartition des heures de travail à l'intérieur de ces périodes ; qu'il en résulte que les dispositions de l'article L. 3123-14 du Code du travail, qui prévoient que le contrat de travail à temps partiel précise la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue ainsi que la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois, ne sont pas applicables au contrat de travail intermittent ; qu'au cas présent, pour requalifier en contrat de travail à temps complet le contrat intermittent conclu par Madame [L] avec la société IPSOS OBSERVER, la Cour d'appel a relevé que les pièces versées aux débats ne mentionnaient pas les horaires de travail et leur répartition et que la société employeur ne renversait pas la présomption de travail à temps complet ; qu'en faisant ainsi application de dispositions relatives au contrat de travail à temps partiel à un contrat intermittent, la Cour d'appel a violé les dispositions des articles L. 3123-14 et L. 3123-33 du Code du travail dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 ; ALORS en deuxième lieu QU'il résulte de l'article préambule de l'annexe enquêteurs du 16 décembre 1991 à la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils du 15 décembre 1987, dont les dispositions ont été maintenues en vigueur par l'article 43 de la loi n° 93-1313 du 20 décembre 1993, que les chargés d'enquête intermittents à garantie annuelle (CEIGA) exercent leur activité dans le cadre du travail intermittent tel qu'il est défini aux articles L. 212-4-8 et suivants du code du travail, dans leur rédaction alors applicable ; que selon l'article L. 212-4-9 du Code du travail alors en vigueur, auquel renvoie l'accord collectif, le contrat de travail intermittent doit faire mention des périodes pendant lesquelles le salarié travaille et, dans le cas où la nature de l'activité ne permet pas de fixer avec précision les périodes de travail et la répartition des heures de travail au sein de ces périodes, la convention collective ou l'accord étendu détermine les adaptations nécessaires ; qu'en application de ces dispositions, l'article 3 de l'annexe précitée dispose que la nature des activités d'enquête et de sondage ne permet pas de connaître avec précision les périodes de travail et la répartition des heures de travail au sein de ces périodes et que, les périodes de travail n'étant pas définies au contrat, l'employeur devra respecter un délai de prévenance de trois jours ouvrables ; que l'article 8 de cette même annexe prévoit que l'engagement d'un chargé d'enquête intermittent à garantie annuelle doit être constaté par un écrit faisant référence aux dispositions de la présente convention et précisant notamment la qualification du salarié, les éléments de sa rémunération, le montant de sa garantie annuelle, le délai de prévenance de trois jours ouvrables prévus à l'article 3 de la présente annexe ; qu'il en résulte que les contrats de travail intermittent conclus en application de cet accord collectif n'ont pas à mentionner les périodes travaillées ; qu'en l'espèce, pour requalifier le contrat de travail intermittent conclu par Madame [L] en application des dispositions de l'annexe susvisée en contrat à temps complet, après avoir rappelé que l'article L. 3123-33 du Code du travail énonçait les mentions devant figurer obligatoirement sur le contrat de travail intermittent, au nombre desquelles, les périodes de travail et la répartition des heures de travail à l'intérieur de ces période, la Cour d'appel, à supposer qu'elle ait adopté les motifs des premiers juges, a considéré qu'à défaut de comporter ces mentions légales, le contrat de la salariée était présumé à temps complet et que la société IPSOS OBSERVER ne renversait pas la présomption pesant sur elle ; qu'en statuant par de tels motifs, la Cour d'appel a violé les dispositions des articles L. 212-4-8 et L. 212-4-9 du Code du travail dans leur version applicable au litige ensemble celles de l'article 43 de la loi n° 93-1313 du 20 décembre 1993, de l'article L. 3123-33 du code du travail dans sa version antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, de l'article préambule de l'annexe enquêteurs du 16 décembre 1991 à la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils du 15 décembre 1987 et des articles 3 et 8 de l'annexe 4-2 se rapportant aux chargés d'enquête intermittents à garantie annuelle ; ALORS en troisième lieu et en toute hypothèse QUE le juge est tenu de ne pas dénaturer les termes du litige ; qu'en l'espèce, pour juger qu'en l'absence des mentions édictées à l'article L. 3123-33, le contrat de travail intermittent de Madame [L] était présumé à temps plein puis requalifier ce contrat en contrat à temps complet faute pour la société IPSOS OBSERVER de renverser cette présomption, le Conseil de prud'hommes a considéré qu'il n'y avait pas lieu d'examiner l'argumentation de la société IPSOS OBSERVER sur les exceptions prévues à l'article D. 3123-4 actuel du Code du travail, l'activité de l'entreprise ne relevant pas du secteur du spectacle vivant et enregistré ; qu'à les supposer adoptés, en statuant par de tels motifs alors que dans ses conclusions d'appel, la société IPSOS OSBERVER ne se prévalait nullement de l'application de l'article D. 3123-4 du Code du travail mais faisait valoir que, compte tenu des règles d'application dans le temps des lois relatives au travail intermittent, le contrat intermittent de Madame [L] conclu en application de l'annexe « Enquêteurs » à la convention collective nationale des bureaux d'études techniques et cabines d'ingénieurs conseils du 16 décembre 1991 n'était pas assujetti au respect des dispositions des articles L. 3123-33 et L. 3123-35 du Code du travail mais relevait des dispositions en vigueur à la date de la conclusion et de l'extension de l'annexe susvisée et en particulier de l'article L. 212-4-9 du Code du travail lequel permettait alors aux partenaires sociaux des branches professionnelles, sans aucune limitation tenant au secteur d'activité, d'adapter les mentions devant figurer dans le contrat intermittent « dans le cas où la nature de l'activité ne permet pas de fixer avec précision les périodes de travail et la répartition des heures de travail au sein de ces périodes », la Cour d'appel a méconnu les termes du litige en violation des dispositions des articles 4 et 5 du Code de procédure civile ; ALORS en quatrième lieu QUE le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motif ; qu'en l'espèce, pour conclure à la régularité du contrat de travail intermittent conclu avec Madame [L], la société IPSOS OBSERVER faisait valoir que la détermination d'une rémunération annuelle garantie au salarié dans le cadre du contrat intermittent CEIGA valait nécessairement détermination d'une durée annuelle minimale de travail du salarié corrélative à cette rémunération annuelle conformément aux dispositions de l'article L. 3123-33 3° du Code du travail ; qu'en considérant en l'espèce, par motifs adoptés, que le contrat intermittent de Madame [L] ne comportait pas les mentions requises par l'article L. 3123-33 du Code du travail au nombre desquelles la durée annuelle minimale de travail du salarié sans répondre au moyen susvisé soulevé par la société IPSOS OBSERVER de ce chef, la Cour d'appel a méconnu les exigences découlant de l'article 455 du Code de procédure civile ; ALORS en cinquième lieu et en toute hypothèse QUE le contrat de travail intermittent est un contrat écrit qui doit notamment mentionner la durée annuelle minimale de travail du salarié ; qu'il en résulte qu'en l'absence de cette mention dans le contrat, ce dernier est présumé à temps plein ; qu'il appartient alors à l'employeur qui soutient que le contrat n'est pas à temps plein d'établir la durée annuelle minimale convenue et que le salarié connaissait les jours auxquels il devait travailler et selon quels horaires, et qu'il n'était pas obligé de se tenir constamment à la disposition de l'employeur ; qu'en l'espèce, pour considérer que l'employeur ne renversait pas la présomption selon laquelle le salarié se trouve à sa disposition permanente et requalifier en conséquence le contrat intermittent de Madame [L] en contrat à temps complet, la Cour d'appel a relevé que, pour renverser cette présomption, la société IPSOS OBSERVER versait aux débats des tableaux mentionnant que Madame [L] ne travaillait pas le matin mais qu'elle ne mentionnait cependant pas d'écrit de la salariée selon lequel celle-ci ne désirait pas travailler le matin et ne souhaitait travailler que pour un mi-temps l'après-midi et que, selon les documents relatifs aux consignes données aux enquêteurs, lorsque ceux-ci sont planifiés l'après-midi, ils débutent leur travail à midi ce qui permet la réalisation d'une journée complète de travail ; qu'en statuant par ces motifs inopérants sans rechercher si, ainsi que le faisait valoir la société IPSOS OBSERVER, les plannings établis mensuellement par la société et communiqués à la salariée ne permettaient pas à cette dernière d'avoir connaissance de ses périodes et heures de travail et, par voie de conséquence, de ne pas être contrainte de se tenir en permanence à la disposition de son employeur, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l'article L. 212-4-9 du Code du travail dans leur version applicable au litige ; ALORS en sixième lieu et en toute hypothèse QUE le contrat de travail intermittent est un contrat écrit qui doit notamment mentionner la durée annuelle minimale de travail du salarié ; qu'il en résulte qu'en l'absence de cette mention dans le contrat, ce dernier est présumé à temps plein ; qu'il appartient alors à l'employeur qui soutient que le contrat n'est pas à temps plein d'établir la durée annuelle minimale convenue et que le salarié connaissait les jours auxquels il devait travailler et selon quels horaires, et qu'il n'était pas obligé de se tenir constamment à la disposition de l'employeur ; qu'en l'espèce, afin d'établir que Madame [L] avait connaissance de ses périodes et heures de travail et n'était donc pas contrainte de se tenir en permanence à la disposition de son employeur, la société IPSOS OBSERVER versait aux débats les plannings établis mensuellement par la société et communiqués à la salariée ; que pour considérer que l'employeur ne versait aucun élément permettant d'établir que la salariée était en mesure de connaître à l'avance ses périodes d'activité et son rythme de travail et requalifier la relation de travail en un contrat à temps complet, le Conseil de prud'hommes a relevé que Madame [L] faisait valoir que les plannings qui lui étaient remis mensuellement n'avaient pas de valeur contractuelle et pouvaient être modifiés à tout moment ; qu'à supposer ces motifs adoptés, en se fondant sur cette circonstance pour requalifier le contrat intermittent en contrat à temps plein sans rechercher si les plannings mensuels remis à Madame [L] sur la période en cause avaient effectivement fait l'objet de modifications, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l'article L. 212-4-9 du Code du travail dans leur version applicable au litige ; ALORS en septième lieu et en toute hypothèse QUE lorsqu'un salarié ne fournit pas la prestation inhérente à son contrat de travail, l'employeur ne peut être tenu de lui verser un salaire que si une disposition légale, conventionnelle ou contractuelle lui en fait obligation ; qu'en l'espèce, la société IPSOS POBSERVER faisait valoir que les jours d'indisponibilité et les congés sans solde posés par Madame [L] ne pouvaient donner lieu au paiement d'un rappel de salaire puisque ces jours d'indisponibilité et de congés sans solde correspondaient à des périodes pendant lesquelles la salariée avait expressément manifesté sa volonté de ne pas travailler et ne se maintenait pas à la disposition de la société ; qu'en retenant néanmoins que, compte tenu de la requalification du contrat de travail à durée indéterminée en contrat de travail à temps plein, il n'y avait pas lieu de déduire du décompte établi par Madame [L] les jours d'indisponibilité ou les congés sans solde sans rechercher si la salarié ne s'était pas délibérément abstenue de fournir la prestation inhérente à son contrat de travail pendant ces périodes, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l'article L. 1221-1 du Code du travail. Sur la charge de la preuve de la fourniture de travail et de la tenue à disposition du salarié, à rapprocher : Soc., 23 octobre 2013, pourvoi n° 12-14.237, Bull. 2013, V, n° 248 (cassation partielle) ; Soc., 21 septembre 2022, pourvoi n° 20-17.627, Bull., (cassation partielle).
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 21 septembre 2022 M. CATHALA, président Arrêt n° 983 FS-B Pourvoi n° S 21-14.106 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 21 SEPTEMBRE 2022 M. [U] [K], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° S 21-14.106 contre l'arrêt rendu le 27 janvier 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 10), dans le litige l'opposant à la société Ricoh France, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Monge, conseiller, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [K], de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société Ricoh France, et l'avis de M. Desplan, avocat général, après débats en l'audience publique du 22 juin 2022 où étaient présents M. Cathala, président, Mme Monge, conseiller rapporteur, M. Schamber, conseiller doyen, Mme Cavrois, MM. Rouchayrole, Flores, Mme Lecaplain-Morel, conseillers, Mmes Ala, Thomas-Davost, Techer, conseillers référendaires, M. Desplan, avocat général, et Mme Pontonnier, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 27 janvier 2021), M. [K] a été engagé par la société Ricoh France, le 10 juillet 2002, les relations contractuelles étant régies par la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie du 13 mars 1972. 2. Licencié le 11 avril 2017, il a, le 12 mai 2017, saisi la juridiction prud'homale à l'effet de contester le bien-fondé de son licenciement et d'obtenir paiement de diverses sommes à titre de rappel de salaire et de dommages-intérêts. Examen des moyens Sur le premier moyen, ci-après annexé 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le second moyen Enoncé du moyen 4. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande en paiement de rappels de salaire sur heures supplémentaires et de dommages-intérêts pour défaut d'information sur le droit au repos compensateur, ainsi que de sa demande en paiement d'une indemnité pour travail dissimulé, alors : « 1°/ que les salariés liés à leur employeur par une convention de forfait en jours bénéficient du droit au repos hebdomadaire, lequel doit être donné le dimanche ; qu'il en résulte qu'une convention de forfait en jours ne peut ni prévoir ni permettre le travail dominical du salarié, de sorte que les heures de travail accomplies le dimanche sont des heures supplémentaires échappant aux règles du forfait et doivent être rémunérées selon le droit commun ; qu'en déboutant le salarié de sa demande en paiement d'heures supplémentaires, incluant, selon ses propres constatations, des dimanches travaillés, au motif que "la convention de forfait en jours est exclusive de la notion de dépassements d'horaires" quand l'accomplissement d'un travail le dimanche était nécessairement constitutif d'un dépassement d'horaires par rapport à la convention de forfait en jours et devait être rémunéré selon le droit commun, la cour d'appel a violé les articles L. 3121-45, L. 3121-48 et L. 3132-3 du code du travail, dans leur rédaction applicable au litige, antérieure à l'entrée en vigueur de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 ; 2°/ qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter à l'appui de sa demande des éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments ; qu'au vu de ces éléments, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ; que constitue un élément suffisamment précis un décompte établi par le salarié récapitulant les heures de travail effectuées ; qu'en l'espèce, le salarié avait présenté des éléments de fait dont résultait l'accomplissement d'heures de travail les dimanches de juin et juillet 2015, nécessairement hors forfait, qui représentaient des heures supplémentaires ; qu'en cet état, il appartenait à la cour d'appel de former sa décision quant à la réalité des heures supplémentaires ainsi accomplies en dehors de la convention de forfait en jours convenue en vérifiant, notamment, si l'employeur justifiait de la réalité de la durée du travail du salarié ; qu'en le déboutant de sa demande au motif inopérant pris de ce qu'il n'alléguait "ni la nullité ni l'absence d'effet à son égard" de la convention de forfait en jours, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 3171-4 du code du travail. » Réponse de la Cour 5. Selon l'article L. 3121-48 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, les salariés ayant conclu une convention de forfait en jours ne sont pas soumis aux dispositions relatives à la durée légale hebdomadaire. Il en résulte qu'un salarié soumis à une convention de forfait en jours dont il ne conteste pas la validité ne peut réclamer le paiement d'heures supplémentaires. 6. Le moyen, qui postule le contraire, n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne M. [K] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, prononcé et signé par M. Schamber, conseiller doyen en ayant délibéré, conformément aux dispositions des articles 452, 456 et 1021 du code de procédure civile, en remplacement du président empêché, en l'audience publique du vingt et un septembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour M. [K] PREMIER MOYEN DE CASSATION M. [K] reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR jugé son licenciement disciplinaire fondé sur une cause réelle et sérieuse de licenciement et de l'avoir débouté de ses demandes de condamnation de la société Ricoh en paiement de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ; 1°) ALORS QUE le juge, pour apprécier le caractère réel et sérieux du motif de licenciement, doit prendre en compte l'attitude antérieure de l'employeur invoquée par le salarié ; qu'en déclarant le licenciement pour insubordination fondé sur une cause réelle et sérieuse aux motifs que « Monsieur [K] se prévaut d'un contexte particulier qui résulte de la non prise en compte par son employeur de la charge de travail et des efforts particuliers qu'il a fournis lors du contrôle fiscal de la société en juin/juillet 2015. Cependant, ni l'insatisfaction de Monsieur [K] quant à l'absence de reconnaissance de cette situation ni la charge particulière de travail qu'il a dû supporter sur une période circonscrite en 2015 et qui n'est pas contestée par l'employeur ne peuvent justifier le refus de Monsieur [K] de répondre aux demandes qui lui ont été faites dans l'exercice de ses fonctions ou les termes employés dans les échanges de ce dernier avec les autres salariés de la société » sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée (conclusions de M. [K] p.15 et 16), si l'imposition au salarié, même sur une période limitée à deux mois, d'une charge de travail supérieure à quinze heures quotidiennes et la privation de repos hebdomadaire, à l'origine d'une grave altération de sa santé et de sa vie personnelle et familiale, ne caractérisaient pas autant de manquements de l'employeur à ses obligations légales et conventionnelles gouvernant la charge de travail et la préservation de la santé du salarié de nature à justifier le refus exprimé par celui-ci, même en termes vifs, d'assumer à l'avenir une charge de travail équivalente, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L.1235-1, L.3132-3 du code du travail du code du travail, ensemble de l'alinéa 11 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 et de l'article 151 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; 2°) ALORS QUE le salarié jouit, dans l'entreprise et en dehors de celle-ci, d'une liberté d'expression à laquelle il ne peut être apporté que des restrictions justifiées par la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché ; qu'en retenant, pour déclarer justifié le licenciement de M. [K], que « ni l'insatisfaction de Monsieur [K] quant à l'absence de reconnaissance de cette situation ni la charge particulière de travail qu'il a dû supporter sur une période circonscrite en 2015 et qui n'est pas contestée par l'employeur ne peuvent justifier le refus de Monsieur [K] de répondre aux demandes qui lui ont été faites dans l'exercice de ses fonctions ou les termes employés dans les échanges de ce dernier avec les autres salariés de la société » la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé un abus, par M. [K], de sa liberté d'expression résultant de l'emploi de propos injurieux, diffamatoires ou excessifs, a violé l'article 10, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. SECOND MOYEN DE CASSATION M. [U] [K] fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué de l'AVOIR débouté de sa demande en paiement de rappels de salaire sur heures supplémentaires et de dommages et intérêts pour défaut d'information sur le droit au repos compensateur, ainsi que de sa demande en paiement d'une indemnité pour travail dissimulé ; 1°) ALORS QUE les salariés liés à leur employeur par une convention de forfait en jours bénéficient du droit au repos hebdomadaire, lequel doit être donné le dimanche ; qu'il en résulte qu'une convention de forfait en jours ne peut ni prévoir ni permettre le travail dominical du salarié, de sorte que les heures de travail accomplies le dimanche sont des heures supplémentaires échappant aux règles du forfait et doivent être rémunérées selon le droit commun ; qu'en déboutant M. [K] de sa demande en paiement d'heures supplémentaires, incluant, selon ses propres constatations, des dimanches travaillés, au motif que « la convention de forfait en jours est exclusive de la notion de dépassements d'horaires » quand l'accomplissement d'un travail le dimanche était nécessairement constitutif d'un dépassement d'horaires par rapport à la convention de forfait en jours et devait être rémunéré selon le droit commun, la cour d'appel a violé les articles L. 3121-45, L. 3121-48 et L.3132-3 du code du travail, dans leur rédaction applicable au litige, antérieure à l'entrée en vigueur de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 ; 2°) ALORS QU'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter à l'appui de sa demande des éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments ; qu'au vu de ces éléments, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ; que constitue un élément suffisamment précis un décompte établi par le salarié récapitulant les heures de travail effectuées ; qu'en l'espèce, M. [K] avait présenté (sa pièce n° 28) des éléments de fait dont résultait l'accomplissement d'heures de travail les dimanches de juin et juillet 2015, nécessairement hors forfait, qui représentaient des heures supplémentaires ; qu'en cet état, il appartenait à la cour d'appel de former sa décision quant à la réalité des heures supplémentaires ainsi accomplies en dehors de la convention de forfait en jours convenue en vérifiant, notamment, si l'employeur justifiait de la réalité de la durée du travail du salarié ; qu'en le déboutant de sa demande au motif inopérant pris de ce qu'il n'alléguait « ni la nullité ni l'absence d'effet à son égard » de la convention de forfait en jours, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 3171-4 du code du travail
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 6 juillet 2022 Cassation partielle M. CATHALA, président Arrêt n° 892 FP-B+R Pourvoi n° U 21-15.189 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 6 JUILLET 2022 1°/ la société SIP, société en commandite simple, dont le siège est [Adresse 6], 2°/ la société Genzyme Polyclonals SAS, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 4], 3°/ la société Sanofi-Aventis groupe, société anonyme, dont le siège est [Adresse 6], 4°/ la société Sanofi chimie, société anonyme, dont le siège est [Adresse 7], 5°/ la société Sanofi Pasteur, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], 6°/ la société Sanofi Pasteur Europe, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 2], 7°/ la société Sanofi Winthrop industrie, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3], 8°/ la société Sanofi-Aventis France, société anonyme, dont le siège est [Adresse 7], 9°/ la société Sanofi-Aventis recherche & développement, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], ont formé le pourvoi n° U 21-15.189 contre l'arrêt rendu le 1er avril 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 2), dans le litige les opposant à la Fédération nationale des industries chimiques-CGT, dont le siège est [Adresse 5], défenderesse à la cassation. La Fédération nationale des industries chimiques-CGT a formé un pourvoi incident contre le même arrêt. Les demanderesses au pourvoi principal invoquent, à l'appui de leur recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation également annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Marguerite, conseiller référendaire et de M. Flores, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société SIP, de la société Genzyme Polyclonals SAS, de la société Sanofi-Aventis groupe, de la société Sanofi chimie, de la société Sanofi Pasteur, de la société Sanofi Pasteur Europe, de la société Sanofi Winthrop industrie, de la société Sanofi-Aventis France et de la société Sanofi-Aventis recherche & développement, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de la Fédération nationale des industries chimiques-CGT, et l'avis de Mme Roques, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 2 juin 2022 où étaient présents, M. Cathala, président, Mme Marguerite, conseiller référendaire corapporteur, M. Flores, conseiller corapporteur, M, Huglo, conseiller doyen, Mme Farthouat-Danon, M. Schamber, Mme Mariette, MM. Rinuy. Ricour, Mme Van Ruymbeke, M. Pietton, Mmes Monge, Ott, Le Lay, conseillers, Mmes Ala, Lanoue, Valéry, conseillers référendaires, Mme Roques, avocat général référendaire, et Mme Piquot, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application des articles R. 421-4-1 et R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 1er avril 2021), rendu en référé, par deux notes de service des 26 mars et 29 avril 2020, les sociétés Sanofi Winthrop industrie, Sanofi-Aventis France, Sanofi-Aventis groupe, Sanofi chimie, Genzyme Polyclonals SAS, Sanofi-Aventis recherche & développement, Sanofi Pasteur, SIP et Sanofi Pasteur Europe (les sociétés) ont décidé de la mise en oeuvre des dispositions des articles 2 et 4 de l'ordonnance n° 2020-323 du 25 mars 2020 afin d'imposer la prise de jours de repos ou de jours épargnés sur le compte-épargne temps, d'une part, aux salariés qui ne pouvaient exercer leur activité en télétravail au cours du confinement et, d'autre part, aux salariés ne pouvant exercer leur activité en télétravail et maintenus à domicile, après le 4 mai 2020, pour garder un enfant de moins de 16 ans ou en raison de leur vulnérablité au covid-19 ou de celle d'une personne avec laquelle ils partagent leur domicile. 2. La Fédération nationale des industries chimiques-CGT (le syndicat) a saisi le juge des référés d'un tribunal judiciaire afin de faire cesser le trouble manifestement illicite résultant de la mise en oeuvre de ces notes de service et en rétablissement des droits des salariés concernés. Examen des moyens Sur le moyen du pourvoi incident du syndicat Enoncé du moyen 3. Le syndicat fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable sa demande tendant à enjoindre aux sociétés de rétablir dans leurs droits les salariés concernés par les notes de service des 26 mars et 29 avril 2020 et notamment de recréditer les jours de RTT/OTT illégalement imposés et droits illégalement prélevés sur le compte épargne-temps desdits salariés, alors « que les syndicats professionnels ont le droit d'agir en justice et peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent ; qu'en s'abstenant de juger recevable la demande du syndicat tendant, sur le fondement de l'intérêt collectif de la profession, à ce qu'il soit ordonné aux sociétés employeurs de rétablir les salariés dans leurs droits atteints par le trouble manifestement illicite dument constaté, sans qu'il soit demandé la constitution de droits déterminés au profit de salariés nommément désignés, la cour d'appel a violé l'article L. 2132-3 du code du travail, ensemble l'article 835 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 4. Selon l'article L. 2132-3 du code du travail, les syndicats professionnels ont le droit d'agir en justice. Ils peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent. 5. Si un syndicat peut agir en justice pour contraindre un employeur à mettre fin à un dispositif irrégulier, au regard des articles 2 et 4 de l'ordonnance n° 2020-323 du 25 mars 2020, de prise des jours de repos acquis au titre de la réduction du temps de travail ou d'une convention de forfait ou résultant de l'utilisation de droits affectés à un compte épargne-temps, sa demande tendant à obtenir que les salariés concernés soient rétablis dans leurs droits, ce qui implique de déterminer, pour chacun d'entre-eux, le nombre exact de jours de repos que l'employeur a utilisés au titre des mesures dérogatoires, qui n'a pas pour objet la défense de l'intérêt collectif de la profession, n'est pas recevable. 6. Le moyen, qui postule le contraire, n'est pas fondé. Sur le second moyen du pourvoi principal des sociétés Enoncé du moyen 7. Les sociétés font grief à l'arrêt de dire que les mesures prises par elles dans la note de service du 29 avril 2020 constituent un trouble manifestement illicite, alors : « 1°/ que le dispositif d'activité partielle prévu par les articles L 5122-1 et suivants du code du travail, adapté dans le cadre de la crise sanitaire liée à la covid 19, constitue un dispositif facultatif pour l'employeur qui peut décider de ne pas y recourir et de dispenser d'activité ses salariés tout en leur maintenant l'intégralité de leur salaire, ce qui leur est plus favorable ; que les sociétés du groupe Sanofi faisaient valoir que depuis le début de la crise sanitaire, elles avaient fait le choix de ne pas recourir à l'activité partielle en plaçant en dispense d'activité tous leurs salariés se trouvant dans l'impossibilité de travailler, tout en leur maintenant à 100 % leur rémunération ; qu'en jugeant qu'étaient impératives les dispositions de l'article 20 de la loi de finance rectificative n° 2020-473 du 25 avril 2020 ayant substitué à compter du 1er mai 2020 pour les salariés empêchés de travailler pour garde d'enfants de moins de 16 ans ou en raison de leur vulnérabilité, le dispositif d'activité partielle au dispositif d'arrêt de travail dérogatoire dont ces salariés bénéficiaient jusqu'alors, pour en déduire que les sociétés du groupe Sanofi auraient dû les placer en activité partielle à compter de cette date et ne pouvaient en conséquence leur imposer la prise de jours de repos en application des articles 2 et 4 de l'ordonnance n° 2020-323 du 25 mars 2020, la cour d'appel a violé l'article 20 de la loi de finances rectificative n° 2020-473 du 25 avril 2020, ensemble les dispositions des articles L. 5122-1 et suivantes du code du travail ; 2°/ que la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 a autorisé le gouvernement à prendre par ordonnances toute mesure relevant du domaine de la loi "afin de faire face aux conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l'épidémie de covid-19 et aux conséquences des mesures prises pour limiter cette propagation, et notamment afin de prévenir et limiter la cessation d'activité des personnes physiques et morales exerçant une activité économique et des associations ainsi que ses incidences sur l'emploi" ayant pour objet "de permettre à tout employeur d'imposer ou de modifier unilatéralement les dates des jours de réduction du temps de travail, des jours de repos prévus par les conventions de forfait et des jours de repos affectés sur le compte-épargne temps du salarié, en dérogeant aux délais de prévenance et aux modalités d'utilisation définis au livre Ier de la troisième partie du code du travail, par les conventions et accords collectifs ainsi que par le statut général de la fonction publique" ; qu'en application de cette disposition, les articles 2 et 4 de l'ordonnance n° 2020-323 du 25 mars 2020 disposent que "lorsque l'intérêt de l'entreprise le justifie eu égard aux difficultés économiques liées à la propagation du covid-19", l'employeur peut imposer à des dates déterminées, la prise de jours de réduction du temps de travail, modifier unilatéralement la date de prise de ces jours ou imposer que les droits affectes sur le compte épargne-temps du salarié soient utilisés en jours de repos ; que cette faculté ouverte à "tout employeur" dans le cadre des mesures destinées à faire face à la crise économique nationale induite par la propagation de la covid 19, n'est pas subordonnée à la démonstration par l'employeur de difficultés économiques qui lui sont propres ; qu'en jugeant le contraire, pour en déduire que faute pour les sociétés du groupe Sanofi de démontrer être confrontées à des difficultés économiques, elles ne pouvaient avoir recours à ce dispositif dérogatoire en matière de jours de repos, la cour d'appel a violé l'article 11 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 et les articles 2 et 4 de l'ordonnance n° 2020-323 du 25 mars 2020. » Réponse de la Cour 8. Aux termes de l'article 20,I, de la loi n° 2020-473 du 25 avril 2020 de finances rectificative pour 2020, sont placés en position d'activité partielle les salariés de droit privé se trouvant dans l'impossibilité de continuer à travailler pour l'un des motifs suivants : - le salarié est une personne vulnérable présentant un risque de développer une forme grave d'infection au virus SARS-CoV-2, selon des critères définis par voie réglementaire ; - le salarié partage le même domicile qu'une personne vulnérable au sens du deuxième alinéa du présent I ; - le salarié est parent d'un enfant de moins de seize ans ou d'une personne en situation de handicap faisant l'objet d'une mesure d'isolement, d'éviction ou de maintien à domicile. 9. Selon l'article 20,II, du même texte, les salariés mentionnés au I dudit article perçoivent à ce titre l'indemnité d'activité partielle mentionnée au II de l'article L. 5122-1 du code du travail, sans que les conditions prévues au I du même article L. 5122-1 soient requises, et leur employeur bénéficie de l'allocation d'activité partielle prévue au II de ce texte. 10. Ces dispositions fixent un régime d'ouverture de l'activité partielle, distinct de celui ouvert par les articles L. 5122-1 et R. 5122-1 du code du travail au regard de la situation de l'entreprise, qui est fondé sur la situation personnelle de certains salariés et qui s'applique à eux, sauf à ce que l'employeur assure le maintien de la rémunération et des avantages découlant du contrat de travail, malgré l'impossibilité de travailler de ces derniers. 11. Ainsi, les mesures des articles 2 à 5 de l'ordonnance n° 2020-323 du 25 mars 2020, qui permettent à l'employeur, lorsque l'intérêt de l'entreprise le justifie au regard des difficultés économiques liées à la propagation du covid 19, d'imposer unilatéralement l'utilisation de droits à repos acquis, ne s'appliquent pas aux salariés qui se trouvent dans l'impossibilité de continuer à travailler au motif qu'ils relèveraient, en raison de leur situation personnelle, du régime d'activité partielle institué par l'article 20 de la loi n° 2020-473 du 25 avril 2020. 12. Ayant décidé à bon droit que l'employeur ne pouvait se prévaloir des dispositions des articles 2 à 4 de l'ordonnance n° 2020-323 du 25 mars 2020 pour traiter la situation des salariés relevant des dispositions de l'article 20,I, de la loi n° 2020-473 du 25 avril 2020, la cour d'appel a pu décider que les mesures prévues par la note de service du 29 avril 2020 constituaient un trouble manifestement illicite. 13. Le moyen, inopérant en sa seconde branche, n'est donc pas fondé. Mais sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en sa troisième branche Enoncé du moyen 14. Les sociétés font grief à l'arrêt de dire que les mesures prises par elles dans la note de service du 26 mars 2020 constituent un trouble manifestement illicite, alors « que la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 a autorisé le gouvernement à prendre par ordonnances toute mesure relevant du domaine de la loi "afin de faire face aux conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l'épidémie de covid-19 et aux conséquences des mesures prises pour limiter cette propagation, et notamment afin de prévenir et limiter la cessation d'activité des personnes physiques et morales exerçant une activité économique et des associations ainsi que ses incidences sur l'emploi", ayant pour objet "de permettre à tout employeur d'imposer ou de modifier unilatéralement les dates des jours de réduction du temps de travail, des jours de repos prévus par les conventions de forfait et des jours de repos affectés sur le compte épargne temps du salarié, en dérogeant aux délais de prévenance et aux modalités d'utilisation définis au livre Ier de la troisième partie du code du travail, par les conventions et accords collectifs ainsi que par le statut général de la fonction publique" ; qu'en application de cette disposition, les articles 2 et 4 de l'ordonnance n° 2020-323 du 25 mars 2020 disposent que "lorsque l'intérêt de l'entreprise le justifie eu égard aux difficultés économiques liées à la propagation du covid-19", l'employeur peut imposer, à des dates déterminées, la prise de jours de réduction du temps de travail, modifier unilatéralement la date de prise de ces jours ou imposer que les droits affectés sur le compte épargne-temps du salarié soient utilisés en jours de repos ; que cette faculté ouverte à "tout employeur" dans le cadre des mesures destinées à faire face à la crise économique nationale induite par la propagation de la covid 19, n'est pas subordonnée à la démonstration par l'employeur de difficultés économiques qui lui sont propres ; qu'en jugeant le contraire, pour en déduire que faute pour les sociétés du groupe Sanofi de démontrer être confrontées à des difficultés économiques, elles ne pouvaient avoir recours à ce dispositif dérogatoire en matière de jours de repos, la cour d'appel a violé l'article 11 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 et les articles 2 et 4 de l'ordonnance n° 2020-323 du 25 mars 2020. » Réponse de la Cour Vu les articles 2 à 5 de l'ordonnance n° 2020-323 du 25 mars 2020 portant mesures d'urgence en matière de congés payés, de durée du travail et de jours de repos : 15. Selon les textes susvisés, lorsque l'intérêt de l'entreprise le justifie eu égard aux difficultés économiques liées à la propagation du covid-19, l'employeur peut, nonobstant les dispositions légales ou conventionnelles applicables, sous réserve de respecter un délai de prévenance d'au moins un jour franc, imposer la prise, dans la limite de dix jours, à des dates déterminées par lui, de jours de repos acquis par le salarié au titre de la réduction du temps de travail et qu'il pouvait fixer librement, des jours de repos prévus par une convention de forfait ou de jours de repos résultant de l'utilisation des droits affectés sur le compte épargne-temps du salarié. L'employeur peut, dans les mêmes conditions, modifier unilatéralement les dates de prise de jours de repos acquis au titre de la réduction du temps de travail ou d'une convention de forfait. 16. En cas de litige, il appartient au juge de vérifier que l'employeur, auquel incombe la charge de la preuve, justifie que les mesures dérogatoires, qu'il a adoptées en application des articles 2 à 5 de l'ordonnance n° 2020-323 du 25 mars 2020, ont été prises en raison de répercussions de la situation de crise sanitaire sur l'entreprise. 17. Pour décider que les mesures prises par les sociétés par notes de service en date des 26 mars et 29 avril 2020 constituent un trouble manifestement illicite, l'arrêt relève que les sociétés invoquent la nécessité d'adapter leur organisation, face à une augmentation inattendue de l'absentéisme tenant au fait qu'une partie de leurs collaborateurs se trouvait à leur domicile sans pouvoir exercer leur activité en télétravail, d'aménager les espaces de travail et d'adapter le taux d'occupation des locaux en raison des conditions sanitaires. L'arrêt retient ensuite que les sociétés ne rapportent pas la preuve des difficultés économiques liées à la propagation du covid-19, les mesures d'adaptation dont elles excipent ne les caractérisant pas. 18. En se déterminant ainsi, par des motifs inopérants tirés de l'absence de preuve de difficultés économiques liées à la propagation du covid-19, sans préciser en quoi les éléments tirés de l'obligation d'adapter l'organisation du travail, face à une augmentation inattendue de l'absentéisme tenant au fait qu'une partie des salariés se trouvait à leur domicile sans pouvoir exercer leur activité en télétravail, de la nécessité d'aménager les espaces de travail et d'adapter le taux d'occupation des locaux en raison des conditions sanitaires, n'étaient pas de nature à justifier le recours aux mesures permises par les articles 2 à 5 de l'ordonnance n° 2020-323 du 25 mars 2020, la cour d'appel a privé sa décision de base légale. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que les mesures prises par les sociétés Sanofi Winthrop industrie, Sanofi-Aventis France, Sanofi-Aventis groupe, Sanofi chimie, Genzyme Polyclonals SAS, Sanofi-Aventis recherche & développement, Sanofi Pasteur, SIP et Sanofi Pasteur Europe dans la note de service du 26 mars 2020 constituent un trouble manifestement illicite et condamne in solidum les sociétés Sanofi Winthrop industrie, Sanofi-Aventis France, Sanofi-Aventis groupe, Sanofi chimie, Genzyme Polyclonals SAS, Sanofi-Aventis recherche & développement, Sanofi Pasteur, SIP et Sanofi Pasteur Europe à payer à la Fédération nationale des industries chimiques-CGT la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de première instance et d'appel, l'arrêt rendu le 1er avril 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ; Condamne la Fédération nationale des industries chimiques-CGT aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du six juillet deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour les demanderesses au pourvoi principal PREMIER MOYEN DE CASSATION Les sociétés demanderesses au pourvoi font grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que les mesures prises par les sociétés Sanofi Winthrop Industrie, Sanofi Aventis France, Sanofi Aventis Groupe, Sanofi Chimie, Genzyme Polyclonals SAS, Sanofi-Aventis Recherche & Développement, Sanofi Pasteur, SIP et Sanofi Pasteur Europe dans la note de service du 26 mars 2020 constituent un trouble manifestement illicite 1/ ALORS QU'entre dans les pouvoirs du juge des référés celui d'interpréter les dispositions réglementaires issues d'une ordonnance prise par le gouvernement en application de l'article 38 de la Constitution ; qu'en retenant qu'il n'entrait pas dans les pouvoirs du juge des référés, mais dans ceux du juge administratif, d'apprécier la légalité d'une ordonnance, d'essence réglementaire jusqu'à sa validation législative, pour infirmer la décision du juge des référés de première instance, qui n'avait fait qu'interpréter les articles 2 et 4 de l'ordonnance n° 2020-323 du 25 mars 2020 à la lumière de la loi d'habitation n° 2020-290 du 23 mars 2020 en retenant que ces articles autorisaient tout employeur à prendre les mesures dérogatoires en matière de jours de réduction du temps de travail et de jours de repos affectés sur le compte épargne temps qui y étaient prévues sans avoir à justifier de « difficultés économiques liées à la propagation du covid 19 », lesquelles n'avaient pas à être appréciées au cas par cas pour chacune des entreprises, mais constituaient le contexte national justifiant les mesures dérogatoires pouvant être prises par l'employeur, la cour d'appel a méconnu l'étendue des pouvoirs du juge des référés en violation de l'article 835 du code de procédure civile ; 2/ ALORS QU'il appartient à celui qui l'invoque d'établir l'existence d'un trouble manifestement illicite ; qu'en retenant que s'agissant de dispositions exceptionnelles, dérogatoires au droit du travail, c'était à l'entreprise d'apporter la contradiction à la partie soulevant l'existence d'un trouble manifestement illicite, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve en violation de l'article 1353 du code civil ; 3/ ALORS QUE la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 a autorisé le gouvernement à prendre par ordonnances toute mesure relevant du domaine de la loi « afin de faire face aux conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l'épidémie de covid 19 et aux conséquences des mesures prises pour limiter cette propagation, et notamment afin de prévenir et limiter la cessation d'activité des personnes physiques et morales exerçant une activité économique et des associations ainsi que ses incidences sur l'emploi », ayant pour objet « de permettre à tout employeur d'imposer ou de modifier unilatéralement les dates des jours de réduction du temps de travail, des jours de repos prévus par les conventions de forfait et des jours de repos affectés sur le compte épargne temps du salarié, en dérogeant aux délais de prévenance et aux modalités d'utilisation définis au livre Ier de la troisième partie du code du travail, par les conventions et accords collectifs ainsi que par le statut général de la fonction publique » ; qu'en application de cette disposition, les articles 2 et 4 de l'ordonnance n° 2020-323 du 25 mars 2020 disposent que « lorsque l'intérêt de l'entreprise le justifie eu égard aux difficultés économiques liées à la propagation du covid-19 », l'employeur peut imposer, à des dates déterminées, la prise de jours de réduction du temps de travail, modifier unilatéralement la date de prise de ces jours ou imposer que les droits affectés sur le compte épargne-temps du salarié soient utilisés en jours de repos ; que cette faculté ouverte à « tout employeur » dans le cadre des mesures destinées à faire face à la crise économique nationale induite par la propagation de la covid 19, n'est pas subordonnée à la démonstration par l'employeur de difficultés économiques qui lui sont propres ; qu'en jugeant le contraire, pour en déduire que faute pour les sociétés du groupe Sanofi de démontrer être confrontées à des difficultés économiques, elles ne pouvaient avoir recours à ce dispositif dérogatoire en matière de jours de repos, la cour d'appel a violé l'article 11 de la loi n°2020-290 du 23 mars 2020 et les articles 2 et 4 l'ordonnance n° 2020-323 du 25 mars 2020. SECOND MOYEN DE CASSATION Les sociétés demanderesses au pourvoi font grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que les mesures prises par les sociétés Sanofi Winthrop Industrie, Sanofi Aventis France, Sanofi Aventis Groupe, Sanofi Chimie, Genzyme Polyclonals SAS, Sanofi-Aventis Recherche & Développement, Sanofi Pasteur, SIP et Sanofi Pasteur Europe dans la note de service du 29 avril 2020 constituent un trouble manifestement illicite 1/ ALORS QUE le dispositif d'activité partielle prévu par les articles L 5122-1 et suivants du code du travail, adapté dans le cadre de la crise sanitaire liée à la covid 19, constitue un dispositif facultatif pour l'employeur qui peut décider de ne pas y recourir et de dispenser d'activité ses salariés tout en leur maintenant l'intégralité de leur salaire, ce qui leur est plus favorable ; que les sociétés du groupe Sanofi faisaient valoir que depuis le début de la crise sanitaire, elles avaient fait le choix de ne pas recourir à l'activité partielle en plaçant en dispense d'activité tous leurs salariés se trouvant dans l'impossibilité de travailler, tout en leur maintenant à 100 % leur rémunération (conclusions d'appel des exposantes p 4-7 ; p 34-35) ; qu'en jugeant qu'étaient impératives les dispositions de l'article 20 de la loi de finance rectificative n° 2020-473 du 25 avril 2020 ayant substitué à compter du 1er mai 2020 pour les salariés empêchés de travailler pour garde d'enfants de moins de 16 ans ou en raison de leur vulnérabilité, le dispositif d'activité partielle au dispositif d'arrêt de travail dérogatoire dont ces salariés bénéficiaient jusqu'alors, pour en déduire que les sociétés du groupe Sanofi auraient dû les placer en activité partielle à compter de cette date et ne pouvaient en conséquence leur imposer la prise de jours de repos en application des articles 2 et 4 de l'ordonnance n° 2020-323 du 25 mars 2020, la cour d'appel a violé l'article 20 de la loi de finances rectificative n° 2020-473 du 25 avril 2020, ensemble les dispositions des articles L 5122-1 et suivantes du code du travail ; 2/ ALORS QUE la loi n°2020-290 du 23 mars 2020 a autorisé le gouvernement à prendre par ordonnances toute mesure relevant du domaine de la loi « afin de faire face aux conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l'épidémie de covid 19 et aux conséquences des mesures prises pour limiter cette propagation, et notamment afin de prévenir et limiter la cessation d'activité des personnes physiques et morales exerçant une activité économique et des associations ainsi que ses incidences sur l'emploi » ayant pour objet « de permettre à tout employeur d'imposer ou de modifier unilatéralement les dates des jours de réduction du temps de travail, des jours de repos prévus par les conventions de forfait et des jours de repos affectés sur le compte épargne temps du salarié, en dérogeant aux délais de prévenance et aux modalités d'utilisation définis au livre Ier de la troisième partie du code du travail, par les conventions et accords collectifs ainsi que par le statut général de la fonction publique » ; qu'en application de cette disposition, les articles 2 et 4 de l'ordonnance n° 2020-323 du 25 mars 2020 disposent que « lorsque l'intérêt de l'entreprise le justifie eu égard aux difficultés économiques liées à la propagation du covid 19 », l'employeur peut imposer à des dates déterminées, la prise de jours de réduction du temps de travail, modifier unilatéralement la date de prise de ces jours ou imposer que les droits affectes sur le compte épargne-temps du salarié soient utilisés en jours de repos ; que cette faculté ouverte à « tout employeur » dans le cadre des mesures destinées à faire face à la crise économique nationale induite par la propagation de la covid 19, n'est pas subordonnée à la démonstration par l'employeur de difficultés économiques qui lui sont propres ; qu'en jugeant le contraire, pour en déduire que faute pour les sociétés du groupe Sanofi de démontrer être confrontées à des difficultés économiques, elles ne pouvaient avoir recours à ce dispositif dérogatoire en matière de jours de repos, la cour d'appel a violé l'article 11 de la loi n°2020-290 du 23 mars 2020 et les articles 2 et 4 l'ordonnance n° 2020-323 du 25 mars 2020. Moyen produit par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour la Fédération nationale des industries chimiques-CGT, demanderesse au pourvoi incident La fédération syndicale FNIC-CGT fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR déclaré irrecevable sa demande tendant à enjoindre les sociétés du groupe Sanofi de rétablir dans leurs droits les salariés impactés par les notes de service des 26 mars et 29 avril 2020 et notamment de recréditer dans les 7 jours du prononcé de la décision à intervenir les jours de RTT/OTT illégalement imposés et droits illégalement prélevés sur le compte épargne-temps desdits salariés. ALORS QUE les syndicats professionnels ont le droit d'agir en justice et peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent ; qu'en s'abstenant de juger recevable la demande du syndicat tendant, sur le fondement de l'intérêt collectif de la profession, à ce qu'il soit ordonné aux sociétés employeurs de rétablir les salariés dans leurs droits atteints par le trouble manifestement illicite dument constaté, sans qu'il soit demandé la constitution de droits déterminés au profit de salariés nommément désignés, la cour d'appel a violé l'article L. 2132-3 du code du travail, ensemble l'article 835 du code de procédure civile.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° F 21-82.958 F-B 23 MARS 2022 M. DE LAROSIÈRE DE CHAMPFEU conseiller le plus ancien faisant fonction de président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 23 MARS 2022 [J] [K], M. [H] [T] et M. [W] [B] ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'assises des mineurs de Paris, 3e section, en date du 18 avril 2021, qui, pour tentatives de meurtres, aggravés, les a condamnés, chacun, à dix-huit ans de réclusion criminelle. Les pourvois sont joints en raison de la connexité. Des mémoires ont été produits. Sur le rapport de M. Turbeaux, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de [J] [K], de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de M. [H] [T], et les conclusions de M. Bougy, avocat général, après débats en l'audience publique du 16 février 2022 où étaient présents M. de Larosière de Champfeu, conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, M. Turbeaux, conseiller rapporteur, Mme Slove, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. Quatre fonctionnaires de police, à bord de deux véhicules, ont été attaqués, à [Localité 1], par un groupe d'une quinzaine de personnes qui ont jeté dans leur direction des bouteilles incendiaires et des pavés. 3. [J] [K], mineur au moment des faits, MM. [H] [T] et [W] [B] ont été mis en examen et renvoyés, avec dix autres personnes, devant la cour d'assises des mineurs de l'Essonne, des chefs de tentatives de meurtres sur personnes dépositaires de l'autorité publique. 4. La cour d'assises a statué par arrêt du 4 décembre 2019. 5. [J] [K], MM. [T], [B] et le ministère public ont relevé appel de cette décision. Déchéance du pourvoi formé par M. [B] 6. M. [B] n'a pas déposé dans le délai légal, personnellement ou par son avocat, un mémoire exposant ses moyens de cassation. Il y a lieu, en conséquence, de le déclarer déchu de son pourvoi par application de l'article 590-1 du code de procédure pénale. Examen des moyens Sur le troisième moyen proposé pour [J] [K], le premier moyen et le second moyen, pris en ses deuxième, troisième et quatrième branches, proposés pour M. [T] 7. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Sur le second moyen, pris en sa première branche, proposé pour M. [T] 8. La Cour de cassation ayant, par arrêt du 24 novembre 2021, dit n'y avoir lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel de la question prioritaire de constitutionnalité, le grief est devenu sans objet. Sur le premier moyen proposé pour [J] [K] Enoncé du moyen 9. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré [J] [K] coupable d'avoir, le 8 octobre 2016, tenté de donner volontairement la mort à quatre personnes dépositaires de l'autorité publique, l'a exclu du bénéfice de la diminution de peine prévue par l'article 20-2 de l'ordonnance du 2 février 1945 et l'a condamné à une peine de dix-huit ans de réclusion criminelle, alors : « 1°/ que le jury de jugement est composé de six jurés lorsque la cour statue en premier ressort et de neuf jurés lorsqu'elle statue en appel ; qu'en l'espèce, à l'issue des débats, « la cour et les six jurés de jugement ainsi que les quatre jurés supplémentaires, conformément aux dispositions de l'article 296 du code de procédure pénale, sont entrés dans la chambre des délibérations » ; qu'en statuant, à hauteur d'appel, en présence de six jurés, la cour d'assises des mineurs a violé les articles 296 et 592 du code de procédure pénale, ensemble l'article 20 de l'ordonnance du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante ; 2°/ que le jury de jugement est composé de six jurés lorsque la cour statue en premier ressort et de neuf jurés lorsqu'elle statue en appel ; que tout jugement ou arrêt doit contenir la preuve de la composition régulière de la juridiction dont il émane ; qu'en l'espèce il ressort du procès-verbal des débats, tout à la fois que neuf jurés ont été désignés à l'ouverture des débats et que « la cour et les six jurés de jugement (...) sont entrés dans la chambre des délibérations » ; que du fait de ces mentions contradictoires, la cour d'assises des mineurs, qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 296, 592 et 593 du code de procédure pénale, ensemble l'article 20 de l'ordonnance du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante. » Réponse de la Cour 10. Si le procès-verbal des débats indique qu'à la clôture des débats, lors de la suspension d'audience, les six jurés de jugement sont entrés dans la salle des délibérations, le procès-verbal mentionne, dans l'ordre dans lequel ils ont été tirés, les noms des neuf jurés de jugement, tout en indiquant également la présence des neuf jurés de jugement lors de chaque reprise des débats, après les suspensions. 11. En cet état, la Cour de cassation est en mesure de s'assurer que le jury était légalement composé. 12. Ainsi le moyen, qui se fonde sur une simple erreur matérielle, ne peut qu'être écarté. Sur le deuxième moyen proposé pour [J] [K] Enoncé du moyen 13. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré [J] [K] coupable, d'avoir le 8 octobre 2016, tenté de donner volontairement la mort à quatre personnes dépositaires de l'autorité publique, l'a exclu du bénéfice de la diminution de peine prévue par l'article 20-2 de l'ordonnance du 2 février 1945 et l'a condamné à une peine de dix-huit ans de réclusion criminelle, alors « que chaque circonstance aggravante doit faire l'objet d'une question distincte ; que constitue une circonstance aggravante de la tentative de meurtre la circonstance que la victime était une personne dépositaire de l'autorité publique, dans l'exercice ou du fait de ses fonctions, lorsque la qualité de la victime est apparente ou connue de l'auteur ; qu'en retenant une telle circonstance aggravante en répondant par l'affirmative à la question n° 2 se bornant à indiquer que la tentative de meurtre avait été commise sur des personnes dépositaires de l'autorité publique, dans l'exercice ou du fait de leurs fonctions, sans préciser la dernière exigence de ce texte, à savoir que cette qualité était « apparente ou connue de l'auteur », la cour d'assises d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 349 du code de procédure pénale, ensemble l'article 221-4 du code pénal. » Réponse de la Cour 14. La deuxième question de la feuille de questions, est ainsi rédigée : « la tentative de meurtre, ci-dessus spécifiée a-t-elle été commise sur des personnes dépositaires de l'autorité publique, dans l'exercice ou du fait de leurs fonctions » ? 15. Si cette formulation omet de préciser que la qualité des victimes était apparente ou connue des auteurs, ainsi que le prévoit l'article 221-4, 4°, du code pénal, la cassation n'est toutefois pas encourue, dès lors que la feuille de motivation indique que la tentative de meurtre a été commise sur des personnes dépositaires de l'autorité publique, à savoir des fonctionnaires de la police nationale en service, dont la qualité était parfaitement apparente, ce dont il résulte que la cour et le jury ont été interrogés sur tous les éléments constitutifs de la circonstance aggravante retenue. Sur le quatrième moyen proposé pour [J] [K] Enoncé du moyen 16. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré [J] [K] coupable d'avoir, le 8 octobre 2016, tenté de donner volontairement la mort à quatre personnes dépositaires de l'autorité publique, l'a exclu du bénéfice de la diminution de peine prévue par l'article 20-2 de l'ordonnance du 2 février 1945 et l'a condamné à une peine de dix-huit années de réclusion criminelle, alors « que la tentative de meurtre suppose la commission d'un acte matériel positif de nature à causer la mort d'autrui ; qu'en bornant à retenir, d'une part, que « les faits constituent une scène unique de violence, qui doit être appréciée dans son ensemble, sans qu'il soit nécessaire de préciser les faits et gestes de chacun des participants à l'attaque », et, d'autre part, que [J] [K] était présent sur les lieux au moment de l'attaque, sans caractériser le moindre acte positif susceptible de causer la mort des victimes à l'encontre de celui-ci, la cour d'assises d'appel a statué par des motifs inopérants à caractériser une tentative de meurtre et n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 121-4, 121-5, 221-1 et 221-4 du code pénal, ensemble l'article 593 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour 17. Pour déclarer l'accusé coupable de tentatives de meurtres aggravés, la feuille de motivation énonce que seize hommes vêtus de noir, dont les visages étaient dissimulés, sont arrivés groupés, en courant, à l'arrière d'un des véhicules de police, qu'ils étaient porteurs de pavés et d'une douzaine de cocktails Molotov déjà allumés, lancés à très courte distance dans l'habitacle du véhicule, qui s'est immédiatement embrasé, alors que deux policiers se trouvaient à l'intérieur. 18. Les juges énoncent que l'intention homicide des auteurs est établie par différents éléments, résultant notamment des auditions des parties civiles, des constatations effectuées par les enquêteurs, et des films de vidéosurveillance projetés à l'audience. 19. Ils ajoutent que l'attaque a duré quelques dizaines de secondes, qu'elle est l'oeuvre d'un groupe organisé et préparé, qui a manifestement effectué un repérage préalable. 20. Ils concluent à cet égard que les faits constituent donc une scène unique de violence, qui doit être appréciée dans son ensemble, sans qu'il soit nécessaire de préciser les faits et gestes de chacun des participants à l'attaque. 21. S'agissant de [J] [K] spécialement, la feuille de motivation énonce, notamment, que l'accusé reconnaît appartenir à la bande de la « Serpente », et énumère les éléments au titre desquels elle retient qu'il en est le meneur. Elle se fonde sur les déclarations de deux personnes, selon lesquelles, la veille des faits, [J] [K] a été vu préparer des cocktails Molotov, avec deux autres personnes dont le visage était dissimulé par des cagoules. Elle relève que parmi les attaquants filmés par un tiers, apparaît un individu dont la main gauche est totalement blanche, et que [J] [K] n'a pas contesté à l'audience que le 17 juillet 2016, il avait été opéré de la main gauche, après s'être blessé la veille avec un mortier d'artifice. Elle se réfère à la mise en cause de l'accusé par deux renseignements anonymes, mais aussi par un témoin anonyme et par deux témoins, l'un d'eux ayant maintenu à l'occasion d'une confrontation l'avoir reconnu à son physique, sans connaître son nom, parmi les fuyards, après l'attaque, mais aussi avoir appris par un tiers qu'il faisait partie des assaillants. 22. Elle conclut qu'au regard de l'ensemble de ces éléments, [J] [K] doit être déclaré coupable des faits de tentative de meurtre sur personnes dépositaires de l'autorité publique. 23. En statuant ainsi, la cour d'assises n'a méconnu aucun des textes visés au moyen. 24. En effet, d'une part, lorsque des violences ont été exercées volontairement et simultanément, dans une intention homicide, par plusieurs accusés, au cours d'une scène unique, l'infraction peut être appréciée dans son ensemble, sans qu'il soit nécessaire pour les juges du fond de préciser la nature des violences exercées par chacun des accusés sur chacune des victimes. 25. D'autre part, les énonciations de la feuille de questions et celles de la feuille de motivation mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'assises, statuant en appel, a caractérisé les principaux éléments à charge, résultant des débats, qui l'ont convaincue de la culpabilité de [J] [K]. 26. Par ailleurs la procédure est régulière et les peines ont été légalement appliquées aux faits déclarés constants par la cour et le jury. PAR CES MOTIFS, la Cour : Sur le pourvoi formé par M. [W] [B] : CONSTATE la déchéance du pourvoi ; Sur les pourvois formés par [J] [K] et M. [H] [T] : Les REJETTE. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-trois mars deux mille vingt-deux. Sur le fait que la cour et le jury doivent être interrogés sur toutes les circonstances constitutives de l'infraction : Ass. Plén., 8 juillet 2005, pourvoi n° 99-83.846, Bull. Crim. 2005, n° 1 (cassation).
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° Y 22-84.128 B 21 SEPTEMBRE 2022 M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 21 SEPTEMBRE 2022 M. [Z] [C] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Montpellier, en date du 13 juin 2022, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs de tentative de meurtre en bande organisée, association de malfaiteurs, a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention prolongeant sa détention provisoire. Un mémoire a été produit. Sur le rapport de M. Turcey, conseiller, les observations de la SAS Buk Lament-Robillot, avocat de M. [Z] [C], et les conclusions de Mme Bellone, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 21 septembre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Turcey, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et M. Mareville, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. M. [Z] [C] a été mis en examen le 29 novembre 2020 des chefs précités, et placé en détention provisoire le même jour. 3. Le 12 mai 2022, l'un de ses avocats, convoqué en vue du débat contradictoire sur la prolongation de la détention provisoire de l'intéressé devant avoir lieu le 17 mai 2022, a adressé par télécopie au juge des libertés et de la détention une demande de report du débat, à laquelle ce magistrat a répondu négativement par courrier électronique du même jour. 4. Le 17 mai 2022, le juge des libertés et de la détention a prolongé la détention provisoire de M. [C] pour une durée de six mois. 5. Ce dernier a relevé appel de cette décision. Examen du moyen Enoncé du moyen 6. Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué de rejeter le moyen de nullité présenté par M. [C], de dire l'appel mal fondé et de prolonger sa mesure de détention provisoire pour une durée de six mois, alors « que le juge des libertés et de la détention qui rejette une demande motivée présentée avant un débat contradictoire relatif à la prolongation d'une mesure de détention provisoire doit dans son ordonnance faire mention de la demande et énoncer les motifs de son refus y compris dans l'hypothèse où il a, précédemment au débat, indiqué à l'avocat qu'il refusait sa demande ; qu'en retenant que le juge des libertés et de la détention avait répondu à la demande de renvoi, avait motivé sa décision et l'avait mentionnée dans le procès-verbal de débat contradictoire auquel faisait référence l'ordonnance de prolongation, alors que ni l'ordonnance ni le procès-verbal ne faisait mention des motifs du refus évoqués uniquement par message RPVA, la chambre de l'instruction a méconnu les articles 6 § 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, préliminaire, 137-3, 145, 145-2, alinéa 1 et 593 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour 7. Les règles applicables à la convocation pour le débat contradictoire devant le juge des libertés et de la détention sont fixées par renvoi de l'article 145-1 du code de procédure pénale à l'article 114 du même code, applicable à l'interrogatoire devant le juge d'instruction. 8. Il résulte de ces textes que le juge des libertés et de la détention a seul la maîtrise de son audiencement, qu'il peut reporter ou avancer la date du débat contradictoire par simple émission d'une nouvelle convocation, qu'il n'est pas tenu, comme la juridiction de jugement, de réunir les parties à la date initialement fixée avant de statuer sur une demande de renvoi par une décision formalisée, et qu'il peut faire connaître par tous moyens les motifs de sa décision sur cette demande. 9. Il résulte par ailleurs des articles 137-1, alinéa 2, et 145 du code de procédure pénale que le débat contradictoire devant le juge des libertés et de la détention donne lieu à l'établissement d'un procès-verbal attestant du déroulement des débats, qui est signé par le juge, le greffier et la personne mise en examen. 10. Il se déduit des textes et principes ci-dessus énoncés qu'il est possible de rechercher dans ce procès-verbal, dont la Cour de cassation a le contrôle, les motifs de la décision du juge des libertés et de la détention de rejeter une demande de renvoi, lorsque le procès-verbal en fait état. 11. Pour rejeter la demande d'annulation de l'ordonnance prolongeant la détention provisoire de M. [C], prise de ce que celle-ci ne répond pas à la demande de renvoi formée par son avocat, l'arrêt attaqué énonce qu'il résulte des pièces de la procédure que les conseils du mis en examen ont été convoqués dès le 27 avril 2022 pour assister leur client lors du débat contradictoire devant se tenir le 17 mai 2022 devant le juge des libertés et de la détention en vue de la prolongation éventuelle de la détention provisoire de l'intéressé, que le 12 mai 2022, l'un des avocats a adressé au juge des libertés et de la détention une demande de report du débat faisant valoir qu'il était au jour convenu retenu par deux autres audiences concernant des détenus, et que le juge des libertés et de la détention lui a répondu le jour même. 12. Les juges relèvent que le juge des libertés et de la détention a pris soin de motiver son refus par le nombre important de débats contradictoires ayant dû être fixés en mai, dont les convocations ont déjà été envoyées, les contraintes des services d'extraction ayant fait connaître des impossibilités à certaines dates, et par l'échéance du mandat de dépôt. 13. Ils ajoutent que le débat contradictoire s'est tenu à la date prévue, et que le procès-verbal de débat mentionne qu'il a eu lieu en l'absence de l'avocat, régulièrement convoqué, qui a demandé le renvoi le 12 mai 2022, lequel lui a été refusé par courrier électronique du même jour. 14. Ils retiennent que l'ordonnance de prolongation dont appel fait référence au procès-verbal de débat contradictoire, qu'en conséquence, contrairement à ce qui est avancé, le juge des libertés et de la détention a répondu à la demande de renvoi, a motivé sa décision et l'a mentionnée dans le procès-verbal de débat contradictoire auquel se réfère l'ordonnance de prolongation, et relèvent qu'au surplus, les deux autres avocats de M. [C] n'ont pas répondu à la convocation du juge des libertés et de la détention. 15. Ils en concluent que le juge des libertés et de la détention a statué dans le respect des droits de la défense et que le moyen de nullité sera écarté. 16. En prononçant ainsi, dès lors que le juge des libertés et de la détention a répondu de manière motivée, par un courrier électronique adressé préalablement au débat contradictoire, à la demande de report de celui-ci formée par l'avocat de la personne mise en examen, et que le procès-verbal de débat contradictoire fait état de la réponse qui a été apportée à cette demande, la chambre de l'instruction a justifié sa décision sans méconnaître les textes visés au moyen. 17. Il s'ensuit que le moyen doit être écarté. 18. Par ailleurs, l'arrêt est régulier, tant en la forme qu'au regard des dispositions des articles 137-3 et 143-1 du code de procédure pénale. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt et un septembre deux mille vingt-deux. Crim., 10 novembre 2021, pourvoi n° 21-84.948, Bull. crim. 2021 (1) (rejet), et les arrêts cités.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° A 22-84.038 FS-B 20 SEPTEMBRE 2022 CASSATION SANS RENVOI M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 20 SEPTEMBRE 2022 M. [V] [W] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Rennes, en date du 16 juin 2022, qui, dans l'information suivie contre lui du chef de violences aggravées en récidive, a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention le plaçant en détention provisoire. Un mémoire a été produit. Sur le rapport de M. Sottet, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [V] [W], et les conclusions de M. Lagauche, avocat général, après débats en l'audience publique du 20 septembre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Sottet, conseiller rapporteur, Mme Ingall-Montagnier, M. Samuel, Mme Goanvic, M. Coirre, Mme Hairon, conseillers de la chambre, MM. Joly, Leblanc, Charmoillaux, Rouvière, conseillers référendaires, M. Lagauche, avocat général, et Mme Sommier, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. Le 22 avril 2022, une information a été ouverte au tribunal judiciaire de Saint-Nazaire du chef de violences aggravées. 3. Le 27 mai 2022, M. [V] [W] a été mis en examen du chef susmentionné. Incarcéré provisoirement le même jour, il a été placé en détention provisoire par le juge des libertés et de la détention le 31 mai 2022. 4. M. [W] a relevé appel de cette décision. Examen du moyen Enoncé du moyen 5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté l'exception de nullité de l'ordonnance de saisine du juge des libertés et de la détention, et a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention ordonnant le placement en détention provisoire de M. [W], alors : « 1°/ que les actes de la procédure doivent être annulés s'ils sont accomplis par un juge incompétent ; que tel est le cas lorsque, sauf urgence, dont il doit être justifié, le juge d'instruction empêché a été remplacé par un magistrat du siège qui n'a pas été nommément désigné par l'assemblée générale à ces fonctions, selon les modalités de l'article 50 du code de procédure pénale ; qu'en effet, il doit alors être établi qu'aucun autre juge d'instruction n'a pu être désigné pour remplacer le juge d'instruction empêché, qu'aucun juge n'a été spécialement désigné en application des dispositions de l'article 50 susvisé et de l'article R. 212-36 du code de l'organisation judiciaire ; enfin l'urgence et d'impossibilité de réunir l'assemblée générale des magistrats du tribunal doivent être constatées ; qu'en l'espèce, il résulte des motifs de l'arrêt que les deux juges d'instruction nommés étant absents le 27 mai 2022, Mme [Y], magistrat du siège, a été désigné par le tribunal pour remplacer Mme [J], juge d'instruction titulaire absente, tout magistrat du siège du tribunal judiciaire de Saint-Nazaire ayant, selon l'arrêt, vocation à pourvoir au remplacement du juge d'instruction empêché en application de l'ordonnance de roulement du 23 novembre 2021 ; qu'en statuant ainsi sans rechercher si les conditions susvisées, notamment l'urgence et l'impossibilité de réunir une assemblée générale étaient réunies, la chambre de l'instruction a méconnu les articles 50, alinéa 4, 84, alinéas 3 et 4, 591 et 593 du code de procédure pénale, R. 212-36 du code de l'organisation judiciaire ; 2°/ que la chambre de l'instruction n'a pu sans excès de pouvoir considérer que l'ordonnance de roulement du 23 novembre 2021 a désigné indifféremment « tout magistrat du siège » du tribunal judiciaire de Saint-Nazaire pour exercer, en cas de nécessité, les fonctions de juge d'instruction, sans qu'aucune désignation nominative ne soit exigée, ce qui reviendrait à ce que tout magistrat du siège soit potentiellement juge d'instruction, en méconnaissance des règles d'ordre public qui gouvernent la désignation du juge d'instruction ; qu'ainsi l'arrêt qui relève que l'ordonnance de roulement du 23 novembre 2021 mentionne, s'agissant du service de l'instruction, que ce service est assuré par mesdames [C] et [J] et, en cas d'empêchement, « par l'ensemble des magistrats du siège, selon désignation spéciale par l'assemblée générale » ne pouvait en déduire qu'il résulte sans ambiguïté de cette ordonnance, que tout magistrat du siège a été désigné pour pourvoir au remplacement du juge d'instruction titulaire, et qu'ainsi, même en l'absence de toute désignation nominative par l'assemblée générale, Mme [Y] a été régulièrement désignée par le tribunal pour remplacer Mme [J] au demeurant « seulement absente », et que la saisine du juge des libertés et de la détention était dès lors régulière ; en validant une désignation absolument générale et non nominative, la chambre de l'instruction a violé les textes susvisés, et excédé ses pouvoirs, la cassation interviendra sans renvoi. » Réponse de la Cour Vu les articles 50, alinéa 4, du code de procédure pénale et R. 212-36 du code de l'organisation judiciaire : 6. Selon ces textes, si le juge d'instruction est absent, malade ou autrement empêché, l'assemblée générale des magistrats du siège du tribunal désigne l'un des juges de ce tribunal pour le remplacer. 7. Pour écarter le moyen de nullité, pris de l'irrégularité de la désignation du magistrat ayant remplacé ponctuellement le juge d'instruction empêché, l'arrêt attaqué énonce que les magistrats du siège du tribunal judiciaire de Saint-Nazaire, réunis en assemblée générale, ont approuvé l'ordonnance de roulement qui attribue le service de l'instruction à deux d'entre eux, nommément désignés, et le cas échéant, en cas de nécessité, à tout autre magistrat du siège, selon les modalités prévues à l'article 50 du code de procédure pénale. 8. Les juges ajoutent qu'une ordonnance de roulement modificative, prise sur le fondement du procès-verbal de l'assemblée générale susmentionnée, a constaté la prochaine indisponibilité des deux juges d'instruction de la juridiction et désigné un autre magistrat du siège pour les remplacer. 9. Ils concluent que la saisine du juge des libertés et de la détention a été effectuée par un magistrat régulièrement désigné. 10. En se déterminant ainsi, la chambre de l'instruction n'a pas justifié sa décision au regard des textes susvisés et du principe ci-dessus énoncé. 11. En effet, en permettant par avance et de manière indifférenciée à l'ensemble des magistrats du siège de la juridiction de remplacer les juges d'instruction empêchés, l'assemblée générale n'a pas procédé à la désignation nominative exigée par l'article 50, alinéa 4, du code de procédure pénale. 12. La cassation est par conséquent encourue. Portée et conséquences de la cassation 13. La cassation aura lieu sans renvoi, la Cour de cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle de droit et de mettre fin au litige, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire. 14. La détention provisoire ayant été ordonnée sur le fondement de la saisine du juge des libertés et de la détention par un magistrat qui n'avait pas été régulièrement désigné à cette fin, M. [W] doit être remis en liberté, s'il n'est détenu pour autre cause. 15. Cependant, les dispositions de l'article 803-7, alinéa 1, du code de procédure pénale permettent à la Cour de cassation de placer sous contrôle judiciaire la personne dont la détention provisoire est irrégulière en raison de la méconnaissance des formalités prévues par ce même code, dès lors qu'elle trouve dans les pièces de la procédure des éléments d'information pertinents et que la mesure apparaît indispensable pour assurer l'un des objectifs énumérés à l'article 144 du même code. 16. En l'espèce, il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable que M. [W] ait pu participer, comme auteur ou comme complice, à la commission des infractions dont le juge d'instruction est saisi. 17. La mesure de contrôle judiciaire est indispensable afin de : - garantir le maintien de la personne mise en examen à la disposition de la justice, un mandat de recherche ayant été nécessaire pour procéder à son interpellation dans la présente procédure ; - prévenir le renouvellement de l'infraction, l'intéressé ayant été précédemment condamné pour des faits de violences aggravées ; - empêcher une concertation frauduleuse entre la personne mise en examen et ses coauteurs ou complices et empêcher une pression sur les témoins ou les victimes, en ce que les investigations se poursuivent afin d'identifier et interpeller les coauteurs des violences en réunion commises sur deux personnes. 18. Afin d'assurer ces objectifs, M. [W] sera astreint à se soumettre aux obligations précisées au dispositif. 19. Le magistrat chargé de l'information est compétent pour l'application des articles 139 et suivants et 141-2 et suivants du code de procédure pénale. 20. Le parquet général de cette Cour fera procéder aux diligences prévues par l'article 138-1 du code de procédure pénale. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Rennes, en date du 16 juin 2022 ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; CONSTATE que M. [W] est détenu sans titre dans la présente procédure depuis le 27 mai 2022 ; ORDONNE la mise en liberté de M. [W] s'il n'est détenu pour autre cause ; ORDONNE le placement sous contrôle judiciaire de M. [W] ; DIT qu'il est soumis aux obligations suivantes : - Ne pas sortir des limites territoriales suivantes : département de l'Ille-et-Vilaine ; - Ne s'absenter de son domicile ou de sa résidence, qu'il convient de fixer chez Mme [F] [D], [Adresse 1], qu'aux conditions suivantes : chaque jour de 6 heures 00 à 16 heures 00 ; - Se présenter, dans les deux jours ouvrables de sa libération, et ensuite chaque lundi, mercredi et vendredi à la gendarmerie de Vitré ; - S'abstenir de recevoir ou de rencontrer MM. [A] [B], [G] [B], [R] [P], [O] [K] et [N] [W], ainsi que d'entrer en relation de quelque façon que ce soit avec eux ; DÉSIGNE pour veiller au respect des obligations prévues aux rubriques ci-dessus la gendarmerie de Vitré ; DÉSIGNE le magistrat chargé de l'information aux fins d'assurer le contrôle de la présente mesure de sûreté ; RAPPELLE qu'en application de l'article 141-2 du code de procédure pénale, toute violation de l'une quelconque des obligations ci-dessus expose la personne sous contrôle judiciaire à un placement en détention provisoire ; DIT que le parquet général de cette Cour fera procéder aux diligences prévues par l'article 138-1 du code de procédure pénale ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Rennes et sa mention en marge où à la suite de l'arrêt annulé. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt septembre deux mille vingt-deux. Crim., 2 mars 2021, pourvoi n° 20-84.004, Bull. (rejet), et l'arrêt cité.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° G 21-83.121 FS-B 7 SEPTEMBRE 2022 CASSATION PARTIELLE Mme DE LA LANCE conseiller doyen faisant fonction de président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 7 SEPTEMBRE 2022 Mme [Z] [F], M. [O] [P] et la société [5], et l'Association du restaurant scolaire, partie civile, ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel de Lyon, 7e chambre, en date du 31 mars 2021, qui a condamné la première, pour atteinte à la liberté d'accès et à l'égalité des candidats dans les marchés publics, à quatre mois d'emprisonnement avec sursis, le deuxième, pour recel, à six mois d'emprisonnement avec sursis, 15 000 euros d'amende, la troisième, pour recel, à 60 000 euros d'amende, et a prononcé sur les intérêts civils. Les pourvois sont joints en raison de la connexité. Des mémoires, en demande et en défense, ainsi que des observations complémentaires, ont été produits. Sur le rapport de Mme Planchon, conseiller, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. [O] [P], les observations de Me Bouthors, avocat de Mme [Z] [F], les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société [5], les observations de Me Laurent Goldman, avocat de l'Association du restaurant scolaire, et les conclusions de Mme Mathieu, avocat général, après débats en l'audience publique du 9 juin 2022 où étaient présents Mme de la Lance, conseiller doyen faisant fonction de président en remplacement du président empêché, Mme Planchon, conseiller rapporteur, MM. d'Huy, Wyon, Pauthe, Turcey, de Lamy, conseillers de la chambre, Mmes Fouquet, Chafaï, conseillers référendaires, Mme Mathieu, avocat général, et Mme Boudalia, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. Le 2 juillet 2015, le conseil municipal de la commune de [Localité 3] a décidé d'attribuer la délégation de service public (DSP) de la restauration scolaire de cette commune à la société [5], dirigée par M. [O] [P], et signé le contrat le 28 juillet 2015. 3. L'Association du restaurant scolaire, attributaire de la DSP jusqu'en août 2015 et candidate à sa succession, a déposé plainte pour favoritisme et dénoncé le comportement de l'une de ses employées, Mme [Z] [F], divorcée [C], par ailleurs employée municipale de la commune de [Localité 3] à temps partiel, qui avait travaillé avec la société [5] dans le cadre de l'exécution des précédentes délégations en assurant la distribution des repas fournis par cette société. 4. Le procureur de la République a diligenté une enquête préliminaire dont les investigations ont révélé que Mme [F] a apporté son aide à M. [P] pour la présentation du dossier de candidature de la société [5] qui a revu ses prix à la baisse après la deuxième négociation. 5. A l'issue de l'enquête, le procureur de la République a fait citer Mme [F] pour avoir à [Localité 3], entre le 1er septembre 2014 et le 1er août 2015, étant agent d'une collectivité locale, en l'espèce employée municipale chargée de la restauration scolaire, procuré ou tenté de procurer à autrui un avantage injustifié, en l'espèce notamment en fournissant des informations précises à la société [5], dans le cadre de la procédure d'attribution de la nouvelle DSP de la restauration scolaire de la commune de [Localité 3], et ce, au préjudice des sociétés [1], [4], le groupement [2]. 6. M. [P] et la société [5] ont été cités pour avoir à [Localité 3], entre le 1er septembre 2014 et le 18 octobre 2016, sciemment recelé, au préjudice des sociétés [1], [4], le groupement [2], le bénéfice de la DSP de la restauration scolaire de la commune de [Localité 3] d'un montant total de 1 250 000 euros, qu'elle savait provenir du délit d'atteinte à la liberté d'accès ou à l'égalité des candidats dans les marchés publics, commis par Mme [F], infraction de recel commise pour le compte de la société [5] par un de ses organes ou représentants, en l'espèce M. [P], directeur régional. 7. Par jugement en date du 8 novembre 2018, le tribunal correctionnel a déclaré les prévenus coupables des faits objet de la prévention et les a condamnés pénalement. Sur l'action civile, après avoir déclaré recevable la constitution de partie civile de l'Association du restaurant scolaire, le tribunal a débouté cette dernière de l'ensemble de ses demandes. 8. Les prévenus, le ministère public et la partie civile ont interjeté appel de cette décision. Examen des moyens Sur le moyen unique, pris en ses deuxième et troisième branches proposé pour Mme [F], les deuxième moyen, pris en ses trois dernières branches proposé pour M. [P], deuxième moyen, pris en ses trois dernières branches et troisième moyen proposés pour la société [5] 9. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Sur le premier moyen proposé pour M. [P] et le premier moyen proposé pour la société [5] Enoncé des moyens 10. Le moyen proposé pour M. [P] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il l'a déclaré coupable de recel de bien provenant d'un délit puni d'une peine n'excédant pas cinq ans d'emprisonnement, entraînant de plein droit, en cas de condamnation définitive, la peine d'exclusion des procédures d'attribution des contrats de concession, alors « que les articles L. 2141-1 et L. 3123-1 du code de la commande publique sont contraires au principe de l'individualisation des peines et au droit d'accès à un juge consacrés par les articles 8 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 en ce qu'ils prévoient la peine d'exclusion de plein droit des procédures de passation des marchés et d'attribution des concessions sans qu'un juge ne l'ait expressément prononcée, sans que ne soit tenu compte des circonstances de fait ni de la personnalité de l'intéressé, sans possibilité d'en faire varier la durée, et sans que l'opérateur condamné ne puisse faire la preuve de sa fiabilité ; que l'annulation de ces dispositions par le Conseil constitutionnel, saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité en application de l'article 61-1 de la Constitution, privera de base légale la décision attaquée. » 11. Le moyen proposé pour la société [5] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné Mme [Z] [C] du chef d'atteinte à la liberté d'accès ou à l'égalité des candidats dans les marchés publics, et la société [5] du chef de recel de ce délit, sur le fondement de l'article 432-14 du code pénal, alors « qu'une condamnation du chef de l'article 432-14 du code pénal entraîne automatiquement en application des articles L. 2141-1 et L. 3123-1 du code de la commande publique la sanction complémentaire de l'exclusion des procédures de passation des marchés publics et d'attribution des contrats de concession ; que cette peine complémentaire automatique, sans intervention d'un juge et sans aucune possibilité d'en apprécier l'opportunité, la durée et la proportionnalité au regard de la personne condamnée, est contraire aux articles 8 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme de 1789 et aux principes de nécessité et d'individualisation de la peine et d'accès au juge qui en résultent ; l'annulation des articles L. 2141-1 et L. 3123-1 du code de la commande publique par le Conseil constitutionnel privera de tout fondement légal l'arrêt attaqué. » Réponse de la Cour 12. Les moyens sont réunis. 13. Par décision du 28 janvier 2022 (Cons. Const. 28 janvier 2022, décision n° 2021-966 QPC), le Conseil constitutionnel a dit n'y avoir lieu à statuer sur les questions prioritaires de constitutionnalité des demandeurs. 14. Il en résulte que les moyens sont devenus sans objet. Sur le moyen unique, pris en sa première branche proposé pour Mme [F] et les deuxième moyen, pris en sa première branche proposé pour M. [P] et deuxième moyen, pris en sa première branche proposé pour la société [5] Enoncé des moyens 15. Le moyen proposé pour Mme [F] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné la requérante du chef de favoritisme à un emprisonnement délictuel de quatre mois avec sursis, alors : « 1°/ que le délit de favoritisme au sens de l'article L. 432-14 du code pénal est un délit attitré qui ne peut être imputé qu'aux organes et/ou personnes spécialement désignés par ce texte ; qu'en l'absence de tout élément susceptible de rattacher la requérante au cercle restreint des personnes entrant dans le champ de ce texte, la cour a procédé par voie d'analogie et a violé le texte susvisé ensemble le principe d'interprétation stricte de la loi pénale. » 16. Le moyen proposé pour M. [P] critique l'arrêt en ce qu'il l'a déclaré coupable de recel de bien provenant du délit de favoritisme, alors : « 1°/ que le délit de favoritisme ne peut être imputé qu'à une personne ayant pour mission de s'assurer du respect des règles en matière d'attribution des marchés publics ; qu'en se bornant à énoncer que Mme [C] avait la « qualité d'adjoint administratif 2ème classe affectée au service scolaire pour la gestion et l'organisation des surveillances de la restauration scolaire » et qu'elle était salarié de l'Association du restaurant scolaire, la cour d'appel n'a pas établi les missions exercées par celle-ci quant à l'attribution de la délégation de service public ; que la cour d'appel n'a pas justifié sa décision et a méconnu les articles 321-1 et 432-14 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale. » 17. Le moyen proposé pour la société [5] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré Mme [C] coupable du délit d'atteinte à la liberté d'accès ou à l'égalité des candidats dans les marchés publics et l'a subséquemment déclarée coupable du délit de recel, par personne morale, du produit de ce délit et condamnée, en conséquence au paiement d'une amende de 60 000 euros, alors : « 1°/ que tout jugement doit être motivé ; que l'insuffisance ou la contradiction de motifs équivaut à leur absence ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que Mme [C] était « l'interlocutrice directe de la directrice générale des services, sa seule supérieure hiérarchique au moment des faits (...) ; qu'elle jouait un rôle déterminant dans l'organisation de la restauration scolaire (...) ; qu'elle avait un accès direct aux élus membres de la commission d'attribution de la délégation de service public (...) et qu'elle constituait la cheville ouvrière de la restauration scolaire de la ville de [Localité 3], interlocuteur incontournable de la mairie pour tout ce qui avait trait à la restauration scolaire » ; que de tels motifs étaient inopérants à caractériser, en sus du simple rôle administratif important de Mme [C], un véritable pouvoir décisionnel dont celle-ci aurait été titulaire dans l'attribution de marchés publics ; qu'en en déduisant toutefois « qu'elle disposait ainsi du pouvoir d'intervenir dans la procédure d'attribution de la délégation de service public au regard des multiples missions qu'elle assumait, de sa connaissance profonde du fonctionnement de la restauration scolaire, du rôle qu'elle jouait tant au sein de la mairie que du groupement en charge de la délégation de service public pour la mise en oeuvre de la politique municipale de restauration scolaire et de l'expertise qu'elle apportait en la matière aux élus », la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision et a violé l'article 593 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour 18. Les moyens sont réunis. 19. Pour déclarer Mme [F] coupable du délit d'atteinte à la liberté d'accès et à l'égalité des candidats dans les marchés publics et M. [P] et la société [5] coupables de recel de ce délit, l'arrêt attaqué relève que la première, adjoint administratif, a été affectée au service scolaire pour la gestion et l'organisation des surveillances de la restauration scolaire, qu'elle exerçait ses fonctions au sein de la municipalité pour un tiers de son temps de travail, consacrant les deux autres tiers à ses missions de salariée de l'association au sein de laquelle elle occupait les fonctions de « Responsable du restaurant » et que si elle était fonctionnaire de catégorie C, elle était aussi l'interlocutrice directe de la directrice générale des services, sa seule supérieure hiérarchique au moment des faits. 20. Les juges ajoutent qu'elle jouait un rôle déterminant dans l'organisation de la restauration scolaire en recrutant les vacataires pour le compte de la mairie, en étant chargée des inscriptions à la cantine, des réservations des repas, en assurant le contrôle des présences, la facturation et le recouvrement auprès des familles et qu'elle était l'interlocutrice principale des usagers et de la [5], que ses courriels démontrent qu'elle avait un accès direct aux élus membres de la commission d'attribution de la DSP, le maire ou son adjoint aux finances, lequel l'avait recrutée quelques années auparavant, avec qui elle a eu des échanges avant l'attribution de la DSP et à qui elle a fait part des difficultés qu'elle rencontrait avec l'Association du restaurant scolaire. 21. Ils retiennent qu'en cumulant les fonctions de responsable du restaurant au sein de l'association qui exerçait conjointement avec la société [5] la DSP, et des fonctions d'agent territorial en charge des missions que la commune ne pouvait déléguer dans ce domaine, Mme [F] était la cheville ouvrière de la restauration scolaire de la ville, interlocuteur incontournable de la mairie pour tout ce qui avait trait à ce sujet, qu'elle disposait ainsi du pouvoir d'intervenir dans la procédure d'attribution de la DSP au regard des multiples missions qu'elle assumait, de sa connaissance approfondie du fonctionnement de la restauration scolaire, du rôle qu'elle jouait tant au sein de la mairie que du groupement en charge de la DSP pour la mise en oeuvre de la politique municipale de restauration scolaire et de l'expertise qu'elle apportait en la matière aux élus et qu'elle relève bien de la catégorie des personnes visées par les dispositions de l'article 432-14 du code pénal et susceptibles d'être poursuivies pour délit de favoritisme. 22. En prononçant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision. 23. En effet, d'une part, l'article 432-14 du code pénal n'exige pas que la personne poursuivie soit intervenue, en fait ou en droit, dans la procédure d'attribution d'une commande publique. 24. D'autre part, en raison de ses connaissances techniques et du savoir-faire dont elle disposait du fait de son affectation au service de restauration scolaire de la commune, la prévenue disposait de compétences et d'informations privilégiées lui ayant permis de procurer à la société [5] et à son dirigeant M. [P] un avantage injustifié de nature à porter atteinte au principe de liberté d'accès et d'égalité des candidats dans les marchés publics et les contrats de concession. 25. Les moyens doivent donc être écartés. Sur les troisième moyen proposé pour M. [P] et quatrième moyen proposé pour la société [5] Enoncé des moyens 26. Le moyen proposé pour M. [P] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il l'a déclaré coupable de recel de bien provenant d'un délit puni d'une peine n'excédant pas cinq ans d'emprisonnement, condamnation dont il résulte, en cas de condamnation définitive, l'application de plein droit de la peine d'exclusion des procédures d'attribution des concessions, alors « que l'application de plein droit de la peine d'exclusion des procédures d'attribution des concessions sans que le juge n'ait expressément prononcé cette peine, sans que ne soient tenus compte des circonstances de fait ni de la personnalité de l'intéressé, sans possibilité d'en faire varier la durée, et sans que l'opérateur condamné ne puisse faire la preuve de sa fiabilité, méconnaît le principe d'individualisation des peines et le droit d'accès au juge ; que dès lors la cour d'appel a méconnu les articles 6 et 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, 47 et 49 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, 38 de la directive 2014/23/UE du 26 février 2014 sur l'attribution des contrats de concession, 132-1 et 132-17 du code pénal, L. 2141-1 et L. 3123-1 du code de la commande publique, 591 et 593 du code de procédure pénale. » 27. Le moyen proposé pour la société [5] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il l'a déclarée coupable de recel du délit d'atteinte à la liberté d'accès ou à l'égalité des candidats dans les marchés publics, condamnation dont il résulte, en cas de condamnation définitive, l'application de plein droit de la peine d'exclusion des procédures d'attribution des concessions et des marchés publics, alors « que l'application de plein droit de cette peine sans que le juge l'ait expressément prononcée, sans qu'il soit tenu compte des circonstances de fait ni de la personnalité de l'intéressé, sans possibilité d'en faire varier la durée, et sans que l'opérateur condamné puisse faire la preuve de sa fiabilité, méconnaît le principe d'individualisation des peines et le droit d'accès au juge ; que dès lors la cour d'appel a méconnu les articles 6 et 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, 47 et 49 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, 38 de la directive 2014/23/UE du 26 février 2014 sur l'attribution des contrats de concession, 132-1 et 132-17 du code pénal, L. 2141-1 et L. 3123-1 du code de la commande publique, 591 et 593 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour 28. Les moyens sont réunis. 29. Les moyens, inopérants en ce qu'ils ne critiquent aucune disposition de l'arrêt attaqué, ne peuvent qu'être écartés. Mais sur le moyen unique proposé pour l'Association du restaurant scolaire Enoncé du moyen 30. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes indemnitaires, alors « que le préjudice du candidat évincé ensuite de l'attribution irrégulière d'une délégation de service public se mesure à la chance qu'il a perdue d'obtenir cette délégation ; qu'en retenant toutefois, pour écarter les demandes indemnitaires de l'Association du restaurant scolaire, candidate évincée ensuite de l'attribution irrégulière de la délégation de service public, que la présence d'autres candidats, dont il n'était nullement démontré qu'ils n'avaient aucune chance de se voir attribuer la délégation de service public, ne permettait pas d'établir le caractère certain et direct du préjudice matériel invoqué par l'association, la cour d'appel, qui n'a pas apprécié le préjudice au regard de la chance perdue par l'association évincée, a méconnu l'article 1240 du code civil. » Réponse de la Cour Vu l'article 2 du code de procédure pénale : 31. Selon ce texte, l'action civile en réparation du dommage causé par un délit appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par cette infraction. 32. Pour débouter la partie civile de ses demandes, l'arrêt attaqué énonce que la présence d'autres candidats, dont il n'est nullement démontré qu'ils n'avaient aucune chance de se voir attribuer la DSP, ne permet pas d'établir le caractère certain et direct du préjudice matériel que l'Association du restaurant scolaire invoque et que l'existence de relations de proximité entre Mme [F] et la société [5] ou le fait que l'un des élus de la commune, et non Mme [F], ait pu adresser un courriel dénigrant l'Association du restaurant scolaire, ne permettent pas de caractériser l'existence d'un préjudice moral en lien de causalité avec les infractions commises. 33. En prononçant ainsi, alors qu'il lui appartenait de rechercher si la partie civile avait, compte tenu de son activité, de son expérience ou de tout autre élément, une chance sérieuse d'obtenir la DSP et si l'attribution irrégulière de celle-ci a eu pour conséquence directe de lui faire perdre cette chance, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé. 34. Il s'ensuit que la cassation est encourue de ce chef. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Lyon, en date du 31 mars 2021, mais en ses seules dispositions relatives aux intérêts civils, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ; Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée, RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Lyon, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; Dit n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale à l'égard de M. [P] et de Mme [F] ; Fixe à 2 500 euros la somme globale que M. [P], Mme [F] et la société [5] devront payer à l'Association du restaurant scolaire ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Lyon et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le sept septembre deux mille vingt-deux.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° P 21-84.322 FS-B 7 SEPTEMBRE 2022 CASSATION PARTIELLE Mme DE LA LANCE conseiller doyen faisant fonction de président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 7 SEPTEMBRE 2022 Mme [X] [P], d'une part, et les sociétés [8], [5], [10] et [4], [6] et l'[7], parties intervenantes, d'autre part, ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, chambre 2-14, en date du 30 juin 2021, qui, pour aide à l'entrée et au séjour irrégulier, association de malfaiteurs, complicité d'obtention frauduleuse de document administratif, escroquerie et blanchiment, a condamné la première à trois ans d'emprisonnement avec sursis, 100 000 euros d'amende et a ordonné une mesure de confiscation. Les pourvois sont joints en raison de la connexité. Des mémoires et des observations complémentaires ont été produits. Sur le rapport de Mme Planchon, conseiller, les observations de la SCP Spinosi, avocat de Mme [X] [P], des sociétés [8], [5], [10] et [4], de [6] et de [7], et les conclusions de Mme Chauvelot, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 22 juin 2022 où étaient présents Mme de la Lance, conseiller doyen faisant fonction de président en remplacement du président empêché, Mme Planchon, conseiller rapporteur, MM. d'Huy, Wyon, Pauthe, Turcey, de Lamy, conseillers de la chambre, M. Ascensi, Mmes Fouquet, Chafaï, conseillers référendaires, Mme Chauvelot, avocat général référendaire, et Mme Sommier, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. Mme [X] [P], qui dirige trois établissements d'enseignement privé, [6] ([6]), association créée en 2011, l'[7] ([7]), société créée en août 2005, et le [2] ([2]), association créée le 18 février 2011, tous situés à la même adresse à [Localité 11], a été mise en cause comme étant l'organisatrice, au travers de ces établissements, d'une filière chinoise d'aide au séjour irrégulier en permettant à des ressortissants chinois de s'inscrire dans les écoles aux fins d'obtention du renouvellement de leur titre de séjour d'un an en qualité d'étudiant sur le territoire français moyennant des frais d'inscription d'un montant de 3 000 euros pour une formation purement fictive. 3. Par ailleurs, l'enquête puis l'information ouverte sur les agissements de l'intéressée ont permis de recueillir des éléments tendant à établir qu'elle aurait commis le délit d'escroquerie en présentant faussement l'[6] comme étant un organisme collecteur de la taxe d'apprentissage due par les entreprises, ce qui lui a permis de récupérer une somme de plus de 700 000 euros sur laquelle elle n'a reversé que la somme de 288 000 euros. 4. Les trois écoles utilisent des locaux loués à la société civile immobilière (SCI) [8] créée en 2005, dont les parts sont détenues par Mme [P], son frère M. [R] [P] et le fils de ce dernier, M. [H] [P]. 5. Mme [P] est aussi propriétaire de trois autres SCI dont elle possède quatre-vingt-dix-neuf parts sur cent : la SCI [10], créée en 2010, propriétaire d'un débarras, d'un hangar et d'une remise situés à [Localité 12] et acquis pour un montant de 250 000 euros, la SCI [4], créée en 2011, propriétaire d'un appartement situé à [Localité 11], acquis pour un montant de 775 000 euros et la SCI [5], créée en 2010, propriétaire d'une maison située à [Localité 11] d'une valeur de 800 000 euros qui a servi à loger les étudiants des écoles. 6. Au terme des investigations, il a été procédé le 11 juin 2013 à l'interpellation de six personnes qui ont été mises en examen et renvoyées devant le tribunal. Pour sa part, Mme [P] a été renvoyée devant le tribunal des chefs susvisés, et notamment, du chef d'aide au séjour irrégulier, pour avoir à [Localité 9] courant 2012 et jusqu'au 11 juin 2013, en procédant à l'inscription de ressortissants chinois dans des écoles dont elle était gérante de droit ou de fait ou trésorière, en percevant pour ce faire des rémunérations illicites et non déclarées, en ne dispensant pas les cours nécessaires à la validation des inscriptions ou en présentant les démarches à suivre après inscription comme de simples formalités administratives aux fins d'obtention d'un titre de séjour sur le territoire français, facilité le séjour irrégulier en France de plusieurs dizaines de ressortissants chinois, avec cette circonstance que les faits ont été commis en bande organisée. 7. Par jugement en date du 19 mai 2017, le tribunal correctionnel a relaxé Mme [P] des chefs d'aide à l'entrée et au séjour irrégulier, de complicité d'obtention indue de documents administratifs et de faux et usage, a requalifié les faits d'escroquerie en bande organisée et de blanchiment en bande organisée en escroquerie et blanchiment, et par voie de conséquence le délit d'association de malfaiteurs, l'a déclarée coupable de ces délits, l'a condamnée à trois ans d'emprisonnement dont dix-huit mois avec sursis, 100 000 euros d'amende et a ordonné la confiscation de l'ensemble des biens saisis dont les immeubles appartenant aux sociétés [4] et [8] et a ordonné la restitution des sommes saisies sur les comptes bancaires des sociétés [5], [10] et [4] et de la somme de 208 000 euros découverte dans un coffre au nom du neveu de Mme [P]. 8. Mme [P], la société [8], à titre principal, et le ministère public, dont l'appel est dirigé contre la seule Mme [P], ont relevé appel de cette décision. Examen de la recevabilité des pourvois formés par les sociétés [5], [10] et [4], l'[6] et l'[7] 9. Les sociétés [5], [10] et [4], l'[6] et l'[7] n'étaient pas parties à la procédure au cours de laquelle des biens leur appartenant ont été saisis. 10. Ces structures, même si les trois premières ont toutefois obtenu la restitution, par le tribunal correctionnel, des fonds figurant au crédit des trois comptes dont elles sont titulaires, n'ont pas été intimées devant la cour d'appel qui a ordonné des mesures de confiscation concernant des biens dont elles sont propriétaires. 11. Le Conseil constitutionnel a jugé non conformes à la Constitution les dispositions de l'article 131-21 du code pénal prévoyant la confiscation des biens dont la personne condamnée a la libre disposition, sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi, après avoir relevé que ni ces dispositions ni aucune autre disposition ne prévoient que le propriétaire dont le titre est connu ou qui a réclamé cette qualité au cours de la procédure soit mis en mesure de présenter ses observations sur la mesure de confiscation envisagée par la juridiction de jugement aux fins, notamment, de faire valoir le droit qu'il revendique et sa bonne foi (Cons. const., 23 avril 2021, décision n° 2021-899 QPC ; Cons. const., 23 septembre 2021, décision n° 2021-932 QPC ; Cons. const., 24 novembre 2021, décision n° 2021-949/950 QPC). 12. Le Conseil constitutionnel a, par ailleurs, d'une part, reporté au 31 mars 2022 la date de l'abrogation des dispositions contestées, d'autre part, décidé que les mesures prises avant la publication de la décision précitée ne peuvent être contestées sur le fondement de cette inconstitutionnalité. 13. L'article 51 de la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021, applicable à compter du 31 décembre 2021, a complété l'article 131-21 du code pénal par un dernier alinéa qui prévoit que lorsque la peine de confiscation porte sur des biens sur lesquels un tiers autre que le condamné dispose d'un droit de propriété, elle ne peut être prononcée si ce tiers dont le titre est connu ou qui a réclamé cette qualité au cours de la procédure n'a pas été mis en mesure de présenter ses observations sur la mesure de confiscation envisagée par la juridiction de jugement aux fins, notamment, de faire valoir le droit qu'il revendique et sa bonne foi. 14. Il résulte de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme qu'en vertu des articles 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 1er du premier Protocole additionnel à ladite Convention, les personnes dont les biens sont menacés de confiscation doivent se voir conférer le statut de partie au procès dans le cadre duquel la confiscation peut être ordonnée (CEDH, arrêt du 16 avril 2019, Bokova c. Russie, n° 27879/13, § 55 ; CEDH, arrêt du 10 avril 2012, Silickiene c. Lituanie, n° 20496/02, § 50). 15. Pour sa part, la Cour de justice de l'Union européenne s'est prononcée à deux reprises sur des mesures de confiscation de biens appartenant à des tiers. Dans une première décision du 14 janvier 2021 (CJUE, arrêt du 14 janvier 2021, OM, C-393/19, § 1) elle a dit pour droit que, d'une part, l'article 2, § 1, de la décision-cadre 2005/212/JAI du Conseil du 24 février 2005 relative à la confiscation des produits, des instruments et des biens en rapport avec le crime, lu à la lumière de l'article 17, § 1, de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, doit être interprété en ce sens qu'il s'oppose à une réglementation nationale qui permet la confiscation d'un instrument utilisé pour commettre une infraction de contrebande qualifiée, lorsque celui-ci appartient à un tiers de bonne foi, d'autre part, l'article 4 de la décision-cadre 2005/212, lu à la lumière de l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux, doit être interprété en ce sens qu'il s'oppose à une réglementation nationale qui permet la confiscation, dans le cadre d'une procédure pénale, d'un bien appartenant à une personne autre que celle qui a commis l'infraction pénale, sans que cette première personne dispose d'une voie de recours effective. Dans une décision du 21 octobre 2021 (CJUE, arrêt du 21 octobre 2021, C-845/19 et C-863/19), elle a dit pour droit, notamment, que l'article 8, §§ 1, 7 et 9, de la directive 2014/42/UE du Parlement européen et du Conseil du 3 avril 2014, lu en combinaison avec l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, doit être interprété en ce sens qu'il s'oppose à une réglementation nationale qui permet la confiscation, au profit de l'État, d'un bien dont il est allégué qu'il appartient à une personne différente de l'auteur de l'infraction pénale, sans que cette personne ait la faculté de se constituer partie à la procédure de confiscation. 16. Il résulte de l'ensemble de ces éléments que les personnes dont le titre est connu ou qui ont réclamé cette qualité au cours de la procédure sont recevables à interjeter appel ou à former un pourvoi en cassation contre la décision ordonnant la confiscation d'un bien leur appartenant. 17. En conséquence, il convient de déclarer recevables les pourvois formés par les sociétés [5], [10] et [4], l'[6] et l'[7]. Examen des moyens Sur les premier, troisième, quatrième, cinquième, sixième et septième moyens proposés pour Mme [P] et le moyen proposé pour la société [8] 18. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission des pourvois au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Sur le deuxième moyen proposé pour Mme [P] Enoncé du moyen 19. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré Mme [P] coupable du délit d'aide au séjour irrégulier d'un étranger en France, alors : « 1°/ que le délit d'aide au séjour irrégulier exige, à titre de condition préalable, que la personne étrangère se trouve en situation irrégulière sur le sol français ; qu'il s'ensuit que ce délit ne peut être constitué lorsque la personne étrangère séjourne régulièrement sur le territoire français au moment où l'aide lui est apportée ; que, dès lors, en retenant que la prévenue s'est rendue coupable de ce délit en fournissant, en connaissance de cause, de faux documents à des étudiants étrangers en situation régulière afin de leur permettre d'obtenir le renouvellement de leur titre de séjour qui venait à expiration, la cour d'appel a violé l'article L. 622-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction en vigueur à l'époque des faits, devenu l'article L. 823-1 du même code ; 2°/ que le délit d'aide au séjour irrégulier exige, pour être caractérisé, que l'auteur des faits ait connaissance de l'irrégularité de la situation de la personne étrangère au moment où il lui apporte de l'aide ; que, dès lors, en entrant en voie de condamnation, sans constater que la prévenue, qui soutenait que les étudiants étrangers avaient justifié, lors leur inscription, être titulaires d'un titre de séjour en cours de validité, avait connaissance de l'irrégularité de leur situation au moment de la remise des documents litigieux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 622-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction en vigueur à l'époque des faits, devenu l'article L. 823-1 du même code. » Réponse de la Cour 20. Pour déclarer Mme [P] coupable du délit d'aide au séjour irrégulier, l'arrêt attaqué relève que les investigations ont permis d'établir qu'avant leur inscription, les étudiants avaient suivi une formation préalable dans d'autres établissements, étaient titulaires d'un titre de séjour en cours de validité et séjournaient régulièrement sur le territoire national, que la thèse de la défense selon laquelle l'article L. 622-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) ne permettrait pas de poursuivre l'aide apportée à un étranger en situation régulière qui obtient le renouvellement de son titre de séjour grâce à de faux documents, vide les dispositions susvisées d'une partie de leur contenu et confond la notion d'entrée, qui n'est effective que lorsque l'étranger pénètre sur le territoire national et ne bénéficie donc à la date de son entrée d'aucun droit à un séjour, avec celle de séjour qui implique nécessairement une résidence continue sur le territoire national, l'article L. 622-1 visant ces deux situations sans poser comme condition exonératoire l'existence d'un séjour régulier antérieur, et qu'il en résulte que celui qui permet à un étranger de demeurer sur le territoire national, alors qu'il a connaissance de l'expiration de son titre de séjour régulier, et qui lui fournit, en toute connaissance de cause, des documents nécessaires pour lui permettre de bénéficier d'un titre de séjour qu'il n'obtiendrait pas sans ces faux documents, contrevient aux dispositions de l'article précité. 21. Ils retiennent que cette connaissance du caractère temporaire des titres de séjour remis lors de l'inscription et de la nécessité de donner aux étudiants de faux documents pour leur permettre de se maintenir sur le territoire, est établie par les pièces de la procédure qui démontrent, à l'exception de deux enseignements, le BTS MUC et le FLE, le caractère fictif des formations inventées dans le seul but de collecter des frais de scolarité en échange de certificats de scolarité et de relevés de notes de complaisance, l'absence de cours et le caractère simulé des examens résultant d'une stratégie délibérée de Mme [P] qui demandait des paiements en espèces pour dissimuler le chiffre d'affaires, ce dont il résulte que l'existence de ces formations factices ne peut avoir d'autre but que de procurer des faux documents utiles au renouvellement de titres de séjour. 22. Ils relèvent ensuite que la connaissance par Mme [P] de l'emploi des faux documents par les étudiants pour obtenir des titres de séjour est établie par les écoutes téléphoniques dans lesquelles ceux-ci expriment clairement la nécessité d'obtenir de tels documents à cette fin, l'école répondant à leurs demandes en les leur remettant pour faciliter leurs démarches administratives, que le caractère mensonger des inscriptions et leur utilisation à des fins frauduleuses sont démontrés par les tentatives de dissimulation de la prévenue qui, outre le fait qu'elle écourte les conversations téléphoniques et préfère une discussion de vive voix, gère seule l'inscription des élèves et la remise des notes qui échappe aux professeurs, à qui elle ne remet même pas les feuilles de présence, ce qui lui permet de maintenir la plus grande opacité et de piloter les résultats en fonction, non des mérites, mais de sa négociation avec chacun des étudiants, que le fait qu'à la date de remise des faux documents, les étudiants soient en situation régulière ne contrevient pas aux éléments constitutifs de l'infraction, caractérisée par la fourniture à cette seule fin auxdits étudiants des faux documents afin qu'ils renouvellent leur titre de séjour. 23. La cour d'appel retient qu'il est démontré qu'à la date de la remise des faux documents, la prévenue avait connaissance de l'expiration des titres de séjour des étudiants qui sollicitent des faux relevés de notes afin de pouvoir les fournir à la préfecture dans le but de renouveler leur titre de séjour et conclut qu'il n'y avait aucune ambiguïté pour elle sur le fait que ces documents étaient nécessaires à des étudiants qui, sans leur possession, verraient leur séjour sur le territoire français devenir irrégulier et qui les ont effectivement utilisés pour obtenir leur titre de séjour. 24. En prononçant ainsi, par des motifs relevant de son appréciation souveraine, desquels il résulte que la prévenue a fourni sciemment à des étudiants étrangers des faux documents que ceux-ci ont remis à l'appui d'un dossier de demande de renouvellement de titre de séjour aux fins d'obtenir indûment un nouveau titre leur permettant ainsi de séjourner irrégulièrement sur le territoire français, peu important que ces étudiants aient été en situation régulière au moment où l'aide a été fournie, la cour d'appel a justifié sa décision. 25. Dès lors, le moyen doit être écarté. Sur le huitième moyen proposé pour Mme [P] Enoncé du moyen 26. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné Mme [P] aux peines de trois ans d'emprisonnement avec sursis et de 100 000 euros d'amende et a prononcé la confiscation du bien immobilier appartenant à la société [8], alors : « 1°/ qu'en matière correctionnelle, le juge qui prononce une peine doit motiver sa décision au regard des circonstances de l'infraction, de la personnalité et de la situation personnelle de son auteur, en se référant, dans sa décision, aux éléments qui résultent du dossier et à ceux qu'il a sollicités et recueillis lors des débats ; qu'en l'espèce, pour condamner Mme [P] aux peines de trois ans d'emprisonnement avec sursis et de 100 000 euros d'amende et pour ordonner la confiscation du bien immobilier de la société [8] en tant qu'instrument de l'infraction, la cour d'appel s'est exclusivement fondée sur l'ampleur de la fraude, ses conséquences économiques, l'âge de la prévenue et l'arrêt des activités délictueuses ; qu'en prononçant ainsi, sans s'expliquer sur la personnalité de la prévenue et sur sa situation matérielle, familiale et sociale, alors que celle-ci était présente à l'audience et pouvait donc répondre à toute question permettant aux juges de s'informer sur sa situation personnelle, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard des articles 131-21, 132-1 et 132-20 du code pénal et 485-1 du code de procédure pénale ; 2°/ que le juge qui prononce une amende doit, en outre, motiver sa décision en tenant compte des ressources et des charges du prévenu, en se référant, dans sa décision, aux éléments qui résultent du dossier et à ceux qu'il a sollicités et recueillis lors des débats ; que, dès lors, en se fondant exclusivement, pour condamner Mme [P] au paiement d'une amende de 100 000 euros, sur le montant des gains prétendument réalisés grâce aux infractions dont elle a été déclarée coupable, sans s'expliquer sur le montant de ses charges, alors que celle-ci était présente à l'audience et pouvait donc répondre à toutes les questions des juges leur permettant d'évaluer sa situation financière, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard des articles 132-1 et 132-20 du code pénal et 485-1 du code de procédure pénale, ensemble l'article 1er du Protocole additionnel n° 1 à la Convention européenne des droits de l'homme. » Réponse de la Cour 27. Pour condamner Mme [P] à trois ans d'emprisonnement avec sursis, 100 000 euros d'amende et ordonner des mesures de confiscation, l'arrêt attaqué relève, notamment, qu'il convient de confirmer la peine d'emprisonnement qui apparaît comme la réponse la plus adéquate et à même d'éviter tout risque de récidive, compte tenu de l'ampleur de la fraude, de ses conséquences économiques tant au titre de la taxe d'apprentissage que de l'aide au séjour irrégulier de dizaines de ressortissants chinois, pour l'essentiel, que cependant, en raison de l'âge de la prévenue, de l'arrêt des écoles, et notamment des cours fictifs, cette peine peut être entièrement assortie d'un sursis, l'équilibre de la sanction nécessitant de privilégier une sanction économique en augmentant les confiscations. 28. Les juges ajoutent, s'agissant de la peine d'amende, que Mme [P] a accumulé un patrimoine tout à fait conséquent, qu'outre l'escroquerie à la taxe d'apprentissage, dont le produit est égal à 429 000 euros, l'aide aux séjours irréguliers a généré au minimum un gain de 500 000 euros, que l'[6] a transféré sans aucun motif économique aux sociétés et à l'[7] la somme de 709 000 euros provenant, à hauteur de 429 000 euros, de la fraude à la taxe d'apprentissage, et à hauteur de 280 000 euros, du délit d'aide au séjour irrégulier, ces fonds ne pouvant avoir d'autre origine, tout comme la somme de 248 000 euros retrouvée dans le coffre de Mme [P] qui privilégiait un paiement en espèces, ce dont il résulte que le produit total des infractions imputables à Mme [P] est égal à 900 000 euros au minimum et qu'il y a lieu de confirmer la décision des premiers juges quant au prononcé d'une amende de 100 000 euros, compte tenu des gains réalisés. 29. Ils retiennent, s'agissant des peines de confiscation, que la sanction patrimoniale apparaît la plus adaptée dès lors que l'enrichissement constitue la finalité des délits et que deux biens immobiliers et les sommes détenues sur les comptes bancaires des sociétés et des écoles ont fait l'objet d'ordonnances de saisie pénale au profit de l'AGRASC. 30. Ils relèvent que si Mme [P] n'est effectivement actionnaire de la société [8] qu'à hauteur de 13 %, elle en a la libre disposition dès lors que les locaux de cette société sont loués aux trois écoles dont Mme [P], gérante, détermine seule l'utilisation de l'actif social, sans aucun contrôle de la régularité des baux dont elle est à la fois le bailleur et le preneur, que Mme [P] gère la société [8] dans son seul intérêt, en lui permettant de percevoir 543 500 euros de loyers de l'[6] en l'absence de tout contrat de bail, et en admettant que l'[7] et le [2] ne règlent que partiellement les loyers dus, ce qui démontre que les paiements par les écoles correspondent au reversement des sommes captées par les fraudes, que Mme [P] utilise l'argent de la société [8] pour ses besoins personnels en versant, sans contrepartie, les fonds de celle-ci aux autres sociétés qui lui appartiennent exclusivement, que la société [8] lui a également versé la somme de 341 000 euros alors qu'elle ne détient que 13 % des parts et qu'il n'est ni soutenu ni démontré que ce versement en sa faveur correspondrait à une distribution de dividendes et que cette société apparaît donc comme l'outil de transfert des fonds collectés par la fraude reversés directement ou indirectement par les trois sociétés à la prévenue qui en a donc la libre disposition. 31. En se déterminant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision sans méconnaître les textes visés au moyen. 32. Dès lors, le moyen ne peut qu'être écarté. Sur le neuvième moyen proposé pour Mme [P] Enoncé du moyen 33. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a ordonné la confiscation des fonds inscrits au crédit des deux contrats d'assurance-vie dont Mme [P] est titulaire et des sommes inscrites au crédit des comptes détenus par les sociétés [5], [10], [4], l'[7] et l'[6], alors : « 1°/ que l'affaire est dévolue à la cour d'appel dans la limite fixée par l'acte d'appel et par la qualité de l'appelant ; qu'en ordonnant la confiscation des sommes inscrites sur les comptes bancaires des sociétés [5], [10], [4] et de l'[7], lorsque le tribunal correctionnel avait ordonné la restitution de ces fonds à ces sociétés et que le ministère public a interjeté appel incident contre Mme [P], la cour d'appel a violé les articles 500, 502, 509 et 515 du code de procédure pénale ; 2°/ que les juges qui prononcent la confiscation d'un bien en tant que produit direct ou indirect de l'infraction doivent établir l'origine frauduleuse de ce bien ; qu'en se bornant à énoncer, pour confirmer la confiscation des deux contrats d'assurance-vie pour des montants respectifs de 398 735 euros et de 116 047 euros, soit un montant total de 514 782 euros, que ces fonds sont « le produit direct de la fraude », sans mieux s'expliquer sur leur origine, alors que la prévenue soutenait qu'il ressortait du rapport d'expertise-comptable versé aux débats que « les apports financiers sur ces assurances ont principalement été réalisés en 2010 » et que ce rapport indique que les apports initiaux effectués en juin 2010 s'élèvent à 400 000 euros, ce dont il se déduisait qu'à hauteur de ce montant, les sommes inscrites sur ces assurances vie ne pouvaient provenir ni du délit d'aide au séjour irrégulier poursuivi commis « courant 2012 et 2013 », ni intégralement du délit l'escroquerie poursuivie, évalué par les juges d'appel à la somme totale de 429 313 euros pour une période comprise « entre courant 2010 et le 11 juin 2013 », la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard des articles 1er du Protocole n° 1 à la Convention européenne des droits de l'homme, 131-21, 132-1 du code pénal, 485, 485-1, 512, 593 du code de procédure pénale ; 3°/ que les juges qui prononcent la confiscation d'un bien en tant que produit direct ou indirect de l'infraction doivent établir l'origine frauduleuse de ce bien ; qu'en l'espèce, pour infirmer la restitution des sommes saisies sur les comptes des sociétés [5], [10] et [4] et en ordonner la confiscation, la cour d'appel a énoncé que ces sommes étaient « également le produit de la fraude, puisque les sommes reçues sont supérieures aux sommes confisquées (38 774,39 euros confisqués pour la SCI [5] qui a reçu 86 000 euros, 2 949,17 euros contre 45 000 euros pour la société [10] et 16 923,14 euros pour la SCI [4] qui a reçu 240 000 euros de la SCI [8] » ; qu'en l'état de ces motifs qui n'établissent pas que les sommes confisquées proviennent des délits dont la prévenue a été déclarée coupable, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard des articles 1er du Protocole n° 1 à la Convention européenne des droits de l'homme, 131-21, 132-1 du code pénal, 485, 485-1, 512, 593 du code de procédure pénale ; 4°/ qu'enfin, il incombe au juge qui décide de confisquer un bien, après s'être assuré de son caractère confiscable en application des conditions légales, de préciser la nature et l'origine de ce bien ainsi que le fondement de la mesure et, le cas échéant, de s'expliquer sur la nécessité et la proportionnalité de l'atteinte portée au droit de propriété du prévenu ; qu'en se bornant à affirmer, pour confirmer la confiscation de la somme de 8 593,27 euros inscrite au crédit d'un compte bancaire dont l'[7] est titulaire, que cette somme est « le support du délit d'aide au séjour irrégulier », sans mieux s'expliquer sur le fondement de cette mesure de confiscation et sur l'origine de ces fonds, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard des articles 1er du Protocole n° 1 à la Convention européenne des droits de l'homme, 131-21, 132-1 du code pénal, 485, 485-1, 512, 593 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour Sur le moyen, pris en sa première branche 34. Il résulte des pièces de procédure, et plus précisément de l'acte d'appel du ministère public, que celui-ci a interjeté appel des dispositions pénales du jugement ayant condamné Mme [P] à trois ans d'emprisonnement dont dix-huit mois avec sursis, 100 000 euros d'amende et ayant ordonné, à titre de peine complémentaire, la confiscation de l'objet de l'infraction et celle du produit de l'infraction, l'acte précisant que l'appel est dirigé contre Mme [P]. 35. La cour d'appel a infirmé le jugement en ce qu'il a ordonné la restitution des sommes saisies sur les comptes des trois sociétés, qui sont également le produit de la fraude. 36. En prononçant ainsi, et dès lors que l'acte d'appel du ministère public inclut nécessairement l'appel des peines prononcées à l'encontre de Mme [P], y compris dans les limitations qui y ont été apportées par les restitutions ordonnées par le jugement, la cour d'appel a justifié sa décision. 37. D'où il suit que le grief doit être écarté. Mais sur le moyen, pris en sa deuxième branche Vu l'article 593 du code de procédure pénale : 38. Tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence. 39. Pour ordonner la confiscation des deux contrats d'assurance-vie dont la prévenue est titulaire pour des montants respectifs de 398 735 euros et de 116 047 euros, l'arrêt énonce que le produit des délits a été estimé à 900 000 euros et qu'il a été mouvementé sur les comptes des sociétés et sur ceux de l'[6] et de l'[7] et au final sur les comptes de la prévenue, ces sommes étant directement confiscables sur ce fondement. 40. En statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de la demanderesse qui faisait valoir que les sommes figurant sur ces contrats avaient été versées en 2010, soit antérieurement à la date des faits, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision. 41. La cassation est, par conséquent, encourue de ce chef. Et sur les premier et second moyens proposés pour les sociétés [5], [10] et [4], l'[6] et l'[7] Enoncé des moyens 42. Le premier moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a prononcé la confiscation du solde de la somme de 108 163,36 euros sur le compte bancaire et le livret A de l'[6] ouverts à la [1], de la somme de 38 774,39 euros saisie sur le compte bancaire de la société [5] ouvert à la [13], de la somme de 12 949,12 euros saisie sur le compte bancaire de la société [10] ouvert à la [13], de la somme de 16 923,14 euros saisie sur le compte bancaire de la société [4] ouvert à la [13] et de la somme de 8 593,27 euros saisie sur le compte bancaire de l'[7] ouvert au [3], alors : « 1°/ que les personnes dont les biens sont menacés de confiscation doivent se voir conférer le statut de partie au procès dans le cadre duquel la confiscation peut être ordonnée ; qu'en prononçant la confiscation de sommes d'argent appartenant à l'[6], aux sociétés [5], [10], [4] et à l'[7] en tant que produit des infractions dont elle déclarait Mme [P] coupable, lorsque ces sociétés, qui n'ont pas été citées à comparaître et ne sont pas intervenues volontairement à l'instance, n'ont pas été mises en mesure de faire valoir leurs observations et de contester effectivement cette peine affectant leur droit de propriété, la cour d'appel a violé les articles 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme et 1er du premier Protocole additionnel à cette Convention, ensemble l'article préliminaire du code de procédure pénale ; 2°/ qu'il résulte des articles 4 et 5 de la décision-cadre 2005/212 du 24 février 2005, et 8 de la directive 2014/42/UE du 3 avril 2014, lus à la lumière des considérants 33 et 38 de cette directive et des articles 17 et 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, que le tiers propriétaire du bien dont la confiscation est envisagée doit se voir offrir la possibilité de présenter ses observations sur la mesure de confiscation affectant son droit de propriété et disposer d'une voie de recours effective à l'encontre de celle-ci ; que, dès lors, en prononçant la confiscation de sommes d'argent appartenant à l'[6], aux sociétés [5], [10], [4] et à l'[7] en tant que produit des infractions dont elle déclarait Mme [P] coupable, lorsque ces sociétés, qui n'ont pas été citées à comparaître et ne sont pas intervenues volontairement à l'instance, n'ont pas été mises en mesure de faire valoir leurs observations et de contester effectivement cette peine affectant leur droit de propriété, la cour d'appel a violé les textes susvisés, ensemble le principe de primauté du droit de l'Union européenne ; 3°/ qu'enfin, conformément à l'article 267 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne tel qu'interprété par la Cour de justice de l'Union européenne, en cas de doute sur l'interprétation des articles 4 et 5 de la décision-cadre 2005/212 du 24 février 2005, et 8 de la directive 2014/42/UE du 3 avril 2014, il appartiendra à la Cour de cassation de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle qui pourrait être ainsi rédigée : « les articles 4 et 5 de la décision-cadre 2005/212 du 24 février 2005, et 8 de la directive 2014/42/UE du 3 avril 2014, lus à la lumière des considérants 33 et 38 de cette directive et des articles 17 et 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, doivent-ils être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent à une réglementation nationale qui autorise les juridictions répressives internes à prononcer une peine de confiscation portant sur un bien dont le condamné a la libre disposition, sans avoir préalablement recueilli les observations du tiers propriétaire de ce bien ? ». » 43. Le second moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a prononcé la confiscation du solde de la somme de 108 163,36 euros sur le compte bancaire et le livret A de l'[6] ouverts à la [1], de la somme de 38 774,39 euros saisie sur le compte bancaire de la société [5] ouvert à la [13], de la somme de 12 949,12 euros saisie sur le compte bancaire de la société [10] ouvert à la [13], de la somme de 16 923,14 euros saisie sur le compte bancaire de la société [4] ouvert à la [13] et de la somme de 8 593,27 euros saisie sur le compte bancaire de l'[7] ouvert au [3], alors « que les droits du propriétaire de bonne foi doivent être réservés, même lorsque le bien constitue le produit direct ou indirect de l'infraction ; qu'en prononçant la confiscation de sommes inscrites au crédit des comptes bancaires détenus par l'[6], les sociétés [5], [10], [4] et l'IBSCP en tant que produit des infractions dont elle déclarait Mme [P] coupable, sans constater la mauvaise foi de ces sociétés, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard de l'article 131-21, alinéa 3, du code pénal et de l'article 6, § 2, de la directive 2014/42/UE du Parlement européen et du Conseil du 3 avril 2014. » Réponse de la Cour 44. Les moyens sont réunis. Vu les articles 6, § 1, et 13 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 1er du premier Protocole additionnel à ladite Convention et 131-21 du code pénal dans sa rédaction issue de la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021, applicable à compter du 31 décembre 2021 : 45. Il résulte des deux premiers de ces textes que toute personne dont le titre est connu ou qui a revendiqué cette qualité pendant la procédure a droit à ce que sa cause soit entendue par une juridiction ordonnant la confiscation d'un bien dont elle est propriétaire ou dont elle revendique la propriété. 46. Il résulte du quatrième de ces textes que lorsque la peine de confiscation porte sur des biens sur lesquels toute personne autre que le condamné dispose d'un droit de propriété, elle ne peut être prononcée si cette personne dont le titre est connu ou qui a réclamé cette qualité au cours de la procédure n'a pas été mise en mesure de présenter ses observations sur la mesure de confiscation envisagée par la juridiction de jugement aux fins, notamment, de faire valoir le droit qu'elle revendique et sa bonne foi. 47. Pour tenir compte des décisions rendues tant par la Cour européenne des droits de l'homme que par la Cour de justice de l'Union européenne rappelées aux paragraphes 14 et 15 du présent arrêt, outre le droit à exercer un recours contre la décision de confiscation consacré au paragraphe 16 de ce même arrêt, la personne propriétaire du bien dont la confiscation est envisagée, dont le titre est connu ou qui a réclamé cette qualité au cours de la procédure et qui est convoquée conformément aux dispositions de l'article 131-21 susvisées, bénéficie des droits suivants. 48. D'une part, si l'article D. 45-2-1 du code de procédure pénale, qui complète l'article 131-21 du code pénal, prévoit que la personne concernée a le droit de présenter elle-même ou par un avocat ses observations à l'audience, il résulte de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme et de la Cour de justice de l'Union européenne qu'elle a le droit également de bénéficier de l'assistance d'un avocat tout au long de la procédure, en première instance comme en appel ou en cassation. 49. D'autre part, la juridiction correctionnelle qui statue sur la mesure de confiscation est tenue de s'assurer que lui ont été communiqués en temps utile outre les procès-verbaux de saisie, en cas de saisie spéciale, les réquisitions aux fins de saisie, l'ordonnance et les pièces précisément identifiées de la procédure sur lesquelles elle se fonde dans ses motifs décisoires. 50. Pour ordonner la confiscation des comptes bancaires des sociétés [5], [4] et [10] et de l'[6] et de l'[7], l'arrêt attaqué prononce par les motifs repris aux paragraphes 29 et 30 du présent arrêt. 51. Toutefois, la peine de confiscation ordonnée à l'encontre des biens dont sont propriétaires les sociétés [5], [4] et [10] et l'[6] et l'[7] a été prononcée sans que les demandeurs, ainsi que l'exige le dernier alinéa de l'article 131-21 du code pénal, issu de la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021, applicable au 31 décembre 2021, aient été mis en mesure de présenter leurs observations sur la mesure de confiscation envisagée par la juridiction de jugement aux fins, notamment, de faire valoir le droit qu'ils revendiquent et leur bonne foi. 52. Si la cour d'appel n'encourt aucune censure pour avoir statué comme elle l'a fait au jour de sa décision, aucune disposition ne lui imposant d'entendre les observations des propriétaires des biens dont elle a ordonné la confiscation, l'arrêt attaqué doit cependant être annulé afin qu'il soit prononcé sur la peine de confiscation portant sur des biens dont sont propriétaires les sociétés [5], [4] et [10], l'[6] et l'[7] au regard des nouvelles dispositions de l'article 131-21 du code pénal, dans les conditions énoncées aux paragraphes 47 à 49 ci-dessus. 53. L'annulation est par conséquent encourue. Portée et conséquences de la cassation 54. La cassation à intervenir ne concerne que les dispositions relatives aux peines prononcées à l'encontre de Mme [P], les dispositions sur la culpabilité sont définitives. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu d'examiner le dixième moyen de cassation proposé pour Mme [P], la Cour : DÉCLARE RECEVABLES les pourvois des sociétés [5], [10] et [4], de [6] et de [7] ; CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Paris, en date du 30 juin 2021, mais en ses seules dispositions relatives aux peines prononcées à l'encontre de Mme [P], toutes autres dispositions étant expressément maintenues ; RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé. ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le sept septembre deux mille vingt-deux. CEDH, arrêt du 10 avril 2012, Silickiene c. Lituanie, n° 20496/02 ;CEDH, arrêt du 16 avril 2019, Bokova c. Russie, n° 27879/13 ;CJUE, arrêt du 14 janvier 2021, OM, C-393/19.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° H 21-85.236 F-B 7 SEPTEMBRE 2022 Mme DE LA LANCE conseiller doyen faisant fonction de président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 7 SEPTEMBRE 2022 M. [M] [K] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, chambre correctionnelle, en date du 8 avril 2021, qui, pour exportation de marchandises prohibées, l'a condamné à quinze mois d'emprisonnement avec sursis, des amendes douanières et a ordonné des mesures de confiscation et de restitution. Des mémoires, en demande et en défense, et des observations complémentaires ont été produits. Sur le rapport de Mme Fouquet, conseiller référendaire, les observations de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de M. [M] [K], les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la direction générale des douanes et droits indirects et de la direction régionale des douanes et droits indirects de la Réunion, et les conclusions de M. Bougy, avocat général, après débats en l'audience publique du 22 juin 2022 où étaient présents Mme de la Lance, conseiller doyen faisant fonction de président en remplacement du président empêché, Mme Fouquet, conseiller rapporteur, Mme Planchon, conseiller de la chambre, et Mme Sommier, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. Entre le 14 décembre 2012 et le 30 janvier 2014, les services des douanes ont procédé au contrôle de containers déclarés à l'export, notamment, par M. [M] [K], gérant de la société [2], ayant pour objet l'affrètement et l'organisation de transports, et ont saisi à cette occasion plusieurs tonnes de batteries automobiles usagées non dépolluées à destination de Madagascar. 3. Les batteries automobiles usagées faisant partie des marchandises dont l'exportation, que ce soit pour leur élimination ou leur valorisation, est en principe interdit, ces faits ont été dénoncés au procureur de la République en application des dispositions de l'article 40 du code de procédure pénale. 4. A l'issue de l'information judiciaire, M. [K] a été renvoyé devant le tribunal correctionnel des chefs de travail dissimulé, déclaration mensongère en vu de l'obtention par une personne publique d'un avantage indu, ainsi que pour le délit douanier de transfert et exportation de déchets dangereux. 5. Par jugement en date du 28 septembre 2018, le tribunal correctionnel a requalifié le délit douanier en violation d'une prohibition légale ou réglementaire d'exportation de marchandises, fait réputé exportation sans déclaration de marchandises prohibées, l'a déclaré coupable de ce chef, l'a relaxé pour le surplus et l'a condamné à quinze mois d'emprisonnement avec sursis, a prononcé à son encontre plusieurs amendes douanières et ordonné la confiscation notamment d'une somme de 9 690 euros saisie au domicile du prévenu. 6. M. [K] et le procureur de la République ont relevé appel de cette décision. Examen des moyens Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche 7. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Sur le premier moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 8. Le moyen, en sa première branche, critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a requalifié les faits d'exportation en contrebande de marchandises prohibées en violation d'une prohibition légale ou réglementaire de marchandises prohibées, a déclaré M. [K] coupable de cette infraction et, en répression, l'a condamné à un emprisonnement délictuel de quinze mois ainsi qu'à trois amendes solidairement avec d'autres de 8 500 euros, 2 250 euros et 3 750 euros et a ordonné la confiscation de tous les objets saisis et des scellés, alors : « 1°/ que constitue un délit toute importation ou exportation sans déclaration de marchandises prohibées ; que le délit douanier précité suppose un fait d'importation ou d'exportation qui se définit comme le franchissement de la frontière douanière vers ou depuis la France ; qu'en constatant seulement la présence de containers dans la commune de [Localité 1] (La Réunion) et non le franchissement d'une frontière douanière, la cour d'appel ne pouvait, sans violer les articles 369, 414, 428, 38, 39 et 40 du code des douanes et l'article 593 du code de procédure pénale, retenir à l'encontre de M. [K] l'infraction d'exportation sans déclaration de marchandises prohibées. » Réponse de la Cour 9. Pour déclarer le prévenu coupable de violation d'une prohibition légale ou réglementaire d'exportation de marchandises, l'arrêt attaqué, après avoir rappelé que les services des douanes avaient saisi, dans des containers déclarés par M. [K] pour le compte de tiers à destination de Madagascar, plusieurs tonnes de batteries usagées ne figurant pas sur les déclarations, dont le caractère prohibé de l'exportation n'était pas contesté, retient qu'il ressort de la procédure pénale que M. [K], gérant et déclarant de la société [2] ayant pour objet l'affrètement et l'organisation de transports, se voyait confier en toute connaissance de cause l'organisation et la gestion complète administrative et douanière des dossiers d'exportation par des exportateurs qui le rémunéraient en espèces. 10. Les juges ajoutent que si le prévenu a contesté sa responsabilité aux motifs qu'il ignorait le contenu des containers et qu'il n'était tenu que d'une infraction fiscale, l'exception de bonne foi et l'absence d'intention ne sauraient être retenues dès lors qu'il ressort des dispositions de l'article 395 du code des douanes que les signataires des déclarations sont responsables des omissions, inexactitudes et autres irrégularités relevées dans les déclarations, et que le prévenu pouvait vérifier le contenu des containers, et en avait même l'obligation en application de l'article précité. 11. En l'état de ces énonciations, dont il résulte que le prévenu, en omettant de mentionner sur les déclarations à l'export les batteries usagées placées dans les containers, a méconnu les dispositions législatives et réglementaires portant prohibition d'exportation de ces marchandises, la cour d'appel a justifié sa décision. 12. En effet, ce seul constat suffit à caractériser l'élément matériel du délit prévu à l'article 428, 1, du code des douanes, réputé exportation sans déclaration de marchandises prohibées, sans qu'il soit nécessaire d'établir le franchissement d'une frontière douanière par la marchandise. 13. Ainsi, le moyen doit être écarté. Sur le second moyen Enoncé du moyen 14. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a ordonné la confiscation comme peine complémentaire de tous les objets saisis et des scellés et, en particulier, de l'argent saisi chez M. [K], alors : « 1°/ que la peine de confiscation prononcée à titre complémentaire et non à titre principal ne peut porter, en application de l'article 430 du code des douanes que sur les marchandises qui ont été ou devaient être substituées dans les cas prévus aux articles 411, § 2, a, 417, § 2, c, et 423, 2°, sur les marchandises présentées au départ dans le cas prévu par l'article 424, 1°, sur les moyens de transport lorsque le conducteur refuse d'obéir aux injonctions visées à l'article 61, § 1 ; qu'en prononçant la confiscation des sommes d'argent dont M. [K] demandait la restitution, à titre de peine complémentaire, bien non prévu par l'article 430 précité, la cour d'appel a méconnu les articles 414 et 430 du code des douanes ; 2°/ qu'en matière correctionnelle toute peine doit être individualisée et motivée en tenant compte de la gravité des faits, de la personnalité de son auteur et de sa situation personnelle ; que, pour prononcer à l'encontre de M. [K] la confiscation des biens saisis, la cour d'appel s'est bornée à énoncer « qu'en application de l'article 414, alinéa 1, du code des douanes, la peine complémentaire de confiscation est confirmée », a ainsi méconnu les principes d'individualisation et de motivation des articles 132-1, alinéa 2, 132-1, alinéa 3, et 130-1 du code pénal et 593 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour 15. Pour confirmer la confiscation, notamment, de la somme de 9 690 euros saisie au domicile du prévenu, l'arrêt attaqué énonce qu'il est fait droit à la demande de restitution du prévenu de son mémoire et de son diplôme saisis lors de la perquisition diligentée à son domicile, mais que les sommes d'argent constituant le produit des infractions ne seront pas restituées. 16. Les juges ajoutent qu'en application de l'article 414, alinéa 1, du code des douanes, la peine complémentaire de confiscation est confirmée, étant précisé qu'il s'agit de tous les objets saisis et des scellés à l'exception du diplôme et du mémoire de M. [K] qui lui sont restitués. 17. En statuant ainsi, la cour d'appel n'a méconnu aucun des textes visés au moyen. 18. En effet, d'une part, l'article 414, alinéa 1, du code des douanes autorise la confiscation du produit direct ou indirect de l'infraction douanière, peu important que l'arrêt qualifie à tort cette mesure de peine complémentaire. 19. D'autre part, le prononcé, par le juge correctionnel, de la confiscation douanière prévue à l'article 414 du code des douanes en répression des infractions de contrebande ou d'importation ou d'exportation sans déclaration de marchandises prohibées est soumis aux dispositions spécifiques de l'article 369 du code des douanes et échappe, par conséquent, aux prescriptions des articles 485 du code de procédure pénale et 132-1 du code pénal. 20. Dès lors, le moyen doit être écarté. 21. Par ailleurs l'arrêt est régulier en la forme. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le sept septembre deux mille vingt-deux. Crim., 7 novembre 2018, pourvoi n° 17-84.616, Bull. crim. 2018, n° 187 (déchéance et cassation), et l'arrêt cité.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° M 22-84.048 F-B 6 SEPTEMBRE 2022 CASSATION SANS RENVOI M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 6 SEPTEMBRE 2022 Le procureur général près la cour d'appel de Paris a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la dite cour d'appel, 7e section, en date du 24 mai 2022, qui, dans l'information suivie contre M. [D] [R] des chefs de complicité de meurtre, complicité de tentative de meurtre, destruction du bien d'autrui par un moyen dangereux pour les personnes, recel, en bande organisée, et association de malfaiteurs, a ordonné sa mise en liberté d'office et l'a placé sous contrôle judiciaire. Un mémoire a été produit. Sur le rapport de M. Rouvière, conseiller référendaire, et les conclusions de M. Lagauche, avocat général, après débats en l'audience publique du 6 septembre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Rouvière, conseiller rapporteur, Mme Ingall-Montagnier, conseiller de la chambre, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. Mis en examen des chefs précités, M. [D] [R] a été placé en détention provisoire. 3. Par ordonnance du 8 avril 2022, le juge des libertés et de la détention a rejeté sa demande de mise en liberté. 4. M. [R] a relevé appel de cette décision. Examen du moyen Enoncé du moyen 5. Le moyen est pris de la violation des articles 502, 503, D. 45-26, 591 et 593 du code de procédure pénale. 6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré recevable l'appel de M. [R] et ordonné sa mise en liberté d'office, alors qu'il ne peut être reproché au greffe pénitentiaire de ne pas considérer qu'un courrier, que lui a adressé un détenu, manifeste clairement l'intention de faire appel lorsque ce courrier comporte des demandes distinctes. Réponse de la Cour Vu l'article 503 du code de procédure pénale : 7. Il résulte de ce texte que l'appel formé par une personne détenue peut être fait au moyen d'une déclaration auprès du chef de l'établissement pénitentiaire. Le courrier adressé dans le délai légal d'appel par la personne détenue au greffe pénitentiaire et qui n'y a pas été conduite en temps utile pour lui permettre de former la déclaration d'appel ne produit les mêmes effets que celle-ci que s'il a pour unique objet d'exercer cette voie de recours. 8. Pour déclarer recevable l'appel formé par M. [R], l'arrêt attaqué retient que le courrier rédigé par celui-ci le 16 avril 2022, portant le tampon du greffe pénitentiaire en date du 19 avril 2022, est ainsi libellé : « Je vous écrit ce jour car j'ai besoin d'un certificat d'incarcération pour de l'administratif et je souhaite faire appel de mon refus de mise en liberté du 08/04/2022 ». 9. Les juges ajoutent que si ce courrier contient une double demande, il est cependant dénué de toute ambiguïté et pouvait être immédiatement interprété comme étant une déclaration d'intention de faire appel. 10. Ils en concluent que, malgré le caractère non équivoque de sa demande, M. [R] n'ayant pas été conduit au greffe pénitentiaire pour y établir la déclaration prévue à l'article 503 du code de procédure pénale, le courrier d'intention d'appel reçu le 19 avril 2022 a produit les mêmes effets qu'une telle déclaration, de sorte que l'appel était recevable. 11. En se déterminant ainsi, la chambre de l'instruction a méconnu le sens et la portée du texte susvisé. 12. En effet, le courrier adressé au greffe pénitentiaire par la personne détenue, dès lors qu'il comportait des demandes distinctes, ne pouvait être considéré comme valant déclaration d'appel, au sens de l'article 503 du code de procédure pénale (Crim., 25 mai 2022, pourvoi n° 22-81.572, publié au Bulletin). 13. La cassation est par conséquent encourue. Portée et conséquences de la cassation 14. La cassation aura lieu sans renvoi, la Cour de cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle de droit et de mettre fin au litige, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, en date du 24 mai 2022 ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; DIT irrecevable l'appel relevé par M. [D] [R] de l‘ordonnance du juge des libertés et de la détention de Bobigny du 8 avril 2022 rejetant sa demande de mise en liberté ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le six septembre deux mille vingt-deux. Sur la nécessité pour le courrier du prévenu détenu d'avoir pour seul objet l'appel, à rapprocher :Crim., 25 mai 2022, pourvoi n° 22-81.572, Bull. crim. 2022, et les arrêts cités.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° M 20-86.225 FS-B 6 SEPTEMBRE 2022 CASSATION SANS RENVOI Mme INGALL-MONTAGNIER conseiller le plus ancien faisant fonction de président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 6 SEPTEMBRE 2022 MM. [V] [O] et [T] [O] et la société [1] ont formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Lyon, 4e chambre, en date du 5 novembre 2020, qui, sur renvoi après cassation (Crim., 29 juin 2019, n° 18-82.617), pour infractions au code de la construction et de l'habitation, a condamné, les deux premiers, chacun à 3 000 euros d'amende avec sursis, la troisième, à 30 000 euros d'amende avec sursis et a prononcé sur les intérêts civils. Des mémoires ont été produits, en demande et en défense. Sur le rapport de M. Leblanc, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société [1], M. [V] [O] et de M. [T] [O], les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de l'association d'aide aux maîtres d'ouvrage individuels, partie civile, et les conclusions de M. Desportes, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 8 juin 2022 où étaient présents Mme Ingall-Montagnier, conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, M. Leblanc, conseiller rapporteur, M. Samuel, Mme Goanvic, MM. Sottet, Coirre, conseillers de la chambre, MM. Joly, Charmoillaux, Rouvière, conseillers référendaires, M. Desportes, premier avocat général, et Mme Coste-Floret, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. L'association d'aide aux maîtres d'ouvrage individuels (l'AAMOI), a été agréée en 2006 en qualité d'association de défense des consommateurs. 3. Par actes d'huissier en date des 24 et 25 novembre 2015, elle a fait citer devant le tribunal correctionnel la société [1], constructeur de maisons individuelles, et ses dirigeants, MM. [V] [O] et [T] [O], pour avoir, notamment, à des dates comprises entre le 22 novembre 2013 et le 15 janvier 2015, exigé de plusieurs clients la remise du solde du prix de la construction de leur maison en violation de l'article L. 231-4, II, du code de la construction et de l'habitation. 4. Par jugement du 17 juin 2016, le tribunal correctionnel a déclaré irrecevables les citations directes. 5. L'AAMOI a relevé appel de cette décision. 6. Par arrêté préfectoral du 24 avril 2018, l'AAMOI a fait l'objet d'un retrait de son agrément. Examen du moyen Enoncé du moyen 7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré recevable la citation directe de l'AAMOI, déclaré la société [1], MM. [V] [O] et [T] [O] coupables des infractions reprochées, les a condamnés à des peines d'amende, et les a condamnés solidairement à payer à l'AAMOI la somme de 3 000 euros à titre de réparation du préjudice collectif des consommateurs, alors « que seules les associations régulièrement déclarées ayant pour objet statutaire explicite la défense des intérêts des consommateurs peuvent exercer les droits reconnus à la partie civile relativement aux faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif des consommateurs à la condition d'avoir été agréées à cette fin ; que si en matière de citation directe, la recevabilité de la constitution de partie civile, qui met en mouvement l'action publique, s'apprécie à la date de la citation, le droit, sur l'action civile, de demander réparation du préjudice subi s'apprécie, lui, au jour où le juge statue ; qu'en déclarant que l'AAMOI, dont l'agrément avait été retiré en 2018, était recevable à demander réparation du préjudice porté à l'intérêt collectif des consommateurs au motif qu'à l'époque des faits et de la citation, son agrément était encore valable, et en faisant droit à ses demandes, la cour d'appel a violé les articles L. 621-1 du code de la consommation, 2 et 3 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour Sur la recevabilité du moyen critiquée en défense : 8. La Cour de cassation est en mesure de s'assurer que le moyen tendant à faire déclarer l'AAMOI irrecevable à demander réparation du préjudice porté à l'intérêt collectif des consommateurs, en raison du retrait de l'agrément, a été soutenu à titre subsidiaire devant la cour d'appel. 9. Le moyen est donc recevable devant la Cour de cassation. Sur le fond : Vu l'article L. 621-1 du code de la consommation : 10. Selon ce texte, si les associations régulièrement déclarées ayant pour objet statutaire explicite la défense des intérêts des consommateurs peuvent exercer les droits reconnus à la partie civile relativement aux faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif des consommateurs, c'est à la condition d'avoir été agréées à cette fin. 11. Pour condamner solidairement les prévenus à payer à l'AAMOI la somme de 3 000 euros en réparation du préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif des consommateurs en application des dispositions de l'article précité, l'arrêt attaqué énonce que ce préjudice a été subi avant décembre 2015, à une époque où son agrément était encore valable. 12. En se déterminant ainsi, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé. 13. En effet, au jour où cette juridiction a statué, l'association ne bénéficiait plus de l'agrément lui permettant de solliciter la réparation d'un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif des consommateurs. 14. La cassation est par conséquent encourue de ce chef. Portée et conséquences de la cassation : 15. La cassation à intervenir ne concerne que la condamnation solidaire de la société [1] et de MM. [V] [O] et [T] [O] à payer à l'AAMOI la somme de 3 000 euros à titre de réparation du préjudice collectif des consommateurs. Toutes les autres dispositions seront donc expressément maintenues. 16. La cassation aura lieu sans renvoi, la Cour de cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle de droit et de mettre fin au litige, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Lyon, en date du 5 novembre 2020, mais en ses seules dispositions relatives à l'indemnisation du préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif des consommateurs, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ; DÉCLARE irrecevable la demande de l'AAMOI en réparation d'un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif des consommateurs ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Lyon et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le six septembre deux mille vingt-deux.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° S 22-80.120 F-B 11 OCTOBRE 2022 M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 11 OCTOBRE 2022 M. [C] [O] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 5e section, en date du 15 décembre 2021, qui, dans la procédure d'extradition suivie contre lui à la demande du gouvernement russe, a émis en avis favorable. Un mémoire, des mémoires additionnels et des observations complémentaires ont été produits. Sur le rapport de M. Violeau, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [C] [O], et les conclusions de M. Aldebert, avocat général, l'avocat du demandeur ayant eu la parole en dernier, après débats en l'audience publique du 13 septembre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Violeau, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. M. [C] [O], ressortissant russe et maltais interpellé à l'aéroport de [1], a fait l'objet, de la part des autorités russes, d'une demande d'arrestation aux fins d'extradition provisoire, suivie d'une demande d'extradition aux fins de poursuites pénales, pour des faits commis entre le 9 décembre 2014 et le 1er septembre 2017 qualifiés de détournement de fonds, soustraction ou vol du bien d'autrui avec abus de la position officielle au sein d'un groupe organisé, à une échelle particulièrement grande. 3. M. [O] a déclaré ne pas consentir à sa remise. 4. Par arrêt avant dire droit du 28 avril 2021, la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris a ordonné un complément d'information afin de permettre, le cas échéant, aux autorités de la République de Malte de solliciter la remise de l'intéressé sur mandat d'arrêt européen. 5. L'affaire a été renvoyée à l'audience du 30 juin 2021, puis au 19 octobre 2021. 6. Le procureur général a transmis à la chambre de l'instruction, le jour de l'audience, un échange de courriel avec le bureau de l'entraide pénale internationale (BEPI) du ministère de la justice, précisant que « les autorités maltaises avaient bien été interrogées dès le mois de mars 2021 et nous avaient confirmé leur intention de ne pas émettre un MAE [...] ». Examen des moyens Sur le premier moyen 7. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Sur le deuxième moyen, pris en sa seconde branche Enoncé du moyen 8. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a émis un avis favorable à la demande d'extradition, alors : 2°/ qu'il ne résulte d'aucune des mentions de l'arrêt que le courriel du bureau de l'entraide pénale internationale du ministère de la justice du 18 octobre 2021 évoqué par le parquet général dans des réquisitions déposées le 19 octobre 2021, veille de l'audience, ait été concomitamment déposé au dossier de la procédure ni communiqué à la défense lors des débats ; en fondant sa décision sur ce courriel, la chambre de l'instruction a violé le principe du contradictoire et les droits de la défense, ensemble les articles préliminaire du code de procédure pénale et 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme. » Réponse de la Cour 9. La chambre de l'instruction a pu valablement se référer au courriel du BEPI du ministère de la justice produit la veille de l'audience par le ministère public, dès lors que l'avocat de la personne réclamée, entendu à l'audience en ses observations, ne s'est pas prévalu de cette irrégularité et n'a pas sollicité le renvoi de l'audience. 10. Ainsi, le moyen n'est pas fondé. Sur les troisième et quatrième moyens Enoncé des moyens 11. Les troisième et quatrième moyens critiquent l'arrêt attaqué en ce qu'il a émis un avis favorable à la demande d'extradition, alors que cet avis, pris au regard de la Convention européenne d'extradition du 13 décembre 1957, qui est une convention du Conseil de l'Europe, a perdu tout fondement légal, à raison de l'exclusion de la Russie du Conseil de l'Europe. Réponse de la Cour 12. Les moyens sont réunis. 13. Par résolution adoptée le 16 mars 2022, le Comité des ministres du Conseil de l'Europe a décidé, dans le cadre de la procédure lancée en vertu de l'article 8 du statut dudit Conseil, que la Fédération de Russie cessait immédiatement d'en être membre (CM/Del/Dec(2022)1428ter/2.3). 14. Par résolution adoptée le 23 mars 2022, le même Comité des ministres a décidé que la Fédération de Russie a cessé au 16 mars 2022 d'être partie contractante aux conventions et protocoles conclus dans le cadre du Conseil de l'Europe qui ne sont ouverts qu'aux Etats membres de l'organisation, mais qu'elle continuera à être partie contractante aux conventions et protocoles conclus dans le cadre du Conseil de l'Europe auxquels elle a exprimé son consentement à être liée, et qui sont ouverts à l'adhésion d'États non-membres (CM/Del/Dec(2022)1429bis/2.3). 15. Or, l'article 30 de la Convention européenne d'extradition du 13 décembre 1957 dispose, en son premier alinéa, que le Comité des ministres du Conseil de l'Europe pourra inviter tout Etat non-membre du Conseil à adhérer à la présente Convention. 16. Il en résulte que la Fédération de Russie continue à être partie contractante à ladite convention, nonobstant son exclusion du Conseil de l'Europe. 17. Dès lors, les moyens ne sont pas fondés. Mais sur le deuxième moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 18. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a émis un avis favorable à la demande d'extradition, alors : « 1°/ que l'avis est défavorable si les conditions légales de l'extradition ne sont pas remplies, ce qu'il incombe à la chambre de l'instruction de contrôler elle-même ; il résulte d'un arrêt du 6 septembre 2016 (C-182/15) de la Cour de justice de l'Union européenne qu'un Etat membre, saisi d'une demande d'extradition par un Etat tiers a l'obligation d'informer l'État membre de la nationalité de l'intéressé, et le cas échéant, à la demande de ce dernier État, de lui remettre ce citoyen, conformément aux dispositions relatives au mandat d'arrêt européen et aux procédures de remise entre États membres ; par arrêt avant dire droit du 28 avril 2021, la chambre de l'instruction a ordonné un complément d'information à cette fin, auprès des autorités de la République de Malte et précisé que la réponse devra lui être transmise avec sa traduction en langue française ; en s'en tenant, pour dire n'y avoir lieu de refuser l'extradition, en l'absence de réponse au dossier des autorités maltaises elles-mêmes, au contenu d'un courriel du bureau de l'entraide pénale internationale du ministère de la justice interrogé par le parquet général, selon lequel les autorités judiciaires de la République de Malte auraient confirmé en mars 2021 leur intention de ne pas émettre un mandat d'arrêt européen, la chambre de l'instruction s'en est ainsi remise au pouvoir exécutif, n'a pas exercé le contrôle qui lui incombait personnellement et a privé sa décision en la forme, des conditions essentielles de son existence légale ; » Réponse de la Cour Vu les articles 18 et 21 du traité sur le fonctionnement de l'Union Européenne et 593 du code de procédure pénale : 19. Selon les deux premiers de ces textes, lorsqu'un État membre dans lequel un citoyen de l'Union, ressortissant d'un autre État membre, s'est déplacé, se voit adresser une demande d'extradition par un État tiers avec lequel il a conclu un accord d'extradition, il est tenu d'informer l'État membre dont ledit citoyen a la nationalité et, le cas échéant, à la demande de ce dernier État membre, de lui remettre ce citoyen, conformément aux dispositions de la décision-cadre 2002/584/JAI du Conseil, du 13 juin 2002, relative au mandat d'arrêt européen et aux procédures de remise entre États membres, telle que modifiée par la décision-cadre 2009/299/JAI du Conseil, du 26 février 2009, pourvu que cet État membre soit compétent, en vertu de son droit national, pour poursuivre cette personne pour des faits commis en dehors de son territoire national (CJUE, arrêt du 6 septembre 2016, Petruhin, C-182/15). 20. Conformément au principe de coopération loyale, il incombe à l'État membre requis d'informer les autorités compétentes de l'État membre dont la personne réclamée a la nationalité non seulement de l'existence d'une demande d'extradition la visant, mais encore de l'ensemble des éléments de droit et de fait communiqués par l'État tiers requérant dans le cadre de cette demande d'extradition. 21. Il incombe également à l'État membre requis de tenir lesdites autorités informées de tout changement de la situation dans laquelle se trouve la personne réclamée, pertinent aux fins de l'éventuelle émission contre elle d'un mandat d'arrêt européen (CJUE, arrêt du 17 décembre 2020, By, C-398/19). 22. Cet échange d'informations a pour objet de mettre l'Etat membre, dont la personne réclamée a la nationalité, en mesure d'exercer le pouvoir discrétionnaire, relevant de sa souveraineté en matière pénale, d'exercer des poursuites pour les faits visés dans la demande d'extradition et de délivrer à cette fin un mandat d'arrêt européen. 23. Selon le troisième de ces textes, tout arrêt de la chambre de l'instruction doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux articulations essentielles des mémoires des parties. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence. 24. En l'espèce, pour émettre un avis favorable à la demande d'extradition, l'arrêt attaqué énonce en substance que le courriel du 18 octobre 2021 du BEPI du ministère de la justice, évoqué par le ministère public dans ses réquisitions écrites, permet d'apprendre que les autorités judiciaires de la République de Malte ont confirmé, dès mars 2021, leur intention de ne pas émettre de mandat d'arrêt européen à l'encontre de M. [O]. 25. Les juges en déduisent qu'il est justifié de l'information des autorités maltaises de l'existence d'une demande d'extradition de la part des autorités russes concernant l'intéressé, dès le mois de mars 2021. 26. En se déterminant ainsi, la chambre de l'instruction n'a pas justifié sa décision. 27. En effet, il lui incombait, en application des principes rappelés aux paragraphes 19 à 21, de s'assurer que cet État membre avait effectivement été mis en mesure d'apprécier l'opportunité d'émettre un mandat d'arrêt européen aux fins de poursuites pour les faits objet de la demande d'extradition, pour autant que son droit national le permette, ce qui ne pouvait résulter du simple échange de courriels entre le procureur général et le BEPI tel que soumis à la chambre de l'instruction. 28. La cassation est par conséquent encourue de ce chef. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, en date du 15 décembre 2021, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ; RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le onze octobre deux mille vingt-deux.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° K 22-81.126 F-B 11 OCTOBRE 2022 M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 11 OCTOBRE 2022 Mme [P] [U] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles, en date du 6 janvier 2022, qui, dans l'information suivie contre M. [J] [Y], des chefs de viol et d'agression sexuelle aggravés, a infirmé l'ordonnance du juge d'instruction la désignant en qualité d'administratrice ad hoc. Par ordonnance en date du 14 avril 2022, le président de la chambre criminelle a prescrit l'examen immédiat du pourvoi. Des mémoires ont été produits, en demande et en défense. Sur le rapport de M. Violeau, conseiller référendaire, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de Mme [P] [U], les observations de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de Mme [W] [K], et les conclusions de M. Lemoine, avocat général, après débats en l'audience publique du 13 septembre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Violeau, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. Une enquête a été diligentée à la suite des révélations faites par [S] [Y] d'agressions sexuelles commises sur sa personne par son frère, [J] [Y]. 3. Le 7 avril 2021, une information judiciaire a été ouverte des chefs d'agressions sexuelles incestueuses sur mineure de 15 ans et de viols incestueux sur mineure de 15 ans, pour lesquels M. [Y] a été mis en examen. 4. Le 15 avril 2021, un avis à se constituer partie civile a été adressé aux représentants légaux de [S] [Y]. 5. Le 18 juin 2021, à la suite d'une erreur de distribution, le juge d'instruction a transmis un nouvel avis à la mère de la mineure, Mme [W] [K]. 6. Par ordonnance du 5 juillet 2021, le juge d'instruction a désigné Mme [P] [U] en qualité d'administratrice ad hoc dans l'intérêt de [S] [Y]. 7. Le 12 juillet 2021, le juge d'instruction a reçu la constitution de partie civile de Mme [K] en tant que représentante légale de sa fille mineure. 8. L'avocat de Mme [K] a interjeté appel de l'ordonnance précitée de désignation d'un administrateur ad hoc. Examen des moyens Sur le deuxième moyen et le troisième moyen, pris en sa troisième branche 9. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Sur le premier moyen Enoncé du moyen 10. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a infirmé l'ordonnance du 5 juillet 2021, a considéré qu'il n'y avait pas lieu de désigner un mandataire ad hoc pour représenter [S] [Y] dans le cadre de la procédure ouverte du chef d'agressions sexuelles incestueuses sur mineur de 15 ans et de viols incestueux sur mineur de 15 ans, alors « qu'après avoir constaté que Maître [X], représentant de Mme [U], a déposé un mémoire en cours de l'audience du 2 décembre 2021 (arrêt, p. 2 alinéa 9), l'arrêt relève que « les avocats des parties civiles, régulièrement avisées, étaient absentes » (ibid., pénultième alinéa) ; qu'il est entaché d'une contradiction et encourt la censure pour violation des articles 591 et 593 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour 11. La demanderesse ne saurait se faire un grief des éventuelles mentions contradictoires de l'arrêt quant à la présence à l'audience de son avocat, dès lors que la chambre de l'instruction a répondu aux moyens péremptoires du mémoire transmis la veille de l'audience, qui était seul recevable. 12. Ainsi, le moyen doit être écarté. Sur le troisième moyen, pris en ses première et deuxième branches Enoncé du moyen 13. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a infirmé l'ordonnance du 5 juillet 2021, il a considéré qu'il n'y avait pas lieu de désigner un mandataire ad hoc pour représenter [S] [Y] dans le cadre de la procédure ouverte du chef d'agressions sexuelles incestueuses sur mineur de 15 ans et de viols incestueux sur mineur de 15 ans, alors : « 1°/ que le procureur de la république ou le juge d'instruction, saisi de faits commis volontairement à l'encontre d'un mineur, désigne un administrateur ad hoc lorsque la protection des intérêts de celui-ci n'est pas complètement assurée par ses représentants légaux ou par l'un d'entre eux ; qu'en décidant que la mère de la victime, l'enfant [S] [Y], pouvait assurer la protection de ses intérêts, quand elle était par ailleurs la mère de l'enfant mineur [J] [Y] auteur des faits et, en tant que telle, pouvait être déclarée civilement responsable des actes de ce dernier, les juges du fond ont violé l'article 706-50 du code de procédure pénale ; 2°/ que la désignation d'un mandataire ad hoc s'impose lorsque la protection des intérêts de l'enfant n'est pas complètement assurée par ses représentants légaux ; qu'en énonçant, à propos du conflit d'intérêt lié au fait que Mme [K] est à la fois la mère de l'auteur des faits et la mère de la victime, les juges du fond ont relevé que M. [J] [Y] est majeur et vit avec son père, pour rajouter : « ce qui permet de limiter fortement le risque d'interférence avec les décisions que sa mère pourrait être amenée à prendre pour elle » ; qu'en s'abstenant de rechercher si, quand bien même les risques seraient limités, cette situation n'était pas de nature à établir que la protection de [S] [Y] n'était pas complètement assurée, les juges du fond ont insuffisamment motivé leur décision au regard de l'article 706-50 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour 14. Selon l'article 20 de la directive 2012/29/UE du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2012 établissant des normes minimales concernant les droits, le soutien et la protection des victimes de la criminalité et remplaçant la décision-cadre 2001/220/JAI du Conseil, le mineur victime a, par principe, au cours d'une enquête pénale, le droit d'être accompagné de son représentant légal ou d'une personne de son choix, sauf décision contraire motivée. 15. Aux termes de l'article 706-50 du code de procédure pénale, le procureur de la République ou le juge d'instruction, saisi de faits commis volontairement à l'encontre d'un mineur, désigne un administrateur ad hoc lorsque la protection des intérêts de celui-ci n'est pas complètement assurée par ses représentants légaux ou par l'un d'entre eux. 16. Il en résulte que, d'une part, la seule circonstance que les faits sont qualifiés d'incestueux ne peut suffire à justifier la désignation d'un administrateur ad hoc. 17. D'autre part, il appartient au magistrat qui procède à une telle désignation, de motiver l'insuffisante capacité des représentants légaux à assurer complètement la protection du mineur, à partir de son appréciation souveraine des circonstances des faits. 18. En l'espèce, pour infirmer l'ordonnance de désignation d'un administrateur ad hoc, l'arrêt attaqué énonce notamment que la mère de [S] [Y], Mme [K], a accompli un certain nombre de démarches pour protéger sa fille mineure, une fois les faits d'agression sexuelle portés à sa connaissance, et l'a accompagnée à chaque étape de la procédure. 19. Ils relèvent qu'elle n'a aucunement cherché à couvrir ou à minimiser les agissements sexuels qu'[J] [Y] avait commis sur sa soeur et a séparé la fratrie afin d'éviter toute réitération dès qu'elle en a eu connaissance. 20. Les juges ajoutent en substance que le retard pris à se constituer partie civile est imputable non à sa négligence, mais à l'acheminement des courriers. 21. Ils énoncent que l'existence d'un conflit d'intérêts lié au fait que Mme [K] soit la mère à la fois de l'auteur et de la victime des faits n'est pas de nature à entraver la protection des intérêts de [S] [Y]. 22. Les juges en déduisent que Mme [K] n'a pas été défaillante dans la protection des intérêts de sa fille et qu'aucun élément ne justifie la désignation d'un administrateur ad hoc. 23. En l'état de ces énonciations, dénuées d'insuffisance comme de contradiction, la chambre de l'instruction n'a méconnu aucun des textes visés au moyen. 24. Dès lors, le moyen n'est pas fondé. 25. Par ailleurs l'arrêt est régulier en la forme. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi. FIXE à 2 500 euros la somme que Mme [U] devra payer à Mme [K] en application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le onze octobre deux mille vingt-deux.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° X 22-80.654 F-B 11 OCTOBRE 2022 M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 11 OCTOBRE 2022 M. [J] [G] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Nancy, en date du 19 janvier 2022, qui, dans la procédure d'extradition suivie contre lui à la demande du gouvernement américain, a émis un avis favorable. Un mémoire et des observations complémentaires ont été produits. Sur le rapport de M. Violeau, conseiller référendaire, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. [J] [G], et les conclusions de M. Lemoine, avocat général, après débats en l'audience publique du 13 septembre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Violeau, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. Le 29 avril 2021, M. [J] [G], ressortissant luxembourgeois, a fait l'objet d'une arrestation provisoire aux fins d'extradition, sur la base d'un mandat d'arrêt délivré le 24 septembre 2020, par une juge d'une cour de district de New York, pour des faits de complot en vue de commettre une fraude électronique et complot en vue de commettre un blanchiment commis courant 2014 à 2019 notamment aux Etats-Unis et au Luxembourg. 3. Le même jour, M. [G] a été placé sous écrou extraditionnel. 4. Le 2 juillet 2021, le procureur général lui a notifié la demande d'extradition transmise par les autorités judiciaires américaines pour ces faits. 5. M. [G] a déclaré ne pas consentir à sa remise. 6. Par arrêt du 21 juillet 2021, la chambre de l'instruction a ordonné, avant dire droit, un complément d'information pour que, d'une part, les autorités luxembourgeoises soient consultées sur l'extradition de leur ressortissant, d'autre part, les autorités américaines précisent les modalités de poursuite et d'exécution des peines relatives aux infractions reprochées à M. [G]. 7. Le procureur général a transmis à la chambre de l'instruction des échanges de courriels, datés des 3 et 4 mai 2021, avec les autorités judiciaires luxembourgeoises, aux termes desquels le parquet général du tribunal d'arrondissement de Luxembourg a indiqué : « je n'entends pas reprendre les poursuites menées contre [J] [G] par les autorités américaines. Par conséquent, je peux vous confirmer que le Luxembourg n'adressera dans ce contexte pas de mandat d'arrêt européen à la France. » Examen des moyens Sur le deuxième moyen et le troisième moyen, pris en sa première branche 8. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Sur le premier moyen Enoncé du moyen 9. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a délivré un avis favorable à l'extradition de M. [G], alors « que l'Etat requis doit transmettre à l'Etat dont la personne a la nationalité, l'ensemble des informations communiquées par l'Etat requérant dans la demande d'extradition ; que la chambre de l'instruction a relevé que « les autorités françaises ont informé (?) les autorités luxembourgeoises de la demande d'arrestation provisoire » et constaté qu'à cette date, les autorités françaises n'étaient pas saisies de la demande d'extradition ; qu'en estimant cependant la procédure régulière, la chambre de l'instruction a méconnu les articles 6 et 14 de la convention des droits de l'homme, 21 et 45 de la Charte des droits fondamentaux, 18 et 21 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, 591, 593 et 696-8 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour 10. La Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a dit pour droit que les articles 18 et 21 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) doivent être interprétés en ce sens que, lorsqu'un Etat membre dans lequel un citoyen de l'Union, ressortissant d'un autre Etat membre, s'est déplacé, se voit adresser une demande d'extradition par un Etat tiers avec lequel le premier Etat membre a conclu un accord d'extradition, il est tenu d'informer l'Etat membre dont ledit citoyen a la nationalité et, le cas échéant, à la demande de ce dernier Etat membre, de lui remettre ce citoyen, conformément aux dispositions de la décision-cadre 2002/584/JAI du Conseil du 13 juin 2002 relative au mandat d'arrêt européen et aux procédures de remise entre Etats membres, telle que modifiée par la décision-cadre 2009/299/JAI du Conseil du 26 février 2009, pourvu que cet Etat membre soit compétent, en vertu de son droit national, pour poursuivre cette personne pour des faits commis en dehors de son territoire national (CJUE, arrêt du 6 septembre 2016, Petruhin, C-182/15). 11. Elle a précisé que, conformément au principe de coopération loyale, il incombe à l'Etat membre requis d'informer les autorités compétentes de l'Etat membre dont la personne réclamée a la nationalité non seulement de l'existence d'une demande d'extradition la visant, mais encore de l'ensemble des éléments de droit et de fait communiqués par l'Etat tiers requérant dans le cadre de cette demande d'extradition. 12. La CJUE a ajouté qu'il incombe également à l'Etat membre requis de tenir lesdites autorités informées de tout changement de la situation dans laquelle se trouve la personne réclamée, pertinent aux fins de l'éventuelle émission contre elle d'un mandat d'arrêt européen (CJUE, arrêt du 17 décembre 2020, By, C-398/19). 13. Cet échange d'informations a pour objet de mettre l'Etat membre dont la personne réclamée a la nationalité en mesure d'exercer le pouvoir discrétionnaire, relevant de sa souveraineté en matière pénale, d'exercer des poursuites pour les faits visés dans la demande d'extradition et de délivrer à cette fin un mandat d'arrêt européen. 14. Une telle interprétation garantit l'exercice du droit à la libre circulation tout en évitant, dans la mesure du possible, le risque que l'infraction poursuivie demeure impunie (CJUE, arrêt du 6 septembre 2016 précité). 15. Par ailleurs, la CJUE a dit pour droit que pour autant qu'il ait dûment informé l'Etat membre dont la même personne a la nationalité de l'existence de la demande d'extradition, aux conditions rappelées ci-dessus aux paragraphes 11 à 13, l'Etat membre requis peut extrader cette personne sans être tenu d'attendre que l'Etat membre dont elle a la nationalité renonce, par une décision formelle, à l'émission d'un tel mandat d'arrêt, portant à tout le moins sur les mêmes faits que ceux visés dans la demande d'extradition, lorsque ce dernier Etat membre s'abstient de procéder à une telle émission dans un délai raisonnable que lui a accordé à cet effet l'Etat membre requis, tenant compte de l'ensemble des circonstances de l'affaire (CJUE, arrêt du 17 décembre 2020 précité). 16. Il s'évince de cette interprétation, justifiée par la mise en oeuvre des mécanismes de coopération et d'assistance mutuelle existant en matière pénale en vertu du droit de l'Union et afin de ne pas retarder indûment la procédure d'extradition, que l'Etat membre dont la personne réclamée a la nationalité n'a pas l'obligation de rendre une décision formelle, dûment motivée et susceptible d'un recours juridictionnel. 17. En l'espèce, pour émettre un avis favorable à la demande d'extradition, l'arrêt attaqué énonce que les autorités judiciaires luxembourgeoises ont été avisées par courriel du 3 mai 2021 de l'interpellation de M. [G], de nationalité luxembourgeoise, au titre d'une demande formelle d'arrestation provisoire des Etats-Unis d'Amérique aux fins d'extradition. 18. Les juges relèvent qu'il y était précisé que l'intéressé a été placé sous écrou extraditionnel pour l'exercice de poursuites pénales au titre d'un mandat d'arrêt décerné le 24 septembre 2020 par une juge américaine pour des faits commis entre 2014 et 2019, qualifiés de fraude électronique et blanchiment en lien avec la vente d'une crypto-monnaie, OneCoin. 19. Ils ajoutent que les autorités françaises ont précisé aux autorités luxembourgeoises que l'intéressé était plus précisément accusé par les autorités américaines d'avoir fourni « des services d'espionnage industriel et de blanchiment d'argent » et « des informations de police confidentielles aux principaux accusés permettant à l'un des deux fondateurs de la société et du montage pyramidal/système de Ponzi d'échapper à une arrestation », ainsi que « d'avoir poursuivi les activités de OneCoin au moyen d'une société enregistrée à son nom aux Emirats-Arabes-Unis ». 20. Les juges retiennent que par courriel du 4 mai 2021, les autorités luxembourgeoises ont indiqué ne pas vouloir reprendre les poursuites ni délivrer de mandat d'arrêt européen pour ces faits. 21. Ils concluent en substance que les informations communiquées par les autorités françaises sont suffisamment précises quant à l'existence de la demande d'extradition émanant des autorités américaines et quant aux éléments de fait et de droit communiqués par les Etats-Unis d'Amérique à la France, pour permettre aux autorités luxembourgeoises d'exercer des poursuites à l'encontre de M. [G]. 22. En l'état de ces énonciations, la chambre de l'instruction n'a méconnu aucun des textes visés au moyen. 23. En effet, la réception de la demande d'extradition ne pouvait être analysée, en l'espèce, comme un changement pertinent de la situation de M. [G], dès lors que les informations communiquées par le ministre français de la justice, après arrestation provisoire du requérant, mentionnaient expressément l'existence d'une demande d'extradition pour poursuites pénales et étaient suffisamment précises pour permettre aux autorités judiciaires du Luxembourg d'apprécier l'opportunité de délivrer un mandat d'arrêt européen contre lui. 24. Dès lors, le moyen n'est pas fondé. 25. Par ailleurs, s'agissant des questions préjudicielles présentées à titre subsidiaire, il n'y a pas lieu de transmettre la première qui porte sur l'étendue de l'échange d'informations entre Etats membres, dont la substance est identique à une question à laquelle la CJUE a répondu dans son arrêt du 17 décembre 2020 précité, ni les deuxième et troisième relatives à la forme de la décision de refus de délivrance d'un mandat d'arrêt européen et à l'existence d'un recours contre celle-ci, leur réponse se déduisant de l'arrêt susvisé de la CJUE. Sur le troisième moyen, pris en sa seconde branche Enoncé du moyen 26. Le moyen, en sa secondre branche, critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a délivré un avis favorable à l'extradition de M. [G], alors : « 2°/ que l'existence d'un « risque » de subir un traitement inhumain et dégradant impose le refus de l'extradition ; qu'après avoir établi la pratique répandue de la détention et de l'isolement cellulaire, la chambre de l'instruction a accordé l'extradition en ce que la détention n'est pas automatiquement prononcée et que ses modalités sont incertaines ; qu'en imposant la certitude que soit prononcé un tel traitement tandis que seul le « risque » de le subir suffit pour refuser l'extradition, la chambre de l'instruction a méconnu les articles 3 et 6 de la Convention des droits de l'homme, 4 et 19 de la Charte des droits fondamentaux, 591 et 593 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour 27. La CJUE énonce qu'en l'absence d'émission d'un mandat d'arrêt européen par l'Etat membre dont la personne réclamée a la nationalité, l'Etat membre requis peut procéder à son extradition, à condition d'avoir vérifié que cette extradition ne portera pas atteinte aux droits visés à l'article 19, alinéa 2, de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. 28. Pour ce faire, cet Etat membre, conformément à l'article 4 de la Charte précitée qui interdit les peines ou les traitements inhumains ou dégradants, ne saurait se limiter à prendre en considération les seules déclarations de l'Etat tiers requérant ou l'acceptation, par ce dernier Etat, de traités internationaux garantissant, en principe, le respect des droits fondamentaux. L'autorité compétente de l'Etat membre requis doit se fonder, aux fins de cette vérification, sur des éléments objectifs, fiables, précis et dûment actualisés, éléments pouvant résulter, notamment, de décisions judiciaires internationales, telles que des arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme, des décisions judiciaires de l'Etat tiers requérant ainsi que des décisions, des rapports et d'autres documents établis par les organes du Conseil de l'Europe ou relevant du système des Nations unies (CJUE, arrêt du 6 septembre 2016 précité ; arrêt du 2 avril 2020, Ruska Federacija, C-897/19). 29. En l'espèce, pour écarter le grief tiré du risque de traitement inhumain et dégradant, l'arrêt attaqué énonce, en substance, que les documents produits par la défense, notamment les rapports établis courant 2014 du Comité contre la torture des Nations unies et du Comité des droits de l'homme des Nations unies, ainsi que le rapport pour l'année 2020 du groupe de travail sur la détention arbitraire du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l'homme, font état d'inquiétudes et de préoccupations sur des pratiques pénitentiaires et des agressions sur des détenus estimées trop répandues, sans que l'isolement cellulaire ne soit identifié comme systématique. 30. Les juges en déduisent que ces éléments ne constituent pas un tableau objectif, fiable, précis et dûment actualisé des éventuelles conditions de détention de M. [G], détention qui par ailleurs en l'état actuel de la procédure est hypothétique dans son principe et incertaine dans ses modalités. 31. En l'état de ces seules énonciations, la chambre de l'instruction a fait l'exacte application des textes visés au moyen. 32. En effet, elle a exactement retenu qu'aucun élément objectif, fiable, précis et dûment actualisé caractérisait l'existence d'un risque, pour la personne réclamée, d'être soumise à une détention dans des conditions portant atteinte à la dignité humaine. 33. Ainsi, le moyen n'est pas fondé. 34. En l'absence de doute raisonnable, il n'y a pas lieu de transmettre la question préjudicielle présentée à titre subsidiaire portant sur la nécessité, pour l'Etat membre requis, de lancer la procédure de consultation prévue à l'article 17, § 2, de l'accord d'extradition entre l'Union européenne et les Etats-Unis d'Amérique, lorsqu'il n'est pas en mesure de s'assurer que les droits et libertés consacrés par le droit de l'Union seraient garantis en cas d'extradition ou que celle-ci aurait des conséquences manifestement disproportionnées. 35. Par ailleurs l'arrêt est régulier en la forme. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le onze octobre deux mille vingt-deux.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° T 21-82.440 F-B 12 OCTOBRE 2022 M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 12 OCTOBRE 2022 M. [R] [H] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Poitiers, chambre correctionnelle, en date du 17 mars 2021, qui, pour infractions à la législation sur les stupéfiants, en récidive, l'a condamné à un an d'emprisonnement et ordonné la révocation d'un sursis avec mise à l'épreuve. Un mémoire a été produit. Sur le rapport de Mme Barbé, conseiller référendaire, les observations de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de M. [R] [H], et les conclusions de M. Bougy, avocat général, après débats en l'audience publique du 14 septembre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Barbé, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et Mme Coste-Floret, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. Par jugement du 12 novembre 2020, le tribunal correctionnel a déclaré le prévenu coupable d'acquisition et de détention de produits stupéfiants du 20 mai au 9 novembre 2020, en récidive. Il l'a relaxé des chefs d'offre, de cession et de transport pour la même période. Il l'a condamné à un an d'emprisonnement et a ordonné la révocation totale d'une peine d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve prononcée par un tribunal correctionnel le 24 avril 2019. 3. Le prévenu a formé appel hors la présence de son avocat, à titre principal, par déclaration du 22 novembre 2020, limitant son recours à la révocation. 4. Le ministère public a relevé appel, à titre incident, indiquant que son appel comportait la même limitation. Examen des moyens Sur le premier moyen Enoncé du moyen 5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a donné acte à M. [H] du fait qu'il revenait sur la limitation de son appel, rectifié la prévention en ce que les faits ont été commis entre le 15 mai et le 9 juin 2020, infirmé la décision déférée en ce qu'elle a renvoyé M. [H] des fins de la poursuite pour l'infraction de transport de produits stupéfiants et confirmé le jugement déféré en toutes ses autres dispositions, alors : « 1°/ que l'affaire est dévolue à la cour d'appel dans les limites fixées par l'acte d'appel et par la qualité de l'appelant, que si le jugement entrepris contient des dispositions distinctes et s'il n'y a appel que de certaines d'entre elles, la cour d'appel ne peut réformer celles dont elle n'est pas saisie, que ce principe général et absolu s'applique à l'appel du ministère public et que la cour ne peut, sur le seul appel du prévenu aggraver le sort de l'appelant ; qu'en infirmant la décision de relaxe des premiers juges pour les faits de transport de produits stupéfiants lorsque le ministère public n'a pas relevé appel de ce chef du dispositif du jugement entrepris, que son acte d'appel précise que le recours porte uniquement sur la révocation totale du sursis avec mise à l'épreuve prononcée par le tribunal correctionnel de Poitiers le 24 avril 2019 et que le fait pour le prévenu de revenir à l'audience sur la limitation de son appel ne pouvait avoir d'effet quant à l'appel limité à la peine du ministère public, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs et partant, violé les articles 6 de la convention européenne des droits de l'homme, 502, 509, 515, 591 et 593 du code de procédure pénale ; 2°/ que les juges ne peuvent statuer que sur les faits dont ils sont saisis à moins que le prévenu n'accepte expressément d'être jugé sur des faits distincts de ceux visés à la prévention ; qu'en rectifiant la période de la prévention dont elle était saisie en ce que des faits de transport de produits stupéfiants auraient été commis par M. [H] entre le 15 mai et le 9 juin 2020, sans avoir recueilli l'accord exprès de celui-ci pour être jugé sur des faits distincts de ceux visés dans la prévention, la cour d'appel a méconnu les articles 6 de la convention européenne des droits de l'Homme, 388, 591 et 593 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour Sur le moyen, pris en sa première branche Vu les articles 509 et 515 du code de procédure pénale : 6. Selon le premier de ces textes, l'affaire est dévolue à la cour d'appel dans la limite fixée par l'acte d'appel et par la qualité de l'appelant ainsi qu'il est dit au second. Lorsque la limitation de la portée de l'appel sur l'action publique aux peines prononcées n'a pas été faite par l'avocat du prévenu, ou par le prévenu en présence de son avocat, le prévenu peut revenir sur cette limitation à l'audience. 7. Selon le second, la cour ne peut, sur le seul appel du prévenu, du civilement responsable, de la partie civile ou de l'assureur de l'une de ces personnes, aggraver le sort de l'appelant. 8. L'arrêt attaqué mentionne qu'à l'audience de la cour d'appel, d'une part, le prévenu est revenu sur la limitation de son appel, indiquant étendre son recours à toutes les dispositions pénales du jugement, et, d'autre part, que le ministère public a précisé qu'il n'était pas appelant et requis la confirmation de la peine prononcée et de la révocation du sursis avec mise à l'épreuve. 9. En déclarant le prévenu coupable du délit de transport illicite de stupéfiants, dont il avait été relaxé par le tribunal correctionnel, alors qu'elle a constaté qu'elle n'était saisie que du seul appel du prévenu, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés. 10. La cassation est, dès lors, encourue. Et sur le moyen, pris en sa seconde branche Vu l'article 388 du code de procédure pénale : 11. Selon ce texte, les juges ne peuvent statuer que sur les faits dont ils sont saisis, à moins que le prévenu n'accepte expressément d'être jugé sur des faits distincts de ceux visés par la prévention. 12. Il résulte des pièces de procédure que le prévenu a été poursuivi pour des infractions commises du 20 mai au 9 novembre 2020. L'arrêt attaqué indique qu'à l'audience de la cour d'appel, la juridiction a mis dans le débat la date de la prévention, indiquant qu'elle était erronée et devait s'entendre du 15 mai au 9 juin 2020. 13. En déclarant le prévenu coupable de faits commis le 15 mai 2020, sans qu'il ait accepté expressément d'être jugé sur des faits antérieurs à ceux visés par la prévention, la cour d'appel a excédé sa saisine et méconnu le texte susvisé. 14. La cassation est, par conséquent, de nouveau encourue de ce chef. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu d'examiner le second moyen de cassation proposé, la Cour : CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Poitiers, en date du 17 mars 2021, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ; RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Poitiers, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Poitiers, et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le douze octobre deux mille vingt-deux.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° E 21-87.534 F-B 12 OCTOBRE 2022 M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 12 OCTOBRE 2022 M. [R] [W] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, chambre 5-5, en date du 29 septembre 2021, qui, pour violences aggravées, l'a condamné à six mois d'emprisonnement avec sursis probatoire. Un mémoire a été produit. Sur le rapport de Mme Leprieur, conseiller, les observations de la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat de M. [R] [W], et les conclusions de M. Bougy, avocat général, après débats en l'audience publique du 14 septembre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Leprieur, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et Mme Coste-Floret, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. M. [R] [W] a été condamné par le tribunal correctionnel, du chef précité, à six mois d'emprisonnement avec sursis. 3. Le prévenu a relevé appel de cette décision et le ministère public appel incident. Examen du moyen Enoncé du moyen 4. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté les exceptions de nullité, déclaré le prévenu coupable et l'a condamné à la peine de six mois d'emprisonnement assortie d'un sursis probatoire, alors « que la personne placée en garde à vue est immédiatement informée par un officier de police judiciaire ou, sous le contrôle de celui-ci, par un agent de police judiciaire, dans une langue qu'elle comprend, des droits dont elle bénéficie ; que si la personne ne comprend pas le français, ses droits doivent lui être notifiés par l'intermédiaire d'un interprète, le cas échéant après qu'un formulaire lui a été remis pour son information immédiate ; que tout retard dans la notification orale de ses droits, non justifié par une circonstance insurmontable, porte nécessairement atteinte à ses intérêts ; qu'en l'espèce, M. [W], de nationalité arménienne et ne comprenant pas le français, a été placé en garde à vue le 9 janvier 2020 à 20h40 ; qu'un formulaire de notification de ses droits dans la langue qu'il comprend lui a alors été remis ; que ses droits ne lui ont cependant été notifiés oralement par l'intermédiaire d'un interprète que le 10 janvier 2020 à 9h50, soit avec un retard de 13h10, sans qu'il ne soit justifié de circonstances insurmontables ayant empêché une notification immédiate de ses droits, ni qu'il ait été procédé à une notification par téléphone ; qu'en refusant néanmoins d'annuler le placement en garde à vue et les actes subséquents, la cour d'appel a violé l'article 63-1 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour 5. Le demandeur ne peut critiquer la réponse donnée par l'arrêt attaqué à une exception de nullité, tirée de la tardiveté de la notification de ses droits en garde à vue, qu'il a présentée pour la première fois devant la cour d'appel, dès lors que, par application de l'article 385 du code de procédure pénale, cette exception n'ayant pas été invoquée devant le tribunal, devant lequel le prévenu a comparu, elle ne pouvait l'être pour la première fois devant la juridiction du second degré. 6. Le moyen ne peut donc être admis. 7. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le douze octobre deux mille vingt-deux.
CASS/JURITEXT000046437412.xml
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° Z 21-85.413 F-B 12 OCTOBRE 2022 M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 12 OCTOBRE 2022 M. [E] [D] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'application des peines de la cour d'appel de Bastia, en date du 7 septembre 2021, qui a prononcé sur une demande de conversion de peine. Un mémoire a été produit. Sur le rapport de Mme Guerrini, conseiller référendaire, les observations de la SCP Marlange et de La Burgade, avocat de M. [E] [D], et les conclusions de M. Bougy, avocat général, après débats en l'audience publique du 14 septembre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Guerrini, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et Mme Coste-Floret, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. Par jugement du 26 septembre 2017, le tribunal correctionnel de Bastia a condamné M. [E] [D] à la peine de six mois d'emprisonnement en répression de faits d'emploi à son domicile d'une personne en situation irrégulière moyennant une rémunération manifestement insuffisante au regard des tâches effectuées. 3. Par jugement du 13 septembre 2018, le juge de l'application des peines a refusé l'aménagement de la peine. 4. M. [D] a présenté une demande de conversion de cette peine en jours-amende le 10 décembre 2020. 5. Par jugement du 7 juin 2021, le juge de l'application des peines l'a rejetée. 6. M. [D] a relevé appel de cette décision. Examen du moyen Enoncé du moyen 7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la demande d'aménagement de peine de M. [D], alors : « 1°/ que l'article 723-15 du code de procédure pénale, dans sa version issue de la loi du 23 mars 2019, prévoit que toute peine d'emprisonnement ferme d'un condamné libre inférieure ou égale à six mois doit faire l'objet d'une détention à domicile sous surveillance électronique, d'une semi-liberté ou d'un placement à l'extérieur ; que l'arrêt attaqué constate que M. [D] a été condamné à une peine de six mois d'emprisonnement ferme et qu'il est libre ; qu'en refusant toutefois d'aménager cette peine, au seul motif pris de l'insuffisance des éléments communiqués, cependant qu'elle était tenue de prononcer, même d'office, l'une des mesures d'aménagement susvisées, après avoir ordonné au besoin des investigations complémentaires, la chambre de l'application des peines a violé les articles 723-15 et 712-16 du code de procédure pénale ; 2°/ que l'article 723-15 du code de procédure pénale, dans sa version issue de la loi du 23 mars 2019, a mis en place une obligation d'aménagement des peines fermes des condamnés libres inférieures ou égales à six mois d'emprisonnement, sauf si la personnalité ou la situation du condamné rendent les mesures d'aménagement impossibles ; que l'arrêt attaqué constate que M. [D] a été condamné à une peine de six mois d'emprisonnement ferme et qu'il est libre ; qu'en refusant toutefois d'aménager cette peine, sans constater que la personnalité de M. [D] ou sa situation rendaient impossible cet aménagement, la chambre de l'application des peines n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 723-15 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour 8. Pour confirmer le jugement du juge de l'application des peines ayant rejeté la demande de conversion de peine, l'arrêt attaqué retient que le service pénitentiaire d'insertion et de probation a indiqué que M. [D] n'a pas communiqué les justificatifs permettant l'examen de sa situation, et que ce service émet un avis défavorable à la mesure d'aménagement sollicitée, alors que l'intéressé s'était engagé lors du débat contradictoire devant le premier juge, à fournir les documents nécessaires, notamment ceux permettant d'apprécier ses ressources et ses charges. 9. Les juges ajoutent que même en prévision de l'audience de la chambre de l'application des peines statuant sur son appel, M. [D], parfaitement au fait de cette procédure qui dure depuis plusieurs années déjà, n'a pas fourni les éléments demandés, et qu'il produit simplement deux pièces fiscales qui ne permettent pas d'avoir une idée même approximative de ses revenus et de ses charges. 10. En l'état de ces motifs, la chambre de l'application des peines, qui n'était saisie que d'une demande de conversion de peine, n'a pas encouru le grief allégué. 11. En effet, d'une part, saisie d'une demande d'aménagement ou de conversion de peine par le condamné, la juridiction de l'application des peines n'a pas l'obligation de se prononcer d'office sur l'opportunité de prononcer une mesure qui ne lui est pas demandée. 12. D'autre part, ayant la faculté, sur le fondement de l'article 747-1 du code de procédure pénale, d'ordonner une conversion de peine si cette mesure lui paraît de nature à assurer la réinsertion du condamné et à prévenir sa récidive, sans être tenue de motiver sa décision par référence aux critères de l'article 723-15 du même code, lequel se rapporte au régime de l'aménagement des peines mais est étranger à celui de leur conversion, la chambre de l'application des peines, qui a souverainement constaté que le condamné n'a pas fourni les éléments nécessaires à l'appréciation de sa demande, a justifié sa décision. 13. Ainsi le moyen doit être écarté . 14. Par ailleurs l'arrêt est régulier en la forme. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le douze octobre deux mille vingt-deux.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° N 22-84.417 F- B 11 OCTOBRE 2022 M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 11 OCTOBRE 2022 M. [X] [I] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, en date du 24 mai 2022, qui, sur renvoi après cassation (Crim. 22 juin 2021, n° 21-82.364), a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction le renvoyant devant le tribunal correctionnel, sous la prévention de complicité de diffamation publique envers un fonctionnaire. Un mémoire a été produit. Sur le rapport de M. Maziau, conseiller, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. [X] [I], et les conclusions de Mme Chauvelot, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 11 octobre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Maziau, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. Le 19 avril 2019, M. [T] [Y] a porté plainte et s'est constitué partie civile du chef de diffamation publique envers un fonctionnaire contre M. [H] [E], directeur de publication du Journal de l'Ile, en tant qu'auteur, M. [L] [D], journaliste, et M. [X] [I], en qualité de complices, à raison d'un article de presse publié le 19 janvier 2019. 3. Le 20 juin 2019, le doyen des juges d'instruction a rendu une ordonnance de non-informer, invitant la partie civile à engager des poursuites par voie de citation directe. 4. M. [Y] a interjeté appel de cette ordonnance. Par arrêt du 8 octobre 2019, la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion a infirmé cette ordonnance et « fait retour de la procédure au juge d'instruction saisi ». Un juge d'instruction a été désigné le 11 février 2020. 5. Le 25 février suivant, le procureur de la République a pris un réquisitoire introductif. Le 29 septembre 2020, M. [I] a été mis en examen du chef de complicité de diffamation publique envers un fonctionnaire. 6. Le magistrat instructeur a rendu un avis de fin d'information le 2 novembre 2020. Le 5 novembre suivant, M. [I] l'a saisi d'une requête aux fins de constatation de la prescription de l'action publique. 7. Par ordonnance du 9 décembre 2020, le juge d'instruction a rejeté cette requête et ordonné le renvoi de M. [I] devant le tribunal correctionnel. 8. L'intéressé a relevé appel de cette ordonnance. Examen des moyens Sur le premier moyen Enoncé du moyen 9. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction ayant rejeté la requête de M. [I] aux fins de constatation de la prescription de l'action publique, alors « qu'à compter de l'ouverture de l'information, la partie civile tient des articles 81, alinéa 9, 82-1, 156 et 173, alinéa 3, du code de procédure pénale la faculté de demander à la juridiction d'instruction l'accomplissement de certains actes interruptifs, notamment son audition ; qu'en retenant que la partie civile ne disposait d'aucun moyen de droit pour forcer le juge d'instruction à accomplir un acte afin d'interrompre la courte prescription de l'article 65 de la loi sur la presse entre l'arrêt de la chambre de l'instruction du 8 octobre 2019 et la saisine du parquet par le juge d'instruction désigné le 11 février 2020, tout en constatant que cet arrêt infirmait l'ordonnance de refus d'informer et faisait retour de la procédure au juge d'instruction saisi, auquel la partie civile pouvait donc demander l'accomplissement de certains actes interruptifs, notamment son audition, la chambre de l'instruction a méconnu les articles 65 de la loi du 29 juillet 1881, 9-3, 81, alinéa 9, 82-1, 86, 156, 173, alinéa 3, 591 et 593 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour 10. La Cour de cassation juge (Crim., 22 novembre 2005, pourvoi n° 05-82.807, Bull. n° 304) qu'il résulte de la combinaison des articles 82-1 et 89 du code de procédure pénale que la faculté de présenter une demande d'acte au juge d'instruction n'est offerte à la partie civile qu'après l'ouverture de l'information. Celle-ci ne dispose d'aucun moyen de droit pour obliger le juge d'instruction à accomplir un acte interruptif de prescription tant que le procureur de la République n'a pas pris ses réquisitions après communication de la plainte en application de l'article 86 dudit code de sorte qu'entre temps, la prescription est nécessairement suspendue. 11. En l'espèce, pour confirmer l'ordonnance du juge d'instruction ayant rejeté sa requête aux fins de constatation de la prescription de l'action publique, l'arrêt attaqué énonce que celle-ci ne saurait être constatée, puisqu'un obstacle de droit a interdit à la partie civile d'agir dès lors que, pour la période visée, de la décision de la chambre de l'instruction jusqu'à la saisine du ministère public par le juge d'instruction, la partie civile ne disposait d'aucun moyen de droit pour forcer le magistrat instructeur à accomplir un acte afin d'interrompre la courte prescription de l'article 65 de la loi sur la presse. 12. Les juges rappellent que si une jurisprudence constante de la Cour de cassation considère qu'il appartient à la partie civile de surveiller le déroulement de la procédure et d'accomplir les diligences utiles, c'est à la condition qu'elle puisse juridiquement le faire et qu'elle ne rencontre pas d'obstacle dirimant, ce qui est le cas avant l'ouverture d'une information judiciaire. 13. En se déterminant ainsi et dès lors que faute d'ouverture d'une information judiciaire, la partie civile ne disposait d'aucune voie de droit pour saisir d'une demande d'acte le doyen des juges d'instruction, la chambre de l'instruction a justifié sa décision. 14. Dès lors, le moyen doit être écarté. Mais sur le second moyen Enoncé du moyen 15. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la demande relative à une éventuelle nullité de la plainte, alors « que la chambre de l'instruction qui, comme en l'espèce, statue sur le règlement d'une procédure sur renvoi après cassation est compétente pour se prononcer sur le moyen tiré de la nullité de la plainte avec constitution de partie civile ne répondant pas aux exigences de l'article 50 de la loi du 29 juillet 1881 ; qu'en retenant, pour rejeter le moyen tiré de la nullité de la plainte avec constitution de partie civile pour méconnaissance des exigences de l'article 50 de la loi du 29 juillet 1881, que « saisie d'un appel après cassation », il ne lui appartenait pas d'examiner la question d'une éventuelle nullité de la plainte, la chambre de l'instruction a méconnu les articles 50 de la loi du 29 juillet 1881, 206 et 609-1 du code de procédure pénale, ensemble les articles 591 et 593 du même code. » Réponse de la Cour Vu les articles 206 et 609-1 du code de procédure pénale et 50 de la loi du 29 juillet 1881 : 16. Il se déduit des deux premiers de ces textes qu'il appartient à la chambre de l'instruction, statuant comme juridiction de renvoi après cassation d'un arrêt statuant sur le règlement d'une procédure, d'examiner la régularité des procédures qui lui sont soumises et, si elle découvre une cause de nullité, de prononcer la nullité de l'acte qui en est entaché et, s'il convient, celle de tout ou partie de la procédure ultérieure. 17. Il résulte du dernier de ces textes que la nullité découlant de son inobservation qui est absolue et d'ordre public, peut être invoquée d'office à tout moment de la procédure. 18. Pour rejeter la demande de M. [I] de constater la nullité de la plainte, l'arrêt attaqué énonce qu'il n'appartient pas à la chambre de l'instruction, saisie d'un appel après cassation, d'examiner la question d'une éventuelle nullité de la plainte déposée par M. [Y], question qui est de la compétence de la juridiction de fond. 19. En se déterminant ainsi, alors que la régularité de la plainte est une condition nécessaire de la validité du renvoi de la personne mise en examen devant le tribunal correctionnel, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés. 20. La cassation est par conséquent encourue. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, en date du 24 mai 2022, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ; RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le onze octobre deux mille vingt-deux.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° N 21-86.138 F-B 12 OCTOBRE 2022 CASSATION PARTIELLE NON-LIEU A STATUER M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 12 OCTOBRE 2022 MM. [V] [Z], [N] [K], [A] [M], [J] [H] et [N] [B] ont formé des pourvois contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Dijon, en date du 22 mai 2019, qui, dans l'information suivie contre eux des chefs, notamment, d'infractions à la législation sur les stupéfiants et association de malfaiteurs, a prononcé sur leurs requêtes en annulation d'actes de la procédure. MM. [A] [M], [J] [H], [X] [F] et [N] [B] ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel de Dijon, chambre correctionnelle, en date du 16 septembre 2021, qui, notamment, pour infractions à la législation sur les stupéfiants, a condamné, le premier, à neuf ans d'emprisonnement et 20 000 euros d'amende, le deuxième, à un an d'emprisonnement, le troisième, à six ans d'emprisonnement, le quatrième, à quatre ans d'emprisonnement, et a ordonné une mesure de confiscation. Les pourvois sont joints en raison de la connexité. Des mémoires, pour MM. [A] [M] et [X] [F], et des observations complémentaires ont été produits. Sur le rapport de M. Turbeaux, conseiller, les observations de la SCP Spinosi, avocat de M. [A] [M], les observations de Me Laurent Goldman, avocat de M. [X] [F], et les conclusions de M. Bougy, avocat général, après débats en l'audience publique du 14 septembre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Turbeaux, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et Mme Coste-Floret, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. Compte tenu de renseignements convergents, notamment une demande d'entraide émanant des autorités néerlandaises, une enquête a été ordonnée à propos de faits d'importation de cannabis en provenance d'Espagne. Une information judiciaire a été ouverte le 7 février 2018. 3. C'est ainsi que cinq voyages en Espagne ont été relevés, le premier étant effectué du 10 au 13 mars 2018. Un voyage en Belgique a été identifié. 4. Des interpellations ont pu être réalisées au retour du dernier voyage, le 10 juillet 2018, 663,4 kg de cannabis ont été saisis dans un des véhicules interceptés. 5. Entre autres personnes mises en cause, MM. [V] [Z], [N] [K], [A] [M], [J] [H], [X] [F] et [N] [B] ont été mis en examen. 6. Par requêtes en date du 14 janvier 2019, émanant notamment de MM. [Z], [K], [M], [H], [F] et [B], la chambre de l'instruction a été saisie de demandes d'annulation d'actes de la procédure. 7. La chambre de l'instruction les a rejetées par arrêt du 22 mai 2019. 8. MM. [Z], [K], [M], [H] et [B] ont formé des pourvois contre cette décision. 9. MM. [M] et [H] ont demandé que leurs pourvois soient déclarés immédiatement recevables. 10. Par ordonnance du 16 septembre 2019, le président de la chambre criminelle a rejeté ces requêtes et a ordonné le retour de la procédure à l'égard des pourvois formés par MM. [Z], [K] et [B]. 11. Saisi par une ordonnance de renvoi du 15 mai 2020, le tribunal correctionnel a condamné M. [M], pour recels, usage de fausses plaques d'immatriculation, association de malfaiteurs, complicité de transport, détention et importation de stupéfiants, complicité de détention et de transport de marchandises dangereuses pour la santé et complicité d'importation en contrebande, à neuf ans d'emprisonnement, 20 000 euros d'amende, a ordonné une mesure de confiscation et a décerné mandat d'arrêt. 12. M. [H] a été condamné, pour association de malfaiteurs et recel en récidive à un an d'emprisonnement et le tribunal a ordonné une mesure de confiscation. 13. M. [F] a été condamné, pour association de malfaiteurs en récidive, complicité de transport, de détention et d'importation de stupéfiants, en récidive, à sept ans d'emprisonnement. Le tribunal a ordonné une mesure de confiscation et a décerné mandat d'arrêt. 14. M. [B] a été condamné pour transport, détention, importation de stupéfiants, détention, transport et importation en contrebande de marchandises dangereuses pour la santé, à cinq ans d'emprisonnement. Le tribunal a ordonné une mesure de confiscation et a décerné mandat d'arrêt. 15. MM. [M], [H], [F] et [B] ont relevé appel de ce jugement. Le ministère public a formé des appels incidents. Examen de la recevabilité des pourvois formés par MM. [K] et [Z] contre l'arrêt de la chambre de l'instruction 16. MM. [K] et [Z] n'ont pas formé de pourvoi contre l'arrêt rendu sur le fond ; il n'y a donc pas lieu de statuer sur leurs pourvois, devenus sans objet, formés contre l'arrêt de la chambre de l'instruction du 22 mai 2019, qui n'a pas mis fin à la procédure. Déchéance des pourvois formés par MM. [H] et [B] 17. MM. [H] et [B] n'ont pas déposé dans le délai légal, personnellement ou par leur avocat, un mémoire exposant leurs moyens de cassation ; ils seront déclarés déchus de leurs pourvois par application de l'article 567-2 du code de procédure pénale. Examen des moyens Sur le premier moyen présenté pour M. [M] contre l'arrêt de la chambre de l'instruction du 22 mai 2019 Enoncé du moyen 18. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté l'exception de nullité tirée de ce que le prévenu n'avait pas eu la parole en dernier, alors « que le prévenu ou son avocat doivent toujours avoir la parole les derniers ; qu'en l'espèce, l'arrêt énonce, dans la partie consacrée aux débats, qu'à l'audience s'étant déroulée en Chambre du conseil le 10 avril 2019, ont été entendus « Monsieur Jacques, substitut général, en ses réquisitions orales. Les débats étant terminés, la Chambre de l'instruction a mis l'affaire en délibéré », ce dont il résulte que l'avocat du prévenu n'a pas eu, sur le fond, la parole après les réquisitions du ministère public ; qu'en conséquence, la chambre de l'instruction a violé les articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 199 et 591 du Code de procédure pénale. » Réponse de la Cour Vu les articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et 199 du code de procédure pénale : 19. Il se déduit de ces textes que, devant la chambre de l'instruction, la personne mise en examen ou son avocat doivent avoir la parole les derniers. 20. L'arrêt attaqué mentionne le rapport oral du président, puis fait état des plaidoiries de trois avocats, des réquisitions orales de l'avocat général, pour indiquer enfin que, les débats étant terminés, l'affaire a été mise en délibéré. 21. Ces mentions ne permettent pas à la Cour de cassation de s'assurer que le principe ci-dessus rappelé a été respecté. 22. La cassation est en conséquence encourue. Sur le premier moyen présenté pour M. [F] contre l'arrêt de la cour d'appel du 16 septembre 2021 Enoncé du moyen 23. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il n'a pas fait état de la demande de renvoi formulée par l'un de ses conseils et n'y a pas répondu, alors « que la juridiction saisie par l'avocat d'un prévenu d'une demande de renvoi doit mentionner cette demande et y répondre, fût-ce pour l'écarter ; qu'en ne mentionnant ni la demande de renvoi adressée au président de la chambre des appels correctionnels de la cour d'appel de Dijon par Me Gas, avocat de M. [F], le 28 juin 2021, par télécopie émise sans incident, ni la décision prise en réponse à cette demande, la cour d'appel a méconnu l'article 593 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour 24. L'arrêt attaqué mentionne qu'à l'audience de la chambre des appels correctionnels, M. [F] a comparu, assisté d'un avocat, M. [S], qui a demandé le renvoi de l'affaire. L'arrêt ajoute que la cour, après débat sur cette question, a délibéré et décidé de ne pas renvoyer le jugement de l'affaire. 25. Il en résulte que cette décision de la juridiction répondait à l'ensemble des demandes dont la cour avait pu être saisie pour ce prévenu, tendant au renvoi de l'affaire le concernant. 26. Le moyen ne peut donc être accueilli. Sur le second moyen présenté pour M. [F] contre l'arrêt de la cour d'appel du 16 septembre 2021 Enoncé du moyen 27. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. [F] coupable, pour la période du 10 mars 2018 au 10 juillet 2018, des chefs de complicité de transport non autorisé de stupéfiants en récidive, complicité de détention non autorisée de stupéfiants en récidive et complicité d'importation non autorisée de stupéfiants–trafic en récidive, alors : « 1°/ qu'il ne résulte de l'arrêt attaqué aucune constatation de ce que M. [F] aurait participé, d'une quelconque façon, aux convois identifiés entre le 21 mars et le 10 juillet 2018, de sorte qu'en le déclarant néanmoins coupable d'avoir loué et escorté des véhicules chargés de stupéfiants durant cette période, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 593 du code de procédure pénale ; 2°/ qu'il ne résulte de l'arrêt attaqué aucune constatation de ce que les véhicules ayant pris part aux convois identifiés entre les 10 et 20 mars 2018 auraient été chargés de stupéfiants, de sorte qu'en retenant néanmoins la culpabilité du prévenu, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 593 du code de procédure pénale et 121-7 du code pénal ; 3°/ qu'il ne résulte de l'arrêt attaqué aucune constatation de ce que M. [F] aurait été présent à bord des véhicules ayant pris part aux convois identifiés entre les 10 et 20 mars 2018, de sorte qu'en déclarant néanmoins le prévenu coupable d'avoir escorté les véhicules chargés de stupéfiants durant cette période, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 593 du code de procédure pénale ; 4°/ qu'il résulte de l'arrêt attaqué que le seul véhicule loué par M. [F] était une Audi A3 impliquée dans le convoi du 20 mars 2018 et que ce véhicule n'avait joué qu'un rôle d'ouvreur ou de suiveur, de sorte qu'en déclarant néanmoins le prévenu coupable d'avoir loué les véhicules chargés de stupéfiants durant cette période, la cour d'appel a méconnu l'article 388 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour 28. Pour déclarer M. [F] coupable de complicité de transport, de détention et d'importation illicites de stupéfiants, au titre de la période du 10 mars au 10 juillet 2018, la cour d'appel relève qu'il a participé à des convois de transport de stupéfiants entre l'Espagne et la France. Les juges retiennent que son véhicule personnel a été utilisé comme véhicule ouvreur à l'occasion d'un trajet vers la France, le 13 mars 2018. Ils ajoutent qu'un véhicule utilisé lors d'un convoi, le 20 mars 2018, a été loué au moyen de son permis de conduire et de sa carte vitale, cette location ayant été faite à l'aéroport de [Localité 1], à un moment où il s'y trouvait. Ils indiquent aussi que sa participation aux convois résulte également des investigations pratiquées sur la téléphonie, en particulier sur un téléphone [2] qu'il a utilisé, malgré ses dénégations. Ils énoncent encore qu'il était titulaire des badges de télépéage utilisés lors de tous les convois par le véhicule qui transportait la drogue. 29. En l'état de ces motifs dénués d'insuffisance, la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués. 30. Le moyen ne peut donc être admis. Portée et conséquences de la cassation 31. La cassation de l'arrêt de la chambre de l'instruction du 22 mai 2019, prononcée sur le pourvoi de M. [M], sera limitée au rejet des demandes présentées par ce dernier ; elle aura pour conséquence la cassation de l'arrêt de la chambre correctionnelle en ce qu'il a prononcé à l'encontre de M. [M]. 32. M. [M] a été renvoyé devant le tribunal correctionnel par une ordonnance de renvoi devenue définitive. La juridiction d'instruction est dessaisie. Il y a lieu, en conséquence, de renvoyer la cause, concernant le seul M. [M], devant la chambre correctionnelle de la cour d'appel de Dijon pour qu'il soit statué par celle-ci tant sur les moyens de nullité qui avaient été proposés devant la chambre de l'instruction que sur le fond. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres moyens de cassation proposés, la Cour : Sur les pourvois formés par MM. [K] et [Z] : DIT n'y avoir lieu à statuer sur les pourvois ; Sur les pourvois formés par MM. [H] et [B] : CONSTATE la déchéance des pourvois ; Sur le pourvoi formé par M. [F] : Le REJETTE ; Sur les pourvois formés par M. [M] : CASSE et ANNULE les arrêts susvisés de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Dijon, en date du 22 mai 2019, et de la cour d'appel de Dijon, en date du 16 septembre 2021, mais en leurs seules dispositions concernant ce demandeur, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ; Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée ; RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Dijon, autrement composée, pour qu'il soit statué par celle-ci, à l'égard de ce seul prévenu, tant sur les moyens de nullité qui avaient été proposés devant la chambre de l'instruction que sur le fond ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Dijon, chambre de l'instruction et chambre correctionnelle, et sa mention en marge ou à la suite des arrêts partiellement annulés. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le douze octobre deux mille vingt-deux.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° J 21-86.043 F-B 5 OCTOBRE 2022 IRRECEVABILITE M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 5 OCTOBRE 2022 MM. [R] [N], [U] [A] [H] et [P] [T], pris en leur qualité de syndic de faillite de la succession de [G] [Y], ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, chambre 5-1, en date du 19 mai 2021, qui a prononcé sur leur requête en incident contentieux d'exécution et en restitution. Les pourvois sont joints en raison de la connexité. Des mémoires, en demande et en défense, ainsi que des observations complémentaires ont été produits. Sur le rapport de Mme Planchon, conseiller, les observations de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de MM. [R] [N], [U] [K] et [P] [T], pris en leur qualité de syndic de faillite de la succession de [G] [Y], les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la [6], et les conclusions de M. Petitprez, avocat général, après débats en l'audience publique du 7 septembre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Planchon, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et Mme Boudalia, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. Le 1er mars 2002, une information judiciaire a été ouverte contre M. [V] [E], la [6] ([6]) et [G] [Y] des chefs, notamment, d'abus de confiance, d'abus de biens sociaux, de blanchiment, en raison de soupçons de blanchiment à l'occasion de l'acquisition, notamment, du château de la Garoupe via la société [6] en 1996 et 1997, qui aurait été financée grâce à des fonds provenant d'abus de confiance et d'abus de biens sociaux commis au préjudice des sociétés [5], de droit suisse, et [4], immatriculée à Gibraltar, dont le bénéficiaire économique était M. [O] [W]. 3. La société [6], créée en novembre 1996 à cette fin, dont le gérant était M. [E], a pour objet l'activité de marchand de biens et a acquis le château de la Garoupe au prix de 55 000 000 de francs, soit 8 380 000 euros. Elle est détenue depuis 2007 par le trust [1], constitué par [G] [Y]. 4. Le décès de ce dernier survenu le 23 mars 2013 ayant éteint l'action publique à son égard, la société [6] et M. [E] ont été renvoyés devant le tribunal correctionnel des chefs d'abus de biens sociaux et de blanchiment aggravé pour avoir de manière habituelle et en utilisant les facilités que leur procurait l'exercice de leur activité d'agent immobilier, via les sociétés de droit suisse [3] et [2], apporté leur concours à une opération de placement, de dissimulation ou de conversion du produit direct ou indirect des délits d'abus de confiance et de recels d'abus de confiance commis au préjudice des sociétés [5] et [4]. 5. Le tribunal correctionnel a déclaré, notamment, la société [6] coupable de blanchiment aggravé, l'a condamnée à une amende de 2 000 000 d'euros et a ordonné à son encontre la confiscation du château de la Garoupe dont elle était propriétaire par jugement du 9 mars 2015 qui a été confirmé par l'arrêt de la cour d'appel du 8 décembre 2015 à l'encontre duquel les deux prévenus ont formé un pourvoi qui a été rejeté par arrêt du 25 octobre 2017. 6. Parallèlement, par décisions des 10 avril et 22 octobre 2014, MM. [R] [N] et [U] [K] ont été successivement nommés en qualité d'administrateurs généraux de la succession de [G] [Y], puis le 26 janvier 2015, une juridiction britannique ayant fait droit à leur demande tendant à ce que la succession soit administrée sous la forme d'une procédure de faillite en raison de son insolvabilité, les créanciers les ont nommés, ainsi que M. [P] [T], en qualité de syndics de faillite, ce qui a eu comme conséquence, d'une part, de leur donner la qualité de représentants des créanciers, d'autre part, au regard du droit anglais, de les rendre propriétaires de tous les biens compris dans le patrimoine du défunt. 7. Par requête en date du 6 mars 2020, les trois demandeurs ont sollicité, sur le fondement de l'article 710 du code de procédure pénale, la restitution du château de la Garoupe en faisant valoir que [G] [Y], qui en avait la libre disposition, en était le véritable propriétaire. Examen de la recevabilité des pourvois 8. L'article 131-21 du code pénal prévoit que la confiscation de l'instrument de l'infraction, visée au deuxième alinéa, et les confiscations visées aux cinquième et sixième alinéas de ce texte, peuvent porter sur les biens dont le condamné est propriétaire ou, sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi, dont il a la libre disposition. 9. Il résulte de ces dispositions que le législateur, en introduisant la notion de libre disposition dans l'arsenal de la confiscation aux fins d'élargir le champ de cette sanction n'a pas entendu la substituer au droit de propriété mais organiser sa cohabitation avec ce dernier. 10. Selon la jurisprudence de la Cour de cassation, caractérise la libre disposition d'un bien le fait, pour une personne, de posséder la totalité ou une majorité des parts de la société qui en est propriétaire (Crim., 23 mai 2013, pourvoi n° 12-87.473, Bull. crim. 2013, n° 113 ; Crim., 29 janvier 2014, pourvoi n° 13-80.062, Bull. crim. 2014, n° 32), d'interposer une société immobilière, dont elle assure la gestion de fait, entre son patrimoine et elle, en recourant à des prête-noms de l'entourage familial pour exercer les fonctions ou les rôles de dirigeant de droit, d'administrateurs et d'associés (Crim., 8 novembre 2017, pourvoi n° 17-82.632, Bull. crim. 2017, n° 250 ; Crim., 23 octobre 2019, pourvoi n° 18-87.097, publié au Bulletin), de bénéficier de la signature bancaire du compte d'une société et d'en user librement (Crim., 3 avril 2019, pourvoi n° 18-83.052) ou encore le fait, sans être titulaire de parts au sein de la société propriétaire du bien immobilier, de faire de ce dernier sa résidence principale sans payer aucun loyer et gérer ladite société constituée pour les besoins de la cause entre ses deux filles (Crim., 19 novembre 2014, pourvoi n° 13-88.331). 11. S'il résulte de ces décisions que celui qui bénéficie de la libre disposition d'un bien peut en être considéré comme le propriétaire économique, ce statut n'est pas, pour la Cour de cassation, de nature à remettre en cause le titre de propriété régulier auquel s'attachent des droits et des obligations définis, dont dispose le propriétaire juridique ou légal du bien, qualifié de propriétaire de bonne foi par l'article 131-21 du code pénal, tel que cela ressort de sa jurisprudence qui interdit à l'un d'invoquer les moyens de l'autre (Crim., 15 janvier 2014, pourvoi n° 13-81.874, Bull. crim. 2014, n° 12). 12. C'est au regard de cette dichotomie que la Cour de cassation a, notamment au visa de l'article 6, § 2, de la directive 2014/42/UE du Parlement européen et du Conseil du 3 avril 2014, étendu la protection des droits du propriétaire de bonne foi au propriétaire des biens constituant l'objet ou le produit de l'infraction et énoncé que le jugement qui rejette une demande de restitution est susceptible d'appel de la part de la personne qui a formulé cette demande, sans que puisse lui être opposée l'autorité de la chose jugée de la décision ordonnant la confiscation (Crim., 7 novembre 2018, pourvoi n° 17-87.424, Bull. crim. 2018, n° 188). 13. La Cour de cassation a également permis au propriétaire de bonne foi, non condamné pénalement, d'agir sur le fondement de l'article 710 du code de procédure pénale aux fins de soulever tout incident contentieux relatif à l'exécution d'une décision pénale, même définitive, ordonnant une mesure de confiscation, y compris lorsque le bien confisqué constitue le produit direct ou indirect de l'infraction (Crim., 4 novembre 2021, pourvoi n° 21-80.487). 14. Ces solutions limitant au propriétaire de bonne foi la possibilité de remettre en cause une confiscation devenue définitive garantissent la sécurité juridique dans la gestion des biens confisqués et l'effectivité non seulement des décisions de justice prononçant une confiscation mais également des instruments européens favorisant le gel et la confiscation des produits du crime. 15. Il résulte de l'ensemble de ces éléments qu'est seul recevable à agir en application de l'article 710 du code de procédure pénale en incident d'exécution d'une décision de confiscation définitive, le propriétaire juridique ou légal du bien concerné, non condamné pénalement, qui conserve entier son droit de propriété sur celui-ci, nonobstant la libre disposition dont peut bénéficier une tierce personne. 16. En l'espèce, la confiscation du château de la Garoupe a été définitivement ordonnée à l'encontre de la société [6], propriétaire de ce bien, après qu'elle a été déclarée coupable du délit de blanchiment aggravé. 17. En conséquence, l'action des demandeurs n'étant pas recevable, leurs pourvois doivent être déclarés irrecevables. PAR CES MOTIFS, la Cour : DÉCLARE les pourvois IRRECEVABLES. FIXE à 1 500 euros la somme globale que MM. [M], [H] et [S] devront payer à la société [6] en application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le cinq octobre deux mille vingt-deux.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° W 21-85.594 F-B 4 OCTOBRE 2022 M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 4 OCTOBRE 2022 Mme [D] [I], épouse [W], la société [1] et la société [3] ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel de Chambéry, chambre correctionnelle, en date du 8 septembre 2021, qui a condamné les deux premières, pour exercice illégal de la profession d'expert comptable, respectivement, à 1 000 euros d'amende avec sursis et à 2 000 euros d'amende avec sursis, la troisième, pour complicité de ce même délit, à 30 000 euros d'amende avec sursis, a ordonné affichage et publication de la décision et a prononcé sur les intérêts civils. Les pourvois sont joints en raison de la connexité. Un mémoire commun aux demandeurs, un mémoire en défense, ainsi que des observations complémentaires, ont été produits. Sur le rapport de M. Sottet, conseiller, les observations de la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de Mme [D] [I], épouse [W], la société [1], la société [3], les observations de la SARL Cabinet Briard, avocat du conseil supérieur de l'ordre des experts-comptables, et les conclusions de M. Aubert, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 6 septembre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Sottet, conseiller rapporteur, Mme Ingall-Montagnier, conseiller de la chambre, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée, en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. Mme [D] [I], épouse [W], en son nom personnel et en sa qualité de représentante légale de la société [1] ([2]), et la société [3] ont été citées devant le tribunal correctionnel par le conseil supérieur de l'ordre des experts-comptables, pour avoir exercé illégalement la profession d'expert-comptable ou été complice de ce même délit. 3. Les juges du premier degré ont déclaré Mme [W] et la société [2] coupables d'exercice illégal de la profession d'expert comptable, condamné celles-ci, respectivement, à 2 000 euros et à 4 000 euros d'amende, déclaré la société [3] coupable de complicité d'exercice illégal de la profession d'expert-comptable et condamné cette dernière à 30 000 euros d'amende. 4. Ils ont en outre ordonné des mesures d'affichage et de publication, et alloué au conseil supérieur de l'ordre des experts-comptables 6 000 euros de dommages et intérêts. 5. Mme [W], la société [2], la société [3], le ministère public et le conseil supérieur de l'ordre des experts-comptables ont relevé appel de cette décision. Examen de la recevabilité des mémoires personnels de Mme [W], de la société [2] et de la société [3] 6. Les mémoires personnels des demandeurs au pourvoi, non signés, ne sont pas recevables. Examen des moyens Sur les premier, pris en sa quatrième branche, et second moyens 7. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Sur le premier moyen, pris en ses première, deuxième et troisième branches Enoncé du moyen 8. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré Mme [W] et la société [2] coupables d'exercice illégal de la profession d'expert-comptable, alors : « 1°/ que la loi pénale est d'interprétation stricte ; qu'aux termes de l'article 20 de l'ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945 modifiée, exerce illégalement la profession d'expert-comptable celui qui, sans être inscrit au tableau de l'ordre, exécute habituellement, en son propre nom et sous sa responsabilité, des travaux prévus par les deux premiers alinéas de l'article 2 de ladite ordonnance, ou qui assure la direction suivie de ces travaux, en intervenant directement dans la tenue, la vérification, l'appréciation ou le redressement des comptes ; que cette incrimination, en ce qu'elle vise l'exécution de travaux « en son propre nom et sous sa responsabilité », ne s'applique pas à celui qui n'intervient qu'en qualité de sous-traitant d'un expert-comptable, sous le contrôle et la responsabilité de celui-ci, et sans être lié contractuellement au client au profit duquel les travaux sont effectués ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que la société [1], prise en la personne de Mme [W], intervenait comme sous-traitant de la société [3], laquelle était inscrite au tableau de l'ordre des experts-comptables ; qu'en déclarant néanmoins Mme [W] et la société [1] coupables d'exercice illégal de la profession d'expert-comptable, au motif erroné que les travaux relevant des deux premiers alinéas de l'article 2 de l'ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945 modifiée ne pourraient être sous-traités qu'à des personnes ayant elles-mêmes la qualité d'expert-comptable, la cour d'appel a violé les articles 2 et 20 de cette ordonnance, ensemble les articles 111-4 du code pénal et 1er de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 modifiée ; 2°/ que la loi pénale est d'interprétation stricte ; que l'exécution de travaux « en son propre nom et sous sa responsabilité », en tant qu'élément constitutif du délit d'exercice illégal de la profession d'expert-comptable, suppose l'existence d'un lien contractuel direct avec le client au profit duquel les travaux sont effectués ; qu'il suit de là que le sous-traitant, qui n'est engagé que par le sous-traité conclu avec l'expert-comptable et non par le contrat liant l'expert-comptable au client, ne saurait être regardé comme exerçant illégalement la profession d'expert-comptable ; que la cour d'appel, pour déclarer Mme [W] coupable de ce délit, a relevé, d'une part, que son nom figurait sur les ordres de mission qu'elle recevait de la société [3], d'autre part, que la société qu'elle dirigeait, Conseils et services du Léman, était contractuellement engagée, en tant que sous-traitant, à l'égard de la société [3], donneur d'ordre, « ou de tout tiers qui viendrait à être subrogé » dans les droits de cette dernière ; qu'en statuant par de tels motifs, impropres à caractériser la réalisation, par Mme [W], de travaux de comptabilité exécutés « en son propre nom et sous sa responsabilité », au sens de l'article 20 de l'ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945 modifiée, la cour d'appel a violé les articles 2 et 20 de cette ordonnance, ensemble les articles 111-4 du code pénal et 1er de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 modifiée ; 3°/ que la loi pénale est d'interprétation stricte ; que l'exécution de travaux « en son propre nom et sous sa responsabilité », en tant qu'élément constitutif du délit d'exercice illégal de la profession d'expert-comptable, suppose l'existence d'un lien contractuel direct avec le client au profit duquel les travaux sont effectués ; qu'il suit de là que le sous-traitant, qui n'est engagé que par le sous-traité conclu avec l'expert-comptable et non par le contrat liant l'expert-comptable au client, ne saurait être regardé comme se livrant à un exercice illégal de la profession d'expert-comptable ; que la cour d'appel, pour déclarer la société [1] coupable de ce délit, a relevé que cette société, d'une part, facturait en son propre nom à la société [3] les prestations que celle-ci lui sous-traitait, d'autre part, était contractuellement engagée, en tant que sous-traitant, à l'égard de la société [3], donneur d'ordre, « ou de tout tiers qui viendrait à être subrogé » dans les droits de cette dernière ; qu'en statuant par de tels motifs, impropres à caractériser la réalisation, par la société [1], de travaux de comptabilité exécutés « en son propre nom et sous sa responsabilité », au sens de l'article 20 de l'ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945 modifiée, la cour d'appel a violé les articles 2 et 20 de cette ordonnance, ensemble les articles 111-4 du code pénal et 1er de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 modifiée. » Réponse de la Cour 9. Pour déclarer les deux prévenues coupables d'exercice illégal de la profession d'expert-comptable, l'arrêt attaqué énonce qu'il résulte du contrat de sous-traitance passé entre la société [3], cabinet d'expertise comptable, et la société [2], dont Mme [W] est la représentante, que la première, qualifiée de donneur d'ordre, a confié mission à la seconde, qualifiée de sous-traitant, d'exercer pour son compte des prestations comptables, telles que saisie de comptabilité et établissement des déclarations fiscales. 10. Les juges ajoutent, d'une part, que les intéressées ont effectué dans ce cadre, sous leur signature et donc en leur nom propre, des travaux relevant de l'exercice de la profession d'expert-comptable, d'autre part, que ces mêmes travaux ont été effectués sous leur responsabilité, toutes deux étant engagées contractuellement à l'égard du donneur d'ordre ou de tout tiers qui viendrait à être subrogé dans les droits de celui-ci. 11. Ils précisent que la société [3], donneur d'ordre, n'a délégué aucun expert-comptable, même par intermittence, au sein de la société sous-traitante, pour veiller au respect des dispositions légales relatives aux conditions d'exercice de cette profession. 12. Ils concluent que la situation de sous-traitance alléguée par les deux prévenues, pour justifier l'exécution habituelle de travaux relevant des deux premiers alinéas de l'article 2 de l'ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945 en dépit de leur absence de qualité d'expert-comptable, est sans incidence sur la caractérisation de l'infraction. 13. En l'état de ces énonciations, la cour d'appel a justifié sa décision pour les raisons suivantes. 14. En premier lieu, si les travaux définis par l'article 20 de l'ordonnance susmentionnée comme relevant du monopole des experts-comptables doivent être exécutés par leur auteur en son nom propre et sous sa responsabilité, cette exigence s'attache, non pas au rapport entre ces travaux et le client au profit duquel ils sont effectués, mais à la qualité de leur auteur direct. 15. En deuxième lieu, le sous-traitant effectue ses travaux sous sa responsabilité propre à l'égard de l'entrepreneur principal, sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun. 16. En troisième lieu, la sous-traitance de travaux de comptabilité, qui n'implique pas la complète subordination du sous-traitant à l'expert-comptable, ne permet pas de garantir la transparence financière ni la bonne exécution des obligations fiscales, sociales et administratives des acteurs économiques, alors que ces objectifs justifient la prérogative exclusive d'exercice de l'expert-comptable, professionnel titulaire du diplôme afférent, qui prête serment lors de son inscription au tableau de l'ordre, se soumet à un code de déontologie et à des normes professionnelles, et qui, objet de contrôles réguliers de son activité, est en outre soumis à une obligation d'assurance civile professionnelle. 17. Par ailleurs l'arrêt est régulier en la forme. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE les pourvois. FIXE à 2 500 euros la somme globale que les demanderesses au pourvoi devront payer au conseil supérieur de l'ordre des experts-comptables ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le quatre octobre deux mille vingt-deux.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° K 21-84.273 F-B 5 OCTOBRE 2022 M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 5 OCTOBRE 2022 M. [N] [U] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Riom, chambre correctionnelle, en date du 23 juin 2021, qui a prononcé sur sa requête en constatation de la prescription d'une peine. Un mémoire a été produit. Sur le rapport de M. Turcey, conseiller, les observations de la SCP Gadiou et Chevallier, avocat de M. [N] [U], et les conclusions de M. Petitprez, avocat général, après débats en l'audience publique du 7 septembre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Turcey, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et Mme Boudalia, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. Par arrêt définitif du 2 décembre 1998, la cour d'appel de Riom a condamné M. [N] [U], pour abus de confiance aggravés, escroqueries et faux en écriture privée, à quatre ans d'emprisonnement, 1 000 000 de francs d'amende, et cinq ans d'interdiction des droits civiques. 3. Le 30 mars 2021, il a saisi cette juridiction d'une requête en constatation de la prescription de la peine d'amende prononcée à son encontre. Examen du moyen Enoncé du moyen 4. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la requête en constatation de l'acquisition de la prescription de la peine d'amende d'un montant de 1 million de francs à laquelle M. [N] [U] avait été condamné par arrêt définitif de la cour d'appel de Riom du 2 décembre 1998, alors : « 1°/ que l'article 133-3 du code pénal, dans ses dispositions en vigueur du 1er mars 1994 au 31 mars 2017 applicables au litige, dispose : « Les peines prononcées pour un délit se prescrivent par cinq années révolues à compter de la date à laquelle la décision de condamnation est devenue définitive » ; que l'article 707 du code de procédure pénale, dans ses dispositions en vigueur du 2 mars 1959 au 1 janvier 2005 applicables au litige, précise : « Le ministère public et les parties poursuivent l'exécution de la sentence chacun en ce qui le concerne. Néanmoins, les poursuites pour le recouvrement des amendes et confiscations sont faites au nom du procureur de la République, par le percepteur » ; que ce sont ces seules dispositions qui sont applicables en l'état d'une condamnation à une peine d'amende prononcée par arrêt irrévocable de la cour d'appel de Riom du 2 décembre 1998 et que la prescription de trois ans de la peine ainsi prononcée, sauf cause interruptive de prescription, était acquise le lendemain du 8 décembre 2001 (compte tenu du délai de pourvoi en cassation à compter du prononcé), seules les causes d'interruption de droit commun de la prescription de l'époque s'appliquant et que, pour le trésorier à l'époque, la prescription ne pouvait être interrompue que par un commandement notifié au condamné ou une saisie signifiée à celui-ci mais non par l'acceptation d'un échéancier et un paiement mensuel d'une fraction de la dette ; que la cour d'appel de Riom a pourtant considéré que la prescription de la peine avait été interrompue par le paiement mensuel issu de l'échéancier qu'avait bien voulu consentir à l'époque le trésorier ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles 133-3 du code pénal, dans ses dispositions en vigueur du 1er mars 1994 au 31 mars 2017 applicables au litige, et l'article 707 du code de procédure pénale, dans ses dispositions en vigueur du 2 mars 1959 au 01 janvier 2005 applicables au litige ; 2°/ que la cour d'appel, en faisant application de l'article 707-1 alinéa 5 du code de procédure pénale actuel ou même antérieur bien que ces dispositions procédurales ne pouvaient s'appliquer à une prescription acquise le 9 décembre 2001 soit avant la création de ce texte et que l'ancien article 701 ne contenait pas de dispositions comparables à l'actuel alinéa 5, a violé ledit article 707-1 alinéa 5, par fausse application. » Réponse de la Cour 5. Pour rejeter la requête de M. [U] tendant à la constatation de la prescription de la peine d'amende prononcée à son encontre le 2 décembre 1998 par la chambre des appels correctionnels, l'arrêt attaqué relève que d'après la réponse de la direction générale des finances publiques en date du 4 février 2021, versée aux débats par l'avocat du requérant, le trésorier de [Localité 1] a accepté la mise en place d'un échéancier de paiement le 2 août 1999 et que l'intéressé a payé la somme mensuelle de 457,35 euros jusqu'en mars 2000 puis de 152,44 euros à partir du mois d'avril 2000 jusqu'au 14 janvier 2021, de sorte qu'en application de l'article 707-1, alinéa 5, du code de procédure pénale, la prescription de la peine était interrompue par le paiement mensuel issu de l'échéancier qu'a bien voulu consentir la direction des finances publiques à la demande du condamné, et que la mise en recouvrement a bien été accomplie dans les délais de la prescription, laquelle s'est trouvée interrompue mensuellement à la suite du paiement partiel de l'amende, l'échéancier dont avait bénéficié le prévenu n'étant qu'une modalité de paiement de la somme due. 6. C'est à tort que les juges ont énoncé qu'en application de l'article 707-1, alinéa 5, du code de procédure pénale, la prescription de la peine avait été interrompue par le paiement mensuel issu de l'échéancier accordé par la direction des finances publiques à la demande du condamné, alors que les dispositions de ce texte, entré en vigueur le 29 mars 2012, ne pouvaient être retenues pour écarter l'argumentation du requérant qui soutenait que la prescription était acquise avant cette date. 7. Cependant, l'arrêt n'encourt pas la censure, dès lors que l'acceptation par le Trésor public d'un échéancier de paiement le 2 août 1999, puis chacun des paiements mensuels effectués par le condamné jusqu'au 14 janvier 2021, constituaient des actes d'exécution de la peine d'amende prononcée contre M. [U], qui ont interrompu la prescription de celle-ci. 8. Ainsi, le moyen doit être écarté. 9. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le cinq octobre deux mille vingt-deux.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° N 22-84.210 F-B N° A 20-86.054 28 SEPTEMBRE 2022 CASSATION PARTIELLE M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 28 SEPTEMBRE 2022 M. [E] [T] a formé des pourvois contre les arrêts de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles : - le premier, en date du 29 octobre 2020, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs de viol et agression sexuelle aggravés, agression sexuelle et tentative, violations de domicile, a prononcé sur sa demande d'annulation de pièces de la procédure ; - le second, en date du 30 juin 2022, qui l'a renvoyé devant la cour criminelle des Yvelines. Les pourvois sont joints en raison de la connexité. Des mémoires, en demande et en défense, ainsi que des observations complémentaires, ont été produits. Sur le rapport de Mme Leprieur, conseiller, les observations de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de M. [E] [T], les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de MM. [D] et [M] [P], Mmes [I] [W], épouse [P], et [F] [N], et les conclusions de M. Valat, avocat général, après débats en l'audience publique du 28 septembre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Leprieur, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et Mme Boudalia, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte des arrêts attaqués et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. M. [E] [T] a été mis en examen des chefs de viol et agression sexuelle aggravés, agression sexuelle et tentative, violations de domicile. 3. Par arrêt du 29 octobre 2020, la chambre de l'instruction de la cour d'appel a rejeté sa demande d'annulation de pièces de la procédure. 4. Par ordonnance du 15 février 2022, le juge d'instruction a renvoyé la personne mise en examen devant la cour criminelle sous l'accusation de viol et agression sexuelle aggravés, tentatives d'agression sexuelle, violations de domicile. 5. L'accusé a relevé appel de cette décision. Examen des moyens Sur le premier moyen du pourvoi formé contre l'arrêt de la chambre de l'instruction du 29 octobre 2020 Enoncé du moyen 6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à annulation des réquisitions adressées à l'Institut national de police scientifique aux fins d'exploitation des scellés, alors « qu'en matière de réquisitions pour examen technique, le juge saisi d'un moyen pris de ce que ces actes n'ont pas été précédés d'une autorisation du procureur de la République doit apprécier l'existence de cette autorisation, qu'elle ait été écrite ou orale, et rechercher pour ce faire s'il résulte d'une pièce du dossier que cette autorisation a été demandée et qu'une réponse écrite ou orale du parquet a bien été délivrée ; qu'en se bornant à constater, pour dire n'y avoir lieu à annulation, que les réquisitions litigieuses mentionnaient qu'elles avaient été prises « sur autorisation du procureur de la République » et que les procès-verbaux y afférent mentionnaient que ces réquisitions avaient été faites « suite à l'autorisation préalable de monsieur le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Versailles » et qu'il n'était pas nécessaire qu'une autre pièce de la procédure indique qu'il y ait eu une demande en ce sens et une réponse écrite ou verbale du parquet autorisant ces réquisitions, la chambre de l'instruction a violé l'article 77-1 du code de procédure pénale, ensemble le principe de direction effective des enquêtes préliminaires par le procureur de la République. » Réponse de la Cour 7. Pour écarter le moyen de nullité des réquisitions, l'arrêt attaqué énonce que l'autorisation que le procureur de la République peut donner à un officier de police judiciaire pour présenter les réquisitions prévues à l'article 77-1 du code de procédure pénale n'est soumise à aucune forme particulière. 8. Il en déduit que la réquisition portant mention d'une autorisation du procureur de la République est régulière, quand bien même aucune autre pièce du dossier n'aurait été établie pour constater qu'un magistrat du parquet a donné une autorisation verbale ou écrite. 9. Les juges relèvent qu'en l'espèce, la réquisition du 23 mai 2019 porte la mention « sur autorisation du procureur de la République près le TGI de Versailles » et le procès-verbal établi le même jour mentionne en outre que la réquisition est faite « suite à l'autorisation préalable de monsieur le Procureur de la République près le tribunal de grande instance de Versailles ». Ils ajoutent que la réquisition du 20 août 2019 porte la mention « Vu l'article 77-1 du code de procédure pénale, vu l'autorisation préalable de Monsieur le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Versailles » et le procès-verbal établi le même jour mentionne en outre que la réquisition est faite « Vu les dispositions de l'article 77-1 du code de procédure pénale, suite à l'autorisation préalable de Monsieur le procureur de la République près le Tribunal de Grande Instance de Versailles ». 10. Ils concluent que l'officier de police judiciaire a requis l'Institut national de police scientifique sur autorisation du procureur de la République et que ces réquisitions sont régulières. 11. En statuant ainsi, dès lors que l'autorisation que le procureur de la République peut donner à un officier de police judiciaire pour requérir, sur le fondement de l'article 77-1 du code de procédure pénale, toute personne qualifiée de procéder à des constatations ou à des examens techniques ou scientifiques, si elle doit être donnée dans le cadre de la procédure d'enquête préliminaire en cours et non par voie d'autorisation générale et permanente préalable,n'est soumise à aucune forme particulière, la chambre de l'instruction a fait l'exacte application des texte et principe visés au moyen. 12. Ainsi, le moyen n'est pas fondé. Mais sur les deuxième et troisième moyens du pourvoi formé contre l'arrêt de la chambre de l'instruction du 29 octobre 2020 Enoncé des moyens 13. Le deuxième moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à annulation de la procédure à compter du procès-verbal d'identification de M. [T] par Mme [N], alors « que la personne gardée à vue peut demander qu'un avocat soit présent lors d'une séance d'identification des suspects dont elle fait partie ; que l'absence d'information de l'avocat porte nécessairement atteinte aux intérêts de la personne concernée ; que M. [T] faisait valoir que son avocat n'avait pas été informé d'une seconde séance d'identification à laquelle il a fait partie alors qu'il avait demandé que son avocat soit présent ; qu'en retenant qu'aucune nullité ne saurait résulter de l'absence de son avocat à cet acte, la chambre de l'instruction a violé les articles 61-3 du code de procédure pénale et 6, § 3, de la Convention européenne des droits de l'homme. » 14. Le troisième moyen fait le même grief à l'arrêt, alors « qu'est proscrit le stratagème qui, par un contournement ou un détournement d'une règle de procédure, a pour objet ou pour effet de vicier la recherche de la preuve en portant atteinte à l'un des droits essentiels ou à l'une des garanties fondamentales de la personne suspectée ou poursuivie ; que contournent les règles de la procédure, les enquêteurs qui omettent volontairement de rédiger un procès-verbal à décharge pour n'en rédiger qu'un autre à charge ; qu'en refusant d'annuler la procédure lorsqu'elle constatait que les enquêteurs avaient dissimulé, en omettant volontairement de rédiger un procès-verbal portant sur la première séance d'identification, que lorsqu'il avait été présenté avec d'autres individus, et non seul, la plaignante n'avait pas identifié de manière formelle M. [T], la chambre de l'instruction n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme. » Réponse de la Cour 15. Les moyens sont réunis. Vu l'article 61-3 du code de procédure pénale et le principe de la loyauté de la preuve : 16. D'abord, il se déduit du texte susvisé que toute personne placée en garde à vue doit pouvoir bénéficier de la présence d'un avocat lors d'une séance d'identification des suspects dont elle fait partie. 17. Ensuite, constitue une atteinte au principe de loyauté de la preuve, le stratagème employé par un agent de l'autorité publique qui, par un contournement ou un détournement d'une règle de procédure, a pour objet ou pour effet de vicier la recherche de la preuve en portant atteinte à l'un des droits essentiels ou à l'une des garanties fondamentales de la personne suspectée ou poursuivie. 18. Pour écarter le moyen de nullité du procès-verbal de présentation à témoin, l'arrêt énonce d'abord que la présentation d'une personne gardée à vue à une victime n'est pas une audition et qu'aucune nullité ne saurait résulter de l'absence de l'avocat à cet acte. 19. Les juges ajoutent que les conditions de reconnaissance de M. [T] par Mme [N] ont fait l'objet d'un premier procès-verbal le 26 septembre 2019 mentionnant qu'un groupe de quatre hommes, porteurs de numéros de un à quatre, lui a été présenté, et qu'elle a formellement reconnu la personne portant le numéro un, soit M. [T], par son âge, sa taille, ses cheveux et la musculature de ses bras. 20. Ils retiennent encore qu'un second procès-verbal, établi à la suite du courrier adressé par l'avocat de la personne mise en examen au magistrat instructeur, précise que la présentation, à travers une glace sans tain, de M. [T] parmi un groupe, constitué de quatre personnes, a eu lieu en présence de l'avocat du mis en cause et que la victime a hésité et désigné le numéro un, sans être formelle. Mais, alors que l'avocat venait de partir et qu'elle était conduite vers un bureau pour l'établissement du procès-verbal, elle a souhaité revoir l'homme portant le numéro un, spécialement ses avant-bras. C'est ainsi que M. [T] a été replacé au centre de la pièce, seul, en débardeur, après avoir enlevé sa chemise et que la victime a alors déclaré le reconnaître formellement. 21. Ils concluent que les conditions de la présentation, puis de la reconnaissance, faisant ainsi l'objet de procès-verbaux précis et détaillés, soumis au contradictoire et à la discussion des parties, le moyen de nullité doit être rejeté. 22. En statuant ainsi, alors qu'il résulte des pièces de la procédure, d'une part, qu'une seconde présentation de la personne gardée à vue à la victime s'était déroulée en l'absence de l'avocat du demandeur, en méconnaissance des dispositions de l'article 61-3 du code de procédure pénale, et, d'autre part, que les circonstances de la présentation, telles que transcrites au procès-verbal établi le 26 septembre 2019, seul procès-verbal rédigé d'initiative par les enquêteurs, étaient manifestement inexactes, la chambre de l'instruction a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé. 23. La cassation est par conséquent encourue de ce chef. Portée et conséquences de la cassation 24. La cassation de l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles du 29 octobre 2020 entraîne, par voie de conséquence, la cassation de l'arrêt de mise en accusation de ladite cour d'appel du 30 juin 2022. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu d'examiner les moyens dirigés contre l'arrêt du 30 juin 2022, la Cour : CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles, en date du 29 octobre 2020, mais en ses seules dispositions ayant rejeté le moyen de nullité du procès-verbal de présentation à témoin figurant à la cote D535 et des procès-verbaux subséquents, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ; CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles, en date du 30 juin 2022, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ; RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles et sa mention en marge ou à la suite des arrêts, partiellement ou totalement, annulés. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-huit septembre deux mille vingt-deux. Crim., 1er février 2011, pourvoi n° 10-83.523, Bull. crim. 2011, n° 15 (rejet), et les arrêts cités.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° R 22-85.547 FS-B 28 SEPTEMBRE 2022 IRRECEVABILITE M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 28 SEPTEMBRE 2022 M. [M] [H] a formé un recours contre l'ordonnance du juge d'instruction du tribunal judiciaire de Lyon, en date du 24 juin 2022, qui, dans l'information suivie notamment contre lui des chefs d'association de malfaiteurs et détention illégale de produit ou engin explosif, s'est dessaisi au profit de la juridiction nationale de lutte contre la criminalité organisée (JUNALCO). Un mémoire a été produit. Sur le rapport de Mme Sudre, conseiller, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. [M] [H], et les conclusions de M. Valat, avocat général, après débats en l'audience publique du 28 septembre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Sudre, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, Mme Leprieur, MM. Turbeaux, Laurent, Brugère, conseillers de la chambre, M. Mallard, Mme Guerrini, conseillers référendaires, M. Valat, avocat général, et Mme Boudalia, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Examen de la recevabilité du recours Le recours formé par M. [H], le 30 juin 2022, plus de cinq jours après la notification de l'ordonnance de dessaisissement du juge d'instruction de Lyon au profit de la JUNALCO, rendue le 24 juin 2022, est irrecevable comme tardif en application de l'article 706-78 du code de procédure pénale. PAR CES MOTIFS, la Cour : DÉCLARE le recours IRRECEVABLE. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-huit septembre deux mille vingt-deux. Crim., 7 septembre 2011, pourvoi n° 11-86.559, Bull. crim. 2011, n° 174 (irrecevabilité).
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° Z 22-84.037 FS-B 13 SEPTEMBRE 2022 CASSATION SANS RENVOI M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 13 SEPTEMBRE 2022 M. [C] [T] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Rennes, en date du 17 juin 2022, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs de recel et vol aggravés, en récidive, tentative de vol, escroquerie et blanchiment, aggravés, blanchiment, associations de malfaiteurs, dégradation, destruction du bien d'autrui par un moyen dangereux pour les personnes, a prolongé sa détention provisoire après infirmation de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention. Un mémoire et des observations complémentaires ont été produits. Sur le rapport de M. Dary, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [C] [T], et les conclusions de M. Lemoine, avocat général, après débats en l'audience publique du 13 septembre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Dary, conseiller rapporteur, Mmes Labrousse, Ménotti, MM. Maziau, Seys, Mme Thomas, conseillers de la chambre, MM. Violeau, Michon, conseillers référendaires, M. Lemoine, avocat général, et Mme Lavaud, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. Le 3 juillet 2020, M. [C] [T] a été mis en examen des chefs susvisés et placé en détention provisoire. 3. Par ordonnance du 31 mai 2022, le juge des libertés et de la détention a, sur le fondement de l'article 145-2 du code de procédure pénale, dit n'y avoir lieu à prolonger la détention provisoire de l'intéressé au-delà des deux ans prévus par ce texte. 4. Le procureur de la République a relevé appel de cette décision. Examen du moyen Enoncé du moyen 5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a infirmé une ordonnance du juge des libertés et de la détention disant n'y avoir lieu à prolongation de la détention provisoire de M. [T] détenu depuis le 3 juillet 2020, et a ordonné la prolongation de sa détention pour une durée de six mois à compter de 2 juillet 2022 à 24 heures, alors « que le vol est un délit qui peut être aggravé par la circonstance de bande organisée ; le texte de l'article 145-2 du code de procédure pénale, s'il autorise que la durée de la détention provisoire puisse être allongée à quatre ans soit pour certains délits limitativement énumérés dont le vol ne fait pas partie, soit pour les crimes aggravés par la circonstance de bande organisée, au regard de ce texte le vol reste un délit qui peut être aggravé par la circonstance de bande organisée mais qui ne devient pas pour autant un crime ; M. [T] n'encourant qu'une peine maximale de 15 ans de réclusion criminelle et non de 20 ans comme l'exige l'article 145-2, § 2, du code de procédure pénale pour l'allongement des délais de détention qu'il édicte, la chambre de l'instruction ne pouvait considérer que M. [T] rentrait dans l'hypothèse d'un possible allongement de la détention à quatre ans au motif erroné que le vol en bande organisée serait constitutif d'un « crime en bande organisée » au sens de ce texte. La chambre de l'instruction a ainsi violé l'article 145-2, § 2, du code de procédure pénale. M. [T] détenu depuis plus de 2 ans doit être mis en liberté et la cassation interviendra sans renvoi. » Réponse de la Cour Vu l'article 145-2, alinéa 2, du code de procédure pénale : 6. Aux termes de ce texte, la personne mise en examen ne peut être maintenue en détention provisoire au-delà de deux ans lorsque la peine encourue est inférieure à vingt ans de réclusion ou de détention criminelles et au-delà de trois ans dans les autres cas. Les délais sont portés respectivement à trois et quatre ans lorsque l'un des faits constitutifs de l'infraction a été commis hors du territoire national. Le délai est également de quatre ans lorsque la personne est poursuivie pour plusieurs crimes mentionnés aux livres II et IV du code pénal, ou trafic de stupéfiants, terrorisme, proxénétisme, extorsion de fonds ou pour un crime commis en bande organisée. 7. Cet article n'est applicable qu'en matière criminelle. 8. Ainsi, d'une part, les catégories d'infractions de trafic de stupéfiants, terrorisme, proxénétisme et extorsion de fonds, énumérées par ce texte, ne concernent que celles d'entre elles qui constituent des crimes, les délits relevant de l'article 145-1 du même code. 9. D'autre part, alors que ledit article, applicable en matière correctionnelle, fait mention d'une « infraction » commise en bande organisée, l'article 145-2, alinéa 2, précité, vise précisément un « crime » commis en bande organisée, qu'il distingue de « l'infraction » criminelle comportant un élément d'extranéité. 10. Il s'en déduit que l'expression « crime commis en bande organisée », dont l'interprétation doit être littérale, s'agissant d'une disposition allongeant la durée de la détention provisoire, suppose que les faits poursuivis puissent recevoir une qualification criminelle, indépendamment de la circonstance de bande organisée. 11. En l'espèce, pour infirmer l'ordonnance du juge des libertés et de la détention et ordonner la prolongation de la détention provisoire de M. [T], l'arrêt attaqué énonce qu'au-delà de la matière criminelle visée à son premier alinéa, l'article 145-2 du code de procédure pénale prévoit pour certains délits un délai de détention maximal allongé à quatre années ainsi que pour les crimes commis en bande organisée. 12. Les juges en déduisent que, pour un crime commis en bande organisée, ce texte ne distingue pas entre la nature, délictuelle ou criminelle, de l'infraction initiale, aggravée par la circonstance de bande organisée, de sorte que le délai maximal de la détention provisoire de quatre ans trouve bien à s'appliquer pour le crime de vol en bande organisée. 13. En se déterminant ainsi, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés. 14. La cassation est par conséquent encourue. Portée et conséquences de la cassation 15. La cassation aura lieu sans renvoi, la Cour de cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle de droit et de mettre fin au litige, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire. 16. M. [T] étant détenu sans titre depuis le 3 juillet 2022 dans la présente procédure, il doit être remis en liberté, sauf s'il est détenu pour autre cause. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Rennes, en date du 17 juin 2022 ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; CONSTATE que M. [T] est détenu sans titre depuis le 3 juillet 2022 dans la présente procédure ; ORDONNE la mise en liberté de M. [T] s'il n'est détenu pour autre cause ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Rennes et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le treize septembre deux mille vingt-deux.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° J 22-83.885 F-B 13 SEPTEMBRE 2022 M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 13 SEPTEMBRE 2022 M. [I] [T] a formé un pourvoi contre l'ordonnance du président de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, en date du 13 juin 2022, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs d'importation de stupéfiants, infractions à la législation sur les stupéfiants et association de malfaiteurs, a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention rejetant sa requête sur ses conditions de détention. Un mémoire a été produit. Sur le rapport de M. Seys, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [I] [T], et les conclusions de M. Lemoine, avocat général, après débats en l'audience publique du 13 septembre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Seys, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'ordonnance attaquée et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. Mis en examen des chefs susvisés, M. [I] [T] a été placé sous mandat de dépôt correctionnel par ordonnance du juge des libertés et de la détention en date du 12 octobre 2021. 3. Le 16 mai 2022, M. [T] a saisi le juge des libertés et de la détention d'une requête dénonçant les conditions de sa détention, au visa de l'article 803-8 du code de procédure pénale. 4. Le magistrat saisi, après avoir sollicité, et obtenu le 24 mai 2022, les avis de l'administration pénitentiaire et du ministère public, a ordonné, d'office, l'audition de l'intéressé, qui a été entendu le 25 mai 2022, en présence de son avocat, du procureur de la République et de représentants de la maison d'arrêt. 5. Par ordonnance du 26 mai suivant, la requête a été rejetée. 6. M. [T] a relevé appel de cette décision et a demandé à comparaître devant le président de la chambre de l'instruction. Examen des moyens Sur le premier moyen Enoncé du moyen 7. Le moyen critique l'ordonnance attaquée en ce qu'elle a déclaré irrecevable la demande de comparution personnelle présentée par M. [T], alors : « 1°/ qu'en matière de détention provisoire, la comparution personnelle, si elle est demandée, est de droit ; que ce principe vaut en particulier lorsqu'une personne détenue sollicite, sur le fondement de l'article 803-8 du code de procédure pénale, son transfèrement ou sa remise en liberté à raison des conditions indignes de sa détention ; qu'au cas d'espèce, M. [T], appelant de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention ayant rejeté la demande de transfèrement ou de remise en liberté qu'il avait formée sur le fondement de ce texte en arguant de l'indignité de ses conditions de détention, avait sollicité expressément, dans sa déclaration d'appel, sa comparution personnelle devant le président de la chambre de l'instruction ; qu'en affirmant, pour rejeter cette requête, que les articles 803-8 et R. 249-36 à R. 249-39 du code de procédure pénale ne prévoyaient pas une possibilité de comparution personnelle du requérant, le président de la chambre de l'instruction a excédé ses pouvoirs en violation de ces textes, ensemble des article 5 et 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; 2°/ que si l'article 803-8 du code de procédure pénale devait être lu comme excluant la comparution personnelle de la personne détenue devant le président de la chambre de l'instruction appelé à statuer sur l'appel interjeté contre l'ordonnance du juge des libertés et de la détention rejetant la demande de transfèrement ou de remise en liberté fondée sur l'indignité des conditions de détention, ce texte devrait, sur la question prioritaire de constitutionnalité posée par mémoire distinct, être abrogé en ce qu'il serait contraire au principe constitutionnel d'accès au juge garanti par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. » Réponse de la Cour Sur le moyen, pris en sa première branche 8. Pour dire irrecevable la demande de comparution de M. [T], l'ordonnance attaquée énonce qu'aucun texte législatif ou réglementaire ne prévoit la possibilité d'une comparution personnelle du détenu devant le président de la chambre de l'instruction statuant comme juridiction d'appel. 9. En prononçant ainsi, le président de la chambre de l'instruction a justifié sa décision pour les motifs qui suivent. 10. En premier lieu, la personne détenue qui saisit le juge sur le fondement de l'article 803-8 du code de procédure pénale ne peut se prévaloir des règles applicables en matière de contentieux de la détention provisoire, l'objet de ce texte n'étant pas l'examen du bien-fondé de cette détention, mais celui des conditions dans lesquelles celle-ci se déroule. 11. En second lieu, la procédure applicable aux requêtes en conditions indignes de détention garantit suffisamment le droit d'accès au juge. 12. En effet, il se déduit de la lecture combinée des articles 803-8, R. 249-24 et R. 249-35 de ce même code, d'une part, que la personne détenue peut, au moment du dépôt de sa requête, demander à comparaître devant le juge des libertés et de la détention, d'autre part, que, saisi d'une telle demande, ce magistrat doit procéder à cette audition s'il entend rendre une décision d'irrecevabilité, et, enfin, que si la requête est déclarée recevable, l'audition doit être réalisée avant la décision sur le bien-fondé de celle-ci. 13. Enfin, devant le président de la chambre de l'instruction, la personne détenue peut présenter toutes observations utiles, personnellement ou par l'intermédiaire de son avocat, auxquelles ce magistrat est tenu de répondre. 14. Ainsi, le grief, inopérant en ce qu'il vise l'article 5 de la Convention européenne des droits de l'homme, dès lors que l'examen des requêtes en conditions indignes de détention relève des articles 3 et 13 de cette Convention, doit être écarté. Sur le moyen, pris en sa seconde branche 15. Par arrêt distinct de ce jour, la Cour de cassation a dit n'y avoir lieu de transmettre la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel ; le grief est ainsi devenu sans objet. Mais sur le moyen relevé d'office et mis dans le débat Vu l'article 803-8, I, alinéas 2 et 4, du code de procédure pénale : 16. Selon ce texte, le juge des libertés et de la détention déclare recevable la requête portant sur l'examen des conditions de détention si les allégations de conditions contraires à la dignité de la personne humaine y figurant sont circonstanciées, personnelles et actuelles, de sorte qu'elles constituent un commencement de preuve de ce que ces conditions de détention ne respectent pas la dignité de la personne. Cette disposition vise à permettre le recours effectif et préventif exigé par la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales tout en le réservant aux situations dont la description par le requérant convainc le juge de faire usage de ses pouvoirs de vérification. 17. Il en résulte que le juge des libertés et de la détention ne peut statuer sur le bien-fondé de la requête sans avoir au préalable statué sur sa recevabilité. 18. En l'espèce, en prononçant sur le bien-fondé de la requête, alors que le premier juge n'avait pas au préalable statué sur la recevabilité de celle-ci par une ordonnance rendue conformément à l'article R. 249-21 du code de procédure pénale, mais s'était, au contraire, prononcé notamment en considération d'informations transmises par l'administration pénitentiaire, qu'il n'avait pas à prendre en compte à ce stade, le président de la chambre de l'instruction a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus énoncé. 19. La cassation est dès lors encourue. Portée et conséquences de la cassation 19. Il appartient au président de la chambre de l'instruction de statuer sur la recevabilité de la requête. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu d'examiner le second moyen de cassation proposé, la Cour : CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance susvisée du président de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, en date du 13 juin 2022, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ; RENVOIE la cause et les parties devant la juridiction du président de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'ordonnance annulée. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le treize septembre deux mille vingt-deux.
CASS/JURITEXT000046304278.xml
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° C 21-86.796 FS-B 14 SEPTEMBRE 2022 M. DE LAROSIÈRE DE CHAMPFEU conseiller le plus ancien faisant fonction de président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 14 SEPTEMBRE 2022 M. [E] [V] a formé un pourvoi contre l'arrêt n° 130 de la chambre de l'application des peines de la cour d'appel de Grenoble, en date du 8 juillet 2021, qui a prononcé la révocation partielle d'un sursis avec mise à l'épreuve, devenu sursis probatoire. Un mémoire a été produit. Sur le rapport de M. Laurent, conseiller, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [E] [V], et les conclusions de Mme Chauvelot, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 29 juin 2022 où étaient présents M. de Larosière de Champfeu, conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, M. Laurent, conseiller rapporteur, Mmes Leprieur, Sudre, M. Turbeaux, conseillers de la chambre, Mme Barbé, M. Mallard, Mme Guerrini, conseillers référendaires, Mme Chauvelot, avocat général référendaire, et Mme Boudalia, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. Par arrêt en date du 27 mars 2019, la cour d'appel de Grenoble a condamné M. [E] [V] à la peine de cinq ans d'emprisonnement dont trois ans avec sursis et mise à l'épreuve pour infractions à la législation sur les stupéfiants. 3. Par jugement du 2 février 2021, après débat contradictoire auquel la personne condamnée a assisté, le juge de l'application des peines de Gap a révoqué à hauteur de dix-huit mois le sursis avec mise à l'épreuve prononcé. 4. M. [V] a relevé appel de cette décision. Examen des moyens Sur le second moyen 5. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Sur le premier moyen Enoncé du moyen 6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé le jugement déféré ayant révoqué à hauteur de dix-huit mois le sursis avec mise à l'épreuve prononcé par la cour d'appel de Grenoble à l'encontre de M. [V], alors « que devant la chambre de l'application des peines, l'intéressé doit être informé, à l'ouverture des débats, de son droit de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire ; qu'il résulte des mentions de l'arrêt attaqué que, lors de l'audience du 18 juin 2021 à laquelle M. [V] a comparu, ce dernier n'a pas été informé de son droit, au cours des débats, de faire des déclarations, de répondre aux questions ou de se taire ; qu'en statuant ainsi, la chambre de l'application des peines a violé l'article 406 du code de procédure pénale, ensemble l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme. » Réponse de la Cour 7. Le demandeur ne peut valablement soutenir que la décision de la chambre de l'application des peines serait nulle, au motif que ses observations auraient été recueillies à l'audience, sans qu'il ait été préalablement averti de son droit de garder le silence. 8. En effet, les articles 712-6, 712-13 et D. 49-42 du code de procédure pénale, qui organisent les débats devant les juridictions de l'application des peines, ne prescrivent pas que la personne qui comparaît devant elles reçoive la notification prévue par l'article 406 du code précité. 9. Les dispositions relatives au droit de se taire devant les juridictions pénales, qui ont pour objet d'empêcher qu'une personne prévenue d'une infraction ne contribue à sa propre incrimination, ne sont pas applicables devant les juridictions de l'application des peines, qui se prononcent seulement sur les modalités d'exécution d'une sanction décidée par la juridiction de jugement. 10. En conséquence, le moyen doit être écarté. 11. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le quatorze septembre deux mille vingt-deux. Sur les limites du domaine d'application de la notification du droit de se taire en application de l'article 406 du code de procédure pénale, à rapprocher :Crim., 27 janvier 2021, pourvoi n° 20-86.037, Bull. crim. (rejet), et les arrêts cités ;Crim., 16 juin 2021, pourvoi n° 19-86.630, Bull. crim. (cassation partielle), et l'arrêt cité ;Crim., 17 novembre 2021, pourvoi n° 21-80.567, Bull. crim. (rejet).
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° R 21-87.452 F-B 13 SEPTEMBRE 2022 CASSATION PARTIELLE M. BONNAL conseiller le plus ancien faisant fonction de président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 13 SEPTEMBRE 2022 MM. [S] [H], [E] [V], [G] [J] et [X] [K] ont formé des pourvois contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles, en date du 17 décembre 2021, qui, dans l'information suivie contre eux, notamment, des chefs d'infractions à la législation sur les stupéfiants, association de malfaiteurs et blanchiment, a prononcé sur leurs demandes d'annulation d'actes de la procédure. Par ordonnance en date du 7 février 2022, le président de la chambre criminelle a joint les pourvois et prescrit leur examen immédiat. Un mémoire, commun aux demandeurs, a été produit. Sur le rapport de Mme Thomas, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de MM. [S] [H], [E] [V], [G] [J] et [X] [K], et les conclusions de M. Aubert, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 14 juin 2022 où étaient présents M. Bonnal, conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, Mme Thomas, conseiller rapporteur, Mme Ménotti, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. Mis en examen notamment des chefs précités, MM. [S] [H], [E] [V], [G] [J] et [X] [K] ont présenté des demandes d'annulation d'actes de la procédure. Examen des moyens Sur le troisième moyen 3. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Sur le deuxième moyen Enoncé du moyen 4. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la demande tendant à l'annulation des procès-verbaux faisant état des conversations téléphoniques interceptées entre Mme [I] [D] et l'avocat de son compagnon, M. [K], des procès-verbaux de mise en place et d'exploitation du dispositif de géolocalisation du véhicule Ford Fiesta immatriculé [Immatriculation 1] et des actes subséquents, alors : « 1°/ qu'il résulte de l'article 100-5, alinéa 3, du code de procédure pénale que ne peuvent être transcrites les correspondances avec un avocat relevant de l'exercice des droits de la défense ; qu'en affirmant, pour rejeter la demande d'annulation des procès-verbaux relatant les conversations téléphoniques interceptées entre Mme [D] et l'avocat de son compagnon, M. [K], et des actes subséquents, que « la lecture du procès-verbal coté D 110 révèle que celui-ci a pour objet une surveillance et qu'il ne s'agit pas d'un procès-verbal de retranscription d'une conversation téléphonique au sens des dispositions de l'article 101 du code de procédure pénale », quand il ressortait de cet acte qu'y était transcrite la teneur d'une conversation entre Mme [D] et l'avocat de M. [K], la chambre de l'instruction a dénaturé ce procès-verbal et violé les articles 100-5, 591 et 593 du code de procédure pénale ; 2°/ que l'interdiction de transcription posée par l'article 100-5, alinéa 3, du code de procédure pénale n'est pas limitée aux seules conversations avocat-client mais s'étend aux échanges entre un avocat et un proche de son client, lorsque la conversation concerne les droits de la défense dudit client ; qu'en retenant, pour rejeter la requête tendant à l'annulation des procès-verbaux transcrivant les conversations téléphoniques interceptées entre Mme [D] et l'avocat de son compagnon, M. [K], qu'il n'est pas établi que cet avocat assure la défense de Mme [D], motif impropre à justifier le maintien à la procédure des transcriptions litigieuses, la chambre de l'instruction a violé les articles 100-5, 591 et 593 du code de procédure pénale ; 3°/ que devant la chambre de l'instruction, M. [K] faisait valoir que l'avocat dont les propos avaient été enregistrés et transcrits était également celui de sa compagne Mme [D] ; qu'en se bornant, pour écarter la demande d'annulation des procès-verbaux de transcription et des actes subséquents, qu'il ne ressortait pas de la conversation interceptée que « cet avocat assure la défense de la personne titulaire de la ligne téléphonique susvisée ainsi placée sous surveillance », sans rechercher, indépendamment de l'écoute elle-même, si l'avocat n'était pas celui de Mme [D], la chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 100-5, 591 et 593 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour 5. Pour rejeter le moyen de nullité du procès-verbal relatant l'appel téléphonique d'un avocat, intercepté sur la ligne de la compagne de M. [K], l'informant du défèrement de celui-ci et lui donnant rendez-vous au tribunal, l'arrêt attaqué énonce que ce procès-verbal a pour objet une surveillance et qu'il ne s'agit pas d'un procès-verbal de transcription d'une conversation téléphonique. 6. Les juges ajoutent qu'il ne ressort pas de ce procès-verbal que cet avocat assure la défense de la personne titulaire de la ligne téléphonique surveillée. 7. En statuant ainsi, la chambre de l'instruction a justifié sa décision. 8. En effet, d'une part, si l'interdiction de transcription des correspondances avec un avocat relevant de l'exercice des droits de la défense de son client s'étend à celles échangées à ce sujet entre l'avocat et les proches de celui-ci, les échanges litigieux relatifs au défèrement de M. [K] au tribunal et au rendez-vous pris entre l'avocat et la compagne de celui-ci n'ont été rapportés que pour rendre compte des circonstances ayant permis la localisation du véhicule de cette dernière et l'installation sur celui-ci d'un dispositif de géolocalisation, de sorte que le procès-verbal en cause a eu pour seul objet de donner les informations nécessaires à la compréhension des investigations. 9. D'autre part, ainsi que la Cour de cassation, qui a le contrôle des pièces de la procédure, est en mesure de le constater, la compagne de M. [K] n'avait pas encore été placée en garde à vue dans le dossier au moment où s'est tenu l'échange téléphonique litigieux et n'était pas partie à la procédure au moment où la chambre de l'instruction a statué, de sorte que cette conversation avec l'avocat ne pouvait relever de l'exercice des droits de sa défense. 10. Ainsi, le moyen doit être écarté. Mais sur le premier moyen Enoncé du moyen 11. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté les demandes d'annulation des procès-verbaux d'interpellation de MM. [H], [J] et [V], des procès-verbaux des perquisitions réalisées à leurs domiciles respectifs et des actes subséquents, alors : « 1°/ que le juge d'instruction ne peut autoriser les enquêteurs à perquisitionner des locaux d'habitation en dehors des heures prévues à l'article 59 du code de procédure pénale que par ordonnance écrite et motivée préalable à la perquisition ; qu'en affirmant que les perquisitions réalisées au domicile de MM. [H], [J] et [V] dans la nuit du 7 au 8 février 2021 respectivement à 3 heures 15, 2 heures 25 et 2 heures 26, ainsi que les interpellations de ces derniers, avaient pu être autorisées par une ordonnance écrite établie postérieurement aux opérations de perquisition dès lors que cette ordonnance écrite serait venue « régulariser » une « autorisation verbale » qui aurait été donnée par le juge avant les perquisitions, la chambre de l'instruction a violé l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme ainsi que les articles 706-91, 706-92, 591 et 593 du code de procédure pénale ; 2°/ qu'une autorisation de perquisition en dehors des heures prévues à l'article 59 du code de procédure pénale ne saurait être motivée rétrospectivement par des considérations relatives aux découvertes, saisies ou interpellations effectuées au cours de cette perquisition que les « éléments de fait et de droit » motivant l'autorisation doivent nécessairement être antérieurs à la perquisition qu'au cas d'espèce la chambre de l'instruction a elle-même constaté que l'ordonnance écrite d'autorisation du juge d'instruction était en particulier motivée par l'interpellation, au cours des perquisitions, de MM. [H], [J] et [V] ; qu'en rejetant néanmoins la demande d'annulation des perquisitions et interpellations, la chambre de l'instruction a derechef violé l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme ainsi que les articles 706-91, 706-92, 591 et 593 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour Vu les articles 706-91 et 706-92 du code de procédure pénale : 12. Il résulte de ces textes que l'autorisation donnée par le juge d'instruction aux officiers de police judiciaire de procéder à une perquisition dans un lieu d'habitation en dehors des heures légales doit comporter les motifs propres à justifier cette atteinte à la vie privée dans une ordonnance écrite et motivée formalisée sans délai, faute desquels aucun contrôle réel et effectif de la mesure ne peut avoir lieu, ce qui cause nécessairement un grief à la personne concernée. Il en découle qu'est nulle l'autorisation verbale donnée par ce magistrat, même suivie, après la réalisation de l'acte, de la formalisation d'une ordonnance écrite et motivée. 13. Pour rejeter le moyen de nullité des perquisitions effectuées aux domiciles respectifs de MM. [H], [V] et [J] le 8 février 2021 respectivement à 3 heures 15, 2 heures 26 et 2 heures 25, l'arrêt attaqué énonce que, selon le procès-verbal établi le 7 février à 20 heures, les officiers de police judiciaire ont reçu un appel téléphonique du juge d'instruction les autorisant verbalement à effectuer des perquisitions de nuit, vu l'urgence et la possible déperdition de preuves et leur indiquant régulariser son autorisation en leur transmettant une ordonnance dès le lendemain. 14. Les juges ajoutent que cette ordonnance, dont l'existence n'est pas mise en cause et qui figure en procédure, a bien été transmise aux enquêteurs qui l'ont annexée à leurs procès-verbaux de perquisition et qu'elle est motivée par référence à des éléments tant de fait que de droit justifiant que ces opérations sont nécessaires et qu'elles ne peuvent être réalisées durant les heures légales. 15. En statuant ainsi, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus énoncés. 16. La cassation est par conséquent encourue de ce chef. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles, en date du 17 décembre 2021, mais en ses seules dispositions ayant rejeté les moyens de nullité des procès-verbaux d'interpellation de MM. [H], [V] et [J] et de perquisition de leurs domiciles, ainsi que l'ensemble des actes subséquents y faisant référence, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ; Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée, RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le treize septembre deux mille vingt-deux. N2>Crim., 8 juillet 2015, pourvoi n° 15-81.731, Bull. crim. 2015, n° 174 (3) (cassation partielle).
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° W 22-80.515 FS-B 13 SEPTEMBRE 2022 M. BONNAL conseiller le plus ancien faisant fonction de président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 13 SEPTEMBRE 2022 M. [K] [C] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Grenoble, en date du 14 décembre 2021, qui, dans l'information suivie contre lui, notamment, des chefs d'association de malfaiteurs et blanchiment, a prononcé sur sa demande d'annulation de pièces de la procédure. Par ordonnance en date du 21 mars 2022, le président de la chambre criminelle a prescrit l'examen immédiat du pourvoi. Un mémoire a été produit. Sur le rapport de M. Violeau, conseiller référendaire, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [K] [C], et les conclusions de M. Aldebert, avocat général, après débats en l'audience publique du 28 juin 2022 où étaient présents M. Bonnal, conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, M. Violeau, conseiller rapporteur, Mme Ménotti, M. Maziau, Mme Labrousse, MM. Seys, Dary, Mme Thomas, conseillers de la chambre, M. Michon, conseiller référendaire, M. Aldebert, avocat général, et Mme Coste-Floret, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. Le 24 décembre 2020 à 8 heures 45, trois agents de la police municipale de [Localité 1] se sont enquis de la présence de deux personnes, dont M. [K] [C], après avoir remarqué le stationnement inhabituel de deux véhicules, dont l'un de marque Renault, modèle Clio. 3. Le conducteur de ce véhicule s'est enfui en courant, après qu'un des agents eut signalé la présence de liasses de billets sur la banquette arrière. 4. Les gendarmes, avisés par les agents de police municipale, sont arrivés sur les lieux à 9 heures 20, ont placé en garde à vue M. [C] pour non-justification de ressources, avec effet rétroactif à 9 heures, et lui ont notifié ses droits à 10 heures, heure à laquelle ils ont avisé le procureur de la République de cette mesure. 5. Les gendarmes ont requis deux des trois agents de police municipale pour procéder à la visite du véhicule Renault Clio et à la saisie des nombreuses liasses de billets, pour une somme totale de 83 000 euros, découvertes à l'extérieur et à l'intérieur de ce véhicule. 6. Après ouverture d'une information judiciaire, M. [C] a été mis en examen, le 26 décembre 2020, notamment des chefs susvisés. 7. Le 22 juin 2021, son avocat a déposé au greffe de la chambre de l'instruction une requête en annulation. Examen des moyens Sur le premier moyen Enoncé du moyen 8. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la requête en nullité formée par M. [C] et a, en conséquence, renvoyé le dossier au magistrat instructeur pour poursuite de l'information, alors : « 1°/ qu'en leur qualité d'agents de police judiciaire adjoints, tenus de seconder les officiers de police judiciaire dans l'exercice de leurs fonctions, et relevant ainsi de leur autorité administrative, les agents de police municipale ne peuvent être requis pour assister, en tant que témoins, à une perquisition ; qu'en retenant, pour écarter le moyen tendant à l'annulation de la perquisition du véhicule Renault Clio, que les deux agents de police municipale avaient pu régulièrement assister à cette perquisition, en qualité de témoins requis par l'officier de police judiciaire, cependant qu'en leur qualité d'agents de police judiciaire adjoints, ceux-ci ne pouvaient valablement être requis pour assister, en tant que témoins, à la perquisition litigieuse, la chambre de l'instruction a violé les articles préliminaire, 21, 21-2 et 57 du code de procédure pénale, et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ; 2°/ que porte atteinte au caractère équitable de la procédure le fait que les deux témoins requis pour assister à une perquisition aient été à l'origine de la mesure ; qu'en retenant, pour écarter le moyen tendant à l'annulation de la perquisition du véhicule Renault Clio, que le fait que les deux agents de police municipale aient « procédé à une interpellation et à une tentative d'interpellation comme tous citoyens en cas d'infractions flagrantes, [aient] été entendus comme témoins et [ne soient] pas intervenus comme agents de police adjoints sous l'autorité de l'officier de police judiciaire » ne portait pas atteinte au caractère équitable de la procédure, cependant que ces deux agents étaient ainsi à l'origine de l'arrestation de M. [C] et de la perquisition en cause, de sorte qu'ils ne pouvaient être requis pour assister, en tant que témoins, à ladite perquisition, la chambre de l'instruction a violé les articles préliminaire et 57 du code de procédure pénale, et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme. » Réponse de la Cour 9. Selon l'article 57 du code de procédure pénale, pris en son deuxième alinéa, lorsque la mesure de saisie ne peut avoir lieu en présence de l'occupant des lieux ou de l'un de ses représentants, l'officier de police judiciaire doit procéder à cette mesure en présence de deux témoins requis à cet effet par lui, en dehors des personnes relevant de son autorité administrative. 10. Une telle obligation a pour finalité de garantir le caractère contradictoire du déroulement des opérations de saisie ainsi que d'authentifier la présence effective sur les lieux des objets découverts et saisis. 11. D'une part, il en résulte que toute partie qui y a intérêt a qualité pour invoquer la nullité tirée de la méconnaissance de ces dispositions. 12. D'autre part, ces dispositions excluent qu'un officier de police judiciaire requière des agents de police municipale agissant dans l'exercice de leurs fonctions, dès lors qu'il résulte de l'article 21 du code de procédure pénale que de tels agents sont agents de police judiciaire adjoints et ont pour mission de seconder les officiers de police judiciaire. 13. C'est à tort que les juges, pour écarter le moyen de nullité notamment des saisies opérées à l'extérieur et à l'intérieur du véhicule Renault Clio, ont jugé que l'officier de police judiciaire pouvait requérir MM. [F] et [G], agents de police municipale agissant dans l'exercice de leurs fonctions, pour assister à ces mesures. 14. Cependant, l'arrêt n'encourt pas la censure, dès lors que le requérant n'a ni justifié ni même allégué l'existence d'un grief devant la chambre de l'instruction. 15. Ainsi, le moyen doit être écarté. Sur le second moyen Enoncé du moyen 16. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la requête en nullité formée par M. [C] et a, en conséquence, renvoyé le dossier au magistrat instructeur pour poursuite de l'information, alors : « 1°/ qu'il résulte des articles 63 et 63-1 du code de procédure pénale que, dès le début de la mesure, l'officier de police judiciaire informe le procureur de la République du placement de la personne en garde à vue et informe cette dernière de ses droits, tout retard dans cette information et cette notification portant nécessairement atteinte aux droits de l'intéressé ; qu'en retenant, pour écarter le moyen tendant à l'annulation de la garde à vue de M. [C], que ne présentait pas un caractère tardif le délai de 40 minutes écoulé entre, d'une part, l'arrivée à 9 heures 20 de l'officier de police judiciaire sur les lieux et, d'autre part, la notification de ses droits à M. [C] et l'information donnée au procureur de la République, à 10 heures, la chambre de l'instruction a violé les articles 63 et 63-1 du code de procédure pénale ; 2°/ que seules des circonstances insurmontables peuvent justifier un retard dans l'information du procureur de la République et la notification, à la personne gardée à vue, de ses droits ; qu'en se bornant à retenir, pour écarter le moyen tendant à l'annulation de la garde à vue de M. [C], que « la notification des droits intervenue 40 minutes après l'arrivée de l'officier de police judiciaire ne présent[ait] pas un caractère tardif compte tenu des circonstances de l'interpellation de la zone dans laquelle elle a[vait] eu lieu, de la fuite de l'un des deux individus, des constatations effectuées sur place et des délais de transport », cependant que de tels motifs, généraux et abstraits, s'ils pouvaient éventuellement justifier l'arrivée de l'officier de police judiciaire vingt minutes après l'interpellation de M. [C], à 9 heures, ne caractérisaient aucune circonstance insurmontable susceptible de justifier le retard de 40 minutes pris par celui-ci dans la notification des droits et l'information du procureur de la République, à 10 heures, la chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision, au regard des articles 63 et 63-1 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour 17. Pour écarter le moyen de nullité pris de la tardiveté de la notification des droits et de l'avis au procureur de la République, l'arrêt attaqué énonce qu'une notification verbale des droits a été faite par l'officier de police judiciaire à la personne placée en garde à vue après son arrivée sur les lieux à 9 heures 20. 18. Les juges ajoutent que l'avis au procureur et la notification écrite des droits, intervenus quarante minutes après cette arrivée de l'officier de police judiciaire, ne présentent pas un caractère tardif compte tenu des circonstances de l'interpellation, de la zone dans laquelle elle a eu lieu, de la fuite d'un des deux individus, des constatations effectuées sur place et des délais de transport. 19. En statuant ainsi, la chambre de l'instruction a justifié sa décision sans méconnaître les dispositions conventionnelles et légales invoquées. 20. Dès lors, le moyen doit être écarté. 21. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi. ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le treize septembre deux mille vingt-deux.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° V 21-83.914 F-B 13 SEPTEMBRE 2022 M. BONNAL conseiller le plus ancien faisant fonction de président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 13 SEPTEMBRE 2022 La société [1] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, chambre 2-13, en date du 16 juin 2021, qui, pour entrave, l'a condamnée à 15 000 euros d'amende dont 5 000 euros avec sursis et a prononcé sur les intérêts civils. Des mémoires ont été produits, en demande et en défense. Sur le rapport de Mme Labrousse, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société [1], les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat du comité social et économique central de [1] venant aux droits du comité central d'entreprise de [1], et les conclusions de M. Lemoine, avocat général, après débats en l'audience publique du 28 juin 2022 où étaient présents M. Bonnal, conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, Mme Labrousse, conseiller rapporteur, Mme Ménotti, conseiller de la chambre, et Mme Coste-Floret, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. Par actes en date du 9 mars 2017, le comité central d'entreprise de [1] a fait citer devant le tribunal correctionnel la société éponyme et Mme [L] [Z], présidente du groupe [1], du chef d'entrave pour avoir « omis d'informer et de consulter le comité central d'entreprise de [1] préalablement à la mise en oeuvre, en avril 2014 et au cours de l'année 2015, de la revue du personnel au sein de la société [1] ». 3. Par jugement en date du 27 juin 2018, le tribunal correctionnel a rejeté les exceptions de nullité de la citation et d'irrecevabilité de la constitution de partie civile du comité central d'entreprise, relaxé Mme [Z], déclaré la société [1] coupable des faits reprochés et a prononcé sur la peine et les intérêts civils. 4. La société prévenue a relevé appel de cette décision. Examen des moyens Sur le troisième moyen 5. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Sur le premier moyen Enoncé du moyen 6. Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement déféré en ce qu'il a rejeté les demandes de la société [1] liées à la nullité de la citation, alors « qu'il résulte de la combinaison des dispositions des articles 550, alinéa 4, 551, 565 et 121-2 du code pénal que porte nécessairement atteinte aux intérêts de la prévenue la citation délivrée par la partie civile à l'encontre d'une personne morale qui s'abstient de désigner l'identité de l'organe ou du représentant, personne physique, ayant commis les faits poursuivis pour son compte ; qu'en refusant de prononcer la nullité d'une citation après avoir relevé qu'il est « indifférent que la personne physique représentant la société n'ait pas été nommément désignée », quand ce défaut d'identification portait nécessairement atteinte aux intérêts de la prévenue en ne répondant pas aux exigences de certitude et de précision des faits qui lui étaient reprochés, la cour d'appel a méconnu les textes visés au moyen. » Réponse de la Cour 7. Pour écarter l'exception de nullité de la citation, prise de ce que cet acte ne mentionne pas l'identité de la personne physique, organe ou représentant de la personne morale, susceptible d'avoir commis le délit d'entrave, l'arrêt attaqué énonce qu'il est indifférent que celle-ci n'ait pas été nommément désignée. 8. En statuant ainsi, la cour d'appel a fait l'exacte application des textes visés au moyen. 9. En effet, l'article 551, alinéa 2, du code de procédure pénale n'exige que soient mentionnés dans la citation que la description détaillée des faits poursuivis et les textes de loi les réprimant. 10. Il s'ensuit que le moyen ne peut être accueilli. Sur le deuxième moyen Enoncé du moyen 11. Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement déféré en ce qu'il a rejeté les demandes de la société [1] liées à l'irrecevabilité de la citation directe, alors « qu'est irrégulière la délibération par laquelle le comité d'entreprise donne mandat à son secrétaire d'exercer des poursuites correctionnelles pour entrave à son fonctionnement lorsque cette délibération n'a pas été préalablement inscrite à l'ordre du jour de la réunion du comité et ne présente aucun lien avec les questions devant être débattues de telle sorte que les membres titulaires absents sont privés de toute possibilité de s'exprimer sur ce sujet ; que pour écarter toute irrecevabilité de la citation directe délivrée par le CCE de [1] résultant de l'irrégularité de la délibération du CCE du 1er octobre 2015 et du mandat confié à son secrétaire en conséquence pour exercer des poursuites correctionnelles du chef d'entrave, l'arrêt attaqué se borne à relever que « lors de la réunion du CCE du 1er octobre 2015, son secrétaire M. [N] est intervenu en début de séance pour solliciter l'ajout d'un point à l'ordre du jour : vote d'un mandat au secrétaire du CCE pour ester en justice pour entrave » et qu'en outre, « lors de la réunion du CCE du 7 avril 2016, une résolution désignant le cabinet d'avocat en charge de l'action a été inscrite à l'ordre du jour et adoptée à l'unanimité » ; qu'en se déterminant ainsi sans même rechercher si l'ajout de ce point à l'ordre du jour de la réunion du 1er octobre 2015 en tout début de séance, n'était pas de nature à établir l'irrégularité de la résolution litigieuse et du mandat confié à M. [N] en conséquence, faute d'avoir permis aux membres titulaires absents de la possibilité de s'exprimer sur ce sujet, et quand la circonstance que le CCE ait désigné lors de la réunion du CCE du 7 avril 2016 le cabinet d'avocat en charge de l'action était indifférente à établir la régularité de la délibération du 1er octobre 2015 et du mandat confié à son secrétaire, le mandat confié au cabinet d'avocat étant distinct du mandat confié au secrétaire du comité d'entreprise, et ne pouvant en aucun cas suppléer l'irrégularité de ce dernier, la cour d'appel n'a pas tiré de ses propres constatations les conséquences légales qui s'imposaient et privé sa décision de toute base légale au regard des articles L. 2325-1 du code du travail dans sa rédaction applicable à l'époque des faits et 593 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour 12. Pour écarter l'exception d'irrecevabilité de la constitution de partie civile du comité central d'entreprise, prise de l'irrégularité de la délibération autorisant le secrétaire de ce comité à agir en justice du chef d'entrave, l'arrêt attaqué relève notamment qu'il résulte des pièces produites que, lors de la réunion du comité central d'entreprise du 1er octobre 2015, son secrétaire, M. [N], est intervenu en début de séance pour solliciter l'ajout d'un point à l'ordre du jour ainsi intitulé : « vote d'un mandat au secrétaire du CCE pour ester en justice pour entrave ». 13. En l'état de ces seules énonciations, la cour d'appel a justifié sa décision. 14. En effet, si l'article L. 2327-14 du code du travail, dans sa rédaction alors applicable, prévoyait que l'ordre du jour du comité central d'entreprise est communiqué aux membres huit jours au moins avant la séance, ce délai était édicté dans leur intérêt afin de leur permettre d'examiner les questions à l'ordre du jour et d'y réfléchir. 15. Or, il résulte du procès-verbal du comité du 1er octobre 2015, dont la Cour de cassation a le contrôle, que la modification de l'ordre du jour a été adoptée à l'unanimité des membres présents, de sorte qu'il en résulte que ces derniers ont accepté, sans objection, de discuter de la question du mandat, manifestant ainsi avoir été avisés en temps utile. 16. Le moyen ne peut dès lors être accueilli. 17. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi. FIXE à 2 500 euros la somme que la société [1] devra payer au comité social et économique central de [1] venant aux droits du comité central d'entreprise de [1], en application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le treize septembre deux mille vingt-deux. Crim., 5 septembre 2006, pourvoi n° 05-85.895, Bull. crim. 2006, n° 206 (rejet).
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 28 septembre 2022 Cassation partielle sans renvoi Mme MOUILLARD, président Arrêt n° 550 FS-B Pourvoi n° E 19-19.768 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 28 SEPTEMBRE 2022 La société Coopération pharmaceutique française (Cooper), société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 4], a formé le pourvoi n° E 19-19.768 contre l'arrêt rendu le 4 juillet 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 5), dans le litige l'opposant : 1°/ à la société Mon Courtier en pharmacie, société par actions simplifiée, anciennement dénommée Pyxis Services et Pyxis Pharma, 2°/ à la société Sagitta Pharma, société par actions simplifiée, ayant toutes deux leur siège [Adresse 2], 3°/ à la société Pharmacie [V]-[X], société d'exercice libéral par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3], 4°/ à la société Pharmacie [Adresse 1], société d'exercice libéral par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], 5°/ à l'association Pyxis Pharma SRA, dont le siège est [Adresse 2], venant pour partie aux droits de la société Pyxis Services en qualité de structure de regroupement à l'achat, défenderesses à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Michel-Amsellem, conseiller, les observations de la SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat de la société Coopération pharmaceutique française, de la SCP Zribi et Texier, avocat des sociétés Mon Courtier en pharmacie, anciennement dénommée Pyxis Services et Pyxis Pharma, Sagitta Pharma, Pharmacie [V]-[X] et Pharmacie [Adresse 1], et l'avis de M. Douvreleur, avocat général, après débats en l'audience publique du 21 juin 2022 où étaient présents Mme Mouillard, président, Mme Michel-Amsellem, conseiller rapporteur, Mme Darbois, conseiller doyen, Mmes Poillot-Peruzzetto, Champalaune, conseillers, M. Blanc, Mmes Comte, Bessaud, Bellino, M. Regis, conseillers référendaires, M. Douvreleur, avocat général, et Mme Labat, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 4 juillet 2019), rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 29 mars 2017, pourvoi n° 15-27.811), MM. [S] et [D] [X] (MM. [X]), pharmaciens d'officine, ont créé la société Pyxis Pharma, devenue la société Mon Courtier en pharmacie, structure de regroupement à l'achat (SRA), afin de négocier, auprès des fournisseurs, les conditions d'achat de produits pour le compte de ses adhérents, ainsi que la société Sagitta Pharma, centrale d'achat pharmaceutique (CAP), intervenant en qualité de prestataire logistique. 2. Ces sociétés ont souhaité nouer une relation commerciale avec la société de Coopération pharmaceutique française (la société Cooper), établissement pharmaceutique spécialisé dans la fourniture aux pharmaciens de médicaments et accessoires, sur la base des conditions générales de vente applicables aux officines. 3. Un litige a opposé les parties, notamment, sur le bénéfice de ces conditions de vente, la société Cooper considérant que la société Pyxis Pharma, en sa qualité de SRA, n'y était pas éligible, dès lors qu'elle n'était pas une officine mais intervenait comme commissionnaire et qu'elle était assimilable, dans son modèle de distribution, aux grossistes répartiteurs. Examen du moyen Sur le moyen, pris en ses troisième, quatrième et cinquième branches, ci-après annexé 4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le moyen, pris en ses sixième, septième, huitième, neuvième, dixième, onzième, douzième et treizième branches dont l'examen est préalable Enoncé du moyen 5. La société Cooper fait grief à l'arrêt, infirmant le jugement, de la condamner à communiquer à la société Pyxis Pharma, devenue Mon Courtier en pharmacie, les conditions générales de vente accordées aux officines indépendantes, comme base de négociation commerciale entre lesdites sociétés et à payer à cette dernière la somme de 20 000 euros en réparation de son préjudice au titre de la pratique restrictive de concurrence, alors : « 6°/ qu'un fournisseur de produits peut refuser à un acheteur la communication des conditions générales de vente applicables à une catégorie de clientèle s'il établit, selon des critères objectifs, c'est-à-dire indépendants de sa volonté et susceptibles de s'appliquer à tous de la même façon, que cet acheteur n'appartient pas à la catégorie concernée ; que la cour d'appel a elle-même constaté que la société Cooper distingue trois catégories de clientèle, en fonction de l'activité de l'acheteur qui conclut le contrat de vente avec elle ; qu'elle propose ainsi des conditions générales de vente différentes selon qu'il s'agit d'une officine indépendante, qui effectue directement ses achats auprès d'elle sans recourir à un quelconque intermédiaire, d'officines groupées, qui justifient de l'affiliation à un groupement ayant conclu, en leur nom et pour leur compte, un contrat de référencement organisant la vente directe par la société Cooper de ses produits à ces officines, ou de grossistes et intermédiaires de toutes natures qui, agissant en leur nom, contractent directement avec la société Cooper pour organiser ensuite par eux-mêmes, selon des modalités qui leur sont propres, la distribution des médicaments acquis auprès d'elle ; qu'entre dans cette dernière catégorie la SRA qui contracte avec le laboratoire en qualité de commissionnaire à l'achat, acquérant les produits en son propre nom, sans révéler le nom des officines adhérentes pour le compte desquelles elle agit, et qui est seule tenue du paiement des produits et seule responsable à l'égard du laboratoire au titre du contrat de vente ; qu'en décidant que la société Cooper échouait à démontrer par des critères objectifs que la société Pyxis Pharma n'entrait pas dans la catégorie des officines indépendantes, tout en constatant que la société Pyxis Pharma était "un intermédiaire du réseau de distribution des médicaments en gros", qui, en tant que commissionnaire à l'achat, commandait en son nom les produits de la société Cooper, se les faisait facturer en son nom, les réglait ensuite à la société Cooper et engageait sa responsabilité personnelle à son égard au titre de cet achat, ce qui excluait toute vente directe conclue entre la société exposante et les officines adhérentes et justifiait objectivement que la société Pyxis Pharma, en tant qu'intermédiaire agissant en son propre nom, reçoive communication des conditions générales de vente proposées aux grossistes et intermédiaires de toute nature, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations, a violé les articles L. 441-6 et L. 442-6, I, 9°, du code de commerce, dans leur rédaction applicable en la cause ; 7°/ qu'un fournisseur de produits peut refuser à un acheteur la communication des conditions générales de vente applicables à une catégorie de clientèle s'il établit, selon des critères objectifs, c'est-à-dire indépendants de sa volonté et susceptibles de s'appliquer à tous de la même façon, que cet acheteur n'appartient pas à la catégorie concernée ; qu'en l'espèce, la société Cooper distingue trois catégories de clientèle, en fonction de l'activité de l'acheteur concluant le contrat de vente avec elle, officines indépendantes, officines groupées ou intermédiaires ; que l'application de ce critère objectif ne peut se faire qu'au regard de la nature et des caractéristiques de la relation existant entre la société Cooper et son cocontractant ; que dans l'hypothèse où celui-ci est un commissionnaire à l'achat qui conclut le contrat en son nom, cela exclut nécessairement que le contrat de vente soit conclu avec une officine indépendante ou des officines groupées, peu important la façon dont le commissionnaire organise sa relation juridique avec les officines commettantes en vue de la distribution des produits acquis auprès de la société exposante ; qu'en retenant cependant que la catégorie d'acheteur dont relevait la société Pyxis Pharma devait être déterminée au regard, non pas des caractéristiques de la relation unissant celle-ci à la société Cooper, mais de celles de la relation l'unissant aux officines adhérentes, définies par le "contrat de commission" conclu avec ces dernières, et auquel la société Cooper demeure étrangère, la cour d'appel a fait une application erronée des critères mis en place par la société exposante et violé les articles L. 441-6 et L. 442-6, I, 9°, du code de commerce, dans leur rédaction applicable en la cause ; 8°/ qu'un fournisseur de produits peut refuser à un acheteur la communication des conditions générales de vente applicables à une catégorie de clientèle s'il établit, selon des critères objectifs, c'est-à-dire indépendants de sa volonté et susceptibles de s'appliquer à tous de la même façon, que cet acheteur n'appartient pas à la catégorie concernée ; qu'en l'espèce, la société Cooper distingue trois catégories de clientèle, en fonction de l'activité de l'acheteur concluant le contrat de vente avec elle, officines indépendantes, officines groupées ou intermédiaires ; que l'application de ce critère objectif ne peut se faire qu'au regard de la nature et des caractéristiques de la relation existant entre la société Cooper et son cocontractant ; que dans l'hypothèse où celui-ci est un commissionnaire à l'achat qui conclut le contrat en son nom, cela exclut nécessairement que le contrat soit conclu avec une officine indépendante ou des officines groupées, peu important que les effets réels de ce contrat, et notamment le transfert de propriété, se produisent dans le patrimoine des officines commettantes, celles-ci n'en devenant pas pour autant les cocontractantes de la société Cooper aux lieu et place de la société Pyxis Pharma ; qu'en retenant cependant que le fait que cette société n'acquiert pas la propriété des produits achetés auprès de la société Cooper en vertu du contrat de vente les liant suffisait en soi à l'exclure de la catégorie des grossistes et intermédiaires de toutes natures, la cour d'appel a fait une application erronée des critères mis en place par la société exposante et violé les articles L. 441-6 et L. 442-6, I, 9°, du code de commerce, dans leur rédaction applicable en la cause ; 9°/ qu'un fournisseur de produits peut refuser à un acheteur la communication des conditions générales de vente applicables à une catégorie de clientèle s'il établit, selon des critères objectifs, c'est-à-dire indépendants de sa volonté et susceptibles de s'appliquer à tous de la même façon, que cet acheteur n'appartient pas à la catégorie concernée ; qu'en l'espèce, la société Cooper distingue trois catégories de clientèle, en fonction de l'activité de l'acheteur concluant le contrat de vente avec elle, officines indépendantes, officines groupées ou intermédiaires ; que l'application de ce critère objectif ne peut se faire qu'au regard de la nature et des caractéristiques de la relation existant entre la société Cooper et son cocontractant ; que dans l'hypothèse où celui-ci est un commissionnaire à l'achat qui conclut le contrat en son nom, cela exclut nécessairement que le contrat soit conclu avec une officine indépendante ou des officines groupées, peu important que les modalités selon lesquelles le commissionnaire à l'achat organise ensuite la distribution des médicaments auprès des officines adhérentes diffèrent de celles d'un grossiste répartiteur qui n'est qu'un type de grossiste au sein de la catégorie des grossistes et intermédiaires de toute nature ; qu'en retenant cependant, pour juger que la société Pyxis Pharma devait bénéficier des conditions générales de vente accordées aux officines indépendantes, que l'activité de la société Pyxis Pharma, dans la mesure où celle-ci n'acquérait pas la propriété des produits achetés auprès de la société Cooper en vertu du contrat de vente les liant, différait de celle d'un grossiste-répartiteur, la cour d'appel a statué par des motifs impropres à justifier sa décision et violé les articles L. 441-6 et L. 442-6, I, 9°, du code de commerce, dans leur rédaction applicable en la cause ; 10°/ qu'un fournisseur de produits peut refuser à un acheteur la communication des conditions générales de vente applicables à une catégorie de clientèle s'il établit, selon des critères objectifs, c'est-à-dire indépendants de sa volonté et susceptibles de s'appliquer à tous de la même façon, que cet acheteur n'appartient pas à la catégorie concernée ; qu'en affirmant, pour décider que la société Cooper échouait à démontrer par des critères objectifs que la société Pyxis Pharma n'entrait pas dans la même catégorie que les officines indépendantes, que l'absence de relation contractuelle directe entre la société Pyxis Pharma et le consommateur final – en d'autres termes sa qualité d'intermédiaire non détaillant – ne constituait pas un critère objectif, cependant que ce critère, tenant à la nature de l'activité exercée par la société Pyxis Pharma dans le réseau de distribution, ne présentait aucune subjectivité et était susceptible de s'appliquer à tout intermédiaire dans la même situation, la cour d'appel a derechef violé les articles L. 441-6 et L. 442-6, I, 9°, du code de commerce, dans sa rédaction applicable en la cause ; 11°/ qu'un fournisseur de produits peut refuser à un acheteur la communication des conditions générales de vente applicables à une catégorie de clientèle s'il établit, selon des critères objectifs, c'est-à-dire indépendants de sa volonté et susceptibles de s'appliquer à tous de la même façon, que cet acheteur n'appartient pas à la catégorie concernée ; qu'en retenant en l'espèce que l'absence de relation contractuelle directe entre la société Pyxis Pharma et le consommateur final – en d'autres termes sa qualité d'intermédiaire non détaillant – ne constituait pas un critère objectif dans la mesure où le transfert de la propriété des produits achetés par l'intermédiaire se faisait dans le patrimoine de l'officine commettante, cependant que cette dichotomie entre les effets personnels et les effets réels du contrat de vente conclu par la société Pyxis Pharma n'avait aucune incidence sur l'activité exercée par celle-ci au sein du réseau de distribution, la cour d'appel, qui a statué par un motif impropre à justifier sa décision, a violé les articles L. 441-6 et L. 442-6, I, 9°, du code de commerce, dans leur rédaction applicable en la cause ; 12°/ qu'un fournisseur de produits peut refuser à un acheteur la communication des conditions générales de vente applicables à une catégorie de clientèle s'il établit, selon des critères objectifs, c'est-à-dire indépendants de sa volonté et susceptibles de s'appliquer à tous de la même façon, que cet acheteur n'appartient pas à la catégorie concernée ; qu'en affirmant, pour décider que la société Cooper échouait à démontrer par des critères objectifs que la société Pyxis Pharma n'entrait pas dans la même catégorie que les officines indépendantes, que la relation privilégiée dont la société Cooper se prévalait avec les officines constituait un critère subjectif, cependant que la qualité de la personne procédant à l'achat des produits, selon qu'il s'agit d'une officine, d'un mandataire des officines ou d'un intermédiaire agissant en son propre nom, constitue au contraire un critère objectif sur lequel la société Cooper ne peut avoir aucune influence ni porter aucune appréciation subjective, la cour d'appel a violé l'article L. 441-6 du code de commerce, dans sa rédaction applicable en la cause ; 13°/ qu'un fournisseur de produits peut refuser à un acheteur la communication des conditions générales de vente applicables à une catégorie de clientèle s'il établit, selon des critères objectifs, c'est-à-dire indépendants de sa volonté et susceptibles de s'appliquer à tous de la même façon, que cet acheteur n'appartient pas à la catégorie concernée ; que les conditions de stockage des médicaments, nécessairement plus limitées lorsque ceux-ci sont acquis directement par des officines indépendantes ou groupées que lorsqu'ils sont gérés par un intermédiaire qui pratique une activité de distribution en gros et dispose de moyens de stockage plus importants, constituent en soi un critère objectif permettant de distinguer des catégories de clientèle ; qu'en affirmant, pour décider que la société Cooper échouait à démontrer par des critères objectifs que la société Pyxis Pharma n'entrait pas dans la même catégorie que les officines indépendantes, que l'absence pour la société Pyxis Pharma de contrainte de stockage, à la différence des officines indépendantes et groupées, n'était pas un critère distinctif, dans la mesure où cette société était obligée d'avoir recours à une CAP à cette fin, cependant que l'existence même de cette possibilité pour une SRA de s'adosser à une CAP pour les opérations de stockage la distingue par là même des officines indépendantes, la cour d'appel a violé les articles L. 441-6 et L. 442-6, I, 9°, du code de commerce, dans leur rédaction applicable en la cause. » Réponse de la Cour 6. L'arrêt rappelle d'abord qu'en vertu de l'article L. 441-6 du code de commerce, les conditions générales de vente peuvent être différenciées selon les catégories d'acheteurs de produits ou de demandeurs de prestation de services, ensuite, que depuis l'entrée en vigueur de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie, le fournisseur définit librement les différentes catégories d'acheteurs auxquelles sont applicables ses conditions de vente, à condition que les critères définissant ces catégories soient objectifs et ne créent pas un déséquilibre significatif, une entente anticoncurrentielle ou encore un abus de position dominante et, enfin, qu'en application de l'article L. 442-6, I, 9° du code de commerce, dans sa rédaction alors applicable, un fournisseur de produits est tenu de communiquer ses conditions générales de vente dans les conditions prévues à l'article L. 441-6 du code de commerce et ne peut refuser à un acheteur la communication des conditions catégorielles de vente que s'il établit, selon des critères objectifs, que cet acheteur n'appartient pas à la catégorie concernée. 7. Il constate que les conditions générales de vente de la société Cooper prévoient des conditions générales différenciées selon trois catégories de clients, les officines indépendantes, les officines groupées et les grossistes (intermédiaires détaillants). 8. L'arrêt retient ensuite qu'il résulte de l'extrait K-bis de la société Pyxis Pharma, de son objet tel qu'énoncé dans ses statuts, ainsi que du « contrat de commission » conclu avec les officines adhérentes, que cette société exerce une activité de structure de regroupement à l'achat, dite « SRA », et agit toujours « d'ordre et pour le compte » des officines adhérentes, et non pour son compte. Il ajoute que cette société négocie des conditions d'achat plus favorables pour les officines adhérentes, dont elle est le mandataire, et que lorsqu'elle procède à l'achat groupé en négociant, recueillant et centralisant les commandes des officines adhérentes, celles-ci peuvent choisir de se faire directement livrer les produits par le fournisseur ou de recourir aux services de la CAP Sagitta Pharma avec laquelle la société Pyxis Pharma a conclu un contrat de prestation de services, pour le stockage des produits et leur livraison ultérieure, la CAP Sagitta Pharma agissant comme un prestataire logistique. L'arrêt relève encore que, dans tous les cas, contrairement aux grossistes répartiteurs, la société Pyxis Pharma n'est pas propriétaire des produits dont elle passe la commande auprès du laboratoire d'ordre et pour le compte des officines adhérentes, qu'elle règle personnellement au laboratoire pour le compte des officines et qu'elle refacture à ces dernières sans percevoir de commission, celles-ci s'acquittant seulement d'un droit d'adhésion annuelle. 9. L'arrêt en déduit que la société Pyxis Pharma agit vis-à-vis de la société Cooper en qualité de commissionnaire à l'achat, qu'elle constitue un opérateur intermédiaire entre le laboratoire et les officines adhérentes, dont elle est le mandataire, lesquelles acquièrent directement la propriété des produits acquis d'ordre et pour leur compte par la SRA. 10. L'arrêt relève encore que l'absence de relation contractuelle directe entre la société Pyxis Pharma et le consommateur final, ne constitue pas un motif pertinent de refus de lui appliquer des conditions de vente prévues pour les officines, dès lors que le transfert de propriété se fait dans le patrimoine de l'officine commettante qui a un rôle de conseil envers le consommateur final et que l'absence de contrainte de stockage pour la société Pyxis Pharma ne l'est pas davantage, dans la mesure où, comme les pharmaciens titulaires d'officine, elle a recours à des CAP pour assurer le stockage des médicaments commandés à la société Cooper, ce qui lui est imposé par la réglementation. 11. De ces énonciations, constatations et appréciations, abstraction faite de son appréciation surabondante du caractère subjectif du critère de la relation privilégiée, la cour d'appel qui, analysant exactement les relations des parties dans leur ensemble, a souverainement retenu, d'une part, qu'il existait une relation directe entre la société Cooper et les officines de pharmacies passant leurs commandes par l'intermédiaire de la société Pyxis Pharma, d'autre part, que celles-ci supportent, comme les officines commandant directement, des charges de stockage, a pu, sans encourir les griefs inopérants des neuvième, dixième et onzième branches, déduire que la société Pyxis Pharma était fondée à solliciter la communication des conditions générales de vente de la société Cooper accordées aux officines indépendantes, acheteurs dont elle se rapprochait le plus au regard des trois catégories établies par la société Cooper dans son modèle de distribution, et leur application comme socle de la négociation commerciale. 12. Le moyen n'est donc pas fondé. Sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches Enoncé du moyen 13. La société Cooper fait le même grief à l'arrêt, alors : « 1°/ que si tout fournisseur a l'obligation de communiquer ses conditions générales de vente à tout acheteur qui lui en fait la demande, afin que puisse être assurée de cette manière une transparence tarifaire dans le secteur concerné, cette obligation est limitée à la seule communication de ces conditions, à l'exclusion de toute obligation de les appliquer à l'acheteur ou même d'entrer en négociation avec celui-ci ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la société Cooper avait communiqué l'ensemble de ses conditions générales de vente à la société Pyxis Pharma, ce dont il s'induisait qu'elle avait respecté l'obligation de transparence tarifaire mise à sa charge ; qu'en énonçant cependant que la société Pyxis Pharma était bien fondée à solliciter "l'application à son bénéfice des conditions générales d'achat de la société Cooper accordées aux officines indépendantes" et que la société Cooper avait engagé sa responsabilité en refusant "de lui appliquer les conditions générales correspondant aux officines et d'en faire le socle de leur négociation commerciale", la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations, a violé les articles L. 441-6 et L. 442-6, I, 9°, du code de commerce, dans leur rédaction applicable en la cause ; 2°/ qu'en vertu du principe de libre négociabilité des prix, toute entreprise est libre de définir l'organisation de son réseau de distribution et de négocier, de manière différenciée, ses tarifs en fonction de ses clients ; que, depuis la loi du 4 août 2008 qui a mis fin à l'interdiction des pratiques discriminatoires, la discrimination ne constitue plus en elle-même une faute civile, sauf à constituer une entente illicite, un abus de position dominante ou un abus de droit ; qu'en retenant en l'espèce, pour décider que la responsabilité de la société Cooper était engagée, que celle-ci "ne saurait objectivement réserver l'application de ses conditions d'achat favorables aux seules officines indépendantes (...) et appliquer à la SRA Pyxis Pharma (...) les conditions commerciales moins favorables réservées aux grossistes, voire aux officines groupées", que cette pratique "illustre un déséquilibre concurrentiel au sein de la chaîne de distribution, au détriment des intermédiaires", et que la société Pyxis Pharma était en conséquence bien fondée à solliciter "l'application à son bénéfice des conditions générales d'achat de la société Cooper accordées aux officines indépendantes", sans caractériser ni un abus de droit commis par la société Cooper, ni une entente illicite ou un abus de position dominante, la cour d'appel a statué par des motifs impropres à justifier sa décision et violé par fausse application les articles L. 441-6 et L. 442-6, I, 9°, du code de commerce, dans leur rédaction applicable en la cause. » Réponse de la Cour 14. Selon l'article L. 441-6, I, du code de commerce, dans sa rédaction applicable en la cause, tout producteur, prestataire de services, grossiste ou importateur est tenu de communiquer ses conditions générales de vente à tout acheteur de produits ou tout demandeur de prestations de services qui en fait la demande pour une activité professionnelle, celles-ci constituent le socle de la négociation commerciale et les conditions générales de vente peuvent être différenciées selon les catégories d'acheteurs de produits ou de demandeurs de prestation de services. 15. L'article L. 442, I, 9° du même code, dans sa rédaction également applicable en la cause, dispose qu'engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé, le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers de ne pas communiquer ses conditions générales de vente, dans les conditions prévues à l'article L. 441-6, à tout acheteur de produits ou tout demandeur de prestations de services qui en fait la demande pour l'exercice d'une activité professionnelle. 16. Il résulte de la combinaison de ces textes que la personne assujettie à ces obligations doit communiquer les conditions générales de vente applicables à tout acheteur de produits ou demandeur de prestations de services qui en fait la demande pour une activité professionnelle et que, si sauf abus de droit, il est toujours libre de ne pas lui vendre, il est tenu, lorsqu'il entre en négociation commerciale avec cet opérateur, de le faire sur la base de ces conditions de vente. 17. La société Cooper n'ayant pas prétendu qu'usant de sa liberté, elle avait refusé de vendre ses produits à la société Pyxis Pharma, fût-ce aux conditions revendiquées par celle-ci, mais ayant admis au contraire qu'elle lui avait proposé d'entrer en négociations, en vue d'un partenariat, sur la base des conditions de vente applicables aux grossistes, ce que cette société avait refusé, c'est à bon droit qu'ayant retenu que ces conditions de vente n'étaient pas celles qui étaient applicables à la société Pyxis Pharma, la cour d'appel en a déduit que la société Cooper avait méconnu les dispositions précitées et avait ainsi engagé sa responsabilité. 18. Le moyen n'est donc pas fondé. Mais sur le moyen, pris en sa quinzième branche Enoncé du moyen 19. La société Cooper fait grief à l'arrêt d'ordonner la publication d'un communiqué judiciaire, alors « que l'article L. 442-6, III, dans sa rédaction applicable au moment des faits, prévoit que "la juridiction peut ordonner la publication, la diffusion ou l'affichage de sa décision ou d'un extrait de celle-ci selon les modalités qu'elle précise" ; qu'il en résulte que la publication de la décision ou d'un extrait de celle-ci est une faculté laissée au juge et ne peut être considérée comme étant de droit ; qu'en retenant cependant en l'espèce que la publication de la décision était de droit en application du texte susvisé, la cour d'appel a violé les dispositions de celui-ci. » Réponse de la Cour Vu l'article L. 442-6, III, du code de commerce, dans sa rédaction applicable à la cause : 20. Aux termes de ce texte, « La juridiction peut ordonner la publication, la diffusion ou l'affichage de sa décision ou d'un extrait de celle-ci selon les modalités qu'elle précise. » 21. Pour ordonner la publication d'un communiqué judiciaire, l'arrêt retient que la publication est de droit en application de l'article L. 442-6, III, du code de commerce. 22. En statuant ainsi, alors que la publication n'était qu'une faculté et devait faire l'objet d'une appréciation de sa part, la cour d'appel a violé le texte susvisé. Portée et conséquences de la cassation 23. Sur la suggestion de la société Cooper et après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile. 24. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond. 25. Compte tenu des éléments du dossier, en particulier des entraves, dont il témoigne, au développement des SRA mises en place par les pouvoirs publics dans l'intérêt des consommateurs, il est souhaitable que la décision de la cour d'appel soit portée à la connaissance des exploitants de pharmacies d'officine. 26. La publication de cette décision, dans les termes prévus au dispositif cassé, et à la charge de la société Cooper, serait donc justifiée. Il convient cependant de constater que cette publication a déjà été effectuée en exécution de l'arrêt cassé. Il n'y a donc pas lieu de l'ordonner à nouveau. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il ordonne la publication d'un communiqué judiciaire, l'arrêt rendu le 4 juillet 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; Statuant à nouveau, vu l'évolution du litige, Dit n'y avoir lieu à nouvelle publication ; Condamne la société Coopération pharmaceutique française aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Coopération pharmaceutique française et la condamne à payer à la société Mon Courtier en pharmacie, la société Sagitta Pharma, la Selas Pharmacie [V]-[X] et la Selas Pharmacie [Adresse 1] la somme globale de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé en l'audience publique du vingt-huit septembre deux mille vingt-deux et signé par Mme Darbois, conseiller doyen en ayant délibéré, en remplacement de Mme Mouillard, président empêché, conformément aux dispositions des articles 452, 456 et 1021 du code de procédure civile. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat aux Conseils, pour la société Coopération pharmaceutique française (Cooper). Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir, infirmant le jugement, condamné la société Cooper à communiquer à la société Pyxis Pharma, devenue Mon Courtier En Pharmacie, les conditions générales de vente accordées aux officines indépendantes, comme base de négociation commerciale entre lesdites sociétés, à payer à cette dernière les sommes de 20.000 euros en réparation de son préjudice au titre de la pratique restrictive de concurrence et 3.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, et d'avoir ordonné la publication d'un communiqué judiciaire aux frais de la société Cooper ; AUX MOTIFS QUE « l'article L. 441-6 du code de commerce prévoit depuis la loi n° 2005-882 du 2 août 2005 que « I – Tout producteur, prestataire de services, grossiste ou importateur est tenu de communiquer ses conditions générales de vente à tout acheteur de produits ou tout demandeur de prestations de services qui en fait la demande pour une activité professionnelle. Celles-ci constituent le socle de la négociation commerciale. Elles comprennent : - les conditions de vente ; - le barème des prix unitaires ; - les réductions de prix ; - les conditions de règlement ». Depuis la loi n° 2008-776 de modernisation de l'économie du 4 août 2008, ce texte précise que « les conditions générales de vente peuvent être différenciées selon les catégories d'acheteurs de produits ou de demandeurs de prestation de services. Dans ce cas, l'obligation de communication prescrite au premier alinéa ne porte que sur les conditions générales de vente applicables aux acheteurs de produits ou aux demandeurs de prestations de services d'une même catégorie ». L'article L. 442-6, I, 9° du même code prohibe, depuis la loi n° 2008-3 du 3 janvier 2008 le fait « de ne pas communiquer ses conditions générales de vente, dans les conditions prévues à l'article L. 441-6, à tout acheteur de produits ou tout demandeur de prestations de services qui en fait la demande pour l'exercice d'une activité professionnelle ». Il résulte des ces dispositions qu'un fournisseur de produits est tenu de communiquer ses conditions générales de vente dans les conditions prévues à l'article L. 441-6 du code de commerce et ne peut refuser à un acheteur la communication des conditions générales de vente applicables à une catégorie de clientèle que s'il établit, selon des critères objectifs, que cet acheteur n'appartient pas à la catégorie concernée. Sur les critères des conditions générales de vente de la société Cooper : au vu des dispositions de l'article L. 441-6 du code de commerce susvisées, les conditions générales de vente peuvent être différenciées selon les catégories d'acheteurs de produits ou de demandeurs de prestation de services, et notamment entre grossistes et détaillants. Avant la loi de modernisation de l'économie, il était prévu que « les conditions dans lesquelles sont définies ces catégories sont fixées par voie réglementaire en fonction notamment du chiffre d'affaires, de la nature de la clientèle et du mode de distribution ». Les critères définissant les catégories d'acheteurs étaient ceux ainsi listés, sans que cette liste ne soit limitative. Depuis l'entrée en vigueur de la loi de modernisation de l'économie, le fournisseur définit librement les différentes catégories d'acheteurs auxquelles sont applicables ses conditions de vente, à condition que les critères définissant ces catégories soient objectifs, qu'ils ne soient pas discriminatoires ni ne créent un déséquilibre significatif, une entente entre le fournisseur et les distributeurs favorisés ou encore un abus de position dominante. Peuvent être retenus comme critères, outre ceux susvisés antérieurs à la loi de modernisation de l'économie, le secteur d'activité concerné et la destination finale du produit. Les conditions générales de vente de la société Cooper se décomposent comme suit : - celles accordées aux officines indépendantes, « soit toute officine qui n'est pas affiliée à un groupement de pharmaciens, effectuant directement ses achats sans intermédiaire, comprenant un seul lieu de vente qui commercialise au détail, au consommateur final, - celles accordées aux officines groupées, « soit toute officine qui justifie de l'affiliation à un groupement de pharmaciens, effectuant directement ses achats sans intermédiaire, comprenant un seul lieu de vente qui commercialise au détail au consommateur final », - celles accordées aux grossistes (intermédiaires détaillants), tels que les grossistes-répartiteurs, les distributeurs en gros à l'exportation, les dépositaires, les centrales d'achats pharmaceutiques, les SRA et groupements, « lorsqu'ils agissent en leur nom propre », et le cas échéant, « à l'établissement pharmaceutique autorisé pour l'activité de distribution en gros lorsque la SRA ou le groupement se livre aux opérations d'achat (en son nom et pour son compte) ou de stockage des médicaments en vue de leur distribution en gros à ces adhérents ». La société Cooper indique qu'elle dispose ainsi de trois catégories de conditions tarifaires variant en fonction de la nature de sa clientèle soit, d'une part, celles accordées aux officines achetant directement les produits auprès d'elle et dans une démarche strictement individuelle, d'autre part, celles afférentes aux officines membres d'un groupement d'officines ayant conclu un contrat de référencement avec elle, enfin celles accordées aux grossistes ou intermédiaires de toutes natures. Elle précise que lorsque les produits sont négociés par une officine ou un groupement d'officines, sont commandés, facturés et livrés aux officines, ce client bénéficie des conditions commerciales applicables aux officines ou aux officines membres de groupement d'officines ayant conclu un contrat de référencement avec elle. Elle indique qu'en revanche, lorsque les produits sont commandés par une autre entité qu'une officine, facturés et livrés à cette structure, le client bénéficie des conditions commerciales applicables aux grossistes. Elle souligne que les conditions préférentielles consenties aux officines indépendantes ou aux officines membres d'un groupement, dès lors qu'elles franchissent des paliers de commande, sont la contrepartie de la relation directe qu'elles entretiennent avec le consommateur final qu'elles conseillent, de la relation privilégiée qu'elle entretient avec les pharmaciens d'officine, enfin des contraintes de stockage qui leur sont imposées. Elle ajoute qu'au contraire, les grossistes revendent ses produits sans qu'elle puisse en connaître la destination finale et n'ont aucun rôle de conseil. Selon la société Cooper, elle établit des critères objectifs de distinction de ses différentes catégories d'acheteurs (officines indépendantes, officines groupées, grossistes) tenant à la nature des liens entretenus avec la clientèle, au stockage des produits et à leur destination finale. Sur l'application des conditions générales de vente de la société Cooper : selon l'article D. 5125-24-1 créé par décret n° 2009-741 du 19 juin 2009, dans sa version applicable aux faits de l'espèce, « les pharmaciens titulaires d'officine ou les sociétés exploitant une officine peuvent constituer une société, un groupement d'intérêt économique ou une association, en vue de l'achat, d'ordre et pour le compte de ses associés, membres ou adhérents pharmaciens titulaires d'une officine ou sociétés exploitant une officine, de médicaments autres que des médicaments expérimentaux, à l'exception des médicaments remboursables par les régimes obligatoires d'assurance maladie. Cette structure peut se livrer à la même activité pour les marchandises autres que des médicaments figurant dans l'arrêté mentionné à l'article L. 5125-24. La structure mentionnée au premier alinéa ne peut se livrer aux opérations d'achat, en son nom et pour son compte, et de stockage des médicaments en vue de leur distribution en gros à ses associés, membres ou adhérents, que si elle comporte un établissement pharmaceutique autorisé pour l'activité de distribution en gros ». L'article R. 5124-2 du code de la santé publique, modifié par décret n° 2009-741 du 19 juin 2009, dans sa version applicable aux faits de l'espèce, précise qu'on entend par : « 5° Grossiste-répartiteur, l'entreprise se livrant à l'achat et au stockage de médicaments autres que des médicaments expérimentaux, en vue de leur distribution en gros et en l'état ; cette entreprise peut également se livrer, d'ordre et pour le compte de pharmaciens titulaires d'officine ou des structures mentionnées à l'article D. 5125-24-1, à l'achat et au stockage de médicaments autres que des médicaments expérimentaux, à l'exception des médicaments remboursables par les régimes obligatoires d'assurance maladie, en vue de leur distribution en gros et en l'état. 15° Centrale d'achat pharmaceutique, l'entreprise se livrant, soit en son nom et pour son compte, soit d'ordre et pour le compte de pharmaciens titulaires d'officine ou des structures mentionnées à l'article D. 5125-24-1 à l'achat et au stockage des médicaments autres que des médicaments expérimentaux, à l'exception des médicaments remboursables par les régimes obligatoires d'assurance maladie, en vue de leur distribution en gros et en l'état à des pharmaciens titulaires d'officine ». Il résulte des dispositions susvisées que la SRA, le grossiste-répartiteur et la centrale d'achat pharmaceutique interviennent dans le secteur de la distribution du médicament non remboursé. La SRA exerce deux types d'activités. En premier lieu, la SRA peut se livrer à l'achat d'ordre et pour le compte de ses associés, membres ou adhérents, auquel cas elle agit comme simple référenceur ou comme commissionnaire. En sa qualité de référenceur, la SRA négocie des conditions commerciales pour les produits qu'elle référence auprès des laboratoires. Chaque officine membre de la SRA commande individuellement ses produits aux laboratoires. La livraison et la facturation sont faites individuellement par le laboratoire concerné auprès de chaque officine adhérente ou membre. Se nouent ainsi un contrat de référencement entre la SRA et le fabricant/exploitant, un contrat d'affiliation entre la SRA et les officines, et des contrats de vente entre le fabricant/exploitant et les officines membres de la SRA. En sa qualité de commissionnaire à l'achat, la SRA est un opérateur intermédiaire entre les laboratoires et les officines. Elle centralise et négocie les commandes de ses membres, qu'elle transmet en son nom au fabricant/exploitant. Celui-ci émet des factures au nom de la SRA qui les règle pour le compte de ses adhérents, et facture ses derniers. Coexistent alors deux contrats, un contrat conclu entre la SRA et le fabricant/exploitant, et un contrat de commission à l'achat entre la SRA et chacun de ses adhérents. Selon l'article L. 132-1 du code de commerce, « le commissionnaire est celui qui agit en son propre nom ou sous un nom social et pour le compte d'un commettant ». Le commissionnaire, à la différence d'un mandataire, agit en son nom propre ou sous un nom social qui n'est pas celui du commettant. Si le commissionnaire qui agit « en son nom et pour le compte » du commettant est seul engagé envers le tiers avec lequel il contracte, les effets réels du contrat se produisent dans le patrimoine du commettant. Dans ses rapports avec son commettant, acheteur, le commissionnaire est tenu dans une relation de mandat. Dans ses rapports avec le fournisseur, vendeur, le commissionnaire est personnellement tenu des obligations des contrats d'achat qu'il conclut en cette qualité. La SRA peut donc, en qualité de commissionnaire à l'achat, solliciter de la part des laboratoires pharmaceutiques que ces derniers émettent des factures à son ordre. La SRA, en sa qualité de commissionnaire à l'achat, ne peut effectuer aucune opération logistique afférente au médicament (stockage, livraison). Cette opération doit être réalisée par un établissement pharmaceutique, comme une centrale d'achat pharmaceutique ou un grossiste-répartiteur. En second lieu, la SRA est également habilitée à acheter en son nom et pour son compte des médicaments en vue de leur distribution en gros à ses associés, membres ou adhérents, à la condition de comporter un établissement pharmaceutique autorisé pour l'activité de distribution en gros. La création d'un tel établissement permet à la SRA d'agir en son nom et pour son propre compte, et d'étendre son activité au stockage et à la distribution en gros pour ses membres. Dans ce cas, la SRA-CAP est propriétaire de ses stocks, comme l'est un grossiste-répartiteur, et ses clients sont les officines. L'Autorité de la concurrence a donné plusieurs avis concernant le secteur d'activité de vente de médicaments non remboursés. Dans son avis n° 13-A-24 du 19 décembre 2013 relatif au fonctionnement de la concurrence dans le secteur de la distribution du médicament à usage humain en ville, l'Autorité de la concurrence précise que les SRA er CAP ont été créées en 2009 dans le but de faire baisser les prix des médicaments d'automédication, d'accompagner les déremboursements de médicaments et la mise en place du libre accès aux médicaments non remboursés mais également dans le but de mettre fin aux pratiques de rétrocession de médicaments entre pharmacies d'officine. Elle fait le constat que les groupements et SRA, agissant au nom et pour le compte des officines ou intermédiaires qu'ils représentent, n'obtiennent pas des avantages aussi conséquents que ceux pouvant être octroyés aux officines en vente directe et que certains laboratoires pharmaceutiques refuseraient par ailleurs de négocier directement avec ces intermédiaires. Elle rappelle que ces difficultés d'approvisionnement par les SRA ont été relevées dès 2012 par le Directeur général de la santé qui a considéré que de telles pratiques vont à l'encontre de la politique du ministre chargé de la santé en faveur du développement du libre accès à des médicaments dits de conseil pharmaceutique, dans des conditions favorables tant pour les consommateurs et le pouvoir d'achat que pour les officines. Elle souligne que la trop faible puissance d'achat compensatrice des SRA et CAP conduit les pharmaciens, et notamment les petites et moyennes officines, à rechercher des conditions de remise plus avantageuses que celles que les laboratoires offrent individuellement aux pharmacies, en groupant les commandes et en pratiquant la rétrocession, cette pratique commerciale leur permettant ainsi de récupérer de la marge sur les médicaments acquis par ce biais. Elle considère que si les difficultés soulevées par la Direction générale de la santé constituaient des pratiques discriminatoires injustifiées à l'égard des structures d'achat groupés, le droit de la concurrence pourrait trouver à s'appliquer. L'Autorité de la concurrence recommande ainsi de mettre en oeuvre tous les moyens, en particulier ceux du droit de la concurrence, pour soutenir ces structures afin de permettre aux pharmaciens d'officine, en particulier les petites et moyennes officines, de bénéficier des mêmes conditions d'achat dont les grandes officines bénéficient individuellement aujourd'hui, ce qui aurait pour conséquence de mettre fin à la pratique de la rétrocession. En dépit de cet avis contenant une telle recommandation, l'Autorité de la concurrence fait le constat, dans son avis n° 19-A-08 du 4 avril 2019, relatif aux secteurs de la distribution du médicament en ville et de la biologie médicale privée, que les SRA connaissent des difficultés de fonctionnement et n'arrivent toujours pas à obtenir auprès des laboratoires des conditions commerciales aussi favorables que celles obtenues par les officines individuellement, voire même à s'approvisionner auprès de certains laboratoires. Elle indique que les différentes formes de regroupement à l'achat représentent un contre-pouvoir limité à l'égard des fournisseurs. Elle précise à ce titre que même si les groupements de pharmacies, et dans une moindre mesure, les structures de regroupement à l'achat et les centrales d'achat pharmaceutiques permettent une amélioration des conditions commerciales pour certaines officines, les laboratoires continuent d'accorder leurs remises les plus importantes en direct, aux officines de taille importante. Elle considère que cette situation serait préjudiciable à un grand nombre de pharmacies, notamment les plus petites d'entre elles, qui n'ont pas les capacités de stockage adaptées pour le canal de la vente directe, contrairement aux intermédiaires, et qui sont parfois amenées à avoir recours à des pratiques de rétrocession, pourtant illégales. Il ressort de ces éléments qu'a été constaté, par l'Autorité de la concurrence, un déséquilibre concurrentiel dont pâtissent certains intermédiaires dans le secteur de la distribution du médicament non remboursé, notamment les SRA. La société Cooper, qui entend appliquer à la société Pyxis Pharma ses conditions générales de grossiste, doit justifier par des critères objectifs que ladite sociétés ne relève pas de la même catégorie d'acheteur que les officines et groupements d'officines et relève en conséquence nécessairement de la catégorie des grossistes. Elle doit supporter à ce titre la charge de la preuve. Sur l'activité de la société Pyxis Pharma et la catégorie d'acheteurs dont elle relève : la société Cooper soutient tout d'abord que la société Pyxis Pharma exerce une activité similaire à celle du grossiste-répartiteur. L'extrait Kbis de la société Pyxis Pharma du 1er octobre 2012 mentionne que celle-ci, immatriculée le 16 mai 2012, a pour activité « la mise en place et l'exploitation d'une structure de regroupement à l'achat, au sens de l'article D. 5125-24.1 du code de la santé publique, de pharmaciens titulaires d'officines ou de sociétés exploitant une officine, dit adhérents, associés ou non de la société, l'achat, d'ordre et pour le compte des adhérents du groupement exploité par la société, de médicaments (autres que des médicaments expérimentaux et à l'exception des médicaments remboursables par les régimes obligatoires d'assurance maladie), et des marchandises autres que des médicaments figurant dans l'arrêté mentionné à l'article L. 5125-24 du code de la santé publique, la négociation sur les conditions d'achat, de transport, de stockage desdits produits autres de fournisseurs ou de prestataires, pour le compte des adhérents du groupement exploité par la société ». Les statuts de la société Pyxis Pharma précisent que celle-ci a pour objet : - « l'achat, d'ordre et pour le compte des adhérents du regroupement exploité par la société, de médicaments (...), - la négociation sur les conditions d'achat, de transport et de stockage desdits produits auprès de fournisseurs ou de prestataires, pour le compte des adhérents du groupement exploité par la société. La société ne pourra en aucun cas procéder, en son nom et pour son compte, à des opérations d'achat, de stockage et de distribution en gros des médicaments aux adhérents du groupement exploité par la société. En tant que de besoin, elle fera procéder à ces différentes opérations en recourant aux services d'un tiers habilité ». La société Pyxis Pharma produit aux débats un exemplaire du contrat, intitulé « contrat de commission », qu'elle conclut avec les officines adhérentes. Il est exposé en préambule de ce contrat que la société Pyxis Pharma intervient en qualité de SRA ayant pour objet l'achat, d'ordre et pour le compte de ses adhérents pharmaciens titulaires d'officines ou sociétés exploitant une officine, de médicaments autres que des médicaments expérimentaux, à l'exception des médicaments remboursables par les régimes obligatoires d'assurance maladie. Il est également précisé que « pour répondre à des besoins logistiques, la SRA a établi un lien de partenariat logistique avec Sagitta Pharma, une centrale d'achat pharmaceutique (CAP) qui, du fait de son statut d'établissement pharmaceutique (...) est en mesure de stocker pour le compte de l'adhérent les produits achetés par celui-ci à l'issue de la négociation menée par la SRA commissionnaire ». L'objet du contrat est défini comme étant limité à l'achat des produits énumérés à l'article D. 5125-24-1 du code de la santé publique, soit les médicaments non remboursables. Il est indiqué que la SRA commissionnaire n'acquiert pas la propriété des produits qu'elle est chargée de négocier pour le compte de l'officine commettante, l'opération de vente/achat étant directement et exclusivement effectuée entre le laboratoire fournisseur et l'officine commettante. L'article 2.3 de ce contrat prévoit que « l'officine commettante devra indiquer au moment de la commande si elle souhaite recourir aux services de la CAP Sagitta Pharma avec laquelle la SRA commissionnaire a conclu un contrat de services, pour le stockage des produits et leur livraison ultérieure par le prestataire logistique, selon ses besoins, ou si elle souhaite une livraison directe avec le fournisseur. En l'absence d'indication particulière, la livraison par le laboratoire fournisseur sera effectuée dans les magasins du prestataire logistique, comme il est dit à l'article 3.3. Dans une telle hypothèse, l'officine commettante donne mandat, en tant que de besoin, au prestataire logistique, pour effectuer la réception juridique de la marchandise qui lui appartient ». Au titre des conditions financières, il est prévu à l'article 4.3 que « la SRA commissionnaire facturera les produits à l'officine commettante au moment de la livraison, le laboratoire fournisseur devant quant à lui facturer la SRA commissionnaire, conformément à la loi. La facture devra être payée par l'officine commettante dans les 30 jours à compter de sa date d'émission ». L'article 4.4 de ce contrat énonce qu' « en rémunération de sa prestation d'entremise et de négociation, le commettant paiera à la SRA commissionnaire une commission annuelle de 300 euros/an HT, payable d'avance pour l'année en cours », laquelle commission pourra faire l'objet d'une régularisation en fin de période, consistant dans la différence entre le montant de l'avance de 300 euros, et une somme égale à 10% des avantages tarifaires obtenus effectivement par l'adhérent pour l'achat des produits sur une année entière grâce à la SRA ». Il résulte de ces éléments que la société Pyxis Pharma exerce une activité de SRA et agit toujours « d'ordre et pour le compte » des officines adhérentes, et non pas pour son compte. Elle négocie des conditions d'achat plus favorables pour les officines adhérentes, dont elle est le mandataire. Lorsqu'elle procède à l'achat groupé en négociant, recueillant et centralisant les commandes des officines adhérentes, celles-ci peuvent choisir de se faire directement livrer les produits par le fournisseur. En l'absence d'un tel choix, elle a recours aux services de la CAP Sagitta Pharma avec laquelle elle a conclu un contrat de prestation de services, comme un prestataire logistique. Dans tous les cas, contrairement aux grossistes-répartiteurs, la société Pyxis Pharma n'est pas propriétaire des produits dont elle passe la commande auprès du laboratoire d'ordre et pour le compte des officines adhérentes, qu'elle règle personnellement au laboratoire pour le compte des officines et qu'elle re-facture à ces dernières sans percevoir de commission, celles-ci s'acquittant seulement d'un droit d'adhésion annuelle. Son activité diffère de celle d'un grossiste-répartiteur. Il s'ensuit que la société Pyxis Pharma agit en qualité de commissionnaire à l'achat, et constitue un opérateur intermédiaire entre le laboratoire et les officines adhérentes dont elle est le mandataire, lesquelles acquièrent directement la propriété des produits acquis d'ordre et pour leur compte par la SRA. La circonstance que la société Pyxis Pharma commande les produits à la société Cooper, qui les lui facture et qu'elle engage sa responsabilité personnelle envers la société Cooper, ne lui donne pas la qualité de grossiste-répartiteur, lequel acquiert la propriété des produits. En effet, en sa qualité de commissionnaire à l'achat, la société Pyxis Pharma est personnellement engagée envers le fournisseur au titre d'un contrat d'achat et peut donc se faire facturer les produits, mais étant liée par un contrat de mandat avec les officines adhérentes, le transfert de propriété des produits vendus est directement opéré au bénéfice desdites officines. Le fait que la SRA Pyxis Pharma, agissant d'ordre et pour le compte de ses adhérents, et non par pour son compte, et ayant recours à la CAP Sagitta Pharma en sa qualité de prestataire logistique, constitue un intermédiaire du réseau de distribution des médicaments en gros n'implique pas davantage qu'elle soit assimilée à un grossiste-répartiteur, dès lors qu'elle n'acquiert pas la propriété des produits. De même, le fait que dans son avis du 20 janvier 2016, l'Autorité de la concurrence, après avoir constaté « qu'à ce jour les conditions commerciales proposées à Pyxis ne sont pas harmonisées », ait rejeté l'existence d'une entente horizontale entre différents laboratoires, dont la société Cooper, au préjudice des sociétés Pyxis Pharma et Sagitta Pharma, et qu'elle ait confirmé que les SRA et CAP n'étaient pas des officines mais des opérateurs intermédiaires, est sans incidence sur la qualité de commissionnaire à l'achat de la SRA Pyxis Pharma. La SRA Pyxis Pharma constituant un intermédiaire mandaté par les officines indépendantes doit donc pouvoir bénéficier des conditions d'achat de la société Cooper accordées aux officines indépendantes, peu important que ce mandat soit opaque envers la société Cooper. Sur les autres critères objectifs allégués par la société Pyxis Pharma : la société Cooper échoue à démontrer, ainsi qu'elle en a la charge, par des critères objectifs, que la société Pyxis Pharma ne rentre pas dans la même catégorie que les officines indépendantes. En effet, l'absence de relation contractuelle directe entre la société Pyxis Pharma et le consommateur final, ne constitue pas un critère objectif permettant de ne pas appliquer à la société Pyxis Pharma les conditions des officines, dès lors que le transfert de propriété se fait dans le patrimoine de l'officine commettante qui a un rôle de conseil envers le consommateur final. De même, la relation privilégiée avec les officines de pharmacie, dont se prévaut la société Cooper, constitue un critère subjectif et non pas objectif. Enfin, l'absence de contrainte de stockage pour la société Pyxis Pharma, invoquée par la société Cooper, ne constitue pas un critère distinctif, dans la mesure où la société Pyxis Pharma, tout comme les pharmaciens titulaires d'officine, a recours à des CAP pour assurer le stockage des médicaments commandés à la société Cooper, lequel recours lui est imposé. Dans ces conditions, la société Cooper ne saurait objectivement réserver l'application de ses conditions d'achat favorables aux seules officines indépendantes ou membres d'un groupement qui se charge du seul référencement des produits, les commandes, facturations et livraisons des produits se faisant directement avec les officines, et appliquer à la SRA Pyxis Pharma, agissant d'ordre et pour le compte des officines adhérentes, les conditions commerciales moins favorables réservées aux grossistes, voire aux officines groupées. Cette pratique, tendant à ne pas faire bénéficier aux SRA des mêmes conditions d'achat que celles des officines d'ordre et pour le compte desquelles elles agissent, illustre un déséquilibre concurrentiel au sein de la chaîne de distribution, au détriment des intermédiaires, dont les SRA, et la position de faiblesse dans laquelle se trouvent, à différents degrés, les intermédiaires de la distribution vis-à-vis des laboratoires pour leur approvisionnement, ainsi que l'a relevé l'Autorité de la concurrence, alors que les SRA ont été constituées pour présenter un réel contre-pouvoir du marché des fournisseurs et permettre de mettre fin à la pratique des rétrocessions entre pharmaciens. La société Pyxis Pharma, qui exerçait l'activité de SRA au moment des faits litigieux, et nouvellement dénommée Mon Courtier En Pharmacie, était donc bien fondée à solliciter la communication et l'application à son bénéfice des conditions générales d'achat de la société Cooper accordées aux officines indépendantes, lesquelles doivent constituer le socle de la négociation commerciale, en application des dispositions des articles L. 442-6 et L. 441-6 du code de commerce. Sur les préjudices : selon l'article L. 442-6, I, du code de commerce, « engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers 9° de ne pas communiquer ses conditions générales de vente, dans les conditions prévues à l'article L. 441-6, à tout acheteur de produits ou demandeur de prestations de services qui en fait la demande pour l'exercice d'une activité professionnelle ». Le défaut de communication des conditions générales de vente constitue en tant que tel une pratique restrictive de concurrence, sanctionnée par les dispositions de l'article L. 442-6 III du code de commerce. Si la société Cooper a communiqué l'ensemble de ses conditions générales à la société Pyxis Pharma, elle a refusé de lui appliquer les conditions générales correspondant aux officines et d'en faire le socle de leur négociation commerciale en violation des dispositions de l'article L. 441-6 du code de commerce. L'absence de communication, à la société Pyxis Pharma, des conditions générales de vente de la société Cooper applicables aux officines de pharmacie comme socle de la négociation commerciale, constitutive d'une pratique restrictive de concurrence, a causé un préjudice à la société Pyxis Pharma, qui a subi un désavantage compétitif dans la chaîne de distribution des médicaments non remboursés. La société Pyxis Pharma justifie d'un préjudice lié à cette pratique restrictive de concurrence, en ce que ses adhérents ont dû faire face à des ruptures de stocks, générant une atteinte à la réputation de la société Pyxis Pharma et remettant en cause le principe même ou l'utilité de son activité de structure de regroupement d'achat. Il convient en conséquence de condamner la société Cooper à payer à la société Pyxis Pharma devenue Mon Courtier En Pharmacie, la somme de 20.000 euros en réparation de son préjudice au titre de cette pratique restrictive de concurrence. Sur la publication de la décision : la publication de la décision étant de droit en application de l'article L. 442-6 III du code de commerce, il convient d'ordonner la publication d'un communiqué judiciaire selon les modalités figurant au dispositif » ; 1°/ ALORS QUE si tout fournisseur a l'obligation de communiquer ses conditions générales de vente à tout acheteur qui lui en fait la demande, afin que puisse être assurée de cette manière une transparence tarifaire dans le secteur concerné, cette obligation est limitée à la seule communication de ces conditions, à l'exclusion de toute obligation de les appliquer à l'acheteur ou même d'entrer en négociation avec celui-ci ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a constaté que la société Cooper avait communiqué l'ensemble de ses conditions générales de vente à la société Pyxis Pharma, ce dont il s'induisait qu'elle avait respecté l'obligation de transparence tarifaire mise à sa charge ; qu'en énonçant cependant que la société Pyxis Pharma était bien fondée à solliciter « l'application à son bénéfice des conditions générales d'achat de la société Cooper accordées aux officines indépendantes » et que la société Cooper avait engagé sa responsabilité en refusant « de lui appliquer les conditions générales correspondant aux officines et d'en faire le socle de leur négociation commerciale », la Cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations, a violé les articles L. 441-6 et L. 442-6, I, 9°, du Code de commerce, dans leur rédaction applicable en la cause ; 2°/ ALORS QUE, subsidiairement, en vertu du principe de libre négociabilité des prix, toute entreprise est libre de définir l'organisation de son réseau de distribution et de négocier, de manière différenciée, ses tarifs en fonction de ses clients ; que, depuis la loi du 4 août 2008 qui a mis fin à l'interdiction des pratiques discriminatoires, la discrimination ne constitue plus en elle-même une faute civile, sauf à constituer une entente illicite, un abus de position dominante ou un abus de droit ; qu'en retenant en l'espèce, pour décider que la responsabilité de la société Cooper était engagée, que celle-ci « ne saurait objectivement réserver l'application de ses conditions d'achat favorables aux seules officines indépendantes (...) et appliquer à la SRA Pyxis Pharma (...) les conditions commerciales moins favorables réservées aux grossistes, voire aux officines groupées », que cette pratique « illustre un déséquilibre concurrentiel au sein de la chaîne de distribution, au détriment des intermédiaires », et que la société Pyxis Pharma était en conséquence bien fondée à solliciter « l'application à son bénéfice des conditions générales d'achat de la société Cooper accordées aux officines indépendantes », sans caractériser ni un abus de droit commis par la société Cooper, ni une entente illicite ou un abus de position dominante, la Cour d'appel a statué par des motifs impropres à justifier sa décision et violé par fausse application les articles L. 441-6 et L. 442-6, I, 9°, du Code de commerce, dans leur rédaction applicable en la cause ; 3°/ ALORS QUE, subsidiairement, tout jugement doit être motivé ; qu'en se fondant sur les avis de l'Autorité de la concurrence des 19 décembre 2013 et 4 avril 2019 pour juger qu'il existait un déséquilibre concurrentiel dans la chaîne de distribution mise en place par la société Cooper, cependant que la généralité de ces avis ne permettait en aucune manière de caractériser en l'espèce un tel déséquilibre, et ce d'autant qu'ils concernaient les groupements et SRA « agissant au nom et pour le compte des officines ou intermédiaires qu'ils représentent », et non la situation spécifique des SRA agissant en qualité de commissionnaires à l'achat, c'est-à-dire en leur nom, mais pour le compte de leur commettant, la Cour d'appel, qui a statué par des motifs généraux, a violé l'article 455 du Code de procédure civile ; 4°/ ALORS QUE, en tout état de cause, si, en application de l'article L. 441-6 du Code de commerce, tout fournisseur a l'obligation de communiquer ses conditions générales de vente à tout acheteur qui lui en fait la demande, la société Cooper faisait valoir dans ses conclusions d'appel que la société Pyxis Pharma n'avait plus qualité pour bénéficier de ladite obligation de communication des conditions générales de vente, dès lors qu'elle n'était plus, au moment où la Cour statuait, un acheteur susceptible de passer des commandes (conclusions, p. 19, §§ 60 à 62, et dispositif) ; qu'en condamnant néanmoins la société Cooper à communiquer à la société Pyxis Pharma, devenue Mon Courtier En Pharmacie, les conditions générales de vente accordées aux officines indépendantes, comme base de négociation commerciale, sans répondre à ce moyen déterminant des écritures d'appel de la société exposante, la Cour d'appel a derechef violé l'article 455 du Code de procédure civile ; 5°/ ALORS QUE, subsidiairement, un fournisseur de produits peut refuser à un acheteur la communication des conditions générales de vente applicables à une catégorie de clientèle s'il établit, selon des critères objectifs, c'est-à-dire indépendants de sa volonté et susceptibles de s'appliquer à tous de la même façon, que cet acheteur n'appartient pas à la catégorie concernée ; qu'il n'est en revanche pas tenu d'établir que ces critères ne sont pas discriminatoires, la discrimination n'étant plus interdite per se depuis la loi du 4 août 2008 ; qu'en retenant en l'espèce que le fournisseur ne pouvait définir les catégories d'acheteurs auxquelles appliquer des conditions générales de vente différenciées qu'à la condition de mettre en place des critères non seulement objectifs mais également non discriminatoires, et en analysant les critères retenus par la société Cooper à l'aune de cette exigence, la Cour d'appel, qui a ajouté une condition d'application à la loi, a violé les articles L. 441-6 et L. 442-6, I, 9°, du Code de commerce, dans leur rédaction applicable en la cause ; 6°/ ALORS QUE, subsidiairement, un fournisseur de produits peut refuser à un acheteur la communication des conditions générales de vente applicables à une catégorie de clientèle s'il établit, selon des critères objectifs, c'est-à-dire indépendants de sa volonté et susceptibles de s'appliquer à tous de la même façon, que cet acheteur n'appartient pas à la catégorie concernée ; que la Cour d'appel a elle-même constaté que la société Cooper distingue trois catégories de clientèle, en fonction de l'activité de l'acheteur qui conclut le contrat de vente avec elle ; qu'elle propose ainsi des conditions générales de vente différentes selon qu'il s'agit d'une officine indépendante, qui effectue directement ses achats auprès d'elle sans recourir à un quelconque intermédiaire, d'officines groupées, qui justifient de l'affiliation à un groupement ayant conclu, en leur nom et pour leur compte, un contrat de référencement organisant la vente directe par la société Cooper de ses produits à ces officines, ou de grossistes et intermédiaires de toutes natures qui, agissant en leur nom, contractent directement avec la société Cooper pour organiser ensuite par eux-mêmes, selon des modalités qui leur sont propres, la distribution des médicaments acquis auprès d'elle ; qu'entre dans cette dernière catégorie la SRA qui contracte avec le laboratoire en qualité de commissionnaire à l'achat, acquérant les produits en son propre nom, sans révéler le nom des officines adhérentes pour le compte desquelles elle agit, et qui est seule tenue du paiement des produits et seule responsable à l'égard du laboratoire au titre du contrat de vente ; qu'en décidant que la société Cooper échouait à démontrer par des critères objectifs que la société Pyxis Pharma n'entrait pas dans la catégorie des officines indépendantes, tout en constatant que la société Pyxis Pharma était « un intermédiaire du réseau de distribution des médicaments en gros », qui, en tant que commissionnaire à l'achat, commandait en son nom les produits de la société Cooper, se les faisait facturer en son nom, les réglait ensuite à la société Cooper et engageait sa responsabilité personnelle à son égard au titre de cet achat, ce qui excluait toute vente directe conclue entre la société exposante et les officines adhérentes et justifiait objectivement que la société Pyxis Pharma, en tant qu'intermédiaire agissant en son propre nom, reçoive communication des conditions générales de vente proposées aux grossistes et intermédiaires de toute nature, la Cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations, a violé les articles L. 441-6 et L. 442-6, I, 9°, du Code de commerce, dans leur rédaction applicable en la cause ; 7°/ ALORS QUE, subsidiairement, un fournisseur de produits peut refuser à un acheteur la communication des conditions générales de vente applicables à une catégorie de clientèle s'il établit, selon des critères objectifs, c'est-à-dire indépendants de sa volonté et susceptibles de s'appliquer à tous de la même façon, que cet acheteur n'appartient pas à la catégorie concernée ; qu'en l'espèce, la société Cooper distingue trois catégories de clientèle, en fonction de l'activité de l'acheteur concluant le contrat de vente avec elle, officines indépendantes, officines groupées ou intermédiaires ; que l'application de ce critère objectif ne peut se faire qu'au regard de la nature et des caractéristiques de la relation existant entre la société Cooper et son cocontractant ; que dans l'hypothèse où celui-ci est un commissionnaire à l'achat qui conclut le contrat en son nom, cela exclut nécessairement que le contrat de vente soit conclu avec une officine indépendante ou des officines groupées, peu important la façon dont le commissionnaire organise sa relation juridique avec les officines commettantes en vue de la distribution des produits acquis auprès de la société exposante ; qu'en retenant cependant que la catégorie d'acheteur dont relevait la société Pyxis Pharma devait être déterminée au regard, non pas des caractéristiques de la relation unissant celle-ci à la société Cooper, mais de celles de la relation l'unissant aux officines adhérentes, définies par le « contrat de commission » conclu avec ces dernières, et auquel la société Cooper demeure étrangère, la Cour d'appel a fait une application erronée des critères mis en place par la société exposante et violé les articles L. 441-6 et L. 442-6, I, 9°, du Code de commerce, dans leur rédaction applicable en la cause ; 8°/ ALORS QUE, subsidiairement, un fournisseur de produits peut refuser à un acheteur la communication des conditions générales de vente applicables à une catégorie de clientèle s'il établit, selon des critères objectifs, c'est-à-dire indépendants de sa volonté et susceptibles de s'appliquer à tous de la même façon, que cet acheteur n'appartient pas à la catégorie concernée ; qu'en l'espèce, la société Cooper distingue trois catégories de clientèle, en fonction de l'activité de l'acheteur concluant le contrat de vente avec elle, officines indépendantes, officines groupées ou intermédiaires ; que l'application de ce critère objectif ne peut se faire qu'au regard de la nature et des caractéristiques de la relation existant entre la société Cooper et son cocontractant ; que dans l'hypothèse où celui-ci est un commissionnaire à l'achat qui conclut le contrat en son nom, cela exclut nécessairement que le contrat soit conclu avec une officine indépendante ou des officines groupées, peu important que les effets réels de ce contrat, et notamment le transfert de propriété, se produisent dans le patrimoine des officines commettantes, celles-ci n'en devenant pas pour autant les cocontractantes de la société Cooper aux lieu et place de la société Pyxis Pharma ; qu'en retenant cependant que le fait que cette société n'acquiert pas la propriété des produits achetés auprès de la société Cooper en vertu du contrat de vente les liant suffisait en soi à l'exclure de la catégorie des grossistes et intermédiaires de toutes natures, la Cour d'appel a fait une application erronée des critères mis en place par la société exposante et violé les articles L. 441-6 et L. 442-6, I, 9°, du Code de commerce, dans leur rédaction applicable en la cause ; 9°/ ALORS QUE, subsidiairement, un fournisseur de produits peut refuser à un acheteur la communication des conditions générales de vente applicables à une catégorie de clientèle s'il établit, selon des critères objectifs, c'est-à-dire indépendants de sa volonté et susceptibles de s'appliquer à tous de la même façon, que cet acheteur n'appartient pas à la catégorie concernée ; qu'en l'espèce, la société Cooper distingue trois catégories de clientèle, en fonction de l'activité de l'acheteur concluant le contrat de vente avec elle, officines indépendantes, officines groupées ou intermédiaires ; que l'application de ce critère objectif ne peut se faire qu'au regard de la nature et des caractéristiques de la relation existant entre la société Cooper et son cocontractant ; que dans l'hypothèse où celui-ci est un commissionnaire à l'achat qui conclut le contrat en son nom, cela exclut nécessairement que le contrat soit conclu avec une officine indépendante ou des officines groupées, peu important que les modalités selon lesquelles le commissionnaire à l'achat organise ensuite la distribution des médicaments auprès des officines adhérentes diffèrent de celles d'un grossiste répartiteur qui n'est qu'un type de grossiste au sein de la catégorie des grossistes et intermédiaires de toute nature ; qu'en retenant cependant, pour juger que la société Pyxis Pharma devait bénéficier des conditions générales de vente accordées aux officines indépendantes, que l'activité de la société Pyxis Pharma, dans la mesure où celle-ci n'acquérait pas la propriété des produits achetés auprès de la société Cooper en vertu du contrat de vente les liant, différait de celle d'un grossiste-répartiteur, la Cour d'appel a statué par des motifs impropres à justifier sa décision et violé les articles L. 441-6 et L. 442-6, I, 9°, du Code de commerce, dans leur rédaction applicable en la cause ; 10°/ ALORS QUE, subsidiairement, un fournisseur de produits peut refuser à un acheteur la communication des conditions générales de vente applicables à une catégorie de clientèle s'il établit, selon des critères objectifs, c'est-à-dire indépendants de sa volonté et susceptibles de s'appliquer à tous de la même façon, que cet acheteur n'appartient pas à la catégorie concernée ; qu'en affirmant, pour décider que la société Cooper échouait à démontrer par des critères objectifs que la société Pyxis Pharma n'entrait pas dans la même catégorie que les officines indépendantes, que l'absence de relation contractuelle directe entre la société Pyxis Pharma et le consommateur final – en d'autres termes sa qualité d'intermédiaire non détaillant – ne constituait pas un critère objectif, cependant que ce critère, tenant à la nature de l'activité exercée par la société Pyxis Pharma dans le réseau de distribution, ne présentait aucune subjectivité et était susceptible de s'appliquer à tout intermédiaire dans la même situation, la Cour d'appel a derechef violé les articles L. 441-6 et L. 442-6, I, 9°, du Code de commerce, dans sa rédaction applicable en la cause ; 11°/ ALORS QUE, subsidiairement, un fournisseur de produits peut refuser à un acheteur la communication des conditions générales de vente applicables à une catégorie de clientèle s'il établit, selon des critères objectifs, c'est-à-dire indépendants de sa volonté et susceptibles de s'appliquer à tous de la même façon, que cet acheteur n'appartient pas à la catégorie concernée ; qu'en retenant en l'espèce que l'absence de relation contractuelle directe entre la société Pyxis Pharma et le consommateur final – en d'autres termes sa qualité d'intermédiaire non détaillant – ne constituait pas un critère objectif dans la mesure où le transfert de la propriété des produits achetés par l'intermédiaire se faisait dans le patrimoine de l'officine commettante, cependant que cette dichotomie entre les effets personnels et les effets réels du contrat de vente conclu par la société Pyxis Pharma n'avait aucune incidence sur l'activité exercée par celle-ci au sein du réseau de distribution, la Cour d'appel, qui a statué par un motif impropre à justifier sa décision, a violé les articles L. 441-6 et L. 442-6, I, 9°, du Code de commerce, dans leur rédaction applicable en la cause ; 12°/ ALORS QUE, subsidiairement, un fournisseur de produits peut refuser à un acheteur la communication des conditions générales de vente applicables à une catégorie de clientèle s'il établit, selon des critères objectifs, c'est-à-dire indépendants de sa volonté et susceptibles de s'appliquer à tous de la même façon, que cet acheteur n'appartient pas à la catégorie concernée ; qu'en affirmant, pour décider que la société Cooper échouait à démontrer par des critères objectifs que la société Pyxis Pharma n'entrait pas dans la même catégorie que les officines indépendantes, que la relation privilégiée dont la société Cooper se prévalait avec les officines constituait un critère subjectif, cependant que la qualité de la personne procédant à l'achat des produits, selon qu'il s'agit d'une officine, d'un mandataire des officines ou d'un intermédiaire agissant en son propre nom, constitue au contraire un critère objectif sur lequel la société Cooper ne peut avoir aucune influence ni porter aucune appréciation subjective, la Cour d'appel a violé l'article L. 441-6 du Code de commerce, dans sa rédaction applicable en la cause ; 13°/ ALORS QUE, subsidiairement, un fournisseur de produits peut refuser à un acheteur la communication des conditions générales de vente applicables à une catégorie de clientèle s'il établit, selon des critères objectifs, c'est-à-dire indépendants de sa volonté et susceptibles de s'appliquer à tous de la même façon, que cet acheteur n'appartient pas à la catégorie concernée ; que les conditions de stockage des médicaments, nécessairement plus limitées lorsque ceux-ci sont acquis directement par des officines indépendantes ou groupées que lorsqu'ils sont gérés par un intermédiaire qui pratique une activité de distribution en gros et dispose de moyens de stockage plus importants, constituent en soi un critère objectif permettant de distinguer des catégories de clientèle ; qu'en affirmant, pour décider que la société Cooper échouait à démontrer par des critères objectifs que la société Pyxis Pharma n'entrait pas dans la même catégorie que les officines indépendantes, que l'absence pour la société Pyxis Pharma de contrainte de stockage, à la différence des officines indépendantes et groupées, n'était pas un critère distinctif, dans la mesure où cette société était obligée d'avoir recours à une CAP à cette fin, cependant que l'existence même de cette possibilité pour une SRA de s'adosser à une CAP pour les opérations de stockage la distingue par là même des officines indépendantes, la Cour d'appel a violé les articles L. 441-6 et L. 442-6, I, 9°, du Code de commerce, dans leur rédaction applicable en la cause ; 14°/ ALORS QUE l'article L.441-1, IV du code de commerce, en vigueur au jour du prononcé de l'arrêt, ne prévoit plus aucune publication de la décision telle que le prévoyait antérieurement l'article L. 442-6, III ; qu'en ordonnant néanmoins la publication de sa décision, la cour d'appel, qui a fait ainsi application d'une sanction abrogée au jour où elle statuait, a violé l'article L. 441-1, IV du code de commerce tel que modifié par l'ordonnance n°2019-359 du 24 avril 2019 ; 15°/ ALORS SUBSIDIAIRMENT QUE l'article L. 442-6, III, dans sa rédaction applicable au moment des faits, prévoit que « la juridiction peut ordonner la publication, la diffusion ou l'affichage de sa décision ou d'un extrait de celle-ci selon les modalités qu'elle précise » ; qu'il en résulte que la publication de la décision ou d'un extrait de celle-ci est une faculté laissée au juge et ne peut être considérée comme étant de droit ; qu'en retenant cependant en l'espèce que la publication de la décision était de droit en application du texte susvisé, la Cour d'appel a violé les dispositions de celui-ci.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 28 septembre 2022 Mme MOUILLARD, président Arrêt n° 551 FS-B Pourvoi n° N 20-22.447 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 28 SEPTEMBRE 2022 La société Molotov, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° N 20-22.447 contre l'arrêt rendu le 18 novembre 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 4), dans le litige l'opposant : 1°/ à la société Métropole télévision (M6), société anonyme à directoire, dont le siège est [Adresse 2], 2°/ à la société EDI-TV, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3], 3°/ à la société M6 génération, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesses à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Champalaune, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Molotov, de la SAS Hannotin Avocats, avocat des sociétés Métropole télévision, EDI-TV et M6 génération, et l'avis de Mme Beaudonnet, avocat général, après débats en l'audience publique du 21 juin 2022 où étaient présents Mme Mouillard, président, Mme Champalaune, conseiller rapporteur, Mme Darbois, conseiller doyen, Mmes Poillot-Peruzzetto, Michel-Amsellem, conseillers, M. Blanc, Mmes Comte, Bessaud, Bellino, M. Regis, conseillers référendaires, Mme Beaudonnet, avocat général, et Mme Labat, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 18 novembre 2020) et les productions, la société Métropole télévision (la société Métropole), société mère du groupe M6, et ses filiales EDI-TV et M6 génération, éditent les chaînes de télévision M6, W9 et 6TER qu'elles diffusent en clair et gratuitement via la télévision numérique terrestre (TNT) et l'internet ouvert (OTT). Elles autorisent des distributeurs à reprendre les chaînes dans leurs offres de bouquets de télévision payants, accessibles via différents réseaux de distribution. La société Molotov distribue, sur une plate-forme internet, des services de télévision dont une partie est accessible gratuitement au public et une autre est subordonnée au paiement d'un abonnement. 2. Le 5 juin 2015, la société Molotov a signé avec la société Métropole un contrat de distribution « OTT », portant sur la diffusion en clair des chaînes M6, W9 et 6TER et des chaînes thématiques qu'elles éditent, ainsi que des services de télévision de rattrapage d'autres chaînes. 3. A l'échéance de ce contrat, la société Métropole a envisagé de nouvelles conditions sur lesquelles des négociations se sont ouvertes et les parties ont prorogé l'accord en vigueur jusqu'au 31 mars 2018, date à laquelle devait intervenir le nouveau contrat. 4. Le 5 mars 2018, la société Métropole a demandé à la société Molotov son accord sur la rémunération et le principe d'une distribution des chaînes M6, W9 et 6TER et de leurs services de fonctionnalités associés exclusivement au sein de bouquets payants, ainsi que son engagement de faire payer ces chaînes à ses utilisateurs. 5. Aucun accord n'ayant pu être trouvé entre les parties sur les conditions de diffusion des chaînes gratuites de la TNT, la société Molotov, reprochant à la société Métropole de subordonner la conclusion d'un nouveau contrat de distribution à la modification de son modèle économique pour lui imposer un bouquet basique payant incluant les chaînes gratuites de la TNT(M6, W9 et 6TER), et considérant que la clause 3.1 des conditions générales de distribution de cette société, dite de « paywall », dispositif par lequel l'éditeur bloque l'accès à une partie du contenu proposé par un site ou l'application pour des utilisateurs non abonnés, était illicite et discriminatoire, l'a assignée, le 4 avril 2018, en réparation de son préjudice. Les sociétés EDI-TV et M6 génération sont intervenues volontairement à l'instance. Examen des moyens Sur le premier moyen Enoncé du moyen 6. La société Molotov fait grief à l'arrêt de rejeter toutes ses demandes, alors : « 1°/ que l'article L. 442-5 du code de commerce (devenu L. 442-6 depuis l'ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019) prohibe le fait par toute personne d'imposer, directement ou indirectement, un caractère minimal au prix de revente d'un produit ou d'un bien, au prix d'une prestation de service ou à une marge commerciale ; que la liberté commerciale des distributeurs de déterminer les prix des biens qu'ils revendent et ceux des services qu'ils commercialisent implique celle de pouvoir les proposer à titre gratuit aux consommateurs sans que leurs fournisseurs y fassent obstacle ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que le groupe M6, éditeur de services de télévision, avait indiqué le 30 octobre 2017 à la société Molotov que tout nouvel accord de distribution entre eux devrait s'insérer dans le cadre des conditions générales de distribution, lesquelles renfermaient une clause dite de "paywall" par laquelle le groupe M6 exigeait de ses distributeurs qu'ils ne rendent les chaînes de la TNT en clair éditées par ce groupe accessibles aux consommateurs que dans le cadre d'offres payantes ne pouvant être constituées essentiellement de chaînes de la TNT en clair et de leurs services de rattrapage ; qu'il ressortait en outre d'un courriel du 29 décembre 2017 que le groupe M6 avait précisé que "les montants des abonnements facturés [aux consommateurs] par Molotov pour l'accès aux Bouquets Payants ne pourront pas être assimilables à des offres gratuites et doivent permettre de préserver la valeur et l'attractivité des chaînes vis-à-vis de l'ensemble des distributeurs" ; qu'en jugeant qu'une telle clause ne pouvait être assimilée à l'imposition prohibée d'un prix minimal, cependant qu'elle constatait que son effet était d'empêcher que le distributeur ne distribue gratuitement par internet les chaînes gratuites de la TNT, ce qui revenait donc à lui imposer indirectement un prix minimal de distribution, la cour d'appel a violé le texte susvisé ; 2°/ qu'il appartient au juge judiciaire, à titre de mesure préventive de comportements illicites, d'annuler ou de réputer non écrites les clauses figurant dans les conditions générales d'un opérateur économique qui, dans l'hypothèse où ses distributeurs consentiraient à s'y soumettre, constitueraient des restrictions verticales caractérisées tombant sous le coup de la prohibition des ententes édictées par les articles L. 420-1 du code de commerce et 101 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) ; qu'il résulte des textes susvisées que sont notamment prohibées les ententes entre fournisseurs et distributeurs ayant pour objet ou pour effet d'empêcher, de fausser ou de restreindre la fixation des prix aux consommateurs par le libre jeu de la concurrence, étant précisé que l'article 4 du Règlement (UE) n° 330/2010 de la Commission du 20 avril 2010 concernant l'application de l'article 101, § 3, du TFUE à des catégories d'accords verticaux et de pratiques concertées exclut du champ d'application de l'exemption les accords verticaux comportant des restrictions caractérisées et notamment ceux ayant directement ou indirectement pour objet de restreindre la capacité des distributeurs de déterminer leurs prix de vente, sans préjudice de la possibilité pour les fournisseurs d'imposer un prix de vente maximal ou de recommander un prix de vente, à condition que ces derniers n'équivaillent pas à un prix de vente fixe ou minimal sous l'effet de pressions exercées ou d'incitations par l'une des parties ; que, pour écarter le moyen par lequel la société Molotov faisait valoir que la clause dite de "paywall" figurant dans les conditions générales de distribution du groupe M6 encourait la nullité en ce qu'elle constituait une restriction verticale contraire aux articles L. 420-1 du code du commerce et 101 du TFUE, la cour d'appel retient que dans sa décision n° 20-D-08 du 30 avril 2020, l'Autorité de la concurrence a rejeté la saisine de la société Molotov au motif qu'elle n'apportait pas d'éléments suffisamment probants ; qu'en se prononçant de la sorte, cependant que, dans la décision précitée, l'Autorité n'avait écarté l'existence d'une entente verticale qu'en raison du fait que les conditions générales de distribution du groupe M6 avaient été établies de manière unilatérale par celui-ci et n'avaient fait l'objet d'aucun accord explicite ou tacite par Molotov, de sorte qu'aucun accord de volonté constitutif d'une entente verticale n'était constitué, la cour d'appel s'est déterminée par des motifs impropres à justifier sa décision, l'entachant ainsi d'un défaut de base légale au regard des textes susvisés ; 3°/ que le constat de ce qu'une clause des conditions générales de distribution d'un fournisseur de biens ou de services ne tombe pas sous le coup de la prohibition édictée par l'article L. 442-5 (devenu L. 442-6) du code de commerce ne suffit pas à en assurer la licéité au regard des articles L. 420-1 du code de commerce et 101 du TFUE ; qu'il résulte de ces deux derniers textes que sont notamment prohibées les ententes entre fournisseurs et distributeurs ayant pour objet ou pour effet d'empêcher, de fausser ou de restreindre la fixation des prix aux consommateurs par le libre jeu de la concurrence, tandis que l'article 4 du règlement d'exemption n° 330/2010 de la Commission du 20 avril 2010 exclut du champ d'application de l'exemption les accords verticaux comportant des restrictions verticales caractérisées et notamment ceux ayant directement ou indirectement pour objet de restreindre la capacité des distributeurs de déterminer leurs prix de vente ; qu'en jugeant que la clause dite de "paywall" figurant dans les conditions générales de distribution du groupe M6 ne pouvait être qualifiée de restriction verticale caractérisée au sens des articles L. 420-1 du code de commerce et 101 TFUE et du règlement d'exemption de la Commission du 20 avril 2010 dès lors qu'elle ne constituait pas une pratique prohibée par l'article L. 442-5 (devenu L. 442-6) du code de commerce, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des textes susvisés. » Réponse de la Cour 7. En premier lieu, l'arrêt retient que la clause litigieuse a pour effet d'empêcher que le distributeur ne diffuse gratuitement par internet les chaînes en clair de la TNT. 8. En cet état, et dès lors qu'il ne ressort ni de l'arrêt ni des productions que le niveau de prix de l'offre payante conçue par la société Molotov dans laquelle la société Métropole exigeait que les chaînes qu'elle édite fussent incluses, devait être établi à un niveau minimal fixé par cette dernière, c'est à bon droit que la cour d'appel a énoncé que la pratique en cause ne pouvait être assimilée à l'imposition d'un prix minimal ou d'une marge commerciale minimale prohibée par l'article L. 442-5 du code de commerce. 9. En second lieu, l'arrêt retient d'abord que par la décision n° 20-D-08 invoquée par la société Molotov, l'Autorité de la concurrence a rejeté la saisine au motif que cette société n'apportait pas d'éléments suffisamment probants. Il retient ensuite que dès lors que la clause litigieuse ne constituait pas une pratique prohibée de prix imposé, elle ne peut être contraire au règlement (UE) n° 330/2010 de la Commission du 20 avril 2010 concernant l'application de l'article 101, § 1, du TFUE à des catégories d'accords verticaux et de pratiques concertées. 10. En cet état, et dès lors que, contrairement à ce que soutient la deuxième branche, l'Autorité de la concurrence, après avoir estimé qu'aucun accord, au sens des articles 101, § 1, du TFUE et L. 420-1 du code de commerce, n'était établi et que la clause litigieuse procédait seulement d'un acte unilatéral, ce qui était exclusif de sa prohibition par les textes invoqués, ne s'est pas prononcée sur l'objet de la clause elle-même et son caractère restrictif, le cas échéant, de concurrence, et que, dans ses conclusions, la société Molotov faisait seulement valoir que la condition contestée lui imposait un prix minimal pour la diffusion des chaînes éditées par la société Métropole et aboutissait à fixer les prix au mépris des dispositions précitées, la cour d'appel, qui a écarté la matérialité de cette pratique, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision. 11. Le moyen n'est donc pas fondé. Sur le deuxième moyen Enoncé du moyen 12. La société Molotov fait le même grief à l'arrêt, alors : « 1°/ que le droit voisin du droit d'auteur dont un éditeur de services de communication audiovisuelle est titulaire sur les chaînes de télévision qu'il édite ne le dispense pas du devoir de se conformer aux prescriptions de l'article L. 442-6, I, 2 du code de commerce dans ses rapports avec les distributeurs et ne justifie en rien d'apprécier plus strictement en cette matière qu'en d'autres la notion de déséquilibre significatif, ni même de reculer le seuil de significativité du déséquilibre entre les droits et obligations des parties ; qu'en l'espèce, la société Molotov rappelait dans ses écritures qu'après avoir conclu en 2015 un premier contrat de distribution avec le groupe M6, par lequel ce dernier, en contrepartie d'une rémunération de 1,5 millions d'euros par an, l'autorisait à distribuer ses chaînes de la TNT en clair (M6, W9 et 6TER) dans le cadre d'un bouquet de chaînes accessibles gratuitement pour le consommateur, le groupe M6 avait subordonné la conclusion d'un nouveau contrat de distribution à un engagement du distributeur de ne rendre ces chaînes accessibles au public que dans le cadre d'une offre payante pour le consommateur ne pouvant être constituée essentiellement de chaînes de la TNT en clair ; que, pour juger qu'en formulant une telle exigence à l'égard de la société Molotov, le groupe M6 n'avait pas enfreint les dispositions de l'article L. 442-6, I, 2 du code de commerce, la cour d'appel retient que cette exigence "doit être appréciée (...) en fonction du contexte particulier né du droit voisin dont cette société est titulaire sur les programmes des chaînes en clair de la TNT qui sont en cause", que, par la clause litigieuse, le groupe M6 demande essentiellement que les chaînes en clair de la TNT soient accessibles de manière indissociable au sein d'une offre de télévision payante et qu'il s'agit là seulement de la mise en oeuvre, selon une modalité non dépourvue de contrepartie pour la société Molotov, des droits conférés à la société Métropole télévision en vertu de l'article L. 216-1 du code de la propriété intellectuelle, qui soumet à autorisation de l'entreprise de communication audiovisuelle exploitant un service de communication audiovisuelle la reproduction de ses programmes ainsi que leur mise à disposition du public par vente, louage ou échange, leur télédiffusion et leur communication au public dans un lieu accessible à celui-ci, moyennant paiement d'un droit d'entrée ; qu'en se prononçant par de tels motifs, laissant apparaître que la nature du droit de l'éditeur de chaînes de télévision aurait commandé, en la matière, une appréciation restrictive de la notion du déséquilibre significatif, la cour d'appel a violé l'article L. 442-6, I, 2 du code de commerce dans sa rédaction applicable en la cause ; 2°/ que caractérise une tentative de soumission d'un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties la décision d'un éditeur de chaînes de télévision diffusées en clair sur le réseau public hertzien de subordonner le renouvellement du contrat de distribution conclu avec un distributeur sur Internet à l'engagement de celui-ci de ne rendre ces chaînes accessibles aux consommateurs que dans le cadre d'offres payantes ne pouvant être constituées essentiellement de chaînes de la TNT en clair, lorsqu'il apparaît qu'une telle exigence ne trouve pas de contrepartie dans un engagement réciproque que l'éditeur aurait souscrit de s'interdire de rendre lui-même ces chaînes de télévision accessibles gratuitement sur son propre site internet ; qu'en l'espèce, la société Molotov rappelait dans ses écritures qu'après avoir conclu en 2015 un premier contrat de distribution avec le groupe M6, par lequel ce dernier, en contrepartie d'une rémunération de 1,5 millions d'euros par an, l'autorisait à distribuer ses chaînes de la TNT en clair (M6, W9 et 6TER) dans le cadre d'un bouquet de chaînes accessibles gratuitement pour le consommateur, le groupe M6 avait, toutes autres conditions demeurant égales par ailleurs, subordonné la conclusion d'un nouveau contrat de distribution à un engagement du distributeur de ne rendre ces chaînes accessibles au public que dans le cadre d'une offre payante pour le consommateur ne pouvant être constituée essentiellement de chaînes de la TNT en clair ; qu'en jugeant qu'une telle exigence n'était pas de nature à placer le distributeur en situation d'assumer une obligation sans contrepartie et ne caractérisait aucune autre forme de déséquilibre significatif, sans identifier de contrepartie spécifique qui aurait été offerte à la société Molotov en échange de cet engagement nouveau s'ajoutant à son obligation de payer le prix convenu, ni d'engagement réciproque et symétrique qu'aurait souscrit le groupe M6 de s'interdire lui-même de rendre les chaînes en cause accessibles gratuitement sur son propre site internet, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 442-6, I, 2 du code de commerce ; 3°/ que caractérise une tentative de soumission d'un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties la décision d'un éditeur de chaînes de télévision diffusées en clair sur le réseau public hertzien de subordonner le renouvellement du contrat de distribution conclu avec un distributeur sur Internet à l'engagement de celui-ci de ne rendre ces chaînes accessibles aux consommateurs que dans le cadre d'offres payantes ne pouvant être constituées essentiellement de chaînes de la TNT en clair, lorsqu'une telle exigence, qui entrave la capacité du distributeur de déterminer librement son modèle d'affaires, ne repose sur aucun motif légitime tiré de la préservation de la valeur desdites chaînes de télévision ; qu'en l'espèce, la société Molotov faisait valoir que cette exigence nouvelle formulée par le groupe M6, de nature à modifier en profondeur son modèle économique et à menacer la pérennité même de son exploitation, ne reposait sur aucun motif légitime tiré de la préservation de la valeur desdites chaînes, lesquelles demeuraient diffusées gratuitement, tant sur le réseau public hertzien que sur internet par le groupe M6 lui-même au travers de son propre site Internet ; que pour juger qu'une telle exigence n'était pas de nature à caractériser un déséquilibre significatif, la cour d'appel retient que la circonstance que la position adoptée par le groupe M6 vienne fragiliser la pertinence et la pérennité du modèle d'affaires "freemium" de la société Molotov est sans effet sur l'existence du déséquilibre significatif allégué ; qu'en se prononçant de la sorte, sans caractériser un motif économique légitime qui aurait pu justifier une telle entrave au libre choix par la société Molotov de son modèle d'affaires, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 442-6, I, 2 du code de commerce ; 4°/ que la société Molotov rappelait dans ses écritures, qu'après avoir stipulé dans leur contrat initial conclu en 2015 que les chaînes de la TNT en clair éditées par le groupe M6 seraient distribuées au sein d'une offre gratuite pour le consommateur, puis lui avoir indiqué, le 30 octobre 2017, qu'il subordonnerait désormais tout nouvel accord de distribution à l'exigence que le distributeur ne rende ces chaînes accessibles aux consommateurs que dans le cadre d'offres payantes ne pouvant être constituées essentiellement de chaînes de la TNT en clair, le groupe M6 avait, les 29 décembre 2017 et 13 février 2018, précisé que, dans l'hypothèse où le groupe TF1 autoriserait la société Molotov à distribuer ses propres chaînes au sein d'offres gratuites, il se réserverait lui-même la faculté discrétionnaire de changer d'avis et d'imposer à la société Molotov, moyennant un simple préavis de six mois, le retour des chaînes de la TNT en clair au sein d'une offre gratuite ; qu'après avoir elle-même constaté que "compte tenu du nombre limité d'acteurs susceptibles de conférer des droits sur les chaînes en clair de la TNT susceptible de lui permettre de constituer les bouquets de son offre "freemium", il doit être reconnu en l'espèce l'existence d'un rapport de force au détriment de la société Molotov, qui dépend dans une large mesure de la société Métropole télévision laquelle, par l'adoption de la clause 3.1 de ses conditions générales de distributions a fait nécessairement perdre beaucoup d'intérêt du public pour ce type d'offre, par la nécessité de renoncer aux importantes chaînes en clair du Groupe M6", la cour d'appel a néanmoins considéré que la circonstance que la position adoptée par le groupe M6 vienne fragiliser la pérennité du modèle d'affaires "freemium" de la société Molotov est sans effet sur l'existence du déséquilibre significatif allégué ; qu'en se prononçant de la sorte, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si la tentative de soumission d'un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ne résultait pas de la volonté du groupe M6 de placer la société Molotov en situation de devoir de manière incessante adapter son modèle économique à ses décisions unilatérales et potestatives et de la précarité qui en résultait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 442-6, I, 2 du code de commerce. » Réponse de la Cour 13. L'arrêt rappelle d'abord qu'il doit être procédé à une appréciation concrète et globale des contrats en cause et du contexte dans lequel ils ont été conclus ou proposés à la négociation, et que la clause litigieuse doit être analysée, d'un côté, à la lumière de l'ensemble des clauses des conditions générales de distribution et du contrat dont la négociation a été rompue, notamment de celle par laquelle la société Métropole exige paiement pour la diffusion par internet des chaînes en clair de la TNT et, de l'autre, en fonction du contexte particulier né du droit voisin dont cette société est titulaire sur les programmes des chaînes en clair de la TNT qui sont en cause. Il estime que le groupe M6 demande essentiellement, au titre de la clause litigieuse, que les chaînes en clair de la TNT soient accessibles de manière indissociable au sein d'une offre de télévision payante, tandis que le distributeur fixe librement le prix de l'abonnement à ses offres et qu'il verse à la société Métropole une rémunération. Il retient qu'il s'agit seulement de la mise en oeuvre des droits conférés à la société Métropole en vertu de l'article L. 216-1 du code de la propriété intellectuelle, qui soumet à autorisation de l'entreprise exploitant un service de communication audiovisuelle, au sens de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de la communication, la reproduction de ses programmes ainsi que leur mise à disposition du public par vente, louage ou échange, leur télédiffusion et leur communication au public dans un lieu accessible à celui-ci, moyennant paiement d'un droit d'entrée. Il retient encore que la circonstance que la société Métropole exige le paiement d'une redevance pour une telle autorisation, en même temps qu'elle impose au distributeur de ne pas diffuser ces mêmes chaînes en dehors de bouquets payants, ne caractérise nullement une absence de contrepartie à cette dernière obligation, ni aucune autre forme de déséquilibre significatif. Il retient enfin que la circonstance que la position adoptée par la société Métropole puisse fragiliser la pertinence et la pérennité du modèle d'affaires de la société Molotov est sans effet sur l'existence du déséquilibre significatif allégué. 14. En l'état de ces constatations et appréciations, c'est sans avoir à effectuer la recherche invoquée à la quatrième branche, étrangère à la clause des conditions générales de distribution en cause, et en se bornant à rappeler à juste titre que, disposant sur les chaînes qu'elle édite d'un droit voisin conféré par l'article L. 216-1 du code de la propriété intellectuelle, la société Métropole était en droit de définir les conditions économiques de diffusion de ses chaînes, sans exclure pour autant la possibilité d'un abus de ce droit constitutif, le cas échéant, d'un déséquilibre significatif, que la cour d'appel a estimé que la preuve incombant à la société Molotov, de ce dernier, qui ne pouvait résulter ni du seul usage par la société Métropole de son droit de s'auto-distribuer parallèlement ni de la seule atteinte alléguée au modèle économique de la société Molotov, n'était pas rapportée. 15. Le moyen n'est donc pas fondé. Sur le troisième moyen Enoncé du moyen 16. La société Molotov fait encore le même grief à l'arrêt, alors : « 1°/ qu'il résulte de l'article 3-1 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication dans sa version applicable au litige que le Conseil supérieur de l'audiovisuel assure l'égalité de traitement, veille à favoriser la libre concurrence et l'établissement de relations non discriminatoires entre éditeurs et distributeurs de services, quel que soit le réseau de communications électroniques utilisé par ces derniers, conformément au principe de neutralité technologique, tandis que l'article 96-1 de la même loi dispose que les services nationaux de télévision en clair diffusés par voie hertzienne en mode numérique sont diffusés ou distribués gratuitement auprès de 100 % de la population du territoire métropolitain ; qu'en l'espèce, la société Molotov faisait valoir dans ses écritures que la clause dite de "paywall" des conditions générales de distribution du groupe M6, par laquelle ce dernier exigeait, au sujet de ses chaînes de la TNT conventionnées par le Conseil Supérieur de l'Audiovisuel (CSA) en tant que chaînes gratuites, l'engagement de ne les rendre accessibles aux consommateurs que dans le cadre d'offres payantes ne pouvant être constituées essentiellement de chaînes de la TNT en clair, contrevenait aux principes précités d'égalité de traitement, de neutralité technologique et de gratuité de la distribution des chaînes de télévision en clair ; qu'elle soulignait qu'en obligeant les utilisateurs de la plateforme Molotov à payer un abonnement spécifique pour des chaînes pour lesquelles le groupe M6 s'est engagé envers le CSA à ne pas réclamer de paiement de la part des usagers lorsqu'elles sont diffusées en hertzien terrestre, celui-ci traitait différemment deux modes de transmission ne différant que par la technologie et discriminait ainsi la transmission par fil de cuivre ou optique par rapport à celle par les ondes hertziennes ; qu'en se bornant à énoncer qu'il ne résulte des dispositions de la loi du 30 septembre 2006, à la charge de l'éditeur privé du service gratuit M6, aucune obligation légale de mise à disposition de son signal à un distributeur par toute autre moyen que la voie hertzienne, que ce soit par satellite ou par internet, pour en déduire qu'il n'était nullement démontré que la société Molotov ait été traitée par le groupe M6 "de manière discriminatoire dans la mise en oeuvre de la clause litigieuse", la cour d'appel s'est déterminée par des motifs impropres à justifier de la conformité de la clause litigieuse au regard des articles 3-1 et 96-1 de la loi du 30 septembre 1986 et a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ; 2°/ ensuite que la société Molotov soulignait qu'en tout état de cause, le groupe M6 avait bien accepté que les fournisseurs d'accès à internet ne subordonnent pas l'accès aux chaînes du groupe M6 à la souscription d'un abonnement à un bouquet payant de chaînes de télévision ; qu'en se bornant à affirmer qu'il n'était nullement démontré par la société Molotov qu'elle ait été traitée par la société Métropole de manière discriminatoire dans la mise en oeuvre de la clause litigieuse, sans analyser, même sommairement, les pièces versées aux débats par la société Molotov desquelles il ressortait qu'au titre du service "la télévision d'Orange", l'opérateur éponyme ne facture aucun montant récurrent en relation même indirecte avec un contenu, mais se contente de demander le versement d'une caution pour la mise à disposition de son décodeur TV, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 17. L'arrêt retient que les dispositions de la loi du 30 septembre 2006 à la charge de l'éditeur privé du service gratuit M6 ne prévoient aucune obligation légale de mise à disposition de son signal à un distributeur par tout autre moyen que la voie hertzienne, que ce soit par satellite ou, comme en l'espèce, par internet, et qu'il n'est nullement démontré par la société Molotov qu'elle ait été traitée par la société Métropole de manière discriminatoire dans la mise en oeuvre de la clause litigieuse. 18. En l'état de ces énonciations et appréciations, faisant ressortir que la subordination, par le groupe M6, de l'offre de mise à disposition de ses chaînes TNT en clair, aux conditions de leur inclusion dans un bouquet payant, n'était pas, en elle-même, attentatoire aux dispositions invoquées de la loi du 30 septembre 1986, la cour d'appel qui, sans avoir à entrer dans le détail de l'argumentation de la société Molotov, a estimé qu'en outre sa mise en oeuvre n'était pas intervenue dans des conditions fautives, a légalement justifié sa décision. 19. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société Molotov aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Molotov et la condamne à payer à la société Métropole télévision, la société EDI-TV et la société M6 génération la somme globale de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé en l'audience publique du vingt-huit septembre deux mille vingt-deux et signé par Mme Darbois, conseiller doyen en ayant délibéré, en remplacement de Mme Mouillard, président empêché, conformément aux dispositions des articles 452, 456 et 1021 du code de procédure civile. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société Molotov. PREMIER MOYEN DE CASSATION La société Molotov fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué de l'AVOIR déboutée de toutes ses demandes. 1) ALORS QUE l'article L. 442-5 du code de commerce (devenu L. 442-6 depuis l'ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019) prohibe le fait par toute personne d'imposer, directement ou indirectement, un caractère minimal au prix de revente d'un produit ou d'un bien, au prix d'une prestation de service ou à une marge commerciale ; que la liberté commerciale des distributeurs de déterminer les prix des biens qu'ils revendent et ceux des services qu'ils commercialisent implique celle de pouvoir les proposer à titre gratuit aux consommateurs sans que leurs fournisseurs y fassent obstacle ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que le groupe M6, éditeur de services de télévision, avait indiqué le 30 octobre 2017 à la société Molotov que tout nouvel accord de distribution entre eux devrait s'insérer dans le cadre des conditions générales de distribution, lesquelles renfermaient une clause dite de « paywall » par laquelle le groupe M6 exigeait de ses distributeurs qu'ils ne rendent les chaînes de la TNT en clair éditées par ce groupe accessibles aux consommateurs que dans le cadre d'offres payantes ne pouvant être constituées essentiellement de chaînes de la TNT en clair et de leurs services de rattrapage ; qu'il ressortait en outre d'un courriel du 29 décembre 2017 que le groupe M6 avait précisé que « les montants des abonnements facturés [aux consommateurs] par Molotov pour l'accès aux Bouquets Payants ne pourront pas être assimilables à des offres gratuites et doivent permettre de préserver la valeur et l'attractivité des chaînes vis-à-vis de l'ensemble des distributeurs » ; qu'en jugeant qu'une telle clause ne pouvait être assimilée à l'imposition prohibée d'un prix minimal, cependant qu'elle constatait que son effet était d'empêcher que le distributeur ne distribue gratuitement par internet les chaînes gratuites de la TNT, ce qui revenait donc à lui imposer indirectement un prix minimal de distribution, la cour d'appel a violé le texte susvisé. 2) ALORS, en outre, QU'IL appartient au juge judiciaire, à titre de mesure préventive de comportements illicites, d'annuler ou de réputer non écrites les clauses figurant dans les conditions générales d'un opérateur économique qui, dans l'hypothèse où ses distributeurs consentiraient à s'y soumettre, constitueraient des restrictions verticales caractérisées tombant sous le coup de la prohibition des ententes édictées par les articles L. 420-1 du code de commerce et 101 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; qu'il résulte des textes susvisées que sont notamment prohibées les ententes entre fournisseurs et distributeurs ayant pour objet ou pour effet d'empêcher, de fausser ou de restreindre la fixation des prix aux consommateurs par le libre jeu de la concurrence, étant précisé que l'article 4 du Règlement (UE) n° 330/2010 de la Commission du 20 avril 2010 concernant l'application de l'article 101, § 3, du TFUE à des catégories d'accords verticaux et de pratiques concertées exclut du champ d'application de l'exemption les accords verticaux comportant des restrictions caractérisées et notamment ceux ayant directement ou indirectement pour objet de restreindre la capacité des distributeurs de déterminer leurs prix de vente, sans préjudice de la possibilité pour les fournisseur d'imposer un prix de vente maximal ou de recommander un prix de vente, à condition que ces derniers n'équivaillent pas à un prix de vente fixe ou minimal sous l'effet de pressions exercées ou d'incitations par l'une des parties ; que, pour écarter le moyen par lequel la société Molotov faisait valoir que la clause dite de « paywall » figurant dans les conditions générales de distribution du groupe M6 encourait la nullité en ce qu'elle constituait une restriction verticale contraire aux articles L.420-1 du code du commerce et 101 TFUE, la cour d'appel retient que dans sa décision n° 20-D-08 du 30 avril 2020, l'Autorité de la concurrence a rejeté la saisine de la société Molotov au motif qu'elle n'apportait pas d'éléments suffisamment probants ; qu'en se prononçant de la sorte, cependant que, dans la décision précitée, l'Autorité n'avait écarté l'existence d'une entente verticale qu'en raison du fait que les conditions générales de distribution du groupe M6 avaient été établies de manière unilatérale par celui-ci et n'avaient fait l'objet d'aucun accord explicite ou tacite par Molotov, de sorte qu'aucun accord de volonté constitutif d'une entente verticale n'était constitué, la cour d'appel s'est déterminée par des motifs impropres à justifier sa décision, l'entachant ainsi d'un défaut de base légale au regard des textes susvisés ; 3) ALORS, ensuite et en toute hypothèse, QUE le constat de ce qu'une clause des conditions générales de distribution d'un fournisseur de biens ou de services ne tombe pas sous le coup de la prohibition édictée par l'article L. 442-5 (devenu L. 442-6) du code de commerce ne suffit pas à en assurer la licéité au regard des articles L.420-1 du code du commerce et 101 TFUE ; qu'il résulte de ces deux derniers textes que sont notamment prohibées les ententes entre fournisseurs et distributeurs ayant pour objet ou pour effet d'empêcher, de fausser ou de restreindre la fixation des prix aux consommateurs par le libre jeu de la concurrence, tandis que l'article 4 du règlement d'exemption n° 330/2010 de la Commission du 20 avril 2010 exclut du champ d'application de l'exemption les accords verticaux comportant des restrictions verticales caractérisées et notamment ceux ayant directement ou indirectement pour objet de restreindre la capacité des distributeurs de déterminer leurs prix de vente ; qu'en jugeant que la clause dite de « paywall » figurant dans les conditions générales de distribution du groupe M6 ne pouvait être qualifiée de restriction verticale caractérisée au sens des articles L.420-1 du code du commerce et 101 TFUE et du règlement d'exemption de la Commission du 20 avril 2010 dès lors qu'elle ne constituait pas une pratique prohibée par l'article L. 442-5 (devenu L. 442-6) du code de commerce, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des textes susvisés. DEUXIEME MOYEN DE CASSATION La société Molotov fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué de l'AVOIR déboutée de toutes ses demandes. 1) ALORS QUE le droit voisin du droit d'auteur dont un éditeur de services de communication audiovisuelle est titulaire sur les chaînes de télévision qu'il édite ne le dispense pas du devoir de se conformer aux prescriptions de l'article L.442-6, I, 2e du code de commerce dans ses rapports avec les distributeurs et ne justifie en rien d'apprécier plus strictement en cette matière qu'en d'autres la notion de déséquilibre significatif, ni même de reculer le seuil de significativité du déséquilibre entre les droits et obligations des parties ; qu'en l'espèce, la société Molotov rappelait dans ses écritures qu'après avoir conclu en 2015 un premier contrat de distribution avec le groupe M6, par lequel ce dernier, en contrepartie d'une rémunération de 1,5 millions d'euros par an, l'autorisait à distribuer ses chaînes de la TNT en clair (M6, W9 et 6ter) dans le cadre d'un bouquet de chaînes accessibles gratuitement pour le consommateur, le groupe M6 avait subordonné la conclusion d'un nouveau contrat de distribution à un engagement du distributeur de ne rendre ces chaînes accessibles au public que dans le cadre d'une offre payante pour le consommateur ne pouvant être constituée essentiellement de chaînes de la TNT en clair ; que, pour juger qu'en formulant une telle exigence à l'égard de la société Molotov, le groupe M6 n'avait pas enfreint les dispositions de l'article L.442-6, I, 2e du code de commerce, la cour d'appel retient que cette exigence « doit être appréciée (...) en fonction du contexte particulier né du droit voisin dont cette société est titulaire sur les programmes des chaînes en clair de la TNT qui sont en cause », que, par la clause litigieuse, le groupe M6 demande essentiellement que les chaînes en clair de la TNT soient accessibles de manière indissociable au sein d'une offre de télévision payante et qu'il s'agit là seulement de la mise en oeuvre, selon une modalité non dépourvue de contrepartie pour la société Molotov, des droits conférés à la société Métropole télévision en vertu de l'article L.216-1 du code de la propriété intellectuelle, qui soumet à autorisation de l'entreprise de communication audiovisuelle exploitant un service de communication audiovisuelle la reproduction de ses programmes ainsi que leur mise à disposition du public par vente, louage ou échange, leur télédiffusion et leur communication au public dans un lieu accessible à celui-ci, moyennant paiement d'un droit d'entrée ; qu'en se prononçant par de tels motifs, laissant apparaître que la nature du droit de l'éditeur de chaînes de télévision aurait commandé, en la matière, une appréciation restrictive de la notion de la déséquilibre significatif, la cour d'appel a violé l'article L.442-6, I, 2e du code de commerce dans sa rédaction applicable en la cause. 2) ALORS QUE caractérise une tentative de soumission d'un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties la décision d'un éditeur de chaînes de télévision diffusées en clair sur le réseau public hertzien de subordonner le renouvellement du contrat de distribution conclu avec un distributeur sur Internet à l'engagement de celui-ci de ne rendre ces chaînes accessibles aux consommateurs que dans le cadre d'offres payantes ne pouvant être constituées essentiellement de chaînes de la TNT en clair, lorsqu'il apparaît qu'une telle exigence ne trouve pas de contrepartie dans un engagement réciproque que l'éditeur aurait souscrit de s'interdire de rendre lui-même ces chaînes de télévision accessibles gratuitement sur son propre site internet ; qu'en l'espèce, la société Molotov rappelait dans ses écritures qu'après avoir conclu en 2015 un premier contrat de distribution avec le groupe M6, par lequel ce dernier, en contrepartie d'une rémunération de 1,5 millions d'euros par an, l'autorisait à distribuer ses chaînes de la TNT en clair (M6, W9 et 6ter) dans le cadre d'un bouquet de chaînes accessibles gratuitement pour le consommateur, le groupe M6 avait, toutes autres conditions demeurant égales par ailleurs, subordonné la conclusion d'un nouveau contrat de distribution à un engagement du distributeur de ne rendre ces chaînes accessibles au public que dans le cadre d'une offre payante pour le consommateur ne pouvant être constituée essentiellement de chaînes de la TNT en clair ; qu'en jugeant qu'une telle exigence n'était pas de nature à placer le distributeur en situation d'assumer une obligation sans contrepartie et ne caractérisait aucune autre forme de déséquilibre significatif, sans identifier de contrepartie spécifique qui aurait été offerte à la société Molotov en échange de cet engagement nouveau s'ajoutant à son obligation de payer le prix convenu, ni d'engagement réciproque et symétrique qu'aurait souscrit le groupe M6 de s'interdire lui-même de rendre les chaînes en cause accessibles gratuitement sur son propre site internet, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L.442-6, I, 2e du code de commerce. 3) ALORS, en outre, QUE caractérise une tentative de soumission d'un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties la décision d'un éditeur de chaînes de télévision diffusées en clair sur le réseau public hertzien de subordonner le renouvellement du contrat de distribution conclu avec un distributeur sur Internet à l'engagement de celui-ci de ne rendre ces chaînes accessibles aux consommateurs que dans le cadre d'offres payantes ne pouvant être constituées essentiellement de chaînes de la TNT en clair, lorsqu'une telle exigence, qui entrave la capacité du distributeur de déterminer librement son modèle d'affaires, ne repose sur aucun motif légitime tiré de la préservation de la valeur desdites chaînes de télévision ; qu'en l'espèce, la société Molotov faisait valoir que cette exigence nouvelle formulée par le groupe M6, de nature à modifier en profondeur son modèle économique et à menacer la pérennité même de son exploitation, ne reposait sur aucun motif légitime tiré de la préservation de la valeur desdites chaînes, lesquelles demeuraient diffusées gratuitement, tant sur le réseau public hertzien que sur internet par le groupe M6 lui-même au travers de son propre site Internet ; que pour juger qu'une telle exigence n'était pas de nature à caractériser un déséquilibre significatif, la cour d'appel retient que la circonstance que la position adoptée par le groupe M6 vienne fragiliser la pertinence et la pérennité du modèle d'affaire "freemium" de la société Molotov est sans effet sur l'existence du déséquilibre significatif allégué ; qu'en se prononçant de la sorte, sans caractériser un motif économique légitime qui aurait pu justifier une telle entrave au libre choix par la société Molotov de son modèle d'affaires, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L.442-6, I, 2e du code de commerce. 4) ALORS, enfin, QUE la société Molotov rappelait dans ses écritures, qu'après avoir stipulé dans leur contrat initial conclu en 2015 que les chaînes de la TNT en clair éditées par le groupe M6 seraient distribuées au sein d'une offre gratuite pour le consommateur, puis lui avoir indiqué, le 30 octobre 2017, qu'il subordonnerait désormais tout nouvel accord de distribution à l'exigence que le distributeur ne rende ces chaînes accessibles aux consommateurs que dans le cadre d'offres payantes ne pouvant être constituées essentiellement de chaînes de la TNT en clair, le groupe M6 avait, les 29 décembre 2017 et 13 février 2018, précisé que, dans l'hypothèse où le groupe TF1 autoriserait la société Molotov à distribuer ses propres chaînes au sein d'offres gratuites, il se réserverait lui-même la faculté discrétionnaire de changer d'avis et d'imposer à la société Molotov, moyennant un simple préavis de six mois, le retour des chaînes de la TNT en clair au sein d'une offre gratuite ; qu'après avoir elle-même constaté que « compte tenu du nombre limité d'acteurs susceptibles de conférer des droits sur le chaînes en clair de la TNT susceptible de lui permettre de constituer les bouquets de son offre "freemium", il doit être reconnu en l'espèce l'existence d'un rapport de force au détriment de la société Molotov, qui dépend dans une large mesure de la société Métropole télévision laquelle, par l'adoption de la clause 3.1 de ses CGD a fait nécessairement perdre beaucoup d'intérêt du public pour ce type d'offre, par la nécessité de renoncer aux importantes chaînes en clair du Groupe M6 », la cour d'appel a néanmoins considéré que la circonstance que la position adoptée par le groupe M6 vienne fragiliser la pérennité du modèle d'affaire "freemium" de la société Molotov est sans effet sur l'existence du déséquilibre significatif allégué ; qu'en se prononçant de la sorte, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si la tentative de soumission d'un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ne résultait pas de la volonté du groupe M6 de placer la société Molotov en situation de devoir de manière incessante adapter son modèle économique à ses décisions unilatérales et potestatives et de la précarité qui en résultait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.442-6, I, 2e du code de commerce. TROISIEME MOYEN DE CASSATION La société Molotov fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué de l'AVOIR déboutée de toutes ses demandes. 1) ALORS QU'IL résulte de l'article 3-1 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication dans sa version applicable au litige que le Conseil supérieur de l'audiovisuel assure l'égalité de traitement, veille à favoriser la libre concurrence et l'établissement de relations non discriminatoires entre éditeurs et distributeurs de services, quel que soit le réseau de communications électroniques utilisé par ces derniers, conformément au principe de neutralité technologique, tandis que l'article 96-1 de la même loi dispose que les services nationaux de télévision en clair diffusés par voie hertzienne en mode numérique sont diffusés ou distribués gratuitement auprès de 100 % de la population du territoire métropolitain ; qu'en l'espèce, la société Molotov faisait valoir dans ses écritures que la clause dite de « paywall » des conditions générales de distribution du groupe M6, par laquelle ce dernier exigeait, au sujet de ses chaînes de la TNT conventionnées par le CSA en tant que chaînes gratuites, l'engagement de ne les rendre accessibles aux consommateurs que dans le cadre d'offres payantes ne pouvant être constituées essentiellement de chaînes de la TNT en clair, contrevenait aux principes précités d'égalité de traitement, de neutralité technologique et de gratuité de la distribution des chaînes de télévision en clair ; qu'elle soulignait qu'en obligeant les utilisateurs de la plate-forme Molotov à payer un abonnement spécifique pour des chaînes pour lesquelles le groupe M6 s'est engagé envers le CSA à ne pas réclamer de paiement de la part des usagers lorsqu'elles sont diffusées en hertzien terrestre, celui-ci traitait différemment deux modes de transmission ne différant que par la technologie et discriminait ainsi la transmission par fil de cuivre ou optique par rapport à celle par les ondes hertziennes ; qu'en se bornant à énoncer qu'il ne résulte des dispositions de la loi du 30 septembre 2006, à la charge de l'éditeur privé du service gratuit M6, aucune obligation légale de mise à disposition de son signal à un distributeur par toute autre moyen que la voie hertzienne, que ce soit par satellite ou par internet, pour en déduire qu'il n'était nullement démontré que la société Molotov ait été traitée par le groupe M6 « de manière discriminatoire dans la mise en oeuvre de la clause litigieuse », la cour d'appel s'est déterminée par des motifs impropres à justifier de la conformité de la clause litigieuse au regard des articles 3-1 et 96-1 de la loi du 30 septembre 1986 et a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés. 2) ALORS, ensuite, QUE la société Molotov soulignait qu'en tout état de cause, le groupe M6 avait bien accepté que les fournisseurs d'accès à internet ne subordonnent pas l'accès aux chaînes du groupe M6 à la souscription d'un abonnement à un bouquet payant de chaînes de télévision ; Qu'en se bornant à affirmer qu'il n'était nullement démontré par la société Molotov qu'elle ait été traitée par la société Métropole télévision de manière discriminatoire dans la mise en oeuvre de la clause litigieuse, sans analyser, même sommairement, les pièces versées aux débats par la société Molotov desquelles il ressortait qu'au titre du service « la télévision d'Orange », l'opérateur éponyme ne facture aucun montant récurrent en relation même indirecte avec un contenu, mais se contente de demander le versement d'une caution pour la mise à disposition de son décodeur TV, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 12 octobre 2022 M. MOLLARD, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 579 F-B Pourvoi n° 20-14.073 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 12 OCTOBRE 2022 La société Cobos, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° 20-14.073 contre l'arrêt rendu le 15 octobre 2019 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-1), dans le litige l'opposant au directeur général des finances publiques, domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Daubigney, conseiller, les observations de la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat de la société Cobos, de la SCP Foussard et Froger, avocat du directeur général des finances publiques, après débats en l'audience publique du 5 juillet 2022 où étaient présents M. Mollard, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Daubigney, conseiller rapporteur, M. Ponsot, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 15 octobre 2019) et les productions, la société de droit luxembourgeois Cobos (la société), propriétaire d'un bien immobilier à Saint-Jean-Cap-Ferrat, a pris l'engagement de communiquer à l'administration fiscale, à sa demande, les éléments d'information prévus à l'article 990 E, 3°, du code général des impôts afin d'être exonérée de la taxe de 3 % sur la valeur vénale des immeubles possédés en France par des entités juridiques qui ont leur siège dans un Etat membre de l'Union européenne ou dans un pays ou territoire ayant conclu avec la France une convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales ou dans un Etat ayant conclu avec la France un traité leur permettant de bénéficier du même traitement que les entités qui ont leur siège en France. 2. Considérant que la société n'avait pas respecté cet engagement pour les années 2010, 2011 et 2012, l'administration fiscale lui a notifié une proposition de rectification taxant d'office en matière de taxe de 3 % pour les trois années considérées. 3. Après mise en recouvrement des droits et pénalités et rejet implicite de sa réclamation contentieuse, la société a assigné l'administration fiscale en décharge de l'imposition réclamée. Examen du moyen Enoncé du moyen 4. La société fait grief à l'arrêt de dire qu'il n'y a pas lieu à décharge des impositions mises à sa charge au titre de la taxe de 3 % pour les années 2010, 2011 et 2012 et de rejeter toutes ses demandes, alors : « 1°/ que la preuve de l'actionnariat d'une société peut être rapportée par tout moyen ; que pour justifier l'identité de ses actionnaires au cours des années en litige, la société a produit les actes par lesquels les sociétés Intergem holding et Monegate holding ont transféré leurs dettes et leurs actions dans cette société à M. et Mme [D], le registre des actions nominatives de la société enregistrant le transfert d'actions, certifié par notaire lui donnant date certaine le 30 juillet 2008 soit quatre ans avant la demande de renseignement ; qu'en écartant ces actes, aux motifs qu'ils n'étaient que des actes sous seing privé et qu'il incombait à la société de produire des justificatifs soit déposés auprès des services publics de l'État du Luxembourg ou des autorités fiscales, soit authentifiés par un membre d'une profession réglementée, soit tenant aux flux financiers relativement au mouvement des actions, la cour a violé l'article 1358 du code civil, ensemble l'article 990 D du code général des impôts ; 2°/ que la cour a constaté que l'extrait du registre des actions nominatives de la société faisait état, de manière "univoque", de l'enregistrement du transfert des actions au nom de M. et Mme [D] ; qu'en s'abstenant de tirer les conséquences légales de ses propres constatations, d'où il résultait que la société avait régulièrement justifié de l'identité de ceux qui ont été ses actionnaires au cours des années en litige, la cour d'appel a violé l'article 990 D du code général des impôts ; 3°/ qu'il résulte des constatations de l'arrêt que la société a produit l'acte de cession des parts à M. et Mme [D] et le registre des actionnaires attestant de cette cession authentifié par notaire avec date certaine plusieurs années avant la demande de renseignement ; que la société a ainsi produit un ensemble d'éléments précis, concordants et non équivoques attestant de la réalité de la cession ; que l'arrêt attaqué n'a pas relevé le moindre élément produit par l'administration fiscale de nature à remettre en cause la réalité de cette cession ; qu'en jugeant néanmoins qu'en l'état des éléments produits, et en l'absence de justificatifs relatifs à des actes sociaux déposés auprès des services publics de l'État de l'entité, de déclaration déposée auprès des autorités fiscales, de document authentifié par un membre d'une profession réglementée ou encore notamment de tous justificatifs tenant aux flux financiers relativement au mouvement des actions, alors que le régime revendiqué est un régime dérogatoire d'interprétation stricte, il sera considéré que la société ne produit aucun élément convaincant de la détention des actions composant le capital social la cour d'appel a violé ensemble les articles 1353 et 1358 du code civil et 990 D du code général des impôts ; 4°/ qu'il résulte des constatations de la cour d'appel que la société a produit l'acte de cession et le registre des actionnaires attestant de cette cession authentifié par notaire avec date certaine plusieurs années avant la demande de renseignement ; que la société requérante a soutenu qu'en l'état de la production de cet ensemble d'éléments précis, concordants et non équivoques attestant de la réalité de la cession, et en l'absence du moindre élément produit ni même invoqué par l'administration de nature à remettre en cause la réalité de la cession il appartenait à tout le moins à l'administration fiscale de mettre en oeuvre la procédure d'assistance administrative ; que la cour d'appel, qui n'a pas répondu à ce moyen, a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 5°/ que nul ne peut être tenu de produire une preuve matériellement impossible à rapporter ; la société a exposé dans ses conclusions qu'eu égard au prix symbolique de trois euros auquel ses actions ont été cédées à M. et Mme [D], il lui était impossible de rapporter la preuve du flux financier auquel cette cession a donné lieu ; qu'en reprochant à l'exposante de ne pas avoir apporté des éléments justifiant de l'existence d'un transfert financier qui aurait corroboré la réalité de la cession intervenue en 2007 au bénéfice de M. et Mme [D], la cour d'appel a mis à sa charge une preuve impossible, violant ainsi l'article 1353 du code civil ; 6°/ que la société a exposé dans ses conclusions qu'eu égard à la législation luxembourgeoise dont elle relève il lui était impossible de verser au débat des pièces relatives à la cession de ses actions au bénéfice de M. et Mme [D] qui auraient été publiées au journal officiel luxembourgeois ou au registre du commerce et des sociétés de ce même État ; qu'en reprochant à l'exposante de ne pas avoir fourni des actes officiels ou publiés relatifs à la cession de ses actions au bénéfice de M. et Mme [D], la cour a mis à la charge de l'exposante une preuve impossible, violant à nouveau l'article 1353 du code civil. » Réponse de la Cour 5. Après avoir constaté que les sociétés Intergem et Monegate, associées fondatrices de la société Cobos, avaient, par trois conventions du 4 avril 2007, cédé leurs parts à M. et Mme [D], moyennant le paiement d'un prix global de trois euros, outre l'engagement d'apurer la dette de la société à hauteur de 30 970 euros, l'arrêt relève que si l'extrait du registre des actions nominatives de la société fait état de l'enregistrement du transfert des actions intervenu le 4 avril 2007, ce document est univoque en ce que l'information qui y figure émane uniquement de la société et de ses administrateurs, que la certification par un notaire le 30 juillet 2008 n'atteste que de la conformité du document à son original et que l'apostille par un inspecteur principal du ministère des affaires étrangères et de l'immigration n'authentifie que la qualité du notaire qui est intervenu pour certifier le document conforme à l'original, que l'attestation d'un notaire du 11 avril 2013 ne repose sur aucune autre recherche ou vérification que le registre des actions et qu'ainsi les actes de cessions ne sont que des actes sous seing privé ne pouvant corroborer la réalité économique de la cession des parts sociales en cause. 6. L'arrêt retient encore qu'il n'est pas démontré que M. et Mme [D] ont effectivement acquitté les dettes des sociétés cédantes et que les dispositions sur le transfert du passif ne résultant que d'un acte sous seing privé, la réalité de l'opération, en l'absence de justificatif d'un règlement, n'est pas établie. 7. L'arrêt retient enfin qu'il importe peu que le Luxembourg n'exige pas qu'une société publie spontanément au registre de commerce les actes relatifs aux cessions d'actions, ni même qu'une société ne puisse pas procéder à cette publication et que, même si la démonstration à la charge de la société bénéficiant du régime exonératoire peut être faite par tous moyens, en ce compris la preuve de flux financiers corrélatifs aux transactions invoquées, en l'état des éléments produits et en l'absence de justificatifs relatifs à des actes sociaux déposés auprès des services publics de l'État de l'entité, de déclaration déposée auprès des autorités fiscales, de document authentifié par un membre d'une profession réglementée ou encore de tous justificatifs tenant aux flux financiers relativement au mouvements des actions, alors que le régime revendiqué est un régime dérogatoire, la société ne produit aucun élément convaincant de la détention des actions composant son capital. 8. En l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel, qui a ainsi fait ressortir que la société ne rapportait pas la preuve qui lui incombait en application de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales, s'agissant d'une imposition établie par voie de taxation d'office, de la démonstration de son actionnariat et qui n'avait pas à la suivre dans le détail de son argumentation, a pu déduire que la société ne produisait aucun élément convaincant quant à la détention des actions composant son capital social et ne pouvait soutenir qu'il avait été procédé à un renversement à son détriment de la charge de la preuve ou que l'administration fiscale lui avait imposé de rapporter une preuve impossible. 9. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société Cobos aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Cobos et la condamne à payer au directeur général des finances publiques la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du douze octobre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat aux Conseils, pour la société Cobos. IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit qu'il n'y a pas lieu à décharge des impositions mises à la charge de la société Cobos au titre de la taxe de 3 % pour les années 2010, 2011 et 2012 et d'avoir rejeté toutes les demandes de la société Cobos ; AUX MOTIFS QUE la solution du litige exige que soient appréciés les différents éléments produits par l'intimée : - l'extrait du registre des actions nominatives de la société fait certes état de l'enregistrement du transfert des actions au nom de Monsieur et Madame [D] le 4 avril 2007, mais ce registre est un document univoque ; - le fait qu'il soit certifié par notaire le 30 juillet 2008 est également sans conséquence dans la mesure où le notaire n'a fait que certifier ainsi la conformité d'un document par rapport à l'original, sans procéder à aucune vérification de la réalité de l'information y contenue, laquelle émane de la seule société et de ses administrateurs ; - le fait également qu'il soit apostillé par l'inspecteur principal du ministère des affaires étrangères et de l'immigration est inutile, dès lors que cette apostille n'authentifie que la qualité du notaire qui est intervenu pour la certification conforme ; - l'attestation du même notaire du 11 avril 2013 ne repose par ailleurs sur aucune recherche ou vérification autre que le document univoque que constitue le registre des actions » ; - les actes de cession ne sont que des actes sous seing privé et rien ne vient corroborer la réalité économique desdites transactions » ; - les bilans n'apportent aucun élément convaincant de la composition de l'actionnariat » ; qu'il sera ajouté à ces considérations qu'aucune pièce ne démontre que monsieur et madame [D] ont effectivement acquitté les dettes des sociétés cédantes et que les dispositions sur le transfert du passif ne résultant que d'un acte sous seing privé, la réalité de l'opération, en l'absence de justificatif d'un règlement de ce chef, ne peut être considérée comme établie ; qu'il importe peu, pour l'appréciation du bien-fondé des exigences légales requises, que le Luxembourg n'exige pas qu'une société publie spontanément au registre de commerce les actes relatifs aux cessions d'actions, ni même qu'une société ne puisse pas procéder à cette publication ; que l'administration ne se prévaut pas de ce que le prix serait symbolique, mais de ce que la preuve du paiement du prix ou de la contrepartie de la cession n'est pas rapportée ; que même si la démonstration à la charge de la société bénéficiant du régime exonératoire peut être faite par tous moyens, la preuve des flux financiers corrélatifs aux transactions invoquées pouvant être l'un des moyens requis, il demeure qu'en l'état des éléments produits, et en l'absence de justificatifs relatifs à des actes sociaux déposés auprès des services publics de l'État de l'entité, de déclaration déposée auprès des autorités fiscales, de document authentifié par un membre d'une profession réglementée ou encore notamment de tous justificatifs tenant aux flux financiers relativement au mouvement des actions, alors que le régime revendiqué est un régime dérogatoire d'interprétation stricte, il sera considéré que la société ne produit aucun élément convaincant de la détention des actions composant le capital social et qu'elle ne peut prétendre, dans ces conditions, que l'administration lui imposerait un renversement de la charge de la preuve ou une preuve impossible ; 1° ALORS QUE la preuve de l'actionnariat d'une société peut être rapportée par tout moyen ; que pour justifier l'identité de ses actionnaires au cours des années en litige, la société Cobos a produit les actes par lesquels les sociétés Intergem holding et Monegate holding ont transféré leurs dettes et leurs actions dans cette société à M. et Mme [D], le registre des actions nominatives de la société enregistrant le transfert d'actions, certifié par notaire lui donnant date certaine le 30 juillet 2008 soit 4 ans avant la demande de renseignement ; qu'en écartant ces actes, aux motifs qu'ils n'étaient que des actes sous seing privé et qu'il incombait à l'exposante de produire des justificatifs soit déposés auprès des services publics de l'État du Luxembourg ou des autorités fiscales, soit authentifiés par un membre d'une profession réglementée, soit tenant aux flux financiers relativement au mouvement des actions, la cour a violé l'article 1358 du code civil, ensemble l'article 990 D du code général des impôts ; 2° ALORS QUE la cour a constaté que l'extrait du registre des actions nominatives de la société Cobos faisait état, de manière « univoque », de l'enregistrement du transfert des actions au nom de M. et Mme [D] ; qu'en s'abstenant de tirer les conséquences légales de ses propres constatations, d'où il résultait que la société Cobos avait régulièrement justifié de l'identité de ceux qui ont été ses actionnaires au cours des années en litige, la cour d'appel a violé l'article 990 D du code général des impôts ; 3° ALORS QU'il résulte des constatations de l'arrêt que la société Cobos a produit l'acte de cession des parts à M. et Mme [D] et le registre des actionnaires attestant de cette cession authentifié par notaire avec date certaine plusieurs années avant la demande de renseignement ; que la société a ainsi produit un ensemble d'éléments précis, concordants et non équivoques attestant de la réalité de la cession ; que l'arrêt attaqué n'a pas relevé le moindre élément produit par l'administration fiscale de nature à remettre en cause la réalité de cette cession ; qu'en jugeant néanmoins qu'en l'état des éléments produits, et en l'absence de justificatifs relatifs à des actes sociaux déposés auprès des services publics de l'État de l'entité, de déclaration déposée auprès des autorités fiscales, de document authentifié par un membre d'une profession réglementée ou encore notamment de tous justificatifs tenant aux flux financiers relativement au mouvement des actions, alors que le régime revendiqué est un régime dérogatoire d'interprétation stricte, il sera considéré que la société ne produit aucun élément convaincant de la détention des actions composant le capital social la cour d'appel a violé ensemble les articles 1353 et 1358 du code civil et 990 D du code général des impôts ; 4° ALORS QUE, en toute hypothèse, il résulte des constatations de la cour d'appel que la société Cobos a produit l'acte de cession et le registre des actionnaires attestant de cette cession authentifié par notaire avec date certaine plusieurs années avant la demande de renseignement ; que la société requérante a soutenu qu'en l'état de la production de cet ensemble d'éléments précis, concordants et non équivoques attestant de la réalité de la cession, et en l'absence du moindre élément produit ni même invoqué par l'administration de nature à remettre en cause la réalité de la cession il appartenait à tout le moins à l'administration fiscale de mettre en oeuvre la procédure d'assistance administrative ; que la cour d'appel, qui n'a pas répondu à ce moyen, a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 5° ALORS QUE nul ne peut être tenu de produire une preuve matériellement impossible à rapporter ; la société Cobos a exposé dans ses conclusions qu'eu égard au prix symbolique de 3 euros auquel ses actions ont été cédées à M. et Mme [D], il lui était impossible de rapporter la preuve du flux financer auquel cette cession a donné lieu ; qu'en reprochant à l'exposante de ne pas avoir apporté des éléments justifiant de l'existence d'un transfert financier qui aurait corroboré la réalité de la cession intervenue en 2007 au bénéfice de M. et Mme [D], la cour d'appel a mis à sa charge une preuve impossible, violant ainsi l'article 1353 du code civil, 6° ALORS QUE la société Cobos a exposé dans ses conclusions qu'eu égard à la législation luxembourgeoise dont elle relève il lui était impossible de verser au débat des pièces relatives à la cession de ses actions au bénéfice de M. et Mme [D] qui auraient été publiées au journal officiel luxembourgeois ou au registre du commerce et des sociétés de ce même État ; qu'en reprochant à l'exposante de ne pas avoir fourni des actes officiels ou publiés relatifs à la cession de ses actions au bénéfice de M. et Mme [D], la cour a mis à la charge de l'exposante une preuve impossible, violant à nouveau l'article 1353 du code civil.
CASS/JURITEXT000046437343.xml
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 12 octobre 2022 Cassation partielle Mme MOUILLARD, président Arrêt n° 598 FS-B Pourvoi n° K 19-18.945 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 12 OCTOBRE 2022 1°/ M. [C] [B], domicilié 24 avenue Duquesne, 75007 Paris, 2°/ M. [R] [P], domicilié 1744 Washington Way, 90291 Los Angeles - Californie (États-Unis), 3°/ la société Icadis, société à responsabilité limitée, dont le siège est 24 avenue Duquesne, 75007 Paris, 4°/ la société CBF associés, société civile professionnelle, dont le siège est 4 place de Wagram, 75017 Paris, en la personne de M. [Y] [G], agissant en qualité d'administrateur judiciaire de la société Icadis, 5°/ la société Actis mandataires judiciaires, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est 4 rue Antoine Dubois, 75006 Paris, en la personne de Mme [Z] [U], agissant en qualité de mandataire judiciaire de la société Icadis, ont formé le pourvoi n° K 19-18.945 contre l'arrêt rendu le 7 mai 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 8), dans le litige les opposant : 1°/ à M. [W] [M], domicilié 47 rue des Vignes, 75016 Paris, 2°/ à M. [N] [T], domicilié 2 rue Péreire, 78100 Saint-Germain-en-Laye, 3°/ à M. [I] [H], domicilié Halamed Hey 9, 90435 Efrata (Israël), 4°/ à M. [A] [L], domicilié 2850n Orchard St #2, 06250 Chicago IL 60657 (États-Unis), 5°/ à M. [E] [D], domicilié 31 rue Jean-Jacques Rousseau, 92150 Suresnes, 6°/ au Fonds commun de placement à risque (FCPR) Spef E-Fund, représenté par sa société de gestion, la société Seventure Partners, 7°/ au Fonds commun de placement dans l'innovation (FCPI) Banque populaire innovation, représenté par sa société de gestion, la société Seventure Partners, ayant tous deux leur siège 5-7 rue de Monttessuy, 75007 Paris, 8°/ au Fonds commun de placement dans l'innovation (FCPI) Crédit lyonnais innovation, dont le siège est 100 boulevard du Montparnasse, 75014 Paris, représenté par la société Crédit agricole Private Equity, aux droits de laquelle est venue la société Omnes Capital, dont le siège est 37-41 rue du Rocher, 75008 Paris, 9°/ à la société Omnes Capital, dont le siège est 37-41 rue du Rocher, 75008 Paris, 10°/ à la société Seventure Partners, société anonyme, dont le siège est 5-7 rue de Monttessuy, 75007 Paris, 11°/ à la société Moussedune LLC, 12°/ à la société Mousseville LLC, ayant toutes deux leur siège 9 West 57th Street Suite 4605, 10019 New York NY (États-Unis), 13°/ à la société Moussescale, dont le siège est Suite C/o Maples and Calder Ugland House South Church Street PO, Box 309GT George Town Grand Cayman (Iles Canaries), 14°/ à la société Moussetrap, dont le siège est Suite 3600 Toronto-Dominion Bank Tower 66 Wellington StreWest, MSK1N6 Toronto (Canada), 15°/ à la société Netgem, société anonyme, dont le siège est 10 avenue de l'Arche, 92419 Courbevoie cedex, 16°/ à la société Drake Star France, société par actions simplifiée, dont le siège est 25 boulevard Malesherbes, 75008 Paris, 17°/ à la société Vitis, société à responsabilité limitée, dont le siège est 10 avenue de l'Arche, 92400 Courbevoie, défendeurs à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les douze moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme de Cabarrus, conseiller référendaire, les observations de la SAS Hannotin Avocats, avocat de MM. [B] et [P] et des sociétés Icadis, CBF associés, ès qualités, et Actis mandataires judiciaires, ès qualités, de la SARL Ortscheidt, avocat de MM. [M], [T], [H], [L] et [D], du FCPI Banque populaire innovation, du FCPR Spef E-Fund, du FCPI Crédit lyonnais innovation, et des sociétés Seventure Partners, Omnes Capital, Moussescale, Moussetrap, Mousseville LLC et Moussedune LLC, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Netgem, de la SAS Buk Lament-Robillot, avocat de la société Drake Star France, de la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat de la société Vitis, et l'avis de Mme Gueguen, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 5 juillet 2022 où étaient présents Mme Mouillard, président, Mme de Cabarrus, conseiller référendaire rapporteur, M. Mollard, conseiller doyen, Mmes Graff-Daudret, Daubigney, Ponsot, M. Guerlot, Mmes Lion, Lefeuvre, Tostain, MM. Boutié, Gillis, Maigret, conseillers référendaires, Mme Gueguen, premier avocat général, et Mme Fornarelli, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 7 mai 2019) et les productions, en septembre 2006, le capital de la société anonyme Glow Entertainment Group (la société Glowria) était détenu par le fonds commun de placement dans l'innovation (FCPI) Banque populaire innovation 8, le FCPI Banque populaire innovation 9 et le fonds commun de placement à risque Spef E-Fund, représentés par leur société de gestion, la société Seventure Partners (la société Seventure), le FCPI Crédit lyonnais innovation 5 et le FCPI Crédit lyonnais innovation 6, représentés par leur société de gestion, la société Omnes Capital, les sociétés Moussescale, Moussetrap, Mousseville LLC et Moussedune LLC (les sociétés du groupe Mousse), ainsi que par MM. [P], [B], la société Icadis, MM. [M], [T], [H] et [D] et la société DVD Beteiligungs. Siégeaient au conseil d'administration de la société MM. [M], [B] et [P], ce dernier étant également président directeur général, ainsi qu'un représentant de la société Omnes Capital et un représentant de la société Seventure. 2. Des difficultés de trésorerie étant apparues fin 2006, le conseil d'administration de la société Glowria a confié à la société Lorentz Deschamps et associés, devenue la société Drake Star France, une mission de recherche de nouveaux investisseurs ou d'acquéreurs éventuels. La mission a été interrompue en février 2007 et, le 30 novembre 2007, la société Drake Star France a notifié à la société Glowria la résiliation de la convention. 3. Le 15 mai 2007, M. [L] a été nommé président du conseil d'administration de la société Glowria en remplacement de M. [P]. Le 28 juin 2007, l'assemblée ordinaire et extraordinaire de cette société a réduit le capital social à zéro puis l'a augmenté par émission d'actions nouvelles, avec droit préférentiel de souscription aux anciens actionnaires et conversion des avances en comptes courants en actions, et décidé l'attribution gratuite à tous les actionnaires de bons de souscription d'actions exerçables jusqu'au 31 décembre 2007. Les sociétés du groupe Mousse, M. [M] et les sociétés Omnes Capital et Seventure ont souscrit à l'augmentation de capital en utilisant la totalité de leurs droits. 4. Le 10 octobre 2007, la société Netgem a adressé aux investisseurs ayant souscrit à l'augmentation de capital une lettre d'intention non engageante aux termes de laquelle était envisagé un apport des actions de la société Glowria à la société Netgem en contrepartie de l'émission par celle-ci d'actions nouvelles pour un montant de 18 millions d'euros. Le 25 octobre 2007, le conseil d'administration de la société Glowria a autorisé la mise en place d'une « data room » pour un audit par la société Netgem. 5. Reprochant aux actionnaires majoritaires une stratégie concertée tendant à les évincer pour s'approprier à titre exclusif l'intégralité du produit de la cession de la société Glowria, MM. [P] et [B] et la société Icadis ont assigné, par actes des 8, 13 et 20 novembre 2007 et 8 février 2008, la société Glowria, la société Seventure, la société Omnes Capital, MM. [M], [T] et [H] et les sociétés du groupe Mousse, aux fins d'annulation de délibérations et de paiement de dommages-intérêts. 6. Le 5 décembre 2007, les sociétés du groupe Mousse, M. [M] et les sociétés Omnes Capital et Seventure ont conclu un contrat d'apport des actions Glowria à la société Netgem par échange d'actions, la société Glowria étant valorisée à 18,85 millions d'euros. 7. MM. [P] et [B] et la société Icadis n'ont pas exercé leurs bons de souscription d'actions dans le délai, expirant le 31 décembre 2007, imparti aux associés. 8. Ils ont assigné en intervention forcée la société Netgem, MM. [L] et [D], les fonds gérés par les sociétés Omnes Capital et Seventure et la société Drake Star France. 9. Le 1er août 2013, la société Glowria, devenue Video Futur Entertainment Group, a fait l'objet d'une fusion-absorption par la société Netgem. 10. Une procédure de sauvegarde a été ouverte au bénéfice de la société Icadis, les sociétés CBF associés et Actis mandataires judiciaires étant désignées administrateur et mandataire judiciaires. Recevabilité du pourvoi contestée par la défense 11. Le FCPI Banque populaire innovation et le fonds commun de placement à risque Spef E-Fund, représentés par leur société de gestion, la société Seventure, le FCPI Crédit lyonnais innovation, représenté par sa société de gestion, la société Omnes Capital, les sociétés du groupe Mousse, MM. [M], [T], [H], [L] et [D] et les sociétés Seventure et Omnes capital contestent la recevabilité du pourvoi, au motif que la déclaration de pourvoi ne vise pas expressément le FCPI Banque populaire innovation 8, le FCPI Banque populaire innovation 9, le FCPI Crédit lyonnais innovation 5 et le FCPI Crédit lyonnais innovation 6, mais seulement le « Fonds commun de placement dans l'innovation banque populaire innovation, dont le siège est 5/7 rue de Monttessuy, 75007 Paris, représenté par sa société de gestion, la société Seventure Partners » et le « Fonds commun de placement dans l'innovation Crédit lyonnais innovation, dont le siège est 100 boulevard du Montparnasse, 75014 Paris, représenté par sa société de gestion la société Omnes Capital dont le siège est 37-41 rue du Rocher, 75008 Paris. » 12. Cependant, aux termes de l'article 975 du code de procédure civile, la déclaration de pourvoi contient, à peine de nullité, l'indication des nom, prénoms et domicile du défendeur, ou, s'il s'agit d'une personne morale, de sa dénomination et de son siège social. 13. Il résulte des articles L. 214-8, L. 214-8-1 et L. 214-8-8 du code monétaire et financier d'une part, qu'un fonds commun de placement est constitué à l'initiative d'une société de gestion, d'autre part, qu'il n'a pas la personnalité morale et qu'il est représenté à l'égard des tiers par la société chargée de sa gestion, cette société pouvant agir en justice pour défendre ou faire valoir les droits ou intérêts des porteurs de parts. 14. La déclaration de pourvoi qui vise les FCPI et les sociétés chargées de leur gestion est donc régulière, peu important qu'elle ne mentionne pas les numéros des compartiments formant ces fonds. 15. Par conséquent, le pourvoi est recevable. Examen des moyens Sur le premier moyen, le troisième moyen, pris en sa seconde branche, le cinquième moyen, pris en ses deuxième et troisième branches, et les sixième, septième, huitième, neuvième, dixième et onzième moyens, ci-après annexés 16. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le deuxième moyen Enoncé du moyen 17. MM. [P] et [B], la société Icadis et les sociétés CBF associés et Actis mandataires judiciaires, ès qualités, font grief à l'arrêt de dire régulières la révocation de M. [P] en tant que président du conseil d'administration de la société Glowria et la nomination de M. [L] en tant que président, de dire le conseil d'administration de la société Glowria régulièrement composé et refuser d'annuler de ce chef les délibérations et décisions qu'il a prises à compter du 15 mai 2007 et de rejeter leur demande tendant à voir considérer M. [L] démissionnaire d'office et annuler, en conséquence, les délibérations et décisions prises par le conseil d'administration depuis le 15 août 2007, alors « que chaque administrateur doit être propriétaire d'un nombre d'actions de la société déterminé par les statuts, peu important qu'il siège en son nom propre ou au nom d'autrui ; que si, au jour de sa nomination, un administrateur n'est pas propriétaire du nombre d'actions requis ou si, en cours de mandat, il cesse d'en être propriétaire, il est réputé démissionnaire d'office, s'il n'a pas régularisé sa situation dans le délai de trois mois ; qu'en considérant que les sociétés Omnes Capital et Seventure n'étaient pas démissionnaires en ce qu'elles n'avaient pas à justifier de leur qualité d'actionnaire dès lors qu'elles ne siégeaient pas en leur nom propre au conseil d'administration de la société Glowria, la cour d'appel a violé l'article L. 225-25 du code de commerce dans sa rédaction applicable à la cause. » Réponse de la Cour 18. Si l'article L. 225-25 du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001, impose que chaque administrateur soit propriétaire d'un nombre d'actions de la société déterminé par les statuts, la société de gestion d'un FCPI désignée administratrice satisfait à cette exigence lorsque le fonds commun de placement qu'elle représente, au sens de l'article L. 214-25 du code monétaire et financier, dans sa rédaction issue de la loi n° 2003-706 du 1er août 2003, détient des actions de la société anonyme. 19. Le moyen n'est donc pas fondé. Sur le troisième moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 20. MM. [P] et [B], la société Icadis et les sociétés CBF associés et Actis mandataires judiciaires, ès qualités, font grief à l'arrêt de rejeter leur demande d'annulation de l'ordre du jour, de la convocation de l'assemblée générale du 28 juin 2007 et de l'assemblée générale du 28 juin 2007 et, en conséquence, de rejeter leurs demandes d'annulation de la réduction et de l'augmentation de capital et des actes d'exécution de ces opérations, les demandes de restitution en nature ou par équivalent monétaire des titres Glowria à MM. [B] et [P] et à la société Icadis exercées sur ce fondement, alors « que la cassation à intervenir au titre du premier [lire deuxième] moyen devra entraîner, par application de l'article 624 du code de procédure civile, la censure de l'arrêt en ce qu'il a débouté les exposants de leur demande en nullité de l'ordre du jour et de la convocation de l'assemblée générale du 28 juin 2007, de leur demande en nullité de l'assemblée générale du 28 juin 2007 et de leurs demandes d'annulation de la réduction et de l'augmentation de capital et des actes d'exécution de ces opérations, les demandes de restitution en nature ou par équivalent monétaire des titres Glowria à MM. [B] et [P] et à la société Icadis exercées sur ce fondement. » Réponse de la Cour 21. Le rejet du deuxième moyen rend le grief sans portée. Sur le quatrième moyen Enoncé du moyen 22. MM. [P] et [B], la société Icadis et les sociétés CBF associés et Actis mandataires judiciaires, ès qualités, font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes d'annulation des délibérations, résolutions et décisions prises par le conseil d'administration depuis le 15 août 2007, de l'assemblée générale du 28 juin 2007, de l'augmentation de capital non clôturée et de tous actes sociaux et décisions subséquents, de tous actes de préparation et d'exécution de cette opération, alors : « 1°/ que la cassation à intervenir au titre du premier [lire deuxième] moyen devra entraîner, par application de l'article 624 du code de procédure civile, la censure de l'arrêt en ce qu'il a débouté les exposants de leurs demandes de nullité des délibérations, résolutions et décisions prises par le conseil d'administration depuis le 15 août 2007, de l'assemblée générale du 28 juin 2007, de l'augmentation de capital non clôturée et de tous actes sociaux et décisions subséquents, de tous actes de préparation et d'exécution de cette opération ; 2°/ que la démission d'office du président du conseil d'administration, qui convoque le conseil d'administration, organise et dirige les travaux de celui-ci, et dispose d'une voix prépondérante en cas de partage des voix, affecte nécessairement la validité des décisions qui sont prises sous sa présidence ; qu'en estimant que la démission d'office de M. [A] [L] à compter du 15 août 2007 n'avait aucune incidence sur l'adoption des délibérations dont l'annulation est demandée, dès lors que seul M. [L] devant être déclaré démissionnaire d'office, le quorum du conseil d'administration était atteint et les décisions prises ont été adoptées à la majorité requise, la cour d'appel a violé les articles L. 225-37 et L. 225-51 du code de commerce. » Réponse de la Cour 23. D'une part, le rejet du deuxième moyen rend sans portée le moyen, pris en sa première branche. 24. D'autre part, ayant retenu que M. [L] n'était pas propriétaire d'actions de la société Glowria au jour de sa nomination, le 15 mai 2007, et qu'il n'avait pas régularisé sa situation à l'expiration du délai de trois mois imparti par l'article L. 225-25 du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001, la cour d'appel en a exactement déduit que les délibérations du conseil d'administration et de l'assemblée générale antérieures au 15 août 2007 n'étaient pas susceptibles d'être annulées. Elle a également retenu à juste titre que les délibérations postérieures au 15 août 2007 n'encouraient pas non plus l'annulation dès lors que, M. [L] étant le seul démissionnaire d'office, le quorum du conseil d'administration restait atteint et que les décisions prises avaient été adoptées à la majorité requise. 25. Le moyen ne peut donc être accueilli. Sur le douzième moyen Enoncé du moyen 26. MM. [P] et [B], la société Icadis et les sociétés CBF associés et Actis mandataires judiciaires, ès qualités, font grief à l'arrêt de déclarer irrecevables leurs demandes formées contre la société Drake Star France, alors « qu'une citation en justice, même en référé, un commandement ou une saisie, signifiés à celui qu'on veut empêcher de prescrire, interrompent la prescription ainsi que les délais pour agir ; qu'en énonçant que n'était pas interruptive de prescription l'assignation du 13 mai 2008, par laquelle MM. [B], [P] et la société Icadis ont fait assigner en intervention forcée la société Drake Star France aux côtés de la société Netgem, de MM. [L] et [D] et des fonds gérés par les sociétés Omnes Capital et Seventure, aux fins que le jugement à intervenir lui soit déclaré commun et opposable, lorsqu'il s'agissait pourtant d'une demande en justice exercée à son encontre de nature à interrompre la prescription, la cour d'appel a violé l'article 2244 du code civil dans sa rédaction applicable à la cause. » Réponse de la Cour 27. Une assignation en intervention forcée aux seules fins de déclaration de jugement commun n'a pas d'effet interruptif de prescription au sens de l'article 2244 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008. 28. Le moyen, qui postule le contraire, n'est donc pas fondé. Mais sur le cinquième moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 29. MM. [P] et [B], la société Icadis et les sociétés CBF associés et Actis mandataires judiciaires, ès qualités, font grief à l'arrêt de déclarer prescrites et irrecevables leurs demandes d'annulation de la convention Interonline, des conventions d'apports en compte courant d'associés et de l'incorporation au capital des avances en comptes courants, alors « que la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion ; qu'au cas présent, les exposants demandaient, dans le dispositif de leurs conclusions, que le jugement soit réformé pour les avoir déboutés de leur action en annulation de toutes opérations subséquentes, que leur action soit déclarée non prescrite et ils invoquaient, dans la discussion, de nombreux moyens tendant à écarter la prescription de leur action en annulation de la convention Interonline, des conventions d'apports en compte courant d'associés et de l'incorporation au capital des avances en comptes courants retenue par le tribunal ; qu'en énonçant qu'elle n'était pas saisie d'une demande tendant à infirmer le jugement en ce qu'il avait retenu la prescription d'une telle action, la cour d'appel a violé l'article 954 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Vu les articles 542 et 954 du code de procédure civile et 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 30. Aux termes du dernier texte, toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi. Il résulte des deux premiers que, lorsque l'appelant ne demande, dans le dispositif de ses conclusions, ni l'infirmation des chefs du dispositif du jugement dont il recherche l'anéantissement ni l'annulation du jugement, la cour d'appel ne peut que confirmer le jugement. Cependant, l'application immédiate de cette règle de procédure, qui a été affirmée par la Cour de cassation le 17 septembre 2020 (2e Civ., 17 septembre 2020, pourvoi n° 18-23.626) pour la première fois dans un arrêt publié, dans les instances introduites par une déclaration d'appel antérieure à la date de cet arrêt, aboutirait à priver les appelants du droit à un procès équitable. 31. Pour confirmer le jugement en ce qu'il déclare prescrites et irrecevables les demandes en annulation de la convention Interonline, des conventions d'apports en compte courant d'associés et de l'incorporation au capital des avances en comptes courants, l'arrêt retient que si les appelants demandent, dans le corps de leurs écritures, l'infirmation du jugement sur ce point et qu'il soit fait droit à leurs demandes, aucune demande d'infirmation du jugement en ce qu'il a dit prescrites et irrecevables ces trois demandes en annulation n'est reprise dans le dispositif de leurs conclusions. 32. En statuant ainsi, la cour d'appel a donné une portée aux articles 542 et 954 du code de procédure civile qui, pour être conforme à l'état du droit applicable depuis le 17 septembre 2020, n'était pas prévisible pour les parties à la date à laquelle elles ont relevé appel, soit le 21 octobre 2016, l'application de cette règle de procédure dans l'instance en cours aboutissant à priver MM. [B] et [P] et la société Icadis d'un procès équitable au sens de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Mise hors de cause 33. En application de l'article 625 du code de procédure civile, il y a lieu de mettre hors de cause, sur leur demande, la société Drake Star France et la société Vitis, dont la présence n'est pas nécessaire devant la cour de renvoi. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il confirme le jugement en tant qu'il déclare prescrites et irrecevables les demandes en annulation de la convention Interonline, des conventions d'apports en compte courant d'associés et de l'incorporation au capital des avances en comptes courants, et statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile sauf en ce qui concerne la société Drake Star France et la société Vitis, l'arrêt rendu le 7 mai 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ; Met hors de cause la société Drake Star France et la société Vitis ; Condamne le Fonds commun de placement innovation Banque populaire innovation et le Fonds commun de placement à risque Spef E-Fund, représentés par la société Seventure Partners, leur société de gestion, le Fonds commun de placement innovation Crédit lyonnais innovation, représenté par la société Omnes Capital, sa société de gestion, les sociétés Moussescale, Moussetrap, Mousseville LLC et Moussedune LLC, MM. [M], [T], [H], [L] et [D] et les sociétés Seventure Partners et Omnes Capital aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par le Fonds commun de placement innovation Banque populaire innovation et le Fonds commun de placement à risque Spef E-Fund, représentés par la société Seventure Partners, leur société de gestion, le Fonds commun de placement innovation Crédit lyonnais innovation, représenté par la société Omnes Capital, sa société de gestion, les sociétés Moussescale, Moussetrap, Mousseville LLC et Moussedune LLC, MM. [M], [T], [H], [L] et [D] et les sociétés Seventure Partners et Omnes Capital, les condamne in solidum à payer à MM. [P] et [B], à la société Icadis et aux sociétés CBF associés et Actis mandataires judiciaires, en leur qualité d'administrateur et mandataire judiciaires de la société Icadis, la somme globale de 3 000 euros, condamne in solidum MM. [P] et [B] à payer à la société Vitis la somme globale de 3 000 euros et les condamne à payer à la société Drake Star France la somme globale de 3 000 euros ; rejette la demande formée par la société Netgem ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, prononcé en l'audience publique du douze octobre deux mille vingt-deux, et signé par M. Mollard, conseiller doyen et Mme Graff-Daudret, conseiller le plus ancien, en remplacement du président et du conseiller rapporteur empêchés, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SAS Hannotin Avocats, avocat aux Conseils, pour MM. [B] et [P], la société Icadis, la société CBF associés, en la personne de M. [G], agissant en qualité d'administrateur judiciaire de la société Icadis et la société Actis mandataires judidiaires, en la personne de Mme [U], agissant en la personne de mandataire judiciaire de la société Icadis. PREMIER MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la demande de MM. [P] et [B] et de la société Icadis de production aux débats, par l'intermédiaire du ministère public, du rapport de valorisation de la société Glowria établi par le cabinet BD forces en décembre 2007 et versé dans la procédure d'information judiciaire ; Aux motifs que « MM. [P] et [B] et la société Icadis demandent à la cour, avant-dire droit, d'inviter le ministère public à transmettre au greffe de la chambre le rapport de valorisation de la société Glowria établi par le cabinet BD forces en décembre 2007 et versé dans la procédure d'information judiciaire. Les appelants soutiennent que ce document contredit les allégations des intimés sur la valorisation des filiales allemandes à fin 2007 et sur la justification de la dépréciation des participations de la société Glowria dans les filiales allemandes qu'ils ont opérée en mai 2007. Ils estiment qu'il permettrait de vérifier s'il n'existe pas un écart très substantiel entre la valorisation de ces actifs par les intimés dans le cadre de la cession des titres Glowria à la société Netgem au prix de 18,1 millions d'euros d'une part et la valorisation à 1 million d'euros résultant de la provision pour dépréciation faite en mai 2007 par les intimés d'autre part. La cour constate que les parties discutent longuement de la question de la provision pour dépréciation des actifs des filiales allemandes inscrite dans les comptes clos au 31 décembre 2006 de la société Glowria à la suite de la décision prise en ce sens en mai 2007 non par les intimés, comme l'affirment les appelants, mais à l'unanimité par le conseil d'administration de la société Glowria auquel MM. [P] et [B] ont participé. A l'appui de leur démonstration, les parties produisent toutes pièces utiles - dont celles ayant conduit à réévaluer la provision pour dépréciation des actifs allemands en mai 2007, date à laquelle la cour devra apprécier la pertinence de cette réévaluation -, deux rapports d'expertise établis à la demande des appelants et le rapport des commissaires aux apports du 19 février 2008 expliquant notamment la méthode de valorisation de la société Glowria au moment de la cession des titres Glowria à la société Netgem. La cour s'estime ainsi suffisamment éclairée par les pièces produites aux débats de sorte qu'il n'y a pas lieu d'y adjoindre le rapport établi par le cabinet BD forces. La demande de MM. [P] et [B] et de la société Icadis est donc rejetée. MM. [B], [P] et la société Icadis demandent par ailleurs à la cour d'ordonner à la société Netgem de remettre au greffe de la cour en vue de l'audience de plaidoiries les originaux de registre de titres et d'actionnaires de la société Glowria ou de les présenter à la cour et aux demandeurs lors de l'audience de plaidoirie. Une copie des pages pertinentes à la solution du litige du registre de titres et d'actionnaires de la société Glowria est produite aux débats. Les copies étant suffisamment lisibles pour apprécier le bien-fondé des critiques des appelants sur les mentions portées à ce registre, il n'y a pas lieu d'ordonner la communication des originaux ». 1) Alors que le juge, saisi d'une demande de communication de pièces, doit rechercher si la production litigieuse n'est pas indispensable à l'exercice du droit à la preuve et proportionnée aux intérêts antinomiques en présence ; qu'au cas présent, les exposants demandaient la production aux débats d'un rapport interne de valorisation établi en décembre 2007, commandé et validé par Netgem en concertation avec les majoritaires, en ce qu'il venait contredire leurs propres allégations sur l'évaluation des filiales allemandes ayant justifié l'augmentation de capital ; qu'en se bornant à relever qu'elle était suffisamment éclairée par les pièces déjà produites aux débats et constituées de rapports élaborés par des tiers, sans rechercher si le document litigieux, susceptible de constituer un aveu extrajudiciaire par Netgem en concertation avec les majoritaires de la surdépréciation des filiales allemandes, n'était pas indispensable à l'exercice du droit à la preuve et proportionnée aux intérêts antinomiques en présence, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 6 § 1 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; DEUXIEME MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt confirmatif ce chef d'avoir dit la révocation de M. [R] [P] en tant que président du conseil d'administration de la société Glowria et la nomination de M. [A] [L] en tant que président régulière, d'avoir dit le conseil d'administration régulièrement composé et refusé d'annuler de ce chef les délibérations et décisions prises par le conseil de la société Glowria à compter du 15 mai 2007 et d'avoir débouté les demandeurs de leur demande de considérer M. [A] [L], démissionnaire d'office et d'annuler, en conséquence, les délibérations et décisions prises par le conseil d'administration depuis le 15 août 2007 ; Aux motifs propres que « aux termes de l'article L. 225-25 du code de commerce, dans sa rédaction applicable à l'espèce, chaque administrateur doit être propriétaire d'un nombre d'actions de la société déterminé par les statuts et si, au jour de sa nomination, un administrateur n'est pas propriétaire du nombre d'actions requis ou si, en cours de mandat, il cesse d'en être propriétaire, il est réputé démissionnaire d'office, s'il n'a pas régularisé sa situation dans le délai de trois mois ; Les appelants soutiennent, sur le fondement de ces dispositions, que les sociétés Seventure et Omnes Capital, administrateurs de la société Glowria, doivent être considérées comme démissionnaires d'office aux motifs qu'au jour de leur nomination comme administrateur et à l'expiration du délai de trois mois pour régulariser la situation, elles n'étaient pas actionnaires de la société Glowria, seuls les fonds l'ayant été ; que Ils en déduisent que la révocation de M. [P] par le conseil d'administration réuni le 15 mai 2007 est nulle faute de majorité en ce sens compte tenu de la nullité des votes des représentants des sociétés Seventure et Omnes Capital ; que les sociétés de gestion et les fonds répliquent que la retranscription tardive des actions des sociétés Omnes capital et Seventure dans les registres de la société Glowria ne leur est pas imputable ; que la société Netgem fait valoir que les sociétés Omnes capital et Seventure ont régulièrement siégé au conseil d'administration, qu'elles ont en effet exercé, en leur qualité de société de gestion des fonds d'investissement, les prérogatives attachées aux actions que détenaient ces fonds qui sont dépourvus de la personnalité morale ; que M. [P] ne peut se prévaloir de sa propre carence dans la tenue des registres de la société Glowria lorsqu'il en était le président-directeur général ; qu'il résulte du registre des titres de la société Glowria que le fonds FCPR SPEF E-Fund est entré au capital de la société le 28 juin 2005 et que les fonds FCPI Banque populaire innovation 8, FCPI Banque populaire innovation 9, FCPI Crédit lyonnais innovation 5 et FCPI Crédit lyonnais innovation 6 sont entrés au capital de la société le 6 avril 2006 ; qu'aux termes du pacte d'actionnaires, conclu par les sociétés Omnes capital et Seventure agissant en leur nom propre et au nom et pour le compte des fonds dont elles sont la société de gestion, un administrateur est désigné sur la base d'une liste de candidats proposés par la société Seventure et un autre sur la base d'une liste de candidats proposés par la société Omnes capital ; que c'est en cette qualité de société de gestion des fonds actionnaires et en tant qu'elles exerçaient les prérogatives attachées aux titres détenus par les fonds résultant du pacte d'actionnaires, que les sociétés Omnes capital et Seventure ont siégé au conseil d'administration de la société Glowria ; que ne siégeant pas en leur nom propre au conseil d'administration, elles n'avaient pas à justifier de leur qualité d'actionnaire ; que le conseil d'administration, régulièrement composé, a dès lors valablement décidé la révocation de M. [P] en sa qualité de président ; que sur l'irrégularité de la désignation de M. [L] comme administrateur supplémentaire ; que les appelants soutiennent que les articles L ; que 225-17 et L ; que 225-24 du code de commerce permettant la nomination d'administrateur par le conseil d'administration ne sont applicables qu'en cas de vacance par décès ou par démission et dans le cas où le nombre des administrateurs est devenu inférieur au minimum statutaire, qu'en l'espèce ces deux conditions n'étaient pas réunies de sorte que la nomination de M. [L] comme administrateur par le conseil d'administration du 15 mai 2007 est irrégulière ; qu'ils estiment que l'assemblée générale du 28 juin 2007 n'a pu régulariser cette nullité de fond ; que les actionnaires majoritaires, d'une part, et la société Netgem, d'autre part, répliquent que la désignation de M. [L] comme administrateur s'inscrit dans le champ d'application de l'article L. 225-17 du code de commerce et qu'elle a été ratifiée par l'assemblée générale du 28 juin 2007 ; qu'aux termes de l'article L. 225-17 du code de commerce, dans sa rédaction applicable en la cause, la société anonyme est administrée par un conseil d'administration composé de trois membres au moins ; que Les statuts fixent le nombre maximum des membres du conseil, qui ne peut dépasser dix-huit ; que toutefois, en cas de décès, de démission ou de révocation du président du conseil d'administration et si le conseil n'a pu le remplacer par un de ses membres, il peut nommer, sous réserve des dispositions de l'article L. 225-24, un administrateur supplémentaire qui est appelé aux fonctions de président ; que M. [P] ayant été régulièrement révoqué comme président du conseil d'administration et n'étant pas discuté le fait que le conseil n'a pas pu le remplacer par l'un de ses membres, le conseil pouvait, conformément à ces dispositions, procéder à la nomination d'un administrateur supplémentaire appelé aux fonctions de président, et ce quel que soit le nombre d'administrateurs siégeant au conseil ; que la désignation de M. [L] comme administrateur supplémentaire et président du conseil d'administration de la société Glowria n'est donc entachée d'aucune irrégularité ; que sur la démission d'office de M. [L] ; qu'à l'appui de leurs demandes d'annulation de l'assemblée générale du 28 juin 2007 exposées dans le dispositif de leurs conclusions, MM. [P] et [B] et la société Icadis soutiennent également que M. [L] n'ayant jamais été actionnaire de la société Glowria avant le coup d'accordéon doit être considéré, en application de l'article L. 225-25 du code de commerce comme démissionnaire d'office au 15 août 2007 ; que la démission d'office alléguée de M. [L], à la supposer établie, n'est en toute hypothèse pas susceptible d'affecter la régularité des conseils d'administration des 15 et 22 mai, du 6 juin et du 9 juillet 2007 et de l'assemblée générale du 28 juin 2007 puisque, comme l'affirment les appelants eux-mêmes, elle n'est susceptible de produire ses effets qu'à l'expiration du délai de trois mois prévu par l'article L ; que 225-25 du code de commerce sus rappelé, soit le 15 août 2007 » (arrêt attaqué, p. 18-19) ; Aux motifs adoptés que « les demandeurs soutiennent que Seventure et CAPE sont démissionnaires d'office faute d'avoir transcrit au registre des mouvements de titres de la société une cession d'action d'administrateur à leur profit en application des dispositions de l'article L. 225-25 du code de commerce dans sa version du 15 mai 2007 ; qu'ils affirment ainsi que l'action d'administrateur de Seventure Partners aurait dû être retranscrite dans les registres de GLOWRIA avant le 28 septembre 2005 et que l'action d'administrateur de CAPE aurait dû être retranscrite avant le 6 juillet 2006, et que faute de ces retranscriptions ils doivent être déclarés démissionnaires d'office ; que depuis ces dates, Seventure et CAPE ont été régulièrement convoqués aux réunions du conseil d'administration et aux assemblées générales par M. [P] qui en était président jusqu'au 15 mai 2007 ; que ces contestations n'ont jamais été portées à la connaissance des intéressés avant le dépôt des conclusions des demandeurs du mois de mars 2015, soit plus de 9 ans après les faits soi-disant litigieux ; que l'article R. 228-8 du code de commerce précise que « les registres de titres nominatifs émis par une société sont établis par cette société au par une personne qu'elle habilite à cet effet », qu'ainsi la responsabilité de la tenue de ces registres revient au responsable légal de ladite société ; que M. [P] était président et représentant légal de GLOWRIA jusqu'au 15 mai 2007, qu'il appartenait donc à la société et donc à M. [P], de veiller à la régularité des inscriptions dans les registres de la société et qu'il ne saurait aujourd'hui rejeter la responsabilité de l'éventuelle mauvaise tenue des registres le d'une retranscription tardive sur ses successeurs et se prévaloir de sa propre carence pour contester la qualité d'administrateur de Seventure et de CAPE ; de surcroît, que Seventure et Cape, société de gestion des fonds d'investissement qui ne sont pas dotés de la personnalité morale, agissaient en vertu des prérogatives attachées aux actions détenues par ceux-ci, Le tribunal dira que Seventure et CAPE étaient administrateurs de GLOWRIA lors des réunions des Conseils d'administration litigieux et dira en conséquence leurs votes concernant les résolutions de révocation de M. [P] en tant que président du conseil d'administration et de nomination de M. [A] [L] en tant que président, valables ; que les demandeurs soutiennent que la nomination de M.[A] [L], comme administrateur supplémentaire, puis comme président de GLOWRIA, est illicite, car contraire à l'article L. 225-17 du code de commerce ; qu'ils défendent que celui-ci, qui dispose que « Toutefois en cas de décès, de démission ou de révocation du président du conseil d'administration et si le conseil n'a pu le remplacer par un de ses membres, il peut nommer, sous réserves des dispositions de l'article L. 225-24, un administrateur supplémentaire qui est appelé aux fonctions de président » ne s'applique que lorsque le nombre maximum d'administrateurs autorisé par la loi (18) est atteint ou lorsque ce nombre est inférieur au minimum légal de 3 administrateurs ; que les limitations reconnues à cette capacité de nomination provisoire et concernant les nombres maximum et minimum prévues par l'article L. 225-24 ne concernent que les cas de décès ou de démission, et non le cas de l'espèce de révocation ; que le conseil du 15 mai 2007 a voté la révocation de M. [P] en tant que président et que, comme il est rappelé au procès-verbal du conseil, aucun de ses membres ne souhaitant accepter les fonctions de président, il était fondé, en application de l'article L. 225-17 du code de commerce, à désigner en la personne de M. [A] [L], un administrateur supplémentaire ; que la nomination de M. [A] [L] a été ratifiée par l'assemblée générale du 28 juin 2007, conformément aux articles L. 225-24 et L. 225-17 du code de commerce, Le tribunal la dira régulière, En conséquence, le tribunal dira le conseil d'administration régulièrement composé et refusera d'annuler de ce chef les délibérations et décisions prises par te conseil de GLOWRIA à compter du 15 mai 2007, à savoir les décisions du Conseil d'Administration du 22 mai 2007, dont la résolution n° d'approbation de la seconde convention de compte-courant ; et juger irrégulier le procès-verbal signé d'un seul administrateur valide, la délibération et résolution 4 du Conseil d'Administration du 6 juin 2007 partant convocation de l'assemblée Générale Ordinaire et Extraordinaire de la société GLOW ENTERTAINMENT GROUP SA. au 28 juin 2007, la délibération et résolution 5 du Conseil d'Administration du 6 juin 2007 concernant l'approbation des conditions de rémunération d'[A] [L] et d'interOnline SA, la délibération et résolution 6 (autorisation de procéder à l'arrêté de comptes courants d'actionnaires) et la délibération et résolution 7 (approbation du transfert de siège social) du Conseil d'Administration du 9 juillet 2007 ; les délibérations et résolutions du Conseil d'Administration du 5 octobre 2007 n° l (approbation des procès-verbaux des conseils des 9 et 17 juillet 2007), n° 2 (transfert du siège), n° 3 (constat de clôture d'augmentation de capital par délégation de l'Assemblée Générale Ordinaire et Extraordinaire de la société GLOW ENTERTAINMENT GROUP SA. du 28 juin 2007), n° 4 (modification du capital social par délégation de l'assemblée Générale Ordinaire et Extraordinaire de la société GLOW ENTERTAINMENT GROUP S.A. du 28 juin 2007), et n° 5 (modification de la table d'attribution des BSPCE par délégation de l'Assemblée Générale Ordinaire et Extraordinaire de la société GLOW ENTERTAINMENT GROUP SA du 28 juin 2007), la délibération et résolution n° 2 (autorisation de data room en faveur de Netgem) du Conseil d'Administration du 25 octobre 2007 la délibération et résolution n®2 du Conseil d'Administration du 22 novembre 2007 autorisant la poursuite des pourparlers en vue la cession de l'activité DVD à Netleih, la délibération et résolution n*2 (autorisation de vendre les actifs DVD allemands à Netleih) du Conseil d'Administration du 10 décembre 2007, la délibération et résolution n° l (validation des procès-verbaux de Conseils des 25 octobre 2007 et 29 novembre 2007) et la délibération et résolution n° 3 (constat d'augmentation de capital par exercice de BAS et BSPCE tranche 1) du Conseil d'Administration du B février 200B, et de juger nul l'ordre du jour de l'Assemblée Générale Ordinaire et Extraordinaire de la société GLOW ENTERTAINMENT GROUP SA fixée au 28 juin 2007, d'annuler les convocations à l'Assemblée Générale Ordinaire et Extraordinaire de la société GLOW ENTERTAINMENT GROUP SA. fixée au 28 juin 2007 et d'annuler l'Assemblée Générale Ordinaire et Extraordinaire du 28 juin 2007 de la société GLOW ENTERTAINMENT GROUP SA et l'augmentation de capital subséquentes » ; Alors que chaque administrateur doit être propriétaire d'un nombre d'actions de la société déterminé par les statuts, peu important qu'il siège en son nom propre ou au nom d'autrui ; que si, au jour de sa nomination, un administrateur n'est pas propriétaire du nombre d'actions requis ou si, en cours de mandat, il cesse d'en être propriétaire, il est réputé démissionnaire d'office, s'il n'a pas régularisé sa situation dans le délai de trois mois ; qu'en considérant que les sociétés Omnes capital et Seventure n'étaient pas démissionnaires en ce qu'elles n'avaient pas à justifier de leur qualité d'actionnaire dès lors qu'elles ne siégeaient pas en leur nom propre au conseil d'administration de la société Glowria, la cour d'appel a violé l'article L. 225-25 du code de commerce dans sa rédaction applicable à la cause. TROISIEME MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt confirmatif de ce chef d'avoir débouté les exposants de leur demande en nullité de l'ordre du jour et de la convocation de l'assemblée générale du 28 juin 2007 et de leur demande en nullité de l'assemblée générale du 28 juin 2007 et d'avoir en conséquence débouté les exposants de leurs demandes d'annulation de la réduction et de l'augmentation de capital et des actes d'exécution de ces opérations, les demandes de restitution en nature ou par équivalent monétaire des titres Glowria à MM. [B] et [P] et à la société Icadis exercées sur ce fondement ; Aux motifs propres que « le conseil d'administration réuni les 15 mai et 6 juin 2007 étant régulièrement composé le vote de ses délibérations n'est entaché d'aucune irrégularité de ce chef. L'approbation de la convocation de l'assemblée générale fixée au 28 juin 2007, adoptée à la majorité, n'est donc elle-même atteinte par aucune nullité ; que sur la nullité de l'assemblée générale du 28 juin 2007 ; que par suite de la régularité de sa convocation par un conseil d'administration régulièrement composé, l'assemblée générale n'est entachée d'aucune nullité de ce chef ; que MM. [P] et [B] et la société Icadis soulèvent également la nullité de l'assemblée générale du 28 juin 2007 en raison de la violation des articles R. 225-102 et R. 225-113 du code de commerce sanctionnée par une nullité impérative prévue par l'article L. 225-149-3 du même code, et de la surdépréciation des titres de la filiale allemande en violation des articles L. 123-14 et L. 123-17 du code de commerce ; que la société Netgem soutient que l'article R. 225-113 du code de commerce n'est pas sanctionné par la nullité, que les appelants ne démontrent pas que le rapport du conseil d'administration ne répondrait pas aux prescriptions de ces dispositions et qu'en tant qu'administrateurs ils ont disposé de toutes les informations utiles ; que de prétendues violations des articles L. 123-14 et L. 123-17 du code de commerce ne sont pas susceptibles d'entraîner la nullité de l'assemblée générale ; qu'en vertu de l'article L. 225-149-3 du code de commerce, dans sa rédaction applicable en la cause est sanctionnée par la nullité la violation des dispositions des articles L. 225-129, L. 225-100, 225-100-2 du même code ; qu'aux termes des articles L. 225-100 et L. 225-100-2, dans leur rédaction applicable en la cause, le conseil d'administration présente à l'assemblée générale ordinaire son rapport, les comptes annuels et, le cas échéant, les comptes consolidés accompagnés du rapport de gestion y afférent. En l'espèce, les appelants ne précisent pas les carences susceptibles d'affecter le rapport de gestion, lequel reprend les informations utiles relatives à l'exercice clos le 31 décembre 2006 ; qu'aux termes de l'article L. 225-129, l'assemblée générale extraordinaire est seule compétente pour décider, sur le rapport du conseil d'administration ou du directoire, une augmentation de capital immédiate ou à terme. Seules ces dispositions, qui ne renvoient à aucun décret d'application pour définir le contenu de ce rapport, sont sanctionnées par la nullité de l'assemblée générale ; que l'article R. 225-113, qui n'est pas issu d'un décret d'application de l'article L. 225-129 et qui définit le contenu du rapport, n'est sanctionné par aucune nullité de l'assemblée générale ; qu'étant constant qu'un rapport du conseil d'administration sur l'augmentation de capital a été présenté à l'assemblée générale extraordinaire, aucune nullité de ce chef n'est établie ; que l'assemblée générale du 28 juin 2007 n'est dès lors entachée d'aucune nullité ; qu'il résulte de ce qui précède que les demandes d'annulation de la réduction et de l'augmentation de capital et des actes d'exécution de ces opérations, les demandes de restitution en nature ou par équivalent monétaire des titres Glowria à MM. [B] et [P] et à la société Icadis doivent être rejetées sur ce fondement » (arrêt attaqué, p. 20) ; Aux motifs adoptés que « le tribunal dira le conseil d'administration régulièrement composé et refusera d'annuler de ce chef les délibérations et décisions prises par te conseil de GLOWRIA à compter du 15 mai 2007, à savoir les décisions du Conseil d'Administration du 22 mai 2007, dont la résolution n° d'approbation de la seconde convention de compte-courant ; et juger irrégulier le procès-verbal signé d'un seul administrateur valide, la délibération et résolution 4 du Conseil d'Administration du 6 juin 2007 partant convocation de l'assemblée Générale Ordinaire et Extraordinaire de la société GLOW ENTERTAINMENT GROUP SA. au 28 juin 2007, la délibération et résolution 5 du Conseil d'Administration du 6 juin 2007 concernant l'approbation des conditions de rémunération d'[A] [L] et d'interOnline SA, la délibération et résolution 6 (autorisation de procéder à l'arrêté de comptes courants d'actionnaires) et la délibération et résolution 7 (approbation du transfert de siège social) du Conseil d'Administration du 9 juillet 2007 ; les délibérations et résolutions du Conseil d'Administration du 5 octobre 2007 n° l (approbation des procès-verbaux des conseils des 9 et 17 juillet 2007), n° 2 (transfert du siège), n° 3 (constat de clôture d'augmentation de capital par délégation de l'Assemblée Générale Ordinaire et Extraordinaire de la société GLOW ENTERTAINMENT GROUP SA. du 28 juin 2007), n° 4 (modification du capital social par délégation de l'assemblée Générale Ordinaire et Extraordinaire de la société GLOW ENTERTAINMENT GROUP S.A. du 28 juin 2007), et n° 5 (modification de la table d'attribution des BSPCE par délégation de l'Assemblée Générale Ordinaire et Extraordinaire de la société GLOW ENTERTAINMENT GROUP SA du 28 juin 2007), la délibération et résolution n° 2 (autorisation de data room en faveur de Netgem) du Conseil d'Administration du 25 octobre 2007 la délibération et résolution n° 2 du Conseil d'Administration du 22 novembre 2007 autorisant la poursuite des pourparlers en vue la cession de l'activité DVD à Netleih, la délibération et résolution n° 2 (autorisation de vendre les actifs DVD allemands à Netleih) du Conseil d'Administration du 10 décembre 2007, la délibération et résolution n° l (validation des procès-verbaux de Conseils des 25 octobre 2007 et 29 novembre 2007) et la délibération et résolution n° 3 (constat d'augmentation de capital par exercice de BSA et BSPECE tranche 1) du Conseil d'Administration du B février 200B, et de juger nul l'ordre du jour de l'Assemblée Générale Ordinaire et Extraordinaire de la société GLOW ENTERTAINMENT GROUP SA fixée au 28 juin 2007, d'annuler les convocations à l'Assemblée Générale Ordinaire et Extraordinaire de la société GLOW ENTERTAINMENT GROUP SA. fixée au 28 juin 2007 et d'annuler l'Assemblée Générale Ordinaire et Extraordinaire du 28 juin 2007 de la société GLOW ENTERTAINMENT GROUP SA et l'augmentation de capital subséquentes ». 1) Alors que la cassation à intervenir au titre du premier moyen devra entraîner, par application de l'article 624 du code de procédure civile, la censure de l'arrêt en ce qu'il a débouté les exposants de leur demande en nullité de l'ordre du jour et de la convocation de l'assemblée générale du 28 juin 2007, de leur demande en nullité de l'assemblée générale du 28 juin 2007 et de leurs demandes d'annulation de la réduction et de l'augmentation de capital et des actes d'exécution de ces opérations, les demandes de restitution en nature ou par équivalent monétaire des titres Glowria à MM. [B] et [P] et à la société Icadis exercées sur ce fondement ; 2) Alors qu'est nulle une délibération de l'assemblée générale décidant une augmentation de capital, dès lors qu'elle a statué sur un rapport du conseil d'administration non conforme aux exigences de l'article R. 225-13 du code de commerce ; qu'en statuant en sens contraire, la cour d'appel a violé l'article les articles L. 225-149-3, L. 225-129 et R. 225-13 du code de commerce ; QUATRIEME MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt confirmatif de ce chef d'avoir débouté les exposants de leurs demandes de nullité des délibérations, résolutions et décisions prises par le conseil d'administration depuis le 15 août 2007, de l'assemblée générale du 28 juin 2007, de l'augmentation de capital non clôturée et de tous actes sociaux et décisions subséquents, de tous actes de préparation et d'exécution de cette opération ; Aux motifs propres qu'« aux termes de l'article L. 225-25 du code de commerce, dans sa rédaction applicable à l'espèce, chaque administrateur doit être propriétaire d'un nombre d'actions de la société déterminé par les statuts et si, au jour de sa nomination, un administrateur n'est pas propriétaire du nombre d'actions requis ou si, en cours de mandat, il cesse d'en être propriétaire, il est réputé démissionnaire d'office, s'il n'a pas régularisé sa situation dans le délai de trois mois » ; que ces dispositions impliquent qu'est démissionnaire d'office l'administrateur qui n'a pas régularisé sa situation, par l'inscription du transfert d'actions à son profit sur le registre des mouvements de titres de la société, dans le délai de trois mois requis, et ce quelles que soient les circonstances à l'origine du défaut d'inscription en compte. M. [L] n'étant susceptible d'être considéré comme démissionnaire d'office qu'après l'expiration du délai de trois mois ayant commencé à courir au jour de sa désignation comme administrateur, soit le 15 mai 2007, les délibérations du conseil d'administration réuni les 22 mai, 6 juin et 9 juillet 2007 ne sont en toutes hypothèses entachées d'aucune nullité résultant de moyen de nullité soulevé par les appelants ; qu'il en est de même de l'assemblée générale du 28 juin 2007 qui n'est pas susceptible d'être annulée en conséquence d'une éventuelle nullité des délibérations du conseil d'administration réuni postérieurement ; que le 6 juin 2007, la société Seventure partners, en sa qualité de société de gestion du fonds Spef E-Fund, a consenti un prêt de consommation d'une action à M. [L], le contrat étant régi par les articles 1892 et suivants du code civil, et ce à titre gratuit et pour une durée indéterminée ; qu'aux termes de l'article 1893 du code civil, par l'effet de ce prêt l'emprunteur devient le propriétaire de la chose prêtée. La clause du contrat stipulant l'engagement de M. [L] de reverser au prêteur les éventuels dividendes perçus de la société n'est pas de nature à remettre en cause le transfert de propriété de l'action ; qu'il n'est cependant contesté par aucune des parties que l'inscription en compte de ce transfert de propriété n'est intervenue que le 1er septembre 2007 de sorte que M. [L] doit être considéré comme démissionnaire d'office à compter du 15 août 2007 ; que cette situation n'a toutefois aucune incidence sur l'adoption des délibérations dont l'annulation est demandée ; qu'en effet, seul M. [L] devant être déclaré démissionnaire d'office, le quorum du conseil d'administration était atteint et les décisions prises ont été adoptées à la majorité requise ; que les demandes de nullité doivent donc être rejetées » (Arrêt attaqué, p. 21 et 22) ; Aux motifs adoptés que « le tribunal dira le conseil d'administration régulièrement composé et refusera d'annuler de ce chef les délibérations et décisions prises par te conseil de GLOWRIA à compter du 15 mai 2007, à savoir les décisions du Conseil d'Administration du 22 mai 2007, dont la résolution n° d'approbation de la seconde convention de compte-courant ; et juger irrégulier le procès-verbal signé d'un seul administrateur valide, la délibération et résolution 4 du Conseil d'Administration du 6 juin 2007 partant convocation de l'assemblée Générale Ordinaire et Extraordinaire de la société GLOW ENTERTAINMENT GROUP SA. au 28 juin 2007, la délibération et résolution 5 du Conseil d'Administration du 6 juin 2007 concernant l'approbation des conditions de rémunération d'[A] [L] et d'interOnline SA, la délibération et résolution 6 (autorisation de procéder à l'arrêté de comptes courants d'actionnaires) et la délibération et résolution 7 (approbation du transfert de siège social) du Conseil d'Administration du 9 juillet 2007 ; les délibérations et résolutions du Conseil d'Administration du 5 octobre 2007 n° l (approbation des procès-verbaux des conseils des 9 et 17 juillet 2007), n° 2 (transfert du siège), n° 3 (constat de clôture d'augmentation de capital par délégation de l'Assemblée Générale Ordinaire et Extraordinaire de la société GLOW ENTERTAINMENT GROUP SA. du 28 juin 2007), n° 4 (modification du capital social par délégation de l'assemblée Générale Ordinaire et Extraordinaire de la société GLOW ENTERTAINMENT GROUP S.A. du 28 juin 2007), et n° 5 (modification de la table d'attribution des BSPCE par délégation de l'Assemblée Générale Ordinaire et Extraordinaire de la société GLOW ENTERTAINMENT GROUP SA du 28 juin 2007), la délibération et résolution n° 2 (autorisation de data room en faveur de Netgem) du Conseil d'Administration du 25 octobre 2007 la délibération et résolution n®2 du Conseil d'Administration du 22 novembre 2007 autorisant la poursuite des pourparlers en vue la cession de l'activité DVD à Netleih, la délibération et résolution n° 2 (autorisation de vendre les actifs DVD allemands à Netleih) du Conseil d'Administration du 10 décembre 2007, la délibération et résolution n° l (validation des procès-verbaux de Conseils des 25 octobre 2007 et 29 novembre 2007) et la délibération et résolution n° 3 (constat d'augmentation de capital par exercice de BSA et BSPECE tranche 1) du Conseil d'Administration du B février 200B, et de juger nul l'ordre du jour de l'Assemblée Générale Ordinaire et Extraordinaire de la société GLOW ENTERTAINMENT GROUP SA fixée au 28 juin 2007, d'annuler les convocations à l'Assemblée Générale Ordinaire et Extraordinaire de la société GLOW ENTERTAINMENT GROUP SA. fixée au 28 juin 2007 et d'annuler l'Assemblée Générale Ordinaire et Extraordinaire du 28 juin 2007 de la société GLOW ENTERTAINMENT GROUP SA et l'augmentation de capital subséquentes ». 1) Alors que la cassation à intervenir au titre du premier moyen devra entraîner, par application de l'article 624 du code de procédure civile, la censure de l'arrêt en ce qu'il a débouté les exposants de leurs demandes de nullité des délibérations, résolutions et décisions prises par le conseil d'administration depuis le 15 août 2007, de l'assemblée générale du 28 juin 2007, de l'augmentation de capital non clôturée et de tous actes sociaux et décisions subséquents, de tous actes de préparation et d'exécution de cette opération ; 2) Alors que la démission d'office du président du conseil d'administration, qui convoque le conseil d'administration, organise et dirige les travaux de celui-ci, et dispose d'une voix prépondérante en cas de partage des voix, affecte nécessairement la validité des décisions qui sont prises sous sa présidence ; qu'en estimant que la démission d'office de M. [A] [L] à compter du 15 août 2007 n'avait aucune incidence sur l'adoption des délibérations dont l'annulation est demandée, dès lors que seul M. [L] devant être déclaré démissionnaire d'office, le quorum du conseil d'administration était atteint et les décisions prises ont été adoptées à la majorité requise, la cour d'appel a violé les articles L. 225-37 et L. 225-51 du code de commerce ; CINQUIEME MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt confirmatif de ce chef d'avoir déclaré prescrites et irrecevables les demandes formées par les exposants en annulation de la convention Interonline, des conventions d'apports en compte courant d'associés et de l'incorporation au capital des avances en comptes courants ; Aux motifs propres que « si les appelants demandent, dans le corps de leurs écritures en pages 25 et suivantes, l'infirmation du jugement sur ce point et qu'il soit fait droit à leurs demandes, aucune demande d'infirmation du jugement en ce qu'il a dit prescrites et irrecevables ces trois demandes en annulation n'est reprise dans le dispositif de leurs conclusions ; qu'or aux termes de l'article 954 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions des parties ; qu'aucune des autres parties ne sollicite l'infirmation du jugement sur ces points ; que les actionnaires majoritaires sollicitent au contraire la confirmation du jugement en ce qu'il a dit ces demandes en annulation prescrites et irrecevables ; qu'il n'y a donc pas lieu de statuer sur la recevabilité de ces demandes d'annulation et le jugement sera confirmé sur ce point ». Aux motifs adoptés que « les demandes concernant la validité des conventions d'apport en compte courant et l'annulation de la convention signée avec Interonline, formées par M. [B], M. [P] et Icadis, apparaissent dans la procédure dans leurs conclusions déposées à l'audience du 15 mai 2014 ; qu'une demande en justice n'interrompt la prescription que relativement aux éléments qui y sont expressément désignés et non pour des éléments nouveaux présentés dans des demandes postérieures ; que deux conventions en compte courant d'associés ont été signées entre GLOWRIA et les fonds d'investissement, Seventure, CAPE, Moussetrap et Moussescale, l'une le 15 février 2007 et l'autre le 15 mai 2007 ; que les demandeurs soutiennent que la prescription triennale de l'article L. 225-42 du code de commerce ne trouve pas à s'appliquer en l'espèce car leur action est fondée sur la violation des lois et principes régissant la nullité des contrats pour laquelle la prescription est décennale ou trentenaire ; que les mêmes demandeurs affirment au dispositif demander la nullité de ces conventions « en application des dispositions des articles L. 225-38 et suivants du code de commerce», que ces articles sont ceux qui régissent les conventions réglementées ; que le tribunal dira que leur action est bien fondée sur l'inobservation des dispositions applicables aux conventions réglementées et que la prescription triennale est applicable ; que ces demandes ont été formées pour la première fois 7 ans après la signature des actes litigieux et que l'assignation du 8 novembre 2007 n'a pas interrompu la prescription ; que le tribunal dira la demande en annulation de ces conventions formée par M. [B], M. [P] et Icadis prescrite et irrecevable ; que la convention conclue par GLOWRIA avec Interonline pour fixer les conditions de rémunération de M. [A] [L], intitulée « contrat de prestations validé par le conseil d'administration de Glow » a été signée le 23 mai 2007, sous réserve de la validation du conseil d'administration ; que le conseil d'administration du 6 juin 2007 a bien validé cette convention, ainsi qu'en atteste le procès-verbal du conseil approuvé par les demandeurs ; que la demande d'annulation de cette convention apparaît dans les conclusions des demandeurs déposées à l'audience du 15 mai 2014 ; que tribunal dira la demande en annulation de cette convention Interonline formée par M. [B], M. [P] et Icadis prescrite et irrecevable ; qu'il en va de même en ce qui concerne l'incorporation des avances en compte courant au capital ; que le tribunal dira également que cette demande d'annulation de l'incorporation des avances en compte courant au capital, tardivement formée par M. [B], M. [P] et Icadis est prescrite et irrecevable » ; 1) Alors que la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion ; qu'au cas présent, les exposants demandaient, dans le dispositif de leurs conclusions, que le jugement soit réformé pour les avoir déboutés de leur action en annulation de toutes opérations subséquentes (p. 148), que leur action soit déclarée non prescrite (p. 149) et ils invoquaient, dans la discussion, de nombreux moyens tendant à écarter la prescription de leur action en annulation de la convention Interonline, des conventions d'apports en compte courant d'associés et de l'incorporation au capital des avances en comptes courants retenue par le tribunal (p. 25 s.) ; qu'en énonçant qu'elle n'était pas saisie d'une demande tendant à infirmer le jugement en ce qu'il avait retenu la prescription d'une telle action, la cour d'appel a violé l'article 954 du code de procédure civile ; 2) Alors qu'une citation en justice, même en référé, un commandement ou une saisie, signifiés à celui qu'on veut empêcher de prescrire, interrompent la prescription ainsi que les délais pour agir ; qu'au cas présent, par l'acte introductif d'instance du 8 novembre 2007, les exposants demandaient de « juger nulles l'intégralité des délibérations et décisions prises par le Conseil d'Administration depuis le 15 mai 2007 », ce qui comprenait nécessairement l'approbation des conventions règlementées telles que la convention InterOnline et de la convention d'apports en compte courant du 22 mai 2007 ; qu'en énonçant, par motifs éventuellement adoptés, qu'une telle citation en justice n'avait pas interrompu la prescription, la cour d'appel a violé l'article 2244 du code civil dans sa rédaction applicable à la cause ; 3) Alors en tout état de cause que l'interruption de la prescription s'étend d'une action à une autre même si chacune d'elles procède de causes distinctes, lorsqu'elles tendent l'une et l'autre à un seul et même but, de telle sorte que la seconde est virtuellement comprise dans la première ; qu'en l'espèce, la demande en annulation pour fraude des conventions d'apports en comptes courants ayant permis de structurer et d'accomplir l'assemblée de réduction et d'augmentation de capital, avait pour but de conforter la demande d'annulation de la délibération de l'assemblée générale ayant décidé le coup d'accordéon ; qu'en estimant, par motifs éventuellement adoptés, qu'une demande en justice n'interrompt la prescription que relativement aux éléments qui y sont expressément désignés et non pour des éléments nouveaux présentés dans des demandes postérieures, la cour d'appel a violé l'article 2244 du code civil dans sa rédaction applicable à la cause. SIXIEME MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt confirmatif de ce chef d'avoir débouté les exposants de leurs demandes d'annulation de la réduction et de l'augmentation de capital par coup d'accordéon, de tous actes préparatoires et d'exécution et toutes opérations subséquentes, pour fraude ou pour violation des règles de transparence et d'information légale et loyale des actionnaires ; Aux motifs propres que « sur la licéité du coup d'accordéon ; que la société Glowria a enregistré des pertes depuis le début de son activité commerciale (3,3 millions d'euros en 2004, 2,5 millions d'euros en 2005 et 3,9 millions d'euros en 2006) résultant d'une stratégie assumée de croissance forte au détriment de la rentabilité puis, courant 2006, d'adjonction d'une activité de vidéo à la demande à l'activité initiale de location de DVD (selon les termes du mandataire ad hoc) ; qu'au 31 décembre 2006, le passif fournisseur dépassait les 400.000 euros ; que le mandataire ad hoc, désigné le 19 février 2007, faisait état dans son rapport du 27 avril 2007 d'une prévision de besoins de trésorerie de 892.000 euros à fin mai, alors même que les fonds actionnaires avaient apporté en février et mars 2,1 millions d'euros d'avances en comptes courants ; qu'au cours du conseil d'administration du 15 mai 2007, il rappelait que la société réalisait des pertes mensuelles d'environ 480.000 euros ; que les commissaires aux comptes ont enclenché le 6 avril 2007 une procédure d'alerte, compte tenu du niveau des pertes de l'exercice 2006 et des prévisions de trésorerie négatives ; que la situation financière obérée de la société Glowria est ainsi caractérisée et les pertes avérées, peu important de savoir si ces difficultés étaient prévisibles ou non début 2007 et d'en établir les causes ; que la cour relève au demeurant que les appelants ne peuvent imputer ces difficultés aux orientations que les fonds auraient imposées à la société Glowria vers le développement de la VOD alors que M. [P] affirmait, lors du conseil d'administration du 15 mai 2007, qu'il n'y avait pas de divergences de stratégie de sa part avec les membres du conseil, qu'il avait suggéré dès 2003 au conseil d'orienter la société dans le développement de l'activité VOD dès que le marché serait propice, que c'est en grande partie sur cette stratégie que les fonds avaient effectué leur investissement en mars 2006 et que c'était dans cette voie qu'il avait mené la société depuis un an ; que compte tenu des pertes 2006, les capitaux propres de la société Glowria étaient négatifs au 31 décembre 2006 à hauteur de 260.018 euros et, dès lors, inférieurs à la moitié de son capital social fixé à la somme de 264.335,47 euros. MM. [P] et [B] et la société Icadis soutiennent que les capitaux propres de la société Glowria sont devenus négatifs à la suite d'une manipulation comptable résultant d'une dépréciation excessive de la valeur des actifs allemands dans les comptes de la société Glowria ; qu'or, aux termes du procès-verbal du conseil d'administration du 28 mai 2007, auquel MM. [P] et [B] ont participé, les commissaires aux comptes ont proposé de débattre de la valorisation réelle des actifs allemands, estimant que les survaleurs étaient à plus de 5,1 millions d'euros dans les comptes actuels, le conseil a décidé de calculer, ensemble et avec les commissaires aux comptes, "le bon niveau de dépréciation" fixé à 2,795 millions d'euros et le conseil a ensuite arrêté les comptes à l'unanimité, donc avec l'accord de MM. [P] et [B], ces derniers ayant une bonne connaissance des filiales allemandes pour en avoir été le dirigeant et M. [P] le président de la holding allemande ; que cette dépréciation fait notamment suite à une offre non engageante de la société Lovefilm de rachat des activités VOD en France et DVD en Allemagne, datée du 1er mai 2007, à un prix global compris entre 0,4 million d'euros et 1,5 millions d'euros, alors que, selon les écritures des appelants, la dépréciation initiale des titres de la filiale allemande fixait la valeur de la seule filiale allemande à 3,4 millions d'euros ; que cette lettre d'intention montre la faible valeur de marché des actifs allemands, ce qui sera confirmé ultérieurement avec leur cession au prix de 0,3 million d'euros ; que cette dépréciation reposait également sur la situation obérée du groupe allemand dont les comptes consolidés révèlent au 31 décembre 2006 des produits d'exploitation passés de 1,6 millions d'euros (contre 2,4 M€ au 31 décembre 2005), des pertes 2 millions d'euros (contre 500.000 euros au 31 décembre 2005) et des capitaux propres négatifs à hauteur de 1,3 million d'euros alors qu'au 31 décembre 2005 ils étaient positifs à hauteur de 100.000 euros ; qu'enfin, les comptes de la société Glowria de l'exercice 2006, incluant la dépréciation arrêtée par le conseil d'administration, ont été approuvés lors de l'assemblée générale du 28 juin 2007 à l'unanimité des actionnaires présents et représentés dont les appelants ; que la provision sur dépréciation des titres de la filiale allemande était ainsi justifiée au moment où elle a été arrêtée et acceptée sans réserve par MM. [P] et [B] lors du conseil d'administration du 28 mai 2007 et de l'assemblée générale du 28 juin 2007 ; que conformément à l'article L. 225-248 du code de commerce, compte tenu du niveau de ses capitaux propres, la société Glowria était tenue de réduire son capital, puis de procéder à une opération de recapitalisation, à défaut de décider sa dissolution ; que la réduction du capital de la société Glowria à zéro relevait de l'obligation des actionnaires de contribuer aux pertes sociales dans la limite de leurs apports ; que l'augmentation de capital par émission de nouvelles actions ne présentait quant à elle aucun caractère précipité. La situation obérée de la société Glowria imposait aux actionnaires de ne pas attendre l'expiration du délai légal de deux ans pour procéder à sa recapitalisation ; qu'en outre, MM. [P] et [B], en leur qualité d'administrateur, avaient connaissance dès le début de l'année 2007 des perspectives d'augmentation de capital ; qu'en effet la convention d'apport en comptes courants du 15 février 2007, approuvée par le conseil d'administration, prévoyait la possibilité d'un remboursement par compensation de ces avances avec le montant de toute souscription à une augmentation de capital et mentionnait en page 3 un apport "pouvant être remboursé par compensation dans le cadre d'une augmentation de capital à intervenir" (souligné par la cour) ; que lors du conseil d'administration du 15 mai 2007, la société Seventure a rappelé les avances ainsi consenties et que leur remboursement se ferait "prochainement par conversion de la créance en capital" qui interviendrait "a priori sous la forme d'une réduction de capital à zéro sous la condition suspensive d'une augmentation de capital immédiate" ; que la convocation de l'assemblée générale extraordinaire a été décidée par le conseil d'administration du 6 juin 2007, où étaient présents MM. [P] et [B], conseil qui a précisé que l'augmentation de capital se ferait avec maintien du droit préférentiel de souscription et serait assortie de bons de souscription d'actions valables jusqu'au 31 décembre 2007 ; que la période de souscription a été fixée du 2 au 13 juillet 2007 ; que MM. [P] et [B] et la société Icadis étaient ainsi parfaitement informés de l'augmentation de capital à venir et en mesure de prévoir d'y participer ; que l'augmentation de capital par émission de nouvelles actions était de surcroît assortie d'un droit préférentiel de souscription reconnu à tous les propriétaires d'actions anciennes et d'une attribution gratuite de bons de souscription d'actions à proportion du nombre d'actions anciennes détenues exerçables jusqu'au 31 décembre 2007, ce qui exclut la volonté alléguée par les appelants d'évincer des actionnaires contre leur gré ; qu'il se déduit de ce qui précède que l'opération de coup d'accordéon, commandée par les pertes de la société Glowria et l'objectif de maintenir son exploitation, était conforme à l'intérêt social en ce qu'elle répondait à l'impératif de recapitalisation et s'inscrivait dans une démarche de financement des besoins de trésorerie par les actionnaires majoritaires au moyen d'apports en comptes courants, effectués avant et après l'augmentation de capital pour un montant total de 6,1 millions d'euros sur l'année 2007, excluant ainsi tout caractère factice au refinancement de la société Glowria ; que ni l'existence d'autres alternatives de recapitalisation et de refinancement, à supposer qu'elles aient pu recueillir l'assentiment des actionnaires, ni la circonstance que les fonds actionnaires ont souscrit à l'augmentation de capital par compensation avec les avances en comptes courants qu'ils avaient consenties antérieurement ne sont de nature à remettre en cause la licéité du coup d'accordéon ; que sur la dissimulation des pourparlers avec la société Netgem avant l'assemblée générale litigieuse ; qu'à l'appui de leurs allégations quant à l'existence de pourparlers sur le rachat de la société Glowria par la société Netgem, MM. [P] et [B] et la société Icadis invoquent la tenue d'une réunion le 11 avril 2007 entre M. [H], représentant de la société Omnes capital, le président de la société Netgem et M. [P] au cours de laquelle la société Netgem aurait effectivement fait part de son intérêt pour le rachat de la société Glowria. Ils ne produisent aucune pièce à l'appui de leurs dires quant au contenu de cette réunion ; que les appelants produisent un courriel du 19 avril 2007 adressé par les représentants de la société Netgem à M. [L] ; que ce message intitulé "prise de contact" évoque la réflexion des deux entités sur "la pertinence d'un projet de rapprochement opérationnel voire stratégique" et tend à établir l'organisation, le calendrier et le contenu des travaux à mener ; qu'il est question au point 3 de la pertinence financière et de la structuration du projet ; que ce point porte non sur une perspective de rachat de la société Glowria mais sur le cadre financier à définir pour soutenir un rapprochement opérationnel ; que les termes de cet échange correspondent à la présentation faite par M. [L], en date du 20 avril 2007, où il est indiqué que "d'ici fin 2007 des contacts seront pris avec les principaux concurrents et partenaires industriels potentiels, dont Netgem, pour étudier des rapprochements et des synergies" ; que les contacts entre les sociétés Glowria et Netgem ont abouti à la seule conclusion d'une convention d'apport d'affaires mutuel le 24 mai 2007, ce qui correspond aux travaux annoncés par le courriel du 19 avril 2007 ; que devant les services de police, M. [H] a indiqué avoir eu un contact avec la société Netgem courant mars 2007 en vue d'un partenariat et non en vue d'une cession ; que M. [F], président de la société Netgem a confirmé ces dires, indiqué que les discussions à compter d'avril 2007 ne portaient que sur un partenariat et précisé avoir changé de position et envisagé le rachat de la société Glowria après avoir eu connaissance, au début de l'été 2007, de la signature par la société Glowria d'un contrat avec la société Carrefour présenté comme "mirifique" ; que l a société Drake Star France a indiqué, dans une lettre du 17 novembre 2008 en réponse à l'assignation de MM. [P] et [B] et de la société Icadis à son encontre, que dans le cadre de sa mission elle avait approché la société Netgem en décembre 2006 pour connaître son intérêt pour un investissement dans la société Glowria et que la société Netgem n'avait pas manifesté d'intérêt autre que commercial la présentation du 20 avril 2007 fait certes état de ce que la société Netgem avait déjà exprimé son intérêt sur la société Glowria en tablant sur une revente séparée de la division DVD à un anglo-saxon en 2008. L'expression d'un intérêt ne signifie toutefois pas que des pourparlers en vue de cette acquisition aient alors été entamés ; que cette présentation ne remet pas en cause le fait que la société Netgem s'en est tenue alors à ne souhaiter qu'un partenariat commercial conclu en mai 2007 ; que ni la communication de la société Netgem le 6 juin 2007 ni celle de la société BD forces, conseil de la société Netgem dans l'acquisition des titres Glowria, sur son site internet ne viennent démontrer l'existence de pourparlers sur le rachat des titres Glowria avant l'été 2007 ; qu'il se déduit de l'ensemble de ces éléments qu'aucune dissimulation quant à l'intérêt de la société Netgem en vue du rachat des titres de la société Glowria avant l'assemblée générale du 28 juin 2007 n'est démontrée ; que sur le manque d'information et de transparence ; qu'il a été jugé précédemment, le conseil d'administration ayant convoqué l'assemblée générale litigieuse n'était pas irrégulièrement composé et aucune nullité n'affecte ladite assemblée générale, que ce soit au titre du rapport de gestion ou du rapport du conseil d'administration sur l'augmentation de capital. Les appelants invoquent toutefois un manque d'information et de transparence résultant d'une insuffisance de ces rapports quant à la dépréciation des filiales allemandes, d'une part, et au motif de l'augmentation de capital, d'autre part, ces carences participant de la fraude alléguée ; qu'or, comme il a été constaté, MM. [P] et [B] ont participé au conseil d'administration qui a arrêté la provision pour dépréciation des actifs allemands et ont approuvé les comptes 2006 lors de ce conseil. En outre, le rapport de gestion présenté à l'assemblée générale est suffisamment précis sur les progrès, difficultés et perspectives relatifs à l'exercice 2006 sur lequel il porte et sur la provision pour dépréciation du groupe allemand dès lors qu'il en expose le montant et la méthode. Quant au motif de l'augmentation de capital et du coup d'accordéon, le rapport du conseil d'administration l'énumère précisément en ce que l'opération était commandée, à défaut de dissolution de la société, par le niveau des capitaux propres négatifs et la nécessité d'apurer les pertes accumulées, condition posée par les actionnaires financiers pour accepter le refinancement de la société. Le procès-verbal de l'assemblée générale extraordinaire du 28 juin 2007 montre que les échanges entre actionnaires et administrateurs ont été nourris à ce sujet et que chacun était parfaitement conscient des enjeux et conséquences d'une telle opération de recapitalisation ; qu'enfin, les pourparlers avec la société Netgem en vue du rachat des titres de la société Glowria s'étant déroulés après l'assemblée générale ne pouvaient y être évoqués ; que MM. [P] et [B] et la société Icadis manquent ainsi à établir des carences dans l'information donnée aux administrateurs et aux actionnaires susceptibles de caractériser une fraude ; que sur la compensation des comptes courants et la clôture de l'augmentation de capital ; que le commissaire aux comptes de la société Glowria a certifié, le 18 juillet 2007, le caractère liquide et exigible des créances détenues par les fonds sur la société ; que le caractère irrecouvrable d'une créance, à le supposer établi, ne remet pas en cause son caractère certain, liquide et exigible de sorte que les appelants ne peuvent valablement soutenir que les avances en comptes courants ne pouvaient pas être compensées ; que les conventions d'avances stipulaient expressément que les prêteurs pouvaient demander leur remboursement par compensation de ces avances avec le montant de toute souscription à une augmentation de capital ; que dans ces conditions, la souscription à l'augmentation de capital par compensation des avances en comptes courants ne révèle aucun élément susceptible de caractériser une fraude ; que comme il a été précédemment jugé, les délibérations du conseil d'administration réuni le 5 octobre 2007 ne sont entachées d'aucune irrégularité tirée d'un défaut de quorum ou d'un défaut de majorité des votes en faveur de leur adoption ; que par ailleurs, aux termes de l'article R. 225-135 du code de commerce, une augmentation de capital par émission d'actions à souscrire en numéraire est réalisée à la date du certificat du dépositaire ; qu'aucune disposition ne prévoit que la réalisation définitive d'une augmentation de capital doit être constatée par une délibération du conseil d'administration ; que la régularité des opérations d'augmentation de capital et de clôture de ces opérations n'est donc pas susceptible d'être affectée, comme le soutiennent les appelants, par la réunion du conseil d'administration avant la remise par la banque HSBC du certificat de dépôt des fonds le 9 octobre 2007. En outre, dès lors que les appelants ne contestent pas la réalité des fonds ainsi déposés, qu'ils ont participé aux conseils d'administration des 17 juillet et 5 octobre 2007 ayant évoqué les opérations d'augmentation de capital sans s'opposer aux constats du conseil d'administration quant aux souscriptions réalisées, comme le révèlent les procès-verbaux, et que le certificat de dépôt de la banque correspond à ces constats, aucun élément susceptible de caractériser une fraude n'est établi ; qu'en définitive, les appelants manquent à démontrer l'existence d'un abus de majorité ou d'une fraude de sorte que la demande d'annulation de l'assemblée générale du 28 juin 2007 sur ce fondement doit être rejetée de même que, par suite, les demandes de remise en état du capital, de restitution et de dommages-intérêts formées sur ce fondement ; que le jugement sera donc confirmé » ; Aux motifs adoptés que « les demandeurs soutiennent, pour demander l'annulation de l'assemblée générale du 28 juin 2007, qu'il y aurait eu fraude et abus de majorité de la part des majoritaires ; que l'article L. 225-248 prévoit qu'une société dont les capitaux propres sont inférieurs à la moitié du capital social doit réduire son capital du montant des pertes et reconstituer ses capitaux propres ; que la société dispose de deux exercices à partir de la constatation de ces pertes pour le faire ; que le conseil d'administration de GLOWRIA du 28 mai 2007 a arrêté les comptes à l'unanimité, que ces comptes faisaient apparaître des capitaux propres négatifs de 1 852 000 euros, inférieurs à la moitié du capital social ; que MM. [B] et [P] reprochent aux majoritaires un changement de méthode comptable dans les comptes 2006 concernant la dépréciation des participations allemandes, qui serait selon eux la seule cause de ce résultat ; qu'au cours de sa réunion du 26 mai 2007, le conseil d'administration a décidé de porter la dépréciation envisagée sur les filiales allemandes de 400 000 euros à 2,795 millions d'euros, estimant que les survaleurs sur cet actif étaient de 5,1 million d'euros ; que les demandeurs estiment que celte décision était injustifiée, que les perspectives des sociétés allemandes étaient encourageantes, que la méthode appliquée représente un changement des méthodes comptables qui n'a été ni expliqué ni justifié, et que cette dépréciation est impropre à donner une image fidèle des comptes sociaux ; que le compte-rendu de ce conseil explique que ce sont les commissaires aux comptes de GLOWRIA qui, au cours de la réunion, ont demandé un débat sur la valorisation réelle de cet actif, qu'a été soulignée le très important écart entre le budget de mai 2006 et la situation réelle, que « le conseil a décidé de suivre ce raisonnement et calcule ensemble, avec les commissaires aux comptes, le bon niveau de dépréciation qui sera de 2,795 millions d'euros. Le conseil arrête les comptes à l'unanimité » ; que ce procès-verbal est signé de MM. [B] et [P] et a été approuvé à l'unanimité des administrateurs lors de la réunion du conseil du 6 juin 2007 ; que les commissaires aux comptes n'ont jamais été mis en cause à propos de l'arrêté de ces comptes et ne sont pas dans la cause ; que ces comptes ont été approuvés à l'unanimité des actionnaires présents ou représentés, dont MM. [B] et [P], par l'assemblée générale du 28 juin 2007 ; que les rapports du mandataire ad hoc, maître [V], désigné par le tribunal de céans, et notamment celui du 31 mai 2007 faisaient état de la nécessité de refinancer l'entreprise par de « nouveaux apports par les fonds sous la forme d'une augmentation de capital à intervenir cet été après la réduction à zéro du capital social ; que le tribunal dira que les comptes intégrant la dépréciation des filiales allemandes ont été régulièrement approuvés et que les demandeurs ne sont pas fondés à les remettre en cause ; que les demandeurs soutiennent que cette opération serait frauduleuse au motif qu'elle n'a pas réellement permis de recapitaliser l'entreprise, l'apport d'argent frais à l'occasion de l'augmentation de capital étant dérisoire et cette opération n'ayant pas d'utilité au regard des perspectives d'avenir de la société ; qu'il n'appartient pas au juge d'apprécier l'opportunité économique de l'opération de coup d'accordéon litigieuse relativement à d'autres solutions de recapitalisation, mais seulement d'en contrôler le caractère éventuellement abusif ; que les pertes de GLOWRIA ayant été constatées, les capitaux propres de la société étant devenus négatifs, l'assemblée générale extraordinaire ayant écarté la dissolution de la société, la réduction du capital à zéro sous condition suspensive d'une augmentation de capital ayant été décidée avec maintien du droit préférentiel de souscription à tous les actionnaires, et l'augmentation de capital ayant au final permis d'apporter plus de 4 millions d'euros de liquidités à la société entre mai et décembre 2007, il est établi que cette réduction de capital qui constituait une des options à la disposition des dirigeants pour recapitaliser l'entreprise en perte, ne constitue pas une atteinte au droit de propriété des actionnaires et est licite ; que les demandeurs soutiennent que l'opération de coup d'accordéon a été faite dans le but d'exclure les minoritaires et constitue un abus de majorité ; qu'ils relèvent la précipitation dans laquelle a été menée l'augmentation de capital et estiment qu'ils n'ont pas reçu les informations dont ils devaient disposer pour se prononcer en connaissance de cause sur les motifs, l'importance et l'utilité de cette opération et exercer leurs droits. Ils reprochent à M. [A] [L] d'avoir sciemment omis de fournir à chaque administrateur la vraie version du diagnostic d'avril 2007, un plan financier, un plan de développement, le budget 2008 existant au 31 mai 2007 et le business plan détaillé sur 2006-2009 ; qu'ainsi le conseil d'administration de GLOWRIA se réunit le 6 juin 2007, sait 8 jours après le conseil qui a arrêté les comptes et se prononce sur la convocation d'une assemblée générale mixte en vue de procéder à l'approbation des comptes, à la reconstitution des capitaux propres par réduction du capital à zéro suivie d'une nouvelle augmentation de capital par émissions d'actions avec maintien du droit préférentiel de souscription ; que le 13 juin, cette assemblée est convoquée pour le 28 juin 2007, qu'elle approuve l'augmentation de capital et déclare la souscription ouverte le 29 juin pour une période de 15 jours ; que si ces délais peuvent être considérés comme resserrés, l'article L. 225-48 donnant la possibilité à une société dont les capitaux propres sont inférieurs à la moitié du capital social de procéder à une recapitalisation dans un délai de deux ans, il est constant que la décision de procéder à une opération de recapitalisation sans attendre l'écoulement de la totalité du délai autorisé par la loi ne saurait d'aucune manière être qualifiée d'abusive ; que lors du conseil du 6 juin 2007, M. [B] proteste contre le manque d'information fournie aux administrateurs sur la nouvelle stratégie de développement, réclame un budget détaillé et estimant n'avoir aucune visibilité sur les perspectives de la société déclare ne pouvoir sa prononcer sur l'augmentation de capital proposée, MM. [B] et [P], s'abstiennent ; que l'article R. 225-13 du code de commerce dispose que le conseil d'administration doit faire rapport à l'assemblée convoquée pour décider d'une augmentation de capital de « toutes indications sur les motifs de l'augmentation de capital proposée ainsi que sur la marche des affaires sociales », que les demandeurs soutiennent que le rapport du conseil à l'assemblée ne donna pas fautes ces indications et qu'ainsi les décisions prises en violation de cette disposition sont de nullité impérative ; que l'absence de communication du rapport prévu à l'article R. 225-13 n'est pas sanctionnée par la nullité ; que le conseil d'administration de GLOWRIA a fait un rapport à l'assemblée générale du 28 juin 2007 donnant les motifs de l'augmentation de capital, l'Information sur l'importance et l'utilité de l'opération afin de pallier les pertes enregistrées en 2006 ; que les demandeurs ont également eu connaissance du rapport spécial des commissaires aux comptes sur l'opération présentée à l'assemblée du 28 juin ; que le procès-verbal de cette assemblée fait état de l'exposé par le président, à la demande du représentant de Pélican Venture des perspectives de la société et qu'aucune question ou demande d'information complémentaire sur ces sujets n'est formulée ni par M. [B], ni par M. [P] ; que lors de cette même assemblée GLOWRIA promet la fourniture aux actionnaires du projet de budget qui sera adopté le 9 juillet 2007 par le conseil d'administration, conseil auquel siègent MM. [B] et [P] ; que le tribunal dira qu'il n'y a lieu de prononcer la nullité de l'assemblée du 28 juin pour violation des dispositions de l'article R. 225-13 et estimera MM. [B] et [P], administrateurs et actionnaires, étant régulièrement informés sur les motifs de l'augmentation de capital et les perspectives de la société pour exercer leurs droits ; que les demandeurs soutiennent que les pourparlers envisageant un rapprochement avec NETGEM ont commencé en avril 2007, soit avant l'assemblée générale du 28 juin 2007 et qu'ils ont été dissimulés au conseil d'administration, à son Président en exercice (M. [P]) et que cette dissimulation constitue une violation du pacte d'actionnaires ; qu'ils affirment que s'ils avaient eu connaissance de ces discussions, ils auraient exercé massivement leurs DPS ; que le seul document sur lequel s'appuient ces affirmations est un courriel du 19 avril 2007, produit par les défendeurs, de M. [K] directeur financier de NETGEM et administrateur de NETGEM, qui fait étal de réflexions sur « la pertinence d'un projet de rapprochement opérationnel, voire stratégique », listées lors d'un contact entre le dirigeant de NETGEM et M. [L] ; que ce document balaie les hypothèses de collaboration possibles entre les deux sociétés, évoquant des collaborations opérationnelles, des collaborations technologiques et marketing et enfin la pertinence financière d'un projet structuré ; qu'à l'issue de ces contacts, seul a été signé un contrat d'apporteur d'affaires le 24 mai 2007, qui ne représente qu'un partenariat commercial ; que ces éléments ne suffisent pas à démontrer l'existence de discussions capitalistiques ; que le tribunal dira que la fraude par dissimulation n'est pas prouvée ; que l'abus de majorité se caractérise comme une décision contraire à l'intérêt social dans l'unique dessein de favoriser les majoritaires. ; que la décision de recapitaliser la société GLOWRIA, placée depuis plusieurs mois sous mandat ad hoc, ayant fait l'objet d'une procédure d'alerte de ses commissaires aux comptes, affichant de lourdes pertes et dont les capitaux propres étaient inférieurs à la moitié du capital social a manifestement été prise dans le souci d'assurer sa pérennité et sa continuité d'exploitation ; que les décisions qui accompagnaient l'augmentation de capital n'ont constitué aucun traitement discriminatoire entre les actionnaires, en maintenant le droit préférentiel de souscription et en assurant l'émission gratuite de bons de souscription (BSA) à proportion des actions détenues, que les actionnaires ont ainsi tous supporté dans les mêmes proportions et avec les mêmes effets les conséquences de la réduction à zéro du capital, que la perte de leur part au capital de GLOWRIA de MM. [B] et [P] résulte ainsi de leur seul refus de souscrire à l'augmentation de capital ; que le tribunal dira que l'abus de majorité allégué par les demandeurs n'est pas démontré et les déboutera de leurs demandes d'annulation à ce titre ; que le tribunal dira ainsi qu'il n'y a pas matière à annulation des décisions de l'assemblée générale du 28 juin 2007 et tous les actes subséquents y compris la fusion absorption de GLOWRIA par NETGEM » ; 1) Alors que revêt un caractère frauduleux l'opération d'accordéon assortie de conditions telles qu'elles mettent les actionnaires minoritaires dans l'impossibilité d'y souscrire ; qu'au cas présent, l'augmentation de capital a été votée par l'assemblée générale extraordinaire le 28 juin 2007, avec une période de souscription fixée entre le 2 et le 13 juillet 2007, soit dans un délai de deux semaines en début d'été, en lieu et place du délai de deux ans prévu par l'article L. 225-248 du code de commerce ; qu'en outre, contrairement aux minoritaires, les actionnaires majoritaires ont pu souscrire à l'augmentation de capital grâce à la compensation de leurs avances en compte courant ; qu'ainsi, en décidant que l'augmentation de capital ne présentait pas un caractère frauduleux au regard des pertes de la société et du maintien du droit préférentiel de souscription de tous les actionnaires, sans rechercher, comme elle y était invitée, si l'opération était assortie de conditions telles qu'elles mettaient les actionnaires minoritaires dans l'impossibilité d'y souscrire au regard de l'importance des liquidités à mobiliser en un temps très réduit, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil, devenu l'article 1240 dudit code ; 2) Alors que revêt un caractère frauduleux l'opération d'accordéon qui permet aux actionnaires majoritaires de souscrire à l'augmentation de capital grâce à la compensation avec des avances en compte courant irrecouvrables, faute de réelle contrepartie à la souscription, la valeur de la créance étant proche de zéro ; qu'en énonçant que le caractère irrecouvrable d'une créance, à le supposer établi, ne remet pas en cause son caractère certain, liquide et exigible et donc la compensation, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil, devenu l'article 1240 dudit code ; 3) Alors que le juge ne peut dénaturer le sens clair et précis d'un écrit et que la compensation n'a lieu qu'entre deux dettes qui ont également pour objet une somme d'argent, ou une certaine quantité de choses fongibles de la même espèce et qui sont également liquides et exigibles ; qu'au cas présent, selon les dispositions contractuelles claires et précises des conventions de compte courant, seul l'envoi d'un courrier AR à la société rendait exigible les avances en compte courant (art. 3.1) ; qu'en énonçant que les appelants ne peuvent valablement soutenir que les avances en comptes courants ne pouvaient pas être compensées, en ce que les créances étaient certaines, liquides et exigibles, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil dans sa rédaction applicable à la cause ; 4) Alors que revêt un caractère frauduleux l'opération d'accordéon prétendument motivée par des pertes, lesquelles ne sont artificiellement créées que par des manipulations comptables ; qu'en retenant que l'opération n'était pas frauduleuse, sans rechercher si le fait pour la société d'être valorisée à hauteur de zéro lors de l'augmentation de capital, avant d'être cédée pour un prix de 18 millions d'euros trois mois plus tard, ne caractérisait pas une opération frauduleuse, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil, devenu l'article 1240 dudit code. 5) Alors enfin qu'est constitutive d'un abus de majorité la décision sociale prise contrairement à l'intérêt général de la société et dans l'unique dessein de favoriser les membres de la majorité des associés au détriment de la minorité ; qu'au cas présent, la cour d'appel s'est bornée à relever que l'augmentation de capital était conforme à l'intérêt social au regard des pertes de l'entreprise ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si la décision de réaliser un coup d'accordéon n'était pas contraire à l'intérêt social, en ce qu'elle n'avait apporté que deux mois de trésorerie à la société, laissant sa situation financière inchangée à peine deux mois après l'opération, qu'elle ne s'était traduite ni par un nouveau projet industriel, ni par l'entrée d'un nouvel investisseur, ni par un changement de direction, de sorte que l'opération avait eu pour seul objet de modifier la composition du capital social par compensation des créances en compte courant au seul profit des majoritaires et au détriment des minoritaires, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil, devenu l'article 1240 dudit code ; SEPTIEME MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt confirmatif de ce chef d'avoir débouté les exposants de leur demande d'annulation de la cession des titres Glowria pour violation du droit de préemption ; Aux motifs propres qu'« aux termes de l'article 4 du pacte d'actionnaires, dans l'hypothèse où l'une des parties souhaiterait céder tout ou partie de ses titres, elle devra préalablement notifier à chacune des autres parties l'identité du cessionnaire envisagé, le prix offert, un état des comptes courants d'associés et une copie de l'offre ferme et faite de bonne foi du cessionnaire envisagé dûment signée. Chaque partie dispose d'un délai de trente jours pour notifier au promettant son intention d'exercer ou non son droit de préemption ou, le cas échéant, son droit de sortie conjointe ; Par lettres du 12 décembre 2007, les cédants des titres Glowria ont informé MM. [P] et [B] et la société Icadis de la conclusion le 5 décembre 2007 d'un contrat d'apport de titres avec la société Netgem aux termes duquel ils s'engagent à apporter à celle-ci la totalité des actions qu'ils détiennent ou détiendront dans le capital de la société Glowria sur exercice de leurs BSA d'ici au 31 décembre 2007. Sont joints à ces lettres un état des comptes courants d'associés, un bulletin de souscription des BSA, un acte d'adhésion au contrat d'apport et une copie intégrale du contrat d'apport ; que ces lettres rappellent la possibilité pour MM. [P] et [B] et la société Icadis d'exercer leur droit de préemption dans le délai de trente jours ; que le contrat d'apport constitue la première offre ferme de la société Netgem. La lettre d'intention de la société Netgem du 10 octobre 2007 est en effet clairement stipulée comme "une simple déclaration d'intention de chacune des parties de poursuivre de bonne foi les discussions" et ne comprend pas d'offre ferme de la société Netgem. Le conseil d'administration du 25 octobre 2007 a en outre évoqué l'existence d'une offre non ferme de la société Netgem selon les termes du procès-verbal. En toute hypothèse, le droit de préemption de MM. [P] et [B] et de la société Icadis a été respecté par les cessionnaires dès lors que son exercice a été rendu possible par la notification du contrat d'apport et l'ouverture du délai de trente jours à compter de cette notification pour que les bénéficiaires exercent leur droit de préemption ou adhèrent eux-mêmes audit contrat ; que les appelants ne démontrent pas la mauvaise foi de la société Netgem, se bornant à procéder par voie d'affirmation ; que la demande d'annulation de la cession des titres Glowria fondée sur la violation du droit de préemption doit donc être rejetée ; que le jugement sera confirmé » (arrêt attaqué, p. 28-29). Aux motifs adoptés que « le pacte d'actionnaires prévoit, en son article 4, une procédure de notification préalable dans l'hypothèse où l'une des parties souhaite céder ses titres, que cette notification doit comporter des renseignements sur l'identité du cessionnaire envisagé, le prix offert, et les autres modalités de l'opération envisagée ainsi qu'une copie de l'offre ferme et faite de bonne foi, afin de purger le droit de préemption, que cette notification doit être envoyée par courrier recommandé avec AR ; qu'est produite aux débats copie du courrier recommandé avec AR adressé par les actionnaires vendeurs aux demandeurs le 12 décembre 2007, intitulée « notification d'une offre d'acquisition de 100 % des titres émis par GLOWRIA », que ce courrier contient tous les renseignements sur l'identité du cessionnaire, copie du contrat d'apport, référence aux dispositions de l'article 2 et 4 du pacte d'actionnaires et mention du délai de 30 jours pour exercer le droit de préemption ; qu'à la suite de la réception de ce courrier, les demandeurs étaient en position d'exercer leur droit de préemption ; qu'ils n'ont pas manifesté leur intention de le faire et qu'ils ne soutiennent pas avoir eu cette intention ; que le tribunal dira qu'il n'y a pas eu violation du pacte d'actionnaires et les déboutera de leur demande d'annulation de la cession des actions de GLOWRIA à NETGEM à ce titre » ; Alors que l'article 4 du pacte d'actionnaires institue un droit de préemption, lequel suppose, pour être purgé, une notification des « autres modalités de l'opération envisagée ainsi qu'une copie de l'offre ferme et faite de bonne foi du Cessionnaire Envisagé dûment signée » ; qu'il s'évince de ces stipulations claires et précises que la notification se situe en amont de la conclusion du contrat de cession ; qu'en estimant que les dispositions contractuelles avaient été respectées dès lors que les cédants avaient notifié, non pas la lettre d'intention du 10 octobre 2007 émise par Netgem le 10 octobre 2007, mais le contrat d'apport conclu avec Netgem le 5 décembre 2007, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil dans sa rédaction applicable à la cause ; HUITIEME MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt infirmatif de ce chef d'avoir débouté les exposants de leur demande en réparation de leurs préjudices contre les actionnaires majoritaires ; Aux motifs que « la cour relève qu'aucune stipulation du pacte d'actionnaires ne prévoit une obligation pour les parties de se concerter lorsque l'une d'elles envisage la cession de sa participation dans la société Glowria avant le 1er janvier 2008 ; que l'article 9 du pacte porte sur les conditions de sortie des actionnaires de référence à compter du 1er janvier 2008, par introduction en bourse de la société ou par cession des titres qu'ils détiendraient encore au 1er janvier 2009. En leur qualité de dirigeant social de la société Glowria, les actionnaires majoritaires étaient toutefois tenus d'un devoir de loyauté envers MM. [P] et [B] et la société Icadis ; qu'un manquement à ce devoir serait caractérisé s'il était démontré qu'ils se sont abstenus d'informer les autres associés de circonstances de nature à influer sur leurs décisions de ne pas souscrire à l'augmentation de capital et de ne pas exercer leurs bons de souscription d'actions au 31 décembre 2007 ; qu'aucune des pièces produites n'établit une quelconque abstention des actionnaires majoritaires dans la recherche de refinancement de la société Glowria en 2007 ; qu'il résulte en outre des pièces, dont les courriels échangés à compter de novembre 2006 entre les membres du conseil d'administration et les procès-verbaux du conseil d'administration des 9 février et 15 et 22 mai 2007, que si la société Seventure a décidé de renoncer, début janvier 2007, au financement des besoins de trésorerie de la société Glowria par un prêt relais, les fonds d'investissement ont accepté d'apporter des avances en compte courant à hauteur de 2,1 millions d'euros les 16 février et 21 mars 2007 puis de 1 million d'euros en mai 2007 dans l'attente de solution de financement pour l'exercice 2007 ; que le rapport de M. [L] daté du 20 avril 2007 est constitué d'une présentation "powerpoint" de la stratégie proposée ; qu'il a été présenté le 20 avril 2007 à la société Seventure, transmis par M. [L] par courriel du 23 avril 2007 à MM. [P] et [B] et soumis à la discussion du conseil d'administration du 23 avril 2007 présidé par M. [P], lequel a indiqué qu'il venait de recevoir cette présentation et qu'il en prendrait connaissance après la réunion du conseil ; que les travaux de M. [L] ont fait l'objet de discussions lors du conseil d'administration du 15 mai 2007, Me [V] indiquant dans son rapport de fin de mission que ce rapport "a fait l'objet d'une revue générale" au cours de ce conseil auquel il a assisté. Il ne ressort d'aucune de ces pièces que MM. [P] et [B] n'auraient pas reçu la même information que les actionnaires majoritaires ; que la participation des actionnaires majoritaires à l'augmentation de capital par conversion des avances en comptes courants ne revêt pas davantage un caractère déloyal dès lors que les conventions d'apports en comptes courants, approuvées à l'unanimité par le conseil d'administration du 9 février 2007, prévoyaient leur remboursement en numéraire ou par compensation dans le cadre d'une augmentation de capital à intervenir, et que les actionnaires majoritaires ont annoncé, lors du conseil d'administration du 15 mai 2007, leur intention de procéder au remboursement des avances par conversion ; qu'ils soutiennent que les fonds d'investissement ont également violé leurs obligations en dissimulant les pourparlers avec la société Netgem alors que le pacte d'actionnaires leur imposait de se concerter avec les fondateurs pour examiner les modalités de cession de leur participation dans la société Glowria ; qu'ils estiment que les pourparlers conduits unilatéralement par les fonds d'investissement et M. [M] constituaient en outre une violation du pacte d'actionnaires en ce que ledit pacte interdisait aux signataires de communiquer des informations confidentielles à un tiers sans autorisation du conseil d'administration ; que de la créance en capital après réduction du capital à zéro. Comme il a été dit précédemment, l'opération de coup d'accordéon était régulière et n'était pas précipitée ; qu'annoncée le 15 mai 2007 aux appelants, discutée lors du conseil d'administration du 6 juin 2007, elle a été approuvée par l'assemblée générale extraordinaire du 28 juin 2007 et l'exercice des droits préférentiels de souscription a été possible entre le 3 et le 13 juillet 2007 ; que ces circonstances ne révèlent aucune précipitation, la rapidité des opérations étant quant à elle justifiée par les besoins de financement de la société Glowria ; que comme il a été dit précédemment, l'existence d'un intérêt de la société Netgem en vue du rachat des titres de la société Glowria avant l'assemblée générale du 28 juin 2007 n'est pas démontrée ; que la convention d'apporteur d'affaires conclue entre les sociétés Glowria et Netgem le 24 mai 2007 ne traduisait aucune velléité de rachat par la société Netgem et les appelants n'établissent pas l'existence d'un quelconque audit de la société Glowria par la société Netgem ; qu'il n'est donc pas établi que les appelants n'ont pas disposé de la même information que les actionnaires majoritaires pour décider de participer ou non à l'augmentation de capital ; que la cour relève que lors du conseil d'administration du 17 juillet 2007, M. [B] a indiqué qu' "il n'avait pu souscrire [à l'augmentation de capital] ne sachant toujours pas comment les pertes prévisionnelles 2008 seraient financées", que "craignant un nouveau coup d'accordéon de la part des investisseurs financiers pour la fin de l'année 2007, il avait regretté de ne pouvoir souscrire en toute "sécurité" " et que "cette incertitude avait été partagée avec d'autres minoritaires qui ont opté pour cette même attitude de prudence." ; qu'il résulte de ces déclarations que, s'agissant de M. [B] et de la société Icadis, leur décision de ne pas souscrire à l'augmentation de capital a reposé sur l'absence de toute prise de risque à apporter son soutien à la société Glowria, mettant ainsi en doute la pérennité de l'entreprise que M. [B] avait contribué à soutenir à sa création, alors que la prise de risque est inhérente au financement des entreprises et qu'il disposait de toutes les informations pour évaluer ce risque, étant non établies que des informations essentielles à la prise de décision lui avaient été dissimulées ; qu'il ressort de l'attestation de M. [M] et de l'audition de M. [F] devant les services d'enquête que la société Netgem a fait part de son intérêt pour le rachat de la société Glowria fin août 2007. Selon le témoignage de M. [M], les discussions sur le prix de cession ont commencé le 6 septembre 2007, la valorisation initiale à 20 millions d'euros par la société Netgem a été revue par celle-ci à 16 millions d'euros puis, le 25 septembre 2007, cette valorisation était revue à 18 millions d'euros et la cession envisagée sous forme d'un échange d'actions Netgem elles-mêmes valorisées à 3,50 euros ; que le conseil d'administration de la société Glowria s'est réuni le 5 octobre 2007. Selon le procès-verbal, M. [L] a indiqué qu'un refinancement de 3 à 4 millions d'euros en 2008 était à prévoir, que, dans le cadre de ce besoin de refinancement, il avait été contacté par différents investisseurs potentiels et que, sur questions de M. [B] relatives à la valorisation de la société par les actionnaires actuels et des acheteurs potentiels, l'existence d'offres d'acquisition et des éventuelles négociations en cours, il a répondu qu'il en sera discuté le jour où une offre ferme se présenterait ; que dans un courriel qu'il a adressé le 9 octobre 2007 à M. [P] à titre de compte rendu de cette réunion à laquelle ce dernier n'assistait pas, ce courriel ayant pour objet "Conseil Glow du 5 octobre", M. [B] explique que"les majoritaires mènent des négociations pour céder l'entreprise. Mais Seventure se refuse à informer le conseil sur la nature des acquéreurs, les montants concernés et l'avancement des discussions en se réservant le droit de le "discloser" quand bon lui semblera" et que Seventure "se refuse également à indiquer à partir de quels montants ils seraient vendeurs". M. [B] indique également que les fonds seraient prêts à céder l'entreprise à tout repreneur éventuel, que "on peut penser que le montant de la vente devrait être en rapport raisonnable avec le chiffre [de 18 millions d'euros]" correspondant à leur investissement total, "ce qui pourrait signifier qu'ils regarderaient des propositions à partir de 15 millions d'euros minimum", qu' "il faudrait calculer ce que cela donnerait pour nos BSA en cas de cession de l'entreprise et que [W] [M] lui recommande "à juste titre" de les mettre dans ses PEA" ; qu'il se déduit de ce courriel, qui correspond à l'état des discussions en cours sans que l'identité du repreneur ait été dévoilée, que MM. [B] et [P] disposaient d'une information suffisante sur les intentions des fonds quant à la cession de leurs actions Glowria ; qu'en l'absence de lettre d'intention et alors que la société Netgem est cotée en bourse, la prudence des actionnaires majoritaires dans la révélation des informations sur les négociations en cours était justifiée ; que l'information sur une acquisition de la société Glowria et sa valorisation à 18 millions d'euros est corroborée par les propos de M. [B] retranscrits dans le procès-verbal du conseil d'administration du 29 novembre 2007 selon lesquels "le conseil a, le même jour, 5 octobre 2007, fait le constat de ces deux valorisations de la société ["l'entreprise ne vaut rien"] puis celle-ci vaudrait 18 millions d'euros] dans la mesure où il a d'une part constaté le coup d'accordéon et d'autre part évoqué l'opération d'acquisition" ; qu'aucune circonstance n'imposait en outre aux actionnaires majoritaires de proposer, lors du conseil d'administration du 5 octobre 2007, de rouvrir le délai de souscription à l'augmentation de capital alors que la lettre d'intention de la société Netgem n'avait pas été formalisée et qu'une telle lettre d'intention ne constituait pas une offre ferme d'acquisition. Le courriel de M. [B] du 9 octobre 2007 montre au demeurant que seule la question de l'exercice des BSA était d'ores et déjà posée sans que la possibilité de souscrire à l'augmentation de capital dans le cadre d'une nouvelle période de souscription ait été envisagée par M. [B] ; que la société Netgem a adressé une lettre d'intention le 10 octobre 2007 aux seuls actionnaires majoritaires ; que cette offre non ferme de rachat a été présentée et commentée lors du conseil d'administration du 25 octobre 2007. Si le procès-verbal ne précise pas les termes de cette offre, les commentaires apportés par les participants, dont M. [B], ne peuvent être fondés que sur la connaissance qu'ils avaient des termes de l'offre. M. [B] a ainsi indiqué souhaiter que la vente de la société soit organisée de façon professionnelle pour retenir la meilleure offre, M. [B] ayant fait part d'une offre possible par une autre société avec laquelle il avait des contacts. Le conseil d'administration a alors autorisé la mise en place d'une data room sans opposition de M. [B] ; que lors du conseil d'administration du 29 novembre 2007, M. [L] a expliqué que l'offre de la société Netgem avait été évoquée lors de deux précédentes réunions du conseil et que l'absence de document définitif résultait des difficultés rencontrées dans les négociations en raison des assignations délivrées par MM. [P] et [B] les 8, 13 et 20 novembre précédents, des garanties complémentaires ayant été demandées par la société Netgem. M. [M] a ajouté que la baisse du cours du titre Netgem justifiait une renégociation de la parité mais que cette renégociation n'avait pu aboutir en raison de la position de faiblesse résultant de l'assignation. Si aucun document définitif n'a alors été présenté, M. [L] a notamment précisé qu'il était "extrêmement probable que l'opération soit conclue de sorte que la question du financement s'en trouverait résolue". Des informations sur la valorisation de la société Glowria par l'offre non ferme de la société Netgem, soit toujours le prix de 18 millions d'euros, la valorisation des titres Glowria en résultant, l'absence de garantie de passif autre qu'une garantie sur les conséquences de l'assignation, et l'engagement des actionnaires financiers de ne pas céder leurs titres Netgem pendant deux années sont apportées par M. [M] ; qu'il en résulte de ces échanges à compter du 5 octobre 2007 que les actionnaires majoritaires n'ont pas dissimulé d'informations aux appelants quant aux pourparlers menés avec la société Netgem et ne se sont pas comportés de manière déloyale avec eux ; qu'enfin, le contrat d'apport a été conclu le 5 décembre 2007 ; que comme il a été précédemment dit, ce contrat d'apport constitue la première offre ferme de la société Netgem ; que si la société Netgem a annoncé par communiqué de presse du 6 décembre 2007 le rachat de la société Glowria et si le conseil d'administration de la société Glowria n'a pas été aussitôt réuni, les actionnaires cessionnaires des titres Glowria ont, par lettres du 12 décembre 2007, informé MM. [P] et [B] et la société Icadis de la conclusion du contrat d'apport conformément au pacte d'actionnaires, leur permettant ainsi d'exercer leur droit de préemption ou d'adhérer eux-mêmes audit contrat ; que les actionnaires majoritaires n'ont ainsi manqué ni à leur obligation de loyauté ni au pacte d'actionnaires ; que MM. [P] et [B] et la société Icadis manquent également à démontrer qu'au cours des pourparlers conduits par les actionnaires majoritaires, ceux-ci auraient violé l'article 11.2.3 du pacte d'actionnaires en communiquant des informations confidentielles à un tiers sans autorisation du conseil d'administration, les appelants ne précisant pas les informations qui auraient été ainsi divulguées et ne produisant aucune pièce à l'appui de leurs allégations portant notamment sur l'existence de data rooms non autorisées par le conseil d'administration de la société Glowria ; que MM. [P] et [B] et la société Icadis reprochent également aux actionnaires majoritaires un comportement déloyal dans la suspension de la mission de la société Drake Star France ; qu'ils ne démontrent toutefois pas que les actionnaires majoritaires aient été seuls à l'initiative d'une telle suspension alors que dans leurs écritures ils émettent deux hypothèses : celle d'une suspension à la seule initiative de la société Drake Star France et celle d'une suspension décidée par les seuls actionnaires majoritaires ; que quant aux conditions d'exercice des BSA, aucune des circonstances invoquées par MM. [P] et [B] et la société Icadis ne caractérise un comportement frauduleux ou déloyal de la part des actionnaires majoritaires. En effet, ceux-ci n'étaient tenus d'assurer aux appelants ni un effet relatif de l'exercice de leurs BSA, alors que les appelants avaient pris auparavant la décision de ne pas souscrire à l'augmentation de capital, ni aucune éventuelle perte financière née de l'exercice des BSA. En outre, au cours du conseil d'administration de la société Glowria réuni le 10 décembre 2007, le président a communiqué aux membres du conseil les projets de courriers à envoyer aux actionnaires, aux titulaires de BSA et de BSPCE relatifs au contrat d'apport, et les a informés de l'envoi aux titulaires des BSA d'une information sur les conditions d'exercice de ces bons. Ces points n'ont fait l'objet d'aucune observation de la part de MM. [P] et [B], lesquels n'ont par ailleurs soulevé aucune difficulté quant à la courte période d'exercice des BSA restant à courir ou à une éventuelle carence d'informations sur la société Netgem, la cour rappelant que dès octobre 2007 les appelants se préoccupaient de la question de l'exercice de leurs BSA ; que la possibilité pour les titulaires de BSA de les apporter à la société Netgem en échange d'actions Netgem, dans le cadre de leur adhésion au contrat d'apport, leur permettait de n'avancer aucun fond, et de se dispenser ainsi de recourir à un prêt, et de réduire le risque financier de l'opération, un tel risque étant au demeurant inhérent à toutes opérations d'investissement. Cette possibilité d'adhérer ainsi au contrat d'apport ne peut pas être analysée comme une condition d'exercice des BSA imposée par les actionnaires majoritaires ; que quant au courriel de M. [L] du 1er décembre 2007 évoquant la possibilité de solliciter une prorogation de la période d'exercice des BSA, en échange d'un abandon de l'assignation délivrée par MM. [P] et [B], il ne relève nullement d'une initiative des actionnaires majoritaires et ne constitue pas une pression mais une simple suggestion ; qu'enfin, les appelants ne démontrent pas que l'exercice de leurs BSA était conditionné à l'abandon de l'instance qu'ils avaient initiée en novembre 2007, la clause du contrat d'apport par laquelle les apporteurs s'engagent à indemniser la société Glowria et la société Netgem des préjudices effectivement supportées par elles dans le cadre de l'assignation ne signifiant pas que les appelants s'engageaient à renoncer à leur action judiciaire mais qu'ils devaient, en cas d'adhésion en supporter les éventuels risques comme tout autre apporteur ; qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments qu'aucun manquement à leur obligation de loyauté ni aucun manquement au pacte d'actionnaires de la part des actionnaires majoritaires n'est démontré. Le jugement sera infirmé sur ce point et les appelants déboutés de leur demande de dommages-intérêts à ce titre » (arrêt attaqué, p. 31-35) ; 1) Alors que la cassation au titre du sixième moyen s'agissant de la nullité pour fraude de la décision d'augmentation du capital entraînera la censure de l'arrêt sur la responsabilité des dirigeants sociaux ayant été à l'initiative d'une telle opération à raison du lien de dépendance nécessaire, par application des dispositions de l'article 624 du code de procédure civile ; 2) Alors que manque à son devoir de loyauté le dirigeant qui s'abstient d'informer les autres associés de circonstances de nature à influer sur leur consentement, et notamment de négociations menées avec un repreneur pour le rachat de leurs participations ; qu'au cas présent, il est constant que des pourparlers occultes avec le futur acquéreur Netgem se sont tenus du 19 avril 2007 au 3 juin 2007, puis que M. [M] a reconnu avoir eu connaissance, dès le mois de septembre 2007, qu'un accord avec Netgem avait été trouvé pour la valorisation de la société à hauteur de 18 millions d'euros, accord concrétisé par une lettre d'intention émise le 10 octobre 2017, valorisation qui tranchait radicalement avec l'évaluation de la société à l'occasion de l'augmentation de capital, proche de zéro ; qu'en estimant que les dirigeants n'avaient pas commis un manquement à leur devoir de loyauté, lorsqu'il était pourtant établi que les dirigeants avaient dissimulé, tant l'intérêt du futur acquéreur d'avril à juin 2007 que lors de l'assemblée générale du 28 juin 2007 (déclarations de Messieurs [L], [M], [D] excluant explicitement l'hypothèse d'acquéreur potentiel sur questions de deux actionnaires minoritaires) puis lors de trois conseils d'administration successifs qui avaient entériné l'augmentation de capital par effet de la résolution 12 (conseils du 5 octobre 2007, du 25 octobre 2007 et du 29 novembre 2007) cette information essentielle sur le prix du rachat de la société et l'identité du repreneur, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction applicable à la cause ; 3) Alors que manque à son devoir de loyauté le dirigeant qui s'abstient d'informer les autres associés de circonstances de nature à influer sur leur consentement, et notamment de négociations menées avec un repreneur pour le rachat de leurs participations, et ce quel que soit leur état d'avancement et sans que puisse être opposé le secret desdites négociations ; qu'en estimant que les dirigeants étaient fondés à ne pas communiquer aux administrateurs, lors de trois conseils d'administration successifs, la proposition émise par Netgem pour un prix de 18 millions d'euros formalisée dans une lettre d'intention émise le 10 octobre 2007, en ce qu'il ne s'agissait pas d'une offre ferme et que cette société étant cotée en bourse, son identité n'avait pas à être révélée, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction applicable à la cause ; 4) Alors que l'article 11.2.3. du pacte d'actionnaires stipule que « chacune des Parties qui pourrait, dans le cadre des stipulations du présent article 11, accéder à des informations confidentielles de la Société s'engage d'ores et déjà à en préserver la confidentialité et s'interdit de communiquer l'une quelconque de ces informations à un Tiers, quel qu'il soit, sans qu'une telle communication ait au préalable été autorisée par le conseil d'administration de la Société » ; qu'il est établi que, dès le 19 avril 2017 et jusqu'au 3 juin 2007, des négociations ont été menées par les dirigeants majoritaires avec la société Netgem, pour procéder à la reprise de la société Glowria, ce qui impliquait nécessairement la communication d'informations confidentielles sur la situation financière et contractuelle de la société, sans que le conseil d'administration n'en ait été préalablement informé dans sa collégialité ; qu'en estimant que les dirigeants n'avaient pas manqué à leurs obligations à ce titre, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction applicable à la cause. NEUVIEME MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt confirmatif de ce chef d'avoir débouté les exposants de leur demande en réparation de leurs préjudices contre la société Netgem ; Aux motifs propres que « MM. [P] et [B] et la société Icadis soutiennent que la société Netgem est liée par le pacte d'actionnaires auquel elle est partie et dont elle s'est prévalue pour faire appliquer la clause de sortie forcée ; qu'ils prétendent que la société Netgem a violé le pacte d'actionnaires en acquérant les titres Glowria sans notification d'une offre ferme et de bonne foi, en procédant à un audit sans autorisation préalable du conseil d'administration et en violant l'obligation générale de loyauté. Ils font valoir que la société Netgem est également fautive sur un fondement délictuel ; qu'ils prétendent que la société Netgem a mené des pourparlers occultes au printemps 2007 avec la société Glowria, en vue de créer un ensemble combiné, en ayant parfaitement conscience de contourner le représentant légal de la société Glowria vis-à-vis des tiers, qu'elle a également conclu dans les mêmes conditions de dissimulation un accord de coopération commerciale dans le dos du conseil d'administration de la société Glowria, qu'elle a agi en complice actif, voire instigatrice, en insérant dans le contrat d'apport leur renonciation à leurs droits au titre du pacte d'actionnaires et de la procédure qu'ils avaient initiée devant le tribunal de commerce. Ils ajoutent que la société Netgem s'est rendue complice "du maquillage et de la falsification des approbations en conventions réglementées" lors de son assemblée générale du 6 juin 2008 en approuvant les comptes clos au 31 décembre 2007 ; que la société Netgem n'était tenue d'aucune obligation d'information des actionnaires minoritaires de la société Glowria tant sur la conclusion d'un contrat d'apport d'affaires que sur les pourparlers menés avec les actionnaires majoritaires en vue de l'acquisition de leurs titres Glowria. Non-partie au pacte d'actionnaires sur cette période, il ne lui appartenait pas non plus de notifier son offre ferme aux actionnaires liés par le pacte, une telle obligation incombant aux cédants des actions Glowria en vertu de ce pacte d'actionnaires, ni n'était liée par la clause de confidentialité insérée dans le pacte ; que comme il a été précédemment dit, aucun pourparler occulte entre les actionnaires majoritaires et la société Netgem n'est démontré par les appelants ; que de même, le contrat d'apport ne comprend aucune obligation pesant sur un apporteur de renoncer à une action judiciaire ; qu'enfin, l'approbation des comptes de la société Glowria clos au 31 décembre 2007 par l'assemblée générale de la société Netgem du 6 juin 2008 n'est pas constitutive d'une faute de la part de la société Netgem ; qu'il résulte de ces éléments qu'aucune faute n'est établie à l'encontre de la société Netgem ; que le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté les appelants de leur demande de condamnation de la société Netgem sur ce fondement » (arrêt attaqué, p. 35). Aux motifs adoptés que « les demandeurs soutiennent également que NETGEM a manqué à son obligation de bonne foi et de loyauté à leur égard et devrait à ce titre être condamnée in solidum avec les Investisseurs à réparer l'éventuel préjudice qu'ils auraient subi ; que NETGEM n'était pas partie au pacte d'actionnaires, ni liée avec les demandeurs par aucun contrat et n'était à ce titre redevable à leur égard d'aucune obligation découlant de l'application de l'article 1134 du code civil ; qu'à la date de l'augmentation de capital, et des décisions d'apport de titres GLOWRIA à NETGEM, NETGEM n'était ni dirigeant, ni actionnaire de GLOWRIA et ainsi n'était tenue à aucune obligation de loyauté où d'information à l'égard des demandeurs ; qu'il n'existe aucune obligation d'information des actionnaires de la part d'un futur potentiel acquéreur ; que le tribunal dira qu'il n'y a pas lieu d'associer NETGEM à la réparation éventuelle du préjudice subi par les demandeurs du fait d'un manque au devoir d'information, et de loyauté commis par les investisseurs et les fonds, et débouter les demandeurs de leur demande de condamnation in solidum de NETGEM » (Jugement, p. 34-35) ; Alors que le tiers au contrat engage sa responsabilité délictuelle à l'égard d'un contractant, dès lors qu'il est complice de l'inexécution de ses obligations contractuelles par l'autre partie ; qu'en se bornant à relever que la société Netgem, tiers au pacte d'actionnaires, n'était tenue d'aucune obligation d'information des actionnaires minoritaires, de notification de son offre ferme ou encore de confidentialité, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si la société Netgem ne s'était pas rendue complice de l'inexécution de leurs engagements par les actionnaires majoritaires stipulés au pacte d'actionnaires, et notamment de l'obligation de confidentialité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction applicable à la cause. DIXIEME MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevables les demandes formées par MM. [B] et [P] en réparation de leur préjudice moral formée contre les intimés ; Aux motifs que « aux termes de l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait ; que selon l'article 565 du même code, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent ; que devant le tribunal, MM. [P] et [B] ont sollicité l'indemnisation d'un premier préjudice résultant, selon eux, à titre principal de la nullité de l'augmentation de capital et à titre subsidiaire de manquements des actionnaires majoritaires et de la société Netgem à leurs obligations d'information et de loyauté, et d'un second préjudice résultant du refus des actionnaires majoritaires et de la société Netgem de leur communiquer l'offre et les actes préparatoires à la cession des titres Glowria et de la communication aux débats d'un registre de mouvements de titres falsifié ; qu'ils n'ont pas demandé l'indemnisation d'un préjudice moral né d'une supposée trahison, de la durée de la procédure et d'une perte de crédibilité. Cette demande est nouvelle en cause d'appel dans la mesure où, si elle porte sur l'indemnisation d'un préjudice comme en première instance, elle n'est pas fondée sur les mêmes faits fautifs allégués contre les actionnaires majoritaires et la société Netgem. Cette demande est donc irrecevable » (arrêt attaqué, p. 36). ; Alors que les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent et que les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire ; qu'en déclarant irrecevables les demandes formées par MM. [B] et [P] en réparation de leur préjudice moral, aux motifs qu'elles n'étaient pas fondées sur les mêmes faits fautifs allégués contre les actionnaires majoritaires et la société Netgem, lorsqu'elles tendaient aux mêmes fins que les demandes indemnitaires formées en première instance à leur encontre et étaient la conséquence de l'opération frauduleuse d'ensemble dont ils avaient été victime, la cour d'appel a violé les articles 565 et 566 du code de procédure civile. ONZIEME MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevable la demande formée par M. [P] en réparation de son préjudice causé par sa révocation brutale et vexatoire ; Aux motifs que « aux termes de l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait ; que selon l'article 565 du même code, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent ; que devant le tribunal, M. [P] a sollicité l'indemnisation d'un premier préjudice résultant, selon lui, à titre principal de la nullité de l'augmentation de capital et à titre subsidiaire de manquements des actionnaires majoritaires et de la société Netgem à leurs obligations d'information et de loyauté, et d'un second préjudice résultant du refus des actionnaires majoritaires et de la société Netgem de leur communiquer l'offre et les actes préparatoires à la cession des titres Glowria et de la communication aux débats d'un registre de mouvements de titres falsifié ; qu'il n'a pas demandé l'indemnisation d'un préjudice moral né de sa révocation ; que cette demande est nouvelle en cause d'appel dans la mesure où, si elle porte sur l'indemnisation d'un préjudice comme en première instance, elle n'est pas fondée sur les mêmes faits fautifs allégués contre les actionnaires majoritaires et la société Netgem ; que cette demande est donc irrecevable ». Alors que les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent et que les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire ; qu'en déclarant irrecevable la demande formée par M. [P] en réparation de son préjudice causé par sa révocation brutale et vexatoire, aux motifs qu'elle n'était pas fondée sur les mêmes faits fautifs allégués contre les actionnaires majoritaires et la société Netgem, lorsqu'elle tendait aux mêmes fins que les demandes indemnitaires formées en première instance à leur encontre et était la conséquence de l'opération frauduleuse d'ensemble dont il avait été victime, la cour d'appel a violé les articles 565 et 566 du code de procédure civile. DOUZIEME MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt infirmatif de ce chef d'avoir déclaré irrecevables les demandes formées par les exposants contre la société Drake Star France ; Aux motifs que « MM. [B], [P] et la société Icadis soutiennent que le jugement doit être infirmé aux motifs que leur action à l'encontre de la société Drake Star France n'est pas prescrite, qu'elle est soumise aux règles de prescription antérieures à la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile car l'instance a été introduite le 8 novembre 2007 et l'assignation en intervention forcée signifiée le 13 mai 2008 avant l'entrée en vigueur de cette loi, qu'en vertu de l'article 2244 ancien du code civil cette assignation a interrompu la prescription, que les prescriptions délictuelle et contractuelle applicables en l'espèce sont respectivement décennale et trentenaire ; que la société Drake Star France réplique que l'action en responsabilité engagée par les appelants est prescrite aux motifs que le point de départ de la prescription est constitué par l'arrêt prétendument fautif de sa mission résultant de son courrier du 30 novembre 2007, que l'action en responsabilité a été introduite par les appelants le 15 mai 2014 après l'expiration du délai de prescription, intervenue le 19 juin 2013 conformément à la loi du 17 juin 2018 réduisant de dix à cinq ans le délai de prescription en la matière, et que l'assignation en intervention forcée tendant aux seules fins de déclaration de jugement commun n'est pas interruptive de prescription ; que par acte du 13 mai 2008, MM. [B], [P] et la société Icadis ont fait assigner en intervention forcée la société Drake Star France aux côtés de la société Netgem, de MM. [L] et [D] et des fonds gérés par les sociétés Omnes capital et Seventure ; qu'aux termes de cette assignation, les demandeurs sollicitent à l'encontre de la société Drake Star France que le jugement à intervenir lui soit déclarer commun et opposable ; que l'assignation ne fait état d'aucun manquement de la société Drake Star France ; que par conclusions du 15 mai 2014, MM. [B], [P] et la société Icadis ont demandé pour la première fois la condamnation de la société Drake Star France au paiement de dommages-intérêts ; que l'assignation en intervention forcée du 13 mai 2008 ne contient pas à l'égard de la société Drake Star France de demande en paiement de dommages-intérêts de sorte qu'elle n'a pas interrompu la prescription de l'action en responsabilité ; qu'aux termes des II et III de l'article 26 de la loi du 17 juin 2008, les dispositions de la loi qui réduisent la durée de la prescription s'appliquent aux prescriptions à compter du jour de l'entrée en vigueur de la présente loi, soit le 19 juin 2008, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure, mais lorsqu'une instance a été introduite avant l'entrée en vigueur de la loi, l'action est poursuivie et jugée conformément à la loi ancienne ; que l'action en responsabilité à l'encontre de la société Drake Star les conclusions du 15 mai 2014, et non par l'assignation en intervention forcée du 13 mai 2008, de sorte qu'elle est soumise aux nouvelles règles de prescription issues de la loi du 17 juin 2008 ; que l'article 15 de cette loi a réduit de dix à cinq ans la prescription des actions entre commerçants et non commerçants de sorte qu'en application du II de l'article 26 de la même loi, la prescription de l'action de MM. [B], [P] et de la société Icadis est acquise le 19 juin 2013 ; que cette action en responsabilité ayant été introduite par MM. [B], [P] et la société Icadis le 15 mai 2014 est donc prescrite ; que le jugement sera infirmé en ce qu'il a débouté MM. [P] et [B] et la société Icadis de leurs demandes de condamnation de la société Drake Star France, bien qu'ayant constaté leur prescription dans ses motifs, et ces demandes seront déclarées irrecevables » ; Alors qu'une citation en justice, même en référé, un commandement ou une saisie, signifiés à celui qu'on veut empêcher de prescrire, interrompent la prescription ainsi que les délais pour agir ; qu'en énonçant que n'était pas interruptive de prescription l'assignation du 13 mai 2008, par laquelle MM. [B], [P] et la société Icadis ont fait assigner en intervention forcée la société Drake Star France aux côtés de la société Netgem, de MM. [L] et [D] et des fonds gérés par les sociétés Omnes capital et Seventure, aux fins que le jugement à intervenir lui soit déclarer commun et opposable, lorsqu'il s'agissait pourtant d'une demande en justice exercée à son encontre de nature à interrompre la prescription, la cour d'appel a violé l'article 2244 du code civil dans sa rédaction applicable à la cause ;
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 12 octobre 2022 M. MOLLARD, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 596 F-B Pourvoi n° D 21-15.382 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 12 OCTOBRE 2022 M. [Z] [V], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° D 21-15.382 contre l'arrêt rendu le 18 février 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 9), dans le litige l'opposant à la société Euromédicom, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme de Cabarrus, conseiller référendaire, les observations de la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat de M. [V], de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de la société Euromédicom, après débats en l'audience publique du 5 juillet 2022 où étaient présents M. Mollard, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme de Cabarrus, conseiller référendaire rapporteur, M. Ponsot, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 18 février 2021), par lettre du 13 mai 2011, M. [V] a été nommé directeur général de la société par actions simplifiée International Trade Exhibition Company France (la société Itec) par décision de son associé unique, la société Euromédicom. Cette dernière l'a révoqué de ces fonctions par décision du 17 décembre 2014. 2. Considérant que sa révocation était intervenue sans juste motif, M. [V] a assigné la société Euromédicom, venant aux droits de la société Itec, en paiement d'une indemnité. Examen du moyen Enoncé du moyen 3. M. [V] fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande tendant à la condamnation de la société Euromédicom à lui payer la somme de 43 860 euros en raison de la révocation sans juste motif de son mandat de directeur général, outre les intérêts au taux légal à compter du 17 décembre 2014 et la capitalisation des intérêts, alors « que même si les statuts d'une société par actions simplifiée prévoient que le directeur général peut être révoqué ad nutum par décision de l'associé unique, ce dernier peut, par une décision extra-statutaire obligeant la société, prévoir, par référence à une lettre du même jour, qu'en cas de révocation sans juste motif, le directeur général aura droit à une indemnité ; qu'en l'espèce, nonobstant l'article 12 des statuts de la SAS Itec prévoyant que "le directeur général peut être révoqué à tout moment et sans qu'aucun motif soit nécessaire, par décision de la collectivité des associés ou de l'associé unique" et que "la cessation, pour quelque cause que ce soit et quelle qu'en soit la forme, des fonctions de directeur général, ne donnera droit au directeur général révoqué à aucune indemnité de quelque nature que ce soit", l'associé unique, par décision du 13 mai 2011, a nommé M. [V] en qualité de directeur général de la SAS Itec et précisé que "les modalités de sa rémunération et de sa collaboration de manière générale avec la société seront celles figurant dans un courrier en date du 13 mai 2011 adressé par M. [U] au directeur général [M. [V]]", ce courrier indiquant : "en cas de révocation de vos fonctions de directeur général de la société sans juste motif, vous bénéficierez d'une indemnité forfaitaire égale à six mois de votre rémunération brute fixe" ; qu'en jugeant cependant que seuls les statuts d'une société par actions simplifiée pouvaient fixer les modalités de révocation de son directeur général et qu'ainsi la décision de l'associé unique n'avait pu valablement déroger aux dispositions statutaires prévoyant une révocation ad nutum, la cour d'appel, qui a méconnu l'engagement extra-statutaire pris par l'associé unique obligeant la société Itec, a violé les articles L. 227-1 et L. 227-5 du code de commerce, ensemble l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, devenu l'article 1103 du même code. » Réponse de la Cour 4. Il résulte de la combinaison des articles L. 227-1 et L. 227-5 du code de commerce que les statuts de la société par actions simplifiée fixent les conditions dans lesquelles la société est dirigée, notamment les modalités de révocation de son directeur général. Si les actes extra-statutaires peuvent compléter ces statuts, ils ne peuvent y déroger. 5. Ayant constaté que la lettre-accord du 13 mai 2011 portant convention de direction prévoyait, en cas de révocation pour juste motif, une indemnité forfaitaire égale à six mois de la rémunération brute fixe et que l'article 12 des statuts de la société Itec stipulait que « [l]e directeur général peut être révoqué à tout moment et sans qu'aucun motif soit nécessaire, par décision de la collectivité des associés ou de l'associé unique » et que « [l]a cessation, pour quelque cause que ce soit et quelle qu'en soit la forme, des fonctions de directeur général, ne donnera droit au directeur général révoqué à aucune indemnité de quelque nature que ce soit », la cour d'appel en a exactement déduit que le procès-verbal de l'associé unique du même jour, procédant à la nomination de M. [V], qui se référait à la lettre du 13 mai 2011 pour « les modalités de sa rémunération et de sa collaboration de manière générale avec la société », n'avait pu valablement déroger à cette disposition statutaire. 6. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne M. [V] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [V] et le condamne à payer à la société Euromédicom la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, prononcé par le président en son audience publique du douze octobre deux mille vingt-deux, et signé par lui et M. Ponsot, conseiller, en remplacement du conseiller rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat aux Conseils, pour M. [V]. M. [V] reproche à l'arrêt attaqué de l'avoir débouté de sa demande tendant à la condamnation de la société Euromédicom à lui payer la somme de 43.860 € en raison de la révocation sans juste motif de son mandat de directeur général, outre les intérêts au taux légal à compter du 17 décembre 2014 et la capitalisation des intérêts ; Alors que même si les statuts d'une société par actions simplifiée prévoient que le directeur général peut être révoqué ad nutum par décision de l'associé unique, ce dernier peut, par une décision extra-statutaire obligeant la société, prévoir, par référence à une lettre du même jour, qu'en cas de révocation sans juste motif le directeur général aura droit à une indemnité ; qu'en l'espèce, nonobstant l'article 12 des statuts de la S.A.S. Itec prévoyant que « le directeur général peut être révoqué à tout moment et sans qu'aucun motif soit nécessaire, par décision de la collectivité des associés ou de l'associé unique » et que « la cessation, pour quelque cause que ce soit et quelle qu'en soit la forme, des fonctions de directeur général, ne donnera droit au directeur général révoqué à aucune indemnité de quelque nature que ce soit », l'associé unique, par décision du 13 mai 2011, a nommé M. [V] en qualité de directeur général de la S.A.S. Itec et précisé que « les modalités de sa rémunération et de sa collaboration de manière générale avec la société seront celles figurant dans un courrier en date du 13 mai 2011 adressé par M. [U] au directeur général [M. [V]] », ce courrier indiquant : « en cas de révocation de vos fonctions de directeur général de la société sans juste motif, vous bénéficierez d'une indemnité forfaitaire égale à six mois de votre rémunération brute fixe » ; qu'en jugeant cependant que seuls les statuts d'une société par actions simplifiée pouvaient fixer les modalités de révocation de son directeur général et qu'ainsi la décision de l'associé unique n'avait pu valablement déroger aux dispositions statutaires prévoyant une révocation ad nutum, la cour d'appel, qui a méconnu l'engagement extra-statutaire pris par l'associé unique obligeant la société Itec, a violé les articles L. 227-1 et L. 227-5 du code de commerce, ensemble l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, devenu l'article 1103 du même code.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ QUESTION PRIORITAIRE CONSTITUTIONNALITÉ ______________________ Audience publique du 12 octobre 2022 M. VIGNEAU, président Arrêt n° 699 FS-B Affaire n° X 22-40.013 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 12 OCTOBRE 2022 Le tribunal de commerce de Paris (16e chambre) a transmis à la Cour de cassation, par jugement rendu le 8 juillet 2022, des questions prioritaires de constitutionnalité reçues le 18 juillet 2022, dans l'instance mettant en cause : D'une part, M. [C] [N], domicilié [Adresse 4], D'autre part, 1°/ la société LT capital, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3], 2°/ la société Mitsio Invest, société civile, dont le siège est [Adresse 5], 3°/ Mme [F] [Y], domiciliée [Adresse 2], 4°/ M. [O] [P], domicilié [Adresse 1], Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Ducloz, conseiller, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat des sociétés LT capital et Mitsio Invest, de Mme [Y] et de M. [P], et l'avis de M. Lecaroz, avocat général, après débat en l'audience publique du 11 octobre 2022 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Ducloz, conseiller rapporteur, M. Mollard, conseiller doyen, Mmes Graff-Daudret, Daubigney, M. Ponsot, Mme Fèvre, M. Alt, conseillers, MM. Guerlot, Blanc, Mmes Lion, Lefeuvre, Tostain, MM. Boutié, Gillis, Maigret, conseillers référendaires, M. Lecaroz, avocat général, Mme Labat, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. M. [N] était salarié et associé de la société par actions simplifiée LT capital. Il a, au mois d'octobre 2020, démissionné de ses fonctions salariées. 2. L'article 11 des statuts de la société par actions simplifiée LT capital stipule que la qualité d'associé est réservée aux personnes ayant la qualité de salarié et/ou de mandataire social de la société et qu'en cas de perte, par l'associé, de cette qualité, le président de la société convoque l'assemblée générale extraordinaire des associés afin qu'elle se prononce sur l'exclusion de l'associé. 3. Dans sa version initiale, cet article précisait que l'associé dont l'exclusion est envisagée ne prend pas part au vote sur la décision de son exclusion. 4. Le 22 janvier 2021, l'assemblée générale extraordinaire a modifié, à la majorité requise par les statuts pour leur modification, l'article 11 des statuts en ce sens que l'associé dont l'exclusion est envisagée prend part au vote sur la décision d'exclusion. 5. Par décision du même jour, l'assemblée générale extraordinaire a exclu M. [N], celui-ci ayant, en application de l'article 11 des statuts, modifié, pris part au vote relatif à la décision de son exclusion. 6. M. [N] a assigné la société LT capital en nullité de la modification statutaire du 22 janvier 2021, de la décision l'excluant de la société et de la cession de ses actions. Devant le tribunal de commerce, M. [N] a, par un mémoire distinct, posé quatre questions prioritaires de constitutionnalité. Enoncé des questions prioritaires de constitutionnalité 7. Par jugement du 8 juillet 2022, le tribunal de commerce de Paris a transmis quatre questions prioritaire de constitutionnalité ainsi rédigées : « 1°/ L'article L. 227-16 du code de commerce est-il conforme aux articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme [et du citoyen de 1789] alors qu'il porte atteinte au droit de propriété sans nécessité publique ? 2°/ L'article L. 227-16 du code de commerce est-il conforme aux articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme [et du citoyen de 1789] alors qu'il porte atteinte de façon disproportionnée aux droits de propriété sans que cette atteinte soit justifiée par un motif d'intérêt général ? 3°/ L'article L. 227-16 du code de commerce est-il conforme aux articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme [et du citoyen de 1789] alors qu'il permet, combiné à l'article L. 227-19 du même code, la cession forcée par l'associé de ses actions sans qu'il ait consenti à l'adoption de la clause statutaire d'exclusion l'autorisant ? 4°/ L'article L. 227-19 du code de commerce est-il conforme aux articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme [et du citoyen de 1789] alors qu'il permet la cession forcée par l'associé de ses actions sans qu'il ait consenti à l'adoption de la clause statutaire d'exclusion l'autorisant ? » Examen des questions prioritaires de constitutionnalité 8. Les dispositions contestées sont le premier alinéa de l'article L. 227-16 du code de commerce, qui dispose que, dans les sociétés par actions simplifiées, « [d]ans les conditions qu'ils déterminent, les statuts peuvent prévoir qu'un associé peut être tenu de céder ses actions », et le second alinéa de l'article L. 227-19 du même code, dans sa rédaction issue de la loi n° 2019-744 du 19 juillet 2019, qui dispose que « [l]es clauses statutaires mentionnées aux articles L. 227-14 et L. 227-16 ne peuvent être adoptées ou modifiées que par une décision prise collectivement par les associés dans les conditions et formes prévues par les statuts ». 9. Ces dispositions sont applicables au litige, la décision d'exclusion de M. [N] ayant été prise en application d'une clause d'exclusion stipulée dans les statuts de la société LT capital, laquelle a été adoptée sur le fondement de l'article L. 227-16 du code de commerce et modifiée à la majorité prévue par les statuts, ainsi que le permet désormais l'article L. 227-19 du même code, dans sa rédaction issue de la loi n° 2019-744 du 19 juillet 2019. En effet, ces dernières dispositions, qui suppriment l'exigence d'unanimité pour l'adoption ou la modification d'une clause statutaire d'exclusion dans les sociétés par actions simplifiées, ont pour objet et pour effet de régir les effets légaux du contrat de société. Elles sont, par suite, applicables aux sociétés par actions simplifiées créées antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi n° 2019-744 du 19 juillet 2019. 10. Les articles L. 227-16 et L. 227-19 du code de commerce n'ont pas déjà été déclarés conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel. 11. Les questions posées présentent un caractère sérieux en ce que, d'une part, l'article L. 227-16, alinéa 1er, du code de commerce a pour conséquence de permettre à une société par actions simplifiée de priver, en exécution d'une clause statutaire d'exclusion, un associé de la propriété de ses droits sociaux sans que cette privation repose sur une cause d'utilité publique, et en ce que, d'autre part, il résulte de la combinaison de ce texte avec l'article L. 227-19, alinéa 2, de ce code, dans sa rédaction issue de la loi n° 2019-744 du 19 juillet 2019, qu'une société par actions simplifiée peut désormais, par une décision non prise à l'unanimité de ses membres, priver un associé de la propriété de ses droits sociaux sans qu'il ait consenti par avance à sa possible exclusion dans de telles conditions, de sorte que ces dispositions seraient de nature à porter atteinte au droit de propriété et à ses conditions d'exercice, garantis par les articles 17 et 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789. 12. En conséquence, il y a lieu de les renvoyer au Conseil constitutionnel. PAR CES MOTIFS, la Cour : RENVOIE au Conseil constitutionnel les questions prioritaires de constitutionnalité. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du douze octobre deux mille vingt-deux.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 5 octobre 2022 M. RÉMERY, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 562 F-B Pourvoi n° U 20-21.441 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 5 OCTOBRE 2022 La société Balanca Investments Limited, dont le siège est [Adresse 4] (Gibraltar), a formé le pourvoi n° U 20-21.441 contre l'arrêt rendu le 2 septembre 2020 par la cour d'appel de Bastia (chambre civile), dans le litige l'opposant : 1°/ à Mme [X] [L] [W], domiciliée [Adresse 3]), 2°/ à M. [C] [A] [L], domicilié [Adresse 2]), 3°/ à M. [R] [A] [L], domicilié [Adresse 1]), intervenant en son nom personnel ainsi qu'en sa qualité de représentant légal de son enfant mineur [B] [A] [Z], 4°/ à M. [U] [A] [Z], domicilié [Adresse 1]), défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Guillou, conseiller, les observations de la SCP Richard, avocat de la société Balanca Investments Limited, de la SCP Foussard et Froger, avocat de Mme [L] [W], de M. [C] [A] [L], de M. [R] [A] [L], tant en son nom personnel ainsi qu'en sa qualité de représentant légal de son enfant mineur [B] [A] [Z], et de M. [U] [A] [Z], après débats en l'audience publique du 28 juin 2022 où étaient présents M. Rémery, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Guillou, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller, et Mme Mamou, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Bastia, 2 septembre 2020), le 22 juin 2009, au cours d'une croisière sur le navire « Nine Moons », [H] [A] est décédé et Mme [X] [L] [W], son épouse, a été blessée. 2. Mme [X] [L] [W], M. [C] [A] [L], M. [U] [A] [Z] et M. [R] [A] [L], agissant tant en son nom personnel qu'en sa qualité de représentant légal de son enfant mineur, [B] [A] [Z] (les consorts [A]-[L]) ont recherché la responsabilité de la société de droit britannique Balanca Investments Limited (la société Balanca) en qualité de propriétaire du voilier. 3. Par ordonnance du 26 janvier 2011, la société Balanca a été autorisée à constituer un fonds de limitation de responsabilité d'un montant initialement fixé à 166 500 droits de tirage spéciaux du Fonds monétaire international (DTS), dont la constitution a été constatée par ordonnance du 8 février 2012 pour le même montant en application de l'article 64 du décret du 27 octobre 1967, devenu L. 5121-10 du code des transports. 4. Le 24 juillet 2018, les consorts [A]-[L] ont assigné la société Balanca notamment en rétractation de ces ordonnances et en fixation du montant global de la limitation à 1 500 000 DTS. Examen des moyens Sur les premier et deuxième moyens, ci-après annexés 5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le troisième moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 6. La société Balanca fait grief à l'arrêt de rétracter les ordonnances sur requête rendues par le président du tribunal de commerce d'Ajaccio les 26 janvier 2011 et 8 février 2012 et de décider que le montant global de la limitation de responsabilité opposable à la société Balanca est fixé à 1 500 000 DTS, alors « que le juge a la faculté de modifier ou de rétracter l'ordonnance sur requête qu'il a rendue ; que, lorsqu'il fait droit à la demande de rétractation, les mesures prises sur le fondement de l'ordonnance rétractée perdent leur fondement juridique, de sorte qu'elles sont entachées de nullité ; qu'en décidant néanmoins de rétracter les ordonnances sur requête des 26 janvier 2011 et 8 février 2012 ayant institué un fonds de limitation de garantie, puis de porter le montant du fonds à hauteur de 1 500 000 DTS, la cour d'appel a violé l'article 497 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 7. Après avoir rétracté les ordonnances sur requête des 26 janvier 2011 et 8 février 2012, la cour d'appel a dit que le montant global de la limitation de la responsabilité opposable par la société Balanca est de 1 500 000 DTS. 8. Le moyen qui fait grief à l'arrêt, non de statuer sur le montant de la limitation de responsabilité elle-même, comme a fait la cour d'appel, mais sur celui du fonds de limitation, le bénéfice de la limitation n'étant pas subordonné à la constitution du fonds et la cour d'appel ne se prononçant pas sur le montant de celui-ci, manque en fait. Sur le troisième moyen, pris en ses deuxième et troisième branches Enoncé du moyen 9. La société Balanca fait le même grief à l'arrêt, alors : « 2°/ qu'aux termes de l'article 15-2 b) de la Convention de Londres du 19 novembre 1976 sur la limitation de la responsabilité en matière de créances maritimes, un État Partie peut stipuler, aux termes de dispositions expresses de sa législation nationale, devant être notifiées au dépositaire, que son régime de limitation de la responsabilité s'applique à ses navires d'une jauge inférieure à 300 tonneaux, à condition de notifier au dépositaire les limites de la responsabilité adoptées dans sa législation nationale ; qu'il en résulte que l'Etat partie qui décide de modifier le régime de responsabilité dérogatoire qu'il a instauré dans sa législation nationale doit préalablement notifier cette modification au dépositaire ; que si le décret du 22 septembre 2007, portant publication du Protocole modifiant la Convention de 1976, a été notifié au dépositaire, il ne comporte pour autant aucune disposition relative au régime de responsabilité des navires d'une jauge inférieure à 300 tonneaux, de sorte qu'aucune notification n'a été réalisée concernant ce régime adopté sur le fondement de l'article 15.2 b) de la Convention de Londres ; qu'en décidant néanmoins que le décret du 22 septembre 2007, entré en vigueur le 23 juillet 2007, avait eu pour effet de porter à 1,5 million DTS le plafond de limitation de la responsabilité de la société Balanca, pour en déduire que le fonds de limitation institué par les ordonnances des 26 janvier 2011 et 8 février 2012 devait être fixé à hauteur d'un tel montant, bien que la modification du régime de responsabilité relative aux navires d'une jauge inférieure à 300 tonneaux n'ait pas été notifiée au dépositaire, de sorte que, prise en méconnaissance de l'article 15-2 b) de la Convention de Londres, elle ne pouvait être appliquée en raison de sa contrariété avec ladite disposition conventionnelle, la cour d'appel a violé l'article 15-2 b) de la Convention de Londres du 19 novembre 1976 sur la limitation de la responsabilité en matière de créances maritimes dans sa rédaction issue du Protocole modificatif du 2 mai 1996 ; 3°/ que, subsidiairement, aux termes de l'article 15-2 b) de la Convention de Londres du 19 novembre 1976 sur la limitation de la responsabilité en matière de créances maritimes, un État Partie peut stipuler, aux termes de dispositions expresses de sa législation nationale, que le régime de la limitation de la responsabilité s'applique aux navires d'une jauge inférieure à 300 tonneaux, à condition de notifier au dépositaire les limites de la responsabilité adoptées dans sa législation nationale ; qu'il en résulte que l'Etat partie qui décide de modifier le régime de responsabilité dérogatoire qu'il a instauré dans sa législation nationale doit également notifier cette modification au dépositaire, de sorte que la disposition de droit national modifiant le régime de responsabilité dérogatoire précédemment instauré ne peut entrer en vigueur qu'à compter de sa notification au dépositaire ; que si le décret du 22 septembre 2007, portant publication du Protocole modifiant la Convention de 1976, a été notifié au dépositaire, il ne comporte pour autant aucune disposition relative au régime de responsabilité des navires d'une jauge inférieure à 300 tonneaux, de sorte qu'aucune notification n'a été réalisée concernant ce régime adopté sur le fondement de l'article 15.2 b) de la Convention de Londres ; qu'il en résulte qu'aucune modification du régime de responsabilité dérogatoire n'a pu entrer en vigueur ; qu'en décidant néanmoins que le décret du 22 septembre 2007 avait eu pour effet de porter à 1,5 million DTS le plafond de limitation de la responsabilité de la société Balanca dès son entrée en vigueur le 23 juillet 2007, pour en déduire que le fonds de limitation institué par les ordonnances des 26 janvier 2011 et 8 février 2012 devait être fixé à hauteur d'un tel montant, bien que cette modification du régime de responsabilité dérogatoire n'ait pas été notifiée au dépositaire, de sorte qu'elle n'était pas entrée en vigueur, la cour d'appel a violé, par refus d'application, l'article 15-2 b) de la Convention de Londres du 19 novembre 1976 sur la limitation de la responsabilité en matière de créances maritimes dans sa rédaction issue du Protocole modificatif du 2 mai 1996, et par fausse application, le décret n° 2007-1379 du 22 septembre 2007 portant publication du Protocole. » Réponse de la Cour 10. Faisant application des dispositions des articles 58 et suivants de la loi du 3 janvier 1967, devenus les articles L. 5121-1 et suivants du code des transports, qui fixent les limites de la responsabilité en matière de créances maritimes en application de la Convention de Londres du 19 novembre 1976 (la Convention), l'arrêt énonce que le montant des plafonds prévus dans la version originelle de cette Convention pour les navires ne dépassant pas 500 unités de jauge est fixé par l'article 6 à 333 000 DTS pour les créances pour mort ou lésions corporelles et 167 000 DTS pour les autres créances et que la France, comme le permet la Convention, a choisi de réduire de moitié ces limitations pour les navires de moins de 300 unités. Il énonce ensuite que le protocole du 2 mai 1996 a modifié les limites de responsabilité selon les tonnages des navires, portant celles-ci à 2 000 000 de DTS pour les navires dont la jauge ne dépasse pas 2 000 tonneaux, s'agissant des créances pour mort et lésions corporelles, et à 1 000 000 de DTS s'agissant des autres créances, et que la France, ayant déposé les instruments de ratification du protocole le 24 avril 2007, celui-ci est entré en vigueur le 23 juillet 2007, date figurant dans le décret 2007-1379 du 22 septembre 2007 portant publication du protocole, rendant les nouvelles dispositions applicables sur le territoire national. 11. De ces énonciations, et dès lors que la modification du seuil, porté à 2 000 tonneaux par le protocole modificatif, qui inclut toujours les navires d'une jauge inférieure à 500, était sans incidence sur le calcul de la limitation de responsabilité, de sorte que la France n'avait aucune notification à adresser à l'Organisation maritime internationale, dépositaire de la Convention, la cour d'appel en a exactement déduit que, conformément à l'article L. 5121-5, alinéa 2, du code des transports, les montants de la limitation de responsabilité sont, en l'espèce, de 1 000 000 DTS pour les créances pour mort et lésions corporelles et de 500 000 DTS pour les autres créances. 12. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société Balanca Investments Limited aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Balanca Investments Limited et la condamne à payer à Mme [X] [L] [W], M. [C] [A] [L], M. [R] [A] [L], agissant tant en son nom personnel qu'en sa qualité de représentant légal de son enfant mineur, [B] [A] [Z], et M. [U] [A] [Z] la somme globale de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé en l'audience publique du cinq octobre deux mille vingt-deux et signé par Mme Vaissette, conseiller qui en a délibéré, en remplacement de M. Rémery, conseiller doyen faisant fonction de président, empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Richard, avocat aux Conseils, pour la société Balanca Investments Limited. PREMIER MOYEN DE CASSATION La Société BALANCA INVESTMENTS LIMITED FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir examiné l'affaire hors la présence des parties, sans faculté pour celles-ci de s'y opposer, puis d'avoir rétracté les ordonnances sur requête rendues par le Président du Tribunal de commerce d'Ajaccio les 26 janvier 2011 et 8 février 2012 et d'avoir décidé que le montant global de la limitation de garantie opposable à la Société BALANCA INVESTMENTS LIMITED était fixé à 1.500.000 droits de tirage spéciaux du Fonds monétaire international ; ALORS QUE, pendant la période comprise entre le 18 mars 2020 et l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire, lorsque la représentation est obligatoire ou que les parties sont assistées ou représentées par un avocat, le juge ou le président de la formation de jugement peut décider que la procédure se déroule selon la procédure sans audience ; qu'il en informe alors les parties par tout moyen ; qu'à l'exception des procédures en référé, des procédures accélérées au fond et des procédures dans lesquelles le juge doit statuer dans un délai déterminé, les parties disposent d'un délai de quinze jours pour s'opposer à la procédure sans audience ; que la demande de rétractation d'une ordonnance sur requête relève de la compétence exclusive du juge qui l'a rendue, lequel est saisi, non en référé, mais comme en matière de référé ; qu'en statuant néanmoins dans le cadre d'une audience sans plaidoiries, avec dépôt de dossiers, et ce, sans possibilité d'opposition offerte aux parties quant à ce choix, bien qu'elle n'ait aucunement statué en référé, mais en la forme des référés, la Cour d'appel a violé l'article 496, alinéa 2, du Code de procédure civile, ensemble l'article 8 de l'ordonnance n°2020-304 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l'ordre judiciaire statuant en matière non pénale. DEUXIEME MOYEN DE CASSATION La Société BALANCA INVESTMENTS LIMITED FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué de l'avoir déboutée de sa demande tendant à voir déclarer irrecevable comme prescrite l'action formée par Madame [X] [L] [W], Monsieur [C] [A] [L], Monsieur [R] [A] [L], agissant tant en son nom personnel qu'en sa qualité de représentant légal de sa fille mineure [B] [A] [Z], et Monsieur [U] [A] [Z], puis d'avoir rétracté les ordonnances sur requête rendues par le Président du Tribunal de commerce d'Ajaccio les 26 janvier 2011 et 8 février 2012 et d'avoir décidé que le montant global de la limitation de garantie opposable à la Société BALANCA INVESTMENTS LIMITED était fixé à 1.500.000 droits de tirage spéciaux du Fonds monétaire international ; ALORS QUE les actions personnelles se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître, de manière certaine, les faits lui permettant de l'exercer ; que l'action exercée par un créancier tendant à obtenir la modification du montant du fonds de limitation est par conséquent soumise à la prescription quinquennale ; qu'en décidant néanmoins que l'action tendant à obtenir la modification du montant du fonds de limitation, constituée par les ordonnances des 26 janvier 2011 et 8 février 2012, exercée par Madame [X] [L] [W], Monsieur [C] [A] [L], Monsieur [R] [A] [L], Madame [B] [A] [Z] et Monsieur [U] [A] [Z] le 24 juillet 2018, date de l'acte introductif d'instance, n'était soumise à aucun délai, la Cour d'appel a violé l'article 2224 du Code civil. TROISIEME MOYEN DE CASSATION La Société BALANCA INVESTMENTS LIMITED FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir rétracté les ordonnances sur requête rendues par le Président du Tribunal de commerce d'Ajaccio les 26 janvier 2011 et 8 février 2012 et d'avoir décidé que le montant global de la limitation de garantie opposable à la Société BALANCA INVESTMENTS LIMITED était fixé à 1.500.000 droits de tirage spéciaux du Fonds monétaire international ; 1°) ALORS QUE le juge à la faculté de modifier ou de rétracter l'ordonnance sur requête qu'il a rendue ; que, lorsqu'il fait droit à la demande de rétractation, les mesures prises sur le fondement de l'ordonnance rétractée perdent leur fondement juridique, de sorte qu'elles sont entachées de nullité ; qu'en décidant néanmoins de rétracter les ordonnances sur requête des 26 janvier 2011 et 8 février 2012 ayant institué un fonds de limitation de garantie, puis de porter le montant du fonds à hauteur de 1.500.000 droits de tirage spéciaux du Fonds monétaire international, la Cour d'appel a violé l'article 497 du Code de procédure civile ; 2°) ALORS QU'aux termes de l'article 15-2 b) de la Convention de Londres du 19 novembre 1976 sur la limitation de la responsabilité en matière de créances maritimes, un État Partie peut stipuler, aux termes de dispositions expresses de sa législation nationale, devant être notifiées au dépositaire, que son régime de limitation de la responsabilité s'applique à ses navires d'une jauge inférieure à 300 tonneaux, à condition de notifier au dépositaire les limites de la responsabilité adoptées dans sa législation nationale ; qu'il en résulte que l'Etat partie qui décide de modifier le régime de responsabilité dérogatoire qu'il a instauré dans sa législation nationale doit préalablement notifier cette modification au dépositaire ; que si le décret du 22 septembre 2007, portant publication du Protocole modifiant la Convention de 1976, a été notifié au dépositaire, il ne comporte pour autant aucune disposition relative au régime de responsabilité des navires d'une jauge inférieure à 300 tonneaux, de sorte qu'aucune notification n'a été réalisée concernant ce régime adopté sur le fondement de l'article 15.2 b) de la Convention de Londres ; qu'en décidant néanmoins que le décret du 22 septembre 2007, entré en vigueur le 23 juillet 2007, avait eu pour effet de porter à 1,5 million DTS le plafond de limitation de la responsabilité de la Société BALANCA INVESTMENTS LIMITED, pour en déduire que le fonds de limitation institué par les ordonnances des 26 janvier 2011 et 8 février 2012 devait être fixé à hauteur d'un tel montant, bien que la modification du régime de responsabilité relative aux navires d'une jauge inférieure à 300 tonneaux n'ait pas été notifiée au dépositaire, de sorte que, prise en méconnaissance de l'article 15-2 b) de la Convention de Londres, elle ne pouvait être appliquée en raison de sa contrariété avec ladite disposition conventionnelle, la Cour d'appel a violé l'article 15-2 b) de la Convention de Londres du 19 novembre 1976 sur la limitation de la responsabilité en matière de créances maritimes dans sa rédaction issue du Protocole modificatif du 2 mai 1996 ; 3°) ALORS QUE, subsidiairement, aux termes de l'article 15-2 b) de la Convention de Londres du 19 novembre 1976 sur la limitation de la responsabilité en matière de créances maritimes, un État Partie peut stipuler, aux termes de dispositions expresses de sa législation nationale, que le régime de la limitation de la responsabilité s'applique aux navires d'une jauge inférieure à 300 tonneaux, à condition de notifier au dépositaire les limites de la responsabilité adoptées dans sa législation nationale ; qu'il en résulte que l'Etat partie qui décide de modifier le régime de responsabilité dérogatoire qu'il a instauré dans sa législation nationale doit également notifier cette modification au dépositaire, de sorte que la disposition de droit national modifiant le régime de responsabilité dérogatoire précédemment instauré ne peut entrer en vigueur qu'à compter de sa notification au dépositaire ; que si le décret du 22 septembre 2007, portant publication du Protocole modifiant la Convention de 1976, a été notifié au dépositaire, il ne comporte pour autant aucune disposition relative au régime de responsabilité des navires d'une jauge inférieure à 300 tonneaux, de sorte qu'aucune notification n'a été réalisée concernant ce régime adopté sur le fondement de l'article 15.2 b) de la Convention de Londres ; qu'il en résulte qu'aucune modification du régime de responsabilité dérogatoire n'a pu entrer en vigueur ; qu'en décidant néanmoins que le décret du 22 septembre 2007 avait eu pour effet de porter à 1,5 million DTS le plafond de limitation de la responsabilité de la Société BALANCA INVESTMENTS LIMITED dès son entrée en vigueur le 23 juillet 2007, pour en déduire que le fonds de limitation institué par les ordonnances des 26 janvier 2011 et 8 février 2012 devait être fixé à hauteur d'un tel montant, bien que cette modification du régime de responsabilité dérogatoire n'ait pas été notifiée au dépositaire, de sorte qu'elle n'était pas entrée en vigueur, la Cour d'appel a violé, par refus d'application, l'article 15-2 b) de la Convention de Londres du 19 novembre 1976 sur la limitation de la responsabilité en matière de créances maritimes dans sa rédaction issue du Protocole modificatif du 2 mai 1996, et par fausse application, le décret n° 2007-1379 du 22 septembre 2007 portant publication du Protocole.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 5 octobre 2022 M. RÉMERY, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 560 F-B Pourvoi n° H 21-13.108 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 5 OCTOBRE 2022 M. [J] [N], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° H 21-13.108 contre l'arrêt rendu le 13 janvier 2021 par la cour d'appel de Toulouse (2e chambre), dans le litige l'opposant à la Société générale, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Riffaud, conseiller, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [N], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la Société générale, et l'avis de Mme Guinamant, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 28 juin 2022 où étaient présents M. Rémery, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Riffaud, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller, et Mme Mamou, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 13 janvier 2021), rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 25 septembre 2019, pourvoi n° 18-15.655), la Société générale (la banque) a consenti le 3 mars 2005 à la Société de distribution du grand Bordeaux (la SDGB) une ouverture de crédit de 350 000 euros et un prêt de 800 000 euros, dont son dirigeant, M. [N], s'est rendu caution solidaire. 2. La SDGB ayant rencontré des difficultés financières, une procédure de conciliation a été ouverte et un protocole de conciliation du 28 avril 2008 a été homologué. A cette occasion, M. [N] a contracté de nouveaux engagements de cautionnement solidaire au profit de la banque. 3. L'accord de conciliation n'a pas été exécuté jusqu'à son terme et, après l'échec d'une nouvelle procédure de conciliation, la SDGB a été mise en redressement judiciaire par un jugement du 18 janvier 2012, cette procédure collective étant convertie en liquidation judiciaire par un jugement du 9 janvier 2013. 4. Après avoir déclaré sa créance qui a été admise, la banque a assigné, le 10 janvier 2014, M. [N] en paiement. Celui-ci a alors formé des demandes reconventionnelles tendant à la condamnation de la banque à lui payer des dommages-intérêts d'un montant équivalent aux sommes réclamées au titre des cautionnements et à la compensation de leurs dettes respectives, en invoquant un comportement fautif de la banque à l'occasion de la nouvelle procédure de conciliation. Examen du moyen Sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches, ci-après annexé 5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 6. M. [N] fait grief à l'arrêt d'écarter des débats les pièces numéros 13, 17 et 18, et de le débouter de ses demandes de dommages-intérêts et en compensation, alors « que l'obligation de confidentialité pesant sur les personnes appelées à la procédure de conciliation ne s'applique qu'à l'égard des tiers, et non entre les parties à cette procédure ; qu'en retenant, pour écarter des débats les pièces n° 13, 17 et 18 produites par M. [N], consistant notamment en un mail de la Société générale au conciliateur indiquant la position de la banque, transmis à l'ensemble des créanciers, et en un mail du conciliateur à l'ensemble des créanciers contenant le protocole à signer, que "les échanges de mails entre le conciliateur et les créanciers durant la procédure de conciliation, l'attestation du conciliateur sur le déroulement de la conciliation, sont couvertes par la confidentialité", quand M. [N], gérant de la Société de distribution du grand Bordeaux, était fondé à opposer à la Société générale le contenu de leurs échanges et son comportement dans le cadre de la conciliation, sans méconnaître l'obligation de confidentialité, la cour d'appel a violé l'article L. 611-15 du code de commerce. » Réponse de la Cour 7. Il résulte de l'article L. 611-15 du code de commerce que toute personne qui est appelée à la procédure de conciliation ou à un mandat ad hoc ou qui, par ses fonctions, en a connaissance est tenue à la confidentialité. 8. Le moyen, qui postule que cette obligation ne s'applique qu'à l'égard des tiers et non entre les parties à la procédure et que M. [N], gérant de la SDGB, était fondé à opposer à la banque le contenu de leurs échanges pour rechercher sa responsabilité, manque en droit. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne M. [N] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé en l'audience publique du cinq octobre deux mille vingt-deux et signé par Mme Vaissette, conseiller qui en a délibéré, en remplacement de M. Rémery, conseiller doyen faisant fonction de président, empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour M. [N]. M. [N] FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR écarté des débats les pièces 13, 17 et 18 qu'il avait produites, et de l'AVOIR débouté de sa demande de dommages et intérêts formée à l'encontre de la Société Générale, et de compensation ; 1° ALORS QUE l'obligation de confidentialité pesant sur les personnes appelées à la procédure de conciliation ne s'applique qu'à l'égard des tiers, et non entre les parties à cette procédure ; qu'en retenant, pour écarter des débats les pièces n° 13, 17 et 18 produites par M. [N], consistant notamment en un mail de la Société Générale au conciliateur indiquant la position de la banque, transmis à l'ensemble des créanciers, et en un mail du conciliateur à l'ensemble des créanciers contenant le protocole à signer, que « les échanges de mails entre le conciliateur et les créanciers durant la procédure de conciliation, l'attestation du conciliateur sur le déroulement de la conciliation, sont couvertes par la confidentialité » (arrêt, p. 7, al. 6), quand M. [N], gérant de la société de Distribution du Grand Bordeaux, était fondé à opposer à la Société Générale le contenu de leurs échanges et son comportement dans le cadre de la conciliation, sans méconnaître l'obligation de confidentialité, la cour d'appel a violé l'article L. 611-15 du code de commerce ; 2° ALORS QUE M. [N], dirigeant-caution, était en copie des échanges de mail intervenus entre le conciliateur et la Société Générale ; qu'en se bornant à retenir, pour écarter des débats les pièces n° 13 et 17 produites par M. [N], consistant en un mail de la Société Générale au conciliateur indiquant la position de la banque, transmis à l'ensemble des créanciers, et en un mail du conciliateur à l'ensemble des créanciers contenant le protocole à signer, que « les échanges de mails entre le conciliateur et les créanciers durant la procédure de conciliation, l'attestation du conciliateur sur le déroulement de la conciliation, sont couvertes par la confidentialité » (arrêt, p. 7, al. 6), quand il apparaissait clairement sur ces pièces que M. [N] était partie à ces échanges, qui n'étaient donc pas confidentiels à son égard, la cour d'appel a dénaturé ces pièces et violé le principe selon lequel le juge ne doit pas dénaturer les documents de la cause ; 3° ALORS QU'en toute hypothèse, une partie à un procès a le droit de se voir offrir une possibilité raisonnable de présenter sa cause, y compris ses preuves ; qu'en retenant, pour écarter des débats les pièces n° 13, 17 et 18 produites par M. [N], qu'elles étaient couvertes par la confidentialité de la procédure de conciliation, sans rechercher si ces productions n'étaient pas indispensables à l'exercice de son droit à la preuve et proportionnées aux intérêts en présence, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Sur la violation de l'obligation de confidentialité d'un mandataire ad hoc, à rapprocher : Com., 22 septembre 2015, pourvoi n° 14-17.377, Bull. 2015, IV, n° 130 (rejet).
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 29 septembre 2022 M. PIREYRE, président Arrêt n° 979 F-B Pourvoi n° J 21-16.146 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 29 SEPTEMBRE 2022 La société Banque populaire Auvergne Rhône Alpes, société coopérative de banque populaire, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° J 21-16.146 contre l'arrêt rendu le 25 février 2021 par la cour d'appel d'Orléans (chambre commerciale, économique et financière), dans le litige l'opposant à la société DGM Invest, société civile, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Latreille, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de la société Banque populaire Auvergne Rhône Alpes, de la SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat de la société DGM Invest, et l'avis de M. Gaillardot, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 5 juillet 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Latreille, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Orléans, 25 février 2021), sur le fondement de deux actes notariés, la société Banque populaire Auvergne Rhône Alpes (la Banque populaire AURA), venant aux droits de la société Banque populaire Loire et Lyonnais par l'effet d'une fusion-absorption, a fait délivrer le 30 novembre 2018 à la SCI DGM Invest (la société) un commandement de payer valant saisie immobilière. Examen du moyen Enoncé du moyen 2. La Banque populaire AURA fait grief à l'arrêt d'annuler le commandement de payer valant saisie immobilière délivré à la société DGM Invest le 30 novembre 2018 et publié le 24 janvier 2019 volume 2019 S n° 4 au service chargé de la publicité foncière de [Localité 3], d'ordonner la radiation à ses frais, et de la débouter de toutes ses demandes, alors « que lorsque le débiteur, préalablement à la délivrance du commandement de payer, a été régulièrement avisé de la transmission au créancier saisissant de la créance contenue dans le titre exécutoire fondant les poursuites, il n'y a pas lieu de viser cette transmission dans le commandement de payer aux fins de saisie immobilière ; que l'accomplissement des formalités de publicité au registre du commerce et des sociétés de la fusion-absorption du créancier initial par le créancier saisissant rend opposable aux tiers la transmission universelle de patrimoine qui en résulte et avise régulièrement le débiteur de la transmission de la créance ; qu'en retenant pourtant en l'espèce que l'avis préalable à la délivrance du commandement de payer « ne peut résulter de la seule publicité exigée par les articles L. 123-9 et L. 237-2 du code de commerce », la cour d'appel a violé l'article L. 123-9 du code de commerce, ensemble l'article R. 321-3 du code des procédures civiles d'exécution. » Réponse de la Cour 3. Il résulte de l'article R.321-3 du code des procédures civiles d'exécution que si le créancier saisissant agit en vertu d'une transmission, à quelque titre que ce soit, de la créance contenue dans le titre exécutoire, le commandement de payer valant saisie vise l'acte de transmission à moins que le débiteur n'en ait été régulièrement avisé au préalable, la publicité au registre du commerce et des sociétés de la fusion-absorption concernant le créancier poursuivant ne pouvant y suppléer. 4. Après avoir constaté que la banque produisait un extrait du bulletin des annonces légales obligatoires daté du 23 juin 2017, qui concernait les « documents comptables annuels approuvés par l'assemblée générale ordinaire du 22 mai 2017 » de la Banque populaire AURA, la cour d'appel, qui a retenu que cette information était insuffisante pour suppléer à l'obligation imposée par l'article R321-3 du code des procédures civiles d'exécution et qu'il ne pouvait s'en déduire que la société ait été « régulièrement avisée » au sens de ces dispositions de la transmission de la créance de la banque qui lui avait accordé les prêts, en a exactement déduit que le commandement de payer valant saisie devait être annulé. 5. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi. Condamne la société Banque populaire Auvergne Rhône Alpes aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Banque populaire Auvergne Rhône Alpes et la condamne à payer à la société DGM Invest la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf septembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils, pour la société Banque Populaire Auvergne Rhône Alpes Il est fait grief à la décision attaquée d'avoir annulé le commandement de payer valant saisie immobilière délivré à la société DGM Invest le 30 novembre 2018 et publié le 24 janvier 2019 volume 2019 S n° 4 au service chargé de la publicité foncière de [Localité 3], ordonné la radiation aux frais de la BPAURA, et débouté la BPAURA de toutes ses demandes ; alors que lorsque le débiteur, préalablement à la délivrance du commandement de payer, a été régulièrement avisé de la transmission au créancier saisissant de la créance contenue dans le titre exécutoire fondant les poursuites, il n'y a pas lieu de viser cette transmission dans le commandement de payer aux fins de saisie immobilière ; que l'accomplissement des formalités de publicité au registre du commerce et des sociétés de la fusion-absorption du créancier initial par le créancier saisissant rend opposable aux tiers la transmission universelle de patrimoine qui en résulte et avise régulièrement le débiteur de la transmission de la créance ; qu'en retenant pourtant en l'espèce que l'avis préalable à la délivrance du commandement de payer « ne peut résulter de la seule publicité exigée par les articles L. 123-9 et L. 237-2 du code de commerce » (arrêt, p. 8, dernier alinéa), la cour d'appel a violé l'article L. 123-9 du code de commerce, ensemble l'article R. 321-3 du code des procédures civiles d'exécution.
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 29 septembre 2022 M. PIREYRE, président Arrêt n° 970 F-B Pourvoi n° U 21-13.625 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 29 SEPTEMBRE 2022 Mme [O] [Z], épouse [T], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° U 21-13.625 contre l'arrêt rendu le 3 décembre 2020 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 2-1), dans le litige l'opposant à M. [S] [W], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Jollec, conseiller référendaire, les observations de Me Occhipinti, avocat de Mme [Z], et l'avis de M. Aparisi, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 5 juillet 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Jollec, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 3 décembre 2020), Mme [Z] a relevé appel, le 14 mai 2019, du jugement d'un juge aux affaires familiales rendu le 29 avril 2016 dans une instance l'opposant à M. [W]. 2. Par ordonnance du 11 février 2019 [en réalité 2020], le conseiller de la mise en état a déclaré cet appel irrecevable, comme tardif. 3. Mme [Z] a déféré cette ordonnance à la cour d'appel. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 4. Mme [Z] fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable son appel du jugement du 29 avril 2016, alors « que lorsque la représentation des parties est obligatoire, la décision doit être préalablement notifiée au représentant, faute de quoi la notification à partie est nulle ; que l'absence de notification au représentant constituant l'omission d'un acte et non un vice de forme dont un acte de procédure accompli serait entaché, la nullité de la signification faite à la partie est acquise sans qu'elle ait à justifier d'un grief résultant de cette omission ; qu'en estimant que l'absence de signification du jugement entrepris à l'avocat de Mme [Z] était soumis au régime des vices de forme, la cour d'appel a violé les articles 114 et 678 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 5. L'irrégularité de la signification d'un jugement à une partie résultant de l'absence de notification préalable à son avocat est un vice de forme qui n'entraîne la nullité de la signification destinée à la partie que sur justification d'un grief. 6. Le moyen, qui postule le contraire, ne peut être accueilli. Mais sur le moyen, pris en sa troisième branche Enoncé du moyen 7. Mme [Z] fait le même grief à l'arrêt, alors « que les juges du fond sont tenus d'analyser au moins brièvement les pièces versées aux débats ; qu'en se bornant à énoncer que les pièces du dossier établissaient que l'avocat de Mme [Z] avait eu connaissance du jugement qui lui avait été transmis par le tribunal et avait communiqué le jugement à M. [W], sans identifier et analyser brièvement une quelconque pièce, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Vu l'article 455 du code de procédure civile : 8. Tout jugement doit être motivé. 9. Pour déclarer l'appel de Mme [Z] irrecevable, l'arrêt retient, par motifs propres , que les pièces du dossier établissent que l'avocat de Mme [Z] avait connaissance du jugement qui lui avait été transmis par le tribunal avant même la signification qui en a été faite à sa cliente. 10. En statuant ainsi, par le seul visa de documents qu'elle n'a pas analysés, même sommairement, la cour d'appel, qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé. Et sur le moyen, pris en sa cinquième branche Enoncé du moyen 11. Mme [Z] fait le même grief à l'arrêt, alors « que seules les correspondances entre avocats portant à juste titre la mention « officiel » peuvent être communiquées à des tiers ; qu'en ne recherchant pas, comme elle y était invitée, s'il n'était pas exact que la lettre de l'avocat de M. [W] du 17 mars 2017 était dépourvue d'une telle mention, de sorte qu'elle ne pouvait pas être produite en justice, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971. » Réponse de la Cour Vu l'article 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, dans sa rédaction issue de la loi n° 2011-331 du 28 mars 2011 et 4 du décret n° 2005-790 du 12 juillet 2005 : 12. En application de ces articles, un avocat ne peut produire des pièces couvertes par le secret professionnel que sous réserve des strictes exigences de sa propre défense. 13. Pour déclarer l'appel de Mme [Z] irrecevable, l'arrêt retient, par motif adopté, que par lettre du 17 mars 2017, l'avocat de M. [W] a informé celui de Mme [Z] de ce qu'il avait eu communication du jugement du 29 avril 2016, ce qui dispensait son confrère d'avoir à le lui adresser et qu'il l'informait qu'il allait lui faire signifier. L'arrêt en déduit que l'avocat de Mme [Z] avait le jugement en sa possession et qu'il était donc en mesure d'aviser Mme [Z] de la marche à suivre et des délais quant à un éventuel recours. 14. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si la pièce produite par l'avocat de M. [W] était couverte par le secret professionnel et si sa production répondait aux strictes exigences de sa défense dans le cadre du litige l'opposant à Mme [Z], la cour d'appel a privé sa décision de base légale. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 3 décembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée. Condamne M. [W] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. [W] à payer à Mme [Z] la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf septembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par Me Occhipinti, avocat aux Conseils, pour Mme [Z] Mme [Z] reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré irrecevable son appel du jugement du 29 avril 2016 ; 1°) - ALORS QUE lorsque la représentation des parties est obligatoire, la décision doit être préalablement notifiée au représentant, faute de quoi la notification à partie est nulle ; que l'absence de notification au représentant constituant l'omission d'un acte et non un vice de forme dont un acte de procédure accompli serait entaché, la nullité de la signification faite à la partie est acquise sans qu'elle ait à justifier d'un grief résultant de cette omission ; qu'en estimant que l'absence de signification du jugement entrepris à l'avocat de Mme [Z] était soumis au régime des vices de forme, la cour d'appel a violé les articles 114 et 678 du code de procédure civile ; 2°) - ALORS QUE les juges du fond sont tenus d'analyser au moins brièvement les pièces versées aux débats ; qu'en se bornant à énoncer que les pièces du dossier établissaient que l'avocat de Mme [Z] avait eu connaissance du jugement qui lui avait été transmis par le tribunal et avait communiqué le jugement à M. [W], sans identifier et analyser brièvement une quelconque pièce, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 3°) - ALORS QUE M. [W] n'a jamais soutenu que le tribunal avait communiqué le jugement à l'avocat de Mme [Z] ; qu'en se fondant sur un tel moyen, sans le soumettre à la discussion des parties, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ; 4°) - ALORS QU'en se fondant, pour dire que l'avocat de Mme [Z] avait eu connaissance du jugement avant la signification à partie, sur une lettre de l'avocat de M. [W] du 17 mars 2017, sans rechercher, comme elle y était invitée, s'il était établi que cette lettre avait bien été reçue par l'avocat de Mme [Z], la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 114 et 678 du code de procédure civile ; 5°) - ALORS QUE seules les correspondances entre avocats portant à juste titre la mention « officiel » peuvent être communiquées à des tiers ; qu'en ne recherchant pas, comme elle y était invitée, s'il n'était pas exact que la lettre de l'avocat de M. [W] du 17 mars 2017 était dépourvue d'une telle mention, de sorte qu'elle ne pouvait pas être produite en justice, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971. 2e Civ., 12 avril 2012, pourvoi n° 11-12.017, Bull. 2012, II, n° 74.
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 29 septembre 2022 Annulation partielle sans renvoi M. PIREYRE, président Arrêt n° 971 F-B Pourvoi n° S 21-14.681 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 29 SEPTEMBRE 2022 M. [U] [Z], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° S 21-14.681 contre l'arrêt rendu le 28 janvier 2021 par la cour d'appel de Grenoble (chambre sociale, section B), dans le litige l'opposant à la société EG active Lyon, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Jollec, conseiller référendaire, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [Z], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société EG active Lyon, et l'avis de M. Aparisi, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 5 juillet 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Jollec, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 28 janvier 2021), le 18 juillet 2019, M. [Z] a relevé appel d'un jugement du 24 juin 2019 d'un conseil de prud'hommes rendu dans un litige l'opposant à la société EG active Lyon. 2. Cette dernière a déféré à la cour d'appel l'ordonnance du conseiller de la mise en état ayant rejeté ses demandes tendant à déclarer les conclusions de M. [Z] irrecevables, faute de déterminer l'objet du litige, et par voie de conséquence, à déclarer caduque la déclaration d'appel. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 3. M. [Z] fait grief à l'arrêt de confirmer l'ordonnance déférée en ce qu'elle a dit que le conseiller de la mise en état était compétent pour statuer sur la demande tendant à la caducité de l'appel, d'infirmer l'ordonnance pour le surplus et, statuant à nouveau, de déclarer caduque la déclaration d'appel, alors « qu'aucune disposition ne donne compétence au conseiller de la mise en état pour apprécier, en considération de leur contenu, si les conclusions des parties déterminent l'objet du litige au regard des prescriptions de l'article 954 du code de procédure civile ; que, pour confirmer l'ordonnance déférée, en ce qu'elle avait dit le conseiller de la mise en état compétent pour statuer sur la demande de caducité de l'appel, et statuer elle-même, sur déféré, sur une demande tendant à voir prononcer la caducité de l'appel au motif que les conclusions de l'appelant ne déterminaient pas l'objet du litige, la cour d'appel a retenu que le conseiller de la mise en état était compétent pour statuer sur la recevabilité des conclusions à fin de prononcer la caducité de l'appel ; qu'en statuant de la sorte par un motif inopérant, dès lors que, serait-il établi qu'elles ne déterminent pas l'objet du litige, des conclusions ne sont pas irrecevables pour ce seul motif, et quand la cour d'appel, statuant au fond, est seule compétente pour déterminer l'étendue de sa saisine et apprécier si les conclusions des parties déterminent l'objet du litige au regard de l'article 954 du code de procédure civile, la cour d'appel a violé ce texte et les articles 911-1 et 914 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 4. Il résulte des articles 908, 914 et 954 du code de procédure civile que le conseiller de la mise en état ou, le cas échéant, la cour d'appel statuant sur déféré, est compétent pour prononcer, à la demande d'une partie, la caducité de la déclaration d'appel fondée sur l'absence de mention de l'infirmation ou de l'annulation du jugement dans le dispositif des conclusions de l'appelant. 5. Le moyen, qui postule le contraire, ne peut être accueilli. Mais sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches Enoncé du moyen 6. M. [Z] fait le même grief à l'arrêt, alors : « 2°/ qu'en toute hypothèse, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; qu'il en résulte que, dès lors que l'appelant formule des prétentions au fond dans le dispositif de ses conclusions, l'objet du litige soumis à la cour d'appel est déterminé ; que lorsque l'appelant, bien que formulant des prétentions au fond dans le dispositif de ses conclusions, n'y demande ni l'infirmation ni l'annulation du jugement, la cour d'appel ne peut, dans les instances introduites par une déclaration d'appel postérieure au 17 septembre 2020, que confirmer le jugement ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt que M. [Z] formulait plusieurs prétentions au fond dans le dispositif de ses conclusions prises dans le délai prévu par l'article 908 du code de procédure civile ; qu'en retenant, néanmoins, que ces conclusions ne déterminaient pas l'objet du litige, au motif inopérant que leur dispositif ne contenait pas de demande d'annulation ou d'infirmation du jugement, et en en déduisant que l'appel aurait été caduc, la cour d'appel a violé les articles 4 et 954 du code de procédure civile ; 3°/ qu'en tout état de cause, si les conclusions de l'appelant dont le dispositif ne comporte pas de demande expresse d'infirmation ou d'annulation de la décision déférée ne déterminent pas l'objet du litige, de sorte qu'en l'absence d'autres conclusions déterminant l'objet du litige remises au greffe dans le délai prévu par l'article 908 du code de procédure civile, l'appel est caduc, l'application immédiate de cette règle de procédure, résultant d'une interprétation nouvelle des dispositions des articles 4, 908, 910-1 et 954 du code de procédure civile, dans les instances introduites par une déclaration d'appel antérieure à la date d'un arrêt publié de la Cour de cassation, affirmant cette règle, aboutirait à priver les appelants du droit à un procès équitable ; qu'en faisant application de cette règle en l'espèce, la cour d'appel a donné aux dispositions précitées une portée qui n'était pas prévisible pour M. [Z] à la date à laquelle il a été relevé appel, soit le 18 juillet 2019, cette application aboutissant donc à le priver d'un procès équitable, au sens de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. » Réponse de la Cour Vu les articles 542, 908 et 954 du code de procédure civile et 6,§1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 7. L'objet du litige devant la cour d'appel étant déterminé par les prétentions des parties, le respect de l'obligation faite à l'appelant de conclure conformément à l'article 908 s'apprécie nécessairement en considération des prescriptions de l'article 954. 8. Il résulte de ce dernier texte, en son deuxième alinéa, que le dispositif des conclusions de l'appelant remises dans le délai de l'article 908 doit comporter une prétention sollicitant expressément l'infirmation ou l'annulation du jugement frappé d'appel. 9. A défaut, en application de l'article 908, la déclaration d'appel est caduque ou, conformément à l'article 954, alinéa 3, la cour d'appel ne statuant que sur les prétentions énoncées au dispositif, ne peut que confirmer le jugement. 10. Ainsi, l'appelant doit dans le dispositif de ses conclusions mentionner qu'il demande l'infirmation des chefs du dispositif du jugement dont il recherche l'anéantissement, ou l'annulation du jugement. En cas de non-respect de cette règle, la cour d'appel ne peut que confirmer le jugement, sauf la faculté qui lui est reconnue de relever d'office la caducité de l'appel. Lorsque l'incident est soulevé par une partie, ou relevé d'office par le conseiller de la mise en état, ce dernier, ou le cas échéant la cour d'appel statuant sur déféré, prononce la caducité de la déclaration d'appel si les conditions en sont réunies (2e Civ., 4 novembre 2021, pourvoi n°20-15-766, publié). 11. Cette obligation de mentionner expressément la demande d'infirmation ou d'annulation du jugement, affirmée pour la première fois par un arrêt publié (2e Civ., 17 septembre 2020, pourvoi n° 18-23.626, publié), fait peser sur les parties une charge procédurale nouvelle. Son application immédiate dans les instances introduites par une déclaration d'appel antérieure à la date de cet arrêt, aboutirait à priver les appelants du droit à un procès équitable. 12. Pour déclarer caduque la déclaration d'appel, l'arrêt retient que les seules conclusions d'appelant prises dans le délai prévu par l'article 908, qui ne portent aucune critique des dispositions du jugement dont appel, comportent un dispositif qui ne conclut ni à l'annulation, ni à l'infirmation du jugement, et en déduit que les conclusions d'appelant remises au greffe par M. [Z] dans le délai prévu par les dispositions de l'article 907 ne déterminent pas l'objet du litige porté devant la cour d'appel et qu'il convient par conséquent, par application combinée des articles 908, 910-1 et 954 du code de procédure civile, de constater la caducité de la déclaration d'appel formée le 18 juillet 2019. 13. En statuant ainsi, la cour d'appel a donné une portée aux articles 42, 908 et 954 du code de procédure civile qui, pour être conforme à l'état du droit applicable depuis le 17 septembre 2020, n'était pas prévisible pour les parties à la date à laquelle il a été relevé appel, soit le 18 juillet 2019, l'application de cette règle de procédure, qui instaure une charge procédurale nouvelle dans l'instance en cours, aboutissant à priver M. [Z] d'un procès équitable au sens de l'article 6,§1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Portée et conséquences de l'annulation 14. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile. 15. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond. 16. Il résulte de ce qui est dit au paragraphe n° 13 qu'il y a lieu de confirmer l'ordonnance du conseiller de la mise en état ayant débouté la société EG active Lyon de son incident d'irrecevabilité des conclusions et de caducité de la déclaration d'appel et rejeté les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour : ANNULE, sauf en ce qu'il confirme l'ordonnance déférée ayant dit que le conseiller de la mise en état était compétent pour statuer sur la demande tendant à la caducité de l'appel interjeté, l'arrêt rendu le 28 janvier 2021 par la cour d'appel de Grenoble ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; CONFIRME l'ordonnance du conseiller de la mise en état ayant débouté la société EG active Lyon de son incident d'irrecevabilité des conclusions et de caducité de la déclaration d'appel et dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; DIT que l'affaire se poursuivra devant la cour d'appel de Grenoble. Condamne la société EG active Lyon aux dépens en ceux compris ceux exposés devant la cour d'appel de Grenoble au titre de la procédure d'incident ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf septembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour M. [Z] M. [Z] fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé l'ordonnance déférée en ce qu'elle avait dit que le conseiller de la mise en état était compétent pour statuer sur la demande tendant à la caducité de l'appel, d'AVOIR infirmé l'ordonnance pour le surplus et, statuant à nouveau, d'AVOIR déclaré caduque la déclaration d'appel ; 1°) ALORS QU'aucune disposition ne donne compétence au conseiller de la mise en état pour apprécier, en considération de leur contenu, si les conclusions des parties déterminent l'objet du litige au regard des prescriptions de l'article 954 du code de procédure civile ; que, pour confirmer l'ordonnance déférée, en ce qu'elle avait dit le conseiller de la mise en état compétent pour statuer sur la demande de caducité de l'appel, et statuer elle-même, sur déféré, sur une demande tendant à voir prononcer la caducité de l'appel au motif que les conclusions de l'appelant ne déterminaient pas l'objet du litige, la cour d'appel a retenu que le conseiller de la mise en état était compétent pour statuer sur la recevabilité des conclusions à fin de prononcer la caducité de l'appel ; qu'en statuant de la sorte par un motif inopérant, dès lors que, serait-il établi qu'elles ne déterminent pas l'objet du litige, des conclusions ne sont pas irrecevables pour ce seul motif, et quand la cour d'appel, statuant au fond, est seule compétente pour déterminer l'étendue de sa saisine et apprécier si les conclusions des parties déterminent l'objet du litige au regard de l'article 954 du code de procédure civile, la cour d'appel a violé ce texte et les articles 911-1 et 914 du code de procédure civile ; 2°) ALORS QU'en toute hypothèse, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; qu'il en résulte que, dès lors que l'appelant formule des prétentions au fond dans le dispositif de ses conclusions, l'objet du litige soumis à la cour d'appel est déterminé ; que lorsque l'appelant, bien que formulant des prétentions au fond dans le dispositif de ses conclusions, n'y demande ni l'infirmation ni l'annulation du jugement, la cour d'appel ne peut, dans les instance introduites par une déclaration d'appel postérieure au 17 septembre 2020, que confirmer le jugement ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt que M. [Z] formulait plusieurs prétentions au fond dans le dispositif de ses conclusions prises dans le délai prévu par l'article 908 du code de procédure civile ; qu'en retenant, néanmoins, que ces conclusions ne déterminaient pas l'objet du litige, au motif inopérant que leur dispositif ne contenait pas de demande d'annulation ou d'infirmation du jugement, et en en déduisant que l'appel aurait été caduc, la cour d'appel a violé les articles 4 et 954 du code de procédure civile ; 3°) ALORS QU'en tout état de cause, si les conclusions de l'appelant dont le dispositif ne comporte pas de demande expresse d'infirmation ou d'annulation de la décision déférée ne déterminent pas l'objet du litige, de sorte qu'en l'absence d'autres conclusions déterminant l'objet du litige remises au greffe dans le délai prévu par l'article 908 du code de procédure civile, l'appel est caduc, l'application immédiate de cette règle de procédure, résultant d'une interprétation nouvelle des dispositions des articles 4, 908, 910-1 et 954 du code de procédure civile, dans les instances introduites par une déclaration d'appel antérieure à la date d'un arrêt publié de la Cour de cassation, affirmant cette règle, aboutirait à priver les appelants du droit à un procès équitable ; qu'en faisant application de cette règle en l'espèce, la cour d'appel a donné aux dispositions précitées une portée qui n'était pas prévisible pour M. [Z] à la date à laquelle il a été relevé appel, soit le 18 juillet 2019, cette application aboutissant donc à le priver d'un procès équitable, au sens de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; 4°) ALORS QUE M. [Z] critiquait les dispositions du jugement dont il demandait l'infirmation dans la discussion de ses conclusions ; qu'en affirmant que ses conclusions ne comportaient aucune critique des dispositions du jugement, la cour d'appel a dénaturé ces conclusions et violé l'article 4 du code de procédure civile.
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 29 septembre 2022 M. PIREYRE, président Arrêt n° 976 F-B Pourvoi n° T 20-18.772 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 29 SEPTEMBRE 2022 M. [C] [G], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° T 20-18.772 contre le jugement n° RG 11-19-000237 rendu le 22 juin 2020 par le tribunal judiciaire d'Annecy (juge), dans le litige l'opposant à la caisse régionale de Crédit agricole mutuel (CRCAM) des Savoie, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Cardini, conseiller référendaire, les observations de Me Haas, avocat de M. [G], de la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat de la caisse régionale de Crédit agricole mutuel (CRCAM) des Savoie, et l'avis de M. Gaillardot, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 5 juillet 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Cardini, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire d'Annecy, 22 juin 2020), rendu en dernier ressort, M. [G] a formé opposition, le 7 mars 2019, à une ordonnance portant injonction de payer diverses sommes au titre des soldes débiteurs de deux comptes de dépôt, rendue le 29 mai 2015 sur requête de la caisse régionale de Crédit agricole mutuel des Savoie (la banque), qui lui avait été signifiée, à étude, le 22 juin 2015 puis, après avoir été revêtue, le 24 juillet 2015, de la formule exécutoire, à personne, le 12 février 2019. Sur le moyen relevé d'office 2. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code. Vu l'article L. 111-4 du code des procédures civiles d'exécution : 3. Aux termes de ce texte, l'exécution des titres exécutoires mentionnés aux 1° à 3° de l'article L. 111-3 ne peut être poursuivie que pendant dix ans, sauf si les actions en recouvrement des créances qui y sont constatées se prescrivent par un délai plus long. 4. Pour rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription, le jugement retient qu'aux termes de l'article 1422 du code de procédure civile, l'ordonnance d'injonction de payer produit, après apposition de la formule exécutoire, tous les effets d'un jugement contradictoire, qu'aucun texte légal ou réglementaire n'impose ensuite de signifier à nouveau au débiteur l'ordonnance d'injonction de payer, devenue exécutoire, et en déduit qu'à compter de l'apposition de la formule exécutoire, la seule prescription applicable est celle, décennale, de l'article L. 111-4 du code des procédures civiles d'exécution, afférente à l'exécution des titres exécutoires. 5. En statuant ainsi, alors que l'opposition régulièrement formée ayant pour effet de saisir le tribunal de la demande du créancier et de l'ensemble du litige sur lequel il est statué par un jugement qui se substitue à l'injonction de payer, les dispositions de l'article L. 111-4 du code des procédures civiles d'exécution, relatives au délai d'exécution des titres exécutoires, n'étaient pas applicables à la prescription de la créance de la banque, le tribunal a violé le texte susvisé. Portée et conséquences de la cassation 6. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des dispositions du jugement rejetant la fin de non-recevoir tirée de la prescription entraîne par voie de conséquence la cassation des autres dispositions, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les griefs du pourvoi, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 22 juin 2020, entre les parties, par le tribunal judiciaire d'Annecy ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ce jugement et les renvoie devant le tribunal judiciaire de Thonon-les-Bains. Condamne la caisse régionale de Crédit agricole mutuel des Savoie aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la caisse régionale de Crédit agricole mutuel des Savoie et la condamne à payer à M. [G] la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf septembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par Me Haas, avocat aux Conseils, pour M. [G] M. [G] fait grief au jugement attaqué D'AVOIR rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription qu'il a opposée à l'action de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel des Savoie ; ALORS, 1°), QUE le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'en relevant d'office le moyen tiré de ce que l'action de la banque était, à compter de l'apposition de la formule exécutoire sur l'ordonnance d'injonction de payer, soumise à la prescription décennale de l'article L. 111-4 du code des procédures civiles d'exécution, sans avoir invité les parties à présenter leurs observations sur ce point, le tribunal judiciaire a violé l'article 16 du code de procédure civile ; ALORS, 2°), QUE l'ordonnance d'injonction de payer produit, après apposition de la formule exécutoire, tous les effets d'un jugement contradictoire ; qu'un jugement ne constitue un titre exécutoire que lorsqu'il a force exécutoire, ce qu'il n'acquiert qu'après avoir été signifié à celui contre lequel il est opposé ; qu'en considérant qu'près apposition de la formule exécutoire, l'ordonnance d'injonction de payer constituait un titre exécutoire, dont l'exécution est soumise à une prescription décennale, même en l'absence d'une signification au débiteur faite après l'apposition de la formule exécutoire, le tribunal judiciaire a violé les articles 1422 du code de procédure civile et L. 111-3 et L. 111-4 du code des procédures civiles d'exécution, ensemble les articles 502, 503 et 675 du code de procédure civile.
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 29 septembre 2022 M. PIREYRE, président Arrêt n° 974 F-B Pourvoi n° Q 21-16.220 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 29 SEPTEMBRE 2022 La société Les Maisons Batibal, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Q 21-16.220 contre l'arrêt rendu le 10 mars 2021 par la cour d'appel d'Orléans (chambre des urgences), dans le litige l'opposant à la Société d'assurance mutuelle du bâtiment et des travaux publics(SMABTP), dont le siège est [Adresse 2], prise qualité d'assureur de la société ID construction, défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Bohnert, conseiller référendaire, les observations de la SCP Le Bret-Desaché, avocat de la société Les Maisons Batibal, de la SCP L. Poulet-Odent, avocat de la Société d'assurance mutuelle du bâtiment et des travaux publics (SMABTP), et l'avis de M. Gaillardot, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 5 juillet 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Bohnert, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Orléans, 10 mars 2021), la société Les Maisons Batibal a interjeté appel, le 18 septembre 2020, de l'ordonnance de référé ayant rejeté sa demande tendant à voir déclarer communes et opposables à la Société d'assurance mutuelle du bâtiment et des travaux publics (SMABTP), en qualité d'assureur de la société ID construction, les opérations d'expertise en cours sur les malfaçons affectant un immeuble. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 2. La société les Maisons Batibal fait grief à l'arrêt de déclarer caduc son appel, alors « que l'erreur matérielle, révélée par l'objet du litige et les prétentions des parties, sur la qualité de l'intimé, affectant la première page des conclusions d'appelant, n'est pas de nature à entraîner la caducité de l'acte d'appel ; qu'en ayant constaté la caducité de l'acte d'appel, dès lors que si la société Les Maisons Batibal avait bien mentionné, dans l'acte d'appel, la qualité de la SMABTP d'assureur de la société ID construction, l'exposante avait ensuite, dans ses premières conclusions d'appelant déposées dans le délai légal, mentionné, en première page, que la SMABTP avait la qualité d'assureur de la société Vendôme Ravalement, ce qui ne constituait pourtant, au regard de l'objet du litige et des prétentions des parties, qu'une simple erreur matérielle, la cour d'appel a violé les articles 905-2 et 911 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Vu les articles 905-2 et 911 du code de procédure civile et l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 3. Selon le premier de ces textes, l'appelant dispose, à peine de caducité de la déclaration d'appel, relevée d'office par ordonnance du président de la chambre saisie ou du magistrat désigné par le premier président, d'un délai d'un mois à compter de la réception de l'avis de fixation de l'affaire à bref délai pour remettre ses conclusions au greffe. 4. Il résulte du second que sous la sanction prévue à l'article 905-2, ces conclusions sont notifiées dans le délai de leur remise au greffe ou, aux parties qui n'ont pas constitué avocat, au plus tard dans le mois suivant l'expiration du délai prévu à ce même article. 5. Pour déclarer caduc l'appel formé par la société Les Maisons Batibal, l'arrêt relève qu'un avis de fixation de l'affaire à bref délai lui a été adressé le 7 octobre 2020, qu'elle a établi des conclusions, en tête desquelles il est mentionné qu'elles ont été signifiées le 4 novembre 2020 à la « SMABTP Assureur de la SARL Vendôme Ravalement », qu'elle a signifié, le 6 novembre 2020, de nouvelles conclusions portant le même intitulé et qu'à l'expiration du délai d'un mois suivant l'avis de fixation à bref délai, l'appel était donc caduc à l'encontre de la SMABTP en qualité d'assureur d'ID construction. 6. En statuant ainsi, alors que l'erreur manifeste, affectant uniquement la première page des conclusions, en considération de l'objet du litige, tel que déterminé par les prétentions des parties devant les juges du fond, de la déclaration d'appel qui mentionne en qualité d'intimé la SMABTP en qualité d'assureur d'ID construction et du contenu des premières conclusions d'appel déposées qui fait bien référence à la qualité d'assureur de la société ID construction, n'était pas de nature à entraîner la caducité de la déclaration d'appel, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 mars 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Orléans ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles. Condamne la Société d'assurance mutuelle du bâtiment et des travaux publics (SMABTP), en sa qualité d'assureur de la société ID construction aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la Société d'assurance mutuelle du bâtiment et des travaux publics (SMABTP), en sa qualité d'assureur de la société ID construction et la condamne à payer à la société Les Maisons Batibal la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf septembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Le Bret-Desaché, avocat aux Conseils, pour la société Les Maisons Batibal LA SAS Les Maisons Batibal FAIT GRIEF A l'arrêt attaqué d'avoir déclaré caduc son appel 1°)- ALORS QUE l'erreur matérielle, révélée par l'objet du litige et les prétentions des parties, sur la qualité de l'intimé, affectant la première page des conclusions d'appelant, n'est pas de nature à entraîner la caducité de l'acte d'appel ; qu'en ayant constaté la caducité de l'acte d'appel, dès lors que si la société Les Maisons Batibal avait bien mentionné, dans l'acte d'appel, la qualité de la SMABTP d'assureur de la société ID Construction, l'exposante avait ensuite, dans ses premières conclusions d'appelant déposées dans le délai légal, mentionné, en première page, que la SMABTP avait la qualité d'assureur de la société Vendôme Ravalement, ce qui ne constituait pourtant, au regard de l'objet du litige et des prétentions des parties, qu'une simple erreur matérielle, la cour d'appel a violé les articles 905-2 et 911 du code de procédure civile ; 1°)- ALORS QUE l'erreur matérielle, révélée par l'objet du litige et les prétentions des parties, sur la qualité de l'intimé, affectant la première page des conclusions d'appelant, peut être rectifiée dans des conclusions ultérieures, même déposées hors délai d'un mois requis pour le circuit court ; qu'en ayant jugé que l'erreur sur la qualité de l'intimée, la SMABTP, figurant en première page des premières conclusions d'appelante de la société Les Maisons Batibal, n'avait pu être régularisée dans ses conclusions n° 3, la cour d'appel a violé les articles 115, 905-2 et 911 du code de procédure civile ; 3°)- ALORS QUE le droit à l'accès au juge s'oppose à ce qu'un acte d'appel régulier soit déclaré caduc, en raison de la seule erreur matérielle sur la qualité de l'intimé, affectant la première page des premières conclusions d'appelant ; qu'en ayant prononcé la caducité de l'acte d'appel déposé par la société Les Maisons Batibal, la cour d'appel a violé l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme.
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 29 septembre 2022 Cassation partielle sans renvoi M. PIREYRE, président Arrêt n° 960 F-B Pourvoi n° G 21-14.926 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 29 SEPTEMBRE 2022 1°/ M. [J] [ZN], 2°/ Mme [IK] [I], épouse [ZN], tous deux domiciliés [Adresse 25], ont formé le pourvoi n° G 21-14.926 contre l'arrêt rendu le 9 février 2021 par la cour d'appel de Rennes (1re chambre), dans le litige les opposant : 1°/ à M. [SY] [D], 2°/ à Mme [F] [NW], épouse [D], tous deux domiciliés [Adresse 14], 3°/ à la société Cap atlantic, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 22], représentée par son liquidateur, M. [J] [RJ] [ZN], 4°/ à M. [HB] [LD], 5°/ à Mme [S] [LD], tous deux domiciliés [Adresse 25], et venant aux droits de la société Cap atlantic, 6°/ à M. [G] [WP], 7°/ à Mme [YE] [U], épouse [WP], 8°/ à M. [X] [PA], 9°/ à Mme [FS] [PA], 10°/ à M. [E] [PF], 11°/ à Mme [Y] [T], épouse [PF], tous six domiciliés [Adresse 25], et venant aux droits d'[P] [Z], veuve [BJ], et de [R] [BJ], 12°/ à M. [RJ] [C], domicilié [Adresse 18], 13°/ à [R] [VL], 14°/ à [KY] [A], épouse [VL], tous deux ayant été domiciliés [Adresse 20], 15°/ à M. [B] [JU], 16°/ à Mme [L] [JU], tous deux domiciliés [Adresse 12], et venant aux droits de [O] [CZ], 17°/ à M. [AL] [N], domicilié [Adresse 21], pris en son nom personnel et en qualité d'héritier de [ST] [ZT], épouse [N], 18°/ à Mme [V] [N], domiciliée [Adresse 13], 19°/ à Mme [W] [N], épouse [H], domiciliée [Adresse 24], 20°/ à Mme [EI] [VL], domiciliée [Adresse 19], 21°/ à M. [K] [VL], domicilié [Adresse 15], 22°/ à M. [M] [VL], domicilié [Adresse 23], tous trois pris en qualité d'héritiers de [R] [VL] et [KY] [A], épouse [VL], décédés, défendeurs à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Kermina, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de M. et Mme [ZN], de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. et Mme [D], de la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat de Mme [V] [N] et Mme [W] [N] épouse [H], et l'avis de M. Aparisi, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 5 juillet 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Kermina, conseiller rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 9 février 2021) et les productions, à l'issue d'une adjudication, datant de 1967, en plusieurs lots, d'une parcelle située à [Localité 26] comportant une maison principale et des bâtiments annexes, et à la suite des cessions, et sous-divisions, successives des lots, M. et Mme [ZN] sont devenus propriétaires des lots désignés comme ceux de la maison principale. 2. Selon le cahier des charges de l'adjudication, il était prévu que l'allée menant à la maison principale resterait commune à tous les lots et que les acquéreurs des écuries, de la laiterie et du pré auraient un droit de passage de 4 mètres pour accéder à leurs lots. 3. Un litige étant né sur le statut de cette allée commune, dénommée [Adresse 22] instituée sur la parcelle BD [Cadastre 11], et desservant, à partir de la voie publique, au nord, jusqu'à sa partie sud, rétrécie sur 4 mètres, les parcelles le bordant, notamment la maison principale, un arrêt de la cour d'appel de Rennes du 17 janvier 2012, rendu entre M. et Mme [ZN] et les différents riverains, notamment Mmes [V] et [W] [N] (les consorts [N]), a dit que les droits cédés à M. et Mme [ZN] sur la parcelle BD [Cadastre 11] portaient sur la propriété privative de la partie sud, délimitée à partir du rétrécissement de la voie à 4 mètres, et sur la propriété indivise entre les riverains de la partie nord. 4. Cet arrêt a également débouté les consorts [N] de leur demande en revendication d'un droit de passage sur la partie sud de la parcelle BD [Cadastre 11] au profit de leur parcelle contigüe et leur a interdit de l'utiliser. 5. À la suite de cet arrêt, la parcelle BD [Cadastre 11] a été divisée en deux parcelles, en sa partie nord, BD [Cadastre 16], constituant le [Adresse 22], soumis à une indivision perpétuelle, et en sa partie sud, BD [Cadastre 17], constituant le chemin privé d'accès à la propriété bâtie de M. et Mme [ZN]. Parmi ces propriétés riveraines du chemin privé se trouvent celle des consorts [N] et celle de M. et Mme [D], qui ont acquis en 1987 différentes parcelles, notamment des consorts [N], et qui n'ont pas été appelés dans l'instance jugée par l'arrêt du 17 janvier 2012. 6. Se prévalant du droit de passage institué par le cahier des charges de 1967 reproduit dans leur acte d'acquisition, M. et Mme [D] ont utilisé depuis 1987 le [Adresse 22], depuis la voie publique, au nord, jusqu'à leur propriété, au sud du chemin. Sommés par M. et Mme [ZN], qui leur ont signifié l'arrêt du 17 janvier 2012, de cesser de passer sur leur parcelle privative BD [Cadastre 17] pour rejoindre leur propriété, M. et Mme [D] ont formé tierce opposition à cet arrêt. Examen des moyens Sur le premier moyen Enoncé du moyen 7. M. et Mme [ZN] font grief à l'arrêt de déclarer recevable la tierce opposition, de dire que la disposition de l'arrêt du 17 janvier 2012 par laquelle la cour a « débouté les consorts [N] de leur demande en revendication d'un droit de passage sur la partie Sud de la parcelle cadastrée BD [Cadastre 11] au profit de la parcelle jointive BD [Cadastre 5] » [en fait [Cadastre 8]] a uniquement porté sur l'absence de servitude de passage bénéficiant à la parcelle BD [Cadastre 8] sans se prononcer sur la servitude de passage grevant le fonds de M. et Mme [ZN] au profit des autres parcelles dépendant du lot n° 4 ayant fait l'objet de l'adjudication sur surenchère du 15 mars 1968 actuellement propriété de M. et Mme [D], de dire que la disposition par laquelle l'arrêt « fait interdiction aux consorts [N] d'user de ce passage sous astreinte de 40 euros par infraction constatée passé le délai d'un mois à compter de la signification de l'arrêt » est strictement personnelle aux consorts [N] en ce qu'ils sont propriétaires de la parcelle BD [Cadastre 8] et que cette interdiction ne concerne pas M. et Mme [D] en leur qualité de propriétaires des parcelles cadastrés section 177 BD [Cadastre 9] et [Cadastre 6], de dire que l'arrêt rendu par la cour d'appel de Rennes le 17 janvier 2012 ne comporte, relativement à la servitude créée par le cahier des charges dressé le 30 janvier 1967 au profit des parcelles dépendant du lot n° 4 actuellement cadastrées section 177 BD [Cadastre 9] et [Cadastre 6], aucune disposition affectant les droits de M. et Mme [D] sur cette servitude, de dire en conséquence qu'il n'y a pas lieu à rétracter ou à réformer l'arrêt rendu le 17 janvier 2012 et de condamner in solidum M. et Mme [J] [ZN] à payer aux consorts [N] une somme de 3 000 euros à titre de dommages-intérêts, alors : « 1° / que seule une personne y ayant intérêt est recevable à former tierce opposition ; que pour juger recevable la tierce opposition des époux [D], la cour d'appel a retenu que «M. et Mme [ZN] interprètent l'arrêt rendu par la cour d'appel de Rennes le 17 janvier 2012 comme ayant supprimé la servitude de passage stipulée au profit de la propriété des époux [D] par le cahier des charges rédigé en 1967» et que «se fondant exclusivement sur ledit arrêt pour interdire à M. et Mme [D] de continuer à utiliser le passage existant depuis la division du fonds en sept lots, ils lui attribuent une portée préjudiciable aux droits de M. et Mme [D], donnant ainsi à ceux-ci un intérêt à former tierce opposition à l'encontre de cette décision» ; qu'elle a cependant jugé que «la cour n'avait pas été saisie d'une demande portant sur la servitude instaurée en 1967 sauf à titre reconventionnel, de manière très limitée, par les consorts [N] qui en demandaient le bénéfice au seul profit de la parcelle BD n° [Cadastre 8] dont ils étaient restés propriétaires», ce dont elle a conclu que «l'arrêt n'a donc pas statué sur la servitude de passage stipulée par le cahier des charges de 1967 au profit des écuries, de la laiterie ainsi que du pré qui appartenaient à des tiers à ladite procédure», soulignant que «la disposition de l'arrêt invoquée par M. et Mme [ZN] est d'ailleurs parfaitement claire et dénuée de toute équivoque» ; qu'ainsi, en jugeant recevable la tierce opposition de M. et Mme [D], quand il s'évinçait de ses propres constatations qu'il était manifeste qu'aucun chef du dispositif de l'arrêt du 17 janvier 2012 ne concernait M. et Mme [D], lesquels n'avaient donc pas d'intérêt à le contester, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations, a violé les articles 31 et 583 du code de procédure civile ; 2°/ qu'est irrecevable la tierce opposition qui ne tend qu'à l'interprétation de la décision attaquée ; que pour déclarer recevable la tierce opposition de M. et Mme [D], la cour d'appel a considéré que «l'article 461 du code de procédure civile réserve le recours en interprétation aux parties à la procédure de sorte que les tiers n'ont d'autre alternative, lorsqu'une décision de justice leur est opposée, que d'agir par la voie de la tierce opposition à son encontre pour en discuter la portée» ; qu'en statuant ainsi, elle a violé les articles 461 et 582 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Recevabilité du moyen pris en sa première branche 8. M. et Mme [D] et les consorts [N] contestent la recevabilité du moyen pris en sa première branche. Il soutiennent, respectivement, que le grief est irrecevable en ce qu'il critique l'arrêt pour des motifs relatifs au bien-fondé de la demande de rétractation, et qu'il est contraire aux écritures de M. et Mme [ZN]. 9. Cependant, d'une part, la première branche ne critique que pour partie des motifs relatifs au fond et, d'autre part, si M. et Mme [ZN] ont soutenu, dans leurs conclusions devant la cour d'appel, que la tierce opposition formée par M. et Mme [D] était irrecevable en l'absence de chef de dispositif les concernant dans l'arrêt du 17 janvier 2012, ce n'est qu'à titre subsidiaire, et partant, sans contradiction, qu'ils ont développé, au fond, des moyens tendant à démontrer qu'il résultait de cet arrêt que le droit de passage revendiqué par M. et Mme [D] était dénié. 10. Le moyen, pris en sa première branche, est donc recevable. Bien-fondé du moyen 11. Selon l'article 583 du code de procédure civile, la tierce opposition n'est recevable que si la personne, non partie ni représentée au jugement qu'elle attaque, y a intérêt, cet intérêt, souverainement apprécié par les juges du fond, n'impliquant pas nécessairement que la décision attaquée ait statué sur les droits et obligations de l'opposant. 12. D'une part, après avoir constaté que M. et Mme [ZN], qui interprétaient l'arrêt du 17 janvier 2012 comme ayant supprimé la servitude de passage stipulée au profit de la propriété de M. et Mme [D] par le cahier des charges de 1967, se fondaient exclusivement sur cet arrêt pour leur interdire de continuer à utiliser le passage existant depuis la division du fonds en plusieurs lots, la cour d'appel a estimé que M. et Mme [ZN] attribuaient à cet arrêt une portée préjudiciable aux droits de M. et Mme [D], leur donnant ainsi un intérêt à former tierce opposition à l'encontre de cette décision. 13. D'autre part, il résulte de l'arrêt que le recours formé par M. et Mme [D] ne tend pas à l'interprétation de l'arrêt du 17 janvier 2012, mais à sa rétractation. 14. Le moyen, qui, en sa première branche, ne tend qu'à remettre en discussion devant la Cour de cassation l'appréciation souveraine, par la cour d'appel, de l'intérêt de M. et Mme [D] à former tierce opposition, et qui, en sa seconde branche, manque en fait, n'est, dès lors, pas fondé. Mais sur le second moyen Enoncé du moyen 15. M. et Mme [ZN] font grief à l'arrêt de les condamner in solidum à payer à Mme [V] [N] et à Mme [W] [N] épouse [H], une somme de 3 000 euros à titre de dommages-intérêts, alors « que l'effet dévolutif de la tierce opposition étant limité à la remise en question, relativement à son auteur, des points jugés qu'elle critique, le défendeur n'est pas recevable à présenter d'autres prétentions que celles tendant à faire écarter celles du tiers opposant ; qu'en l'espèce, il ressort de la procédure que M. et Mme [D] ont cru devoir former une tierce opposition contre l'arrêt de la cour d'appel de Rennes du 17 janvier 2012 et de la diriger notamment contre les consorts [N] ; qu'en faisant droit à la demande d'indemnisation des consorts [N], défendeurs à la tierce opposition, contre M. et Mme [ZN] également défendeurs à la tierce opposition, la cour d'appel a méconnu les limites de l'effet dévolutif de la tierce opposition et violé les articles 125 et 582 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Recevabilité du moyen 16. Les consorts [N] contestent la recevabilité du moyen. Ils soutiennent qu'il est nouveau et qu'il est contraire à la position défendue par M. et Mme [ZN] devant les juges du fond, qui n'ont pas conclu sur la demande de dommages-intérêts ni contesté sa recevabilité. 17. Cependant, le moyen, pris de ce que l'effet dévolutif de la tierce opposition est limité à la remise en question, relativement à son auteur, des points jugés qu'elle critique, est de pur droit. 18. Le moyen est donc recevable. Bien-fondé du moyen Vu l'article 582 du code de procédure civile : 19. Il résulte de ce texte que l'effet dévolutif de la tierce opposition étant limité à la remise en question, relativement à son auteur, des points jugés qu'elle critique, le défendeur n'est pas recevable à présenter d'autres prétentions que celles tendant à faire écarter celles du tiers opposant. 20. L'arrêt, statuant sur la demande des consorts [N], condamne M. et Mme [ZN] à leur payer une certaine somme à titre de dommages-intérêts en réparation de leur préjudice né de leur empêchement à réaliser la cession de leur immeuble en raison des allégations de M. et Mme [ZN], contraires à leurs moyens de défense invoqués dans le cadre de la procédure ayant abouti à l'arrêt du 17 janvier 2012 et de leur remise en cause injustifiée de l'existence des droits cédés à M. et Mme [D] en 1987. 21. En statuant ainsi, alors que la demande des consorts [N] était irrecevable, la cour d'appel a violé le texte susvisé. Portée et conséquences de la cassation 22. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile. 23. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond. 24. Il résulte de ce qui est dit aux paragraphes 18 et 20 que la demande de dommages-intérêts formée par les consorts [N] est irrecevable. Demande de mise hors de cause 25. La cassation étant prononcée sans renvoi, la demande de mise hors de cause de M. et Mme [D] est sans objet. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné in solidum M. et Mme [ZN] à payer à Mme [V] [N] et à Mme [W] [N] épouse [H], une somme de 3 000 euros à titre de dommages-intérêts, l'arrêt rendu le 9 février 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; DÉCLARE IRRECEVABLE la demande de dommages-intérêts formée par Mmes [V] [N] et [W] [N] épouse [H] à l'encontre de M. et Mme [ZN]. Condamne M. et Mme [D], la société Cap atlantic représentée par son liquidateur M. [J] [RJ] [ZN], M. et Mme [LD] venant aux droits de la société Cap atlantic, M. et Mme [WP], M. et Mme [PA], M. et Mme [PF], ces six derniers venant aux droits d'[P] [Z] veuve [BJ] et [R] [BJ], M. [C], [R] [VL], [KY] [A] épouse [VL], M. et Mme [JU] venant aux droits de [O] [CZ], M. [AL] [N] en son nom personnel et en qualité d'héritier de [ST] [ZT] épouse [N], Mme [V] [N], Mme [W] [N] épouse [H], Mme [EI] [VL], MM. [K] et [M] [VL], ces trois derniers en qualité d'héritiers de [R] [VL] et [KY] [A] épouse [VL], aux dépens, en ce compris ceux exposés devant la cour d'appel de Rennes statuant sur la tierce opposition ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. et Mme [ZN] à l'encontre de M. et Mme [D] et la demande formée par Mmes [V] [N] et [W] [N] épouse [H] et condamne M. et Mme [ZN] à payer à M. et Mme [D] la somme globale de 3 000 euros et Mmes [V] [N] et [W] [N] épouse [H] à payer à M. et Mme [ZN] la somme globale de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf septembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat aux Conseils, pour M. et Mme [ZN] PREMIER MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré recevable la tierce opposition formée par les époux [D] à l'encontre de l'arrêt rendu le 17 janvier 2012 par la cour d'appel de Rennes et, en conséquence : d'AVOIR dit que la disposition de l'arrêt du 17 janvier 2012 par laquelle la cour a «débouté les consorts [N] de leur demande en revendication d'un droit de passage sur la partie Sud de la parcelle cadastrée BD [Cadastre 11] au profit de la parcelle jointive BD [Cadastre 5]» [en fait [Cadastre 8]] a uniquement porté sur l'absence de servitude de passage bénéficiant à la parcelle BD n° [Cadastre 8] sans se prononcer sur la servitude de passage grevant le fonds des époux [ZN] au profit des autres parcelles dépendant du lot n° 4 ayant fait l'objet de l'adjudication sur surenchère du 15 mars 1968 actuellement propriété des époux [D] ; d'AVOIR dit que la disposition par laquelle l'arrêt «fait interdiction aux consorts [N] d'user de ce passage sous astreinte de 40 euros par infraction constatée passé le délai d'un mois à compter de la signification de l'arrêt» est strictement personnelle aux consorts [N] en ce qu'ils sont propriétaires de la parcelle BD n° [Cadastre 8] et que cette interdiction ne concerne pas les époux [D] en leur qualité de propriétaires des parcelles cadastrés section 177 BD [Cadastre 9] et [Cadastre 6] ; d'AVOIR dit que l'arrêt rendu par la cour d'appel de Rennes le 17 janvier 2012 ne comporte, relativement à la servitude créée par le cahier des charges dressé le 30 janvier 1967 au profit des parcelles dépendant du lot n° 4 actuellement cadastrées section 177 BD [Cadastre 9] et [Cadastre 6], aucune disposition affectant les droits des époux [D] sur cette servitude ; d'AVOIR dit en conséquence qu'il n'y a pas lieu à rétracter ou à réformer l'arrêt rendu le 17 janvier 2012 ; d'AVOIR condamné in solidum M. et Mme [J] [ZN] à payer à Mme [V] [N] et à Mme [W] [N] épouse [H], une somme de 3 000 euros à titre de dommages-intérêts ; AUX MOTIFS QUE, sur la recevabilité de la tierce opposition, Aux termes de l'article 582 du code de procédure civile, «La tierce opposition tend à faire rétracter ou réformer un jugement au profit du tiers qui l'attaque. Elle remet en question relativement à son auteur les points jugés qu'elle critique, pour qu'il soit à nouveau statué en fait et en droit.» ; que l'article 583 précise qu'est recevable à former tierce opposition toute personne qui y a intérêt, à la condition qu'elle n'ait été ni partie ni représentée au jugement qu'elle attaque ; que l'article 586 énonce quant à lui : «La tierce opposition est ouverte à titre principal pendant trente ans à compter du jugement à moins que la loi n'en dispose autrement. Elle peut être formée sans limitation de temps contre un jugement produit au cours d'une autre instance par celui auquel on l'oppose. En matière contentieuse, elle n'est cependant recevable, de la part du tiers auquel le jugement a été notifié, que dans les deux mois de cette notification, sous réserve que celle-ci indique de manière très apparente le délai dont il dispose ainsi que les modalités selon lesquelles le recours peut être exercé.» ; que les conditions d'exercice édictées par les dispositions sus-rappelées sont réunies dès lors que les époux [D] n'ont pas été parties à la procédure ayant abouti à l'arrêt du 17 janvier 2012 et que ce recours a été formé dans le délai de deux mois de la signification qui leur en a été faite ; que, pour contester la recevabilité de la tierce opposition, les consorts [N] font valoir que l'arrêt du 17 janvier 2012 ne lèse pas les droits des époux [D] puisqu'il renvoie, s'agissant de l'utilisation de la partie sud du [Adresse 22] actuellement cadastré BD [Cadastre 17], au cahier des charges établi le 30 janvier 1967 établissant une servitude de passage au profit de leur fonds ; que les époux [ZN] contestent également la recevabilité de la tierce opposition au motif que les tiers opposants n'ont pas d'intérêt à agir dès lors qu'ils ne critiquent précisément aucune disposition de l'arrêt du 17 janvier 2012, prétendant au contraire que cette décision est sans effets sur leurs droits ; que, cependant les époux [ZN] exposent parallèlement : - qu'ils dénient aux époux [D] tout droit à une servitude de passage sur la parcelle 177 BD [Cadastre 17] au motif que la cour d'appel de Rennes a, dans son arrêt du 17 janvier 2012, interdit aux consorts [N] tout passage sur cette parcelle, - que tenant leurs droits des consorts [N], les époux [D] n'ont pu se voir transmettre plus de droits que ceux détenus par leurs auteurs, - qu'aux fins d'opposabilité de cet arrêt et afin de leur dénier le bénéfice de la servitude figurant dans leur titre, ils ont fait signifier l'arrêt du 17 janvier 2012 aux époux [D], - qu'ils leur ont, par lettre recommandée de leur conseil en date du 1 mars 2019, interdit er tout droit de passage sur la parcelle 177 BD n° [Cadastre 17] et les ont invités à se rapprocher de leurs auteurs, les consorts [N], pour régler la difficulté d'une servitude consentie par des vendeurs qui n'en bénéficiaient pas ; qu'il se déduit de cette argumentation que les époux [ZN] interprètent l'arrêt rendu par la cour d'appel de Rennes le 17 janvier 2012 comme ayant supprimé la servitude de passage stipulée au profit de la propriété des époux [D] par le cahier des charges rédigé en 1967 ; que, se fondant exclusivement sur ledit arrêt pour interdire aux époux [D] de continuer à utiliser le passage existant depuis la division du fonds en sept lots, ils lui attribuent une portée préjudiciable aux droits des époux [D], donnant ainsi à ceux-ci un intérêt à former tierce opposition à l'encontre de cette décision ; que le moyen tiré de l'irrecevabilité du recours sera en conséquence rejeté, étant à titre superfétatoire relevé que le litige porte en fait sur l'interprétation d'une décision de justice ; qu'or l'article 461 du code de procédure civile réserve le recours en interprétation aux parties à la procédure de sorte que les tiers n'ont d'autre alternative, lorsqu'une décision de justice leur est opposée, que d'agir par la voie de la tierce opposition à son encontre pour en discuter la portée ; ET AUX MOTIFS QUE, sur le fond, le raisonnement selon lequel en jugeant que la servitude ne bénéficiait pas à la parcelle cadastrée BD n° [Cadastre 8] restée la propriété des consorts [N], l'arrêt du 17 janvier 2012 a jugé qu'elle ne bénéficiait pas davantage aux parcelles cadastrées section BD n° [Cadastre 6] et n° [Cadastre 9] dont les consorts [N] n'étaient plus propriétaires le 19 mai 2004, jour de l'assignation introductive d'instance, ne ressort ni du dispositif, ni des motifs de l'arrêt. Il n'est pas davantage conforté par une argumentation juridique pertinente ; qu'en effet, la cour n'avait pas été saisie d'une demande portant sur la servitude instaurée en 1967 sauf à titre reconventionnel, de manière très limitée, par les consorts [N] qui en demandaient le bénéfice au seul profit de la parcelle BD n° [Cadastre 8] dont ils étaient restés propriétaires ; que l'arrêt n'a donc pas statué sur la servitude de passage stipulée par le cahier des charges de 1967 au profit des écuries, de la laiterie ainsi que du pré qui appartenaient à des tiers à ladite procédure ; que la disposition de l'arrêt invoquée par les époux [ZN] est d'ailleurs parfaitement claire et dénuée de toute équivoque, en ce qu'elle déboute les consorts [N] «de leur demande en revendication d'un droit de passage sur la partie Sud de la parcelle cadastrée BD [Cadastre 11] au profit de la parcelle jointive BD [Cadastre 5]» [en fait [Cadastre 8]], étant rappelé qu'il n'était pas prétendu que la parcelle BD [Cadastre 8] correspondait «aux écuries, à la laiterie et au pré » au profit desquels la servitude avait été constituée par le cahier des charges rédigé en 1967 : qu'or une servitude est une charge imposée à un héritage pour l'usage et l'utilité d'un héritage appartenant à un propriétaire différent ; qu'il s'agit d'un droit attaché à un fonds et non à une personne ; que, dès lors, l'interdiction faite aux consorts [N] de passer sur la parcelle 177 BD [Cadastre 17] appartenant aux époux [ZN] pour la desserte de leur parcelle BD [Cadastre 8] située à l'Ouest de la maison principale est sans effet sur l'existence de la servitude créée par le cahier des charges de 1967 au profit de l'écurie, de la laiterie et du pré situés au Sud de la maison principale, actuellement cadastrés BD [Cadastre 9] et BD [Cadastre 6] (s'agissant de la laiterie et des écuries), le pré étant propriété d'un tiers ; que l'interprétation de l'arrêt faisant l'objet de la tierce opposition avancée par les époux [ZN] est contraire à leurs conclusions déposées le 1 février 2010 devant la er cour dans la procédure ayant abouti au dit arrêt ; qu'en effet dans leurs écritures, commentant la motivation des premiers juges, ils affirmaient textuellement (la typographie étant respectée) : «M. [N].... s'est porté adjudicataire le 15 mars 1968 sur surenchère du lot n° 4 de la vente judiciaire ROY. [...] Le lot n° 4 était dénommé dans le cahier des charges de la vente sur saisie immobilière COMME ETANT L'ECURIE ET LA LAITERIE et bénéficiait d'un droit de passage d'une assiette de 4 mètres. [...] les héritiers [N] vont vendre à M. et Mme [D]... les parcelles BD [Cadastre 9] et BD [Cadastre 7], c'est-à-dire la laiterie et l'écurie, ne conservant que la parcelle BD [Cadastre 8] dont l'accès est effectué par le nord de la parcelle comme l'indique à juste titre le tribunal de grande instance de Saint-Nazaire. [...] Le fonds aujourd'hui propriété des consorts [D] dispose, et lui seul, d'une servitude de passage sur le fond aujourd'hui appartenant à M. et Mme [ZN] pour se rendre sur leur lot constituant l'ancienne laiterie et l'écurie, "par le chemin le plus court et le moins dommageable".» ; qu'après avoir ainsi affirmé avec force que le fonds dominant bénéficiaire de la servitude grevant leur fonds (dont ils ne contestaient pas l'existence) était devenu pour le tout la propriété des époux [D] de sorte que seuls ceux-ci en disposaient, les époux [ZN] ne peuvent aujourd'hui de bonne foi prétendre que l'arrêt qui s'est borné, sur ce point, à accueillir leur moyen de défense, a supprimé implicitement la servitude instaurée par le cahier des charges de 1967 au profit du fonds appartenant aux dits époux [D], ce qui n'était pas l'objet du litige ; qu'en effet, l'arrêt a seulement validé leur interprétation selon laquelle la dite servitude ne bénéficiait pas à la parcelle BD [Cadastre 8] mais uniquement au fonds cédé vingt-cinq ans plus tôt par les consorts [N] aux époux [D] ; qu'a fortiori il n'est pas possible de déduire de l'arrêt de 2012 que les consorts [N] étaient sans droit à céder, en 1987, avec les parcelles BD n° [Cadastre 9] et [Cadastre 6], l'accessoire constitué par la servitude de passage instaurée par le cahier des charges de 1967 ; que ceci n'a jamais fait l'objet du litige engagé par la société Cap Atlantique et les époux [ZN] en 2004, les demandeurs se prévalant au contraire de cette cession dont ils ne discutaient pas la validité ; que c'est dès lors abusivement que les époux [ZN] prétendent dorénavant qu'en jugeant en 2012 que la servitude ne bénéficiait pas à la parcelle BD [Cadastre 8], la cour aurait implicitement supprimé rétroactivement la servitude conventionnelle de passage bénéficiant aux parcelles cédées en 1987 ; que vainement se prévalent-ils de l'article 700 du code civil selon lequel «Si l'héritage pour lequel la servitude a été établie vient à être divisé, la servitude reste due pour chaque portion, sans néanmoins que la condition du fonds assujetti soit aggravée. Ainsi, par exemple, s'il s'agit d'un droit de passage, tous les copropriétaires seront obligés de l'exercer par le même endroit.» ; qu'en effet, suivant en cela l'argumentation des époux [ZN], la cour a estimé que la servitude ne bénéficiait pas à la parcelle n° [Cadastre 8] et non pas que le fonds dominant, bénéficiaire de la servitude, avait été divisé ; que ce texte est dès lors sans objet pour apprécier la portée de la servitude conventionnelle de passage ; que, de même, le moyen tiré de l'effet relatif des contrats est tout aussi inopérant, la servitude litigieuse n'ayant pas été créée par l'acte de vente de 1987 qui ne fait qu'en rappeler l'existence mais par le cahier des charges de 1967 opposable aux propriétaires de l'ensemble des parcelles issues des lots adjugés en 1967 et 1968 et donc aux époux [ZN] dont les auteurs ont acquis les lots n° 1 et 2 ; qu'en 1987, les époux [N] étaient propriétaires de l'intégralité du lot n° 4 de sorte qu'ils pouvaient valablement en transmettre la partie bénéficiaire de la servitude avec le droit réel qui y était attaché ; que c'est seulement l'existence de la cession du fonds dominant qui a permis en 2012 à la cour, suivant en cela le raisonnement juridique des époux [ZN], de dire que les consorts [N] ne pouvaient plus se prévaloir de la servitude au profit de la parcelle sise à l'Ouest de la maison principale qu'ils avaient conservée ; que, dès lors, c'est à juste titre que les époux [D] entendent faire juger que l'arrêt du 17 janvier 2012 n'a aucun effet sur leurs droits relativement à cette servitude ; qu'enfin, à titre superfétatoire, il sera souligné que les époux [ZN] sont mal venus à soutenir, sans aucune argumentation sinon le fait que la maison est actuellement baptisée "la Bergerie", que les époux [D] ne justifiaient pas être propriétaires de la partie du lot n° 4 constituant le fonds dominant. Outre les explications détaillées parfaitement explicites contenues dans leurs conclusions de 2010 sus-reproduites, ils ont en effet dans leurs conclusions du 19 juin 2013 devant le tribunal d'instance de Saint-Nazaire, à l'occasion de l'action en bornage, exposé les éléments suivants : «les consorts [N], auteurs des consorts [D], ont été adjudicataires du lot n° 4, comprenant : "Ecuries, laiterie, et débarras en état de délabrement avec aire et ancien jardin, à l'ouest de l'article précédent, et paraissant cadastré section L numéros [Cadastre 1], [Cadastre 2] (erreur), [Cadastre 3] pour dix-neuf ares quatre vingts centiares" ; qu'après division, les parcelles de ce lot sont devenues 177 BD n° [Cadastre 4], [Cadastre 8], [Cadastre 9], [Cadastre 10] et [Cadastre 6] ; que les consorts [D] sont propriétaires des parcelles actuellement cadastrées 177 BD n° [Cadastre 9], [Cadastre 10] et [Cadastre 6] correspondant aux écuries et à la laiterie, telles que décrites au cahier des charges.» ; que les affirmations sus-reproduites portent sur des éléments de fait et non sur des analyses juridiques de sorte qu'elles font, jusqu'à démonstration contraire par leurs auteurs, preuve de la situation matérielle qu'elles décrivent ; qu'elles sont d'ailleurs confortées par le rapport d'expertise judiciaire de M. [WV] homologué par jugement du 8 avril 2015, qui conclut que le lot n° 4 comportant l'écurie et la laiterie a été vendu à M. [D], le solde étant conservé par la famille [N] ; qu'il n'appartient pas à la cour saisie uniquement de la tierce opposition à l'arrêt du 17 janvier 2012 de statuer sur l'existence et l'assiette de la servitude de passage instituée par le cahier des charges de 1967 au profit du lot n° 4, s'agissant de demandes nouvelles étrangères à la procédure ayant abouti à cet arrêt. Dès lors la demande de sursis à statuer jusqu'à la décision sur l'existence de la servitude engagée les 16, 18 et 19 novembre 2020 devant le tribunal judiciaire de Saint-Nazaire, irrecevable comme sollicitée tardivement, serait en toute hypothèse inutile ; que, cependant la tierce opposition a été rendue nécessaire par les prétentions des époux [ZN] qui ont prétendu se prévaloir d'une interprétation tendancieuse du dit arrêt pour contredire les droits réels dont ils avaient admis l'existence dans le cadre de la procédure y ayant abouti de sorte que les dépens de la tierce opposition leur incomberont de même que les frais non compris dans les dépens qu'ils ont contraint leurs adversaires à exposer ; que, par leurs allégations contraires aux moyens de défense qu'ils avaient invoqués à leur encontre dans le cadre de la procédure ayant abouti à l'arrêt du 17 janvier 2012 et par la remise en cause injustifiée de l'existence des droits cédés aux époux [D] en 1987, les époux [ZN] ont indûment empêché les consorts [N] de réaliser leur projet de cession de leur immeuble ; qu'ils leur ont ainsi occasionné un préjudice de trésorerie qui sera indemnisé par l'allocation d'une somme de 3 000 euros ; 1) ALORS QUE seule une personne y ayant intérêt est recevable à former tierce opposition ; que pour juger recevable la tierce opposition des époux [D], la cour d'appel a retenu que «les époux [ZN] interprètent l'arrêt rendu par la cour d'appel de Rennes le 17 janvier 2012 comme ayant supprimé la servitude de passage stipulée au profit de la propriété des époux [D] par le cahier des charges rédigé en 1967» et que «se fondant exclusivement sur ledit arrêt pour interdire aux époux [D] de continuer à utiliser le passage existant depuis la division du fonds en sept lots, ils lui attribuent une portée préjudiciable aux droits des époux [D], donnant ainsi à ceux-ci un intérêt à former tierce opposition à l'encontre de cette décision» ; qu'elle a cependant jugé que «la cour n'avait pas été saisie d'une demande portant sur la servitude instaurée en 1967 sauf à titre reconventionnel, de manière très limitée, par les consorts [N] qui en demandaient le bénéfice au seul profit de la parcelle BD n° [Cadastre 8] dont ils étaient restés propriétaires», ce dont elle a conclu que «l'arrêt n'a donc pas statué sur la servitude de passage stipulée par le cahier des charges de 1967 au profit des écuries, de la laiterie ainsi que du pré qui appartenaient à des tiers à ladite procédure», soulignant que «la disposition de l'arrêt invoquée par les époux [ZN] est d'ailleurs parfaitement claire et dénuée de toute équivoque» ; qu'ainsi, en jugeant recevable la tierce opposition des époux [D], quand il s'évinçait de ses propres constatations qu'il était manifeste qu'aucun chef du dispositif de l'arrêt du 17 janvier 2012 ne concernait les époux [D], lesquels n'avaient donc pas d'intérêt à le contester, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations, a violé les articles 31 et 583 du code de procédure civile ; 2) ALORS QU'est irrecevable la tierce opposition qui ne tend qu'à l'interprétation de la décision attaquée ; que pour déclarer recevable la tierce opposition des époux [D], la cour d'appel a considéré que «l'article 461 du code de procédure civile réserve le recours en interprétation aux parties à la procédure de sorte que les tiers n'ont d'autre alternative, lorsqu'une décision de justice leur est opposée, que d'agir par la voie de la tierce opposition à son encontre pour en discuter la portée» ; qu'en statuant ainsi, elle a violé les articles 461 et 582 du code de procédure civile. SECOND MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné in solidum M. et Mme [J] [ZN] à payer à Mme [V] [N] et à Mme [W] [N] épouse [H], une somme de 3 000 euros à titre de dommages-intérêts ; AUX ÉNONCIATIONS QUE les consorts [N], auteurs des époux [D], demandent à la cour de [?] condamner les époux [ZN] à leur payer la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice subi ; AUX MOTIFS QUE par leurs allégations contraires aux moyens de défense qu'ils avaient invoqués à leur encontre dans le cadre de la procédure ayant abouti à l'arrêt du 17 janvier 2012 et par la remise en cause injustifiée de l'existence des droits cédés aux époux [D] en 1987, les époux [ZN] ont indûment empêché les consorts [N] de réaliser leur projet de cession de leur immeuble ; qu'ils leur ont ainsi occasionné un préjudice de trésorerie qui sera indemnisé par l'allocation d'une somme de 3 000 euros ; ALORS QUE l'effet dévolutif de la tierce opposition étant limité à la remise en question, relativement à son auteur, des points jugés qu'elle critique, le défendeur n'est pas recevable à présenter d'autres prétentions que celles tendant à faire écarter celles du tiers opposant ; qu'en l'espèce, il ressort de la procédure que les époux [D] ont cru devoir former une tierce opposition contre l'arrêt de la cour d'appel de Rennes du 17 janvier 2012 et de la diriger notamment contre les consorts [N] ; qu'en faisant droit à la demande d'indemnisation des consorts [N], défendeurs à la tierce opposition, contre les époux [ZN] également défendeurs à la tierce opposition, la cour d'appel a méconnu les limites de l'effet dévolutif de la tierce opposition et violé les articles 125 et 582 du code de procédure civile. 2e Civ., 7 janvier 1999, pourvoi n° 95-21.197
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 29 septembre 2022 M. PIREYRE, président Arrêt n° 957 FS-B Pourvoi n° G 20-22.558 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 29 SEPTEMBRE 2022 1°/ Mme [F] [A], épouse [B], domiciliée [Adresse 4], agissant en son nom propre et en qualité d'héritière d'[R] [D] [B], 2°/ Mme [U] [B], épouse [M], domiciliée [Adresse 7], 3°/ Mme [V] [B], domiciliée [Adresse 9], 4°/ Mme [O] [B], épouse [S], domiciliée [Adresse 10], 5°/ Mme [C] [B], domiciliée [Adresse 4], 6°/ Mme [Y] [B], domiciliée [Adresse 1], toutes cinq agissant en qualité d'héritières d'[R] [D] [B], ont formé le pourvoi n° G 20-22.558 contre l'arrêt rendu le 5 novembre 2020 par la cour d'appel de Bordeaux (2e chambre civile), dans le litige les opposant : 1°/ à la société HSBC continental Europe, société anonyme, dont le siège est [Adresse 8], anciennement dénommée société HSBC France, 2°/ à la trésorerie de Saint-Georges-lès-Baillargeaux, dont le siège est [Adresse 3], prise en son établissement [Adresse 2], 3°/ à la société Mady-Gillet-Briand, société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 6], défenderesses à la cassation. Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Cardini, conseiller référendaire, les observations de la SARL Corlay, avocat de Mme [F] [A], épouse [B], en son nom propre et en qualité d'héritière d'[R] [D] [B], et de Mmes [U], [V], [O], [C] et [Y] [B], en qualité d'héritières d'[R] [D] [B], de la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de la société HSBC continental Europe, et l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l'audience publique du 5 juillet 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Cardini, conseiller référendaire rapporteur, en présence de Mme [Z], auditrice au service de documentation, des études et du rapport, Mme Martinel, conseiller doyen, Mmes Kermina, Durin-Karsenty, M. Delbano, conseillers, Mmes Jollec, Bohnert, Dumas, Latreille, Bonnet, conseillers référendaires, Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, et Mme Thomas, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 5 novembre 2020) et les productions, sur des poursuites de saisie immobilière engagées par la société HSBC France, dénommée désormais HSBC continental Europe (la banque) à l'encontre d'[R] [B], décédé le [Date décès 5] 2019, et de Mme [F] [A], veuve [B], l'arrêt ayant statué sur l'appel d'un jugement rendu au terme d'une audience d'orientation a été cassé avec renvoi par arrêt de la Cour de cassation (2e Civ., 31 janvier 2019, pourvoi n° 17-27.508). 2. La banque a saisi la cour d'appel de renvoi par déclaration du 1er avril 2019 et déposé une requête à fin d'assignation à jour fixe, à laquelle il a été fait droit par ordonnance du premier président de cette juridiction. 3. La banque a fait signifier, par acte du 19 avril 2019, la déclaration de saisine, la requête à jour fixe et l'assignation devant la cour d'appel à Mme [F] [B], à la SCP Mady-Gillet-Briand, à la trésorerie de Saint-Georges-lès-Baillargeaux et à [R] [B] avec la mention « l'acte étant délivré à l'adresse du défunt pour ses héritiers et ayants droit », puis a appelé en intervention forcée, par actes du 25 septembre 2019, Mmes [U], [V], [O], [C] et [Y] [B] en leur qualité d'héritières du de cujus. Examen des moyens Sur le deuxième et le troisième moyens, ci-après annexés 4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen Enoncé du moyen 5. Mmes [F], [U], [V], [O], [C] et [Y] [B] font grief à l'arrêt de déclarer recevable la déclaration de saisine de la cour d'appel de Bordeaux, alors « qu'une assignation délivrée au nom de personnes décédées est frappée d'une irrégularité de fond que ne peut couvrir la reprise de l'instance par les héritiers ; qu'en l'espèce la banque HSBC a fait signifier sa déclaration de saisine, la requête à jour fixe et l'assignation devant la cour d'appel de Bordeaux à Madame [B], à la SCP Mady-Gillet-Briand, à la trésorerie de Saint-Georges lès Baillargeaux et à Monsieur [R] [B] alors que celui était décédé ; que la cour d'appel a alors constaté que « la déclaration de saisine du 1er avril 2019 est entachée de nullité pour inobservation des règles de fond relatives aux actes de procédure » ; qu'en décidant néanmoins que la procédure était régularisée par l'assignation postérieure des héritiers de M. [R] [B], la cour d'appel a violé les articles 16 et 121 du code de procédure civile, ensemble l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme. » Réponse de la Cour 6. Il résulte des articles 631 et 1032 du code de procédure civile qu'en cas de renvoi après cassation, l'instance se poursuit devant la juridiction de renvoi, qui est saisie par une déclaration au greffe. Selon l'article 1036 du même code, le greffier de la juridiction de renvoi adresse aussitôt, par lettre simple, à chacune des parties à l'instance de cassation, copie de la déclaration avec, s'il y a lieu, l'indication de l'obligation de constituer avocat. En cas de non-comparution, les parties défaillantes sont citées de la même manière que le sont les défendeurs devant la juridiction dont émane la décision cassée. 7. Par conséquent, lorsque l'arrêt d'appel cassé a été rendu selon la procédure à jour fixe, les formalités relatives à cette procédure n'ont pas à être réitérées, l'instruction étant reprise devant la cour d'appel de renvoi en l'état de la procédure non atteinte par la cassation. 8. Par ce motif de pur droit, substitué d'office à ceux critiqués par le moyen, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile, l'arrêt se trouve, dès lors que l'assignation alléguée d'irrégularité ne constituait pas un acte de procédure requis, légalement justifié. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi. Condamne Mmes [F], [U], [V], [O], [C] et [Y] [B] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mmes [F], [U], [V], [O], [C] et [Y] [B] et les condamne à payer à la société HSBC continental Europe la somme globale de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf septembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SARL Corlay, avocat aux Conseils, pour Mme [F] [A], épouse [B], en son nom propre et en qualité d'héritière d'[R] [D] [B], et Mmes [U], [V], [O], [C] et [Y] [B], en qualité d'héritières d'[R] [D] [B] Sur le premier moyen de cassation Les exposantes font grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré recevable la déclaration de saisine de la cour d'appel de Bordeaux ; Alors qu'une assignation délivrée au nom de personnes décédées est frappée d'une irrégularité de fond que ne peut couvrir la reprise de l'instance par les héritiers ; qu'en l'espèce la banque HSBC a fait signifier sa déclaration de saisine, la requête à jour fixe et l'assignation devant la cour d'appel de Bordeaux à Madame [B], à la SCP Mady-Gillet-Briand, à la trésorerie de Saint-Georges les Baillargeaux et à Monsieur [R] [B] alors que celui était décédé ; que la cour d'appel a alors constaté que « la déclaration de saisine du 1er avril 2019 est entachée de nullité pour inobservation des règles de fond relatives aux actes de procédure » ; qu'en décidant néanmoins que la procédure était régularisée par l'assignation postérieure des héritiers de M. [R] [B], la cour d'appel a violé les articles 16 et 121 du code de procédure civile, ensemble l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme. Subsidiairement, sur le deuxième moyen de cassation Les exposantes font grief à l'arrêt attaqué de n'avoir annulé le jugement du 24 janvier 2017 qu'en ce qu'il a constaté que les conditions des articles L311-2, L311-4 et L311-6 du code des procédures civiles d'exécution n'étaient pas réunies s'agissant de l'acte notarié du 4 avril 2006 sans respecter le principe du contradictoire ; Alors que les consorts [B] faisaient valoir dans leurs conclusions (p. 11 in fine et p. 12) ) que lors de l'audience du 13 décembre 2016, le juge de l'exécution avait indiqué qu'il n'examinerait que la question de l'incidence de la procédure de surendettement sur la procédure de saisie immobilière ; que dans le jugement du 24 janvier 2017 il a statué au-delà de cette seule question sans permettre aux parties de débattre de l'ensemble des éléments susceptibles d'être examiné par le juge de l'exécution si bien que le jugement en son entier encourait l'annulation ; que la cour d'appel n'a pas répondu à ce moyen dirimant, en violation de l'article 455 du code de procédure civile. Plus subsidiairement encore, sur le troisième moyen de cassation Les exposantes font grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevables leurs demandes portant sur la forclusion et/ou la prescription de la créance de la banque HSBC et en conséquence d'avoir constaté que les conditions des articles L 311-2, L 311-4 et L 311-6 du code des procédures civiles d'exécution sont réunies, tant en ce qui concerne le jugement prononcé le 3 avril 2009 par le tribunal d'instance de Poitiers, qu'en ce qui concerne l'acte notarié du 4 avril 2006, tous les deux cités dans le commandement aux fins de saisie immobilière. Alors qu'en application du principe de contradiction, les parties doivent avoir été mises en mesure de présenter leurs observations sur les éléments soulevés ; qu'il est acquis que le jeu de l'article R311-5 du code des procédures civiles d'exécution ne saurait faire échec à ce principe ; qu'en l'espèce les parties n'avaient pas été mises en mesure de présenter leurs observations sur la question de la prescription ou de la forclusion de la créance lors de l'audience d'orientation ; qu'en considérant néanmoins que les demandes des consorts [B] étaient irrecevables en vertu de l'article R. 311-5 du code des procédures civiles d'exécution, la cour d'appel a violé ladite disposition, le principe de contradiction et l'article 16 du code de procédure civile ensemble l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme ;
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 29 septembre 2022 Cassation sans renvoi M. PIREYRE, président Arrêt n° 955 FS-B Pourvoi n° E 21-23.456 Aide juridictionnelle totale en demande au profit de Mme [H]. Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 15 octobre 2021. Aide juridictionnelle totale en défense au profit de l'Aseaj. Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 15 mars 2022. R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 29 SEPTEMBRE 2022 Mme [W] [H], domiciliée [Adresse 4]), a formé le pourvoi n° E 21-23.456 contre l'arrêt rendu le 1er juillet 2021 par la cour d'appel de Besançon (chambre spéciale des mineurs - assistance éducative), dans le litige l'opposant : 1°/ au Pôle des solidarités du Jura, dont le siège est [Adresse 2], 2°/ à M. [I] [D], domicilié [Adresse 1], 3°/ à l'Association de sauvegarde de l'enfance à l'adulte du Jura (Aseaj), dont le siège est [Adresse 3], prise en qualité de mandataire ad hoc de [V] [S], 4°/ au procureur général près la cour d'appel de Besançon, domicilié [Adresse 5], défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Delbano, conseiller, les observations de la SCP Yves et Blaise Capron, avocat de Mme [H], de la SCP Foussard et Froger, avocat du Pôle des solidarités du Jura, de la SCP Gadiou et Chevallier, avocat de l'Aseaj, et l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l'audience publique du 5 juillet 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Delbano, conseiller rapporteur, en présence de Mme [Z], auditrice au service de documentation, des études et du rapport, Mme Martinel, conseiller doyen, Mmes Kermina, Durin-Karsenty, conseillers, Mmes Jollec, Bohnert, M. Cardini, Mmes Dumas, Latreille, Bonnet, conseillers référendaires, Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, et Mme Thomas, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Besançon, 1er juillet 2021) et les productions, Mme [H] a, par déclaration du 25 janvier 2021 établie et transmise par un avocat, interjeté appel du jugement d'un juge des enfants ayant renouvelé jusqu'au 31 janvier 2022 la mesure éducative de sa fille avec placement au domicile du père. Examen du moyen Enoncé du moyen 2. Mme [H] fait grief à l'arrêt de constater que la cour d'appel de Besançon n'était saisie d'aucune demande en l'absence d'effet dévolutif de l'appel interjeté par elle, alors « qu'il résulte des dispositions des articles 562 et 933 du code de procédure civile et des stipulations de l'article 6.1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales qu'en matière de procédure d'appel sans représentation obligatoire, la déclaration d'appel, qui mentionne que l'appel tend à la réformation de la décision déférée à la cour d'appel en omettant d'indiquer les chefs du jugement critiqués, doit s'entendre comme déférant à la connaissance de la cour d'appel l'ensemble des chefs de ce jugement ; qu'en énonçant, par conséquent, pour constater qu'elle n'était saisie d'aucune demande en l'absence d'effet dévolutif de l'appel interjeté par Mme [W] [H], que l'effet dévolutif n'opère pas lorsque la déclaration d'appel ne mentionne pas les chefs de jugement qui sont critiqués, que la déclaration d'appel formée par le conseil de Mme [W] [H] le 25 janvier 2021 ne précisait pas les chefs du jugement rendu le 13 janvier 2021 par le juge des enfants du tribunal judiciaire de Lons-le-Saunier qu'elle entendait critiquer et qu'il s'en déduisait, par application combinée des articles 542, 562, 901 et 933 du code de procédure civile, que ne lui était déféré aucun des chefs du jugement rendu le 13 janvier 2021 par le juge des enfants du tribunal judiciaire de Lons-le-Saunier et qu'elle n'était pas saisie des prétentions présentées à l'audience par Mme [W] [H], quand l'appel interjeté à l'encontre d'un jugement rendu en matière d'assistance éducative est soumis à la procédure d'appel sans représentation obligatoire et quand l'appel interjeté par Mme [W] [H] tendait à la réformation d'un jugement rendu en matière d'assistance éducative, la cour d'appel a violé les dispositions des articles 562, 933 et 1192 du code de procédure civile et les stipulations de l'article 6.1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. » Réponse de la Cour 3. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code. Vu les articles 562 et 933 du code de procédure civile : 4. Selon le premier de ces textes, l'appel défère à la cour d'appel la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent. Selon le second, régissant la procédure sans représentation obligatoire devant la cour d'appel, la déclaration désigne le jugement dont il est fait appel, précise les chefs du jugement critiqués auquel l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible, et mentionne, le cas échéant, le nom et l'adresse du représentant de l'appelant devant la cour. 5. Si, pour les procédures avec représentation obligatoire, il a été déduit de l'article 562, alinéa 1er, du code de procédure civile, que lorsque la déclaration d'appel tend à la réformation du jugement sans mentionner les chefs de jugement qui sont critiqués, l'effet dévolutif n'opère pas (2e Civ., 30 janvier 2020, pourvoi n° 18-22.528, publié) et que de telles règles sont dépourvues d'ambiguïté pour des parties représentées par un professionnel du droit (2e Civ., 2 juillet 2020, pourvoi n° 19-16.954, publié), un tel degré d'exigence dans les formalités à accomplir par l'appelant en matière de procédure sans représentation obligatoire constituerait une charge procédurale excessive, dès lors que celui-ci n'est pas tenu d'être représenté par un professionnel du droit. La faculté de régularisation de la déclaration d'appel ne serait pas de nature à y remédier (2e Civ., 9 septembre 2021, pourvoi n° 20-13.673, publié). 6. Il en résulte qu'en matière de procédure sans représentation obligatoire, y compris lorsque les parties ont choisi d'être assistées ou représentées par un avocat, la déclaration d'appel qui mentionne que l'appel tend à la réformation de la décision déférée à la cour d'appel, en omettant d'indiquer les chefs du jugement critiqués, doit s'entendre comme déférant à la connaissance de la cour d'appel l'ensemble des chefs de ce jugement. 7. Il doit en être de même lorsque la déclaration d'appel, qui omet de mentionner les chefs de dispositif critiqués, ne précise pas si l'appel tend à l'annulation ou à la réformation du jugement. 8. Pour dire que la cour d'appel n'était saisie d'aucune demande, l'arrêt retient que la déclaration d'appel faite par l'avocat de Mme [H], qui ne précise pas les chefs du jugement qu'elle entend critiquer, n'a pas eu d'effet dévolutif. 9. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés. Portée et conséquences de la cassation 10. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile. 11. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond. 12. Il résulte de ce qui est dit aux paragraphes 6, 7 et 8, que la déclaration d'appel de Mme [H] doit s'entendre comme ayant déféré à la cour d'appel l'ensemble des chefs du jugement. Il résulte du jugement du 13 janvier 2021 que la mesure éducative avec placement au domicile du père a été renouvelée jusqu'au 31 janvier 2022 et est donc expirée à ce jour. L'appel est en conséquence devenu sans objet. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 1er juillet 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Besançon ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; CONSTATE que la mesure d'assistance éducative a expiré le 31 janvier 2022 ; DIT que l'appel est devenu sans objet ; Laisse les dépens exposés en première instance, en appel et devant la Cour de cassation à la charge du Trésor public ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande. Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf septembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Yves et Blaise Capron, avocat aux Conseils, pour Mme [H] Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR constaté que la cour d'appel de Besançon n'était saisie d'aucune demande en l'absence d'effet dévolutif de l'appel interjeté par Mme [W] [H] ; ALORS QU'il résulte des dispositions des articles 562 et 933 du code de procédure civile et des stipulations de l'article 6.1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales qu'en matière de procédure d'appel sans représentation obligatoire, la déclaration d'appel, qui mentionne que l'appel tend à la réformation de la décision déférée à la cour d'appel en omettant d'indiquer les chefs du jugement critiqués, doit s'entendre comme déférant à la connaissance de la cour d'appel l'ensemble des chefs de ce jugement ; qu'en énonçant, par conséquent, pour constater qu'elle n'était saisie d'aucune demande en l'absence d'effet dévolutif de l'appel interjeté par Mme [W] [H], que l'effet dévolutif n'opère pas lorsque la déclaration d'appel ne mentionne pas les chefs de jugement qui sont critiqués, que la déclaration d'appel formée par le conseil de Mme [W] [H] le 25 janvier 2021 ne précisait pas les chefs du jugement rendu le 13 janvier 2021 par le juge des enfants du tribunal judiciaire de Lons-le-Saunier qu'elle entendait critiquer et qu'il s'en déduisait, par application combinée des articles 542, 562, 901 et 933 du code de procédure civile, que ne lui était déféré aucun des chefs du jugement rendu le 13 janvier 2021 par le juge des enfants du tribunal judiciaire de Lons-le-Saunier et qu'elle n'était pas saisie des prétentions présentées à l'audience par Mme [W] [H], quand l'appel interjeté à l'encontre d'un jugement rendu en matière d'assistance éducative est soumis à la procédure d'appel sans représentation obligatoire et quand l'appel interjeté par Mme [W] [H] tendait à la réformation d'un jugement rendu en matière d'assistance éducative, la cour d'appel a violé les dispositions des articles 562, 933 et 1192 du code de procédure civile et les stipulations de l'article 6.1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. 2e Civ., 9 septembre 2021, pourvoi n° 20-13.673
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 29 septembre 2022 M. PIREYRE, président Arrêt n° 968 F-B Pourvoi n° H 20-19.291 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 29 SEPTEMBRE 2022 La société Macron SPA, dont le siège est [Adresse 2] (Italie), a formé le pourvoi n° H 20-19.291 contre l'arrêt rendu le 25 février 2020 par la cour d'appel de Rennes (3e chambre commerciale), dans le litige l'opposant à la société FC Lorient Bretagne Sud, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Delbano, conseiller, les observations de Me Brouchot, avocat de la société Macron SPA, de la SCP Gadiou et Chevallier, avocat de la société FC Lorient Bretagne Sud, et l'avis de M. Aparisi, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 5 juillet 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Delbano, conseiller rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 25 février 2020), statuant sur renvoi après cassation (Com., 7 mai 2019, pourvoi n° 17-31.733), la société Football club Lorient Bretagne Sud (le FC Lorient) a conclu avec la société Macron SPA (la société Macron) un contrat pour lui conférer la qualité d'équipementier officiel et lui concéder une licence exclusive de son logo sur un certain nombre d'articles, pendant trois saisons. 2. Se prévalant du non-respect par le FC Lorient de ses obligations et invoquant une violation de l'exclusivité dont elle était titulaire, la société Macron l'a assigné en paiement de la pénalité convenue et de dommages-intérêts au titre d'un manque à gagner. 3. Par un jugement du 22 avril 2015, un tribunal de grande instance a dit que le FC Lorient a respecté les termes du contrat et débouté la société Macron de ses demandes. 4. Par un arrêt du 7 novembre 2017, une cour d'appel a infirmé partiellement ce jugement. 5. Par un arrêt du 7 mai 2019, la Cour de cassation a cassé et annulé, « mais seulement en ce qu'il condamne la société Football club Lorient Bretagne Sud à payer à la société Macron les sommes de 200 000 euros à titre de clause pénale et de 21 000 euros à titre de dommages-intérêts, statue sur l'article 700 du code de procédure civile ainsi que sur les dépens, l'arrêt rendu le 7 novembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes » et a renvoyé la cause et les parties devant la cour d'appel de Rennes, autrement composée. 6. Par déclaration du 4 juillet 2019, la société Macron a saisi la cour d'appel de renvoi. Examen des moyens Sur le premier moyen Enoncé du moyen 7. La société Macron fait grief à l'arrêt de dire que la cour d'appel n'était saisie d'aucune demande en l'absence d'effet dévolutif, alors « que la cour d'appel de renvoi est investie par l'arrêt de cassation de la connaissance du litige tel qu'il avait été déféré par l'acte d'appel à la cour d'appel dont l'arrêt a été censuré ; que la déclaration de saisine de la cour de renvoi après cassation, qui n'est pas une déclaration d'appel, est étrangère à la saisine de la cour de renvoi ; qu'en décidant le contraire pour retenir que faute pour la déclaration de saisine de viser les chefs du jugement critiqués, la cour d'appel n'était saisie d'aucune demande en l'absence d'effet dévolutif, la cour d'appel de Rennes, statuant en tant que juridiction de renvoi, a violé les articles 624, 625, 638, 901 et 1033 du code de procédure civile ». Réponse de la Cour Vu les articles 624, 625, 901 et 1033 du code de procédure civile : 8. La portée de la cassation étant, selon les deux premiers de ces textes, déterminée par le dispositif de l'arrêt qui la prononce, l'obligation prévue au dernier de ceux-ci, de faire figurer dans la déclaration de saisine de la juridiction de renvoi après cassation, qui n'est pas une déclaration d'appel, les chefs de dispositif critiqués de la décision entreprise tels que mentionnés dans l'acte d'appel, ne peut avoir pour effet de limiter l'étendue de la saisine de la cour d'appel de renvoi. 9. Pour dire que la cour d'appel n'était pas saisie en l'absence d'effet dévolutif, l'arrêt énonce que l'obligation prévue par l'article 901, 4° du code de procédure civile, de mentionner, dans la déclaration d'appel, les chefs de jugement critiqués, dépourvue d'ambiguïté, encadre les conditions d'exercice du droit d'appel dans le but légitime de garantir la bonne administration de la justice en assurant la sécurité juridique et l'efficacité de la procédure d'appel. 10. Il ajoute que la déclaration de saisine de la cour de renvoi du 4 juillet 2019 ne contient aucune critique des chefs du jugement, aucune déclaration d'appel rectificative n'ayant été régularisée dans le délai imparti pour conclure au fond, de sorte que la cour n'est saisie d'aucune demande. 11. En statuant ainsi, alors qu'elle était saisie du litige lui étant dévolu par la déclaration d'appel et le dispositif de l'arrêt de cassation, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 25 février 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rennes autrement composée. Condamne la société FC Lorient Bretagne Sud aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société FC Lorient Bretagne Sud et la condamne à payer à la société Macron SPA la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf septembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par Me Brouchot, avocat aux Conseils, pour la société Macron SPA PREMIER MOYEN DE CASSATION L'arrêt attaqué, critiqué par la société Macron, encourt la censure ; EN CE QUE, statuant après cassation, sur déclaration de saisine du 4 juillet 2019, il a décidé que la cour d'appel n'était saisie d'aucune demande en l'absence d'effet dévolutif ; ALORS QUE, la cour d'appel de renvoi est investie par l'arrêt de cassation de la connaissance du litige tel qu'il avait été déféré par l'acte d'appel à la cour d'appel dont l'arrêt a été censuré ; que la déclaration de saisine de la cour de renvoi après cassation, qui n'est pas une déclaration d'appel, est étrangère à la saisine de la cour de renvoi ; qu'en décidant le contraire pour retenir que faute pour la déclaration de saisine de viser les chefs du jugement critiqués, la cour d'appel n'était saisie d'aucune demande en l'absence d'effet dévolutif, la cour d'appel de Rennes, statuant en tant que juridiction de renvoi, a violé les articles 624, 625, 638, 901 et 1033 du code de procédure civile. SECOND MOYEN DE CASSATION – SUBSIDIAIRE L'arrêt attaqué, critiqué par la société Macron, encourt la censure ; EN CE QUE, statuant après cassation, sur déclaration de saisine du 4 juillet 2019, il a décidé que la cour d'appel n'était saisie d'aucune demande en l'absence d'effet dévolutif ; ALORS QUE, en toute hypothèse, à supposer même que la déclaration de saisine doive viser les chefs du jugement critiqués, à l'instar de la déclaration d'appel, de toute façon, la circonstance que la déclaration de saisine ne vise pas les chefs du jugement critiqués ne peut être sanctionnée que par une nullité de forme au sens de l'article 114 du code de procédure civile et ne peut avoir pour effet de limiter l'étendue de la saisine de la cour d'appel de renvoi ; qu'en décidant le contraire pour considérer que l'omission faisait échec à l'effet dévolutif, la cour d'appel a violé les articles 561, 562, 624, 625, 638, 901 et 1033 du code de procédure civile, ensemble les articles 112, 113 et 114 du même code.
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 28 septembre 2022 Cassation partielle M. CHAUVIN, président Arrêt n° 695 F-B Pourvoi n° G 21-14.673 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 28 SEPTEMBRE 2022 La société Caisse d'épargne et de prévoyance de Midi-Pyrénées, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° G 21-14.673 contre l'arrêt rendu le 3 février 2021 par la cour d'appel de Toulouse (2e Chambre), dans le litige l'opposant : 1°/ à Mme [H] [E], divorcée [M], domiciliée [Adresse 2], 2°/ à la société Magcerdur, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 3], 3°/ à la société Compagnie Européenne de garanties et cautions (CEGC), société anonyme, dont le siège est [Adresse 4], Mme [E] a formé un pourvoi incident contre le même arrêt. défenderesses à la cassation. La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, le moyen de cassation annexé au présent arrêt. La demanderesse au pourvoi provoqué invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire, les observations de la SAS Buk Lament-Robillot, avocat de la société Caisse d'Epargne et de Prévoyance de Midi-Pyrénées, de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, avocat de la société lCompagnie Européenne de garanties et cautions, de la SCP Zribi et Texier, avocat de Mme [E], après débats en l'audience publique du 5 juillet 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire rapporteur, M. Vigneau, conseiller doyen, et Mme Vignes, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Désistement partiel 1. Il est donné acte à la société Caisse d'épargne et de prévoyance Midi-Pyrénées (la banque) du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société civile immobilière Magcerdur (la SCI) et la société Compagnie européenne de garanties et de caution (la caution professionnelle). Faits et procédure 2. Selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 3 février 2021), par acte du 6 juin 2014, la banque a consenti à la SCI un prêt immobilier de 296 795 euros, garanti par le cautionnement solidaire de la caution professionnelle ainsi que de Mme [E] (la caution) dans la limite de la somme de 385 833,50 euros. 3. Le 7 octobre 2015, à la suite de la défaillance de la SCI dans le remboursement du prêt, la banque a prononcé la déchéance du terme. 4. Après avoir payé le solde du prêt à la banque, la caution professionnelle a assigné la SCI et la caution en paiement, lesquelles ont appelé la banque en intervention forcée et garantie, en invoquant une disproportion de l'engagement de caution et un manquement de celle-ci à son devoir de mise en garde. Examen des moyens Sur le moyen du pourvoi incident, dont l'examen est préalable Enoncé du moyen 5. La caution fait grief à l'arrêt de la condamner solidairement avec la SCI à payer à la caution professionnelle la somme de 303 457,84 euros, outre les intérêts au taux légal à compter du 11 décembre 2015 avec capitalisation des intérêts de retard par année entière, alors « qu'il résulte de l'article L. 332-1 du code de la consommation qu'un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation ; que la sanction ainsi prévue prive le contrat de cautionnement d'effet à l'égard tant du créancier que des cofidéjusseurs lorsque, ayant acquitté la dette, ils exercent leur action récursoire ; que pour faire droit à la demande formée par la caution professionelle au titre de son recours personnel à l'égard de la caution et condamner cette dernière in solidum avec la SCI au paiement de la somme de 303 457,84 euros avec intérêts au taux légal à compter du 25 novembre 2015, l'arrêt attaqué retient que la caution n'était pas « fondée à opposer à son cofidéjusseur les exceptions qu'elle aurait pu opposer à la banque, notamment au titre du caractère disproportionné de son engagement de caution (...) » ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article L. 332-1 du code de la consommation, ensemble les articles 2305 et 2310 du code civil. » Réponse de la Cour Vu l'article L. 341-4, devenu L. 332-1, du code de la consommation et l'article 2310 du code civil, dans sa version antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021 : 6. Aux termes du premier de ces textes, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation. 7. Selon le second, lorsque plusieurs personnes ont cautionné un même débiteur pour une même dette, la caution qui a acquitté la dette, a recours contre les autres cautions, chacune pour sa part et portion. 8. Il en résulte que la sanction prévue au premier de ces textes prive le contrat de cautionnement d'effet à l'égard tant du créancier que des cofidéjusseurs lorsque, ayant acquitté la dette, ils exercent leur action récursoire, que ce soit sur le fondement de leur recours subrogatoire ou personnel. 9. Pour condamner la caution à payer à la caution professionnelle les sommes qu'elle a acquittées, l'arrêt retient que celle-ci ne peut se voir opposer les exceptions opposables au créancier principal, comme la disproportion de l'engagement de la caution. 10. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés. Et sur le moyen, pris en sa deuxième branche, du pourvoi principal Enoncé du moyen 11. La banque fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la caution la somme de 303 457,84 euros, outre les intérêts au taux légal à compter du 11 décembre 2015, alors « que les parts sociales dont est titulaire la caution au sein de la société cautionnée font partie du patrimoine devant être pris en considération pour l'appréciation de ses biens et revenus à la date de souscription de son engagement ; qu'en se bornant à énoncer, pour juger que l'engagement de la caution n'était pas adapté à ses capacités financières, que cette dernière avait des revenus de 3 500 euros, comprenant 500 euros de revenus locatifs, et des charges constituées de remboursement de prêts personnels pour 1 295 euros et de remboursement d'un emprunt immobilier pour 1 500 euros ainsi qu'un patrimoine immobilier de 330 000 euros constitué par sa maison d'habitation grevé d'un emprunt immobilier de 234 000 euros, de sorte que les charges mensuelles de remboursement, qui s'élevaient à 2 795 euros, représentaient 79,85 % des revenus de la caution tandis que son patrimoine net s'élevait à 96 000 euros, soit à un montant inférieur à son engagement souscrit dans la limite de la somme de 385 833,50 euros, sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si la caution n'était pas également titulaire de 99 % des parts de la SCI, lesquelles devaient être prises en compte lors de l'appréciation du patrimoine de la caution à la date de souscription de son engagement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016. » Réponse de la Cour Vu l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 : 12. Il résulte de ce texte que la banque est tenue à un devoir de mise en garde à l'égard d'une caution non avertie lorsque, au jour de son engagement, celui-ci n'est pas adapté aux capacités financières de la caution ou s'il existe un risque de l'endettement né de l'octroi du prêt garanti, lequel résulte de l'inadaptation du prêt aux capacités financières de l'emprunteur. 13. Les parts sociales dont est titulaire la caution au sein de la société cautionnée font partie du patrimoine devant être pris en considération pour l'appréciation de ses capacités financières au jour de son engagement. 14. Pour condamner la banque à payer à la caution des dommages-intérêts en réparation d'un manquement au devoir de mise en garde, l'arrêt retient que, si l'opération ne comportait pas de risque excessif pour la SCI, en revanche, la caution, qui n'était pas avertie, avait souscrit un engagement disproportionné à ses biens et revenus, dès lors qu'elle disposait d'un revenu mensuel de 3 500 euros, qu'elle remboursait des prêts à hauteur de 2 795 euros par mois, qu'elle était propriétaire d'un bien immobilier constituant sa résidence principale grevé d'un emprunt et que son patrimoine, net de 96 000 euros, était largement inférieur à l'engagement souscrit dans la limite de 385 833,50 euros. 15. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si la caution n'était pas également titulaire de 99 % des parts de la SCI cautionnée, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il condamne la SCI Magcerdur à payer à la société Compagnie européenne de garanties et de caution la somme de 303 457,84 euros au titre du crédit souscrit auprès de la Caisse d'épargne et de prévoyance de Midi Pyrénée, avec intérêts au taux légal à compter du 25 novembre 2015, et en ce qu'il dit que les intérêts échus des capitaux produiront des intérêts, l'arrêt rendu le 3 février 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ; Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ; Laisse à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit septembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyen produit par la SAS Buk Lament-Robillot, avocat aux Conseils, pour la société Caisse d'épargne et de prévoyance de Midi-Pyrénées, demanderesse au pourvoi principal. La Caisse d'épargne et de prévoyance Midi-Pyrénées fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué de l'avoir condamnée à payer à Mme [E] la somme de 303.457,84 €, outre les intérêts au taux légal à compter du 11 décembre 2015 ; 1°) ALORS QUE dans le dispositif de ses conclusions d'appel (p. 40), Mme [E] demandait à la cour d'appel de « constater la violation de l'obligation de mise en garde de la Caisse d'épargne et de prévoyance de Midi-Pyrénées dans la souscription du contrat de prêt à l'égard de la Sci Magcerdur et de l'engagement de caution de Mme [H] [E] » et, en conséquence, de « condamner la Caisse d'épargne à verser à la Sci Magcerdur et à Mme [E] la somme de 151.728,84 € » ; qu'en condamnant la Caisse d'épargne et de prévoyance Midi-Pyrénées à payer à Mme [E] la somme de 303.457,84 € pour manquement à son devoir de mise en garde, la cour d'appel a modifié l'objet du litige et a ainsi violé l'article 4 du code de procédure civile ; 2°) ALORS QU'en toute hypothèse les parts sociales dont est titulaire la caution au sein de la société cautionnée font partie du patrimoine devant être pris en considération pour l'appréciation de ses biens et revenus à la date de souscription de son engagement ; qu'en se bornant à énoncer, pour juger que l'engagement de Mme [E] n'était pas adapté à ses capacités financières, que cette dernière avait des revenus de 3.500 €, comprenant 500 € de revenus locatifs, et des charges constituées de remboursement de prêts personnels pour 1.295 € et de remboursement d'un emprunt immobilier pour 1.500 € ainsi qu'un patrimoine immobilier de 330.000 € constitué par sa maison d'habitation grevé d'un emprunt immobilier de 234.000 €, de sorte que les charges mensuelles de remboursement, qui s'élevaient à 2.795 €, représentaient 79,85 % des revenus de la caution tandis que son patrimoine net s'élevait à 96.000 €, soit à un montant inférieur à son engagement souscrit dans la limite de la somme de 385.833,50 €, sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si Mme [E] n'était pas également titulaire de 99 % des parts de la Sci Magcerdur, lesquelles devaient être prises en compte lors de l'appréciation du patrimoine de la caution à la date de souscription de son engagement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ; 3°) ALORS QU'en tout état de cause le dommage résultant du manquement de la banque à son obligation de mise en garde de la caution consiste en une perte de chance de ne pas contracter dont la réparation doit être mesurée à la chance perdue mais ne peut être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée ; qu'en énonçant, pour condamner la Caisse d'épargne à payer à Mme [E] la somme de 303.457,84 €, correspondant à la somme qui avait été mise à sa charge au profit de la CGEC, que la banque avait manqué à son obligation de mise en garde et qu'il devait être estimé, compte tenu de l'importance des sommes garanties par rapport aux revenus et biens de Mme [E] que, dûment mise en garde, cette dernière n'aurait pas accordé sa garantie et qu'ainsi, elle n'aurait pas subi le recours de la CGEC, la cour d'appel, qui n'a ainsi pas condamné la banque à indemniser la caution à hauteur de la chance perdue mais à hauteur de la totalité de l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée, a violé l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016. Moyen produit par la Zribi et Texier, avocat aux Conseils, pour Mme [E], demanderesse au pourvoi incident. Mme [H] [E] fait grief à l'arrêt attaqué de l'AVOIR condamnée solidairement avec la SCI Magcerdur à payer à la société CGEC la somme de 303 457, 84 euros outre les intérêts au taux légal à compter du 11 décembre 2015 avec capitalisation des intérêts de retard par année entière ; Alors qu'il résulte de l'article L. 332-1 du code de la consommation qu'un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation ; que la sanction ainsi prévue prive le contrat de cautionnement d'effet à l'égard tant du créancier que des cofidéjusseurs lorsque, ayant acquitté la dette, ils exercent leur action récursoire ; que pour faire droit à la demande formée par la CGEC au titre de son recours personnel à l'égard de Mme [E] et condamner cette dernière in solidum avec la SCI Magcerdur au paiement de la somme de 303 457, 84 euros avec intérêts au taux légal à compter du 25 novembre 2015, l'arrêt attaqué retient que Mme [E] n'était pas « fondée à opposer à son cofidéjusseur les exceptions qu'elle aurait pu opposer aÌ la banque, notamment au titre du caractère disproportionné de son engagement de caution (...) » ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article L. 332-1 du code de la consommation, ensemble les articles 2305 et 2310 du code civil. Com., 15 novembre 2017, pourvoi n° 16-16.790, Bull. 2017, IV, n° 149 (rejet), et l'arrêt cité.
CASS/JURITEXT000046357053.xml
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 28 septembre 2022 M. CHAUVIN, président Arrêt n° 680 FS-D Pourvoi n° N 21-21.738 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 28 SEPTEMBRE 2022 1°/ M. [M] [B], domicilié [Adresse 1], 2°/ la société CPP Le Mans distribution, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], ont formé le pourvoi n° N 21-21.738 contre l'arrêt rendu le 30 juin 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 4), dans le litige les opposant : 1°/ à la société Selima, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3], 2°/ à la société CSF, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3], 3°/ à la société Carrefour proximité France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3], défenderesses à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Guihal, conseiller, les observations de Me Soltner, avocat de M. [B] et de la société CPP Le Mans distribution, de la SARL Delvolvé et Trichet, avocat des sociétés Selima, CSF et Carrefour proximité France, et l'avis de M. Sassoust, avocat général, après débats en l'audience publique du 5 juillet 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Guihal, conseiller rapporteur, M. Vigneau, conseiller doyen, MM. Hascher, Avel, Bruyère, conseillers, M. Vitse, Mmes Kloda, Champ, Robin-Raschel, conseillers référendaires, M. Sassoust, avocat général, et Mme Vignes, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 30 juin 2021), la société CPP Le Mans Distribution (CPP), constituée entre M. [B], gérant, et la société Selima, filiale du groupe Carrefour, a conclu un contrat de franchise avec la société Prodim, devenue la société Carrefour Proximité France (CPF), et un contrat d'approvisionnement avec la société CSF France (CSF). 2. Ces deux contrats, ainsi que le pacte d'associés, la convention de « pack informatique », la convention « SVP social » et le contrat de fidélisation, contenaient une clause compromissoire. 3. Soutenant être victimes de pratiques anticoncurrentielles et restrictives de concurrence de la part des sociétés CPF, CSF et Selima, la société CPP et son gérant les ont assignées devant un tribunal de commerce. 4. Les sociétés CPF, CSF et Selima ont soulevé l'incompétence des juridictions étatiques en invoquant les clauses compromissoires des contrats de franchises et d'approvisionnement. Examen du moyen Enoncé du moyen 5. La société CPP et M. [B] font grief à l'arrêt de déclarer le tribunal de commerce de Rennes incompétent, de les renvoyer à mieux se pourvoir en application des clauses compromissoires stipulées aux contrats de franchise et d'approvisionnement et de rejeter leurs demandes, alors : « 1°/ que l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales garantit à tout justiciable un accès effectif au juge, sans condition de ressources ; qu'en application de cet article, l'état d'impécuniosité avéré d'une partie à un contrat contenant une clause compromissoire suffit à caractériser l'inapplicabilité manifeste de cette clause ; qu'en l'espèce, la cour d'appel retenait l'impécuniosité de la société CPP et de M. [B] en jugeant que "engager plus de 100 000 euros de frais d'arbitrage est impossible et conduirait la société CPP à une situation de cessation des paiements" ; qu'en jugeant pourtant que l'impécuniosité d'une partie n'est pas de nature à faire échec à l'application du principe compétence-compétence, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a, ce faisant, violé l'article 1448 du code de procédure civile, l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droit de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble le principe du droit à l'accès au juge ; 2°/ que l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales garantit à tout justiciable un accès effectif au juge, sans condition de ressources ; qu'en refusant de tenir compte de l'état d'impécuniosité du franchisé aux motifs que l'impécuniosité d'une partie n'est pas de nature à faire échec au principe compétence-compétence en jugeant "qu'il revient aux acteurs de l'arbitrage d'écarter tout risque de déni de justice face à un plaideur aux moyens financiers limités", la cour d'appel a statué par des motifs hypothétiques et a violé l'article 1448 du code de procédure civile, l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droit de l'homme et des libertés fondamentales, le principe du droit à l'accès au juge, ensemble l'article 455 du Code de procédure civile ; 3°/ que l'état d'impécuniosité avéré d'une partie à un contrat contenant une clause compromissoire suffit à caractériser l'inapplicabilité manifeste de cette clause ; qu'en l'état de conventions connexes et indivisibles, qui contiennent chacune une clause compromissoire propre, prive du droit d'accès au juge le schéma contractuel, qui, dans les faits, empêche les parties de saisir l'arbitre de l'ensemble des contrats imbriqués en interdisant à ce dernier de se prononcer sur un contrat ne contenant pas la clause compromissoire fondant leur saisine ; qu'en l'espèce, les franchisés, sans être utilement contestés faisaient « valoir à cet égard que la relation contractuelle s'inscrit dans un ensemble indivisible et commun constitué d'abord par des statuts à objet social exclusif imposés aux franchisés, puis par des contrats de franchise et d'approvisionnement ainsi que par les contrats dit "accessoires" qui en découlent, le groupe Carrefour empêchant les juridictions saisies d'appréhender les litiges dans leur intégralité » ; que l'arrêt ne contredit pas utilement que sept contrats lient les parties en l'espèce et que tous contiennent une clause d'arbitrage à l'exception des statuts en jugeant que "ils ajoutent que les statuts à objet social exclusif et les contrats de franchise et d'approvisionnement CPF et CSF sont des contrats d'adhésion imposés uniformément à tous les franchisés sans possibilité de négociation." ; qu'en l'espèce le système mis en place par le groupe Carrefour, contenait autant de clauses compromissoires que de contrats tous imbriqués (franchise, contrat d'approvisionnement etc.), de sorte que ces contrats ne pouvaient être examinés ensemble, abstraction faite de l'indivisibilité qui les caractérisait, ce qui conduit le franchisé à engager autant de procédures d'arbitrage qu'il existe de contrats contenant une clause compromissoire ; que ce schéma contractuel est pensé pour priver le franchisé de l'accès à un juge en raison des coûts importants qu'il engendre ; qu'en jugeant que, nonobstant ces éléments, le coût généré par de telles procédures hors frais d'avocats et au titre de l'article 700 du code de procédure civile n'était pas de nature à conférer un caractère manifestement inapplicable à une clause qui devait pourtant être considérée comme abusive et conduisant à un déni de justice, la cour d'appel a violé l'article 1448 du code civil ensemble l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droit de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble le principe du droit à l'accès au juge. » Réponse de la Cour 6. Selon l'article 1448 du code de procédure civile, lorsqu'un litige relevant d'une convention d'arbitrage est porté devant une juridiction de l'Etat, celle-ci se déclare incompétente sauf si le tribunal arbitral n'est pas encore saisi et si la convention d'arbitrage est manifestement nulle ou manifestement inapplicable. 7. Dès lors qu'il n'était pas soutenu qu'une tentative préalable d'engagement d'une procédure arbitrale avait échoué, faute de remède apporté aux difficultés financières alléguées par M. [B] et la société CPP, la cour d'appel a retenu à bon droit, sans méconnaître le droit d'accès au juge, que l'invocation par les demandeurs de leur impécuniosité n'était pas, en soi, de nature à caractériser l'inapplicabilité manifeste des clauses compromissoires. 8. Le moyen, qui critique un motif surabondant invoqué par la deuxième branche, n'est donc pas fondé pour le surplus. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société CPP Le Mans distribution et M. [B] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit septembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par Me Soltner, avocat aux Conseils, pour M. [B] et la société CPP Le Mans distribution II. IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué D'AVOIR infirmé le jugement rendu par le tribunal de commerce de Rennes le 26 janvier 2021 et, statuant à nouveau, D'AVOIR déclaré le tribunal de commerce de Rennes incompétent, renvoyé la société CPP Le Mans Distribution ainsi que M. [B] à mieux se pourvoir en application de la clause compromissoire stipulée au contrat de franchise et de celle stipulée au contrat d'approvisionnement, débouté la société CPP Le Mans distribution et M. [B] de leurs demandes, notamment celle au titre de l'article 700 du code de procédure civile et enfin condamné in solidum la société CPP Le Mans Distribution et M. [B] aux dépens de première instance et d'appel qui pourront être recouvrés dans les termes de l'article 699 du code de procédure civile, ainsi qu'à payer à la société CPF et à la société CSF, chacune, la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile. AUX MOTIFS QUE « Le tribunal, par le jugement entrepris, a estimé que les conventions d'arbitrage opposées par CPF et CSF étaient manifestement inapplicables au litige sur le fondement de l'article 1448 du code de procédure civile, en ce que le litige nécessitait d'appréhender un ensemble contractuel indivisible dont l'acte fondateur, les statuts, ne contient pas de clause compromissoire. Aux termes de l'article 1448 du code de procédure civile, "lorsqu'un litige relevant d'une convention d'arbitrage est porté devant une juridiction de l'Etat, celle-ci se déclare incompétente sauf si le tribunal arbitral n'est pas encore saisi et si la convention d'arbitrage est manifestement nulle ou manifestement inapplicable". En l'espèce, tant le contrat de franchise, en son article 12, que le contrat d'approvisionnement en son article 8 liant les parties, contiennent une clause compromissoire aux termes de laquelle : - article 12 du contrat de franchise : "Toutes contestations auxquelles pourront donner lieu la conclusion, l'interprétation et l'exécution du présent accord, seront soumises à trois arbitres.(...)" , - article 8 du contrat d'approvisionnement :"Toutes contestations auxquelles pourront donner lieu l'exécution ou l'interprétation du présent accord, seront soumises à trois arbitres". -Sur la nullité manifeste des deux clauses compromissoires CPP et M [B] soutiennent que les rédacteurs des contrats d'adhésion Carrefour ont restreint l'objet la clause compromissoire par rapport à sa définition légale que ce soit dans le contrat d'approvisionnement CSF ou dans le contrat de franchise de sorte que le contentieux de la validité des contrats ou de la validité des clauses des contrats n'est nullement visé par ces clauses qui sont limitées aux litiges nés de l'exécution ou de l'interprétation du contrat (clauses CSF et CPF) voire de la conclusion du contrat (clause CPF) et que ces clauses qui obligent à découper la connaissance d'un contentieux entre les juridictions arbitrales et les juridictions étatiques sont considérées comme pathologiques. Mais, ainsi que le font justement valoir les sociétés CPF et CSF, dans la mesure où les parties sont libres de définir contractuellement le champ d'application matériel de la clause compromissoire, il ne saurait leur être fait grief d'avoir « restreint » l'objet de la clause compromissoire et aucune nullité manifeste au sens de l'article 1448 du code de procédure civile ne saurait en résulter de nature à faire exception à l'application du principe compétence-compétence qui veut que l'arbitre se prononce par priorité sur sa compétence. En outre, il importe peu que le fond du litige concerne des dispositions relatives à des pratiques anticoncurrentielles ou restrictives de concurrence qui seraient d'ordre public, au regard de la compétence prioritaire dont bénéficie l'arbitre pour statuer sur sa propre compétence. -Sur l'indivisibilité du litige La société CPP et Monsieur [B] soutiennent que: - il existe une inapplicabilité manifeste des clauses compromissoires en raison de l'indivisibilité des contrats puisqu'en effet, il existe dans les rapports entre CPP et les sociétés du Groupe Carrefour (CPF, CSF et Selima), un ensemble contractuel incontestablement indivisible, et que les contrats liant les parties contiennent une clause d'arbitrage, à l'exception des statuts, - la société CPP est condamnée sans limitation de durée autre que celle de la société (99 ans) à exploiter son fonds de commerce sous une enseigne du groupe Carrefour, et à continuer d'exécuter les contrats de franchise et d'approvisionnement qui en permettent le fonctionnement, à défaut de quoi elle ne peut remplir son objet social, de sorte que le Groupe Carrefour revendique clairement le caractère indivisible de l'ensemble contractuel constitué des statuts à objet social exclusif et des contrats qui en découlent, - dans ce contexte contractuel indivisible, il faut, pour connaître des réclamations du franchisé, pouvoir débattre de l'ensemble contractuel constitué des statuts, du contrat de franchise et du contrat d'approvisionnement, devant une seule et même instance, - au nom du principe « compétence-compétence » et de l'autonomie de chaque clause compromissoire, le franchisé se trouve exposé à un véritable déni de justice. - dès lors que la notion d'ensemble contractuel unique et indivisible est admise, la Cour doit, sur le fondement des dispositions de l'article 1448 du CPC, dire ainsi que l'a retenu le tribunal de commerce, que les conventions d'arbitrage opposées par CPF et CSF sont manifestement inapplicables au litige qui nécessitent d'appréhender un ensemble contractuel indivisible dont l'acte fondateur, en l'espèce les statuts, ne contient pas de clause compromissoire. Mais, l'indivisibilité d'une convention ne peut conduire à écarter la compétence de l'arbitre en application du principe compétence-compétence, alors que selon ce principe couplé aux dispositions de l'article 1448 du code de procédure civile, l'arbitre est seul compétent pour statuer sur sa propre compétence de sorte que le juge étatique doit décliner sa compétence. Ainsi, il n'appartient pas à la Cour de rechercher si les contrats du groupe Carrefour forment un ensemble contractuel indivisible, cette question n'étant pas de nature à caractériser l'inapplicabilité manifeste de la clause au sens de l'article 1448 du code de procédure civile. Il sera ajouté que la seule circonstance que les statuts ne contiennent pas de clause d'arbitrage ne suffit pas à rendre manifestement inapplicables au sens de l'article 1448 du code de procédure civile, les clauses d'arbitrage stipulées dans les autres contrats du groupe. -Sur l'impécuniosité de la société CPP La société CPP et Monsieur [B] soutiennent qu'il existe une incompatibilité manifeste des clauses compromissoires avec l'impécuniosité de la société CPP. En premier lieu, ils considèrent que l'organisation mise en place par Carrefour de son système contractuel empêche le franchisé d'accéder au juge. Ils font valoir à cet égard que la relation contractuelle s'inscrit dans un ensemble indivisible et commun constitué d'abord par des statuts à objet social exclusif imposés aux franchisés, puis par des contrats de franchise et d'approvisionnement ainsi que par les contrats dit « accessoires » qui en découlent, le groupe Carrefour empêchant les juridictions saisies d'appréhender les litiges dans leur intégralité. Ils disent que sept contrats lient les parties en l'espèce et que tous contiennent une clause d'arbitrage, à l'exception des statuts. Ils ajoutent que les statuts à objet social exclusif et les contrats de franchise et d'approvisionnement CPF et CSF sont des contrats d'adhésion imposés uniformément à tous les franchisés sans possibilité de négociation. En second lieu, ils considèrent qu'il existe une atteinte à l'article 6§1 de la CEDH du fait du coût de la procédure et de la situation financière des parties. Cet article oblige à prendre en compte le coût que peut représenter pour une partie un procès civil et les dispositions de la CEDH sont applicables aux procédures d'arbitrage. De plus, ils relèvent qu'une tendance tout à fait récente ouvre la voie à l'inapplicabilité manifeste de la clause compromissoire lorsqu'il est démontré un risque de déni de justice économique. Ainsi, ils relèvent que le coût moyen d'une procédure d'arbitrage avoisine à minima la somme totale de 120 000 euros par arbitrage, hors frais d'avocats et au titre de l'article 700 code de procédure civile. Pour un arbitrage avec trois arbitres, comme il est stipulé dans les clauses compromissoires Carrefour, le coût de la procédure est estimé pour des litiges de montants identiques à celui engagé au fond par CPP à 150 000 euros par arbitrage. Ils disent que la société CPP est manifestement dans l'incapacité la plus absolue de financer les frais d'arbitrage à hauteur de ceux qui sont pratiqués dans ce type de procédure. Ils s'appuient à cet égard sur une attestation de M [P], ancien directeur juridique, qui estime pour chacune des parties, le coût d'une procédure d'arbitrage entre 50 000 euros et 65 000 euros hors honoraires d'avocats. En troisième lieu, les intimés disent que la situation de trésorerie de la société CPP sur les cinq derniers exercices, démontre l'impossibilité dans laquelle elle se trouve de financer une, voire plusieurs procédures d'arbitrage. Suite aux reproches effectués par les appelantes dans leurs conclusions sur la non-actualisation des chiffres de la CPP, celle-ci fait observer qu'elle verse aux débats son projet de comptes annuels au 31 janvier 2021 établi par le cabinet In Extenso, expert-comptable référencé par le Groupe Carrefour et que sa structure financière est trop faible pour que puisse être envisagé un emprunt. Ainsi, engager plus de 100 000 euros de frais d'arbitrage est impossible et conduirait la société CPP à une situation de cessation des paiements. Mais, l'impécuniosité d'une partie n'est pas de nature à faire échec à l'application du principe compétence-compétence. L'impécuniosité ne constitue, en effet, pas un critère de nature à caractériser l'inapplicabilité manifeste d'une clause compromissoire et il revient aux acteurs de l'arbitrage d'écarter tout risque de déni de justice face à un plaideur aux moyens financiers limités. Dès lors, la demande de condamnation sous astreinte des sociétés CPF et CSF à produire toutes factures, pièces comptables ou attestation d'expert-comptable, permettant de connaître le coût moyen des procédures d'arbitrage opposant les sociétés du Groupe Carrefour à ses franchisés au cours des 10 dernières années, ne peut qu'être rejetée. Il en est de même de la demande des sociétés CPF et CSF tendant à voir écarter des débats les attestations de M.[P] (pièces CPP 24, 39 et 50), ancien salarié du groupe Carrefour pour son manque d'impartialité, dans la mesure où cette attestation qui tend à établir le coût de la procédure d'arbitrage, est indifférente à l'issue de l'exception d'incompétence soulevée, l'impécuniosité d'une partie étant impropre à faire échec au principe compétence-compétence, ainsi qu'il a été dit. Pour ce même motif, la demande tendant à voir écarter des débats les pièces 41 à 48 de CPP qui ont trait à une affaire ayant opposé CPF à un franchisé doit être rejetée. N'étant pas établi que les clauses compromissoires liant les parties seraient manifestement nulles ou inapplicables au sens de l'article 1448 du code de procédure civile, le jugement du tribunal de commerce de Rennes qui a débouté CSF et CPF de leur exception d'incompétence et s'est déclaré compétent pour connaître du litige en cause, est infirmé. Il convient de recevoir les sociétés CSF et CPF en leur exception d'incompétence, de déclarer le tribunal de Commerce de Rennes incompétent pour connaître du litige en cause, de renvoyer CPP Le Mans Distribution ainsi que Monsieur [B] à mieux se pourvoir en application de la clause compromissoire stipulée au contrat de franchise signé avec CPF et de celle stipulée au contrat d'approvisionnement signé avec CSF. » 1°) ALORS QUE l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales garantit à tout justiciable un accès effectif au juge, sans condition de ressources ; qu'en application de cet article, l'état d'impécuniosité avéré d'une partie à un contrat contenant une clause compromissoire suffit à caractériser l'inapplicabilité manifeste de cette clause ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel retenait l'impécuniosité de la société CPP et de Monsieur [B] en jugeant que « engager plus de 100 000 euros de frais d'arbitrage est impossible et conduirait la société CPP à une situation de cessation des paiements » ; qu'en jugeant pourtant que l'impécuniosité d'une partie n'est pas de nature à faire échec à l'application du principe compétence-compétence, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a, ce faisant, violé l'article 1448 du code de procédure civile, l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales , ensemble le principe du droit à l'accès au juge. 2°) ALORS QUE l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales garantit à tout justiciable un accès effectif au juge, sans condition de ressources ; qu'en refusant de tenir compte de l'état d'impécuniosité du franchisé aux motifs que l'impécuniosité d'une partie n'est pas de nature à faire échec au principe compétence-compétence en jugeant « qu'il revient aux acteurs de l'arbitrage d'écarter tout risque de déni de justice face à un plaideur aux moyens financiers limités », la Cour d'appel a statué par des motifs hypothétiques et a violé l'article 1448 du code de procédure civile, l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales , le principe du droit à l'accès au juge, ensemble l'article 455 du Code de procédure civile. 3°) ALORS QUE l'état d'impécuniosité avéré d'une partie à un contrat contenant une clause compromissoire suffit à caractériser l'inapplicabilité manifeste de cette clause ; qu'en l'état de conventions connexes et indivisibles, qui contiennent chacune une clause compromissoire propre, prive du droit d'accès au juge le schéma contractuel, qui, dans les faits, empêche les parties de saisir l'arbitre de l'ensemble des contrats imbriqués en interdisant ce dernier de se prononcer sur un contrat ne contenant pas la clause compromissoire fondant leur saisine ; qu'en l'espèce, les franchisés, sans être utilement contestés faisaient « valoir à cet égard que la relation contractuelle s'inscrit dans un ensemble indivisible et commun constitué d'abord par des statuts à objet social exclusif imposés aux franchisés, puis par des contrats de franchise et d'approvisionnement ainsi que par les contrats dit « accessoires » qui en découlent, le groupe Carrefour empêchant les juridictions saisies d'appréhender les litiges dans leur intégralité » ; que l'arrêt ne contredit pas utilement que sept contrats lient les parties en l'espèce et que tous contiennent une clause d'arbitrage à l'exception des statuts en jugeant que « ils ajoutent que les statuts à objet social exclusif et les contrats de franchise et d'approvisionnement CPF et CSF sont des contrats d'adhésion imposés uniformément à tous les franchisés sans possibilité de négociation. » ; qu'en l'espèce le système mis en place par le groupe Carrefour, contenait autant de clauses compromissoires que de contrats tous imbriqués (franchise, contrat d'approvisionnement etc.), de sorte que ces contrats ne pouvaient être examinés ensemble, abstraction faite de l'indivisibilité qui les caractérisait, ce qui conduit le franchisé à engager autant de procédures d'arbitrage qu'il existe de contrats contenant une clause compromissoire ; que ce schéma contractuel est pensé pour priver le franchisé de l'accès à un juge en raison des coûts importants qu'il engendre ; qu'en jugeant que, nonobstant ces éléments, le coût généré par de telles procédures hors frais d'avocats et au titre de l'article 700 du Code de procédure civile n'était pas de nature à conférer un caractère manifestement inapplicable à une clause qui devait pourtant être considérée comme abusive et conduisant à un déni de justice, la Cour d'appel a violé l'article 1448 du Code civil ensemble l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales , ensemble le principe du droit à l'accès au juge 1re Civ., 13 juillet 2016, pourvoi n° 15-19.389, Bull. 2016, I, n° 159 (rejet).
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LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 28 septembre 2022 Mme TEILLER, président Arrêt n° 676 FS-B Pourvoi n° N 21-19.829 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 28 SEPTEMBRE 2022 Le syndicat des copropriétaires du [Adresse 2], dont le siège est [Adresse 2], représenté par son syndic la société Gestion passion, domicilié [Adresse 3], a formé le pourvoi n° N 21-19.829 contre l'arrêt rendu le 20 mai 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 1, chambre 2), dans le litige l'opposant à la société A l'Abri, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Jariel, conseiller référendaire, les observations de la SCP Zribi et Texier, avocat du syndicat des copropriétaires du [Adresse 2], de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société A l'Abri, et l'avis de Mme Guilguet-Pauthe, avocat général, après débats en l'audience publique du 12 juillet 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Jariel, conseiller référendaire rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, MM. Jessel, Jobert, Mme Grandjean, conseillers, Mmes Schmitt, Aldigé, M. Baraké, Mmes Gallet, Vernimmen, conseillers référendaires, Mme Guilguet-Pauthe, avocat général, et Mme Letourneur, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 20 mai 2021), en 2016, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 2] (le syndicat) a chargé la société A l'Abri de réaliser divers travaux. 2. Le 26 mai 2020, cette société l'a, en référé, assigné en paiement d'une provision correspondant à des factures impayées. 3. Par l'arrêt attaqué, la cour d'appel de Paris a rejeté la fin de non-recevoir tirée d'une prescription biennale de l'action. 4. A l'occasion du pourvoi qu'il avait formé contre cet arrêt, le syndicat a demandé de renvoyer au Conseil constitutionnel une question prioritaire relative à la constitutionnalité de l'article L. 218-2 du code de la consommation. 5. La Cour de cassation (3e Civ., 17 février 2022, pourvoi n° 21-19.829, publié) a dit n'y avoir lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité. Examen des moyens Sur le second moyen, ci-après annexé 6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen Enoncé du moyen 7. Le syndicat fait grief à l'arrêt de rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription, alors : « 1°/ que la déclaration d'inconstitutionnalité, après renvoi au Conseil constitutionnel de la question prioritaire de constitutionnalité posée par écrit distinct et motivé, privera l'arrêt attaqué de tout fondement juridique, au regard des articles 61-1 et 62 de la Constitution ; 2°/ que la jouissance des droits et libertés reconnus dans la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation ; que la même Convention prévoit toute personne a droit au respect de ses biens ; que les restrictions de propriété doivent être prévues par la loi, poursuivre un but légitime et ménager un juste équilibre entre les exigences de l'intérêt général de la communauté et les impératifs de la sauvegarde des droits fondamentaux de l'individu ; qu'en appliquant les dispositions de l'article L. 218-2 du code de la consommation, qui ne prévoient pas expressément que la prescription biennale qui s'applique à l'action des professionnels pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, bénéficie aux non-professionnels, et en se fondant ainsi sur la seule qualité de personne morale du syndicat des copropriétaires pour lui dénier le bénéfice de la prescription, la cour d'appel a violé l'article 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales combiné avec l'article 1, § 1, du Protocole additionnel n° 1 à cette Convention. » Réponse de la Cour 8. D'une part, la question prioritaire de constitutionnalité n'ayant pas été transmise au Conseil constitutionnel, le grief, tiré d'une annulation par voie de conséquence de la perte de fondement juridique de l'arrêt, est devenu sans portée. 9. D'autre part, la violation de l'article 14 de Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales suppose une différence dans le traitement de personnes placées dans des situations analogues ou comparables (CEDH, arrêt du 13 novembre 2007, D.H. et autres c. République tchèque [GC], n° 57325/00, § 175 ; CEDH, arrêt du 29 avril 2008, Burden c. Royaume-Uni [GC], n° 13378/05, § 60). 10. L'article liminaire du code de la consommation dispose que, pour l'application de celui-ci, on entend, par consommateur, toute personne physique qui agit à des fins qui n'entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole et, par non-professionnel, toute personne morale qui n'agit pas à des fins professionnelles. 11. Cette différence de statut juridique, issue de la directive 2011/83/UE du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011 relative aux droits des consommateurs, est fondée sur la personnalité morale des non-professionnels qui ne les place pas dans une situation analogue ou comparable à celle des personnes physiques. 12. A la différence d'une personne physique, un syndicat de copropriétaires est ainsi, en application de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, pourvu de trois organes distincts : le syndic, le conseil syndical et l'assemblée générale des copropriétaires, dont le fonctionnement, régi par cette loi, est également encadré par un règlement de copropriété. 13. Dès lors, en l'absence de différence dans le traitement de personnes placées dans des situations analogues ou comparables, la cour d'appel a retenu, à bon droit, que le syndicat ne pouvait se prévaloir de la prescription biennale de l'action des professionnels, pour les biens et les services qu'ils fournissent aux consommateurs, prévue par l'article L. 218-2 du code de la consommation. 14. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 2] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 2] et le condamne à payer à la société A l'Abri la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit septembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Zribi et Texier, avocat aux Conseils, pour le syndicat des copropriétaires du [Adresse 2] PREMIER MOYEN DE CASSATION Le syndicat des copropriétaires fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR rejeté sa fin de non-recevoir tirée de la prescription fondée sur l'article L. 218-2 du code de la consommation et DE L'AVOIR à payer à la société A L'Abri la somme provisionnelle de 19.990,64 € ; 1°) ALORS QUE la déclaration d'inconstitutionnalité, après renvoi au Conseil constitutionnel de la question prioritaire de constitutionnalité posée par écrit distinct et motivé, privera l'arrêt attaqué de tout fondement juridique, au regard des articles 61-1 et 62 de la Constitution ; 2°) ALORS QUE la jouissance des droits et libertés reconnus dans la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation ; que la même Convention prévoit toute personne a droit au respect de ses biens ; que les restrictions de propriété doivent être prévues par la loi, poursuivre un but légitime et ménager un juste équilibre entre les exigences de l'intérêt général de la communauté et les impératifs de la sauvegarde des droits fondamentaux de l'individu ; qu'en appliquant les dispositions de l'article L. 218-2 du code de la consommation, qui ne prévoient pas expressément que la prescription biennale qui s'applique à l'action des professionnels pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, bénéficie aux non-professionnels, et en se fondant ainsi sur la seule qualité de personne morale du syndicat des copropriétaires pour lui dénier le bénéfice de la prescription, la cour d'appel a violé l'article 14 de la Convention des droits de l'homme et des libertés fondamentales combiné avec l'article 1, § 1, du Protocole additionnel n° 1 à cette Convention. SECOND MOYEN DE CASSATION Le syndicat des copropriétaires fait grief à l'arrêt attaqué DE L'AVOIR condamné à payer à la société A L'Abri la somme provisionnelle de 19 990,64 € ; ALORS QUE le juge des référés ne peut octroyer une provision que si elle repose sur une obligation non sérieusement contestable ; qu'en retenant, s'agissant de la facture FA 2645, que les contestations élevées par le syndicat des copropriétaires, quant à l'existence de malfaçons, ne reposent que sur des constatations non contradictoires, hors de toute expertise diligentée judiciairement, et pour la plupart établies bien après la réalisation des travaux , la cour d'appel, qui a statué par des motifs impropres à exclure l'existence d'une contestation sérieuse, a violé l'article 835, alinéa 2, du code de procédure civile.
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LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 28 septembre 2022 Cassation partielle Mme TEILLER, président Arrêt n° 677 FS-B Pourvoi n° P 21-20.750 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 28 SEPTEMBRE 2022 Le syndicat des copropriétaires de la résidence Château du Hautmont, dont le siège est [Adresse 1], représenté par son syndic la société Camag Copro, domicilié [Adresse 3], a formé le pourvoi n° P 21-20.750 contre l'arrêt rendu le 10 juin 2021 par la cour d'appel de Douai (chambre 1, section 1), dans le litige l'opposant à l'association syndicale libre du Parc Hautmont, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Jariel, conseiller référendaire, les observations de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat du syndicat des copropriétaires de la résidence Château du Hautmont, de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'association syndicale libre du Parc Hautmont, et l'avis de Mme Guilguet-Pauthe, avocat général, après débats en l'audience publique du 12 juillet 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Jariel, conseiller référendaire rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, MM. Jessel, Jobert, Mme Grandjean, conseillers, Mmes Schmitt, Aldigé, M. Baraké, Mmes Gallet, Vernimmen, conseillers référendaires, Mme Guilguet-Pauthe, avocat général, et Mme Letourneur, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 10 juin 2021), l'ensemble immobilier de la zone d'aménagement concerté du Hautmont, qui comprend dans son périmètre le syndicat des copropriétaires de la résidence Château du Hautmont (le syndicat des copropriétaires), est administré par l'association syndicale libre du Parc du Hautmont (l'ASL). 2. Le 22 mai 2017, l'assemblée générale extraordinaire de l'ASL a voté la mise en conformité de ses statuts avec l'ordonnance n° 2004-632 du 1er juillet 2004 et le décret n° 2006-504 du 3 mai 2006. 3. Le 28 novembre 2017, l'ASL a assigné le syndicat des copropriétaires en paiement de cotisations impayées. A titre reconventionnel, ce dernier a sollicité l'annulation des assemblées générales ordinaire et extraordinaire du 22 mai 2017. Examen des moyens Sur le premier moyen Enoncé du moyen 4. Le syndicat des copropriétaires fait grief à l'arrêt de déclarer l'ASL recevable à agir, alors : « 1°/ que faute d'annexer aux statuts mis en conformité avec l'ordonnance du 1er juillet 2004 et son décret d'application du 3 mai 2006, le plan parcellaire prévu à l'article 4 de l'ordonnance et une déclaration de chaque adhérent spécifiant les désignations cadastrales ainsi que la contenance des immeubles pour lesquels il s'engage, une association syndicale libre est privée de capacité à agir en justice ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que l'ASL du Parc du Haumont ne justifiait pas qu'avaient été annexés aux nouveaux statuts le plan parcellaire prévu à l'article 4 de l'ordonnance et une déclaration de chaque adhérent spécifiant les désignations cadastrales ainsi que la contenance des immeubles pour lesquels il s'engage ; qu'en retenant néanmoins que dès lors qu'elle justifiait de la délivrance par le préfet du Nord du récépissé d'un exemplaire de ses nouveaux statuts et de leur publication au Journal officiel, elle avait recouvré sa capacité à agir quand bien même ces statuts n'étaient pas conformes à l'ordonnance n° 2004-632 du 1er juillet 2004 et au décret n° 2006-504 du 3 mai 2006, la cour d'appel a violé les articles 7 et 60 de l'ordonnance du 1er juillet 2004, ensemble l'article 3 du décret du 3 mai 2006 ; 2°/ que faute d'annexer aux statuts mis en conformité avec l'ordonnance du 1er juillet 2004 et son décret d'application du 3 mai 2006, le plan parcellaire prévu à l'article 4 de l'ordonnance et une déclaration de chaque adhérent spécifiant les désignations cadastrales ainsi que la contenance des immeubles pour lesquels il s'engage, une association syndicale libre est privée de capacité à agir en justice ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que l'ASL du Parc du Haumont ne justifiait pas qu'avaient été annexés aux nouveaux statuts le plan parcellaire prévu à l'article 4 de l'ordonnance et une déclaration de chaque adhérent spécifiant les désignations cadastrales ainsi que la contenance des immeubles pour lesquels il s'engage ; qu'en retenant néanmoins que dès lors qu'elle produisait aux débats un plan parcellaire, la liste des parcelles avec leurs références cadastrales ainsi que des attestations de certains copropriétaires faisant état de l'affichage de ces documents lors des assemblées générales du 22 mai 2017, elle était recevable à agir, la cour d'appel a violé les articles 7 et 60 de l'ordonnance n° 2004-632 du 1er juillet 2004 dans sa version issue de la loi du 24 mars 2014, ensemble l'article 3 du décret n° 2006-504 du 3 mai 2006. » Réponse de la Cour 5. La cour d'appel a retenu, à bon droit, que l'ordonnance du 1er juillet 2014 et le décret du 3 mai 2006 ne dispensent pas les associations syndicales libres de respecter les formalités qu'ils imposent lorsqu'elles mettent leurs statuts en conformité avec ces textes. 6. Elle a relevé que, si le récépissé de la déclaration ne contenait pas l'énumération des pièces annexées, le préfet avait toutefois accusé réception d'un exemplaire des statuts modifiés pour être mis en conformité avec l'ordonnance du 1er juillet 2004 et le décret du 3 mai 2006 et avait précisé faire procéder à la publication au Journal officiel d'un extrait dans le délai d'un mois. 7. Elle en a exactement déduit, sans tirer de conséquences de la production aux débats du plan parcellaire, que l'ASL, qui, peu important l'absence d'annexion du plan aux statuts modifiés qui n'est requise qu'au moment de la constitution, justifiait de la délivrance du récépissé et de la publication des nouveaux statuts au Journal officiel, avait accompli les formalités de publicité de ses statuts modifiés et retrouvé sa capacité à agir. 8. Le moyen, inopérant en sa seconde branche, n'est donc pas fondé pour le surplus. Mais sur le deuxième moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 9. Le syndicat des copropriétaires fait grief à l'arrêt de rejeter la demande d'annulation des assemblées générales ordinaire et extraordinaire de l'ASL du 22 mai 2017, alors « que seuls les statuts définissent les règles de fonctionnement d'une association syndicale libre ; qu'en l'espèce, l'article 10 des statuts de l'ASL du Parc du Hautmont applicables au jour des assemblées générales du 22 mai 2017 prévoyait : "dans les 6 jours de la convocation, les syndicataires peuvent notifier, par lettre recommandée à la personne qui a convoqué l'assemblée, les questions dont il demande l'inscription à l'ordre du jour. Un état de ces questions est porté à la connaissance des syndicataires, 5 jours au moins avant la date de cette réunion, dans les formes prévues pour la convocation" ; qu'en écartant toute irrégularité tenant à ce que l'ASL du Parc du Hautmont, à qui le syndicat des copropriétaires de la résidence Château du Hautmont et M. [P] [Z] avaient notifié par courrier recommandé avec accusé de réception du 26 avril 2017 à tout le moins deux questions relatives à la sortie de l'ASL et à la restitution de la trésorerie de l'ASL, avait refusé de les porter à l'ordre du jour des assemblées générales du 22 mai 2017, en ce que, pour la première question, la justification tenant au caractère inéquitable des cotisations depuis 1996 et à la disparition de l'intérêt commun apparaissait insuffisante en l'absence de toute proposition concrète envisagée et en l'absence de renvoi à une notion juridique précise dès lors que cette possibilité de sortie n'était pas prévue par les statuts de l'ASL, et en ce que les statuts de l'ASL ne prévoyaient la possibilité pour l'assemblée générale extraordinaire que de modifier le périmètre de l'ASL selon un quorum de deux tiers des voix des membres et une majorité des deux tiers des membres présents ou représentés sans que ces dispositions aient été expressément visées dans le courrier du 26 avril 2017 et, pour la seconde question, en ce que le caractère général de sa formulation ne permettait pas de l'inscrire à l'ordre du jour, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, ensemble l'article 7 de l'ordonnance du 1er juillet 2004. » Réponse de la Cour Vu l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et l'article 7 de l'ordonnance du 1er juillet 2004 : 10. Selon le premier de ces textes, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. 11. Selon le second, les associations syndicales libres se forment par consentement unanime des propriétaires intéressés, constaté par écrit et les statuts de l'association définissent son nom, son objet, son siège et ses règles de fonctionnement. 12. Pour rejeter la demande d'annulation des assemblées générales ordinaire et extraordinaire de l'ASL du 22 mai 2017, l'arrêt retient, en premier lieu, que le syndicat des copropriétaires a, par lettre du 26 avril 2017, formulé une demande de vote, à la majorité simple, d'une résolution selon laquelle les membres de l'ASL décident de la sortie de l'association du syndicat. 13. Il relève que, si le syndicat des copropriétaires a la qualité de membre de l'ASL, la justification tenant au caractère inéquitable des cotisations depuis 1996 et la disparition de l'intérêt commun apparaît insuffisante en l'absence de toute proposition concrète envisagée et de renvoi à une notion juridique précise alors même que cette possibilité de sortie n'est pas prévue par les statuts de l'ASL. 14. Il ajoute que les statuts non modifiés de l'ASL ne prévoyant que la possibilité pour l'assemblée générale extraordinaire de modifier le périmètre de l'association, cette modification nécessite un quorum irréductible des deux tiers des voix des membres de l'association et de la majorité des deux tiers des membres présents ou représentés et que ces dispositions ne sont pas expressément visées par le syndicat des copropriétaires dans sa lettre. 15. En second lieu, l'arrêt retient que le caractère général de la formulation de la demande de vote de la restitution de la trésorerie de l'ASL ne permettait pas de l'inscrire à l'ordre du jour. 16. En statuant ainsi, après avoir constaté que l'article 10 des statuts prévoyait que l'état des questions dont les syndicataires avaient demandé l'inscription à l'ordre du jour était porté à leur connaissance cinq jours au moins avant la date de la réunion de l'assemblée générale, ce dont il se déduisait que le président de l'ASL n'avait pas le pouvoir d'en apprécier l'utilité ou l'opportunité, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare l'association syndicale libre du Parc du Hautmont recevable à agir, l'arrêt rendu le 10 juin 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Douai autrement composée ; Condamne l'association syndicale libre du Parc du Hautmont aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'association syndicale libre du Parc du Hautmont et la condamne à payer au syndicat des copropriétaires de la résidence Château du Hautmont la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit septembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SARL Le Prado - Gilbert, avocat aux Conseils, pour le syndicat des copropriétaires de la Résidence Château du Hautmont PREMIER MOYEN DE CASSATION Le syndicat des copropriétaires de la résidence Château du Hautmont fait grief à l'arrêt : D'AVOIR déclaré l'association syndicale libre du Parc du Hautmont recevable à agir, de l'AVOIR débouté de ses demandes aux fins de voir constater que l'association syndicale libre du Parc du Hautmont se trouve dépourvue de statuts mis en conformité avec l'ordonnance du 1er juillet 2004 ainsi que de tout représentant légal, de voir dire qu'elle était dépourvue de tout droit d'ester en justice et de voir déclarer irrecevables ses demandes dirigées à son encontre, de l'AVOIR condamné en conséquence à lui payer la somme de 75 000 euros à titre d'indemnité provisionnelle à valoir sur les cotisations impayées au titre des années 2015, 2016 et 2017, augmentée des intérêts au taux légal, et de l'AVOIR condamné à lui payer la somme de 166 656 euros au titre des cotisations impayées pour les années 2015, 2016, 2017 et 2018, cette somme s'ajoutant à celle de 75 000 euros allouée en première instance à titre d'indemnité provisionnelle ; 1) ALORS QUE faute d'annexer aux statuts mis en conformité avec l'ordonnance du 1er juillet 2004 et son décret d'application du 3 mai 2006, le plan parcellaire prévu à l'article 4 de l'ordonnance et une déclaration de chaque adhérent spécifiant les désignations cadastrales ainsi que la contenance des immeubles pour lesquels il s'engage, une association syndicale libre est privée de capacité à agir en justice ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que l'ASL du Parc du Haumont ne justifiait pas qu'avaient été annexés aux nouveaux statuts le plan parcellaire prévu à l'article 4 de l'ordonnance et une déclaration de chaque adhérent spécifiant les désignations cadastrales ainsi que la contenance des immeubles pour lesquels il s'engage ; qu'en retenant néanmoins que dès lors qu'elle justifiait de la délivrance par le préfet du Nord du récépissé d'un exemplaire de ses nouveaux statuts et de leur publication au Journal officiel, elle avait recouvré sa capacité à agir quand bien même ces statuts n'étaient pas conformes à l'ordonnance n°2004-632 du 1er juillet 2004 et au décret n°2006-504 du 3 mai 2006, la cour d'appel a violé les articles 7 et 60 de l'ordonnance du 1er juillet 2004, ensemble l'article 3 du décret du 3 mai 2006 ; 2) ALORS QUE faute d'annexer aux statuts mis en conformité avec l'ordonnance du 1er juillet 2004 et son décret d'application du 3 mai 2006, le plan parcellaire prévu à l'article 4 de l'ordonnance et une déclaration de chaque adhérent spécifiant les désignations cadastrales ainsi que la contenance des immeubles pour lesquels il s'engage, une association syndicale libre est privée de capacité à agir en justice ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que l'ASL du Parc du Haumont ne justifiait pas qu'avaient été annexés aux nouveaux statuts le plan parcellaire prévu à l'article 4 de l'ordonnance et une déclaration de chaque adhérent spécifiant les désignations cadastrales ainsi que la contenance des immeubles pour lesquels il s'engage ; qu'en retenant néanmoins que dès lors qu'elle produisait aux débats un plan parcellaire, la liste des parcelles avec leurs références cadastrales ainsi que des attestations de certains copropriétaires faisant état de l'affichage de ces documents lors des assemblées générales du 22 mai 2017, elle était recevable à agir, la cour d'appel a violé les articles 7 et 60 de l'ordonnance n°2004-632 du 1er juillet 2004 dans sa version issue de la loi du 24 mars 2014, ensemble l'article 3 du décret n°2006-504 du 3 mai 2006. DEUXIEME MOYEN DE CASSATION Le syndicat des copropriétaires de la résidence Château du Hautmont fait grief à l'arrêt : de l'AVOIR débouté de sa demande d'annulation des assemblées générales ordinaire et extraordinaire de l'ASL du Parc du Hautmont du 22 mai 2017, ainsi que de l'ensemble des résolutions votées à l'occasion de ces deux assemblées, de l'AVOIR en conséquence débouté de sa demande en annulation des assemblées générales ordinaire et extraordinaire du 9 avril 2018, ainsi que de l'ensemble des résolutions votées à l'occasion de ces deux assemblées, et de sa demande aux fins de voir dire que les appels de cotisation fondés sur les budgets votés lors des assemblées générales ordinaires des 22 mai 2017 et 9 avril 2018 sont dépourvus de tout fondement et ne peuvent lui être réclamés, de l'AVOIR condamné à payer à l'ASL du Parc du Hautmont la somme de 75 000 euros à titre d'indemnité provisionnelle à valoir sur les cotisations impayées au titre des années 2015, 2016 et 2017, augmentée des intérêts au taux légal, et de l'AVOIR condamné à lui payer la somme de 166 656 euros au titre des cotisations impayées pour les années 2015, 2016, 2017 et 2018, cette somme s'ajoutant à celle de 75 000 euros allouée en première instance à titre d'indemnité provisionnelle ; 1) ALORS QUE seuls les statuts définissent les règles de fonctionnement d'une association syndicale libre ; qu'en l'espèce, l'article 10 des statuts de l'ASL du Parc du Hautmont applicables au jour des assemblées générales du 22 mai 2017 prévoyait : « dans les 6 jours de la convocation, les syndicataires peuvent notifier, par lettre recommandée à la personne qui a convoqué l'assemblée, les questions dont il demande l'inscription à l'ordre du jour. Un état de ces questions est porté à la connaissance des syndicataires, 5 jours au moins avant la date de cette réunion, dans les formes prévues pour la convocation » ; qu'en écartant toute irrégularité tenant à ce que l'ASL du Parc du Hautmont, à qui le syndicat des copropriétaires de la résidence Château du Hautmont et M. [P] [Z] avaient notifié par courrier recommandé avec accusé de réception du 26 avril 2017 à tout le moins deux questions relatives à la sortie de l'ASL et à la restitution de la trésorerie de l'ASL, avait refusé de les porter à l'ordre du jour des assemblées générales du 22 mai 2017, en ce que, pour la première question, la justification tenant au caractère inéquitable des cotisations depuis 1996 et à la disparition de l'intérêt commun apparaissait insuffisante en l'absence de toute proposition concrète envisagée et en l'absence de renvoi à une notion juridique précise dès lors que cette possibilité de sortie n'était pas prévue par les statuts de l'ASL, et en ce que les statuts de l'ASL ne prévoyaient la possibilité pour l'assemblée générale extraordinaire que de modifier le périmètre de l'ASL selon un quorum de deux tiers des voix des membres et une majorité des deux tiers des membres présents ou représentés sans que ces dispositions aient été expressément visées dans le courrier du 26 avril 2017 et, pour la seconde question, en ce que le caractère général de sa formulation ne permettait pas de l'inscrire à l'ordre du jour, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, ensemble l'article 7 de l'ordonnance du 1er juillet 2004 ; 2) ALORS QUE le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; qu'en l'espèce, dans leur courrier recommandé avec accusé de réception du 26 avril 2017, le syndicat des copropriétaires de la résidence Château du Hautmont et M. [P] [Z] sollicitaient l'inscription à l'ordre du jour des assemblées générales du 22 mai 2017 d'une question rédigée de la façon suivante : « l'ASLP PH décide de la suppression de toutes les barrières fermant les voies de circulation » ; qu'en retenant néanmoins qu'ils avaient sur ce point émis une simple « information » relative à « l'illégalité de la fermeture par des barrières de l'ASL PH », insusceptible en sa présentation de faire l'objet d'un vote, la cour d'appel a dénaturé ce courrier du 26 avril 2017 en violation du principe selon lequel le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; 3) ALORS QUE l'article 10 des statuts de l'ASL applicables au jour des assemblées générales du 22 mai 2017 prévoyait : « dans les 6 jours de la convocation, les syndicataires peuvent notifier, par lettre recommandée à la personne qui a convoqué l'assemblée, les questions dont il demande l'inscription à l'ordre du jour. Un état de ces questions est porté à la connaissance des syndicataires, 5 jours au moins avant la date de cette réunion, dans les formes prévues pour la convocation » ; qu'en énonçant encore, pour retenir qu'aucune irrégularité n'entachait les assemblées générales ordinaire et extraordinaire du 22 mai 2017 du fait du refus de l'ASL du Parc du Hautmont d'inscrire à l'ordre du jour les questions notifiées par le syndicat des copropriétaires de la résidence Château du Hautmont et par M. [P] [Z] par courrier recommandé avec accusé de réception du 26 avril 2017, que ce courrier n'apportait pas de précision sur l'assemblée générale de l'ASL devant laquelle ils souhaitaient que chaque question soit posée, quand il ressortait de ses constatations que ce courrier visait les deux assemblées générales ordinaire et extraordinaire du 22 mai 2017 de sorte qu'il appartenait à l'ASL de les porter à l'ordre du jour de celle dans le cadre de laquelle elles étaient susceptibles d'être votées, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, ensemble l'article 7 de l'ordonnance du 1er juillet 2004. TROISIEME MOYEN DE CASSATION (SUBSIDIAIRE) Le syndicat des copropriétaires de la résidence Château du Hautmont fait grief à l'arrêt : de l'AVOIR débouté de sa demande tendant à voir déclarer l'association syndicale libre du Parc du Hautmont irrecevable en ses demandes dirigées à son encontre en tant qu'elle est dépourvue de tout intérêt et qualité à agir contre lui, de l'AVOIR condamné à payer à l'association syndicale libre du Parc du Hautmont la somme de 75 000 euros à titre d'indemnité provisionnelle à valoir sur les cotisations impayées au titre des années 2015, 2016 et 2017, augmentée des intérêts au taux légal, et de l'AVOIR condamné à lui payer la somme de 166 656 euros au titre des cotisations impayées pour les années 2015, 2016, 2017 et 2018, cette somme s'ajoutant à celle de 75 000 euros allouée à titre d'indemnité provisionnelle ; ALORS QUE les statuts adoptés le 22 mai 2017 ne conférait pas la qualité de membre de l'association syndicale libre aux syndicats des copropriétaires des copropriétés situées dans le périmètre syndical ; qu'en énonçant, pour faire droit à la demande de condamnation en paiement de cotisations de l'ASL du Parc du Hautmont à l'encontre du syndicat des copropriétaires de la résidence Château du Hautmont, que si ce dernier n'est pas membre de l'ASL dans la mesure où il n'a pas la qualité de propriétaire, le vote de la résolution n° 4 de l'assemblée générale extraordinaire du 22 mai 2017 ayant conféré aux seuls copropriétaires la qualité de membres et le droit de vote afférent, il demeure l'unique interlocuteur de l'ASL pour collecter les fonds auprès des copropriétaires, les cotisations étant des charges générales de copropriété et donc des dépenses communes à l'ensemble des copropriétaires, la cour d'appel a violé l'article 1103, anciennement 1134, du code civil, et l'article 7 de l'ordonnance du 1er juillet 2004, ensemble l'article 1199, anciennement 1165, du code civil. 3e Civ., 6 septembre 2018, pourvoi n° 17-22.815, Bull. 2018, III, n° 93 (cassation partielle).
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 21 septembre 2022 Cassation sans renvoi M. CHAUVIN, président Arrêt n° 668 FS-B Pourvoi n° Y 19-15.438 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 21 SEPTEMBRE 2022 1°/ Mme [U] [H], domiciliée [Adresse 3], 2°/ M. [R] [H], domicilié [Adresse 1]), ont formé le pourvoi n° Y 19-15.438 contre l'arrêt rendu le 21 février 2019 par la cour d'appel de Versailles (14e chambre), dans le litige les opposant à Mme [T] [F], veuve [H], domiciliée [Adresse 2] (Royaume-Uni), défenderesse à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Fulchiron, conseiller, les observations de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de Mme [U] [H] et de M. [R] [H], de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de Mme [F], et l'avis de Mme Marilly, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 28 juin 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Fulchiron, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, Mmes Antoine, Poinseaux, Dard, Beauvois, conseillers, M. Duval, Mme Azar, M. Buat-Ménard, conseillers référendaires, Mme Marilly, avocat général référendaire, et Mme Berthomier, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 21 février 2019), [Y] [H], de nationalité française, est décédé en France le 3 septembre 2015, en laissant pour lui succéder son épouse, Mme [F], et ses trois enfants issus d'une première union, [S], [R] et [U] (les consorts [H]). 2. Les consorts [H] ont assigné Mme [F] devant le président d'un tribunal de grande instance statuant en la forme des référés afin d'obtenir la désignation d'un mandataire successoral en invoquant la compétence des juridictions françaises sur le fondement de l'article 4 du règlement (UE) n° 650/2012 du Parlement européen et du Conseil du 4 juillet 2012, relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l'exécution des décisions, et l'acceptation et l'exécution des actes authentiques en matière de successions et à la création d'un certificat successoral européen, au motif que la résidence habituelle de [Y] [H] au jour de son décès était située en France. 3. [S] [H] étant décédé le 10 avril 2017, ses frère et soeur ont indiqué agir également en leur qualité d'ayants droit de celui-ci. 4. Par un arrêt du 18 novembre 2020, la Cour de cassation a saisi la Cour de justice de l'Union européenne (la CJUE) d'une question préjudicielle portant sur l'interprétation de l'article 10, § 1, sous a), du règlement (UE) n° 650/2012 du Parlement européen et du Conseil du 4 juillet 2012 précité. 5. Par un arrêt du 7 avril 2022 (C-645/20), la CJUE a répondu à la question posée. Examen du moyen Sur le moyen, pris en ses trois premières branches, ci-après annexé 6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Mais sur le moyen, pris en sa quatrième branche Enoncé du moyen 7. Les consorts [H] font grief à l'arrêt de dire que les juridictions françaises ne sont pas compétentes pour statuer sur l'ensemble de la succession de [Y] [H] et la demande de désignation d'un mandataire successoral, alors « que lorsque la résidence habituelle du défunt au moment du décès n'est pas située dans un Etat membre, les juridictions de l'Etat membre dans lequel sont situés des biens successoraux sont néanmoins compétentes, de manière subsidiaire, pour statuer sur l'ensemble de la succession dans la mesure où le défunt possédait la nationalité de cet Etat membre au moment du décès ; que ces dispositions, issues du règlement n° 650/2012 du 4 juillet 2012 relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l'exécution des décisions, et l'acceptation et l'exécution des actes authentiques en matière de successions et à la création d'un certificat successoral européen, sont d'ordre public et doivent être relevées d'office par le juge ; qu'en l'espèce, il est constant que [Y] [H] avait la nationalité française et qu'il possédait des biens situés en France, de sorte que la cour d'appel aurait dû vérifier sa compétence subsidiaire ; qu'en s'abstenant de le faire, la cour d'appel a violé l'article 10 du règlement n° 650/2012 du 4 juillet 2012. » Réponse de la Cour Vu l'article 10, § 1, sous a), du règlement (UE) n° 650/2012 du Parlement européen et du Conseil du 4 juillet 2012 précité : 8. Selon ce texte, titré « Compétences subsidiaires », lorsque la résidence habituelle du défunt au moment du décès n'est pas située dans un État membre, les juridictions de l'État membre dans lequel sont situés des biens successoraux sont néanmoins compétentes pour statuer sur l'ensemble de la succession dans la mesure où le défunt possédait la nationalité de cet État membre au moment du décès. 9. Par son arrêt précité du 7 avril 2022, la CJUE a dit pour droit que ce texte « doit être interprété en ce sens qu'une juridiction d'un État membre doit relever d'office sa compétence au titre de la règle de compétence subsidiaire prévue à cette disposition lorsque, ayant été saisie sur le fondement de la règle de compétence générale établie à l'article 4 de ce règlement, elle constate qu'elle n'est pas compétente au titre de cette dernière disposition. » 10. Pour déclarer la juridiction française incompétente pour statuer sur la succession de [Y] [H] et désigner un mandataire successoral, l'arrêt retient que la résidence habituelle du défunt était située au Royaume-Uni. 11. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que [Y] [H] avait la nationalité française et possédait des biens situés en France, la cour d'appel, qui n'a pas, en conséquence, relevé d'office sa compétence subsidiaire, a violé le texte susvisé. Portée et conséquences de la cassation 12. Comme suggéré en demande, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile. 13. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond. 14. La cour d'appel ayant constaté que [Y] [H] avait la nationalité française et possédait des biens situés en France, les juridictions françaises sont donc compétentes pour statuer sur l'ensemble de sa succession en application de l'article 10, § 1, sous a), du Règlement (UE) n° 650/2012 du Parlement européen et du Conseil du 4 juillet 2012. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 21 février 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; Dit que les juridictions françaises sont compétentes pour statuer sur l'ensemble de la succession de [Y] [H] ; Confirme l'ordonnance rendue 12 décembre 2017 en la forme des référés par le président du tribunal de grande instance de Nanterre ; Condamne Mme [F] aux dépens, y compris ceux exposés devant la cour d'appel ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [F] et la condamne à payer à Mme [U] [H] et M. [R] [H] la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du vingt et un septembre deux mille vingt-deux, et signé par lui et Mme Tinchon, greffier présent lors du prononcé. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat aux Conseils, pour Mme [U] [H] et M. [R] [H]. Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit que les juridictions françaises ne sont pas compétentes pour statuer sur l'ensemble de la succession de [Y] [H] et la demande de désignation d'un mandataire successoral ; AUX MOTIFS QUE « Le règlement UE n°650/2012 du 4 juillet 2012 relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l'exécution des décisions, et l'acceptation et l'exécution des actes authentiques en matière de successions et à la création d'un certificat successoral européen est directement applicable dans tous les Etats membres de l'Union européenne à l'exception du Danemark, du Royaume-Uni et de l'Irlande, aux successions à cause de mort et des personnes décédées à partir du 17 août 2015. L'article 4 du règlement édicte une règle de compétence générale en l'absence de désignation de la loi applicable par le défunt : "Sont compétentes pour statuer sur l'ensemble d'une succession les juridictions de l'Etat membre dans lequel le défunt avait sa résidence habituelle au moment de son décès". Des compétences subsidiaires sont prévues à l'article 10 permettant, sous certaines conditions cumulatives, de porter devant les juridictions d'un État membre une succession susceptible d'être traitée hors de l'Union européenne. Une juridiction de l'Union pourra administrer la succession d'une personne décédée ayant sa résidence habituelle au moment de son décès dans un État tiers. Cette compétence suppose au minimum que des biens soient situés dans cet État membre. Selon l'article 10 : " 1. Lorsque la résidence habituelle du défunt au moment du décès n'est pas située dans un État membre, les juridictions de l'État membre dans lequel sont situés des biens successoraux sont néanmoins compétentes pour statuer sur l'ensemble de la succession dans la mesure où : a) le défunt possédait la nationalité de cet État membre au moment du décès ; ou, à défaut, b) le défunt avait sa résidence habituelle antérieure dans cet État membre, pour autant que, au moment de la saisine de la juridiction, il ne s'est pas écoulé plus de cinq ans depuis le changement de cette résidence habituelle. 2. Lorsqu'aucune juridiction d'un État membre n'est compétente en vertu du paragraphe 1, les juridictions de l'État membre dans lequel sont situés des biens successoraux sont néanmoins compétentes pour statuer sur ces biens." La juridiction de l'État membre dans lequel le défunt avait sa résidence habituelle au moment de son décès est compétente pour statuer sur l'ensemble de sa succession, qu'il s'agisse de meubles ou d'immeubles, et pour se prononcer sur le sort de biens situés à l'étranger dans un autre État membre ou dans un État tiers. Le règlement ne donne pas de définition de la résidence habituelle du défunt et il convient de se référer aux précisions apportées par les considérants 23 et 24 du règlement : "Afin de déterminer la résidence habituelle, l'autorité chargée de la succession devrait procéder à une évaluation d'ensemble des circonstances de la vie du défunt au cours des années précédant son décès et au moment de son décès, prenant en compte tous les éléments de fait pertinents, notamment la durée et la régularité de la présence du défunt dans l'État concerné ainsi que les conditions et les raisons de cette présence. La résidence habituelle ainsi déterminée devrait révéler un lien étroit et stable avec l'État concerné, compte tenu des objectifs spécifiques du présent règlement" (considérant 23)." "Dans certains cas, il peut s'avérer complexe de déterminer la résidence habituelle du défunt. Un tel cas peut se présenter, en particulier, lorsque, pour des raisons professionnelles ou économiques, le défunt était parti vivre dans un autre État pour y travailler, parfois pendant une longue période, tout en ayant conservé un lien étroit et stable avec son État d'origine. Dans un tel cas, le défunt pourrait, en fonction des circonstances de l'espèce, être considéré comme ayant toujours sa résidence habituelle dans son État d'origine, dans lequel se trouvait le centre des intérêts de sa vie familiale et sociale. D'autres cas complexes peuvent se présenter lorsque le défunt vivait de façon alternée dans plusieurs États ou voyageait d'un État à un autre sans s'être installé de façon permanente dans un État. Si le défunt était ressortissant de l'un de ces États ou y avait l'ensemble de ses principaux biens, sa nationalité ou le lieu de situation de ces biens pourrait constituer un critère particulier pour l'appréciation globale de toutes les circonstances de fait" (considérant 24)." En l'espèce, il est constant que [Y] [H], né le 4 décembre 1922, a quitté la France en 1981, à l'âge de 59 ans, après le décès de sa première épouse, pour s'installer au Royaume-Uni, à Londres ; que ses trois enfants sont restés en France ; qu'il a alors exercé une activité professionnelle dans le secteur immobilier, est resté dans ce pays pour sa retraite, a épousé en 1996 Mme [T] [F], de nationalité anglaise, rencontrée en 1984, avec laquelle il a vécu de manière ininterrompue jusqu'à son retour en France au mois d'août 2012, alors qu'il était presque âgé de 90 ans. Il est tout aussi constant que l'essentiel des biens successoraux du défunt se trouve en Angleterre : un appartement à Londres, une maison de campagne dans les environs, un patrimoine mobilier (262 500 livres), des tableaux de valeur, un compte bancaire, le défunt détenant également un compte bancaire en Suisse, tandis qu'en France, le patrimoine de [Y] [H] se limite à 10% des parts sociales d'une SCI Gretima qui a acquis le 26 juin 2012, au prix de 1 330 000 euros, l'appartement situé à Suresnes (92) dans lequel il s'est installé avec sa fille, et qui a été financé par la vente aux enchères d'un tableau lui appartenant, le reste des parts sociales étant détenu par ses trois enfants. Par ailleurs, l'Angleterre est le pays où [Y] [H] a pris ses dispositions testamentaires. Il a ainsi rédigé un testament en anglais daté du 29 mars 2010, soumis à la loi anglaise, préparé par un "solicitor", désignant son épouse comme exécuteur testamentaire et "trustee" de tous ses biens successoraux et comme bénéficiaire de toute la succession à l'exception des tableaux du peintre Domenico Gnoli qu'il possédait, légués à ses trois enfants. Il a également signé le 24 avril 2010 un "Lasting Power of Attorney", enregistré le 16 août 2010, acte qui correspond à un mandat de protection future, désignant en qualité de mandataires son avocat, M. [B] [A], et son épouse pour veiller sur sa personne et ses biens lorsqu'il ne serait plus en capacité de le faire. Ce mandat anglais de tuteur a été mis en oeuvre au mois de décembre 2012 après que le médecin traitant de [Y] [H] en Angleterre, le docteur [K] [P], a établi une attestation le 25 octobre 2012 confirmant son diagnostic de 2011 et la détérioration de la santé mentale de son patient, M. [O] exécutant ce mandat jusqu'à sa démission le 20 mars 2014, repris par Mme [F]. Enfin, si la désignation par testament se suffit à elle-même, l'exécuteur testamentaire doit obtenir un certificat d'homologation pour confirmer ses pouvoirs d'administrateur des biens de la succession à l'égard des tiers en produisant l'original du testament, ce qui a été fait en l'espèce, une ordonnance de la juridiction anglaise ayant été délivrée le 12 octobre 2017 à Mme [T] [F]. Concernant les circonstances du retour en France de [Y] [H] en 2012, les éléments partiellement contradictoires versés aux débats par les parties ne permettent nullement d'affirmer que l'épouse s'est désintéressée de son mari à compter de l'année 2011 et qu'elle n'entendait plus s'en occuper et que l'intention de [Y] [H], compte tenu notamment de l'altération de ses facultés mentales en 2012, a été de revenir fixer en France le centre de ses intérêts. En effet, selon les pièces produites par les parties : - Mme [F] a entrepris au mois d'octobre 2011 de chercher un établissement spécialisé à Londres, à proximité du domicile conjugal, pour que [Y] [H] soit pris en charge, compte tenu de l'évolution de sa maladie et de son comportement devenu agressif et parfois violent à son égard, cette solution d'accueil ayant été refusée par l'intéressé, - le changement de comportement devenu difficile et opposant de [Y] [H] dès l'année 2011 est notamment attesté par son refus d'accepter que son permis de conduire lui soit retiré, après qu'un médecin psychiatre l'ait examiné en septembre 2011 (courriel 20 septembre 2011, pièce 16 intimés), - les difficultés à poursuivre une vie commune ont été reconnues par les enfants de [Y] [H] qui dans des courriels du mois de mai 2012 écrivaient à Mme [F] combien ils avaient conscience de ce que la vie avec leur père pouvait être difficile et épuisante, son comportement "insultant et humiliant" à l'égard de son épouse, proposant une prise en charge alternée entre [Localité 4] et Londres, admettant encore que la situation allait devenir de "pire en pire", [U] [H] invitant l'épouse à se "protéger" (pièce 19 intimés), - le consentement de [Y] [H] pour un retour définitif en France en août 2012, avec la volonté d'y fixer de nouveau le centre de ses intérêts et sa résidence habituelle, ne peut qu'être relativisé compte tenu de l'évolution avancée de sa maladie dégénérative telle que constatée par le docteur [D] le 27 septembre 2012, qui décrit l'intéressé comme un "sujet opposant, dépressif, autoritaire et agressif, présentant des troubles mnésiques importants", le début de sa maladie remontant à près de six années, bien que des courriels échangés entre les enfants en 2011 et 2012 font état du souhait de leur père de revenir en France, d'une demande de sa part de lui louer, et non d'acheter, un studio à [Localité 4] et d'un certain abandon de Mme [F], - aucun élément du dossier ne permet de démontrer que le départ de [Y] [H] le 8 août 2012 avec sa fille [U] venue le chercher à Londres avait été programmé et de surcroît de manière définitive, - les chutes que [Y] [H] a pu faire en Angleterre ne résultent pas nécessairement d'un défaut de soins mais sont inhérentes à sa maladie, dont l'aggravation a été constante à compter de 2011, - la pathologie avancée de [Y] [H] telle que décrite par son médecin traitant anglais le 25 octobre 2012, qui certes ne l'a pas examiné et a permis la mise en place du mandat de protection future, est toutefois amplement confirmée par le certificat médical du docteur [D] établi antérieurement le 27 septembre 2012, qui a rencontré l'intéressé, - aucune pièce du dossier ne permet de démontrer que le retour de [Y] [H] en France résulte d'une volonté de Mme [F] de se séparer de son mari, alors que son retour en Angleterre était envisagé en 2013 tant par le mandataire anglais, M. [O] (pièce 20 appelante), que par son fils [S], pour mettre en place des soins spécialisés, M. [O] écrivant le 19 août 2013 que "[Y]" avec qui il échangeait fréquemment souhaitait venir à Londres le voir. S'il est en revanche établi que Mme [F] n'est que rarement venue voir son mari en France au cours des trois années de sa fin de vie, celle-ci explique son comportement par son impossibilité de le rencontre seule, ce qui est expressément énoncé dans ses conclusions déposées dans la procédure de placement sous tutelle de son mari, étant relevé que les rapports entre l'épouse et les enfants de [Y] [H] n'ont cessé de se dégrader pour des raisons d'argent, les mandataires anglais détenant la gestion des comptes de [Y] [H]. La cour souligne à cet égard que Mme [F], dans le questionnaire qu'elle a rempli pour la procédure de placement sous tutelle de [Y] [H] initiée par ses enfants, a coché la case indiquant qu'elle acceptait de s'occuper de son mari. Il est en outre inopérant pour les intimés de soutenir qu'en ne contestant pas la procédure de placement sous tutelle de son mari en France, Mme [F] a accepté la compétence du juge français pour sa succession et que son changement de position dans la présente instance constitue un "estoppel", c'est à dire une position contradictoire prise au détriment de son adversaire, quand il s'agit de prendre une mesure de protection d'un majeur se trouvant alors domicilié sur le territoire français, le juge des tutelles ne s'étant nullement prononcé sur la "résidence habituelle" de [Y] [H] au sens du règlement (UE) du 4 juillet 2012, distincte de la notion de domicile de l'article 1211 du code de procédure civile. Au demeurant, Mme [G], désignée comme tutrice aux biens de [Y] [H] situés en France ou hors de France, n'a pas été en mesure de faire reconnaître cette décision au Royaume-Uni, dès lors que M. [O] et Mme [F] étaient déjà désignés en qualité de tuteurs de la personne et des biens de [Y] [H] en vertu du "Lasting Power of Attorney" que ce dernier avait signé en 2010. Il résulte de ces constatations et énonciations que [Y] [H], qui a quitté la France en 1981 et a passé plus de 30 ans en Angleterre, a fixé le centre de ses intérêts économiques, familiaux, sociaux et patrimoniaux dans ce pays, ayant le statut de résident anglais, et n'est revenu vivre en France qu'en raison de ses problèmes de santé liés à l'aggravation de la maladie d'Alzheimer, à l'initiative notamment de sa fille [U] [H] qui avait suivi une formation d'aidante familiale organisée par France Alzheimer, à une époque où ses facultés mentales étaient déjà altérées. La cour relève à cet égard qu'aucun élément du dossier ne démontre que [Y] [H] avait maintenu des liens étroits avec la France après son départ en 1981 ou qu'il y faisait de fréquents séjours pour rencontrer notamment ses enfants, dont deux d'entre eux vivaient à l'étranger en Côte d'ivoire ([S]) et au Bahrein ([R]), n'étant propriétaire d'aucun bien immobilier à [Localité 4]. C'est vainement que les consorts [H] soutiennent que leur père a entendu fixer ses intérêts en France et liquider une partie de son patrimoine anglais (vente d'un tableau, versement de sa retraite anglaise en France...) en faisant l'acquisition d'un appartement à Suresnes, alors que ces démarches ont été réalisées par leurs soins compte tenu de son état de santé, qu'ils ne s'expliquent pas sur le montage de cette acquisition à travers la constitution d'une SCI dont leur père ne détenait que 10% des parts sociales, bien qu'ayant financé l'achat en totalité, la tutrice, Mme [G], écrivant d'ailleurs à Mme [F] le 7 avril 2015 qu'elle avait l'intention de restituer toute la propriété de ce bien à son majeur protégé avec l'aide d'un avocat, "comme cela aurait dû être fait au tout début". Ne sont pas plus déterminants les éléments factuels tirés de la nationalité française de [Y] [H], de sa prétendue résidence fiscale en France, alors qu'il n'a jamais fait de déclaration fiscale en France après son départ au Royaume-Uni et que ce sont ses enfants qui ont procédé en 2017 à une demande de régularisation d'avoirs détenus à l'étranger, ou de l'ouverture d'un compte BNP en France nécessité par l'achat de l'appartement de [Localité 5]. Ainsi en prenant en considération la durée de vie de [Y] [H] au Royaume-Uni, où s'est situé incontestablement le centre des intérêts de sa vie familiale, sociale et patrimoniale pendant près de trente ans, le lien étroit et stable entretenu depuis 1981 avec cet Etat dans lequel se trouve l'essentiel de ses biens mobiliers et immobiliers et les circonstances particulières de son retour en France en août 2012 durant les trois années qui ont précédé son décès, alors qu'il était atteint de la maladie d'Alzheimer à un stade déjà avancé et que sa fille [U] avait proposé de le prendre en charge, provisoirement ou définitivement, il ne peut être considéré que [Y] [H] avait décidé de déplacer sa résidence habituelle en France, contrairement à ce qui a été retenu par le premier juge. Dès lors, ne sont pas compétentes, au sens du règlement (UE) du 4 juillet 2012, les juridictions françaises pour statuer sur l'ensemble de la succession de [Y] [H] et la demande de désignation en France d'un mandataire successoral sur le fondement de l'article 813-1 du code civil. En conséquence, l'ordonnance déférée doit être infirmée des chefs de décision critiqués et notamment en ce que le premier juge s'est déclaré compétent pour statuer sur la demande de désignation d'un mandataire successoral. ALORS, DE PREMIERE PART, QUE sont compétents pour statuer sur l'ensemble d'une succession les juridictions de l'Etat membre dans lequel le défunt avait sa résidence habituelle au moment de son décès ; que la résidence habituelle peut s'apprécier de manière objective, en ce qu'elle résulte d'indices factuels tirés des conditions de vie d'une personne âgée ou dépendante ; qu'en l'espèce, les consorts [H] faisaient valoir que leur père, [Y] [H], était venu en France vivre auprès de sa fille [U] [H], afin qu'elle puisse lui apporter au quotidien les soins nécessaires compte tenu de sa maladie, ce qu'elle fit durant plus de trois années ; qu'il s'ensuivait, objectivement, un changement de résidence habituelle, la France étant le lieu avéré et non remis en cause des dernières années de sa vie ; qu'en jugeant néanmoins que « le consentement de [Y] [H] pour un retour définitif en France en août 2012, avec la volonté d'y fixer de nouveau le centre de ses intérêts et sa résidence habituelle, ne peut qu'être relativisé compte tenu de l'évolution avancée de sa maladie dégénérative (...) », la cour d'appel, qui a implicitement mais nécessairement jugé qu'une personne subissant une maladie dégénérative ne pourrait plus changer de résidence habituelle faute de volonté sainement exprimée, a violé l'article 4 du Règlement n° 650/2012 du 4 juillet 2012 relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l'exécution des décisions, et l'acceptation et l'exécution des actes authentiques en matière de successions et à la création d'un certificat successoral européen ; ALORS, DE DEUXIEME PART, QUE sont compétents pour statuer sur l'ensemble d'une succession les juridictions de l'Etat membre dans lequel le défunt avait sa résidence habituelle au moment de son décès ; qu'en matière de protection juridique des majeurs, le juge des tutelles territorialement compétent est celui de la résidence habituelle de la personne à protéger ; qu'en jugeant que le juge des tutelles, dans son ordonnance du 11 juillet 2014 ayant placé [Y] [H] sous tutelle, ne s'était pas « prononcé sur la résidence habituelle de [Y] [H] au sens du règlement (UE) du 4 juillet 2012, distincte de la notion de domicile de l'article 1211 du code de procédure civile », la cour d'appel, qui a lu de manière erronée que l'article 1211 du code de procédure civile faisait appel à la notion de domicile du majeur, a violé l'article 4 du Règlement n° 650/2012 du 4 juillet 2012 relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l'exécution des décisions, et l'acceptation et l'exécution des actes authentiques en matière de successions et à la création d'un certificat successoral européen, ensemble l'article 1211 du code de procédure civile ; ALORS, DE TROISIEME PART, QUE le défaut de réponse à conclusions équivaut au défaut de motif ; qu'en l'espèce, les consorts [H] faisaient régulièrement valoir dans leurs écritures d'appel que le placement sous tutelle de [Y] [H] le domiciliait légalement chez son tuteur, de sorte que cet élément était de nature à démontrer que sa résidence habituelle ne pouvait être qu'en France, chez son tuteur (conclusions, p. 30 et 32) ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen opérant, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; ALORS, DE QUATRIEME PART ET SUBSIDIAIREMENT, QUE lorsque la résidence habituelle du défunt au moment du décès n'est pas située dans un Etat membre, les juridictions de l'Etat membre dans lequel sont situés des biens successoraux sont néanmoins compétentes, de manière subsidiaire, pour statuer sur l'ensemble de la succession dans la mesure où le défunt possédait la nationalité de cet Etat membre au moment du décès ; que ces dispositions, issues du Règlement n° 650/2012 du 4 juillet 2012 relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l'exécution des décisions, et l'acceptation et l'exécution des actes authentiques en matière de successions et à la création d'un certificat successoral européen, sont d'ordre public et doivent être relevées d'office par le juge ; qu'en l'espèce, il est constant que [Y] [H] avait la nationalité française et qu'il possédait des biens situés en France, de sorte que la cour d'appel aurait dû vérifier sa compétence subsidiaire ; qu'en s'abstenant de le faire, la cour d'appel a violé l'article 10 du Règlement n° 650/2012 du 4 juillet 2012.
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LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 21 septembre 2022 Cassation partielle Mme TEILLER, président Arrêt n° 652 FS-B Pourvoi n° U 21-20.433 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 21 SEPTEMBRE 2022 La société BN Solaire, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° U 21-20.433 contre l'arrêt rendu le 23 mars 2021 par la cour d'appel de Pau (1re chambre), dans le litige l'opposant : 1°/ à la société Axa France IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], assureur de la société TCE Solar en liquidation, 2°/ à la société Santerne Méditérranée, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3], 3°/ à la société SMA, dont le siège est [Adresse 4], venant aux droits de la soiété Sagena assureur de la société Santerne Méditerranée, défenderesses à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Boyer, conseiller, les observations de Me Bouthors, avocat de la société BN Solaire, de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de la société Axa France IARD, et l'avis de M. Brun, avocat général, après débats en l'audience publique du 5 juillet 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Boyer, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, Mme Greff-Bohnert, MM. Jacques, Bech, Mme Abgrall, conseillers, Mme Djikpa, M. Zedda, Mmes Brun, Vernimmen, conseillers référendaires, M. Brun, avocat général, et Mme Letourneur, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Pau, 23 mars 2021, rectifié le 19 octobre 2021), la société BN solaire a confié à la société TCE Solar, désormais en liquidation judiciaire, assurée auprès de la société Axa France IARD (la société Axa), l'installation, en toiture d'un bâtiment dont la couverture existante avait été préalablement déposée, d'une unité de production d'énergie solaire comportant des panneaux photovoltaïques fabriqués par la société Scheuten Holding, assurée auprès de la société AIG Europe Limited, aux droits de laquelle vient la société AIG Europe, équipés de boîtiers de connexion, fournis par une entreprise assurée auprès de la société Allianz Benelux NV (la société Allianz) et certifiés par la société Tüv Rheinland LGA Products GMBH (la société Tüv Rheinland), assurée auprès de la société HDI Global SE. 2. La société TCE Solar a sous-traité à la société Santerne Méditerranée, assurée auprès de la société Sagena, aux droits de laquelle vient la société SMA, le câblage de l'installation. 3. La réception des travaux est intervenue le 19 janvier 2011. 4. Divers incidents de production étant survenus avant la mise en arrêt total de l'installation, le 27 janvier 2012, provoqués par un défaut sériel affectant les boîtiers de connexion, la société BN solaire a, après expertise, assigné la société TCE Solar, prise en la personne de son liquidateur judiciaire, et la société Axa en réparation. 5. La société Axa a assigné en garantie les sociétés Santerne Méditerranée, Sagena, la société Allianz France IARD, recherchée en sa qualité d'assureur de l'entreprise ayant fourni les boîtiers, et AIG Europe Limited, laquelle a appelé en garantie les sociétés Allianz,Tüv Rheinland et HDI Global SE. 6. Les assignations ont été jointes. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 7. La société BN solaire fait grief à l'arrêt de dire que, par application de l'article 1792-7 du code civil, le dommage n'engage pas la responsabilité civile de la société TCE Solar sur le fondement des garanties légales des articles 1792 et 1792-3 du code civil et de rejeter, en conséquence, ses demandes à l'encontre de la société Axa, assureur décennal de l'entreprise, alors « qu'une installation photovoltaïque intégrée en toiture d'un immeuble constituant, dans son ensemble, un ouvrage de construction ayant pour fonction le clos et le couvert ainsi que la production d'électricité, la cour d'appel, en faisant application de l'article 1792-7 du code civil qui exclut de la garantie décennale les éléments d'équipement d'un ouvrage dont la fonction exclusive est de permettre l'exercice d'une activité professionnelle dans l'ouvrage, a violé ce texte par fausse application et l'article 1792 du même code par refus d'application. » Réponse de la Cour Vu les articles 1792 et 1792-7 du code civil : 8. Aux termes du premier de ces textes, tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination. 9. Selon le second, ne sont pas considérés comme des éléments d'équipement d'un ouvrage au sens des articles 1792, 1792-2, 1792-3 et 1792-4 les éléments d'équipement, y compris leurs accessoires, dont la fonction exclusive est de permettre l'exercice d'une activité professionnelle dans l'ouvrage. 10. Pour faire application de l'article 1792-7 du code civil à l'installation de production électrique formant la toiture d'un bâtiment et rejeter, en conséquence, les demandes à l'encontre de l'assureur décennal du locateur d'ouvrage, l'arrêt retient que, si la mise en place d'une nouvelle couverture de l'immeuble composée de modules photovoltaïques fixés sur des bacs-aciers supportés par les pannes de la charpente participe de la réalisation de l'ouvrage global, dès lors que la nouvelle couverture supporte l'unité de production, les modules photovoltaïques constituent un élément d'équipement dont le vice n'a affecté que la production industrielle d'énergie, sans porter atteinte à la solidité et à la destination de l'ouvrage immobilier. 11. En statuant ainsi, après avoir constaté que les panneaux photovoltaïques participaient de la réalisation de l'ouvrage de couverture dans son ensemble, en assurant une fonction de clos, de couvert et d'étanchéité du bâtiment, la cour d'appel a violé les textes susvisés. Et sur le moyen, pris en sa troisième branche Enoncé du moyen 12. La société BN solaire fait le même grief à l'arrêt, alors « que tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, dissociables ou non, le rendent impropre à sa destination ; que, pour dire n'y avoir lieu d'engager la responsabilité décennale de la société TCE Solar, la cour d'appel a retenu que la combustion interne des boîtiers de connexion des modules photovoltaïques n'avait été suivie d'aucun début d'incendie portant atteinte à la couverture de l'ouvrage, mais que la réalisation d'un tel risque avait existé ; qu'en statuant ainsi, cependant que constitue un dommage couvert par la garantie décennale non seulement l'incendie mais également le risque d'incendie dans le délai décennal, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les articles 1792 et 1792-2 du code civil. » Réponse de la Cour Vu l'article 1792 du code civil : 13. Aux termes de ce texte, tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination. 14. Pour rejeter les demandes formées sur le fondement de la garantie décennale, l'arrêt retient que la couverture remplit son office sans qu'il y ait la moindre atteinte à sa destination, dès lors que la combustion interne des boîtiers de connexion des panneaux photovoltaïques n'avait en l'espèce été suivie d'aucun début d'incendie portant atteinte à la toiture, même si la réalisation d'un tel risque a pu exister. 15. En statuant ainsi, alors qu'en lui-même le risque avéré d'incendie de la couverture d'un bâtiment le rend impropre à sa destination, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le texte susvisé. Portée et conséquence de la cassation 16. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des dispositions de l'arrêt selon lesquelles les dommages litigieux n'engagent pas la responsabilité de TCE Solar sur le fondement des garanties légales des articles 1792 et 1792-3 du code civil, et qui rejettent les demandes de la société BN solaire à l'encontre de la société Axa, entraînent la cassation, par voie de conséquence, des chefs de dispositif qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le moyen, pris en sa deuxième branche, la Cour : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare les écritures recevables, met hors de cause la société AIG Europe, prise en la personne de ses succursales française et néerlandaise, et la société Allianz France IARD, déclare l'arrêt commun à la société SMA, assureur de la société Santerne Méditerranée, confirme le jugement en ce qu'il a rejeté les demandes de nullité de l'assignation introductive d'instance et le rapport d'expertise, et déclare irrecevables les demandes formées contre la société TCE Solar, l'arrêt rendu le 23 mars 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ; Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ; Condamne la société Axa France IARD aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Axa France IARD et la condamne à payer à la société BN Solar la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un septembre deux mille vingt-deux, signé par Mme Teiller, président et par Mme Besse, greffier de chambre, qui a assisté au prononcé de l'arrêt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par Me Bouthors, avocat aux Conseils, pour la société BN Solaire Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que par application de l'article 1792-7 du code civil, le dommage n'engage pas la responsabilité civile de la société TCE Solar sur le fondement des garanties légales des articles 1792 et 1792-3 du code civil et d'avoir débouté en conséquence la société BN Solaire de son action directe exercée à l'encontre de la société Axa France Iard pour obtenir garantie de son préjudice ; 1°) alors qu'une installation photovoltaïque intégrée en toiture d'un immeuble constituant, dans son ensemble, un ouvrage de construction ayant pour fonction le clos et le couvert ainsi que la production d'électricité, la cour d'appel, en faisant application de l'article 1792-7 du code civil qui exclut de la garantie décennale les éléments d'équipement d'un ouvrage dont la fonction exclusive est de permettre l'exercice d'une activité professionnelle dans l'ouvrage, a violé ce texte par fausse application et l'article 1792 du même code par refus d'application ; 2°) alors, à titre subsidiaire, que les panneaux photovoltaïques intégrés en toiture d'un immeuble constituant des éléments d'équipement indissociables de celui-ci ayant pour fonction le clos et le couvert ainsi que la production d'électricité, la cour d'appel, en jugeant que ces modules constituaient des éléments d'équipement dissociables de l'ouvrage et en faisant application de l'article 1792-7 du code civil qui exclut de la garantie décennale les éléments d'équipement d'un ouvrage dont la fonction exclusive est de permettre l'exercice d'une activité professionnelle dans l'ouvrage, a violé ce texte par fausse application et les articles 1792 et 1792-2 du même code par refus d'application ; 3°) alors, en tout état de cause, que tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, dissociables ou non, le rendent impropre à sa destination ; que, pour dire n'y avoir lieu d'engager la responsabilité décennale de la société TCE Solar, la cour d'appel a retenu que la combustion interne des boîtiers de connexion des modules photovoltaïques n'avait été suivie d'aucun début d'incendie portant atteinte à la couverture de l'ouvrage, mais que la réalisation d'un tel risque avait existé ; qu'en statuant ainsi, cependant que constitue un dommage couvert par la garantie décennale non seulement l'incendie mais également le risque d'incendie dans le délai décennal, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les articles 1792 et 1792-2 du code civil. N1 > 3e Civ., 4 avril 2019, pourvoi n° 18-11.021, Bull., (rejet), et les arrêts cités ; N2 > 3e Civ., 19 septembre 2019, pourvoi n° 18-16.986, Bull., (rejet), et l'arrêt cité.
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LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 21 septembre 2022 Mme TEILLER, président Arrêt n° 651 FS-B Pourvoi n° B 21-10.895 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 21 SEPTEMBRE 2022 M. [V] [N], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° B 21-10.895 contre l'arrêt rendu le 16 novembre 2020 par la cour d'appel de Colmar (3e chambre civile, section A), dans le litige l'opposant à l'Office national des forêts (ONF), dont le siège est [Adresse 2], défendeur à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Jacques, conseiller, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [N], de la SARL Delvolvé et Trichet, avocat de l'Office national des forêts, et l'avis de M. Brun, avocat général, après débats en l'audience publique du 5 juillet 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Jacques, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, Mme Greff-Bohnert, MM. Bech, Boyer, Mme Abgrall, conseillers, Mme Djikpa, M. Zedda, Mmes Brun, Vernimmen, conseillers référendaires, M. Brun, avocat général, et Mme Letourneur, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 16 novembre 2020), par un arrêté du 16 février 2004, le directeur général de l'Office national des forêts (l'ONF) a affecté M. [N] au poste de chef de triage au sein de la direction territoriale d'Alsace, en lui attribuant la maison forestière de [Localité 3] à titre de logement de fonction. 2. Par un arrêté du 22 avril 2014, le directeur général de l'ONF a infligé à M. [N] la sanction de la mise à la retraite d'office et l'a radié des cadres de la fonction publique à compter du 1er mai 2014. 3. Par une ordonnance du 16 novembre 2015, le juge des référés du tribunal d'instance de Saverne a ordonné l'expulsion de M. [N] de son logement de fonction. 4. La juridiction administrative ayant annulé l'arrêté du 22 avril 2014 et ordonné la réintégration de M. [N] avec reconstitution de sa carrière, par un arrêté du 24 mars 2016, le directeur général de l'ONF a réintégré M. [N] au sein de la même unité territoriale que celle dans laquelle il était précédemment employé et sur un emploi correspondant à son grade. Par un arrêté du même jour, il l'a suspendu de ses fonctions. 5. Par un arrêté du 20 mai 2016, le directeur général de l'ONF a prononcé sa mise à la retraite d'office et sa radiation des cadres à compter du 1er juin 2016. 6. Le 3 octobre 2018, M. [N] a été expulsé de la maison forestière de [Localité 3]. 7. L'ONF l'ayant assigné pour obtenir, sur le fondement de l'article R. 2124-74, alinéa 2, du code général de la propriété des personnes publiques, sa condamnation au paiement d'une redevance d'occupation, M. [N] a soulevé l'incompétence de la juridiction judiciaire. Examen des moyens Sur le premier moyen Enoncé du moyen 8. M. [N] fait grief à l'arrêt de rejeter l'exception d'incompétence de la juridiction judiciaire, alors « que, aux termes de l'article L. 2331-1 du code général de la propriété des personnes publiques, sont portés devant la juridiction administrative les litiges relatifs aux autorisations ou contrats comportant occupation du domaine public, quelle que soit leur forme ou leur dénomination, accordées ou conclus par les personnes publiques ou leurs concessionnaires ; que, selon l'article L. 2111-1 du même code, sous réserve de dispositions législatives spéciales, le domaine public d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1, tel qu'un établissement public, est constitué des biens lui appartenant qui sont soit affectés à l'usage direct du public, soit affectés à un service public, pourvu qu'en ce cas ils fassent l'objet d'un aménagement indispensable à l'exécution des missions de ce service public ; qu'en l'absence de dispositions législatives spéciales, ne fait pas partie du domaine privé de l'Office national des forêts la maison forestière lui appartenant et servant de logement de fonction pour utilité de service à l'un de ses agents ; qu'en s'abstenant de constater qu'en vertu des arrêtés du directeur général de l'ONF des 16 février 2004 et 24 mars 2016, M. [N] était titulaire d'une autorisation l'habilitant à occuper pour utilité de service la maison forestière de [Localité 3] appartenant au domaine public de l'ONF et d'en déduire que le contentieux relatif au paiement d'une redevance d'occupation de ce bien relevait de la seule compétence du juge administratif, la cour d'appel a violé les articles L. 2212-1 et L. 2331-1 du code général de la propriété des personnes publiques, ensemble la loi des 16-24 août 1790, le décret du 16 fructidor an III et le principe de la séparation des pouvoirs. » Réponse de la Cour 9. Aux termes de l'article L. 2111-1 du code général de la propriété des personnes publiques, sous réserve de dispositions législatives spéciales, le domaine public d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1 est constitué des biens lui appartenant qui sont soit affectés à l'usage direct du public, soit affectés à un service public pourvu qu'en ce cas ils fassent l'objet d'un aménagement indispensable à l'exécution des missions de ce service public. 10. Selon l'article L. 2211-1 du même code, font partie du domaine privé les biens des personnes publiques mentionnées à l'article L. 1, qui ne relèvent pas du domaine public par application des dispositions du titre Ier du livre Ier. 11. Avant l'entrée en vigueur, le 1er juillet 2006, du code général de la propriété des personnes publiques, l'appartenance d'un bien au domaine public était, sauf si ce bien était directement affecté à l'usage du public, subordonnée à la double condition qu'il ait été affecté à un service public et spécialement aménagé en vue du service public auquel il était destiné. 12. Ayant, d'une part, relevé que l'arrêté du 16 février 2004 mentionnait que le poste attribué à M. [N] était logé à la maison forestière de [Localité 3], laquelle était dès lors directement et indivisiblement rattachée à l'exploitation des bois et forêts dont la gestion était assurée par l'ONF, qui relevaient du domaine privé de l'Etat, et que, si M. [N] soutenait que l'ONF avait fait aménager dans la maison une pièce servant de bureau administratif nécessaire à l'exécution des missions de service public, il ne produisait aucune pièce démontrant l'existence d'un tel aménagement, et d'autre part, constaté qu'il résultait de l'arrêté du 16 février 2004 que le droit d'occupation de la maison forestière de [Localité 3] avait été concédé à M. [N] à titre précaire et révocable, la cour d'appel, devant laquelle M. [N] n'a pas soutenu que cette maison lui avait été concédée par une convention comportant des clauses exorbitantes du droit commun, en a exactement déduit qu'elle n'appartenait pas au domaine public et que la juridiction judiciaire était compétente pour statuer sur le litige, relatif à la gestion du domaine privé de l'Etat, tendant au paiement d'une redevance pour l'occupation sans droit ni titre de ce logement. 13. Le moyen n'est donc pas fondé. Sur le second moyen Enoncé du moyen 14. M. [N] fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à l'ONF une redevance d'occupation pour la période du 22 décembre 2015 au 2 octobre 2018, alors : « 1°/ que l'annulation d'une décision d'éviction illégale d'un agent public, que ce soit pour un moyen de légalité interne ou externe, implique nécessairement, au titre de la reconstitution de sa carrière, celle des droits sociaux, et notamment de son droit de jouissance du logement attaché à ses fonctions ; qu'en déclarant que M. [N] occupait sans droit ni titre la maison forestière depuis le 22 décembre 2015, quand, par jugement définitif en date du 25 février 2016, le tribunal administratif de Strasbourg avait annulé l'arrêté du directeur du 22 avril 2014 portant mise à la retraite d'office et radiation des cadres de M. [N] à compter du 1er mai 2014 et fait injonction au directeur de l'ONF de procéder à la réintégration de l'agent et à la reconstitution administrative de sa carrière, lesquelles impliquaient la mise à disposition de la maison forestière associée à ses fonctions, la cour d'appel a violé l'article 544 du code civil ; 2°/ que M. [N] faisait valoir que sa réintégration ordonnée par arrêté du 24 mars 2016 sur un poste d'agent patrimonial à [Localité 3] au sein des services fonctionnels de l'agence Nord Alsace de l'ONF impliquait que lui soit concédée la maison forestière de [Localité 3], sans que pût lui être opposé l'arrêté du même jour portant suspension temporaire de ses fonctions ; qu'en délaissant ces écritures, la cour d'appel a privé sa décision de tout motif en méconnaissance des exigences de l'article 455 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 15. Ayant relevé que la réintégration de M. [N] s'était effectuée au sein de la même unité territoriale que celle dans laquelle il était précédemment employé et sur un emploi correspondant à son grade, mais sans qu'il retrouvât le poste qui lui ouvrait spécifiquement droit à bénéficier de la jouissance de la maison forestière de [Localité 3] à titre de logement de fonction, la cour d'appel, qui a ainsi répondu, en les écartant, aux conclusions prétendument délaissées, en a déduit, à bon droit, que la demande de l'ONF tendant au paiement d'une redevance d'occupation en application de l'article R. 2124-74 du code général de la propriété des personnes publiques devait être accueillie. 16. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne M. [N] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un septembre deux mille vingt-deux, signé par Mme Teiller, président et par Mme Besse, greffier de chambre, qui a assisté au prononcé de l'arrêt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour M. [N] PREMIER MOYEN DE CASSATION L'agent d'un établissement public à caractère industriel et commercial (M. [N], l'exposant) reproche à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté l'exception d'incompétence de la juridiction judiciaire ; ALORS QUE, aux termes de l'article L. 2331-1 du code général de la propriété des personnes publiques, sont portés devant la juridiction administrative les litiges relatifs aux autorisations ou contrats comportant occupation du domaine public, quelle que soit leur forme ou leur dénomination, accordées ou conclus par les personnes publiques ou leurs concessionnaires ; que, selon l'article L. 2111-1 du même code, sous réserve de dispositions législatives spéciales, le domaine public d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1, tel qu'un établissement public, est constitué des biens lui appartenant qui sont soit affectés à l'usage direct du public, soit affectés à un service public, pourvu qu'en ce cas ils fassent l'objet d'un aménagement indispensable à l'exécution des missions de ce service public ; qu'en l'absence de dispositions législatives spéciales, ne fait pas partie du domaine privé de l'Office National des Forêts la maison forestière lui appartenant et servant de logement de fonction pour utilité de service à l'un de ses agents ; qu'en s'abstenant de constater qu'en vertu des arrêtés du directeur général de l'ONF des 16 février 2004 et 24 mars 2016, M. [N] était titulaire d'une autorisation l'habilitant à occuper pour utilité de service la maison forestière de [Localité 3] appartenant au domaine public de l'ONF et d'en déduire que le contentieux relatif au paiement d'une redevance d'occupation de ce bien relevait de la seule compétence du juge administratif, la cour d'appel a violé les articles L. 2212-1 et L. 2331-1 du code général de la propriété des personnes publiques, ensemble la loi des 16-24 août 1790, le décret du 16 fructidor an III et le principe de la séparation des pouvoirs. SECOND MOYEN DE CASSATION L'agent d'un établissement public à caractère industriel et commercial (M. [N], l'exposant) reproche à l'arrêt attaqué de l'avoir condamné à verser à cet établissement (l'Office National des Forêts) une redevance d'occupation pour la période du 22 décembre 2015 au 2 octobre 2018 ; ALORS QUE, d'une part, l'annulation d'une décision d'éviction illégale d'un agent public, que ce soit pour un moyen de légalité interne ou externe, implique nécessairement, au titre de la reconstitution de sa carrière, celle des droits sociaux, et notamment de son droit de jouissance du logement attaché à ses fonctions ; qu'en déclarant que M. [N] occupait sans droit ni titre la maison forestière depuis le 22 décembre 2015, quand, par jugement définitif en date du 25 février 2016, le tribunal administratif de Strasbourg avait annulé l'arrêté du directeur du 22 avril 2014 portant mise à la retraite d'office et radiation des cadres de M. [N] à compter du 1er mai 2014 et fait injonction au directeur de l'ONF de procéder à la réintégration de l'agent et à la reconstitution administrative de sa carrière, lesquelles impliquaient la mise à disposition de la maison forestière associée à ses fonctions, la cour d'appel a violé l'article 544 du code civil ; ALORS QUE, d'autre part, l'exposant faisait valoir (v. ses conclusions d'appel, p. 8, alinéas 7 et 8) que sa réintégration ordonnée par arrêté du 24 mars 2016 sur un poste d'agent patrimonial à [Localité 3] au sein des services fonctionnels de l'agence Nord Alsace de l'ONF impliquait que lui soit concédée la maison forestière de [Localité 3], sans que pût lui être opposé l'arrêté du même jour portant suspension temporaire de ses fonctions ; qu'en délaissant ces écritures, la cour d'appel a privé sa décision de tout motif en méconnaissance des exigences de l'article 455 du code de procédure civile.
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 22 septembre 2022 M. PIREYRE, président Arrêt n° 946 F-B Pourvoi n° S 21-13.232 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 22 SEPTEMBRE 2022 La société [3], société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° S 21-13.232 contre l'arrêt rendu le 5 février 2021 par la Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail (section : accidents du travail (A)), dans le litige l'opposant à la caisse primaire d'assurance maladie des Ardennes, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Dudit, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société [3], de la SCP Foussard et Froger, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie des Ardennes, et l'avis de M. Halem, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 28 juin 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Dudit, conseiller référendaire rapporteur, Mme Taillandier-Thomas, conseiller, et Mme Catherine, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance et des accidents du travail, 5 février 2021), la caisse primaire d'assurance maladie des Ardennes (la caisse) a pris en charge, au titre de la législation professionnelle, la maladie déclarée par l'une des salariées (la victime) de la société [3] (l'employeur). 2. Contestant la décision de la caisse du 20 août 2015, évaluant à 10 % le taux d'incapacité permanente partielle attribué à la victime, l'employeur a saisi d'un recours une juridiction du contentieux technique. Examen du moyen Enoncé du moyen 3. L'employeur fait grief à l'arrêt de rejeter son recours et de fixer à 10 % le taux d'incapacité permanente partielle de la victime, alors : « 1°/ que la caisse qui a notifié au salarié et à l'employeur un taux d'incapacité permanente partielle attribué à la date de consolidation des séquelles d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, ne peut pas, pour justifier le taux attribué dans le cadre d'un contestation l'opposant à l'employeur, se prévaloir d'éléments qui n'ont pas été pris en compte pour déterminer le taux notifié et qui ne figurent pas dans la décision notifiée ; qu'il en résulte que la CPAM qui a notifié au salarié et à l'employeur un taux d'incapacité permanente sans déterminer de taux socio-professionnel n'est pas fondée à se prévaloir d'un tel taux dans le cadre d'une contestation dans ses seuls rapports avec l'employeur ; qu'au cas présent, la décision notifiée à la société exposante se bornait à indiquer qu' « après examen des éléments médico-administratifs du dossier de votre salarié(e), Madame [B] [W], et des conclusions du service médical, le taux d'incapacité permanente est fixé à 10,00 % à compter du 16/03/2015 » et a faire état des conclusions médicales suivantes : « Latéralité : gauche ; Membre supérieur : épaule-raideur de l'épaule gauche » ; que ce n'est qu'en cause d'appel devant la CNITAAT, après que les différents consultants désignés par le TCI puis la CNITAAT ont estimé que le taux attribué par la CPAM était surévalué et devait être fixé à 7 %, que la CPAM a fait valoir qu'une majoration de 3 % pouvait être ajoutée en raison du licenciement pour inaptitude de la salariée ; qu'en jugeant, pour dire que le taux d'incapacité permanente partielle devait être fixé à 10 % dans les rapports entre la caisse et l'employeur, que le taux devait être « majoré de 3 % au titre d'un coefficient professionnel », cependant qu'un tel coefficient ne figurait pas dans la décision initialement notifiée par la caisse et n'a jamais été notifié aux parties, la cour d'appel a violé les articles L. 143-1, L. 143-10, dans leur version antérieure à l'ordonnance n° 2018-538 du 16 mai 2018, L. 434-2, R. 143- R. 434-31 et R. 434-32 du code de la sécurité sociale ; 2°/ que la caisse ne peut se prévaloir, dans ses rapports avec l'employeur, d'une majoration de taux au titre d'un coefficient professionnel qu'elle n'a pas attribué à l'assuré ; qu'au cas présent, il résulte de constatations de l'arrêt et des pièces versées aux débats que la CPAM avait estimé que l'attribution d'un taux professionnel à la salariée n'était pas justifiée et qu'aucune majoration n'a été attribuée à ce titre à la salariée ; qu'en jugeant néanmoins que le taux applicable dans les rapports entre la caisse et l'employeur devait être « majoré de 3 % au titre d'un coefficient professionnel », la cour d'appel a méconnu les conséquences qui s'évinçaient de ses propres constatations et a violé les articles L. 143-1, L. 143-10, dans leur version antérieure à l'ordonnance n° 2018-538 du 16 mai 2018, L. 434-2, R. 434-31, R. 434-32 et D. 242-6-6 du code de la sécurité sociale. » Réponse de la Cour 4. Aux termes de l'article L. 434-2, alinéa 1er, du code de la sécurité sociale, le taux d'incapacité permanente est déterminé d'après la nature de l'infirmité, l'état général, l'âge, les facultés physiques et mentales de la victime ainsi que d'après ses aptitudes et sa qualification professionnelle, compte tenu d'un barème indicatif d'invalidité. 5. Il appartient au juge, saisi par l'employeur d'une contestation relative à l'état d'incapacité permanente de travail de la victime, de fixer le taux d'incapacité permanente à partir des éléments médicaux et médico-sociaux produits aux débats, dans la limite du taux initialement retenu par la caisse et régulièrement notifié à l'employeur. 6. L'arrêt retient que si la caisse est tenue par l'avis du médecin conseil pour la fixation initiale du taux d'incapacité permanente partielle, elle peut, dans le cadre d'une procédure judiciaire, s'écarter de cet avis en sollicitant la reconnaissance d'un taux professionnel. Il ajoute que la victime a été déclarée inapte à son poste de travail, dans les jours suivant la consolidation, et licenciée en raison de l'impossibilité de reclassement. Il en déduit que le taux médical de 7 % fixé par le médecin consultant doit être majoré d'un coefficient professionnel de 3 %. 7. De ces constatations, relevant de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de fait et de preuve débattus devant elle, la Cour nationale, qui n'était pas tenue par les éléments d'évaluation pris en compte par le médecin conseil de la caisse, a pu retenir l'existence d'une incidence professionnelle imputable à la maladie professionnelle, justifiant un taux d'incapacité permanente partielle de 10 %. 8. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi. Condamne la société [3] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société [3] et la condamne à payer à la caisse primaire d'assurance maladie des Ardennes la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux septembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société [3]. La société [3] reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que les séquelles de la maladie professionnelle dont a été reconnue atteinte Mme [B] [W] le 8 septembre 2010 justifient à son égard l'attribution d'un taux d'incapacité permanente partielle de 10 % à la date de consolidation du 15 mars 2015 ; ALORS QUE la CPAM qui a notifié au salarié et à l'employeur un taux d'incapacité permanente partielle attribué à la date de consolidation des séquelles d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, ne peut pas, pour justifier le taux attribué dans le cadre d'un contestation l'opposant à l'employeur, se prévaloir d'éléments qui n'ont pas été pris en compte pour déterminer le taux notifié et qui ne figurent pas dans la décision notifiée ; qu'il en résulte que la CPAM qui a notifié au salarié et à l'employeur un taux d'incapacité permanente sans déterminer de taux socio-professionnel n'est pas fondée à se prévaloir d'un tel taux dans le cadre d'une contestation dans ses seuls rapports avec l'employeur ; qu'au cas présent, la décision notifiée à la société exposante se bornait à indiquer qu' « après examen des éléments médico-administratifs du dossier de votre salarié(e), Madame [B] [W], et des conclusions du service médical, le taux d'incapacité permanente est fixé à 10,00 % à compter du 16/03/2015 » et a faire état des conclusions médicales suivantes : « Latéralité : gauche ; Membre supérieur : épaule-raideur de l'épaule gauche » ; que ce n'est qu'en cause d'appel devant la CNITAAT, après que les différents consultants désignés par le TCI puis la CNITAAT ont estimé que le taux attribué par la CPAM était surévalué et devait être fixé à 7 %, que la CPAM a fait valoir qu'une majoration de 3 % pouvait être ajoutée en raison du licenciement pour inaptitude de la salariée ; qu'en jugeant, pour dire que le taux d'incapacité permanente partielle devait être fixé à 10 % dans les rapports entre la caisse et l'employeur, que le taux devait être « majoré de 3 % au titre d'un coefficient professionnel », cependant qu'un tel coefficient ne figurait pas dans la décision initialement notifiée par la caisse et n'a jamais été notifié aux parties, la cour d'appel a violé les articles L. 143-1, L. 143- 10, dans leur version antérieure à l'ordonnance n° 2018-538 du 16 mai 2018, L. 434-2, R. 143- R. 434-31 et R. 434-32 du code de la sécurité sociale ; ALORS QUE la CPAM ne peut se prévaloir, dans ses rapports avec l'employeur, d'une majoration de taux au titre d'un coefficient professionnel qu'elle n'a pas attribué à l'assuré ; qu'au cas présent, il résulte de constatations de l'arrêt et des pièces versées aux débats que la CPAM avait estimé que l'attribution d'un taux professionnel à la salariée n'était pas justifiée et qu'aucune majoration n'a été attribuée à ce titre à la salariée ; qu'en jugeant néanmoins que le taux applicable dans les rapports entre la caisse et l'employeur devait être « majoré de 3 % au titre d'un coefficient professionnel », la cour d'appel a méconnu les conséquences qui s'évinçaient de ses propres constatations et a violé les articles L. 143-1, L. 143-10, dans leur version antérieure à l'ordonnance n° 2018-538 du 16 mai 2018, L. 434-2, R. 434-31, R. 434-32 et D. 242-6-6 du code de la sécurité sociale.
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 22 septembre 2022 Cassation partielle M. PIREYRE, président Arrêt n° 951 F-B Pourvoi n° A 21-12.481 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 22 SEPTEMBRE 2022 La caisse de mutualité sociale agricole (MSA) Provence-Azur, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° A 21-12.481 contre l'arrêt rendu le 18 décembre 2020 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 4-8), dans le litige l'opposant à M. [I] [F], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Labaune, conseiller référendaire, les observations de la SCP Ohl et Vexliard, avocat de la caisse de mutualité sociale agricole Provence-Azur, de la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat de M. [F], et l'avis de M. Halem, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 28 juin 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Labaune, conseiller référendaire rapporteur, Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, et Mme Catherine, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 18 décembre 2020), la caisse de mutualité sociale agricole Provence-Azur (la caisse) a adressé à M. [F] (le cotisant), en sa qualité de gérant d'une société de travaux de débroussaillement et d'élagage, deux contraintes et une mise en demeure, pour obtenir le paiement des cotisations, majorations de retard et pénalités dues au titre des années 2016 à 2018. 2. Le cotisant a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale. Examen du moyen Enoncé du moyen 3. La caisse fait grief à l'arrêt d'annuler la contrainte du 24 mars 2018 et la mise en demeure du 18 janvier 2019, et de rejeter en conséquence ses demandes en paiement, alors « qu'aux termes de l'article L. 311-1, alinéa 3 du code rural et de la pêche maritime, « pour la détermination des critères d'affiliation aux régimes de protection sociale des non-salariés et des salariés des professions agricoles, sont considérées comme agricoles les activités mentionnées respectivement aux articles L. 722-1 et L. 722-20 » ; que selon l'article L. 722-1 du même code, « le régime de protection sociale des non-salariés des professions agricoles est applicable aux personnes non salariées occupées aux activités ou dans les exploitations, entreprises ou établissements ci-dessous : (?) 3° Travaux forestiers et entreprises de travaux forestiers définis à l'article L. 722-3 » ; qu'en déduisant de ces dispositions combinées que « les travaux forestiers ne revêtent un caractère agricole de nature à permettre l'affiliation des travailleurs non-salariés concernés par cette activité au régime de protection sociale des professions agricoles, que sous la réserve qu'ils entrent dans le cadre d'un cycle de production, comme notamment l'exploitation de bois », la cour d'appel a ajouté aux dispositions précitées une condition qu'elles ne prévoient pas, et les a violées. » Réponse de la Cour Recevabilité du moyen 4. Le cotisant conteste la recevabilité du moyen. Il soutient que le moyen est nouveau, mélangé de fait et de droit, et qu'il développe une argumentation incompatible avec celle soutenue devant le juge du fond. 5. Cependant, le moyen, qui était dans le débat, n'est pas nouveau, et la caisse ayant fait valoir que le cotisant devait être affilié au régime de protection sociale des non-salariés des professions agricoles, il n'est pas incompatible avec la thèse soutenue devant les juges du fond. 6. Le moyen est donc recevable. Bien-fondé du moyen Vu les articles L. 311-1, alinéa 3, L. 722-1, 3°, et L. 722-3 du code rural et de la pêche maritime : 7. Selon le premier de ces textes, pour la détermination des critères d'affiliation aux régimes de protection sociale des non-salariés et des salariés des professions agricoles, sont considérées comme agricoles les activités mentionnées respectivement aux articles L. 722-1 et L. 722-20. 8. Il résulte de la combinaison des deux derniers que le régime de protection sociale des non-salariés des professions agricoles est applicable aux personnes non salariées occupées aux travaux forestiers et entreprises de travaux forestiers, et que sont considérés comme tels notamment les travaux d'élagage et de débroussaillement. 9. Pour dire que l'affiliation du cotisant au régime de protection sociale des professions agricoles n'est pas justifiée, l'arrêt relève qu'il n'est pas démontré que les travaux forestiers réalisés par la société dont celui-ci est le gérant participent à l'exploitation d'un cycle de production, comme notamment l'exploitation de bois. 10. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui a ajouté une condition à la loi, a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare irrecevable l'opposition de M. [F] à l'encontre de la contrainte du 24 mars 2017, constate que la caisse de mutualité sociale agricole dispose d'un titre exécutoire pour sa créance de 5 329,34 euros afférente à la mise en demeure du 13 janvier 2017, et déclare recevables l'opposition de M. [F] à l'encontre de la contrainte du 24 mars 2018 et son recours contre la mise en demeure du 18 janvier 2019, l'arrêt rendu le 18 décembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée. Condamne M. [F] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [F] et le condamne à payer à la caisse de mutualité sociale agricole Provence-Azur la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux septembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Ohl et Vexliard, avocat aux Conseils, pour la caisse de mutualité sociale agricole Provence-Azur La Mutualité sociale agricole (MSA) Provence Azur fait grief à l'arrêt partiellement infirmatif attaqué d'avoir annulé la contrainte établie le 24 mars 2018 à l'encontre de M. [F] pour un montant de 8 893,61 euros au titre des cotisations et majorations de retard dues sur l'année 2017, d'avoir annulé la mise en demeure établie par la MSA le 18 janvier 2019 à l'encontre de M. [F] pour le montant de 12 621,33 euros au titre de majorations et pénalités dues sur les années 2016, 2017 et 2018,et de l'avoir en conséquence déboutée de ses demandes en condamnation de M. [F] à lui payer les sommes réclamées au titre de ces contrainte et mise en demeure, Alors qu'aux termes de l'article L. 311-1, alinéa 3 du code rural et de la pêche maritime, « pour la détermination des critères d'affiliation aux régimes de protection sociale des non-salariés et des salariés des professions agricoles, sont considérées comme agricoles les activités mentionnées respectivement aux articles L. 722-1 et L. 722-20 » ; que selon l'article L. 722-1 du même code, « le régime de protection sociale des non-salariés des professions agricoles est applicable aux personnes non salariées occupées aux activités ou dans les exploitations, entreprises ou établissements ci-dessous : (?) 3° Travaux forestiers et entreprises de travaux forestiers définis à l'article L. 722-3 » ; qu'en déduisant de ces dispositions combinées que « les travaux forestiers ne revêtent un caractère agricole de nature à permettre l'affiliation des travailleurs non-salariés concernés par cette activité au régime de protection sociale des professions agricoles, que sous la réserve qu'ils entrent dans le cadre d'un cycle de production, comme notamment l'exploitation de bois » (arrêt, p. 7, § 2), la cour d'appel a ajouté aux dispositions précitées une condition qu'elles ne prévoient pas, et les a violées.
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 22 septembre 2022 M. PIREYRE, président Arrêt n° 920 FS-B Pourvoi n° C 21-11.862 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 22 SEPTEMBRE 2022 M. [N] [S], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° C 21-11.862 contre l'arrêt rendu le 10 décembre 2020 par la cour d'appel de Versailles (5e chambre), dans le litige l'opposant à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) d'Ile-de-France, dont le siège est département des contentieux amiables et judiciaires, [Adresse 2], venant aux droits de la caisse déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants d'Ile-de-France, défenderesse à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Labaune, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [S], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'URSSAF d'Ile-de-France, et l'avis de M. Gaillardot, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 28 juin 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Labaune, conseiller référendaire rapporteur, Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, Mmes Coutou, Renault-Malignac, M. Rovinski, Mmes Cassignard, Lapasset, M. Leblanc, conseillers, Mmes Vigneras, Dudit, conseillers référendaires, M. Gaillardot, premier avocat général, et Mme Catherine, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 10 décembre 2020), la caisse déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants d'Ile-de-France, aux droits de laquelle vient l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales d'Ile-de-France (l'URSSAF), a délivré à M. [S] (le cotisant) huit mises en demeure, puis lui a signifié, le 18 janvier 2016, une contrainte pour le recouvrement des cotisations et majorations dues pour les années 2010 à 2014. 2. Le cotisant a formé opposition à la contrainte devant une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 3. Le cotisant fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable son opposition à contrainte, alors « que l'opposition à contrainte est une voie de recours autonome et n'est pas subordonnée à la saisine préalable de la commission de recours amiable ; que le cotisant est recevable à contester la contrainte devant la juridiction compétente, peu important que les mises en demeure auxquelles se réfère la contrainte n'aient pas été contestées devant la commission de recours amiable ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé l'article R. 133-3 du code de la sécurité sociale. » Réponse de la Cour Vu les articles R. 133-3, R. 142-1 et R. 142-18 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction applicable au litige : 4. Selon le premier de ces textes, si la mise en demeure reste sans effet au terme du délai d'un mois à compter de sa notification, le directeur de l'organisme créancier peut décerner une contrainte à laquelle le débiteur peut former opposition auprès du tribunal compétent dans les quinze jours de sa signification. 5. Il résulte des deux derniers que la contestation formée à l'encontre de la mise en demeure doit être présentée, préalablement à la saisine de la juridiction de sécurité sociale, à la commission de recours amiable de l'organisme créancier dans un délai d'un mois à compter de sa notification. 6. La Cour de cassation interprétait ces textes en retenant que si le cotisant n'était pas recevable à contester, à l'appui de son opposition à contrainte, le bien-fondé des sommes réclamées, dès lors que la décision de la commission de recours amiable était devenue définitive (Soc., 5 juin 1997, pourvoi n° 95-17.148 ; 2e Civ., 16 juin 2016, pourvoi n° 15-20.542), une contrainte pouvait faire l'objet d'une opposition devant la juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale même si la dette de cotisation n'avait pas été antérieurement contestée (Soc., 28 mars 1996, pourvoi n° 93-20.475, Bull. 1996, V, n° 130 ; 2e Civ., 1er juillet 2003, pourvoi n° 02-30.595). 7. Par arrêt du 4 avril 2019 (2e Civ., 4 avril 2019, pourvoi n° 18-12.014), la Cour de cassation est revenue sur cette jurisprudence en retenant qu'il résulte des dispositions des articles R. 133-3 et R. 142-18 du code de la sécurité sociale, qui ne méconnaissent pas les exigences de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que l'intéressé a été dûment informé des voies et délais de recours qui lui sont ouverts devant les juridictions chargées du contentieux de la sécurité sociale, que le cotisant qui n'a pas contesté en temps utile la mise en demeure qui lui a été adressée au terme des opérations de contrôle, ni la décision de la commission de recours amiable saisie à la suite de la notification de la mise en demeure, n'est pas recevable à contester, à l'appui de l'opposition à la contrainte décernée sur le fondement de celle-ci, la régularité et le bien-fondé des chefs de redressement qui font l'objet de la contrainte. 8. Cette interprétation est celle adoptée par l'arrêt contre lequel le pourvoi a été formé. Elle a suscité des critiques en ce qu'elle méconnaît le droit à un recours effectif devant une juridiction. En outre, elle a donné lieu à des divergences de jurisprudence des juridictions du fond. L'ensemble de ces considérations en justifient le réexamen. 9. Contrairement au cotisant qui a saisi la commission de recours amiable d'une contestation de la mise en demeure et qui, dûment informé des voies et délais de recours qui lui sont ouverts devant les juridictions chargées du contentieux de la sécurité sociale, n'a pas contesté en temps utile la décision de cette commission, le cotisant qui n'a pas contesté la mise en demeure devant celle-ci, ne dispose d'un recours effectif devant une juridiction, pour contester la régularité de la procédure et le bien-fondé des sommes qui font l'objet de la contrainte, que par la seule voie de l'opposition à contrainte. 10. Dès lors, le cotisant qui n'a pas contesté la mise en demeure devant la commission de recours amiable peut, à l'appui de l'opposition à la contrainte décernée sur le fondement de celle-ci, contester la régularité de la procédure et le bien-fondé des causes de la contrainte. 11. Pour déclarer irrecevable l'opposition à contrainte, l'arrêt relève que les mises en demeure adressées au cotisant avant la signification de la contrainte n'ont pas été contestées devant la commission de recours amiable de l'organisme de recouvrement, alors qu'elles mentionnaient les voies et délais de recours ouverts au cotisant devant celle-ci. 12. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 décembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée. Condamne l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales d'Ile-de-France aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales d'Ile-de-France et la condamne à payer à M. [S] la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux septembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour M. [S] M. [S] fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit irrecevable son opposition à contrainte signifiée le 18 janvier 2016 ; 1°- ALORS QUE l'opposition à contrainte est une voie de recours autonome et n'est pas subordonnée à la saisine préalable de la commission de recours amiable ; que le cotisant est recevable à contester la contrainte devant la juridiction compétente, peu important que les mises en demeure auxquelles se réfère la contrainte n'aient pas été contestées devant la commission de recours amiable ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé l'article R.133-3 du code de la sécurité sociale ; 2°- ALORS QUE l'opposition à contrainte ne peut être jugée irrecevable dès lors qu'elle mentionne et informe le cotisant de « la possibilité de former opposition à cette contrainte dans les 15 jours de sa réception devant le tribunal des affaires de sécurité sociale » , sans autre condition ; qu'en jugeant irrecevable l'opposition à contrainte formée par M. [S] au motif inopérant qu'il n'avait pas contesté les mises en demeure devant la commission de recours amiable sans s'expliquer sur la mention précitée figurant sur la contrainte signifiée le 18 janvier 2016, la cour d'appel a violé l'article R.133-3 du code de la sécurité sociale ; 3°- ALORS QU'en tout état de cause, M. [S] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale aux fins de contester l'intelligibilité de la contrainte qui lui a été signifiée le 18 janvier 2016, celle-ci mentionnant des sommes sans rapport avec les mises en demeure antérieurement délivrées et ne lui permettant pas de comprendre et de connaître exactement le montant des sommes réclamées ; qu'il n'a pas contesté la régularité et le bien-fondé des cotisations, objet des mises en demeure ; qu'en retenant que M. [S] aurait formé opposition à contrainte, « motifs pris de mises en demeure dont les montants sont incompréhensibles et contradictoires », la cour d'appel a méconnu l'objet du litige et a violé l'article 4 du code de procédure civile ; 4°- ALORS QU'il s'ensuit qu'en déclarant irrecevable l'opposition à contrainte sans vérifier si, comme l'avaient retenu les premiers juges, la contrainte signifiée le 18 janvier 2016 ne présentait pas des différences de montant avec ceux des mises en demeure empêchant M. [S] de comprendre le montant des cotisations qui lui était réclamé, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article R.133-3 du code de la sécurité sociale. Revirement : 2e Civ., 4 avril 2019, pourvoi n° 18-12.014, Bull., (rejet). A rapprocher de : Soc., 28 mars 1996, pourvoi n° 93-20.475, Bull. 1996, V, n° 130 (cassation) ; 2e Civ., 22 septembre 2022, pourvoi n° 21-10.105, Bull., (cassation partielle).
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 22 septembre 2022 M. PIREYRE, président Arrêt n° 927 F-B Pourvoi n° V 21-14.224 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 22 SEPTEMBRE 2022 M. [V] [P], domicilié [Adresse 3], a formé le pourvoi n° V 21-14.224 contre l'arrêt rendu le 27 janvier 2021 par la cour d'appel de Rennes (9e chambre sécurité sociale), dans le litige l'opposant : 1°/ à la Caisse nationale des industries électriques et gazières (CNIEG), dont le siège est [Adresse 2], 2°/ au ministre chargé de la sécurité sociale, domicilié [Adresse 1], défendeurs à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Renault-Malignac, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [P], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la Caisse nationale des industries électriques et gazières, et l'avis de M. Halem, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 28 juin 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Renault-Malignac, conseiller rapporteur, Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, et Mme Catherine, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 27 janvier 2021), M. [P] (l'assuré), entré au service de la société Electricité de France (EDF) en 1979, a demandé, le 1er septembre 2016, auprès de la Caisse nationale des industries électriques et gazières (la Caisse) la liquidation de ses droits à pension de retraite. La Caisse ayant fait droit à sa demande à compter du 1er octobre 2016, l'assuré a contesté cette décision, sollicitant que sa pension de retraite prenne effet à compter du 1er septembre 2016. 2. Sa demande ayant été rejetée, il a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale. Examen du moyen Enoncé du moyen 3. L'assuré fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande et de dire que sa retraite statutaire devait être liquidée à compter du 1er octobre 2016, alors : « 1°/ que selon l'article 39 de l'annexe 3 du Décret n° 46-1541 du 22 juin 1946 approuvant le statut national du personnel des industries électriques et gazières, « la pension de vieillesse prend effet au plus tôt le premier jour du mois qui suit la réalisation de la condition permettant l'ouverture du droit, sans que cette date d'effet puisse être antérieure au premier jour du mois suivant la demande - sous cette réserve, la demande de pension de vieillesse formulée par l'intéressé détermine la date de liquidation souhaitée, cette date étant nécessairement le premier jour d'un mois » ; que selon l'article R. 351-37 du code de la sécurité sociale « chaque assuré indique la date à compter de laquelle il désire entrer en jouissance de sa pension, cette date étant nécessairement le premier jour d'un mois et ne pouvant être antérieure au dépôt de la demande - si l'assuré n'indique pas la date d'entrée en jouissance de sa pension, celle-ci prend effet le premier jour du mois suivant la réception de la demande par la Caisse chargée de la liquidation des droits à pension de vieillesse » ; qu'en retenant que l'article 39 du décret du 22 juin 1946 déroge au droit commun de l'article R. 351-37 du code de la sécurité sociale et qu'en l'espèce, la Caisse a réceptionné la demande de l'assuré le 1er septembre 2016 et que dès lors c'est à juste titre que la Caisse a attribué à l'assuré sa pension de vieillesse à effet au 1er octobre 2016 » la cour d'appel a violé l'article 39 de l'annexe 3 du Décret n° 46-1541 du 22 juin 1946 ensemble l'article R. 351-37, I, du code de la sécurité sociale ; 2°/ que selon l'article 39 de l'annexe 3 du Décret n° 46-1541 du 22 juin 1946 que « la demande de pension de vieillesse formulée par l'assuré social détermine la date de liquidation souhaitée, cette date étant nécessairement le premier jour d'un mois », « sans que cette date d'effet puisse être antérieure au premier jour du mois suivant la demande » ; que selon l'arrêt attaqué « la Caisse a réceptionné la demande de l'assuré le 1er septembre 2016 et que dès lors c'est à juste titre que la Caisse a attribué à l'assuré sa pension de vieillesse à effet au 1er octobre 2016 » ; qu'en statuant ainsi, alors qu'elle constatait que la demande de pension, régularisée par l'envoi de l'imprimé réglementaire, avait été reçue par la Caisse le 1er septembre 2016, ce dont il résultait que la date d'entrée en jouissance de la pension formulée par l'assuré n'était pas antérieure au dépôt de la demande, la cour d'appel a violé le texte susvisé ; 3°/ que selon l'article R. 711-17 du code de la sécurité sociale, « l'organisation spéciale de sécurité sociale prévue à l'article L. 711-1 assure aux travailleurs des branches d'activités ou entreprises mentionnées à l'article R. 711-1, pour l'ensemble des prestations de chaque risque, des prestations équivalentes aux prestations du régime général de sécurité sociale, sans que les avantages de même nature déjà accordés régime général de sécurité sociale, sans que les avantages de même nature déjà accordés antérieurement au 1er juillet 1946 puissent être réduits ou supprimés » ; que si chaque régime spécial de sécurité sociale verse les prestations qui lui sont propres, sans qu'il y ait lieu rechercher une équivalence entre elles, en revanche le juge doit rechercher si les conditions d'attributions de ces prestations sont équivalentes ; qu'à cette aune, les conditions d'attribution d'une pension du régime IEG doivent être équivalentes aux conditions d'attribution d'une retraite du régime général et le juge est conduit à ne pas interpréter différemment l'article 39 de l'annexe 3 du Décret n° 46-1541 du 22 juin 1946 de l'article R. 351-37, I, du code de la sécurité sociale ; qu'en estimant que « l'article 39 de l'annexe 3 du Décret n° 46-1541 du 22 juin 1946 déroge au droit commun de l'article R. 351-37 du code de la sécurité sociale et qu'il prévoit que la date d'effet de la pension de retraite se situe au plus tôt le premier jour du mois suivant la réception de la demande par la Caisse », la cour d'appel a violé l'article 39 de l'annexe 3 du Décret n° 46-1541 du 22 juin 1946, ensemble les articles R. 351-37, I, et R. 711-17 du code de la sécurité sociale. » Réponse de la Cour Recevabilité du moyen 4. La Caisse conteste la recevabilité du moyen, pris en sa troisième branche qui serait nouvelle. 5. Cependant, le moyen, en ce qu'il porte sur l'office du juge lorsqu'il constate que les dispositions applicables au régime spécial dérogent aux dispositions portant sur la même question relevant du régime général de sécurité sociale, est de pur droit. 6. Le moyen est donc recevable. Bien-fondé du moyen 7. Il résulte des articles L. 711-1 et R. 711-1 du code de la sécurité sociale que le personnel des industries électriques et gazières (IEG) bénéficie d'un régime spécial de sécurité sociale défini par le statut national du personnel des IEG approuvé par le décret n° 46-1541 du 22 juin 1946, qui déroge aux règles du régime général et qui lui est seul applicable, sans qu'il appartienne aux juridictions chargées du contentieux de la sécurité sociale de rechercher l'équivalence des prestations entre le régime général et le régime spécial, dont le principe est posé par l'article R. 711-17 du même code. 8. Selon l'alinéa 1er de l'article 39 de l'annexe 3 du décret du 22 juin 1946, précité, seul applicable au litige, la pension de vieillesse de l'assuré ressortissant de ce régime spécial prend effet au plus tôt le premier jour du mois qui suit la réalisation de la condition permettant l'ouverture du droit, sans que cette date d'effet puisse être antérieure au premier jour du mois suivant la demande. Sous cette réserve, la demande de pension de vieillesse formulée par l'intéressé détermine la date de liquidation souhaitée, cette date étant nécessairement le premier jour d'un mois. 9. L'arrêt énonce qu'il résulte de ce texte clair que la date d'effet de la pension de retraite se situe au plus tôt le premier jour du mois suivant la réception de la demande par la Caisse. Il ajoute qu'il déroge au droit commun de l'article R. 351-37 du code de la sécurité sociale. Il relève que la Caisse a réceptionné la demande de l'assuré le 1er septembre 2016. 10. De ces constatations et énonciations, la cour d'appel a exactement déduit, sans encourir les griefs du moyen, que la pension de vieillesse de l'assuré ne pouvait prendre effet qu'au 1er octobre 2016. 11. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi. Condamne M. [P] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [P] et le condamne à payer à la Caisse nationale des industries électriques et gazières la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux septembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour M. [P] L'assuré social fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR infirmé le jugement qui avait fixé au 1er septembre 2016 le point de départ du service de la pension personnelle de retraite dont est titulaire M. [P] auprès de la Caisse et, statuant à nouveau, d'AVOIR dit que la retraite statutaire de M. [P] doit être liquidée à la date du 1er octobre 2016 ; 1) ALORS QUE selon l'article 39 de l'Annexe 3 du Décret n°46-1541 du 22 juin 1946 approuvant le statut national du personnel des industries électriques et gazières, « la pension de vieillesse prend effet au plus tôt le premier jour du mois qui suit la réalisation de la condition permettant l'ouverture du droit, sans que cette date d'effet puisse être antérieure au premier jour du mois suivant la demande – sous cette réserve, la demande de pension de vieillesse formulée par l'intéressé détermine la date de liquidation souhaitée, cette date étant nécessairement le premier jour d'un mois » ; que selon l'article R. 351-37 du code de la sécurité sociale « chaque assuré indique la date à compter de laquelle il désire entrer en jouissance de sa pension, cette date étant nécessairement le premier jour d'un mois et ne pouvant être antérieure au dépôt de la demande – si l'assuré n'indique pas la date d'entrée en jouissance de sa pension, celle-ci prend effet le premier jour du mois suivant la réception de la demande par la caisse chargée de la liquidation des droits à pension de vieillesse » ; qu'en retenant que l'article 39 du décret du 22 juin 1946 déroge au droit commun de l'article R. 351-37 du code de la sécurité sociale et qu'en l'espèce, la caisse a réceptionné la demande de M. [P] le 1er septembre 2016 et que dès lors c'est à juste titre que la caisse a attribué à M. [P] sa pension de vieillesse à effet au 1er octobre 2016 » la cour d'appel a violé l'article 39 de l'Annexe 3 du Décret n°46-1541 du 22 juin 1946 ensemble l'article R. 351-37 I du code de la sécurité sociale ; 2) ALORS QUE selon l'article 39 de l'Annexe 3 du Décret n°46-1541 du 22 juin 1946 que « la demande de pension de vieillesse formulée par l'assuré social détermine la date de liquidation souhaitée, cette date étant nécessairement le premier jour d'un mois », « sans que cette date d'effet puisse être antérieure au premier jour du mois suivant la demande » (rappr. Civ.2 30 mars 2017 n° 16-13.308 au Bull.) ; que selon l'arrêt attaqué « la caisse a réceptionné la demande de M. [P] le 1er septembre 2016 et que dès lors c'est à juste titre que la caisse a attribué à M. [P] sa pension de vieillesse à effet au 1er octobre 2016 » ; qu'en statuant ainsi, alors qu'elle constatait que la demande de pension, régularisée par l'envoi de l'imprimé réglementaire, avait été reçue par la Caisse le 1er septembre 2016, ce dont il résultait que la date d'entrée en jouissance de la pension formulée par l'assuré social n'était pas antérieure au dépôt de la demande, la cour d'appel a violé le texte susvisé ; 3) ALORS QUE – subsidiairement – selon l'article R. 711-17 du code de la sécurité sociale, « l'organisation spéciale de sécurité sociale prévue à l'article L. 711-1 assure aux travailleurs des branches d'activités ou entreprises mentionnées à l'article R. 711-1, pour l'ensemble des prestations de chaque risque, des prestations équivalentes aux prestations du régime général de sécurité sociale, sans que les avantages de même nature déjà accordés antérieurement au 1er juillet 1946 puissent être réduits ou supprimés » ; que si chaque régime spécial de sécurité sociale verse les prestations qui lui sont propres, sans qu'il y ait lieu de rechercher une équivalence entre elles (Civ.2 9 décembre 2010 n° 09-71.133 Bull. n° 207 – Civ.2 13 mars 1963 n° 61-11.121 Bull. n° 248) en revanche le juge doit rechercher si les conditions d'attributions de ces prestations sont équivalentes ; qu'à cette aune, les conditions d'attribution d'une pension du régime IEG doivent être équivalentes aux conditions d'attribution d'une retraite du régime général et le juge est conduit ne pas interpréter différemment l'article 39 de l'Annexe 3 du Décret n°46-1541 du 22 juin 1946 de l'article R. 351-37 I du code de la sécurité sociale ; qu'en estimant que « l'article 39 de l'Annexe 3 du Décret n°46-1541 du 22 juin 1946 déroge au droit commun de l'article R. 351-37 du code de la sécurité sociale et qu'il prévoit que la date d'effet de la pension de retraite se situe au plus tôt le premier jour du mois suivant la réception de la demande par la caisse », la cour d'appel a violé l'article 39 de l'Annexe 3 du Décret n°46-1541 du 22 juin 1946, ensemble les articles R. 351-37 I et R. 711-17 du code de la sécurité sociale. 2e Civ., 13 mars 1963, n° 248.
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 22 septembre 2022 Cassation partielle M. PIREYRE, président Arrêt n° 918 FS-B Pourvoi n° T 21-10.105 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 22 SEPTEMBRE 2022 La société [2], société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° T 21-10.105 contre l'arrêt rendu le 5 novembre 2020 par la cour d'appel de Versailles (5e chambre), dans le litige l'opposant à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) d'Ile-de-France, dont le siège est division des recours amiables et judiciaires, [Adresse 3], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Rovinski, conseiller, les observations de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de la société [2], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'URSSAF d'Ile-de-France, et l'avis de M. Gaillardot, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 28 juin 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Rovinski, conseiller rapporteur, Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, Mmes Coutou, Renault-Malignac, Cassignard, Lapasset, M. Leblanc, conseillers, Mmes Vigneras, Dudit, M. Labaune, conseillers référendaires, M. Gaillardot, premier avocat général, et Mme Catherine, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 5 novembre 2020), à la suite d'un contrôle effectué sur les années 2011 à 2013 ayant donné lieu à une lettre d'observations, l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale d'Ile-de-France (l'URSSAF), après avoir notifié à la société [2] (la société) une mise en demeure du 19 décembre 2014, lui a signifié le 27 janvier 2015 une contrainte émise le 22 janvier 2015, portant sur diverses sommes afférentes aux chefs de redressement notifiés le 30 septembre 2014. 2. La société a formé opposition à la contrainte le 4 février 2015 devant une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale. Examen du moyen Sur le moyen relevé d'office 3. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code. Vu les articles R. 133-3, R. 142-1 et R. 142-18 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction applicable au litige : 4. Selon le premier de ces textes, si la mise en demeure reste sans effet au terme du délai d'un mois à compter de sa notification, le directeur de l'organisme créancier peut décerner une contrainte à laquelle le débiteur peut former opposition auprès du tribunal compétent dans les quinze jours de sa signification. 5. Il résulte des deux derniers que la contestation formée à l'encontre de la mise en demeure doit être présentée, préalablement à la saisine de la juridiction de sécurité sociale, à la commission de recours amiable de l'organisme créancier dans un délai d'un mois à compter de sa notification. 6. La Cour de cassation interprétait ces textes en retenant que si le cotisant n'était pas recevable à contester, à l'appui de son opposition à contrainte, le bien-fondé des sommes réclamées, dès lors que la décision de la commission de recours amiable était devenue définitive (Soc., 5 juin 1997, pourvoi n° 95-17.148 ; 2e Civ., 16 juin 2016, pourvoi n° 15-20.542), une contrainte pouvait faire l'objet d'une opposition devant la juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale même si la dette de cotisation n'avait pas été antérieurement contestée (Soc., 28 mars 1996, pourvoi n° 93-20.475, Bull. 1996, V, n° 130 ; 2e Civ., 1er juillet 2003, pourvoi n° 02-30.595). 7. Par arrêt du 4 avril 2019 (2e Civ., 4 avril 2019, pourvoi n° 18-12.014), la Cour de cassation est revenue sur cette jurisprudence en retenant qu'il résulte des dispositions des articles R. 133-3 et R. 142-18 du code de la sécurité sociale, qui ne méconnaissent pas les exigences de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que l'intéressé a été dûment informé des voies et délais de recours qui lui sont ouverts devant les juridictions du contentieux de la sécurité sociale, que le cotisant qui n'a pas contesté en temps utile la mise en demeure qui lui a été adressée au terme des opérations de contrôle, ni la décision de la commission de recours amiable saisie à la suite de la notification de la mise en demeure, n'est pas recevable à contester, à l'appui de l'opposition à la contrainte décernée sur le fondement de celle-ci, la régularité et le bien-fondé des chefs de redressement qui font l'objet de la contrainte. 8. Cette interprétation est celle adoptée par l'arrêt contre lequel le pourvoi a été formé. Elle a suscité des critiques en ce qu'elle méconnaît le droit à un recours effectif devant une juridiction. En outre, elle a donné lieu à des divergences de jurisprudence des juridictions du fond. L'ensemble de ces considérations en justifient le réexamen. 9. Contrairement au cotisant qui a saisi la commission de recours amiable d'une contestation de la mise en demeure et qui, dûment informé des voies et délais de recours qui lui sont ouverts devant les juridictions chargées du contentieux de la sécurité sociale, n'a pas contesté en temps utile la décision de cette commission, le cotisant qui n'a pas contesté la mise en demeure devant celle-ci, ne dispose d'un recours effectif devant une juridiction, pour contester la régularité de la procédure et le bien-fondé des sommes qui font l'objet de la contrainte, que par la seule voie de l'opposition à contrainte. 10. Dès lors, le cotisant qui n'a pas contesté la mise en demeure devant la commission de recours amiable peut, à l'appui de l'opposition à la contrainte décernée sur le fondement de celle-ci, contester la régularité de la procédure et le bien-fondé des causes de la contrainte. 11. Pour valider la contrainte, l'arrêt, après avoir constaté que la société n'avait pas contesté la mise en demeure, la déclare irrecevable en sa contestation de la régularité et du bien-fondé des chefs de redressement critiqués. 12. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le moyen du pourvoi, la Cour : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a confirmé le jugement ayant déclaré le recours de la société [2] recevable, l'arrêt rendu le 5 novembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée. Condamne l'union pour le recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales d'Ile-de-France aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'union pour le recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales d'Ile-de-France et la condamne à payer à la société [2] la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux septembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour la société [2] La société [2] fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir 1) décidé qu'il n'y a pas lieu de faire exception à la règle de la nécessaire contestation préalable d'une mise en demeure, avant de former opposition à contrainte, pour pouvoir contester la régularité et le montant des chefs d'un redressement effectué par l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et des allocations familiales d'Île-de-France ; 2) infirmé le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale des Hauts-de-Seine (1500256) en date du 18 avril 2017 (13-02001) en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a déclaré le recours de la société [2] recevable ; 3) décidé que la société [2] est irrecevable en ses contestations de la régularité et du bien-fondé des chefs de redressement critiqués ; 4) validé la contrainte délivrée par l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et des allocations familiales d'Île-de-France pour son entier montant, soit la somme de 124 184 €, dont 108 597 de cotisations et 15 587 € de majorations de retard provisoires ; alors que le principe de la sécurité juridique implique que les normes nouvelles n'affectent pas le droit à l'accès effectif et substantiel au juge de sorte que toute modification de la jurisprudence ne saurait être appliquée aux instances en cours dès lors qu'elle a pour effet de restreindre l'accès à une voie de recours ; que la société [2], qui avait fait opposition à une contrainte de l'Urssaf, mais n'avait pas contesté la mise en demeure préalable, du 19 décembre 2014, devant la commission de recours amiable de l'organisme de recouvrement, a été jugée irrecevable au visa d'un arrêt de la Cour de cassation du 4 avril 2019 (n° 18-12014) qui a modifié la jurisprudence en restreignant l'accès à une voie de recours que l'application de cette norme nouvelle aux redressements antérieurs à cet arrêt revient à interdire au cotisant l'accès au juge, partant à le priver d'un procès équitable ; qu'en jugeant néanmoins le recours irrecevable au motif inopérant que le cotisant avait eu accès au juge pour défendre à la fin de non-recevoir, la cour d'appel a violé l'article 6, § 1er, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Revirement :2e Civ., 4 avril 2019, pourvoi n° 18-12.014, Bull., (rejet). A rapprocher de : Soc., 28 mars 1996, pourvoi n° 93-20.475, Bull. 1996, V, n° 130 (cassation) ; 2e Civ. , 22 septembre 2022, pourvoi n° 21-11.862, Bull., (cassation).
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 22 septembre 2022 Cassation partielle M. PIREYRE, président Arrêt n° 931 F-B Pourvoi n° S 21-11.277 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 22 SEPTEMBRE 2022 La société [4], société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° S 21-11.277 contre l'arrêt rendu le 10 décembre 2020 par la cour d'appel de Versailles (5e chambre), dans le litige l'opposant à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) d'Ile-de-France, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Rovinski, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société [4], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'URSSAF d'Ile-de-France, et l'avis de M. Halem, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 28 juin 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Rovinski, conseiller rapporteur, Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, et Mme Catherine, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 10 décembre 2020), à la suite d'un contrôle de la société [3] devenue [4] (la société), l'URSSAF d'Ile-de-France (l'URSSAF) lui a notifié le 23 septembre 2015 une lettre d'observations portant sur divers chefs de redressement puis, le 29 décembre 2015, une mise en demeure de payer une certaine somme. 2. Invoquant notamment l'existence d'un accord tacite à la suite d'un précédent contrôle et contestant le rejet de sa demande de remise des majorations de retard, la société a saisi une juridiction chargé du contentieux de la sécurité sociale de deux recours qui ont été joints. Examen des moyens Sur le premier moyen Enoncé du moyen 3. La société fait grief à l'arrêt de rejeter la demande d'annulation du chef de redressement n° 1 relatif aux contrats de travail forfait jours, alors : « 1°/ que selon l'article R. 243-59 dernier alinéa du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n° 2013-1107 du 3 décembre 2013, « L'absence d'observations [lors d'un contrôle URSSAF] vaut accord tacite concernant les pratiques ayant donné lieu à vérification, dès lors que l'organisme de recouvrement a eu les moyens de se prononcer en toute connaissance de cause » ; que par nature la validation tacite d'une pratique, par opposition à sa validation explicite, est non écrite et se déduit de la vérification par les inspecteurs d'une pratique sans qu'elle aboutisse à un redressement ou à une réserve de leur part ; qu'en l'espèce lors d'un précédent contrôle ayant donné lieu à une lettre d'observations du 5 juillet 2010, bien qu'ayant examiné les bulletins de salaire des cadres au forfait jours effectuant un travail d'une durée inférieure à la durée légale ou conventionnelle, l'URSSAF n'a pas redressé la société au titre de l'application auxdits salariés de l'abattement fixé par l'article L. 242-8 du code de la sécurité sociale pour les salariés à temps partiel ; que les inspecteurs de l'URSSAF n'ont émis aucune réserve sur le calcul des cotisations sociales versées au titre de ces salariés et sur l'abattement pratiqué par la société ; que pour écarter néanmoins l'existence d'une validation tacite par l'URSSAF des modalités de calcul des cotisations sociales pratiquées par la société pour ses salariés cadres dont la durée légale est inférieure à la durée légale ou conventionnelle, l'arrêt a considéré que « la seule consultation au moment du contrôle opéré en 2010 des mêmes livres, bulletins de paie et contrats de travail, pièces communément présentées lors des opérations de contrôle, ne suffit pas à établir que l'URSSAF avait eu à cette époque les moyens de se prononcer en toute connaissance de cause sur les pratiques litigieuses et, qu'en l'absence d'observations, elle avait donné son accord tacite sur ces pratiques » ; qu'en écartant ainsi la validation tacite par l'URSSAF des modalités de calcul des cotisations sociales pratiquées par la société pour ses salariés cadres dont la durée légale est inférieure à la durée légale ou conventionnelle, bien que ces modalités de calcul n'aient donné lieu à aucun redressement ou réserve à ce titre dans la lettre d'observations du 5 juillet 2010 émise lors du premier contrôle et alors que les inspecteurs disposaient des pièces leur ayant permis de prendre connaissance de la pratique de la société, ce qui caractérisait une validation tacite de la pratique interdisant à l'URSSAF de redresser la société de ce même chef lors du second contrôle ayant abouti à la lettre d'observations du 23 septembre 2015, la cour d'appel a violé l'article R. 243-59 dernier alinéa du code de la sécurité sociale dans sa version applicable au litige ; 2°/ qu'il est fait mention dans la lettre d'observations du 5 juillet 2010 de la consultation par les inspecteurs des livres, bulletins de paie et contrats de travail ; que la cour d'appel a néanmoins écarté la validation tacite lors de ce premier contrôle par les inspecteurs de l'URSSAF des modalités de calcul des cotisations sociales pratiquées par la société, et notamment de l'abattement de l'article L. 242-8 du code de la sécurité sociale appliqué à ses salariés cadres dont la durée légale est inférieure à la durée légale ou conventionnelle ; qu'après avoir rappelé que les pièces analysées par les inspecteurs dans les deux lettres d'observations étaient identiques, la cour d'appel a retenu que « la seule consultation au moment du contrôle opéré en 2010 des mêmes livres, bulletins de paie et contrats de travail, pièces communément présentées lors des opérations de contrôle, ne suffit pas à établir que l'Urssaf avait eu à cette époque les moyens de se prononcer en toute connaissance de cause sur les pratiques litigieuses et, qu'en l'absence d'observations, elle avait donné son accord tacite sur ces pratiques » ; qu'en statuant ainsi, cependant que dès lors que les inspecteurs avaient disposé et analysé lors du contrôle de 2010 des pièces, identiques à celles analysées lors du contrôle ayant abouti à la lettre d'observations du 23 septembre 2015 il s'en évinçait qu'ils avaient disposé de moyens d'investigation et de pièces identiques et avaient ainsi eu nécessairement connaissance de la pratique en cause afférente aux modalités de calcul des cotisations sociales et à l'abattement pratiqué par la société pour ses salariés cadres dont la durée légale est inférieure à la durée légale ou conventionnelle, de sorte que l'absence de redressement et de réserve sur ces points emportait leur validation tacite opposable à l'URSSAF lors du second contrôle du 23 septembre 2015, la cour d'appel a dénaturé ladite lettre d'observations du 5 juillet 2010 et méconnu le principe selon lequel le juge ne peut dénaturer les éléments qui lui sont soumis. » Réponse de la Cour 4. Selon l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale, l'absence d'observations vaut accord tacite concernant les pratiques ayant donné lieu à vérification, dès lors que l'organisme de recouvrement a eu les moyens de se prononcer en connaissance de cause sur la pratique litigieuse lors de contrôles antérieurs. Il appartient au cotisant qui entend se prévaloir d'un accord tacite de l'organisme de recouvrement d'en rapporter la preuve. 5. L'arrêt retient que s'il résulte de la lettre d'observations du 5 juillet 2010, portant sur la période de vérification du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2009 que les mêmes documents avaient été consultés et qu'aucun redressement n'avait été réalisé sur la détermination de l'assiette plafonnée pour les salariés en forfait jours, la seule consultation au moment du contrôle opéré en 2010 des mêmes livres, bulletins de paie et contrats de travail, pièces communément présentées lors des opérations de contrôle, ne suffit pas à établir que l'URSSAF avait eu, à cette époque, les moyens de se prononcer en toute connaissance de cause sur les pratiques litigieuses et, qu'en l'absence d'observations, elle avait donné son accord tacite sur ces pratiques. 6. De ces constatations, procédant de son appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve débattus devant elle et hors toute dénaturation, la cour d'appel a pu déduire que la société ne pouvait se prévaloir d'un accord tacite de l'organisme de recouvrement ayant donné lieu à redressement. 7. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé. Mais sur le second moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 8. La société fait grief à l'arrêt de rejeter la demande de remise des majorations de retard complémentaires, alors « que selon l'article R. 243-20 du code de la sécurité sociale, en sa rédaction issue du décret 2013-1107 du 3 décembre 2013, applicable à la demande initiale de remise des majorations litigieuses du 27 janvier 2016, « La majoration de 0,4 % mentionnée à l'article R. 243-18 peut faire l'objet de remise lorsque les cotisations ont été acquittées dans le délai de trente jours qui suit la date limite d'exigibilité ou dans les cas exceptionnels ou de force majeure » ; que c'est la date de notification de la mise en demeure qui constitue le point de départ du délai de trente jours au cours duquel il doit être procédé au paiement des cotisations ouvrant la possibilité de remise des majorations complémentaires de retard (2e Civ., 18 février 2021, n° 19-24.179) ; qu'en l'espèce la société a formulé, par courrier du 27 janvier 2016, une demande de remise des majorations de retard auprès du directeur de l'URSSAF ; qu'il ressort des propres constatations de l'arrêt que la société s'est acquittée le 15 janvier 2016, soit dans le délai de trente jours suivant la notification de mise en demeure du 29 décembre 2015, du paiement des cotisations réclamées dans cette mise en demeure, ce qui lui ouvrait droit à remise des majorations complémentaires de retard ; qu'en retenant néanmoins, pour écarter la demande de remise de majorations de retard, que « force est de constater que le règlement le 15 janvier 2016 des cotisations exigibles au titre des années 2012 à 2014 n'est pas intervenu dans le délai de trente jours à compter de leur exigibilité », alors que c'est la date de notification de la mise en demeure qui constitue le point de départ du délai de trente jours au cours duquel il doit être procédé au paiement des cotisations ouvrant la possibilité de remise des majorations complémentaires de retard, ce dont il s'induisait que la société remplissait les conditions légales requises pour bénéficier de la remise des majorations complémentaires de retard, la cour d'appel a violé les articles R. 243-18 et R. 243-20 du code de la sécurité sociale dans leur version applicable au litige. » Réponse de la Cour Recevabilité du moyen 9. L'URSSAF conteste la recevabilité du moyen comme nouveau, mélangé de fait et de droit. 10. Il résulte des conclusions de la société qu'elle soutenait devant la cour d'appel avoir procédé le 15 janvier 2016 au paiement de la totalité des causes de la mise en demeure du 29 décembre 2015, dans le délai imparti par les articles R. 243-18 et R. 243-20 du code de la sécurité sociale, pour prétendre à une remise gracieuse des majorations de retard. 11. Le moyen est, dès lors, recevable. Bien-fondé du moyen Vu les articles R. 243-18 et R. 243-20 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction applicable au litige, issue du décret n° 2013-1107 du 3 décembre 2013 : 12. Il résulte des dispositions du second de ces textes, applicable à la demande initiale de remise des majorations litigieuses, que la majoration complémentaire de 0,4 % par mois ou fraction de mois de retard mentionnée au premier peut faire l'objet d'une remise lorsque les cotisations ont été acquittées dans le délai de trente jours qui suit la date limite d'exigibilité ou dans les cas exceptionnels ou de force majeure. 13. La date de notification de la mise en demeure constitue le point de départ du délai de trente jours au cours duquel il doit être procédé au paiement des cotisations ouvrant la possibilité de remise des majorations complémentaires de retard. 14. Pour rejeter la demande de remise de majorations complémentaires, l'arrêt énonce que le règlement, le 15 janvier 2016, des cotisations exigibles au titre des années 2012 à 2014 n'est pas intervenu dans le délai de trente jours à compter de leur exigibilité. 15. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de la société [4] tendant à la remise des majorations complémentaires, l'arrêt rendu le 10 décembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée. Condamne l'URSSAF d'Ile-de-France aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'URSSAF d'Ile-de-France et la condamne à payer à la société [4] la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux septembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société [4] PREMIER MOYEN DE CASSATION La Société [4], exposante, fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR rejeté la demande d'annulation du chef de redressement N°1 relatif aux contrats de travail forfait jours et d'AVOIR rejeté toutes ses autres et plus amples demandes ; 1. ALORS QUE selon l'article R. 243-59 dernier alinéa du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n°2013-1107 du 3 décembre 2013, « L'absence d'observations [lors d'un contrôle URSSAF] vaut accord tacite concernant les pratiques ayant donné lieu à vérification, dès lors que l'organisme de recouvrement a eu les moyens de se prononcer en toute connaissance de cause » ; que par nature la validation tacite d'une pratique, par opposition à sa validation explicite, est non écrite et se déduit de la vérification par les inspecteurs d'une pratique sans qu'elle aboutisse à un redressement ou à une réserve de leur part ; qu'en l'espèce lors d'un précédent contrôle ayant donné lieu à une lettre d'observations du 5 juillet 2010, bien qu'ayant examiné les bulletins de salaire des cadres au forfait jours effectuant un travail d'une durée inférieure à la durée légale ou conventionnelle, l'URSSAF Ile-de-France n'a pas redressé la Société [4] au titre de l'application auxdits salariés de l'abattement fixé par l'article L.242-8 du code de la sécurité sociale pour les salariés à temps partiel ; que les inspecteurs de l'URSSAF n'ont émis aucune réserve sur le calcul des cotisations sociales versées au titre de ces salariés et sur l'abattement pratiqué par la société ; que pour écarter néanmoins l'existence d'une validation tacite par l'URSSAF des modalités de calcul des cotisations sociales pratiquées par la Société [4] pour ses salariés cadres dont la durée légale est inférieure à la durée légale ou conventionnelle, l'arrêt a considéré que « la seule consultation au moment du contrôle opéré en 2010 des mêmes livres, bulletins de paie et contrats de travail, pièces communément présentées lors des opérations de contrôle, ne suffit pas à établir que l'URSSAF avait eu à cette époque les moyens de se prononcer en toute connaissance de cause sur les pratiques litigieuses et, qu'en l'absence d'observations, elle avait donné son accord tacite sur ces pratiques » (arrêt p. 7 § 3) ; qu'en écartant ainsi la validation tacite par l'URSSAF des modalités de calcul des cotisations sociales pratiquées par la Société [4] pour ses salariés cadres dont la durée légale est inférieure à la durée légale ou conventionnelle, bien que ces modalités de calcul n'aient donné lieu à aucun redressement ou réserve à ce titre dans la lettre d'observations du 5 juillet 2010 émise lors du premier contrôle et alors que les inspecteurs disposaient des pièces leur ayant permis de prendre connaissance de la pratique de la société, ce qui caractérisait une validation tacite de la pratique interdisant à l'URSSAF de redresser la société de ce même chef lors du second contrôle ayant abouti à la lettre d'observations du 23 septembre 2015, la cour d'appel a violé l'article R. 243-59 dernier alinéa du code de la sécurité sociale dans sa version applicable au litige ; 2. ALORS QU'il est fait mention dans la lettre d'observations du 5 juillet 2010 de la consultation par les inspecteurs des livres, bulletins de paie et contrats de travail (lettre d'observations susvisée p. 2) ; que la cour d'appel a néanmoins écarté la validation tacite lors de ce premier contrôle par les inspecteurs de l'URSSAF Ile-de-France des modalités de calcul des cotisations sociales pratiquées par la Société [4], et notamment de l'abattement de l'article L. 242-8 du code de la sécurité sociale appliqué à ses salariés cadres dont la durée légale est inférieure à la durée légale ou conventionnelle ; qu'après avoir rappelé que les pièces analysées par les inspecteurs dans les deux lettres d'observations étaient identiques, la cour d'appel a retenu que « la seule consultation au moment du contrôle opéré en 2010 des mêmes livres, bulletins de paie et contrats de travail, pièces communément présentées lors des opérations de contrôle, ne suffit pas à établir que l'Urssaf avait eu à cette époque les moyens de se prononcer en toute connaissance de cause sur les pratiques litigieuses et, qu'en l'absence d'observations, elle avait donné son accord tacite sur ces pratiques » (arrêt p. 7 § 3) ; qu'en statuant ainsi, cependant que dès lors que les inspecteurs avaient disposé et analysé lors du contrôle de 2010 des pièces, identiques à celles analysées lors du contrôle ayant abouti à la lettre d'observations du 23 septembre 2015 il s'en évinçait qu'ils avaient disposé de moyens d'investigation et de pièces identiques et avaient ainsi eu nécessairement connaissance de la pratique en cause afférente aux modalités de calcul des cotisations sociales et à l'abattement pratiqué par la société pour ses salariés cadres dont la durée légale est inférieure à la durée légale ou conventionnelle, de sorte que l'absence de redressement et de réserve sur ces points emportait leur validation tacite opposable à l'URSSAF lors du second contrôle du 23 septembre 2015, la cour d'appel a dénaturé ladite lettre d'observations du 5 juillet 2010 et méconnu le principe selon lequel le juge ne peut dénaturer les éléments qui lui sont soumis. SECOND MOYEN DE CASSATION La Société [4], exposante, fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR rejeté la demande de remise des majorations de retard complémentaires ; 1. ALORS QUE selon l'article R. 243-20 du code de la sécurité sociale, en sa rédaction issue du décret 2013-1107 du 3 décembre 2013, applicable à la demande initiale de remise des majorations litigieuses du 27 janvier 2016, « La majoration de 0,4 % mentionnée à l'article R. 243-18 peut faire l'objet de remise lorsque les cotisations ont été acquittées dans le délai de trente jours qui suit la date limite d'exigibilité ou dans les cas exceptionnels ou de force majeure » ; que c'est la date de notification de la mise en demeure qui constitue le point de départ du délai de trente jours au cours duquel il doit être procédé au paiement des cotisations ouvrant la possibilité de remise des majorations complémentaires de retard (2ème Civ., 18 février 2021, n° 19-24.179) ; qu'en l'espèce la Société [4] a formulé, par courrier du 27 janvier 2016, une demande de remise des majorations de retard auprès du directeur de l'URSSAF ; qu'il ressort des propres constatations de l'arrêt que la société s'est acquittée le 15 janvier 2016, soit dans le délai de trente jours suivant la notification de mise en demeure du 29 décembre 2015, du paiement des cotisations réclamées dans cette mise en demeure, ce qui lui ouvrait droit à remise des majorations complémentaires de retard ; qu'en retenant néanmoins, pour écarter la demande de remise de majorations de retard, que « force est de constater que le règlement le 15 janvier 2016 des cotisations exigibles au titre des années 2012 à 2014 n'est pas intervenu dans le délai de trente jours à compter de leur exigibilité » (arrêt p. 9 § 2), alors que c'est la date de notification de la mise en demeure qui constitue le point de départ du délai de trente jours au cours duquel il doit être procédé au paiement des cotisations ouvrant la possibilité de remise des majorations complémentaires de retard, ce dont il s'induisait que la société remplissait les conditions légales requises pour bénéficier de la remise des majorations complémentaires de retard, la cour d'appel a violé les articles R. 243-18 et R. 243-20 du code de la sécurité sociale dans leur version applicable au litige ; 2. ALORS QU'en se fondant sur l'absence de cas exceptionnel ou de force majeure pour écarter la demande de remise des majorations complémentaires de retard, cependant que le paiement le 15 janvier 2016 des sommes visées dans la mise en demeure du 29 décembre 2015 (arrêt p. 9 § 2), soit dans le délai de 30 jours, ouvrait droit, en soi, à la remise des majorations complémentaires de retard, sans que l'existence d'un cas exceptionnel ou de force majeure ne soit également requise par la loi, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles R. 243-18 et R. 243-20 du code de la sécurité sociale dans leur version applicable au litige.
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 8 septembre 2022 M. PIREYRE, président Arrêt n° 841 F-B Pourvoi n° C 21-12.736 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 8 SEPTEMBRE 2022 La société Techem, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° C 21-12.736 contre l'arrêt rendu le 19 janvier 2021 par la cour d'appel d'Amiens (1re chambre civile), dans le litige l'opposant : 1°/ au syndicat des copropriétaires de "la résidence Californie", représenté par son syndic, le cabinet JD immo, dont le siège est [Adresse 1], 2°/ à la société Comptage immobilier et services ISTA, société en nom collectif, dont le siège est [Adresse 2], défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Kermina, conseiller, les observations de la SARL Corlay, avocat de la société Techem, de la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat du syndicat des copropriétaires de "la résidence Californie", de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société Comptage immobilier et services ISTA, et l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l'audience publique du 14 juin 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Kermina, conseiller rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 19 janvier 2021), la société Techem a assigné devant un tribunal d'instance le syndicat des copropriétaires de "la résidence Californie" (le syndicat des copropriétaires) en paiement de différentes sommes et à fin qu'il soit dit que le contrat de location de compteurs d'eau les liant restera en vigueur tant que les compteurs ne lui auront pas été restitués. 2. Le syndicat des copropriétaires a assigné en garantie la société Comptage immobilier et services ISTA (la société ISTA). 3. La société Techem a relevé appel du jugement ayant dit que les compteurs lui avaient été restitués le 26 septembre 2016 par la société ISTA, l'ayant déboutée de ses demandes et ayant dit sans objet la demande de garantie à l'encontre de la société ISTA. Examen du moyen Enoncé du moyen 4. La société Techem fait grief à l'arrêt de dire que les compteurs lui ont été restitués le 26 septembre 2016 par la société ISTA, qu'elle est mal fondée en toutes ses demandes fins et conclusions et de l'en débouter, et, en conséquence de la condamner aux dépens et à payer certaines sommes au syndicat des copropriétaires et à la société ISTA sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, alors : « 1°/ que la cour doit statuer sur les prétentions énoncées au dispositif et examiner les moyens au soutien de ces prétentions invoqués dans la discussion ; qu'en l'espèce la société Techem formulait plusieurs prétentions au dispositif de ses conclusions du 15 juin 2020 et les discutait explicitement dans une partie intitulée « B. En droit » ; qu'en refusant de répondre à ces demandes dès lors que la partie exposant les moyens n'était pas intitulée « discussion » la cour d'appel a excédé ses pouvoirs, violé l'article 954 du code de procédure civile ensemble l'article 4 du code civil et l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ; 2°/ qu'en disant que les conclusions de la société Techem « se limitent à présenter l'objet de la demande décliné d'abord en fait puis en droit » pour conclure qu'il n'existait aucune discussion des prétentions et des moyens et ainsi débouter la société Techem de l'ensemble de ses demandes quand ces moyens figuraient explicitement dans les écritures de celle-ci dans une partie intitulée « En Droit », la cour d'appel a dénaturé lesdites conclusions en violation de l'article 4 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Vu l'article 954, alinéas 2 et 3, du code de procédure civile, dans leur rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 et l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis : 5. Aux termes du deuxième alinéa de ce texte, les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, l'énoncé des chefs de jugement critiqués, une discussion des prétentions et des moyens ainsi qu'un dispositif récapitulant les prétentions et si, dans la discussion, des moyens nouveaux par rapport aux précédentes écritures sont invoqués au soutien des prétentions, ils sont présentés de manière distincte. 6. Le troisième alinéa de ce texte dispose que la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion. 7. Ces dispositions, qui imposent la présentation, dans les conclusions, des prétentions ainsi que des moyens soutenus à l'appui de ces prétentions, ont pour finalité de permettre, en introduisant une discussion, de les distinguer de l'exposé des faits et de la procédure, de l'énoncé des chefs de jugement critiqués et du dispositif récapitulant les prétentions. Elles tendent à assurer une clarté et une lisibilité des écritures des parties. 8. Elles n'exigent pas que les prétentions et les moyens contenus dans les conclusions d'appel figurent formellement sous un paragraphe intitulé « discussion ». Il importe que ces éléments apparaissent de manière claire et lisible dans le corps des conclusions. 9. Pour confirmer le jugement, l'arrêt retient que les conclusions de l'appelante ne comprenant aucune partie discussion au sens de l'article 954, alinéas 2 et 3, du code de procédure civile puisque qu'elles se limitent à présenter l'objet de la demande décliné d'abord en fait puis en droit, de sorte que la cour d'appel, qui n'a pas à répondre au moindre moyen invoqué dans une partie discussion, ne peut que confirmer le jugement, sans qu'il soit utile d'examiner la question de la recevabilité des moyens nouveaux opposée par les intimés. 10. En statuant ainsi, alors que les conclusions de l'appelante distinguaient, dans la partie « en droit », les prétentions ainsi que les moyens soutenus en appel à l'appui des prétentions, la cour d'appel, qui a ajouté au texte une condition qu'il ne prévoit pas, a violé le texte et le principe susvisés. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 19 janvier 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Douai. Condamne le syndicat des copropriétaires de "la résidence Californie" et la société Comptage immobilier et services ISTA aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par le syndicat des copropriétaires de "la résidence Californie" et par la société Comptage immobilier et services ISTA et les condamne à payer à la société Techem la somme globale de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit septembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SARL Corlay, avocat aux Conseils, pour la société Techem La société Techem fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que les compteurs lui ont été restitués le 26 septembre 2016 par la Société Comptage Immobilier Service Ista, d'avoir dit qu'elle est mal fondée en toutes ses demandes fins et conclusions et de l'en avoir déboutée, et en conséquence de l'avoir condamnée aux dépens et à payer au syndicat des copropriétaires de la résidence Californie la somme de 3 000 € et à la société Comptage immobilier et services Ista la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; Alors que 1°) la cour doit statuer sur les prétentions énoncées au dispositif et examiner les moyens au soutien de ces prétentions invoqués dans la discussion ; qu'en l'espèce la société Techem formulait plusieurs prétentions au dispositif de ses conclusions du 15 juin 2020 (conclusions d'appel page 7) et les discutait explicitement dans une partie intitulée « B. En droit » (conclusions d'appel pages 3 à 6) ; qu'en refusant de répondre à ces demandes dès lors que la partie exposant les moyens n'était pas intitulée « discussion » la cour d'appel a excédé ses pouvoirs, violé l'article 954 du code de procédure civile ensemble l'article 4 du code civil et l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ; Alors que 2°) en disant que les conclusions de la société Techem « se limitent à présenter l'objet de la demande décliné d'abord en fait puis en droit » (arrêt page 3 alinéa 7) pour conclure qu'il n'existait aucune discussion des prétentions et des moyens et ainsi débouter la société Techem de l'ensemble de ses demandes quand ces moyens figuraient explicitement dans les écritures de celle-ci dans une partie intitulée « En Droit », la cour d'appel a dénaturé lesdites conclusions en violation de l'article 4 du code de procédure civile. N2 >2e Civ., 15 janvier 2009, pourvoi n° 07-20.472, Bull. 2009, II, n° 18 (cassation) ; 2e Civ., 8 septembre 2022, pourvoi n° 21-12.352, Bull. (cassation).
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 7 septembre 2022 M. CHAUVIN, président Arrêt n° 630 F-B Pourvoi n° C 21-16.646 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 7 SEPTEMBRE 2022 La société civile immobilière Mermoz, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° C 21-16.646 contre l'arrêt rendu le 11 février 2021 par la cour d'appel de Dijon (2e chambre civile), dans le litige l'opposant à la société Caisse d'épargne et de prévoyance de Bourgogne-Franche-Comté, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation. La société Caisse d'épargne et de prévoyance de Bourgogne-Franche-Comté a formé un pourvoi incident contre le même arrêt. La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire, les observations de Me Haas, avocat de la société civile immobilière Mermoz, de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de la société Caisse d'épargne et de prévoyance de Bourgogne-Franche-Comté, après débats en l'audience publique du 14 juin 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire rapporteur, M. Vigneau, conseiller doyen, et Mme Vignes, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Dijon, 11 février 2021), par acte sous seing privé du 9 juin 2009, la société Caisse d'épargne de Bourgogne-Franche-Comté (la banque) a consenti à la SCI Mermoz (la SCI) un prêt immobilier remboursable en deux-cent-quarante mensualités et au taux effectif global (TEG) de 4,70 % l'an. 2. Soutenant que ce taux était irrégulier en raison de l'absence de prise en compte des cotisations d'une assurance décès-invalidité à laquelle la banque avait subordonné l'octroi du prêt, la SCI a assigné celle-ci en nullité de la stipulation d'intérêts et en substitution du taux d'intérêt légal au taux conventionnel. En appel, elle a demandé la déchéance du droit aux intérêts de la banque. Examen des moyens Sur le moyen du pourvoi incident, dont l'examen est préalable Enoncé du moyen 3. La banque fait grief à l'arrêt de déclarer la SCI recevable, alors « qu'à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait, sauf si ces nouvelles prétentions tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, ou qu'elles en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément ; qu'en déclarant la SCI recevable, quand il résulte des énonciations de l'arrêt qu'elle demandait au tribunal de prononcer la nullité de la stipulation des intérêts conventionnels et à la cour d'appel de dire et juger que la sanction d'un taux effectif global erroné est la déchéance du droit aux intérêts dans la proportion fixée par le juge, prétention nouvelle, étrangère à toute compensation, qui n'est pas née de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou la révélation d'un fait, ne tendait pas aux mêmes fins que la demande initiale et n'en était ni l'accessoire, ni la conséquence ou le complément, la cour d'appel a violé les articles 564, 565 et 566 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 4. Selon l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait. Aux termes de l'article 565 du même code, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent. 5. La demande en annulation d'une stipulation d'intérêts avec substitution du taux légal tend aux mêmes fins que celle en déchéance du droit aux intérêts dès lors qu'elles visent à priver le prêteur de son droit à des intérêts conventionnels. 6. Le moyen, qui postule le contraire, n'est donc pas fondé. Mais sur le moyen, pris en sa troisième branche, du pourvoi principal Enoncé du moyen 7. La SCI fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors « qu'il appartient à la banque, qui subordonne l'octroi d'un crédit immobilier à la souscription d'une assurance, de s'informer auprès du souscripteur du coût de celle-ci avant de procéder à la détermination du taux effectif global dans le champ duquel un tel coût entre impérativement ; qu'en reprochant à l'emprunteur de ne pas rapporter la preuve qu'à la date de l'édition de l'offre de prêt, la banque avait connaissance du montant de la cotisation d'assurance invalidité-décès et en se retranchant derrière la circonstance que l'attestation d'assurance et le courrier de l'assureur adressés postérieurement à l'édition de ladite offre ne donnaient aucune précision quant au coût de l'assurance invalidité-décès, quand il incombait à l'établissement prêteur de s'enquérir de ce coût avant de déterminer le taux effectif global, la cour d'appel a violé les articles L. 312-8 et L. 313-1 du code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 14 mars 2016. » Réponse de la Cour Vu l'article L. 313-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 : 8. Il résulte de ce texte que, pour la détermination du taux effectif global du prêt, comme pour celle du taux effectif pris comme référence, sont ajoutés aux intérêts les frais, commissions ou rémunérations de toute nature, directs ou indirects, y compris ceux qui sont payés ou dus à des intermédiaires intervenus de quelque manière que ce soit dans l'octroi du prêt, même si ces frais, commissions ou rémunérations correspondent à des débours réels, mais que le taux effectif global d'un prêt immobilier ne comprend pas les frais liés aux garanties qui assortissent le prêt, lorsque leur montant ne peut être connu avant la conclusion du contrat. 9. Pour dire que le coût de l'assurance décès-invalidité n'avait pas à être inclus dans le calcul du taux effectif global, l'arrêt retient que la SCI ne rapporte pas la preuve qu'à la date de l'acte de prêt, la banque avait connaissance du montant de la cotisation d'assurance invalidité décès, que celle-ci produit une attestation d'assurance de prêt établie le 12 juin 2009 par l'assureur et une lettre adressée le 16 juin 2009 à la banque par l'assureur, lesquelles ne donnent aucune précision sur le montant des primes d'assurance et que le coût de cette assurance ne pouvait être indiqué avec précision antérieurement à la signature du prêt. 10. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si la banque s'était s'informée auprès du souscripteur du coût de l'assurance avant de procéder à la détermination du taux effectif global dans le champ duquel un tel coût entrait impérativement, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : REJETTE le pourvoi incident ; CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 11 février 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ; Condamne la société Caisse d'épargne et de prévoyance Bourgogne Franche-Comté aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Caisse d'épargne et de prévoyance Bourgogne Franche-Comté et la condamne à payer à la SCI Mermoz la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept septembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyen produit par Me Haas, avocat aux Conseils, pour la SCI Mermoz, demanderesse au pourvoi principal. La société Mermoz fait grief à l'arrêt attaqué DE L'AVOIR déboutée de l'ensemble de ses demandes ; ALORS, 1°), QU'il appartient à la banque, qui s'oppose à la demande de l'emprunteur fondée sur le caractère erroné du taux effectif global, de prouver que les frais liés aux garanties dont le crédit est assorti n'étaient pas déterminés ou déterminables au jour de l'acte de prêt ; qu'en faisant peser sur l'emprunteur la charge de prouver que le montant de la cotisation d'assurance invalidité-décès ne pouvait être déterminé à la date de l'édition de l'offre de prêt, quand une telle charge incombait à l'établissement prêteur, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé l'article 1315, devenu 1353, du code civil, ensemble les articles L. 312-8 et L. 313-1 du code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 14 mars 2016 ; ALORS, 2°), QUE le coût de la souscription, par l'emprunteur, d'une assurance couvrant les risques invalidité et décès qui conditionne la conclusion du prêt doit être mentionné dans l'offre de prêt et être intégré au calcul du taux effectif global, sauf lorsque son montant n'est pas déterminable lors de la conclusion du contrat de prêt ; qu'en excluant la prise en compte du coût de l'assurance invalidité-décès dans le calcul du taux effectif global, au motif que celui-ci ne pouvait être « indiqué avec précision » avant la signature du contrat de prêt, quand il suffisait qu'un tel coût soit déterminable, la cour d'appel a violé les articles L. 312-8 et L. 313-1 du code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 14 mars 2016 ; ALORS, 3°), QU'il appartient à la banque, qui subordonne l'octroi d'un crédit immobilier à la souscription d'une assurance, de s'informer auprès du souscripteur du coût de celle-ci avant de procéder à la détermination du taux effectif global dans le champ duquel un tel coût entre impérativement ; qu'en reprochant à l'emprunteur de ne pas rapporter la preuve qu'à la date de l'édition de l'offre de prêt, la banque avait connaissance du montant de la cotisation d'assurance invalidité-décès et en se retranchant derrière la circonstance que l'attestation d'assurance et le courrier de l'assureur adressés postérieurement à l'édition de ladite offre ne donnaient aucune précision quant au coût de l'assurance invalidité-décès, quand il incombait à l'établissement prêteur de s'enquérir de ce coût avant de déterminer le taux effectif global, la cour d'appel a violé les articles L. 312-8 et L. 313-1 du code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 14 mars 2016 ; ALORS, 4°), QUE les dispositions relatives au taux effectif global, qui doit être mentionné dans tout écrit constatant un contrat de prêt, sont d'ordre public, de sorte que l'emprunteur ne peut y renoncer dans l'acte de prêt ; qu'en se fondant, pour refuser de prononcer la déchéance du droit aux intérêts de la banque, sur les stipulations contractuelles excluant la prime d'assurance de la détermination du taux effectif global, quand ces stipulations contrevenaient à des dispositions d'ordre public, la cour d'appel a violé les articles L. 312-8 et L. 313-1 du code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 14 mars 2016. Moyen produit par la SCP Thouin-Palat et Boucaud, avocat aux Conseils, pour la société Caisse d'épargne et de prévoyance de Bourgogne Franche-Comté, demanderesse au pourvoi incident. La société Caisse d'épargne et de prévoyance de Bourgogne Franche-Comté fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré la SCI Mermoz revevable ; alors que à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait, sauf si ces nouvelles prétentions tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, ou qu'elles en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément ; qu'en déclarant la SCI Mermoz recevable, quand il résulte des énonciations de l'arrêt qu'elle demandait au tribunal de prononcer la nullité de la stipulation des intérêts conventionnels et à la cour d'appel de dire et juger que la sanction d'un taux effectif global erroné est la déchéance du droit aux intérêts dans la proportion fixée par le juge, prétention nouvelle, étrangère à toute compensation, qui n'est pas née de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou la révélation d'un fait, ne tendait pas aux mêmes fins que la demande initiale et n'en était ni l'accessoire, ni la conséquence ou le complément, la cour d'appel a violé les articles 564, 565 et 566 du code de procédure civile.
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LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 7 septembre 2022 Mme TEILLER, président Arrêt n° 606 FS-B Pourvoi n° A 21-21.382 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 7 SEPTEMBRE 2022 La société Primo Levi, dont le siège est [Adresse 5], a formé le pourvoi n° A 21-21.382 contre l'arrêt rendu le 18 juin 2021 par la cour d'appel de Colmar (2e chambre civile), dans le litige l'opposant : 1°/ à la société Mutuelle des architectes français (MAF), dont le siège est [Adresse 2], 2°/ à Mme [K] [O], domiciliée [Adresse 4], prise en qualité de mandataire judiciaire de la société Merat Workshop sise [Adresse 1], 3°/ à la société AXA France IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3], défenderesses à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Zedda, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gaschignard, avocat de la société Primo Levi, de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de la société Mutuelle des architectes français, de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de la société AXA France IARD, et l'avis de Mme Vassallo, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 21 juin 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Zedda, conseiller référendaire rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, M. Nivôse, Mmes Farrenq-Nési, Greff-Bohnert, MM. Jacques, Boyer, Mme Abgrall, conseillers, Mme Djikpa, M. Zedda, Mmes Brun, Vernimmen, conseillers référendaires, Mme Vassallo, premier avocat général, et Mme Besse, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Désistement partiel 1. Il est donné acte à la société civile de construction-vente Résidence Primo Lévi (la SCCV) du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre Mme [O], prise en sa qualité de mandataire judiciaire de la société Merat Workshop ; Faits et procédure 2. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 18 juin 2021), la SCCV a confié à la société Merat Workshop, assurée auprès de la Mutuelle des architectes français (la MAF), la maîtrise d'oeuvre de la construction de logements. 3. Les lots gros oeuvre et chauffage-plomberie ont été confiés à la société Bati Ten. 4. Un contrat d'assurance dommages-ouvrage a été souscrit auprès de la société AXA France IARD (la société AXA). 5. Le maître de l'ouvrage a notifié à la société Bati Ten la résiliation du marché pour manquement à ses obligations contractuelles et cette société a ensuite été mise en liquidation judiciaire. 6. Se plaignant de désordres et de trop-versés, la SCCV a assigné les sociétés Merat Workshop, MAF et AXA en indemnisation de ses préjudices. Examen des moyens Sur le premier moyen, ci-après annexé 7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le second moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 8. La SCCV fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande dirigée contre la société AXA au titre des travaux de reprise des désordres affectant la solidité de l'ouvrage, alors « que le contrat de maîtrise d'oeuvre conclu entre la SCCV et la société Merat Workshop stipule que le maître d'ouvrage « s'interdit de donner directement quelque ordre que ce soit aux entreprises », et que le maître d'oeuvre a notamment pour mission « l'établissement et l'envoi des courriers de toutes natures nécessités par [sa] mission afin d'assurer une qualité parfaite et le respect de son planning » et « le contrôle de l'avancement des travaux et des situations d'entreprise » ; qu'en affirmant néanmoins qu'aucun mandat n'avait été donné par la SCCV à la société Merat Workshop pour mettre en demeure les entreprises défaillantes de remédier aux manquements constatés, la cour d'appel a dénaturé le contrat susvisé, en violation de l'article 1134 devenu 1103 du code civil. » Réponse de la Cour 9. La cour d'appel a retenu, par une interprétation souveraine, exclusive de dénaturation, du contrat de maîtrise d'oeuvre, que son ambigüité rendait nécessaire, que si ce contrat autorisait le maître d'oeuvre à adresser tous courriers utiles aux entreprises pour l'exécution de sa mission de direction des travaux, il ne contenait aucun mandat exprès à l'effet d'adresser aux entreprises défaillantes une mise en demeure avant résiliation du contrat. 10. Le moyen n'est donc pas fondé. Sur le second moyen, pris en sa deuxième branche Enoncé du moyen 11. La SCCV fait le même grief à l'arrêt, alors « que si l'article L. 242-1 du code des assurances dispose que la garantie dommage-ouvrages prend effet lorsque, après mise en demeure restée infructueuse, le contrat de louage d'ouvrage conclu avec l'entrepreneur est résilié pour inexécution, il n'exige pas pour autant que l'entrepreneur ait été mis en demeure par le maître d'ouvrage personnellement, la mise en demeure notifiée par le maître d'oeuvre chargé de suivre les travaux produisant les mêmes effets ; qu'en décidant que la garantie ne pouvait être due au seul motif qu'il n'était pas justifié d'une mise en demeure émanant du maître de l'ouvrage, la cour d'appel a violé le texte susvisé. » Réponse de la Cour 12. La mise en demeure s'entendant de l'acte par lequel une partie à un contrat interpelle son cocontractant pour qu'il exécute ses obligations, la cour d'appel a retenu, à bon droit, que la mise en demeure qui, en application de l'article L. 242-1 du code des assurances, devait être adressée à l'entrepreneur avant la résiliation de son contrat, devait émaner du maître de l'ouvrage ou de son mandataire. 13. Le moyen n'est donc pas fondé. Sur le second moyen, pris en sa troisième branche Enoncé du moyen 14. La SCCV fait le même grief à l'arrêt, alors « que la formalité de la mise en demeure n'est pas requise lorsqu'elle est inutile, notamment en cas de cessation de l'activité de l'entreprise ou de liquidation judiciaire emportant résiliation du contrat de louage d'ouvrage ; qu'en jugeant que la société AXA, assureur dommages-ouvrage, ne devait pas sa garantie à défaut de mise en demeure adressée par la SCCV à la société Bati Ten avant la résiliation des marchés de travaux signifiée par courrier du 26 janvier 2010, après avoir relevé que l'entrepreneur avait été placé en liquidation judiciaire par jugement du 25 mai 2010, ce dont il résultait que le contrat avait été régulièrement résilié à cette date et que la mise en demeure n'était pas requise, la cour d'appel a violé l'article L. 242-1 du code des assurances. » Réponse de la Cour 15. En application de l'article L. 242-1 du code des assurances, la garantie de l'assureur dommages-ouvrages n'est due, pour les dommages apparus avant la réception de la nature de ceux dont sont responsables les constructeurs sur le fondement de l'article 1792 du code civil, que si, après une mise en demeure restée infructueuse, le contrat de louage d'ouvrage conclu avec l'entrepreneur est résilié pour inexécution, par celui-ci, de ses obligations. 16. Le maître de l'ouvrage ne peut se dispenser de cette formalité que quand elle s'avère impossible ou inutile, notamment en cas de cessation de l'activité de l'entreprise ou de liquidation judiciaire emportant résiliation du contrat de louage d'ouvrage. 17. La cour d'appel, qui a retenu que la SCCV avait, plusieurs mois avant la mise en liquidation judiciaire de l'entrepreneur, notifié à la société Bati Ten, sans mise en demeure préalable, la résiliation du contrat de louage d'ouvrage, en a exactement déduit que les conditions d'application de la garantie de l'assureur dommages-ouvrage avant réception n'étaient pas réunies. 18. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société civile de construction-vente Résidence Primo Lévi aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept septembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Gaschignard, avocat aux Conseils, pour la société Primo Levi PREMIER MOYEN DE CASSATION : La société Primo Levi fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué de l'avoir déboutée de sa demande dirigée contre la société Mutuelle des architectes français au titre des trop-versés à la société Batin Ten ; 1°- ALORS QUE la police d'assurance souscrite par la société Merat Workshop auprès de la Mutuelle des architectes garantit l'architecte contre les conséquences pécuniaires des responsabilités qu'il encourt dans l'exercice de sa profession telle qu'elle est définie par la législation et la réglementation en vigueur ; qu'en jugeant que ne relevait pas du champ d'application du contrat l'exercice déontologiquement anormal de sa profession d'architecte par la société Merat Workshop, pour avoir organisé la double rémunération de ses prestations par le maître d'ouvrage et le constructeur, quand cette faute ne suffisait pas à établir qu'elle avait exercé une activité qui ne relevait pas de la profession d'architecte et n'était pas comprise dans le champ d'application de la garantie, la cour d'appel a violé l'article 1134 devenu 1103 du code civil ; 2° ALORS subsidiairement QU'une clause d'exclusion de garantie insérée dans un contrat d'assurance n'est valable qu'à la condition d'être formelle et limitée ; qu'en retenant que pourrait être licite un contrat d'assurance couvrant la responsabilité d'architecte pour les seules activités conformes à la législation et à la réglementation en vigueur, de telle sorte que la garantie pourrait être écartée su seul fait que l'architecte a exercé sa profession dans des conditions déontologiquement anormales, la cour d'appel a violé l'article L. 113-1 du code des assurances ; 3°- ALORS, tout aussi subsidiairement, QUE seules les conséquences dommageables de l'exercice déontologiquement anormal de la profession d'architecte pourraient exclues de la garantie couvrant les conséquences pécuniaires des responsabilités qu'il encourt dans l'exercice normal de sa profession ; que la cour d'appel a relevé que la société Merat Workshop avait manqué à son devoir d'indépendance et de loyauté à l'égard du maître de l'ouvrage en signant des conventions d'études avec la société de travaux Batiten prévoyant une rémunération faisant double emploi avec celle due par le maître de l'ouvrage ; qu'en retenant que la validation par l'architecte des situations de travaux présentées par la société Batiten s'était inscrite dans le cadre de cet exercice déontologiquement anormal de la profession d'architecte tout en refusant de rechercher si les rémunérations prévues avaient effectivement été versées ni si leur versement était à l'origine de la validation de situation de travaux non réalisés, la cour d'appel a violé les articles L. 113-1 et L. 113-5 du code des assurances ; SECOND MOYEN DE CASSATION (subsidiaire) : La société Primo Levi fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué de l'avoir déboutée de sa demande dirigée contre la société AXA au titre des travaux de reprise des désordres affectant la solidité de l'ouvrage. 1°- ALORS QUE le contrat de maîtrise d'oeuvre conclu entre la société Primo Levi et la société Merat Workshop stipule que le maître d'ouvrage « s'interdit de donner directement quelque ordre que ce soit aux entreprises », et que le maître d'oeuvre a notamment pour mission « l'établissement et l'envoi des courriers de toutes natures nécessités par [sa] mission afin d'assurer une qualité parfaite et le respect de son planning » et « le contrôle de l'avancement des travaux et des situations d'entreprise » ; qu'en affirmant néanmoins qu'aucun mandat n'avait été donné par la société Primo Levi à la société Merat Workshop pour mettre en demeure les entreprises défaillantes de remédier aux manquements constatés, la cour d'appel a dénaturé le contrat susvisé, en violation de l'article 1134 devenu 1103 du code civil ; 2°- ALORS, au surplus, QUE si l'article L. 242-1 du code des assurances dispose que la garantie dommage-ouvrages prend effet lorsque, après mise en demeure restée infructueuse, le contrat de louage d'ouvrage conclu avec l'entrepreneur est résilié pour inexécution, il n'exige pas pour autant que l'entrepreneur ait été mis en demeure par le maître d'ouvrage personnellement, la mise en demeure notifiée par le maître d'oeuvre chargé de suivre les travaux produisant les mêmes effets ; qu'en décidant que la garantie ne pouvait être due au seul motif qu'il n'était pas justifié d'une mise en demeure émanant du maître de l'ouvrage, la cour d'appel a violé le texte susvisé. 3°- ALORS, subsidiairement, QUE la formalité de la mise en demeure n'est pas requise lorsqu'elle est inutile, notamment en cas de cessation de l'activité de l'entreprise ou de liquidation judiciaire emportant résiliation du contrat de louage d'ouvrage ; qu'en jugeant que la société AXA, assureur dommages-ouvrage, ne devait pas sa garantie à défaut de mise en demeure adressée par la société Primo Levi à la société Batiten avant la résiliation des marchés de travaux signifiée par courrier du 26 janvier 2010, après avoir relevé que l'entrepreneur avait été placé en liquidation judiciaire par jugement du 25 mai 2010, ce dont il résultait que le contrat avait été régulièrement résilié à cette date et que la mise en demeure n'était pas requise, la cour d'appel a violé l'article L. 242-1 du code des assurances. N1 >1re Civ., 23 mai 2000, pourvoi n° 97-22.547, Bull. 2000, I, n° 150 (cassation partielle) ; N2 >1re Civ., 3 mars 1998, pourvoi n° 95-10.293, Bull. 1998, I, n° 83 (cassation partielle).
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 7 septembre 2022 Cassation sans renvoi M. CHAUVIN, président Arrêt n° 614 FS-B Pourvoi n° J 19-25.108 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 7 SEPTEMBRE 2022 La société Libyan Invesment Authority, société de droit libyen, dont le siège est [Adresse 3] (Libye), a formé le pourvoi n° J 19-25.108 contre l'arrêt rendu le 5 septembre 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 8), dans le litige l'opposant : 1°/ à la société Libyan Arab Foreign Investment Company, société de droit libyen, dont le siège est [Adresse 4] (Libye), 2°/ à la société [P] [D] [F] et fils, société de droit koweïtien, dont le siège est [Adresse 1] (Égypte), défenderesses à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Guihal, conseiller, les observations de la SARL Delvolvé et Trichet, avocat de la société Libyan Invesment Authority, de la SCP Rousseau et Tapie, avocat de la société Libyan Arab Foreign Investment Company, de la SCP Alain Bénabent, avocat de la société [P] [D] [F] et fils, et l'avis de Mme Caron-Deglise, avocat général, après débats en l'audience publique du 14 juin 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Guihal, conseiller rapporteur, M. Vigneau, conseiller doyen, MM. Hascher, Avel, Bruyère, conseillers, M. Vitse, Mmes Kloda, Champ, Robin-Raschel, conseillers référendaires, Mme Caron-Deglise, avocat général, et Mme Vignes, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 5 septembre 2019) et les productions, sur le fondement d'une sentence arbitrale revêtue de l'exequatur, portant condamnation à paiement de l'Etat libyen, la société [P] [D] [F] et fils (la société [F]) a fait pratiquer en France, le 5 juillet 2013, des saisies-attributions au préjudice de la Libyan Investment Authority (LIA) et de sa filiale à 100 %, la société Libyan Arab Foreign Investment Company (la société LAFICO), entre les mains de la banque BIA et de la Société générale, et, le 13 août 2013, une saisie de droits d'associés et de valeurs mobilières détenus par la société CER, filiale à 100 % de la société LAFICO. 2. L'arrêt du 5 septembre 2019 a rejeté les demandes de la LIA et de la société LAFICO en contestation de ces saisies. 3. Devant la Cour de cassation, la LIA a fait état du gel de ses avoirs en application de résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies mises en oeuvre, au sein de l'Union européenne, par le règlement (UE) n° 2016/44 du Conseil du 18 janvier 2016 concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Libye. 4. Par un arrêt du 3 novembre 2021 (n° 655), il a été sursis à statuer jusqu'à la décision de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), saisie par un arrêt de l'Assemblée plénière de la Cour de cassation (Ass. plén., 10 juillet 2020, pourvois n° 18-18.542 et 18-21.814) de la question de savoir si les dispositions d'un autre règlement européen, relatif à des mesures restrictives à l'égard de l'Iran et comportant une définition des mesures de gel analogue à celle du règlement n° 2016/44, s'opposaient à ce que soit diligentée sur des avoirs gelés, sans autorisation préalable de l'autorité nationale compétente, une mesure dépourvue d'effet attributif, telle qu'une saisie conservatoire. 5. Par un arrêt du 11 novembre 2021 (C-340/20), la CJUE a répondu à la question préjudicielle. Examen des moyens Sur le moyen relevé d'office 6. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code. Vu les articles 1, 5 § 4 et 11 § 2 du règlement (UE) n° 2016/44 du Conseil du 18 janvier 2016 concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Libye et abrogeant le règlement (UE) n° 204/2011 et l'article L. 211-2 du code des procédures civiles d'exécution : 7. Le premier de ces textes dispose : « Aux fins du présent règlement, on entend par : a) « fonds », les actifs financiers et les avantages économiques de toute nature, y compris et notamment, mais pas exclusivement : i) le numéraire, les chèques, les créances en numéraire, les traites, les ordres de paiement et autres instruments de paiement ; ii) les dépôts auprès d'établissements financiers ou d'autres entités, les soldes en comptes, les créances et les titres de créances ; iii) les titres de propriété et d'emprunt, tels que les actions et autres titres de participation, les certificats représentatifs de valeurs mobilières, les obligations, les billets à ordre, les warrants, les obligations non garanties et les contrats sur produits dérivés, qu'ils soient négociés en Bourse ou fassent l'objet d'un placement privé ; iv) les intérêts, les dividendes ou autres revenus d'actifs ou plus-values perçus sur des actifs ; b) « gel des fonds », toute action visant à empêcher tout mouvement, transfert, modification, utilisation ou manipulation de fonds ou tout accès à ceux-ci qui aurait pour conséquence une modification de leur volume, de leur montant, de leur localisation, de leur propriété, de leur possession, de leur nature, de leur destination ou toute autre modification qui pourrait en permettre l'utilisation, y compris la gestion de portefeuilles. » 8. Selon le deuxième, tous les fonds et ressources économiques qui appartiennent aux entités énumérées à l'annexe VI, parmi lesquelles figure la LIA, ou que celles-ci avaient en leur possession, détenaient ou contrôlaient à la date du 16 septembre 2011 et qui se trouvaient en dehors de Libye à cette date restent gelés. 9. Le troisième dispose : « 2.Par dérogation à l'article 5, § 4, et pour autant qu'un paiement soit dû au titre d'un contrat ou d'un accord conclu ou d'une obligation souscrite par la personne, l'entité ou l'organisme concerné avant la date de sa désignation par le Conseil de sécurité ou le comité des sanctions, les autorités compétentes des États membres, mentionnées sur les sites internet énumérés à l'annexe IV, peuvent autoriser, dans les conditions qu'elles jugent appropriées, le déblocage de certains fonds ou ressources économiques gelés, pour autant que les conditions suivantes soient réunies : a) l'autorité compétente concernée a établi que le paiement n'enfreint pas l'article 5, § 2, ni ne profite à une entité visée à l'article 5, § 4 ; b) l'État membre concerné a notifié au comité des sanctions, dix jours ouvrables à l'avance, son intention d'accorder une autorisation. » 10. Le quatrième dispose : « L'acte de saisie emporte, à concurrence des sommes pour lesquelles elle est pratiquée, attribution immédiate au profit du saisissant de la créance saisie, disponible entre les mains du tiers ainsi que de tous ses accessoires. Il rend le tiers personnellement débiteur des causes de la saisie dans la limite de son obligation. La notification ultérieure d'autres saisies ou de toute autre mesure de prélèvement, même émanant de créanciers privilégiés, ainsi que la survenance d'un jugement portant ouverture d'une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire ne remettent pas en cause cette attribution. Toutefois, les actes de saisie notifiés au cours de la même journée entre les mains du même tiers sont réputés faits simultanément. Si les sommes disponibles ne permettent pas de désintéresser la totalité des créanciers ainsi saisissants, ceux-ci viennent en concours. Lorsqu'une saisie-attribution se trouve privée d'effet, les saisies et prélèvements ultérieurs prennent effet à leur date. » 11. La CJUE a été saisie par l'Assemblée plénière d'une question préjudicielle portant sur l'interprétation du règlement (CE) n° 423/2007 du Conseil, du 19 avril 2007, concernant l'adoption de mesures restrictives à l'encontre de l'Iran, dont l'article 1° dispose : « Aux seules fins du présent règlement, on entend par : h) « gel des fonds », toute action visant à empêcher tout mouvement, transfert, modification, utilisation ou manipulation de fonds qui aurait pour conséquence un changement de leur volume, de leur montant, de leur localisation, de leur propriété, de leur possession, de leur nature, de leur destination ou toute autre modification qui pourrait en permettre l'utilisation, notamment la gestion de portefeuilles. » 12. De cette définition, la CJUE déduit que « la notion de "gel des fonds" englobe toute utilisation de fonds ayant pour conséquence, notamment, un changement de la destination de ces fonds, même si une telle utilisation des fonds n'a pas pour effet de faire sortir des biens du patrimoine du débiteur » (§ 49). 13. La CJUE ajoute que cette interprétation est corroborée par les considérants du règlement n° 423/2007 selon lesquels : - « les mesures restrictives adoptées contre la République islamique d'Iran ont une vocation préventive en ce sens qu'elles visent à empêcher un risque de prolifération nucléaire dans cet Etat » (§§ 52 et 54) ; - « les mesures de gel des fonds et des ressources économiques visent par conséquent à éviter que l'avoir concerné par une mesure de gel soit utilisé pour procurer des fonds, des biens ou des services susceptibles de contribuer à la prolifération nucléaire en Iran » (§ 55) ; - « pour atteindre ces buts, il est non seulement légitime, mais également indispensable que les définitions des notions de "gel des fonds" et de "gel des ressources économiques" revêtent une interprétation large parce qu'il s'agit d'empêcher toute utilisation des avoirs gelés qui permettrait de contourner les règlements en cause et d'exploiter les failles du système » (§ 56). 14. La CJUE ajoute qu'elle « a déjà jugé que l'importance des objectifs poursuivis par un acte de l'Union établissant un régime de mesures restrictives est de nature à justifier des conséquences négatives, même considérables, pour certains opérateurs, y compris pour ceux qui n'ont aucune responsabilité quant à la situation ayant conduit à l'adoption des mesures concernées, mais qui se trouvent affectés notamment dans leurs droits de propriété [...], de sorte que la circonstance que la cause de la créance à recouvrer sur la personne ou l'entité dont les fonds ou les ressources économiques sont gelés est étrangère au programme nucléaire et balistique iranien et antérieure à la résolution 1737 (2006) n'est pas pertinente » (§§ 66 et 67). 15. Les mesures de gel sont définies en termes similaires par le règlement concernant l'Iran et par celui relatif à la Libye. Les considérants de celui-ci, comme ceux du règlement concernant l'Iran, soulignent la portée préventive des mesures de gel, en l'occurrence la prévention de « la menace que représentent les personnes et entités qui possèdent ou contrôlent des fonds publics libyens détournés sous l'ancien régime de [S] [G], susceptibles d'être utilisés pour mettre en danger la paix, la stabilité ou la sécurité en Libye, ou pour entraver ou compromettre la réussite de sa transition politique » (deuxième considérant). 16. Il en résulte que ne peut être diligentée, sur des fonds ou des ressources économiques gelés, aucune mesure d'exécution qui aurait pour effet, non seulement de les faire sortir du patrimoine du débiteur, mais aussi de conférer au créancier poursuivant un simple droit de préférence, sans une autorisation préalable du directeur du Trésor, autorité nationale désignée en application de l'article 11, § 2, du règlement n° 2016/44, une telle interprétation étant indispensable pour assurer l'efficacité des mesures restrictives, quels qu'en soient les effets sur les créanciers étrangers aux détournements de fonds publics opérés sous l'ancien régime libyen. 17. Pour rejeter la demande de mainlevée des saisies-attributions diligentées en juillet et août 2013 par la société [F] sur des actifs détenus en France par la LIA et par sa filiale à 100 %, la société LAFICO, l'arrêt retient que la LIA est une émanation de l'Etat libyen et que les fonds ne bénéficient pas de l'immunité d'exécution. 18. En statuant ainsi, alors que tous les fonds et ressources économiques qui appartenaient à la LIA ou que celle-ci avait en sa possession, détenait ou contrôlait à compter du 16 septembre 2011 et qui se trouvaient hors de Libye à cette date étaient gelés et alors qu'il n'était pas justifié d'une autorisation préalable du directeur du Trésor, la cour d'appel a violé les textes susvisés. Portée et conséquences de la cassation 19. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile. 20. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond. 21. La société [F] n'ayant pas sollicité l'autorisation du directeur du Trésor préalablement aux saisies, il convient de confirmer le jugement qui en a donné mainlevée. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 5 septembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; CONFIRME le jugement rendu le 10 juillet 2018 par le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Paris ; Condamne la société [F] aux dépens, en ce compris ceux exposés devant la cour d'appel ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept septembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SARL Delvolvé et Trichet, avocat aux Conseils, pour la société Libyan Invesment Authority PREMIER MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté la Libyan Investment Authority (l'Autorité libyenne d'investissement) de sa demande de mainlevée des saisies-attribution pratiquées le 5 juillet 2013 par la société [F] entre les mains de la Société générale et de la banque BIA, et de mainlevée de la saisie de valeurs mobilières et de droits d'associés de la société financière CER pratiquée le 13 août 2013 ; Aux motifs que " Sur la question de savoir si la Lia et la société Lifaco sont des émanations de l'Etat libyen : Sur l'indépendance organique : L'Autorité libyenne d'investissement a été créée par la loi n°205/1374 qui dispose en son article 4 qu'elle a pour "objet d'investir et de faire fructifier les fonds que lui attribue le Comité Populaire Général (..) aux fins de fructifier ces fonds, fournir des apports financiers adéquats et diversifier les sources de revenus nationaux de manière à augmenter les rentrées annuelles du Trésor public et limiter l'impact des fluctuations des revenus et ressources pétrolières ", que la loi n°(13) de 2010 portant organisation de l'Autorité libyenne d'investissement dispose que cette personne morale de droit public est rattachée au Comité populaire général, que son organe suprême (article 6) est le Conseil de fiduciaires composé du secrétaire du Comité populaire général en tant que président, des secrétaires des comités populaires généraux, du gouverneur de la Banque centrale et d'expert, que ce Conseil des fiduciaires désigne les membres du conseil d'administration (article 10) et décide de leur rémunération, qu'elle est exclue des dispositions du contrôle préalable prévu par les législations en vigueur ; que les employés de l'Autorité libyenne d'investissement sont considérés comme des employés publics et soumis aux règles de l'emploi public (article 27). L'Autorité, les sociétés qu'elle possède, les entités qui lui sont affiliées, sont exemptées des taxes et tarifs relatifs à toutes leurs activités (article 26) ; que la décision n° 7 prise en 2012 par le conseil des ministres du gouvernement provisoire constitué après le renversement du régime du colonel [G], publiée au journal officiel libyen le 9 juin 2013, fixe l'organisation du conseil des ministres et précise, dans une liste jointe, les organes sur lesquels s'exerce sa tutelle, la Lia y figurant en première ligne ; que ces éléments caractérisent l'absence d'indépendance organique de la Lia par rapport à l'Etat libyen à la date de la saisie, absence d'indépendance au demeurant confirmée par les dispositions ultérieures, telles la Résolution du Conseil des Ministres n°4 de 2014 portant sur la reconstitution du conseil des Fiduciaires de la Lia en vertu de laquelle ce conseil comporte six membres dont cinq membres du gouvernement, le Premier Ministre, le Gouverneur de la Banque Centrale de Libye, le Ministre des Finances, le Ministre de la Planification, le Ministre de l'Economie et M. [R] [O] [K] ; En ce qui concerne la confusion des patrimoines : La loi n° 205/1374 créant la Lia dispose que " le capital de l'institution est fixé à 250 millions de dollars US, répartis sur 250 000 actions de la valeur de 100 dollars US chacune, versé par les autorités dont elle dépend. Le capital peut être augmenté ou réduit par décision du Comité Populaire Général sur proposition du Conseil des Secrétaires " ; que le capital de la Lia est détenu à 100 % par l'État. La décision de l'augmenter ou de le diminuer n'est pas prise par les organes dirigeants, mais par le gouvernement sur proposition du conseil des ministres. Chaque année, il peut lui être attribué le " surplus du budget général ". Le montant du capital de la Lia dépendant exclusivement de la volonté du gouvernement libyen ; que si, l'article 15 de la loi n° 13 de 2010 précitée prévoit que la Lia est également financée par les revenus générés par sa propre activité, ces revenus résultent de l'investissement des fonds appartenant à l'État et seront utilisés afin " d'augmenter les rentrées annuelles du Trésor Public " selon l'article 4 de la loi n° 205/1376 et " de soutenir le Trésor Public " ; qu'il résulte de ces éléments que cette Autorité ... n'a pas de patrimoine propre, le fait qu'elle puisse contracter des prêts ne suffisant pas à caractériser l'existence d'un tel patrimoine, distinct de celui de l'Etat libyen ; que l'Autorité libyenne d'investissement constitue donc une émanation de l'Etat libyen, pour le compte exclusif duquel elle agit, tout comme la société Lafico, sa filiale à 100 %, peu important qu'en apparence, celle-ci jouisse également, comme elle le soutient, d'un statut et d'un patrimoine distinct " (arrêt attaqué, p. 6 et s.) ; 1°) Alors qu' il incombe au juge français saisi d'une demande d'application d'un droit étranger de rechercher la loi compétente, selon la règle de conflit ; que l'Autorité libyenne d'investissement invoquait son autonomie juridique, patrimoniale et financière en application du droit libyen et de la jurisprudence libyenne (concl. sign. le 5 juin 2019, p. 31 et s.) et produisait, au soutien de son argumentation un affidavit de droit libyen ; qu'en écartant l'autonomie de l'Autorité libyenne d'investissement, sans rechercher la loi applicable qui permettait de procéder à cette déduction, la cour d'appel a violé l'article 3 du code civil et les principes du droit international privé ; 2°) Alors que les conditions d'existence de la personnalité morale d'une société étrangère sont déterminées par la loi du pays de son siège ; qu'en considérant, pour se prononcer sur l'existence et la réalité de la personnalité morale de l'Autorité libyenne d'investissement, que cette dernière était une émanation de l'Etat libyen par référence au droit français, quand cette société relève de la loi libyenne, dont elle revendiquait l'application (concl. sign. le 5 juin 2019, p. 30 et s.), la cour d'appel a violé l'article 3 du code civil et les principes du droit international privé. DEUXIEME MOYEN DE CASSATION (subsidiaire) Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté la Libyan Investment Authority (l'Autorité libyenne d'investissement) de sa demande de mainlevée des saisies-attribution pratiquées le 5 juillet 2013 par la société [F] entre les mains de la Société générale et de la banque BIA, et de mainlevée de la saisie de valeurs mobilières et de droits d'associés de la société financière CER pratiquée le 13 août 2013 ; Aux motifs que " Sur la question de savoir si la Lia et la société Lifaco sont des émanations de l'Etat libyen : Sur l'indépendance organique : L'Autorité libyenne d'investissement a été créée par la loi n°205/1374 qui dispose en son article 4 qu'elle a pour "objet d'investir et de faire fructifier les fonds que lui attribue le Comité Populaire Général (..) aux fins de fructifier ces fonds, fournir des apports financiers adéquats et diversifier les sources de revenus nationaux de manière à augmenter les rentrées annuelles du Trésor public et limiter l'impact des fluctuations des revenus et ressources pétrolières ", que la loi n°(13) de 2010 portant organisation de l'Autorité libyenne d'investissement dispose que cette personne morale de droit public est rattachée au Comité populaire général, que son organe suprême (article 6) est le Conseil de fiduciaires composé du secrétaire du Comité populaire général en tant que président, des secrétaires des comités populaires généraux, du gouverneur de la Banque centrale et d'expert, que ce Conseil des fiduciaires désigne les membres du conseil d'administration (article 10) et décide de leur rémunération, qu'elle est exclue des dispositions du contrôle préalable prévu par les législations en vigueur ; que les employés de l'Autorité libyenne d'investissement sont considérés comme des employés publics et soumis aux règles de l'emploi public (article 27). L'Autorité, les sociétés qu'elle possède, les entités qui lui sont affiliées, sont exemptées des taxes et tarifs relatifs à toutes leurs activités (article 26) ; que la décision n° 7 prise en 2012 par le conseil des ministres du gouvernement provisoire constitué après le renversement du régime du colonel [G], publiée au journal officiel libyen le 9 juin 2013, fixe l'organisation du conseil des ministres et précise, dans une liste jointe, les organes sur lesquels s'exerce sa tutelle, la Lia y figurant en première ligne ; que ces éléments caractérisent l'absence d'indépendance organique de la Lia par rapport à l'Etat libyen à la date de la saisie, absence d'indépendance au demeurant confirmée par les dispositions ultérieures, telles la Résolution du Conseil des Ministres n°4 de 2014 portant sur la reconstitution du conseil des Fiduciaires de la Lia en vertu de laquelle ce conseil comporte six membres dont cinq membres du gouvernement, le Premier Ministre, le Gouverneur de la Banque Centrale de Libye, le Ministre des Finances, le Ministre de la Planification, le Ministre de l'Economie et M. [R] [O] [K] " (arrêt attaqué, p. 6 et s.) ; 1°) Alors que l'entité qui bénéficie d'une autonomie de droit et de fait à l'égard d'un Etat ne peut être qualifiée d'émanation de ce dernier ; qu'en retenant que l'Autorité libyenne d'investissement était une personne morale de droit public dont les employés étaient considérés comme des employés publics, soumis aux règles de l'emploi public et que ses activités étaient exemptées de taxes pour déduire son absence d'indépendance organique par rapport à l'Etat libyen, la cour d'appel s'est déterminée par des motifs inopérants, privant ainsi sa décision de base légale au regard des principes du droit international privé gouvernant l'immunité d'exécution des Etats étrangers, ensemble l'article L. 111-2 du code des procédures civiles d'exécution ; 2°) Alors que l'entité qui bénéficie d'une autonomie de droit et de fait à l'égard d'un Etat ne peut être qualifiée d'émanation de ce dernier ; qu'en se bornant à retenir, de façon abstraite, que l'Autorité libyenne d'investissement était " rattachée " au Comité populaire général sans expliquer concrètement en quoi cette circonstance était de nature à affecter son autonomie, la cour d'appel, n'a pas légalement justifié sa décision au regard des principes du droit international privé gouvernant l'immunité d'exécution des Etats étrangers, ensemble l'article L. 111-2 du code des procédures civiles d'exécution ; 3°) Alors que l'entité qui bénéficie d'une autonomie de droit et de fait à l'égard d'un Etat ne peut être qualifiée d'émanation de ce dernier ; que l'entité considérée jouit d'une indépendance statutaire et ne peut donc être considérée comme une émanation d'Etat lorsqu'entrent dans la composition de son organe règlementaire et de contrôle des experts sans lien avec l'administration centrale de l'Etat ; qu'après avoir constaté qu'entraient dans la composition du Conseil de fiduciaires des experts, ce dont il résultait que l'organe réglementaire et de contrôle de l'Autorité libyenne d'investissement était également constitué de membres sans lien avec l'Etat, la cour d'appel, qui a néanmoins conclu à l'absence d'indépendance organique de l'Autorité, n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, en violation des principes du droit international privé gouvernant l'immunité d'exécution des Etats étrangers, ensemble l'article L. 111-2 du code des procédures civiles d'exécution ; 4°) Alors que le contrôle étatique sur une entité, fût-il exercé au travers de ses dirigeants, ne suffit pas à la faire considérer comme une émanation de l'Etat impliquant son assimilation à celui-ci ; qu'en se bornant à retenir que l'Autorité libyenne d'investissement était l'une des entités sur lesquelles s'exerçait la tutelle du gouvernement provisoire libyen et que son organe réglementaire et de contrôle comportait, pour partie, des représentants des comités populaires (organes chargés de relayer les décisions des représentants locaux aux instances centrales), pour en déduire l'absence d'indépendance organique de l'Autorité, la cour d'appel s'est déterminée par des motifs inopérants, privant ainsi sa décision de base légale au regard des principes du droit international privé gouvernant l'immunité d'exécution des Etats étrangers, ensemble l'article L. 111-2 du code des procédures civiles d'exécution ; 5°) Alors que l'entité qui bénéficie d'une autonomie de droit et de fait à l'égard d'un Etat ne peut être qualifiée d'émanation de ce dernier ; que bénéficie d'une telle autonomie l'entité qui exerce son activité par l'intermédiaire d'organes qui agissent de façon autonome par rapport et jouit ainsi d'une indépendance fonctionnelle ; qu'en déduisant l'absence d'autonomie de l'Autorité libyenne d'investissement de la désignation des membres de son conseil d'administration et de leur rémunération, organe opérationnel de l'Autorité, par le conseil des fiduciaires, sans constater l'existence d'un rapport hiérarchique de ce dernier sur la conseil d'administration, la cour d'appel n'a pas caractérisé l'absence d'autonomie de l'Autorité libyenne d'investissement dans l'exercice de son activité, privant ainsi sa décision de base légale au regard des principes du droit international privé gouvernant l'immunité d'exécution des Etats étrangers, ensemble l'article L. 111-2 du code des procédures civiles d'exécution ; Et aux motifs qu' " En ce qui concerne la confusion des patrimoines : La loi n° 205/1374 créant la Lia dispose que " le capital de l'institution est fixé à 250 millions de dollars US, répartis sur 250 000 actions de la valeur de 100 dollars US chacune, versé par les autorités dont elle dépend. Le capital peut être augmenté ou réduit par décision du Comité Populaire Général sur proposition du Conseil des Secrétaires " ; que le capital de la Lia est détenu à 100 % par l'Etat. La décision de l'augmenter ou de le diminuer n'est pas prise par les organes dirigeants, mais par le gouvernement sur proposition du conseil des ministres. Chaque année, il peut lui être attribué le " surplus du budget général ". Le montant du capital de la Lia dépendant exclusivement de la volonté du gouvernement libyen ; que si, l'article 15 de la loi n° 13 de 2010 précitée prévoit que la Lia est également financée par les revenus générés par sa propre activité, ces revenus résultent de l'investissement des fonds appartenant à l'Etat et seront utilisés afin " d'augmenter les rentrées annuelles du Trésor Public " selon l'article 4 de la loi n° 205/1376 et " de soutenir le Trésor Public " ; qu'il résulte de ces éléments que cette Autorité n'a pas de patrimoine propre, le fait qu'elle puisse contracter des prêts ne suffisant pas à caractériser l'existence d'un tel patrimoine, distinct de celui de l'Etat libyen ; que l'Autorité libyenne d'investissement constitue donc une émanation de l'Etat libyen, pour le compte exclusif duquel elle agit, tout comme la société Lafico, sa filiale à 100 %, peu important qu'en apparence, celle-ci jouisse également, comme elle le soutient, d'un statut et d'un patrimoine distinct " (arrêt attaqué, p. 7) ; 6°) Alors que les apports effectués au profit d'une personne morale deviennent la propriété de cette dernière et composent son patrimoine social ; que dès lors, les liens capitalistiques entre deux entités peuvent constituer un indice du contrôle de l'une sur l'autre, mais non de la confusion entre leurs patrimoines qui dépend, quant à elle, de leurs liens organisationnels et juridiques, ainsi que des flux financiers entre elles ; qu'en retenant que la circonstance que les actions de la LIA étaient détenues par l'Etat induisait une confusion des patrimoines entre eux, la cour d'appel a violé les articles 2284 du code civil et L. 111-2 du code des procédures civiles d'exécution ; 7°) Alors, en outre, que le contrôle d'une entité sur une autre peut être déduit de la participation majoritaire ou exclusive de l'une dans le capital de l'autre à la condition que l'entité réputée contrôlée ne se détermine pas de façon autonome sur le marché faisant l'objet de son activité ; qu'en prenant en considération l'actionnariat étatique de la LIA pour déduire une confusion patrimoniale entre cette dernière et l'Etat libyen, sans examiner, comme elle y était invitée, si la LIA n'agissait pas, sur le marché de l'investissement financier, de façon parfaitement autonome, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 2284 du code civil et L. 111-2 du code des procédures civiles d'exécution ; 8°) Alors, enfin, que ainsi que le faisait valoir la LIA, son patrimoine était spécialement et uniquement destiné à la réalisation de son objet social consistant en des activités d'investissement purement privées et sa gestion fait l'objet d'une comptabilité propre établie conformément aux normes comptables internationales et soumise à l'examen d'auditeurs externes ; qu'en considérant néanmoins de la LIA pouvait être qualifiée d'émanation de l'Etat libyen dans la mesure où une partie des produits de ses investissements devait être versés au Trésor public libyen, motif impropre à justifier de l'absence d'autonomie de la LIA dans la conduite de son activité telle que décrite dans son objet social, la cour d'appel a violé les articles 2284 du code civil et L. 111-2 du code des procédures civiles d'exécution. TROISIEME MOYEN DE CASSATION (plus subsidiaire) Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté la Libyan Investment Authority (l'Autorité libyenne d'investissement) de sa demande de mainlevée des saisies-attribution pratiquées le 5 juillet 2013 par la société [F] entre les mains de la Société générale et de la banque BIA, et de mainlevée de la saisie de valeurs mobilières et de droits d'associés de la société financière CER pratiquée le 13 août 2013 ; Et aux motifs que " Sur l'immunité d'exécution : Sur la nature des biens saisis : Il est, ensuite, nécessaire d'examiner si les comptes des intimées sont spécifiquement utilisés ou destinés à être utilisés par ledit Etat autrement qu'à des fins de service public non commerciales et entretiennent un lien avec l'entité contre laquelle la procédure a été intentée ; que les intimées soutiennent qu'il incombe au créancier de démontrer l'existence d'un lien entre les biens saisis et l'opération ayant donné lieu à la saisie, ce qui, à l'évidence, n'est pas le cas en l'espèce, puisqu'elles n'étaient pas parties au contrat ayant donné lieu à la sentence arbitrale ; que cependant, selon le droit coutumier international, tout comme selon la loi Sapin II, dès lors que les biens ont un lien avec l'entité contre laquelle la procédure a été intentée, ils peuvent faire l'objet d'une mesure d'exécution ; que la Lia et la société Lafico étant, ainsi qu'il a été dit plus haut, des émanations de l'Etat libyen, cette seconde condition est remplie ; que pour démontrer que la première condition est remplie, l'appelante rappelle que la saisie a porté sur un produit financier dénommé Etmn arrivé à échéance d'un montant de 151 554 067 dollars US, des parts sociales de la société Financière CER, appartenant à la société Lafico, la société CER étant propriétaire de l'immeuble de la FNAC, sis [Adresse 2], parts librement négociables sur le marché, société dont le seul objet est de porter un investissement immobilier et enfin, sur des sommes d'argent déposées dans une banque commerciale ; qu'elle démontre ainsi que les biens ne sont pas spécifiquement utilisés ou destinés à être utilisés à des fins de service public non commerciales de sorte qu'ils sont saisissables " (arrêt attaqué, p. 9) ; 1°) Alors que la loi ne dispose que pour l'avenir et n'a point d'effet rétroactif ; l'article L. 111-1-2 du code des procédures civiles d'exécution dans sa rédaction issue de l'article 59 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016, dite loi Sapin II, est applicable aux mesures d'exécution mises en oeuvre après l'entrée en vigueur de la loi, intervenue le 11 décembre 2016, de sorte que ces dispositions ne sont pas applicables aux mesures d'exécution diligentées antérieurement à cette date ; qu'en faisant néanmoins application des dispositions de la loi Sapin II à des saisies pratiquées aux mois de mars et avril 2016, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article L. 111-1-2 du code des procédures civiles d'exécution, ensemble, l'article 2 du code civil ; 2°) Alors que l'immunité d'exécution dont jouit un Etat étranger peut être exceptionnellement écartée lorsque le bien saisi a été affecté à l'activité économique ou commerciale relevant du droit privé qui donne lieu à la demande en justice ; qu'en jugeant saisissables le produit financier dénommé Emtn, les parts sociales d'une société financière propriétaire de biens immobiliers à Paris, ainsi que des sommes d'argent déposées dans les livres d'une banque commerciale, sans relever de lien entre ces biens et le développement et l'exploitation touristiques d'un site situé dans le district de Tripoli, la cour d'appel a violé les principes du droit international régissant l'immunité des Etats ; 3°) Alors que l'immunité d'exécution dont jouissent, par principe, les États étrangers est écartée pour leurs seuls biens qui sont spécifiquement utilisés ou destinés à être utilisés par l'État autrement qu'à des fins de service public non commerciales et qui sont dès lors saisissables ; qu'en déduisant du fait que que les biens appréhendés étaient un produit financier dénommé Emtn, des parts sociales librement négociables sur le marché d'une société financière propriétaire d'un immeuble et des sommes d'argent déposées dans une banque commerciale pour déduire que ces biens étaient saisissables, la cour d'appel, qui s'est bornée à déduire l'affectation de ces biens de leur seule nature, sans davantage constater ce à quoi ils étaient spécifiquement utilisés ou destinés à être utilisés, n'a pas légalement justifié sa décision au regard des principes posés en matière d'immunité d'exécution par le droit international coutumier, tel que reflété par la Convention des Nations Unies du 2 décembre 2004 sur l'immunité juridictionnelle des Etats et de leurs biens ; 4°) Alors que l'immunité d'exécution dont jouissent, par principe, les États étrangers est écartée pour leurs seuls biens qui sont spécifiquement utilisés ou destinés à être utilisés par l'État autrement qu'à des fins de service public non commerciales et qui sont dès lors saisissables ; qu'après avoir constaté que le produit de l'activité de la LIA était utilisé " " afin d'augmenter les rentrées annuelles du Trésor Public " selon l'article 4 de la loi n° 205/1376 et " de soutenir le Trésor Public " " (arrêt, p. 7), ce dont il résultait que les biens saisis étaient destinés à satisfaire un objectif d'utilité publique, la cour d'appel, qui a néanmoins jugé saisissables ces biens, n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, en violation des principes posés en matière d'immunité d'exécution par le droit international coutumier, tel que reflété par la Convention des Nations Unies du 2 décembre 2004 sur l'immunité juridictionnelle des Etats et de leurs biens ; 5°) Alors, en tout état de cause, que l'immunité d'exécution dont jouissent, par principe, les États étrangers est écartée pour leurs seuls biens qui sont spécifiquement utilisés ou destinés à être utilisés par l'État autrement qu'à des fins de service public non commerciales et qui sont dès lors saisissables ; qu'après avoir constaté qu'une partie des produits de l'activité de la LIA était destinée à financer sa propre activité tandis que l'autre avait vocation à abonder le Trésor Public libyen, de sorte qu'il incombait au demandeur à l'exécution d'établir que les biens qu'il saisissait étaient effectivement affectés aux opérations de droit privé réalisées par la LIA ; qu'en retenant que les produits financiers, parts sociales et sommes d'argent placées sur des comptes bancaires de dépôt étaient saisissables comme non spécifiquem ent utilisés ou destinés à des fins de service public non commerciales, sans constater l'affectation concrète et effective de ses produits et sommes d'argent, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des principes posés en matière d'immunité d'exécution par le droit international coutumier, tel que reflété par la Convention des Nations Unies du 2 décembre 2004 sur l'immunité juridictionnelle des Etats et de leurs biens. Ass. plén., 29 avril 2022, pourvoi n° 18-18.542, Bull., (Cassation partielle partiellement sans renvoi ).
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 7 septembre 2022 M. CHAUVIN, président Arrêt n° 613 FS-B Pourvoi n° S 19-21.964 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 7 SEPTEMBRE 2022 La société [H] [X] [M] et fils, société de droit koweitien, dont le siège est [Adresse 1] (Égypte), a formé le pourvoi n° S 19-21.964 contre l'arrêt rendu le 6 juin 2019 par la cour d'appel de Versailles (16e chambre), dans le litige l'opposant à la société Libyan investment authority, dont le siège est [Adresse 2] (Libye), défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Hascher, conseiller, les observations de la SCP Alain Bénabent , avocat de la société [H] [X] [M] et fils, de la SARL Delvolvé et Trichet, avocat de la société Libyan investment authority, et l'avis de M. Lavigne, avocat général, après débats en l'audience publique du 14 juin 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Hascher, conseiller rapporteur, M. Vigneau, conseiller doyen, MM. Avel et Bruyére, Mme Guihal, conseillers, M. Vitse, Mmes Champ et Robin-Raschel, conseillers référendaires, M. Lavigne, avocat général, et Mme Vignes, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 6 juin 2019), par actes séparés du 11 mars 2016, la société [H] [X] [M] et fils ([M]), bénéficiaire d'une sentence arbitrale rendue au [Localité 3] contre l'Etat libyen, a, après avoir obtenu l'exequatur de cette décision, fait pratiquer, entre les mains de la Société générale, une saisie-attribution des sommes détenues au nom de l'Etat de Libye ou de la Libyan Investment Authority (LIA), ainsi qu'une saisie de droits d'associés ou de valeurs mobilières, laquelle en a demandé la mainlevée. 2. Par un arrêt du 3 novembre 2021 (n° 653), il a été sursis à statuer jusqu'à la décision de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), saisie par un arrêt de l'Assemblée plénière de la Cour de cassation (Ass. plén., 10 juillet 2020, pourvois n° 18-18.542 et 18-21.814) de la question de savoir si les dispositions d'un autre règlement européen, relatif à des mesures restrictives à l'égard de l'Iran et comportant une définition des mesures de gel analogue à celle du règlement (UE) n° 2016/44 du Conseil du 18 janvier 2016 concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Libye et abrogeant le règlement (UE) n° 204/2011, s'opposaient à ce que soit diligentée sur des avoirs gelés, sans autorisation préalable de l'autorité nationale compétente, une mesure dépourvue d'effet attributif, telle qu'une saisie conservatoire. 3. Par un arrêt du 11 novembre 2021 (C-340/20), la CJUE a répondu à la question préjudicielle. Examen du moyen Sur le moyen unique Enoncé du moyen 4. La société [M] fait grief à l'arrêt d'ordonner la mainlevée de la saisie-attribution et de la saisie de droits d'associés ou de valeurs mobilières pratiquées le 11 mars 2016 auprès de la Société générale option Europe à l'encontre de la société LIA, alors : « 1°/ qu'en vertu des principes du droit international relatifs à l'immunité d'exécution, l'immunité d'exécution doit être écartée lorsque le bien appréhendé est spécifiquement utilisé ou destiné à être utilisé autrement qu'à des fins de service public non commerciales et entretient un lien avec l'entité contre laquelle la procédure est engagée, qu'en décidant que « les Etats étrangers bénéficient en effet, par principe, d'une immunité d'exécution. Il en est autrement lorsque les biens concernés se rattachent, non à l'exercice d'une activité de souveraineté, ce qui signifie que les biens sont utilisés ou sont destinés à être utilisés à des fins publiques, mais à une opération économique, commerciale ou civile relevant du droit privé qui donne lieu à la demande en justice », l'arrêt attaqué a été rendu en violation du droit international régissant les immunités des Etats étrangers et notamment l'immunité d'exécution ; 2°/ qu'en vertu des principes du droit international régissant les immunités des États étrangers, l'immunité d'exécution doit être écartée lorsque le bien appréhendé est spécifiquement utilisé ou destiné à être utilisé à des fins d'investissement ; qu'en l'espèce, pour juger que les sommes détenues par la L.I.A. sur le compte-courant ouvert auprès de la Société Générale Option Europe ainsi que les droits d'associés ou les valeurs mobilières bénéficiaient d'une immunité d'exécution et ne pouvaient, par conséquent, être l'objet d'une saisie, la Cour d'appel s'est bornée à constater que ces biens étaient « utilisés ou destinés à être utilisés à des fins publiques » ; qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait elle-même constaté que les fonds étaient spécialement affectés à des activités d'investissement à l'étranger, la Cour d'appel a violé les principes du droit international régissant les immunités des Etats étrangers et notamment l'immunité d'exécution ; 3°/ qu'en vertu des principes du droit international régissant les immunités des Etats étrangers, le bénéfice de l'immunité d'exécution s'apprécie pour chaque bien appréhendé par la saisie ; qu'en jugeant que l'immunité d'exécution couvrait tous « les biens appartenant à l'Autorité Libyenne d'Investissement, quel que soit le produit financier de placement », la Cour d'appel n'a pas pris en considération la finalité à laquelle était destiné le produit financier « Euro Medium Term Note », pourtant objet de la saisie, et a, ainsi, privé sa décision de base légale au regard des principes du droit international régissant les immunités des Etats étrangers ; 4°/ que toute activité déployée par un Etat ou son émanation ne peut que poursuivre un intérêt général ; qu'à lui seul le critère fondé sur l'intérêt général n'est pertinent pour délimiter le champ de l'immunité d'exécution ; qu'en se référant exclusivement à l'idée que les opérations de placement réalisées par la LIA servaient l'intérêt du peuple libyen, notamment en visant la résolution 1973 du 17 mars 2011 du Conseil de sécurité de l'ONU sans rechercher si ces biens sont « spécifiquement utilisé ou destiné à être utilisé autrement qu'à des fins de service public non commerciales » pour décider que les fonds appréhendés étaient couverts par l'immunité d'exécution, l'arrêt attaqué a, ainsi, privé sa décision de base légale au regard des principes du droit international régissant les immunités des Etats étrangers ; 5°/ que porte une atteinte disproportionnée au droit fondamental à l'exécution des décisions de justice, toute protection des biens de l'Etat étranger allant au-delà de ce que prescrit le droit international coutumier tel que reflété par la Convention des Nations-Unies du 2 décembre 2004 ; qu'en l'espèce, pour prononcer la mainlevée de la saisie, la Cour d'appel a jugé que les biens utilisés par le fond souverain de l'Etat libyen à des fins d'investissement étaient couverts par son immunité d'exécution ; qu'en statuant ainsi, alors que le droit international coutumier tel qu'il résulte de la Convention des Nations-Unies de 2004 autorise la saisie des biens utilisés par l'Etat ou l'une de ses émanations à des fins d'investissement, la Cour d'appel a violé l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, ensemble les principes du droit international régissant les immunités d'exécution des Etats étrangers ; 6°/ que l'article 26 de la Convention Unifiée pour l'Investissement des Capitaux Arabes dans les pays arabes signée le 26 novembre 1980, à laquelle se référait le contrat, dispose que « la conciliation et l'arbitrage se dérouleront conformément aux règles et aux procédures établies dans l'annexe de cette convention » et que « cette annexe constitue une partie intégrante de celle-ci » ; qu'en l'espèce, pour juger que l'Etat libyen n'avait pas expressément accepté de se soumettre à la sentence arbitrale et ne s'était pas expressément engagé à exécuter cette sentence, la Cour d'appel a retenu que n'était pas visé par la clause compromissoire du contrat passé avec l'exposante, l'article 2-8 de l'annexe de la Convention Unifiée pour l'Investissement des Capitaux Arabes dans les pays arabes signée le 26 novembre 1980 lequel prévoit que « la sentence arbitrale rendue conformément aux provisions de cet article sera définitive et liera les parties qui doivent s'y soumettre et qui doivent l'exécuter immédiatement » ; qu'en statuant ainsi, alors que l'article 29 du contrat passé entre l'Etat libyen et la société [M] stipulait qu'il devait être « recouru à l'arbitrage conformément aux dispositions de la Convention unifiée pour l'investissement des capitaux arabes dans les pays arabes signée le 26 novembre 1980 » laquelle, dans son article 26, énonce expressément que son annexe dont l'article 2-8 fait partie intégrante de ses dispositions, la Cour d'appel a méconnu la force obligatoire du contrat, ensemble la Convention unifiée pour l'investissement des capitaux arabes dans les pays arabes signée le 26 novembre 1980 ; 7°/ qu'en vertu des principes du droit international régissant les immunités des États étrangers, l'acceptation par l'État étranger, signataire de la clause d'arbitrage, de se soumettre à la sentence arbitrale et de l'exécuter dans les termes de la Convention Unifiée pour l'Investissement des Capitaux Arabes dans les pays arabes signée le 26 novembre 1980 vaut renonciation expresse à son immunité d'exécution; qu'en jugeant le contraire, alors qu'elle avait elle même constaté que l'Etat libyen avait, non seulement, expressément adhéré à cette Convention mais, également, expressément visé cette Convention dans la clause compromissoire du contrat qu'il a conclu avec l'exposante, la Cour d'appel a violé les principes du droit international régissant les immunités des Etats étrangers, ensemble la Convention Unifiée pour l'Investissement des Capitaux Arabes dans les pays arabes ; 8°/ qu'en vertu des principes du droit international régissant les immunités des États étrangers, l'engagement pris par l'Etat signataire de la clause d'arbitrage d'exécuter la sentence conformément à l'article 34-2 du règlement de procédure du centre régional d'arbitrage du commerce international du [Localité 3] lequel est expressément visé par la sentence arbitrale, vaut renonciation à son immunité d'exécution ; qu'en jugeant le contraire, la Cour d'appel a violé les principes du droit international régissant les immunités des Etats étrangers, ensemble l'article 34-2 du règlement de procédure du centre régional d'arbitrage du [Localité 3] ; 9°/ que les parties ayant toutes deux admis que l'article 34.2 du règlement de procédure du centre régional d'arbitrage du [Localité 3] était applicable même s'il n'était pas visé par la clause compromissoire, la Cour d'appel ne pouvait se fonder sur le silence de la clause sur ce texte sans méconnaître les termes du litige et violer l'article 4 du code de procédure civile ; 10°/ que, subsidiairement à supposer que la Cour d'appel ait adopté les motifs des premiers juges, doit être qualifiée d'émanation, l'entité dépourvue de d'autonomie fonctionnelle et de patrimoine propre ; que cette qualité s'apprécie en droit mais surtout en fait selon la méthode du faisceau d'indices ;qu'en l'espèce, pour refuser de qualifier la L.I.A. d'émanation de l'Etat libyen, les juges du fond se sont exclusivement fondés sur l'autonomie juridique de l'entité ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher comme ils y étaient invités, si dans les faits, la L.I.A. n'était pas suffisamment indépendante dans son fonctionnement et si son patrimoine se confondait avec celui de l'Etat libyen, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard des principes du droit international relatifs aux émanations des Etats étrangers. » Réponse de la Cour 5. L'article 1 du règlement (UE) n° 2016/44 du Conseil du 18 janvier 2016 concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Libye et abrogeant le règlement (UE) n° 204/2011 et l'article L. 211-2 du code des procédures civiles d'exécution dispose : « Aux fins du présent règlement, on entend par : a) « fonds », les actifs financiers et les avantages économiques de toute nature, y compris et notamment, mais pas exclusivement : i) le numéraire, les chèques, les créances en numéraire, les traites, les ordres de paiement et autres instruments de paiement ; ii) les dépôts auprès d'établissements financiers ou d'autres entités, les soldes en comptes, les créances et les titres de créances ; iii) les titres de propriété et d'emprunt, tels que les actions et autres titres de participation, les certificats représentatifs de valeurs mobilières, les obligations, les billets à ordre, les warrants, les obligations non garanties et les contrats sur produits dérivés, qu'ils soient négociés en Bourse ou fassent l'objet d'un placement privé ; iv) les intérêts, les dividendes ou autres revenus d'actifs ou plus-values perçus sur des actifs ; b) « gel des fonds », toute action visant à empêcher tout mouvement, transfert, modification, utilisation ou manipulation de fonds ou tout accès à ceux-ci qui aurait pour conséquence une modification de leur volume, de leur montant, de leur localisation, de leur propriété, de leur possession, de leur nature, de leur destination ou toute autre modification qui pourrait en permettre l'utilisation, y compris la gestion de portefeuilles. » 6. Selon l'article 5 § 4 du même règlement, tous les fonds et ressources économiques qui appartiennent aux entités énumérées à l'annexe VI, parmi lesquelles figure la LIA, ou que celles-ci avaient en leur possession, détenaient ou contrôlaient à la date du 16 septembre 2011 et qui se trouvaient en dehors de Libye à cette date restent gelés. 7. L'article 11 § 2 du même règlement dispose : « 2. Par dérogation à l'article 5, paragraphe 4, et pour autant qu'un paiement soit dû au titre d'un contrat ou d'un accord conclu ou d'une obligation souscrite par la personne, l'entité ou l'organisme concerné avant la date de sa désignation par le Conseil de sécurité ou le comité des sanctions, les autorités compétentes des États membres, mentionnées sur les sites internet énumérés à l'annexe IV, peuvent autoriser, dans les conditions qu'elles jugent appropriées, le déblocage de certains fonds ou ressources économiques gelés, pour autant que les conditions suivantes soient réunies : a) l'autorité compétente concernée a établi que le paiement n'enfreint pas l'article 5, paragraphe 2, ni ne profite à une entité visée à l'article 5, paragraphe 4 ; b) l'État membre concerné a notifié au comité des sanctions, dix jours ouvrables à l'avance, son intention d'accorder une autorisation. » 8. Le quatrième dispose : « L'acte de saisie emporte, à concurrence des sommes pour lesquelles elle est pratiquée, attribution immédiate au profit du saisissant de la créance saisie, disponible entre les mains du tiers ainsi que de tous ses accessoires. Il rend le tiers personnellement débiteur des causes de la saisie dans la limite de son obligation. La notification ultérieure d'autres saisies ou de toute autre mesure de prélèvement, même émanant de créanciers privilégiés, ainsi que la survenance d'un jugement portant ouverture d'une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire ne remettent pas en cause cette attribution. Toutefois, les actes de saisie notifiés au cours de la même journée entre les mains du même tiers sont réputés faits simultanément. Si les sommes disponibles ne permettent pas de désintéresser la totalité des créanciers ainsi saisissants, ceux-ci viennent en concours. Lorsqu'une saisie-attribution se trouve privée d'effet, les saisies et prélèvements ultérieurs prennent effet à leur date. » 9. La CJUE a été saisie par l'Assemblée plénière d'une question préjudicielle portant sur l'interprétation du règlement (CE) n° 423/2007 du Conseil, du 19 avril 2007, concernant l'adoption de mesures restrictives à l'encontre de l'Iran, dont l'article 1° dispose : « Aux seules fins du présent règlement, on entend par : h) « gel des fonds », toute action visant à empêcher tout mouvement, transfert, modification, utilisation ou manipulation de fonds qui aurait pour conséquence un changement de leur volume, de leur montant, de leur localisation, de leur propriété, de leur possession, de leur nature, de leur destination ou toute autre modification qui pourrait en permettre l'utilisation, notamment la gestion de portefeuilles. » 10. De cette définition, la CJUE déduit que « la notion de « gel des fonds » englobe toute utilisation de fonds ayant pour conséquence, notamment, un changement de la destination de ces fonds, même si une telle utilisation des fonds n'a pas pour effet de faire sortir des biens du patrimoine du débiteur » (§ 49). 11. La CJUE ajoute que cette interprétation est corroborée par les considérants du règlement 423/2007, selon lesquels : - « les mesures restrictives adoptées contre la République islamique d'Iran ont une vocation préventive en ce sens qu'elles visent à empêcher un risque de prolifération nucléaire dans cet Etat » (§ 52 et 54) ; - « les mesures de gel des fonds et des ressources économiques visent par conséquent à éviter que l'avoir concerné par une mesure de gel soit utilisé pour procurer des fonds, des biens ou des services susceptibles de contribuer à la prolifération nucléaire en Iran » (§ 55) ; - « pour atteindre ces buts, il est non seulement légitime, mais également indispensable que les définitions des notions de « gel des fonds » et de « gel des ressources économiques » revêtent une interprétation large parce qu'il s'agit d'empêcher toute utilisation des avoirs gelés qui permettrait de contourner les règlements en cause et d'exploiter les failles du système » (§ 56). 12. La CJUE ajoute qu'elle « a déjà jugé que l'importance des objectifs poursuivis par un acte de l'Union établissant un régime de mesures restrictives est de nature à justifier des conséquences négatives, même considérables, pour certains opérateurs, y compris pour ceux qui n'ont aucune responsabilité quant à la situation ayant conduit à l'adoption des mesures concernées, mais qui se trouvent affectés notamment dans leurs droits de propriété [...] de sorte que la circonstance que la cause de la créance à recouvrer sur la personne ou l'entité dont les fonds ou les ressources économiques sont gelés est étrangère au programme nucléaire et balistique iranien et antérieure à la résolution 1737 (2006) n'est pas pertinente » (§ 66 et 67). 13. Les mesures de gel sont définies en termes similaires par le règlement concernant l'Iran et par celui relatif à la Libye. Les considérants de celui-ci, comme ceux du règlement concernant l'Iran, soulignent la portée préventive des mesures de gel, en l'occurrence la prévention de « la menace que représentent les personnes et entités qui possèdent ou contrôlent des fonds publics libyens détournés sous l'ancien régime de [C] [Y], susceptibles d'être utilisés pour mettre en danger la paix, la stabilité ou la sécurité en Libye, ou pour entraver ou compromettre la réussite de sa transition politique » (2ème considérant). 14. Il en résulte que ne peut être diligentée, sur des fonds ou des ressources économiques gelés, aucune mesure d'exécution qui aurait pour effet, non seulement de les faire sortir du patrimoine du débiteur, mais aussi de conférer au créancier poursuivant un simple droit de préférence, sans une autorisation préalable du directeur du Trésor, autorité nationale désignée en application de l'article 11 § 2 du règlement n° 2016/44, une telle interprétation étant indispensable pour assurer l'efficacité des mesures restrictives, quels qu'en soient les effets sur les créanciers étrangers aux détournements de fonds publics opérés sous l'ancien régime libyen. 15. Il ressort de l'arrêt que la société [M] n'a pas sollicité l'autorisation du directeur du Trésor préalablement aux saisies. 16. Il en résulte que la mainlevée des saisies ne pouvait qu'être ordonnée. 17. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1er, et 1015 du code de procédure civile, la décision déférée se trouve légalement justifiée. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société [H] [X] [M] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept septembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Alain Bénabent, avocat aux Conseils, pour la société [H] [X] [M] et fils Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement rendu le 9 janvier 2018 par le juge de l'exécution du Tribunal de grande instance de Nanterre en ce qu'il a ordonné la mainlevée de la saisie-attribution et la saisie de droits d'associés ou de valeurs mobilières pratiquées le 11 mars 2016 auprès de la Société Générale Option Europe par la société [H] [X] [M] et fils à l'encontre de la société Libyan Investment Authority ; AUX MOTIFS QUE « Sur le fond : Qu'à ce stade du raisonnement, il convient d'observer que, dans l'hypothèse où cette notion d'émanation de l'Etat libyen serait établie, aux termes de l'article L. 111-1-3, des mesures conservatoires ou des mesures d'exécution forcée ne peuvent être mises en oeuvre sur les biens, y compris les comptes bancaires, utilisés ou destinés à être utilisés dans l'exercice des fonctions de la mission diplomatique des Etats étrangers ou de leurs postes consulaires, de leurs missions spéciales ou de leurs missions auprès des organisations internationales, que dans le cas de la disparition de l'immunité d'exécution des Etats concernés ; Que c'est donc dans cette hypothèse d'une renonciation de l'Etat libyen à son immunité d'exécution que la cour doit d'abord examiner, étant entendu qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et que les "dire que" ou "juger que" ne sont pas des prétentions, mais des rappels des moyens invoqués à l'appui des demandes, ne conférant pas – hormis les cas prévus par la loi – de droit à la partie qui les requiert, de sorte qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ces points et qu'il convient de ne statuer sur lesdits moyens que s'ils ont une incidence sur la solution du litige ; Que la société [H] [X] [M] et fils soutient que les biens saisis ne sont pas couverts par l'immunité et qu'elle prétend subsidiairement que l'Etat libyen a renoncé à trois reprises à son immunité : - en adhérant à la Convention Unifiée pour l'Investissement des Capitaux Arabes dans les pays arabes signée le 26 novembre 1980, - en signant la clause compromissoire visant la Convention, - en acceptant le règlement de procédure du Centre Régional d'Arbitrage du Commerce International du [Localité 3] ; Que l'Autorité Libyenne d'Investissement estime que l'immunité d'exécution de l'Etat libyen fait obstacle aux saisies querellées ; Que l'article L. 111-1-2 du code des procédures civiles d'exécution énumère les biens qui bénéficient d'une présomption de souveraineté ; Que la question se pose, notamment, pour un produit financier dénommé EMTN (Euro Medium Term Note) ; Que les Etats étrangers bénéficient en effet, par principe, d'une immunité d'exécution ; qu'il en est autrement lorsque les biens concernés se rattachent, non à l'exercice d'une activité de souveraineté, ce qui signifie que les biens sont utilisés ou sont destinés à être utilisés à des fins publiques, mais à une opération économique, commerciale ou civile relevant du droit privé qui donne lieu à la demande en justice ; Qu'or il n'est pas contesté que l'Autorité Libyenne d'Investissement a été créée en 2006 afin de gérer les fonds souverains détenus par la Libye ; Qu'ainsi l'appelante reconnaît elle-même en page 29 de ses conclusions que les biens concernés sont "utilisés ou destinés à être utilisés pour réaliser par la LIA une activité d'investissement ou de réinvestissement conformément à la mission que lui a confiée la loi" ; Que c'est encore l'appelante qui rappelle les termes de l'article 4 de la loi n° 205/1374, selon lequel l'Autorité Libyenne d'Investissement "a pour objet d'investir et de faire fructifier les fonds que lui attribue le Comité Populaire Général (le gouvernement) conformément aux dispositions de la présente décision aux fins de fructifier ces fonds, fournir des apports financiers adéquats et diversifier les sources de revenus nationaux de manière à augmenter les rentrées annuelles du Trésor Public et limiter l'impact des fluctuations des revenus et ressources pétrolières" ; que de même ceux de l'article 5 indique que "l'autorité a pour objet l'investissement, directement ou indirectement, des fonds affectés à l'investissement à l'étranger en se basant sur la faisabilité économique et ce dans les différents domaines économiques, de sorte à contribuer au développement et à la diversification des ressources de l'économie nationale, à réaliser les meilleurs rendements financiers soutenant ainsi le Trésor public et assurant le futur des générations à venir, et à limiter les effets des fluctuations en termes de revenus et autres recettes de l'Etat (...) L'autorité se chargera de la réception des fonds affectés à l'investissement et sera responsable de leur investissement et réinvestissement pour le compte de l'Etat afin de recueillir les ressources financières nécessaires pour favoriser le développement économique du peuple libyen et maintenir son bien-être et sa prospérité économique dans l'avenir" ; Qu'enfin il n'est pas indifférent de relever ainsi qu'il est dit par l'appelante, que les biens et avoirs détenus par l'Autorité Libyenne d'Investissement ont expressément fait l'objet d'un gel par l'adoption de la résolution 1973 du 17 mars 2011 du Conseil de sécurité de l'ONU, le paragraphe 20 de cette résolution prévoyant que le Conseil de sécurité "se déclare résolu à veiller à ce que les avoirs gelés en application du paragraphe 17 de la résolution 1970 (2011) soient à une étape ultérieure, dès que possible, mis à la disposition du peuple de Jamahiriya arabe libyenne et utilisés à son profit" ; Que les biens appartenant à l'Autorité Libyenne d'Investissement, quel que soit le produit financier de placement, sont donc bien utilisés ou destinés à être utilisés à des fins publiques ce qui exclut qu'ils puissent être l'objet d'une saisie, sauf renonciation par l'Etat libyen ; Qu'or dans le cas d'espèce, au regard des exigences de la matière, s'agissant de la souveraineté d'un Etat, cette renonciation par la Libye à son immunité d'exécution ne peut être directement déduite de son adhésion à la Convention Unifiée pour l'Investissement des Capitaux Arabes dans les pays arabes signée le 26 novembre 1980 ou de l'acceptation du règlement de procédure du Centre Régional d'Arbitrage du Commerce International du [Localité 3], étant précisé qu'il n'est nullement allégué ou établi que la sentence arbitrale fasse elle-même référence à une quelconque renonciation ou encore à un engagement de l'Etat à l'exécution de la sentence arbitrale ; Que l'article 29 du contrat passé entre la société [M] et l'Etat de Libye est en effet rédigé dans les termes qui suivent : "en cas de naissance d'un différend relatif à l'interprétation ou à l'exécution du contrat pendant la période où il a cours, il doit être procédé à sa résolution à l'amiable, et en cas d'impossibilité d'un tel règlement, il doit être recouru à l'arbitrage conformément aux dispositions de la Convention unifiée pour l'investissement des capitaux arabes dans les pays arabes signée le 26 novembre 1980" ; Mais que l'annexe de la Convention Unifiée pour l'Investissement des Capitaux Arabes dans les pays arabes signée le 26 novembre 1980 intitulée "Conciliation et Arbitrage", en son article 2-8 qui prévoit que "la sentence arbitrale rendue conformément aux provisions de cet article sera définitive et liera les parties qui doivent s'y soumettre et qui doivent l'exécuter immédiatement à moins que le tribunal n'ait fixé un délai pour l'exécution de tout ou partie de ladite sentence ; la sentence arbitrale ne peut faire l'objet d'aucune voie de recours" n'est pas visée par la clause compromissoire ; Que l'article 34-2 du règlement de procédure du Centre Régional d'Arbitrage du Commerce International du [Localité 3] qui dispose que "toutes les sentences sont rendues par écrit ; elles sont définitives et s'imposent aux parties ; les parties exécutent sans délai toutes les sentences", n'est pas non plus visée et ne constitue pas davantage la preuve d'un engagement de l'Etat à l'exécution de la sentence arbitrale dans le cas d'espèce ; Que faute d'être plus précise quant à ses références et la portée de l'engagement souscrit, celui pris par l'Etat libyen, signataire de la clause d'arbitrage, n'est donc pas un acte de renonciation à son immunité d'exécution ; Qu'en l'absence d'autres éléments, la notion de bonne foi dans l'exécution des conventions ou l'absence de recours possible qui s'imposent aux parties à la lecture des dispositions de la sentence arbitrale, ne sont d'aucun secours pour caractériser une telle renonciation ; Qu'en conséquence, en l'absence de renonciation expresse de l'Etat libyen à son immunité d'exécution sur les biens concernés par les saisies litigieuses, le jugement qui en a ordonné la mainlevée sera confirmé » ; ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE : « selon les termes de l'article L. 211-1 du code des procédures civiles d'exécution, tout créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, pour en obtenir le paiement, saisir entre les mains d'un tiers les créances de son débiteur portant sur une somme d'argent ; Qu'il est cependant admis que le droit de poursuite du créancier est étendu en cas de confusion des patrimoines notamment aux organismes publics qui dépendent d'un Etat étranger au point d'en être qu'une émanation ; Qu'il est également d'usage qu'une entité est une émanation d'un Etat lorsqu'elle ne bénéficie pas d'une autonomie fonctionnelle et qu'il existe une confusion de patrimoine ; Que la sentence arbitrale du 22 mars 2013, qui à la fois déclare que la L.I.A. jouit de la personnalité morale et de l'autonomie financière et reconnaît que la L.I.A. demeure une partie intégrante de l'Etat libyen, ne lie pas le juge français dans sa jurisprudence actuelle ; Que cette décision (point 9 de la sentence) est le reflet de la complexité de la situation alors qu'il est aujourd'hui reconnu (plusieurs pièces du dossier dont pièce 29 en défense page 45) que "l'opacité de la structure du capital dans la hiérarchie des filiales a permis l'enrichissement de la famille [M]" ; Que pour autant, cette situation n'induit pas forcément que la L.I.A. est une émanation de l'Etat libyen ; Que la société LIBYAN INVESTMENT AUTHORITY est un établissement financier d'investissement créée en 2006 puis confirmé par la loi du 28 janvier 2010 dont les dispositions sont ici après examinées ; Qu'il n'est pas contesté que la L.I.A. est un fonds souverain dont la vocation est d'être sous la tutelle d'un Etat c'est-à-dire contrôlé par l'Etat e alimenté en grande partie par les ressources de l'Etat (pièce doctrine de la société [H] [X] [M] ET FILS) ; Que les fonds souverains peuvent être soit gérés directement par leur gouvernement national ou être simplement supervisés par ce même gouvernement ; Qu'en l'espèce il ressort des principes déclaratoires libyens aux termes de la loi du 28 janvier 2010 que la L.I.A. est certes rattachée au comité populaire général, nom donné au gouvernement libyen à cette date et qu'elle jouit de la personnalité morale ; Que plus concrètement, la L.I.A. est dirigée par un Conseil de fiduciaires composé de membres du gouvernement et du gouverneur de la banque centrale de Libye mais également d'experts dans le domaine du travail de l'Autorité, ce Conseil nommant pour trois années un conseil d'administration dont le président et le vice-président ont de l'expérience dans les domaines de gestion et d'investissement des fonds et des actifs lequel exerce le contrôle de la gestion de la L.I.A. et surveille la mise en place de ses programmes ; Que les membres du conseil d'administration, soit l'organe décisionnel, ne sont pas rémunérés en tant que fonctionnaires mais par décision du Conseil des fiduciaires qui en fixe le montant ; Que par ailleurs, les employés de la L.I.A. sont "considérés comme des employés publics", ce qui sous-entend qu'ils n'en sont pas directement mais que leurs conditions doivent se rapprocher de celle des fonctionnaires libyens : Qu'ainsi la L.I.A. est dotée d'une personnalité juridique qui lui est propre et qui est distincte de celle du gouvernement ou de la banque centrale et comprend un organe de direction, certes désigné par le gouvernement mais organe qui est ensuite complété dans sa gestion par des experts et des membres ayant une expérience académique et professionnelle en matière financière ; Qu'il en résulte que la L.I.A. dispose d'un statut juridique qui prévoit qu'elle n'est pas entièrement et directement placée sous le contrôle total du gouvernement, étant ainsi rattachée au gouvernement, comme l'institue l'article 3 de la loi, sans y être pour autant soumise comme il résulte de sa composition et des organes de sa direction ; Que par ailleurs les ressources financières de la L.I.A. sont certes composées des sommes allouées par l'Etat mais également de prêts qu'elle peut obtenir auprès de l'étranger et de fonds monétaires et actifs en nature qui lui sont alloués ; Que les fonds et entités (article 16) sont la propriété de la L.I.A., constituant ainsi un patrimoine distinct de celui de l'Etat libyen ; Que la stratégie de gestion des actifs financiers, article 11 de la loi, n'est pas définie par le gouvernement mais par le conseil d'administration lequel conçoit principalement les politiques d'investissement et de ré-investissement des fonds affectés à l'investissement après approbation du Conseil des fiduciaires, preuve de l'existence d'une autonomie financière de la L.I.A. ; Que l'affectation principale des fonds à l'Etat n'est pas en soi un élément prouvant que la L.I.A. est une émanation de l'Etat libyen, tout fond souverain ayant pour objet d'enrichir le pays concerné ; Qu'aussi, quand bien même la L.I.A. apporte une aide financière à l'Etat et qu'elle est considérée comme l'une des institutions financières essentielles de la Libye pour la reconstruction du pays, elle n'est pas pour autant assimilée à l'Etat lui-même puisqu'elle dispose d'une autonomie financière ; Que la situation actuelle politique montre d'ailleurs que l'ONU, plus particulièrement le Groupe d'experts sur le Libye crée en 2011, intervient directement auprès de la L.I.A. en qualité d'entité autonome en précisant en 2015 que le groupe d'experts "entretient de bons rapports avec la direction de la L.I.A. et des mesures semblent avoir été prises pour régler les problèmes de gouvernance, notamment en matière de correction. Un décalage continue d'exister entre la direction (de la L.I.A.) et les sections compétentes des ministères mais il devra se réduire une fois que la stabilité du gouvernement sera renforcée" ; Qu'enfin et comme le souligne la société [H] [X] [M] ET FILS, la Résolution 1973 du Conseil de sécurité des Nations-Unies en date du 17 mars 2011 a décidé notamment de geler les avoirs de la société LIBYAN INVESTMENT AUTHORITY dans le cadre de l'adoption de mesures restrictives en se déclarant préoccupé par la détérioration de la situation en Libye ; Que néanmoins, il convient à ce titre de relever que le Conseil de sécurité n'a pas formellement identifié la L.I.A. comme étant détenue par l'Etat à 100% mais a seulement précisé qu'elle était "sous le contrôle de [C] [Y]" effectuant ainsi une distinction entre l'influence de [C] [Y] sur des entités libyennes et la détention par l'Etat d'autres entités ; Que dès lors, la société [H] [X] [M] ET FILS ne démontre pas que la société LIBYAN INVESTMENT AUTHORITY est dans une dépendance fonctionnelle avec l'Etat libyen empêchant toute autonomie de droit et de fait organique, patrimoniale et financière ; Qu'en conséquence, il convient d'ordonner la mainlevée de la saisie » ; 1°/ ALORS QU'en vertu des principes du droit international relatifs à l'immunité d'exécution, l'immunité d'exécution doit être écartée lorsque le bien appréhendé est spécifiquement utilisé ou destiné à être utilisé autrement qu'à des fins de service public non commerciales et entretient un lien avec l'entité contre laquelle la procédure est engagée, qu'en décidant que « les Etats étrangers bénéficient en effet, par principe, d'une immunité d'exécution. Il en est autrement lorsque les biens concernés se rattachent, non à l'exercice d'une activité de souveraineté, ce qui signifie que les biens sont utilisés ou sont destinés à être utilisés à des fins publiques, mais à une opération économique, commerciale ou civile relevant du droit privé qui donne lieu à la demande en justice », l'arrêt attaqué a été rendu en violation du droit international régissant les immunités des Etats étrangers et notamment l'immunité d'exécution ; 2°/ ALORS QU'en vertu des principes du droit international régissant les immunités des États étrangers, l'immunité d'exécution doit être écartée lorsque le bien appréhendé est spécifiquement utilisé ou destiné à être utilisé à des fins d'investissement ; qu'en l'espèce, pour juger que les sommes détenues par la L.I.A. sur le compte-courant ouvert auprès de la Société Générale Option Europe ainsi que les droits d'associés ou les valeurs mobilières bénéficiaient d'une immunité d'exécution et ne pouvaient, par conséquent, être l'objet d'une saisie, la Cour d'appel s'est bornée à constater que ces biens étaient « utilisés ou destinés à être utilisés à des fins publiques » ; qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait elle-même constaté que les fonds étaient spécialement affectés à des activités d'investissement à l'étranger, la Cour d'appel a violé les principes du droit international régissant les immunités des Etats étrangers et notamment l'immunité d'exécution ; 3°/ ALORS QU'en vertu des principes du droit international régissant les immunités des Etats étrangers, le bénéfice de l'immunité d'exécution s'apprécie pour chaque bien appréhendé par la saisie ; qu'en jugeant que l'immunité d'exécution couvrait tous « les biens appartenant à l'Autorité Libyenne d'Investissement, quel que soit le produit financier de placement », la Cour d'appel n'a pas pris en considération la finalité à laquelle était destiné le produit financier « Euro Medium Term Note », pourtant objet de la saisie, et a, ainsi, privé sa décision de base légale au regard des principes du droit international régissant les immunités des Etats étrangers ; 4°/ALORS QUE toute activité déployée par un Etat ou son émanation ne peut que poursuivre un intérêt général ; qu'à lui seul le critère fondé sur l'intérêt général n'est pertinent pour délimiter le champ de l'immunité d'exécution ; qu'en se référant exclusivement à l'idée que les opérations de placement réalisées par la LIA servaient l'intérêt du peuple libyen, notamment en visant la résolution 1973 du 17 mars 2011 du Conseil de sécurité de l'ONU sans rechercher si ces biens sont « spécifiquement utilisé ou destiné à être utilisé autrement qu'à des fins de service public non commerciales » pour décider que les fonds appréhendés étaient couverts par l'immunité d'exécution, l'arrêt attaqué a, ainsi, privé sa décision de base légale au regard des principes du droit international régissant les immunités des Etats étrangers ; 5°/ ALORS QUE porte une atteinte disproportionnée au droit fondamental à l'exécution des décisions de justice, toute protection des biens de l'Etat étranger allant au-delà de ce que prescrit le droit international coutumier tel que reflété par la Convention des Nations-Unies du 2 décembre 2004 ; qu'en l'espèce, pour prononcer la mainlevée de la saisie, la Cour d'appel a jugé que les biens utilisés par le fond souverain de l'Etat libyen à des fins d'investissement étaient couverts par son immunité d'exécution ; qu'en statuant ainsi, alors que le droit international coutumier tel qu'il résulte de la Convention des Nations-Unies de 2004 autorise la saisie des biens utilisés par l'Etat ou l'une de ses émanations à des fins d'investissement, la Cour d'appel a violé l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, ensemble les principes du droit international régissant les immunités d'exécution des Etats étrangers ; 6°/ ALORS QUE l'article 26 de la Convention Unifiée pour l'Investissement des Capitaux Arabes dans les pays arabes signée le 26 novembre 1980, à laquelle se référait le contrat, dispose que « la conciliation et l'arbitrage se dérouleront conformément aux règles et aux procédures établies dans l'annexe de cette convention » et que « cette annexe constitue une partie intégrante de celle-ci » ; qu'en l'espèce, pour juger que l'Etat libyen n'avait pas expressément accepté de se soumettre à la sentence arbitrale et ne s'était pas expressément engagé à exécuter cette sentence, la Cour d'appel a retenu que n'était pas visé par la clause compromissoire du contrat passé avec l'exposante, l'article 2-8 de l'annexe de la Convention Unifiée pour l'Investissement des Capitaux Arabes dans les pays arabes signée le 26 novembre 1980 lequel prévoit que « la sentence arbitrale rendue conformément aux provisions de cet article sera définitive et liera les parties qui doivent s'y soumettre et qui doivent l'exécuter immédiatement » ; qu'en statuant ainsi, alors que l'article 29 du contrat passé entre l'Etat libyen et la société [M] stipulait qu'il devait être « recouru à l'arbitrage conformément aux dispositions de la Convention unifiée pour l'investissement des capitaux arabes dans les pays arabes signée le 26 novembre 1980 » laquelle, dans son article 26, énonce expressément que son annexe dont l'article 2-8 fait partie intégrante de ses dispositions, la Cour d'appel a méconnu la force obligatoire du contrat, ensemble la Convention unifiée pour l'investissement des capitaux arabes dans les pays arabes signée le 26 novembre 1980 ; 7°/ ALORS QU'en vertu des principes du droit international régissant les immunités des États étrangers, l'acceptation par l'État étranger, signataire de la clause d'arbitrage, de se soumettre à la sentence arbitrale et de l'exécuter dans les termes de la Convention Unifiée pour l'Investissement des Capitaux Arabes dans les pays arabes signée le 26 novembre 1980 vaut renonciation expresse à son immunité d'exécution; qu'en jugeant le contraire, alors qu'elle avait elle-même constaté que l'Etat libyen avait, non seulement, expressément adhéré à cette Convention mais, également, expressément visé cette Convention dans la clause compromissoire du contrat qu'il a conclu avec l'exposante, la Cour d'appel a violé les principes du droit international régissant les immunités des Etats étrangers, ensemble la Convention Unifiée pour l'Investissement des Capitaux Arabes dans les pays arabes ; 8°/ ALORS QU'en vertu des principes du droit international régissant les immunités des États étrangers, l'engagement pris par l'Etat signataire de la clause d'arbitrage d'exécuter la sentence conformément à l'article 34-2 du règlement de procédure du centre régional d'arbitrage du commerce international du [Localité 3] lequel est expressément visé par la sentence arbitrale, vaut renonciation à son immunité d'exécution ; qu'en jugeant le contraire, la Cour d'appel a violé les principes du droit international régissant les immunités des Etats étrangers, ensemble l'article 34-2 du règlement de procédure du centre régional d'arbitrage du [Localité 3] ; 9°/ ALORS QUE les parties ayant toutes deux admis que l'article 34.2 du règlement de procédure du centre régional d'arbitrage du [Localité 3] était applicable même s'il n'était pas visé par la clause compromissoire, la Cour d'appel ne pouvait se fonder sur le silence de la clause sur ce texte sans méconnaître les termes du litige et violer l'article 4 du code de procédure civile ; 10°/ ALORS QUE, subsidiairement à supposer que la Cour d'appel ait adopté les motifs des premiers juges, doit être qualifiée d'émanation, l'entité dépourvue de d'autonomie fonctionnelle et de patrimoine propre ; que cette qualité s'apprécie en droit mais surtout en fait selon la méthode du faisceau d'indices ; qu'en l'espèce, pour refuser de qualifier la L.I.A. d'émanation de l'Etat libyen, les juges du fond se sont exclusivement fondés sur l'autonomie juridique de l'entité ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher comme ils y étaient invités, si dans les faits, la L.I.A. n'était pas suffisamment indépendante dans son fonctionnement et si son patrimoine se confondait avec celui de l'Etat libyen, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard des principes du droit international relatifs aux émanations des Etats étrangers. Ass. plén., 29 avril 2022, pourvoi n° 18-18.542, Bull., (Cassation partielle partiellement sans renvoi).
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 12 octobre 2022 Cassation partielle M. CHAUVIN, président Arrêt n° 729 FS-B Pourvoi n° 20-21.016 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 12 OCTOBRE 2022 1°/ M. [G] [Z], 2°/ Mme [W] [R], épouse [Z], domiciliés tous deux [Adresse 6], ont formé le pourvoi n° 20-21.016 contre l'arrêt rendu le 10 septembre 2020 par la cour d'appel de Caen (2e chambre civile), dans le litige les opposant : 1°/ à l'Association calvadosienne pour la sauvegarde de l'enfance et de l'adolescence (ACSEA), dont le siège est [Adresse 1], dont le service ATC est [Adresse 3], prise en qualité de tutrice de Mme [D] [A], domiciliée [Adresse 5], venant aux droits de [P] [V], épouse [A], décédée, 2°/ à la société [N] Marie, société d'exercice libérale à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], représentée par son mandataire judiciaire, Mme [N], 3°/ à M. [H] [S], domicilié [Adresse 4], défendeurs à la cassation. L'Association calvadosienne pour la sauvegarde de l'enfance et de l'adolescence a formé un pourvoi provoqué éventuel contre le même arrêt. Les demandeurs au pourvoi principal invoquent, à l'appui de leur recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. La demanderesse au pourvoi provoqué éventuel invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Dard, conseiller, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de M. et Mme [Z], de la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat de l'Association calvadosienne pour la sauvegarde de l'enfance et de l'adolescence, ès qualités, de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de Mme [N], ès qualités et de M. [S], et l'avis de Mme Caron-Déglise, avocat général, après débats en l'audience publique du 6 septembre 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Dard, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, Mmes Antoine, Poinseaux, M. Fulchiron, Mmes Beauvois, Agostini, conseillers, M. Duval, Mme Azar, M. Buat-Ménard, conseillers référendaires, Mme Caron-Déglise, avocat général, et Mme Tinchon, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Désistement partiel 1. Il est donné acte à M. et Mme [Z] du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre M. [S] et Mme [N], en qualité de liquidateur de la SELARL Marie [N]. Faits et procédure 2. Selon l'arrêt attaqué (Caen, 10 septembre 2020), par acte reçu le 18 août 2008 par M. [S], notaire, [P] [V] a donné à bail à M. et Mme [Z] un immeuble à usage de commerce et d'habitation. 3. Les locataires ont assigné la bailleresse en exécution de travaux et en réparation des préjudices causés par des désordres affectant les locaux loués. 4. Un jugement du 15 septembre 2014, revêtu de l'exécution provisoire, a notamment condamné [P] [V] à faire réaliser des travaux et à payer mensuellement à M. et Mme [Z] des indemnités de jouissance. 5. [P] [V], qui avait interjeté appel de cette décision, est décédée le 13 avril 2017, en laissant pour lui succéder sa fille, Mme [A]. 6. Par déclaration du 4 avril 2018, publiée le 6 du même mois, celle-ci a accepté la succession à concurrence de l'actif net. 7. M. et Mme [Z] ont assigné l'Association calvadosienne pour la sauvegarde de l'enfance et de l'adolescence (ACSEA), en qualité de tuteur de Mme [A], venant aux droits de [P] [V], en reprise d'instance devant la cour d'appel. 8. L'ACSEA, ès qualités, a assigné en garantie M. [S] et son successeur, la SELARL Marie [N]. Examen des moyens Sur le premier moyen, pris en ses deuxième et troisième branches, et sur le second moyen du pourvoi principal, ainsi que sur le moyen du pourvoi provoqué éventuel, ci-après annexés 9. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche, du pourvoi principal et le moyen du pourvoi provoqué éventuel, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation, et sur le premier moyen, pris en sa troisième branche, et le second moyen du pourvoi principal, qui sont irrecevables. Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche, du pourvoi principal Enoncé du moyen 10. M. et Mme [Z] font grief à l'arrêt de déclarer irrecevables comme éteintes leurs demandes à l'encontre de la succession de [P] [V], alors « que le paiement emporte extinction de la créance ; qu'à ce titre, les créances dont le paiement a été obtenu en exécution d'un jugement rendu contre le de cujus n'ont pas à être déclarées à la succession lorsque celle-ci a fait l'objet d'une acceptation à concurrence de l'actif net, peu important les éventuels recours formés contre le jugement ; qu'en retenant en l'espèce que les condamnations prononcées par le tribunal contre la de cujus n'étaient pas définitives pour avoir fait l'objet d'un appel, et que les créances objet de ces condamnations devaient être déclarées à la succession sans qu'il importe que les condamnations aient déjà été exécutées, la cour d'appel a violé les articles 792 et 1234 ancien devenu 1342 du code civil. » Réponse de la Cour Vu les articles 792, 1234, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, et 1342, alinéa 3, du code civil : 11. Selon le premier de ces textes, lorsque la succession a été acceptée par un héritier à concurrence de l'actif net, les créanciers de la succession doivent déclarer leurs créances en notifiant leur titre au domicile élu de la succession. Les créances dont le montant n'est pas encore définitivement fixé sont déclarées à titre provisionnel sur la base d'une évaluation. Faute de déclaration dans un délai de quinze mois à compter de la publicité nationale dont fait l'objet la déclaration d'acceptation de succession, les créances non assorties de sûreté sur les biens de la succession sont éteintes à l'égard de celle-ci. 12. Il résulte des deux derniers de ces textes que le paiement éteint la dette. 13. Pour déclarer irrecevables comme éteintes toutes les demandes formées par M. et Mme [Z] contre la succession de [P] [V], l'arrêt, après avoir constaté le défaut de déclaration de créances dans le délai imparti, retient que, les condamnations prononcées par le tribunal n'étant pas définitives, il importe peu que certaines aient été exécutées. 14. En statuant ainsi, alors que les paiements effectués en vertu du jugement exécutoire par provision avaient éteint les créances correspondantes de M. et Mme [Z], de sorte que ceux-ci n'étaient pas soumis à l'obligation de les déclarer à la succession, la cour d'appel a violé les textes susvisés. Demande de rectification d'erreur matérielle Vu l'article 462 du code de procédure civile : 15. L'arrêt est affecté d'une erreur matérielle en ce qu'il fait mention de la SCP [N] au lieu de la SELARL [N]. 16. Il y a lieu de réparer cette erreur. PAR CES MOTIFS, la Cour : ORDONNE la rectification de l'arrêt rendu le 10 septembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ; Remplace, dans le dispositif de cet arrêt, « Dit irrecevable l'intervention forcée en cause d'appel de Me [S] et de la SCP [N] » par « Dit irrecevable l'intervention forcée en cause d'appel de Me [S] et de la SELARL [N] » ; Ordonne la mention de cette rectification en marge de l'arrêt rectifié ; CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevables comme étant éteintes les demandes formées par M. et Mme [Z] contre la succession, l'arrêt rendu le 10 septembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ; Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rouen ; Condamne l'ACSEA, ès qualités, aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par l'ACSEA, ès qualités, et la condamne à payer à M. et Mme [Z] la somme de 2 500 euros et à M. [S] et Mme [N], ès qualités, celle globale de 1 500 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze octobre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits au pourvoi principal par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour M. et Mme [Z] PREMIER MOYEN DE CASSATION L'arrêt infirmatif attaqué par M. et Mme [Z] encourt la censure ; EN CE QU' il a jugé irrecevables comme éteintes les demandes de M. et Mme [Z] formées contre la succession de Mme [P] [A] ; ALORS QUE, premièrement, le paiement emporte extinction de la créance ; qu'à ce titre, les créances dont le paiement a été obtenu en exécution d'un jugement rendu contre le de cujus n'ont pas à être déclarées à la succession lorsque celle-ci a fait l'objet d'une acceptation à concurrence de l'actif net, peu important les éventuels recours formés contre le jugement ; qu'en retenant en l'espèce que les condamnations prononcées par le tribunal contre la de cujus n'étaient pas définitives pour avoir fait l'objet d'un appel, et que les créances objet de ces condamnations devaient être déclarées à la succession sans qu'il importe que les condamnations aient déjà été exécutées, la cour d'appel a violé les articles 792 et 1234 ancien devenu 1342 du code civil ; ALORS QUE, deuxièmement, l'obligation de déclaration à la succession ayant fait l'objet d'une acceptation à concurrence de l'actif net ne concerne que les créances nées contre le défunt antérieurement à l'ouverture de sa succession ou celles nées postérieurement à raison de la succession ; qu'elle ne concerne pas en revanche les autres créances nées sur les héritiers après l'ouverture de la succession ; qu'à ce titre, en cas d'évolution d'un dommage, seule la créance de réparation pour la période antérieure au décès doit être déclarée à la succession ; qu'en déclarant éteintes la totalité des créances que détenaient M. et Mme [Z] sur la succession de Mme [P] [V] épouse [A], quand elle constatait elle-même que ceux-ci sollicitaient la réalisation de travaux supplémentaires à raison de nouvelles dégradations survenues après le décès de la bailleresse, et l'indemnisation de leurs préjudices de jouissance pour la période postérieure à cette date, la cour d'appel a violé l'article 792 du code civil ; ET ALORS QUE, troisièmement, et subsidiairement, l'obligation de déclaration des créances détenues sur une succession qui a fait l'objet d'une acceptation à concurrence de l'actif net ne concerne pas les obligations de faire lorsque le créancier poursuit leur exécution en nature ; qu'en déclarant éteintes l'ensemble des créances que détenaient M. et Mme [Z] sur la succession, en ce compris le droit revendiqué par eux d'obtenir la réalisation de travaux dans les locaux pris à bail, la cour d'appel a violé l'article 792 du code civil. SECOND MOYEN DE CASSATION L'arrêt infirmatif attaqué par M. et Mme [Z] encourt la censure ; EN CE QU' il a jugé irrecevables comme éteintes les demandes de M. et Mme [Z] formées contre la succession de Mme [P] [A] ; ALORS QUE, premièrement, l'ingérence que crée l'instauration d'un délai de déclaration de créance sanctionné par l'extinction des droits du créancier doit répondre à un but légitime et présenter un caractère proportionné au but ainsi poursuivi ; qu'en l'espèce, M. et Mme [Z] contestaient la conformité des articles 788 et 792 du code civil à la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en soulignant que, contrairement à la déclaration de créances prévue pour les procédures collectives ou aux dispositions applicables aux procédures de surendettement, les créanciers de la succession tenus de déclarer leur créance dans un délai de quinze mois suivant publication de l'acceptation à concurrence de l'actif net ne bénéficient d'aucune notification individuelle et ne disposent d'aucun recours pour être relevé de forclusion ; qu'en se bornant à observer que les créanciers de la succession disposaient d'un délai de déclaration suffisamment long et que l'héritier acceptant à concurrence de l'actif net encourait la déchéance de son option en cas d'omission volontaire dans l'inventaire d'éléments du patrimoine successoral, quand ces constatations ne suffisaient pas à établir la proportionnalité de l'atteinte portée par les articles 788 et 792 du code civil aux droits de créance de M. et Mme [Z] et à leur droit à un recours effectif, la cour d'appel a violé les articles 6 et 13 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 1er du premier protocole additionnel de la convention ; ET ALORS QUE, deuxièmement, la conformité de l'application d'une disposition législative ou réglementaire aux droits et libertés garantis par la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit s'apprécier concrètement au regard des circonstances de la cause ; qu'en se bornant à faire état de ce que l'article 792 impartissait aux créanciers un délai suffisamment long pour déclarer leurs créances, et que l'héritier pouvait être réputé acceptant pur et simple s'il est démontré qu'il a omis sciemment et de mauvaise foi un élément d'actif ou de passif dans l'inventaire prévu à l'article 789, sans vérifier concrètement si, au regard des circonstances de l'espèce, l'application de cette disposition n'avait pas porté une atteinte disproportionnée au droit au respect de la propriété de M. et Mme [Z] et à leur droit à un recours effectif, la cour d'appel a violé les articles 6 et 13 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 1er du premier protocole additionnel de la convention. Moyen produit au pourvoi provoqué éventuel par la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat aux Conseils, pour l'Association calvadosienne pour la sauvegarde de l'enfance et de l'adolescence, ès qualités L'ACSEA fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit irrecevable l'intervention forcée en cause d'appel de M. [S] et de la SELARL [N] Marie ; ALORS QUE des tiers peuvent être appelés devant la cour, même aux fins de condamnation, quand l'évolution du litige implique leur mise en cause ; que pour retenir que l'intervention forcée en cause d'appel de Maître [S] et de la SELARL [N] Marie était irrecevable, la cour d'appel a relevé l'absence de toute évolution du litige impliquant leur mise en cause en appel ; qu'en statuant de la sorte, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée (conclusions, p. 3, al. 7 ; p. 25, point D), si [P] [A] n'avait pas été tardivement informée, en l'occurrence après que l'instruction de l'affaire a été close le 26 mai 2020 et seulement dix jours avant le prononcé du jugement, de ce que Maître [S] se désistait de son offre d'acquisition de l'immeuble en qualité de gérant de la SCI Kongolais, dans laquelle il indiquait très clairement faire son affaire personnelle des conséquences de la procédure engagée par M. [Z], en cas de condamnation à exécuter des travaux, et si cette information tardive et imprévue ne constituait pas un élément de fait nouveau justifiant que les notaires soient appelés en cause à hauteur d'appel afin de la garantir de toute condamnation qui seraient prononcée à son encontre, au profit de M. et Mme [Z], la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 555 du code de procédure civile.
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : Demande d'avis n°C 22-70.010 Juridiction : la cour d'appel de Paris Avis du 11 octobre 2022 n° 15012 B R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ COUR DE CASSATION _________________________ Deuxième chambre civile Vu les articles L. 441-1 et suivants du code de l'organisation judiciaire et 1031-1 et suivants du code de procédure civile : Énoncé de la demande d'avis 1. La Cour de cassation a reçu le 13 juillet 2022, une demande d'avis formée le 6 juillet 2022 par un conseiller de la mise en état de la cour d'appel de Paris dans une instance opposant MM. [W] et [L] [V] et Mme [Y] [V] à M. [C] et à Mme [T] [V]. 2. La demande est ainsi formulée : «- Première question : En matière de procédure ordinaire avec représentation obligatoire, selon les termes de l'article 907 du code de procédure civile, à moins qu'il ne soit fait application de l'article 905 du code de procédure civile, l'affaire est instruite sous le contrôle d'un magistrat de la chambre à laquelle elle est distribuée, dans les conditions prévues par les articles 780 à 807 et sous réserve des dispositions qui suivent. En application du 6° de l'article 789, lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu'à son dessaisissement, seul compétent, à l'exclusion de toute autre formation du tribunal pour statuer sur les fins de non-recevoir. Par ailleurs, l'article 564 du code de procédure civile dispose qu'à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger des questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance d'un fait. Selon l'article 914 du code de procédure civile « les parties soumettent au conseiller de la mise en état, qui est seul compétent depuis sa désignation et jusqu'à la clôture de l'instruction, leurs conclusions, spécialement adressées à ce magistrat, tendant à : - prononcer la caducité de l'appel ; - déclarer l'appel irrecevable et trancher à cette occasion toute question ayant trait à la recevabilité de l'appel ; les moyens tendant à l'irrecevabilité doivent être invoqués simultanément à peine d'irrecevabilité de ceux qui ne l'auraient pas été ; - déclarer les conclusions irrecevables en application des articles 909 et 910 ; - déclarer les actes de procédure irrecevables en application de l'article 930-1. Les parties ne sont plus recevables à invoquer devant la cour d'appel la caducité ou l'irrecevabilité après la clôture de l'instruction, à moins que leur cause ne survienne ou ne soit révélée postérieurement. Néanmoins, sans préjudice du dernier alinéa du présent article, la cour d'appel peut, d'office, relever la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de l'appel ou de la caducité de celui-ci. Les ordonnances du conseiller de la mise en état statuant sur la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de l'appel, sur la caducité de celui-ci ou sur l'irrecevabilité des conclusions et des actes de procédure en application des articles 909, 910 et 930-1 ont autorité de la chose jugée au principal (?).» Le 6° de l'article 789, auquel renvoie l'article 907, confère-t-il compétence ou pouvoir juridictionnel au conseiller de la mise en état pour statuer sur la recevabilité des demandes nouvelles en appel au sens de l'article 564 du code de procédure civile qui est inclus dans la section II sur les effets de l'appel du chapitre 1er sur l'appel alors que les termes de l'article 914 du code de procédure civile n'ont pas été modifiés par le décret n°2019-1333 du 20 décembre 2019 et que la compétence du conseiller de la mise en état est d'interprétation stricte ? Seconde question : L'article 910-4 du code de procédure civile dispose qu'«à peine d'irrecevabilité, relevée d'office, les parties doivent présenter, dès leurs premières conclusions mentionnées aux articles 905-2, 908, à 910, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond. L'irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formées des prétentions ultérieures. Néanmoins, et sans préjudice de l'alinéa 2 de l'article 802, demeurent recevables, dans les limites des chefs du jugement critiqués, les prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.» Le 6° de l'article 789 auquel renvoie l'article 907 confère-t-il compétence ou pouvoir juridictionnel au conseiller de la mise en état pour statuer sur la demande dont il est saisi par l'une des parties sur le fondement de l'article 910-4 du code de procédure civile tendant à voir déclarer irrecevables les prétentions sur le fond présentées par une autre partie postérieurement à ses conclusions remises en application des articles 908, 909 ou 910 du code de procédure civile alors que les termes de l'article 914 du code de procédure civile n'ont pas été modifiés par le décret n°2019-1333 du 20 décembre 2019 et que la compétence du conseiller de la mise en état est d'interprétation stricte ? » La deuxième chambre civile de la Cour de cassation a rendu le présent avis sur le rapport de Mme Jollec, conseiller référendaire, et les conclusions de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, entendue en ses observations orales ; Examen de la demande d'avis 3. L'article 789, 6° du code de procédure civile, modifié par le décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019, dispose que « Lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu'à son dessaisissement, seul compétent, à l'exclusion de toute autre formation du tribunal, pour statuer sur les fins de non-recevoir.» 4. Par renvoi de l'article 907 du code de procédure civile, ce texte est applicable devant le conseiller de la mise en état, sans que l'article 914 du même code n'en restreigne l'étendue. 5. En premier lieu, ainsi qu'il l'a été rappelé dans l'avis rendu par la deuxième Chambre civile le 3 juin 2021 (n° 21-70.006), publié, le conseiller de la mise en état est un magistrat de la cour d'appel chargé de l'instruction de l'appel. Conformément à l'article L. 311-1 du code de l'organisation judiciaire, la cour d'appel est, quant à elle, compétente pour connaître des décisions rendues en premier ressort et statuer souverainement sur le fond des affaires. 6. Il en résulte que la cour d'appel est compétente pour statuer sur des fins de non-recevoir relevant de l'appel, celles touchant à la procédure d'appel étant de la compétence du conseiller de la mise en état. Or, l'examen des fins de non-recevoir édictées aux articles 564 et 910-4 du code de procédure civile, relatives pour la première à l'interdiction de soumettre des prétentions nouvelles en appel et pour la seconde à l'obligation de présenter dès les premières conclusions l'ensemble des prétentions sur le fond relatives aux conclusions, relève de l'appel et non de la procédure d'appel. 7. En second lieu, l'examen de ces fins de non-recevoir implique que les parties n'aient plus la possibilité de déposer de nouvelles conclusions après l'examen par le juge de ces fins de non-recevoir. Il importe, en effet, dans le souci d'une bonne administration de la justice, d'éviter que de nouvelles fins de non-recevoir soient invoquées au fur à mesure du dépôt de nouvelles conclusions et de permettre au juge d'apprécier si ces fins de non-recevoir n'ont pas été régularisées. Or, en matière de procédure ordinaire avec représentation obligatoire, conformément à l'article 783 du code de procédure civile, auquel renvoie l'article 907 du même code pour la procédure d'appel, les parties peuvent déposer des conclusions jusqu'à l'ordonnance de clôture, toutes conclusions déposées postérieurement étant irrecevables. 8. Dès lors, seule la cour d'appel est compétente pour connaître des fins de non-recevoir tirées des articles 564 et 910-4 du code de procédure civile. EN CONSÉQUENCE, la Cour est d'avis que : En ce qui concerne les première et seconde questions réunies : 1/ Par renvoi de l'article 907 du code de procédure civile, l'article 789, 6° du code de procédure civile est applicable devant le conseiller de la mise en état, sans que l'article 914 du même code n'en restreigne l'étendue. 2/ Les fins de non-recevoir tirées des articles 564 et 910-4 du code de procédure civile relèvent de la compétence de la cour d'appel. Par application de l'article 1031-6 du code de procédure civile, le présent avis sera publié au Journal officiel de la République française. Fait à Paris et mis à disposition au greffe de la Cour le 11 octobre 2022, après examen de la demande d'avis lors de la séance du 4 octobre 2022 où étaient présents, conformément à l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire : M. Pireyre, président, Mme Jollec, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, Mmes Kermina, Durin-Karsenty, M. Delbano, Mme Vendryes, conseillers, Mme Bohnert, M. Cardini, Mmes Latreille, Bonnet, conseillers référendaires, Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, Mme Thomas, greffier de chambre ; Le présent avis est signé par le conseiller rapporteur, le président et le greffier de chambre. Le conseiller rapporteurLe président Le greffier de chambre
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LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 12 octobre 2022 Cassation partielle sans renvoi Mme TEILLER, président Arrêt n° 719 FS-B Pourvoi n° D 21-12.507 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 12 OCTOBRE 2022 La société Sapo, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° D 21-12.507 contre l'arrêt rendu le 20 novembre 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 6), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. [X] [E], 2°/ à Mme [G] [J], domiciliés tous deux [Adresse 1], défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Zedda, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Sapo, de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [E] et de Mme [J], et l'avis de Mme Vassallo, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 6 septembre 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Zedda, conseiller référendaire rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, Mmes Farrenq-Nési, Greff-Bohnert, MM. Jacques, Bech, Boyer, Mmes Abgrall, Grall, conseillers, Mmes Djikpa, Brun, Vernimmen, Davoine, conseillers référendaires, et Mme Besse, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 20 novembre 2020), M. [E] et Mme [J] ont confié à la société Sapo la construction d'une maison individuelle avec fourniture du plan. 2. La réception est intervenue le 6 septembre 2013 et les maîtres de l'ouvrage ont notifié au constructeur une liste de réserves par lettre du 13 septembre 2013. 3. M. [E] et Mme [J] ont assigné le constructeur et le garant de livraison aux fins, notamment, de levée de certaines réserves et de remboursement de travaux non ou mal chiffrés par le constructeur. Examen des moyens Sur le premier moyen et sur le troisième moyen, pris en sa seconde branche, ci-après annexés 4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le deuxième moyen Enoncé du moyen 5. La société Sapo fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à M. [E] et Mme [J] la somme de 21 847 euros au titre des travaux non ou mal chiffrés par la notice descriptive, alors : « 1°/ que la sanction du défaut de prévision et de chiffrage, dans la notice descriptive d'un contrat de maison individuelle, des travaux indispensables à l'implantation et à l'utilisation de la construction, que le maître d'ouvrage s'est réservés, consiste dans l'annulation du contrat et non dans la réintégration du montant de ces travaux dans le prix ; qu'en jugeant le contraire, pour mettre le coût des peintures intérieures de la maison à la charge de la société Sapo, la cour d'appel a violé l'article L. 231-2 du code de la construction et de l'habitation ; 2°/ que les travaux de peintures intérieures ne sont pas indispensables à l'utilisation d'une maison individuelle ; qu'en jugeant le contraire, pour mettre le coût des peintures intérieures de la maison à la charge de la société Sapo, la cour d'appel a violé l'article L. 231-2 du code de la construction et de l'habitation ; 3°/ que seuls les éléments présents dans la notice descriptive d'un contrat de construction de maison individuelle entrent dans le champ des travaux contractuels ; qu'en jugeant que le coût des clôtures, du portail et des places de stationnement devait être réintégré dans le prix de la construction de la maison, par cela seulement que ces éléments figuraient sur les plans et peu important que ces éléments aient été mentionnés comme devant rester à la charge des maîtres d'ouvrage, la cour d'appel a violé les articles 1134 ancien du code civil et L. 231-2 du code de la construction et de l'habitation ; 4°/ que la sanction du défaut de prévision et de chiffrage, dans la notice descriptive d'un contrat de maison individuelle, des travaux que le maître d'ouvrage s'est réservés, consiste dans l'annulation du contrat et non dans la réintégration du montant de ces travaux dans le prix ; qu'en jugeant le contraire pour mettre le coût des places de stationnement et de la clôture de la maison à la charge de la société Sapo, la cour d'appel a violé l'article L. 231-2 du code de la construction et de l'habitation. » Réponse de la Cour 6. Il résulte de l'article L. 231-2 du code de la construction et de l'habitation et de la notice descriptive type prévue par l'article R. 231-4 du même code, agréée par arrêté du 27 novembre 1991, que tous les travaux prévus par le contrat de construction doivent être chiffrés, même si le maître de l'ouvrage s'en réserve l'exécution et même s'ils ne sont pas indispensables à l'implantation de la maison ou à son utilisation. 7. En effet, le maître de l'ouvrage doit être exactement informé du coût total de la construction projetée, pour lui éviter de s'engager dans une opération qu'il ne pourra mener à son terme. 8. Il en résulte que le maître de l'ouvrage peut demander, à titre de réparation, que le coût des travaux prévus au contrat non chiffrés et le coût supplémentaire de ceux chiffrés de manière non réaliste soient mis à la charge du constructeur. 9. Les travaux de peinture intérieure figurent sur la liste de la notice descriptive type et ne peuvent donc être omis du chiffrage. La cour d'appel a retenu, à bon droit, qu'en l'absence de chiffrage, ils étaient à la charge du constructeur. 10. Par motifs propres et adoptés, elle a souverainement retenu que les clôtures, le portail et les places de stationnement figurant sur le plan faisaient partie du projet contractuel. Elle en a exactement déduit que le constructeur devait en indiquer le coût, même si le maître de l'ouvrage s'en réservait l'exécution et même s'ils n'étaient pas indispensables à l'implantation de la maison ou à son utilisation, de sorte qu'en l'absence de chiffrage, leur coût était à la charge du constructeur. 11. Le moyen n'est donc pas fondé. Mais sur le troisième moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 12. La société Sapo fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à M. [E] et Mme [J] la somme de 12 000,97 euros, alors « que les maîtres d'ouvrage qui ont attesté avoir été avisés de la révision du prix par une mention manuscrite suivie de leurs signatures, ne peuvent arguer d'un défaut d'information ; qu'en jugeant le contraire, pour condamner la société Sapo à verser à M. [E] et à Mme [J] la somme de 12 000,97 euros au titre de la révision du prix et de l'assurance dommage ouvrages, la cour d'appel a violé l'article L. 231-11 du code de la construction et de l'habitation. » Réponse de la Cour Vu l'article L. 231-11 du code de la construction et de l'habitation : 13. Selon ce texte, les modalités de la révision du prix qu'il prévoit doivent être portées, préalablement à la signature du contrat, à la connaissance du maître de l'ouvrage par la personne qui se charge de la construction. Elles doivent être reproduites dans le contrat, cet acte devant en outre porter, paraphée par le maître de l'ouvrage, une clause par laquelle celui-ci reconnaît en avoir été informé dans les conditions prévues ci-dessus. 14. Pour condamner le constructeur à rembourser les sommes perçues au titre de la révision du prix, l'arrêt relève que les modalités prévues à l'article L. 231-11 du code de la construction et de l'habitation ont été reproduites à l'article 3-2 a) et b) des conditions générales du contrat, que les maîtres de l'ouvrage ont, dans les conditions particulières, coché la case correspondant au choix de la modalité 3-2 a) et qu'ils ont signé la mention manuscrite suivante « Je reconnais avoir pris connaissance des modalités de révision du prix ». 15. Il retient que cette mention ne suffit pas à démontrer l'existence d'une information préalable de la part du constructeur au sujet des modalités possibles, permettant un choix éclairé par les maîtres de l'ouvrage. 16. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le texte susvisé. Portée et conséquences de la cassation 17. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile. 18. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond. 19. Les maîtres de l'ouvrage ayant été informés des différentes modalités possibles de révision du prix préalablement à la signature du contrat dans les conditions prévues à l'article L. 231-11 du code de la construction et de l'habitation, la demande formée au titre de la révision du prix est mal fondée et sera rejetée. 20. Après cassation de la condamnation au paiement de la somme de 12 000,97 euros incluant la somme de 1 611,57 euros au titre de la révision du prix, le constructeur sera condamné à payer la somme de 10 389,40 euros correspondant à l'autre chef de préjudice, non contesté. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Sapo à payer à M. [E] et Mme [J] la somme de 12 000,97 euros, l'arrêt rendu le 20 novembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; Rejette la demande de paiement de la somme de 1 611,57 euros formée par M. [E] et Mme [J] au titre de la révision du prix ; Condamne la société Sapo à payer à M. [E] et Mme [J] la somme de 10 389,40 euros au titre de l'assurance dommages-ouvrage ; Dit n'y avoir lieu de modifier les indemnités de procédure allouées par les juges du fond et les dépens exposés devant eux ; Condamne M. [E] et Mme [J] aux dépens exposés devant la Cour de cassation ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées devant la Cour de cassation ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze octobre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société Sapo PREMIER MOYEN DE CASSATION La société Sapo fait grief à l'arrêt partiellement infirmatif attaqué DE L'AVOIR condamnée à réaliser les travaux de reprise des réserves n° 13, 15 (ensemble du pignon est), 22 et 29, D'AVOIR dit que les travaux de reprise de ces désordres, ainsi que de la réserve n° 18, devront être réalisés sous astreinte, au profit des maîtres d'ouvrage (les consorts [E]-[J]) et D'AVOIR confirmé le jugement, concernant la levée de la réserve n° 18 ; 1°) ALORS QUE si le maître d'ouvrage est en droit, dans le cadre d'un contrat de construction de maison individuelle, de dénoncer des vices apparents dans le délai de huit jours depuis la réception, il lui incombe d'en faire la preuve ; qu'en énonçant qu'il incombait à la société Sapo et non aux maîtres d'ouvrage, de faire la preuve de ce que la réserve n° 13 (microfissure) était imputable au locateur d'ouvrage et non à l'engin de chantier que les consorts [E]-[J] avaient fait intervenir pour réaliser les travaux de terrassement qu'ils s'étaient réservé, la cour d'appel a violé les articles L. 231-8, L. 231-10 du code de la construction et de l'habitation, 1315 et 1147 anciens du code civil ; 2°) ALORS QUE si le maître d'ouvrage est en droit, dans le cadre d'un contrat de construction de maison individuelle, de dénoncer des vices apparents dans le délai de huit jours depuis la réception, il lui incombe d'en faire la preuve ; qu'en jugeant que la réalité de la réserve n° 22 (intérieur séjour – boîtier volet roulant baie à galandage – présence de rayures, joint endommagé) était établie par la production d'un constat d'huissier réalisé deux ans après la réception de la maison et le courrier du 13 septembre 2013, la cour d'appel a violé les articles L. 231-8, L. 231-10 du code de la construction et de l'habitation, 1315 et 1147 anciens du code civil ; 3°) ALORS QUE si le maître d'ouvrage est en droit, dans le cadre d'un contrat de construction de maison individuelle, de dénoncer des vices apparents dans le délai de huit jours depuis la réception, il lui incombe d'en faire la preuve ; qu'en ayant jugé que la réalité de la réserve n° 29 (étage couloir – éclairage – positionnement des éclairages non centrés sur la largeur) était établie par la production d'un constat d'huissier réalisé deux ans après la réception de la maison et le courrier du 13 septembre 2013, la cour d'appel a violé les articles L. 231-8, L. 231-10 du code de la construction et de l'habitation, 1315 et 1147 anciens du code civil. DEUXIEME MOYEN DE CASSATION La société Sapo fait grief à l'arrêt partiellement confirmatif attaqué DE L'AVOIR condamnée à payer à M. [E] et à Mme [J] la somme de 21 847 € au titre des travaux non ou mal chiffrés par la notice descriptive ; 1°) ALORS QUE la sanction du défaut de prévision et de chiffrage, dans la notice descriptive d'un contrat de maison individuelle, des travaux indispensables à l'implantation et à l'utilisation de la construction, que le maître d'ouvrage s'est réservés, consiste dans l'annulation du contrat et non dans la réintégration du montant de ces travaux dans le prix ; qu'en jugeant le contraire, pour mettre le coût des peintures intérieures de la maison à la charge de la société Sapo, la cour d'appel a violé l'article L. 231-2 du code de la construction et de l'habitation ; 2°) ALORS QUE les travaux de peintures intérieures ne sont pas indispensables à l'utilisation d'une maison individuelle ; qu'en jugeant le contraire, pour mettre le coût des peintures intérieures de la maison à la charge de la société Sapo, la cour d'appel a violé l'article L. 231-2 du code de la construction et de l'habitation ; 3°) ALORS QUE seuls les éléments présents dans la notice descriptive d'un contrat de construction de maison individuelle entrent dans le champ des travaux contractuels ; qu'en jugeant que le coût des clôtures, du portail et des places de stationnement devait être réintégré dans le prix de la construction de la maison, par cela seulement que ces éléments figuraient sur les plans et peu important que ces éléments aient été mentionnés comme devant rester à la charge des maîtres d'ouvrage, la cour d'appel a violé les articles 1134 ancien du code civil et L. 231-2 du code de la construction et de l'habitation ; 4°) ALORS QUE la sanction du défaut de prévision et de chiffrage, dans la notice descriptive d'un contrat de maison individuelle, des travaux que le maître d'ouvrage s'est réservés, consiste dans l'annulation du contrat et non dans la réintégration du montant de ces travaux dans le prix ; qu'en jugeant le contraire pour mettre le coût des places de stationnement et de la clôture de la maison à la charge de la société Sapo, la cour d'appel a violé l'article L. 231-2 du code de la construction et de l'habitation. TROISIEME MOYEN DE CASSATION La société Sapo fait grief à l'arrêt partiellement confirmatif attaqué DE L'AVOIR condamnée à payer à M. [E] et à Mme [J] la somme de 12 000,97 € ; 1°) ALORS QUE les maîtres d'ouvrage qui ont attesté avoir été avisés de la révision du prix par une mention manuscrite suivie de leurs signatures, ne peuvent arguer d'un défaut d'information ; qu'en jugeant le contraire, pour condamner la société Sapo à verser à M. [E] et à Mme [J] la somme de 12 000,97 € au titre de la révision du prix et de l'assurance dommage ouvrages, la cour d'appel a violé l'article L. 231-11 du code de la construction et de l'habitation ; 2°) ALORS QUE les maîtres d'ouvrage qui ont attesté avoir été avisés de la révision du prix par une mention manuscrite suivie de leurs signatures, ne peuvent prétendre à un défaut d'information, surtout s'ils ont signé des avenants prenant en compte les modifications de travaux qu'ils avaient demandé ; qu'en jugeant le contraire, pour condamner la société Sapo à verser à M. [E] et à Mme [J] la somme de 12 000,97 € au titre de la révision du prix et de l'assurance dommage ouvrages, la cour d'appel a violé l'article L. 231-11 du code de la construction et de l'habitation.
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LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 12 octobre 2022 Cassation partielle Mme TEILLER, président Arrêt n° 720 FS-B Pourvoi n° 20-22.911 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 12 OCTOBRE 2022 La société Le 101, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° 20-22.911 contre l'arrêt rendu le 11 septembre 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 1), dans le litige l'opposant : 1°/ à la société Pierre Olivier Prudhon-Maurice [M], société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 2], 2°/ à M. Olivier [K], domicilié [Adresse 1], défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Greff-Bohnert, conseiller, les observations de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de la société Le 101, de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Pierre Olivier Prudhon-Maurice [M], et l'avis de Mme Vassallo, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 6 septembre 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Greff-Bohnert, conseiller rapporteur, M. Maunand conseiller doyen, Mme Farrenq-Nési, MM. Jacques, Bech, Boyer, Mmes Abgrall, Grall conseillers, Mme Djikpa, M. Zedda, Mmes Brun, Davoine, conseillers référendaires, Mme Vassallo, premier avocat général, et Mme Besse, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Désistement partiel 1. Il est donné acte à la société civile immobilière Le 101 du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre M. [K]. Faits et procédure 2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 11 septembre 2020), par acte authentique reçu le 5 février 2014 par M. [M], notaire associé de la société civile professionnelle Pierre Olivier Prudhon-Maurice [M] (la SCP), la société civile immobilière Le 101 (le vendeur) a vendu à M. [K] (l'acquéreur) plusieurs lots d'un bien immobilier. 3. Le 20 mai 2015, un procès-verbal d'infractions au code de l'urbanisme et au plan local d'urbanisme relatif au changement de destination du bien a été dressé à l'encontre de l'acquéreur et de la SCP. 4. L'acquéreur a assigné le vendeur et la SCP en annulation de la vente et en indemnisation. Examen du moyen Enoncé du moyen 5. Le vendeur fait grief à l'arrêt, après avoir prononcé la nullité de la vente, de rejeter sa demande de condamnation de la SCP à le garantir de toutes les condamnations sur les demandes formées à son encontre, alors « que les restitutions des impenses par le vendeur après l'annulation de la vente sont susceptibles d'être qualifiées de préjudices indemnisables dès lors qu'est prise en compte la valeur du bien au jour du prononcé de la nullité ; que le notaire est tenu de s'assurer de la validité et de l'efficacité des actes reçus par lui ; qu'il est également tenu à un devoir de conseil ; que le notaire qui a causé par sa faute l'annulation de la vente doit indemniser le vendeur des impenses que ce dernier doit rembourser à l'acquéreur ; que le préjudice est évalué en prenant en compte la valeur du bien au jour du prononcé de la nullité afin que le vendeur ne s'enrichisse pas sans cause ; qu'en jugeant pour débouter la société civile immobilière Le 101 de sa demande de garantie à l'encontre de la société civile professionnelle Pierre Olivier Prudhon-Maurice [M], la cour d'appel, qui a jugé qu'elle « ne peut demander la garantie des notaires pour ces condamnations qui ne correspondent non à un préjudice indemnisable, mais des restitutions » a violé l'article 1382, devenu 1240 du code civil. » Réponse de la Cour Sur le moyen en ce qu'il vise les travaux de mise en conformité 6. La cour d'appel a relevé que les travaux réalisés par l'acquéreur au titre de la mise en conformité de l'électricité, de la réfection de la toiture, des parquets, des plafonds et de la peinture des murs étaient des dépenses nécessaires et utiles donnant lieu à restitution du vendeur. 7. Ces travaux devant s'analyser en des dépenses de conservation du bien, elle en a exactement déduit que cette restitution ne pouvait donner lieu à garantie du notaire, cette condamnation ne correspondant pas à un préjudice indemnisable. 8. Le moyen n'est donc pas fondé. Mais sur le moyen en ce qu'il vise les charges de copropriété, le coût de l'assurance et les taxes foncières Vu l'article 1382, devenu 1240, du code civil : 9. Aux termes de ce texte, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. 10. La cour d'appel a retenu que les condamnations prononcées au titre des charges de copropriété, du coût de l'assurance et des taxes foncières ne constituaient pas des préjudices indemnisables. 11. En statuant ainsi, alors que les condamnations prononcées au titre du remboursement des charges de copropriété, du coût de l'assurance et des taxes foncières acquittés par l'acquéreur, ne constituaient pas des restitutions consécutives à l'annulation du contrat de vente, mais présentaient un caractère indemnitaire, la cour d'appel a violé le texte susvisé. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande en garantie formée par la société civile immobilière Le 101 à l'encontre de la société civile professionnelle Pierre Olivier Prudhon-Maurice [M] concernant les charges de copropriété, le coût de l'assurance et les taxes foncières acquittés par l'acquéreur, l'arrêt rendu le 11 septembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ; Condamne la société civile professionnelle Pierre Olivier Prudhon-Maurice [M] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société civile professionnelle Pierre Olivier Prudhon-Maurice [M] et la condamne à payer à la société civile immobilière Le 101 la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze octobre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour la société Le 101 LA SCI LE 101 FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué de l'avoir déboutée de sa demande que soit condamnée la SCP Olivier Prudhon - Maurice [M] notaires associés à garantir de toutes éventuelles condamnations sur les demandes formées à son encontre tant à titre principal qu'en intérêts, frais et dépens ; ALORS QUE les restitutions des impenses par le vendeur après l'annulation de la vente sont susceptibles d'être qualifiées de préjudices indemnisables dès lors qu'est prise en compte la valeur du bien au jour du prononcé de la nullité ; que le notaire est tenu de s'assurer de la validité et de l'efficacité des actes reçus par lui ; qu'il est également tenu à un devoir de conseil ; que le notaire qui a causé par sa faute l'annulation de la vente doit indemniser le vendeur des impenses que ce dernier doit rembourser à l'acquéreur ; que le préjudice est évalué en prenant en compte la valeur du bien au jour du prononcé de la nullité afin que le vendeur ne s'enrichisse pas sans cause ; qu'en jugeant, pour débouter la SCI Le 101 de sa demande de garantie à l'encontre de la SCP Pierre-Olivier Prudhon - Maurice [M] - la Cour d'appel qui a jugé qu'elle " ne peut demander la garantie des notaires pour ces condamnations qui ne correspondent non à un préjudice indemnisable, mais à des restitutions " (p. 4 de l'arrêt) a violé l'article 1382, devenu 1240, du code civil.
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 12 octobre 2022 M. CHAUVIN, président Arrêt n° 728 FS-B Pourvoi n° 21-11.408 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 12 OCTOBRE 2022 M. [Z] [F], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° 21-11.408 contre l'arrêt rendu le 28 janvier 2021 par la cour d'appel de Nîmes (1re chambre), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. [X] [C], domicilié [Adresse 4], 2°/ à M. [O] [N], domicilié [Adresse 2], pris en qualité d'ayant droit de sa mère, [K] [C] épouse [N], décédée, et en qualité de représentant légal de M. [L] [N], placé sous mesure d'habilitation familiale, 3°/ à M. [L] [N], domicilié [Adresse 3], pris en qualité d'ayant droit de son épouse, [K] [C] épouse [N], décédée, représenté par M. [O] [N], défendeurs à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Dard, conseiller, les observations de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de M. [F], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de M. [C] et de MM. [O] et [L] [N], et l'avis de Mme Caron-Déglise, avocat général, après débats en l'audience publique du 6 septembre 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Dard, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, Mmes Antoine, Poinseaux, M. Fulchiron, Mmes Beauvois, Agostini, conseillers, M. Duval, Mme Azar, M. Buat-Ménard, conseillers référendaires, Mme Caron-Déglise, avocat général, et Mme Tinchon, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Reprise d'instance 1. Il est donné acte à M. [O] [N] et à M. [L] [N], représenté par M. [O] [N], de leur reprise d'instance en qualité d'ayants droit de [K] [C], décédée le 9 janvier 2021. Faits et procédure 2. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 28 janvier 2021), [G] [C], placée sous tutelle le 8 août 2015, est décédée le 6 octobre 2015, en laissant pour lui succéder ses frère et soeur, M. [X] [C] et [K] [C] (les consorts [C]). 3. Le 31 juillet 2014, en présence de deux témoins, la de cujus avait remis à M. [T], notaire, qui en avait dressé l'acte de suscription, un testament mystique dactylographié et signé par elle, instituant M. [F] en qualité de légataire universel. 4. Les consorts [C] ont assigné M. [F] en nullité du testament. Examen des moyens Sur le premier moyen Enoncé du moyen 5. M. [F] fait grief à l'arrêt de déclarer nul le testament de [G] [C], alors : « 1°/ que, pour décider que le testament mystique était nul, les juges du fond ont considéré que l'acuité visuelle de [G] [C] veuve [F] ne lui permettait pas de lire les caractères dactylographiés, de taille normale, du document qu'elle avait présenté au notaire comme son testament, et qu'aucun élément de l'acte lui-même ou de l'acte de suscription n'éclairait sur le procédé technique qui aurait pu permettre à la testatrice de lire son testament ; qu'en statuant par ces motifs ne caractérisant pas l'impossibilité absolue de [G] [C] veuve [F] de lire son testament, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 978 du code civil ; 2°/ qu'en retenant la nullité du testament mystique au motif qu'aucun élément de l'acte lui-même ou de l'acte de suscription ne l'éclairait sur le procédé technique qui aurait pu permettre à [G] [C] veuve [F] de lire son testament, la cour d'appel, qui a fait peser à M. [F], défendeur à l'action en nullité, la charge de prouver la possibilité pour la testatrice de lire son testament, a inversé la charge de la preuve et violé l'article 9 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 6. Aux termes de l'article 978 du code civil, ceux qui ne savent ou ne peuvent lire, ne pourront faire de dispositions dans la forme mystique. 7. La cour d'appel a relevé que, dans l'acte de suscription du 31 juillet 2014, le notaire avait mentionné que le testament mystique litigieux lui avait été remis par « le testateur », qui avait déclaré lui présenter son testament et affirmé en avoir personnellement vérifié le libellé par la lecture qu'« il » en avait effectuée. 8. Elle a retenu qu'il ressortait du dossier de tutelle de [G] [C] et des pièces médicales produites que celle-ci, qui souffrait de la maladie neurodégénérative de Steel Richardson, était dans l'incapacité de lire elle-même le texte dactylographié sur le document présenté et qu'aucun élément intrinsèque ou extrinsèque, dont l'acte de suscription, ne venait l'éclairer sur la manière dont l'intéressée aurait pu lire le document qu'elle présentait comme son testament. 9. C'est donc sans inverser la charge de la preuve que la cour d'appel, qui n'était pas tenue de caractériser l'impossibilité absolue de [G] [C] de lire le document, en a déduit, en l'absence de certitude sur l'expression de ses dernières volontés, que l'acte devait être annulé. 10. Elle a, ainsi, légalement justifié sa décision. Sur le second moyen Enoncé du moyen 11. M. [F] fait grief à l'arrêt de déclarer nul le testament de [G] [C] et de rejeter sa demande tendant à ce qu'il soit requalifié en testament international et à ce que sa régularité soit constatée, alors « que l'arrêt attaqué a constaté que le testament litigieux avait été dactylographié, qu'il comportait la signature de [G] [C] veuve [F], qu'il avait été remis au notaire qui l'avait cacheté en présence des deux témoins, et que le notaire avait consigné dans l'acte de suscription la déclaration de la testatrice selon laquelle il s'agissait de son testament et qu'elle en avait vérifié le contenu par la lecture qu'elle en avait faite ; qu'il en résultait qu'avaient été respectées toutes les formalités prévues par les articles 3 à 5 de la loi uniforme annexée à la Convention de Washington du 26 octobre 1973 portant loi uniforme sur la forme d'un testament international, de sorte que le testament litigieux devait être requalifié en testament international valable ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations au regard des textes susmentionnés de l'article 1 de la loi uniforme annexée à la Convention de Washington du 26 octobre 1973, qu'elle a ainsi violés. » Réponse de la Cour 12. La cour d'appel a relevé que, dans l'acte de suscription du 31 juillet 2014, le notaire avait mentionné que le testament mystique litigieux lui avait été remis par « le testateur », qui avait déclaré lui présenter son testament et affirmé en avoir personnellement vérifié le libellé par la lecture qu'« il » en avait effectuée. 13. Ayant retenu que [G] [C] était dans l'incapacité de lire le document remis au notaire, de sorte qu'elle n'avait pas été en mesure de déclarer que ce document était son testament et qu'elle en connaissait le contenu, la cour d'appel en a exactement déduit que le document présenté, déclaré nul en tant que testament mystique, ne pouvait valoir comme testament international. 14. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; REJETTE la requête ; Condamne M. [F] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [F] et le condamne à payer à M. [C] et MM. [L] et [O] [N] la somme globale de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze octobre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils, pour M. [F] PREMIER MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré nul le testament du 26 juillet 2014 de [G] [C] veuve [F] ; alors 1°/ que pour décider que le testament mystique était nul, les juges du fond ont considéré que l'acuité visuelle de [G] [C] veuve [F] ne lui permettait pas de lire les caractères dactylographiés, de taille normale, du document qu'elle avait présenté au notaire comme son testament, et qu'aucun élément de l'acte lui-même ou de l'acte de suscription n'éclairait sur le procédé technique qui aurait pu permettre à la testatrice de lire son testament ; qu'en statuant par ces motifs ne caractérisant pas l'impossibilité absolue de [G] [C] veuve [F] de lire son testament, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 978 du code civil ; alors 2°/ qu'en retenant la nullité du testament mystique au motif qu'aucun élément de l'acte lui-même ou de l'acte de suscription ne l'éclairait sur le procédé technique qui aurait pu permettre à [G] [C] veuve [F] de lire son testament, la cour d'appel, qui a fait peser à M. [F], défendeur à l'action en nullité, la charge de prouver la possibilité pour la testatrice de lire son testament, a inversé la charge de la preuve et violé l'article 9 du code de procédure civile. SECOND MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré nul le testament du 26 juillet 2014 de [G] [C] veuve [F] et rejeté la demande de M. [F] tendant à ce que le testament soit requalifié en testament international et à ce que sa régularité soit constatée ; alors que l'arrêt attaqué a constaté que le testament litigieux avait été dactylographié, qu'il comportait la signature de [G] [C] veuve [F], qu'il avait été remis au notaire qui l'avait cacheté en présence des deux témoins, et que le notaire avait consigné dans l'acte de suscription la déclaration de la testatrice selon laquelle il s'agissait de son testament et qu'elle en avait vérifié le contenu par la lecture qu'elle en avait faite ; qu'il en résultait qu'avaient été respectées toutes les formalités prévues par les articles 3 à 5 de la loi uniforme annexée à la Convention de Washington du 26 octobre 1973 portant loi uniforme sur la forme d'un testament international, de sorte que le testament litigieux devait être requalifié en testament international valable ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations au regard des textes susmentionnés de l'article 1 de la loi uniforme annexée à la Convention de Washington du 26 octobre 1973, qu'elle a ainsi violés.
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LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 12 octobre 2022 Mme TEILLER, président Arrêt n° 717 FS-B Pourvoi n° 21-21.427 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 12 OCTOBRE 2022 La société Dragui constructions, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 7], a formé le pourvoi n° 21-21.427 contre l'arrêt rendu le 24 juin 2021 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-3), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. [W] [C], domicilié [Adresse 1], 2°/ à M. [T] [M], domicilié [Adresse 4], 3°/ à la société Haute Coiffure Josy, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 5], 4°/ à la société Axa France IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], 5°/ à la société Elite Insurance Company Limited, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3], 6°/ à la société Enola, dont le siège est [Adresse 6], défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Boyer, conseiller, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Dragui constructions, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Axa France IARD, et l'avis de M. Burgaud, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 6 septembre 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Boyer, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, Mmes Farrenq-Nési, Greff-Bohnert, MM. Jacques, Bech, Mmes Abgrall, Grall, conseillers, Mme Djikpa, M. Zedda, Mmes Brun, Vernimmen, Davoine, conseillers référendaires, M. Burgaud, avocat général référendaire, et Mme Besse, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Désistement partiel 1. Il est donné acte à la société Dragui constructions du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre MM. [M] et [C], la société Haute Coiffure Josy, la société Enola et la société Elite Insurance Company Limited. Faits et procédure 2. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 24 juin 2021), en mai 2013, un maître de l'ouvrage a confié des travaux de réfection de la toiture d'un bâtiment à la société Dragui constructions, assurée en responsabilité décennale et en responsabilité civile professionnelle auprès de la société Axa France IARD (la société Axa) jusqu'au 1er janvier 2014, puis auprès de la société Elite Insurance Company Limited (la société Elite), laquelle a été placée sous administration judiciaire et déclarée insolvable par la Cour suprême de Gibraltar en décembre 2019. 3. Ensuite des travaux réalisés, des infiltrations sont survenues en février 2014. 4. Le maître de l'ouvrage, le preneur selon bail commercial et une société exploitant son activité dans l'immeuble ont, après expertise, assigné la société Dragui constructions et ses deux assureurs en réparation des désordres et de leurs préjudices matériels et immatériels subséquents. La société Dragui constructions a recherché la garantie de ses deux assureurs. Examen du moyen Enoncé du moyen 5. La société Dragui constructions fait grief à l'arrêt de limiter la condamnation à garantie de la société Axa à hauteur de la seule somme allouée au titre de la réparation des désordres décennaux et de rejeter ses autres demandes, alors « que la garantie déclenchée par la réclamation couvre l'assuré contre les conséquences pécuniaires des sinistres dès lors que le fait dommageable est antérieur à la date de résiliation et que la première réclamation est formulée entre la prise d'effet de la garantie et l'expiration du délai subséquent, sans qu'il importe que cette garantie ait été resouscrite dès lors que l'assureur auprès duquel elle l'a été est insolvable ; qu'en considérant, pour limiter la garantie de la société Axa France au montant des travaux de reprise de la toiture, soit 17 313,60 € TTC et en exclure les dommages matériels aux existants et les dommages immatériels, pourtant garantis par la police souscrite auprès de cet assureur par la société Dragui constructions, que la police souscrite en base réclamation auprès de la société Elite Insurance Compagny Limited, le 7 janvier 2014, prévoyait également la garantie des dommages matériels aux existants et des dommages immatériels de sorte « qu'en présence d'un nouveau contrat garantissant ces dommages « en base réclamation », la SA Axa France IARD n'[était] pas tenue de garantir les dommages matériels aux existants et immatériels », bien qu'elle ait relevé que la société Elite Insurance avait été placée en liquidation judiciaire et était insolvable, ce qui privait la garantie souscrite de toute efficacité, la cour d'appel a violé l'article L. 124-5 du code des assurances. » Réponse de la Cour 6. Aux termes de l'article L. 124-5, alinéa 4, du code des assurances, la garantie déclenchée par la réclamation couvre l'assuré contre les conséquences pécuniaires des sinistres, dès lors que le fait dommageable est antérieur à la date de résiliation ou d'expiration de la garantie, et que la première réclamation est adressée à l'assuré ou à son assureur entre la prise d'effet initiale de la garantie et l'expiration d'un délai subséquent à sa date de résiliation ou d'expiration mentionné par le contrat, quelle que soit la date des autres éléments constitutifs des sinistres. Toutefois, la garantie ne couvre les sinistres dont le fait dommageable a été connu de l'assuré postérieurement à la date de résiliation ou d'expiration que si, au moment où l'assuré a eu connaissance de ce fait dommageable, cette garantie n'a pas été resouscrite ou l'a été sur la base du déclenchement par le fait dommageable. 7. Il résulte de ce texte que, lorsque l'assuré a eu connaissance du dommage postérieurement à la date de résiliation ou d'expiration de la garantie d'un premier contrat, en base réclamation, la souscription de la même garantie, en base réclamation, auprès d'un second assureur met irrévocablement fin à la période de garantie subséquente attachée au contrat initial. 8. La cour d'appel a relevé que les garanties complémentaires souscrites par la société Dragui constructions auprès de la société Axa incluant les dommages matériels aux existants et les dommages immatériels étaient déclenchées en base réclamation, que ce contrat avait été résilié au 1er janvier 2014 et que l'entreprise avait souscrit, le 7 janvier suivant, une même garantie, en base réclamation, auprès de la société Elite. 9. Elle en a exactement déduit, le sinistre ayant été connu de l'assuré postérieurement à la résiliation de la police souscrite auprès de la société Axa, que celle-ci n'était pas tenue aux garanties de l'assurance facultative au titre de la période subséquente. 10. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société Dragui constructions aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze octobre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyen produit au pourvoi par la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour la société Dragui constructions La société Dragui Constructions fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société AXA à relever et garantir la société Dragui Constructions à hauteur de 17 313,60 € TTC seulement et d'AVOIR écarté, pour le surplus, les demandes par lesquelles elle avait sollicité que cet assureur soit condamné à la garantir des autres condamnations prononcées à son encontre ; ALORS QUE la garantie déclenchée par la réclamation couvre l'assuré contre les conséquences pécuniaires des sinistres dès lors que le fait dommageable est antérieur à la date de résiliation et que la première réclamation est formulée entre la prise d'effet de la garantie et l'expiration du délai subséquent, sans qu'il importe que cette garantie ait été resouscrite dès lors que l'assureur auprès duquel elle l'a été est insolvable ; qu'en considérant, pour limiter la garantie de la société AXA France au montant des travaux de reprise de la toiture, soit 17 313,60 € TTC et en exclure les dommages matériels aux existants et les dommages immatériels, pourtant garantis par la police souscrite auprès de cet assureur par la société Dragui Constructions, que la police souscrite en base réclamation auprès de la société Elite Insurance Compagny Limited, le 7 janvier 2014, prévoyait également la garantie des dommages matériels aux existants et des dommages immatériels de sorte « qu'en présence d'un nouveau contrat garantissant ces dommages « en base réclamation », la SA AXA France Iard n'[était] pas tenue de garantir les dommages matériels aux existants et immatériels » (arrêt page 23, alinéa 1), bien qu'elle ait relevé que la société Elite Insurance avait été placée en liquidation judiciaire et était insolvable (arrêt page 15, pénultième alinéa et page 22, alinéa 3), ce qui privait la garantie souscrite de toute efficacité, la cour d'appel a violé l'article L. 124-5 du code des assurances.
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LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 12 octobre 2022 Mme TEILLER, président Arrêt n° 716 FS-B Pourvoi n° 21-17.040 Aide juridictionnelle totale en défense au profit de M. [H]. Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 28 octobre 2021. R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 12 OCTOBRE 2022 La société Enedis, société anonyme à directoire, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° 21-17.040 contre l'arrêt rendu le 4 mars 2021 par la cour d'appel de Versailles (14e chambre civile), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. [C] [H], 2°/ à Mme [L] [V], domiciliés tous deux [Adresse 4], défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Brun, conseiller référendaire, les observations de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de la société Enedis, de Me [W], avocat de M. [H], et l'avis de Mme Vassallo, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 6 septembre 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Brun, conseiller référendaire rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, Mmes Farrenq-Nési, Greff-Bohnert, MM. Jacques, Bech, Boyer, Mme Grall, conseillers, Mme Djikpa, M. Zedda, Mmes Vernimmen, Davoine, conseillers référendaires, et Mme Besse, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 4 mars 2021), rendu en référé, en 2013, M. [H] et Mme [V] ont acquis deux parcelles, sur lesquelles sont édifiés deux logements à usage d'habitation. 2. Au cours du premier semestre 2016, la société Enedis a procédé, sur injonction du maire de la commune, à la suppression du branchement au réseau électrique de ces parcelles, branchement rétabli le 4 août 2016 après une instance en référé initiée par M. [H] et Mme [V]. 3. Le 27 octobre 2016, la société Enedis a supprimé une seconde fois le branchement à la suite d'une nouvelle injonction du maire. 4. Le 9 novembre 2016, le juge des référés du tribunal administratif a suspendu l'injonction du maire et enjoint à la commune de prendre auprès d'Enedis les mesures destinées au raccordement des logements sous astreinte. 5. Le 25 octobre 2018, le tribunal administratif a annulé l'injonction du maire. 6. Se plaignant du refus d'Enedis de procéder au rétablissement du branchement au réseau électrique de leurs parcelles, M. [H] et Mme [V] ont assigné en référé la société Enedis aux fins d'obtenir principalement la remise en état sous astreinte de ce raccordement. Examen du moyen Sur le moyen, pris en ses quatrième et sixième branches, ci-après annexé 7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le moyen, pris en ses première, deuxième, troisième et cinquième branches Enoncé du moyen 8. La société Enedis fait grief à l'arrêt de lui ordonner de raccorder à ses frais au réseau d'électricité les parcelles appartenant à M. [H] et Mme [V] sous astreinte, alors : « 1°/ qu'il n'existe aucune disposition particulière faisant obligation au gestionnaire du réseau public de distribution de l'électricité de raccorder tout logement à l'électricité ; qu'en retenant que la société Enedis était tenue de garantir à Mme [V] et M. [H] un logement bénéficiant d'un branchement électrique, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article L. 121-1 du code de l'énergie ; 2°/ que les conventions n'ont d'effet qu'entre les parties contractantes ; qu'en déduisant de l'acte notarié d'acquisition, qui prévoit que l'immeuble est à usage d'habitation, que la société Enedis était tenue de garantir à Mme [V] et à M. [H] un logement bénéficiant d'un branchement électrique, cependant que cette société n'était pas partie à cet acte, la cour d'appel a violé l'article 1165 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ; 3°/ que les constructions, qui n'ont pas été précédées d'un permis de construire, ne peuvent, nonobstant toutes clauses contractuelles contraires, être raccordés définitivement aux réseaux d'électricité, d'eau, de gaz ou de téléphone, quelle que soit la date à laquelle elles ont été édifiées ; que la cour d'appel relève que l'absence de permis de construire des logements litigieux est un fait constant qui ressort de l'acte de notoriété d'acquisition ; qu'en ordonnant néanmoins à la société Enedis le raccordement au réseau d'électricité des parcelles litigieuses au motif inopérant que cette dernière ne démontre pas que « le classement en zone naturelle de [ces] parcelles ou la législation dont elle se prévaut résultant notamment de l'article L. 111-12 du code de l'urbanisme pré-existent à la construction des logements en 1960 », la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de l'irrégularité qu'elle a constatée, a violé les articles L. 111-12 et L. 421-1 du code de l'urbanisme ; 5°/ que la charge de la preuve de l'existence d'un trouble manifestement illicite pèse sur celui qui s'en prévaut ; qu'en reprochant à la société Enedis de ne pas avoir démontré que « le classement en zone naturelle des parcelles litigieuses ou la législation dont elle se préva[lait] résultant notamment de l'article L. 111-12 du code de l'urbanisme pré-exist[aient] à la construction des logements en 1960 », la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et a violé l'article 1353 du code civil, ensemble l'article 835 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 9. En application de l'article L. 111-12 du code l'urbanisme, le refus de raccorder un immeuble, mesure de police de l'urbanisme destinée à assurer le respect des règles d'utilisation du sol, ne peut résulter que d'une décision de l'autorité administrative compétente (3e Civ., 15 juin 2017, pourvoi n° 16-16.838, Bull. 2017, III, n° 74). 10. La cour d'appel a, par motif adopté, retenu que la société Enedis avait procédé, le 27 octobre 2016, à la suppression du raccordement au réseau électrique des parcelles appartenant à M. [H] et Mme [V] en exécution de l'injonction du maire de la commune par décision du 23 septembre 2016, laquelle avait été annulée par la juridiction administrative, de sorte que la suppression n'avait plus de fondement juridique. 11. Elle a pu déduire, de ces seuls motifs, que le refus de procéder au raccordement au réseau opposé par la société Enedis et la privation d'électricité qui en résultait constituaient un trouble manifestement illicite. 12. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société Enedis aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Enedis et la condamne à payer à Me [W] la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze octobre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat aux Conseils, pour la société Enedis La société Enedis fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué de lui avoir ordonné de raccorder à ses frais au réseau d'électricité les parcelles cadastrées Section C numéros [Cadastre 2] et [Cadastre 3] situées [Adresse 4] appartenant à monsieur [C] [H] et madame [L] [V] dans un délai de huit jours suivant signification de la présente ordonnance, sous astreinte de 250 euros par jour de retard passé ce délai et ce, pendant 90 jours ; Alors, de première part, qu'il n'existe aucune disposition particulière faisant obligation au gestionnaire du réseau public de distribution de l'électricité de raccorder tout logement à l'électricité ; qu'en retenant que la société Enedis était tenue de garantir à madame [V] et monsieur [H] un logement bénéficiant d'un branchement électrique, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article L.121-1 du code de l'énergie ; Alors, de deuxième part, que les conventions n'ont d'effet qu'entre les parties contractantes ; qu'en déduisant de l'acte notarié d'acquisition, qui prévoit que l'immeuble est à usage d'habitation, que la société Enedis était tenue de garantir à madame [V] et à monsieur [H] un logement bénéficiant d'un branchement électrique, cependant que cette société n'était pas partie à cet acte, la cour d'appel a violé l'article 1165 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ; Alors, de troisième part, que les constructions, qui n'ont pas été précédées d'un permis de construire, ne peuvent, nonobstant toutes clauses contractuelles contraires, être raccordés définitivement aux réseaux d'électricité, d'eau, de gaz ou de téléphone, quelle que soit la date à laquelle elles ont été édifiées ; que la cour d'appel relève que l'absence de permis de construire des logements litigieux est un fait constant qui ressort de l'acte de notoriété d'acquisition ; qu'en ordonnant néanmoins à la société Enedis le raccordement au réseau d'électricité des parcelles litigieuses au motif inopérant que cette dernière ne démontre pas que « le classement en zone naturelle de [ces] parcelles ou la législation dont elle se prévaut résultant notamment de l'article L.111-12 du code de l'urbanisme pré-existent à la construction des logements en 1960 », la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de l'irrégularité qu'elle a constatée, a violé les articles L.111-12 et L.421-1 du code de l'urbanisme ; Alors, de quatrième part, qu'en se bornant à retenir que la société Enedis ne démontre pas que « le classement en zone naturelle des parcelles litigieuses ou la législation dont elle se prévaut résultant notamment de l'article L.111-12 du code de l'urbanisme pré-existent à la construction des logements en 1960 », pour en déduire que son refus n'était pas prévisible et que la méconnaissance de ces règles ne peouvait justifier une dérogation au principe selon lequel l'électricité est considérée comme un produit de première nécessité, cependant qu'il résulte de ses propres constatations que madame [V] et monsieur [H] ont acquis cette construction, le 13 juin 2013, en connaissance de ce qu'elle avait été édifiée sans permis de construire, sans rechercher s'il ne s'en déduisait pas qu'ils avaient nécessairement connaissance, au jour de la cession, de l'obstacle que pouvait constituer les dispositions de l'article L.111-6 du code de l'urbanisme, devenu L.111-12, qui sont entrées en vigueur le 1er juillet 1977, au raccordement à l'électricité des parcelles acquises, la cour d'appel, qui a statué par un motif inopérant, a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard des articles L.111-12 et L.421-1 du code de l'urbanisme, et L.121-1 du code de l'énergie ; Alors, de cinquième part, que la charge de la preuve de l'existence d'un trouble manifestement illicite pèse sur celui qui s'en prévaut ; qu'en reprochant à la société Enedis de ne pas avoir démontré que « le classement en zone naturelle des parcelles litigieuses ou la législation dont elle se préva[lait] résultant notamment de l'article L.111-12 du code de l'urbanisme pré-exist[aient] à la construction des logements en 1960 », la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et a violé l'article 1353 du code civil, ensemble l'article 835 du code de procédure civile ; Alors, de sixième part, que la société Enedis faisait valoir, dans ses conclusions, que madame [V] et monsieur [H] ne disposaient plus, à la date de leur demande, d'un contrat de fourniture avec la société EDF, condition préalable au raccordement au réseau d'électricité (conclusions de la société Enedis, p. 17 à 19) ; qu'en ne répondant pas à ce chef pertinent des conclusions de la société Enedis, la cour d'appel a par là-même, quel qu'en ait été le mérite, entaché son arrêt d'un défaut de réponse à conclusions et l'a privé de motifs en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 13 octobre 2022 Cassation partielle M. PIREYRE, président Arrêt n° 1062 F-B Pourvoi n° K 21-11.754 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 13 OCTOBRE 2022 L'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) du Nord Pas-de-Calais, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° K 21-11.754 contre l'arrêt rendu le 8 décembre 2020 par la cour d'appel d'Amiens (2e protection sociale), dans le litige l'opposant à la société [3], dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Labaune, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'URSSAF du Nord Pas-de-Calais, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société [3], et l'avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l'audience publique du 6 septembre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Labaune, conseiller référendaire rapporteur, Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, et Mme Catherine, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 8 décembre 2020), à la suite d'un contrôle portant sur les années 2010 à 2012, l'URSSAF du Nord Pas-de-Calais (l'URSSAF) a notifié à la société [3] (la société), le 9 décembre 2013, une mise en demeure visant plusieurs chefs de redressement. 2. La société a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale. Examen des moyens Sur le second moyen, pris en ses trois premières branches, ci-après annexé 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le second moyen, pris en quatrième branche Enoncé du moyen 4. L'URSSAF fait grief à l'arrêt d'annuler partiellement, pour utilisation d'une méthode illicite de contrôle, les chefs de redressement n° 11 et n° 13, alors « qu'en tout état de cause, le redressement ne peut être annulé que si l'URSSAF a recouru de manière irrégulière à la taxation forfaitaire ou recouru de manière irrégulière à la méthode de redressement par échantillonnage et extrapolation ; qu'il n'y a pas lieu d'annuler le redressement lorsque la méthode de calcul de l'URSSAF est seulement erronée, les juges du fond devant en pareil cas inviter l'URSSAF à modifier le montant des sommes réclamées ; qu'en l'espèce, l'arrêt a constaté que les inspecteurs de l'URSSAF avaient retenu une méthode spécifique de calcul de l'assiette plafonnée permettant de déterminer les cotisations du régime général et du complément vieillesse, que les modalités retenues pour déterminer cette masse salariale plafonnée constituaient une méthode illicite de calcul et que les redressements notifiés aux points 11 et 13 étaient irréguliers « au regard de la méthode de calcul des masses salariales plafonnées employées » mais que pour autant, cette méthode ne s'inscrivait pas dans le cadre d'une taxation forfaitaire ; qu'en annulant lesdits redressements lorsqu'il résultait de ses constatations que l'URSSAF avait employé, non pas une taxation forfaitaire injustifiée, mais une méthode de calcul erronée et qu'il appartenait dans ce cas à la cour d'appel d'inviter l'URSSAF à modifier le montant des sommes réclamées, la cour d'appel a violé l'article L. 242-1 et l'article R. 242-5 alinéa 1 du code de la sécurité sociale, le dernier dans sa version issue du décret n° 2009-1596 du 18 décembre 2009, applicable au litige. » Réponse de la Cour 5. Il résulte de l'article R. 242-5 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n° 2009-1596 du 18 décembre 2009, alors en vigueur, que si le redressement doit être établi sur des bases réelles lorsque la comptabilité de l'employeur permet à l'agent de contrôle d'établir le chiffre exact des sommes à réintégrer, le recours par un organisme de sécurité sociale à une méthode de calcul contrevenant aux règles posées par le code de la sécurité sociale doit être sanctionné par l'annulation de la partie du redressement calculée de manière irrégulière. 6. Ayant retenu qu'en l'absence de mise en oeuvre de la procédure de taxation forfaitaire, les modalités retenues par l'URSSAF pour le calcul des masses salariales plafonnées constituaient une méthode illicite de calcul contraire à la règle d'ordre public de la détermination du redressement sur des bases réelles, la cour d'appel en a exactement déduit que les chefs de redressement concernés devaient être annulés à hauteur des sommes réclamées correspondant aux cotisations plafonnées. 7. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé. Mais sur le premier moyen Enoncé du moyen 8. L'URSSAF fait grief à l'arrêt d'annuler partiellement le chef de redressement n° 4, alors « que sont soumis au forfait social les jetons de présence perçus par les administrateurs d'une société ; que ces sommes sont perçues par les administrateurs dès lors qu'elles leur sont payées, ce paiement prendrait-il la forme d'un virement effectué sur le compte d'un tiers désigné par l'administrateur ; qu'en jugeant au contraire que les administrateurs n'avaient pas perçu leurs jetons de présence dès lors que ces sommes avaient été versées, à leur demande, sur le compte d'une organisation syndicale, la cour d'appel a violé l'article L. 137-15 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable à l'espèce. » Réponse de la Cour Vu l'article L. 137-15 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2009-1646 du 24 décembre 2009, applicable au litige : 9. Selon ce texte, sont soumises à une contribution à la charge de l'employeur les rémunérations visées aux articles L. 225-44 et L. 225-85 du code de commerce perçues par les administrateurs et membres des conseils de surveillance de sociétés anonymes et des sociétés d'exercice libéral à forme anonyme. 10. Il importe peu, pour l'application de ces dispositions, que les rémunérations soient perçues par l'intermédiaire de tiers. 11. Pour annuler le chef de redressement relatif à la réintégration, dans l'assiette du forfait social, des jetons de présence des représentants élus du personnel salarié au conseil d'orientation et de surveillance, l'arrêt relève que ces derniers ont, dès leur élection en cette qualité, fait savoir à l'employeur qu'ils abandonnaient à leur organisation syndicale leurs jetons de présence. Il constate que les sommes ont été versées à celle-ci par l'employeur, sans transiter par le compte bancaire des intéressés. Il en déduit que ces derniers n'ont pas perçu de jetons de présence. 12. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que les sommes litigieuses constituaient des jetons de présence alloués aux membres du conseil de surveillance en rémunération de leur activité, la cour d'appel a violé le texte susvisé. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il annule la partie du redressement faisant l'objet du point n° 4 de la lettre d'observations en ce qu'il porte sur la réintégration des jetons de présence de MM. [Z], [S] et [F], l'arrêt rendu le 8 décembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ; Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens, autrement composée. Condamne la société [3] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société [3] et la condamne à payer à l'URSSAF du Nord Pas-de-Calais la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize octobre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour l'URSSAF Nord Pas-de-Calais PREMIER MOYEN DE CASSATION L'Urssaf Nord Pas de Calais fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR annulé la partie du redressement faisant l'objet du point n°4 de la lettre d'observations en ce qu'il porte sur la réintégration des jetons de présence de Messieurs [Z], [S] et [F], ALORS QUE sont soumis au forfait social les jetons de présence perçus par les administrateurs d'une société ; que ces sommes sont perçues par les administrateurs dès lors qu'elles leur sont payées, ce paiement prendrait-il la forme d'un virement effectué sur le compte d'un tiers désigné par l'administrateur ; qu'en jugeant au contraire que Messieurs [Z], [S] et [F] n'avaient pas perçu leurs jetons de présence dès lors que ces sommes avaient été versées, à leur demande, sur le compte d'une organisation syndicale, la cour d'appel a violé l'article L. 137-15 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable à l'espèce. SECOND MOYEN DE CASSATION L'Urssaf Nord Pas de Calais fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR annulé pour utilisation d'une méthode illicite de contrôle le redressement notifié en point 11 de la lettre d'observations à hauteur de la somme de 5.850, 53 € correspondant aux cotisations plafonnées RG CAS GENERAL pour 2010, à hauteur de la somme de 5.666 € correspondant aux cotisations plafonnées RG CAS GENERAL pour 2011, à hauteur de 108 € correspondant au cotisations plafonnées au titre du complément vieillesse 2012 et de la somme de 8.090 € correspondant aux cotisations plafonnées RG CAS GENERAL 2012, d'AVOIR dit bien fondé le redressement notifié au point n°11 de la lettre d'observations à hauteur uniquement de sa partie non annulée ci-dessus, d'AVOIR annulé pour utilisation d'une méthode illicite de contrôle le redressement notifié en point 13 de la lettre d'observations à hauteur de la somme de 56.385, 42 € correspondant aux cotisations plafonnées RG CAS GENERAL pour 2010 et de la somme de 59.776, 80 € au titre des cotisations plafonnées RG CAS GENERAL pour 2011, 1° - ALORS QUE l'inspecteur de Urssaf est en droit d'établir son redressement à partir d'une base plafonnée calculée à partir d'un ratio lorsqu'il ne peut identifier précisément les salariés bénéficiaires des avantages redressés ; que les mentions de la lettre d'observations font foi jusqu'à preuve contraire ; qu'en l'espèce, l'inspecteur de l'Urssaf a indiqué dans sa lettre d'observations du 11 septembre 2013 que lorsque la régularisation ne pouvait être identifiée à un salarié précis, l'assiette plafonnée était déterminée à partir d'un ratio calculé à partir des déclarations annuelles des données sociales ; qu'en jugeant irrégulière cette méthode de calcul au prétexte que l'Urssaf n'alléguait ni ne démontrait que la comptabilité de la caisse était irrégulière ni que ses inspecteur auraient sollicité la production d'éléments complémentaires que la caisse aurait refusé ou n'aurait pas été en mesure de lui fournir, sans rechercher si cette preuve ne résultait pas des mentions de la lettre d'observations attestant que les données comptables disponibles ne permettaient pas l'individualisation de la régularisation à effectuer ce qui justifiait le recours à la méthode retenue, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 242-1, L. 243-7 et R. 242-5 alinéa 1 du code de la sécurité sociale, le deuxième dans sa version issue de la loi n°2011-1906 du 21 décembre 2011, le troisième dans sa version issue du décret n°2009-1596 du 18 décembre 2009, applicable au litige. 2° - ALORS QUE lorsqu'une partie, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement entrepris, elle est réputée s'en approprier les motifs ; qu'il appartient à la cour d'appel qui infirme le jugement d'en réfuter les motifs déterminants ; qu'en jugeant irrégulière la méthode de calcul de l'assiette plafonnée employée par l'Urssaf au prétexte qu'elle n'alléguait ni ne démontrait que la comptabilité de la caisse était irrégulière, ni que ses inspecteurs auraient sollicité la production d'éléments complémentaires que la caisse aurait refusé ou n'aurait pas été en mesure de lui fournir, sans réfuter les motifs déterminants des premiers juges ayant expressément constaté qu'il « résult (ait) de la lettre d'observations que les données comptables disponibles ne permettaient pas l'individualisation, salarié par salarié, de la régularisation à effectuer », que « dans ces cas », les inspecteurs avaient recouru à la méthode litigieuse de calcul de l'assiette plafonnée, et que la caisse n'avait pas « produit des éléments comptables permettant de mieux affiner les calculs », jugement dont l'Urssaf sollicitait la confirmation sur ce point sans énoncer de nouveaux moyens, la cour d'appel a violé les articles 455 et 954 al. 6 du code de procédure civile. 3° - ALORS QUE l'inspecteur de Urssaf est en droit d'établir son redressement à partir d'une base plafonnée calculée à partir d'un ratio lorsqu'il ne peut identifier précisément les salariés bénéficiaires des avantages redressés ; que si les déclarations annuelles des données sociales permettent de déterminer le plafond annuel ou le plafond réduit appliqué à chaque salarié, elles ne permettent pas à l'inspecteur d'identifier précisément les salariés bénéficiaires des avantages redressés ; qu'en jugeant irrégulière la méthode de calcul de l'assiette plafonnée de l'Urssaf au prétexte qu'elle était en possession de la déclaration annuelle des données sociales qui permettaient à l'organisme de déterminer le plafond annuel ou le plafond réduit appliqué à chaque salarié, la cour d'appel qui a statué par un motif inopérant, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 242-1, , R. 242-5 alinéa 1 et R. 243-14 du code de la sécurité sociale, le deuxième dans sa version issue du décret n°2009-1596 du 18 décembre 2009, applicable au litige, et le troisième dans sa version applicable avant son abrogation par le décret n°2016-1567 du 21 novembre 2016. 4° - ALORS en tout état de cause QUE le redressement ne peut être annulé que si l'Urssaf a recouru de manière irrégulière à la taxation forfaitaire ou recouru de manière irrégulière à la méthode de redressement par échantillonnage et extrapolation ; qu'il n'y a pas lieu d'annuler le redressement lorsque la méthode de calcul de l'Urssaf est seulement erronée, les juges du fond devant en pareil cas inviter l'Urssaf à modifier le montant des sommes réclamées ; qu'en l'espèce, l'arrêt a constaté que les inspecteurs de l'Urssaf avaient retenu une méthode spécifique de calcul de l'assiette plafonnée permettant de déterminer les cotisations du régime général et du complément vieillesse, que les modalités retenues pour déterminer cette masse salariale plafonnée constituaient une méthode illicite de calcul et que les redressements notifiés aux points 11 et 13 étaient irréguliers « au regard de la méthode de calcul des masses salariales plafonnées employées » mais que pour autant, cette méthode ne s'inscrivait pas dans le cadre d'une taxation forfaitaire ; qu'en annulant lesdits redressements lorsqu'il résultait de ses constatations que l'Urssaf avait employé, non pas une taxation forfaitaire injustifiée, mais une méthode de calcul erronée et qu'il appartenait dans ce cas à la cour d'appel d'inviter l'Urssaf à modifier le montant des sommes réclamées, la cour d'appel a violé l'article L. 242-1 et l'article R. 242-5 alinéa 1 du code de la sécurité sociale, le dernier dans sa version issue du décret n°2009-1596 du 18 décembre 2009, applicable au litige.
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 13 octobre 2022 M. PIREYRE, président Arrêt n° 1052 F-B Pourvoi n° B 21-15.035 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 13 OCTOBRE 2022 La caisse primaire d'assurance maladie des Flandres, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° B 21-15.035 contre l'arrêt rendu le 11 mars 2021 par la cour d'appel de Douai (chambre 8, section 3), dans le litige l'opposant à la [4], société anonyme, dont le siège est [Adresse 3], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Lapasset, conseiller, les observations de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie des Flandres, de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la [4], et l'avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l'audience publique du 6 septembre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Lapasset, conseiller rapporteur, Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, et Mme Catherine, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 11 mars 2021), le tribunal des affaires de sécurité sociale de Lille a reconnu la faute inexcusable de la [4] (l'employeur) à l'origine de la maladie professionnelle et du décès d'un de ses salariés (la victime), a ordonné la majoration de la rente servie au conjoint survivant et a fixé les préjudices personnels subis par la victime de son vivant ainsi que les préjudices moraux de ses ayants droit. L'employeur ayant refusé de rembourser à la caisse primaire d'assurance maladie des Flandres (la caisse) le capital représentatif de la majoration de la rente versée au conjoint survivant, celle-ci a fait pratiquer une saisie-attribution à son encontre. 2. L'employeur a saisi d'un recours un juge de l'exécution. Examen du moyen Enoncé du moyen 3. La caisse fait grief à l'arrêt de confirmer la mainlevée de la saisie-attribution pratiquée à l'encontre de l'employeur, alors : « 1°/ que les juges ont l'interdiction de dénaturer les documents de la cause ; qu'en retenant essentiellement, pour justifier sa décision, que le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale de Lille en date du 24 septembre 2015 se serait borné à décider que la majoration de rente due au conjoint survivant de la victime lui serait versée directement par la caisse, sans mentionner la possibilité d'une action récursoire, tandis que le dispositif de ce jugement dit sans restriction ni réserve, après avoir ordonné la majoration de la rente servie au conjoint survivant de la victime et fixé les préjudices personnels subis par celle-ci de son vivant, que la caisse fera l'avance des sommes allouées avec possibilité d'action récursoire à l'encontre de l'employeur, ce qui prévoit ainsi clairement l'exercice de cette action récursoire pour l'ensemble des sommes ainsi allouées, dont la majoration de rente, la cour d'appel a méconnu le principe susvisé ; 2°/ qu'il résulte des articles L. 452-2, alinéa 6, L. 452-3 et D. 452-1 du code de la sécurité sociale, que la majoration de rente allouée à la victime en cas de faute inexcusable de l'employeur est payée par la caisse primaire d'assurance maladie, qui en récupère le capital représentatif auprès de l'employeur dans les mêmes conditions et en même temps que les sommes allouées au titre de la réparation des préjudices nés de la faute inexcusable de l'employeur ; que la caisse dispose ainsi de plein droit, par ces textes, d'un recours subrogatoire à fin de récupérer sur l'employeur les compléments de rente et indemnités dus par lui à la victime dont elle a fait l'avance, et sans qu'il y ait lieu qu'elle sollicite l'exercice de ce droit ou qu'il soit spécialement ordonné par un juge ; qu'en disant que la caisse primaire d'assurance maladie des Flandres ne peut, afin de récupérer auprès de l'employeur le capital représentatif des dépenses qu'elle a engagées au titre de la majoration de rente, se prévaloir devant le juge de l'exécution d'un jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale de Lille en date du 24 septembre 2015, au motif que ce jugement se serait borné à décider que la majoration de rente due au conjoint survivant de la victime lui serait versée directement par la caisse, sans mentionner la possibilité d'une action récursoire qui ne ferait ainsi pas l'objet d'un titre exécutoire fondant la saisie-exécution, la cour d'appel a violé par fausse application les textes susvisés, ensemble les articles L. 211-1 et R. 121-1 alinéa 2 du code de procédure civile (lire : code des procédures civiles d'exécution) ; 3°/ qu'il résulte des articles L. 452-2, alinéa 6, L. 452-3 et D. 452-1 du code de la sécurité sociale, que la majoration de rente allouée à la victime en cas de faute inexcusable de l'employeur est payée par la caisse primaire d'assurance maladie, qui en récupère le capital représentatif auprès de l'employeur dans les mêmes conditions et en même temps que les sommes allouées au titre de la réparation des préjudices nés de la faute inexcusable de l'employeur ; que la caisse dispose ainsi de plein droit, par ces textes, d'un recours subrogatoire à fin de récupérer sur l'employeur les compléments de rente et indemnités dus par lui à la victime dont elle a fait l'avance, et sans qu'il y ait lieu qu'elle sollicite l'exercice de ce droit ou qu'il soit spécialement ordonné par un juge ; qu'en disant que la caisse primaire d'assurance maladie ne peut, afin de récupérer auprès de l'employeur le capital représentatif des dépenses qu'elle a engagées au titre de la majoration de rente, se prévaloir devant le juge de l'exécution d'un jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale de Lille en date du 24 septembre 2015, au motif qu'il n'apparaît d'ailleurs pas que la caisse ait saisi ce tribunal des affaires de sécurité sociale d'une demande en ce sens, la cour d'appel a violé derechef, par fausse application, les textes susvisés, ensemble les articles L. 211-1 et R. 121-1 alinéa 2 du code de procédure civile (lire : code des procédures civiles d'exécution). » Réponse de la Cour 4. Ne constitue pas, au sens de l'article L. 111-3 du code des procédures civiles d'exécution, un titre exécutoire au bénéfice de l'organisme social, la décision qui reconnaît la faute inexcusable de l'employeur sans se prononcer sur l'action récursoire que les articles L. 452-2 et L. 452-3 du code de la sécurité sociale réservent à la caisse primaire d'assurance maladie à son encontre pour la récupération des compléments de rente et indemnités qu'elle a versés à la victime. 5. Ayant relevé que le jugement du 24 septembre 2015 ne s'est pas prononcé sur l'action récursoire de la caisse en ce qui concerne la majoration de rente, la cour d'appel en a, hors toute dénaturation, exactement déduit qu'en l'absence d'un titre exécutoire fondant la saisie-attribution, sa mainlevée devait être ordonnée. 6. Le moyen n'est, dés lors, pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi. Condamne la caisse primaire d'assurance maladie des Flandres aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la caisse primaire d'assurance maladie des Flandres et la condamne à payer à la [4] la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize octobre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat aux Conseils, pour la caisse primaire d'assurance maladie des Flandres Le moyen reproche à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir ordonné la mainlevée de la saisie-attribution pratiquée par la caisse primaire d'assurance maladie des Flandres Dunkerque Armentières à l'encontre de la SA [4] entre les mains de la [2], suivant un procès-verbal du 9 septembre 2019, dénoncé le 16 septembre 2019, 1° ALORS QUE les juges ont l'interdiction de dénaturer les documents de la cause ; qu'en retenant essentiellement, pour justifier sa décision, que le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale de Lille en date du 24 septembre 2015 se serait borné à décider que la majoration de rente due au conjoint survivant de M. [P] [X] lui serait versée directement par la caisse, sans mentionner la possibilité d'une action récursoire, tandis que le dispositif de ce jugement dit sans restriction ni réserve, après avoir ordonné la majoration de la rente servie au conjoint survivant de M. [P] [X] et fixé les préjudices personnels subis par M. [P] [X] de son vivant, que la Cpam fera l'avance des sommes allouées avec possibilité d'action récursoire à l'encontre de la [4], ce qui prévoit ainsi clairement l'exercice de cette action récursoire pour l'ensemble des sommes ainsi allouées, dont la majoration de rente, la cour d'appel a méconnu le principe susvisé, 2° ALORS QU'il résulte des articles L. 452-2, alinéa 6, L. 452-3 et D. 452-1 du code de la sécurité sociale, que la majoration de rente allouée à la victime en cas de faute inexcusable de l'employeur est payée par la caisse primaire d'assurance maladie, qui en récupère le capital représentatif auprès de l'employeur dans les mêmes conditions et en même temps que les sommes allouées au titre de la réparation des préjudices nés de la faute inexcusable de l'employeur ; que la caisse dispose ainsi de plein droit, par ces textes, d'un recours subrogatoire à fin de récupérer sur l'employeur les compléments de rente et indemnités dus par lui à la victime dont elle a fait l'avance, et sans qu'il y ait lieu qu'elle sollicite l'exercice de ce droit ou qu'il soit spécialement ordonné par un juge ; qu'en disant que la Cpam des Flandres ne peut, afin de récupérer auprès de la [4] le capital représentatif des dépenses qu'elle a engagées au titre de la majoration de rente, se prévaloir devant le juge de l'exécution d'un jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale de Lille en date du 24 septembre 2015, au motif que ce jugement se serait borné à décider que la majoration de rente due au conjoint survivant de M. [P] [X] lui serait versée directement par la caisse, sans mentionner la possibilité d'une action récursoire qui ne ferait ainsi pas l'objet d'un titre exécutoire fondant la saisie-exécution, la cour d'appel a violé par fausse application les textes susvisés, ensemble les articles L. 211-1 et R. 121-1 alinéa 2 du code de procédure civile, 3° ALORS QU'il résulte des articles L. 452-2, alinéa 6, L. 452-3 et D. 452-1 du code de la sécurité sociale, que la majoration de rente allouée à la victime en cas de faute inexcusable de l'employeur est payée par la caisse primaire d'assurance maladie, qui en récupère le capital représentatif auprès de l'employeur dans les mêmes conditions et en même temps que les sommes allouées au titre de la réparation des préjudices nés de la faute inexcusable de l'employeur ; que la caisse dispose ainsi de plein droit, par ces textes, d'un recours subrogatoire à fin de récupérer sur l'employeur les compléments de rente et indemnités dus par lui à la victime dont elle a fait l'avance, et sans qu'il y ait lieu qu'elle sollicite l'exercice de ce droit ou qu'il soit spécialement ordonné par un juge ; qu'en disant que la Cpam des Flandres ne peut, afin de récupérer auprès de la [4] le capital représentatif des dépenses qu'elle a engagées au titre de la majoration de rente, se prévaloir devant le juge de l'exécution d'un jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale de Lille en date du 24 septembre 2015, au motif qu'il n'apparaît d'ailleurs pas que la caisse ait saisi ce tribunal des affaires de sécurité sociale d'une demande en ce sens, la cour d'appel a violé derechef, par fausse application, les textes susvisés, ensemble les articles L. 211-1 et R. 121-1 alinéa 2 du code de procédure civile.
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 13 octobre 2022 M. PIREYRE, président Arrêt n° 1063 F-B Pourvoi n° A 21-12.182 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 13 OCTOBRE 2022 La société [3], société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° A 21-12.182 contre l'arrêt rendu le 18 décembre 2020 par la cour d'appel d'Amiens (2e protection sociale), dans le litige l'opposant à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) de Rhône-Alpes, dont le siège est [Adresse 2], venant aux droits de l'URSSAF du Rhône, défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Labaune, conseiller référendaire, les observations de la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat de la société [3], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'URSSAF de Rhône-Alpes, et l'avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l'audience publique du 6 septembre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Labaune, conseiller référendaire rapporteur, Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, et Mme Catherine, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 18 décembre 2020), à la suite d'un contrôle portant sur les années 2010 à 2012, l'URSSAF de [Localité 4], aux droits de laquelle vient l'URSSAF de Rhône-Alpes (l'URSSAF) a notifié à la société [3] (la société) un redressement relatif, d'une part, à l'assiette de la contribution due par les entreprises assurant, en France, l'exploitation d'une ou plusieurs spécialités pharmaceutiques donnant lieu à remboursement ou inscrites sur la liste des médicaments agréés à l'usage des collectivités, d'autre part, à l'assiette de la contribution due par les fabricants ou distributeurs de dispositifs médicaux à usage individuel, tissus et cellules issus du corps humain, de produits de santé autres que les médicaments mentionnés à l'article L. 162-17 du code de la sécurité sociale ou de prestations de services et d'adaptation associés, inscrits aux titres I et III de la liste prévue à l'article L. 165-1 du même code. 2. La société a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale. Examen des moyens Sur le premier moyen, pris en ses septième et huitième branches, ci-après annexé 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen, pris en ses troisième, quatrième, cinquième et sixième branches Enoncé du moyen 4. La société fait grief à l'arrêt de rejeter son recours et de la condamner au paiement d'une certaine somme au titre des contributions et majorations dues pour les années 2010 à 2012, alors : « 3°/ que constitue une aide d'État au sens de l'article 107 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne toute mesure nationale discriminatoire qui favorise certaines entreprises ou certaines productions et qui est susceptible de fausser la concurrence ; qu'en imposant à la société de démontrer une atteinte à la concurrence bien que l'article 107 § 1 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne impose seulement que la discrimination ou l'avantage consenti soit susceptible de fausser la concurrence entre États membres, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 107 § 1 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; 4°/ qu'une mesure nationale qui confère un avantage fiscal à certaines entreprises à l'exclusion d'autres qui se trouvent pourtant dans une situation comparable et qui est susceptible d'affecter les échanges entre États membres, est discriminatoire et constitue une aide d'État au sens de l'article 107 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; qu'en l'espèce, la société exposante faisait valoir que les laboratoires pharmaceutiques implantés dans les autres États membres de l'Union européenne commercialisaient en France des médicaments bénéficiant d'une autorisation de mise sur le marché et d'une prise en charge par les caisses de sécurité sociale et qu'ils pouvaient ainsi effectuer des opérations de promotion sans être soumis à la contribution définie à l'article L. 245-1 du code de la sécurité sociale de sorte qu'ils bénéficiaient d'un avantage vis-à-vis des laboratoires pharmaceutiques établis en France susceptible de fausser la concurrence entre États membres, bien que se trouvant dans une situation comparable puisque les laboratoires établis en France étaient seuls soumis à cette contribution jusqu'à l'intervention de la loi n° 2019-1446 du 24 décembre 2019 qui a inclus dans le champ de la contribution les entreprises bénéficiant d'une autorisation d'importation parallèle ou de distribution parallèle d'une ou plusieurs spécialités pharmaceutiques ; qu'en jugeant que l'article L. 245-1 du code de la sécurité sociale n'opérait aucune distinction entre les entreprises établies en France et les laboratoires européens bien que la discrimination reprochée et l'atteinte susceptible d'être portée à la concurrence fussent démontrées par les modifications apportées à l'article L. 245-2 du code de la sécurité sociale par la loi du 24 décembre 2019 précitée, dès lors que depuis le 1er janvier 2020, les rémunérations et frais de publication versés à des visiteurs médicaux par les laboratoires européens non établis en France sont soumis à la contribution litigieuse au titre de l'importation ou de la distribution en France de médicaments bénéficiant d'une autorisation de mise sur le marché et remboursés par les caisses d'assurance maladie, la cour d'appel a violé ensemble l'article L. 245-1 dans sa rédaction applicable et les dispositions de l'article 107 § 1 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; 5°/ qu'une mesure nationale qui confère un avantage fiscal à certaines entreprises à l'exclusion d'autres qui se trouvent pourtant dans une situation comparable et qui est susceptible d'affecter les échanges entre États membres, est discriminatoire et constitue une aide d'État au sens de l'article 107 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; que la contribution définie aux articles L. 245-1 et L. 245-2 du code de la sécurité sociale vise à limiter les actions de promotion auprès non seulement des professions médicales, des chirurgiens dentistes et des sages-femmes, mais également des établissements de santé portant sur des médicaments remboursables ; que tout comme les laboratoires pharmaceutiques, seuls redevables de cette contribution, les grossistes-répartiteurs et les dépositaires en gros vendent directement des médicaments remboursables aux établissements de santé auprès desquels ils effectuent des actions de démarchage et de prospection qui portent en particulier sur des médicaments remboursables ; qu'ils ont à ce titre une activité de même nature que les laboratoires pharmaceutiques, que leurs actions de démarchage et prospection sont de même nature que celles des visiteurs médicaux auprès des établissements de santé ; que la société [3] a fait valoir que la contribution sur les dépenses de promotion des médicaments instaure des exonérations injustifiées au regard de son objectif de taxer les actions de promotion qui développent les ventes de médicaments pris en charge par l'assurance maladie, en particulier au profit des grossistes et dépositaires qui ont obligatoirement le statut d'établissement pharmaceutique comme les laboratoires, qui vendent, comme ces derniers, des médicaments remboursables et qui sont rémunérés par une commission versée par ces derniers et déterminée en fonction du pourcentage des ventes de médicaments réalisées pour leur compte, qu'ils ont donc un intérêt économique à augmenter leur volume de ventes et qu'ils effectuent des actions de promotion et de démarchage à cet effet en particulier auprès des établissements de santé ; qu'en se bornant à énoncer que l'activité des grossistes est différente de celle des laboratoires puisqu'ils écoulent les médicaments fabriqués par ces derniers, que leur démarche ne consiste pas à promouvoir un médicament particulier en vue de développer sa commercialisation et est différente de celle des visiteurs médicaux sans rechercher, comme elle y était invitée, si les grossistes et dépositaires, soumis au statut d'établissement pharmaceutique, ne disposaient pas d'une force de vente permettant la promotion auprès des établissements de santé publics et privés, des médicaments remboursables, même si la promotion assurée par les grossistes auprès des établissements de santé portent sur des médicaments remboursables, fabriqués par différents laboratoires et non par un seul, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants et privé sa décision de base légale au regard de l'article 107 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; 6°/ que sont incompatibles avec le marché intérieur, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États ou au moyen des ressources de l'État sous quelque forme que ce soit qui faussent ou menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions ; que la société faisait valoir que plusieurs catégories de médicaments remboursés par l'assurance maladie étaient pourtant exclus de l'assiette de la contribution sur les dépenses de promotion des médicaments alors que, compte tenu de l'objectif de la contribution visant à limiter les dépenses de l'assurance maladie quant aux médicaments pris en charge, la contribution aurait dû viser l'ensemble des listes des médicaments remboursés par l'assurance maladie ; que la discrimination alléguée portait donc sur la faveur faite à la production des certains médicaments remboursés et pourtant exclus de la contribution ; qu'en jugeant, pour écarter ce moyen, qu'il n'y avait pas d'atteinte à la concurrence, la règle s'appliquant de la même manière à l'ensemble des professionnels du secteur, la cour d'appel a statué par des motifs juridiquement inopérants et a violé l'article 107 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. » Réponse de la Cour 5. La Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que, dans la mesure où l'article 107, paragraphe 1, du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) définit les interventions étatiques en fonction de leurs effets, indépendamment des techniques utilisées, le critère d'imposition à une redevance peut permettre de favoriser, en pratique, « certaines entreprises ou certaines productions », au sens de ce texte, en allégeant leurs charges par rapport à celles qui sont soumises à cette redevance (CJCE, arrêt du 22 décembre 2008, British Aggregates Association, C-487/06, point 89 ; CJUE, arrêt du 26 avril 2018, ANGED, C-233/16, points 47 et 48). 6. La Cour de justice de l'Union européenne a précisé que lorsqu'une taxe n'a pas une portée générale mais frappe une seule catégorie d'opérateurs en situation concurrentielle, cet assujettissement asymétrique à la taxe peut être considéré comme une aide dès lors qu'une autre catégorie d'opérateurs économiques avec laquelle la catégorie taxée est en rapport direct de concurrence n'est pas assujettie à ladite taxe. Dans un tel cas de figure, un opérateur économique, tel qu'un laboratoire pharmaceutique, peut exciper de l'illégalité de la taxe, au motif qu'elle constitue une mesure d'aide, pour en demander le remboursement (CJCE, 7 septembre 2006, Laboratoires Boiron, C-526/04, points 33, 34 et 40). 7. Selon une jurisprudence constante de la Cour de justice de l'Union européenne, la qualification d'une mesure nationale d'« aide d'État », au sens de l'article 107, paragraphe 1, du TFUE, requiert que toutes les conditions suivantes soient remplies. Premièrement, il doit s'agir d'une intervention de l'État ou au moyen de ressources d'État. Deuxièmement, cette intervention doit être susceptible d'affecter les échanges entre les États membres. Troisièmement, elle doit accorder un avantage sélectif à son bénéficiaire. Quatrièmement, elle doit fausser ou menacer de fausser la concurrence (CJUE, arrêt du 29 juillet 2019, Azienda Napoletana Mobilità, C-659/17, point 20 ; CJUE, arrêt du 7 novembre 2019, UNESA, C-105/18 à C-113/18, point 58). 8. Il résulte d'une jurisprudence constante que l'appréciation du caractère sélectif de l'avantage accordé aux bénéficiaires par une mesure nationale impose de déterminer si, dans le cadre d'un régime juridique donné, cette mesure nationale est de nature à favoriser « certaines entreprises ou certaines productions » par rapport à d'autres, qui se trouvent, au regard de l'objectif poursuivi par ce régime, dans une situation factuelle et juridique comparable et qui subissent ainsi un traitement différencié pouvant en substance être qualifié de « discriminatoire » (CJUE, arrêt du 26 avril 2018, ANGED, C-233/16, point 38 et jurisprudence citée ; CJUE, arrêt du 7 novembre 2019, UNESA, C-105/18 à C-113/18, point 60). 9. Une condition d'application ou d'obtention d'une aide fiscale peut ainsi fonder le caractère sélectif de cet avantage, si cette condition conduit à opérer une différenciation entre des entreprises se trouvant pourtant, au regard de l'objectif poursuivi par le régime fiscal en cause, dans une situation factuelle et juridique comparable, et si, partant, elle révèle une discrimination à l'égard des entreprises qui en sont exclues. Dans l'affirmative, cette mesure étatique est qualifiée de sélective, sauf démonstration que l'inégalité de traitement ainsi établie résulte de la nature ou de l'économie générale du cadre de référence (CJUE, arrêt du 21 décembre 2016, Commission/World Duty Free Group e.a., C-20/15 et C-21/15 ; CJUE, arrêt du 28 juin 2018, Andres (faillite Heitkamp BauHolding)/Commission, C-203/16 ; CJUE, arrêt du 19 décembre 2018, A-Brauerei, C-374/17). 10. Dans ces conditions, il convient de déterminer si les entreprises ou productions qui sont exclues du champ d'application de la redevance litigieuse se trouvent ou non dans une situation comparable à celle des entreprises ou productions qui en relèvent, en tenant compte de ce que les États membres sont libres de décider de la politique économique qu'ils jugent la plus appropriée et, en particulier, de répartir comme ils l'entendent la charge fiscale entre les différents facteurs de production, dans le respect du droit de l'Union. Il appartient au juge de déterminer les objectifs de la redevance en cause et d'examiner la cohérence des critères d'assujettissement à cette redevance avec les objectifs poursuivis, afin de déterminer s'ils conduisent à distinguer des catégories d'entreprises ou de productions qui ne se trouvent pas dans une situation comparable au regard des objectifs poursuivis par la législation qui l'a fixée (CJUE, arrêt du 26 avril 2018, ANGED, C-233/16, points 49 à 55 ; CJUE, arrêt du 7 novembre 2019, UNESA, C-105/18 à C-113/18, points 65 à 69). 11. Aux termes de l'article L. 245-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2007-1786 du 19 décembre 2007, applicable au litige, il est institué au profit de la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés et de la Haute Autorité de santé une contribution des entreprises assurant l'exploitation en France, au sens des articles L. 5124-1, L. 5124-2, L. 5136-2 et L. 5124-18 du code de la santé publique, d'une ou plusieurs spécialités pharmaceutiques donnant lieu à remboursement par les caisses d'assurance maladie en application des premier et dernier alinéas de l'article L. 162-17 du présent code ou des spécialités inscrites sur la liste des médicaments agréés à l'usage des collectivités. 12. Concourant au financement des régimes d'assurance maladie reposant sur un mécanisme de solidarité nationale, la contribution des entreprises pharmaceutiques mentionnées à ce texte s'applique à l'ensemble des entreprises pharmaceutiques qui exploitent en France une ou plusieurs spécialités pharmaceutiques donnant lieu à remboursement par les caisses d'assurance maladie ou inscrites sur la liste des médicaments agréés par les collectivités. 13. L'arrêt énonce que l'article L. 245-1 précité n'établit aucune distinction entre les entreprises établies en France et les laboratoires européens. Il ajoute que les démarches de vente des grossistes auprès des pharmaciens et établissements de santé ne sont pas de même nature que celles des laboratoires pharmaceutiques, que l'objet de leur activité est la vente des produits qu'ils ont acquis auprès de laboratoires sans les avoir fabriqués, de sorte que leur démarche, qui ne vise pas à promouvoir un produit particulier en vue de développer sa commercialisation est différente de celle du visiteur médical employé par un laboratoire pharmaceutique. Il retient que si certains médicaments ont été exclus du champ d'application du texte, il n'y a pas davantage atteinte à la libre concurrence, la règle s'appliquant de la même manière à l'ensemble des professionnels du secteur et les médicaments exclus du champ d'application du texte correspondant à des produits très spécifiques pour lesquels, à raison de leur nature, les laboratoires n'engagent pas de dépenses de promotion. 14. La cour d'appel n'ayant pas exigé de la société la démonstration d'une atteinte à la concurrence et ayant retenu, outre les motifs visés par la cinquième branche, que les démarches de vente des grossistes auprès des pharmaciens et établissements de santé ne sont pas de même nature que celles des laboratoires pharmaceutiques, le moyen, pris en ses troisième et cinquième branches, manque en fait. 15. La cour d'appel a également fait ressortir que l'exclusion de certains médicaments de l'assiette de la contribution n'était pas de nature à entraîner un assujettissement asymétrique des entreprises à la contribution visée par l'article L. 245-1 du code de la sécurité sociale, et que l'exploitation des différents médicaments ne se trouvait pas, au regard de l'objectif poursuivi par l'imposition de la contribution, dans une situation factuelle et juridique comparable. 16. Enfin, elle a exactement retenu qu'aucune distinction entre les entreprises établies en France et les laboratoires européens n'était établie par les dispositions de l'article L. 245-1 précité, dès lors que, en substance, les laboratoires pharmaceutiques européens qui n'exploitent pas en France les médicaments visés par ce texte mais qui bénéficient d'une autorisation d'importation parallèle ou en assurent la distribution parallèle ne se trouvaient pas, en l'état des dispositions du code de la sécurité sociale antérieures à la loi n° 2019-1446 du 24 décembre 2019 applicables au litige, dans une situation factuelle et juridique comparable à celle des entreprises soumises à la contribution prévue par ce texte. 17. La société soumet, à l'appui de son pourvoi, une question préjudicielle portant sur la caractérisation d'une aide d'État prohibée du fait de l'absence d'assujettissement à la contribution prévue par l'article L. 245-1 du code de la sécurité sociale des laboratoires européens qui ne sont pas établis en France et qui y exportent des médicaments, des grossistes répartiteurs et des dépositaires établis en France, ou des dépenses concernant certains médicaments. 18. Il résulte de l'article 267, alinéa 3, du TFUE, que lorsqu'une question est soulevée dans le cadre d'une affaire pendante devant une juridiction nationale dont les décisions ne sont pas susceptibles d'un recours juridictionnel de droit interne, cette juridiction est tenue de saisir la Cour d'une demande de décision préjudicielle. Une telle obligation n'incombe pas à cette juridiction lorsque celle-ci constate que la question soulevée n'est pas pertinente, qu'elle est matériellement identique à une question ayant déjà fait l'objet d'une décision à titre préjudiciel dans une espèce analogue, que le point de droit en cause a été résolu par une jurisprudence établie de cette Cour, quelle que soit la nature des procédures qui ont donné lieu à cette jurisprudence, même à défaut d'une stricte identité des questions en litige, ou que l'application correcte du droit de l'Union s'impose avec une telle évidence qu'elle ne laisse place à aucun doute raisonnable (CJCE, arrêt du 6 octobre 1982, Cilfit e.a., 283/81, point 21 ; CJUE, arrêt du 9 septembre 2015, Ferreira da Silva e Brito e.a., C-160/14, points 38 et 39 ; CJUE, arrêt du 28 juillet 2016, Association France Nature Environnement, C-379/15, point 50 ; CJUE, arrêt du 4 octobre 2018, Commission /France, C-416/17, point 110). 19. En l'absence de doute raisonnable sur l'application de l'article 107, paragraphe 1, du TFUE à la redevance prévue par l'article L. 245-1 du code de la sécurité sociale, pour les motifs exposés aux paragraphes 5 à 16, il n'y a pas lieu de saisir la Cour de justice de l'Union européenne. 20. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé. Sur le premier moyen, pris en ses deux premières branches Enoncé du moyen 21. La société fait le même grief à l'arrêt, alors : « 1°/ qu'en application de l'article L. 245-2 du code de la sécurité sociale, l'assiette de la contribution sur les dépenses de promotion des médicaments comprend uniquement les rémunérations et remboursements de frais alloués aux personnes mentionnées à l'article L. 5122-11 du code de la santé publique, autrement dit aux visiteurs médicaux diplômés ; qu'elle n'inclut pas les rémunérations et remboursements de frais alloués à la catégorie professionnelle des personnes exerçant une activité d'information par démarchage ou de prospection pour des médicaments, autrement dit à tous les visiteurs médicaux visés successivement aux articles L. 5122-11 et L. 5122-12 dudit code, ce dernier texte dérogeant aux dispositions de l'article L. 5122-11 en incluant dans la catégorie des visiteurs médicaux certaines personnes non diplômées, non visées par l'article L. 5122-11 ; qu'en l'espèce, il résulte de l'arrêt attaqué que l'URSSAF a intégré dans l'assiette de la contribution susvisée, due par l'exposante, les rémunérations et remboursements de frais alloués aux visiteurs médicaux non diplômés, pour la contribution des années 2009 à 2011 due en 2010, 2011 et 2012 ; qu'en estimant, pour valider cette intégration, que l'assiette de la contribution comprend l'ensemble des rémunérations de toutes natures, ainsi que les charges sociales et fiscales de tous les personnels chargés d'assurer la promotion des spécialités pharmaceutiques, qu'elles soient exposées pour des visiteurs médicaux diplômés ou non diplômés, la cour d'appel a étendu le champ de l'assiette de cette contribution aux visiteurs non diplômés contrairement aux dispositions claires et précises de l'article L. 245-2 du code de la sécurité sociale et des articles L. 5122-11 et L. 5122-12 du code de la santé publique, violant ainsi ses textes ; 2°/ que le principe de sécurité juridique s'oppose à ce qu'un texte clair et précis soit interprété par le juge et que son champ d'application soit étendu à des situations qu'il ne prévoit pas expressément ; qu'en l'espèce, dans ses conclusions d'appel en réplique et récapitulatives, la société exposante faisait valoir que la jurisprudence de la Cour de cassation qui interprète les dispositions claires et précises de l'article L. 245-2 du code de la sécurité sociale en étendant son champ d'application aux rémunérations et remboursements de frais des visiteurs médicaux non diplômés visés par l'article L. 5122-12 du code de la santé publique, bien que l'article L. 245-2 renvoie exclusivement à l'article L. 5122-11, méconnaissait le principe de sécurité juridique ; qu'en estimant néanmoins que l'assiette de la contribution comprenait l'ensemble des rémunérations de toutes natures, ainsi que les charges sociales et fiscales de tous les personnels chargés d'assurer la promotion des spécialités pharmaceutiques, qu'elles fussent exposées pour des visiteurs médicaux diplômés ou non diplômés, la cour d'appel a méconnu le principe de sécurité juridique et l'article 6, § 1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. » Réponse de la Cour 22. Selon l'article L. 245-2, I, 1°, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige, la contribution visée par l'article L. 245-1 du même code est assise sur les charges comptabilisées au cours du ou des exercices clos depuis la dernière échéance au titre des rémunérations de toutes natures, y compris l'épargne salariale ainsi que les charges sociales et fiscales y afférentes, des personnes mentionnées au premier alinéa de l'article L. 5122-11 du code de la santé publique, qu'elles soient ou non salariées de l'entreprise et qu'elles interviennent en France métropolitaine ou dans les départements d'outre-mer auprès des professionnels de santé régis par les dispositions du titre Ier du livre Ier de la quatrième partie du code de la santé publique ou auprès des établissements de santé. 23. La référence opérée par ce texte à l'article L. 5122-11 du code de la santé publique concerne l'ensemble des personnes qui font de l'information par démarchage ou de la prospection pour des médicaments, l'article L. 5122-12 du même code, qui n'institue pas de catégorie professionnelle différente, prévoyant seulement des dérogations permettant à celles d'entre elles qui exerçaient une activité avant le 19 janvier 1994 de la poursuivre sans posséder les qualifications exigées à cette date. 24. L'arrêt retient que les articles L. 5122-11 et L. 5122-12 du code de la santé publique n'ont pas créé deux catégories de visiteurs médicaux, mais définissent une profession laquelle doit être exercée par des personnes titulaires de diplômes, pour répondre à une exigence de compétence. Il ajoute que le texte a pris en compte le fait que la profession était également exercée par des personnes n'ayant pas obtenu ces mêmes diplômes, afin de leur permettre d'exercer leur profession, sous réserve de répondre aux conditions fixées par le texte. 25. De ces énonciations, la cour d'appel a déduit à bon droit, sans méconnaître le principe de sécurité juridique, que l'assiette de la contribution visée à l'article L. 245-1 du code de la sécurité sociale comprenait les rémunérations de toutes natures versées par la société à l'ensemble de ses visiteurs médicaux, diplômés ou non diplômés. 26. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé. Sur le second moyen Enoncé du moyen 27. La société fait grief à l'arrêt de valider le chef de redressement relatif aux frais de publication à destination des pharmaciens d'officine, pris en compte dans l'assiette de la contribution sur les dépenses de promotion des dispositifs médicaux afférente aux années 2010 à 2012, alors « que n'entrent pas dans l'assiette de la contribution relative aux dépenses de promotion des dispositifs médicaux instituée par l'article L. 245-5-1 du code de la sécurité sociale les charges comptabilisées au titre de visites effectuées auprès des professionnels de santé non prescripteurs et au titre des frais de publication à destination de ces mêmes professionnels, autrement dit, en particulier, auprès des pharmaciens d'officine ; qu'en l'espèce, il résulte de l'arrêt attaqué que l'URSSAF a intégré dans l'assiette de la contribution sur les dépenses de promotion des dispositifs médicaux due par la société entre 2010 et 2012 au titre des années 2009 à 2011, des frais de publication à destination des pharmaciens d'officine à hauteur de 59 922 euros ; qu'en considérant que l'article L. 245-5-2-3 du code précité incluait, dans l'assiette de cette contribution, tous les frais de publication et d'achats d'espaces publicitaires sauf les frais engagés dans la presse médicale bénéficiant d'un numéro de commission paritaire ou d'un agrément défini dans les conditions fixées par décret, à l'exclusion de tout autre support, bien que, par hypothèse, l'assiette de la contribution définie à l'article L. 245-5-2 ne vise que les rémunérations, les remboursements de frais et les frais de publication à destination des seuls professionnels de santé prescripteurs à l'exclusion des autres professionnels de santé tels les pharmaciens d'officine, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article L. 245-5-2 du code de la sécurité sociale. » Réponse de la Cour 28. Selon l'article L. 245-5-2, I, 3°, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige, la contribution visée par l'article L. 245-5-1 du même code est assise sur les charges comptabilisées au titre du ou des exercices clos depuis la dernière échéance au titre des frais de publication et des achats d'espaces publicitaires, sauf dans la presse médicale bénéficiant d'un numéro de commission paritaire ou d'un agrément défini dans les conditions fixées par décret, dès lors qu'un des dispositifs, tissus, cellules, produits ou prestations y est mentionné. 29. Le texte ne distingue pas selon que les frais de publication et les achats d'espaces publicitaires sont exposés à destination ou non des professionnels de santé prescripteurs. 30. C'est donc sans encourir les griefs du moyen que la cour d'appel a dit que les frais de publication à destination des officines de pharmacie devaient être intégrés dans l'assiette de la contribution. 31. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : DIT n'y avoir lieu à renvoi préjudiciel à la Cour de justice de l'Union européenne ; REJETTE le pourvoi. Condamne la société [3] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société [3] et la condamne à payer à l'URSSAF de Rhône-Alpes la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize octobre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat aux Conseils, pour la société [3] PREMIER MOYEN DE CASSATION (contribution article L.245-1 du code de la sécurité sociale) La société [3] fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir infirmé le jugement rendu par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Lille le 2 juin 2015 en ce qu'il a annulé le redressement relatif à contribution sur les dépenses de promotion des médicaments définie par l'article L.245-1 du code de la sécurité sociale, au titre des rémunérations et des visiteurs médicaux non diplômés, et statuant à nouveau, d'avoir dit n'y avoir lieu à question préjudicielle, d'avoir débouté la société [3] de l'ensemble de ses demandes et validé le chef de redressement relatif aux rémunérations et frais des visiteurs médicaux non diplômés et d'avoir, par voie de conséquence, condamné la société [3] au paiement à l'Urssaf de la somme de 5.526.452 euros dont 4.951.895 euros au titre des contributions litigieuses et 574.557 euros au titre des majorations de retard, correspondant au solde dû au titre de la mise en demeure du 29 juillet 2013, pour les années 2010 à 2012 et se rapportant aux années 2009 à 2011, 1°) ALORS QU'en application de l'article L.245-2 du code de la sécurité sociale, l'assiette de la contribution sur les dépenses de promotion des médicaments comprend uniquement les rémunérations et remboursements de frais alloués aux personnes mentionnées à l'article L.5122-11 du code de la santé publique, autrement dit aux visiteurs médicaux diplômés ; qu'elle n'inclut pas les rémunérations et remboursements de frais alloués à la catégorie professionnelle des personnes exerçant une activité d'information par démarchage ou de prospection pour des médicaments, autrement dit à tous les visiteurs médicaux visés successivement aux articles L.5122-11 et L.5122-12 dudit Code, ce dernier texte dérogeant aux dispositions de l'article L.5122-11 en incluant dans la catégorie des visiteurs médicaux certaines personnes non diplômées, non visées par l'article L.5122-11 ; qu'en l'espèce, il résulte de l'arrêt attaqué que l'Urssaf a intégré dans l'assiette de la contribution susvisée, due par l'exposante, les rémunérations et remboursements de frais alloués aux visiteurs médicaux non diplômés, pour la contribution des années 2009 à 2011 due en 2010, 2011 et 2012 ; qu'en estimant, pour valider cette intégration, que l'assiette de la contribution comprend l'ensemble des rémunérations de toutes natures, ainsi que les charges sociales et fiscales de tous les personnels chargés d'assurer la promotion des spécialités pharmaceutiques, qu'elles soient exposées pour des visiteurs médicaux diplômés ou non diplômés, la cour d'appel a étendu le champ de l'assiette de cette contribution aux visiteurs non diplômés contrairement aux dispositions claires et précises de l'article L.245-2 du code de la sécurité sociale et des articles L.5122-11 et L.5122-12 du code de la santé publique, violant ainsi ses textes ; 2°) ALORS QUE le principe de sécurité juridique s'oppose à ce qu'un texte clair et précis soit interprété par le juge et que son champ d'application soit étendu à des situations qu'il ne prévoit pas expressément ; qu'en l'espèce, dans ses conclusions d'appel en réplique et récapitulatives (pp. 10 à 12) la société exposante faisait valoir que la jurisprudence de la Cour de cassation qui interprète les dispositions claires et précises de l'article L.245-2 du code de la sécurité sociale en étendant son champ d'application aux rémunérations et remboursements de frais des visiteurs médicaux non diplômés visés par l'article L.5122-12 du code de la santé publique, bien que l'article L.245-2 renvoie exclusivement à l'article L.5122-11, méconnaissait le principe de sécurité juridique ; qu'en estimant néanmoins que l'assiette de la contribution comprenait l'ensemble des rémunérations de toutes natures, ainsi que les charges sociales et fiscales de tous les personnels chargés d'assurer la promotion des spécialités pharmaceutiques, qu'elles fussent exposées pour des visiteurs médicaux diplômés ou non diplômés, la cour d'appel a méconnu le principe de sécurité juridique et l'article 6§1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; 3°) ALORS QUE constitue une aide d'Etat au sens de l'article 107 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne toute mesure nationale discriminatoire qui favorise certaines entreprises ou certaines productions et qui est susceptible de fausser la concurrence ; qu'en imposant à la société [3] de démontrer une atteinte à la concurrence bien que l'article 107 § 1 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne impose seulement que la discrimination ou l'avantage consenti soit susceptible de fausser la concurrence entre Etats membres, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 107 § 1 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; 4°) ALORS QU'une mesure nationale qui confère un avantage fiscal à certaines entreprises à l'exclusion d'autres qui se trouvent pourtant dans une situation comparable et qui est susceptible d'affecter les échanges entre Etats membres, est discriminatoire et constitue une aide d'Etat au sens de l'article 107 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; qu'en l'espèce, la société exposante faisait valoir que les laboratoires pharmaceutiques implantés dans les autres Etats membres de l'Union européenne commercialisaient en France des médicaments bénéficiant d'une autorisation de mise sur le marché et d'une prise en charge par les caisses de sécurité sociale et qu'ils pouvaient ainsi effectuer des opérations de promotion sans être soumis à la contribution définie à l'article L.245-1 du code de la sécurité sociale de sorte qu'ils bénéficiaient d'un avantage vis-à-vis des laboratoires pharmaceutiques établis en France susceptible de fausser la concurrence entre Etats membres, bien que se trouvant dans une situation comparable puisque les laboratoires établis en France étaient seuls soumis à cette contribution jusqu'à l'intervention de la loi n°2019-1446 du 24 décembre 2019 qui a inclus dans le champ de la contribution les entreprises bénéficiant d'une autorisation d'importation parallèle ou de distribution parallèle d'une ou plusieurs spécialités pharmaceutiques ; qu'en jugeant que l'article L.245-1 du code de la sécurité sociale n'opérait aucune distinction entre les entreprises établies en France et les laboratoires européens bien que la discrimination reprochée et l'atteinte susceptible d'être portée à la concurrence fussent démontrées par les modifications apportées à l'article L.245-2 du code de la sécurité sociale par la loi du 24 décembre 2019 précitée, dès lors que depuis le 1er janvier 2020, les rémunérations et frais de publication versés à des visiteurs médicaux par les laboratoires européens non établis en France sont soumis à la contribution litigieuse au titre de l'importation ou de la distribution en France de médicaments bénéficiant d'une autorisation de mise sur le marché et remboursés par les caisses d'assurance maladie, la cour d'appel a violé ensemble l'article L.245-1 dans sa rédaction applicable et les dispositions de l'article 107 § 1 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; 5°) ALORS QU'une mesure nationale qui confère un avantage fiscal à certaines entreprises à l'exclusion d'autres qui se trouvent pourtant dans une situation comparable et qui est susceptible d'affecter les échanges entre Etats membres, est discriminatoire et constitue une aide d'Etat au sens de l'article 107 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; que la contribution définie aux articles L.245-1 et L.245-2 du code de la sécurité sociale vise à limiter les actions de promotion auprès non seulement des professions médicales, des chirurgiens-dentistes et des sages-femmes, mais également des établissements de santé portant sur des médicaments remboursables ; que tout comme les laboratoires pharmaceutiques, seuls redevables de cette contribution, les grossistes-répartiteurs et les dépositaires en gros vendent directement des médicaments remboursables aux établissements de santé auprès desquels ils effectuent des actions de démarchage et de prospection qui portent en particulier sur des médicaments remboursables ; qu'ils ont à ce titre une activité de même nature que les laboratoires pharmaceutiques, que leurs actions de démarchage et prospection sont de même nature que celles des visiteurs médicaux auprès des établissements de santé ; que la société [3] a fait valoir que la contribution sur les dépenses de promotion des médicaments instaure des exonérations injustifiées au regard de son objectif de taxer les actions de promotion qui développent les ventes de médicaments pris en charge par l'assurance maladie, en particulier au profit des grossistes et dépositaires qui ont obligatoirement le statut d'établissement pharmaceutique comme les laboratoires, qui vendent, comme ces derniers, des médicaments remboursables et qui sont rémunérés par une commission versée par ces derniers et déterminée en fonction du pourcentage des ventes de médicaments réalisées pour leur compte, qu'ils ont donc un intérêt économique à augmenter leur volume de ventes et qu'ils effectuent des actions de promotion et de démarchage à cet effet en particulier auprès des établissements de santé ; qu'en se bornant à énoncer que l'activité des grossistes est différente de celle des laboratoires puisqu'ils écoulent les médicaments fabriqués par ces derniers, que leur démarche ne consiste pas à promouvoir un médicament particulier en vue de développer sa commercialisation et est différente de celle des visiteurs médicaux sans rechercher, comme elle y était invitée, si les grossistes et dépositaires, soumis au statut d'établissement pharmaceutique, ne disposaient pas d'une force de vente permettant la promotion auprès des établissements de santé publics et privés, des médicaments remboursables, même si la promotion assurée par les grossistes auprès des établissements de santé portent sur des médicaments remboursables, fabriqués par différents laboratoires et non par un seul, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants et privé sa décision de base légale au regard de l'article 107 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; 6°) ALORS QUE sont incompatibles avec le marché intérieur, dans la mesure où elles affectent les échanges entre Etats membres, les aides accordées par les Etats ou au moyen des ressources de l'Etat sous quelque forme que ce soit qui faussent ou menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions ; que la société [3] faisait valoir que plusieurs catégories de médicaments remboursés par l'assurance maladie étaient pourtant exclus de l'assiette de la contribution sur les dépenses de promotion des médicaments alors que, compte tenu de l'objectif de la contribution visant à limiter les dépenses de l'assurance maladie quant aux médicaments pris en charge, la contribution aurait dû viser l'ensemble des listes des médicaments remboursés par l'assurance maladie ; que la discrimination alléguée portait donc sur la faveur faite à la production des certains médicaments remboursés et pourtant exclus de la contribution ; qu'en jugeant, pour écarter ce moyen, qu'il n'y avait pas d'atteinte à la concurrence, la règle s'appliquant de la même manière à l'ensemble des professionnels du secteur, la cour d'appel a statué par des motifs juridiquement inopérants et a violé l'article 107 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; 7°) ALORS QUE les juges de fond ne peuvent statuer par un moyen relevé d'office sans inviter au préalable les parties à présenter leurs observations ; qu'en jugeant encore que les médicaments exclus du champ d'application du texte correspondent à des produits très spécifiques, pris en charge sous forme d'autorisation temporaire d'utilisation ou prescrit par les hôpitaux sont des produits innovants, particulièrement coûteux, destinés à traiter des pathologies peu répandues et pour lesquelles, à raison de leur nature, les laboratoires n'engagent pas de dépenses de promotion quand l'URSSAF n'avait ni invoqué ni démontré ces éléments et s'était contentée de soutenir que l'exposante ne citait nommément aucun laboratoire qui se serait spécialisé dans la fabrication et la commercialisation de médicaments bénéficiant d'une ATU ou de médicaments rétrocédés, la cour d'appel, qui n'a pas invité les parties à présenter leurs observations sur le moyen qu'elle relevait d'office, a violé l'article 16 du code de procédure civile ; 8°) ALORS QUE, la société exposante faisait valoir que la contribution sur la promotion des spécialités pharmaceutiques définie à l'article L.245-1 du code de la sécurité sociale était discriminatoire au sens des stipulations combinées des articles 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 14 de cette Convention, dès lors qu'elle frappait les seuls laboratoires pharmaceutiques établis en France, à l'exclusion des laboratoires pharmaceutiques, établis dans un autre Etat de l'Union européenne, qui commercialisent en France des médicaments bénéficiant d'une autorisation de mise sur le marché et qui sont remboursés par les caisses de sécurité sociale et à l'exclusion des grossistes qui effectuent également la promotion de ces médicaments sans être soumis à ladite contribution, cette discrimination n'ayant été supprimée qu'à compter de 2020 par une modification de l'article L.245-2 du code de la sécurité sociale ; qu'à défaut d'avoir répondu à ce moyen pertinent invoqué par la société exposante, la cour d'appel n'a pas motivé sa décision, violant ainsi l'article 455 du code de procédure civile, ensemble les dispositions susvisées. SECOND MOYEN DE CASSATION La société [3] fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir validé le chef de redressement relatif aux frais de publication à destination des pharmaciens d'officine, pris en compte, pour un montant en base de 59.922 euros, dans l'assiette de la contribution sur les dépenses de promotion des dispositifs médicaux définie à l'article L.245-5-1 du code de la sécurité sociale, afférente aux années 2009 à 2011 et due en 2010, 2011 et 2012, ALORS QUE n'entrent pas dans l'assiette de la contribution relative aux dépenses de promotion des dispositifs médicaux instituée par l'article L.245-5-1 du code de la sécurité sociale les charges comptabilisées au titre de visites effectuées auprès des professionnels de santé non prescripteurs et au titre des frais de publication à destination de ces mêmes professionnels, autrement dit, en particulier, auprès des pharmaciens d'officine ; qu'en l'espèce, il résulte de l'arrêt attaqué que l'Urssaf a intégré dans l'assiette de la contribution sur les dépenses de promotion des dispositifs médicaux due par la société [3] entre 2010 et 2012 au titre des années 2009 à 2011, des frais de publication à destination des pharmaciens d'officine à hauteur de 59.922 euros ; qu'en considérant que l'article L.245-5-2-3°) du code précité incluait, dans l'assiette de cette contribution, tous les frais de publication et d'achats d'espaces publicitaires sauf les frais engagés dans la presse médicale bénéficiant d'un numéro de commission paritaire ou d'un agrément défini dans les conditions fixées par décret, à l'exclusion de tout autre support, bien que, par hypothèse, l'assiette de la contribution définie à l'article L.245-5-2 ne vise que les rémunérations, les remboursements de frais et les frais de publication à destination des seuls professionnels de santé prescripteurs à l'exclusion des autres professionnels de santé tels les pharmaciens d'officine, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article L.245-5-2 du code de la sécurité sociale.
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 13 octobre 2022 M. PIREYRE, président Arrêt n° 1057 F-B Pourvoi n° D 21-10.253 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 13 OCTOBRE 2022 La société [5], société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° D 21-10.253 contre l'arrêt n° RG : 18/02907 rendu le 17 novembre 2020 par la cour d'appel d'Orléans (chambre des affaires de sécurité sociale), dans le litige l'opposant : 1°/ à la caisse primaire d'assurance maladie d'Indre-et-Loire, dont le siège est [Adresse 3], 2°/ au ministre chargé de la sécurité sociale, domicilié [Adresse 2], défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Dudit, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société [5], et l'avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l'audience publique du 6 septembre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Dudit, conseiller référendaire rapporteur, Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, et Mme Catherine, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Désistement partiel 1. Il est donné acte à la société [5] du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre le ministre chargé de la sécurité sociale. Faits et procédure 2. Selon l'arrêt attaqué (Orléans, 17 novembre 2020), Mme [Y] (la victime), salariée de la société [5] (l'employeur), ayant formulé, le 8 décembre 2015, une demande de prise en charge, au titre de la législation professionnelle, d'une « sclérodermie systémique tableau MP 25A3 », à laquelle était joint un certificat médical du même jour, la caisse primaire d'assurance maladie d'Indre-et-Loire (la caisse) lui a opposé un rejet pour raison administrative liée à l'absence d'exposition aux risques, par une décision du 7 juillet 2016 notifiée à l'employeur. 3. La victime a souscrit, le 13 juin 2016, une nouvelle déclaration pour une « sclérodermie systémique », à laquelle était joint un certificat médical du 1er décembre 2015 faisant état d'une « sclérodermie systémique compliquée d'ulcères digitaux récidivants ». Ayant considéré que la pathologie déclarée n'était pas inscrite dans un tableau des maladies professionnelles et que le taux d'incapacité permanente prévisible était au moins de 25 %, la caisse a transmis le dossier à un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (le comité régional). 4. À la suite de l'avis favorable du comité régional, la caisse ayant, par décision du 17 février 2017, pris en charge la pathologie au titre de la législation professionnelle, l'employeur a saisi une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale d'un recours aux fins d'inopposabilité de cette seconde décision. Examen du moyen Enoncé du moyen 5. L'employeur fait grief à l'arrêt de rejeter son recours, alors : « 1°/ que selon l'article R. 441-14 alinéa 4 du code de la sécurité sociale, la décision motivée de la caisse est notifiée, avec mention des voies et délais de recours par tout moyen permettant de déterminer la date de réception, à la victime ou à ses ayants droit si le caractère professionnel de l'accident n'est pas reconnu, ou à l'employeur dans le cas contraire, la décision étant également notifiée à la personne à laquelle elle ne fait pas grief ; qu'il en résulte que la décision revêt, dès sa notification à la personne à laquelle elle ne fait pas grief, un caractère définitif à son égard ; qu'il en va ainsi même lorsqu'après une décision de refus de prise en charge par la caisse, devenue définitive, le salarié a établi une nouvelle déclaration de maladie professionnelle visant la même pathologie, sur le fondement d'un autre certificat médical initial ; qu'au cas présent, la cour d'appel a constaté que la victime avait sollicité le 8 décembre 2015 la prise en charge au titre de la législation professionnelle d'une « sclérodermie systémique – MP n° 25 – A3 » sur le fondement d'un certificat médical initial du même jour ; que par décision du 7 juillet 2016, régulièrement notifiée à l'employeur, la caisse a refusé de prendre en charge cette maladie au titre de la législation professionnelle ; que la victime n'a pas formé de recours à l'encontre de cette décision ; que le 13 juin 2016 la victime a sollicité la prise en charge au titre de la législation professionnelle d'une « sclérodermie systémique », sur le fondement d'un certificat médical initial du 1er décembre 2015 ; que cette maladie a été prise en charge par la caisse le 17 février 2017 ; qu'il ressort de ces constatations que la déclaration de maladie professionnelle du 13 juin 2016, fondée sur un certificat médical initial du 1er décembre 2015, portait sur la même pathologie que celle mentionnée dans la première déclaration du 8 décembre 2015 et qui avait fait l'objet d'une décision de refus de prise en charge, devenue définitive ; que la cour d'appel aurait dû en déduire que la décision du 17 février 2017 de prise en charge, par la caisse, de la pathologie « sclérodermie systémique » au titre de la législation professionnelle, était inopposable à l'employeur ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations et a violé l'article R. 441-14 alinéa 4 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009, applicable au litige ; 2°/ que la décision de refus de prise en charge revêt, dès sa notification à la personne à laquelle elle ne fait pas grief, un caractère définitif à son égard ; qu'il en va ainsi même lorsqu'après une décision de refus de prise en charge par la caisse, devenue définitive, le salarié a établi une nouvelle déclaration de maladie professionnelle visant la même pathologie, sur le fondement d'un autre certificat médical initial ; que lorsque ce second certificat médical initial était antérieur à la première déclaration de maladie professionnelle et visait la même pathologie ayant fait l'objet de la première déclaration, la caisse ne peut se prévaloir d'aucun « élément nouveau » pour prendre en charge la maladie au titre de la législation professionnelle, sur le fondement de la seconde déclaration ; qu'en jugeant pourtant que la nouvelle déclaration de maladie professionnelle avait été formée avant qu'une décision ne soit prise par la caisse sur la déclaration du 8 décembre 2015, que la victime avait joint à sa nouvelle déclaration un certificat médical différent de celui qui avait été joint à la déclaration du 8 décembre 2015, en ce qu'il émane d'un autre praticien, qu'il vise une « sclérodermie systémique compliquée d'ulcères digitaux récidivants » et qu'il ne mentionnait nullement qu'il était établi en vue d'une déclaration de maladie professionnelle au titre du tableau n° 25 A3 de sorte que des éléments nouveaux avaient été portés à la connaissance de la caisse qui avait instruit le dossier non pas au titre du tableau n° 25 A3 visant la « sclérodermie systémique progressive » mais au titre d'une pathologie non désignée par le tableau, l'employeur n'étant pas fondé à se prévaloir de l'autorité de la chose décidée attachée à la décision du 7 juillet 2016, la cour d'appel a statué par des motifs impropres à justifier sa décision, violant l'article R. 441-14 alinéa 4 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009, applicable au litige. » Réponse de la Cour 6. Il résulte des articles L. 461-1 et R. 441-14 du code de la sécurité sociale, ce dernier dans sa rédaction issue du décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009, applicable au litige, qu'une première décision de refus de prise en charge d'une pathologie au titre d'un tableau de maladies professionnelles, même devenue définitive à l'égard de l'employeur, ne peut faire obstacle à l'opposabilité à celui-ci d'une seconde décision de la caisse intervenue au vu d'une nouvelle déclaration de maladie professionnelle instruite selon les règles applicables à la reconnaissance du caractère professionnel des maladies non désignées dans un tableau. 7. Ayant constaté que la nouvelle demande de reconnaissance de maladie professionnelle a fait l'objet d'une instruction par la caisse non pas au titre du tableau n° 25 A3, qui vise la « sclérodermie systémique progressive », mais au titre d'une pathologie non désignée dans un tableau, la cour d'appel en a exactement déduit que la première décision de refus de prise en charge, même devenue définitive à l'égard de l'employeur, ne faisait pas obstacle à l'opposabilité à celui-ci de la seconde décision de la caisse. 8. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi. Condamne la société [5] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize octobre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société [5] La société [5] fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir rejeté le moyen tiré de l'autorité de la chose décidée attachée à la décision de refus de reconnaissance du caractère professionnel de la maladie prise le 7 juillet 2016 et d'avoir ordonné la saisine du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles de la région [Localité 4] – Pays de la Loire, lequel aurait pour mission de dire s'il existe un lien direct et essentiel entre la maladie déclarée par Mme [X] [Y] et l'activité professionnelle exercée par celle-ci ; 1°) ALORS QUE selon l'article R. 441-14 alinéa 4 du code de la sécurité sociale, la décision motivée de la caisse est notifiée, avec mention des voies et délais de recours par tout moyen permettant de déterminer la date de réception, à la victime ou à ses ayants droits si le caractère professionnel de l'accident n'est pas reconnu, ou à l'employeur dans le cas contraire, la décision étant également notifiée à la personne à laquelle elle ne fait pas grief ; qu'il en résulte que la décision revêt, dès sa notification à la personne à laquelle elle ne fait pas grief, un caractère définitif à son égard ; qu'il en va ainsi même lorsqu'après une décision de refus de prise en charge par la caisse, devenue définitive, le salarié a établi une nouvelle déclaration de maladie professionnelle visant la même pathologie, sur le fondement d'un autre certificat médical initial ; qu'au cas présent, la cour d'appel a constaté que Mme [Y] avait sollicité le 8 décembre 2015 la prise en charge au titre de la législation professionnelle d'une « sclérodermie systémique – MP n°25 – A3 » sur le fondement d'un certificat médical initial du même jour ; que par décision du 7 juillet 2016, régulièrement notifiée à la société [5], la caisse a refusé de prendre en charge cette maladie au titre de la législation professionnelle ; que Mme [Y] n'a pas formé de recours à l'encontre de cette décision ; que le 13 juin 2016 Mme [Y] a sollicité la prise en charge au titre de la législation professionnelle d'une « sclérodermie systémique », sur le fondement d'un certificat médical initial du 1er décembre 2015 ; que cette maladie a été prise en charge par la caisse le 17 février 2017 (arrêt, p. 6) ; qu'il ressort de ces constatations que la déclaration de maladie professionnelle du 13 juin 2016, fondée sur un certificat médical initial du 1er décembre 2015, portait sur la même pathologie que celle mentionnée dans la première déclaration du 8 décembre 2015 et qui avait fait l'objet d'une décision de refus de prise en charge, devenue définitive ; que la cour d'appel aurait dû en déduire que la décision du 17 février 2017 de prise en charge, par la caisse, de la pathologie « sclérodermie systémique » au titre de la législation professionnelle, était inopposable à l'employeur ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations et a violé l'article R. 441-14 alinéa 4 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009, applicable au litige ; 2°) ALORS QUE la décision de refus de prise en charge revêt, dès sa notification à la personne à laquelle elle ne fait pas grief, un caractère définitif à son égard ; qu'il en va ainsi même lorsqu'après une décision de refus de prise en charge par la caisse, devenue définitive, le salarié a établi une nouvelle déclaration de maladie professionnelle visant la même pathologie, sur le fondement d'un autre certificat médical initial ; que lorsque ce second certificat médical initial était antérieur à la première déclaration de maladie professionnelle et visait la même pathologie ayant fait l'objet de la première déclaration, la caisse ne peut se prévaloir d'aucun « élément nouveau » pour prendre en charge la maladie au titre de la législation professionnelle, sur le fondement de la seconde déclaration ; qu'en jugeant pourtant que la nouvelle déclaration de maladie professionnelle avait été formée avant qu'une décision ne soit prise par la caisse sur la déclaration du 8 décembre 2015, que Mme [Y] avait joint à sa nouvelle déclaration un certificat médical différent de celui qui avait été joint à la déclaration du 8 décembre 2015, en ce qu'il émane d'un autre praticien, qu'il vise une « sclérodermie systémique compliquée d'ulcères digitaux récidivants » et qu'il ne mentionnait nullement qu'il était établi en vue d'une déclaration de maladie professionnelle au titre du tableau n° 25 A3 de sorte que des éléments nouveaux avaient été portés à la connaissance de la caisse qui avait instruit le dossier non pas au titre du tableau n° 25 A3 visant la « sclérodermie systémique progressive » mais au titre d'une pathologie non désignée par le tableau, la société [5] n'étant pas fondée à se prévaloir de l'autorité de la chose décidée attachée à la décision du 7 juillet 2016 (arrêt, p. 7), la cour d'appel a statué par des motifs impropres à justifier sa décision, violant l'article R. 441-14 alinéa 4 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009, applicable au litige.
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 13 octobre 2022 Cassation partielle M. PIREYRE, président Arrêt n° 1064 F-B Pourvoi n° P 21-13.252 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 13 OCTOBRE 2022 La société [2], société en nom collectif, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° P 21-13.252 contre l'arrêt rendu le 12 janvier 2021 par la cour d'appel d'Amiens (2e protection sociale), dans le litige l'opposant à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) de Picardie, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Labaune, conseiller référendaire, les observations de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la société [2], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'URSSAF de Picardie, et l'avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l'audience publique du 6 septembre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Labaune, conseiller référendaire rapporteur, Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, et Mme Catherine, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 12 janvier 2021), à la suite d'un contrôle portant sur les années 2011 à 2013, l'URSSAF de Picardie (l'URSSAF) a, selon lettre d'observations du 11 juillet 2014, puis mise en demeure du 24 décembre 2014, notifié à la société [2] (la société) un redressement portant notamment sur la réintégration dans l'assiette des cotisations des indemnités de dépaysement et d'expatriation versées à deux salariés exerçant leur activité professionnelle respectivement en Chine et en Thaïlande. 2. La société a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale. Examen du moyen Sur le moyen, pris en ses trois premières branches Enoncé du moyen 3. La société fait grief à l'arrêt de rejeter son recours, alors : « 1°/ que le principe de territorialité de la législation française de sécurité sociale s'oppose à l'affiliation obligatoire au régime français de sécurité sociale des ressortissants français travaillant sur le territoire d'Etats avec lesquels la France n'est pas liée par des conventions et règlements internationaux et à l'assujettissement audit régime des rémunérations qui leur sont versées, leur soumission à la législation française de sécurité sociale en application de la seule loi française relevant d'une simple faculté et étant subordonnée à la condition que l'employeur s'engage à verser audit régime l'intégralité des cotisations dues ; qu'ayant constaté qu'il résultait des contrats d'expatriation du 26 février 2010 et du 27 octobre 2010 que les salariés concernés avaient été mutés temporairement pour une durée de trois à quatre ans par la société chez [2] (Chine) et [2] pour y exercer une activité salariée et que les contrats prévoyaient leur affiliation, par les soins de la société, à la Caisse des Français de l'étranger et la prise en charge par cette société de l'intégralité des cotisations dues à cette caisse, la cour d'appel qui, pour valider la réintégration dans l'assiette des cotisations du régime général des indemnités de dépaysement et d'expatriation versées aux salariés concernés, a dit ces deux salariés soumis à la législation française de sécurité sociale en application de l'article L. 761-2 du code de la sécurité sociale peu important leur affiliation à la Caisse des Français de l'étranger, n'a pas déduit de ses constatations les conséquences légales qui s'en évinçaient et a violé les articles L. 111-1, L. 111-2-2, L. 761-1, L. 761-2, L. 762-1 et L. 762-3 du code de la sécurité sociale, les deux premiers textes dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2015-1702 du 21 décembre 2015 applicable au litige et les deux derniers dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2018-1214 du 24 décembre 2018 applicable au litige ; 2°/ qu'aux termes des articles L. 762-1 et L. 762-3 du code de la sécurité sociale, le travailleur salarié français qui réside à l'étranger et qui n'est pas soumis à la législation française de sécurité sociale en application d'une convention internationale ou en application de l'engagement unilatéral de l'employeur de l'article L. 761-2 du code de la sécurité sociale, a la faculté de s'assurer volontairement contre les risques maladie, maternité, invalidité, accidents du travail et maladies professionnelles et vieillesse, les entreprises pouvant, pour le compte des travailleurs salariés qu'elles emploient à l'étranger, effectuer les formalités nécessaires à leur adhésion au régime d'assurance volontaire et prendre en charge tout ou partie des cotisations dues par leurs salariés ; qu'ayant constaté qu'il résultait des contrats d'expatriation du 26 février 2010 et du 27 octobre 2010 que les salariés concernés avaient été mutés temporairement pour une durée de trois à quatre ans par la société chez [2] (Chine) et [2] pour y exercer une activité salariée et que les contrats prévoyaient leur affiliation, par les soins de la société, à la Caisse des Français de l'étranger et la prise en charge par cette société de l'intégralité des cotisations dues, la cour d'appel qui, pour valider la réintégration dans l'assiette des cotisations du régime général des indemnités de dépaysement et d'expatriation versées aux salariés concernés, a dit ces deux salariés soumis à la législation française de sécurité sociale en application de l'article L. 761-2 du code de la sécurité sociale peu important leur affiliation à la Caisse des Français de l'étranger, a violé les articles L. 111-1, L. 111-2-2, L. 761-1, L. 761-2, L. 762-1, L. 762-2 et L. 762-3 du code de la sécurité sociale, les deux premiers textes dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2015-1702 du 21 décembre 2015 applicable au litige et le dernier dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2018-1214 du 24 décembre 2018 applicable au litige ; 3°/ que selon l'article L. 5422-13 du code du travail, tout employeur doit assurer contre le risque de privation d'emploi tout salarié, y compris les travailleurs salariés détachés à l'étranger ainsi que les travailleurs salariés français expatriés ; qu'ayant constaté qu'il résultait des contrats d'expatriation du 26 février 2010 et du 27 octobre 2010 que les salariés concernés avaient été mutés temporairement pour une durée de trois à quatre ans par la société chez [2] (Chine) et [2] pour y exercer une activité salariée et que les contrats prévoyaient leur affiliation, par les soins de la société, à la Caisse des Français de l'étranger et la prise en charge par cette société de l'intégralité des cotisations dues, la cour d'appel, pour dire ces deux salariés soumis à la législation française de sécurité sociale en application de l'article L. 761-2 du code de la sécurité sociale peu important leur affiliation à la Caisse des Français de l'étranger, a énoncé que les bulletins de salaire des intéressés indiquaient que l'employeur cotisait pour l'assurance chômage étant rappelé qu'en application de l'article L. 5422-13 du code du travail les travailleurs détachés dans les conditions fixées à l'article L. 762-1 du code de la sécurité sociale sont affiliés obligatoirement au régime français d'assurance chômage dès lors qu'ils travaillent pour un employeur établi en France ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles L. 111-1, L. 111-2-2, L. 761-1, L. 761-2, L. 762-1 et L. 762-2 du code de la sécurité sociale, les deux premiers textes dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2015-1702 du 21 décembre 2015 applicable au litige et le dernier dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2018-1214 du 24 décembre 2018 applicable au litige, ainsi que l'article L. 5422-13 du code du travail. » Réponse de la Cour Vu les articles L. 761-1, L. 761-2, R. 761-2 du code de la sécurité sociale, L. 762-1 et L. 762-3 du même code, ces derniers dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2018-1214 du 24 décembre 2018, applicable au litige, et l'article L. 5422-13 du code du travail ; 4. Il résulte des trois premiers de ces textes que, s'ils ne sont pas ou ne sont plus soumis à la législation française de sécurité sociale en vertu de conventions ou de règlements internationaux, les travailleurs détachés temporairement à l'étranger par leur employeur pour y exercer une activité salariée ou assimilée, rémunérée par cet employeur, sont soumis à la législation française de sécurité sociale à la condition que l'employeur s'engage à s'acquitter de l'intégralité des cotisations dues auprès de la caisse d'affiliation du salarié. 5. Il résulte des quatrième et cinquième que les travailleurs salariés ou assimilés de nationalité française qui exercent leur activité dans un pays étranger et qui ne sont pas ou ne sont plus soumis à la législation française de sécurité sociale en vertu d'une convention internationale ou de l'article L. 761-2 ont la faculté de s'assurer volontairement contre les risques de maladie et d'invalidité et les charges de la maternité, les risques d'accidents du travail et de maladie professionnelle, et d'adhérer à l'assurance volontaire contre le risque vieillesse prévue à l'article L. 742-1. Les entreprises de droit français peuvent, pour le compte des travailleurs salariés français qu'elles emploient à l'étranger, effectuer les formalités nécessaires à l'adhésion de ces personnes à ces assurances volontaires, et prendre en charge, en tout ou en partie, pour le compte du travailleur, les cotisations y afférentes. 6. Selon le dernier, l'obligation d'affiliation au régime d'assurance chômage s'applique à tout salarié, y compris les salariés détachés à l'étranger ainsi que les travailleurs français expatriés. 7. Pour dire que les salariés exerçant leur activité professionnelle à l'étranger sont soumis à la législation française de sécurité sociale en vertu de l'article L. 761-2 du code de la sécurité sociale, et confirmer le chef du redressement portant sur la réintégration dans l'assiette des cotisations dues par la société des primes de mobilité perçues par ces salariés, l'arrêt énonce que la société ne démontre pas que les contrats de travail la liant à ces derniers ont été suspendus, ni que les intéressés aient conclu un nouveau contrat de travail avec leur employeur à l'étranger, alors que les deux contrats d'expatriation signés par la société avec ses salariés comprennent déjà tous les éléments constitutifs d'un contrat de travail. Il ajoute que les bulletins de paie de la période d'expatriation confirment que la société est l'employeur des salariés, qu'elle cotise pour les assurances chômage et que l'adresse de ceux-ci est celle de leur résidence en France. Il constate que les salariés restent affiliés aux régimes de retraite et de prévoyance en France, qu'ils sont tous deux affiliés par les soins de l'employeur à la Caisse des Français de l'étranger, et que les cotisations afférentes à ces différents régimes sont à la charge de l'employeur. Il en déduit que les deux salariés ont été détachés au sens de l'article L. 761-2 du code de la sécurité sociale, peu important l'adhésion à la Caisse des Français de l'étranger dès lors que celle-ci est assimilée à une caisse du régime général de la sécurité sociale par l'arrêté du 9 mai 1988. 8. En statuant ainsi, par des motifs inopérants, alors qu'elle constatait que l'employeur ne s'était pas engagé à s'acquitter auprès de la caisse d'affiliation des salariés de l'intégralité des cotisations dues, ce dont il résultait que ces derniers n'étaient pas soumis à la législation française de sécurité sociale, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il confirme le chef de redressement n° 2 relatif aux indemnités de dépaysement ou d'expatriation et condamne en conséquence la société [2] à payer à l'URSSAF de Picardie la somme de 56 796 euros, augmentée des majorations de retard, l'arrêt rendu le 12 janvier 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ; Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens, autrement composée ; Condamne l'URSSAF de Picardie aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'URSSAF de Picardie et la condamne à payer à la société [2] la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize octobre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SARL Le Prado - Gilbert, avocat aux Conseils, pour la société [2] La société [2] reproche à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR confirmé le chef de redressement n°2 relatif aux indemnités de dépaysement et d'expatriation et de l'AVOIR condamnée en conséquence à verser à l'URSSAF de Picardie la somme de 56 796 euros augmentée des majorations de retard 1°) ALORS QUE le principe de territorialité de la législation française de sécurité sociale s'oppose à l'affiliation obligatoire au régime français de sécurité sociale des ressortissants français travaillant sur le territoire d'Etats avec lesquels la France n'est pas liée par des conventions et règlements internationaux et à l'assujettissement audit régime des rémunérations qui leur sont versées, leur soumission à la législation française de sécurité sociale en application de la seule loi française relevant d'une simple faculté et étant subordonnée à la condition que l'employeur s'engage à verser audit régime l'intégralité des cotisations dues ; qu'ayant constaté qu'il résultait des contrats d'expatriation du 26 février 2010 et du 27 octobre 2010 que MM. [E] et [W] avaient été mutés temporairement pour une durée de trois à quatre ans par la société [2] chez [2] (Chine) et [2] pour y exercer une activité salariée et que les contrats prévoyaient leur affiliation, par les soins de la société [2], à la Caisse des français de l'étranger et la prise en charge par cette société de l'intégralité des cotisations dues à cette caisse, la cour d'appel qui, pour valider la réintégration dans l'assiette des cotisations du régime général des indemnités de dépaysement et d'expatriation versées à MM. [E] et [W], a dit ces deux salariés soumis à la législation française de sécurité sociale en application de l'article L. 761-2 du code de la sécurité sociale peu important leur affiliation à la Caisse des français de l'étranger, n'a pas déduit de ses constatations les conséquences légales qui s'en évinçaient et a violé les articles L. 111-1, L. 111-2-2, L. 761-1, L. 761-2, L. 762-1 et L. 762-3 du code de la sécurité sociale, les deux premiers textes dans leur rédaction antérieure à la loi n°2015-1702 du 21 décembre 2015 applicable au litige et les deux derniers dans leur rédaction antérieure à la loi n°2018-1214 du 24 décembre 2018 applicable au litige ; 2°) ALORS QU'aux termes des articles L. 762-1 et L. 762-3 du code de la sécurité sociale, le travailleur salarié français qui réside à l'étranger et qui n'est pas soumis à la législation française de sécurité sociale en application d'une convention internationale ou en application de l'engagement unilatéral de l'employeur de l'article L. 761-2 du code de la sécurité sociale, a la faculté de s'assurer volontairement contre les risques maladie, maternité, invalidité, accidents du travail et maladies professionnelles et vieillesse, les entreprises pouvant, pour le compte des travailleurs salariés qu'elles emploient à l'étranger, effectuer les formalités nécessaires à leur adhésion au régime d'assurance volontaire et prendre en charge tout ou partie des cotisations dues par leurs salariés ; qu'ayant constaté qu'il résultait des contrats d'expatriation du 26 février 2010 et du 27 octobre 2010 que MM. [E] et [W] avaient été mutés temporairement pour une durée de trois à quatre ans par la société [2] chez [2] (Chine) et [2] pour y exercer une activité salariée et que les contrats prévoyaient leur affiliation, par les soins de la société [2], à la Caisse des français de l'étranger et la prise en charge par cette société de l'intégralité des cotisations dues, la cour d'appel qui, pour valider la réintégration dans l'assiette des cotisations du régime général des indemnités de dépaysement et d'expatriation versées à MM. [E] et [W], a dit ces deux salariés soumis à la législation française de sécurité sociale en application de l'article L. 761-2 du code de la sécurité sociale peu important leur affiliation à la Caisse des français de l'étranger, a violé les articles L. 111-1, L. 111-2-2, L. 761-1, L. 761-2, L. 762-1, L. 762-2 et L. 762-3 du code de la sécurité sociale, les deux premiers textes dans leur rédaction antérieure à la loi n°2015-1702 du 21 décembre 2015 applicable au litige et le dernier dans sa rédaction antérieure à la loi n°2018-1214 du 24 décembre 2018 applicable au litige ; 3°) ALORS QUE selon l'article L. 5422-13 du code du travail, tout employeur doit assurer contre le risque de privation d'emploi tout salarié, y compris les travailleurs salariés détachés à l'étranger ainsi que les travailleurs salariés français expatriés ; qu'ayant constaté qu'il résultait des contrats d'expatriation du 26 février 2010 et du 27 octobre 2010 que MM. [E] et [W] avaient été mutés temporairement pour une durée de trois à quatre ans par la société [2] chez [2] (Chine) et [2] pour y exercer une activité salariée et que les contrats prévoyaient leur affiliation, par les soins de la société [2], à la Caisse des français de l'étranger et la prise en charge par cette société de l'intégralité des cotisations dues, la cour d'appel, pour dire ces deux salariés soumis à la législation française de sécurité sociale en application de l'article L. 761-2 du code de la sécurité sociale peu important leur affiliation à la Caisse des français de l'étranger, a énoncé que les bulletins de salaire des intéressés indiquaient que l'employeur cotisait pour l'assurance chômage étant rappelé qu'en application de l'article L. 5422-13 du code du travail les travailleurs détachés dans les conditions fixées à l'article L. 762-1 du code de la sécurité sociale sont affiliés obligatoirement au régime français d'assurance chômage dès lors qu'ils travaillent pour un employeur établi en France ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles L. 111-1, L. 111-2-2, L. 761-1, L. 761-2, L. 762-1 et L. 762-2 du code de la sécurité sociale, les deux premiers textes dans leur rédaction antérieure à la loi n°2015-1702 du 21 décembre 2015 applicable au litige et le dernier dans sa rédaction antérieure à la loi n°2018-1214 du 24 décembre 2018 applicable au litige, ainsi que l'article L. 54422-13 du code du travail ; 4°) ALORS SUBSIDIAIREMENT QUE tout jugement doit être motivé à peine de nullité, le défaut de réponse à conclusions constituant un défaut de motif ; qu'en condamnant la société [2] à payer à l'URSSAF de Picardie la somme de 56 796 euros sans répondre aux conclusions d'appel de la société qui, invoquant le règlement qu'elle avait effectué du montant de la mise en demeure, à titre conservatoire, sollicitait la confirmation du jugement entrepris en ce que le tribunal des affaires de sécurité sociale avait condamné l'URSSAF de Picardie à lui rembourser la somme de 56 796 euros en conséquence de l'annulation du chef de redressement litigieux, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 13 octobre 2022 Cassation partielle M. PIREYRE, président Arrêt n° 1045 F-B Pourvoi n° Q 20-21.276 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 13 OCTOBRE 2022 Le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante, dont le siège est [Adresse 9], a formé le pourvoi n° Q 20-21.276 contre l'arrêt rendu le 25 août 2020 par la cour d'appel d'Amiens (2e chambre de la protection sociale), dans le litige l'opposant : 1°/ à Mme [G] [J], veuve [L], domiciliée [Adresse 6], 2°/ à Mme [E] [L], domiciliée [Adresse 2], 3°/ à M. [F]-[D] [L], domicilié [Adresse 5], 4°/ à la société [8], société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 1], prise en qualité de mandataire liquidateur de la société [7], 5°/ à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) des Flandres, dont le siège est [Adresse 3], 6°/ à M. [F]-[I] [L], domicilié [Adresse 4], défendeurs à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Cassignard, conseiller, les observations de la SARL Le Prado-Gilbert, avocat du Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante, de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie des Flandres, et l'avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l'audience publique du 6 septembre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Cassignard, conseiller rapporteur, Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, et Mme Catherine, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 25 août 2020), la caisse primaire d'assurance maladie des Flandres (la caisse) a reconnu le caractère professionnel, le 15 janvier 2015, de la maladie de [F] [L], salarié de la société [7] (l'employeur), puis, le 25 février 2015, de son décès. 2. Ses ayants droits ayant saisi une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (le FIVA), subrogé dans leurs droits suite à l'indemnisation qu'il leur a versée, est intervenu à l'instance. Sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 3. Le FIVA fait grief à l'arrêt de dire que les sommes par lui versées ou à verser aux ayants droit seront récupérées auprès de l'employeur, alors : « 1°/ qu'aux termes de l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale, la réparation des préjudices allouée en cas de faute inexcusable à la victime ou à ses ayants droit est versée directement aux bénéficiaires par la caisse primaire qui en récupère le montant auprès de l'employeur ; que le Fiva est subrogé dans les droits de la victime et de ses ayants droit qu'il a indemnisés, en application de l'article 53, VI de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000 ; que la cour d'appel a fixé à la somme totale de 176 715, 20 euros l'indemnisation des préjudices personnels de la victime et des préjudices moraux de ses ayants droit, a dit que le Fiva pourrait récupérer les sommes versées non pas sur la caisse mais sur l'employeur, auteur de la faute inexcusable, et que si le Fiva dirigeait sa demande à l'égard de la caisse, manifestement en raison du fait que la société était en liquidation judiciaire, seule la fixation de la créance du Fiva au passif de la liquidation judiciaire de la société pouvait être ordonnée par la cour ; que la cour d'appel qui, en conséquence, a fixé la créance du Fiva sur la société [7] et a dit que cette créance serait inscrite au passif de la liquidation judiciaire de la société à la diligence de son mandataire judicaire, a violé l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale, ensemble l'article 53, VI, de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000. » Réponse de la Cour Vu les articles L. 452-3 du code de la sécurité sociale et 53,VI de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000 : 4. Il résulte du second de ces textes que le fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante, subrogé, à due concurrence des sommes versées, dans les droits que possède le demandeur contre la personne responsable du dommage ainsi que contre les personnes ou organismes tenus à un titre quelconque d'en assurer la réparation totale ou partielle dans la limite du montant des prestations à la charge des dites personnes, est en droit de demander la fixation des préjudices indemnisables visés au premier de ces textes, et la condamnation, en tant que de besoin, de l'organisme social à lui rembourser, dans la limite des sommes qu'il a versées, celles correspondant à cette évaluation. 5. Pour dire que le FIVA peut récupérer sur l'employeur, auteur de la faute inexcusable, et non sur la caisse, les sommes versées ou à verser au titre des préjudices personnels de la victime et des préjudices moraux des ayants droit, l'arrêt retient que si le Fonds dirige sa demande à l'égard de la caisse, manifestement en raison du fait que l'employeur est en liquidation judiciaire, seule la fixation de sa créance au passif de cette procédure peut être ordonnée. 6. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a dit que les sommes versées ou à verser par le Fonds à hauteur de 176 715, 20 euros aux consorts [L] peuvent être récupérées sur la société [7], fixé la créance du Fonds sur la société à cette somme et dit que cette créance sera inscrite au passif de la liquidation judiciaire de la société à la diligence de son mandataire judiciaire, l'arrêt rendu le 25 août 2020, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ; Remet sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens, autrement composée. Condamne la caisse primaire d'assurance maladie des Flandres aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la caisse primaire d'assurance maladie des Flandres et la condamne à payer au Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize octobre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SARL Le Prado-Gilbert, avocat aux Conseils, pour le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante Le FIVA reproche à l'arrêt attaqué : D'AVOIR dit que les sommes versées ou à verser par le FIVA aux consorts [L] à hauteur de 176 715,20 euros peuvent être récupérées par le FIVA sur la société [7], d'AVOIR fixé en conséquence la créance du FIVA sur la société [7] à la somme de 176 715,20 euros, d'AVOIR dit que la créance du FIVA sur la société [7] sera inscrite au passif de la liquidation judiciaire de la société [7] à la diligence de son mandataire judiciaire, la SCP [8] (Maître [K] [H]) 1°) ALORS QU' aux termes de l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale, la réparation des préjudices allouée en cas de faute inexcusable à la victime ou à ses ayants droit est versée directement aux bénéficiaires par la caisse primaire qui en récupère le montant auprès de l'employeur ; que le FIVA est subrogé dans les droits de la victime et de ses ayants droit qu'il a indemnisés, en application de l'article 53, VI de la loi n°2000-1257 du 23 décembre 2000 ; que la cour d'appel a fixé à la somme totale de 176 715,20 euros l'indemnisation des préjudices personnels de M. [L] et des préjudices moraux de ses ayants droit, a dit que le FIVA pourrait récupérer les sommes versées non pas sur la CPAM des Flandres mais sur l'employeur, auteur de la faute inexcusable, et que si le FIVA dirigeait sa demande à l'égard de la caisse, manifestement en raison du fait que la société [7] était en liquidation judiciaire, seule la fixation de la créance du FIVA au passif de la liquidation judiciaire de la société [7] pouvait être ordonnée par la cour ; que la cour d'appel qui, en conséquence, a fixé la créance du FIVA sur la société [7] et a dit que cette créance serait inscrite au passif de la liquidation judiciaire de la société à la diligence de son mandataire judicaire, a violé l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale, ensemble l'article 53, VI de la loi n°2000-1257 du 23 décembre 2000 ; 2°) ALORS QUE, devant la cour d'appel, le FIVA a demandé qu'il soit jugé que la CPAM des Flandres devrait lui rembourser l'indemnisation versée aux ayants droit de M. [L] au titre des préjudices personnels de celui-ci et de leurs préjudices moraux tandis que la CPAM des Flandres a conclu qu'en cas de reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, elle serait tenue de faire l'avance des sommes allouées à la victime en réparation des différents préjudices subis en application des articles L. 452-2 et L. 452-3 du code de la sécurité sociale, et a demandé, en conséquence, la condamnation de la société [7] à lui rembourser les sommes dont elle devrait faire l'avance au titre de la faute inexcusable de l'employeur et la fixation du montant de sa créance dans la procédure collective de cette société ; qu'ayant fixé à la somme totale de 176 715,20 euros l'indemnisation des préjudices personnels de M. [L] et des préjudices moraux de ses ayants droit, la cour d'appel qui a dit que le FIVA pourrait récupérer les sommes versées non sur la CPAM des Flandres mais sur la société [7], a fixé sa créance sur cette société et a dit qu'elle serait inscrite au passif de sa liquidation judiciaire à la diligence de son mandataire judicaire, a méconnu l'objet du litige et a violé l'article 4 du code de procédure civile ; 3°) ALORS QUE le juge doit, en toutes circonstances, faire respecter et respecter lui-même le principe du contradictoire : qu'en relevant d'office le moyen pris de ce que les sommes versées par le FIVA en indemnisation des préjudices personnels de M. [L] et des préjudices moraux de ses ayants droit seraient récupérées non sur la caisse mais sur l'employeur, auteur de la faute inexcusable, sans le soumettre au préalable à la discussion des parties, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile.
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 13 octobre 2022 M. PIREYRE, président Arrêt n° 1066 FS-B Pourvoi n° E 21-14.785 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 13 OCTOBRE 2022 La caisse primaire d'assurance maladie du [Localité 5], dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° E 21-14.785 contre l'arrêt rendu le 28 janvier 2021 par la Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail (section : accidents du travail (A)), dans le litige l'opposant : 1°/ à la société [4], société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3], anciennement dénommée société [6], 2°/ au ministre chargé de la sécurité sociale, domicilié [Adresse 1], défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Dudit, conseiller référendaire, les observations de la SCP de Nervo et Poupet, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie du [Localité 5], de la SCP Le Bret-Desaché, avocat de la société [4], anciennement dénommée société [6], et l'avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l'audience publique du 6 septembre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Dudit, conseiller référendaire rapporteur, Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, Mmes Coutou, Renault-Malignac, M. Rovinski, Mmes Cassignard, Lapasset, M. Leblanc, conseillers, Mme Vigneras, M. Labaune, conseillers référendaires, M. de Monteynard, avocat général, et Mme Catherine, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance et des accidents du travail, 28 janvier 2021), le 11 février 2004, la caisse primaire d'assurance maladie du [Localité 5] (la caisse) a pris en charge, au titre de la législation professionnelle, l'accident dont a été victime l'une des salariées de la société [6], aux droits de laquelle vient la société [4] (l'employeur). 2. Par décision du 15 juin 2007, la caisse a notifié à la victime un taux d'incapacité permanente partielle de 10 %. 3. Le 11 mai 2015, l'employeur a saisi d'un recours une juridiction du contentieux technique. Examen du moyen Enoncé du moyen 4. La caisse fait grief à l'arrêt de déclarer recevable le recours de l'employeur contre la décision attributive de rente, alors « que l'action de l'employeur tendant à contester le bien-fondé de la décision d'une caisse primaire d'assurance maladie relative aux conséquences d'un accident du travail (taux d'IPP), est au nombre des actions qui se prescrivent par cinq ans en application de l'article 2224 du code civil ; que la cour d'appel ne pouvait donc écarter la prescription quinquennale ; qu'en le faisant, elle a violé l'article 2224 du code civil. » Réponse de la Cour Vu les articles 2224 du code civil, R. 143-7, alinéa 2, et R. 434-32 du code de la sécurité sociale, le deuxième dans sa rédaction issue du décret n° 2005-1678 du 28 décembre 2005, alors en vigueur, le troisième dans sa rédaction issue du décret n° 2006-111 du 2 février 2006 : 5. Selon le premier de ces textes, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. 6. Il résulte des deux derniers que l'information donnée par la caisse à l'employeur sur le taux d'incapacité permanente partielle attribué à la victime d'un accident ou d'une maladie prise en charge au titre de la législation professionnelle ne constitue pas une notification et ne fait pas courir contre lui le délai de recours contentieux de deux mois. 7. Dans la continuité d'un arrêt du 9 mai 2019 (2e Civ., 9 mai 2019, pourvoi n° 18-10.909), relatif au recours en inopposabilité de l'employeur, la Cour de cassation a, dans un arrêt du 22 octobre 2020 (2e Civ., 22 octobre 2020, pourvoi n° 19-17.130), décidé que l'action en contestation du taux d'incapacité permanente partielle ne revêtait pas le caractère d'une action au sens de l'article 2224 du code civil. 8. Cependant, la Cour de cassation a jugé depuis lors, par des arrêts du 18 février 2021 (2e Civ., 18 février 2021, pourvoi n° 19-25.886 et pourvoi n° 19-25.887), que l'action de l'employeur tendant à contester l'opposabilité ou le bien-fondé de la décision d'une caisse primaire d'assurance maladie de reconnaissance du caractère professionnel d'un accident, d'une maladie ou d'une rechute est au nombre des actions qui se prescrivent par cinq ans en application de l'article 2224 du code civil. 9. Le réexamen de la question de l'application de la prescription quinquennale au recours en contestation du taux d'incapacité permanente partielle par l'employeur, est, dès lors, justifié. 10. Le recours ouvert à l'employeur pour contester la décision d'une caisse primaire attribuant un taux d'incapacité permanente partielle à la victime d'un accident du travail, d'une maladie professionnelle ou d'une rechute constitue une action en justice. 11. En conséquence, en l'absence de texte spécifique, cette action est au nombre de celles qui se prescrivent par cinq ans en application de l'article 2224 du code civil. 12. Pour déclarer recevable l'action de l'employeur, l'arrêt retient qu'il n'était pas établi que ce dernier ait reçu notification de la décision contestée, de sorte que la caisse ne peut lui opposer la forclusion de son action devant le tribunal du contentieux de l'incapacité, peu important que l'employeur ait eu connaissance du taux d'incapacité permanente partielle par le biais de son compte employeur annuel adressé par la caisse régionale d'assurance maladie plus de cinq ans auparavant. 13. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé, par refus d'application, le premier des textes susvisés. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 28 janvier 2021, entre les parties, par la Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rennes. Condamne la société [4], anciennement dénommée société [6], aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize octobre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP de Nervo et Poupet, avocat aux Conseils, pour la caisse primaire d'assurance maladie du [Localité 5] Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR déclaré recevable le recours de la société [6] contre la décision attributive de rente du 15 juin 2017 ALORS QUE l'action de l'employeur tendant à contester le bien-fondé de la décision d'une Caisse primaire d'assurance maladie relative aux conséquences d'un accident du travail (taux d'IPP), est au nombre des actions qui se prescrivent par cinq ans en application de l'article 2224 du code civil ; que la Cour d'appel ne pouvait donc écarter la prescription quinquennale ; qu'en le faisant, elle a violé l'article 2224 du code civil.
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 13 octobre 2022 Cassation sans renvoi M. PIREYRE, président Arrêt n° 1037 F-B Pourvoi n° V 21-13.373 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 13 OCTOBRE 2022 La caisse primaire d'assurance maladie du Rhône, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° V 21-13.373 contre l'arrêt rendu le 13 janvier 2021 par la cour d'appel de Rennes (9e chambre sécurité sociale), dans le litige l'opposant à la société [3], société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Renault-Malignac, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône, et l'avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l'audience publique du 6 septembre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Renault-Malignac, conseiller rapporteur, Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, et Mme Catherine, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 13 janvier 2021), par lettre du 15 juillet 2008, la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône (la caisse) a informé la société [3] (l'employeur) de sa décision de prendre en charge, au titre de la législation professionnelle, l'accident dont l'une de ses salariées a été victime le 27 mai 2008. 2. Après avoir vainement saisi, le 11 mars 2015, la commission de recours amiable de la caisse d'une contestation de l'opposabilité de cette décision, l'employeur a porté son recours, le 28 novembre 2016, devant une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale. Examen des moyens Sur le premier moyen Enoncé du moyen 3. La caisse fait grief à l'arrêt de déclarer recevable le recours de l'employeur et de déclarer inopposable à celui-ci la décision de prise en charge, alors « que le délai de prescription de droit commun court à compter du jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; que par suite, s'agissant de l'action en inopposabilité de la prise en charge d'une maladie professionnelle formée par l'employeur, la prescription court à compter du jour où il a eu connaissance de cette prise en charge, peu important qu'aucune décision précisant les délais et voies de recours lui ait été notifiée ; qu'en jugeant l'inverse, la cour d'appel a violé l'article 2224 du code civil. » Réponse de la Cour Vu les articles 2224 du code civil, R. 142-18 et R. 441-14 du code de la sécurité sociale, le deuxième dans sa rédaction antérieure au décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018 et le dernier dans sa rédaction antérieure au décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009, applicables au litige : 4. Selon le premier de ces textes, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. 5. En l'absence de texte spécifique, l'action de l'employeur aux fins d'inopposabilité de la décision de la caisse de reconnaissance du caractère professionnel de l'accident, de la maladie ou de la rechute est au nombre des actions qui se prescrivent par cinq ans en application de l'article 2224 du code civil. 6. Il résulte de ces textes que le délai de la prescription de l'action de l'employeur aux fins d'inopposabilité de la décision de la caisse de reconnaissance du caractère professionnel de l'accident, de la maladie ou de la rechute court à compter du jour où il a eu une connaissance effective de cette décision. 7. Pour rejeter la fin de non-recevoir soulevée par la caisse et dire recevable l'action de l'employeur, l'arrêt relève que l'employeur ne conteste pas avoir reçu le courrier du 15 juillet 2008 l'informant de la décision de prise en charge de l'accident, au titre de la législation professionnelle. Il énonce qu'aucune prescription du droit d'agir ne saurait être opposée à l'employeur au motif que les conséquences de cette prise en charge ont été imputées à son compte depuis plus de cinq ans lorsqu'il a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale, dès lors qu'il n'est justifié d'aucune notification de cette décision lui faisant grief et précisant les délais et voies de recours. 8. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que l'employeur avait eu connaissance de la décision de prise en charge, au titre de la législation professionnelle, de l'accident de sa salariée, par l'information qu'il en avait reçue, plus de cinq années avant de former un recours contre cette décision, de sorte que son action était prescrite, la cour d'appel a violé les textes susvisés. Portée et conséquences de la cassation 9. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile. 10. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond. 11. Il résulte des énonciations du point 8 qu'il y a lieu de déclarer prescrite l'action de l'employeur aux fins d'inopposabilité de la décision de la caisse de reconnaissance du caractère professionnel de l'accident de sa salariée. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 13 janvier 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; Déclare irrecevable comme prescrite l'action de la société [3] aux fins d'inopposabilité de la décision de la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône de reconnaissance du caractère professionnel de l'accident de Mme [J] du 27 mai 2008. Condamne la société [3] aux dépens, en ce compris ceux exposés devant la cour d'appel de Rennes ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société [3] à payer à la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize octobre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Rhône PREMIER MOYEN DE CASSATION La CPAM du Rhône fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR déclaré recevable le recours exercé contre la décision de prise en charge de l'accident déclaré par Mme [J] et la décision de rejet explicite de la commission de recours amiable, ALORS QUE le délai de prescription de droit commun court à compter du jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; que par suite, s'agissant de l'action en inopposabilité de la prise en charge d'une maladie professionnelle formée par l'employeur, la prescription court à compter du jour où il a eu connaissance de cette prise en charge, peu important qu'aucune décision précisant les délais et voies de recours lui ait été notifiée ; qu'en jugeant l'inverse, la cour d'appel a violé l'article 2224 du code civil. SECOND MOYEN DE CASSATION La CPAM du Rhône fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR déclaré inopposable à la société [3] la décision de prise en charge de l'accident du travail du 27 mai 2008 déclaré par Mme [J], ALORS QUE dispose d'un délai utile suffisant l'employeur disposant de six jours ouvrés pour consulter les pièces du dossier établi par la Caisse et faire valoir ses observations avant qu'elle ne prenne sa décision sur le caractère professionnel de l'accident ; qu'en considérant en l'espèce que le délai utile de six jours dont bénéficiait l'employeur était insuffisant pour lui permettre de consulter le dossier de la Caisse et formuler des observations, la cour d'appel a violé l'article R. 441-11 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009.
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 6 octobre 2022 Cassation partielle M. PIREYRE, président Arrêt n° 1035 F-B Pourvoi n° B 20-19.723 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 6 OCTOBRE 2022 1°/ M. [K] [H], domicilié [Adresse 2], 2°/ la société SK avocat, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], ont formé le pourvoi n° B 20-19.723 contre l'ordonnance n° RG 19/00935 rendue le 7 juillet 2020 par le premier président de la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1, 11 OP), dans le litige les opposant à M. [W] [G], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Pradel, conseiller référendaire, les observations de la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de M. [H] et de la société SK avocat, de Me Descorps-Declère, avocat de M. [G], et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 30 août 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Pradel, conseiller référendaire rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen,et M. Carrasco, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Aix-en-Provence, 7 juillet 2020), M. [G] a chargé M. [H] (l'avocat) de la défense de ses intérêts dans un litige l'opposant à son ex-compagne au sujet, notamment, des droits de garde, de visite et d'hébergement sur leur fille mineure. 2. Le 9 juillet 2018, l'avocat a émis une facture d'honoraires que M. [G] a contestée devant le bâtonnier de l'ordre des avocats. Examen du moyen Sur le moyen, pris en ses première, deuxième et troisième branches, ci-après annexé 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le moyen, pris en sa quatrième branche Enoncé du moyen 4. M. [H] fait grief à l'ordonnance de fixer les honoraires qui lui sont dus par M. [G], en ce qu'il représente en tant que de besoin la société SK Avocat, à la somme de 3 000 euros TTC et de dire qu'il devra, ès qualités, rembourser à M. [G] un trop-perçu de 800 euros TTC, alors « que le juge ne peut fonder sa décision sur des faits qui ne sont pas dans le débat ; qu'en retenant un taux horaire moyen de 200 euros HT pratiqué par les avocats dans le ressort de la cour d'appel d'Aix-en-Provence pour fixer les honoraires dus par monsieur [G] à son avocat, quand ce fait n'était pas dans le débat, le premier président a violé l'article 7 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Vu l'article 7 du code de procédure civile : 5. Selon ce texte, le juge ne peut fonder sa décision sur des faits qui ne sont pas dans le débat. 6. Pour fixer les honoraires dûs à M. [H], l'ordonnance retient qu'à défaut pour ce dernier d'avoir notifié un taux de rémunération horaire à son client, il sera fait application du taux horaire moyen de 200 euros HT pratiqué par les avocats dans le ressort de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, l'affaire confiée par M. [G] ne présentant aucune difficulté particulière. 7. En statuant ainsi, alors qu'il énonçait que les parties avaient repris oralement à l'audience les termes de leurs écritures et qu'il ne résultait ni de ces écritures ni des pièces de la procédure que le taux horaire moyen pratiqué par les avocats dans le ressort de la cour d'appel d'Aix-en-Provence est de 200 euros HT, le premier président, qui a fondé sa décision sur un fait qui n'était pas dans le débat, a violé le texte susvisé. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'elle déclare recevable le recours formé par M. [H] à l'encontre de la décision du bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Marseille en date du 10 décembre 2018 et rejette les fins de non recevoir soulevées par M. [H], l'ordonnance rendue le 7 juillet 2020, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cette ordonnance et les renvoie devant la juridiction du premier président de la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée. Condamne M. [G] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [G] et le condamne à payer à M. [H] la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance partiellement cassée ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six octobre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat aux Conseils, pour M. [H] et la société SK avocat Maître [K] [H] fait grief à l'ordonnance attaquée d'avoir fixé les honoraires dus par monsieur [W] [G] à la somme de 3 000 euros toutes taxes comprises, d'avoir fixé les honoraires dus par monsieur [W] [G] à maître [K] [H], en ce qu'il représente en tant que de besoin la société SK Avocat, à la somme de 3 000 euros toutes taxes comprises et d'avoir dit que ce dernier, en ce qu'il représente en tant que de besoin la société SK Avocat, devrait rembourser un trop-perçu de 800 euros toutes taxes comprises à monsieur [W] [G] ; 1) Alors qu'en relevant, pour déclarer recevable la contestation d'honoraires dirigée à l'encontre de maître [K] [H], que ce dernier n'avait pas produit aux débats l'extrait K-bis démontrant qu'il exerçait sous la forme d'une société à responsabilité limitée d'exercice libérale, document pourtant visé sous le numéro 6 du bordereau de pièces annexé à ses conclusions, dont il était constaté qu'elles avaient été déposées à l'audience et dont la communication n'avait pas été contestée par l'autre partie, sans avoir invité préalablement les parties à s'expliquer sur l'absence à son dossier de cet élément de preuve, le premier président a méconnu le principe de la contradiction et violé l'article 16 du code de procédure civile ; 2) Alors qu'une personne morale est dotée d'une personnalité juridique distincte de celle de son représentant légal et de celle de ses associés ; qu'en se fondant sur la considération impropre que maître [H] représentait nécessairement la Selarl SK Avocat dont il revendiquait l'existence et indiquait être le seul associé, quand une telle circonstance n'était pas de nature à caractériser que la société SK Avocat, dotée d'une personnalité juridique distincte de celle de son dirigeant et associé unique, avait été attraite à l'instance, le premier président a violé l'article 31 du code de procédure civile ; 3) Alors qu'en retenant l'absence de convention d'honoraires, ne serait-ce que partielle, sans répondre au moyen, clair et opérant, par lequel l'avocat faisait valoir (conclusions, pp. 7-8), preuves à l'appui, que le client avait donné son accord préalable, par courrier électronique du 22 janvier 2018, à la facturation d'une somme complémentaire de 1 000 euros hors taxes pour la rédaction des conclusions devant le juge aux affaires familiales, le premier président, qui n'a pas suffisamment motivé sa décision, a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ; 4) Alors que le juge ne peut fonder sa décision sur des faits qui ne sont pas dans le débat ; qu'en retenant un taux horaire moyen de 200 euros hors taxes pratiqué par les avocats dans le ressort de la cour d'appel d'Aix-en-Provence pour fixer les honoraires dus par monsieur [G] à son avocat, quand ce fait n'était pas dans le débat, le premier président a violé l'article 7 du code de procédure civile ; 5) Alors qu'en ne précisant pas sur quel élément de preuve il se fondait pour considérer que le taux horaire moyen pratiqué par les avocats dans le ressort de la cour d'appel d'Aix-en-Provence était de 200 euros hors taxes, le premier président a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 6) Alors qu'en l'absence de convention entre l'avocat et son client, les honoraires sont fixés par le juge taxateur, selon les usages, en fonction de la situation de fortune du client, de la difficulté de l'affaire, des frais exposés par l'avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci ; qu'en retenant un taux horaire moyen de 200 euros hors taxes pratiqué par les avocats dans le ressort de la cour d'appel d'Aix-en-Provence pour fixer les honoraires dus par monsieur [G] à son avocat, cependant qu'un tel critère n'est pas au nombre de ceux sur lesquels le juge de l'honoraire doit se fonder pour apprécier les honoraires dus, le premier président a violé l'article 10 de la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971 ; 7) Alors qu'en condamnant l'avocat au remboursement de la somme de 800 euros toutes taxes comprises à monsieur [G], quand il avait réduit à la somme de 960 euros toutes taxes comprises une prestation facturée 1 600 euros toutes taxes comprises, de sorte que le trop-perçu était de 640 euros toutes taxes comprises, le premier président, qui s'est contredit, privant sa décision de motifs, a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile.
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 2 / MDTRS COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 6 octobre 2022 Annulation partielle M. PIREYRE, président Arrêt n° 1020 F-B Recours n° T 22-60.088 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 6 OCTOBRE 2022 M. [K] [B], domicilié [Adresse 1], a formé le recours n° T 22-60.088 en annulation d'une décision rendue le 17 novembre 2021 par l'assemblée générale des magistrats du siège de la cour d'appel de Metz. Le demandeur invoque, à l'appui de son recours, les cinq griefs annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Ittah, conseiller référendaire, les observations de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de M. [B], et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 30 août 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Ittah, conseiller référendaire rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et M. Carrasco, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. M. [B] a sollicité son inscription sur la liste des médiateurs de la cour d'appel de Metz. 2. Par décision du 17 novembre 2021, contre laquelle M. [B] a formé un recours, l'assemblée générale des magistrats du siège de cette cour d'appel a rejeté sa demande. Examen des griefs Sur le premier grief Exposé du grief 3. M. [B] fait valoir que l'assemblée générale a violé l'article 2 du décret du 9 octobre 2017 en ce qu'elle s'est déterminée au regard de sa seule expérience professionnelle, sans apprécier sa candidature à l'aune de la condition tenant à la formation, alors qu'il avait justifié de l'obtention des diplômes universitaires 1 et 2 délivrés par l'Ifomene, du suivi de modules de formation continue consacrés à la médiation, et de sa participation à des ateliers d'échanges ou d'analyse de pratique et de supervision. Réponse de la Cour Vu l'article 2, 3°, du décret n° 2017-1457 du 9 octobre 2017 : 4. Il résulte de ce texte qu'une personne physique ne peut être inscrite sur la liste des médiateurs près la cour d'appel que si elle justifie d'une formation ou d'une expérience attestant l'aptitude à la pratique de la médiation. Il s'en déduit que l'assemblée générale doit procéder à une appréciation globale de l'aptitude du candidat à la pratique de la médiation, au regard de ces deux critères. 5. Pour rejeter la demande de M. [B], l'assemblée générale des magistrats du siège de la cour d'appel se borne à retenir son absence d'expérience dans le domaine de la médiation, avant le dépôt de sa candidature. 6. En statuant ainsi, sans apprécier les mérites de cette candidature au regard du critère de la formation, l'assemblée générale a violé le texte susvisé. Et sur le troisième grief Exposé du grief 7. M. [B] fait valoir que l'assemblée général de la cour d'appel de Metz a violé l'article 2 du décret du 9 octobre 2017 en ce qu'elle s'est déterminée par un critère étranger à ce texte en retenant que sa profession d'avocat l'exposait à un risque de conflits d'intérêts. Réponse de la Cour Vu l'article 2 du décret n° 2017-1457 du 9 octobre 2017 : 8. Il résulte de ce texte qu'une personne physique ne peut être inscrite sur la liste des médiateurs près la cour d'appel que si elle n'a pas fait l'objet d'une condamnation, d'une incapacité ou d'une déchéance mentionnées sur le bulletin n° 2 du casier judiciaire, n'a pas été l'auteur de faits contraires à l'honneur, à la probité et aux bonnes moeurs ayant donné lieu à une sanction disciplinaire ou administrative de destitution, radiation, révocation, de retrait d'agrément ou d'autorisation, et justifie d'une formation ou d'une expérience attestant l'aptitude à la pratique de la médiation. 9. Pour rejeter la demande de M. [B], l'assemblée générale des magistrats du siège de la cour d'appel retient un risque de conflits d'intérêts liés à la profession exercée. 10. En se déterminant ainsi, par un motif tiré de critères étrangers au texte susvisé, l'assemblée générale a méconnu ce dernier. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du recours, la Cour : ANNULE la décision de l'assemblée générale des magistrats du siège de la cour d'appel de Metz en date du 17 novembre 2021, en ce qu'elle a refusé l'inscription de M. [B]. Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de la décision partiellement annulée ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six octobre deux mille vingt-deux. GRIEFS ANNEXÉS au présent arrêt Griefs produits par la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat aux Conseils, pour M. [B] M. [B] adresse les cinq griefs suivants à la décision attaquée qui seront détaillés ci-après. Il soutient : 1°) que l'aptitude à la pratique de la médiation est appréciée au regard de la formation et de l'expérience du candidat ; que, pour refuser d'inscrire M. [B] sur la liste de la cour d'appel de Metz, l'assemblée des magistrats retient qu'il ne justifie pas d'une expérience professionnelle suffisante dans le domaine de la médiation et de la réalisation de médiations avant le dépôt de sa candidature ; qu'en se déterminant au regard de la seule expérience professionnelle de M. [B] pour apprécier son aptitude à la pratique de la médiation sans tenir compte de la formation qu'il a suivie et spécialement de ses diplômes universitaires 1 et 2 délivrés par l'IFOMENE et des modules de formation continue et ateliers d'échanges ou d'analyse de pratique et supervision qu'il a suivis, l'assemblée des magistrats de la cour d'appel de Metz a violé l'article 2 du décret du 9 octobre 2017 ; 2°) que M. [B] exposait avoir réalisé cinq médiations conventionnelles et sept médiations judiciaires au cours des trois années précédant sa demande ; qu'en décidant que M. [B] ne justifiait pas d'une expérience professionnelle suffisante dans le domaine de la médiation et de la réalisation de médiations avant le dépôt de sa candidature, l'assemblée des magistrats de la cour d'appel de Metz a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation et méconnu l'article 2 du décret du 9 octobre 2017 ; 3°) que l'article 2 du décret du 9 octobre 2017 prévoit des conditions limitatives pour inscrire un médiateur sur les listes de médiateurs près la cour d'appel, tenant à l'absence de condamnation, d'une incapacité ou d'une déchéance mentionnées sur le bulletin n°2 du casier judiciaire, à l'absence de sanction disciplinaire ou administrative de destitution, radiation, révocation, de retrait d'agrément ou d'autorisation prise à la suite de l'accomplissement de faits contraires à l'honneur, à la probité et aux bonnes m?urs et à la justification d'une formation ou d'une expérience attestant de l'aptitude à la pratique de la médiation ; qu'en retenant, pour refuser d'inscrire M. [B] sur la liste de la cour d'appel de Metz, que la profession qu'il exerçait, avocat, l'exposait à un risque de conflits d'intérêts, l'assemblée des magistrats de la cour d'appel de Metz s'est déterminée par un motif étranger à l'article 2 du décret du 9 octobre 2017, en violation de cet article ; 4°) qu'en tout état de cause, l'exercice de la profession d'avocat est compatible avec les fonctions de médiateur, et spécialement avec l'indépendance exigée pour les médiateurs ; qu'en retenant, pour refuser d'inscrire M. [B] sur la liste de la cour d'appel de Metz, que la profession qu'il exerçait, avocat, l'exposait à un risque de conflits d'intérêts, l'assemblée des magistrats de la cour d'appel de Metz a violé l'article 2 du décret du 9 octobre 2017, ensemble l'article 131-5 du code de procédure civile ; 5°) que, subsidiairement, à supposer que le risque d'être exposé à des conflits d'intérêts résultant de la pratique de la profession d'avocat visait spécifiquement M. [B] et non la profession dans son ensemble, en se déterminant de la sorte, quand aucun élément du dossier ne permettait d'établir ou même de soupçonner que M. [B] risquait d'être exposé à des conflits d'intérêts, l'assemblée des magistrats de la cour d'appel de Metz a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation et méconnu l'article 2 du décret du 9 octobre 2017.
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 6 octobre 2022 Cassation partielle M. PIREYRE, président Arrêt n° 1025 F- B Pourvoi n° R 21-16.060 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 6 OCTOBRE 2022 1°/ la société Liberty Seguros, dont le siège est [Adresse 3] (Espagne), venant aux droits de la société Ercos, 2°/ L'association le Bureau central français, dont le siège est [Adresse 1], ont formé le pourvoi n° R 21-16.060 contre l'arrêt rendu le 2 mars 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 4- chambre 8), dans le litige les opposant à la société GMF assurances, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation. Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Ittah, conseiller référendaire, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de la société Liberty Seguros et de l'association le Bureau central français, de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de la société GMF assurances, et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 30 août 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Ittah, conseiller référendaire rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et M. Carrasco, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 2 mars 2021) et les productions, le 11 avril 1987, une collision s'est produite en France entre le véhicule conduit par M. [F] [E], de nationalité espagnole, assuré auprès de la société Ercos, aux droits de laquelle vient la société Liberty Seguros, et celui conduit par M. [N], assuré auprès de la société GMF assurances (la société GMF), accident au cours duquel Mme [H] [N], alors âgée de onze mois, a été grièvement blessée. 2. Par jugement du 2 décembre 1993, la société Ercos, l'association le Bureau central français (le BCF) et la société GMF ont été condamnées in solidum à indemniser intégralement le préjudice subi par Mme [H] [N] et ses parents (les consorts [N]), les deux premières étant tenues à indemnisation dans la limite de cinq millions de francs (762 245,09 euros) pour chaque victime. 3. A la suite du dépôt du rapport d'expertise médicale, la cour d'appel de Montpellier, par arrêt du 23 mars 2010, a condamné notamment la société GMF, la société Liberty Seguros et le BCF à verser à Mme [H] [N] diverses sommes en réparation de ses préjudices, a fait droit à la demande de doublement des intérêts légaux tant à l'encontre de la société GMF que de la société Liberty Seguros et a condamné in solidum ces deux sociétés pour la période allant du 14 avril 2007 à la date de la décision, par parts viriles entre elles, et la société GMF seule pour la période antérieure du 8 décembre 2003 au 13 avril 2007. 4. Statuant sur le pourvoi formé contre cet arrêt par les consorts [N], la Cour de cassation (2e Civ., 12 mai 2011, pourvoi n° 10-17.148) a cassé et annulé l'arrêt de la cour d'appel de Montpellier, mais seulement, s'agissant du doublement des intérêts légaux, en ses dispositions déboutant Mme [H] [N] de sa demande tendant à ce doublement pour la période antérieure au 8 décembre 2003 et disant que l'assiette des pénalités allouées par la cour d'appel, pour la période allant du 8 décembre 2003 à la date de l'arrêt, ne s'appliquera que sur les rentes pour les sommes payables par rente trimestrielle et qu'il convient de déduire des sommes allouées, celles déjà versées à titre provisionnel ou en exécution de la décision entreprise. 5. Par arrêt du 14 mai 2013, la cour d'appel de renvoi a dit que le doublement du taux de l'intérêt légal s'appliquerait à la totalité des indemnités allouées à compter du 11 avril 1988 et jusqu'au terme fixé par la cour d'appel de Montpellier dans son arrêt, sauf à ajouter qu'il s'appliquerait aux indemnités supplémentaires allouées par la cour jusqu'à cet arrêt, et a condamné in solidum la société Liberty Seguros et le BCF à payer à Mme [H] [N] le doublement des intérêts au taux légal du 11 avril 1988 au 23 juillet 1991 et in solidum la société Liberty Seguros, le BCF et la société GMF à payer à Mme [H] [N] le doublement des intérêts au taux légal pour la période postérieure au 23 juillet 1991 dans les conditions fixées par la cour d'appel de Montpellier dans son arrêt du 23 mars 2010. 6. Par ailleurs, M. [F] [E], faisant valoir qu'il n'avait jamais reçu signification d'un quelconque acte de procédure avant octobre 2009, a relevé appel le 12 mars 2010 du jugement du 2 décembre 1993. 7. Par arrêt du 4 novembre 2014, la cour d'appel de Montpellier a, notamment, infirmé le jugement du 2 décembre 1993 en ce qu'il a dit que la société Liberty Seguros, et le BCF, étaient tenus à indemnisation des consorts [N] dans une certaine limite et statuant à nouveau sur ce chef, a dit que la société Liberty Seguros et le BCF seraient tenus in solidum à garantie illimitée des conséquences de l'accident. 8. La société GMF, subrogée dans les droits de la victime, a assigné le BCF et la société Liberty Seguros en remboursement des sommes avancées à la victime. Examen des moyens Sur le premier moyen et le second moyen, pris en sa première branche, ci-après annexés 9. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui sont irrecevables. Mais sur le second moyen, pris en sa seconde branche Enoncé du moyen 10. La société Liberty seguros et le BCF font grief à l'arrêt de décider que la question du caractère illimité de la garantie due par eux a été définitivement tranchée par l'arrêt de la cour d'appel de Montpellier du 4 novembre 2014, de décider de la prise en charge par eux des règlements effectués par la société GMF, puis de dire qu'ils devront assumer le coût total des conséquences dommageables du sinistre, y compris le doublement des intérêts au taux légal quelle que soit la période concernée, alors « que le doublement des intérêts au taux légal sanctionne l'absence de diligences de l'assureur devant fournir une offre d'indemnisation ; qu'en faisant supporter à la société Liberty seguros et au BCF la charge d'assumer le doublement du taux d'intérêt infligé à la société GMF à raison de son absence de diligences, les juges du fond ont violé l'article L. 211-13 du code des assurances. » Réponse de la Cour Vu les articles L. 211-9 et L. 211-13 du code des assurances : 11. Il résulte de ces textes que l'assureur qui garantit la responsabilité du conducteur d'un véhicule impliqué dans un accident de la circulation est tenu de présenter à la victime une offre d'indemnité comprenant tous les éléments indemnisables du préjudice et que lorsque l'offre n'a pas été faite dans les délais impartis par le premier texte, le montant de l'indemnité offerte par l'assureur ou allouée par le juge à la victime produit intérêts de plein droit, au double du taux de l'intérêt légal, à compter de l'expiration du délai et jusqu'au jour de l'offre ou du jugement devenu définitif. 12. Pour dire que la société Liberty Seguros et le BCF devront assumer le coût total des conséquences dommageables résultant du sinistre, y compris du doublement des intérêts au taux légal quelle que soit la période concernée, l'arrêt énonce que la décision de la cour d'appel de Montpellier du 4 novembre 2014, exécutoire et « définitive », dispose que la société Liberty Seguros et le BCF seront tenus in solidum à garantie illimitée des conséquences de l'accident survenu le 11 avril 1987 au préjudice de Mme [H] [N] et de ses parents et qu'il en résulte que la société Liberty Seguros, assureur du tiers responsable, ainsi que le BCF, qui étaient légalement tenus en application de l'article L. 221-20 du code des assurances de présenter une offre à la victime, quelle que soit l'étendue de la garantie, doivent assumer le coût total des conséquences dommageables résultant du sinistre, comprenant le doublement des intérêts au taux légal, quelle que soit la période concernée. 13. En statuant ainsi, alors que la sanction du doublement du taux de l'intérêt légal, qui a un objet distinct de la condamnation à réparer les conséquences dommageables du sinistre, avait été prononcée notamment contre la société GMF en raison du non-respect de son obligation propre de présenter une offre dans les délais légaux, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que la société Liberty Seguros et l'association le Bureau central français devront assumer le coût total des conséquences dommageables résultant du sinistre et en conséquence, y compris du doublement des intérêts au taux légal quelle que soit la période concernée, l'arrêt rendu entre les parties le 2 mars 2021 par la cour d'appel de Paris ; Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée. Condamne la société GMF assurances aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société GMF assurances et la condamne à payer à la société Liberty Seguros et à l'association le Bureau central français la somme globale de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six octobre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour la société Liberty Seguros et l'association le Bureau central français. PREMIER MOYEN DE CASSATION L'arrêt, critiqué par la compagnie Liberty seguros et le bureau central français, encourt la censure ; EN CE QU'il a, infirmant le jugement, décidé que la question du caractère illimité de la garantie due par Liberty seguros et le bureau central français a été définitivement tranchée par l'arrêt de la cour d'appel de Montpellier du 4 novembre 2014, et décidé de la prise en charge par Liberty seguros et le bureau central français des règlements effectués par la GMF, puis dit que Liberty seguros et le bureau central français devront assumer le coût total des conséquences dommageables du sinistre, et débouté la compagnie Liberty seguros et le bureau central français de leur demande de condamnation de la GMF à payer les sommes mises à leur charge en exécution de l'arrêt rendu par la cour d'appel de Montpellier le 23 mars 2010 et l'arrêt de la cour d'appel de Toulouse du 14 mai 2013 au-delà du plafond de 762 195 euros ; ALORS QUE, premièrement, l'autorité de chose jugée ne peut être opposée que si la demande a lieu entre les mêmes parties ; qu'en décidant que Liberty seguros et le bureau central français ne pouvaient plus se prévaloir à l'encontre de la GMF du caractère limité de leur garantie, la question ayant été « définitivement tranchée » dans un arrêt rendu à leur encontre, mais à la requête de Madame [N], les juges du fond ont violé l'article 1351 ancien devenu 1355 du code civil ; ALORS QUE, deuxièmement, en déclarant recevable la demande de la société GMF, qui a pourtant laissé croire pendant plus de dix-sept ans qu'elle se satisfaisait du jugement du 2 décembre 1993, les juges du fond ont violé le principe suivant lequel nul ne peut se contredire au détriment d'autrui. SECOND MOYEN DE CASSATION L'arrêt, critiqué par la compagnie Liberty seguros et le bureau central français, encourt la censure ; EN CE QU'il a, infirmant le jugement, décidé que la question du caractère illimité de la garantie due par Liberty seguros et le bureau central français a été définitivement tranchée par l'arrêt de la cour d'appel de Montpellier du 4 novembre 2014, et décidé de la prise en charge par Liberty seguros et le bureau central français des règlements effectués par la GMF, puis dit que Liberty seguros et le bureau central français devront assumer le coût total des conséquences dommageables du sinistre, y compris le doublement des intérêts au taux légal quelle que soit la période concernée ; ALORS QUE, premièrement, l'autorité de chose jugée ne peut être opposée que si la demande a lieu entre les mêmes parties ; qu'en décidant que Liberty seguros et le bureau central français devaient supporter le doublement des intérêts infligé à la GMF, la question ayant été tranchée dans un arrêt rendu à leur encontre, mais à la requête de Madame [N], les juges du fond ont violé l'article 1351 ancien devenu 1355 du code civil ; ALORS QUE, deuxièmement, le doublement des intérêts au taux légal sanctionne l'absence de diligences de l'assureur devant fournir une offre d'indemnisation ; qu'en faisant supporter à Liberty seguros et au bureau central français la charge d'assumer le doublement du taux d'intérêt infligé à la société GMF à raison de son absence de diligences, les juges du fond ont violé l'article L 211-13 du code des assurances.
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 6 octobre 2022 M. PIREYRE, président Arrêt n° 1033 F-B Pourvoi n° J 21-14.996 Aide juridictionnelle totale en demande au profit de l'association Justice pour les animaux. Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 1 février 2021. R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 6 OCTOBRE 2022 L'association Justice pour les animaux, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° J 21-14.996 contre l'arrêt rendu le 9 juillet 2020 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-9), dans le litige l'opposant à Mme [V] [Z], domiciliée [Adresse 1], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Brouzes, conseiller référendaire, les observations de la SCP Doumic-Seiller, avocat de l'association Justice pour les animaux, de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de Mme [Z], et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 30 août 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Brouzes, conseiller référendaire rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et M. Carrasco, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 9 juillet 2020), un juge de la mise en état a, le 10 décembre 2018, ordonné à l'association Justice pour les animaux (l'association) de restituer à Mme [Z] 10 chiens et chats dans un délai de huit jours à compter de la décision, sous astreinte de 200 euros par jour de retard. 2. Un juge de l'exécution a liquidé l'astreinte à une certaine somme pour la période du 18 décembre 2018 au 30 janvier 2019. 3. En appel, la cour d'appel, en cours de délibéré, a demandé aux parties de « produire l'acte de signification de l'ordonnance du juge de la mise en état du 20 décembre 2018 et de formuler toutes observations utiles sur le point de départ de l'astreinte, dans la mesure où l'ordonnance du 10 décembre 2018 ne précise pas ce dernier, seul le délai de 8 jours pour restituer les animaux étant indiqué, et où lorsque le juge omet de préciser le point de départ de l'astreinte ou si une décision prévoit que l'astreinte court à compter de sa date, cette dernière ne peut courir qu'à compter de la notification de la décision ou de sa signification ». Examen du moyen Enoncé du moyen 4. L'association fait grief à l'arrêt de liquider l'astreinte prononcée par ordonnance du juge de la mise en état du 10 décembre 2018 sur la période du 20 décembre 2018 au 30 janvier 2019 à la somme de 8 200 euros, alors : « 1°/ que seule une signification à partie régulière et valable peut constituer le point de départ d'une astreinte ; qu'en affirmant que le moyen tiré de l'irrégularité et de la nullité de la signification à partie de l'ordonnance du 10 décembre 2018, soulevé par l'association dans ses notes en délibéré en réponse au soit transmis du 5 juin 2020 invitant les parties à produire l'acte de signification de l'ordonnance afin de déterminer le point de départ de l'astreinte, était irrecevable comme nouveau et sans rapport avec la question posée, la cour d'appel a violé l'article 16 ensemble l'article 678 du code de procédure civile ; 2°/ qu' en l'absence de précision de la décision prononçant une astreinte, le point de départ de celle-ci est la date à laquelle la décision devient exécutoire, soit celle de sa signification à partie ; qu'en matière de procédure avec représentation obligatoire la signification à partie doit être précédée de la signification à avocat ; qu'à défaut, la signification est irrégulière et l'astreinte ne court pas ; qu'en décidant que l'astreinte prononcée par l'ordonnance du 10 décembre 2018 avait commencé à courir à compter du 20 décembre 2018, date de la signification à partie, sans rechercher si cette signification avait été précédée de la notification à avocats requise en matière soumise à représentation obligatoire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 678 du code de procédure civile et R. 131-1 du code des procédures civiles d'exécution. » Réponse de la Cour Vu l'article R. 131-1, alinéa 1er, du code des procédures civiles d'exécution et les articles 678, 442 et 445 du code de procédure civile : 5. Selon le premier de ces textes, l'astreinte prend effet à la date fixée par le juge, laquelle ne peut être antérieure au jour où la décision portant obligation est devenue exécutoire. 6. Il découle des deux derniers de ces textes qu'après la clôture des débats, les parties ne peuvent déposer aucune note à l'appui de leurs observations, à moins qu'elles n'aient été invitées par le président et les juges à fournir les explications de droit ou de fait qu'ils estiment nécessaires ou à préciser ce qui paraît obscur. 7. Pour déclarer irrecevables les moyens tirés de l'irrégularité et de la nullité de la signification de l'ordonnance du 10 décembre 2018 soulevés par l'association dans ses notes en délibéré, l'arrêt, après avoir rappelé que les parties avaient été invitées après la clôture des débats à produire l'acte de signification de cette ordonnance et à formuler toutes observations utiles sur le point de départ de l'astreinte, retient que ces nouveaux moyens sont sans rapport avec la question posée. 8. En statuant ainsi, alors qu'en l'absence de date précise mentionnée par le juge, l'astreinte court à compter du jour de la notification ou de la signification de la décision qui l'a ordonnée, de sorte que la régularité de cet acte est en rapport avec la fixation du point de départ de l'astreinte, la cour d'appel a violé les textes susvisés. Portée et conséquence de la cassation 9. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation de la disposition de l'arrêt liquidant l'astreinte entraîne la cassation des autres chefs de dispositif, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 9 juillet 2020, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée. Condamne Mme [Z] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six octobre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Doumic-Seiller, avocat aux Conseils, pour l'association Justice pour les animaux Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir liquidé l'astreinte prononcée par ordonnance du juge de la mise en état de la 3ème chambre civile du tribunal de grande instance de Nice du 10 décembre 2018 sur la période du 20 décembre 2018 au 30 janvier 2019 à la somme de 8 200 euros. 1) ALORS QUE seule une signification à partie régulière et valable peut constituer le point de départ d'une astreinte ; qu'en affirmant que le moyen tiré de l'irrégularité et de la nullité de la signification à partie de l'ordonnance du 10 décembre 2018, soulevé par l'AJPLA dans ses notes en délibéré en réponse au soit transmis du 5 juin 2020 invitant les parties à produire l'acte de signification de l'ordonnance afin de déterminer le point de départ de l'astreinte, était irrecevable comme nouveau et sans rapport avec la question posée, la cour d'appel a violé l'article 16 ensemble l'article 678 du code de procédure civile ; 2) ALORS QU'en l'absence de précision de la décision prononçant une astreinte, le point de départ de celle-ci est la date à laquelle la décision devient exécutoire, soit celle de sa signification à partie ; qu'en matière de procédure avec représentation obligatoire la signification à partie doit être précédée de la signification à avocat ; qu'à défaut, la signification est irrégulière et l'astreinte ne court pas ; qu'en décidant que l'astreinte prononcée par l'ordonnance du 10 décembre 2018 avait commencé à courir à compter du 20 décembre 2018, date de la signification à partie, sans rechercher si cette signification avait été précédée de la notification à avocats requise en matière soumise à représentation obligatoire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 678 du code de procédure civile et R. 131-1 du code des procédures civiles d'exécution.
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 6 octobre 2022 Cassation partielle M. PIREYRE, président Arrêt n° 1031 F-B Pourvoi n° J 21-15.272 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 6 OCTOBRE 2022 Mme [J] [I], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° J 21-15.272 contre l'ordonnance n° RG 19/17361 rendue le 16 février 2021 par le premier président de la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-11 OP), dans le litige l'opposant : 1°/ à Mme [O] [W], domiciliée [Adresse 3], associée de la société [Adresse 2], 2°/ à la société [Adresse 2], société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 4], défenderesses à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Pradel, conseiller référendaire, les observations de la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de Mme [I], de la SCP Gadiou et Chevallier, avocat de Mme [W], de la société [Adresse 2], et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 30 août 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Pradel, conseiller référendaire rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et M. Carrasco, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Aix-en-Provence, 16 février 2021), Mme [I] a chargé en février 2016, Mme [W], avocate associée au sein de la société [Adresse 2] (la société Alpijuris), de la représenter dans une procédure de divorce. Une convention d'honoraires a été conclue le 25 mars 2016, qui prévoyait un honoraire forfaitaire fixe de 3 000 euros HT, couvrant la première instance, un honoraire du même montant pour l'appel, ainsi qu'un honoraire complémentaire de résultat de 10 % HT calculé sur le montant de la prestation compensatoire. 2. Par un jugement du 7 février 2017, un tribunal de grande instance a prononcé le divorce et octroyé à Mme [I] une certaine somme à titre de prestation compensatoire. Mme [I] a relevé appel de ce jugement et confié la défense de ses intérêts à un autre conseil. 3. Le 2 juin 2017, Mme [I] a saisi le bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Draguignan d'une demande tendant à la contestation d'une facture adressée par la société Alpijuris relative à des honoraires de résultat dans la procédure de divorce. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa deuxième branche Enoncé du moyen 4. Mme [I] fait grief à l'ordonnance de fixer les honoraires dus à Mme [W], avocate associée de la société Alpijuris, à la somme de 5 680 euros HT, soit 6 816 euros TTC, de constater le paiement à l'avocate de la somme de 3 600 euros TTC, et de dire qu'en conséquence elle devrait payer à Mme [W] un solde d'honoraires de 3 216 euros TTC, alors « que le juge ne peut fonder sa décision sur des faits qui ne sont pas dans le débat ; qu'en retenant un taux horaire moyen de 200 euros HT pratiqué par les avocats dans le ressort de la cour d'appel d'Aix-en-Provence pour fixer les honoraires litigieux, quand ce fait n'était pas dans le débat, le premier président a violé l'article 7 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Vu l'article 7 du code de procédure civile : 5. Selon ce texte, le juge ne peut fonder sa décision sur des faits qui ne sont pas dans le débat. 6. Pour fixer les honoraires dûs à Mme [W], l'ordonnance retient qu'à défaut de justification de l'acceptation d'un taux horaire de rémunération de 250 euros HT par Mme [I] et d'une complexité particulière du dossier, il sera fait application d'un taux horaire de 200 euros HT correspondant à la moyenne pratiquée par les avocats dans le ressort de la cour d'appel d'Aix-en-Provence. 7. En statuant ainsi, alors qu'il énonçait que les parties avaient repris oralement à l'audience les termes de leurs écritures et qu'il ne résultait ni de ces écritures ni des pièces de la procédure que le taux horaire moyen pratiqué par les avocats dans le ressort de la cour d'appel d'Aix-en-Provence est de 200 euros HT, le premier président qui a fondé sa décision sur un fait qui n'était pas dans le débat, a violé le texte susvisé. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'elle déclare recevable le recours formé par Mme [I] à l'encontre de la décision du bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Draguignan en date du 2 octobre 2019 et constate le paiement par cette dernière de la somme de 3 600 euros TTC, l'ordonnance rendue le 16 février 2021 entre les parties, par le premier président de la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cette ordonnance et les renvoie devant la juridiction du premier président de la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée. Condamne Mme [W] et la société [Adresse 2] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [W] et la société [Adresse 2] et les condamne à payer à Mme [I] la somme globale de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance partiellement cassée ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six octobre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat aux Conseils, pour Mme [I] Madame [I] fait grief à l'ordonnance infirmative attaquée d'avoir fixé les honoraires dus par elle à maître [W], avocate associée de la Selarl Alpijuris, à la somme de 5 680 euros hors taxes, soit 6 816 euros toutes taxes comprises, d'avoir constaté le paiement par la cliente à l'avocate de la somme de 3 600 euros toutes taxes comprises et d'avoir dit qu'en conséquence la cliente devrait payer à maître [W] un solde d'honoraires de 3 216 euros toutes taxes comprises ; 1) Alors qu'à défaut de convention d'honoraires, l'honoraire est fixé, selon les usages, en fonction de la situation de fortune du client, de la difficulté de l'affaire, des frais exposés par l'avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci ; qu'en se fondant (ordonnance, p. 3, in fine, à p. 4, in limine), pour fixer les honoraires dus par madame [I] à maître [W], sur les diligences effectuées par cette dernière et l'absence de difficulté de l'affaire, sans s'expliquer, comme il y était invité, sur la situation de fortune de la cliente, le premier président a privé sa décision de base légale au regard de l'article 10 de la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971 ; 2) Alors que le juge ne peut fonder sa décision sur des faits qui ne sont pas dans le débat ; qu'en retenant (ordonnance, p. 4, al. 1er) un taux horaire moyen de 200 euros hors taxes pratiqué par les avocats dans le ressort de la cour d'appel d'Aix-en-Provence pour fixer les honoraires litigieux, quand ce fait n'était pas dans le débat, le premier président a violé l'article 7 du code de procédure civile ; 3) Alors, à tout le moins, qu'en ne précisant pas sur quel élément de preuve il se fondait pour considérer (ordonnance, p. 4, al. 1er) que le taux horaire moyen pratiqué par les avocats dans le ressort de la cour d'appel d'Aix-en-Provence était de 200 euros hors taxes, le premier président a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 4) Alors qu'à défaut de convention d'honoraires, l'honoraire est fixé, selon les usages, en fonction de la situation de fortune du client, de la difficulté de l'affaire, des frais exposés par l'avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci ; qu'en se fondant (ordonnance, p. 4, al. 1er) sur le taux horaire moyen pratiqué par les avocats dans le ressort de la cour d'appel d'Aix-en-Provence pour fixer les honoraires litigieux, cependant qu'un tel critère n'est pas au nombre de ceux que le juge de l'honoraire est en droit de considérer pour apprécier les honoraires dus, le premier président a violé l'article 10 de la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971.
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 5 octobre 2022 M. CHAUVIN, président Arrêt n° 703 FS-B Pourvoi n° 21-16.307 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 5 OCTOBRE 2022 La société Entreparticuliers.com, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° 21-16.307 contre l'arrêt rendu le 2 février 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 1), dans le litige l'opposant à la société LBC France, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation. La société LBC France a formé un pourvoi incident éventuel contre le même arrêt. La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, les cinq moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Le Gall, conseiller référendaire, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Entreparticuliers.com, de la SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat de la société LBC France, et l'avis de Mme Mallet-Bricout, avocat général, après débats en l'audience publique du 12 juillet 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Le Gall, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, MM. Mornet, Chevalier, Mmes Kerner-Menay, Bacache-Gibeili, conseillers, Mmes Gargoullaud, Dazzan, Feydeau-Thieffry, M. Serrier, conseillers référendaires, Mme Mallet-Bricout, avocat général, et Mme Tinchon, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 2 février 2021), la société LBC France exploite le site français de petites annonces en ligne « www.leboncoin.fr », à la suite d'un traité d'apport partiel d'actifs conclu le 28 juin 2011 avec la société SCM France, devenue Schibsted France, laquelle a créé ce site en 2006 et l'a exploité jusqu'en 2011. 2. La société Entreparticuliers.com exploite le site internet « www.entreparticuliers.com » qu'elle a créé au cours de l'année 2000 et qui propose aux particuliers un service payant d'hébergement d'annonces essentiellement immobilières. Pour les besoins de son activité, elle est abonnée à un « service de pige immobilière » commercialisé par la société Directannonces qui collecte et transmet quotidiennement à ses abonnés, professionnels de l'immobilier, toutes les nouvelles annonces immobilières publiées par les particuliers sur différents supports, notamment internet. 3. Estimant que ce procédé constitue la mise en place par la société Entreparticuliers.com, aidée de son co-contractant, d'un système d'extraction total, répété et systématique de la base de données immobilière du site « leboncoin.fr », et exposant que, depuis le mois de juin 2011, de nombreux utilisateurs de son site se plaignent de la reprise de leurs annonces sur le site « entreparticuliers.com » sans leur autorisation, la société LBC France a fait procéder, les 5, 6 et 7 octobre 2016, à un constat d'huissier de justice portant sur deux cent quarante-six annonces du site « entreparticuliers.com. », puis a assigné, le 25 avril 2017, la société Entreparticuliers.com afin d'obtenir des mesures indemnitaires et d'interdiction, au visa des articles L. 112-3, L. 341-1 et L. 342-2 du code de la propriété intellectuelle et, subsidiairement, sur le fondement de l'article 1240 du code civil. Examen des moyens Sur le premier moyen du pourvoi principal Enoncé du moyen 4. La société Entreparticuliers.com fait grief à l'arrêt de rejeter l'exception d'irrecevabilité des demandes de la société LBC France formées sur le fondement de la sous-base « immobilier », de dire que le site leboncoin.fr constitue une base de données dont la société LBC France est le producteur, de dire que la société LBC France est producteur de la sous-base de données « immobilier » du site www.leboncoin.fr, de dire qu'elle a procédé à l'extraction et à la réutilisation d'une partie substantielle de la sous-base de données « immobilier » du site leboncoin.fr, d'ordonner, sous astreinte, la cessation de ces agissements, de la condamner à verser à la société LBC France la somme de 50 000 euros en réparation de son préjudice financier et celle de 20 000 euros en réparation de son préjudice d'image, d'ordonner une mesure de publication et de rejeter ses autres demandes, alors : « 1°/ que, si les prétentions présentées pour la première fois en cause d'appel ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent, les prétentions portant sur des droits de propriété intellectuelle distincts, qui n'ont pas le même objet, ne peuvent tendre aux mêmes fins ; que la demande présentée par la société LBC France aux premiers juges tendait à se voir reconnaître un droit sui generis sur la base de données envisagée dans son entier et à en faire sanctionner la violation, tandis que la demande présentée devant la cour d'appel tendait à se voir reconnaître un droit sui generis sur la sous-base de données « immobilier » et à en faire sanctionner la violation ; qu'en affirmant néanmoins, pour rejeter l'exception d'irrecevabilité, que les demandes relatives à la sous-base tendaient aux mêmes fins que celles formulées devant le premier juge, à savoir démontrer le caractère substantiel de l'extraction opérée par la société Entreparticuliers.com, la cour d'appel a violé les articles 564 et 565 du code de procédure civile ; 2°/ qu'en toute hypothèse, les parties doivent, en cause d'appel, présenter, dès leurs premières conclusions, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond ; qu'il n'est fait exception que pour les demandes reconventionnelles et les prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait ; que les demandes de la société LBC France relatives à la sous-base « immobilier » ne figuraient pas dans ses premières conclusions d'appel ; qu'en retenant, pour rejeter néanmoins l'exception d'irrecevabilité, qu'elles tendaient aux mêmes fins que les demandes formulées devant le premier juge, portant sur l'ensemble de la base de données, la cour d'appel, qui a énoncé un motif inopérant, a violé l'article 910-4 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 5. Dès lors que les demandes initiales portaient sur l'ensemble de la base de données et incluaient ainsi la sous-base de données « immobilier », c'est à bon droit que la cour d'appel a retenu que les demandes limitées à cette sous-base n'étaient pas nouvelles et étaient donc recevables en appel. 6. Le moyen, inopérant en sa seconde branche, n'est pas fondé pour le surplus. Sur le deuxième moyen du pourvoi principal Enoncé du moyen 7. La société Entreparticuliers.com fait grief à l'arrêt de dire que le site leboncoin.fr constitue une base de données dont la société LBC France est le producteur, de dire que la société LBC France est producteur de la sous-base de données « immobilier » du site www.leboncoin.fr, de dire qu'elle a procédé à l'extraction et à la réutilisation d'une partie substantielle de la sous-base de données « immobilier » du site leboncoin.fr, d'ordonner, sous astreinte, la cessation de ces agissements, de la condamner à verser à la société LBC France la somme de 50 000 euros en réparation de son préjudice financier et celle de 20 000 euros en réparation de son préjudice d'image, d'ordonner une mesure de publication et de rejeter ses autres demandes, alors : « 1°/ que l'article 8-1 du traité d'apport partiel d'actifs du 28 juin 2011 stipulait que « SCM France est régulièrement propriétaire ou bénéficiaire du droit d'usage des droits de propriété intellectuelle se rapportant à la branche d'activité et s'engage à consentir à LBC France une licence d'exploitation des droits de propriété intellectuelle incluant en particulier la marque « leboncoin.fr », « vendez achetez près de chez vous » et les noms de domaine « leboncoin.fr », « leboncoin.com » moyennant une contrepartie financière faisant l'objet d'un contrat distinct » ; qu'il s'en déduisait que la société SCM France s'était réservé l'ensemble des droits de propriété intellectuelle afférents à la branche d'activité apportée ; qu'en affirmant, au contraire, que cette clause ne pouvait s'analyser comme réservant à la société SCM France le bénéfice des droits sui generis du producteur de base de données, la cour d'appel en a dénaturé les stipulations claires et précises, en violation de l'obligation faite au juge de ne pas dénaturer les écrits qui lui sont soumis ; 2°/ que, dans le cas où une base de données protégée fait l'objet d'un nouvel investissement substantiel, sa protection expire quinze ans après le 1er janvier de l'année civile suivant celle de ce nouvel investissement ; que la personne qui, sans être le producteur initial d'une base de données, consent des investissements pour l'entretenir et la renouveler, n'est pas admise à invoquer la prorogation d'une protection dont elle n'est pas investie, n'ayant pas pris l'initiative et le risque de la création ; qu'en se fondant sur l'article L. 342-5 du code de la propriété intellectuelle pour affirmer le droit sui generis de la société LBC sur une base de données qu'elle n'a pas créée, la cour d'appel a violé ce texte par fausse application ; 3°/ que la personne qui réalise des investissements sur une base de données dont il n'est pas le producteur initial ne peut invoquer la protection du droit sui generis qu'en démontrant qu'il en est résulté une nouvelle base de données éligible à la protection du droit sui generis sur les bases de données ; qu'en reconnaissant à la société LBC France la qualité de producteur de la base de données litigieuse, sans rechercher si les investissements qu'elle avait consentis depuis le traité d'apport partiel d'actifs du 28 juin 2011 avaient abouti à la constitution d'une nouvelle base de données éligible, en elle-même, à la protection légale, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 341-1 du code de la propriété intellectuelle, interprété à la lumière des articles 7 et 10 de la directive 96/9/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mars 1996 concernant la protection juridique des bases de données ; 4°/ qu'en toute hypothèse, la personne qui réalise des investissements sur une base de données existante ne peut invoquer une durée de protection propre qu'en démontrant que ces investissements sont substantiels et qu'il en est résulté une modification substantielle de la base de données initiale ; qu'en reconnaissant à la société LBC France la qualité de producteur de la base de données litigieuse, sans rechercher si les investissements qu'elle avait consentis depuis le traité d'apport partiel d'actifs du 28 juin 2011 avaient conduit à une modification substantielle de la base de données initiale, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 341-1 et L. 342-5 du code de la propriété intellectuelle, interprétés à la lumière des articles 7 et 10 de la directive 96/9/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mars 1996 concernant la protection juridique des bases de données. » Réponse de la Cour 8. Après avoir retenu que la société LBC France avait acquis, par le traité d'apport partiel d'actifs du 28 juin 2011, la propriété des éléments d'actifs constituant la branche d'activité d'exploitation du site internet « leboncoin.fr » et qu'elle avait procédé pour la constitution, la vérification et la présentation de la base de données à de nouveaux investissements financiers, matériels et humains substantiels au sens des articles L. 341-1 et L. 342-5 du code de la propriété intellectuelle, du fait de leur nature et de leur montant, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à la recherche visée par la troisième branche et qui a procédé à celle invoquée par la quatrième, en a exactement déduit que la société LBC France était fondée à invoquer la protection de cette base de données. 9. Le moyen, irrecevable en sa première branche en l'absence de production du contrat d'apport partiel d'actifs consenti par la société SCM France à la société LBC France, n'est pas fondé pour le surplus. Sur le troisième moyen du pourvoi principal Enoncé du moyen 10. La société Entreparticuliers.com fait le même grief à l'arrêt, alors : « 1°/ que la notion d'investissement lié à l'obtention du contenu d'une base de données s'entend comme désignant les moyens consacrés à la recherche d'éléments existants et à leur rassemblement dans ladite base et ne comprend pas les moyens mis en oeuvre pour la création des éléments constitutifs du contenu d'une base de données ; qu'en tenant compte, au titre des investissements liés à la constitution de la base de données, des dépenses de communication consenties par la société LBC France pour inciter les consommateurs à créer leurs annonces, la cour d'appel a violé les articles L. 341-1 et L. 342-5 du code de la propriété intellectuelle, interprétés à la lumière des articles 7 et 10 de la directive 96/9/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mars 1996 concernant la protection juridique des bases de données ; 2°/ que la notion d'investissement lié à l'obtention du contenu d'une base de données s'entend comme désignant les moyens consacrés à la recherche d'éléments existants et à leur rassemblement dans ladite base et ne comprend pas les moyens mis en oeuvre pour la création des éléments constitutifs du contenu d'une base de données ; qu'en tenant compte, au titre des investissements liés à la constitution de la base de données, des dépenses de stockage consenties par la société LBC France, la cour d'appel a de nouveau violé les articles L. 341-1 et L. 342-5 du code de la propriété intellectuelle, interprétés à la lumière des articles 7 et 10 de la directive 96/9/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mars 1996 concernant la protection juridique des bases de données ; 3°/ que la notion d'investissement lié à la vérification du contenu de la base de données doit être comprise comme visant les moyens consacrés, en vue d'assurer la fiabilité de l'information contenue dans ladite base, au contrôle de l'exactitude des éléments recherchés, lors de la constitution de cette base ainsi que pendant la période de fonctionnement de celle-ci ; que les moyens consacrés à des opérations de vérification au cours de la phase de création de données ou d'autres éléments par la suite rassemblés dans une base constituent, en revanche, des moyens relatifs à cette création et ne peuvent dès lors être pris en compte aux fins d'apprécier l'existence d'un investissement substantiel ; qu'en retenant, au titre des dépenses engagées par la société LBC France pour la vérification des données, les coûts salariaux afférents à l'équipe « serenity », bien que la vérification opérée par le logiciel « serenity » intervienne au stade de la création des données, la cour d'appel a violé les articles L. 341-1 et L. 342-5 du code de la propriété intellectuelle, interprétés à la lumière des articles 7 et 10 de la directive 96/9/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mars 1996 concernant la protection juridique des bases de données ; 4°/ que la notion d'investissement lié à la vérification du contenu de la base de données doit être comprise comme visant les moyens consacrés au contrôle de l'exactitude des données ; qu'acceptant de prendre en considération les coûts salariaux des équipes « serenity » et « fraude et modération » sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si le contrôle qu'elles opéraient sur les annonces des internautes n'était pas limité à la détection des fraudes et illégalités, à l'exclusion de l'exactitude des informations, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 341-1 et L. 342-5 du code de la propriété intellectuelle, interprétés à la lumière des articles 7 et 10 de la directive 96/9/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mars 1996 concernant la protection juridique des bases de données ; 5°/ que la notion d'investissement dans la présentation du contenu de la base de données comprend les moyens visant à conférer à ladite base sa fonction de traitement de l'information, à savoir ceux consacrés à la disposition systématique ou méthodique des éléments contenus dans cette base ainsi qu'à l'organisation de leur accessibilité individuelle, en dehors de la création des données ; qu'en acceptant de prendre en considération les dépenses liées à la classification des annonces des internautes et à l'organisation du site internet www.leboncoin.fr en arborescence, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si une telle présentation n'était pas étroitement liée à la création même des annonces des internautes, la cour d'appel a de nouveau privé sa décision de base légale au regard des articles L. 341-1 et L. 342-5 du code de la propriété intellectuelle, interprétés à la lumière des articles 7 et 10 de la directive 96/9/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mars 1996 concernant la protection juridique des bases de données. » Réponse de la Cour 11. Par quatre arrêts du 9 novembre 2004 (C-203/02, C-46/02, C-338/02, C-444/02), la Cour de justice des Communautés européennes a dit pour droit que la notion d'investissement lié à l'obtention du contenu de la base de données doit s'entendre comme désignant les moyens consacrés à la recherche d'éléments existants et à leur rassemblement dans ladite base, à l'exclusion des moyens mis en oeuvre pour la création des éléments constitutifs d'une base de données, le titulaire d'une base de données devant dès lors justifier d'un investissement autonome par rapport à celui que requiert la création des données contenues dans la base dont il demande la protection. 12. C'est à bon droit et après avoir procédé aux recherches prétendument omises que la cour d'appel a retenu pour l'attribution de la protection sui generis : - au titre d'un investissement lié à l'obtention du contenu de la base de données, les investissements de communication comme ayant pour but de rechercher et de collecter un grand nombre d'annonces auprès d'internautes, ainsi que les dépenses de stockage comme étant nécessaires au regard des flux d'annonces entrants, du volume des informations à enregistrer et des exigences de temps de consultation imposant des infrastructures informatiques de stockage sophistiquées et coûteuses, du stockage des annonces selon une organisation rigoureuse constituée de seize tables de stockage, et de l'enregistrement et du stockage de toutes les modifications dont la traçabilité de 100 % est assurée, les données étant indexées de façon à ce que les résultats de recherche puissent s'afficher dans des temps très courts ; - au titre d'un investissement lié à la vérification du contenu de la base de données, les dépenses afférentes au logiciel serenity, les opérations de vérification des annonces du site leboncoin.fr étant effectuées, d'une part, une fois que l'annonce est déposée par l'annonceur, par l'intermédiaire de ce logiciel de filtrage, d'autre part, a posteriori, par une équipe chargée de la modération ; - au titre d'un investissement lié à la présentation du contenu de la base de données, les dépenses liées à la classification des annonces, laquelle est opérée selon dix catégories qui sont ensuite divisées en sous-catégories, puis en critères de recherche spécifiques pour chaque sous-catégorie, selon une arborescence détaillée qui rassemble et organise près de vingt-huit millions d'annonces avec une moyenne de huit cent mille nouvelles annonces quotidiennes, la base étant mise à jour et en conformité par l'équipe « produits ». 13. Le moyen n'est donc pas fondé. Sur le quatrième moyen du pourvoi principal Enoncé du moyen 14. La société Entreparticuliers.com fait encore le même grief à l'arrêt, alors : « 1°/ que la notion d'investissement lié à l'obtention du contenu d'une base de données s'entend comme désignant les moyens consacrés à la recherche d'éléments existants et à leur rassemblement dans ladite base et ne comprend pas les moyens mis en oeuvre pour la création des éléments constitutifs du contenu d'une base de données ; qu'en tenant compte, au titre des investissements liés à la constitution de la sous-base de données « immobilier », des dépenses de communication consenties par la société LBC France pour inciter les consommateurs à créer leurs annonces immobilières, la cour d'appel a violé les articles L. 341-1 et L. 342-5 du code de la propriété intellectuelle, interprétés à la lumières des articles 7 et 10 de la directive 96/9/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mars 1996 concernant la protection juridique des bases de données ; 2°/ que l'objectif du droit sui generis est de garantir une protection contre l'appropriation des résultats obtenus de l'investissement financier et professionnel consenti par la personne qui a recherché et rassemblé le contenu d'une base de données ; qu'il s'en déduit que l'acquisition d'une base de données existante ne peut s'analyser en un investissement de constitution ; qu'en tenant compte, au titre des dépenses de constitution de la sous-base de données « immobilier », de l'acquisition par la société LBC France du site de la société A vendre à louer exploitant un site d'annonce immobilières, la cour d'appel a de nouveau violé les articles L. 341-1 et L. 342-5 du code de la propriété intellectuelle, interprétés à la lumière des articles 7 et 10 de la directive 96/9/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mars 1996 concernant la protection juridique des bases de données ; 3°/ qu'une sous-base de données n'est éligible à la protection du droit sui generis qu'autant qu'elle résulte, en elle-même d'investissements financiers, matériels et humains substantiels au sens de l'article L. 341-1 du code de la propriété intellectuelle ; qu'en se bornant à affirmer que les annonces immobilières constituent 10 % des annonces de la base de données de la société LBC France, de sorte qu'une partie peut être évaluée à 10 % des investissements substantiels engagés par la société LBC France pour la constitution, la vérification et la présentation du contenu de sa base de données se rapportent au contenu de la sous-base de données « immobilier », sans démontrer que la sous-base de données « immobilier » avait donné lieu à des investissements substantiels propres et autonomes, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 341-1 et L. 342-5 du code de la propriété intellectuelle, interprétés à la lumière des articles 7 à 10 de la directive 96/9/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mars 1996 concernant la protection juridique des bases de données. » Réponse de la Cour 15. Ayant examiné les investissements réalisés au titre de la sous-base de données « immobilier » et retenu que la société LBC France justifiait avoir investi, de 2014 à 2016, une somme de plus de 4,9 millions d'euros dans les campagnes de publicité ciblées en matière immobilière, ce qui avait permis de collecter un grand nombre d'annonces immobilières créées par des internautes, avoir acquis pour un montant de 19,8 millions d'euros une société exploitant un site d'annonces immobilières en ligne, ce qui avait permis d'enrichir sa sous-base de données « immobilier », et qu'une part pouvant être évaluée à 10 % des investissements substantiels engagés pour la constitution, la vérification et la présentation de la base de données se rapportait au contenu de la sous-base de données « immobilier », la cour d'appel en a déduit à bon droit que celle-ci devait bénéficier de la protection au titre de la sous-base. 16. Le moyen n'est donc pas fondé. Sur le cinquième moyen du pourvoi principal Enoncé du moyen 17. La société Entreparticuliers.com fait grief à l'arrêt de dire qu'elle a procédé à l'extraction et à la réutilisation d'une partie substantielle de la sous-base de données « immobilier » du site leboncoin.fr, d'ordonner, sous astreinte, la cessation de ces agissements, de la condamner à verser à la société LBC France la somme de 50 000 euros en réparation de son préjudice financier et celle de 20 000 euros en réparation de son préjudice d'image, d'ordonner une mesure de publication et de rejeter ses autres demandes, alors : « 1°/ qu'à défaut de transfert permanent ou temporaire de données, le renvoi à une base de données par la mention d'un lien hypertexte n'excède pas la simple prestation technique d'indexation de contenus et ne saurait constituer un acte d'extraction ; qu'en décidant, au contraire, que les onglets renvoyant vers le site leboncoin.fr pour les coordonnées de l'annonceur constituaient une indexation procédant d'une extraction prohibée, la cour d'appel a violé l'article L. 342-1 du code de la propriété intellectuelle, interprété à la lumière de l'article 7 de la directive 96/9/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mars 1996 concernant la protection juridique des bases de données ; 2°/ que constitue une partie qualitativement substantielle d'une base de données les éléments extraits ou réutilisés qui, en eux-mêmes représentent, en termes d'obtention, de vérification ou de présentation, un important investissement humain, technique ou financier ; qu'en se bornant à relever, pour affirmer l'existence d'une réutilisation d'une partie qualitativement substantielle de la sous-base de données « immobilier », que cette dernière avait nécessité des investissements substantiels, sans rechercher les éléments réutilisés représentaient en eux-mêmes un investissement important, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 342-1 du code de la propriété intellectuelle, interprété à la lumière de l'article 7 de la directive 96/9/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mars 1996 concernant la protection juridique des bases de données. » Réponse de la Cour 18. La cour d'appel a retenu que les annonces immobilières du site « entreparticuliers.com » reprenaient toutes les informations relatives au bien immobilier, s'agissant de la localisation, la surface, le prix, la description et la photographie du bien, qui sont les critères essentiels des annonces du site leboncoin.fr, et qu'en exécution du contrat de pige immobilière conclu avec la société Directannonces, la société Entreparticuliers.com s'était vu transférer toutes les annonces immobilières de vente du site leboncoin.fr. 19. Sans être tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, elle en a justement déduit que la société Entreparticuliers.com avait procédé à l'extraction et la réutilisation d'une partie qualitativement substantielle du contenu de la sous-base de données « immobilier » de la société LBC France. 20. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le pourvoi incident qui n'est qu'éventuel, la Cour : REJETTE le pourvoi principal ; Condamne la société Entreparticuliers.com aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Entreparticuliers.com et la condamne à payer à la société LBC France la somme de 5 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq octobre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour la société Entreparticuliers.com, demanderesse au pourvoi principal. PREMIER MOYEN DE CASSATION (sur la recevabilité des demandes de la société LBC France fondées sur la sous-base de données « immobilier ») La société Entreparticuliers.com reproche tout d'abord à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté l'exception d'irrecevabilité des demandes de la société LBC France formées sur le fondement de la sous-base « immobilier », dit que le site www.leboncoin.fr constituait une base de données dont la société LBC France était le producteur, dit que la société LBC France est producteur de la sous-base de données « immobilier » du site www.leboncoin.fr, dit que la société Entreparticuliers.com a procédé à l'extraction et à la réutilisation d'une partie substantielle de la sous-base de données « immobilier » du site www.leboncoin.fr, ordonné, sous astreinte, la cessation de ces agissements, condamné la société Entreparticuliers.com à verser à la société LBC France la somme de 50 000 € en réparation de son préjudice financier et de 20 000 € en réparation de son préjudice d'image, ordonné une mesure de publication et rejeté les autres demandes de la société Entreparticuliers.com, 1) ALORS QUE, que, si les prétentions présentées pour la première fois en cause d'appel ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent, les prétentions portant sur des droits de propriété intellectuelle distincts, qui n'ont pas le même objet, ne peuvent tendre aux mêmes fins ; que la demande présentée par la société LBC France aux premiers juges tendait à se voir reconnaître un droit sui generis sur la base de données envisagée dans son entier et à en faire sanctionner la violation, tandis que la demande présentée devant la cour d'appel tendait à se voir reconnaître un droit sui generis sur la sous-base de données « immobilier » et à en faire sanctionner la violation ; qu'en affirmant néanmoins, pour rejeter l'exception d'irrecevabilité, que les demandes relatives à la sous-base tendaient aux mêmes fins que celles formulées devant le premier juge, à savoir démontrer le caractère substantiel de l'extraction opérée par la société Entreparticuliers.com, la cour d'appel a violé les articles 564 et 565 du code de procédure civile ; 2) ALORS QU' en toute hypothèse, les parties doivent, en cause d'appel, présenter, dès leurs premières conclusions, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond ; qu'il n'est fait exception que pour les demandes reconventionnelles et les prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait ; que les demandes de la société LBC France relatives à la sous-base « immobilier » ne figuraient pas dans ses premières conclusions d'appel ; qu'en retenant, pour rejeter néanmoins l'exception d'irrecevabilité, qu'elles tendaient aux mêmes fins que les demandes formulées devant le premier juge, portant sur l'ensemble de la base de données, la cour d'appel, qui a énoncé un motif inopérant, a violé l'article 910-4 du code de procédure civile. DEUXIEME MOYEN DE CASSATION (sur la qualité de producteur de base de données de la société LBC France) La société Entreparticuliers.com reproche ensuite à l'arrêt attaqué d'avoir dit que le site www.leboncoin.fr constituait une base de données dont la société LBC France était le producteur, dit que la société LBC France est producteur de la sous-base de données « immobilier » du site www.leboncoin.fr, dit que la société Entreparticuliers.com a procédé à l'extraction et à la réutilisation d'une partie substantielle de la sous-base de données « immobilier » du site www.leboncoin.fr, ordonné, sous astreinte, la cessation de ces agissements, condamné la société Entreparticuliers.com à verser à la société LBC France la somme de 50 000 € en réparation de son préjudice financier et de 20 000 € en réparation de son préjudice d'image, ordonné une mesure de publication et rejeté les autres demandes de la société Entreparticuliers.com, 1) ALORS QUE l'article 8-1 du traité d'apport partiel d'actifs du 28 juin 2011 stipulait que « SCM France est régulièrement propriétaire ou bénéficiaire du droit d'usage des droits de propriété intellectuelle se rapportant à la branche d'activité et s'engage à consentir à LBC France une licence d'exploitation des droits de propriété intellectuelle incluant en particulier la marque "leboncoin.fr", "vendez achetez près de chez vous" et les noms de domaine "leboncoin.fr", "leboncoin.com" moyennant une contrepartie financière faisant l'objet d'un contrat distinct » ; qu'il s'en déduisait que la société SCM France s'était réservé l'ensemble des droits de propriété intellectuelle afférents à la branche d'activité apportée ; qu'en affirmant, au contraire, que cette clause ne pouvait s'analyser comme réservant à la société SCM France le bénéfice des droits sui generis du producteur de base de données, la cour d'appel en a dénaturé les stipulations claires et précises, en violation de l'obligation faite au juge de ne pas dénaturer les écrits qui lui sont soumis ; 2) ALORS QUE, dans le cas où une base de données protégée fait l'objet d'un nouvel investissement substantiel, sa protection expire quinze ans après le 1er janvier de l'année civile suivant celle de ce nouvel investissement ; que la personne qui, sans être le producteur initial d'une base de données, consent des investissements pour l'entretenir et la renouveler, n'est pas admise à invoquer la prorogation d'une protection dont elle n'est pas investie, n'ayant pas pris l'initiative et le risque de la création ; qu'en se fondant sur l'article L. 342-5 du code de la propriété intellectuelle pour affirmer le droit sui generis de la société LBC sur une base de données qu'elle n'a pas créée, la cour d'appel a violé ce texte par fausse application ; 3) ALORS QUE la personne qui réalise des investissements sur une base de données dont il n'est pas le producteur initial ne peut invoquer la protection du droit sui generis qu'en démontrant qu'il en est résulté une nouvelle base de données éligible à la protection du droit sui generis sur les bases de données ; qu'en reconnaissant à la société LBC France la qualité de producteur de la base de données litigieuse, sans rechercher si les investissements qu'elle avait consentis depuis le traité d'apport partiel d'actifs du 28 juin 2011 avaient abouti à la constitution d'une nouvelle base de données éligible, en elle-même, à la protection légale, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 341-1 du code de la propriété intellectuelle, interprété à la lumière des articles 7 et 10 de la directive 96/9/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mars 1996 concernant la protection juridique des bases de données ; 4) ALORS QU' en toute hypothèse, la personne qui réalise des investissements sur une base de données existante ne peut invoquer une durée de protection propre qu'en démontrant que ces investissements sont substantiels et qu'il en est résulté une modification substantielle de la base de données initiale ; qu'en reconnaissant à la société LBC France la qualité de producteur de la base de données litigieuse, sans rechercher si les investissements qu'elle avait consentis depuis le traité d'apport partiel d'actifs du 28 juin 2011 avaient conduit à une modification substantielle de la base de données initiale, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 341-1 et L. 342-5 du code de la propriété intellectuelle, interprétés à la lumière des articles 7 et 10 de la directive 96/9/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mars 1996 concernant la protection juridique des bases de données. TROISIEME MOYEN DE CASSATION (sur les investissements liés à la constitution, à la vérification et à la présentation de la base de données) La société Entreparticuliers.com reproche encore à l'arrêt attaqué d'avoir dit que le site www.leboncoin.fr constituait une base de données dont la société LBC France était le producteur, dit que la société LBC France est producteur de la sous-base de données « immobilier » du site www.leboncoin.fr, dit que la société Entreparticuliers.com a procédé à l'extraction et à la réutilisation d'une partie substantielle de la sous-base de données « immobilier » du site www.leboncoin.fr, ordonné, sous astreinte, la cessation de ces agissements, condamné la société Entreparticuliers.com à verser à la société LBC France la somme de 50 000 € en réparation de son préjudice financier et de 20 000 € en réparation de son préjudice d'image, ordonné une mesure de publication et rejeté les autres demandes de la société Entreparticuliers.com, 1) ALORS QUE la notion d'investissement lié à l'obtention du contenu d'une base de données s'entend comme désignant les moyens consacrés à la recherche d'éléments existants et à leur rassemblement dans ladite base et ne comprend pas les moyens mis en oeuvre pour la création des éléments constitutifs du contenu d'une base de données ; qu'en tenant compte, au titre des investissements liés à la constitution de la base de données, des dépenses de communication consenties par la société LBC France pour inciter les consommateurs à créer leurs annonces, la cour d'appel a violé les articles L. 341-1 et L. 342-5 du code de la propriété intellectuelle, interprétés à la lumière des articles 7 et 10 de la directive 96/9/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mars 1996 concernant la protection juridique des bases de données ; 2) ALORS QUE la notion d'investissement lié à l'obtention du contenu d'une base de données s'entend comme désignant les moyens consacrés à la recherche d'éléments existants et à leur rassemblement dans ladite base et ne comprend pas les moyens mis en oeuvre pour la création des éléments constitutifs du contenu d'une base de données ; qu'en tenant compte, au titre des investissements liés à la constitution de la base de données, des dépenses de stockage consenties par la société LBC France, la cour d'appel a de nouveau violé les articles L. 341-1 et L. 342-5 du code de la propriété intellectuelle, interprétés à la lumière des articles 7 et 10 de la directive 96/9/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mars 1996 concernant la protection juridique des bases de données ; 3) ALORS QUE la notion d'investissement lié à la vérification du contenu de la base de données doit être comprise comme visant les moyens consacrés, en vue d'assurer la fiabilité de l'information contenue dans ladite base, au contrôle de l'exactitude des éléments recherchés, lors de la constitution de cette base ainsi que pendant la période de fonctionnement de celle-ci ; que les moyens consacrés à des opérations de vérification au cours de la phase de création de données ou d'autres éléments par la suite rassemblés dans une base constituent, en revanche, des moyens relatifs à cette création et ne peuvent dès lors être pris en compte aux fins d'apprécier l'existence d'un investissement substantiel ; qu'en retenant, au titre des dépenses engagées par la société LBC France pour la vérification des données, les coûts salariaux afférents à l'équipe « serenity », bien que la vérification opérée par le logiciel « serenity » intervienne au stade de la création des données, la cour d'appel a violé les articles L. 341-1 et L. 342-5 du code de la propriété intellectuelle, interprétés à la lumière des articles 7 et 10 de la directive 96/9/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mars 1996 concernant la protection juridique des bases de données ; 4) ALORS QUE la notion d'investissement lié à la vérification du contenu de la base de données doit être comprise comme visant les moyens consacrés au contrôle de l'exactitude des données ; qu'acceptant de prendre en considération les coûts salariaux des équipes « serenity » et « fraude et modération » sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si le contrôle qu'elles opéraient sur les annonces des internautes n'était pas limité à la détection des fraudes et illégalités, à l'exclusion de l'exactitude des informations, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 341-1 et L. 342-5 du code de la propriété intellectuelle, interprétés à la lumière des articles 7 et 10 de la directive 96/9/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mars 1996 concernant la protection juridique des bases de données ; 5) ALORS QUE la notion d'investissement dans la présentation du contenu de la base de données comprend les moyens visant à conférer à ladite base sa fonction de traitement de l'information, à savoir ceux consacrés à la disposition systématique ou méthodique des éléments contenus dans cette base ainsi qu'à l'organisation de leur accessibilité individuelle, en dehors de la création des données ; qu'en acceptant de prendre en considération les dépenses liées à la classification des annonces des internautes et à l'organisation du site internet www.leboncoin.fr en arborescence, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si une telle présentation n'était pas étroitement liée à la création même des annonces des internautes, la cour d'appel a de nouveau privé sa décision de base légale au regard des articles L. 341-1 et L. 342-5 du code de la propriété intellectuelle, interprétés à la lumière des articles 7 et 10 de la directive 96/9/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mars 1996 concernant la protection juridique des bases de données. QUATRIEME MOYEN DE CASSATION (sur le caractère protégeable de la sous-base de données « immobilier ») La société Entreparticuliers.com reproche encore à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la société LBC France est producteur de la sous-base de données « immobilier » du site www.leboncoin.fr, dit que la société Entreparticuliers.com a procédé à l'extraction et à la réutilisation d'une partie substantielle de la sous-base de données « immobilier » du site www.leboncoin.fr, ordonné, sous astreinte, la cessation de ces agissements, condamné la société Entreparticuliers.com à verser à la société LBC France la somme de 50 000 € en réparation de son préjudice financier et de 20 000 € en réparation de son préjudice d'image, ordonné une mesure de publication et rejeté les autres demandes de la société Entreparticuliers.com, 1) ALORS QUE la notion d'investissement lié à l'obtention du contenu d'une base de données s'entend comme désignant les moyens consacrés à la recherche d'éléments existants et à leur rassemblement dans ladite base et ne comprend pas les moyens mis en oeuvre pour la création des éléments constitutifs du contenu d'une base de données ; qu'en tenant compte, au titre des investissements liés à la constitution de la sous-base de données « immobilier », des dépenses de communication consenties par la société LBC France pour inciter les consommateurs à créer leurs annonces immobilières, la cour d'appel a violé les articles L. 341-1 et L. 342-5 du code de la propriété intellectuelle, interprétés à la lumières des articles 7 et 10 de la directive 96/9/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mars 1996 concernant la protection juridique des bases de données ; 2) ALORS QUE l'objectif du droit sui generis est de garantir une protection contre l'appropriation des résultats obtenus de l'investissement financier et professionnel consenti par la personne qui a recherché et rassemblé le contenu d'une base de données ; qu'il s'en déduit que l'acquisition d'une base de données existante ne peut s'analyser en un investissement de constitution ; qu'en tenant compte, au titre des dépenses de constitution de la sous-base de données « immobilier », de l'acquisition par la société LBC France du site de la société A vendre à louer exploitant un site d'annonce immobilières, la cour d'appel a de nouveau violé les articles L. 341-1 et L. 342-5 du code de la propriété intellectuelle, interprétés à la lumière des articles 7 et 10 de la directive 96/9/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mars 1996 concernant la protection juridique des bases de données ; 3) ALORS QU' une sous-base de données n'est éligible à la protection du droit sui generis qu'autant qu'elle résulte, en elle-même d'investissements financiers, matériels et humains substantiels au sens de l'article L. 341-1 du code de la propriété intellectuelle ; qu'en se bornant à affirmer que les annonces immobilières constituent 10% des annonces de la base de données de la société LBC France, de sorte qu'une partie peut être évaluée à 10% des investissements substantiels engagés par la société LBC France pour la constitution, la vérification et la présentation du contenu de sa base de données se rapportent au contenu de la sous-base de données "immobilier", sans démontrer que la sous-base de données « immobilier » avait donné lieu à des investissements substantiels propres et autonomes, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 341-1 et L. 342-5 du code de la propriété intellectuelle, interprétés à la lumière des articles 7 à 10 de la directive 96/9/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mars 1996 concernant la protection juridique des bases de données. CINQUIEME MOYEN DE CASSATION (sur l'extraction et la réutilisation de la sous-base de données « immobilier ») La société Entreparticuliers.com reproche enfin à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la société Entreparticuliers.com a procédé à l'extraction et à la réutilisation d'une partie substantielle de la sous-base de données « immobilier » du site www.leboncoin.fr, ordonné, sous astreinte, la cessation de ces agissements, condamné la société Entreparticuliers.com à verser à la société LBC France la somme de 50 000 € en réparation de son préjudice financier et de 20 000 € en réparation de son préjudice d'image, ordonné une mesure de publication et rejeté les autres demandes de la société Entreparticuliers.com, 1) ALORS QU' à défaut de transfert permanent ou temporaire de données, le renvoi à une base de données par la mention d'un lien hypertexte n'excède pas la simple prestation technique d'indexation de contenus et ne saurait constituer un acte d'extraction ; qu'en décidant, au contraire, que les onglets renvoyant vers le site leboncoin.fr pour les coordonnées de l'annonceur constituaient une indexation procédant d'une extraction prohibée, la cour d'appel a violé l'article L. 342-1 du code de la propriété intellectuelle, interprété à la lumière de l'article 7 de la directive 96/9/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mars 1996 concernant la protection juridique des bases de données ; 2) ALORS QUE constitue une partie qualitativement substantielle d'une base de données les éléments extraits ou réutilisés qui, en eux-mêmes représentent, en termes d'obtention, de vérification ou de présentation, un important investissement humain, technique ou financier ; qu'en se bornant à relever, pour affirmer l'existence d'une réutilisation d'une partie qualitativement substantielle de la sous-base de données « immobilier », que cette dernière avait nécessité des investissements substantiels, sans rechercher les éléments réutilisés représentaient en eux-mêmes un investissement important, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 342-1 du code de la propriété intellectuelle, interprété à la lumière de l'article 7 de la directive 96/9/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mars 1996 concernant la protection juridique des bases de données.